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Full text of "Anthropologie"

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L'ANTHROPOLOGIE 


CONDITIONS  DE  LA   PUBLICATION 

L'Anthropologie  paraît  tous  les  deux  mois. 

PRIX   DE  L'ABONNEMENT  ANNUEL  : 

France,  35  francs.  —  Etranger,  40  francs. 

Prix  du  numéro  :  7  fr. 


Ângerf.  Imp.  Hurhin.  —  F.  GàULTiM  et  A.  Thkbbrt,  Successeur» 


a* 


MATERIAUX     POUR     L'HISTOIRE     DE     L'HOMME 
REVUE     D'ANTHROPOLOGIE    —     REVUE    D'ETHNOGRAPHIE 

RÉUNIS 


L'ANTHROPOLOGIE 

Paraissant  tous  les  deux  mois 

RÉDACTEURS  EN    CHEF 

MM.     BOULE    —    VERNEAU 

PRINCIPAUX     COLLABORATEURS 

MM.  BEGOUEN  —  BREUIL  —  CARTAILHAG    —   COLLIGNON   —  HUBERT 

LALANNE  -   NEUVILLE  —  PALLARY  —  S.  REINACH  -  RIVET 

PIROUTET  —  Prince  BONAPARTE  —  DE  ZELTNBH 


TOME     VINGT-NEUVIEME 
ANNÉES  1918-1919 


PARIS 

MASSON    ET    O,     ÉDITEURS 

LIBRAIRES       DE       L'ACADÉMIE       DE       MÉDECINE 
120,    BOULEVARD    SAJNT-OKRMA1N,    120. 

Ce  fascicule  a  été  publié  en  janvier  I9i<). 


/ 
t.  2°i 


L'ANTHROPOLOGIK 


MEMOIRES  ORIGINAUX 


LES  PEINTURES  RUPESTRES 

DE  LA.  PÉNINSULE  IBÉRIQUE  ' 


IX 
LA  VALLÉE  PEINTE  DES  BATUEGAS  (salàmanca) 


pau 


L'ABBÉ  H.   BREUIL 
Professeur  à  l'Institut  «le  Paléontologie  Humaine 


« ien-v  planches 


1.  — Las  Batuecas  et  Las  Hurdes.   Situation. 

Entre  les  larges  vallées  du  Tage  et  du  Douro,  continuant  à  l'ouest 
les  chaînons  échelonnés  du  Guadarrama  et  de  la  Sierra  de 
(.iredos,  et  formant  trait  d'union  entre  elles  et  la  Sierra  portugaise 
de  Estrella,  court  de  l'O.-S.-O.  à  FE.-N.-E.  la  Sierra  de  Gâta,  dont 
le  versant  nord  descend  doucement  en  plateau  onduleux  vers  Ciu- 
da'd  Rodrigo,  tandis  que  de  nombreux  torrents  dévalant  sur  son 
versant  méridional  découpent  dans  ses  terrains  archéens,  grès  à 
cassures  spatiques  avec  zones  d'ardoises,  une  foule  de  gorges  sau- 
vages et  solitaires. 

(1)  Voir    L'Anthropologie,   t.   XX,  p.    I,    t.    XXli,  p.  6it  :  XVtll,   p.  529;    F.XXVF, 
p.  313. 

l'anthropolooib.  —  t.  xxix.  —  1918-1919  ' 


H.     BM  l  II, 


Sa  crête  forme  à  peu  près  la  division  des  deux  provinces  de 
Salamanque,  au  nord,  de  Caceres,  au  sud,  et  sépare  deux  régions 
naturelles  :  la  vieille  Castille  et  l'Extrémadure. 

Enserrée  par  ses  crêtes  orientales  que  continue  la  Sierra  de 
Francia,  et  limitée  au  sud  par  un  de  ses  rameaux,  les  Sierra  de 
Munogarra,  d'Altamira  et  de  las  Vaquerizas,  et  à  l'ouest  par  les 
Sierras  de  Castillos  et  de  las  Canas,  se  trouvela  Comarca  de  la  Hurdes 
ou  Jurdes,  composée  de  trois  vallées  principales,  tributaires  du  rio 
Alagùn  qui  porte  ses  eaux  au  Tage  un  peu  en  aval  de  Plasencia. 
La  plus  méridionale  et  la  plus  vaste,  celle  du  Rio  Pino  ou  de  los 
Angeles,  est  plus  riche  et  moins  déshéritée  ;  le  nom  de  son  chef-lieu 
en  indique  la  cause  :  Pino  Franqueado,  et  dès  longtemps  ses 
indigènes  se  sont  affranchis  des  servitudes  qui  opprimèrent  jus- 
qu'au milieu  du  siècle  passé  les  malheureux  villageois  des  vallées 
des  rios  Jurdan  et  Ladrillar. 

Cette  dernière  se  subdivise  en  deux  vallées  parallèles  d'inégale 
importance  :  la  principale  estcelle  où  se  trouvent  les  villages  de  La- 
drillar, Cabezo  et  Las  Mestas  ;  l'autre  est  la  vallée  de  las  Batuecas  dont 
nous  allons  nous  occuper;  elle  est  séparée  politiquement  du  reste 
de  las  Hurdes,  et  appartient  à  la  province  de  Salamanque,  tandis 
que  tout  le  reste  de  la  Comarca  fait  partie  de  celle  de  Caceres(l). 


2.  —  Historique  de  la  découverte. 

Durant  l'hiver  1910,  M.  Pierre  Paris  portait  à  ma  connaissance 
un  article  de  M.  Vicente  Paredes,  paru  dans  la  «  Revista  de 
lixtremadura  »,  octobre  1909,  intitulé  :  De  la  Sociedad  Excursio- 
jnsta  E rire mena,  y  al  go  et  Prehistoria  de  Extremadura.  L'érudit 
Espagnol  y  attirait  l'attention  sur  certaines  données  consignées 
dans  de  vierx  auteurs,  et  exprimait  le  vœu  que  d'autres  entrepris- 
sent de  les  vérifier,  ce  que  son  âge  lui  interdisait  de  faire  person- 
nellement. «  Ponz,  dit-il,  dans  son  ouvrage  imprimé  à  Madrid  en 
1 728,  huitième  lettre,  écrit,  au  sujet  de  Las  Batuecas  (2)  :  «  Au  sud 

(])  l)r  I).  .1.   H.   Bide.    Las  liatuecas  y  Las  Jurdes,  conferencias  leidas  en  la  Soeie- 
(l.i-l  Geograftca  de  Madrid,  1*^2.  —  Cette  publication  Aie  la  topographie  exacte  de  la 
ion. 

alemenl  dans  Ponz.  Vi.ije  de  Egpaûa,  Madrid,  [barra  1118,  t.  VII,  p.  188, 
relativement  ;■  lu  Cabras  pintadas.  «  Sur  les  roches  qui  sont  aussi  perpendiculaires 
que  'i.-  parois  de  maisons,  avec  leurs  coins  et  leurs  angles  droits,  on  voit  certaine5 


LES    PEINTURES    KUPESTRES    DE    LA    PÉNINSULE    IBÉRIQUE.  3 

de  la  vallée,  court  la  grande  Sierra  del  Frontal,  et  en  se  penchant 
un  peu,  on  aperçoit  un  endroit  appelé  «  Las  Cabras  pintadas  ». 
M.  Vicente  Paredes  put  interroger  un  individu,  Julian  Mancedo, 
fixé  à  Plasencia,  mais  originaire  de  La  Alberca,  gros  village  situé 
à  peu  de  distance  de  Las  Batuecas,  et  âgé  soixante  ans  ;  il  en  obtint 
les  indications  suivantes  :  «  El  sitio  de  las  Cabras  pintas  y  el 
Potro,  esta  yendo  para  el  Ladrillar  desde  la  Pesga  y  pasando  el COn- 


Via.   1.    -  Hocher  peint  de  Las  Cabras  Pintadas,  vallée  des  Batuecas. 


vento  a  salir  por  la  puerta  de  la  cerca,  que  llaman  dei  Cerro,  subiendo 
luego  elarroyo  gue  viene  del  puerto  de  Monsagro,  pasando  a  la  otra 
orillay  caminando  menos  de  medio  cuarto  de  légua ,  estanlas  cabras 
pintas  y  el potro  que  se  le  cae  la  baba,  y  dicen  :  que  donde  le  cae  la 

figures  très  mal  faites  par  les  pâtres  avec  «  ahnazarron  »  où  il  semble  qu'ils  aient 
voulu  représenter  des  «  chèvres  ». 


H      BREUIL. 


baba  al  potro,  esta  escondido  el  tesoro.  Estait  «  pintas  »  con  rayas 
hondasen  unaspizarras grandes  y  llanas pxiestas  cnplomoynacedizas, 
que  se  vpu  desde  el  convento  ».  M.  Vicente  Paredes  rappelle  aussi  de 
singulières  citations  de  LopedeVega;  dans  son  œuvre  «  Las  Batur- 
casdel  Daque  de  Alla  »,  il  met  en  scène  plusieurs  habitants  de  cette 
vallée  retirée,  discutant  entre  eux  si  le  monde  finit  aux  montagnes 


rfi}p^  jp*^    rt* 


Fin,  2.  —  Bouquetins  peints  on  brun  foncé  ^ir  la  roche  «  Las  Cabras  Pintadas 

Échelle  :  1/2  environ, 

qui  bornent  leur  horizon,  et  s'il  a  existé,  dans  le  pays,  d'autres 

races  qui  les  aient  précédés,  etTirso,  l'un  d'eux,  conclut  : 

«  Esas  casas,  que  pintadas 

se  ven  en  ose  trabôn 

no  son  on  Batuecas  halladas 

que  nuestras  casas  no  son 

tan  polidas  fabricadas, 

Ni  esos  fuertes  animales 

tan  fcroces  ni  tan  listos 

con  garras  y  lanas  taies, 

son  en  nueslros  valles  vislos 

por  monta nas  ni  arenales. 

Luego  os  senal  que  hay  mas  gcnte, 

mas  mundo  y  cosas  mas  bollas.  » 

Et  M.  Vicente  Paredes  croit  que  c'est  là  un  écho  lointain  et 
déformé  de  l'existence  de  peintures  rupestres. 

Il  est  probable  que  c'est  l'existence  de  ces  mystérieuses  peintures 
qui  a  donné  lieu  en  partie,  dans  les  siècles  derniers,  à  des  légendes 
singulières  où  l'imagination  prédominait  complètement  :  la  Bel- 
gique a  ses  trous  des  Nutons,  la  France  ses  caves,  ou  grottes  des 


LES    PEINTURES     RUPESTRES    DE    r.  \     PENINSULE    IBERIQUE.  .) 

Fées,  des  Fadets,  des  Encantades;  les  naturels  de  Suides  i Landes j 
m'expliquaient  il  y  a  moins  de  vingt  ans  encore  la  présence  des 


*# 


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Fio.  3.  —  Bouquetins  en  rouge  brun  de  «  l.a^  Cabras  Pintadas  ».  Échelle     2  5  em 

débris  de  cuisines  des  grottes  par  l'habitation  de  sortes  de  lutins 
bienfaisants,  mi-hommes,  mi-bête»;  qu'on  voyait  encore  il  y  a  peu 
d'années  rôder  dans  la  campagne.  De  même  sans  doute,  ces  signes 


V\n.  4.  —  Bouquetins  et  autres  animaux  peints  <mi    brun  foncr  Cabras 

Pintadas  >:.  Échelle  :  l/'J. 

Celle  de  gauche  a  été  repeinte  et  inversée  à  l'époque  des  figures  blanches  ;  une  liane 

rouge  vif  oblitère  la  tête  île  celle  du  centre. 

peints  que  l'on  découvrait  dans  le  vallon  «  cruces  y  vestigios  de 
Godos  »  et  «  alguna*  cruces  aigo  perdidas  su  forma  »  étaient  attri 
bues  à  des  êtres  mystérieux,  allant  nus,  complètement  sauvages, 
qu'on  n'entendait  ni  ne  voyait,  qui  parlaient  une  autre  langue, 


g  H.    DREUIL. 

se  croyaient  seuls  sur  la  terre,  et  rendaient  un  culte  à  Satan  (1). 
Les  pâtres  de  la  Alberca  déclaraient  avec  tremblement  entendre 
dans  cette  vallée  des  cris  singuliers  qu'on  ne  comprenait  pas,  et 
qu'on  y  voyait  et  entendait  «  figuras  de  demonios  ». 

Ces  légendes,  qui  avaient  cours  avant  la  fondation  d'un  couvent 
des  Carmes  a  l'entrée  de  la  vallée,  en  1599,  cessèrent  d'avoir 
crédit  dans  la  région  à  partir  de  cette  fondation  ;  d'ailleurs  les  vrais 
indigène  en  riaient,  et  déclaraient  que  c'était  pour  les  dénigrer  que 
les  gens  de  la  Alberca  répandaient  ces  histoires  inventées. 

Mais  par  un  singulier  destin,  ces  mêmes  histoires,  fixées  sous 

|IG.  5.  _  Bouquetins  peints  en  rouge  vif  sur  la  roche  «  Las  Cabras  Pintadas  ». 

Échelle  !  1/2. 

forme  littéraire  dans  l'œuvre  de  Lope  de  Vega,  écrite  en  1598 
probablement  et  imprimée  en  1633,  puis  reprises  en  1697  par  le 
poète  Matos  Fragoso,  exagérées  à  plaisir  en  1777  par  le  P.  Benito 
Jéronimo  Feijoo,  furent  de  nouveau  exposées  comme  données 
scientifiques  en  1880  par  Pascual  Madoz,  enfin  reprises  avec  bruit 
par  le  Dr  Pedro  Gonzalez  de  Velasco  dans  une  note  à  la  Société 
Espagnole  d'Anthropologie  et  d'Ethnologie.  Ce  dernier  affirmait 
l'existence  en  pleine  Espagne  d'une  peuplade  complètement  sau- 
vage, sans  vêtements,  sans  religion,  etc.,  opinion  reproduite 
encore  dans  un  article  du  Tiempo  en  1882  sur  les  prétendues  tri- 
bus primitives  de  las  Hurdes  et  qui  trouva  crédit  jusque  dans  les 

O)  Une  légende,  également  inventée  pour  expliquer  cette  population  supposée  et 
que  reproduit  Matos  Fragoso,  après  Lope  de  Vega,  est  que  c'étaient  des  descendants 
des  Mollis  fuyant  devant  les  Arabes  vainqueurs  au  vme  siècle,  qui  s'étaient  trouvés 
là  perdus  el  oui. liés  du  reste  des  hommes  :  «  Los  mons/ros  que  ahora  se  ven 
por  agui  desnudoë  como  saliros  diformes,  son  descend encia  y  Irasunto  de  aquel/os 
anligiWi  g<>dos  que  hul/aron  aqui  refugio.   » 


LES     l'KIM'l  lil'.s    RUPESTRES    DE    F,  V     PENINSULE    IBERIQUE.  7 

œuvres  d'Elisée  Reclus.  Le  scandale  était  à  son  comble  ;  des  enfants 
d'Extrémadure,  D.  Romualdo  Martin  Santivanez  et  son  fils  Martin 
Batuecas,  originaires  de  la  région  si  odieusement  calomniée,  pro- 
testèrent avec  indignation,  et  lavèrent  leurs  compatriotes  des 
accusations  portées  contre  eux,  les  montrant  comme  il  sont,  sans 
doute  pauvres  et  déshérités  dans  un  pays  difficile  d'accès  et  de  cir- 


Fig.  (').  —  Bouquetin  noir  superposé  à  d'autres  blancs  qui  oblitèrent  des  barres  en 
rompe  vil'.  En  bas  un  Canidé.  «  bas  Cabras  Pintadas  ».  Echelle  :  1/2. 


culation,  au  sol  ingrat  et  accidenté,  mais  y  déployant  de  merveil- 
leux efforts  de  travail  et  d'endurance  courageuse. 

Mais  ne  nous  plaignons  pas  trop  de  tout  ce  fo/klore  il)  :  c'est 
à  lui  que  nous  devons  la  première  mention,  relevée  par  M.  Vicente 
Paredes,    de   pictographies    rupestres    dans    cet  endroit  désert 

(1)  On  consultera  avec  fruit  sur  ce  sujet  la  très  curieuse  broebure  de  D.  Vicente 
Barrantes  :  «  Las  Jurdes  y  sus  leyendas  »  conferenc'ta  leida  en  la  Sociedad  Geogra- 
fica  de  Madrid,  18*3.  —  C'est  à  elle,  ainsi  qu'à  celle  déjà  citée  de  Bide,  que  nous 
avons  emprunté  une  bonne  partie  des  documents  anciens  cité»  dans  ce  travail. 


H.    îmixiL, 


et  même  nous  pouvons  admettre  que  l'attribution  populaire  à 
l'époque  des  Goths  des  vestiges  mystérieux  qui  s'y  rencontrent 
dénote  une  très  ancienne  croyance,  perpétuée  d'âge  en  âge,  et 
sans  doute  antérieure  à  l'invasion  des  Arabes,  auxquels,  habituel- 
lement, tous  les  anciens  vestiges  sont  attribués  en  Espagne. 

A  peine  informé  des  renseignements  publiés  par  M.  Vicente 
Paredes,  j'écrivis  à  M.  J.  Cabré,  déjà  familiarisé  avec  les 
recherches  de  peintures  rupestres  par  ses  découvertes  en   Ara- 


Fl  ;.  7.  —  Poisons  peints  on  blanc  de  «  Las  Cabras  Pintadas  »  superposés  à  un  signe 

rouge  vif.  Écbelle  :  1/2. 


gon,  pour  le  prier  d'aller,  aux  frais  du  Prince  de  Monaco  et  en 
vue  des  publications  qu'il  subventionnait,  s'assurer  de  la  réalité 
des  faits.  En  mars  1910,  M.  Cabré  accompagné  de  don  Miguel, 
garde  civil  de  la  Alberca,  descendait  dans  la  vallée  sauvage  de 
las  Batuecas.  Mais  personne  n'avait  entendu  parler  des  peintures, 
on  savait  seulement  que  certaines  roches  s'appelaient  «  Las 
Cabras  Pintadas  »,  sans  s'être  demandé  la  cause  de  ce  nom.  Don 
Miguel  y  mena  M.  Cabré,  et  celui-ci  ne  fut  pas  long  à  découvrir  la 
rochequi  justifiait  cette  dénomination  par  de  nombreuses  et  minus- 
cules petites  silhouettes  de  Capridés.  Poursuivant  ses  recherches, 
il  découvrit  un  bon  nombre  d'autres  peintures  dans  des  abris 
rocheux  surplombant,  échelonnés  le  long  de  toute  la  vallée,  en 


LES    PEINTURES    RUPESTRES    DE    LV    PENINSULE    rBERIQUË.  f) 

amont  du  couvent  ruiné  (1).  De  retour  à  Madrid,  il  m'avisait  des 
résultats  obtenus,  et  m'adressait  des  décalques  des  principaux 
sujets  déchiffrés.  Je  le  rejoignis  à  Madrid  le  6  avril,  et  m'ache- 


Fig.  8,  —  Cerfs  et  personnages  humains  peints  en  blanc,  superposés  à  des  signes 
rouges,  et  Cerf  en  rouge  vif.  «  bas  Cabras  Pintadas  ».  Echelle  :  1/2. 


minai  avec  lui,  le    11,  pour  Fuentes  de   San    Esteban,    sur    la 
ligne  de  Salamanque  à  Ciudad-Rodrigo.  Arrivés  le  12  à  7  heures 

(1)  Des  circonstances  indépendantes  de  ma  volonté  m'empêchent  aujourd'hui 
d'associer,  comme  je  l'avais  désiré,  le  nom  de  M.  Cabré  à  ma  publication  (cf.  ma 
brochure  «  Algunas  observaciones  acerca  de  la  obra  du  Dr  Juan  Cabré  titulada  El 
Arte  rupestre  en  Espana,  in  Boletin  de  la  Real  Soc.  Espafiola  de  Hisloria  Nalural, 
mai  1916,  et  L'Anthropologie,  1916,  p.  588). 


IO 


H.     BREUIL. 


du  matin  a  cette  station,  nous  prenions  la  diligence,  qui,  par 
Santa  Olalla,  Cabillas,  Abusejos,  Tamames,  Aldea-Nueva,  nous 
conduisit  jusqu'à  Sequeros,  d'où,  malgré  une  pluie  énorme  et 
persistante,  nous  partîmes  à  cheval,  par  Casas  del  Conde, 
Mogarraz,  arrivant  enfin  à  la  Alberca  à  plus  de  7  heures  du  soir. 


6 


W 


Fie.  '.).         Divnr-  animaux  en  brun  et  en  roupe  des  Cancliales  de  la  Pizarra  (nl   1,  2, 
:;  et  4>  et  de  fcïahoma  (n"  .">  el  <i).  Échelle  :  1/2. 


I).'  Sequeros  à  La  Alberca,  le  paysage  est  celui  d'un  plateau  gra- 
nulitique  à  profondes  entailles. 

.I<*  ne  décrirai  pas  le  charme  pittoresque  de  cette    bourgade, 
à    1068  mètres  d'altitude,  au  pied  des  hauts  sommets  de  la  Pena 
de    Francis     \lî'\  mètres),  et  pourtant,  l'artiste,  comme  l'ethno- 
graphe, aurait  mille  scènes  délicieuses  d'intérieur,  de  place  ou  de 
coin  de  rue  m  fixer  par  le  pinceau    ou   la  plume,  depuis  le  foyer, 
placé  au  milieu  de  la  pièce  principale,  sur  une  large  dalle,   el 


LES    PEINTURES    RUPESTRES    DF.    LA    PÉNINSULE    IBERIQUE.  II 

dont  la  fumée  gagne  librement  le  ciel  au  travers  d'une  légère 
charpente  recouverte  de  tuiles,  depuis  les  innombrables  petits 
pots,  mijotant  en  rond  autour  de  la  flamme,  tandis  que  de  nom- 
breuses rangées  de  leurs  pareils,  au  ventre  émaillé  de  toutes  cou- 
leurs, sont  alignés  en  bataille  sur  des  étagères  au  bois  noirci, 
jusqu'aux  rondes  enfantines  des  fillettes  aux  fichus  multicolores, 
au  défilé  trottinant,  sur  le  pavé  déchaussé  des  ruelles,  des  femmes 
se  rendant  à  l'appel  d'un  glas  funèbre. 

Le  mauvais  temps  qui  nous  retint  chez  notre  hôte  deux  jours 
entiers  nous  laissa  tout  le  temps  d'observer  et  de  goûter  cette 
saveur  de  terroir.  Nous  en  profitâmes  pour  questionner  les  gens  ; 
on  nous  dit  que  dans  la  montagne  voisine,  à  la  Mesa  del  Frances 
(1  420  mètres),  il  y  avait  une  roche  avec  «  Ictreros  ».  A  la  faveur 
d'une  éclaircie,  nous  y  montâmes,  mais  c'est  sous  une  véritable 
bourrasque  de  neige  que  nous  parvînmes  au  but,  pour  constater 
que  les  fameux  pétroglyphes  n'étaient  que  des  empreintes  de 
Bilobites,  pistes  d'animaux  inconnus  laissées  dans  les  grès  et  les 
ardoises  silusiens.  Et  pourtant  les  gens  du  pays  y  découvraient 
des  empreintes  (herraduras)  de  pieds  de  chevaux  et  de  bœufs  (!) 

Le  lendemain  15  avril,  le  mauvais  temps  continuant  toujours, 
nous  décidâmes,  malgré  toute  la  population  qui  déclarait 
notre  voyage  impossible,  de  monter  en  selle  pour  las  Batuecas  : 
après  avoir  franchi  sous  un  vent  terrible  qui  nous  mitraillait  le 
visage  de  grésil,  le  Portillo  de  la  Alberca  (1.265  mètres),  nous 
trouvâmes  cependant  sur  l'autre  versant  des  conditions  plus 
clémentes,  et  le  temps  s'étant  dégagé  quelque  peu,  nous  pûmes 
jouir  de  la  perspective  de  la  vallée  profonde  qui  s'étendait  à 
700  mètres  plus  bas.  Entre  les  cimes  des  chaînes  qui  la  limitent 
au  Nord-Est  et  au  Sud-Ouest,  sa  largeur,  y  compris  les  versants, 
ne  dépasse  pas,  en  ligne  droite  et  à  vol  d'oiseau,  2  kilomètres  1/2, 
et  sa  longueur  totale  est  de  moins  de  10  kilomètres.  Sa  surface, 
qui  est  d'environ  25  kilomètres  carré,  est  entièrement  occupée,  à 
l'exception  d'à  peine  1  kilomètre  carré  de  terre  cultivable,  par 
des  roches  abruptes  et  des  précipices.  Les  profils  longitudinal 
et  transversal  sont  singulièrement  escarpés  :  La  tête  du  ravin 
s'accroche  au  flanc  de  la  Sierra  de  Francia,  entre  le  Pico  Mingorro 
(1.620  mètres)  et  la  Mesa  del  Frances  où  elle  atteint  l'altitude  de 
1.408  mètres  au  puerto  de  Monsagro.  Après  un  bassin  collecteur 
aux  pentes  très  vives,  mais  assez  unies,  de  terrains  ardoisés, 
le  torrent  s'engage  dans.une  véritable  gorge,  sorte  de  défilé  taillé 


H.     llKEl'll.. 


dans  des  grès  ruiniformes  à  bilobites,  disposés  en  paliers  succes- 
sifs   que   séparent    des    à-pics,  pour  déboucher,  après  un  peu 


^ 


Kiù.   10.  —A  gauche,  animal  (Lynx?) peint  en  rouge  au  Canchal  de  laPi/arra;  échelle  : 
14,  \  droite,  figure  humaine  schématique  duCanchal  del  Cristo.  Échelle  :  1/4. 

moins  de  4  kilomètres  dans  une  petite  plaine  (630  mètres)  où  les 
Carmes  avaient  construit  un  couvent,  désaffecté  vers  1850,  et 
qu'un  violent  incendie  réduisit  en  ruine  en  1871. 


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11. 


Divers  panneaux    de  signes   <  1  « ■  la  vallée  des  Batuecas  :   1.   2.  .'5,  .">.  (î,  Kl 
Zarzalon,  i.  Canchal  de  Mahoma.  —  Échelle  :    environ  1,20. 


A  3  kilomètres  en  aval,  le  torrent  se  trouve  de  nouveau 
resserré,  au  moment  où,  par  une  étroite  entaille,  il  franchit  la 
Sierra  de  las  Mestas  (1.470  mètres  au  Collado  Suentes  ;  920  au 
puerto    del  Cabezo)   qui    ferme  la  vallée  au  S.-O.,  et  vient    se 


LES    PEINTURES    RUPESTRES    DE    LA    PÉNINSULE    IBÉRIQUE.  l3 

jeter  dans  le  Ladrillar  à  la  Mestas,  pauvre  village  aux  huttes 
basses  construites  en  plaques  d'ardoise  non  cimentées.  Depuis  le 
couvent  jusqu'à  las  Mestas,  le  terrain  se  caractérise  par  des 
ardoises  et  des  arkoses,  beaucoup  moins  propres  que  les  grès 
siluriens  situés  en  amont,  à  donner  naissance  à  des  escarpements 
ruiniformes  et  sauvages.  Du  portillo  de  La  Alberca,  deux  sentiers 
mènent  au  couvent  :  l'un  dévale  hardiment  la  pente  vertigineuse, 
l'autre  seul  praticable  au  pied  des  mulets,  zigzague  en  innom- 


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Fio.  12.  —  A  gauche,  figures  noires,  oblitérées  par  des  signes  rouges,  d'une  des  grottes 
du  Zarzalon.  Échelle  :  1/4.  A  droite,  panneau  de  barres  alignées  de  lm,30  de  liant, 
Majada  de  Las  ïorres. 


brables  lacets  au  flanc  de  schistes  ardoisiers,  pour  aboutir  enfin 
à  la  rive  d'un  petit  torrent,  où  les  grès  prédominent  déjà. 

Un  petit  pont  d'une  arche  fait  pénétrer  dans  le  domaine  de 
l'ancien  couvent  :  voici  une  verte  prairie,  plantée  de  vieux  chênes 
lièges  au  tronc  moussu,  disposés  comme  les  arbres  d'un  verger, 
puis  nous  franchissons  la  vieille  porte  d'enceinte  aux  battants 
ferrés  de  gros  clous,  enfin  voici  les  champs  que  cultivèrent  les 
moines  ;  leurs  vignes,  leurs  oliviers,  et  les  grands  cyprès  noirs 
qui  s'élancent  vers  le  ciel  ;  et  tout  au  centre,  la  grande  chapelle, 
encore  debout,  presque  intacte,  avec  sa  grande  cour  d'honneur  au 
bassin  historié,  entourée  d'une  ceinture  rectangulaire  de  cellules 
semblables,  séparées  les  unes  des  autres  par  le  jardinet  queculti- 


I  » 


H.     UUEt'IL. 


vait  chaque  cénobite.  La  maçonnerie  est  intacte,  mais  des  mains 
rapaces  ont  arraché  tout  ce  qu'avait  épargné  l'incendie  ;  la  voûte 
de  la  chapelle  que  ne  protège  plus  une  toiture  a  commencé  de  se 
crever  sous  la  pluie  et  la  neige;  l'autel,  se  dresse,  amas  de  briques 
dépouillé  de  ses  parements  ;  et  les  dalles  funéraires  morcellées 
des  abbés  du  monastère  jonchent  le  sol  de  leurs  débris.  Plus  rien 
d'intact,  sinon  la  bergerie,  encore  occupée  par  un  ménage  de 
patres  dont  les  chèvres  nous  ont  fourni  un  lait  savoureux;    la 


I 


13.  —  Signes  peints   en  rouge   du  Canchal  de  Malioma,  superposés  à  des  traits 
jaunes  en  2.   Échelle  :  5/8. 


maison  des  hôtes,  toutefois,  fut  vaguement  remise  en  état  par  les 
propriétaires  actuels,  qui,  deux  années  de  suite,  nous  y  reçurent 
avec  générosité. 

Au  dehors  aussi,  un  vandalisme  cupide  a  fait  son  œuvre  :  les 
grands  cèdres  et  beaucoup  de  cyprès  qui  faisaient  de  ce  coin 
perdu  une  merveille  incomparable,  sont  tombés  sous  la  cognée 
de  riches  exploiteurs.  Seuls,  ont  échappé  ceux  qui  abritaient, 
dans  les  anfractuosités  dominantes  de  chaque  côté,  quelque 
modeste  ermitage. 

Partout  on  sent  que  l'intérêt  sordide  et  aux  vues  obtuses   a 

sageant  en  quelques  jours  l'œuvre  patiente  des  moines 

qui  avaient  défriché  et  embelli  ce  coin  d'une  sauvagerie  farouche, 

pour  y  créer  dans  le  travail  et  la  paix  un  digne  cadre  à  leur  idéal 

chrétien. 


LES    PEINTURES    RUPESTRES    DE    LA    PENINSULE    lliLHLOli:.  10 


3.  Les  roches  peintes. 

En  amont  du  couvent,  après  avoir  franchi  un  ruisseau  qui 
pénètre  à  l'intérieur  de  l'enceinte  murée,  la  vallée  se  resserre  très 
rapidement  entre  les  versants  abrupts  ou  verticaux.  Là  le  bois  a 
été  épargné,  et  le  fourré  se  fait  parfois  épais  sous  les  chênes 
lièges,  les  yeuses  et  les  genévriers. 

En  vue  même  des  ruines,  et  les  dominant  de  bien  haut  sur  la 
rive  opposée,  se  trouve  un  premier  «  canchal  »  marqué  de  pein- 
tures, c'est  le  «  canchal  del  Aquila  »,  où  l'on  ne  remarque  qu'un 
semis  irrégulier  d'une  douzaine  de  points  rouges  foncés,  large  de 
0m,15  sur  0m,18  de  haut.  En  face,  se  hérisse  une  masse  rocheuse 
aux  assises  redressées  et  disloquées,  surmonté  d'un  ermitage 
flanqué  de  cyprès  ;  je  n'y  ai  rien  vu,  malgré  les  grandes  surfaces 
favorables.  En  remontant  la  rive  gauche  jusqu'à  contourner  cette 
masse  et  la  dépasser  assez  pour  la  contempler,  on  parvient  à  un 
éboulis  de  mêmes  rocailles  derrière  lequel  s'élèvent  brusquement 
en  gradins  verticaux  des  falaises  à  bancs  à  peine  inclinées  domi- 
nant la  rive  concave. 

Couronnant  l'angle  de  la  falaise,  et  précédée  d'une  belle  espla- 
nade d'où  le  regard  s'étend  à  une  grande  partie  du  défilé,  se 
trouve,  comme  en  vedette,  le  rocher  aux  chèvres,  le  «  canchal 
de  las  Cabras  Pinladas  »,  qu'on  atteint  en  passant  auprès  d'une 
autre  petite  roche  basse  au  plafond  de  laquelle  existent  quelques 
barres  alignées  (fig.  16,  n°  25). 

A.  Le  Canchal  de  las  Cabras  Pintadas. 

C'est  un  abri  large  d'une  dizaine  de  mètres  (fig.  1),  très  peu  pro- 
fond, dont  le  plancher  se  prolonge  en  avant  en  une  terrasse  assez 
vaste  dominant  la  gorge  à  pic  et  d'accès  latéral  relativement 
facile.  Presque  toutes  les  surfaces  à  portée  de  la  main  et  même 
parfois  un  peu  plus  hautes,  ont  été  peintes  (PI.  I  et  II).  Un  examen 
attentif  permit  de  constater  que  les  peintures  appartiennent  à 
plusieurs  phases  qui  semblent  dériver  les  unes  des  autres. 

lre  Phase.  —  A.  Bouquetins  en  brun  rouge  foncé,  exceptionnel- 
lement en  rouge,  à  cornes  vues  de  face  (fig.  2,  3,4).  —  Ces  animaux 
se  rencontrent  en  abondance  du  côté  gauche  de  l'abri,  bien  qu'Us 
aient  été  plus  ou  moins  détériorés  par  des  piquetages  d'époque 


|6  H.    BREL1L. 

indéterminée.  Ils  témoignent  fréquemment  d'un  véritable  senti- 
ment des  formes  et  du  mouvement  ;  il  ne  semble  pas  que  les 
ponctuations  leur  soient  contemporaines  :  quand  il  y  a  contact, 
les  chèvres  brunes  sont  oblitérées  par  ces  dernières  et  les  autres 
signes,  dont  la  couleur  est  plus  rouge  et  mieux  conservée.  Au  voisi- 
nage de  certains  groupes,  il  y  a  même  absence  totale  de  toute 
autre  figure  (gauche  de  l'abri).  Exceptionnellement  —  2  figures 
sur  33  — ,  les  cornes  sont  de  profil,  mais  une  fois  il  n'y  en  a 
qu'une,  et  dans  l'autre,  elles  sont  mal  faites.  Deux  figures  sont 
attribuables  à  d'autres  animaux  :  un  Félin,  dont  l'avant-train 
subsiste  seul,  et  une  figure  qui  a  quelque  peu,  fortuitement  sans 
doute,  l'apparence  d'un  Éléphant  (tig.  4). 

2e  Phase.  —  Ce  sont  des  figures  en  rouge  plus  vif,  dénotant  une 
dégénérescence  très  marquée  de  l'art  (fig.  5);  dix  Bouquetins  de 
cette  phase  sont  à  signaler:  tous  ont  les  cornes  de  profil  ;  quant 
aux  formes,  elles  aboutissent  parfois  à  de  véritables  schémas 
presque  inintelligibles.  Elles  sont  placées  tout  au  voisinage  des 
autres,  ainsi  qu'un  Cerf  très  conventionnel  et  un  grand  nombre  de 
ponctuations  et  de  signes  qui  sont  de  même  teinte  et  de  même 
conservation  ;  parmi  eux,  se  rencontrent  plusieurs  barres  verti- 
cales à  multiples  croisillons. 

3e  Phase.  —  En  superposition  réitérée  sur  toutes  les  figures 
précédentes,  vient  un  groupe  de  figures  blanches.  Il  est  repré- 
senté, à  droite,  par  une  série  de  dix-sept  Bouquetins  et  un  Canidé, 
au  voisinage  desquels  il  y  a  une  figure  de  Bouquetin  noire  et  qui 
ne  peut  être  plus  ancienne  (fig.  6).  Un  Cerf  très  déteint  de  même 
couleur,  avec  traces  de  gravure,  se  voit  au  registre  inférieur.  Cet 
ensemble  est  plutôt  meilleur  que  le  groupe  n°  2;  les  cornes  sont 
toujours  de  profil. 

Vers  le  milieu  de  l'abri,  deux  groupes  de  figures  blanches  se 
retrouvent,  en  superposition  très  nette  sur  toutes  les  autres.  L'un 
ligure  deux  Poissons  entiers  et  la  queue  d'un  troisième,  que 
j'ai  d'abord  prise  pour  celle  d'un  Oiseau  (fig.  7).  L'autre  (fig.  (S) 
est  une  scène  de  chasse,  à  laquelle  prennent  part  deux  minuscules 
petits  tireurs  d'arc,  faisant  face  à  deux  animaux  cornus  du  genre 
»  rf  ;  au-dessus  est  une  grande  figure  peut-être  humaine  et  un  autre 
Bchéma  minuscule  qui  l'est  certainement.  —  Il  arrive  parfois  que 
de  légers  liserés  rouges  ou  noirs  accompagnent  les  peintures 
bîanches,  spécialement  un  Bouquetin  de  droite  et  les  Boissons;  ce 
liseré  me  paraît  résulter  de  l'action  chimique  de  la  peinture  sur 


LES    PEINTURES    RUPESTKES    DÉ    LA    PENINSULE    IBERIQUE.  17 

la  surface  ferrugineuse  de  la  roche. —  Un  seul  groupe  de  ponctua- 
tions blanches  peut  être  signalé. 

Parmi  les  figures  intéressantes  de  cette  phase,  il  faut  signaler 
la  réfection  inversée  d'un  Bouquetin  de  la  première  phase(fig.  4)  ; 
l'une  des  cornes  a  été  interprétée  comme  queue,  l'autre  dessinant 
les  reins,  tandis  qu'un  peu  de  couleur  rajoutée  à  l'autre  bout  et  de 
légères  additions  blanches  y  silhouettaient  une  tête  additionnelle 
s'appliquant  au  derrière. 

B.  Canchal  de  la  Pizarra. 

Ce  canchal  est  un  groupe  de  plusieurs  abris  sous  roche  d'accès 
très  peu  aisé  ;  à  une  vingtaine  de  mètres  de  distance,  existent 
deux  groupes  de  figures,  incontestablement  de  même  âge  que  la 
première  phase  du  Canchal  de  las  Cabras  (fig.  9). 

Placé  dans  un  véritable  défilé  en  miniature  entre  des  blocs 
tombés  et  la  paroi  de  l'abri,  se  voient  à  quelques  distances  sur 
deux  pans  rocheux  différents  un  Carnassier  à  queue  longue 
recourbée,  qui  pourrait  être  une  Panthère,  et  deux  Bou- 
quetins. 

Un  peu  en  aval,  dans  une  partie  très  basse,  se  trouvent 
six  autres  figures  :  la  plus  à  gauche,  malgré  sa  queue  et  ses  oreilles 
poilues,  trop  mal  conservée  pour  être  facile  à  interpréter,  fait 
penser  cependant  à  un  Lynx  (fig.  10,  à  gauche) .  Le  groupe  de  droite 
se  subdivise  en  deux  :  en  haut  :  deux  figures  de  Bovidés  passa- 
blement enchevêtrés,  et  qui  ne  sont  certainement  pas  des  Bisons, 
mais  des  Bœufs  du  groupe  Taureau  (fig.  9)  ;  le  plus  élevé  est  de  bien 
meilleure  facture  que  le  second.  —  Aussitôt  en-dessous,  sont 
deux  Bouquetins  semblables  à  ceux  de  la  première  phase  du 
Canchal  de  las  Cabras  Pintadas. 

C.  Canchal  del  Zarzalon  n°  1  (Grotte). 

C'est  une  anfractuosité  formant  abri,  occasionnée  par  une 
diaclase  par  laquelle  dévalent  les  eaux  de  pluie.  On  y  remarque 
deux  panneaux  (fig.  1 1 ,  n°  3)  :  l'un  à  droite,  composé  de  six  figures 
(fig.  11,  n°  3)  :celle  qui  est  au  centre  paraît  une  figure  d'animal  tout 
à  fait  schématique  ;  elle  est  de  couleur  rouge  vif,  comme  une  étoile 
à  cinq  branches,  un  cercle  à  neuf  rayons,  une  ligne  verticale  à 
quatre  croisillons,  et  une  autre  dont  les  croisillons  s'incurvent  de 
manière  à  donner  à  l'ensemble  l'allure  d'un  myriapode. 

l'anthropolooib.  —  T.  XXIX.  —  1918.  2 


H.    BREÛIL. 

Quelques  points  rouges  accompagnent  la  sixième  figure,  bande 
verticale  à  six  croisillons  légèrement  incurvés,  qui  est  de  couleur 
jaune  vif. 

A  l'intérieur  de  la  grotte  et  à  gauche,  se  trouve  un  second 
panneau,  constitué  de  deux  ensembles  s'oblitérant.  Le  plus  ancien, 
peint  en  noir,  est  assez  déteint  (fig.  12,  1)  ;  il  se  compose  de  trois 
ou  quatre  figures  humaines  très  schématiques  assez  semblables  à 
celles  de  la  série  blanche  du  Canchal  de  las  Cabras.  L'un  des 
hommes  tient  un  instrument  allongé,  légèrement  recourbé 
comme  un  échenilloir  dans  sa  partie  supérieure.  Un  autre  porte  à 
la  taille  un  vêtement  indiqué  par  deux  traits  divergents  de  chaque 
côté,  comme  dans  une  figure  de  Cogul. 

Superposés  aux  figures  humaines,  sont  peints  en  rouge  vif 
trois  barres  verticales  et  un  cercle  à  neuf  rayons  dont  deux  très 
courts. 

D.  Canchal  del  Zarzalon  (Grotte). 

C'est  une  petite  grotte,  ou  plus  exactement  un  petit  recoin 
analogue  au  précédent.  A  droite,  s'étale  la  frise  peinte,  (fig.  11, 
n°  1  et  2)  composée  de  dix-sept  signes,  dont  neuf  rouges  :  une  barre 
isolée,  un  petit  groupe  de  deux  barres  horizontales  et  six  points, 
un  autre  de  quatre  barres  verticales,  deux  étoiles  à  cinq  branches, 
un  «  pectiforme  »  à  six  dents,  un  «  scolopendre  »  se  terminant  en  bas 
comme  une  figure  humaine  et  deux  autres.  Les  huit  figures  jaunes 
en  partie  déteintes  (il  y  en  avait  davantage)  sont  un  cercle  à  huit 
petits  rayons,  un  autre  à  douze  rayons  bien  développés  et  six 
figures  allant  de  la  barre  à  croisillon  au  «  scolopendre  »  le  plus 
myriapode  (douze  paires  d'appendices»,  en  passant  par  des  inter- 
médiaires dont  les  appendices  inférieurs  font  penser  à  une  figure 
humaine  schématique. 

E.  Canchal  de  Mahoma. 

En  continuant  à  la  même  hauteur,  on  trouve,  en  face  de  la 
Cueva  del  Cristo,  une  plateforme  dominant  à  pic  le  torrent  et  qui 
se  continue  assez  longtemps  en  côtoyant  de  belles  surfaces  verti- 
cales exposées  au  soleil.  Un  très  grand  nombre  de  figures  y  ont 
été  peintes,  principalement  des  ponctuations  et  des  barres  (fig.  11, 
n  'i.  5;  li^r.  16  et  18);  la  plupart  sont  rouges,  mais  il  en  est  aussi 
quelques-unes  de  jaunes  ou  de  blanches,  en  nombre  très  restreint. 


LES    PEINTURES    RUPESTRES    M7.    LA    PÉNINSULE   IBERIQUE.  IQ 

Il  existe  aussi  quelques  petites  figures  plus  curieuses  :  d'abord 
un  Poisson  et  un  petit  Lapin  (fig.  9,  n°  5  et  6),  rappelant  les  images 
de  Bouquetins  primitifs  du  Canchal  de  las  Cabras,  puis  des 
schémas  difficiles  à  comprendre,  mais  d'une  lecture  très  facile,  et 
des  groupes  de  ponctuations  infiniment  menues,  comme  on  en 
trouve  sur  les  galets  coloriés  de  Mas  d'Azil  (fig.  13). 

Après  un  groupe  de  barres  verticales,  les  peintures  rupestres 
cessent  de  ce  côté  en  amont.  Mais  sous  la  ligne  rocheuse  suivie, 
et  plus  près  du  torrent,  il  y  a  encore  deux  petits  ab?is  en  partie 
ruinés  avec  quelques  barres  et  quelques  points,  l'un  sous  le 
Canchal  del  Zarzalon,  l'autre  en  dessous  de  celui  de  las  Cabras 
Pintadas  (fig.  16,  n°  5). 

F.  Canchal  del  Cristo. 

L'autre  rive  est  d'une  topographie  autrement  montueuse  et 
coupée  de  ravins  ;  elle  présente  à  l'exploration  de  grandes  diffi- 
cultés, à  cause  de  la  nécessité  de  passer  et  repasser  le  torrent  ou 
de  celle  d'escalades  presque  vertigineuses.  Nous  y  avons  reconnu 
trois  Canchales  à  fresques  :  1°  le  Canchal  del  Aguila  déjà  mentionné 
(fig.  17,  n°6)  ;  2°  La  Cueva  del  Cristo,  véritable  grotte  presque  inac- 
cessible, mais  remplie  de  nombreuses  figures,  principalement  des 
barres  et  des  points,  mais  aussi  des  pectiformes,  un  scaliforme, 
des  cercles  à  rayons,  etc.,  couvrant  parfois  des  surfaces  étendues 
(fig.  14, 15).  On  peut  constater  en  certains  points  une  succession  de 
figures,  d'ailleurs  analogues  les  unes  aux  autres,  où  les  plus 
anciennes  sont  en  rouge  sombre,  tandis  que  les  plus  récentes 
sont  en  rouge  vif. 

Au  dessus  de  la  Cueva  del  Cristo,  une  corniche  étroite  donne 
accès  à  un  abri  formé  par  l'effritement  d'un  lit  d'ardoise,  sur 
laquelle  est  peinte  une  figure  humaine  (fig.  10,  n°  2)  les  bras 
étendus,  qui  a  sans  doute  été  le  point  de  départ  de  l'appellation 
de  la  grotte  et  du  Canchal  tout  entier.  (1) 

G.  Canchales  de  las  Torres  et  de  la  Villita. 

En  amont  du  Canchal  del  Cristo,  et  à  la  rencontre  d'un  vallon 
aux  formes  plus  douces  et  de  la  gorge  où  coule  le  torrent,  deux 

(1)  Au  xviue  siècle,  on  y  a  peint  en  rouge  sur  le  panneau  de  signes  situés  à 
gauche  un  écusson  ovale,  surmonté  d'une  couronne,  et  encadré  d'un  rectangle  à 
Intérieur  grillagé  de  diagonales  contrariées. 


30  H.    BREUIL. 

promontoires  profilent  leurs  roches  escarpées  en  forme  de  bas- 
tions :  c'est  le  Ganchal  de  la  Majada  de  las  Torres,  où  les  pâtres 
viennent  abriter  parfois  leurs  troupeaux.  Il  est  exposé  en  plein 
midi  et  très  chaud  quand  le  soleil  donne.  Les  panneaux  peints 
(fig.  12  et  17)  de  barres  et  de  points  rouges  y  abondent,  mais  il  n'y 
a  qu'un  seul  signe  figuré,  schéma  où  l'on  peut  voir  une  figure 
conventionnelle  d'homme  ou  d'animal. 

Les  Canchales  situés  un  peu  plus  en  amont  que  nous  avons 
visités  du  même  côté  ne  nous  ont  rien  laissé  voir;  sur  l'autre  rive,  il 
restait  un  inconnu  que  le  mauvais  temps  et  la  fatigue  nous  empê 
cha  d'éclaircir  dès  1910  et  qui  nous  ramena  dans  larégion  en  1912  ; 
nous  y  trouvâmes  des  peintures  sur  deux  roches,  mais  aucun  pan- 
neau important  (fig.  18,  n°  1).  Toutefois  une  série  de  barres  rouges 
entourées  d'une  auréole  de  points  blancs  introduit  un  élément 
nouveau  dans  la  série  (fig.  19,  n°  1). 

H.   RlSCO  DEL  ClERVO. 

En  1915,  ayant  eu  de  nouveau  l'occasion  de  revenir,  bien  rapi- 
dement, aux  Batuecas,  je  découvris  quelques  peintures  de  peu 
d'intérêt  (fig.  17,  n°  7)  dans  un  petit  abri  très  élevé  (El  Risco  del 
Ciervo)  situé  à  gauche  du  sentier  qui  descend  du  Portillo  au  cou- 
vent, par  los  Bardales  et  toutcontre  la  piste  même.  Don  Angel,  curé 
de  las  Mestas  m'affirma,  durant  ce  même  voyage,  qu'il  y  avait  un 
autre  abri  peint,  avec  des  barres  juxtaposées  très  visibles,  en  un 
point  très  élevé  situé  entre  la  partie  haute  de  la  vallée  des  Batue- 
cas et  la  vallée  contigiie  de  Ladrillar  dans  le  Monte  Valdemontoso 
entre  le  Collado  Suentes  et  le  Pico  Mingorro. 


4.  L'âge  des  peintures  des  Batuecas,  comparaison 

et  conclusion. 

L'âge  des  fresques  rupestres  d'Espagne  à  desseins  plus  ou 
moins  schématiques  et  stylisés  a  été  l'objet  de  plusieurs  hypo- 
thèses. Lorsque  j'eus  pour  la  première  fois  l'occasion  d'étudier  les 
fresques  de  la  vallée  des  Batuecas  (1),  je  notai  l'analogie  frappante 

1     L'Anthr.   XXI,   1910,    p.  369   et  suiv.  —  Je  me  bornais  à  souligner  l'analogie 

Incontestable  des  signes  alphabétiformes  et  autres,  ponctuations  et  traits  alignés  avec 

galets    peints    «lu    Mas    d'Azil,    et   à    celles    de    certains    panneaux    de    Miaux, 

Pindal,    etc.  ;    je    soulignais  aussi  l'analogie    des    schémas  humains    avec    certains 


LES    PEINTURES    RUPESTRES    DE    LA    PENINSULE    IRERIQUE.  2  1 

des  points  ou  barres  allignés  en  série,  et  des  bandes  rameuses 
pectinées  ou  scaliformes  avec  les  peintures  sur  cailloux  du  Mas 
d'Azil.  Cette  ressemblance  a  été  l'objet  de  quelques  précisions  de 
la  part  de  M.  Obermaier  (1);  dans  un  récent  travail,  il  a,  à  juste 


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Fig.  14.  —  Panneau  principal  de  la  Cueva  del  Cristo.  Échelle  :  environ  1/9. 

titre,  montré  l'identité  des  hommes  stylisés  en  $  et  en  E  couché 
dans  les  deux  séries,    ainsi  que  le  double- chevron,  la  croix  à 

éléments  de  Cogul  et  Albarracin  ;  d'autre  part,  je  remarquais  l'absence  de  tout 
vestige  néolitique,  céramique  ou  autres,  dans  le  voisinage  des  roches  peintes  des 
Batuecas. 

(1)  El  Hombre  fosil,  Madrid,  1916. 


22 


II      BREUIL. 


simple  ou  double  barre,  le  scaliforme  à  une  seule  verticale  recou- 
pant un  grand  nombre  d'échelons,  etc.  Il  a  démontré  comment,  à 
la  lumière  des  stylisations  rupestres  espagnoles,  on  pouvait  établir 
la  signification  humaine  de  beaucoup  des  signes  des  galets  peints. 
Il  y  a  un  trop  grand  nombre  de  concordances  entre  les  deux  séries 
pour  que  leur  origine  puisse  être  distincte.  Aussi  M.  Obermaier 


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Fig.  1.").  —  Divers  panneaux  de  signes   rouges  de  la  Cueva  del  Cristo.  1  est  au  centre; 

2  et  3  à  droite.  Échelle  :  environ  1/7. 

adopte-t-il  l'idée,  que  j'ai  émise  à  plusieurs  reprises,  d'un  foyer 
méridional  où  se  serait  formé  l'art  schématique  à  partir,  sans 
doute,  d'un  point  de  départ  plus  naturaliste,  dès  l'époque  pré- 
néolithique  et  même  paléolithique  final.  La  civilisation  capsienne 
aurait  évolué  in  situ  vers  Y Azilio-tardenonien,  qui  aurait,  sous 
l'influence  des  premiers  arrivants  néolithiques,  émigrés  partielle- 
ment  irera  le  nord,  essaimant  dans  les  Pyrénées,  l'Europe  occi- 
dentale et  même  centrale;  mais  tandis  que  ces  fugitifs  y  laissaient 
leurs  galets  peints,  ceux  qui  étaient  demeurés  dans  le  sud  et  le 


LES    PEINTURES    RUPESTRES    DE   LA    PENINSULE    IBÉRIQUE.  ^3 

centre  de  la  péninsule  subirent  fortement  les  influences  des  nou- 
veaux venus  et  enrichirent  leur  art  d'un  certain  nombre  d'élé- 


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Fie.  16.  —  Divers  groupes  des  signes  et  ponctuations  du  Canchal  de  Mahoma  (1,  2,  3, 
4,  6,  7,  8,  9)  et  de  la  Pizarra  (5).  —  Largeur  de  1  :  0m,42  ;  —  de  2  :  0m,28  ;  —  Hau- 
teur de  3,  peint  en  blanc  :  0~,12  ;  —  Largeur  de  4  :  0m,35  ;  —  Hauteur  de  5  :  0m,17; 
—  Largeur  de  6  a  :  0,03  ;  -  6  b  :  0,06  ;  —  6  c  :  0,07  ;  —  6  d  :  0,06  ;  —  6  e  :  0,10  ;  - 
de  7  :  0m.033;  —  de  8  :  0,10;  —  de  9  :  0,04. 

ments  empruntés  à  leurs  idées,  comme  la  représentation  des 
figures  de  femmes  «  à  tête  de  chouette  »  du  monde  dolménique  et 
celle  des  idoles  rectangulaires  et  bitriangulaires  du  Néolithique 


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Fig.  17.  —  Divers  panneaux  de  signes  rouges  de  La  Majada  de  Las  Torres  (1  à  5,  8)  du 

Risco  del  Ciervo  (7)  et  del  Aguila  (6). 

ibérien.  Cet  art  pictural  se  manifestant  d'un  côté  par  des  dessins 
en  couleur,  d'autre  part  par  des  gravures  sur  rochers,  descend 
incontestablement  jusqu'au  début  de  l'époque  du  Bronze. 


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Quelle  est  la  place,  dans  ce  vaste  espace  de  temps,  qui  va  depuis 
la  fin  du  Paléolithique  jusqu'aux  métaux,  des  diverses  manifesta- 
tions picturales  des  Batuecas  ? 

On  ne  saurait,  en  aucun  cas,  attribuer  un  seul  âge  à  toutes,  car 
nous  avons  vu  qu'il  en  est  de  caractères  nettement  différents. 

Le  groupe  le  plus  ancien,  composé  presque  exclusivement  de 
petites  Chèvres  brun-foncées  assez  naturalistes  peut  parfaitement 
être  paléolithique,  et  correspondre  dans  l'ouest -de  la  Meseta  aux 
manifestations  naturalistes  d'Alpera  et  Cogul  dans  l'Est.  Les 
figures  sont  mouvementées,  parfois  assez   bien  dessinées.  Dans 


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Fi  s.  18.  —  Divers  panneaux  de  signes  rouges  vifs  des  Canchalesde  la  Villita  (1).  Mahoma. 
Plusieurs  se  superposent  à  des  Bouquetins  du  même  style  que  ceuxjde  «  Las  Cabras 
Pintadas  ».  Echelle  de  1  et  2  :  1/9.  —  Largeur  du  panneau  de  droite  :  0",80. 


aucun  abri  certainement   néolithique    nous  n'avons  trouvé  de 
figures  comparables. 

En  revanche,  les  petites  Chèvres  rouges  à  cornes  de  profil  des 
Batuecas  et  les  petits  animaux  blancs  peuvent  être  comparées  à 
beaucoup  d'autres  de  Sierra  Morena  (1),  d'Extrémadure,  d'Al- 
meria  (2),  d'Albacete  (3),  et  de  Cadix  (4),  qui  sont  en  partie 
néolithiques.  Il  est  vrai  que  ces  figures  y  sont  plusieurs  fois  anté- 
rieures à  des  dessins  nettement  déterminés  comme  néolithiques, 
de  sorte  qu'il  reste  douteux  si  ces  petites  figures  sont  ou  non 
néolithiques.  A  la  Cueva  Negra  (Alpera),  elles  sont  superposées  à 


(l)  Rabanero,  Camforros  de  Pe&aranda,  Despeûaperros,  Cerro  Monuera  (Aldeaque- 
mada  .  Piedra  Escrita  et  fiatanera  (Fuencaliente),  et,  au  sud  du  Guadalquivir,  las 
Grajai  <!*'  Jimena  de  Jaen. 

Loi  Letreroa,  Fuente  de  la  Asa  i Vêlez  fllanco). 
La  Cuftva  negra  (Alpera]  «;t  autres. 
(4)  Tajo  de  lai  Pigui 


LES    PEINTURES    RUPESTRES    DE    LÀ    PÉNINSULE  IBÉRIQUE.  20 

des  débris  de  fresques  naturalistes  et  il  existe  au  pied  de  l'abri  un 
gisement  à  petits  silex  tardenoisiens,  conditions  favorables  à  une 
attribution  épipaléolitbique. 

En  revanche,  à  los  CamforrosdePenaranda;les  animaux  figurés 
sont  conduits  avec  une  longe  par  des  personnages  semblables  à 
d'autres  sousjacents,  à  Piedra  Escritade  Fuencaliente,  aux  figures 
néolithiques  typiques  ;  de  plus  la  poterie  néolithique  y  abonde. 
On  a  donc  ici  une  indication  plutôt  protonéolithique. 

Les  figures  ramiforrnes  et  autres  des  abris  du  Zarzalon,  de  la 
Pizarra,  de  la  Cueva  del  Gristo,  de  Mahoma  et  de  las  Torres 
manquent  complètement  d'élément  typiquement  néolithiques,  de 
sorte  que  leur  analogie  est  plus  grande  avec  les  galets  peints 
aziliens  qu'avec  les  abris  sous  roches  d'âge  sûrement  néolithique 
des  roches  d'Extrémadure,  qui  sont  les  plus  voisines. 

Il  paraît  en  outre  bien  difficile  d'admettre  l'âge  néolithique  des 
fresques  des  Batuecas,  en  présence  de  l'absence  apparente  dans 
toute  la  vallée,  de  tout  vestige  d'objet  oa  de  monument  caractéris- 
tiques de  cet  âge. 

Les  seuls  objets  recueillis  au  cours  de  trois  explorations  que 
j'y  ai  faites  sont  en  effet  de  rares  fragments  de  quartzite  et 
quartz  hyalin  d'un  travail  très  primitif,  semblables  à  ceux  de  l'abri 
de  la  Tabernera  de  la  Hoz  del  Rio  Frio  (Sierra  Morena). 


X 

ROCHES  PEINTES  DE  GARGIBUEY^  (salamanca) 

Lors  de  mon  second  voyage  aux  Batuecas  au  printemps 
1911,  je  fis  halte,  entre  Bejar  et  La  Alberca,  au  village 
de  Garcibuey;  on  nous  y  avait  signalé  une  grotte  avec  des 
inscriptions  dans  la  montagne  dominant  le  village  ;  malheureuse- 
ment ces  dernières  étaient  en  pur  castillan.  Néanmoins  M.  Cabré 
qui  m'accompagnait  eut  la  chance  de  trouver  au  seuil  de  la  cavité 
un  fragment  d'ardoise  avec  plusieurs  lignes  de  caractères  alpha- 
bétiques inconnus,  peut-être  ibériques.  Ayant  aperçu  près  de  là 

(1)  Ct.  L'Anthropologie,  1912,  p.  18. 


2l) 


II.    BREUIL, 


une  vallée  encaissée  se   resserrant   en  gorge  profonde  avec  des 
rochers  de 'grès  siluriens  propices  aux  peintures  rupestres,  j'en 


Fig.  llJ.  —  En  haut,  barres  rouges  à  contours  ponctués  de  blanc^de  l'un  des  Ganchales 
de  la  Villita;  en  bas,  barres  analogues  et  arceau  également  contourné  de  points 
blancs,  de  la  grotte  de  Garcibuey.  Échelle  :  1/4. 


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Fia.  20.  —  Figures  et  signes  peinte  de  la  grotte  <le  Garcibuey.  Échelle  :  environ    1/4. 


Os  l'exploration  en  deux  journées.  Au  point  le  plus  resserré  du 
défilé,  je  découvris,  sur  la  rive  droite,  et  assez  haut  au-dessus  du 


LES    PEINTURES    RUPESTRES    DE    LA    PENINSULE    IBERIQUE.  27 

cours  d'eau,  une  petite  grotte,  à  surfaces  rocheuses  très  fissurées, 
et  en  voie  d'effondrement,  qui  était  ornée  de  quelques  figures 
peintes  en  rouge.  Il  y  avait  (fig.  20)  trois  figures  humaines,  dont 
un  archer,  des  signes  stelliformes,  des  semis  de  points,  un  cercle 
barré,  un  signe  pectiforme  et  un  autre  cruciforme,  et  des  taches 
alignées.  Le  plus  nouveau  de  cet  ensemble  était  un  arceau  rouge 
et  deux  barres  entourées  de  ponctuations  blanches  (fig.  19,  n°  2 
et  3). 

Un  peu  en  aval,  et  au  niveau  de  la  rivière,  un  autre  abri  présen- 
tait un  petit  nombre  de  ponctuations  alignées. 


L'Anthropologie,  T.  XXIX 


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Partie  gauche 
DU  CANCHAL  DE  LAS  CABRAS  PINTADAS 


(Las  Batuecas) 


Echelle  :  environ  1/4. 


L'Anthropologie,  T.   XXIX 


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Panneau  élevé,  situé  au-dessus 
de  la  partie  droite  de  la  première 
bande. 

Echelle  :  2/9 


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Partie  droite 

DU  CANCHAL  DE  LAS  CABRAS  PINTADAS 

(Las  Batuecas) 


SUR  QUELQUES  VA.RRT10NS 

DES  OS  «  DES  CRÂNES  GRECS  ANCIENS  »   " 


PAR 


M.  le  Dr  hed   Jean  G.  KOUMARIS 

Directeur  du  Musée  d'Anthropologie  de  l'Université  d'Athènes. 


Au  cours  de  mes  études  sur  les  précieuses  collections  de  crânes 
ayant  appartenu  aux  Hellènes  des  époques  passées,  que  le  soin 
de  mon  savant  prédécesseur  et  fondateur  du  Musée  d'Anthropo- 
logie d'Athènes,  feu  Clow  Stephanos,  a  sauvés  pour  la  science,  j'ai 
noté  quelques  observations  sur  différentes  variations  des  os  du 
crâne.  Je  crois  qu'il  peut  y  avoir  quelqu'intérêt  à  présenter  ici 
très  brièvement  (2)  les  plus  intéressantes,  principalement  au  point 
de  vue  statistique. 

Je  le  fais  avec  d'autant  plus  d'empressement  que  je  sens  le 
devoir  de  tâcher  de  combler  au  moins  quelques-unes  des  lacunes 
qui  existent  dans  la  littérature  anthropologique,  surtout  au  point 
de  vue  de  la  race  grecque.  La  pauvreté  des  données  anthropolo- 
giques concernant  mon  pays  y  saute  douloureusement  aux  yeux  à 
chaque  page  ;  la  race  grecque  n'est  mentionnée  que  fort  rarement 
et  de  la  manière  la  plus  incomplète. 

Les  observations  ont  été  faites  généralement  sur  des  crânes 
d'un  âge  mûr.  Le  nombre  des  crânes  féminins  étant  très  restreint, 
nous  les  avons  compris  dans  l'ensemble. 


(1)  Je  suis  obligé  de  comprendre,  pour  la  présente  communication,  sous  la 
rubrique  vague  :  «  crânes  grecs  anciens  »,  tous  ceux  qui  sont  exhumés  par  les 
archéologues  en  Grèce  (Grèce  continentale  et  dans  les  îles  d'Egée,  la  Crète  exceptée)  et 
qui  appartiennent  aux  temps  préhistoriques,  classiques,  des  premiers  siècles  de  notre 
ère  et  même  plus  récents  encore. 

(2)  Késumé  de  deux  publications  qui  paraîtront  en  grec,  dans  l'Annuaire  de 
l'Université. 

l'anthropologie.  —  t.  xxix.  —  1918. 


3o  l>r    HED.    JEAN  G.    KOUMARIS. 


I 


Parmi  les  variations  des  régions  du  crâne  situées  sur  le  plan 
sagittal,  nous  avons  étudié  les  plus  intéressantes. 

Le  «  troisième  gondyle  ))  au  basion  de  l'os  occipital  et  les 
a  émineticps  accessoires  »,  ou,  comme  je  me  permets  de  les 
appeler,  les  «  psendocondyles  »,  ne  sont  pas  rares  dans  les  séries 
des  crânes  examinés.  Je  dois  avouer  pourtant  que  je  trouve 
cette  division,  en  vrai  et  faux  condyle,  quelquefois  extrêmement 
difficile  et  plus  ou  moins  conventionnelle  ;  je  suppose  même 
qu'elle  occasionne  bien  des  différences  entre  les  statistiques. 

Sous  cette  réserve,  et  en  restant  le  plus  strictement  possible 
dans  la  division  ordinaire,  j'ai  observé  le  troisième  condyle 
6  fois  sur  539  crânes  anciens  pouvant  être  pris  en  considération 
au  point  de  vue  de  cette  anomalie,  c'est-à-dire  dans  une  propor- 
tion de  1,11  0/0. 

Dans  un  cas  le  condyle  basiaque,  très  massif,  mesure  M  milli- 
mètres de  hauteur. 

Quant  aux  pseudocondyles,  je  les  ai  rencontrés  29  fois  sur  le 
même  nombre  de  crânes  ;  c'est-à-dire  :  5,38  0/0.  Il  est  intéressant 
de  constater  que  parmi  13  cas  de  ces  éminences  simples,  11  fois 
l'apophyse  se  trouvait  à  gauche  de  la  ligne  médiane  ;  et  plus 
encore,  dans  les  autres  cas,  d'une  végétation  double,  celle  de  la 
moitié  gauche  est  en  général  bien  plus  exagérée. 

Le  condyle  surnuméraire  dans  ses  deux  formes  d'apparition  se 
remarque  18  fois  sur  des  dolichocéphales,  8  fois  sur  des  méso- 
céphales  et  6  fois  sur  des  brachycéphales  (1)  ;  dans  3  cas,  l'indice 
relatif  n'a  pu  être  mesuré. 

J'ai  vu  l'anomalie  28  fois  sur  des  crânes  du  sexe  mâle,  2  fois 
sur  des  crânes  féminins  et  5  fois  sur  d'autres  crânes. 

L'  «  os  interpariétal  »  de  l'Homme,  résultant  de  la  présence  à 
un  âge  avancé  de  la  suture  biastérique  parfaitement  développée, 
n'a  pas  été  rencontré  sur  un  grand  nombre  de  crânes  de  nos 
collections. 

(I)  Dol.  =  x-77,76;  méf.  -  77,77-79,9!)  ;  br.  =  80,00-*. 


Si  II    QUELQUES    VARIATIONS    DES    <>>    «     DES    CRANES    GRECS     ANCIENS    ».        3l 

Sur  653  crânes  examinés  h  cet  égard,  j'ai  trouvé  1  cas  seule- 
ment d'interpariétal,  complet,  indivis,  dans  un  état  même  de 
synostose  très  avancé.  La  suture  biastérique  se  détachait  pourtant 
à  gauche  quelque  peu  au-dessus  de  l'astérion.  La  proportion  est 
par  conséquent  minime,  de  0,15  0/0.  En  ajoutant  même  2  cas 
d'interpariétal  incomplet,  unilatéral,  droit,  moitié  et  tiers  de  la 
variation  typique  et  1  cas  très  intéressant  d'un  interpariétal 
incomplet,  bilatéral,  dont  les  deux  moitiés  sont  séparées  au 
milieu  par  un  prolongement  vers  le  lambda  du  suroccipital,  nous 
n'avons  que  4  cas  en  tout,  ou  une  proportion  de  0,61  0/0. 

En  plaçant  ce  chiffre  dans  le  tableau  de  Martin  (Anthropo- 
logie, 1913),  nous  voyons  que  la  présence  de  l'interpariétal  chez 
les  Grecs  anciens  est  des  plus  faible. 

En  outre,  j'ai  aperçu,  dans  le  même  nombre  de  crânes,  quelque- 
fois des  fissures  astériques  incomplètes,  d'une  part  12  fois  et 
d'autre  part  24  fois  ;  et  sur  43  autres  crânes,  des  traces  seule- 
ment de  la  suture  biastérique.  Et  dans  ces  cas  plus  nombreux,  j'ai 
pu  constater  une  fois  des  traces  de  cette  suture  se  dirigeant 
indiscutablement  au-dessous  de  l'inion.  Je  note  ce  fait,  vu  sa 
signification  pour  la  question  de  la  genèse  de  linterpariétal  (Le 
Double,  Variât,  des  os  du  crâne,  1903). 

Relativement  à  l'indice  céphalique,  j'ai  rencontré  les  2  cas  de 
la  variation  sur  des  crânes  longs  et  les  2  autres  sur  des  crânes 
courts.  Tous  les   quatre  sont  masculins. 

L'  «  os  épactal  »  des  Inkas,  du  à  la  présence  d'une  suture 
horizontale  supérieure  de  l'écaillé  de  l'occipital,  se  rencontre  bien 
plus  souvent  que  l'interpariétal  dans  les  collections  de  crânes 
anciens  de  la  Grèce.  Je  l'ai  vu,  sur  les  mêmes  653  crânes,  78  fois. 
Nous  avons,  par  conséquent,  une  proportion  de  11,94  0/0,  qui  se 
place  dans  le  tableau  correspondant  de  Martin,  après  celle  des 
crânes  de  la  Floride  ;  la  variation  se  présente  ainsi  plus  souvent 
que  chez  d'autres  races  européennes. 

L'épactal  est  55  fois  simple  ;  dans  la  plupart  des  cas,  il  est  irré- 
gulier ;  les  belles  formes  triangulaires  typiques  sont  assez  rares. 

La  variation  se  présente  43  fois  sur  des  crânes  du  type 
dolichocéphale,  17  fois  mésocéphale  et  13  fois  brachycéphale  ;  le 
type  des  5  autres  ne  pouvant  être  déterminé. 

65  crânes  anormaux  appartenaient  au  genre  masculin,  6  au 
genre  féminin. 


32  Dr    HED.    JEA*    G.    KOUMAÎUS. 

L'  «  appendice  linguiforme  du  lambda  ))  a  été  constaté,  parmi 
les  653  mêmes  crânes,  1  fois  :  0,15  0/0,  malheureusement  dans 
un   état  de  synostose  très  avancée  ;  l'apophyse   s'étend  jusqu'à 

l'obélion. 

Le  crâne  appartient  au  type  dolichocéphale  et  au  sexe  masculin. 

L'  «  os  bregmatique  »,  extrêmement  rare  comme  on  sait  dans 
la  race  blanche,  a  été  trouvé  pourtant  7  fois  sur  646  crânes  du 
musée  ;  ce  qui  donne  une  proportion  de  1,08  0/0. 

Cependant  nous  n'avons  peut-être  pas  le  droit,  en  nous  basant 
sur  cette  petite  statistique,  de  conclure  qu'à  cause  de  cette  plus 
grande  fréquence  de  l'osselet  anormal,  l'apparition  du  bregma- 
tique était  vraiment  plus  fréquente  autrefois  qu'aujourd'hui,  ainsi 
qu'on  l'a  prétendu. 

Je  n'ai  vu  que  des  cas  d'os  simple  ;  et,  sauf  2  cas  de  bregma- 
tique typique,  les  5  autres  se  présentent  comme  hémibregma- 
tiques  supérieurs.  3  fois  il  est  accompagné  de  métopisme. 

Le  bregmatique  a  été  trouvé  5  fois  sur  des  dolichocéphales  et 
2  fois  sur  des  mésocéphales. 

Tous  les  cas  appartiennent  au  sexe  masculin.  Le  nombre  des 
crânes  féminins  dans  les  collections  étant  restreint,  on  ne  saurait 
vraiment  conclure  que  c'est  «  une  anomalie  presque  exclusive 
des  crânes  masculins  ». 

Le  «  métopisme  »,  la  variation  la  plus  intéressante  de  ces 
régions,  a  été  rencontré  68  fois  parmi  677  crânes  examinés  à  ce 
point  de  vue  ;  ce  qui  nous  donne  une  proportion  de  10,40  0/0. 

En  comparant  la  parfaite  harmonie  de  ce  chiffre  avec  celui  des 
crânes  des  Parisiens  dans  le  tableau  relatif  de  Martin,  oserons- 
nous  reprendre  l'idée,  déjà  admise,  que  le  métopisme  se  ren- 
contre bien  plus  souvent  parmi  les  peuples  modernes  ou  anciens 
les  plus  civilisés?  Un  simple  regard  sur  le  tableau  déjà  men- 
tionné nous  oblige  à  être  de  cet  avis. 

Au  surplus,  je  dois  signaler  le  fait,  non  moins  intéressant,  que 
parmi  les  précieux  crânes  préhistoriques  (de  Mycènes,  d'Attique, 
des  lies  d'Egée  etc.)  surtout,  mais  encore  dans  quelques  collec- 
tions de  la  plus  haute  antiquité,  la  présence  du  métopisme  est 
presque  nulle.  Dans  d'autres  collections  antiques  pourtant 
(d'Athènes,   de  Corinthe,  d'Erétrie  etc.),  aussi  bien  que  sur  des 


SUR  QUELQUES  VARIATIONS  DES  OS  ((  DES  CRANES  GRECS  ANCIENS  )).    33 

crânes  des  temps  plus  récents,  la  persistance  de  la  suture  médio- 
frontale  est  très  commune. 

Entre  ces  cas  de  métopisme,  on  pourrait  en  examiner  plus 
minutieusement  58.  Dans  ce  nombre,  je  n'ai  pu  constater  que  13  fois 
un  capat  craciatum  (22,41 0/0).  Parmi  les  autres  45  cas  d'un 
métopisme  asymétrique  avec  discontinuité  de  la  suture  métopique 
et  de  la  suture  bipariétale,  je  n'ai  trouvé  que  4  cas  seulement 
d'une  déviation  de  la  première  à  gauche  du  plan  médian  du 
corps;  dans  les  autres  41  cas,  la  suture  métopique  inclinait  à 
droite.  C'est  une  particularité  dont  nous  ignorons  la  cause. 

Sauf  5  cas,  dans  lesquels  l'indice  horizontal  du  crâne  n'a  pu 
être  déterminé,  le  métopisme  se  rencontre  34  fois  sur  des  crânes 
dolichocéphales,  14  fois  sur  des  mésocéphales  et  15  fois  sur  des 
brachycéphale.  Cette  petite  statistique  ne  permet  d'établir  aucune 
relation  entre  le  métopisme  et  les  diamètres  principaux  du  crâne. 

Par  contre,  on  pourrait  trouver  une  relation  de  ce  genre  entre 
le  métopisme  et  le  développement  du  front  en  particulier.  La 
mensuration  de  l'indice  frontal  (fronto-pariétal)  a  donné  3  crânes 
sténométopes,  11  crânes  métriométopes  et  52  crânes  eurymé- 
topes,  présentant  la  suture  médiofrontale  (1)  ;  2  crânes  n'ont  pu 
être  mesurés  relativement  à  cet  indice.  Nous  avons  par  consé- 
quent une  proportion,  vraiment  très  grande,  de  78,78  0/0. 

Le  métopisme  a  été  rencontré  sur  3  crânes  féminins,  57  mascu- 
lins et  8  de  sexe  indéterminé. 

Pour  terminer,  je  voudrais  ajouter  que  parmi  le  même  nombre 
de  crânes  j'ai  constaté  dans  un  cas  (0,14  0/0)  des  traces  asté- 
roïdes de  la  fontanelle  médio-frontale,  au  milieu  du  front,  sur 
1  crâne  métopique,  du  moyen-âge  (Athènes),  de  type  brachycé- 
phale et  eurymétope,  du  genre  masculin  et  d'un  âge  mûr. 


II 

Parmi  les  variations  des  régions  latérales  du  crâne,  je  voudrais 
mentionner  seulement  celles  qui  concerne  le  «  ptkrion  ». 

Il  est  nécessaire,  je  pense,  d'insister  d'abord  sur  le  besoin  de 
préciser  plus  exactement  qu'on  ne  le  fait  souvent  les  limites  des 
formes  du  ptérion  en  K  ou  en  I.  Je  crois  qu'on  ne  pourrait  autre- 
ment avoir  des  statistiques  comparables  entre  elles. 

(1)  St.  =  x-65,99  ;  met.  =  66,0  68,99  ;  eur.  =  69,0-x. 

l'anthropologie.  —  t.  xxix.  —  1918.  3 


Ofi  Dr    HED.    JEVN    G.     KO U MARIS. 

Dans  le  ptérion  en  K  nous  n'avons  à  voir  qu'un  contact  par 
rapprochement  des  deux  os  latéraux  dans  leur  totalité  et  sans  un 
prolongement  vrai,  à  cause  d'une  hypoplasie  de  l'aile  du  post- 
sphénoïde ;  il  en  résulte  une  suture  sphéno-pariétale  =  o,  ou 
presque  o,  de  1  ou  de  2  millimètres  au  plus.  Ce  n'est  qu'à  un 
ptérion  pareil  qu'il  convient  d'attribuer  le  nom  de  «  sténocro- 
taphie  ».  Il  n'y  a  aucune  raison,  selon  moi,  pour  comprendre  sous 
ce  titre  des  ptérions  de  6,11  millimètres  ou  plus  encore  Nous 
n'avons  que  l'H  normal,  plus  ou  moins  étroit. 

La  sténocrotaphie,  représentée  par  la  forme  K  typique,  s'oppose 
à  toutes  les  autres  formes  de  recouvrement  du  vide  de  la  fon- 
tanelle ptérique.  Nous  entendons  :  a)  la  forme  normale  du  ptérion 
en  H  vertical,  jusqu'à  la  plus  grande  extension  de  l'aile  ;  c'est-à- 
dire  d'une  suture  sphéno-pariétale  de  quelques  millimètres 
jusqu'à  plusieurs  centimètres  ;  b)  le  ptérion  en  I,  naissant  d'une 
apophyse  au  vrai  sens  du  mot  de  l'un  ou  l'autre  des  os  laté- 
raux ;  c)  l'os  ptérique.  Tous  ces  ptérions  peuvent  être  compris 
sous  la  dénomination  générale  d'  d   eurycrotaphie  ». 

Je  n'ai  presque  pas  rencontré  dans  les  collections  examinées 
le  ptérion  en  K  avec  la  suture  sphéno  pariétale  =  o.  Sur 
581  crânes,  j'ai  constaté  cette  forme  de  ptérion  avec  un  rappro- 
chement de  2  millimètres  au  plus,  seulement  5  fois  ;  c'est-à-dire 
dans  une  proportion  de  0,8&0/0. 

Ce  chiffre  se  placerait  tout  au  commencement  du  tableau  relatif 
de  Martin,  si  on  avait  le  droit  de  l'y  enregistrer.  Sur  une  dizaine 
de  crânes,  la  suture  du  milieu  est  très  courte,  mais  je  ne  saurais 
ranger  ces  cas  dans  la  sténocrotaphie  typique.  La  variation  est 
en  général  bilatérale. 

Le  ptérion  en  I  a  été  observé  15  fois  sur  le  même  nombre  de 
crânes  ;  13  fois  comme  un  processus  de  récaille  de  l'os  temporal  et 
1  fois  de  l'os  frontal.  Les  7  cas  étaient  unilatéraux,  accompagnés 
de  l'autre  côté  d'un  os  ptérique  ou  d'un  H.  La  proportion 
pour  cent  de  la  variation  est  :  2,58  0/0. 

En  plaçant  ce  chiffre  à  côté  de  ceux  du  tableau  de  Martin,  nous 
relevons  une  fréquence  marquée,  en  comparaison  de  la  pré- 
sence de  cette  variation  sur  les  crânes  européens. 

Je  ne  comprends  pas,  dans  ce  nombre,  14  autres  cas  de  prolonge- 
ments incomplets,  qui  altèrent  seulement  l'expression  d'H  vertical. 

L'os  ptérique,  a  été  rencontré  134  fois  parmi  ces  581  crânes, 
dans  une  proportion  de  23,00  0/0. 


Mil    QUELQUES    VARIATIONS    Mis    os    «    DES   CRANES   GRECS    \\<:n-:\s    ».        35 

76  fois  l'os  était  unilatéral,  accompagné  de  l'autre  côté  d'un 
H  normal  ou  couché.  Le  ptérique  typique  et  le  ptérique  posté- 
rieur, les  formes  les  plus  ordinaires,  se  trouvaient  dans  une  pro- 
portion égale  ;  bien  plus  rare  au  contraire  est  le  ptérique  anté- 
rieur et  tout  à  fait  exceptionnelles  sont  les  autres  formes.  Enfin, 
sauf  l'apparition  d'un  os  simple,  double  et  triple,  j'ai  noté  un  cas 
de  4  petits  osselets  bien  distincts.  Dans  le  tableau  correspondant 
de  Martin,  l'analogie  ci-dessus  occuperait  une  place  très  élevée  : 
entre  celles  des  crânes  des  Bavarois  et  des  Mélanésiens. 

Parmi  les  différentes  formes  du  ptérique,  il  en  est  une  qu'il 
faut  mettre  tout-à  fait  à  part,  la  dénomination  ptérique  étant 
même  insuffisante.  Il  s'agit  de  l'os  surnuméraire  du  crâne,  d'une 
grandeur  rare,  simple,  s'étendant  du  frontal  jusqu'à  l'astérion  à 
peu  près,  en  forme  de  sabre  et  entourant  l'écaillé  du  temporal. 
Pour  cet  os,  en  même  temps  fontanellique  et  suturai,  pour  lequel 
le  nom  de  ptérique  comme  aussi  celui  de  wormien  de  la  suture 
pariéto-temporale  sont  vraiment  insuffisants,  il  serait  juste  de 
conserver  par  exemple  le  nom  «  sus-temporal  »  (supratemporale) . 
On  a  donné  ces  divers  noms  plus  précis  au  ptérique  en  général. 
Il  serait  préférable  de  garder  celui-ci  au  moins  pour  l'os  anormal 
décrit,  qui  ne  présente  ni  un  os  wormien  fontanellaire  ptérique, 
ni  un  simple  wormien  suturai. 

J'en  ai  2  cas,  l'un  unilatéral  et  d'une  longueur  de  70  millimètres, 
l'autre  bilatéral  et  de  dimensions  plus  petites.  Nous  nous  ren- 
dons compte  du  mode  de  formation  de  cet  énorme  os  de  recou- 
vrement, en  observant,  sur  nombre  de  crânes,  des  formes 
«  intermédiaires  »,  c'est-à-dire  des  formes  parmi  les  plus  longues 
Je  l'os  ptérique.  Il  y  a  là  une  tendance  de  pénétrer  à  la  suture 
squamo-pariétale,  jusqu'au  milieu  d'elle  et  plus  encore. 

Cette  même  tendance,  on  la  voit  remplacée  sur  d'autres  crânes 
par  une  vraie  hyperplasie  de  l'aile  du  postsphénoïde  qu'on  pour- 
rait, comme  d'autre  part,  appeler  «  apophyse  lingui forme  de  l'aile 
du  sphénoïde  ».  Pour  ma  part,  je  vois  en  outre  un  plus  grand 
rapport  de  l'os  ptérique  en  général  avec  l'aile,  qu'avec  tout  autre 
os  du  voisinage. 

Parmi  les  modes  de  recouvrement  de  la  région  du  ptérion,  nous 
voyons  donc  que  la  forme  en  K  représente  le  type  rare,  au 
contraire  de  ce  que  dit  Le  Double  ;  nous  n'avons,  dans  la  sténo- 
crotaphie,  qu'un  état  du  crâne  tout  à  fait  exceptionnel.  Au  surplus, 
es  cas  du  ptérion  en  K  sont  pour  la  plupart  bilatéraux,  ou  tout 


36  Dr    HED.    JEAN    G.    KOI  MARIS. 

au  plus  avec  un  H  très  étroit  de  l'autre  côté.  Au  contraire,  les 
formes  de  l'eurycrotaphie,  soit  l'H  typique,  11  et  l'os  ptérique, 
comme  nous  venons  de  le  voir,  apparaissent  très  souvent  alter- 
nativement, Tune  ou  l'autre,  aux  deux  côtés.  Dans  le  petit  nombre 
de  cas  de  sténocrotaphie  dont  je  dispose,  je  n'en  ai  pas  observé  au 
contraire  un  seul  où  elle  fût  accompagnée,  de  l'autre  côté,  par  un[H 
vertical  large,  d'un  processus  ou  même  d'un  os  ptérique.  Je  ne 
saurais  généraliser  la  question  ;  je  note  seulement  des  faits. 

4  cas  de  sténocrotaphie  appartiennent  à  des  crânes  dolicho- 
céphales, le  dernier  à  un  crâne  court.  Les  15  cas  du  ptérion  ren- 
versé donnent  8  dolichocéphales,  3  mésocéphales  et  4  brachy- 
céphales.  L'os  ptérique  apparaît,  parmi  les  134  cas,  sur  66  crânes 
longs,  30  crânes  moyens  et  30  crânes  courts  ;  il  est  impossible 
d'avoir  l'indice  des  8  autres  crânes. 

Il  est  intéressant  de  constater,  quoiqu'il  y  ait  une  grande  iné- 
galité dans  les  crânes  à  comparer,  que  la  sténocrotaphie  se  trouve 
sur  des  crânes  dolichocéphales,  tandis  que  les  variations  de 
l'eurycrotaphie,  soit  11  et  l'os  ptérique,  se  trouvent,  pour  moitié 
déjà,  sur  des  crânes  dont  le  diamètre  horizontal  a  subi  une 
évolution.  Les  wormiens  des  régions  situées  au  plan  sagittal  du 
crâne  (épactal,  bregmatique),  comme  nous  l'avons  vu  plus  haut,  se 
trouvent  plus  souvent  sur  des  crânes  longs. 

J'ai  vu  le  ptérion  en  K  sur  4  crânes  masculins  et  1  indéterminé  ;  le 
ptérion  renversé'sur  14  mâles  et  1  indéterminé;  l'os  ptérique  sur 
108  crânes  du  sexe  mâle,  9  du  sexe  féminin  et  16  indéterminés. 

Le  nombre  de  crânes  anciens  examinés  étant  très  restreint 
en  comparaison  d'autres  riches  collections,  je  ne  saurais  essayer 
de  discuter  des  questions  intéressant  si  fort  l'Anthropologie; 
je  n'oserais  aller  plus  loin  dans  l'interprétation  des  faits  présentés. 
Mon  bagage  est  encore  trop  léger.  On  ne  doit  donc  chercher, 
dans  le  cadre  modeste  de  cette  communication,  que  des  indica- 
tions préliminaires. 

Je  n'ai  donné  que  des  chiiïres  dans  l'espoir  qu'ils  pourront  être 
d'une  certaine  utilité  pour  les  études  de  l'avenir,  à  cause  du 
précieux  matériel  de  crânes,  antiques  pour  la  plupart,  sur  les- 
quels ces  chiffres  ont  été  pris. 


NOTES 

SUR  CERTAINS  RITES  MAGICO-RELIGIEUX 
DE  LA.  HAUTE  CÔTE  D'IVOIRE 


LES  GBONS 


PAR 


M.    PROUTEAUX 

Administrateur    dos   Colonies. 


Dans  un  très  grand  nombre  de  villages  de  la  Haute-Côte 
d'Ivoire  existent  des  confréries  magico-religieuses  peu  étudiées, 
bien  que  certaines  de  leurs  cérémonies  soient  connues  de  tous  les 
Européens  ayant  vécu  dans  ces  régions. 

Chacun,  en  effet,  a  entendu  parler,  s'il  ne  les  a  vus,  de  ces 
masques  énormes  et  hideux  qui  sont  la  terreur  des  femmes,  car 
celles-ci  seraient,  dit-on,  malades  ou  même  mourraient  de  les 
avoir  seulement  rencontrés  ;  ce  sont  les  «  Gbons  »  ou  «  Gbaons  »  (  J  ). 

Dans  le  cercle  de  Korhogo  et  dans  celui  de  Bondoukou,  ce  mot 
m'a  semblé  servir  de  terme  générique  pour  désigner  tous  ces 
masques  ;  mais  j'ai  tout  lieu  de  croire  que  chaque  tribu  donne  un 
nom  particulier  au  Gbon  qui  la  protège. 

On  retrouve  les  mêmes  masques,  les  mêmes  rites,  les  mêmes 
confréries  chez  les  peuplades  les  plus  diverses  :  M.  Delafosse  en  a 
signalé  et  j'en  ai  vu  moi-même  chez  les  Séné  (2)  des  districts  de 
Boundiali  et  de  Korhogo,  je  les  ai  retrouvés  chez  les  Dioulas  de 
Kong,  chez  ceux,  d'origine  différente,  de  Bondoukou  et  villages 
environnants    (notamment  Sorhobango   et   Bondo)   et  chez  les 

(1)  Prononcer  rapidement  et  d'une  façon  sourde. 

(2)  Le  peuple  Siena  ou  Senoufo. 

l'anthropologie.  —  t.  xxix    —  1918 


38  M.    PROUTEAUX. 

Ligbis  de  Bouna.  Par  renseignements,  je  les  crois  répandus  dans 
beaucoup  d'autres  tribus  et  villages,  et  j'ai  pu  me  rendre  compte 
qu'ils  étaient  très  proches  parents  du  Goli  des  Baoulés. 

Les  manifestations  extérieures  de  ces  Gbons  les  plus  connues 
par  les  Européens  sont  leur  présence  aux  funérailles  de  certaines 
personnes  notables,  et  l'on  est  souvent  tenté  de  réduire  leur  rôle 
aux  danses  et  aux  cérémonies  funéraires. 

Mais  les  danses  des  hommes  ainsi  masqué  ne  sont  qu'un  des 
rites  habituels  des  confrères  placés  sous  la  protection  de  l'esprit 
représenté  par  le  masque.  Si  elles  font  souvent  partie  des  fêtes  de 
funérailles,  c'est  que  les  défunts  que  l'on  honore  appartenaient  à 
la  confrérie  ;  les  initiés  ont  bien  d'autres  occasions  de  se  réunir  et 
le  masque  effectue  fréquemment  des  promenades  dans  le  village 
qui  lui  est  soumis. 

J'avais  dessein  d'étudier  dans  la  mesure  du  possible  les  rites  et 
les  règles  de  ces  confréries,  et  cela  dans  plusieurs  tribus  diffé- 
rentes, mais  le  temps  m'a  manqué  pour  mener  à  bien  cette 
enquête. 

Néanmoins  je  crois  intéressant  de  donner  la  description  d'une 
sortie  nocturne  du  Gbon  des  Ligbis  de  Bouna,  qu'ils  appellent 
Sourado. 

Je  n'ai  malheureusement  pas  de  photographie  du  Sourado, 
mais  son  aspect  extérieur  ne  diffère  pas  sensiblement  de  celui  de 
ses  cousins  germains,  les  autres  Gbons.  Je  donne  des  photo- 
graphies de  masques  et  d'homme  costumé  prises  en  1914  à  Bya, 
petit  village  séné  du  district  de  Korhogo. 

J'étais  entré  par  hasard  dans  un  bois  et  j'y  avais  surpris  une 
famille  de  prêtres  (le  père  et  deux  fils)  en  train  de  sacrifier  un 
poulet  aux  masques  sortis,  pour  l'occasion,  de  leur  abri  habituel. 
Ce  sacrifice  d'un  poulet  et  les  rites  qui  l'accompagnent  sont 
périodiques  (en  certains  lieux,  hebdomadaires). 

Le  prêtre  me  permit  sans  difficulté  de  photographier  les 
masques  et  sur  ma  demande  fit  costumer  l'aîné  de  ses  fils.  Cet 
habillage  est  assez  curieux. 

Le  vêtement  est  une  sorte  de  combinaison  faite  d'un  filet  en 
corde  de  Da  (1)  dont  tous  les  nœuds  sont  garnis  de  longues 
bouffettes  de  filasse,  de  manière  que  le  corps  soit  entièrement 
caché. 

(I)  Variété  de  chanvre. 


SUR    CERTAINS    RITES    MAGICO-REL1GIEU3    DE    LA    HAUTE    COTE    D'IVOIRE.       3g 

On  étend  la  combinaison  sur  le  sol,  la  partie  ouverte,  qui  doit 
recouvrir  le  dos  naturellement  en  dessus,  on  allonge  les  jambes 
côte  à  côte  et  les  manches  en  croix. 

Le  jeune  homme  se  déshabilla  entièrement  :  il  n'avait  à  mon 
arrivée  qu'un  cache  sexe  étroit,  mais  il  le  dénoua  et  ne  garda 
même  pas  une  ceinture.  La  nudité  de  l'initié  qui  se  masque  est 
sans  doute  rituelle  car,  devant  moi,  cet  habillage  n'était  qu'un 
simulacre  et  un  cache  sexe  ne  pouvait  gêner. 

Ainsi  nu,  le  jeune  homme  s'assit  à  côté  et  à  gauche  du  costume, 
passa  sa  jambe  droite  dans  celle  du  costume  qui  était  près  de  lui 
et,  se  couchant  sur  le  ventre  et  se  retournant,  logea  sa  jambe 
gauche.  Puis,  tandis  que  son  frère  remontait  le  vêtement  sur  le 
torse,  il  enfila  les  manches  et  resta  ainsi  couché  sur  le  ventre 
jusqu'à  ce  que  son  aide  eut  avec  un  lacet  réuni  les  mailles  des 
bords  de  la  fente  du  vêtement.  Une  fois  debout,  on  lui  passa  sous 
les  aisselles  une  ceinture  garnie  de]  filasse  très  longue  et  très 
fournie  et  l'on  posa  le  masque  sur  sa  tête.  Celui-ci  avait  lui-même 
une  frange  qui  tombait  sur  les  épaules,  cachant  la  nuque  et  le 
cou,  et  sa  gueule  ouverte  se  trouvait  à  hauteur  des  yeux  du  jeune 
homme. 

J'ai  décrit  cet  habillage  pour  la  curiosité  du  procédé,  mais  on 
verra  que,  dans  ses  détails,  le  costume  du  Sourado  est  un  peu 
différent. 

Le  Sourado,  je  l'ai  dit,  appartient  au  Ligbis,  mais  son  influence 
n'est  point  limitée  à  leur  quartier.  Des  hommes  de  tous  les  autres 
quartiers,  tant  musulmans  que  non  musulmans,  Dioulas  que 
Koulangos,  font  partie  de  sa  confrérie,  et  il  étend  ses  prome- 
nades dans  tout  le  village.  Aussi,  lorsque  résonne  son  tambour, 
Bouna  tout  entier  se  fait  silencieux  et  désert.  Il  faut  reconnaître 
qu'il  a  la  discrétion  de  ne  sortir  qu'à  une  heure  où  les  honnêtes 
gens  n'ont  plus  grand  chose  à  faire  dehors. 

La  nuit  où  je  l'ai  vu,  la  lune  était  superbe  et,  dans  la  soirée, 
des  danses  et  des  chants  avaient  animé  toutes  les  places,  mais 
vers  dix  heures  et  demie  le  silence  s'était  fait. 

Un  peu  après  11  heures,  brutalement,  un  tam  tam  d'une 
violence  inusitée  résonna,  très  scandé,  très  particulier.  A  un 
croisement  de  sentier,  à  une  centaine  de  mètres  du  quartier 
Ligbi  quelques  gamins  s'agitaient  :  l'un  d'eux  avait  entre  les 
jambes,  couché  à  terre,  un  tambour  trapu  d'environ  60  cm.  de 
long  sur  40  de  diamètre,  sur  lequel  il  frappait  à  coups  redoublés 


^o  M-    PROUTEAUX. 

de  sa  main  étendue.  Ce  tambour  spécial  est  entièrement  recouvert 
de  deux  peaux  de  bœuf,  je  crois,  cousues  ensemble  vers  le  milieu 
de  l'instrument,  et  maintenues  en  outre  par  une  armature  de 
lanières  de  cuir  (1). 

Le  poil  noir  a  été  laissé  partout  sur  les  peaux  sauf  sur  un 
espace  rectangulaire  de  quelques  centimètres  de  côtés,  à  l'endroit 
où  la  main  frappe. 

A  côté  de  ce  gamin  qui  s'escrimait  sur  le  tambour  rituel, 
deux  garçons  frappaient  sur  des  tambours  plus  petits  et  d'usage 
courant,  et  quelques  autres  sautillaient  autour  du  groupe  sous  la 
surveillance  de  deux  vieillards. 

Mais  le  bruit  réveillait  le  village  et  le  nombre  des  danseurs 
grossissait  rapidement  :  c'étaient  tous  des  enfants  de  10  à  15  ans. 
Dès  qu'ils  furent  une  vingtaine,  au  lieu  de  sautiller  au  hasard 
ils  régularisèrent  leurs  mouvements.  Formant  plusieurs  files 
concentriques,  ils  se  mirent  à  tourner  autour  des  tambours, 
courbés,  chacun  tenant  la  taille  de  celui  qui  le  précédait,  et  se 
trémoussant  en  chantant  un  air  très"  vif  et  très  gai. 

Les  deux  vieillards  dirigeaient  les  évolutions  et  veillaient  à  ce 
que  les  règles  fussent  observées  :  ainsi  plusieurs  gamins  ayant 
des  boubous  ou  des  tuniques  sans  manches,  les  vieux  les  arrê- 
tèrent aussitôt  et  les  forcèrent  à  quitter  des  vêtements  pour  s'en 
entourer  les  reins  à  la  façon  d'un  pagne  ;  c'est  la  tenue  obliga- 
toire :  le  torse  nu  et  un  pagne  faisant  jupon  jusqu'aux  genoux. 
Seuls  les  deux  vieillards  conservaient  leurs  boubous. 

Pendant  ce  temps,  sur  le  sentier  qui  va  vers  la  campagne, 
trois  hommes  surgis  de  l'ombre  s'agitaient  :  l'un,  un  pagne  blanc 
roulé  en  corde,  passé  autour  des  reins  et  entre  les  jambes,  le  bout 
retombant  derrière  jusqu'au  mollet,  courait,  allant,  venant, 
repartant  pour  revenir  aussitôt,  toujours  courbé  et  agitant  une 
sonnette,  les  deux  autres  en  boubous,  arpentaient  d'un  pas  lent 
les  50  premiers  mètres  en  soufflant   dans  les  trompes  d  ivoire 

(1)  Presque  tous  1ns  tambours  spéciaux  aux  rites  magiques  présentent  la  même 
singularité  que  les  deux  peaux  sont  cousues  ensemble.  Tels  sont,  par  exemple,  le 
gros  tambour  de  funérailles  des  Séné,  le  lomisi  de  Kong  (tambour  spécial  aux 
danses  masquées)  et  1.!  tambour  des  danses  masquées  de  Bondoukou  :  le  bois  de  ces 
timbours  es!  entièrement  recouvert  par  la  peau.  Au  contraire,  les  tambours  d'usage 
courant,  qu'ils  soient  à  une  ou  deux  peaux,  ont  celles-ci  limitées  à  la  surface  réson- 
1 1 .- 1 ut*-  et  tendues  par  des  chevilles  placées  à  quelques  centimètres  du  bout  de  l'instru- 
ment, lue  autre  particularité  de  ces  tambours  magiques  est  qu'on  les  frappe  de  la 
m  lin  et  non  (l'une  baguette. 


Fio.  1    —  Le  Gbon  dcBya. 


;(  H    CERTAINS    EUTES    MAGICO-RELIGIEUS    DE    LA    HAUTE    COTE    D'iVOIRE.      l\3 

dont  l'embouchure  est  juste  à  l'extrémité  pointue,  et  non,  comme 
d'habitude,  sur  le  côté. 

Au  bout  de  quelques  minutes,  les  vieillards  donnèrent  le  signal 
du  départ  et  tout  le  monde  revint  vers  la  place  centrale  du 
quartier  Ligbi. 

Le  cortège  se  forma  ainsi  :  en  avant  les  tambours,  puis  un 
groupe  de  gamins  courbés,  rythmant  leur  pas  sur  leur  chant,  et 
précédés  de  deux  des  plus  grands  marchant  à  reculons  et  battant 
la  mesure  pour  maintenir  la  cadence  accélérée,  enfin  quelques 
hommes  en  boubous  et  les  deux  vieillards. 

Arrivés  sur  la  place,  les  tambours  s'adossèrent  à  un  angle  de  la 
mosquée,  les  gamins,  toujours  chantant  et  se  trémoussant,  se 
massèrent  à  côté  sur  plusieurs  rangs  ;  les  deux  vieillards  et  moi 
nous  primes  place  sous  un  arbre  juste  en  face. 

Mais  je  sentis  que  l'un  de  mes  compagnons,  un  musulman,  et 
des  plus  notables  du  quartier,  était  très  préoccupé.  A  mesure  que 
l'arrivée  du  Sourado  devenait  imminente,  il  donnait  des  signes 
d'une  réelle  anxiété.  A  la  fin,  n'y  tenant  plus,  il  me  fit  un 
discours  assez  embarrassé,  dont  le  fond  était  à  peu  presque  la  vue 
du  Sourado  est  dangereuse  pour  les  non  initiés,  et  que,  s'il 
m'arrivait  un  accident  le  soir  en  rentrant  ou  le  lendemain,  il  se 
ferait  des  reproches  de  m'avoir  amené  ici.  Aussi  me  supplia-t-il 
de  me  soumettre  à  une  légère  formalité  qui  devait  écarter  toute 
crainte  de  la  colère  de  l'esprit.  Après  avoir  refusé  d'abord,  je  vis 
le  bonhomme  tellement  anxieux  que  je  finis  par  accepter,  ce  dont 
il  me  remercia  beaucoup  avec  un  soulagement  évident  (1).   Lo 

(1)  En  ne  me  soumettant  pas  à  cette  fantaisie,  je  risquais,  si  par  hasard  je  mar- 
chais sur  un  scorpion  en  rentrant  ou  j'avais  un  accès  de  fièvre  le  lendemain,  de 
donner  par  ces  coïncidences  d'irrécusables  preuves  de  la  puissance  du  Sourado.  Les 
Européens,  sans  le  vouloir  certes,  contribuent  plus  souvent  qu'on  ne  le  croit  à  ren- 
forcer les  superstitions  des  Noirs.  En  voici  un  exemple  typique  :  un  officier  en 
reconnaissance  hydrographique  arriva  un  jour  à  l'entrée  d'un  petit  lac.  Les  gens 
d'un  village  tout  proche  le  prévinrent  que  ce  lac  était  la  propriété  et  la  demeure  d'un 
génie  fort  puissant  et  qu'il  était  nécessaire  de  l'apaiser  avant  de  tenter  le  passage. 
L'Européen  qui  avait  des  pagayeurs  étrangers  à  la  région,  rit  au  nez  des  indigènes  et 
passa  tandis  que  ceux-ci  le  prévenaient  que  dans  sa  colère  le  génie  avait  l'habitude 
de  fendre  de  bout  en  bout  les  pirogues  qui  s'aventuraient  sur  le  lac  sans  sa  permis- 
sion. Le  lac  était  très  poissonneux,  et,  comme  il  le  faisait  tous  les  jours  pour  nourrir 
le  nombreux  personnel  de  la  mission,  un  caporal  du  génie  voulut  pêcher  à  la 
dynamite.  Ce  caporal  savait  à  n'en  pas  douter  manier  les  explosifs  et  n'avait  jamais 
eu  le  moindre  accident.  Or  le  hasard  voulut  que  ce  jour  là,  la  cartouche  lui  échappât 
au  moment  du  lancement,  coulât  juste  sous  la  pirogue  et,  en  éclatant,  fendit  celle-ci 
d'un  bout  à  l'autre.  Le   caporal  et  son  chef  durent  regagner  la  rive  à  la  nage  et  le 


H  M.    1>H(»1  TEAUX. 

sonneur  de  clochette  m'apporta  une  calebasse  d'eau,  qui,  la  nuit, 
paraissait  pure,  et  y  trempant  la  main  je  me  mouillai  légèrement 
le  front  et  le  visage.  Cette  ablution  fut  considérée  comme  suffi- 
sante, mais,  dans  la  pratique  ordinaire,  elle  a  lieu  dans  une  case 
ou  l'un  des  initiés  répand  lui-même  l'eau  lustrale  sur  le  néophyte. 

Pour  moi  les  choses  avaient  été  simplifiées,  et  je  cite  le  fait 
surtout  pour  montrer  la  bonne  foi  du  vieillard,  un  musulman 
pourtant. 

L'attente  entre  le  moment  de  l'installation  sur  la  place  et 
l'entrée  du  Sourado  dura  au  moins  une  demi-heure,  occupée  par 
des  chants  et  des  mouvements  désordonnés. 

Les  chants  étaient  extrêmement  gais  :  ils  étaient  lancés  à  pleine 
voix,  tandis  que  les  petits  tambours  précipitaient  leurs  coups  et 
que  le  principal,  frappé  d'une  main  régulière,  scandait  le  tout  de 
sa  voix  sourde  et  grave. 

L'un  des  chanteurs — dont  les  aînés  étaientencore  des  adolescents 
—  manifestait  sa  joie  en  sortant  du  rang  et  en  courant  rapidement 
à  un  bout  de  la  place  pour  s'y  laisser  choir  etrevenir  à  son  pointde 
départ  en  gambadant.  D'autres  se  roulaient  par  terre  en  riant  aux 
éclats,  d'autres  encore  marchaient  sur  les  mains,  plusieurs  faisant 
des  séries  de  très  rapides  cabrioles  en  arrière. 

Les  joueurs  de  trompe  continuèrent  à  tirer  de  leurs  instruments 
des  sons  allongés,  sourds,  comme  feutrés  et  chavirant,  en  deux 
tons,  en  somme  assez  tristes  sinon  lugubres.  Ces  mugissements 
Sont  toujours  semblables,  et  les  musiciens  ne  semblent  pas 
chercher  à  marier  habilement  les  notes  de  leurs  olifants. 

Le  sonneur  se  dépensa  sanscompter  ;  toujours  au  galop,  courbé, 
la  clochette  presqu'au  ras  du  sol,  il  courait  de-ci,  delà,  tournait 
autour  des  chanteurs,  s'enfuyait  dans  les  rues  voisines,  revenait 
aussitôt,  décrivait  des  courbes  sur  la  place  ou  venait  tomber  à 
genoux  devant  le  tambour  noir  pour  repartir  après  deux  secondes 
d'immobilité. 

Un  autre  instrument,  sinon  de  musique,  au  moins  de  bruit,  est 
une  sorte  de  fléau;  une  planchette  d'une  vingtaine  de  centimètres 
de  long  sur  peut  être  cinq  de  large  est  suspendue  à  une  double 
ficelle  d'environ  un  mètre.  Deux  grands  diables  armés  de  ces 
fléaux  faisaient  le  tour  de  la  place  en  les  faisant  tournoyer.  Quand 


sauvetage   des  appareils  et  des  bagages  fut  très  difficile.  Comment  après  un  tel  accj- 
dciif  les  indigènes  auraient-ils  pu  renoncer  à  croire  à  la  force  du  génie 


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SLR    CERTAINS    RITES    MAGICO-RELIGIEUX    DE    LA    HAUTE    CÔTÉ    d'ïVOIRE.       ^7 

Je  mouvement  de  giration  s'accentue,  cela  rend  un  son  rude,  sem- 
blable à  celui  d'une  sirène  irrégulière  et  très'  grave,  et  ce  son 
barbare  (il  n'y  a  pas  d'autre  mot)  qui  imite  aussi  un  mugissement 
rauque  et  furieux,  s'enfle,  diminue,  s'éteint,  se  réveille  suivant  les 
caprices  de  l'homme  qui  accélère  ou  ralentit  son  mouvement  et 
gronde  d'autant  plus  fort  que  le  bras  qui  agite  l'instrument  est 
plus  vigoureux.  Mariés  aux  trompes  et  tambours,  dominant  par 
instant  les  chants  auxquels  ils  mêlent  une  note  plus  âpre,  ces 
fléaux  contribuent  grandement  à  donner  à  l'ensemble  un  cachet 
de  sauvagerie  intense. 

A  mesure  que  l'attente  se  prolongeait,  les  chants  se  faisaient  plus 
impérieux;  c'étaient  plutôt  des  invocations  assez  courtes  aux- 
quelles répondaient  de  nettes  interjections. 

Enfin  les  trompes  prévenues  par  le  sonneur  se  portèrentà  l'entrée 
de  l'une  des  rues  d'accès  de  la  place  et  le  Sourado  fit  son  entrée. 

C'est  à  première  vue  un  paquet  de  filasse  dominé  par  une 
masse  allongée  et  cornue  et  soutenue  par  deux  jambes  qui 
semblent  fluettes  sous  un  corps  aussi  volumineux.  Le  costume  est 
fait  de  deux  cerceaux  d'un  diamètre  double  de  ce  qu'il  serait 
nécessaire  pour  contenir  le  porteur.  Ces  cerceaux  sont  pourvus 
d'une  épaisse  frange  de  filasse  de  Da;  le  premier  est  soutenu  à  la 
hauteur  des  hanches  par  des  bretelles,  le  deuxième  l'est  par  le 
masque  lui-même  auquel  il  est  relié  par  une  épaisse  couche  de 
filasse.  Le  masque  émerge  à  peine  de  cette  montagne  de  chanvre, 
et,  sous  la  lune,  on  ne  distingue  guère  qu'une  gueule  ouverte  sur- 
montée de  deux  cornes  effilées  et  dirigées  en  avant,  placées  sur  le 
muffle  comme  des  antennes. 

Le  vêtement  tombe  à  peu  près  aux  genoux.  Les  jambes  du  por- 
teur sont  enfermées  dans  un  pantalon  collant  de  tissus  grossier, 
de  couleur  grisâtre.  A  la  main,  le  Sourado  tient  un  martinet  de 
cuir  à  huit  ou  dix  brins  (1). 

Ainsi  accoutré,  notre  Sourado  s'avança  capricieusement,  tantôt 
sur  la  pointe  du  pied,  ce  qui  le  faisait  paraître  très  grand,  tantôt 
sur  les  genoux,  ce  qui  le  faisait  paraître  tout  petit.  Il  dansait,  se 
balançait,  pirouettait  et  tourbillonnait,  surtout  il  se  promenait  et 
allait  avec  de  nombreux  zigzags,  d'un  groupe  à  l'autre.  Quand  il 

(i)  Le  fouet  est  un  accessoire  de  danse  très  répandu  ;  c'est,  en  général,  soit  un 
fouet  à  longue  lanière  simple  ou  double,  du  modèle  courant,  soit  un  fouet  spécial  à 
deux  ou  trois  lanières  courtes  et  enrichies  decauries.  Le  genre  martinet  est  très  rare 
dans  les  danses  et  n'est  pas  d'ailleurs  d'usage  courant. 


48  M.     PROl'TE.VUX. 

arrivait  près  des  chanteurs  agenouillés  ou  debout  à  côté  des  tam- 
bours, ces  gamins  se  couchaient  apeurés  et  se  blotissaient  les  uns 
contre  les  autres,  car,  même  pour  les  initiés  il  est  dangereux  d'être 
touché  par  le  chanvre  du  vêtement.  D'autres  groupes  s'étaient 
formés  sur  la  place,  composés  de  gens  de  tout  âge  dans  leur  cos- 
tume habituel;  tous  chantaient  sans  discontinuer  les  louanges  du 
Sourado,  surtout  s'il  s'approchait  d'eux.  C'étaient  en  général  des 
chants  discrets,  presque  à  demi-voix.  A  l'approche  du  Sourado  tout 
le  monde  s'agenouillait  et  s'inclinait,  les  yeux  rivés  aux  franges 
que  les  pirouettes  ébouriffaient  et  qu'il  fallait  éviter  de  frôler. 

L'exercice  le  plus  curieux  du  Sourado  est  le  crachement  du  feu. 

De  temps  en  temps,  il  laisse  tomber  à  travers  son  vêtement  la 
valeur  de  deux  poignées  d'étincelles  et  de  charbons  ardents 
minuscules  qui  s'éteignent  rapidement  en  touchant  le  sol. 

Ces  jets  de  feu  sont  très  habilement  faits  et  impressionnent 
beaucoup  les  assistants.  Il  est  certain  que  du  feu  qui  tombe  à 
travers  un  rideau  de  chanvre  sans  que  rien  ne  s'enflamme,  c'est 
paradoxal,  et  la  provision  de  braise  est  assez  considérable  pour 
que,  une  demi-heure  après  l'arrivée,  elle  ne  soit  pas  épuisée. 

Au  bout  d'une  heure,  la  danse  cessa  sur  la  place,  et,  tandis  que 
tam-tam  et  chanteurs  partaient  à  travers  les  rues  d'un  côté  du 
village,  le  Sourado,  suivi  d'un  seul  initié,  allait  de  l'autre  côté  à 
la  recherche  des  Sorciers. 

C'est  qu'aucun  non  initié,  et  surtout  aucune  femme,  ne  peut 
rencontrer  le  Sourado  sans  être  malade  ou  peut-être  en  mourir. 
Aussi  tout  le  monde  se  terre  et  ferme  soigneusement  sa  porte. 
Mais  justement  les  sorciers  et  les  sorcières,  dont  le  Sourado  est  le 
grand  ennemi,  en  quelque  sorte  hypnotisés  par  la  musique  endia- 
blée des  adeptes,  et  aussi  par  la  présence  du  génie  au  village  ne 
peuvent  tenir  en  place  et  sont  poussés  à  sortir.  Aussi  le  fait  d'être 
rencontré  par  le  Sourado  équivaut-il,  surtout  pour  les  femmes,  à 
un  brevet  de  sorcellerie.  Pour  éviter  les  châtiments  que  leur  infli- 
gerait certainement  l'esprit,  les  coupables  doivent  faire  une 
offrande  qui  varie  de  cinq  à  vingt  francs.  En  fait,  les  principales 
pourvoyeuses  de  la  caisse  du  Sourado  sont  les  femmes  adultères, 
qui  ne  reculent  devant  rien  pour  courir  à  leurs  amours;  et,  étant 
donné  la  peur  des  esprits  qui  tient  tous  les  Noirs,  pour  braver 
l'interdiction  de  sortir  les  nuits  ou  le  génie  se  promène  au  village, 
ne  dirions-nous  pas  Bous-mômes,  en  bon  français,  que  ces  femmes 
ont  le  diable  au  corps. 


Fig.  3  et  4.  —  Habillage  du  Gbon, 


L  ANTHROPOLOGIE.   —   T.  XXIX.   —    1918. 


>l'll    CERTAINS    RITES    MAGICO-RELIGIEUI    DE    \A    HAUTE    COTE    D'iVOIRE.       5  T 

Le  produit  des  offrandes  ainsi  recueillies  est  partagé  entre  les 
grands  initiés. 

J'ai  tout  lieu  de  croire,  en  effet,  que  la  confrérie  se  partage  en 
grands  et  en  petits  initiés.  Ceux-ci  sont  les  gamins  qui  accom- 
pagnent le  tambour  et  un  certain  nombre  de  jeunes  gens.  Les 
grands  initiés  sont  les  vieux,  gardiens  des  rites,  ainsi  que  les 
jeunes  gens  et  les  hommes  qui  ont  un  rôle  actif,  sonneurs  de 
clochette  et  détrompe,  porteurs  du  masque,  préposés  à  l'entretien 
des  objets  rituels,  etc. 

En  outre  des  offrandes  forcées,  dont  nous  parlions  plus  haut, 
la  confrérie  connaît  une  autre  source  de  profit  :  ce  sont  les 
amendes  légères  (quelquefois  de  cinq  cauries,  souvent  de  quel- 
ques sous)  qui  sont  infligées  aux  initiés  ayant  contrevenu  au 
règlement.  Ainsi  tous  les  initiés  qui,  entendant  résonner  le  gros 
tambour,  n'accourent  pas  près  de  lui  paient  leur  paresse  de 
quelques  cauries 

Si  les  femmes  ne  doivent  pas  en  général  voir  le  Sourado,  il  en 
est  cependant  d'affiliées.  Ce  sont  des  femmes  âgées  et  dont  la 
qualité  de  sorcières  ne  fait  de  doute  pour  personne.  Elles  peuvent 
même  occuper  dans  la  confrérie  une  fonction  importante.  Par 
exemple,  pour  venir  au  village,  le  Sourado  doit  demander  la 
permission  d'une  de  ces  vieilles,  et  si  celle-ci  refusait  cette  auto- 
risation, le  danseur  masqué  serait  frappé  d'immobilité  complète 
jusqu'au  matin. 

Cette  intrusion  des  femmes  dans  les  confréries  n'est  pas  parti- 
culière aux  Ligbis  de  Bouna.  Il  paraît  qu'a  Rondo,  village  mnsul- 
man  des  environs  de  Bondoukou,  à  Bondo  où  le  Gbon,  disent  les 
indigènes,  «  est  le  plus  fort  de  tous  »,  ce  sont  des  femmes  qui 
préparent  et  entretiennent  les  vêtements  et  tous  les  accessoires. 

Le  Sourado,  comme  tous  les  Gbons  ses  cousins,  est  doué  de 
facultés  extraordinaires,  si  l'on  en  croit  les  indigènes  :  les  hommes 
qui  portent  le  masque  peuvent  s'asseoir  tranquillement  sur  un 
énorme  brasier  :  au  lieu  de  brûler  eux-mêmes,  c'est  le  brasier  qui 
s'éteint.  D'autres  montent  sans  effort,  d'un  seul  saut,  sur  un 
grand  arbre  ou  sur  une  case.  A  travers  le  toit  de  paille  de  celle-ci, 
ils  peuvent  lancer  du  feu  à  l'intérieur  sans  provoquer  d'incendie, 
et  c'est  une  des  plaisanteries  qu'ils  aiment  l'aire,  dit-on,  aux 
sorcières  notoires,  que  de  les  arroser  de  feu  pendant  leur  sommeil. 

Le  rôle  des  Gbons  en -général  est  de  protéger  le  village  contre 
les  entreprises  des  sorciers  et  de  démasquer  ceux-ci.  Les  adeptes, 


52  M.    PROUTEAl \. 

s'ils  ont  subi  les  épreuves  et  les  ablutions  nécessaires,  sont  à 
même  de  reconnaître  un  magicien,  dans  la  rue,  au  marché, 
partout  enfin.  Aux  yeux  du  vulgaire,  les  sorciers  ne  se  distin- 
guent en  rien  des  autres  hommes,  mais  un  initié  les  voit  sous 
leur  vraie  forme  :  soit  la  tête  en  bas,  soit  pourvu  d'un  museau  de 
chien,  de  chat,  ou  d'autres  animaux. 

Les  plantes  qui  servent  à  préparer  les  drogues  rituelles  doivent 
être  naturellement  cueillies  dans  la  nuit  du  9  au  10  diomandé, 
premier  mois  de  l'année  dioula.  Chacun  sait,  en  effet,  dans  tous 
les  villages  musulmans  des  cercles  de  Bondoukou  et  de  Kong  que 
c'est  la  nuit  magique  par  excellence,  au  point  qu'une  personne 
n'a,  cette  nuit-là,  qu'  à  sortir  dans  la  brousse  et  à  couper  un 
rameau  de  n'importe  quel  arbuste  pour  que  les  onguents  et  les 
boissons  préparés  avec  ces  feuilles  prises  au  hasard  la  guérissent 
certainement. 


ÉTUDE   ETHNOGRAPHIQUE 

DE  LA  TRIBU  KOUYOU 


PAR 


M.  A.  POUPON 

Administrateur  des  Colonies. 


I.  Sociétés  secrètes. 

L'Afrique  Equatoriale  Française  est  subdivisée  en  trois  Colo- 
nies :  le  Gabon,  le  Moyen-Congo,  l'Oubangui-Chari-Tchad.  — La 
tribu  Kouyou  occupe  une  surface  de  terrain  d'environ  80  kilo- 
mètres carrés,  sur  les  deux  rives  de  la  rivière  Kouyou,  couvrant 
presque  totalement  le  tiers  inférieur  de  cette  rivière.  Le  Kouyou 
est  affluent  de  droite  de  la  Likouala-Mossaka,  et  la  Likouala  elle- 
même  se  jette  dans  le  Congo  en  un  point  très  rapproché  de  l'em- 
bouchure de  la  Sangha. 

Nous  avons  étudié  la  partie  de  cette  tribu  qui  occupe  la  rive 
droite  du  Kouyou,  à  l'Ouest,  au  Sud,  et  à  l'Est  du  Poste  de  Fort 
Rousset.  —  C'est  le  clan  des  Ombouma  qui  a  servi  de  point  de 
départ  à  nos  recherches.  De  ce  clan,  composé  des  villages  de 
Loando,  Kanguiné,  Bembé,  Mango,  Lingue  et  Linguénavé,  nous 
avons  étendu  nos  investigations  à  toute  la  tribu  sur  la  rive 
droite. 

J'aurais  voulu  dès  aujourd'hui  publier  le  résultat  total  de  mes 
études  sur  les  représentations  sociales  de  cette  tribu.  Mais  le 
temps  m'obligera  à  ne  décrire  que  les  sociétés  secrètes,  les  céré- 
monies qui  entourent  la  naissance  des  jumeaux  et  une  fête 
agraire.  De  la  sorte  on  aura  un  aperçu,  il  est  vrai  succint,  de  la 
tribu. 

Le  Licouma  ou  cérémonie  de  la  Panthère 

Dès  mes  premiers  interrogatoires,  il  me  fut  facile  de  recon- 
naître les  rapports  qui  existaient  entre  la  panthère  et  le  chef.  Les 

l'anthkopologie.  —  t.  xxix.  —  19  8. 


.")',  A.    POUPON. 

• 

chefs  Kouyou  sont  enterrés  sans  leurs  ongles,  les  mains  fermées, 
les  doigts  repliés  à  l'intérieur.  Si  cette  formalité  n'était  pas  obser- 
vée, le  chef  se  lèverait,  se  transformerait  en  panthère  et  ravage- 
rait le  village. 

Les  Kouyou  me  représentaient  avec  frayeur  que  les  panthères 
sortent  de  toutes  parts  de  la  case  des  chefs  et,  en  particulier,  de 
l'Okoko.  L'Okoko  est  la  case  de  réunion  des  chefs.  Il  suffit  de 
frapper  sur  cette  case  pour  que  des  panthères  s'en  échappent. 

Quand  l'Okoko  du  chef  Mongoula  fut  abattu,  toutes  les  pan- 
thères qui  l'habitaient  s'enfuirent  dans  la  brousse  et  le  chef  devenu 
panthère  s'évada  avec  elles.  Chaque  chef  a  sa  panthère.  Si  on  la 
tue,  on  tue  le  chef.  Cette  panthère  attaque  toutes  les  autres  pan- 
thères du  village,  qui  ne  résistent  pas  devant  elle.  C'est  le  chef  qui 
leur  insuffle  la  force  pour  lutter. 

On  pouvait  donc  induire  tout  naturellement  des  rapports  assez 

intimes  qui  paraissaient  exister,  dès  le  premier  examen,  entre  la 

panthère   et   le  chef    qu'il  se  trouvait  des  manifestations  plus 

cachées  de  ce  rapport.    Ces   manifestations  me  furent  révélées 

après  quelques  recherches.  Le  Mythe  du  Goy  ou  de  la  panthère 

qui  nourrit  le  chef  me  fut  conté  :  (1) 

Kani  abaki  goy  po  na  Le  Chef  avait  sa  panthère  à  cause  de 

kobata  poko.  Soko  moto  surveiller  village.  Si  un  homme 

nan  goy  alingui  kotoko  de  la  panthère  veut  faire  la  guerre 

goy  na  oua  po  na  kotinda  à  panthère  de  lui  à  cause  de  venir 

na  boka  na  bissou,  okani  dans  village  de  nous,  le  chef 

abiengui  bato  na  boka,  appelle  hommes  du  village 

aho  :  létia.  n'goy  aouli  dit  :  prenez,  panthère  a  quitté 

na  Lingue  apoué.  Bato  de  Lingue  est  venue.  Les  hommes 

alobi  :  Yo  élouka  bissou,  disent  :  tu  plaisantes  nous, 

bato  na  goy,  adi  no,  toko  homme  de  la  panthère  c'est  toi,  prends 

n'goy  toula  oua.  panthère  frappe  celui-ci. 

Le  Chef  avait  une  panthère  pour  sentinelle  du  village.  Si  un  homme  de  la 
panthère  veut  faire  la  guerre  à  la  panthère  du  chef  et  l'envoyer  dans  notre 

(1)  Pour  tous  les  textes  indigènes  rapportés  dans  le  présent  mémoire,  c'est  la  pro- 
nonciation française  qui  a  été  adoptée,  sauf  pour  W. 
é  se  prononce  comme  é  dans  bonté. 

prononce  comme  è  dans  homogène. 
gui  se  prononce  comme  yui  dans  guimauve. 
Qi  se  prononce  comme  gi  dans  girandole. 
en  se  prononce  comme  en  dans  ennemi. 
un  se  prononce  comme  an  dans  anerie. 
w  est  le  w  anglais. 
aoh  doit  être  prononcé  une  lettre  après  l'autre  et  l'h  aspiré  comme  dans  hochet. 


56  A-  poupon. 

village,  le  chef  appelle  les  hommes  du  village  et  leur  dit  :  prenez  votre  pan- 
thère, une  panthère  a  quitté  Lingue  et  est  venu  attaquer  notre  village.  Les 
hommes  di>ent  :  «  Tu  nous  plaisantes,  l'homme  de  la  panthère  c'est  toi  ; 
prends  toi-même  ta  panthère  et  frappe  celle  qui  est  venue  ». 

Kani  atoki  n'goy.  goy  Chef  trappe  panthère,  panthère 

aouli  nam  boka  mossoussou.  alla  à  village  autre. 

Yé  alobi  makani  :  aoh  !  Lui  dit  chef  :  Aoh  1 

goy  na  Lingue  akimi.  panthère  de  Lingue  est  enfuie, 

Goy  abouki  boka  na  oua  Panthère  resta  au  village  de  lui-même. 

mené.  Nam  bissa,  goy  Ensuite,  panthère 

a-kani  bouli,  aboumi  prit  petites  antilopes,  tua 

tchombo,  aboumi  gongo,  des    cochons    sauvages,  tua    antilopes 

cheval, 
kani  kopaka.  kani  kopaka,  chef  coupa,  chef  coupa, 

apessi  moto  na  koloungoua,  donna  à  hommes  de  brousse, 

alobi  :  oua  o  !  bissou  dit  ;  oua  o  !  nous 

goy  ledja  oh,  goy  assalissa  panthère   mangeons    pas,   panthère   a 

fait 
oua  malamou,  goy  abêti  nyama  nous  bien,  panthère  a   frappé  des  ani- 

maux 
bissa-binou,  adjé  poko,  pour  nous,  nous  en  avons  mangé  beau- 

coup, 
poko  ;  goy  adi  n'dékou.'  beaucoup  ;  panthère  est  parent. 

Le  Chef  frappe  la  panthère  avec  la  sienne.  La  panthère  va  dans  un  autre 
village.  Le  Chef  dit  :  Aaoh  !  La  panthère  de  Lingue  s'est  enfuie.  La  panthère 
du  Chef  est  demeurée  dans  le  village  du  Chef.  Dans  la  suite,  la  panthère 
prit  des  petites  antilopes,  tua  des  cochons  sauvages,  tua  des  antilopes 
cheval,  le  chef  les  découpa,  le  chef  les  découpa,  en  donna  aux  hommes  de  la 
brousse  et  dit  :  Oua  ol  ne  mangeons  plus  de  la  panthère,  la  panthère  nous 
a  fait  bien,  la  panthère  a  tué  des  animaux  pour  nous,  nous  en  avons  mangé 
beaucoup,  beaucoup,  la  panthère  est  notre  parent. 

Que  le  chef  ait  pour  parent  la  panthère,  l'indigène  l'exprime  en 
disant  :  Kani  adi  goy  ondékou,  le  chef  a  la  panthère  pour  parent 
et  il  appelle  la  panthère  le  nyama  na  kani,  l'animal  du  chef.  Cet 
animal  est  le  n'guissi  du  chef. 

Aussi  le  chef  est-il  seul  à  pouvoir  initier  au  licouma,  c'est-à-dire 
aux  cérémonies  où  l'on  apprend  les  mystères  de  la  panthère.  11 
est  le  seul  gardien  du  licouma  ou  gros  tamtam  qui  représente  la 
panthère,  et  le  principal  officiant  dans  tous  les  rites  qui  se  rap- 
portent ;i  la  panthère. 

Quand  le  chef  va  opérer  dans  les  cérémonies  du  licouma,  il  est 
peint  delà  façon  suivante  :  une  bande  noire  large  de  quatre  centi- 


Ml  Ml     ETHNOGRAPHIQUE    DE    LA    TRIBl     K.OUYOU.  ,>7 

mètres  lui  part  du  sein  droit,  fait  le  tour  des  côtes  et  s'arrête  au 
milieu  du  dos,  à  l'épine  dorsale  :  une  même  bande  noire  est  tracée 
des  épaules  aux  poignets,  sur  la  face  externe  des  deux  bras.  Au 
milieu  du  front,  il  porte  un  cercle  noir,  plein.  Sous  la  gorge  et  au 
milieu  du  corps,  suivant  le  sternum,  une  barre  noire,  aussi  large 
que  celle  des  bras,  lui  descend  jusqu'au  nombril.  Partant  de  cette 


Fia.  1.  —  Type  de  Kouyou. 


barre  et  formant  avec  elle  une  croix,  une  barre  blanche  coupe 
horizontalement  le  corps,  sous  le  sein  droit,  une  autre,  couleur 
d'ocre,  coupe  le  corps  sous  le  sein  gauche.  Sous  chacun  de  ces  traits, 
il  en  porte  d'autres  sur  les  côtes,  à  savoir  :  du  côté  droit  4  lignes, 
noire,  blanche,  ocre  et  noire,  d'un  centimètre  chacune,  qui  sont 
parallèles  au  sternum,  et,  sur  le  côté  gauche,  4  petits  cercles  noir, 
blanc,  ocre  et  noir,  dont  les  couleurs  s'étagent  de  l'extérieur  vers 
l'intérieur. 

Pendant  qu'il  officie,  il  a  toujours  la  tête  enveloppée  de  la  peau 
de  panthère,  le  milieu  du  corps  couvert  du  pagne  d'éboula,  et  à 


58 


rmpoN. 


la  main  il  tient  l'ikando  ou  sagaie  de  chef,  qu'il  plante  en  terre 
pour  demander  le  silence. 

Parmi  les  six  autres  officiants  de  cette  cérémonie,  un  des  princi- 
paux personnages  est  le  éhoundé  ou  héraut.  Il  compte  parmi  les 
sept  porteurs  de  tamtam,  mais  il  a  les  fonctions  spéciales  de 
héraut.  C'est  lui  qui  crie  au  village  que  la  fête  va  commencer, 
fait  diverses  annonces  et  ordonne  le  silence. 

Il  porte  comme  ornement,  fixée  à  la  tête,  et  lui  tombant  sur  le 
dos  jusqu'au  jarret,  une  grande  peau  faite  de  dépouilles  d'oiseaux; 
ces  dépouilles  sont  cousues  ensemble.  Les  dépouilles  d'oiseaux 
qui  entrent  dans  la  composition  de  ce  manteau  sont  celles  du 
zibou  ou  marabou,  du  koulou  ou  perdrix  et  du  kanga  ou  pintade. 

Les  cérémonies  du  licouma  ont  lieu  sur  un  vaste  emplacement 
de  brousse  préalablement  mis  à  nu.  Le  chef  entoure  cet  emplace- 
ment de  branches  de  palmiers  plantées  en  terre  pour  l'isoler  à  la 
vue.  Cet  emplacement  est  l'ébobo  na  licouma,  la  retraite  du 
licouma.  Les  fêtes  de  la  panthère  sont  représentées  de  la  façon 
suivante  : 


Kani  akamati  assoka, 
assoka  tchambo,  na  ébali 
tchambo.  Akeï  na  djamba 
Akeï  na  djamba,  akeï 
kotinicha  mode  na  tché. 
Na  bissa  adzengui,  adzengui, 
adzengui,  atoubiki,  atoubiki, 
yonso.  Kopaka  na  goa,  assali 
malamou,  malamou,  abombi  na 
djamba.  Mokolo  mossoussou, 
bango  yonso  ayaki.  Alobi 
ehoundé  mabondji  chimou. 
Abondji  :  Ohé...  Ohé  é  é  é, 
go  oh  !  Moyoutou  atchakina. 
Moassi  akimi,  akeï  djamba. 
Akamati  byn^o  Ichambo,  yonso 
ayaki  nam  boka. 


Chef  prend  haches, 

haches  sept,  et  hommes 

sept.  Va  en  brousse. 

Va  en  brousse,  va 

jeter  arbres  à  terre. 

Ensuite  coupe,  coupe, 

coupe,  nettoie,  nettoie, 

tout.  Nettoie  avec  hache,  arrange 

bien,  bien,  cache  dans 

brousse.  Jour  autre, 

eux  tous  viennent.  Dit 

ehoundé  qui  dit  le  chimou. 

Il  dit  :  Ohé...  ohé  é  é  é, 

go  oh!  Femmes  s'enfuient, 

Femmes  s'enfuient,  vont  en  brousse. 

Prennent  eux  sept,  tous 

viennent  au  village. 


Le  chef  prend  des  haches,  sept  haches,  et  sept  hommes.  Il  va  en  brousse, 
va  en  brousse,  jeter  des  arbres  par  terre.  Ensuite  il  taille  ces  arbres,  les 
taille,  les  nettoie  complètement.  11  les  nettoie  avec  des  haches,  les  arrange 
bien,  les  cache  dans  la  brousse.  Un  autre  jour  les  sept  hommes  viennent.  Le 
éhoundé  mabondji  chimou  parle.  Il  dit  :  ohé  ohé  é  é  é,  gooh  !  A  sa  voix,  les 
femmes  s'enfuient,  se  réfugient  dans  la  brousse.  Les  hommes  prennent  les 
sept  tams-tams  et  tous  viennent  au  village. 


ÉTUDE    ETHNOGRAPHIQUE    DE    LA    TKUti     koI'mm 


59 


\kainati  ikanda  na  taba  atiki 
na  mai.  Bango  ahadi  makassi. 

\hadi  makassi.  Bango  akamati, 
Oungou  ahadi  akassi.  Abouki 
djété  mouné,  mouné,  djambi  na 
niokanda  nangoy. 
Akamati  niokanda 
nan  goy  ahadi  mindongo,  poah  ! 
atiki  na  moi  na  djété 
mouné  oïo.  A  bondi  djété  oïo 
makassi.  Hango  yonso  alobi, 
ayoutou  atsakina.  Ekamati 
na  djamba.  Aycké  koua  na 
dakou.  Ekana  na  dakou  : 
Allali  mikolo  mibali.  Etendi 
éhoundé  :  oh  \  oh  !  oyoulou 
atchakina.  Oyoulou  atchakina, 
abiengui  éhoundé  :  ohé,  goô. 


Prennent  peau  de  cabri  mettent 

dans  l'eau.  Elles  deviennent  fortes. 

deviennent  fortes.  Eux  prennent, 

eux  tendent  fort.  Reste 

le  bois  gros,  gros,  à  cause  de 

la  peau  de  panthère. 

Prend  peau 

de  panthère  crache  piment,  poah  ! 

met  dans  ventre  du  bois 

gros  morne.  Ferme  bois  celui-ci 

fort.  Eux  tous  parlent, 

femmes  s'enfuient.  Prennent 

on  brousse.  Viennent   enfermer  dans 

case.  Enferment  dans  case  : 

Dorment  jours  deux.  Parle 

éhoundé  :  oh  !  oh  !  Femmes 

fuient.  Femmes  fuient, 

appelle  éhoundé  :  ohé,  goô. 


Ils  prennent  des  peaux  de  cabri,  les  mettent  dans  l'eau.  Elles  deviennent 
fortes.  Devenues  fortes,  ils  les  prennent,  les  tendent  fort  sur  les  tams-tams. 
Ki>ste  le  gros  tam-tam  dans  lequel  on  met  la  peau  de  panthère.  Le  chef  prend 
la  peau  de  panthère,  crache  du  piment  dessus,  poah!  et  met  la  peau  de  pan- 
thère dans  le  tam-tam,  puis  le  ferme  fort.  Alors  tous  les  tams-tams  parlent. 
Les  femmes  s'enfuient.  Les  hommes  les  prennexit  dans  la  brousse  et  vien- 
nent les  enfermer  dans  les  cases.  Il  les  enferment  dans  les  cases  où  ils  dor- 
ment deux  jours.  Le  éhoundé  parle  :  oh  !  oh  !  A  sa  voix  les  femmes  s'enfuient. 
Les  femmes  fuient,  le  éhoudé  crie  :  ohé  !  goô. 


Akamata  nan  dakou  adjoué 
na  djamba.  Essali  kouanga 
pilamoko  na  poupou.  Akamati 
kouanga  ati  mêlé  missato. 
Akamati  missato,  akamati 
mali  nam  bila,  assindi, 
assindi,  assindi,  alobi  eti- 
né  na  djira.  Alobi  nan 
djira.  Oh  !  é  é  é  é,  ga 
oué,  tou,  tou,  tou,  koulou, 
koulou,  pfou,  ou,  ou,  ou  (1). 
Bato  kokima,  bato  kokima 
adjoué  boumba,  éboumba  na 
djamba.  Bato  alobi  :  mossolo, 

mossolo,  bato  assoundi  mingui, 

assoundi  na  kani,  afouti  kani 


Prennent  dans  case  vont 

en  brousse.  Font  manioc 

comme  en  tas.  Prennent 

manioc  mettent  sur  trois. 

Prennent  trois,  prennent 

huile  de  palme,  frottent, 

frottent,  frottent,  disent  allons 

sur  route.  Disent  sur 

route  :  Oh  !  é  é  é  é,  je 

meurs,  tou  tou  tou,  koulou, 

koulou,  pfou,  ou,  ou,  ou  (1). 

Hommes  fuient,  hommes  fuient 

vont  cacher,  cacher  en 

brousse.  Hommes  disent  :  marchan- 
dises, 

marchandises,  hommes  viennent  beau- 
coup. 

viennent  au  chef,  payent  le  chef 


(1)  Cris  de  la  Panthère. 


Co 


A.     POI  I>()\. 


mossole,  afouti  mossolo, 
mossolo  na  taba  afoulki  na 
kani.  Abiengui  bato,  adjoua 
na  ko  na  ékouma.  Bango  koya, 
kani  yé  mé  abandi  liboussou, 
liboussou,  akamati  djété  oïo 
mouné,  alobi  lodja,  dja-dja, 
bato  dja-dja.  Yé  akamati  dzembo 
na  oua  :  éoka,  éoka.  Bato  akouki. 

Yé  alobi  oua.  Bato  kokima, 
alobi  kokima  te.  Oh  !  binou 
apcssi  mossolo,  binou,  kotala 

boanga  nan  goy.  Moko 
aké  bina  na  oua  ;  éhoundé  : 
lina  mossoussou  :  Taba-ossingué, 
lina  mossoussou  :  Asscka,  lina 
mossoussou  :  Manja,  lina  mossous- 
sou : 

Lada,    lina  na  oua  mouné   kani  : 
^  oumbi 

mossoussou  :  Bamina,  na  bato 

apcssi  mossolo  alobi  :  elouki 
likouma.   Bato  atali  likouma,  bato 

tsambo  akamati   likouma  tsambo, 

abandoussou,  oh,  é  é  é  é. 

Kobété  likouma.  Akamati,  akani  na 

dakou    na  kani.   Akana  na  dakou, 
akangui  dakou  oïo  na  kani, 
akangui  makassi,  aho  ;  y  éié,  lévvoué 
pé  likouma  !  !  ! 


marchandises,  payent  marchandises, 
marchandises  et  cabris  abondent  au 
chef.  Appelle  hommes,  va 
en  brousse  du  likouma.  Eux  vont, 
chef  aussi  vient  devant, 
devant,  prend  bois  celui-là 
gros,  dit  :  asseyez-vous,  posez, 
les  hommes  s'asseyent.  11  prend  le  chant 
de  lui    :    éoka,  éoka.   Hommes    nom- 
breux. 
Il  parle  lui.  Hommes  fuient, 
dit  :  fuyez  pas.  Oh  !  vous 
avez  donné    marchandises,    vous,    re- 
gardez 
danse  de  panthères.  Un 
va  danser  avec  lui  ;  éhoundé  : 
nom  autre  :  Tabaossingué, 
nom  autre  :  Asséka,  nom 
autre  :  Manja,  nom  autre  : 

Lada,  nom  de  lui  gros  chef  : 
Youmbi 

un  autre  :  Bamina,  et  aux  hommes  qui 
ont 

donné  marchandises  dit  :  regardez 

likouma.  Hommes  regardent  likouma, 
hommes 

sept  prennent  likouma  sept, 

chantent  :  oh,  é  é  é  é. 

Frappent  likouma.  Prennent,  enfer- 
ment dans 

case  du  chef.  Enferment  dans  case, 

ferment  case  celui-ci  du  chef. 

ferment  fort,  disent  :  y  éié,  est  mort, 

likouma  !  !  ! 


Les  hommes  prennent  les  tams-lams  dans  la  case,  vont  en  brousse.  Ils  font 
du  manioc  coagulé.  Ils  prennent  ce  manioc,  en  mettent  sur  trois  tams-tams. 
Ils  prennent  trois  autres  tams-tams,  prennent  de  l'huile  de  palme,  les 
frottent,  frottent,  frottent,  et  disent  allons  sur  la  route.  Sur  la  roule,  le 
éhoundé  dit  :  Oh  !  é  é  é  é,  je  meurs;  tou,  ton,  tou,  koulou,  koulou,  pfou,  ou 
ou  ou.  Les  hommes  s'enfuient,  vont  se  cacher,  se  cacher  en  brousse.  Les 
hommes  disent  marchandises,  marchandises.  Les  hommes  viennent  beau- 
coup, viennent  au  chef,  payent  le  chef  de  marchandises,  le  payent  de  mar- 
chandises, marchandises  et  cabris  abondent  au  chef.  11  appelle  les  hommes 
pour  aller  en  brousse  du  likouma.  Ils  y  vont.  Le  chef  aussi.  Le  chef  vient 
devant,  devant.   Il  prend  le  gros  tam-tam   et  dit   :   asseyez-vous,  posez,  les 


ÉTUDE    ETHNOGRAPHIQUE    DE    LA    TRIBl      ÏOUKOU.  6  I 

hommes  s'asseyent.  Il  prend  son  chant  :  éoka,  éoka.  Les  hommes  sont  nom- 
breux. Il  frappe  le  gros  tam-tam.  Les  hommes  s'enfuient.  Il  dit  :  ne  fuyez 
pas.  vous  ave/  donné  des  marchandises,  regarde/,  la  danse  de  la  panthère. 
I  n  des  initiés  va  danser  avec  lui  ;  l'éhoundé  lui  donne  un  nom,  l'un  :  Tabaos- 
singué.  un  autre  nom  :  Asséka,  un  autre  nom  :  Manja,  un  autre  nom  :  Lada  ; 
le  nom  de  lui,  chef  :  'Noumbi;  un  nuire;  Bamina.  Puis  il  dit  aux  hommes 
qui  ont  des  marchandises  :  Regarde/  le  likouma.  Les  hommes  regardent  le 
likouma.  Les  sept  vrais  officiants  prennent  le  likouma,  et  tous  sept  chantent  : 
oh  !  é  é  é  é.  Ils  frappenl  le  likouma.  Puis  le  prennent,  l'enferment  dans  la  case 
du  chef,  l'enferment  dans  la  case,  ferment  la  case  du  chef,  ferment  fort  et 
crient  :  >  éié,  le  likouma  est  mort,  likouma  !  !  ! 

Ce  que  ce  texte  un  peu  confus  décrit,  ce  sont  les  fêtes  du 
likouma.  Des  arbres  sont  coupés  dans  la  brousse  et  nettoyés, 
creusés  pour  en  faire  des  tams-tams.  Ces  tams-tams  sont  recou- 
verts de  peaux  de  cabris.  La  peau  de  trois  de  ces  tambours  est 
enduite  de  manioc  coagulé,  et  à  l'intérieur  du  plus  gros  d'entre 
eux,  qui  est  le  likouma,  le  chef  introduit  une  peau  de  panthère. 
Sur  cette  peau  est  répandue,  avant  qu'elle  soit  enfermée  dans  le 
tam-tam,  le  sang  d'une  poule  ou  d'un  cabri  sacrifié.  Quand  le 
chef  veut  animer  le  likouma,  par  un  trou  creusé  à  la  partie  supé- 
rieure du  tam-tam,  il  souffle  du  piment  sur  la  peau  de  panthère. 
Le  likouma  se  met  en  mouvement,  marche  et  parle.  —  Ces  tams- 
tams  sont  également  frottés  d'huile  avant  la  cérémonie. 

Ce  texte  montre  également  le  éhoundé  distribuant  des  noms 
aux  initiés.  Ces  noms  sont  exactement  au  nombre  de  sept,  portés 
uniformément  par  tous  les  titulaires  de  chaque  tam-tam.  Les  sept 
tams-tams  ont  également  des  noms. 

J'abandonne  ce  texte,  qui  laisse  à  peine  entrevoir  ce  que  sont  les 
fêtes  du  likouma  ou  de  la  panthère,  pour  les  décrire  telles  qu'elles 
se  passent.  Elles  se  déroulent  dans  la  forêt,  au  milieu  d'un  vaste 
emplacement  débroussé.  Le  chef  se  place  en  un  point  ouvert  au 
milieu  des  feuilles  de  palmiers  qui  entourent  le  lieu  de  la  fête. 
C'est  là  qu'il  reçoit  les  initiés  et  qu'ils  lui  payent  leur  entrée,  une 
partie  du  prix  de  l'initiation. 

Les  frappeurs  de  mains,  ou  asséka,  sont  disposés  en  rond  autour 
de  cet  emplacement.  C'est  au  milieu  de  leur  cercle  que  vont  se 
dérouler  tous  les  épisodes  d«  la  fête. 

Ils  chantent  d'abord  l'okéta  que  nous  citons  plus  loin,  puis  ils 
prennent  l'olouka  qui  est  le  chant  qui  accompagne  toutes  les 
fêtes  du  likouma.  Ce  chant  est  le  suivant  : 


A.     POITOU. 

Mandja  Elchoko  Ossengoua  Mandja  enfant  de  Etchoko  (est  à)  Os- 

sengoua 
Ekaka  moana  Otali  Ekoumou  Ekaka  enfant  de  Otali  test  à  |  Ekoumou 

I  -songo  mondja  ga  edjoué  Ekouma       Essongo    (fils    de)    l'éclair  je  vais   au 

likouma 
Asséka  godo  godo  Frappe  beaucoup,  beaucoup 

Abondi  abondi  bia  Abondi  a  tiré  la  noix  de  palme  (du  feu) 

Abonguî  mia  S'est  brûlé  au  feu. 

Les  Asséka  chantent  l'olouka,  les  jeunes  initiés  sont  couchés  à 

terre  la  face  contre  le  sol.  Le  chef  initiateur  vient  à  eux  et  leur 

dit  :  Fermez  vos  yeux,  ne  regardez  pas.  Ils  ferment  les  yeux.  Le 

chef  se  tourne  du  côté  de  la  brousse  et  appelle  :  Koya  goë  —  goë 

koya.  Viens  panthère  —  panthère  viens.   Il  appelle  une  seconde 

fois  :  Koya  goë  —  goë  koya.  Puis  il  ajoute  : 

Likouma  abo,  aho,  Likouma  parle,  parle, 

Niama  ayessi,  Animaux,  cachez-vous, 

Likouma  akei  Likouma  accomplit  ton  office. 

Alors  la  voix  du  gros  tam-tam  s'élève,  la  panthère  parle. 

Le  chef  répète  une  deuxième,  puis  une  troisième  fois  :  Fermez 
vos  yeux.  Likouma  ho,  ho,  likouma  parle,  parle. 

Après  que  la  panthère  a  parlé  trois  fois,  le  chef  recommande 
encore  aux  initiés  de  ne  pas  regarder  et  il  ordonne  à  la  panthère 
de  s'en  aller.  Le  goy  s'en  va  dans  la  brousse  où  se  trouvent  encore 
les  autres  tams-tams.  Le  chef  relève  les  initiés. 

Quant  il  les  a  relevés  il  leur  dit  :  payez.  Ils  apportent  des  mar- 
chandises et  payent  leur  initiation. 

Ils  font  également  apporter  à  manger.  Des  femmes  cachées  à 
une  certaine  distance  de  l'ébobo,  dans  la  brousse,  préparent  cette 
nourriture.  D'anciens  initiés  vont  la  chercher  et  l'apportent  au 
centre  d'initiation. 

Quand  on  a  bu  et  mangé,  les  sept  officiants  de  la  cérémonie  du 
goy  se  rendent  dans  la  brousse  où  ils  décrochent  les  sept  tams- 
tams  et  rentrent  lentement  dans  le  cercle  des  frappeurs  de  mains 
qui  entonnent  à  nouveau  l'olouka. 

Les  septs  tams-tams  résonnent  les  uns  après  les  autres  avec 
leur  sept  sons  différents  Pendant  quelques  minutes  c'est  une  cas- 
cade de  sons  au  milieu  de  laquelle,  de  si  loin  que  ce  soit,  dans  les 
villages,  l'indigène  reconnaît  la  voix  de  chaque  tam-tam  et  le 
nomme  :  oïo  Ekembé  —  oïo  Tchaboka  —  oïo  Ikouma.  C'est 
Kkembé  —  c'est  Tchaboka  —  c'est  Ikouma.  Puis  les  tams-tams 


ÉTUDE    ETHNOGRAPHIQUE   1>E   L\    TRIBU    EOUTOU.  63 

sonnent  ensemble.  Le  gros  souffle,  ronfle,  bourdonne  comme  la 
voix  de  la  panthère.  Les  femmes  et  les  enfants  dans  les  environs 
reconnaissent  la  voix  du  likouma  et  se  cachent. 

En  frappant  les  tams-tams,  les  sept  porteurs  marchent  lente- 
ment en  rond,  en  scandant  le  pas.  Le  chef  porteur  du  likouma 
est  à  leur  tète.  Parfois  il  se  met  en  queue  et,  le  tam-tam  appuyé 
sur  la'cuisse,  il  dirige  la  marche.   Il  la  cadence  en  sifflant  entre 


Fig.  2.  —  Les  sept  tams-tams,  dans  les  Fêtes  de  la  Panthère. 


ses  dents.  Tous  les  tams-tams  s'arrêtent.  Les  sept  porteurs  se 
prennent  à  siffler  ensemble  entre  leurs  dents  et  ils  évoluent  de  la 
sorte.  Pendant  toutes  ces  circonvolutions,  les  frappeurs  de  mains 
font  silence. 

Deuxième  figure.  —  Lorsque  cette  première  figure  est  achevée 
la  seconde  commence.  C'est  le  Tchela.  Le  chef  danse  seul  devant 
les  six  tams-tams  en  frappant  sur  le  likouma.  Tout  en  frappant,  il 
chante  le  tchela  dont  voici  les  termes  : 


Ekaka  Tchela  é  é  é. 
Ehoka :  Ehoka ! 
I \béta  Adzéki  omou 


Ekaka  le  public  du  likouma  est  là 
Ehoka  !  Ehoka ! 
Ebéta  a  laisse  omou. 


64  A..    POUPON. 

Ehoka  !  Ehoka  '.  Ehoka  !  Qui  est  fou,  éhoka  !  éhoka  ! 

Ekaka  assoumdi  cbamba  (1),  Ekaka  a  acheté  l'ebamba, 

Assoumbi  lébcngoy  na  guima.  A  acheté  la  grande  panthère  avec  son 

chant. 

Troisième  figure.  —  Pendant  la  troisième  figure,  le  chef  danse 
sans  tam-tam.  Il  danse  entre  les  porteurs  de  tams-tams  et  les 
Asséka.  Ceux-ci  chantent  l'olouka.  Il  danse,  il  lève  chaque  jambe 
très  haut,  Tune  après  l'autre,  les  genoux  repliés,  frappe  la  terre 
du  pied  avec  force,  piaffe  et  grimace  du  visage. 

Pendant  la  quatrième  figure,  qui  est  Tesseti,  le  chef  danse  encore 
seul  et  sans  tam-tam. 

Durant  toutes  ces  danses,  le  chef  est  sans  cesse  allé  des  tams- 
tams,  aux  assékas,  aux  initiés,  en  faisant  des  impositions  de  mains 
sur  leurs  têtes. 

Le  chef  prend  ensuite  chaque  initié  par  la  main  et  le  mène  aux 
tams-tams.  Chaque  porteur  de  tam-tam  remet  un  tam-tam  à  un 
initié.  L'éhoundé,  au  fur  et  à  mesure  que  les  tams-tams  sont 
remis,  dit  aux  initiés  leurs  noms  d'initiation  et  le  nom  de  leurs 
tams-tams.  Les  initiés  apprennent  à  frapper  le  tam-tam  et  à  dan- 
ser sous  la  direction  du  chef.  Les  frappeurs  de  mains  chantent,  le 
chef  danse  pour  les  initiés.  On  mange,  on  boit.  Ces  fêtes  se  pro- 
longent pendant  tout  le  jour.  Quand  la  nuit  approche,  les  vrais 
officiants  de  la  panthère  reprennent  les  tams-tams  puis,  élevant  la 
voix,  poussent  un  grand  cri  : 

Eopé  Ekouina  ! 
Est  fini  le  Likouma  ! 

tout  le  chœur  des  frappeurs  de  mains  reprend  : 

Ekouma  !  !  !  Ekouma  !  !  ! 

Ce  cri  parcourt  la  forêt  et  annonce  aux  villages  la  fin  de  la  fête. 
Les  initiés,  la  foule  des  frappeurs  de  mains  alors  se  dispersent. 
Les  six  porteurs  de  tams-tams  et  le  chef  emportent  les  tams-tams 
au  village  du  chef  et  les  rangent  soigneusement  dans  une  case 
spéciale  dont  la  porte  est  solidement  barricadée  pour  que  le 
likouma  ne  s'échappe  pas  et  n'aille  pas  dévaster  le  village.  Les 
noms  que  l'éhoundé  distribue  aux  initiés  sont  :  Tchomagombé, 
Yombi,  Asséka,  Mandja,  Ehoundé,  Tamossengué.  Ces  noms  sont 
des  grades.  Ils  sont  acquis  en  versant  des  sommes  variées  et  de 

(1)  La  marque  du  front,  le  cercle  noir  qui  est  au  milieu  du  front. 


étude  ethnographique  de  la  tribu  kouïou.  (>5 

plus  en  plus  petites  du  Tchomagombé  au  Tamossengué.  Les  por- 
teurs de  ces  grades  sont  chargés  chacun  de  fonctions  diffé- 
rentes. 

Le  nom  de  Tchomagombé  est  porté  par  le  chef,  initiateur  aux 
rites  de  la  panthère  et  porteur  du  likouma.  Le  Yombi  est  toujours 
le  fils  du  chef  ou  son  frère  cadet.  Il  est  chargé  de  mettre  les  initiés 
à  terre  et  de  leur  tenir  la  tête  sur  le  sol  pendant  que  le  chef  les 
initie.  Le  titre,  le  grade  et  les  fonctions  du  Tchomagombé  vont  au 
Yombi.  L'Asséka  a  pour  fonctions  d'arranger  les  tams-tams  avec 
du  manioc.  L'Éhoundé  est  le  gardien  du  likouma  et  en  même 
temps  le  héraut  qui  annonce  la  fête  et  ses  diverses  phases  pendant 
qu'elles  se  déroulent.  Le  Tamossengué  est  le  porteur  du  plus 
petit  tam-tam. 

Les  noms  des  tams-tams  sont  :  Mobali,  Moassi,  Kembé,  Tché- 
bouka,  Gondo  na  Motchina,  Tchakolékongo,  Kénakia.  Aucun  de 
ces  tams-tams  ne  porte  l'effigie  de  la  panthère.  Mais  à  l'intérieur 
du  Mobali  a  été  placé  une  peau  de  panthère.  Sur  le  dessus  est 
ménagé  un  trou  rectangulaire  assez  large  par  où  le  chef  insuffle 
du  piment  sur  la  peau  de  panthère  pour  animer  le  likouma  et  le 
faire  marcher.  Mobali  dans  la  langue  signifie  homme,  Moassi, 
femme.  C'est  donc  l'accouplement  de  l'homme  et  de  la  femme,  de 
la  panthère  avec  sa  femelle,  ou,  pour  mieux  dire,  du  likouma  avec 
ses  femelles,  parce  que  les  six  autres  tams-tams  sont  suppo- 
sées être  des  femelles,  autant  de  femelles  du  likouma.  Le  likouma 
s'appelle  tata  na  kani  ou  le  père  du  chef.  La  position  de  marche 
des  tams-tams  pendant  les  évolutions  de  la  fête  est  celle  que 
j'indique  ci-dessous.  Le  chef  avant  que  la  fête  commence  met 
chacun  des  tams-tams  à  leur  place.  Avant  d'enlever  le  tam  tam, 
chaque  titulaire  paye  le  chef  pour  le  prendre.  Le  chef  en  retour, 
vers  la  fin  de  la  cérémonie,  payera  ceux  qui  ont  officié  avec  lui  sur 
les  marchandises  qu'il  aura  reçues  des  nouveaux  initiés.  Est 
pombo  celui  qui  n'est  pas  encore  initié.  Le  pombo  devient  ganga 
après  l'initiation.  En  devenant  ganga  il  a  acquis  deux  droits, 
celui  d'assister  aux  cérémonies,  et  celui  de  frapper  occasionnelle- 
ment du  tam-tam.  Il  a  payé  25  francs  pour  avoir  ces  deux  droits. 
Les  vrais  prêtres  du  likouma  payent  50  à  75  francs  l'initiation, 
mais  doivent  obligatoirement  appartenir  à  la  famille  du  chef.  Il 
semble  donc  qu'il  faille  distinguer  entre  les  vrais  titulaires  des 
offices  et  ceux  qui  acquièrent  de  simples  droits  à  s'introduire  dans 
les  cérémonies  et  à  y  assiste  \ 

L  ...NTHROPOLOGI8.  T.   XXIX.    —   19i3.  8 


GG  a.   roi  pon. 

Le  rang  des  porteurs  de  tams-tams  pendant  les  cérémonies  avec 
noms  des  titulaires  sont  les  suivants  : 


O     Tchomagombé 
Boumachia 


O     Asseka 
Mohoko 


O     Mandja 
kanoa 


O     Yombi 
O    Mokemba 


O     Ehoundc 
Mayali 


O     Mokombi 


O     Tamossengué 
Akanati 

Or  Boumachia  est  le  vieux  chef,  le  grand  chef  ou  kani  du  clan 
des  Oubouma,  Mokomba  est  son  frère  cadet,  de  même  père  et 
même  mère,  Mayali  est  son  neveu,  fils  du  grand  kaka,  frère  du 
père  de  Boumachia,  Mohoko  est  le  fils  d'une  sœur  de  Boumachia. 
Kanoa  est  le  frère  de  Boumachia,  mais  frère  pauvre,  d'où  son 
mauvais  rang.  Mokombi  est  enfant  d'un  troisième  frère  de  Bou- 
machia. Akanati  est  fils  d'un  quatrième  frère  de  Boumachia.  Ces 
deux  derniers  tiennent  donc  la  place  de  leurs  pères  morts. 

A  côté  des  fonctions  de  ces  prêtres  pendant  la  cérémonie,  il 
leur  revient  la  charge  d'entretenir  leurs  tams-tams,  de  les  orner, 
de  les  préparer. 

Nous  avons  dit  qu'une  fois  les  cérémonies  du  likouma  achevées 
on  rapporte  les  tams-tams  au  village  du  chef.  Ces  tams-tams 
sont  enfermés  dans  une  case  spéciale  dont  la  porte  est  solide- 
ment barricadée  pour  empêcher  la  panthère  d'aller  dévaster  le 
village.  Le  chef  seul  a  le  droit  de  se  rendre  à  cette  case.  Il  y  va  de 
temps  à  autre  pour  visiter  le  likouma  et  lui  donner  à  manger.  Il 
le  nourrit  de  poules,  de  cabris  et  d'eau.  Il  l'encourage  à  se  tenir 
tranquille.  Pour  cela,  il  lui  crache  du  piment  dessus  et  lui  dit  : 
«  tiens-toi  tranquille,  tiens-toi  tranquille.  »  Qui  se  rend  à  la  case 
du  likouma  sans  être  chef,  voit  comme  un  okoué  meurt. 

Quant  le  chef  meurt,  sa  panthère  fait  une  grande  raffle  d'ani- 
maux qu'elle  lui  apporte.  Elle  rugit  et  pleure  la  mort  du  chef. 
Sur  la  bouche  de  sa  tombe  ouverte,  on  fait  retentir  la  voix  du 
likouma,  qui  est  le  rugissement  de  la  panthère. 

Le  chef  est  enterré  sans  ongles  et  sans  aucune  parcelle  de  peau 


ETUDE    ETHNOGRAPHIQUE!    DE    LA    TRIBU   KOUYOT.  67 

de  panthère  sur  lui,  île  peur  qu'il  ne  se  lève  de  sa  tombe  et  dévaste 
le  village.  A  sa  mort,  pour  que  la  panthère  ne  s'échappe  de  son 
ventre  où  il  la  porte,  on  lui  ferme  la  bouche,  on  lui  bouche  l'anus. 
Dès  qu'il  est  mort,  son  âme  s'échappe  et  va  d'un  côté,  sa  panthère 
s'échappe  et  va  de  l'autre.  Aucun  initié  aux  mystères  de  la  pan- 
thère ne  meurt  sans  qu'il  n'y  ait  réunion  et  fêtes  du  likouma. 

Tous  les  gens  qui  appartiennent  au  clan  des  Ombouma  ne 
peuvent  manger  de  la  panthère.  Ils  ne  peuvent  tuer  non  plus  une 
panthère.  Celle-ci  est  d'ailleurs  supposée  incapable  de  les  attaquer. 
Tous  les  Ombouma  peuvent  porter  comme  insigne  la  peau  de 
panthère.  Mais  seul  le  chef  des  Ombouma,  Boumachia,  a  le  droit 
de  porter  ses  dents. 

Chaque  fois  que  la  panthère  nourrit  le  chef  en  lui  apportant  un 
animal,  le  chef  fait  porter  le  cou  de  cet  animal  à  son  goy.  Mais  si 
une  panthère  a  attaqué  et  a  été  tuée,  on  suppose  que  ce  n'est  pas 
la  panthère  du  clan,  le  goy  des  Omboula  qui  a  été  tué.  Car  : 

Goy  assali  bissou  malamou  Notre  panthère  a  fait  nous  bien 

Apessi  bissou  nyama  A  donné  nous  de  la  viande 

Assali  bato  mabi  té  A  fait  avec  les  hommes  pas  mal 

Yé  assali  bato  mabi  Celle-ci  a  fait  aux  hommes  du  mal. 

Oio  goy  na  bissou  té  Celle-ci  n'est  pas  panthère  de  nous. 

Nous  verrons  qu'au  clan  primitif  des  Ombouma  se  sont  ajoutées 
d'autres  populations  venues  du  bas  de  la  rivière  Kouyou  et  qui  se 
sont  fondues  à  ce  clan,  avec  lequel  elles  forment  des  villages.  Ce 
sont  les  Mohoko.  Ces  Mohoko  peuvent  être  initiés  aux  fêtes  de  la 
panthère  comme  de  véritables  Ombouma.  Ils  ne  peuvent  manger 
de  sa  chair,  mais  ils  peuvent  la  tuer.  La  plupart  du  temps,  quand 
la  panthère  attaque,  c'est  un  Mohoko  qui  est  délégué  pour  la 
tuer. 

Quand  une  panthère  menace  le  village,  les  gens  du  village 
disent  :  «  le  kani  veut  tuer  quelqu'un,  il  faut  qu'il  y  reste  aujour- 
d'hui ».  Le  chef  dit  :  «  il  est  venu  au  village  prendre  beaucoup 
d'hommes,  c'est  qu'il  n'a  pas  peur.  »  On  appelle  à  l'aide,  on  le 
frappe.  Puis  on  l'amarre  par  les  pattes  à  un  bois  et  six  et  huit 
porteurs  le  portent  au  village  en  triomphe.  Une  foule  de  gens 
l'accompagne,  les  uns  devant,  les  autres  derrière,  en  chantant  le 
liboka.  Le  chef  précède  cette  foule,  la  sagaie  de  cérémonie  à  la 
main,  précédé  lui-même  des  frappeurs  de  la  cloche  de  fer.  On  le 
dépose  devant  la  case  du  chef.  Celui-ci  convoque  les  gens  des  vil- 
lages des  environs  en  disant  :  «  mon  parent  est  mort.  »  Alors  les 


68 


a.   roi  i'o\. 


danses  commencent.  Les  femmes  dansent  autour  de  la  panthère, 
l'appellent  par  son  nom,  lui  donnent  de  belles  épithètes,  et 
disent  :  «  il  est  fort  ».  Le  chef  dit  :  «  Je  suis  comme  lui,  je  prends, 
je  tue  et  ne  recule  pas.  On  voit  ma  poitrine  et  jamais  mon  dos  ». 
Pendant  qu'on  danse,  le  chef  distribue  des  cadeaux,  puis  on  com- 
mence à  dépecer  le  kani.  Le  chef'dit  :  «  Coupez-le,  je  ne  veux  pas 
le  voir  couper.  » 

Quand  il  est  dépecé,  on  met  sa  peau  à  sécher  au  soleil.  Le  chef 
la  rentrera  dans  son  okoko  quand  les  danses  prendront  fin.  La 
chair  est  distribuée  aux  esclaves.  Les  enfants  du  chef  ne  peuvent 
la  consommer. 

Nous  avons  dit  qu'on  portait  la  panthère  en  triomphe  en  chan- 
tant le  liboka.  Voici  ce  chant  qui  est  à  la  fois  le  chant  de  la  pan- 
thère et  le  chant  de  guerre  des  Kouyou. 


Oha  !  goy  éh-éh 

Oh  a  !  goy  éh-éh 

Goy  hé-ihé  é 

Oha  !  goy  atoni  bato 

Oha  !  goy  assaka  Mossemba  (1) 

Goy  aboti  na  djamba 

Bato  éhimba  yo 

Oha  !  goy  atoni  démabalé 

Goy  otaka  na  ichou 

Oha  1  ohé  !  goy  ^voué  é 

Eh  !  ohé  !  goy  ika 

Oh  !  Okanga  moana  na 

Poumboubéka  ! 

Oha  1  Lenga  moana  Ollango 

Eydi  na  Tssoussou  -éhé  !  -éhé  I  (2) 

Denguissa  -Abolo  é  é  é  é  I 

Ohé!  Epégouna  Moengué 

Ohé  !  Gongieika  Kolobondjo 

Ohé  !  Ibalta  Lambaloba 

Elongo-ganja  Abondgii 

Okanja  na  Obemba  ié  -  é 

Koula  na  n'Golo  Oyembi 

Okakadongo  N'Gélo  é  é  é  é 

Okeli  Mebamba 

Bato  olongué  na  bissou  Mabambo 


Oha  I  goy  éh-ph 

Oha  !  goy  éh-éh 

Goy  hé  -  ihé  é 

Oha  !  goy,  hélas  !  il  déteste  les  hommes 

Oha  !  goy  est  encore  à  Mossemba  (1) 

Goy  a  fait  ses  enfants  dans  la  brousse 

Les  hommes  ne  s'y  promènent  pas 
sans  danger 

Oha  !  goy  déteste  les  hommes 

Goy  regarde  avec  des  yeux  (mauvais) 

Oha  !  ohé  !  goy  est  mort 

Eh  !  ohé  !  goy  te  voilà 

Oh  !  Okanga  enfant  de 

Poumboubéka  ! 

Oha  !  Lenga  enfant  de  Ollango 

Eydi  na  Tssoussou-  éhé  !  éhé!  (2) 

Denguissa  -  Abolo  é  é  é  é  ! 

Ohé  !  Epégouna  Moengué 

Ohé  !  Gongieika  à  la  longue  sagaie 

Ohé  !  Ibatta  Lambaloha 

Elongo-ganja  (du  village)  d'Abondgii 

Okanja  de  Obemba  ié-é 

Koula  (enfant  de)  N'Golo  (du  village  de) 
Oyembi 

Okakadongo  de  N'Gélo  é  é  é  é 

Okeli  (enfant  de)  Mebamba 

L'homme  qui  a  quitté  nous  c'est  Ma- 
bambo 


(1)  Goy  est  à  Ossemba,  village  où  est  sa  retraite 

(2)  Appel  d'un  homme  mort  à  la  guerre. 


l'ri  ni:  kthnockapiiiqi  e  de  LA  TRIBU   kouvou 


69 


Okandja  moana  Pombobéka 
Oloko  Kouyou  ombia  gania 
Itsaka  na  Ambangoua  Kcta 
Oha  !  ohé  !  Yoka  ota  boléko 
Oyengué  Mokombo  -  Pouamou 

Boulalékaotoumba 
Oh  !  ohé  !  Okongoé 
Oha  !  Elidabendé 
Eiinga  Boutoul 
Oha  !  Ekajougoué 
Ohé  !  Ibatta  Loboua 
Ossoba  kanga  Ekongo 
Okolébano  !  Olié  !  Ebanjo  ! 
Ondjolopala! 


Okandja  enfant  de  Pombobéka 
Oloko  de  Kouyou  est  un  ami  vilain 
Itsaka  (enfant  de)  Ambangoua  est  Keta 
Oha  !  ohé  !  Yoka  parle  comme  le  fusil 
Oyengué   (du    village    de)    Mokombo- 

Pouamou 
Boulalékaotoumba 
Oh  !  oké  !  Okongoé 
Oha  !  Elidabendé 
Eiinga  Boutou  ! 
Oha  !  Ekajougoué 
Ohé  !  Ibatta  Loboua 
Ossoba  parent  de  Ekongo 
Okolébano  !  Ohé!  Ebanjo  ! 
Ondjolopala! 


Nous  avons  fini  de  décrire  les  fêtes  de  la  panthère. 

Il  nous  reste  à  conter  l'ottendé  nan  goy  qui  a  un    rapport 
intime  avec  la  panthère,  et  voici  en  langue  indigène  ce  que  c'est  : 


Ato  moy  na  djété  atoubiki, 
ato  ekoubé  na  moto,  akani 
na  moy  na  djété,  mokanda  na 
taba,  ahadi  malamou.  Kani 
akeï  na  mode  na  djamba, 
akamati  mondo  na  pembé 
akani  na  may,  assingui  na 
djoto,  abandi,  abandi,  abandi, 
Abanda  akeï  koboumba  ebobo. 

Akamati  gonga  alingui  na 
djoto  na  mottendé.  Kani  akamati 
dongo,  akani  na  monoko  na  yé, 
alembi  dongo  alobi  :  Sékoua 
ottendé,  sékoua.  Ottendé  assékoué, 
oyemba,  éhounda  ékouma,  eyemba, 
eyemba,  eyemba.  Ottendé  assili  na 
djoto. 


Prend  ventre  du  bois  creuse, 

prend  os  d'homme  mort,  enferme 

dans  ventre  du  bois,  peau  de 

cabri,  lie  fort.  Chef 

va  avec  cela  en  brousse, 

prend  rouge  et  blanc 

met  dans  l'eau,  tache  le 

corps,  tache,  tache,  tache. 

A  taché  va  l'enfermer  dans  la  place  du 

likouma. 
Prend  le  maillet  frappe  sur 
corps  du  mottendé.  Chef  prend 
piment,  met  dans  la  bouche  de  lui, 
insuffle  le  piment  dit  :  lève  toi 
ottendé,  lève  toi.  Ottendé  se  lève, 
chante,  frappe  le  likouma,  chante, 
chante,  chante.  Ottendé  épuise  son 
corps. 


Le  chef  prend  un  bois  et  le  creuse,  prend  un  os  de  mort  et  l'enferme 
dans  ce  tam-tam  à  l'aide  d'une  peau  de  cabri  qu'il  lie  fort.  Le  chef  va  avec  ce 
tam-tam  en  brousse  ;  il  prend  du  rouge  et  du  blanc  et  les  met  dans  l'eau.  Il 
tache  le  corps  du  tam-tam,  le  tache  comme  la  panthère.  Quand  il  l'a  taché,  il 
porte  le  tam-tam  à  l'emplacement  du  likouma.  Il  prend  un  maillet  et  frappe 
sur  le  corps  du  mottendé.  Il  prend  du  piment  et  souffle  le  piment  dans  la 
bouche  de  l'ottendé  et  dit  :  lève  toi  ottendé,  lève  toi.  L'ottendé  se  lève,  chante, 


A.    POUPON. 


frappe  le  likouma,  chante,   chante,  chante.  L'ottendé  enfin  tombe  le  corps 
épuisé. 

Le  chef  creuse  donc  un  tam-tam  dans  lequel  il  met  l'os  d'un 
mort.  Il  tache  ce  tam-tam  comme  la  panthère  et  l'apporte  dans 
la  retraite  du  likouma.  Il  insuffle  l'ottendé  de  piment,  l'ottendé  se 
lève  et  va  lutter  contre  le  likouma,  lutte,  chante,  lutte  en  chan- 
tant et  tomhe  épuisé  de  fatigue. 

L'indigène  présente  le  likouma  comme  le  chef  et  l'ottendé 
comme  son  sous-chef.  C'est  à  l'ottendé  que  le  chef  du  village 
commande  d'aller  tuer  les  cabris  de  son  débiteur  ou  même  ce 
débiteur.  L'ottendé  est  encore  l'animal  du  chef,  en  ce  sens  qu'il 
est  le  défenseur  du  village. 

Quant  l'ottendé  lutte  contre  le  likouma,  il  chante  la  chanson 
suivante  : 

Dzembo  na  ottendé 
Chanson  de  l'ottendé 


O  ô  ô  !  owoha  I 

Aho  I  ié  ié  ié  é 

Àho  I  ié  ié  ié  e 

Mottcndé  abè  yésé 

Oko  koundé  moloko  djengué, 

ïchina  ayeki  na  mossi. 

Ayaki  na  oko  koliécha. 

Kkaka  ié  ié  ié  é 


O  ô  ô  1  meurt  ! 
Aho  1  ié  ié  ié  é 
Aho  !  ié  ié  ié  é 
Mottendé  bat  les  hommes. 
La  nuit  la  fourmi  frappe  le  rat. 
Les  marchandises  viennent  dans  le  jour. 
Viens  la  nuit  il  n'y  a  pas  de  marchan- 
dises. 
Ekaka  ié  ié  ié  é 


Le  chef  fait  servir  l'ottendé  à  ses  fins.  Mais  il  peut  utiliser  le 

likouma  de  la  même  façon  pour  lui  ou  pour  des  étrangers.  Il  le 

consulte,  le  fait  parler  sur  l'avenir,  lui  demande  la  solution  de 

palabres.  Il  opère  de  la  façon  suivante  : 

Bissou  ékamati  may  na  Nous  (le  chef)  prend  eau  de 

ébolou,  na  kongué,  na  illanga,  bananier,  et  du  kongué  et  de  l'illanga, 

akani  dongo  moko,  akani  na  met  ensemble,  met  dans 

moy  na  likouma  ventre  du  likouma. 

On  donne  à  boire  au  likouma  ce  mélange,  puis  le  chef  peint  le 
likouma  de  rouge  et  de  blanc  comme  la  panthère  et  le  prie  : 


Likouma  gai  akamati  yo. 

Gaî  agnoussou  kongué  monoko 

na  no. 

Gai  apessi  no,  endongo,  pombé, 

goula,  mali  na  djoto  na  no. 

Gaî  a^sali  yo  malamou,  assali 

gai  malamou. 


Likouma  j'ai  acheté  toi. 

J'ai  donné  à  boire  le  kongué  à  bouche 

de  toi 
Je  t'ai  donné  le  piment,  le  blanc, 
le  rouge,  l'huile  sur  le  corps  de  toi. 
J'ai  fait  toi  bien,  fais 
moi  bien. 


ÉTUDE    ETHNOGRAPHIQUE    I>K    L\    TRIBU    KOUYOU.  71 

Au  lieu  de  se  servir  du  likouma  comme  oracle,  le  chef  peut 
avoir  à  lui  demander  de  faire  rendre  des  marchandises  en  litige 
ou  d'aller  chercher  et  de  rapporter  des  ohjets  à  celui  qui  les 
demande.  Il  emploiera  les  mômes  rites  que  précédemment.  De 
plus,  il  remettra  au  likouma  une  partie  des  objets  qui  lui  auront 
été  donnés  en  cadeau. 

Le  kongué  et  l'illanga  que  Ton  mêle  à  la  boisson  du  likouma 
sont  de  plantes.  La  première  est  le  poison  que  Ton  écrase  dans 
les  rivières  et  qui  tue  les  poissons.  La  seconde  est  une  plante  qui 
donne  de  la  force  à  rendre  furieux.  Ce  breuvage,  extrêmement 
dangereux  pour  tout  autre,  surexcite  les  forces  du  likouma  et  le 
fait  parler. 

Le  chef,  s'il  a  une  créance  personnelle  impayée,  se  tache  la  face, 
le  ventre,  le  corps,  comme  la  panthère  et  va  voler  les  cabris  de 
son  débiteur,  et  même  tuer  ce  débiteur. 

Il  faut  sans  doute  voir  là,  déjà  atténuée,  cette  habitude  qui 
subsiste  avec  tant  de  force  au  Gabon,  et  qui  se  rattache  sans  doute 
là  aussi  au  culte  de  la  panthère,  d'après  laquelle  des  gens  tachés 
comme  la  panthère  vont  chez  les  autres  faire  de  véritables  raffles 
de  cabris  et  même  tuer  ceux  qui  les  gênent. 

Le  nombre  des  initiés  aux  cérémonies  de  la  panthère  dans  un 
clan  d'environ  trois  mille  mâles,  comme  celui  des  Ombouma,  est 
encore  assez  limité.  Les  deux  villages  de  Loando  et  de  Kanguiné, 
qui  composent  la  moitié  de  ce  clan  et  qui  comprennent  environ 
1.500  têtes  mâles,  comprennent  dix-neuf  initiés.  L'autre  partie  du 
clan,  formée  des  villages  de  Lingue  etLinguénavé,  ne  comprend 
guère  plus  d'affiliés.  Une  partie  fête-  la  panthère  de  Boumachia, 
l'autre  la  panthère  de  Gassaké. 

Les  chefs  des  autres  clans  Kouyou  ont  aussi  leur  panthère!  Ces 
clans  sont  concentrés  en  quelques  villages  :  Mokouma  et  Mon- 
daka  forment  un  clan;  Songo  en  est  un  autre;  Bogo,  Bokangué, 
Ekoungounou  en  sont  d'autres.  Les  chefs  de  chacun  de  ces  clans 
fêtent  la  panthère,  président  des  cérémonies  du  likouma  et  font 
des  initiés.  Une  trentaine  de  chefs  de  la  tribu  se  considèrent 
comme  apparentés  à  la  panthère.  C'est  une  bonne  moitié  de  la 
tribu,  toute  la  moitié  ouest.  Par  contre,  nous  allons  voir  que  toute 
la  moitié  est  fête  le  serpent  ou  yoka  ou  djo. 


72 


a.  POuro>\ 


Les  rites  de  lÉbagué  ou  du  Caïman. 

Un  autre  animal,  le  caïman,  est  aussi  animal  du  chef  dans  le 
clan  des  Ombouma.  Voici  le  mythe  que  rapportent  à  ce  sujet  les 
indigènes. 


Kani  adjaja.  Adjoué 

épouba  na  maï.  Apoua 

na  maï  bo.  Aoka  pou-pou. 

Aouli  aoka  pou-pou,  eti 

ébagué  apoukissi  schoué 

na  likolo.  Oua  :  hé  !  oïo 

oundé?  Ebagué  ayé  na  oua, 

oua  akami.  Ebagué  abouaki 

schoué  na  go.  Yé  :  Oa  ho  ! 

léyaka.  Abia  ayaki,  yé  assoukoulou 

abia  :  gai  époubiki,  ébagué 

ayaki  na  schoué,  aboki  n'go. 

Opè  oungou  bo  boungou  ? 

aodhé  obeta  schoué,  oloki 

ho  ?  Bétè  schoué,  motissé  na 

oua  m'boka,  assédè  schoué  na 
taché.  Na  mokolo  ébagué  koya, 
aho  na  oua  dja  m'bissi,  gaï 
kopè  nayo,  gaï  azali  n'dékou 
na  yo,  mokolo  mossoussou  gaï 
kobouma  yo  m'bissi.  Bato 
na  bissa  aké  na  maï.  Yé 
aouli  kobouma  mossoussou. 
Bato  akamati  apessi  na  kani. 
Kani  adzengui  moutou  kobouma 
na  dakou  na  yé.  Abomi 
mossoussou,  kani  adzengui 
moutou  oïo  abombi  na  dakou. 
Kani  alobi  :  a  Bissabinou 
kolia  ébagué  mossoussou  tè, 
ébagué  adzali  na  dékou.  Tala 
yé  apessi  n'gaï  bissi  mingui, 
mingui.  Kodja  mossoussou  tè. 


Chef  posait.  Va 
se  laver  dans  l'eau.  Arrive 
à  l'eau  ainsi.  Entend  pou  pou. 
Vient  d'entendre  pou-pou,  voit 
caïman  sortir  poisson 
en  haut.  Lui  ;  hé!  ceci 
qu'est-ce  ?  Caïman  vient  à  lui, 
lui  de  fuir.  Caïman  mit 
poisson  à  terre.  Lui  :  oa  ho  ! 
venez.  Les  amis  viennent,  lui  dire 
aux  amis  :  je  me  lavais,  caïman 
est  venu  avec  poisson,  l'a  déposé  à  terre. 
Ceci  vraiment  qu'est-ce  vraiment? 
Allons,  prenez  poisson,  oloki 
qu'est-ce?  Us   prirent  poisson,    parti- 
rent avec 
lui  au  village,  mirent  poisson  à 
terre.  Un  jour  ébagué  vint, 
dit  à  lui  mange  poisson,  moi 
donne  à  toi,  je  suis  parent 
de  toi,  jour  autre  je  v 

tuerai  pour  toi  poisson.  Homme 
dans  la  suite  va  à  l'eau.  Lui 
venait  tuer  autre. 

Hommes  prenaient  donnaient  au  chef. 
Chef  coupait  tôte  mettait 
dans  case  de  lui.  Tuait 
autre,  chef  coupait 
tête  de  lui  mettait  dans  case. 
Chef  dit  :  «  Nous  tous 
mangeons  caïman  plus, 
caïman  est  parent.  Voyez 
il  a  donné  à  moi  poisson  beaucoup, 
beaucoup.  Mangez  plus  du  tout.  » 


Un  chef  était.  Il  alla  se  laver  à  l'eau.  Il  arrive  à  l'eau.  Il  entend  pou-pou. 
Dès  qu'il  a  entendu  pou  pou,  il  voit  un  caïman  sortir  un  poisson  hors  de 
l'eau.  Lui  :  lié  qu'est  ceci  ?  Le  caïman  vient  à  lui,  lui  de  fuir.  Le  caïman  mit 
le  poisson  à  terre  Lui  :  oa  ho  I  venez  tous.  Les  amis  viennent,  il  dit  aux 
amis  :  Je  me  lavais,  un  caïman  est  venu  avec  un  poisson  et  l'a  déposé  à  terre. 
Ceci  vraiment  qu'est-ce?   Allons  prenez  ce  poisson,  qu'est-ce  cet  oloki?  Ils 


ÊTUD1     ETHNOGRAPHIQUE    DE    LA     lUUU     tOUTOU.  73 

prirent  le  poisson,  partirent  avec  au  village,  mirent  le  poisson  à  terre.  Un 
autre  jour  le  caïman  vint  et  lui  dit  ;  mange  le  poisson  que  je  t'ai  donne'», 
je  suis  ton  parent,  un  autre  jour  je  tuerai  du  poisson  pour  toi.  Les 
hommes  dans  la  suite  allaient  à  l'eau.  11  venait  leur  tuer  du  poisson.  Les 
hommes  le  prenaient,  le  donnaient  au  chef.  Le  chef  coupait  la  tête,  la  mettait 
dans  sa  case.  Il  en  tuait  un  autre.  Le  chef  coupait  sa  tète  la  mettait  dans  sa 
case.  Le  chef  dit  «  Nous  tous  ne  mangeons  plus  de  caïman,  le  caïman  est 
notre  parent.  Voyez  il  m'a  donné  à  manger  beaucoup.  M'en  mangez  plus.  » 

Aussi  chaque  fois  qu'un  poisson  est  tué  par  les  gens  du  village, 
on  l'apporte  au  chef.  Il  en  coupe  une  partie  et  la  donne  à  l'inté- 
ressé. Il  en  prend  une  autre  partie  et  la  conserve  pour  lui.  Il 
garde  la  tête  dans  son-okoko  ou  la  jette  à  l'eau  en  disant  : 
Ebagué  yo  dékou  nan  gaï,  Caïman  toi  parent  de  moi. 

Go  apessi  gaï  bilia,  Tu  as  donné  à  moi  de  la  nourriture. 

Kamata  paï  na  yo.  Prends  la  part  de  toi. 

Ce  disant  il  jette  la  tête  à  l'eau.  Si  le  corps  d'un  caïman  est 
trouvé  sur  la  rive,  on  l'ouvre  et  tout  ce  qui  est  enfermé  dans  son 
estomac,  bracelets,  etc....  est  apporté  au  chef  et  lui  est  donné 
comme  sa  propriété. 

Lorsqu'un  caïman  est  tué  ;  on  le  tire  à  terre,  on  l'élève  sur  des 
pagaies,  on  le  porte  à  la  case  du  chef,  et  on  dit  au  chef  : 
Ebagué  na  ne  akouphi,  apessi  Caïman  de  toi  est  mort,  donne 

bissou  mossolo  ».  nous  des  marchandises. 

Le  chef  promet  de  payer  et  les  danses  commencent.  La  danse 
du  caïman  s'appelle  le  kabi  ou  danse  de  la  pagaie. 

Pendant  la  première  figure,  les  danseurs,  la  pagaie  sur  l'épaule, 
font  le  tour  du  caïman  en  chantant  le  refrain  suivant  : 


e    e 

ma  e 

e     e 

ma  e           ô  é 

ma  a 

o  e 

é     é 

l'eau  é 

é     é 

l'eau  é          ô  é 

l'eau  â 

ô  é 

ma     à     j 

é  é     yé 

ebagué 

ébayé  a  yé     o     Avoua 

l'eau  â 

é  é    toi 

caïman 

caïman    to 

i    es    moi 

*l 

Le  «  Kabi  »  ou  Danse  de  la  Pagaie. 


•j4  A.    POUPON. 

Ce  refrain  est  d'ailleurs  unique  et  c'est,  lui  qui  accompagne 
toutes  les  danses  du  caïman. 

Pendant  la  seconde  figure,  les  danseurs  s'arrêtent.  Ils  aban- 
donnent leurs  pagaies,  viennent  se  masser  en  un  chœur  compact 
et  commencent  à  frapper  des  mains  et  à  chanter.  C'est  toujours 
l'éma-é  qui  est  chanté.  Au  milieu  du  chœur,  un  tam-tam  posé  à 
terre  cadence  la  danse.  A  côté,  sur  un  gros  morceau  de  bois 
creusé,  un  chanteur  frappe  avec  une  pagaie  sur  un  rythme  lent. 
Ce  son  reproduit  celui  que  font  les  pagayeurs  en  route,  en  frap- 
pant avec  un  bois  sur  le  bord  de  la  pirogue  pour  encourager  le 
pagayage.  Un  troisième  personnage  dirige  le  chœur  des  chan- 
teurs en  frappant  des  mains.  Un  quatrième  danse  seul  en  dehors 
du  groupe.  Celui-ci,  pendant  que  les  autres  chantent  et  qu'on 
rythme  la  marche  de  la  pirogue,  debout  à  côté  du  chœur,  simule 
de  plonger  la  pagaie  dans  l'eau.  Il  pagaie  pendant  un  instant, 
quand  il  a  fini,  il  se  met  à  courir  d'un  côté  et  d'un  autre,  gam- 
bade en  jetant  la  pagaie  en  l'air,  et  semble  témoigner  de  la  joie 
pour  ce  mode  de  locomotion.  —  Tout  à  coup,  il  cesse  de  gamba- 
der, se  fixe  sur  le  sol  les  jambes  ouvertes  et  en  balançant  le  corps 
d'avant  en  arrière,  la  pagaie  au  poing,  le  bois  horizontal,  il  fait 
aller  cette  pagaie  d'avant  en  arrière  de  l'épaule  et  indique  avec  la 
pointe  un  endroit  de  l'horizon  qui  est  Loboco,  groupement  de  la 
rivière  d'où  est  venue  cette  danse,  et  par  qui  elle  a  été  transmise 
aux  Kouyou.  Pendant  tout  le  temps  où  ce  danseur  a  évolué,  il  n'a 
jamais  cessé  de  revenir  à  celui  qui  dirige  le  chœur  des  chanteurs, 
sur  lequel  il  impose  sa  pagaie,  corps  et  tête. 

A  la  troisième  figure,  le  chœur  mène  toujours  la  danse.  Le 
danseur  principal,  à  côté  et  en  dehors,  simule  qu'il  pagaie,  à 
droite  puis  à  gauche.  Il  reprend  sa  marche,  gambade,  impose  la 
pagaie  sur  le  corps  du  chanteur  principal.  Il  s'arrête,  lève  la 
pagaie  au-dessus  de  sa  tête,  la  porte  au-dessus  de  sa  bouche  et  le 
cou  renversé,  il  simule  de  boire  l'eau  qui  coule  de  la  pagaie. 

A  la  quatrième  figure,  la  pirogue  est  toujours  en  route.  Le 
danseur  principal  pagaie  à  droite,  puis  à  gauche. 

Au  début  de  la  troisième  figure,  les  hommes  dépècent  le 
caïman.  Lorsqu'il  est  dépecé  et  quand  la  danse  prend  fin,  on  fait 
remise  de  la  peau  au  chef  qui  la  rentre  dans  son  okoko.  La 
chair  est  remise  à  d'autres  qu'aux  hommes  du  clan  pour  la  con- 
sommer. 

Au  lieu  de  célébrer   le  caïman  à  terre,  on  peut  très  bien  le  fêter 


lll  DE    ETHNOGRAPHIQUE    1>E    LA    TRIBU    ROUYOU.  75 

en  pirogue  et  en  route.  On  met  alors  à  l'avant  de  la  pirogue,  un 
morceau  de  bois  de  forte  taille  coupé  à  l'image  du  caïman  et 
on  procède  en  pirogue  à  tous  les  gestes  qui  viennent  d'être 
décrits. 

D'après  les  Kouyou  eux-mêmes,  les  rites  de  l'ébagué  seraient 
d'importation  ;  ils  leur  auraient  été  transmis  par  les  gens  de 
Loboco.  Loboco  est  un  groupement  de  populations  situé  sur  la 
grande  rivière,  la  Likouala.  Tous  les  chefs  Kouyou  qui  con- 
naissent le  goy  ne  connaissent  pas  toujours  l'ébagué.  Sur  la 
rive  droite,  il  n'y  a  guère  que  les  groupements  de  la  rivière  qui 
le  fêtent.  Ces  groupements  sont  Lingue,  Linguénavé,  Aba,  Loando, 
Kanguiné,  Mango,  Bembé,  Mokouma,  Himbou  Assoko,  Dès 
qu'on  entre  un  peu  à  l'intérieur  et  qu'on  atteint  Songo,  Bogo, 
Bokangué,  les  chefs  de  ces  villages,  déclarent  que  l'ébagué 
appartient  aux  gens  de  la  rivière  et  leur  est  inconnu.  Ces  rensei- 
gnements semblent  donc  bien  prouver  son  importation  et  son 
emprunt  aux  gens  de  la  rivière,  pêcheurs  qui  montaient  dans  le 
Kouyou  pour  se  ravitailler  en  manioc. 

Ajoutons  qu'il  n'y  a  aucune  pratique  d'initiation  pour  l'ébagué 
et  qu'en  dehors  du  mythe  et  de  la  danse  que  nous  avons  cités, 
nous  n'avons  pu  trouver  aucune  cérémonie  secrète  qui  s'y 
rapporte. 

Les  Kouyou  appellent  le  goy  et  l'ébagué  les  n'guissi  ou  okia  ou 
okilou(l)  du  chef  et  disent  qu'ils  sont  tous  deux  des  nyama  na 
kani  ou  dékou  na  kani,  les  animaux  du  chef  ou  parents  du  chef. 

Au  contraire,  ils  appellent  le  boandi  ou  chien,  dékou  na 
Kouyou,  le  parent  des  Kouyou.  Qu'est-ce  que  ce  parent  des 
Kouyou  opposé  aux  parents  du  chef.  Les  Kouyou  citent  un 
mythe  : 

N'goko  na  kala  akamati  Ancêtre  il  y  a  longtemps  prit 

boandi,  adgessi  boandi  biloko,  chien,  nourrit  chien  de  choses, 

adgessi,  adgessi,  adgessi.  nourrit,  nourrit,  nourrit. 

Boandi  aè  mounéné.  Yé  Chien  devint  gros.  Lui 

na  boandi  kotamboula  kaka,  et  chien  marchaient  seuls. 

Mokolo  oïo  yé  na  boandi  Jour  celui-là  lui  et  chien 

atamouli,  akeï.  Dja  akamati  marchaient  allaient.  Faim  prit 

(1)  Le  Kouyou  dira  en  expliquant  le  mythe  du  goy  que  c'est  le  n'guissi  nan  goy  ; 
le  mythe  du  cafman,  que  c'est  le  n'guissi  na  ébagué.  Il  dit  en  parlant  d'un  tabou 
personnel  que  c'est  le  n'guissi  de  la  personne.  —  Sans  chercher  à  définir  la  notion 
de  n'guissi,  le  n'guissi  kouyou  est  soit  l'esprit  mystérieux  que  révèle  le  mythe  et  qui 
rattriche  la  panthère  au  chef,  soit  la  puissance  secrète  qui,  dans  un  tabou,  fera  la  force 
de  préservation. 


7'1  A.    POUPON, 

djoto  na  djamba.  Yé  ayaki,  corps  dans  brousse.  Lui  vint, 

kota  n'déké  abondi  na  likolo.  vit  oiseaux  accrochés  en  haut. 

Alobi  :  oah  no!  Ekambi  moana  Dit  :  oah  ho!  Je  n'ai  pas  enfant 

ehimba  yo  n'déké.  Boandi  pour  monter  vers  les  oiseaux.  Chien 

alobi  :  ho  !  no  kossakoula  dit  :  ho  !  toi  vends 

gaï  tè,  yanga  ellea.  Boandi  moi  pas,  moi-même  j'y  vais.  Chien 

allé  éko.  Àhada  niossi,  atina  monta  dans  l'arbre.  Prit  oiseaux,  jela 

tché,  ahada  ato  na  tché,  à  terre,  prit  jeta  à  terre, 

ahada  na  tché.  Yé  assoundi,  jeta  à  terre.  Lui  descendit, 

yé  alobi.  aké  nam  boka  assakoula  il  dit,  parti  au  village  vends 

gai  tè.  Ato  niossi  aya  na  ba  moi  pas.  Prit  oiseaux  vint  avec  eux 

nam  boka,  ayé  nam  boka,  abiengui      au  village,  venu  au  village,  il  appelle 

moana,  abiengui  moassi,  ayé  enfants,  appelle  femmes,  vint 

na  ba  nan  dakou,  aoh  ;  ohé!  avec  eux  dans  case,  dit  :  ohé  ! 

boandi  bato,  baondi  adjé  ka.  chien  est  homme,  chien  mangez  pas. 

Poko  bissabinou  djénaboandi.  Village  de  nous  est  djénaboandi. 

Bissou  na  gongo  boandi  kolia  Nous  ensuite  chien  mangeons 

moussoussou  tè.  Soko  bato  plus.  Si  un  homme 

adjé  boandi  yé  moko  akouphi,  mange  chien  lui  seul  meurt, 

Po  na  yé.  C'est  son  affaire. 

Un  ancêtre,  il  y  a  longtemps,  avait  un  chien.  11  nourrit  le  chien  de  choses, 
le  nourrit,  le  nourrit,  nourrit.  Le  chien  devint  gros.  Lui  et  le  chien  se  pro- 
menaient seuls.  Ce  jour-là,  lui  et  le  chien  marchaient,  allaient.  La  faim  le 
prit  dans  la  brousse.  Il  vit  des  oiseaux  accrochés  à  un  arbre.  Il  dit  :  Oah  ho  ! 
je  n'ai  pas  un  enfant  pour  monter  me  chercher  ces  oiseaux  !  le  chien  dit 
ho  !  n'en  parle  pas  au  village,  mais  laisse-moi  y  aller.  Le  chien  monta  dans 
l'arbre  prit  des  oiseaux,  les  jeta  à  terre,  en  prit  d'autres  les  jeta  à  terre,  en 
prit  d'autres  les  jeta  à  terre,  en  prit  d'autres  les  jeta  à  terre.  Quand  il 
descendit,  il  dit  :  quand  nous  serons  au  village,  ne  me  vends  pas.  L'homme 
prit  les  oiseaux  vint  avec  village.  Venu  au  village,  il  appelle  les  enfants,  il 
appelle  les  femmes,  vient  avec  eux  dans  une  case  et  leur  dit  :  Eh  !  chien  est 
homme  ne  mangez  pas  du  chien.  Voilà  pourquoi  notre  village  s'appelle  djéna- 
boandi. Dans  la  suite  nous  n'avons  pas  mangé  du  chien.  Si  un  homme  en 
mange  il  meurt;  c'est  son  affaire. 

Ce  mythe  établit  donc  une  relation  de  parenté  entre  les  gens 
du  clan  et  le  chien  ;  il  leur  interdit  d'en  manger  et  nous  apprend 
que  ces  populations  s'appellent  des  Djénaboandi,  (de  dja  na 
boandi  —  manger  pas  le  chien). 

Quels  sont  les  villages  qui  se  reconnaissent  comme  Djénabo- 
andi? Exactement  tous  ceux  que  nous  avons  cités  comme 
Oinbouma,  c'est-à-dire  :  Lingue,  Linguénavé,  Aba,  Loando, 
Kanguiné,  Mango  et  Bembé,  sur  la  rive  droite  que  nous  étudions, 
Ibo,  Okembé,  Olloumba,  Issemba,  sur  la  rive  gauche.  Les  gens 
<ln  ces   villages  ne  se  cilcnt  que  très  rarement  sous  le  nom  de 


ÉTUDE   ETHNOGRAPHIQUE    DE    LA    TRIBU    K.OUYOU.  ~- 

Ombouma  et  se  disent  plutôt  Djénaboandi.  Plus  anciennement 
ils  se  citaient  exclusivement  sous  ce  nom. 

Le  clan  des  Djénaboandi  était  groupé  tout  entier  —  et  il  ne  semble 
pas  qu'il  y  ait  si  longtemps  encore  —  sur  le  plateau  qu'occupe 
actuellement  le  village  de  Lingue.  11  était  alors  sous  le  comman- 
dement du  chef  Boumakénikaka.  Après  une  querelle  entre  Bouma- 
kénikaka et  son  frère  Gaboka,  le  clan  se  scinda  :  Boumakénikaka 
et  une  partie  des  Djénaboandi  occupa  la  terre  de  Bétégoungou, 
où  l'on  est  obligé  de  frapper  beaucoup  les  moustiques  ;  Gaboka  et 
l'autre  partie  alla  habiter  Ingué,  c'est-à-dire  en  bas,  plus  bas  sur 
la  rivière  par  rapport  aux  Bétégoungou. 

Les  Djénaboandi  Bétégoungou  eurent  pour  chefs,  après  Bouma- 
kénikaka :  Poumboumabéka,  Okemba,  Boumabongo,  Ekaka  et 
finalement  Boumachia,  sous  lequel  nous  les  voyons  actuellement. 
Il  n'y  a  donc  pas  si  longtemps  que  s'est  opérée  la  scission.  Il  sont 
encore  commandéspar  deuxchefs  :  Gassakéet  Boumachia  qui  se  par- 
tagent les  villages  de  ce  clan.  Ils  occupent  une  surface  de  territoire 
d'environ  10  kilomètres  carrés,  autour  du  poste  administratif  de 
Fort-Rousset  et  encadrent  ce  poste  à  l'Est  au  Sud  et  à  l'Ouest  Ce 
groupe  de  populations  comprend  environ  5.000  individus, 
hommes,  femmes  et  enfants.  Il  est  donc  interdit  aux  Djénabo- 
andi de  manger  du  chien,  le  chien  étant  leur  parent.  Ils  ne 
peuvent  pas  tuer  un  chien  ;  ils  ne  peuvent  pas  en  voir  tuer  un. 
Si  un  de  leurs  chiens  meurt,  ils  disent  qu'il  est  :  «  Akeï  na 
djama  »  parti  en  brousse.  —  Le  chien  porte  un  nom  d'homme,  il 
s'appelle  :  «  Obanguimonaka,  celui  qui  ne  ment  pas  ».  Et  il 
s'appelle  ainsi  parce  que  :  «  Bato  mokè  adi  na  loukouta  kaka, 
kani  ka  =  hommes  petits  sont  au  mensonge  seuls,  les  grands 
chefs  pas  ».  On  appelle  kani  par  opposition  à  amokongi,  les  chefs 
de  clans  par  opposition  aux  chefs  de  village. 

J'ai  cherché  à  voir  si  les  Djénaboandi  fêtaient  secrètement  le 
chien.  Il  est  certain  qu'il  y  a  un  emplacement  de  brousse  appelé 
oïoué  et  consacré  au  chien,  et  qu'il  se  dansait  dans  ce  lieu  un 
grand  tam-tam  du  chien  :  l'oïoué.  Mais  il  nous  a  été  impossible 
d'obtenir  sur  cette  danse  autre  chose  que  les  renseignements 
succints  que  nous  allons  donner,  parce  qu'il  n'existait  plus  dans 
le  pays  de  vieillards  pour  nous  la  décrire.  Cette  danse  avait  été, 
en  effet,  abandonnée  depuis  trop  longtemps  à  cause  des  grands 
désordres  qu'elle  occasionnait.  Voici  ce  qu'on  en  sait  encore  : 
l'oïoué  était  une  fête  terrible  et  la  plus  grande  de  toutes  les  fêtes, 


-8  A.    POUPON. 

la  plus  importante,  la  plus  respectée  par  les  Kouyou,  plus  que 
celle  du  goy,  plus  que  celle  de  rébagué.  Elle  se  célébrait  dans  un 
endroit  retiré  de  brousse.  Les  initiés  avaient  le  visage  et  le  corps 
peints  en  noir,  ils  portaient  la  peau  de  cabri  sur  la  tête.  A  la  fin  de 
cette  fête,  les  affiliés  entraient  dans  les  cases,  volaient,  pillaient 
tout,  emmenaient  les  femmes  sans  qu'on  eût  le  droit  de  s'opposer 
à  leurs  rapts.  Cette  fête  se  célébrait  la  nuit  et  durait  plusieurs 
nuits.  C'est  également  de  nuit  que  s'opéraient  les  rapts.  Mais  ces 
rapts  étaient  un  tel  sujet  de  trouble  qu'il  firent  abandonner  petit 
à  petit  la  fête  du  chien,  de  sorte  qu'on  en  trouve  plus  aujourd'hui 
que  des  traces. 

Le  principe  d'exogamie  est  respecté  par  les  Djénaboandi.  Deux 
Djénaboandi  ne  peuvent  se  marier  entre  eux  (les  Djénaboandi 
prenaient  leurs  femmes  chez  les  Goumba).  Lorsque  plus  tard  les 
Mohoko.  venus  du  bas  de  la  rivière  poussés  par  des  guerres,  se 
furent  méîés  aux  Djénaboandi  et  eurent  accru   le   clan    primitif 
d'éléments  étrangers,  alors  seulement  les  Djénaboandi  prirent  des 
femmes  dans  leur  village,  dans  la  partie  étrangère.  Les  Goumba 
étaient  un  clan  Kouyou  voisin  de  celui  des  Djénoboandi  et  avec 
lequel  ils  s'allièrent,  ce  qui  était  l'occasion  de  nombreuses  guerres. 
Tout   mariage  clans  le   clan  est   doki,  c'est-à-dire  menacé  de 
mauvais  sort,  et  amène  la  mort  d'une  des  parties.  Celle-ci  est 
même  empoisonnée  si  elle  ne  meurt  pas  par  le  doki. 
Les  familles  djénaboandi  sont  les  suivantes  : 
Au  village  de  Loando  : 

Boumachia  et  ses  enfants. 

Kanoa,  premier  frère  de  Boumachia  et  ses  enfants. 

Mokemba,  deuxième  frère  de  Boumachia  et  ses  enfants. 

Okombi,  troisième  frère  de  Boumachia  et  ses  enfants, 
et  la  descendance  de  ces  enfants. 

A  Kanguiné  : 

Mayali  et  ses  enfants. 

Mohoko  et  ses  enfants. 

Yombi  et  ses  enfants. 

Otéméssi  et  ses  enfants. 

Mokemba  et  ses  enfants. 

Mongogni  et  ses  enfants, 
et  la  descendance  de  ces  enfants. 

A  Bembé,  le  village  est  composé  de  trois  familles,  toutes  trois 
Djénaboandi. 


ÉTUDE    ETHNOGRAPHIQUE   DE    LA   TRIBU   K.OUY01  .  79 

A  Mango.  le  village  est  composé  d'une  seule  famille  Djénaboandi. 

A  Lingue  :  Gassaké  et  sa  famille  (Gassaké  avait  eu  cinq  frères, 
tous  morts). 

A  Linguénavé  :  Ekaka  et  sa  famille. 

A  Aba  :  une  seule  famille,  rien  que  des  Djénaboandi. 

Sont  donc  Djénaboandi  tous  les  Ombouma,  tous  les  descendants 
de  cet  ancien  clan  qui  était  groupé  sur  le  plateau  de  Lingue  sous 
le  commandement  de  Boumakénikaka.  Le  nom  de  Ombouma  n'est 
utilisé  que  depuis  très  peu  de  temps.  Le  clan  du  plateau  de  Lingue 
s'intitulait  Djénaboandi  et  les  gens  de  ce  clan  s'appelaient  toujours 
et  s'appellent  encore  couramment  par  ce  nom. 

Nous  avons  dit  qu'au  clan  primitif  des  Djénaboandi  s'est 
surajouté,  à  Loando  et  à  Kanguiné,  des  gens  appelés  Mohoko  et 
venus  du  bas  de  la  rivière.  Ces  Mohoko  sont  aussi  appelés 
M'Bomo  du  nom  du  serpent  M'Bomo  qu'ils  révèrent.  Ces  M'Bomo 
ne  se  disent  pas  Djénaboandi  et,  bien  que  fêtant  la  panthère  et 
l'ébagué  avec  les  Djénaboandi,  ils  respectent  letitre  de  Djénaboandi 
et  ne  le  portent  pas.  Us  se  marient  aux  filles  des  Djénaboandi. 

A  Lingue,  il  y  a  des  Ongalé,  des  Omboko,  des  Essengoua,  venus 
du  dehors  et  qui  jouent  le  même  rôle.  Ils  ne  prennent  pas  le  titre 
de  Djénaboandi,  mangent  le  chien,  se  marient  aux  filles  des 
Djénaboandi,  et  se  font  initier  aux  fêtes  de  la  panthère. 

Il  est  donc  facile  de  retrouver  les  familles  Djénaboandi,  à  côté 
des  familles  étrangères,  dans  les  sept  villages  de  la  rive  droite. 
Nous  n'avons  pu  les  rechercher  dans  les  villages  de  la  rive 
gauche. 

Le  titre  de  Djénaboandi  se  conserve  par  les  hommes  et  se  perd 
par  les  femmes.  Lorsqu'une  fille  Djénaboandi  passe  chez  les 
M'Bomo  elle  donne  naissance  à  un  M'Bomo. 

Actuellement  les  Djénaboandi  prennent  leurs  femmes  chez 
les  M'Bomo,  étrangers.  Mais  plus  anciennement,  lorsque  ceux-ci 
n'étaient  pas  encore  dans  le  pays,  ils  les  prenaient  dans  les 
clans  Kouyou  voisins,  entre  autres  cbez  les  Goumba  et  les 
Omanda. 

Les  Goumba  sont  un  groupement  Kouyou  qui  habitait  la  terre 
où  sont  actuellement  Loando  et  Kanguiné.  Ils  tirent  leur  nom 
d'une  sorte  de  porc-épic  dont  ils  ne  consomment  pas  la  chair  et 
dont  ils  conservent  religieusement  la  dépouille  dans  leurs  cases. 
Les  chefs  Goumba  fêtent  la  panthère  et  le  caïman,  mais  ils  ne 
reconnaissent  pas  le  chien,  dont  ils  consomment  la  chair. 


8o  A--    POOPON. 

Le  temps  nous  a  absolument  manqué  pour  pousser  plus  loin 
nos  recherches  et  connaître  dans  quelle  mesure  les  Goumba 
respectent  le  Goumba  et  le  fêtent.  Ce  que  nous  savons,  c'est  que 
les  Goumba  étaient  voisins  des  Djénaboandi  et  occupaient  rem- 
placement actuel  de  Loando,  d'où  Boumakénikaka  les  chassa  pour 
prendre  cet  emplacement.  Bouma  les  obligea  à  passer  sur  la  rive 
gauche,  où  ils  occupent  à  l'heure  actuelle  les  villages  de  Ombelle, 
Ollombo,  Obanga  et  Biaboko. 

Les  Goumba  prenaient  leurs  femmes  chez  les  Djénaboandi 
comme  les  Djénaboandi  les  prenaient  chez  eux,  et  c'est  encore 
ainsi  que  se  font  les  mariages  Goumba  et  Djénaboandi. 

Les  Djénaboandi,  à  l'heure  actuelle,  vont  encore  prendre  leurs 
femmes  dans  un  troisième  clan,  celui  des  Omanda.  Le  clan  Omanda, 
qui  se  compose  des  deux  gros  villages  de  Mokouma  et  de  Mondaka, 
tire  son  nom  d'une  sorte  de  rat,  l'omanda,  qu'il  est  interdit  au 
clan  de  manger.  Les  Omanda  peuvent  consommer  le  chien,  mais 
ils  respectent  la  panthère  et  l'ébagué  et  les  fêtent.  A  côté  et  au 
sud  du  clan  des  Omanda,  est  celui  des  Okoukou.  L'Okoukou  est  un 
grand  oiseau  noir  à  gorge  blanche  dont  le  clan  porte  le  nom  et 
qu'il  ne  consomme  pas.  Est  Okoukou  le  seul  village  de  Songo. 

Bokangué  est  Etoumou,  sorte  de  bœuf  qu'il  ne  mange  pas. 

Ottendé  est  Kanga,  du  nom  de  la  pintade  qu'il  ne  consomme  pas. 

Or  tous  les  gens  de  ces  groupements,  qui  portent  des  noms 
d'animaux  dont  ils  ne  consomment  pas  la  chair  et  dont  ils 
conservent  les  dépouilles,  ne  se  marient  pas  à^  l'intérieur  du 
groupement  et  vont  chercher  leurs  femmes  les  uns  chez  les 
autres.  Ils  respectent  tous  également  la  panthère  de  leur  chef,  mais 
tous  ne  reconnaissent  pas  l'ébagué.  Les  Djénaboandi,  les  Goumba 
et  les  Omanda,  qui  ont  vécu  sur  le  bord  de  l'eau,  l'acceptent.  Les 
Okoukou,  les  Etoumou,  les  Kanga  ne  l'admettent  pas,  parce  que, 
disent-ils  :  «  Yé  azali  po  na  bato  na  mai  =  il  est  pour  les  gens 
qui  sont  sur  la  rivière.  » 

Nous  ne  croyons  donc  pas  nous  tromper  en  reconnaissant  dans 
les  Goumba,  les  Omanda,  les  Okoukou,  les  Etoumou,  les  Kanga 
des  clans  à  noms  d'animaux,  noms  portés  par  chaque  individu  du 
clan,  et  clans  en  quelque  sorte  totémiques  et  dans  lesquels,  si  nous 
avions  eu  le  temps  de  chercher  nous  aurions  trouvé  les  caractères 
d'un  totémisme  plus  accusé  ;  lieux  sacrés,  fêtes  d'animaux,  comme 
chez  les  Djénaboanti,  ou  du  moins  des  traces  de  ces  manifes- 
tations. 


ÉTUDE    ETHNOGRAPHIQUE    l>K    LA    TB.IB1     KOUYOU.  8t 

Ce  qui  reste  cependant  très  fixe  dans  ces  cinq  clans  et  qui 
nous  a  été  affirmé  dès  nos  premières  recherches,  c'est  que  ces 
clans  ne  consommant  pas  l'animal  dont  ils  portent  le  nom  et 
qu'entre  Goumba,  Omanda,  Okoukou,  Etoumou,  le  mariage  est 
interdit.  Au-dessus  de  leurs  animaux  interdits,  ces  clans  res- 
pectent la  panthère  de  leur  chef,  et  nous  verrons  que,  dans  l'Est, 
toute  l'autre  partie  de  la  tribu  fête  le  serpent  ou  yoka  ou  djo. 
Avant  de  passer  à  l'étude  des  institutions  de  l'Est,  citons  encore 
deux  institutions  de  l'Ouest  :  le  tsengui  ou  société  secrète  des 
femmes  panthères,  et  le  mondo,  qui  est  une  danse  très  réputée 
importée  par  les  M'Bomo,  dansée  avec  goût  par  les  Djénaboandi 
et  qui  paraît  être  un  reste  des  anciennes  fêtes  du  serpent 
M'Bomo. 

Le   Tsengui. 

D'après  les  Kouyou,  le  tsengui  serait  une  société  secrète  des 
femmes  qui  se  tachent  comme  la  panthère  et  qui  se  disent 
panthères,  société  où  l'on  initie  les  femmes  à  certains  principes 
de  moralité  et  qui  correspond  à  l'ottoté  pour  les  hommes. 

Nous  aurions  pu  réserver  la  description  du  tsengui  et  en  parler 
en  même  temps  que  de  l'ottoté.  Mais  comme  il  s'agit  d'une  société 
où  intervient  la  panthère  et  de  danses  où  la  panthère  est  imitée, 
nous  décrivons  le  tsengui  après  le  likouma  et  l'ébagué.  Il  y  a, 
d'ailleurs,  un  certain  parallélisme  entre  le  likouma  dans  la 
société  des  hommes  et  le  tsengui  dans  la  société  des  femmes. 
L'ottoté,  à  qui  ne  se  mêle  en  rien  des  rites  où  intervient  un  animal 
et  qui  semble  exclusivement  politique,  a  été  réservé  pour  un 
chapitre  ultérieur. 

Le  tsengui  est  tout  d'abord  une  société  secrète  de  femmes  d'où 
les  hommes  sont  formellement  exclus.  Si  les  hommes  assistent 
au  tsengui,  «  Bango,  Okouphi,  Sika-sika,  eux  meurent  tout  de 
suite  ».  Ils  ne  sont  pas  plus  autorisés  à  participer  au  tsengui  que 
les  femmes  ne  peuvent  participer  aux  réunions  du  likouma  ou  de 
l'ottoté.  Les  tsengui  disent  famillièrement  :  «  Bissou  goy  akamati 
bato  =  nous  sommes  les  panthères  qui  prenons  les  hommes  ». 
Les  tsenguis  n'assistent,  en  effet,  aux  cérémonies  secrètes,  que 
mouchetées,  corps  et  visage,  de  points  ocres  et  blancs,  petits  et 
très  rapprochés  qui  leur  donnent,  surtout  au  visage,  l'apparence 
de  panthères. 

l\nthropoloqie.  —  t«  xxix.  —  1918.  G 


A.  rori'ON. 


L'initiation.  —  Lorsqu'un  mari  veut  que  sa  femme  soit  initiée,  il 
promet  de  payer  le  prix  de  l'initiation.  Alors  les  tsenguis  prennent 
le  pombo  et  l'emmènent  en  brousse,  au  milieu  d'un  vaste  em- 
placement convenablement  débroussé. 

Le  pombo  passe  dans  la  cour  où  l'on  danse  pour  lui.  Il  est 
entouré  de  toutes  les  femmes  déjà  initiées,  peintes  comme  la 
panthère.  Son  visage  est  caché  sous  des  feuilles  de  manioc.  Il 
passe  et  est  emmené  dans  le  lieu  d'initiation. 

Dans  la  cour  où  l'on  danse  pour  lui  —  qui  est  un  lieu  proche  du 
centre  d'initiation  —  toutes  les  femmes  du  village  non  initiées 
mènent  un  grand  tam-tam  qui  s'appelle  le  tsengui  et  qui  dure 
tout  le  temps  où  se  fait  l'initiation. 

On  reçoit  la  postulante  de  la  façon  suivante  :  on  met  des  feuilles  de 
manioc  à  terre.  Le  boato,  ou  cercueil  creusé  dans  un  tronc  d'arbre, 
est  installé  au  fond  de  l'emplacement  débroussé,  sur  deux  pagaies 
(remarquons  que  boato  veut  dire  pirogue).  La  postulante  passe 
en  marchant  sur  les  feuilles  de  manioc,  les  mains  liées  derrière 
le  dos.  Elle  est  conduite  ainsi  jusqu'au  cercueil.  Là  elle  est  placée 
à  genoux,  à  la  tête  du  cercueil. 

A  genoux,  on  lui  peint  le  visage  comme  la  panthère.  Autour 
d'elle  les  initiées  dansent.  Au  loin,  on  entend  le  tam-tam  des  non- 
initiées  qui  répond.  On  procède  au  rite  le  plus  important  de  l'ini- 
tiation :  on  lui  bourre  la  bouche  d'étoupe  de  bananier.  Au  fur  et 
à  mesure  qu'on  entre  cette  étoupe,  on  prononce  :  «  Tu  ne  feras  pas 
fort,  tu  ne  parleras  pas  fort,  tu  prendras  de  la  sagesse  ».  Si  l'ini- 
tiée résiste,  on  lui  bourre  l'étoupe  de  bananier  de  force  dans  la 
bouche,  et  on  continue  l'initiation  en  lui  récitant  les  formules 
suivantes  : 

Tu  coïteras  chaque  fois  que  ton  mari  t'appellera. 

Tu  coïteras  de  toutes  les  manières. 

Tu  ne  plaisanteras  pas  ton  mari. 

Tu  ne  lutteras  pas  contre  lui. 

Tu  n'auras  pas  de  kola  (amant). 

Même  tsengui,  tu  remettras  à  ton  mari  tout  l'argent  que  tu 
auras  acquis  pendant  les  initiations. 

Tu  prépareras  bien  le  manioc  de  ton  mari. 

Tu  te  laveras  bien. 

Tu  te  vêtiras  bien. 

Tu  seras  hospitalière. 

Puis  on  lui  dit  :  quand  tu  retourneras  au  village  et  qu'on  te 


i  il  DE    ETHNOGRAPHIQUE    DE    I   \     HUBU    M>i  VOU.  83 

demandera  ce  que  tu  viens  de  faire  dans  la  brousse,  tu  répondras  : 
a  goy  akamati  gaï  :  la  panthère  m'a  prise.  » 

La  tsengui  sur  cette  dernière  formule  retourne  au  village,  le 
visage  peint  des  taches  de  la  panthère.  Elle  garde  ses  marques 
quatre  jours  et  est  lavée  le  cinquième  jour,  jour  du  tchono  ou 
des  morts. 

Lorsque    l'initiée  passe    devant  les    femmes    du  village   qui 

dansent  pour  elle,  celles-ci  s'étonnent  et  disent  : 

Oïo  éokikinidé  =  ceci  qu'est-ce? 

(Ko  goy  cholo  =  ceci  c'est  la  panthère  vraiment. 

Les  tsenguis  se  disent  : 

Bissou  po  na  kanga  =Nous  sommes  les  femmes  qui  amarrons. 

Les  tsenguis  portent  comme  signe  d'initiation,  non  pas  le  petit 
balai  comme  les  ottotés,  mais  la  queue  de  bœuf.  C'est  avec  cette 
queue  de  bœuf  qu'elles  se  promènent  en  public  et  qu'elles  frappent 
leurs  tams-tams.  Remarquons  que  la  queue  de  bœuf  portée  à  la 
main  est  l'insigne  des  chefs  et  que  personne  autre  qu'un  chef  de 
village  ne  peut  le  porter. 

Lorsqu'une  tsengui  meurt,  il  y  a  grande  réunion  des  tsenguis. 
Elles  se  rendent  auprès  de  la  morte  et  s'assemblent  autour  de  son 
cadavre  qu'elles  préparent.  Elles  retendent  sur  son  lit  de  repos, 
et  lui  peignent  le  corps  et  le  visage  des  tigrages  de  la  panthère, 
puis  elles  sortent  de  la  case  et  vont  dans  la  cour.  Là,  elles  com- 
mencent un  grand  tam-tam  qui  dure  les  deux  ou  trois  jours  où 
l'on  conserve  la  morte  dans  la  case.  Ce  tam-tam,  nous  en  décri- 
rons les  figures.  Pendant  qu'elles  dansent,  quelques  tsenguis 
veillent  le  corps,  d'autres  quittent  la  danse  de  temps  à  autre  pour 
aller  visiter  le  corps. 

La  tsengui  est  toujours  enterrée  dans  sa  case.  Une  fois  enterrée 
on  procède  au  simulacre  d'un  second  enterrement.  Les  tsenguis 
envoient  les  hommes  couper  un  arbre  dans  la  brousse  et  le  creu- 
ser. Ce  sera  le  cercueil  qu'on  appelle  boato,  ce  qui  veut  dire 
pirogue.  Ce  cercueil  est  porté  en  terre  sur  deux  pagaies.  En  le 
portant,  tout  un  cortège  de  tsenguis  peintes  comme  la  panthère 
l'entourent.  Quatre  d'entre  elles  portent  le  cercueil.  Derrière  le 
cercueil  marche  une  femme,  mieux  peinte  que  les  autres,  avec 
plus  de  minutie  et  qui  représente  la  panthère  elle-même.  Cette 
femme  a  le  visage  caché  sous  une  touffe  de  feuilles  de  manioc. 
Toutes  les  autres  tsenguis  qui  accompagnent  le   boato  dansent 


84  A.    POUPON. 

autour  du  cercueil  en  imitant  les  pas  de  la  panthère.  Elles  vont 
déposer  le  cercueil  dans  un  coin  de  brousse.  Des  tsenguis  mêmes 
ont  creusé  le  trou  et  personne  autre  qu'elles  ne  peut  assister  à  la 
mise  en  terre. 

Un  grand  tam-tam  bat  son  plein  à  proximité  de  l'endroit  où 
l'on  enterre  la  tsengui.  Toutes  les  femmes  du  village  qui  ne  sont 
pas  initiées  dansent  pour  elle.  Au  moment  où  leboato  entre  dans 
la  place  où  l'on  danse,  le  tam-tam  s'arrête,  toutes  les  danseuses  se 
tournent  du  côté  duboato,  et  après  un  grand  silence,  poussent  un 
cri  prolongé  d'ovations,  puis  elles  se  taisent.  Au  milieu  du  silence 
général,  les  tsenguis,  qui  accompagnent  le  cercueil,  se  prennent  à 
crier  comme  la  panthère.  Elles  imitent  ses  pas  en  tournant 
autour  du  cercueil  et  en  allant  de  temps  à  autre  le  lécher. 

Nous  avons  dit  que  deux  fois,  au  moment  de  l'initiation  et  au 
moment  de  l'enterrement,  les  femmes  du  village  dansent  pour 
la  tsengui  en  un  lieu  proche;  voici  les  figures  de  cette  danse 
qui  s'appelle  le  tsengui  : 

Première  figure.  —  Les  femmes,  les  unes  à  côté  des  autres, 
forment  un  vaste  cercle  presque  fermé  et  qu'achève  de  fermer  les 
hommes  frappeurs  de  tams-tams.  Le  tam-tam  bat  :  les  femmes 
font  de  petits  pas  feutrés  d'avant  en  arrière,  sur  place,  les  pieds  un 
peu  rentrés,  courbés  à  l'intérieur  comme  des  pieds  de  bête,  les 
pattes  de  la  panthère.  Tout  en  menant  ce  petit  pas  d'avant  en 
arrière,  dans  le  même  sens,  elles  balancent  le  haut  du  corps. 

Deuxième  figure.  — Les  pas  que  fait  le  chœur  restent  les  mêmes. 
Une  femme  entre  au  milieu  de  la  ronde.  Celte  nouvelle  danseuse 
placée  devant  les  tams-tams,  bien  en  scène,  simule  les  pas  de  la 
panthère.  Ses  pieds  sont  recroquevillés  et  tournés  à  l'intérieur, 
les  jambes  sont  arquées,  le  corps  à  demi  plié  vers  la  terre,  les 
deux  bras  balants  en  avant  comme  deux  pattes,  les  mains  les 
doigts  écartés  et  également  recroquevillés  à  l'intérieur.  Cette  dan- 
seuse secoue  la  tête  de  droite  à  gauche,  la  balance  lentement 
comme  la  bête  qui  marche,  se  dodeline  et  fait  des  grâces.  Elle  a 
le  visage  barré  de  deux  traits  jaunes  qui  partent  de  chaque  narine 
et  vont  vers  les  oreilles,  et  d'un  autre  trait  jaune  qui  suit  le  nez,  ce 
qui  lui  donne  une  grande  ressemblance  avec  la  panthère. 

Troisième  ligure. —  La  même  danseuse  se  présente  toujours  au 
milieu  du  cercle.  Elle  en  fait  le  tour  en  flairant  les  danseuses 
comme  d'autres  bêtes,  les  unes  après  les  autres.  Puis  il  entre  dans 
ce  cercle  deux  et  trois  femmes,  toutes  panthères.   Chaque   fois 


ÉTUDE    ETHNOGRAPHIQUE    DE   LA    TRIBU    K.OUTOU.  85 

qu'une  d'entre  elles  entre,  celles  qui  sont  déjà  à  l'intérieur  du 
cercle  vont  la  flairer.  Elles  dansent  les  unes  à  côté  des  autres, 
rapprochent  leurs  têtes  deux  à  deux,  font  comme  des  animaux  qui 
se  parlent  museau  contre  museau,  comme  la  panthère  mâle  qui 
caresse  sa  femelle  sur  le  front,  sur  le  cou. 

C'est  le  moment  où  le  rythme  de  la  danse  a  atteint  son  maxi- 
mum d'intensité,  par  la  vitesse  de  l'allure  et  réchauffement  des 
danseuses.  Toutes  penchées  en  avant,  les  bras  balants,  elles  font 
le  pas  de  la  panthère  et  ont  l'air  de  faire  un  chœur  de  bêtes  aux 
panthères  qui  se  caressent  au  milieu  du  cercle. 


Fig.  3.  —  Coiffure  des  danseuses  pour  le  tsengui  ou  danse  de  la  Pantlicro. 


Quatrième  figure.  —  Une  ou  deux  panthères,  qui  évoluent  au 
milieu  du  cercle,  le  quittent  et  vont  chercher  le  goy  danslabrousse, 
le  goy,  c'est-à-dire  la  panthère,  ou  autrement  dit,  le  boato  et  l'en- 
terrement. 

Cinquième  figure.  —  L'enterrement  s'approche  lentement,  con- 
duit par  les  panthères  qui  font  des  grâces  autour  du  cercueil. 
Derrière  le  cercueil  se  tient  une  panthère,  le  visage  couvert  de 
feuilles  de  manioc.  Quand  le  cortège  entre  dans  la  cour  du  tam~ 
tam,  celui-ci  fait  le  silence.  Le  cortège  passe  entouré  des  panthères 
qui  poussent  des  cris. 

Pour  cette  danse,  la  plupart  des  femmes  se  font  une  coiffure 
spéciale.  Elle  consiste  en  deux  masses  de  cheveux  plates  et  larges 
dressées  au-dessus  des  oreilles   et    qui  imitent  parfaitement  les 


86 


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oreilles  d'une  bête.  Par  ailleurs,  cette  coiffure  est  très  portée  dans 
la  vie. 

Au  lieu  de  la  queue  de  bœuf,  les  tsenguis  peuvent  porter  à 
la  main,  pendant  cette  danse,  un  petit  bâtonnet  de  tige  de 
bananier. 

On  peut  initier  également  une  tsengui  le  jour  de  la  mort  d'une 
tsengui.  Quand  on  a  fini  de  peindre  la  morte,  son  cercueil  se 
trouvant  près  d'elle,  on  fait  entrer  la  postulante  dans  sa  case.  On  la 
place  à  la  tête  du  cercueil  et,  les  mains  liées,  on  la  peint  à  l'aide 
d'une  feuille  de  manioc,  la  même  qui  a  servi  à  peindre  la  morte, 
puis  on  lui  remplit  la  bouche  de  bourre  de  bananier  et  on 
lui  transmet  les  moralités.  Très  souvent,  après  l'initiation,  les 
femmes  du  village  font  un  grand  tam-tam  pour  l'initiée  et  la 
couvrent  de  cadeaux. 


Le  Mondo. 


Nous  citerons  encore  le  mondo  qui  se  dansait  au  milieu  des 
fêtes  du  serpent  ékouba  et  qui  a  été  transmis  aux  Djénaboandi 
par  les  M'Bomo.  Ceux-ci  l'ont  importé  de  leur  pays  d'origine, 
situé  entre  le  Kouyou  et  la  Likouala,  où  il  est  encore  représenté 
au  milieu  de  bien  d'autres  rites.  Voici  ce  que  l'indigène  conte  sur 
cette  danse  : 


Molomi  na  moassi  cssomo 
min  gui.  Kola  simbi  yo. 
Moassi  assali  mayélé, 
akamati  mobali  yéka  alambissi, 
alambissi.  Oua  akamati  éboula, 
atikini  okoyo,  akamati  illia 
na  ollomi,  ato,  ami,  na  moy 
na  éboula,  akeï,  apouki,  bato 
kokima.  Yé  aké  na  boka  na  kola, 
akeï  nan  dakou  na  kola,  ato  illia 

allombi  nandakou,    akamati  okoyo 

allombi  nan  dakou.  kola 

ato  okoyo 

akeï  apè  na  kani,  kani 

abienga  boka  yonso  : 

binon  abaga  kofoula. 

Bato  afouti  mossolo 


Un  homme  et  femme  palabraient 
beaucoup.  L'amante  va  chercher  lui. 
La  femme  fit  ruse, 

elle  prit  à  son  mari  des  vivres  cuisina, 
cuisina.  Elle  prit  le  pagne, 
cacha  okoyo,  prit  nourriture 
du  mari,  prit,  mit  dans  ventre 
du  éboula,  va,  sort,  hommes 
s'enfuient.  Elle  va  au  village  de  l'amant, 
va  au  village  de  l'amant,  prend  nour- 
riture 
met  dans  case.  L'amant,  prend  okoyo 
met  dans  case.  L'amant 
prend  okoyo, 
va  donne  au  chef,  le  chef 
appelle  le  village  tout  : 
vous  hommes  paye/.. 
Hommes  payent  marchandises 


ÉTUDE   ETHNOGRAPHIQUE    l>K    f.V    TKIHU    KOUYOU. 


«7 


mingui.  Oua  akamati 
bato.  akani  na  ko,  yé 
adzali.  aboumbi  okoyo 
na  paï,  yo  oko\o  apoungi, 
apounga  bato  alingui 
kokima.  \c  moko  assimbi  : 
Kokima  te.  mossolo  na 
binou  gaï  adjé.  atika 
okoyo.  Etéka  koyo,  épouki 
okoyo,  aké  kosseka  mondo  na 
djé.  Moto  akoué  na  moy 
na  okoyo. 


beaucoup.  Lui  prend 

les  hommes,  enferme  dans  forêt,  lui 

étant,  cache  okoyo 

dans  endroit,  lui  okoyo  surgit, 

surgit  homme,  veulent 

fuir.  Lui  seul  dit  : 

Fuyez  pas,  marchandises  de 

vous  j'ai  mangé,  regardez 

okoyo.  Il  prend  okoyo,  sort 

okoyo,  va  danser  mondo 

dehors.  Homme  est  dans  ventre  de 

okoyo. 


Un  homme  et  sa  femme  étaient  en  palabre.  L'amante  alla  chez  son  amant. 
Celle-ci  rusa,  prit  à  son  mari  des  vivres  et  les  cuisina.  Elle  prit  le  vaste  pagne 
déboula,  y  cacha  okoyo,  prit  la  nourriture  et  la  cacha  également.  Elle  va, 
sort  dehors,  tous  les  hommes  s'enfuient  envoyant  l'étoffe.  Elle  va  au  village 
de  l'amant,  prend  la  nourriture  et  la  met  dans  la  case,  prend  Okoyo  et  le  met 
dans  la  case. 

L'amant  prend  Okoyo  va  le  donner  au  chef.  Le  chef  appelle  tout  le  village 
et  dit;  vous,  hommes,  payez.  Les  hommes  payent  beaucoup  de  marchandises. 
Il  prend  les  hommes,  les  enferment  dans  la  forêt.  Il  se  cache  dans  l'Okoyo  et 
l'Okoyo  surgit.  Les  hommes  veulent  s'enfuir.  Il  dit  ne  vous  enfuyez  pas 
vous  avez  payé.  Regardez  Okoyo.  Il  prend  Okoyo  et  va  danser  le  mondo  dehors. 


Le  mondo  a  donc  été  révélé  par  la  femme  aux  hommes. 

Le  mondo  se  danse  de  la  façon  suivante  :  Un  homme  se  réfugie 
dans  un  coin  débroussé  de  la  forêt  et  s'habille  d'une  vaste  étoffe 
de  rafîa  qui  lui  tombe  à  longs  plis  autour  du  corps,  ses  pieds 
mêmes  ne  paraissent  pas,  liés,  enveloppés  par  l'étoffe.  Ce  grand 
spectre  d'étoffe  fait  son  apparition  au  milieu  d'un  cercle  de  chan- 
teurs, frappeurs  de  mains.  Il  vient  en  se  dodelinant  de  droite  et 
de  gauche,  d'avant  en  arrière,  et  se  place  accroupi  et  silencieux 
en  un  coin  du  cercle.  Tout  à  coup,  il  se  lève,  va  au  milieu  de  la 
scène,  imite  des  pieds  à  la  tête  les  ondulations  du  serpent,  se 
couche  à  terre,  imite  ses  ondulations  sur  le  sol,  s'accroupit 
immobile  comme  le  serpent  enroulé  en  tas.  Brusquement  il  se 
lève,  se  balance  d'avant  en  arrière,  pique  du  nez  en  avant  et  se 
met  à  tourner  la  tête  au  ras  du  sol.  La  vaste  toile  se  développe 
comme  une  voile  gonflée  qui  érafle  la  terre. 

Tant  que  l'éouya  n'a  fait  qu'imiter  le  serpent,  les  frappeurs  de 
mains  ont  frappé  et  chanté  sur  un  rythme  modéré.  Lorsqu'il  se 
met  à  tourner  le  rythme  s'accentue,  devient  exaspéré.  Il  atteint 
une  vitesse  insensée  lorsque  le  mouvement  giratoire  de  l'éouya 


88  a.   poupon. 

est  à  son  maximum.  La  foule  alors  pousse  des  cris,  excite 
l'éouya  à  tourner,  en  appelant  l'homme  qui  est  dans  la  toile:  ohé 
Itcha-ohé  !  ohé  Ittoua-ohé  !  A  force  de  tourner,  l'éouya  tombe 
enfin  à  terre  épuisé,  au  milieu  des  ovations  des  spectateurs  qui 
clament  un  ôôô  prolongé. 

C'est  l'etchako  qui  est  chanté  par  les  frappeurs  de  mains. 
L'etchako  ne  comprend  guère  que  des  battements  de  mains  et  les 
quelques  exclamations  suivantes  : 

Eh  1  Eh  !  Eh  !  Eh  ! 

Oié,  Oié,  Oié,  Oié, 

E,  E,  E,  E,  E. 

Tout  ceci  n'est  qu'une  représentation  que  les  Kouyou  donnent 
pour  s'amuser.  Mais  le  mondo,  dans  le  pays  d'origine  des 
M'Bomo,  est  dansé  au  milieu  d'autres  fêtes  du  serpent.  Là,  la 
toile  est  très  vaste  et  traîne  loin  derrière  le  personnage.  On  ne 
peut  marcher  derrière  le  mondo  à  moins  de  plusieurs  kilomètres 
sans  mourir. 

Telles  sont  les  coutumes  de  la  partie  Ouest  de  la  tribu  qui  se 
rapportent  soit  à  la  panthère,  soit  au  caïman,  soit  au  chien,  dans 
la  société  des  hommes  et  dans  la  société  des  femmes.  Nous  avons 
décrit,  après  ces  coutumes,  une  danse  importée  par  les  M'Bomo 
et  adoptée  par  les  Djénaboandi.  Nous  aurions  pu  encore  parler  du 
kébé-kébé,  dans  l'Ouest,  mais  comme  il  n'a,  dans  cette  partie  de 
la  tribu,  que  le  sens  d'un  jeu,  nous  nous  réservons  de  le  décrire  en 
parlant  de  la  partie  Est,  où  il  a  un  sens  et  entre  dans  les  céré- 
monies du  djo. 

(A  suivre.) 


VARIÉTÉS 


Revue  de  Préhistoire  Maghrébine  (0 

(191A-1917) 

Depuis  le  début  de  la  guerre  les  recherches  préhistoriques  dans  le 
Nord  de  l'Afrique  ont  forcément  subi  un  ralentissement,  mais  n'ont  pas 
cessé  pour  cela.  Bien  mieux,  les  troupes  territoriales,  envoyées  au  Maroc 
pour  remplacer  les  éléments  expédiés  sur  le  front  européen,  compre- 
naient dans  leurs  rangs  un  certain  nombre  d'officiers,  de  sous-officiers 
et  de  soldats  qui  ont  utilisé  leurs  connaissances  spéciales  pour  se  livrer 
a  des  recherches  préhistoriques. 

Ces  recherches  jettent  quelque  lumière  sur  la  Préhistoire  du  Maroc 
oriental,  région  sur  laquelle  nous  n'avions,  jusqu'à  ce  jour,  absolument 
aucune  donnée. 

Nous  allons  passer  en  revue  les  travaux  publiés  durant  la  guerre,  ce 
qui  nous  donnera  l'occasion  de  discuter  certaines  opinions  et  de  mieux 
préciser  les  nôtres.  Nous  ferons  connaître,  au  cours  de  cette  notice, 
quelques  unes  des  trouvailles  effectuées  récemment.  Ce  sera  ainsi  une 
mise  au  point  des  recherches  effectuées  dans  le  Nord-Ouest  de  l'Afrique 
depuis  191/4. 


I 

L'année  même  de  la  déclaration  de  guerre,  le  Capitaine  Petit,  du 
rr  Étranger,  nous  a  fait  part  de  ses  recherches  dans  le  Maroc  oriental 
par  une  «  Note  sur  la  station  de  Goutitir  »  publiée  dans  le  Bulletin  de 
la  Société  de  Géographie  et  d  Archéologie  d'Oran,  t 9 1 4 ,  pp.  229-234  et 
pi.  VIII,  IX  et  X. 

C'est  avec  une  réelle  émotion  que  je  rends  compte  ici  des  recherches 
de  ce  brave  soldat,  mort  glorieusement  pour  la  France  à  Maurepas,  le 
i3  août  1916,  à  l'âge  de  45  ans.  D'autres  études  devaient  suivre  celle-ci  : 
le  même  Bulletin  publiera  prochainement  une  notice  dont  nous  devrons 
la  publication  à  la  piété  de  M.  Doumergue,   un  de  ses  meilleurs  amis. 

(1)  De   Maghreb  qui  est  l'appellation  arabe  du  Nord-Ouest  de  l'Afrkfue.  C'est  un  mot 
à    orthographe    très   controversée,  on    trouve    couramment  les    versions    :    Mogreb, 
eb,  Magrib,  Mograb 


9°  VARIÉTÉS. 

Dans  l'espace  qui  s'étend  entre  la  rive  droite  de  l'oued  el  Abd  et  son 
affluent  de  droite  l'oued  el  Guettara,  dans  un  rayon  d'environ  3  kilo- 
mètres autour  du  bordj  de  Goutitir,  l'auteur  a  relevé  les  traces  de  8  ate- 
liers, comprenant  25  chantiers.  Le  Capitaine  Petit  appelle  chantiers  des 
cercles  où  les  silex  sont  amassés  en  groupes  assez  denses.  La  réunion 
de  plusieurs  chantiers  forme  un  atelier. 

Dans  la  plaine,  à  1800  mètres  du  poste,  existent  de  nombreux  foyers 
composés  de  pierres,  de  cendres,  coquilles  d'Hélix,  os  calcinés,  char- 
bons, fragments  d'oeufs  d'autruche,  mêlés  à  des  silex  taillés. 

Quelques  unes  de  ces  pierres  paraissent  avoir  servi  d'enclumes.  «  En 
effet,  à  environ  à  3  kilomètres  au  sud  du  bordj,  au  milieu  d'un  atelier 
comprenant  plusieurs  chantiers,  couvrant  une  surface  de  plus  de 
5oo  mètres  de  diamètre,  sur  la  rive  droite  de  l'oued  el  Abd,  j'ai  vu,  en 
place,  une  grosse  pierre,  de  même  roche  que  les  morceaux  environ- 
nants, brisée  en  quatre  morceaux  encore  accolés  et  entourés  d'un  cercle 
de  fragments  qui  la  consolidaient.  Le  tout  est  encore  en  partie  enterré 
et  constituait,  à  n'en  pas  douter,  l'enclume  qui  s'est  brisée  sous  les 
coups  répétés  du  tailleur  de  silex  »  (p.  23 1). 

Les  planches  VIII  et  IX  reproduisent  des  silex  provenant  de  ces 
foyers  :  ce  sont  des  lames  simples  et  surtout  des  petits  silex  à  dos 
abattu  comme  il  y  en  a  tant  dans  le  gisement  de  la  Mouillah.  Cette 
industrie  des  foyers  me  parait  donc  être  bien  contemporaine,  d'autant 
plus  que  l'auteur  ne  mentionne  pas  la  moindre  trace  de  poterie. 

L'abondance  des  Hélices,  sur  laquelle  a  insisté  le  Capitaine,  est  un  fait 
qui  s'observe  dans  toutes  les  stations  anciennes  du  Nord  de  l'Afrique  et 
les  indigènes  de  race  berbère  les  consomment  encore  :  ils  les  font 
bouillir,  pratiquent  une  ouverture  sous  le  sommet,  et  soufflent  afin 
d'en  faire  sortir  facilement  l'animal. 

L'abondance  des  débris  d'œufs  d'autruche  permet  de  supposer  que 
ceux-ci  servaient  de  récipients  pour  la  cuisson  des  escargots.  Malgré  un 
examen  attentif,  le  sympathique  officier  n'a  pu  trouver  la  moindre 
trace  d'ornementation  sur  ces  débris. 

Indépendamment  de  ces  foyers,  M.  Petit  a  encore  trouvé  quelques 
pièces  sporadiques.  Celles  qui  ont  été  figurées  dans  la  planche  X,  entre 
autres  la  flèche  pédonculée  et  celle  de  la  figure  6  sont  indubitablement 
du  Néolithique  berbéresque  :  toutes  deux  se  retrouvent  souvent  dans 
les  ateliers  des  environs  d'Oran  et  de  Mascara.  J'ai,  déplus,  noté  dans 
sa  collection  des  pierres  de  jet,  entre  autres,  un  superbe  galet  de  silex 
à  éclats  alternés. 

Comme  conclusions  l'auteur  dit  expressément  : 

«  Bien  qu'il  soit  impossible  de  classer  actuellement  dans  une  époque 
déterminée  les  silex  de  cette  station,  leur  mode  uniforme  de  taille 
indique  nettement  que  les  divers  ateliers  ont  été  occupés  à  la  même 


V  UUKTKS. 


91 


époque  par  dos  artistes  donl  l'habileté  fut  très  grande.  Si  l'on  ajoute  à 
cela  que  les  silev  ont  une  facture  qui  rappelle  certains  instruments  des 

vers  en  plein  air  du  Nord  de  l'Afrique  et  que  la  poterie  parait 
manquer,  le  classement  dans  le  Néolithique  ancien  semble  devoir 
s'imposer  »  (pp.  233-234). 

Si  l'érudil  officier  avait  eu  connaissance  des  articles  de  M.  Barbin, 
publiés  dans  Le  même  recueil  en  ioioet  1912,  il  aurait  pu  se  convaincre 
de  la  similitude  des  industries  de  la  Mouillah  avec  celle  des  foyers  de 
Goutitir.  Toutefois  l'industrie  de  ces  derniers  est  plus  évoluée,  en  ce 
sens  que  les  artisans  de  Goutitir,  disposant  d'une  matière  première 
plus  abondante,  (tandis  que  les  Mouilhiens  n'avaient  que  des  petits 
galets  de  silex),  ont  pu  donner  à  leur  outillage  des  dimensions  plus 
grandes  et  affiner  davantage  la  taille.  Le  qualificatif  de  microlithique 
ne  saurait  lui  être  appliqué.  Mais,  cette  restriction  faite,  la  comparaison, 
au  point  de  vue  de  la  forme  et  des  procédés  de  taille,  témoigne  de 
L'identité  des  industries. 

J'ajoute  que  le  Dl  Pinchon  a,  en  1908,  signalé  des  foyers  semblables 
dans  la  région  d'Oudjda  (1). 

Le  Capitaine  Petit  a  parfaitement  observé  que  les  pointes  de  flèches  à 
pédoncule  ne  sont  pas  de  la  même  époque  que  les  silex  des  foyers. 

L'industrie  berbéresque,  que  caractérisent  ces  grossières  flèches,  est 
très  développée  dans  tout  le  Moghreb  et  le  Sahara.  Au  Maroc,  nous 
connaissons  des  stations  de  cette  époque  à  Oudjda,  à  Safsafat,  et  plus  à 
l'ouest  à  Rabat,  Guicer  et  Mogador.  Toutefois,  sur  le  littoral,  ces  flèches 
sont  infiniment  plus  rares. 

Tous  les  préhistoriens  regretteront,  avec  nous,  qu'une  fin  prématurée 
nous  ait  privés  d'un  aussi  bon  observateur.  Ces  premières  trouvailles, 
en  terre  marocaine,  nous  faisaient  espérer  des  découvertes  plus  impor- 
tantes. Mais  c'est  une  gloire  pour  l'archéologie  française  que  ses 
meilleurs  pionniers  aient  payé  de  leur  sang  la  liberté  de  la  France  ! 
Nous  n'aurons  jamais  assez  de  reconnaissance  pour  un  tel  sacrifice  ! 


Il 

Le  Caporal  fourrier  J.  Bourrilly,  du  n3e  territorial,  actuellement 
professeur  au  Collège  de  Rabat,  est  l'auteur  d'une  courte  mono- 
graphie  préhistorique  de    la   région  de   Safsafat    (2),    dans  le    Maroc 

(1)  In  L'Anthropologie,  t.  XIX,  p.  430. 

(2)  Recherches   préhistoriques   dans  la  région  de  Safsafat,  (Renseign.  coloniaux  et 
documents  an    Comité  de   VAfr.  franc,  et  du   Comité    du   Maroc,   n*   5,    mai    1916, 

pp.  148  à  152). 

Dm  très  courte  note  signalant  les  recherches  de  M.  B.  a  paru  dans  le  Bull,  de  la 


9  2  VARIETES. 

oriental,  qui  est  le  résumé  d'un  mémoire  qui  sera  publié  ultérieurement. 

Par  sa  position,  Safsafat  se  présente  comme  un  endroit  particulière- 
ment favorisé  pour  le  stationnement  des  populations  primitives. 

Le  Caporal  Bourrilly  a  pu  relever  quatorze  stations  réparties  en  trois 
groupes  : 

Le  premier  est  localisé  aux  abords  immédiats  du  poste,  le  second  sur 
la  rive  droite  de  l'oued  Meloulou  et  le  troisième  aux  ouled  Meçaoud. 

Dans  la  première  cet  observateur  a  trouvé  des  coups  de  poings  épais, 
des  galets  d'ophite  à  éclats  alternatifs,  des  percuteurs,  des  racloirs  et 
des  éclats.  Un  outillage  de  taille  bien  plus  plus  réduite,  grattoirs, 
pointes,  petites  pièces  olivaires  à  facettes  se  rencontre  avec  cette  indus- 
trie, mais  est  très  probablement  néolithique. 

L'auteur  signale,  en  particulier,  un  outillage  en  silex  blond,  de 
formes  très  variées  :  «  II  présente  souvent  une  taille  à  grands  éclats  et 
des  retouches  sur  les  deux  faces  :  larges  surpointes  retaillées  dans  une 
lame,  petits  outils  discoidaux  plus  ou  moins  bombés,  grattoirs 
convexes,  perçoirs  plats  (ou  burins)  à  base  large  ».  Cet  outillage  est 
moins  archaïque  que  leMoustérien  mais  davantage  que  le  Paléolithique 
récent  et  le  Néoli tique  ancien. 

L'Ibéromaurusien  se  retrouve  à  Safsafat.  spécialement  aux  stations  II, 
III,  VI  et  à  El  Mizen. 

Le  Néolithique  récent  ou  berbère  est  très  abondamment  représenté  à 
Safsafat.  Aucune  hache  polie  n'a  été  trouvé  par  l'auteur  quoiqu'on  en 
ait  découvertes  non  loin  de  là,  à  Taza  (Cap.  Martel)  et  à  bab  Merzouka 
(Cap.  de  Cardaillac). 

M.  Bourrilly  a  eu  l'amabilité  de  m'adresser,  en  plus,  des  notes  et  des 
spécimens  de  ses  récoltes,  ce  dont  je  le  remercie  bien  cordialement. 
Elles  vont  me  permettre  de  compléter  le  résumé  ci-dessus. 

Voici  d'abord  ses  notes  : 

«  i°  Une  station  d'une  remarquable  unité  d'apect  (Safsafat  IV,  Réser- 
voir) est  très  ancienne  :  outils  d'un  silex  très  cacholonné,  d'un  aspect 
blanc  soyeux  et  qu'on  reconnaît,  sans  erreur  à  première  vue,  quelques 
outils  de  quartzite  très  patines  ou  de  silex  plus  grossiers.  Le  tout 
présentant  une  taille  acheuléenne  et  surtout  moustérienne  (une  magni- 
fique pointe  de  22  centimètres  en  beau  silex  patiné  et  ciré,  est  la  plus 
belle  pièce  de  cette  taille  que  j'ai  vue).  J'ai  trouvé  plusieurs  outils 
(quatre  ou  cinq)  engagés  dans  le  poudingue  quaternaire  (l'un  d'eux 
même  dans  une  crevasse  ouverte  clans  le  poudingue  à  i,n,  5o  de  profon- 
deur.) 


.Soc.  préhut.  rie  France,  n*  3  du  28  oct.  4915,  pp.  355,  356  (Découvertes  préhistoriques 
au  Maroc  oriental).  En  plus  dos  stations  signalées  ici,  l'auteur  mentionne  des  cavernes 
artificielles  à  Kouba  Si  Ahmed  <-t  ,ï  hou  Ladjéraf,  à  12  kilom.  avant  Taza. 


\  VMKTES.  q3 

Des  outils  de  ces  types  se  trouvent  dans  le  lit  de  l'oued  M'  loulou, 
provenant  sans  doute d'éboulements  en  amont. 

«  2°  Sur  une  surface  assez  étendue  des  falaises  aval,  quelques  outils 
de  taille  acheuléo-moustérieuue  de  même  nature  et  cacholonnés  pareil- 
lement. Puis,  localisés  en  une  certaine  partie,  des  outils  de  quartzite  très 
patines  et  lustrés,  de  nature  et  de  taille  assez  différentes  des  précédents 
(disques  bombés  de  différentes  dimensions  et  très  bien  taillés),  mais 
non  comparables  à  cause  des  époques  postérieures,  notamment  aux 
différents  néolithiques.  C'est  ce  que  je  considérerais  comme  post-mous- 
térien  et  peut-être  un  faciès  spécial  de  votre  Gétulien.  Sur  la  même 
station,  répandu  un  peu  partout  mais  particulièrement  abondant  en 
certains  endroits,  outillage  berbère  avec  de  nombreuses  pointes  déviées 
de  l'axe  ou  déjetées  (pointes  latérales)  (Saf.  III). 

«  3°  Une  station  assez  pauvre  d'outils  de  bon  silex,  très  fins  et  très 
variés,  avec  outillage  microlitbique  assez  abondant,  station  bien  déli- 
mitée (Saf.  VI)  et  rappelant  l'Ibéromaurusien  mais  avec  certain  mélange. 

«  4°  Du  Berbère  partout,  avec  outils  typiques  mêlés  de  formes  éoli- 
thiques,  présentant,  au  total  un  faciès  intéressant.  » 

A  l'appui  de  cette  courte  notice,  M.  B.  a  bien  voulu  joindre  une  petite 
collection  de  pierres  taillées.  Mais  les  plus  belles  séries  ayant  été 
offertes  aux  musées  de  Taza  et  de  Nîmes,  mon  aimable  correspondant 
n'a  pu  m'offrir  que  des  pièces  de  second  choix.  Elles  sont  néanmoins 
très  suffisantes  pour  formuler  une  opinion  sur  l'ensemble  des  trou- 
vailles. 

Je  dois  déclarer,  tout  d'abord,  qu'il  y  a  dans  l'ensemble  de  ces  pièces 
une  forte  proportion  de  silex  éolithiques  sur  lesquels,  avec  la  meilleure 
volonté  du  monde,  je  n'ai  pu  relever  la  moindre  taille  intentionnelle. 

Je  n'ai  rien  observé  pouvant  être  considéré  comme  outillage  chelléen 
et  encore  moins  acheuléen.  Mais  je  ne  voudrais  pas  que  l'on  fit  état  de 
cette  déclaration  pour  déduire  qu'il  n'y  a  pas  des  pièces  de  ces 
époques  à  Safsafat.  11  ne  s'en  trouvait  pas  dans  le  lot  qui  m'a  été 
attribué,  c'esfe  tout  ce  que  je  peux  avancer. 

J'ai  eu,  par  contre,  une  assez  belle  série  des  groupes  i,  i  et  3,  Ce  sont 
des  disques  plats,  de  petits  disques,  des  lames  très  épaisses,  des 
pointes  à  extrémité  retaillée,  des  galets  à  éclats  alternatifs,  des  racloirs 
et  de  nombreuses  pièces  non  définies.  La  généralité  de  ces  pièces  est 
en  silex  à  surface  lisse,  fortement  rubéfiée. 

Ce  qui  caractérise  cet  outillage  c'est  la  fréquence  des  outils  minces,  à 
faces  parallèles  brutes,  de  forme  rectangulaire  ou  ovalaire  dont  les 
hords  seuls  portent  des  retouches  inverses.  Sur  plusieurs  pièces  la 
retouche  intéresse  à  la  fois  deux  côtés  mais  est  limitée  aux  bords  et 
ne  s'étend  pas  sur  le  reste  de  la  pièce  dont  la  surface  est  à  l'état  de 
nature. 


r)'j  VARIÉTÉS. 

Les  pierres  de  jet  sont  nombreuses,  depuis  les  galets  simplement 
fracturés  jusqu'aux  pièces  très  bien  retaillées,  de  forme  presque  dis- 
coïdale,  mais  dont  une  partie  de  la  base  du  galet  initial  a  été  conservée, 
et  des  disques  parfaits,  c'est-à-dire  dont  toute  la  périphérie  a  été 
éclatée. 

Cet  outillage  est  absolument  semblable  à  celui  que  j'ai  si  souvent 
observé  au  Maroc,  à  Settat,  Chichaoua,  Sidi  Moktar.  C'est  une  industrie 
de  surface,  que  je  crois  paléolithique,  remarquable  par  la  richesse  de 
son  matériel  et  sa  taille  très  particulière. 

Quelques  rares  flèches  du  type  berbéresque  ont  été  observées,  tant 
par  M.  Icard  que  par  moi,  dans  quelques-unes  de  ces  stations  sans 
qu'on  puisse  affirmer  que  les  dites  flèches  soient  contemporaines.  Dans 
ce  cas  ce  serait  un  faciès  très  spécial  du  Néolithique  décadent;  mais 
nous  doutons  de  ce  rapprochement. 

De  la  station  VI  j'ai  examiné  un  outillage  plus  petit,  à  silex  non 
cacholonné,  où  les  petits  grattoirs  dominent.  Il  y  avait,  dans  la  série 
que  j'ai  étudiée,  une  flèche  berbère  brisée,  à  fracture  retouchée  et  des 
poteries  très  grossières  qui  ne  sont  probablement  pas  très  anciennes.  Je 
doute  que  ce  soit  là  l'équivalent  de  l'industrie  ibéromaurusienne  mais 
plutôt  de  l'industrie  berbéresque  soignée. 


III 

Xous  devons  au  lieutenant  Campardou  un  exposé  (i)  des  fouilles 
qu'il  a  effectuées  dans  la  grotte  de  Kifan  bel  Ghomari,  à  Taza.  Ces 
fouilles  ont  été  dirigées  très  méthodiquement  et  les  objets  qui  en  pro- 
viennent ont  trouvé  place  dans  le  Musée  qui  a  été  fondé  dans  cette 
localité  par  l'autorité  militaire.  Quant  à  la  faune,  elle  a  été  étudiée  par 
M.  Doumergue. 

La  cavité  qui  fait  l'objet  de  celte  étude  avait  surtout  servi  de  carrière 
pour  l'extraction  du  tuf  friable  destiné  aux  constructions.  Les  galeries 
qui  ont  été  creusées  ont  provoqué  quelques  remaniements  dans  les 
couches  archéologiques  et  rendu  les  recherches  très  laborieuses. 

La  grotte  actuelle  est  remarquable  par  ses  belles  stalactites  et  l'on 
constate,  de  plus,  à  l'entrée,  l'existence  de  niches  sans  doute  compa- 
rables à  celles  de  la  Djiddiouïa,  des  Béni  Mellal  et  des  Canaries,  —  et 
au-dessus  de  l'entrée,  à  la  naissance  de  la  voûte,  un  cercle  de  ira,3o  de 
diamètre  parfaitement  sculpté  en  relief. 

A  l'intérieur,  là  où  la  couche  archéologique  subsistait  encore,  elle 
n'avait  que  i"',4o  environ  d'épaisseur  dont  la  partie  intérieure,  renfer- 

(!)  Bull.  Soc.  Géogr.  Archéol.  Or  an,  1917,   pp.  5-26  et  p!.  V  à  VIII. 


VARIÉTÉS.  95 

mail  dos  sépultures  récentes.  Quant  à  la  couche  inférieure,  elle  se 
composait  de  sable  gréseux,  rougealre,  à  ossements  et  avait  90  centi- 
mètres d'épaisseur. 

La  couche  non  remaniée  (C),  superposée  immédiatement  à  celle  du 
sable  gréseux,  n'a\ait  que  /jo  centimètres  d'épaisseur,  mais  c'était  la 
plus  intéressante  au  point  de  vue  archéologique. 

Enfin  en  déblayant  le  reste  de  l'excavation  (salle  des  Stalactites  et 
boyau  des  Orgues)  le  Lieutenant  G.  a  trouvé  six  foyers  dont  cinq  appar- 
tiennent au  même  niveau  que  la  couche  C. 

Le  sixième  foyer  a  été  rencontré  à  4m,25  de  profondeur,  sous  2  mètres 
environ  de  dépôts  appartenant  à  la  couche  D.  Il  était  formé  d'une 
simple  lentille  de  cendres  de  om,5o  de  diamètre  environ  et  de  om  10 
d'épaisseur.  11  était  entouré  de  quelques  ossements  mêlés  de  coquilles 
d'Hélix.  Les  silex  grossiers  trouvés  au  voisinage  du  foyer  étaient* forte- 
ment cacholonnés  et  paraissaient  avoir  subi  l'action  du  feu. 

«  Il  est  évident  que  la  présence  de  ce  petit  foyer  temporaire  à  un 
niveau  aussi  bas  présente  un  vif  intérêt.  » 

L'industrie  de  la  couche  G  est  absolument  identique  à  celle  que  nous 
avons  exhumée,  avec  M.  Barbin,  des  abris  de  la  Mouillah  qui  consti- 
tuent la  station  type  de  la  période  ibéromaurusienne  :  les  lames  à 
encoches  sont  semblables  comme  aussi  les  petites  pointes  à  dos  et 
talon  parfaitement  retaillés  et  l'outillage  en  os  poli.  Les  pointes  dont 
l'extrémité  inférieure  est  tronquée  armaient  des  sagaies.  Nous  en 
avons  de  semblables  dans  l'outillage  prénéolithique  des  cavernes  de 
l'Oranie. 

Enfin  l'industrie  recueillie  plus  profondément  (couche  D)  est  attri- 
buée par  l'auteur  à  l'époque  moustérienne.  On  observe  donc,  au  Maroc, 
une  fois  de  plus,  ce  qui  a  été  si  souvent  constaté  dans  les  cavernes  du 
Nord  de  l'Afrique  :  une  couche  inférieure  moustérienne  surmontée  par 
un  dépôt  ibéromaurusien  ou  néolithique  (Maure tanien). 

Sous  les  couches  archéologiques,  en  contact  immédiat  avec  le 
substratum,  était  une  couche  limoneuse  qui  a  colmaté  les  parties  les 
plus  inférieures  de  l'excavation.  De  ces  dépôts  de  remplissage,  le 
Lieutenant  C.  a  retiré  beaucoup  d'ossements  de  grands  carnassiers 
Hyène,  Ours,  Lion),  de  Rhinocéros  et  de  Ruminants  dont  une  liste  due 
à  M.  Doumergue,  précise  les  niveaux. 

En  matière  de  conclusion,  l'auteur  écrit  : 

«  Les  données  stratigraphiques  paraissent  d'ailleurs  confirmées  par 
les  données  archéologiques  fournies  par  chacune  des  couches  princi- 
pales. On  a  vu  que  l'outillage  de  la  couche  D  semble  représenter  l'in- 
dustrie de  l'époque  moustérienne.  S'il  en  était  ainsi,  le  remplissage  de 
Kifan  bel  Ghomari  se  serait  effectué  vers  le  milieu  du  Paléolithique. 
Mais   la    faune   qui,    d'après    M.    Doumergue.    appartient   au    Pléis- 


96  VARIÉTÉ?. 

tocene  récent  infirme  quelque  peu  les  conclusions  tirées  de  l'industrie. 

u  Sur  les  dépôts  de  remplissage  est  venue  se  superposer,  après  une 
interruption  d'habitat  par  l'Homme,  la  couche  C  caractérisée  par  l'im- 
portante collection  de  petites  lames  à  dos  retouché  et  les  foyers  supé- 
rieurs 1  à  5.  Cette  couche  paraît  synchronique  de  celle  de  la  grotte 
de  la  Mouillah.  Elle  serait  donc,  d'après  la  classification  adoptée  pour 
cette  dernière  par  MM.  Barbin  et  Pallary,  d'âge  ibéromaurusien. 

«  Quel  que  soit  l'âge  attribué  à  la  couche  nettement  archéologique,  C, 
un  fait  important  domine  tous  les  autres,  c'est  la  superposition  de 
la  couche  pré- néolithique  sur  un  dépôt  paléolithique  nettement  caracté- 
risé par  sa  faune  appartenant  au  Pléistocéne  récent,  »  (p.  2 5.) 

Ce  premier  travail  vient  d'être  complété  par  une  consciencieuse 
étude  sur  u  La  nécropole  de  Taza  »  (1). 

Cette  localité  est  bâtie  sur  un  plateau  dont  les  bords  sont  percés  de 
cavités  artificielles  qui  s'étagent  sur  des  gradins  d'une  hauteur  moyenne 
de  3  mètres,  gradins  qui,  très  souvent,  ont  été  taillés.  La  superficie  de 
la  nécropole  est  d'environ  120  hectares. 

Les  principaux  types  de  sépultures  comprennent  des  tombes  plates, 
des  tombes  plates  à  dossiers,  des  cases  sépulcrales,  des  columbaria,  des 
silos,  des  puits,  des  chambres  sépulcrales  et  des  grottes  naturelles 
aménagées. 

a  Toutes  les  sépultures  importantes  de  la  nécropole  de  Taza  semblent 
avoir  été  violées  et  pillées  de  fond  en  comble...  Néanmoins  on  a  pu 
trouver,  parmi  les  tombes  plates,  quelques  sépultures  à  peu  près 
indemnes.  Celles-ci,  reconnaissables  à  leur  contenu,  ont  fourni  un 
mobilier  très  pauvre,  mais  cependant  caractéristique  et  intéressant. 

((  Ce  mobilier  se  compose  essentiellement  de  garnitures  de  cercueils 

en  fer  et  de  quelques  objets  en  fer  et  en  bronze Il  est  manifeste  que 

l'inhumation  a  eu  lieu,  dans  toutes  les  sépultures  de  la  néeropole,  dans 
des  cercueils  en  bois.  » 

Les  objets  en  bronze  provenant  de  ces  tombes  plates  sont  très  peu 
nombreux  :  une  garniture  d'étui  ou  de  fourreau  et  un  petit  couteau. 

Par  contre  les  objets  en  fer  sout  plus  abondants  :  ce  sont  surtout  des 
clous  à  longue  tète  plate,  des  plaques  d'applique,  des  anneaux  et 
charnières,  tous  ayant  servi  de  garnitures  de  cercueil.  En  plus  de  ces 
débris,  le  Lieutenant  C.  a  trouvé  un  ciseau  à  douille  et  un  anneau  en 
fer,  probablement  an  anneau  de  pied. 

Les  poteries  provenant  des  fouilles  forment  deux  groupes  bien  dis- 
tincts :  les  poteries  arabes  et  les  poteries  plus  anciennes.  Les  premières 
situées  dans  les  terres  superficielles,  les  secondes  dans  les  niveaux  inté- 

(1)  BulU  Soc.  Géogr.  Archéol.  Oran,  1917,  pp.  291-328.  avec  figures  et  plans. 


VARIETES.  97 

rieurs.  La  collection  réunie  comprend  ;  des  vases  de  formes  diverses  des 
aenochés,  dos  lampes  à  huile  et  des  balsamaires.  Les  lampes,  qui  sont 
les  plus  caractéristiques  de  ces  poteries  rappellent  les  lampes  puniques 
trilobées  de  Carthage  et  surtout  de  Gouraya. 

Enfin,  dans  les  travaux  de  déblaiement,  on  a  encore  trouvé  deux 
ha»  lus  polies  dont  une  en  l'orme  de  boudin,  des  silex  de  types  berbé- 
resque,  quelques  objets  en  verre,  des  grains  de  collier,  des  fragments 
de  bracelets  et  surtoul  un  col  de  balsamaire  en  verre  tout-à-fait  compa- 
rable à  ceuv  de  l'époque  romaine  et  deux  objets  en  os  tourné  décorés  de 
figures  géométriques. 

L'auteur  rapproche  les  sépultures  de  Taza  des  haouanet  et  des 
grottes  sépulcrales  de  l'Ouest  algérien  et  du  Maroc  :  «  Les  nécropoles  de 
ce  genre,  dit  il,  ont  démontré  que  toutes  se  rapportent  à  la  période 
comprise  entre  le  milieu  du  premier  millénaire  avant  notre  ère  et  la 
lin  de  l'occupation  romaine.  Elles  représentent,  pour  la  plupart,  des 
monuments  berbères  édifiés  sous  l'influence  des  coutumes  phéni- 
ciennes, coutumes  qui  se  sont  probablement  perpétuées  jusqu'à 
l'époque  arabe,  »  (p.  02G). 


IV 

Dans  le  Ballet  in  de  la  Société  Préhistorujae  de  France,  191  A, 
pp.  2 10-21 5,  le  Capitaine  Joleàud  a  publié  des  «  Considérations  géolo- 
giques et  géographiques  sur  la  station  préhisloriquc  de  Mechta  Cha- 
teaudun  »  où  il  est  écrit  que  les  populations  qui  utilisaient  les  campe- 
ments ou  abris  gétuliens  étaient  surtout  nomades  (1). 

«  Déjà,  à  cette  époque,  les  grands  Herbivores,  qui  jouaient  un  rôle 
notable  dans  l'alimentation  de  l'homme,  devaient,  en  Gétulie,  être 
astreints  par  la  pauvreté  des  pâturages,  à  des  migrations  saisonnières, 
comparables  à  celles  qu'effectuent  aujourd'hui  les  Gazelles  des  pla- 
teaux  de  la  Tunisie  et  du  Sahara  septentrional.  Les  Paléolithiques  de  la 
Tunisie,  obligés  de  suivre,  dans  ses  déplacements  successifs,  le  gibier 
dont  ils  se  nourrissaient,  étaient  ainsi  condamnés  à  une  vie  nomade  » 
(p,  ai3). 

L'hypothèse  d'un  nomadisme  des  peuplades  gétuliennes  est  entiè- 
rement nouvelle  :  je  ne  crois  pas  qu'aucun  auteur  n'en  ait  encore  parlé. 
Mais  cette  hypothèse  me  semble  peu  vraisemblable,  et  pour  la  discuter, 
nous  allons  mettre  en  pratique  un  aphorisme  de  mon  vénéré  Maître, 
\lbert  Gaudry,  qui  nous  disait  (pie  nous  devions  nous  inspirer  des 
faits  actuels  pour  essayer  d'expliquer  le  passé. 

(1)  Voir  le  compte  rendu  déjà  publié  dans  VAnthr.  1917,  p.  450. 

l'anthropolooir.  —  t.  xxix.—  1918  l7 


VA.  RI  ET  ES. 


Or  le  principal  élément  ethnique  du  Nord  de  l'Afrique,  l'élément 
berbère,  est  essentiellement  sédentaire  (i).  C'est  seulement  l'élément 
arabe,  qui  a  introduit  et  conservé  seul  les  habitudes  de  nomadisme 
qu'il  pratiquait  en  Arabie. 

D'autre  part  ce  que  nous  savons  du  nomadisme  arabe  ne  concorde  en 
rien  avec  ce  que  nous  observons  dans  les  escargotières. 

Les  nomades  algériens  s'installent,  il  est  vrai,  autour  des  mêmes 
points  d'eau  mais  jamais  au  même  emplacement.  Aussi  n 'observe- t-on 
nulle  part  des  dépots  d'une  certaine  importance  eomme  on  en  trouve  si 
souvent  autour  des  bourgades  kabyles  et  marocaines,  véritables  tumu- 
lus  de  détritus.  Leur  séjour  est  d'ailleurs  très  court  sur  l'emplacement 
choisi  :  les  immondices  et  surtout  la  vermine  les  obligent  à  déplacer 
leurs  douars  très  fréquemment. 

Or,  bien  que  la  population  actuelle  de  l'Algérie  soit  bien  plus  dense 
qu'aux  temps  préhistoriques  et  que  le  nomadisme  soit  implanté  en 
Algérie  depuis  un  millénaire  au  moins  (2),  on  ne  connaît  point  de  dépots 
comparables  à  ceux  des  escargotières. 

Je  sais  bien  que  le  nomadisme  attribué  aux  contemporains  des  escar- 
gotières, nomadisme  que  je  qualifierai  de  cynégétique  (3),  a  une  autre 
cause  que  la  transhumance  du  bétail.  Mais  les  résultats  doivent  en  être 
fort  semblables. 

Pour  la  période  préromaine,  nous  avons  bien  un  texte  de  Salluste  qui 
donne  les  Gétules  et  Lybiens  comme  errant  au  hasard,  s  arrêtant  dans 
les  lieux  où  la  nuit  les  surprenait.  Si  ce  passage  est  exact,  le  nomadisme 
des  Gétules  n'aurait  pas  été  saisonnier  mais  permanent  et,  dans  ce  cas, 
les  traces  de  leurs  campements  doivent  être  encore  plus  restreintes. 

Enfin  le  déplacement  du  gibier  n'implique  nécessairement  pas  celui 
de  la  tribu.  Suivant  ce  qui  se  passe  encore  dans  le  Sud  et  le  Sahara,  ce 
sont  des  bandes  restreintes  de  chasseurs  qui  poursuivent  le  gibier,  le 
gros  de  la  tribu  restant  à  poste  fixe.  (4) 

Les  Touaregs,  qui  passent  leur  vie  à  parcourir  le  Sahara  et  le  Nord  du 
Soudan,  ont  leur  home  immuable. 

L'explorateur  Chudeau,  que  j'ai  spécialement  consulté  à  ce  sujet, 
m'écrit  que  «  les  Touaregs  dans  leurs  expéditions  de  chasse  ou  de  guerre 
n'emmènent  jamais  leurs  femmes  ».  Il  ajoute  :  «  E.  F.  Gautier  a  parlé 
quelque  part  des  habitudes  casanières  des  Touaregs  ;  le  mot  est  excessif, 
mais  plus  près  de  la  vérité  que  le  nomadisme. 

(i)  Les  rares  faits  de  déplacement  cités  par  M.  J.  sont  vraiment  trop  peu  importants 
pour  être  assimilés  à  du  nomadisme. 

(2)  Les  nomades  pénétrèrent  pour  la  première  fois  en  Berbérie,  au  xie  siècle,  avec 
l'invasion  hilalienne. 

(3)  Par  opposition  au  nomadisme  transhumant. 

(4)  Voir  fi*1  M AwiuRHiTTi,  Chasses  de  l'Algérie,  1869,  pp.  105  et  suiv. 


VARIÉTÉS.  09 

n  En  somme,  les  Touaregs  n'ont  pas  une  maison  familiale  puisqu'ils 
vivent  sous  la  tente  mais  ils  ont  la  vallée  familiale,  peu  étendue  et  où 
ils  reviennent  toujours  et  qu'ils  ne  quittent  que  pressés  par  la  nécessilè. 
Enfin,  il  existe  dans  l'Adrar  dlforan  des  restes  de  villages  touaregs  (Es 
souk  Kidal  )  »  (i). 

Les  animaux  de  la  faune  algérienne  qui  transhument  sont  relative- 
ment peu  nombreux.  Il  reste  en  permanence  pas  mal  de  gibier  pour 
suffire  aux  besoins  d'une  population  sédentaire.  Mais  ce  sont  surtout  les 

argots,  ne  l'oublions  pas,  qui  constituaient  la  base  de  l'alimentation 
de  l'époque. 

Mon  impression  est  que  les  Gétuliens  (2)  n'étaient  pas  aussi  chasseurs 
que  le  suppose  M.  J.  pour  effectuer  des  déplacements  assez  lointains 
dans  le  but  de  suivre  le  gibier. 

La  rareté  des  ossements  dans  les  escargotières  (rareté  bien  plus 
grande  que  dans  les  cavernes  néolithiques)  d'une  part,  et  l'extrême 
abondance  des  escargots  de  l'autre,  suffisent,  je  crois,  à  démontrer  que 
les  naturels  de  l'époque  ne  se  livraient  pas  exclusivement  à  la  chaise. 

D'ailleurs  quand  on  fouille  une  escargotière  on  n'observe  nullement 
des  couches  stériles  ou  des  bandes  de  sable  alternant  avec  des  bandes 
noires  :  l'ensemble  est  parfaitement  homogène  et  on  a  nettement 
l'impression  que  ces  stations  n'ont  jamais  été  abandonnées,  mais  ont 
été,  au  contraire,  occupées  d'une  façon  continue.  Telle  est  aussi  l'opi- 
nion, très  autorisée,  de  M.  Reygasse  :  «  Les  matières  accumulées  sur 
les  foyers  où  séjournèrent  ces  primitifs,  dit-il,  les  montrent  vivant  à  peu 
près  sédentaires  (3). 

M.  Debruge,  dans  l'article  qui  suit  celui  de  M.  J.,  a  fait  également 
remarquer  que  la  nature  du  terrain  est  la  même  du  sommet  à  la  base, 
avec  à  peine  quelques  marbrures  plus  ou  moins  apparentes,  ducs  aux 
lleli\  écrasés,  (p.  219). 

En  résumé,  je  ne  crois  pas  que  les  Gétuliens  aient  été  des  chasseurs, 
émigrant  en  même  temps  que  le  gibier,  et,  par  suite,  que  les  escargo- 
tières aient  été  abandonnées  pendant  une  partie  de  l'année.  Je  pense, 
au  contraire,  que  ces  stations  ont  été  occupées  d'une  façon  permanente 
pendant  une  très  longue  durée,  ainsi  qu'en  témoigne  la  parfaite  homo- 
génité  de  la  masse  des  monticules  formés  par  les  détritus  des  occupants 
de  l'époque. 

M.  Joleaud  a  oublié  de  me  citer  parmi  les  personnes  qui  ont  effectué 
des  recherches  dans  les  escargotières.  Etant  donnée  l'autorité  très  légi- 

(i)  Voir  Gardi,  La  Géographie,  1907, l*r  trimestre. 

(2)  Je  dis  bien  :  Gétuliens  et  non  Gétules,  car  bien  que  le  radical  soit  le  même  il  y 
a  entre  ces  deux  noms  une  différence  plus  grande  que  celle  qui  existe  entre  Francs 
et  Français,  Romains  et  Roumains,  Alamans  et  Allemand». 

(3)  L'Anthropologie,  1916,  p.  365. 


IOO  VARIÉTÉS. 

time  dont  jouit  ce  géologue  je  ne  voudrais  pas  qu'on  puisse  soupçonner 
que  je  ne  parle  de  ces  dépôts  que  par  ouï  dire  alors  que  j'en  ai  visité 
plus  d'une  vingtaine  dans  les  régions  de  Tebessa,  Aï'n  Beïda,  Gafsa  (i), 
Kedeyef,  Tamerza  et  Sendès,  Les  échantillons  que  j'en  ai  rapportés 
figurent  dans  les  collections  du  Musée  des  Antiquités  d'Alger  (2). 

J'espère  que  M.  Joleaud  excusera  cette  petite  rectification,  à  laquelle 
je  tiens  beaucoup.  J'ai  déjà  eu  trop  à  souffrir  d'oublis  plus  ou  moins 
involontaires,  pour  que  je  laisse  continuer  ces  errements. 

La  petite  carte  que  M.  Joleaud  a  produite  dans  sa  notice  pour  montrer 
la  dispersion  du  Gétulien  et  de  l'Ibéromaurusien  est  très  suggestive.  Si 
elle  montre  cette  dernière  cantonnée  dans  le  Tell,  elle  montre  aussi  que 
le  Gétulien  est  confiné  dans  le  Sud  Constantinois  et  Tunisien  et  ne 
s'étend  pas  dans  les  régions  des  steppes  des  départements  d'Alger  et 
d'Oran,  qui  offrent  cependant  les  mêmes  conditions  d'habitat.  Il  y  a  là 
une  localisation  très  remarquable  que  j'ai  été  également  le  premier  à 
signaler  (3). 

MM.  Boudy,  Capitan  et  de  Morgan  faisaient  déborder  leur  Capsien 
jusqu'aux  confins  algéro-marocains.  Dans  l'étude  critique  que  j'ai  faite 
du  travail  de  ces  savants  (4)  j'ai  encore  mieux  précisé  les  limites  du 
Gétulien,  qui  s'étend  «  des  deux  côtés  d'un  axe  allant  de  Gabès  à  Sétif, 
mais  ne  dépassant  guère  cette  dernière  localité  ». 

Je  ferai,  de  plus,  remarquer  que  quoique  très  distinctes,  morpholo- 
giquement, les  industries  ibéromaurusienne  et  gétulienne  ont  abouti, 
la  première  au  Mauritanien,  la  seconde  au  Saharien  qui  sont  deux 
industries  néolithiques  très  semblables.  La  première  paraissant  être  un 
peu  plus  ancienne  que  la  seconde  qui  est  bien  plus  évoluée. 

Nous  reviendrons,  un  peu  plus  tard,  sur  cette  intéressante  et  impor- 
tante constatation. 

Pour  tout  ce  qui  touche  aux  autres  points,  je  suis  en  parfaite  commu- 
nauté d'idées  avec  M.  J.  C'est  aussi  mon  avis  que  le  Gétulien  et  l'Ibéro- 
maurusien ont  été  contemporains,  du  moins  en  grande  partie.  L'ibéro- 
maurusien  représente,  dans  le  Tell,  la  même  phase  que  le  Gétulien 
dans  les  steppes  berbéresques. 

Toutefois  il  me  reste  encore  une  petite  rectification  à  faire,  \insi 
M.  J.  écrit  que  l'industrie  berbère  esl  peu  répandue  dans  les  stations 
en  plein  air  du  Tell.  Or  ceci  n'est  pas  tout  à  fait  exact  :  les  stations  du 

(1)  Le  bon  à  tirer  de  mes  Instructions  est  daté  de  Gafsa,  fin  juin  1909. 

(2)  Voir  Revue  africaine,  1911,  p.  16. 

(3)  In  Instructions,  p.  44  :  «  Nous  désignons,  sous  le  nom  de  Gétulien.  un  type 
d'industrie  très  répandue  dans  l'Est  algérien  et  en  Tunisie  ». 

(4)  Etude  sur  les  stat.  préhist.  du  Sud  de  la  Tunisie,  iu  R*vue  tanis.,  1912,  p.  619. 
Voir  aussi  ma  «  Réponse  à  M.  Coutil  »,  in  L'Anthropologie,  1ÎH3,  p.  587  et  l'analyse 
du  mémoire  du  D'  Gobert  in  Revue  africaine,  1914,  pp.  373-374. 


\  v km: ils.  101 

Néolithique  décadent  sont,  au  contraire,  très  communes  dans  le  Tell  ; 
j'en  ai  catalogué  plus  d'une  cinquantaine,  rien  que  pour  l'Oranie 
seulement. 

Mais  où  j'admets  franchement  le  nomadisme  c'est  précisément  au 
sujet  de  la  période  berbèresque  comme  l'indique  M.  J.  C'est  même,  à 
mon  sens,  la  seule  manière  d'expliquer  la  présence  de  cet  outillage, 
dont  l'aire  de  dispersion  est  très  grande,  au  milieu  des  gisements  énéoli~ 
thiques  du  Sahara  central. 


L'article  que  M.  Debruge  a  publié  dans  le  Bulletin  de  la  Société  pré- 
historique de  France  (i)  à  la  suite  de  celui  de  M.  Joleaud,  témoigne 
d'une  telle  évolution  dans  la  manière  de  procéder  de  ce  préhistorien 
que  je  serais  tenté  de  l'en  féliciter  :  pas  d'anonymat,  le  terme  d'escar- 
gotière y  est  couramment  employé,  on  y  trouve  même  celui  de  Gétu- 
lien.  11  y  est  question  de  tamis,  pour  la  première  fois  ;  le  mot  d'évolu- 
tion s'y  trouve.  Enfin  l'auteur  de  l'article  a  constaté  que  l'industrie  du 
fond  paraît  plus  affinée  que  celle  du  dessus.  Mais  comme  M.  D.  n'a 
publié  cette  note  que  pour  expliquer  comment  il  a  trouvé  le  crâne  et 
les  ossements  qu'il  a  offerts  à  la  Société,  nous  ne  nous  étendrons  pas 
plus   longuement   sur   la   question   del'industrie. 

J'ai  observé  et,  certes,  ce  fait  n'a  pas  dû  échapper  à  la  perspicacité  de 
M.  D.  la  présence  de  tombes  indigènes  sur  les  escargotières,  comme  en 
général,  sur  tous  les  monticules. 

D'autre  part,  on  a  dû  employer  pour  la  construction  de  la  ferme 
Mercier  à  Mechta  Châteaudun,  toutes  les  pierres  qui  se  trouvaient  à  la 
surface  et,  par  suite,  faire  disparaître  les  rares  témoins  des  sépultures 
qui  pouvaient  y  exister.  Le  plan  de  M,  D.  signale  encore  des  gourbis 
indigènes.  Si  à  cela  on  ajoute  la  faible  épaisseur  du  dépôt,  l'uniformité 
du  terrain  dans  lequel  ont  été  trouvés  les  squelettes  et  l'état  de  disper- 
sion de  certains  ossements,  on  peut  admettre,  sans.trop  de  contestation 
possible,  qu'on  se  trouve  en  présence  de  sépultures  récentes  et  rema- 
niées. C'est  l'opinion  que  j'ai  déjà  émise  dans  ma  première  lettre  à 
MM.  les  membres  de  la  Société  archéologique  de  Constantine  (2)  1912, 
pages  5  et  6,  à  propos  des  crânes  de  l'escargotière  du  3e  kilomètre  de  la 
route  de  Tébessa  à  Bekkaria. 

Cela  expliquerait  la  divergence  d'opinions  qui  s'est  manifestée  à  la 

(ij  Nouvelles  fouilles  à  Mechta  Châteaudun,  23  avril  1914,  pp.  216-220. 
(2)  Cette  lettre,  ainsi  que  la  deuxième,  pourront  être  utilement  consultées  par  les 
personnes  qui  s'intéressent  à  la  question  des  escargotières. 


IO0  VARIETES. 


Société  préhistorique  de  France,  où  le  Dr  Baudoin  et  M.   Adrien  de 
Mortillet  ont  considéré  ces  débris  comme  néolithiques  ! 

Sans  suspecter  en  rien  la  sincérité  des  fouilles  de  Mechta  Châteaudun 
et  sans  contredire  la  coexistence  de  deux  races  préhistoriques,  ce  qui  est 
parfaitement  admissible,  je  crois  qu'il  serait  bon  d'appuyer  de  telles 
conclusions  sur  des  squelettes  trouvés  dans  des  conditions  indiscu- 
tables de  gisement.  Les  découvertes  qui  ont  été  faites  récemment  par 
M.  Reygasse,  loin  de  tout  habitât  récent,  offriraient,  je  crois,  plus  de 
garanties  pour  régler  définitivement  la  question  de  la  coexistence  de 
deux  races  dans  les  escargotières. 


VI 

M.  Reygasse  a  publié,  ici  même,  en  191 6,  des  0  Études  de  paletno- 
logie  magrébine  ».  Elles  sont  donc  connues  des  lecteurs  de  L'Anthro- 
pologie, ce  qui  fait  que  je  n'aurai  pas  à  m'étendre  aussi  longuement  que 
je  viens  de  le  faire  pour  la  notice  de  M.  Joleaud.  Puis  M.  R.  a  exposé 
des  recherches  personnelles  et  il  n'y  a  guère  à  critiquer  dans  ce  qu'il 
décrit. 

Toutefois  je  ferai  à  l'auteur  un  reproche  double  :  c'est  que  tout  en  se 
défendant  de  vouloir  donner  des  conclusions  fermes,  il  affirme  cepen- 
dant, de  la  façon  la  plus  nette,  que  dans  une  même  escargotière,  l'indus- 
trie est  absolument  uniforme  de  la  base  au  sommet  (p.  365). 

Pour  être  aussi  affirmatif  il  serait  désirable  d'exécuter  la  fouille 
intégrale  d'une  escargotière  d'une  certaine  étendue.  Pour  ma  part  j'ai 
peine  à  croire,  comme  je  l'écrivais,  en  1913,  que  dans  des  gisements 
aussi  importants,  dont  la  constitution  a  dû  exiger  une  longue  suite  de 
siècles,  l'industrie  n'ait  subi  aucune  modification. 

D'autre  part,  je  suis  surpris  de  ce  que  M.  R.  écrive  que  M.  Debruge 
a  signalé  des  distinctions  dans  l'industrie  de  ces  dépôts  et  il  cite,  à  ce 
sujet,  une  phrase  concernant  la  station  du  Kef  el  Mazoui.  Or,  M.  R. 
qui,  en  compagnie  de  M.  Latapie,  a  fouillé  ce  gisement,  doit  savoir, 
mieux  que  personne,  que  ce  gisement  est  néolithique  ainsi  que  je 
l'avais  indiqué  dans  ma  Lettre  à  MM.  les  membres,  etc.,  p.  t\,  et  que 
par  suite,  les  différences  qu'a  pu  observer  M.  D.  ne  se  rapportent  nulle- 
ment à  l'industrie  des  escargotières,  mais  à  une  industrie  bien  plus 
récente. 

Mais  étant  donné  le  champ  d'exploitation  assez  vaste  qu'a  parcouru 
M.  R.,  les  nombreuses  fouilles  qu'il  a  pratiquées  entre  Tébessa, 
Négrine  et  la  frontière  tunisienne,  nous  croyons  fermement  qu'il  aurai! 
pu  donner  des  conclusions  plus  fermes  C'est  beaucoup  de  modestie  de 
sa  part  de  laisser  à   d'autres  le  soin  de  tirer  profil  d<>  ces  études  si 


VARIETES. 


io3 


oonciencieuses  :  M.   K.  est  assez  autorisé  en  matière  de  Cétulien  pour 
exprimer  une  opinion  personnelle. 

Quoiqu'il  en  soit,  attendons  la  suite  de  cet  intéressant  travail.  Nous 
espérons  que  les  observations  minutieuses  de  M.  R.  nous  aideront 
grandement  à  mieux  saisir  l'enchaînement  des  diverses  industries  de 
L'antique  Gétulie. 


VII 

Le  Commandant  Ferton,  qui  nous  est  connu  par  ses  recherches  sur 
la  préhistoire  de  la  Corse,  nous  a  fait  connaître  «  Une  station  néo- 
lithique à  Djidjelli  »  (i). 

Cette  station  «  s'étend,  sur  un  demi  kilomètre  environ,  depuis  une 
crête  rocheuse,  coupant  la  falaise,  à  3oo  ou  4oo  mètres  à  l'Est  de  l'éta- 
blissement de  bains,  jusque  près  d'un  petit  étang  où  aboutit  l'oued  el 
Kantara.  » 

Les  outils  de  ce  gisement  sont  engagés  dans  un  limon  ou  alluvion 
assez  consistante  d'où  il  est  difficile  de  les  extraire  :  ils  sont  en 
porphyre  dur  et  à  grain  fin,  en  grès  dur  et  en  une  roche  siliceuse  dure 
et  à  grain  fin.  Il  n'est  pas  question  de  silex  ni  de  quartzite  dans  rénu- 
mération donnée  par  le  Commandant  Ferton  ;  toutefois  cet  officier 
mentionne,  plus  loin,  quelque  outils  e,i  silex. 

Les  pièces  recueillies  semblent  se  rapporter  à  une  industrie  nette- 
ment néolithique.  Toutes  sont  de  grandes  dimensions,  taillées  à  grands 
éclats  ;  ce  sont  des  pointes  de  lance  et  de  javelot,  des  pointes  outils, 
des  lames  et  des  racloirs,  (p.  244). 

Il  est  difficile  de  se  faire  une*  opinion  sur  cette  industrie  et  même  de 
reconnaître  les  outils  qui  sont  énumérés  dans  cet  article  d'après  les 
figures,  très  peu  nettes,  qui  l'illustrent.  Faut  il  voir  de  l'industrie 
berbèresque?  Cela  est  possible  quoique  le  Commandant  F.  ne  men- 
tionne pas  de  llèches  pourtant  si  caractéristiques  de  cette  époque. 

En  plus  de  ce  gisement  en  place,  l'auteur  signale  encore  plusieurs 
endroits,  autour  de  Djidjelli,  où  les  outils  préhistoriques  abondent.  Ce 
sont  :  le  plateau  terminant  à  l'Ouest  l'anse  des  Béni  Caïd,  les  environs 
immédiats  du  fort  Calbois  et  la  plaine  voisine  de  l'escarpement  néo- 
lithique. 

I  ne  pièce  de  petites  dimensions  est  taillée  comme  un  outil  chelléen. 
Un  autre  est  une  extrémité  de  hache  polie  faite  avec  un  galet  roulé  de 
porphyre. 

fl)  Bullet.  de  la  Soc.  préhist.  de  France,  1914,  pp.  241-245. 


,  VARIÉTÉS. 

104 


Li  trouvaille  de  plusieurs  ateliers  dans  cette  localité  témoigne  donc  de 
la  richesse  du  littoral  algérien  en  stations  préhistoriques.  Malheureuse- 
ment, la  côte  constantinoise  a  été  fort  peu  explorée  sous  ce  rapport. 
Les  découvertes  du  Commandant  F.  viennent  s'ajouter  a  celles  de 
M.  Curie  à  Collo  et  de  M.  Debruge  à  Bougie. 

P.  Pallart. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE 


Sbrgi  (G.).  Problemi  di  Scienza  contemporanea.  (Problèmes  de  science  contemporaine.) 
Vol.  in-10  de  320  pages.  Torino,  Fratelli  Bocca,  1916.  Prix  ;  5  fr. 

L'éminent  anthropologiste  italien,  dont  on  vient  de  fêter  le  75e  anni- 
versaire, a  voulu  commémorer  cet  événement  par  la  publication  du 
nouvel  ouvrage  dont  on  vient  de  lire  le  titre.  Ce  volume  est  comme  une 
suite  au*  deux  volumes  parus  en  191 3  et  1914  sur  les  Origines  humaines, 
l'Évolution  organique,  et  que  j'ai  eu  le  plaisir  de  présenter  à  nos  lec- 
teurs, {L'Anthr.  t.  XXIV,  p.  56  et  XXV,  p.  519). 

Après  une  introduction,  où  l'auteur  affirme  de  nouveau  ses  principes 
directeurs,  notamment  ses  vues  polygénistes  confirmées  par  la  paléon- 
tologie humaine,  et  où  il  fait  l'éloge  de  la  génétique,  cette  nouvelle 
divinité  du  ciel  de  la  biologie,  laquelle  est  la  vraie  philosophie,  il  aborde 
une  série  de  questions  qui  font  l'objet  d'autant  de  chapitres. 

Le  premier  est  intitulé  :  Analyse  morphologique  :  Des  animaux  à 
l'Homme.  L'origine  des  espèces  est  encore  une  question  extrêmement 
débattue,  malgré  tous  les  travaux  de  Darwin,  de  ses  disciples,  des 
Mendéliens  ou  des  De  Vriesiens.  Pour  M.  Sergi,  cette  origine  est  un 
phénomène  commun  à  toutes  les  formes  organiques,  elle  est  multiple, 
polyphylétique,  elle  remonte  à  l'origine  même  des  organismes.  Dans 
ses  ouvrages  précédents,  il  s'est  attaché  à  montrer  cette  persistance 
polyphylétique  à  travers  les  âges  géologiques,  depuis  les  premiers 
terrains  paléozoïques.  Il  en  cite  aujourd'hui  de  nouveaux  exemples 
empruntés  aux  découvertes  paléontologiques  faites  au  Fayoum.  Ici  les 
Arsinoitherium  les  Mœritherium  les  Palœomastodon,  etc.,  sont  repré- 
sentés par  des  espèces  contemporaines,  parallèles,  c'est-à-dire  des 
rameaux  d'apparitions  simultanées,  de  lignées  dont  l'origine  recule 
dans  le  temps  avec  les  progrès  de  nos  connaisances.  «  Ces  dérivations, 
dans  la  forme  évolutive  polyphylétique,  montrent  que  le  polygénisme 
est  un  processus  naturel  des  origines  polyphyléliques  des  êtres.  » 

Il  en  est  de  même  de  l'Homme,  comme  le  démontrent  les  progrès  de 
la  Paléontologie  humaine.  Les  types  de  Néanderthal,  de  Mauer,  de 
Piltdown  nous  apparaissent  clairement  comme  des  formes  indépen- 
dantes, simultanées,  parallèles,  et  nullement  comme  des  formes  ayant 
pu  dériver  l'une  de  l'autre. 

Il  en  est  de  même  des  types  d'Hommes  actuels.  L'auteur  analyse 


1  °^  MOI  \r\lF.\T    SCIENTIFIQUE. 

longuement  et  comparativement  les  caractères  d'un  certain  nombre  de 
types  dont  il  a  fait,  tout  le  monde  le  sait,  des  genres  et  des  espaces  : 
Samoyèdes  et  Australiens.  Eurafricains  et  Nègres,  Pygmées  d'Afrique 
et  Amlamans,  Boscliimans  el  Ilottentots,  etc.  Ce  sont  là  autant  de 
genres,  ou  d'espèces,  ou  de  variétés,  suivant  les  cas,  qui  ne  sauraient 
dériver  les  uns  des  autres  et  ne  sauraient  donner  naissance  à  de 
nouveaux  types,  mais  qui  sont,  au  contraire,  dans  une  indépendance 
absolue  d'origine  et  de  descendance.  De  là  doit  résulter  un  nouvel 
arrangement,  une  nouvelle  méthode  pour  la  systématique;  aujourd'hui, 
plus  que  jamais,  on  peut  répéter,  avec  Darwin,  que  les  noms  des  espèces 
et  des  variétés  sont  donnés  arbitrairement  et  pour  des  motifs  de 
convention.  Le  darwinisme  est  impuissant  à  expliquer  la  diversité 
des  races  humaines.  «  Une  seule  conclusion,  claire  et  sans  équivoque, 
découle  de  ce  qu'a  dit  Darwin;  c'est  que  l'origine  des  races  humaines 
ne  peut  être  expliquée  par  les  principes  qui  lui  ont  servi  à  fonder  la 
doctrine  de  l'évolution,  et  ceci  est  d'une  gravité  exceptionnelle  pour  la 
théorie  elle-même,  car  l'Homme  est  un  animal  comme  les  autres.  » 

Le  monophylétisme  est  une  absurdité,  autant  pour  l'Homme  que  pour 
les  animaux  ;  le  polygénisme  humain,  que  l'auteur  soutient  depuis  de 
longues  années,  et  qu'il  a  comparé  à  celui  des  autres  Primates,  l'a 
conduit  à  formuler  une  théorie  applicable  à  tous  les  temps  :  celle  de 
l'origine  des  formes  organiques  constituant  des  groupes  qu'il  appelle 
des  lignées  (stirpi)  ;  ces  lignées  sont  composées  de  rameaux,  ou  phylums, 
de  même  type,  mais  ayant  des  caractères  propres  qui  les  distinguent 
les  uns  des  autres.  Tous  les  Primates,  comme  les  autres  animaux,  repré- 
sentenl  des  Jignées,  avec  des  rameaux  plus  ou  moins  nombreux,  diver- 
gents et  convergents  ;  convergents  par  des  caractères  communs  avec  le 
type  dont  ils  représentent  des  rameaux,  divergents  par  les  caractères 
différentiels  de  chaque  rameau.  Ainsi  de  l'Homme,  comme  le  montrent 
les  découvertes  paléontologiques  européennes. 

La  série  des  Primates,  fossiles  ou  actuels,  ne  montre  que  des  formes 
irréductibles  l'une  à  l'autre;  les  zoologistes  en  ont  fait  des  genres  et  des 
espèces.  I)<  même  pour  les  Hominidœ.  Pour  mettre  de  l'ordre  dans  le 
groupe,  la  systématique  a  fait  de  nombreuses  divisions  en  genres, 
espèces  el  variétés;  l'auteur  lui-même  a  tenté,  il  y  a  quelques  années, 
une  telle  classification  ;  mais  cet  arrangement  ne  représente  pas  l'arran- 
gemenl  réel,  et  D'expliqué  pas  les  origines  polyphylétiques.  C'est  ainsi 
que  les  divers  groupes  de  Pygmées  sont  des  rameaux  et  non  des  races 
d'une  espèce  comme  le  Gorille  est  mi  rameau  des  Simiidœ  et  non  une 
race,  comme  le  Cynocéphale  est  un  rameau  et  non  une  race  d'une 
espèce  unique  de  la  famille  des  Cercopithécidés.  ('/est  seulement 
ainsi  que  nous  pouvoir  résoudre  h1  problème  que  les  anthropolo- 
gistes  s'efforcent  de  traiter  en  partant  de  l'hypothèse  sans  fondement. 


Moi  \  nu  \  i     SCIE*  riFIQUE.  io-j 

sorte  de  préjugé  scientifique,  qu'est  le  monogénisme,  ancien  ou  récent. 

Ainsi  m*  termine  le  premier  chapitre  que  j'ai  voulu  résumer  assez 
longuement.  Les  autres  ne  sont  pas  moins  intéressants,  mais  je  dois 
nu-  contenter  de  les  signaler  à  nos  lecteurs.  Le  deuxième  a  trait  aux 
Variations,  et  à  ['Évolution,  C'est  une  dissertation  basée  sur  l'étude  du 
développement  paléontologique  des  Êquidés  et  sur  l'insuffisance  des 
diverses  théories  explicatives  de  l'évolution,  notamment  la  théorie 
récente  de  Kosa. 

Le  troisième  chapitre,  intitulé  :  Paleanlhropologia,  où  sont  exposés 
les  principaux  résultats  de  la  Paléontologie  humaine,  permet  à  l'auteur 
de  formuler  de  nouveaux  arguments  en  faveur  de  l'origine  polypliylé- 
ti<jue  des  Hominiens. 

Les  chapitres  suivants  ont  trait  à  la  théorie  de  Mendel,  à  l'eugénique, 
et  à  l'hérédité  biologique.  Les  principaux  résultats  des  récents  travaux 
de  Galton  et  de  son  école  sont  exposés  et  discutés. 

Dans  le  dernier  chapitre,  l'auteur  revient  sur  une  question  qu'il  a 
traitée  dans  des  ouvrages  antérieurs  :  le  rôle  des  sentiments  dans 
l'activité  humaine,  basé  sur  la  distinction  très  nette  à  établir  dans  les 
phénomènes  psychiques,  d'un  côté  le  domaine  de  l'intelligence,  de 
l'autre,  celui  des  sentiments.  Mais  ici,  nous  sortons  du  cadre  de  cette 
revue,  et  je  ne  peux  que  signaler  cette  partie  du  livre  de  M.  Sergi  à 
ceux  de  nos  lecteurs  qui  s'intéressent  aux  questions  de  psycho-physio- 
logie. Ils  y  trouveront  un  réquisitoire  éloquent  contre  les  barbares  de 
la  Germanie,  dont  la  façon  ignoble  de  conduire  la  guerre  est  une  confir- 
mation des  théories  de  l'auteur. 

Le  livre  se  termine  par  une  liste  des  publications  du  Prof.  G.  Sergi  ; 
elle  témoigne  de  l'importance  du  labeuç  accompli  de  1868  à  191G.  Nous 
exprimons  le  vœu  que  cette  liste  s'allonge  encore  pendant  longtemps. 

M.  Boule. 

Hi.DLickA  (Dr  Aies).  The  most  ancient  skeletal  remains  of  Man.  (Les  plus  anciens  restes 
-•luf'lettiques  de  l'Homme.)  Second  Edition,  Publication  2,300  de  la  Smit'isoniun 
Institution,  Washington,  1916. 

La  première  édition  de  ce  mémoire,  publiée  dans  le  Smithsonian 
Report  pour  iqi3,  a  été  présentée  à  nos  lecteurs  (L'Anthr.,  t.  XXVII, 
j).  i34).  La  seconde  édition,  qui  témoigne  de  l'intérêt  que  le  public 
éclairé  du  monde  entier  prend  aux  découvertes  de  la  Paléontologie 
humaine,  ne  diffère  de  la  première  que  par  l'addition  de  quelques 
phrases  intercalées  çà  et  là.  L'auteur  ne  s'occupe  pas  des  nombreux 
squelettes  de  l'âge  du  Renne,  des  types  de  Gro-Magnon,  Chancclade,  etc. 
Il  considère  probablement,  et  avec  raison,  que  ce  sont  là  de  véritables 
Horno  sapiens,  ne  différant  en  rien  morphologiquement  des  Ilomim  s 
actuels.  M.  B. 


IOS  MOUVEMENT    SCIENTIFIQ1  I 

Bonarelli  (Dr  Guido).  La  mandibula  humana  de  Baùolas.  (La  mandibule  humaine  de 
Baîiolas).  Extr.  de  Physis,  t.  II,  pp.  309- '.06.  Buenos  Aires,  191G. 

L'auteur  rappelle  d'abord  qu'il  a  fait  de  la  mâchoire  de  Mauer  le  type 
d'un  genre  spécial  :  Palœoanthropus,  et  il  donne  un  tableau  de  sa  classi- 
fication des  Hominiens  dont  voici  le  résumé  : 

Famille  des   HOMIMD.E 
Genre  Homo  Linné. 

a.  Sous-genre  Anthropus  (Auct.) 

i"  espèce  :  Homo  (Anthropus)  sapiens  Linné. 

b.  Sous-genre  Protanthropus  Hœckel. 

Forme  hypothétique  :  Homo  (Protanthropus  primœvus) 

Bonar. 
28  espèce  :  H.  Protanthropus  neanderthalensis  King. 
Genre  Eoanthropus  Woodward. 

Eoanthropus  Dawsoni  Woodw. 
Sous-famille  des  Pithecanthropidje. 
Genre  Palaeanthropus  Bonar. 

Pahvanthropus  Heidelbergensis  (Schœt.) 
Genre  Pithecanthropus  Dubois. 

Plthecanthropus  erectus  Dubois. 

Il  reproche  ensuite  à  MM.  Pacheco  et  Obermaier  de  n'avoir  pas  tenu 
compte,  pour  leur  description  de  la  mâchoire  de  Bariolas  (Y.  L'Anthr. 
XXVII,  p.  1^9),  de  la  monographie  de  la  mâchoire  de  Mauer  par  Schœ- 
tensack.  Or.  M.  Bonarelli  veut  démontrer  précisément  :  «  que  la  mandi- 
bule de  Bariolas  est  parfaitement  homotypique  de  celle  de  Mauer  ;  que 
la  mandibule  de  Mauer  n'appartient  pas  au  type  néanderthaloïde,  et 
que,  par  conséquent,  la  mandibule  de  Bariolas  n'appartient  pas  au  type 
néanderthaloïde  ». 

Les  nombreuses  ressemblances  entre  Mauer  et  Bariolas  sautent  aux 
yeux,  notamment  :  i°  l'aspect  général,  très  fort  et  robuste  de  l'os  ;  20  la 
forme  «  hylobatoïde  »,  subcarrée  des  branches  montantes  ;  3°  la  forme 
grossière  du  condyle  pour  avoir  un  col  si  réduit  ;  4°  l'échancrure  syg- 
moïde  très  peu  profonde,  beaucoup  moins  prononcée  que  chez  les  véri- 
tables Néanderthaloïdes.  Cela  ne  veut  pas  dire  qu'il  y  ait  identité  ; 
l'échantillon  espagnol  peut  présenter  un  état  différent  de  l'évolution  du 
type  d'Heidelberg.  Mais  les  différences  ne  dépassent  pas  celles  qu'on 
peut  admettre  pour  une  même  espèce. 

En  réponse  à  la  seconde  question,  l'auteur  déclare  que  l'opinion 
dominante,  exprimée  par  de  nombreux  auteurs,  dont  il  cite  les  noms, 
est  que  le  type  de  Mauer  est  très  différent  du  type  de  Néandèrthal.  Il 
s'agit   non  seulement   de  deux  espèces,   mais  encore  de  deux  genres 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE.  IOQ 

distincts.  Il  suffit  d'examiner  la  figure  donnée  par  Boule  du  crâne  de 
La  Chapelle-aux-Saints,  auquel  a  été  appliquée  la  mâchoire  de  Mauer, 
pour  voir  immédiatement  la  différence  essentielle  qui  s'oppose  à  toute 
identification  des  deux:  fossiles.  L'apophyse  coronoïde  de  Mauer  est  à 
une  telle  distance  du  condyle  articulaire  que,  dans  la  figure  en  question, 
OD  la  uni  passer  au-dessous  du  bord  inférieur  des  molaires  au  lieu  de 
placer  au  centre  de  la  fosse  temporale  comme  cela  devrait  être.  Ceci 
autorise  à  supposer  que  le  crâne  du  Palœanthropus,  comparativement 
à  celui  des  Vanderthaloïdes,  a  dû  avoir  un  zygomatique  beaucoup 
plus  grand,  une  direction  des  orbites  différente,  un  plus  grand  progna- 
thisme, etc.  La  conséquence,  en  réponse  à  la  dernière  question,  est  que 
la  mandibule  de  Bariolas  n'appartient  pas  au  type  néanderthaloïde. 

Je  ne  ferai  suivre  ce  compte-rendu  que  d'une  seule  réflexion  :  les 
photographies  illustrant  le  travail  de  MM.  Pachcco  et  Obermaier  sont 
d'une  qualité  insuffisante,  «  qui  ne  permet  guère  aux  anatomistes 
de  se  faire  une  opinion  par  eux-mêmes  ».  11  sera  donc  très  difficile  à 
ces  derniers  de  prendre  parti  dans  la  controverse  soulevée  par  M.  Bona- 
relli.  Ainsi  se  vérifie  l'opportunité  de  l'observation  que  je  m'étais 
permis  de  faire  sur  ce  point  à  MM.  Pacheco  et  Obermaier.  On  ne 
saurait  apporter  trop  de  soins  à  l'iconographie  des  documents  paléon- 
tologiques. 

M.  B. 

Sergi   (Giuseppo).   Sur    l'Uomo   fossile  dell'  Olmo,  provincia  di   Arezzo.  (Sur  l'Homme 
fossile  de  l'Olmo.)  Kxtrait  de  la  Revista  di  Antropofogia,  vol.  XXI,  1916-ll>17. 

I  fi  demi-siècle  s'est  écoulé  (1867-1917)  depuis  que  le  Professeur 
Gocchi,  de  Florence,  a  introduit  le  crâne  de  l'Olmo  sur  la  scène  scienti- 
fique. Après  avoir  été  fort  discuté,  il  repose  oublié  dans  une  vitrine  du 
musée  de  Florence,  tout  comme  le  crâne  de  Gibraltar  a  été  long- 
temps oublié  dans  un  musée  anglais.  La  résurrection  du  crâne  de 
Gibraltar,  dont  on  a  beaucoup  parlé  dans  ces  derniers  temps,  a  engagé 
M.  Sergi  à  reprendre  la  question  du  crâne  de  l'Olmo. 

II  raconte  de  nouveau  la  découverte  de  cette  pièce  et  résume  les 
observations  de  Cocchi  à  son  sujet.  Inutile  d'insister  sur  des  données 
qui  sont  reproduites  dans  tous  les  manuels.  En  somme,  d'après  Sergi, 
l'authenticité  du  crâne  est  incontestable  et  il  n'est  pas  douteux  qu'il 
soit  d'un  Quaternaire  ancien  et  contemporain  de  YElephas  antiquus 
italien. 

Le  crâne  n'est  pas  celui  d'une  femme  et  ne  représente  pas  le  type 
féminin  du  type  de  Néanderthal,  comme  l'a  supposé  De  Quatrefages. 
11  est  masculin  par  sa  grande  capacité,  l'épaisseur  de  ses  os  et  son 
aspect  général  facile  à  apprécier  par  tout  anthropologiste  expérimenté. 
Sa  longueur  est  de  ^00  millimètres,  sa  largeur  de  i/|5  millimètres,  son 


MO  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

indice  céphalique  de  72.5,  sauf  erreur  qui  ne  saurait  être  que  minime. 
C'est  donc  un  parfait  dolichocéphale.  La  forme  de  sa  norma  verticale 
est  parfaitement  ovoïde,  presque  ellipsoïde;  à  cet  égard  le  crâne  ne 
diffère  en  rien  de  certains  types  modernes. 

Los  pariétaux  et  l'occipital  n'offrent  aucun  trait  spécial,  mais  le 
frontal  mérite  toute  notre  attention.  Le  front  est  vertical,  élevé  et  se 
raccorde  à  la  partie  supérieure  de  la  voûte  par  un  angle  presque  droit  ; 
le  frontal  est  ensuite  déprimé;  les  bosses  frontales  sont  saillantes.  Le 
<rà ne  est  vraiment  platycéphale.  Il  donne  l'impression  d'une  forme  se 
séparant  des  formes  vivantes  et  surtout  des  types  fossiles  de  Néan- 
derthal  et  de  Piltdown.  Et  cette  impression  est  confirmée  par  les 
mesures  de  lignes  et  d'angles  effectuées  et  rapportées  par  l'auteur.  Le 
segment  frontal  du  crâne  apparaît,  d'après  ces  opérations,  comme 
ayant  un  développement  plus  petit  que  chez  l'Homme  actuel,  au  moins 
chez  les  variétés  européennes.  Cette  différence,  dans  laquelle  M.  Sergi 
veut  voir  un  important  caractère,  doit  impliquer  uu  faible  développe- 
ment de  la  masse  cérébrale  antérieure. 

L'analyse  du  crâne  de  l'Olmo  ramène  l'auteur  au  crâne  de  Castene- 
dolo  à  la  haute  antiquité  duquel  il  croit  fermement.  Or  ce  crâne  de 
Castenedolo,  qui  est  féminin  et  plus  petit  que  celui  de  l'Olm®, 
ressemble  tout  à  fait  à  ce  dernier,  au  point  que  les  deux  profils, 
ramenés  à  la  même  échelle,  se  superposent  d'une  manière  aussi  parfaite 
que  possible.  On  peut  dire,  sans  craindre  de  se  tromper,  qu'il  y  a  ici 
unité  de  race  ou  de  variété  humaine. 

Les  documents  de  l'Olmo  et  de  Castenedolo  nous  prouvent  l'ancienne 
existence  d'un  phylum  humain,  de  type  supérieur  et  qui  ne  saurait 
provenir  des  formes  inférieures  fossiles  déjà  découvertes  dans  l'Europe 
centrale  et  occidentale,  puisqu'il  est  ici  de  plus  haute  antiquité. 
L'Europe,  pendant  le  Pliocène  supérieur  et  le  Quaternaire,  était  donc 
habitée  par  des  hommes  se  rattachant  à  de  nombreux  rameaux,  par 
une  famille  humaine  nombreuse,  composée  de  genres  et  d'espèces 
variées,  comme  les  Singes  d'aujourd'hui,  inférieurs  ou  supérieurs. 
De\;mt  une  si  parfaite  concordance  des  faits,  tout  préjugé  scientifique 
devrait  se  dissiper.  La  théorie  polyphylétique  de  l'auteur,  qu'il  s'agisse 
de  L'Homme  ou  des  animaux,  est  complètement  d'accord  avec  les  faits 
s;nis  s'opposer  à  la  théorie  de  l'évolution. 

Je  suis,  en  principe,  parfaitement  d'accord  avec  M.  Sergi.  Je  voudrais 
seulement  avoir  plus  de  certitudes  scientifiques  au  sujet  de  l'âge  du 
crâne  de  l'Olmo  et  surtout  au  sujet  des  squelettes  de  Castenedolo. 

M.  H. 


MOI  \  I  min  i    m  u\  riFIQUE.  «  i  i 

w  umi.hk  (in.  Entskhung  und  Verlauf  der  phylogenetischen  umformung  der  Menschli- 
chen  Kiefer  seit  dem  Tertiar,  und  ihre  Bedeutung  fur  die  Pathologie  der  Ziihne. (Trans- 
formation phylogénétique  de  la   mâchoire  humaine  depuis   l'époque  tertiaire,  et  sa 
goiâcation  pour  la  pathologie   dentaire.)   1    broch.  in-8°,  de  30  pa£C8i  avec  7  li-- 
rirage  à  part  de  la  Deutsche  Monatschrifi  fur  Zaknekilkunde,  19U.  Berlin. 

M.  W.  a  montré,  dans  de  précédents  travaux,  que  les  malformations 
de  L'émail  dentaire  se  rencontrent  aussi  bien  chez  les  Singes  anthropoïdes 
<[iic  chez   les   Hommes  civilisés  ou  sauvages.  Elles  ne  sont  pas  à  elles 
seules  mie  cause  de  carie.  Ce  qui  cause  cette  dernière  affection,  c'est  la 
présence  d'interstices  d'où  les  débris  d'aliments  sont  difficiles  à  extraire, 
et  se  décomposent  en  attaquant  l'émail.  Par  suite  de  la  réduction  de  la 
Longueur  de  la   mâchoire,    les   dents   sont  serrées   les   unes  contre  les 
autres,  les  surfaces  de  contact  entre  elles  sont  plus  étendues,  et  il  se 
forme  des  angles  très  aigus  où  les  fragments  de  nourriture  se  main- 
tiennent. Un  diagramme  très  clair  montre  les  rapports  de  la  mâchoire 
de  Heidclbcrg,  d'une  mâchoire  de  Nègre  et  d'une  mâchoire  d'Européen  : 
dans  cette  dernière  l'espace  disponible  pour  les  dents  est  très  diminué 
et  il  en  résulte  divers  inconvénients,  notamment  en  ce  qui  concerne  la 
croissance  des  dents.  Autre  conséquence:  la  mâchoire  humaine  de  pro- 
gnathe est  devenue  orthognathe  et  le  menton  s'est  formé.   Il  en   est 
advenu  que  les  incisives  et  canines,  qui,  dans  les  mâchoires  paléoli- 
thiques, sont  inclinées  en  avant,  ont  pris  une  position  verticale  ;  de  plus 
leurs  racines  se  sont  recourbées,  déviées  qu'elles  étaient  de  leur  direction 
primitive.    [C'aurait  été  là  une  bonne  occasion   de  nous  dire  comment 
elle-  sont  chez  le  fœtus  humain.]  Il  est  à  noter  que  les  racines  sont  déjà 
courbes  dans  les  mâchoires  de  Heidelberg  et  de  Spy,  qui  constituent 
donc  des  points  de  transition  vers  un  état  de  prognathisme  encore  plus 
marqué,  et  très  voisin  des  Singes  anthropomorphes.  On  a  remarqué  que 
chez  ceux-ci  le  prognathisme  va  en  s'atténuant  avec  l'âge  et  que  les 
dents  antérieures  finissent  par  être  verticales.  La  cavité  pulpaire  est  très 
grande,  caractère  que  l'on  retrouve  dans  les  mâchoires  paléolithiques 
et  qui   rendait   nécessaire   l'existence   de  côtes  de  renforcement.    Ces 
mâchoires  sont  donc  un  type  de  transition  entre  les  Anthropomorphes 
et  les  Hommes  actuels. 

On  est  ainsi  amené  à  se  demander  quelle  cause  a  pu  provoquer  une 
aussi  profonde  modification  à  la  structure  de  l'Homme.  M.  W.  n'hésite 
pat  à  répondre  :  c'est  que  l'Homme  paléolithique  savait  employer  le  fen  ; 
il  cuisait  ses  aliments  et,  par  conséquent,  avait  à  demander  un  bien 
moindre  effort  à  ses  mâchoires  qui  commencèrent  dès  lors  à  diminuer 
de  volume.  De  plus  il  avait  inventé  des  instruments  tranchants  qui 
épargnèrent  aux  dents  de  devant  la  peine  de  couper  et  d'arracher  les 
morceaux  d'aliments.  Les  mâchoires  ne  lui  servaient  pas  non  plus 
imme  armes,  puisqu'il  -axait  s'en  fabriquer;  elles  commencèrent  à  se 


112  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

réduire,  puis  ce  fut  le  tour  des  dents  qui  changèrent  de  forme  et  de 
taille,  et  c'est  ainsi  que  se  créa  la  mâchoire  paléolithique.  M.  W.  fait 
remarquer  avec  justesse  que  le  fonctionnement  des  incisives  devint 
tout  différent:  dans  les  types  de  mâchoires  prognathes  leurs  extrémités 
se  rencontrent  comme  celles  dune  pince;  dans  les  mâchoires  ortho- 
gnathes  actuelles  les  incisives  supérieures  glissent  sur  les  inférieures 
comme  les  lames  d'une  paire  de  ciseaux.  Les  dents  étant  obligées  de 
percer  dans  un  espace  plus  resserré,  il  en  résulta  un  tassement  très 
serré,  une  grande  gône  pour  la  croissance  de  la  dent  de  sagesse  et  une 
tendance  à  la  carie.  [Il  serait  bon  de  savoir  quel  rôle  jouent  ici  les 
malformations  de  l'émail.]  La  conclusion  de  l'autour  est  que  si  nous 
revenions  aune  alimentation  exigeant  plus  d'efforts,  nous  retrouverions 
la  mâchoire  puissante  de  nos  lointains  ancêtres,  mais  il  ne  nous  dit  pas 
si  la  carie  dentaire  disparaîtrait.  Est-ce  que  les  progrès  de  l'hygiène  et 
de  l'alimentation  n'atteindraient  pas  ce  but  sans  qu'il  soit  nécessaire  de 
faire  ce  retour  en  arrière  dont  les  résultats  sont  pour  le  moins  aléatoires? 

F.  de  Zeltner. 

Gilffrid.v-Huggeri.  Quatro  crani  preistorici  dell'  Italia  méridionale  e  l'origine  dei 
Mediterranei.  (Quatre  crânes  préhistoriques  de  l'Italie  méridionale  et  l'orijrine  des 
Méditerranéens.)  Extr.  des  Archivio  per  VAnthropo'.  e  la  Etnoloqia,  vol.  \LV, 
pp.  292-315.  Florence,  191G. 

L'un  de  ces  crânes  provient  de  la  grotte  Romanelli  (Terre  d'Otrante). 
C'est  celui  du  squelette  complet  trouvé  par  M.  Stasi  à  im,ao  de  profon- 
deur (Voy.  L'An/hrop.,  t.  XVI,  p.  3a6).  Le  second  a  été  extrait  d'une 
sépulture  néolithique  de  Yiligliano.  Les  deux  derniers  proviennent, 
l'un  d'Aspino  l'autre  de  Fucino.  Leur  âge  est  incertain,  l'auteur  les 
traite  simplement  de  préhistoriques. 

M.  Giuffrida-Ruggeri  donne  les  caractères  descriptifs  et  les  mensu- 
rations de  chacune  de  ces  pièces  ostéologiques.  Le  crâne  de  Roma- 
nelli est  mésaticéphale  et  leptorhinien  ;  celui  de  Vitigliano  est 
brachycéphale  et  mésorhinien  ;  celui  d'Arpino,  dolichocéphale  et  lepto- 
rhinien :  celui  de  Fùcino-  (réduit  à  sa  calotte)  est  dolichocéphale. 
Leur  unique  caractère  commun  —  en  dehors  de  l'orthognathisme  —  est 
d'avoir  des  orbites  hautes;  ils  sont  hypsiconq lies,  ce  qui  les  dislingue 
du  type  de  Cro-Magnon.  Le  crâne  de  Romanelli,  notamment,  en  est  très 
différent.  11  ne  ressemble  pas  davantage  au  crâne  de  Combe-Capelle, 
qui  est  dolichocéphale,  prognathe,  platyrhinien.  Celui-ci  ne  saurait  être 
considéré  comme  prolo-Caucasique,  mais  comme  proto-Éthiopien  ;  ses 
affinités  étaient  plutôt  avec  les  t\|><'s  équatoriaux  qu'avec  les  types 
nordiques.  Romanelli,  au  contraire,  a  tous  les  caractères  des  Cauca- 
siques  ou  leucodermes,  c'est-à-dire  de  Y  Homo  indo-europœus,  sans  qu'il 
>oii   facile  de  le  rapprocher  à  telle  on  telle  variété  de  ce  groupe.   Il 


MOIYFMENT    SCIENTIFIQUE.  Il3 

semble   se    rapporter   surtout    des   bracky-hypsicéphales  de  l'Europe 

orientale,  dont  les  Balkaniques  sont  les  plus  voisins. 

Les  trois  autres  crânes  appartiennent  à  une  variété  bien  différente  de 

Y  Homo  indo-europœus .  Celui  de  Vitigliano  indique  la  variété  brachy- 
morphus  alpinus.  Ceux  d'Arpino  et  de  Fucino  présentent  la  forme  de  la 
variété  doii'chomorphus  mediterraneus.  Le  crâne  de  Fucino,  dolicho- 
acrocéphale,  est  voisin  de  celui  de  Galley-Hill,  dont  il,  n'a  pourtant  pas 
l'excessive  longueur. 

Quelle  est  l'origine  de  ces  divers  types  ?  En  dehors  des  Négroïdes  de 
Grimaldi,  le  Paléolithique  européen  récent  nous  montre,  d'un  côté,  le 
type  de  l' Homo  Aurlgnacensls  avec,  peut-être,  Galley-Hill,  Brunn,  Brux 
et  quelques  autres  hypsisténocéphales.  [L'auteur  combat  l'opinion  de 
Keith  qui  veut  réunir  Brunn  et  les  Négroïdes  de  Grimaldi  aux  Cro- 
Magnon],  On  peut  donc  reconnaître  deux  races  bien  distinctes  :  l'une,  de 
haute  stature,  l'autre  (Combe-Capellc,  Galley  Hill),  de  petite  taille; 
l'une  platycéphale,  leptorhinienne,  chamœsoprope,  orthognathe, 
l'autre  hypsicéphale,  platyrhinienne,  médio-dolichoprosope,  ressem- 
blant au  type  éthiopique.  Mais  quand  nous  passons  au  Néolithique,  ces 
types  extrêmes  deviennent  plus  rares  et  d'autres  types  apparaissent. 
Comment  ont-ils  pris  naissance  ? 

On  peut  faire  diverses  hypothèses  :  une  évolution  par  mutation  du 
type  de  Cro-Magnon  ou  bien  du  type  de  Galley-Hill  ;  ou  bien  l'arrivée 
de  nouvelles  populations  ;  ou  bien  encore  la  production  de  croisements. 
L'auteur  adopte  cette  dernière  explication  pour  ce  qui  est  des  crânes 
d'Arpino  et  de  Fucino  de  la  variété  dolichomorphus  mediterraneus. 
Celle-ci   a    dû   naître   par   croisement    d'un    type   équatorial,    comme 

Y  H.  Aurlgnacensls  de  Combe-Capelle  (ou  //.  fossllis  proto-xlhloplcus), 
avec  un  type  nordique,  comparable  aux  Cro-Magnon  et  qu'on  peut 
appeler  //.  fossllis  proto-europœus. 

Pour  Romanelli  et  Vitigliano,  la  plus  grande  probabilité  est  en  faveur 
d'immigrations.  Les  éléments  dolicho-mésaticéphalesse  trouvent  concen- 
tras dans  la  Méditerranée  occidentale  et  les  éléments  brachycéphales 
dans  les  régions  alpines,  parce  que  le  fonds  méditerranéen  préexistant 
'■lait  fortement  dolichocéphale,  tandis  que  les  régions  alpines,  d'abord 
inhabitées,  se  sont  colonisées  peux  à  peu.  La  brachycéphalie  a  dû 
s'y  accentuer  à  la  suite  de  circonstances  favorables  dues  au  milieu 
alpestre. 

D'après  la  classification  de  l'auteur,  les  brachycéphales  à  faciès  euro- 
péen, les  dolicho-mésaticéphales  méditerranéens  et  les  Cro-Magnon 
représentent  autant  de  variétés  de  l'espèce  leucoderme,  tandis  que  les 
Galley-hilloïdes,  Combe-Capelle  et  les  Négroïdes  de  Grimaldi  ont  une 
origine  équatoriale.  Ces  derniers  onfe  pu  passer  en  Europe  pendant 
cette  phase  relativement  chaude  qui  a  précédé  le  Solutréo-Magdalénien, 
l'anthropolooi».  —  t.  xxix.  —  1918.  8 


Il4  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

environ  20.000  ans  av.  J.-C,  c'est-à-dire   pendant  l'Aurignacicn.    Les 
crânes  étudiés,  même  celui  de  Romanclli,  sont  d'ailleurs  plus  récents. 

M.  Cnuffrida-Ruggeri,  en  terminant,  ne  dissimule  pas  ce  que  ses  vues 
présentent  de  purement  hypothétique.  La  théorie  des  croisements  est 
une  théorie  facile  dont  il  ne  faut  pas  abuser.  Son  emploi  paraît  pour- 
tant permis  à  l'auteur  dans  les  circonstances  présentes.  Il  peut  se  jus- 
tifier par  les  enquêtes  récentes  sur  le  Mendélisme. 

A  mon  avis,  le  point  faible  de  l'argumentation  de  notre  savant 
confrère  italien  est  l'absence  de  toute  chronologie  certaine  pour  les 
matériaux  qu'il  a  étudiés.  Je  ne  cesserai  de  le  répéter  :  en  paléontologie 
humaine,  comme  en  paléontologie  animale,  la  notion  d'Age  est  capitale. 
En  dehors  d'elle,  les  études  les  plus  méritoires  ou  les  plus  ingénieuses 
ne  peuvent  aboutir  à  aucun  résultat  précis  au  point  de  vue  généalo- 
gique. C'est  de  toute  évidence.  Les  considérations  présentées  par 
M.  GiufTrida-Ruggeri,  cela  va  sans  dire,  ne  sont  pas  moins  du  plus 
grand  intérêt. 

M.  Boule. 

Blayac  (J.).  Contribution  à  l'étude  du  sol   des   Landes   de  Gascogne  (Annales  de  Géo- 
graphie, t.  XXV,   1916,  pp.  23-46,  avec  une  pi). 

Cet  article  est  un  des  plus  nets  et  des  plus  clairs  qui  aient  été  écrits 
sur  les  terrains  superficiels  des  Landes  de  Gascogne.  Il  est  de  nature 
essentiellement  géologique  et  je  ne  saurais,  par  suite,  donner  ici  le 
résumé  de  toutes  ses  parties.  Mais  je  dois  reproduire  quelques  conclu- 
sions de  nature  à  intéresser  les  préhistoriens  qui  font  des  recherches 
dans  cette  région. 

Le  principal  mérite  de  M.  Blayac  est,  à  mon  avis,  d'avoir  défini  le 
sable  des  Landes  d'une  façon  plus  précise  que  ses  devanciers.  11  a  su 
voir  que  la  formation  désignée  sous  ce  nom  représente  un  complexe 
comprenant  au  moins  deux  dépôts  fort  différents:  i°  un  sable  fin, 
siliceux,  à  grains  de  quartz,  vraisemblablement  éolien,  provenant 
sans  doute  des  dunes  du  littoral  et  qui  est  le  vrai  sable  des  Landes  ; 
20  des  alluvions  lluviatiles,  déposées  par  la  Garonne  et  par  l'Adour  et 
appartenant  aux  diverses  terrasses  du  fleuve,  si  nettes  dans  le  bassin 
moyen  et  supérieur  de  celui-ci  (environs  de  Toulouse)  et  que  M.  Blayac 
a  eu  le  mérite  de  retrouver  et  de  poursuivre  sur  de  nombreux  points  du 
bassin  inférieur  des  deux  cours  d'eau. 

Les  sables  des  Landes,  éoliens,  entièrement  dépourvus  de  graviers, 
sont  partout,  dans  la  plaine  landaise,  nettement  superposés  aux  dépôts 
alluvionnaires. 

La  présence,  révélée  par  MM.  Harlé  el  Dubalen,  de  restes  d'Elephas 
primigenius  el  de  Rhinocéros  tichorhinas  sous  3  métrés  de  sables,  à 
Magesq,  à  quelques  kilomètres  du  Littoral,  dans   la   basse  terrasse  de 


NtOrVEMF.NT    SCIËNtlflQUÊ.  Il5 

l"  Vdour  :  la  trouvaille  de  quelques  sil<^x  taillés  paléolithiques,  dans  des 

conditions  analogues   de  gisement,   prouvent  que   la  formation    des 

sables  des   Landes   est   postérieure  à  l'édification  de  la   terrasse  allu- 

viale  inférieure,   dont  M.  Boule  a  montré,  dans  la  Haute-Garonne,  la 

liaison  et   la   contemporanéité  avec   les   appareils'  morainiques  de  la 

dernière  grande  période  glaciaire.  Comme,  d'autre  part,  les  dunes  de 

Gurp,  près  de  Soulac,  supportent  des  ateliers  ou  stations  oéolithiques, 

l'âge  du  sable  des  Landes,  considéré  longtemps  et  sans  aucune  raison 

ieuse  comme  pliocène,  se  trouve  précisé  d'une  manière  fort  satisfai- 

sante.  Il  est  do  beaucoup  rajeuni,  puisqu'il  correspond  exactement  au 

Pléistocène  supérieur. 

M.  B. 

Hat  (Oliver  P.).  Contributions  to  the  knowledge  ofj  the  Mammals  of  the  Pleistocene  of 
North  American  (Contribution  à  la  connaissance  des  Mammifères  du  Pléistocène 
nord-américain.)  Proceedings  of  U.  S.  National  Muséum,  vol.  X.LVIII,  p.  515-575, 
avec  7  planches,  1915. 

mémoire  comprend  d'abord  la  description  de  plusieurs  espèces 
nouvelles  de  Mammifères  fossiles  pléistocènes  ;  un  Bison  (Bison  sylves- 
tris),  un  Bœuf-musqué  (Boôtherium  nivicoleiu),  deux  chevaux  (Equus 
ffatcheri  et  E.  Ftancisci).  Nous  n'avons  qu'à  enregistrer  ces  nouvelles 
dénominations,  tout  en  regrettant  une  fois  de  plus  la  tendance  fâcheuse 
à  une  pulvérisation  inutile  des  espèces  dont  témoignent  souvent  des 
travaux  de  ce  genre. 

Mais  il  comprend  en  outre  une  longue  discussion  sur  la  «  significa- 
tion »  ou  la  valeur  des  mensurations  pour  la  distinction  spécifique  des 
Chevaux.  Ceci  est  d'une  portée  plus  générale  et  mérite  de  nous  arrêter 
un  instant,  car  peu  d'animaux  quaternaires  ont  laissé  autant  de  débris 
de  Leur  squelette  que  les  Chevaux,  peu  ont  été  aussi  étudiés  et,  malgré 
cela,  leur  connaissance  exacte,  précise,  laisse  encore  beaucoup  à  désirer. 

L'auteur  a  pris  de  nombreuses  mesures  sur  des  crânes  de  divers 
Equidés  :  du  Cheval  de  Przevalsky,  de  quelques  Chevaux  fossiles,  de 
nombreux  Chevaux  domestiques,  de  trois  espèces  de  Zèbres,  de  l'Ane 
domestique,  de  l'Hémione  et  du  Riang.  Il  s'est  servi  de  mensurations 
publiées  par  d'autres  auteurs.  Il  a  calculé  certains  indices  employés  en 
niométrie  équine.  Il  a  essayé  de  se  rendre  compte  de  l'étendue  des 
variations  présentées  par  les  espèces  sauvages  el  les  races  pures.de 
préciser  la  valeur  de  quelques  mensurations  et  indices  employés  dans 
L'étude  des  chevaux  domestiques.  Enfin  il  a  essayé  de  «  jeter  quelque 
Lumière  sur  Les  éléments  qui  ont  contribué  à  la  formation  de  cet  assem- 
blage  de  Chevaux  qui  porte  le  nom  d'Iùjaus  caballus  ». 

M.  IIa\  déclare  d'abord  que  les  espèces  américaines  d'Equus  sont  très 

jines  de  celles  de  l'Ancien  Monde  et  que  l'étude  des  unes  ne  saurait 
se  faire  sans   L'étude  des  autres.  En   Europe,  les  Chevaux  quaternaires 


I  iG  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

ressemblent  beaucoup  aux  races  actuelles  mais  l'origine  de  celles-ci  est 
encore  discutée.  Leur  classification  et  leur  nomenclature  sont  d'ailleurs 
mal  fixées.  L'auteur  rappelle  les  travaux  faits  sur  ce  sujet  par  Fitzinger, 
Sanson,  .\ehring,  Ewart,  Slejniger,  Duerst,  etc.  Il  s'arrête  surtout  aux 
idées  d'Ewart  en  observant  qu'en  réalité  personne  ne  sait  exactement 
comment  les  tçois  types  indiqués  :  Chevaux  des  forêts,  des  sleppes  et  des 
plateaux,  diffèrent  les  uns  des  autres. 

Suivent  les  nombreux  tableaux  de  mensurations  relatifs  aux  diffé- 
rentes espèces,  avec  des  commentaires  sur  les  taux  des  variations  indi- 
viduelles pour  chaque  mesure  ou  chaque  indice.  Je  traduis  littéralement 
les  conclusions  de  l'auteur  : 

i.  Les  mensurations  et  les  indices  sont  de  grande  valeur  pour  la  dis- 
tinction de  certaines  espèces  de  Chevaux. 

Le  crâne  de  l'Ane  domestique  peut,  dans  la  grande  majorité  des  cas, 
être  distingué  de  celui  des  autres  Equidés.  Le  Zèbre  de  Grévy  possède 
des  caractères  craniomé triques  qui  le  séparent  décidément  des  autres 
Chevaux  etdesZèbres.  L'étude  des  mensurations  et  des  indices  montre  que 
deux  espèces  sont  mélangées  en  diverses  proportions  dans  les  différentes 
races  de  Chevaux  domestiques. 

2.  Toutes  les  espèces  ne  peuvent  pas  être  distinguées  par  les  méthodes 
craniométriques.  Il  est  raisonnable  de  supposer  que  deux  ou  un  plus 
grand  nombre  d'espèces  peuvent  avoir  des  crânes  et  des  squelettes  de 
mêmes  dimensions  ou  de  mêmes  proportions,  tout  en  différant  grande- 
ment par  leurs  caractères  externes  ou  par  les  détails  de  structure  de  leurs 
dents. 

S.  Dans  le  cas  où  l'on  ne  dispose  que  d'un,  seul  crâne  de  plusieurs 
espèces,  comme  c'est  le  cas  pour  la  plupart  des  Chevaux  fossiles,  les 
mensurations  et  les  indices  doivent  être  utilisés  avec  circonspection. 

Les  mesures  prises  sur  un  crâne  peuvent  différer  considérablement 
des  mesures  prises  sur  un  autre  crâne  de  même  espèce,  car  on  peut 
être  tombé  sur  des  variations  extrêmes.  11  faut  être  encore  plus  réservé 
quand  on  ne  possède  qu'une  mesure  ou  qu'un  indice.  Pour  conclure, 
il  faut  faire  appel  à  l'ensemble  des  caractères. 

4.  Il  est  difficile  de  dire  quels  sont  les  indices  et  mesures  les  plus 
importants.  La  longueur  basilaire,  la  longueur  crânienne,  la  longueur 
faciale,  la  largeur  à  l'arrière  des  orbites  et  les  indices  corrélatifs  doivent 
venir  <n  premier  Lieu.  Dans  certains  cas,  tel  indice  peut  avoir  une  valeur 
particulière;  dans  d'autres  cas,  un  autre  indice  peut  être  décisif. 

5.  La  valeur  d'autres  données,  telles  que  L'angle  de  l'axe  du  crâne  et 
de  l'axe  de  la  face,  l'indice  de  Longueur  de  la  série  dentaire  et  de  la 
longueur  basilaire,  L'indice  de  longueur  du  protocone  à  la  Longueur  de 
la  dent,  doit  être  expérimentée  sur  Le  Cheval  de  Przevalsky,  les  Zèbres, 
Jllémione,  le  Kiang  et  les  Anes  domestiques. 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE.  I  I  7 

Od  voit  que  M.  Ha\  n'apporte  en  somme  rien  de  bien  nouveau  ou 
de  liés  précis.  Je  dois  revenir  en  quelques  mois  sur  ses  idées  relativesà 
l'origine  de  nos  Chevaux. 

L'étude  ostéométiique  des  diverses  races  montre  ici  des  variations 
plus  considérables  que  l'étude  des  races  sauvages.  Gela  peut  s'expliquer 
par  la  domestication,  mais  comme  on  observe  les  mêmes  différences 
sur  les  Chevaux  pléistocènes,  ou  a  supposé  que  ces  derniers  devaient 
représenter  un  certain  nombre  de  races  ou  de  sous-espèces  d'Equus  cabal- 
lus.  L'auteur  croit  pouvoir  reconnaître  et  définir  au  moins  deux  de  ces 
tonnes  ancestrales.  L'une  serait  représentée  actuellement  par  les  grands 
Chevaux  à  face  étroite;  l'autre  par  les  petits  Chevaux  à  large  face  (Poney 
celtique  d'Ewart,  Chevaux  des  fjords  de  Norvège). 

Le  Cheval  de  Przevalsky,  quoi  qu'on  en  ait  dit,  n'aurait  rien  à  voir 
dans  cette  question  :  i°  parce  que  la  présence  de  cette  espèce  en  Europe 
(pendant  le  Pléistocène)  n'a  pas  été  prouvée;  parce  qu'il  faudrait  alors 
admettre  l'existence  simultanée  de  trois  espèces  de  chevaux  pouvant  se 
croiser  librement.  Lecroisementestdifficile  à  admettre  pourdeux  espèces; 
il  est  impossible  pour  trois  espèces. 

3.  On  ne  relrouve,  sur  aucune  race  domestique,  certains  caractères  si 
spéciaux  du  Cheval  de  Przevalsky  de  la  crinière  dressée  et  de  la  queue. 

M.  Hay  ne  partage  pas  certaines  vues  publiées  en  191 1  par  W.  Soergel, 
et  d'après  lesquelles  la  longueur  totale  des  prémolaires  est  relativement 
plus  grande  à  la  mâchoire  inférieure  des  formes  anciennes  de  Chevaux 
que  des  formes  récentes. 

Le  travail  se  termine  par  une  étude  ostéométiique  des-  principales 
pièces  d'un  squelette  de  Cheval  fossile  américain,  YEquus  laurentius  et 
de  quelques  autres  ossements  du  même  genre.  Cette  étude  permet  à 
l'auteur  d'affirmer  l'existence,  dans  le  Nebraska,  pendant  le  vieux 
Pléistocène,  d'au  moins  trois  espèces  de  Chevaux,  ce  qui  est  conforme  à 

-  études  craniom étriqués.  Il  émet  l'espoir  qu'un  jour  viendra  où  les 
os  des  membres  seront  trouvés  associés  avec  les  crânes  correspondants, 

M.  B. 

Wkbvbrt  (Paul).  Representaciones  de  antepasados  en  el  arte  paleolitico  (Représentations 
d'ancêtres  dans  l'art  paléolithique.)  Comisiôn  de  lnvestigaciones  paleontologicas  y 
prehistoricas,  Memoria  n°  12,  62  pages,  42  figures,  Madrid,  1916. 

Ce  travail  est  un  essai  d'interprétation,  à  la  lumière  des  faits  ethno- 
graphiques actuels,  d'un  certain  nombre  de  découvertes  artistiques 
paléolithiques,  fondée  sur  cette  loi  «  que  dans  des  circonstances  ana- 
ues  el  guidés  par  un  instinct  commun,  les  primitifs  de  tous  les  âges 
se  conduisent  d'une  manière  semblable  et  confectionnent  des  objets  de 
for  nie  identique  ». 

principe   émis,  M.   Wernert   cherche  à  interpréter  divers   docu- 


Il8  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

monts  artistiques,  de  style  schématique,  provenant  du  gisement  magda- 
lénien des  Espélugues  à  Lourdes  et  d'autres  grottes  pyrénéennes;  ce  sont 
des  baguettes  à  décoration  ocellée  et  spiraléedont  j'ai  essayé  de  démon- 
trer l'origine  à  partir  dé  l'œil  et  de  la  corne  de  Bison  ornemanisés. 
L'extrémité  supérieure  de  la  baguette  de  Lourdes  a  paru  à  M.  Sollas 
pouvoir  être  interprété  comme  une  tête  humaine  conventionnelle; 
M.  W.  étend  l'interprétation  anthropomorphique  à  l'ensemble  de  la 
décoration,  et  y  voit  la  représentation  d'un  «  ancêtre  »  en  renforçant  son 
hypothèse  par  la  comparaison  et  l'identification  de  l'amulette  ornée  de 
cercles  ocellés  de  Saint-Marcel  (Indre)  avec  les  bull-roarers  australiens, 
figurant  des  ancêtres,  d'après  A.  B.  Cook. 

M.  W.  passe  ensuite  aux  galets  coloriés  aziliens  et  magdaléniens  et 
aux  peintures  humaines  schématiques  des  roches  espagnoles  ;  il  men- 
tionne l'identification  incontestable,  due  à  Obermaier,de  certains  signes 
du  Mas  d'Azil  avec  les  schémas  humains  de  ces  roches.  Etant  donnée  la 
comparaison  plausible  faite  par  Cook  des  galets  coloriés  avec  les  «  chu- 
ringas  »  australiens  représentant  aussi  des  ancêtres,  M.  W.  recherche 
si,  sur  ces  derniers  objets,  il  existe  des  représentations  humaines  sché- 
matiques reconnaissables  ;  utilisant  les  matériaux  du  musée  de  Vienne 
reproduits  dans  l'édition  espagnole  des  «  Races  humaines  »  de  Ralzel, 
il  y  reconnaît  incontestablement  des  figures  humaines  interprétées  avec 
des  cercles  concentriques  comme  tête  et  bassin,  et  des  arceaux  figurant 
des  bras  et  des  jambes  ansées;  l'un  d'eux  présente  même  les  ornements 
de  genou  si  communs  chez  les  primitifs.  Cette  explication  ingénieuse 
et  très  plausible  a  été  suggérée  à  l'auteur  par  la  comparaison  avec 
d'autres  «  cliui  ingas-bull-roarers  »  à  figurations  humaines  semi-natu- 
ralistes, et  aussi  par  l'explication  anthropomorphique  très  solide  de  la 
gravure  sur  défense  de  mammouth  de  Predmost,  donnée  par  M.  Ober- 
maier. 

M.  W.  développe  ensuite  le  parallèle  entre  les  signes  de  galets  peints 
et  les  schémas  humains  des  roches  et  ceux  des  churingas  d'Australie  et 
de  Patagonie;  il  conclut  qu'aussi  bien  dans  les  churingas  actuels  que 
dans  les  galets  peints  préhistoriques,  il  y  a  deux  groupes,  l'un  de 
figures  humaines  stylisées,  l'autre  de  signes  symboliques,  biomor- 
phiques  ou  géométriques  ;  de  sorte  que  tandis  que  certains  groupes 
humains  considéraient  comme  ancêtres  certains  animaux  ou  plantes, 
d'autres  reconnaissaient  comme  tels  des  êtres  humains. 

S'appliquant  ensuite  aux  roches  peintes  schématiques,  dont  l'âge 
s'étend  de  L'Azilio-Tardenoisien  à  l'époque  des  métaux,  et  insistant  sur 
le  fait  qu'on  y  trouve  souvent  peintes  des  figures  humaines  identiques 
aux  statuettes  funéraires d'Almeria  et  du  Portugal  et  aux  figures  sépul- 
crales des  dolmens,  l'auteur  en  vient  à  l'idée,  très  intéressante  et  plau- 
sible, que  les  artistes  préhistoriques  ont  voulu  figurer  des  morts,  et  que 


\im  \  i:\ii:\  r    SGIE!S  riFIQUE.  i  i  [) 

peintures  rupestres  avaient  une  relation  avec  le  culte  dos  Mânes. 

Kilos  pouvaient,  comme  certaines  roches  d'Océanie,  rire  considérées 
comme  Le  lieu  de  résidence  des  esprits  et  spécialement  de  celui  des 
morts.  C'était  l'équivalent  du  lieu  où,  chez  les  Australiens,  on  conserve 
les      churingas  »  dos  ancêtres. 

Dans  un  autre  chapitre,  l'auteur  étudie  les  «  talismans  Korwar  »  en 
usage  chez  certains  Papuas  de  la  Nouvelle-Guinée  hollandaise.  Us  ont 
comme  point  de  départ  que  le  crâne  sert  de  domicile  à  l'esprit  du 
défunt,  et  (pie  sa  conservation  honorable  est  le  moyen  de  s'en  assurer  la 
protection  bienfaisante.  On  retrouve  la  même  idée  aux  Philippines,  en 
Afrique  et  dans  toute  l'Amérique.  Les  «  Korwar))  sont  des  statuettes 
destinées  à  supporter  ou  à  enfermer  le  crâne  d'un  ancêtre;  le  corps,  très 
réduit,  est  représenté  accroupi.  Moyennant  certains  rites,  on  parvient  à 
y  enfermer  son  esprit,  avec  lequel  on  entre  en  relations  dans  certaines 
conditions  par  des  cérémonies  et  des  offrandes.  On  les  châtie  et  les 
abandonne  s'ils  ne  correspondent  pas  à  ces  bons  procédés;  ils  ne  servent 
d'ailleurs  qu'une  génération,  et  les  petits-fils  sont  obligés  d'en  confec- 
tionner de  nouveaux  pour  leur  père  défunt.  Le  Korwar-amulette  est 
une  reproduction  réduite,  faite  sur  une  baguette,  ou  sur  un  manche  de 
javelot  de  l'image  du  vrai  «  Korwar  »  porte-crâne.  Les  Papous  portent 
encore  quelques-unes  de  ces  amulettes.  La  figure  humaine  accroupie 
atteint  dans  ces  objets  une  extrême  ornemanisation,  qui  la  rend  diffi- 
cile à  reconnaître  au  premier  abord  et  qui  arrive  à  ressembler  aux 
décorations  spiralées  de  la  baguette  sculptée  de  Lourdes,  dont  M.  W. 
cherche  à  expliquer  les  détails  par  analogie.  11  insiste  sur  la  figuration 
du  détail  de  la  jarretière  dans  les  figures  paléolithiques  et  sur  les  «  Kor- 
war »  amulettes  ou  non,  et  sur  l'existence  de  masques  aussi  bien  chez 
les  sauvages  que  chez  les  Paléolithiques,  et  sur  les  indications  sur  le 
culte  des  crânes  chez  ces  derniers.  —  En  effet  les  trouvailles  de  crânes 
isolés  dans  les  gisements  de  cette  date  dénote  qu'on  leur  donnait  une 
importance  spéciale;  de  là  à  la  conséquence  de  l'existence  de  chasseurs 
de  crânes,  comme  à  Olfnet  (Bavière),  il  n'y  a  qu'un  pas  facilement 
franchi,  et  qui  se  relie  intimement  avec  le  culte  des  ancêtres.  Or  le  crâne, 
placé  au  sommet  d'un  piquet,  est  le  point  de  départ,  dans  de  nombreux 
ails  sauvages,  d'un  processus  évolutif,  le  poteau  devenant  une  statue 
acéphale,  puis  munie  d'une  tête  sculptée  creusée  pour  loger  le  crâne  et 
les  cendres;  ensuite  la  statuette  se  superpose  au  réceptacle  du  crâne  et 
enfin  -individualise,  mais  en  gardant  des  traits  trahissant  son  origine. 

est  par  L'ensemble  des  analogies  assez  diverses  que  nous  venons  de 

mentionner,    (pie  M.     \V.    aboutit   à   l'idée   de    voir  dans    l'objet   de 

urdesun  talisman  figurant  un  ancêtre.   Avant  de  quitter  ce  dernier, 

L'auteur  émet  l'opinion  que  la  spirale  paléolithique,  et  même  en  général, 

provient  de  L'accentuation  des  traits  du  visage  humain,  ce  qui  me  parait 


120  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

une  généralisation  un  peu  hâtive.  Je  suis  porté  personnellement  à 
admettre  pour  chaque  motif  ornemental  et  pour  la  spirale  en  parti- 
culier un  nomhre  considérahle  de  points  de  départs  indépendants, 
Celui  que  l'auteur  signale  existe  certainement  et  a  son  importance,  mais, 
sans  parler  de  la  corne  de  Bison  paléolithique,  il  en  existe  beaucoup 
d'autres. 

M.  Wernert  termine  son  intéressante  et  instructive  étude  par  un 
résumé  des  hypothèses  qu'on  peut  essayer  de  faire  actuellement  sur  les 
croyances  surnaturelles  de  l'Homme  préhistorique,  en  s'aidant  de  com- 
paraisons ethnographiques;  pour  le  Paléolithique  ancien,  il  admet 
comme  possible  le  culte  de  la  hache  taillée,  à  cause  de  l'exceptionnelle 
grandeur  et  beauté  de  certaines;  les  repas  cannibales  de  Krapina, 
comme  les  nombreuses  trouvailles  de  mandibules  isolées,  dénotent  un 
cannibalisme  magique  et  des  usages  superstitieux;  les  découvertes  de 
squelettes  moustériens  et  les  conditions  de  trouvaille  de  plusieurs 
obligent  à  admettre  l'existence  de  croyances  animistes  et  magiques. 

Au  Paléolithique  supérieur,  nous  avons  comme  documents  magiques, 
fournis  par  l'art  :  les  mains  humaines  aux  doigts  mutilés  (rites),  des 
animaux  percés  de  traits  (magie  de  chasse),  des  femelles  en  gestation 
(magie  de  reproduction),  des  danses  masquées  (magie  de  chasse),  des 
figurations  génitales  (magie  de  reproduction),  des  animaux  rapides  sous 
des  traits  (magie  des  armes)  ;  aux  mêmes  idées  se  rapportent  l'emploi  de 
l'ocre,  les  coupes  taillées  dans  des  crânes,  et  l'enterrement  de  cadavres 
dans  une  position  ramassée.  En  partant  du  principe  de  la  «  pensée 
élémentaire  »,  et  en  tenant  compte  des  mouvements  de  races  déjà  com- 
plexes à  cette  époque,  on  doit  admettre  qu'il  existait  certainement  une 
grande  variété  de  manifestations  religieuses,  fondées  sur  la  vénération 
des  ancêtres  (manisme),  des  animaux,  et  sur  des  idées  totémiques. 

A  la  période  de  transition  (Epipaléolithique),  qui  précède  l'arrivée  des 
Néolithiques,  on  retrouve  en  outre  des  traces  de  magie  et  d'animisme. 
M.  Wernert  ne  croit  pas  au  monothéisme  primitif  admis  par  Lang 
et  Schmit,  et  ne  pense  pas  que,  même  à  la  fin  du  Paléolithique,  les  idées 
aient  dépassé  la  croyance  à  des  esprits  surnaturels  sous  une  forme  rudi- 
mentaire. 

Nous  nous  sommes  un  peu  attardé  à  rendre  compte  des  idées  réunies 
dans  cette  brochure,  parce  qu'elles  sont  de  nature  à  faire  réfléchir  et  à 
susciter  d'autres  essais  analogues;  l'auteur,  tout  le  premier,  sait  ce 
qu'il  y  a  de  fragile  dans  plus  d'une  partie  de  ses  constructions  ;  la  nature 
même  des  problèmes  abordés  en  est  là  cause,  mais  les  idées  remué 
et  les  faits  apportés  ci  groupés  son  1  >i  intéressants,  la  loyauté  d'expo- 
silion  de  l'auteur  si  sympathique,  que  dous  souhaitons  qu'il  nous 
donne  l'occasion  de  le  lire  de  nouveau  sur  des  sujets  analogues. 

H.  Breuil. 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE.  121 

Pi  mhguki  il>r  L.).  The  Bushman  as  a  Palœolithic  Man  (Le  Boschiman  considéré  comme 
un  Homme  paléolithique.)  Extr.  des  Transactions  of  the  Royal  Society  of  South 
Afrka,  Vol.  V,  part.  3,  décembre  1915. 

Dans  cette  «  adresse  »  présidentielle,  M.  Péringuey  expose  une  théorie 
ou  fait  des  rapprochements  qui  ne  sont  pas  absolument  nouveaux,  mais 
sou  discours  est  d'une  telle  netteté,  que  les  Préhistoriens  d'Europe 
auront  tout  intérêt  à  le  lire  et  à  le  méditer.  L'heure  est  venue,  en  effet, 
où  les  connaissances  que  nous  apporte  l'exploration  des  contrées  loin- 
taines doivent  élargir  singulièrement  les  conceptions  tirées  simplement 
de  l'étude  de  dos  pays  européens. 

Le  but  de  l'auteur  est  de  démontrer  que  si  les  Bushmen,  ou  Boschi- 
mans,  ne  sont  pas  les  descendants  directs  des  Hommes  primitifs  nos 
ancêtres,  du  moins,  soit  par  filiation,  soit  par  contact,  ils  ont  conservé 
la  totalité  ou  une  grande  part  du  degré  de  culture  de  ces  Hommes  pri- 
mitifs; qu'ils  en  sont  les  continuateurs.  Il  se  propose  de  comparer  les 
documents  sud-africains  avec  ceux  de  l'Europe  en  partant  de  cette  sup- 
position qu'en  dehors  de  leurs  particularités  physiques,  des  hommes 
ayant  la  même  industrie  et  le  même  art  ne  sauraient  avoir  évolué  indé- 
pendamment d'une  manière  aussi  semblable.  Lorsque  de  telles  simili- 
tudes s'observent  dans  des  régions  éloignées,  elles  ne  peuvent  être  que 
l'expression  du  développement  intellectuel  d'une  seule  race. 

M.  Péringuey  débute  par  l'exposé  de  ce  qu'il  appelle  les  «  divisions 
lithologiques  »  c'est-à-dire  les  divisions  du  Paléolithique  européen  éta- 
blies d'après  les  objets  en  pierre.  (Il  y  a  dans  cet  exposé  plusieurs 
points  contestables.)  Les  divisions  appuyées  sur  les  phénomènes  gla- 
ciaires ne  sauraient  se  retrouver  dans  l'Afrique  du  Sud,  qui  ne  présente 
aucune  trace  de  glaciations  quaternaires  et  dont  le  climat  n'a  jamais 
changé  pendant  le  Pléistocène. 

Mais  les  instruments  abondent  dans  les  graviers  de  rivière  où  ils  sont 

ociés  avec  des  restes  de  Mastodonte  et  de  deux  espèces  éteintes  d'An- 
tilopes, c'est-à-dire  avec  des  animaux  beaucoup  plus  anciens  que  ceux 
desgisements  européens.  [Ceci  est  très  contestable,  j'ai  eu  déjà  l'occa- 

ii  de  le  faire  observer,  car  le  Mastodonte  peut  fort  bien  avoir  persisté 
pendant  le  Quaternaire  en  Afrique  tout  comme  en  Amérique,  et  l'Afri- 
que est  le  pays  des  Antilopes.]  En  tous  cas,  ces  instruments  nous  révèlent 
des  relations  avec  des  races  humaines  identiques.  La  géographie  des 
temps  pl«'i>tocènes  permet  d'expliquer  facilement  ces  relations  entre 
V  Afrique,  l'Europe  et  l'Asie,  au  temps  où  ces  divers  continents  étaient 
réunis  par  des  passages  terrestres. 

On  peut  supposer  que  l'Homme  primitif  est  d'origine  africaine.  En 

isant  en  Europe,  aux  temps  chelléens,  il  y  trouva  un  climat  et  une 
faune  qui  ne  différaient  guère  par  leurs  traits  essentiels  du  climat  et  de 
la  faune  africains  ;   il   y  apporta   ses  armes  primitives,  offensives  ou 


122  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

défensives,  et  quand  le  climat  glaciaire  l'obligea  à  battre  en  retraite  vers 

10  Sud.  il  le  fit  en  compagnie  de  son  gibier;  il  ne  fut  donc  jamais  com- 
plètement dépaysé.  Il  conserva  en  Afrique  les  procédés  de  fabrication  de 
son  armement  et  de  son  outillage,  mais  comme  la  matière  première 
n'était  plus  le  silex,  il  employa  le  quartzite  qu'il  ne  tarda  pas  à  travailler 
aussi  bien  que  le  meilleur  silex... 

Si  la  classification  des  temps  paléolithiques  avait  d'abord  pris  nais- 
sance en  Afrique  du  Sud,  il  est  clair  qu'elle  eût  été  toute  différente  de 
celle  que  les  préhistoriens  ont  établie  d'après  les  documents  européens. 

11  faudrait  faire  remonter  l'origine  de  l'art  non  pas  à  l'Aurignacien  mais 
à  l'Acheuléen,  qui  ne  se  différencie  pas  ici  du  Chelléenet  du  Moustiérien 
car  on  a  trouvé  des  preuves  indiscutables  de  la  contemporanéité  des 
«  bouchers  »  [on  sait  que  cette  expression  a  été  proposée  par  M.  Sollas, 
en  l'honneur  de  Boucher  de  Perthes,  pour  désigner  les  silex  amygda- 
loïdes\  et  des  plus  belles  gravures  rupestres  représentant  des  animaux 
sauvages,  qu'on  ait  observées  jusqu'à  ce  jour. 

Ces  pièces  taillées  ont  leurs  surfaces  altérées,  décomposées,  creusées 
de  petkes  cupules  (pitted)  et  ces  phénomènes  d'altération  profonde,  dues 
à  l'action  des  agents  atmosphériques,  ont  exigé  un  laps  de  temps  incal- 
culable. Comment  s'expliquer  que  l'Homme  ayant  un  outillage  de 
pierie  aussi  primitif  ait  pu  être  en  même  temps  un  véritable  artiste? 
L'auteur  fait  ici  une  supposition  curieuse  :  «  Il  est  possible,  dit-il,  qu'il  ait 
traduit  ainsi  les  pensées  qui  éclosaient  dans  son  cerveau  en  travail,  faute 
de  pouvoir  les  traduire  en  sons  articulés,  par  suite  de  la  forme  de  sa 
mâchoire  ». 

Les  divisions  des  âges  paléolithiques  devront  être  considérablement 
revisées,  puisque  nous  sommes  en  présence,  dans  l'Afrique  du  Sud,  des 
plus  vieux  produits  de  l'industrie  lithique  associés  avec  les  produits 
d'un  art  extrêmement  développé.  Il  faut  aussi  tenir  compte  de  ce  fait 
que  les  délicates  pointes  de  flèches  solutréennes  se  rencontrent  avec  les 
grands  instruments  paléolithiques,  si  nombreux  dans  les  graviers  stani- 
fères  de  Swaziland  qu'on  serait  tenté  de  les  prendre,  au  premier  abord, 
pour  des  outils  d'anciens  mineurs.  L'industrie  de  l'âge  du  Renne  apparaît, 
éclate  (bursts)  brusquement  après  le  Moustiérien.  S'agit-il  d'une  importa- 
tion par  une  race  nouvelle  ou  s'est-elle  développée  au  contact  d  une  race 
différente  dont  le  développement  intellectuel  était  plus  avancé?  Cette 
dernière  opinion  est  celle  de  M.  Péringuey,  qui  s'attache  à  démontrer 
que  si  les  Boschimans  ne  sont  pas  les  ancêtres  des  Solutréens  et  des 
Aurignaciens,  ils  peuvent  descendre  de  ces  derniers  car  ils  ont  conservé 
la  même  industrie. 

Les  squelettes  négroïdes  de  Grimaldi  révèlent  une  race  très  voisine  de 
la  race  Boschimane,  sinon  identique  à  celle  dernière.  Les  figurines  stéa- 
topyges     parlent     dans    le    même    sens.    Et    pour    préciser    davantage, 


MOI  VEMEN  r    SCIENTIFIQUE.  123 

If.  Péringue\  se  livre  à  une  comparaison  attentive  des  deux  groupes 
européen  et  sud-africain,  au  point  do  vue  de  leurs  caractères  physiques, 
des  instruments  de  pierre,  ^des  objets  de  parure,  des  gravures  et  pein- 
tures. 

Les  nombreuses  figurations  anthropomorphes  en  ronde  bosse  de  nos 

sements  aurignaciens  sont  toutes  remarquables  par  le  développe- 
ment anormal  des  seins,  par  la  forme  globuleuse  du  ventre,  parles 
caractères  stéatopygiques.  De  telles  statuettes  ont  aussi  été  trouvées  en 
Egypte  et  dans  l'Egée  préhistorique. 

Le  Sud  de  l'Afrique  a  une  industrie  solutréenne  et  aurignacienne  qui 
ne  saurait  être  surpassée,  malgré  la  nature  plus  ingrate  de  la  matière 
première,  grès  ou  quartz  au  lieu  de  silex.  Presque  toutes  les  stations 
offrent,  en  très  grande  abondance,  de  petits  grattoirs,  de  légers  burins, 
de  minces  lames  qui  ont  servi  à  fabriquer  les  disques  en  coquille  d'oeuf 
d'Autruche.  Ces  disques,  percés  d'un  trou,  sont  des  objets  de  parure. 
On  en  fait  des  chapelets  répandus  dans  toute  l'Afrique,  on  les  retrouve 
même  dans  des  sépultures  d'un  très  vieux  Néolithique  d'Espagne. 

Dans  les  sépultures  du  littoral,  des  rangées  de  ces  disques  enfilés 
accompagnent  des  squelettes  d'enfants  et  de  femmes,  aussi  des  colliers 
de  coquilles  perforées  ;  l'un  de  ces  colliers  ressemble  à  ceux  des  sque- 
lettes  de  Menton.  Des  rondelles  d'os  ou  de  coquillages  sont  décorées  sur 
les  bords  et  habilement  perforées  pour  la  suspension.  Un  os  cylindrique, 
trouvé  dans  la  grotte-abri  de  llumansdorp  et  considéré  d'abord  comme 
un  ornement,  pourrait  bien  être  un  tube  à  peinture  analogue  à  certains 
objets  magdaléniens. 

Enfin,  il  y  a  les  peintures  et  les  gravures  sur  rochers,  si  semblables 
à  tant  d'égard  aux  peintures  et  gravures  des  cavernes  françaises  et  espa- 
gnoles :  mêmes  préférences  pour  le  choix  des  modèles,  qui  sont  le  plus 
souvent  des  animaux,  même  réalisme,  même  habileté,  même  technique. 
Les  peintures  boschimanes  ont  même  sur  les  peintures  aurignaciennes 
une  supériorité  considérable  en  ce  qui  concerne  les  représentations 
humaines.  Parfois  ces  productions  artistiques  de  l'Afrique  du  Sud  pren- 
nent un  aspect  hiératique  et  conventionnel,  comme  dans  certaines  loca- 
lités espagnoles  récemment  découvertes.  Un  style  idéographique  semble 
prévaloir  dans  d'autres  dessins.  Il  est  à  remarquer  que  nous  dotons  les 
Boschimans  de  ces  facultés  artistiques  uniquement  d'après  les  roches 
peintes  et  bien  que  personne  n'ait  vu  un  aborigène  actuel  en  exécuter. 

Pour  toutes  ces  raisons,  dit  l'auteur  en  terminant,  je  déclare  que  le 
Bushman  est  le  descendant  de  l'Homme  du  Paléolithique  supérieur  et 
qu'il  est  resté  tel,  semblable  à  lui-même,  jusqu'au  moment  de  son  extinc- 
tion finale,  qui  dated'hier,  car  il  n'existe  plus  comme  unité  ethnique. 

M.  Boi  i  i  . 


1^4  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

Proceedings   of  the  Society  of  Antiquaries  of  Scotland.  Session  1914-1915,  vol.  XL1X, 

5e  série,  vol.  I,  Edinburgh,  1915. 

Ce  nouveau  volume,  parfaitement  imprimé  et  illustré  comme  les 
précédents,  renferme  de  nombreux  mémoires  ou  articles  dont  la  plupart, 
ayant  trait  à  des  monuments  historiques,  sortent  du  cadre  de  notre 
Revue. 

Il  y  est  surtout  question  de  tumuli,  de  forts  et  enceintes,  de  brochs, 
de  crannogs,  de  trouvailles  diverses,  dont  l'intérêt  est  purement  local  ou 
régional.  Je  ne  puis  que  signaler  ces  travaux  à  l'attention  de  ceux  de 
nos  lecteurs  qui  s'intéressent  à  la  protohistoire  des  Iles  Britanniques. 

Je  mentionnerai  cependant  le  long  compte-rendu  des  fouilles  faites 
par  A.  0.  Curle  à  Traprain  Law,  comté  de  Haddington.  Il  y  a  là  une 
colline,  avec  lignes  de  fortifications,  qui  renferme  de  nombreux  vestiges 
d'anciennes  époques  :  poteries,  bijoux  et  ornements  en  bronze,  en  jais, 
en  verre,  pièces  de  harnachement,  armes  et  outils  en  fer,  fusaïoles 
disques,  moules  en  pierre,  etc.  Le  plus  ancien  niveau  d'occupation  de 
la  colline  a  été  plus  important  comme  durée  ;  il  remonte  à  l'âge  du  fer. 

On  peut  encore  citer  un  mémoire  de  MM.  Wace  et  Jehu  sur  des 
fouilles  pratiquées  dans  deux  grottes  de  YEast  Fife.  Leurs  dépôts  archéo- 
logiques, très  riches  en  ossements  d'animaux  et  en  coquilles  de  mol- 
lusques comestibles,  correspondent  à  la  période  romaine  et  aux  pre- 
miers temps  de  l'ère  chétienne,  sans  parler  des  apports  modernes  super- 
ficiels. 

Dans  les  Actes  de  la  société,  placés  en  tête  du  volume,  je  remarque, 
l'envoi  à  la  Société  nationale  des  Antiquaires  de  France  d'une  lettre  de 
protestation  a  contre  les  actes  de  vandalisme  délibérés  et  réitérés  com- 
mis par  l'armée  allemande  contre  les  monuments  et  les  souvenirs  du 
passé  et  surtout  contre  l'injure  irréparable  infligée  à  l'histoire  de  France 
il  à  l'art  européen  par  le  bombardement  de  la  cathédrale  de  Reims  ». 

M.  B. 


Tlrner  (Sir  William).  A  Contribution  to  the  craniology  of  the  people  of  Scotland. 
Part.  II.  Prehistoric,  descriptive  and  ethnographical.  (Contribution  à  la  craniologie 
du  peuple  écossais,  2e  partie,  probistorique,  descriptive  et  etbnographique.)  Extr. 
des  Transactions  of  the  Royal  Society  of  Edimburgh,  vol.  LI,  part  I,  n°  5,  1915. 

Cet  ouvrage  est  probablement  le  dernier  qui  soit  sorti  de  la  plume 
de  l'éminenl  anthropologis  te  dont  nous  avons  eu,  l'an  dernier,  le  regret 
d'annoncer  la  mort.  La  première  partie  avait  élé  publiée,  douze  ans 
auparavant,  dans  le  même  recueil.  Elle  avait  trait  aux  Écossais  actuels. 
La  deuxième  partie  s'occupe  des  Ecossais  préhistoriques.  Elle  vaut 
d'être  assez  longuement  résumée. 

Elle  est  basée,  nécessairement,  sur  l'archéologie  préhistorique.  Il  est 


MOrVFMENT    SCIENTIFIQUE.  125 

admis  généralement  que  l'Homme  paléolithique  n'a  pas  pénétré  en  Kcosse 
nue  ses  glaciers  rendaient  inhabitable.  Mais  il  est  démontré  que  le 
pays  fut  habité  après  l'émersion  et  la  mise  en  place  actuelle  des  deux 
anciennes  terrasses  marines  les  plus  basses. 

h  Avec  l'arrivée  de  l'Homme  néolithique,  nous  avons  de  nombreux 
documents  archéologiques,  auxquels  viennent  bientôt  s'ajouter  des 
sépultures  renfermant  des  crânes  et  squelettes  dont  l'état  de  conserva- 
tion laisse  malheureusement  trop  souvent  à  désirer. 

Les  plus  vieilles  traces  de  la  présence  de  l'Homme  en  Ecosse  corres- 
pondent à  la  formation  de  la  plage  marine  de  Ao-5o  pieds,  au  bord  de 
laquelle  s'observent  des  kitchen-middings.  Les  dépôts  de  cette  plage 
renferment  des  squelettes  de  Baleines  échouées,  auprès  desquels  on  a 
recueilli,  à  plusieurs  reprises,  des  instruments  en  bois  de  Cerf.  Des 
canots  primitifs  ont  été  également  rencontrés  dans  le  sable  et  l'argile 
des  estuaires.  On  ne  connaît  rien  du  squelette  de  ces  primitifs  Néoli- 
thiques. 

Après  l'émersion  de  la  plage  à  son  niveau  actuel,  les  traces  laissées 
par  les  Néolithiques  se  multiplient  :  armes  et  instruments  en  pierre 
polie,  silex  finement  travaillés,  objets  en  os  et  en  bois  de  Cerf,  orne- 
ments, poteries,  cairns  et  cists,  édifiés  avec  de  grossiers  matériaux,  etc. 
Puis  viennent  les  âges  des  métaux. 

Sir  W.  Turner  expose  les  principales  découvertes  archéologiques  et 
anthropologiques,  en  s'étendant  naturellement  sur  ces  dernières.  Il 
donne  les  caractères  des  sépultures  des  divers  âges  et  décrit  le  matériel 
ostéologique  qu'elles  ont  fourni.  Des  tableaux  de  mensurations  accom- 
pagnent ces  descriptions  pour  chaque  période.  Les  photographies  des 
principales  pièces  sont  reproduites  en  similigravure.  Il  traite  successi- 
vement de  la  période  néolithique,  de  l'âge  du  bronze,  des  cavernes  et 
abris  (Oban),  de  l'âge  du  fer,  du  «  mausolée  »  préhistorique  de  Seacliff, 
des  «  long  cists  ».  Dans  un  chapitre  linal,  intitulé  Ethnography,  il  est 
successivement  question  de  l'époque  paléolithique  et  de  la  période  gla- 
ciaire (brièvement),  de  l'établissement  de  la  civilisation  néolithique,  de 
l'invasion  brachycéphalique,  de  la  dolichocéphalie  et  de  la  brachycé- 
phalie,  des  urnes  sépulcrales,  des  centres  de  migrations,  des  brachycé- 
phales,  des  invasions  nordique  et  anglo-saxonne.  Je  ne  saurais  suivre 
l'auteur  dans  ces  développements,  mais  voici  la  traduction  presque  lit- 
térale de  son  résumé  final. 

L'examen  des  documents  que  l'on  possède,  malheureusement  trop 
peu  nombreux,  suffit  à  prouver  que  le  peuple  écossais  a  une  longue 
ascendance  et  que  son  type  a  été  maintes  fois  modifié,  au  cours  des 
siècles,  par  une  succession  d'invasions  venues  du  continent.  La  plus 
ancienne  est  représentée  par  les  Néolithiques,  qui  étaient  des  hommes 
de  petite  taille,  mais  non  des  pygmées.  Ces  peuplades,  qui  ont  édifié  les 


îo(i  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

long  barrows  et  les  chambered  cairns,  ne  connaissaient  pas  L'usage  des 

métaux.  Leurs  crânes  étaient  longs,  relativement  étroits,  purement  doli- 
chocéphales. Leur  face  était  haute  par  rapport  à  sa  largeur,  leur  mâchoire 
ne  se  projetait  pas  en  avant,  leur  nez  était  étroit.  Nous  ne  savons  rien 
sur  la  couleur  de  leur  peau,  de  leurs  cheveux,  de  leurs  yeux,  mais  si  la 
supposition  qu'ils  descendaient  d'un  peuple  sud-européen  méditerra- 
néen est  fondée,  leur  peau  a  dû  être  brune,  leurs  cheveux  noir  de  jais, 
leurs  yeux  noirs  ou  très  bruns. 

Un  type  différent  leur  succéda,  les  constructeurs  des  round  barrows  et 
des  short  cists,  qui  remplacèrent  peu  à  peu  l'inhumation  par  la  créma- 
tion, cette  dernière  pratique  funéraire  étant  devenue  bientôt  générale  et 
caractéristique.  Au  début  de  leur  occupation,  leurs  armes  et  leurs  ins- 
truments ressemblaient  à  ceux  de  leurs  prédécesseurs  néolithiques, 
mais  le  bronze  fut  bientôt  introduit  et  devint  d'un  usage  général.  Ce 
peuple  de  l'âge  du  Bronze  était  d'une  stature  plus  élevée,  sauf  dans  cer- 
taines localités  à  courte  taille.  Leur  crâne  était  plus  court  et  relativement 
large,  brachycéphale,  bien  que,  dans  quelques  sépultures  de  cette 
époque,  on  observe  une  certaine  proportion  de  crânes  dolichocéphales. 
La  face  était  basse,  en  rapport  avec  sa  largeur,  la  mâchoire  n'était  pas 
projetée  en  avant,  le  nez  était  étroit.  Si  nous  supposons  que  ce  peuple 
dérivait  du  stock  alpin  du  Centre  de  l'Europe,  nous  leur  attribuerons 
des  cheveux  bruns  ou  noirs,  des  yeux  bruns  ou  noisette,  une  peau  brun 
pâle.  Ces  hommes  à  tête  ronde  "ont  occupé  la  Grande  Bretagne  pendant 
plus  de  mille  ans,  depuis  le  détroit  de  la  Manche  jusqu'au  Pentland 
Fïrth  et  depuis  la  mer  du  Nordjusqu  à  l'Atlantique,  bien  que  leurs  restes 
soient  plus  nombreux  à  l'Est  qu'à  l'Ouest.  Ils  ont  été  un  facteur  impor- 
tant dont  l'influence  a  persisté  au  cours  des  invasions  ultérieures  et 
persiste  encore  aujourd'hui. 

Puis  vinrent  les  Celles,  dérivés  apparemment  de  la  Gaule  et  du  pays 
des  Belges.  Le  stock  peut  avoir  été  d'abord  brachycéphale,  mais,  par 
croisement  avec  une  race  néolithique  dans  leur  propre  région  et  peut- 
être  aussi  avec  des  tribus  Nord-Européennes,  ils  devinrent  un  peuple 
mélangé.  Ils  ne  possédait  pas.  en  effet,  un  type  de  crâne  uniforme;  aux 
brachycéphales  el  aux  dolichocéphales  s'ajoutent  des  intermédiaires  ou 
mésocéphales.  Leur  mâchoire  n'était  pas  saillante,  leur  nez  était  étroit, 
leur  face  peu  élargie.  Ils  constituent  encore  un  élément  important  et 
très  reconnaissable  des  populations  du  Nord  et  du  Sud  de  la  Grande- 
Bretagne. 

Les  Norsernen,  (Tes  trois  contrées   Scandinaves   du    Nord  de  l'Lurope, 
étaient  dolichocéphales.  Mais  certains  centres  brachuéphaliques  sur  les 
rivages  de  La  Suède  et  de  la  Norvège,  ont  pu  joindre  à  c<>  nouveaux  en- 
vahisseurs quelques  éléments  brachycéphales.  Leur  stature  était  élevi 
leur  peau  el  leurs  cheveux  étaient  clairs,  leurs  yeux  bleus.  Les    Vnglo- 


\ior\  r.Mi  \  r    SCIENTIFIQUE.  t^7 

Saxons  descendant  en  grande  partie  de  ces   Nonsemen  ;  pourtant  l'élé- 
ment saxon  a  dû  se  mélanger  avec  celui  de  L'Europe  centrale. 

Les  mélanges  et  les  croisements  de  toutes  ces  races  au  cours  des  siècles 
rend  difficile  de  reconnaître  les  divers  courants  sanguins  parmi  les 
populations  actuellement  si  diverses  des  lies  Britanniques.  Ce  n'est  que 
lorsqu'il  s'agit  de  populations  peu  nombreuses  et  demeurées,  par  suite 
de  circonstances  locales,  assez  isolées,  qu'on  peut  les  rattacher  à  un  ou 
plusieurs  stocks  originels.  Toujours  est-il  que  le  résultat  final  de  ces 
mélanges  et  de  ces  croisements  a  été  la  formation  d'un  peuple  viril, 
endurant .  solidement  constitué,  aimant  l'action,  dirigé  par  des  cervaux 
énergiques,  volumineux,  de  belle  qualité,  et  qui  a  su  acquérir  et  con- 
server une  place  prééminente  parmi  les  nations. 

Le  mémoire  de  réminent  et  regretté  anthropologiste  d'Edimbourg 
se  termine  par  cette  tirade  patriotique. 

M.  B. 

Giuffrida  Ruoghri  (V.).  Were  the  Pre-Dynastic  Egyptians  Libyans  or  Ethiopians  ?  (Les 
I  gyptiens  pré  dynastiques  étaient-ils  Libyens  ou  Ethiopiens  ?)  Man,  avril  1915,  p.  51, 

Smith  (G.  Elliot).  Professor  Giuffrida-Ruggeri  Views  on  the  affinities  of  the  Egyptians, 
(Les  vues  du  Professeur  Giuffrida-Ruggeri  sur  les  affinités  des  Egyptiens.)  A/an, 
mai  1915,  p.  71. 

Les  dernières  fouilles,  faites  par  les  soins  du  gouvernement  égyptien, 
ont  fait  connaître  l'existence,  entre  les  première  et  seconde  cataractes, 
de  cimetières  d'un  peuple  différent  des  Egyptiens  et  que  Bâtes,  dans  son 
ouvrage  sur  The  Eastern  Libyans,  paru  à  Londres  en  1914,  assimile  aux 
Temchu  ou  Libyens. 

M.  Giuffrida  Ruggeri  ne  partage  pas  cet  opinion. 

Les  squelettes  de  ce  «  groupe  G  »  ont  des  affinités  avec  ceux  des  Pré- 
dynastiques, d'après  Elliot  Smith.  Les  populations  qu'ils  représentent 
se  rattachent  à  un  de  ces  mouvements  ethniques  qui  se  sont  effectués, 
dans  la  suite  des  Ages,  le  long  de  la  vallée  du  Nil,  du  Sud  vers  le  Nord. 
I  11  autre  mouvement  encore  plus  ancien,  d'un  millier  d'années  environ, 
est  celui  du  «  groupe  A  »,  qui  montre  l'infusion  d'un  peu  de  sang  nègre 
et  dont  l'archéologie  est  tout  à  fait  celle  des  Prédynastiques.  Ces  der- 
nier- avaient  précédé  le  •  groupe  A  ».  A  une  époque  encore  plus  loin- 
taine, vers  la  fin  du  Paléolithique,  de  semblables  vagues  ethniques 
envahirent  le  Nord  de  l'Afrique  dont  les  conditions  climatériques  étaient 
différentes  des  conditions  actuelles.  Elles  ont  laissé  leurs  grossiers  ins- 
truments en  pierre  dans  les  anciens  lits  des  cours  d'eau  aujourd'hui 
desséchés.  Or  les  Libyens  sont  beaucoup  plus  récents  ;   les  peintures 

fptiennes  nous  les  montrent  très  différents  des  Ethiopiens.  Ils 
venaient  du  Nord.  Ils  appartenaient  à  une  autre  branche  de  l'humanité. 
Parfois  ces  Leucodermes  prirent   pied  dans  la  Basse-Egypte  et  provo- 


128  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

quèrent  ainsi  un  mouvement  ethnique  de  sons  opposé  au  précédent.  Les 
changements,  dans  certaines  particularités  de  la  civilisation,  sont  indé- 
niables et  aussi  dans  les  traits  physiques  de  la  population  qui  ne  sont 
plus  ceux  des  Prédynastiques  du  «  groupe  G  »  et  des  Abyssiniens  actuels, 
mais  qui  sont  vraiment  les  Méditerranéens  des  Égyptiens  dynastiques. 
On  note  alors  l'apparition  des  traits  «  arménoïdes  »  qui  s'affirment  de 
plus  en  plus,  au  fur  et  à  mesure  que  progresse  l'infiltration  partie  des 
centres  asiatiques  considérés  comme  la  patrie  commune  des  Hamito- 
Sémites... 

En  somme,  nous  avons,  anthropologiquement,  d'un  côté,  des  Égyp- 
tiens prédynastiques,  des  Nubiens  (groupe  A),  le  groupe  G  et  les 
Abyssiniens  actuels,  qui  ont  tous  des  caractères  physiques  qui  ne  sont 
certainement  pas  ceux  des  Méditerranéens,  notamment  le  même  indice 
nasal,  la  moyenne  étant  supérieure  à  5o  ;  d'un  autre  côté,  nous  avons  des 
Libyens,  des  Egyptiens  dynastiques  et  des  Égyptiens  modernes,  chez 
lesquels  l'indice  nasal.ne  dépasse  jamais  5o.  11  est  probable  que  les 
différences  entre  la  Haute  et  la  Basse-Egypte  ont  été  continuellement 
entretenues  par  les  deux  courants  ethniques  opposés  et  ces  différences 
ce  sont  maintenues  jusqu'à  nos  jours. 

On  ne  saurait  donc  considérer  les  Libyens  comme  identiques  avec  les 
Égyptiens  prédynastiques.  Il  est  possible  que  les  Libyens  aient  occupé  la 
Basse-Egypte  avant  les  premières  dynasties,  mais  nous  n'en  savons 
rien.  Ce  qui  est  certain,  c'est  que  les  premières  tombes  renferment  des 
crânes  à  indice  nasal  méditerranéen.  11  est  permis  d'eu  déduire  que,  dès 
le  Néolithique,  les  populations  étaient  très  différentes  au  Nord  et  au 
Sud;  celles  de  la  Haute-Egypte  étant  éthiopiennes,  celles  de  la  Basse- 
Egypte  (si  elles  ont  existé)  étant  libyennes. 

M.  Elliot  Smith  a  répondu  à  son  collègue  italien.  Il  est  d'accord  avec 
lui  pour  ne  pas  prendre  «  trop  au  sérieux  »  les  spéculations  de  M.  Bâtes 
porté,  par  ses  études,  à  voir  l'influence  libyenne  partout;  il  partage 
beaucoup  d'autres  de  ses  idées,  mais  il  n'est  pas  sûr  qu'il  y  ait  une  ligne 
de  démarcation  bien  tranchée  (Mitre  les  peuples  éthiopiens  et  méditer- 
ranéens.  L'explication  fournie  par  M.  G.  R.  des  différences  qu'on 
observe  entre  la  Haute  et  la  Basse-Egypte,  dès  les  temps  protodynas- 
tiques, est  séduisante  par  sa  simplicité.  Malheureusement  elle  se  heurte 
à  d'insurmontables  objections.  Loin  d'avoir  été  introduites  par  des  émi- 
grants,  comme  le  veul  l'auteur,  certaines  «  particularités  de  utilisa- 
tion »  (outils  en  cuivre,  écriture,  momification)  ont  eu  leur  origine  en 
Egypte  même;  du  moins  tout  porte  à  le  croire  et  rien  ne  vient  à  l'appui 
de  la  théorie  d'une  ou  de  plusieurs  importations.  11  semble  de  plus 
en  plus  probable  que  la   civilisation  égyptienne  est  un  produit   du    Nil. 

L'argument  anthropologique  ne  lui  paraît  pas  plus   probant  (pie  l'ar- 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE.  1  29 

gumenl  archéologique.  La  plupart  dos  crânes  dits  dos  «  vieilles  sériés 
méditerranéennes  »  sont  ceux  d'une  populo tion  mélangée^  semblable 
précisément  à  celle  de  la  Basse-Egypte  de  l'âge  des  Pyramides.  Plus  ces 
séries  sont  anciennes,  plus  nombreux  sont  les  crânes  impossibles  à  dis- 
tinguer de  la  majorité  des  crânes  prédynastiques  de  la  Haute-Égyple.Au 
contraire,  un  crâne  arménoïde  se  sépare,  au  premier  coup  d'oeil,  d'un 
crâne  éthiopien  et  d'un  crâne  méditerranéen. 

Tandis  que  M.  G.  \\.  réunit  en  une  «  espèce  élémentaire  »  des  types 
aussi  différents  que  l'Arménien,  le  Scandinave,  le  Sicilien,  il  en  exclut 
les  Égyptiens  prédynastiques;  or,  dans  la  plupart  des  cas,  il  est  impos- 
sible de  distinguer  les  squelettes  de  ces  derniers  de  ceux  des  plus  vieux 
types  méditerranéens,  qu'on  s'adresse  pour  cela  à  la  taille  ou  aux  carac- 
tères lires  du  crâne,  de  la  face  ou  du  nez.  Il  y  a  certainement  plus 
d'affinités  entre  ces  deux  groupes  que  dans  la  série  hétérogène  et  dispa- 
rate désignée  par  M.  Giuffrida  Ruggeri  sous  l'appellation  d'Homo 
sapiens  indo-eûropœus. 

M.  B. 


Elliot  Smith  (G.).  The  Influence  of  ancient  Egyptian  Civilization  in  the  East  and  in 
America.  (Sur  le  rôle  joué  par  la  civilisation  de  l'Egypte  ancienne  en  Orient  et  en 
Amérique.)  Broch.  in-8,  32  pp.,  7  pi.  Manchester.  The  University  Press,  1916. 

I'erry  (W.-J.).  The  geographical  distribution  of  terraced  cultivation  and  irrigation.  (Sur 
la  distribution  géographique  de  la  culture  en  terrasse  et  de  l'irrigation.)  1  broch. 
in-8,  25  pp.  1  tarte.  Memoirs  of  the  Manchester  literary  Society,  1916. 

Pkrkt  (W.  J.).  The  Relationship  between  the  geographical  distribution  of  megalithic 
Monuments  and  Ancient  Mines.  (Rapports  existant  entre  la  distribution  géographique 
dos  monuments  mégalithiques  et  les  anciennes  mines),  avec  remarques  par  M.  G. 
Elliot  Smith.  1  broch.  in  8,  36  pp.,  3  cartes.  Memoirs  of  the  Mai.chest  r  literary 
Society,  191"). 

Jacksoh  (J.-W.).  The  Aztec  Moon-cult  and  its  relation  to  the  Chank-cult  of  India.  (Le 
culte  de  la  lune  chez  les  Aztèques  et  ses  rapports  avec  le  culte  de  la  conque  dans 
l'Inde.)  1  broch.  in-8,  5  pp.  Memoirs  of  the  Manchester  literary  Society,  1916. 

Jacksoh  (J.-W  '.).  The  Geographical  distribution  of  the  Shell-purple  Industry.  (ha  distri- 
bution géographique  de  l'industrie  de  la  pourpre.)  1  broch.  in-8,  29  pp.  1  carte. 
Memoirs  of  the  Manchester  literary  Society,  1916. 

.I';»i  déjà  exposé  ici  la  séduisante  théorie  de  M.  le  Professeur  Elliot 
Smith  sur  l'ensemble  des  migrations  qui,  à  une  époque  très  reculée, 
ont  répandu  en  Afrique,  en  Asie  et  dans  la  Méditerranée  les  éléments 
d'une  civilisation  unique  et  déjà  très  évoluée  (1)  Tout  en  faisant  les 
réserves  qu'impose  forcément  une  conception  aussi  vaste,  j'ai  cru 
pouvoir  m'associer  aux  principales  conclusions  du  savant  égyptologue. 
11  me  reste  à  analyser  un  travail  qui  fait  suite  au  précédent  et  par 
lequel  M.  E.  S.  s'efforce  de  montrer  l'iniluence  exercée  par  cette  même 

(1)  LWnthrop  >logie,  juillet  1916,  p.  460. 

l'amhkopologik  .  —  t.  xxix.  —  1918.  9 


l3o  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

civilisation  dans  l'Inde,  la  Malaisie,  l'Océanie  et  en  Amérique.  En  étu- 
diant des  contrées  où  ses  progrès  ont  été  plus  réguliers  et  moins 
souvent  bouleversés,  il  espère  démêler  les  événements  beaucoup  plus 
compliqués  qui  en  ont  été  le  point  de  départ  en  Occident. 

Pour  la  commodité  de  l'exposition,  j'étudierai  en  même  temps  les 
travaux  de  deux  autres  chercheurs  de  la  même  école  qui  traitent  de 
sujets  connexes,  MM.  Perry  et  Jackson. 

Voici  pour  M.  E.  S.  la  position  qu'il  a  prise  : 

r  Les  éléments  essentiels  des  anciennes  civilisations  de  l'Inde,  de 
l'Extrême-Orient,  delà  Malaisie,  de  l'Océanie  et  de  l'Amérique  y  ont  été 
apportés  dans  ces  pays  par  des  marins,  dont  les  expéditions,  commer- 
ciales au  début,  ont  commencé  vers  800  av.  J.-C.  et  ont  duré  plusieurs 
siècles; 

20  La  culture  disséminée  par  ces  marins  est  en  grande  partie 
empruntée  à  l'Egypte  (pas  avant  la  XXIe  dynastie),  mais  elle  contient  des 
apports  importants  dus  au  monde  phénicien  de  la  Méditerranée  Orien- 
tale, à  l'Afrique  Orientale,  au  Soudan,  à  l'Arabie,  à  la  Babylonie  ; 

3"  Le  développement  de  la  culture  pré-aryenne  de  l'Inde  est  dû  à  ce 
courant,  qui,  imprégné  d'intluences  indoues,  s'est  répandu  sur  la 
Birmanie,  l'Indonésie,  l'Extrême-Orient  et  l'Océanie  ; 

4'  Ce  même  courant,  augmenté  d'additions  dues  à  la  Mélanésie, 
l'Indonésie,  la  Polynésie,  la  Chine,  le  Japon,  est  arrivé  sur  la  côte 
occidentale  île  l'Amérique,  où  il  a  déposé  les  germes  de  la  civilisation 
pré-colombienne. 

Cet  immense  mouvement  de  civilisation  a  transporté  un  nombre 
considérable  de  croyances  et  d'usages.  Je  ne  puis  songer  à  donner  ici  la 
liste  établie  par  M.  E.  S.,  mais  en  voici  les  principaux  éléments  :  la 
momification f  avec  le  rituel  qui  l'accompagne,  et  les  croyances  qui  en 
déroulent  (survie  et  migrations  de  l'àme,  existence  d'un  autre  monde 
etc.);  les  monuments  mégalithiques,  présentant  une  grande  variété, 
niais  dérivant  de  certains  types  qu'on  retrouve  partout;  les  statues, 
associées  à  l'idée  de  la  pierre  peut-être  habitée  par  des  êtres  vivants  et 
que  les  hommes  peuvent  être  changés  en  pierre;  le  culte  du  soleil, 
symbolisé  par  le  disque  ailé,  accosté  de  serpents,  et  souvent  associé  au 
culte  du  serpent;  la  circoncision,  le  tatouage,  le  percement  et  la  disten- 
sion du  lobe  de  l'oreille  ;  la  déformation  du  crâne*  les  mutilations  des 
dents;  le  tissage  du  lin  avec  emploi  delà  pourpre;  la  métallurgie;  les 
méthodes  agricoles  intensives,  avec  irrigation  et  culture  en  terrasse;  le 
boommerang ,  le  swaskika,  certains  jeux,  et  enfin  l'aptitude  pour  la 
navigation. 

La  date  la  plus  ancienne,  qui  puisse  être  admise  pour  la  diffusion  i\v 
cet  ensemble  hétérogène,  est  le  vnf  siècle  av.  J.-C,  car,  avant  celte 
époque,   certaines  de  ces  croyances  ou   pratiques  n'existaient  pas   en 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE.  l3l 

Egypte  et  en  Phénicie.  Ceci  donne  à  croire  que  M.  E.  S.  considère  que 
tous  les  éléments  de  cette  civilisation  se  sont  associés  et  répandus  en. 
même  temps.  Or  il  est  peu  croyable  que  l'usage  des  monuments  mégali- 
thiques ae  se  soit  pas  diffusé  plus  tôt;  de  même  le  culte  solaire  et  la 
métallurgie.  D'ailleurs  M.  E.  S.  nous  dit  lui-même  qu'avant  le  2e  millé- 
naire av.  J.-C.  il  existait  des  relations  commerciales  par  mer  entre 
l'Egypte,  l'Arabie,  les  établissements  sumériens  du  golfe  Persique  d'un 
côté,  et  la  Crète,  l'Asie  Mineure,  la  Palestine  d'un  autre  :  la  culture 
mégalithique  égyptienne  se  serait  ainsi  répandue  dans  toute  la  mer  Egée. 
Il  est  évident  qu'une  lente  diffusion  de  la  civilisation  a  dû  se  produire 
in  me  conséquence  des  échanges  commerciaux. 

Comme  bien  l'on  pense,  il  a  fallu,  pour  jouer  ce  rôle  d'agent  de  trans- 
mission, un  peuple  particulièrement  doué  et  préparé  ;  ce  n'a  pu  être 
que    les    Phéniciens,    et   M.  E.   S.   explique   leur   action   de  "  la    façon 
suivante  :  pour  assimiler  les  diverses  civilisations  de  la  Méditerranée 
orientale,  il  a  dû  exister  un  peuple  que  ses  préjugés  n'empêchassent 
point  d'adopter  les  croyances  et  les  coutumes  des  autres  peuples.  Il 
était   indispensable    aussi   qu'il   eût   des    connaissances    spéciales   en 
matière  de  navigation  pour  s'aventurer  en  haute  mer.   Les  Phéniciens 
étaient  justement  des  marins  audacieux  et  adroits,  originaires   sans 
doute  du  golfe  Persique,  et  de  plus  connaissant  l'astronomie.  Grâce  à 
elle,  ils  pouvaient  se  guider  sur  l'étoile  polaire,  ce  qui  leur  permettait 
de  longs  voyages.  Ils  réunissaient  l'expérience  nautique  des  Égyptiens, 
des  Levantins  et  des  Égéens. 

Reste  à  savoir  pourquoi  ils  ont  répandu  sur  la  moitié  du  globe  la 
culture  mégalithique.  C'est  que  l'appât  du  lucre  les  poussait  partout  où 
ils  espéraient  trouver  des  objets  intéressant  leur  riche  clientèle  médi- 
terranéenne. En  premier  lieu,  ils  recherchaient  l'or,  qui  n'était  pas 
seulement  pour  eux  un  métal  propre  à  faire  des  bijoux,  mais  une 
monnaie  :  ils  ont  été  les  premiers  à  lui  faire  jouer  le  rôle  régulateur 
qu'il  a  aujourd'hui,  et  ainsi  les  Phéniciens  ont  contribué  à  fonder  la 
civilisation.  Dans  tous  les  endroits  où  ils  ont  porté  la  culture  mégali- 
thique, il  y  a  d'anciennes  mine^  d'or,  et  on  a  trouvé  des  traces  des 
anciennes  techniques  d'extraction  et  de  raffinage  du  minerai. 

D'autres  richesses  les  tentaient  encore  :  les  coquillages  d'où  l'on 
extrayait  la  pourpre,  les  pierres  précieuses,  et  surtout  les  huîtres 
perlwres.  Les  gisements  de  ces  dernières  jalonnent  la  route  qu'ils  ont 
suivie,  et  un  seul  de  ceux  connus  actuellement  leur  est  resté  inconnu. 

\insi  donc,  c'est  l'appât  du  gain  qui  lançait  les  Phéniciens  dans 
d'aventureuses  expéditions,  mais  les  coutumes,  traditions  qu'ils  ont 
colportées  appartiennent  à  des  époques  fort  différentes,  s'échelonnant 
depuis  l'époque  prédynuslique  égyptienne  jusqu'au  vu*  siècle  av.  J.-C. 
Comment  un  seul  courant  a-t-il  pu,  à  partir  du  vin"  siècle,  transporter 


i32  Mouvement  scientifique. 

ensemble  des  usages  aussi  disparates?  Il  y  a  à  cela  une  bonne  raison  : 
les  équipages  des  navires  phéniciens  comportaient  des  gens  recrutés  un 
peu  partout.  Or  l'on  sait  que  certains  usages  se  maintiennent  plus  long- 
temps dans  un  pays  que  dans  un  autre.  Il  n'y  a  donc  rien  de  surprenant 
à  ce  que  dos  marins,  appartenant  à  des  régions  très  diverses,  aient  porté 
avec  eux  des  croyances  et  des  pratiques  d'âge  très  inégal.  Du  reste,  il  est 
probable  que  le  transfert  d'un  ensemble  aussi  complexe  et  aussi 
mélangé  n'a  pu  se  faire  que  par  l'émigration  d'un  peuple  délaissant  sa 
patrie  pour  se  fixer  dans  un  nouveau  pays.  Ceci  est  assez  conforme  à  ce 
que  l'on  sait  du  goût  des  Phéniciens  pour  la  colonisation.  Aussi  ne  doit- 
on  pas  être  surpris  de  le  retrouver  chez  des  peuples  qui  sont  à  un  degré 
de  culture  très  différent.  On  s'explique  de  même  sa  présence,  chez 
certains  peuples  et  son  absence  chez  des  voisins  qui  sont  restés  en 
dehors  du  grand  courant  de  culture. 

Quelles  sont  donc  les  raisons  qui  ont  poussé  M.  E.  S.  à  considérer 
les  Phéniciens  comme  l'agent  transmetteur  de  la  culture  mégalithique  ? 
C'est  en  étudiant  les  caractères  physiques  des  peuples  qui  jalonnent  la 
grande  voie  mégalithique  qu'il  a  été  frappé  par  la  ressemblance  exis- 
tant entre  les  ^anciens  navigateurs  de  la  Méditerranée  et  de  la  mer 
Rouge,  et  ceux  de  l'Océan  Pacifique.  D'ailleurs  les  mêmes  méthodes  qui 
ont  servi  aux  Phéniciens  à  porter  cette  civilisation  dans  l'Ancien  Conti- 
nent, ont  servi  à  la  répandre  dans  le  Nouveau  Monde,  quelques  siècles 
après  leur  disparition. 

Telle  est  la  théorie  du  savant  anthropologiste  de  Manchester  ;  voyons 
maintenant  quelle  confirmation  lui  apportent  les  travaux  des  cher- 
cheurs de  son  école. 

M.  W.  J.  Perry,  dans  la  première  de  ses  brochures,  nous  donne  une 
nomenclature  de  toutes  les  localités  où  ont  été  constatés  ces  deux 
usages  très  curieux  :  la  culture  en  terrasse  et  l'irrigation.  Une  carte 
montre  leur  distribution  géographique,  qui  s'étend  de  l'Irlande  au 
Pérou  à  travers  l'Europe,  l'Afrique,  l'Asie  et  tout  le  Pacifique.  La 
conclusion  qu'il  en  tire  est  conforme  aux  vues  de  M.  Elliot  Smith  : 
c'est  la  civilisation  mégalithique  qui  a  transporté  avec  elle  ces  ingé- 
nieux procédés  agricoles. 

Je  signalerai  à  M.  P.  que  sa  nomenclature  omet  le  pays  Galla,  où 
l'irrigation  est  poussée  à  un  point  de  perfection  qui  doit  être  difficile- 
menl  dépassé  chez  les  peuples  demi-civilisés.  D'autre  part,  je  crains 
qu'il  ne  s'exagère  la  difficulté  que  présente  la  création  de  canaux  d'arro- 
sage à  liane  de  coteau.  Je  me  suis  laissé  dire  en  Abyssinie  qu'elle  se 
faisait  tout  simplement  par  tâtonnement.  La  dérivation  une  fois  établie 
sur  un  ruisseau,  les  indigènes  la  poussent  en  avant  suivant  le  tracé 
qu'ils  ont  décidé,  en  laissant  libre  accès  à  l'eau.  Ils  creusent  le  canal  de 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE.  * 

manière  à  maintenir  une  certaine  épaisseur  d'eau,  et  celle-ci  leur  sett 
en  quelque  sorte  de  niveau.  Toute  erreur  dans  le  sens  vertical  devient 
impossible. 

M.  P.  parle  aussi  des  anciennes  enceintes  fortifiées.  J'aurais  aime 
qu'il  eu!  précisé  leurs  rapports  avec  les  travaux  d'hydraulique  agricole. 
11  aurait  pu  mentionner  ceux-ci  chez  les  Kabyles,  où  ils  ont  joue  un 
grand  rôle  en  dehors  de  la  zone  saharienne.  Les  travaux  des  Romains 
en  Ugérie  et  en  Tunisie  ne  sont  peut-être  (pic  des  ouvrages  berbères 
repris  et  améliorés,  et  que  les  Arabes  ont  plus  tard  importes  en 
Espagne. 

On  consultera  néanmoins  avec  fruit  cette  petite  monographie,  qui 
renferme  des  matériaux  nombreux  et  bien  ordonnés. 

Dans  sa  seconde  brochure,  M.  P.  examine  tout  ensemble  la  distri- 
bution des  mégalithes,  celle  des  gisements  de  métaux,  de  pierres 
précieuses,  et  les  bancs  d'huîtres  perlières  dans  l'Inde  et  dans  tout  le 
Pacifique.  Il  y  a  une  coïncidence  absolue  et  cette  importante  constata- 
lion  vient  à  l'appui  de  la  théorie  du  professeur  Elliot  Smith  :  c'est  une 
même  race  qui  a  répandu  la  civilisation  mégalithique,  poussée  qu'elle 
était  par  le  besoin  de  se  procurer  des  richesses  nouvelles. 

Toutefois  M.  P.  a  posé  un  problème  intéressant  et  dont  la  solution 
ne  paraît  pas  atteinte.  En  étudiant  les  habitations  lacustres  de  la  Haute- 
Autriche  et  de  la  Suisse,  ainsi  que  les  terramares  de  l'Italie,  il 
rencontre  des  traces  très  nettes  d'influence  égyptienne  :  leurs  habitants 
connaissaient  une  variété  d'orge  identique  à  celle  de  l'Egypte  et  de 
l'Italie  méridionale,  et  quelques  autres  plantes  méridionales  ou  orien- 
tales ;  par  contre,  ils  ignoraient  le  seigle,  que  connaissaient  les  races 
qui  les  entouraient.  De  plus  ils  étaient  habillés  de  lin  comme  les  Egyp- 
tiens, tandis  que  leurs  voisins  employaient  seulement  le  chanvre.  Or, 
dans  le  voisinage  des  palafittes  suisses,  on  a  trouvé  des  mines  anciennes 
et,  dans  celui  des  terramares,  les  affluents  du  Pô  roulaient  de  l'or. 

La  difficulté  est  donc  d'expliquer  cet  îlot  de  culture  mégalithique  au 
milieu  d'une  civilisation  différente.  M.  P.  a  trouvé  une  hypothèse  ingé- 
nieuse :  les  Égyptiens  ont  colonisé  de  bonne  heure  la  Colchide,  dans  la 
nier  Noire,  pour  y  exploiter  des  mines  d'or  ;  pour  Hérodote  les  Col- 
chiens  étaient  des  Égyptiens,  et  sur  le  littoral  de  la  mer  Noire  on  trouve 
nombre  d'usages  égyptiens  :  les  dolmens  de  Colchide  étaient  inspirés 
par  les  mastabas  de  la  vallée  du  Nil.  Des  éléments  de  culture  égyp- 
tienne ont  donc  pu  atteindre  par  la  vallée  du  Danube  la  Haute- 
Autriche,  la  Suisse  et  la  Haute-Italie. 

Miilheureusement  les  monuments  mégalithiques  font  défaut  dans  ces 
régions  et,  pour  expliquer  cette  lacune,  on  est  obligé  d'admettre  que 
leurs  habitants  étaient  une  race  envahissante  venue  de  l'Europe  centrale 


I  34  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

et  qui,  à  côté  de  coutumes  égyptiennes,  avaient  des  coutumes  d'autre 
provenance,  comme  la  crémation.  J'avoue  ne  pas  sentir  la  force  de  cet 
argument,  et  il  me  paraît  toujours  inexplicable  de  constater  que,  autour 
des  habitations  sur  pilotis,  les  mineurs  et  les  laveurs  d'or  n'aient  pas 
édifié  les  mégalithes  qui  leur  servaient  de  tombes  et  de  temples, 
d'autant  plus  que  l'on  trouve  des  dolmens  depuis  le  Caucase  jusqu'à 
la  Bulgarie.  M.  P.  n'a  pas  trouvé  d'explication  à  ce  fait  et  l'hypothèse 
que  je  signale  est  due  à  M.  Elliot  Smith. 

Quelques  considérations  un  peu  confuses  sur  les  hauts-fourneaux 
semblent  indiquer  que  l'Egypte  est  le  berceau  du  type  catalan,  iden- 
tique à  celui  des  Étrusques  et  répandu  dans  toute  l'Europe  occidentale» 
voire  même  dans  le  Japon  actuel.  L'influence  égyptienne  se  révèle  donc 
non  seulement  dans  l'extraction  du  minerai,  mais  dans  la  façon  de  le 
traiter.  Cette  étude  ne  saurait  être  considérée  comme  démonstrative.  La 
technique  métallurgique  est  aujourd'hui  assez  connue  chez  les  peuples 
demi-civilisés  pour  que  M.  P.  ait  pu  sans  peine  envisager  la  répartition 
géographique  des  divers  types  de  hauts-fourneaux.  Il  est  probable 
qu'entre  l'Egypte  et  le  Japon  les  termes  de  comparaison  ne  manque- 
raient pas,  et  apporteraient  des  coïncidences  curieuses  avec  la  réparti- 
tion des  anciennes  mines. 

M.  J.  W.  Jackson  a  été  frappé  de  l'analogie  que  présente  le  culte  de 
la   coquille   appelée    Turbinelta  pyrum    chez   les  Indous   et    chez    les 
Astèques.  Dans  l'Inde  elle  est  associée  au  culte  de  Yichnou,  de  Siva,  de 
la  Lune,  de   Varuna,  de  Prajapati  et    de  divers   fleuves.   La  Lune  est 
considérée  comme  le  dieu  de  la  récolte  et,  dans  les  fêtes  saisonnières, 
des  prêtres    soufflent  dans   des    conques.   Varuna,    dieu   de  la    terre, 
dispose  de  l'eau,  et  partant  de  la  sécheresse  et  de  la  famine.   11  rappelle 
Ilaloc,    dieu  mexicain    de  la   pluie,   associé    comme  lui  au  crocodile. 
Dans  les  deux  pays,  des  offrandes,  consistant  en  produits  de  la  terre, 
-   ni  faites  à  la  conque  ;  comme  dieu  lunaire  on  la  figure  avec  une  main 
émergeant    de   l'ouverture    qui    représente    le  dieu   dans   la  coquille. 
M.    J.    considère    que    ces    rapprochements    ne   peuvent  être    fortuits 
et  démontrent   que  cet  élément  de  culture  a  été  transmis  de  l'ancien 
monde  au  nouveau.  Il  cite  à  l'appui  de  sa  thèse  ce  fait  très  curieux  que 
Les  Mexicains,  comme  les   Indous,  voient  un  lapin  dans  ce  que  nous 
appelons  «  l'homme  de  la  lune  ».  Les  uns  et  les  autres  expliquent  l'éclat 
atténué  de  la    lune   par  la   même  légende:    les  dieux  auraient  jeté  un 
lapin   sur  la  lace  de  la  Lune  qui  était  à  l'origine    aussi  brillante  que  le 
soleil.  Il  va  là  probablement  plus  qu'une  coïncidence  entre  deux  rites 
aijs-vi  évolués,  et  il  serait  très  intéressant  de  \oir  si,  dans  les  Panthéons 
de    L'Inde    et  de  l'Amérique,    si    riches    en    formes  diverses,    d'autres 
ressemblances  ne  pourraient  être  retrouvées. 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE.  1 35 

Le  second  travail  de  M.  J.  W.  Jackson  débute  par  une  description  de 
la  préparation  et  de  L'emploi  de  la  pourpre  tyrienne,  d'après  les  témoi- 
gnages anciens,  et  continue  par  L'énumé ration  des  lieux  de  production 
de  la  pourpre  dans  l'antiquité  cl  de  nos  jours.  [Ace  propos  je  signale  à 
l'auteur  qu'il  existe  en  Afrique  une  teinture  pourpre  qui  n'a  rien  à  voir 
avec  les  coquillages;  elle  est  obtenue  par  les  llaoussa,  sans  doute  à 
laide  de  végétaux,  et  ceci  peut  expliquer  comment  à  Thio,  près 
d'Abydos,  en  Egypte,  une  fabrique  de  pourpre  a  pu  être  fondée,  malgré 
l'éloigné  ment  de  la  mer.  | 

La  conclusion  de  cette  élude  très  documentée  est.  qu'il  est  invraisem- 
blable que  des  peuples  différents  aient  inventé  spontanément  une 
technique  aussi  caractéristique  que  celle  de  la  teinture  pourpre,  en 
employant  partoutl  es  mêmes  procédés,  malgré  les  différences  de  race 
et  de  climat  :  elle  leur  a  donc  été  apportée  par  des  étrangers.  Et  ceci 
coïncide  avec  ce  que  l'on  sait  de  ces  mêmes  populations,  où  l'on 
retrouve  d'autres  éléments  de  la  culture  mégalithique,  comme  le  tissage 
et  le  travail  des  métaux. 

Voilà  donc  brièvement  résumée  la  vaste  conception  monogéniste  à 
l'aide  de  laquelle  M.  E.  S.  et  ses  disciples  cherchent  à  expliquer  le 
problème  des  analogies  de  culture  chez  des  peuples  éloignés  dans  le 
temps  et  l'espace.  Il  est  bien  difficile  de  le  discuter  sous  la  forme 
qu'elle  revêt  aujourd'hui,  car  les  dimensions  de  leurs  brochures  ne  leur 
permettent  pas  d'apporter  la  preuve  de  ce  qu'ils  avancent.  Il  semble 
bien  cependant  que,  sur  certains  points,  cette  théorie  ne  repose  pas  sur 
des  faits  indiscutables.  En  ce  qui  concerne  l'Inde,  rien  ne  prouve  l'in- 
fluence exercée  sur  elle  par  la  culture  mégalithique  :  les  alphabets 
indou,  cinghalais,  birman  ne  semblent  nullement  dériver  de  l'alphabet 
présémitique.  Pour  la  Chine,  les  idées  de  Terrieu  de  Lacouperie  n'ont 
jamais  été  prises  au  sérieux  par  les  sinologues,  et  il  est  à  craindre  que 
celles  de  M.  E.  S.  qui  en  sont  inspirées  n'aient  le  même  sort.  Il  n'en 
reste  pas  moins  qu'il  nous  a  fait  connaître  des  faits  incontestables 
qui  subsisteront  après  que  sa  théorie  aura  été  débarrassée  de  ce  qu'elle 
a  de  superflu  et  d'indémontrable.  Nous  souhaitons  vivement  que 
d'autres  travaux  viennent  s'ajouter  aux  premiers  pour  étudier  les 
phénomènes  d'un  haut  intérêt  sur  lesquels  M.  E.  S.  vient  d'attirer 
L'attention  et  pour  faire  la  lumière  sur  la  question  si  complexe  des 
migrations  de  culture. 

Fr.  de  Zeltner. 


l3()  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

Correia  (Vergilio).  Lisboa  preistorica  :  A  estaça  neolitica  de  Vila  Pouca  (Monsanto).  (Lis- 
bonne  préhistorique;  La  station  néolithique  île  Vila   Pouca,  Monsanto)  1  broch., 
in-8°  de  24  pp.  4  fig.  Lisbonne.  Antunes,  1912. 
Id.  Os  pesos  de  tear.  (Les  poids  de  tisserand.)  1  broch.   in-8"  de  8  pp.,  5  fig.   Porto* 

1914. 
Id.  As  «  Cabanas  »  de  Assafarja  (Les  huttes  d'Assafarja,  canton  de  Coimbra.)  2  broch. 

in-8°  de  8  pp.  5  fig.  Porto,  1914. 
Id.  Idolos  prelstoricos  tatuadas  de  Portugal.  (Idoles  préhistoriques  portugaises  tatouées.) 

1  broch.  in  8°  de  11  pp.,  4  fig.  Porto,  1913. 
Id.  Arte  preistorica  :  I.  Pinturas  Rupestres  descobertas  em  Portugal  no  seculo  XVIII,  II  : 

Pinturas  rupestres  da  Senhora  da  Esperança   (Arronches).  (L'art  préhistorique  :  I. 

Peintures  rupestres  découvertes  en  Portugal  au  xvme  siècle.  II  :  Peintures  rupestres 

de  \otre-Dame  d'Esperança,  Arronches).   1  broch.  in-43  de  8  pp.,  2  fig.  Lisbonne, 

1916. 

Le  Monsanto  est  une  montagne  voisine  de  Lisbonne,  qui  a  été  habitée 
aune  époque  très  reculée  et  probablement  dès  les  temps  paléolithiques. 
Il  ne  semble  d'ailleurs  pas  qu'aucun  hiatus  se  soit  produit  avec  le 
Néolithique,  époque  à  laquelle  le  Monsanto  a  été  très  peuplé.  Ceci  tient 
d'abord  à  son  importance  stratégique,  aux  grottes  qui  s'y  trouvent,  à 
l'eau  et  au  silex  qui  y  sont  abondants,  mais  aussi  parce  qu'il  était  un 
lieu  sacré,  ou  renfermait  un  lieu  sacré  (on  pense  involontairement 
au  Cerro  de  los  Santos,  en  Espagne).  Chose  curieuse,  la  tribu  qui  l'occu- 
pait différait,  au  point  de  vue  archéologique,  des  tribus  contemporaines 
qui  existaient  dans  la  région  :  elle  était  à  un  stade  nettement  néolithique 
lors  de  sa  plus  grande  puissance,  mais  on  trouve  des  silex  magdaléniens 
à  la  base  des  gisements.  Le  caractère  sacré  du  Monsanto  a  de  quoi 
surprendre,  car  il  n'y  existe  aucun  monument  religieux,  mais  il  est 
attesté  par  des  passages  de  Varron  et  de  Columelle.  L'auteur  ne  nous  dit 
pas  si  à  l'heure  actuelle  il  s'y  fait  un  culte  quelconque.  Le  mobilier 
archéologique,  très  riche,  comprend  des  meules,  des  percuteurs,  des 
ciseaux,  des  scies,  des  pointes  de  lance  et  de  ilèche,  des  poinçons  en  os. 
Dans  la  céramique,  on  retrouve  la  poterie  incisée  à  incrustations  blanches 
qui  est  si  répandue  dans  toute  la  Méditerranée.  Il  est  à  souhaiter  que 
M.  C.  retrouve  tous  ces  intéressants  objets  en  position  stratigraphique 
et  nous  donne  une  chronologie  exacte  qui  jusqu'ici  fait  défaut. 

Les  poids  de  tisserand  sont  assez  communs  en  Portugal  et  attestent 
que,  dès  les  temps  néolithiques,  le  tissage  y  était  fort  en  honneur.  Au 
début,  ils  étaient  rectangulaires  avec  un  trou  à  chaque  angle  et  des 
ornements  en  creux  sur  les  faces.  A  l'époque  romaine,  ils  deviennent 
ovoïdes,  pyramidaux,  ou  coniques  et  n'ont  plus  qu'un  trou  de  suspen- 
sion :  parfois  ils  portent  une  marque  de  propriétaire  ou  de  fabricant. 
On  n'en  connaît  pas  qui  remontent  aux  époques  visigothe  et  arabe  ou 
au  moyen  Age.  A  une  date  rapprochée  de  nous  le  métier  vertical,  qui 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE.  1^7 

exige  île  nombreux  poids,  disparaît,  cl  apparaît  le  métier  horizontal, 

qui  non  nécessite  qu'un.  Cet  unique  poids  est  dès  lors  orné  avec  soin 
el  M.  C.  en  figure  qui  sont  décorés  avec  goût.  Parfois  ils  reproduisent 
dos  formes  anciennes,  parfois  ils  ont  la  forme  d'un  cœur  :  ils  sont  en 
terre  cuite,  en  pierre  ou  même  en  bois;  les  dessins  en  couleurs  qui  les 
couvrent  sont  souvent  de  très  bonne  exécution.  M.  C.  remarque  avec 
raison  qu'il  es!  triste  de  voir  disparaître  ces  vestiges  d'une  vieille 
culture  :  le  tissage  à  domicile  recule  de  plus  en  plus  devant  les  hideux 
produits  manufacturés;  il  n'est  que  temps  pour  nos  amis  portugais 
de  recueillir,  d'étudier  et  de  décrire  les  séries  de  tissus  rustiques  si 
beaux  et  si  originaux  qui  subsistent  dans  certaines  provinces 

M.  C.  a  vu  et  étudié  un  certain  nombre  de  huttes  en  pierre  très 
primitives  que  l'on  rencontre  dans  les  montagnes,  et  qui  servent  d'abr1 
provisoire  aux  bergers  ou  aux  laboureurs.  Elles  sont  faites  de  murs  en 
pierres  sèches  et  présentent  diverses  formes.  Celles  qui  sont  rectangu- 
laires se  composent  de  trois  murs  formant  deux  angles  droits,  le 
quatrième  coté  restant  ouvert.  Des  dalles  de  pierre  les  recouvrent. 
Parfois  elles  sont  adossées  à  une  paroi  de  rocher.  Les  huttes  carrées  sont 
cubiques,  pyramidales,  ou  bien  carrées  à  l'extérieur  et  rondes  à  l'inté- 
rieur, formant  ainsi  la  transition  avec  les  huttes  rondes.  Celles-ci  sont 
cylindriques  ou  tronconiques,  et  couvertes  de  voûtes  en  encorbellement, 
recouvertes  elles-mêmes  de  pierrailles  ou  de  terre.  Lorsque  la  hutte  est 
carrée,  une  pierre  placée  à  chaque  angle  facilite  la  transition  du  carré 
au  rond.  Leur  superficie  est  d'environ  quatre  mètres  carrés.  Parfois,  en 
guise  d'ornement,  on  les  surmonte  d'une  pierre  pointue  placée  en 
obélisque. 

Les  portes  sont  constituées  tantôt  par  les  murs  eux-mêmes,  tantôt 
par  des  monolithes  demi-taillés  et  de  grandes  dimensions.  Le  linteau 
est  une  dalle  de  longueur  convenable.  Il  n'y  a  jamais  de  fenêtres,  mais 
parfois  on  alaissé,  au-dessus  dulinteau,  un  vide  triangulaire,  formé par 
deux  dalles  accotées.  L'auteur  a  fait  de  suite  le  rapprochement  avec  la 
porte  du  Trésor  des  Atrides  à  Mycènes.  Quant  aux  cabanes  elles-mêmes, 
elles  rappellent  les  constructions  massives  appelées  trulli  en  Italie  méri- 
dionale, imrac/he  eu  Sardaigne,  sesi  à  Pantellaria.  M.  C.  ne  pense  pas 
qu'il  y  ait  de  parenté  entre  elles;  il  admet  que  partout  où  les  conditions 
géologiques  le  permettent  les  hommes  primitifs  ont  employé  ce 
\\stème  de  construction.  Ces  huttes  sont  répandues  dans  diverses 
provinces  de  Portugal,  mais  un  grand  nombre  sont  modernes.  Il  est  à 
regretter  que  des  fouilles  n'aient  pas  été  faites  dans  ces  constructions: 
peut-être  auraient-elles  donné  quelques  indications  sur  la  date  à  laquelle 
elles  remontent.  M.  C.  a  été  néanmoins  bien  inspiré  en  les  décrivant. 

La  question  des  tatouages  actuels  sert  à  M.  C.  d'entrée  en  matière 


l38  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

I  ur  l'étude  du  tatouage  dans  les  temps  passés,  particulièrement  en  ce 
qui  concerne  les  idoles  néolithiques.  Il  signale  l'usage  encore  en  vigueur 
parmi  les  pèlerins  de  Notre-Dame-de-Lorette,  de  se  faire  exécuter  des 
tatouages  assez  variés  en  souvenir  de  leur  pèlerinage.  La  complication 
de  ces  dessins  n'a  rien  qui  doive  surprendre  car  ils  sont  imprimés  sur 
la  peau  à  l'aide  d'une  matrice  en  bois,  puis  piqués  à  l'aiguille.  Ce 
procédé  rappelle  les  pintade  ras  enterre  cuite  qui  servaient  aux  Guanches 
au  même  usage.  Au  Brésil  ces  instruments  ont  été  perfectionnés,  et 
leurs  dessins  sont  garnis  de  pointes  d'acier;  il  suffit  de  les  appuyer  sut- 
la  peau  pour  avoir  d'un  seul  coup  tout  le   tatouage. 

La  civilisation  néolithique  a  laissé  des  traces  très  importantes  au 
Portugal  :  sommets  fortifiés,  grottes,  enceintes,  fonds  de  cabanes,  et 
ces  constructions  primitives,  appelées  antas,  attestent  l'existence  d'une 
population  nombreuse,  active,  industrieuse  et  vivant  dans  un  stade  de 
culture  analogue  à  celle  de  certaines  tribus  africaines.  Malheureusement 
ces  Néolithiques  n'avaient  pas  hérité  des  dons  artistiques  de  leurs  prédé- 
cesseurs paléolithiques,  et  ils  ne  nous  ont  légué  que  des  œuvres  informes, 
d'une  interprétation  difficile  et  d'où  se  dégage  cependant  un  sentiment 
très  religieux.  M.  C.  me  permettra  de  lui  faire  observer  ici  que  puisque 
le  fâcheux  hiatus  n'existe  pas  en  Portugal,  il  aurait  été  bien  intéressant 
'de  nous  dire  si  cet  art  néolithique  se  retrouvait  dans  les  trouvailles 
paléolithiques,  au  moins  à  l'état  d'embryon. 

La  divinité  féminine  semble  avoir  été  représentée  de  préférence  par 
les  Néolithiques,  et  le  Portugal  ne  fait  pas  exception  à  cette  règle.  M.  C. 
nous  donne  une  petite  liste  des  idoles  qu'on  y  a  trouvées.  Ce  sont 
principalement  des  pierres  sculptées,  des  plaques  de  schiste,  des  cylindres 
<lc  calcaire,  d'os,  d'ivoire,  des  phalanges  d'animaux,  probablement 
aussi  les  vises  ornés  d'yeux  ou  de  mamelons.  Beaucoup  rappellent  les 
objets  analogues  de  la  vallée  du  Petit  Morin,  de  Collorgues,  de  Saint- 
Sernin,  et  d'autres  régions,  dont  le  décor  géométrique  est  bien  connu. 
Certains  traits,  au  nombre  de  deux  ou  trois,  allant  généralement  de 
l'oreille  à  la  bouche,  semblent  pouvoir  être  considérés  comme  des 
tatouages  et  l'auteur  n'a  pas  eu  de  peine  à  en  trouver  des  exemples 
chez  les  peuples  semi-civilisés.  Il  est  probable  que  certains  ornements, 
considérés  comme  colliers  dans  les  statues  primitives,  sont  en  réalité 
des  tatouages  ou  plutôt  des  incisions.  M.  C.  ne  semble  enefl'ct,  pas  faire 
de  distinction  entre  ces  den\  groupes,  dont  le  premier  comporte  cepen- 
dant l'emploi  d'un  colorant  tandis  (pie  le  second  tire  son  élégance  du 
bourgeonnemenl  de  la  plaie,  souvent  accru  par  des  drogues  spéciales. 

Il  sérail    injuste  de    passer   sous    silence   une  charmante    tète  de    femme 
en  OS,  trouvée  sous    un  las  de  pierre  dans  la  vallée  de  S.    Martinho.  près 

de  Cintra,  et  d'époque   énéolithique.   Elle   montre  une  évolution  très 


Moi  \  Mil  \  r    SCIES  IN  loi  e.  i3g 

nette  vers  les  figures  en  ronde-bosse  et  dénote  une  certaine   habileté 

chez  le  sculpteur,  qu'on  ne  vôil  guère  dans  les  cylindres  d  1rs  plaques. 
Son  caractère  hiératique  lui  donne  beaucoup  d'analogie  avec  les  statues 
ibôriiiuos  du  Gerro  de  los  Santo,  et  la  daine  d'Elche. 

La  dernière  brochure  de  M.  G.  débute  par  un  hommage  rendu  aux 
préhistoriens  français  qui  ont  instauré  dans  la  péninsule  ibérique  l'élude 
des  peintures  rnpestres,  laquelle  a  donné  de  si  beaux  résultats.  Le 
Portugal  est  moins  bien  partagé,  mais  n'est  pas  complètement  dépourvu 
de  ees  manifestations  de  l'art  primitif,  et  M.  C.  espère  orienter  l'atten- 
tion de  ses  compatriotes  de  ce  côté.  Il  reproduit  les  signes  à  comparti- 
ments de  Cachâo  da  Rapha,  dessinés  par  Débile  en  ^55,  et  les  considère 
comme  ayant  un  rapport  direct  avec  le  Douro,  qui  coule  à  côté,  et 
auquel  ces  peintures  auraient  été  consacrées.  Elles  seraient  d'époque 
néolithique  ou  énéolithique.  Il  les  compare  avec  raison  aux  signes  à 
compartiments  que  j'ai  relevés  dans  la  vallée  du  Sénégal.  (Je  lui  signale 
ceux  qu'a  publiés  Desplagnes  dans  son  «  Plateau  central  nigérien  »). 
Comme  terme  de  comparaison  l'auteur  donne  une  série  de  peintures 
rupestres  découvertes  près  de  Senhora  da  Esperança  (Arrondies)  par 
M.  Aurelio  Cabrera.  Elles  se  rapprochent  beaucoup  des  précédentes  et 
de  celles  trouvées  dans  la  Sierra  Morena.  Cette  même  région,  très  voi- 
>i no  de  l'Espagne,  donnera  probablement  d'autres  séries  de  rupestres. 

L'impression  donnée  par  l'ensemble  des  intéressants  travaux  de  M.  C. 
est  que  le  Portugal  est  susceptible  de  fournir  une  belle  moisson  aux 
archéologues  qui  en  entreprendront  l'étude  systématique.  Les  points  de 
comparaison  avec  le  restant  de  l'Europe  ne  manqueront  certainement 
pas,  mais  nos  amis  portugais  auraient  certainement  intérêt  à  enchercher 
en  Afrique.  Bien  des  affinités  de  culture  et  de  race  apparaîtraient,  qui 
sont  encore  à  l'état  d'hypothèses,  et  nos  idées  sur  ces  questions  en  rece- 
vraient certainement  quelques  lumières. 

F.  de  Z. 


Zlazo  y  PALAcios(Julian).  Meca  :  Contribucion  al  estudio  de  las  ciudades  ibericas  (Meca  : 
Contribution  à  l'étude  des  cités  ibériques).  Br.  gr.  in-8,  Madrid,  1916. 

Il  s'agit  ici  des  ruines  d'une  ville  qui,  aux  temps  anciens,  a  eu  une 
grande  importance.  Elles  sont  situées  sur  le  mont  Mugron,  qui  appar- 
tient à  la  fois  aux  provinces  d'Albacetc  et  de  Valence  et  voisines 
d'Alpera,  où  MM.  Breuil  et  Cabré  Aguilo  ont  trouvé  les  peintures 
rupestres  que  l'on  connaît.  La  ville  de  Meca  constituait  une  position 
imprenable  où  se  réfugiaient  les  habitants  des  environs  quand  il  se 
produisait  une  de  ces  attaques  si  commnnes  aux  temps  ibériques.  Ils 
avaient  augmenté  la  valeur  stratégique  de  ce  point  par  des  défenses 


I^O  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

diverses,  tours,  murailles,  vigies  ;  aussi  par  la  construction  d'une 
route  qui  en  facilitait  l'accès  et  qui  fut  très  fréquentée,  comme  lattes- 
teut  les  traces  de  chars  qui  la  sillonnent,  et  enfin  par  l'établissement 
de  nombreuses  citernes  qui  leur  permettaient  de  résister  à  un  siège  de 
quelque  durée.  Il  est  curieux  de  noter  que  Meca  n'a  été  vraiment 
habite  qu'à  l'époque  ibérique.  Elle  n'a  pas  connu  l'époque  impériale. 
Quant  aux  époques  précédentes,  elles  ne  semblent  pas  avoir  laissé  de 
traces.  Les  grottes  qui  creusent  la  montagne  paraissent  avoir  été 
habitées,  mais  on  en  est  réduit  à  des  conjectures  au  sujet  de  leurs 
habitants.  Il  est  permis  de  supposer  qu'ils  étaient  parents  des  Néoli- 
thiques qui,  tout  près  de  là,  peignirent  les  fresques  d'Alpera.  Les 
fouilles  des  archéologues  espagnols  nous  fixeront  certainement  à  ce 
égard. 

Dans  un  appendice,  l'auteur  nous  décrit  sommairement  les  trouvailles 
qu'il  a  faites  à  Montealegre  (province  d'Albacete).  Une  nécropole  très 
vaste  lui  a  donné  des  urnes  funéraires  avec  un  mobilier  datant  de  l'âge 
du  fer,  mais  où  les  objets  de  cuivre  sont  nombreux  Je  signale  deux 
fûts  de  colonne  en  terre  cuite  très  curieux.  Aux  environs  se  trouvent  de 
nombreux  tumuli,  construits  en  matériaux  de  grandes  dimensions, 
parfois  d'allure  cyclopéenne.  L'auteur  les  attribue  aux  Ibères,  et  admet 
que  ces  derniers  représentent  la  population  néolithique,  et  habitaient 
cette  région  dès  l'époque  du  cuivre.  Dans  une  grotte  voisine  ont  été 
trouvés  des  silex  taillés  et  de  la  céramique  néolitique.  Nous  nous 
joignons  au  vœu  exprimé  par  M.  Z.  et  souhaitons  que  des  explorations 
systématiques  viennent  jeter  la  lumière  sur  cet  ensemble  si  intéressant, 
qui  n'a  été  jusqu'à  présent  qu'effleuré. 

F.    DE  Z. 

Vidal  (Luis  Mariano).  Ceramica  de  Ciempozuelos  (Céramique  du  type  de  Ciempozuelos 
trouvée  dans  une  grotte  préhistorique  du  N.-E.  de  l'Espagne).  Une  broch.  in-8°  de 
26  pp.  et  13  pi.  Association  espagnole  pour  l'avancement  des  sciences.  Congrès  de 
Valladolid,  1916. 

M.  Y.  a  trouvé  cette  intéressante  céramique  dans  une  grotte  appelée 
((  Cova  fonda  »  près  de  Vilabella  (province  de  Tarragone).  C'est  la  pre- 
mière fois  qu'on  la  rencontre  dans  le  N.-E.  de  la  péninsule  Ibérique,  et 
à  cette  occasion  M.  V.  nous  expose  ses  vues  sur  cette  industrie.  Elle  est 
caractérisée  par  l'emploi  exclusif  du  décor  reclilinéairc  incisé,  qui 
forme  des  combinaisons  parfois  très  heureuses.  Les  formes  les  plus 
fréquentes  sont  le  vase  en  tulipe,  le  vase  hémisphérique  et  le  plat  à  bords 
peu  élevés.  Des  exemplaires  de  cette  céramique  ont  été  trouvés  en 
Europe,  en  Afrique  et  même  en  Asie,  ce  qui,  pour  l'auteur,  démontre  à 
la  fois  la  communauté  d'origine  des  races  humaines  à  cette  époque,  et 
l'existence  de  relations  commerciales  étendues.  M.  Hubert  Schmidt,  qui 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE.  i/jl 

a  étudié  ce  groupe  cria  inique,  pense  qu'il  est  originaire  du  Centre  et  du 
Sud-Ouest  de  l'Espagne,  d'où  il  se  serait  répandu  vers  l'Est,  jusqu'en 
Bohême  ei  vers  le  Sud  jusqu'en  Sicile.  Au  Nord  on  le  retrouve  en 
Angleterre,  mais  à  rage  du  bronze  seulement,  tandis  qu'en  Espagne  et 
dans  les  autres  régions  il  caractérise  l'époque  du  cuivre.  Dans  la  pénin- 
sule Ibérique,  on  l'a  rencontré  au  Centre,  au  Sud,  et  à  l'Ouest.  La 
découverte  de  M.  V.  comble  donc  un  vide  de  l'extension  de  cette 
culture.  , 

La  grotte  de  Cova  fonda  a  livré  un  grand  nombre  d'ossements 
humains,  appartenant  à  une  centaine  de  squelettes,  et  une  quantité 
considérable  de  tessons:  elle  était  à  la  fois  un  cimetière,  un  atelier  de 
potier  et  une  habitation.  La  céramique  a  donné  des  types  néolithiques 
et  ('néolithiques:  un  poignard  à  lame  de  cuivre  fixe  l'époque,  et  les 
poteries  du  type  de  Ciempozuelos  se  trouvent  mélangées  aux  autres 
sans  différence  de  niveau.  Quelques  poteries  de  type  hallstatlien  prou- 
vent que  la  grotte  a  été  habitée  à  une  époque  assez  tardive.  D'excellentes 
photographies  complètent  l'étude  de  M.  V.  et  permettent  déjuger  de  la 
décoration  incisée  et  des  outils  qui  ont  servi  à  l'exécuter. 

F.  ni:  Z. 

Fontes  (Joachi m).  Une  œnochoé  en  bronze  rencontrée  à  Rio-Maior.  (Extr.  des  Arquivos 
da  Univ&rsidade  de  Lisboa,  vol.  III,  1916). 

L'œnochoé  en  question,  unique  en  Portugal,  a  été  achetée  à  un 
forgeron  qui  était  sur  le  point  de  la  mettre  au  creuset.  Elle  fut  trouvée 
à  quelques  mètres  de  profondeur  à  Cova  do  Pinhâo,  près  des  origines 
de  la  rivière  Rio-Maior. 

Elle  est  très  bien  conservée.  Sa  forme  générale  est  celle  des  vases 
analogues  assez  communs  à  l'âge  du  Fer.  Mais  l'anse  est  fort  particu- 
lière. Elle  représente  uu  lion  sautant,  dont  les  pattes  postérieures, 
étendues,  sont  continuées  par  une  spatule  s'appliquant  sur  la  panse.  La 
tête  s'élève,  altière,  entre  les  deux  membres  antérieurs  posés  sur  les 
cous  de  deux  aigles  qui  s'étirent  et  s'accrochent  par  le  bec  à  l'ouverture 
de  l'œnochoé  dont  la  hauteur  totale  est  de  o"\i8. 

L'auteur  compare  cette  belle  pièce,  dont  il  donne  d'excellentes  photo- 
graphies, aux  monuments  analogues  déjà  connus,  particulièrement  aux 
formes  classiques  de  la  Grèce  et  de  l'Étrurie.  L'artiste  a  été  visiblement 
iniluencé  par  les  arts  de  la  Grèce,  mais  en  gardant  un  individualisme 
indubitable.  Le  vase  de  Rio  Maiorest  bien  une  œuvre  d'art  indigène. 
Le  lion,  les  aigles  et  la  spatule,  avec  un  nombre  impair  de  rayons,  sont 
des  motifs  d'art  oriental  que  les  iniluences  helléniques  ont  introduits 
dans  le  reste  de  l'Europe.  Le  lion  rappelle  une  figure  chaldéenne. 
L'époque  à  laquelle  on  peut  rapporter  l'œnochoé  portugaise  est  peut- 
être  celle  de  la  Tènc. 

M.  Boule. 


lfi2  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

Jotcb  (Thomas  A.)-  Central  American  and  West  Indian  Archaeology  (Archéologie  de 
r\mérique  centrale  et  des  Indes  occidentales).  1  vol.  in-8°  «.le  270  p.  avec  planches, 
caries  et  gravures  dans  le  texte.  Londres,  Philippe   Lee  Warner,  1916.  Prix  :  12  s.  6. 

L'auteur  continue,  dans  la  série  des  Ilandbooks  to  ancient  Civilisation 
de  l'éditeur  Lee  Warner,  la  publication  de  ses  très  utiles  ouvrages 
d'archéologie  américaine.  Nous  avons  rendu  compte  des  deux  premiers 
volumes  consacrés  l'un  à  l'archéologie  sud-américaine,  l'autre  à 
l'archéologie  mexicaine  (V.  VAnihr.,  XXIV,  p.  54 1  et  XXV,  p.  558). 

Il  s'agit,  dans  la  première  partie  de  ce  troisième  volume,  de  l'Amé- 
rique centrale,  à  l'exclusion  du  Guatemala  et  de  l'Honduras  (qui  ont 
été  traités  dans  le  volume  sur  le  Mexique),  c'est-à-dire  du  Nicaragua, 
de  Costa-Rica  et  de  Panama.  La  seconde  partie  traite  des  West-Indies, 
c'est-à-dire  des  îles  Bahama,  des  grandes  Antilles  (Jamaïque,  Cuba, 
Saint-Dominique,  Porto-Rico)  et  des  Petites  Antilles  (Guadeloupe, 
Martinique,  Saint-Vincent,  etc.). 

Gomme  pour  les  volumes  précédents,  le  but  de  l'auteur  a  été  de 
décrire  la  religion,  les  mœurs,  les  arts  et  les  métiers  des  anciens  habi- 
tants de  ces  régions,  en  se  basant,  d'une  part,  sur  les  récits  des  premiers 
voyageurs  et  des  vieux  chroniqueurs  particulièrement  nombreux  dans 
ces  régions  où  débarquèrent  les  premiers  Européens,  d'autre  part,  sur 
les  découvertes  archéologiques.  Ce  troisième  volume  relie  donc  géogra- 
phiquement  les  deux  autres.  Il  les  relie  aussi  au  point  de  vue  archéo- 
logique, car  les  anciennes  cultures  de  l'Amérique  Centrale  tiennent 
d'un  côté  à  la  civilisation  du  Mexique  et  du  Guatemala  et  d'un  autre  côté 
aux  cultures  colombienne  et  péruvienne.  Les  limites  réciproques  de  ces 
inlluences  ne  correspondent  pas  aux  divisions  politiques  actuelles.  La 
pression  exercée  par  les  tribus  Nahualt,  décrites  dans  le  volume  sur  le 
Mexique,  a  profondément  affecté  le  Nicaragua,  un  peu  Costa-Rica  et 
s'est  même  étendue  jusqu'au  Panama.  L'influence  de  l'Amérique  du 
Sud  est  allée  plutôt  en  diminuant  qu'en  augmentant.  L'ethnographie 
générale  du  Panama  et  de  Costa-Rica  paraît  avoir  été  tout  d'abord  plus 
voisine  de  celle  de  l'Amérique  du  Sud  que  celle  du  Mexique  ou  de 
Guatemala,  mais,  en  dehors  de  l'Est  du  Panama,  on  n'observe  aucune 
inlluence  active  du  côté  de  la  Colombie  ou  du  Venezuela. 

Le  cas  des  Indes  occidentales  est  tout  différent.  Ici,  on  n'observe 
pratiquement  aucun  contact  avec  le  Mexique  et  l'Amérique  centrale, 
mais  on  relève,  par  contre,  les  manifestations  bien  nettes  de  deux 
vagues  successives  d'immigration  sud-américaine.  La  première  de  ces 
vagues  a  apporté  aux  îles  une  population  se  rattachant  au  stock  consi- 
dérable des  Arawak  ;  la  seconde  a  colonisé  les  petites  Antilles  avec  des 
éléments  du  stock  encore  plus  puissant  des  Caraïbes.  Ces  deux  peuples 
ont  partout  été  rivaux  et,  au  moment  delà  découverte  de  l'Amérique,  il 
ne  restait,  en  fait  d'Arawak,  que  quelques  femmes  à  l'état  d'esclavage. 


MOUVEMENT    SGIENTIFIQ1  E.  1^3 

L'auteur  a  résumé,  avec  méthode  et  clarté,  toutes  les  notions  que 
peuvent  nous  fournir  l'histoire  et  l'archéologie  sur  ces  anciennes 
populations.  Les  documents  archéologiques  sont  nombreux,  bien  pré- 
sentés par  de  bonnes  illustrations,  reproductions  photographiques 
ou  dessins  à  la  plume.  On  remarquera  :  les  idoles  en  pierre,  les 
broyeurs  de  maïs  en  pierre  (metates)  les  poteries  modelées,  ornées, 
peintes,  de  toutes  sortes,  aux  curieux  dessins  plus  ou  moins  stylisés, 
vases  à  trépied  et  tabourets  ;  les  ornements  el  bijoux  en  or,  du  Nica- 
ragua, de  Costa-Rica  ou  du  Panama;  les  idoles  en  bois,  colliers  en 
pierre,  pilons  ouvragés,  étranges  sièges  en  bois  ou  en  pierre,  haches 
polies  de  toutes  formes,  pétroglyphes  des  Antilles. 

Deux  cartes  hors  texte,  un  appendice  bibliographique  et  un  index 
alphabétique  complètent  cette  documentation  et  font  du  nouveau  livre 
de  M.  Joyce  un  bon  instrument  de  travail  à  recommander  à  tous  les 
«  américanistes  ». 

M.  B. 

Eaton  ((icorge  F.).  The  Collection  of  osteological  material  from  Machu  Picchu  (La 
collection  ostcologiquc  de  Machu  Picchu).  Memoirs  of  the  Conneclicul  Acad.  of 
Arts  and  Sciences,  Vol.  V,  New  Haven,  1916. 

Macchu  Picchu  est  une  antique  cité  péruvienne  perchée  sur  un  éperon 
montagneux  qu'enserre  le  cours  tumultueux  de  l'L  rubamba.  L'Univer- 
sité de  Yale  et  la  Société  nationale  de  Géographie  ont  organisé  en  19 12, 
une  mission  d'exploration.  Le  présent  ouvrage  est  la  description  du 
matériel  ostéologique  retiré  des  sépultures  de  Macchu  Picchu  et  de  son 
voisinage. 

L'auteur  a  fouillé  lui-même  une  cinquantaine  de  tombes!  Les  tra- 
vaux ont  continué  après  son  départ  et  ont  porté  à  107  le  nombre  des 
sépultures  explorées. 

Celles-ci  ne  se  trouvent  pas  dans  l'intérieur  de  la  cité  mais  en  dehors 
de  ses  murs.  Elles  ont  été  numérotées  et  repérées  sur  une  carte  topo- 
graphique de  Machu  Picchu  et  de  ses  abords,  placée  à  la  fin  du  volume. 
Cette  carte  indique  trois  groupements  principaux  s'étendant,  sur  les 
lianes  escarpés  de  la  montagne,  jusqu'à  4oo  mètres  au-dessus  des  ruines. 

Les  sépultures  sont  de  deux  sortes.  Dans  la  plupart  des  cas  les  restes 
humains  ont  été  déposés  d.ms  une  excavation,  sous  certains  des  blocs 
de  pierre  qui  encombrent  les  lianes  delà  montagne.  Ordinairement  ces 
excavations  ont  été  aménagées  spécialement,  quelques-unes  sont  tout  à 
fait  naturelles.  De  sorte  que  la  forme  de  ces  excavations  varie  beaucoup. 
Dans  d'autres  cas,  les  cadavres  étaient  inhumés,  c'est-à-dire  recouverts 
de  terre;  le  plus  souvent  ces  enterrements  étaient  pratiqués  sous  des 
abris  rocheux  qui  devaient  les  protéger  contre  la  moisissure  et  les 
rayons  d'un  soleil  ardent.   Quand    il  y  avait  un  espace   suffisant,  les 


iVl  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

momies  étaient  assises,  en  position  accroupie.  Peu  à  peu  les  momies 
se  desséchaient,  se  désagrégeaient  et  les  ossements  disloqués  étaient 
recouverts  d'une  couche  d'humus.  La  végétation,  les  racines  des 
plantes  ont  contribué  beaucoup  à  leur  destruction. 

Les  cadavres  étaient  accompagnés  de  quelques  objets  et  de  poteries. 
D'asse*  nombreux  vases  ont  pu  être  restaurés. 

M.  Eaton  décrit  minutieusement  les  107  sépultures  une  à  une  ;  il  en 
donne  des  photographies,  des  croquis,  des  plans,  des  coupes;  il  énu- 
mère  les  objets  trouvés  ;  les  ossements  humains  sont  étudiés  et  leurs 
mensurations  sont  groupées  en  deux  grands  tableaux  hois  texte. 

Cette  partie,  la  plus  importante  du  volume,  comprend  encore  la 
description  de  deux  espèces  nouvelles  de  Mammifères,  dont  les  débris 
ont  été  trouvés  dans  plusieurs  excavations  funéraires,  un  Abrocoma  et 
un  Agouti.  Elle  est  accompagnée  de  nombreuses  planches  hors  texte. 

i4  de  ces  planches  représentent  des  objets  :  épingles  à  large  tète 
spatulée,  pinces  de  toilette,  miroirs,  «  cure-oreilles  »  pour  dames, 
couteaux,  etc.,  le  tout  en  bronze;  objets  en  chlorito-schisle,  dont  plu- 
sieurs représentent  des  animaux;  débris  d'étoffes  en  poils  de  lama; 
objets  en  or,  parfois  ornés  ;  toute  une  série  de  beaux  vases  polychromes, 
aux  formes  variées  et  curieuses,  avec  parfois  des  faces  humaines  mode- 
lées et  d'élégantes  décorations  (tel  le  plat  de  la  pl.-tnche  X,  fig,  1-2  orné 
de  deux  papillons  peints,). 

Les  planches  XV  à  XXIV  sont  des  photographies  de  crânes  humains 
normaux  ou  remarquables  à  divers  égards  :  déformations,  lésions 
pathologiques  de  nature  syphilitique.  Les  planches  XIX  à  XXI  repré- 
sentent des  bassins,  les  planches  XXII  à  XXXVII  de  ces  longs,  normaux 
ou  pathologiques.  Les  photographies  ordinaires  sont  ici  accompagnées 
de  radiographies. 

Le  texte  se  termine  par  quelques  pages  de  conclusions  dont  voici  le 
résumé. 

L'état  de  conservation  imparfaite  des  ossements  humains  de  Macchu 
Picchu  ne  saurait  être  dû  à  de  simples  causes  naturelles  ;  il  doit  être 
en  relation  avec  des  rites  funéraires.  Pour  expliquer  l'absence  ou  la 
perte  de  certaines  parties  du  squelette,  le  crâne,  la  mandibule,  tel  ou 
tel  os  des  membres,  il  faut  supposer  que  ces  parties  ont  dû,  à  un 
moment  donné,  être  séparées,  déplacées  ou  perdues,  soit  quand  les 
momies  ont  été  transportées  de  leur  sépulture  temporaire  à  leur  sépul- 
ture définitive,  au  cours  d'une  cérémonie  festivale.  On  sait,  en  eflet, 
que  le  culte  des  morts  est  un  trait  particulier  de  la  religion  des  Incas. 
Les  auteurs  anciens,  du  xvie  siècle,  notamment  Christoval  de  Molina, 
ont  décrit  des  cérémonies  de  ce  genre,  dont  les  détails,  reproduits  par 
l'auteur,  expliquent  très  bien  en  effet,  les  caractères  des  vieilles  sépul- 
tures de  Machu  Picchu.  Il  est  très  probable  que  les  habitants  de  cette 


Mot   \  l.MFAT     SCI  UNI  II  loi    I  |  45 

magnifique  cité,  suivant  les  pratiques  de  leur  race  et  de  leur  temps, 
visitaient  leurs  morts  à  certaines  époques  et  leur  rendaient  des  honneurs, 
ainsi  que  cela  se  pratiquait  à  Cuzco,  au  temps  de  Christoval  de  Molina. 
Il  parait  que  ces  sortes  de  cérémonies  n'allaient  pas  sans  de  fortes  liba- 
tions de  liqueurs  enivrantes  et,  comme  les  cadavres  étaient  rapportés 
à  leurs  sépultures  à  la  fin  de  l<i  J'èle,  on  comprend  que  certaines  parties 
du  squelette  pouvaient  s'égarer  en  chemin,  dans  les  sentiers  escarpés  et 
rocailleux  de  la  montagne. 

Nordenskiôld  a  observé  des  pertes  analogues  en  étudiant  de  vieilles 
sépultures  sur  le  plateau  de  Titicaca.  Il  en  donne  une  autre  explication  : 
«  Lorsqu'on  souhaite  la  sécheresse,  on  retire  d'un  tombeau  un  crâne  et 
on  le  fiche  sur  une  perche.  Celte  curieuse  coutume  pourrait  expliquer 
pourquoi  Ten  Kate  a  trouvé  chez  les  Calchaquis  de  l'Argentine,  tant  de 
tombeaux  où  le  crâne  faisait  défaut.  » 

Les  ossements  humains  étudiés  par  M.  Eaton  se  rapportent  à  164  indi- 
vidus. Les  adultes  mâles  sont  en  majorité  du  type  montagnard.  Les 
adultes  femmes  montrent  une  égale  proportion  du  type  montagnard  et 
du  type  côtier.  Les  uns  et  les  autres  présentent  des  exemples  de  défor- 
mations crâniennes.  Le  fait  le  plus  curieux  est  l'extraordinaire  prédo- 
minance de  l'élément  féminin  surl'élément  masculin  (environ  5  contre  1). 
L'auteur  suppose  que  l'empire  Inca  a  eu,  à  Mâcha  Pichu,  un  de  ces  éta- 
blissements connu  sous  le  nom  de  Acelahuasicuna,  sortes  de  couvents 
où  vivaient  les  vierges  du  soleil  et  les  prêtresses  chargées  du  service  du 
temple.  Cette  hypothèse  est  confirmée  par  diverses  considérations.  Le 
fait  qu'il  y  a  une  certaine  proportion  de  sépultures  masculines  et  de 
sépultures  enfantines  n'est  pas  incompatible  avec  elle. 

11  est  difficile  de  résoudre,  d'une  façon  précise,  le  problème  de  l'âge 
de  ces  sépultures.  Le  fait  certain  c'est  que  la  plupart  offrent  les  carac- 
tères essentiels  d'une  culture  précolombienne.  Mais  il  est  possible  et 
même  probable  que  quelques-unes  d'entre  elles  remontent  moins  haut 
et  soient  post-colombiennes  (deux  ont  livré  des  objets  d'origine  euro- 
péenne). 

On  ne  peut  interpréter  qu'avec  prudence  les  faits  pathologiques 
observés.  Il  y  a  quelques  années,  la  majorité  des  médecins  n'eût  pas 
hésité  à  considérer  les  stigmates  syphilitiques  comme  post-colombiens. 
Depuis  les  recherches  du  D'  Iwan  Bloch,  nous  savons  que  la  syphilis  es^ 
une  maladie  de  haute  antiquité  dans  le  Nouveau-Monde  et  qu'elle  a  été 
apportée  en  Europe  de  Haïti  par  l'équipage  de  Colomb,  au  retour  de 
son  premier  voyage.  Il  en  résulte  que  les  altérations  syphilitiques  qu'on 
peut  observer  sur  des  os,  soit  dans  l'Améiique  du  Sud,  soit  dans  l'Amé- 
rique du  Nord,  ne  sauraient  plus  suffire  à  prouver  l'âge  post-colombien 
de  ces  os, 

M.  B. 

LL'ANTHKOPOLOblK.  —  T.    XXIX.   —    1 9  i\  10 


I  '|(>  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

Sa.R4.sin  (Paul).  Ueber  tierische  und  menschliche  Schnellrechner.  (Le  calcul  rapide  chez 
l'homme  et  les  animaux.)  Tirage  à  pari  des  Ve>  Itand/ungm  dcr  naturforscfienden 
Geseltchnft  in  Buset,  Bainl  XXVI,  1915.  Luc  broch.  in-8\  27  pages. 

M.  Sarasin  compare  la  faculté  de  calculer  rapidement  chez  les 
hommes  et  les  animaux.  Le  cheval  Muhamed,  d'Elberfed,  représente  ces 
derniers,  et  le  jeune  indou  Arumugam  les  premiers.  M.  S.  commence 
par  remarquer  que  ce  don  spécial  ne  coïncide  pas  forcément  avec  une 
intelligence  1res  développée  :  la plupari  des  grands  calculateurs  étaient 
modestement  pourvus  à  cel  égard  ;  l'enfant  prodige  Arumugam  est 
dans  ce  cas,  de  plus  il  est  illettré  et  dénué  de  toute  culture,  ce  qui  ne 
l'a  pas  empêché  de  parvenir  à  une  habileté  stupéfiante  clans  le  calcul 
rapide.  D'autre  part  M.  S.  considère  que  les  problèmes  que  résout  le 
cheval  Muhamed  ne  peinent  être  le  résultat  d'opérations  logiques. 
Toute  idée  de  supercherie  devant  être  écartée,  il  faut  donc  admettre 
qu'ils  sont  dus  au  fonctionnement  d'une  faculté  spéciale,  existant  aussi 
bien  chez  les  hommes  que  chez  les  animaux,  et  particulièrement  déve- 
loppée chez  certains  sujets.  Il  fait  la  remarque  que  chez  la  plupart  des 
grands  calculateurs  les  opérations  se  font  inconsciemment;  ils  n'en 
connaissent  que  le  résultat  et  non  l'élaboration.  Le  même  phénomène 
se  passe  probablement  dans  le  cerveau  du  cheval  Muhamed  qui  calcule 
mais  ne  pense  pas  et,  dans  des  proportions  beaucoup  plus  restreintes, 
dans  celui  du  chien  Rolf  de  Mannheim.  M.  S.  compare  ces  curieux 
résultats  à  ce  fait  bien  connu  que  certaines  personnes  peuvent  s'éveiller 
à  l'heure  qu'elles  ont  fixée  avant  de  s'endormir.  Il  voit  dans  les  deux 
cas  un  fait  d'intuition  que  rien  ne  permet  d'expliquer  actuellement,  qui 
n'a  rien  à  voir  avec  l'intelligence,  et  disparaît  même  quand  la  cons- 
cience réapparaît.  Les  psychologues  auront  à  pousser  plus  loin  ces 
recherches  sur  l'inconscient,  qu'il  nous  suffira  d'avoir  brièvement 
résumées.  F.  de  Z. 

Bel  (Alfred).  Coup  d'œil  sur  l'Islam  en  Berbérie.  Extrait  de  la  Revue  des  Iitligions. 

Janvier-février  1917,  pp.  3-74. 

L'auteur,  qui  est  un  des  arabisants  les  plus  distingués  du  Nord  de 
l'Afrique,  a  été  chargé  de  l'organisation  de  l'enseignement  supérieur 
musulman  au  Maine  en  eqi5  el  1 9 1 (> . 

Au  (-ours  de  deux  années  qu'il  passa  à  Fès,  M.  Bel  organisa  une  série 
de  conférences  en  français  et  en  arabe  pour  les  officiers  et  fonctionnaires 
français.  Elles  étaienl  faites  par  des  spécialistes  :  français  et  musulmans, 
«  qualifiés  par  leur  rang  social,  leur  compétence,  leur  talent  littéraire, 
el  avaient  pour  objel  de  mettre  à  la  portée  (\is  Marocains  des  questions 
d'histoire,  de  géographie,  d'organisation  administrative  du  Protectorat, 
de  leur  faire  connaître  la  France,  sa  civilisation,  son  rôle  dans  le  monde, 
si  politique  musulmane  ». 

L'étude  sur  l'Islam,  que  nous  mentionnons  ici,  est  le  texte  de  deux 


MOI   \  F.MI  \  1      >i   1  I   N  I  II  loi    I  \[X"j 

de  ces  conférences.  Nous  n'avons  pas  l'intention  d'analyser  cette  étude 
puisqu'elle  touche  à  des  sujiis  qui  n'entrent  pas  dans  le  cadre  de  cette 
Revue.  Nous  nous  bornerons  seulement  à   signaler  les  passages  qui  se 
lorlenl  plus  directement  à  l'Ethnographie. 

I.Vni  lit  conférencier  nous  initie,  en  un  chapitre  qu'on  pourrait 
appeler  :  «  Çommenl  on  devient  marabout  »,  à  l'évolution  d'un  pauvre 
d'esprit  devenu,  grâce  à  la  crédulité  dos  (idoles  d'une  part,  et  à  une  habile 
exploitation  de  l'autre,  un  marabout  très  vénéré  dans  la  région  de 
Mkncs.  Beaucoup  de  marabouts  du  Nord  de  l'Afrique  n'ont  certai- 
nement pas  eu  d'autre  histoire  ! 

Dans  un  autre  chapitre,  M.  Bel  nous  parle  longuement  de  la  baraka. 
Do  ut  lé  en  a  donné  la  définition  suivante  :  «  mot  que  l'on  traduit 
ordinairement  par  bénédiction,  mais  qui  a  une  signification  beaucoup 
plus  étendue,  puisqu'elle  désigne  l'influence  heureuse  du  marabout 
sur  ce  qui  l'entoure  ». 

La  baraka  se  transmet  par  le  seul  contact  du  marabout,  (ou  mieux, 
du  saint)  ou  des  objets  sanctifiés  par  lui  ou  par  sa  présence.  «  C'est,  dit 
M.  Bel,  toute  la  croyance  aux  saintes  reliques,  dans  les  religions  les 
plus  variées,  qui  se  trouve  là-dedans.  Si  l'on  baise  ces  objets,  la  baraka 
pénètre  encore   mieux  en  soi  par  la  bouche  que  par  les  mains.  » 

Ces  pratiques,  comme  aussi  d'autres  encore  rappellent  l'incubation 
antique. 

I  ji  des  procédés  les  plus  courants  pour  bénéficier  des  vertus  de  la 
baraka  consiste  à  avaler  de  la  poussière  ou  de  la  terre  du  tombeau  d'un 
saint,  ou  d'en  saupoudrer  une  plaie,  ou  de  la  porter  dans  un  sachet 
comme  un  talisman,  ou  encore  de  la  diluer  dans  l'eau  bénite  de  la 
source  sacrée  coulant  souvent  auprès  du  tombeau  d'un  saint. 

«  C'est  que  la  terre,  selon  les  primitifs,  garde  par  son  contact  avec 
quelqu'un  ou  quelque  chose  les  vertus  et  les  qualités  de  ce  quelque 
chose;  elle  en  possède  «  l'âme  »... 

«  C'est  pour  établir  un  lien  magique  de  môme  nature  que  l'on  jetait 
une  pincée  de  terre  dans  la  fosse  où  l'on  venait  de  déposer  un  parent 
mort  (chez  les  anciens  Crées).  Et  ce  rite,  vidé  de  sa  croyance1,  est 
demeuré  chez  nous  comme  une  survivance  de  nos  primitifs  ancêtres.  » 

Tout  ce  chapitre  serait  à  reproduire,  surtout  le  passage  qui  donne 
l'explication  de  la  coutume  de  placer  sur  le  tombeau  des  saints  ou  dans 
leur  voisinage  des  bouts  d'étoile,  des  cheveux.  Ce  rite  est  général  dans 
toute  la  Berbérie. 

Or  lés  indigènes  ignorent  le  but  de  ce  rite  :  ils  ne  l'accomplissent  que 
par  tradition.  C'est  l'ethnographie  qui  en  donne  l'explication  : 

"  Pour  h:  primitif,  un  lien  magique  existe  entre  l'individu  et  les 
parties  détachées  de  son  corps...  et  par  extension  entre  les  parties 
dé  lâchées  du  costume  qu'il  porte  habituellement.  On  sait  que  dans  la 


I  ',s  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

croyance  générale  des  primitifs,  aussi  bien  que  dans  celle  de  nos  indi- 
gènes nord-africains,  le  bien  ou  le  mal  qu'un  sorcier  peut  faire  à  l'aide 
d'incantations  ou  de  rites  inigiques,  sur  ces  objets  atteint  le  proprié- 
taire de  ces  objets  à  distance  et  c'est  même  une  manière  de  produire 
^l'envoûtement.  C'est  pourquoi  le  barbier...  qu"  est  en  même  temps 
arracheur  de  dents  et  qui  pratique  la  circonsision,  prend  le  plus  grand 
soin  de  ne  pas  laisser  traîner  les  parties  mortes  qu'il  a  détachées  du 
corps  de  ses  clients. 

«  Dès  lors  on  aperçoit  combien  il  est  facile  d'admettre  la  croyance 
par  laquelle  le  fidèle  qui  laisse  auprès  du  saint,  dans  celte  atmosphère 
de  baraka,  quelque  chose  de  son  corps  ou  de  son  vêtement  pense  jouir, 
par  le  lien  magique  qui  l'unit  à  ces  objets,  de  la  baraka  dont  ce  quelque 
chose  de  son  corps  laissé  là  est  constamment  imprégné.  » 

C'est  dans  ce  même  but  que  les  femmes  déposent  leur  chevelure  sur  le 
marabout  de  Sidi  Abi  bou  Ghâlem  à  Fès. 

Mais  les  Berbères  ne  se  bornent  pas  à  invoquer  les  seuls  marabouts  ; 
ils  croient  à  la  divinité  des  arbres,  des  pierres,  des  animaux,  des  sources, 
du  soleil,  de  la  mer  et  du  feu  et  sont  convaincus  que  les  objets  inanimés 
ont  une  âme  ;  c'est  de  l'animisme  tout  pur! 

Ce  sont  surtout  les  arbres  et  les  sources  qui  sont  l'objet  d'un  culte, 
à  peine  islamisé,  et  M.  Bel  en  cite  des  exemples  bien  curieux,  entre 
autres  celui  d'un  laurier-rose,  des  environs  de  Tlemcen,  qui  passe  pour 
guérir  les  enfants  à  la  mamelle  menacés  par  un  mauvais  génie. 
Mon  ami  Barbin  m'a  signalé  à  Marnia  un  autre  laurier-rose  mara- 
bout. 

Après  les  divinités  bienfaisantes  l'auteur  nous  parle  des  djinn  qui 
u  ne  sont  pas  tous  malfaisants,  bien  que  ce  soit  le  cas  le  plus  fréquent 
et  qu'on  leur  attribue  justement  la  cause  de  tous  les  maux  ». 

Mais  ou  s'en  préserve  facilement  par  des  formules  et  des  rites 
magiques,  des  sacrifices  et  des  amulettes.  On  peut  même  se  les  concilier 
par  l'offre  d'un  repas  nocturne. 

Comme  les  génies  peuvent  s'incarner  dans  le  corps  de  tous  les 
animaux,  les  musulmans  se  gardent  bien  de  détruire  les  animaux 
répugnants  ou  dangereux,  entre  autres  la  vermine  qui  les  ronge,  dans  la 
crainte  qu'ils  ne  renferment  l'âme  d'un  djinn 

On  peut  mettre  les  monuments  et  leur  contenu  à  l'abri  des  parasites 
par  l'emploi  de  talismans.  C'est  un  fait  très  connu  que  Ves  amulettes, 
entre  autres  la  main  de  Fatma,  sont  des  protecteurs  actifs  contre  les 
mauvais  sorts  et  le  mauvais  œil. 

Enfio  quand  un  mauvais  génie  a  pénétré  dans  le  corps  d'un  individu 
il  va  des  exorcismes  pour  l'en  chasser  :  M.  Bel  en  donne  le  cérémonial- 

Mais  la  partie  1m  plus  originale  de  <•<•  travail  est  celle  qui  concerne  les 
tt;i(Iiii"ii-  préislamiques,  M.  Bel  nous  révèle  toute  une  série  <l«'  coutumes 


MOI  VEMENT    SCIENTIFIQUE,  I  A 0 

qui  démontrent   bien   à   la    lois,    l'existence   de   croyances   fétichistes 
primitives  el  leur  survivance  chez  les  Berbères  marocains. 

Ce  sont  les  recherches  de  MM.  Trenga  et  Laoust,  deux  brillants 
berbérisants,  qui  nous  ont  l'ait  connaître  les  rites  magiques  se  rappor- 
tant au  soleil,  au  feu,  aux  récoltes,  aux  animaux  sacrés  qui  témoignent 
d'une  zoolâtrie  réelle  et  qui  nous  l'ont  beaucoup  espérer  des  études 
ultérieures    des     sociologistes    qui    s'occuperont    de     ces     questions. 

\1.  Laoust  publiera  bientôt,  lui-même,  les  précieux  renseignements 
qu'il  a  recueillis  à  ce  sujet,  ainsi  que  les  comparaisons  qu'il  a  déjà  pu 
taire  avec  ce  qui  se  passe  dans  d'autres  tribus  berbères.  Il  ouvrira  de  la 
sorte  aux  Investigations  des  chercheurs  un  domaine  nouveau  et  qu'il  a 
été  le  premier  à  explorer.  » 

Nous  serons  heureux  de  rendre  compte  de  cette  publication 
lorsqu'elle  paraîtra.  D'après  le  peu  que  nous  en  a  signalé  M.  Bel,  nous 
pouvons  nous  attendre  à  des  révélations  originales. 

Paul  Pallary. 

Dr  H.  Hoesslt.  Kraniologische  Studien  an  einer  Schadelserie  aus  Ostgronland..  (Recher- 
ches cranioloyïqucs  sur  une  série  de  crânes  du  Groenland  oriental),  1  broch.  in  4 
de  04  pp.,  3  pi.,  37  fig.,  1  carie.  Ziircher  et  Furrer,  à  Zurich.  1916.  Extrait  des 
N  uveauc  menioires  de  la  Société  Helvétique  des  sciences  naturelles. 

Les  documents  étudiés  dans  ce  travail  ont  été  rapportés  par  la 
Mission  Suisse  en  Groenland  (191 2-1 3).  dirigée  par  le  professeur  A.  de 
Quervain.  La  population  de  la  côte  occidentale  étant  très  métissée  de 
blancs,  c'est  sur  la  côte  orientale  que  se  sont  portés  les  eilbrts  des 
membres  de  la  mission,  après  qu'ils  eurent  effectué  la  traversée  du 
Groenland.  Dans  les  petites  îles  au  Sud  d'Angmaksalik  ont  été 
recueillis  dans  des  tombeaux  trente-six  crânes.  Les  indigènes  ne  pou- 
vaient donner  aucune  indication  sur  les  individus  à  qui  ils  avaient 
appartenu,  et  il  ne  semble  pas  que  les  squelettes  remontassent  à  plus 
«le  5o  à  100  ans.  L'un  d'eux,  une  femme,  ensevelie  dans  un  sac,  ne 
datait  que  d'une  vingtaine  d'années;  elle  se  trouvait  en  position 
repliée,  couchée  sur  le  côté  gauche.  Cette  série  est  des  plus  impor- 
tantes si  l'on  songe  que  cette  région  n'a  été  découverte  qu'en  1 884  :  la 
race  eskimo  y  est  donc  aussi  pure  que  possible,  ce  qui  n'est  pas  le  cas 
sur  la  côte  ouest,  où  elle  est  très  métissée  d'Européens. 

Les  Lombes  sont  formées  de  murailles  gross  ères  en  pierres  sèches,  cou- 
vertes de  dalles  de  pierre,  et  de  forme  carrée.  Les  crânes  et  les  différents 
ossements  y  sont  dispersés  sans  ordre,  quoiqu'une  des  photographies 
montre  un  squelette  dont  les  parties  ont  encore  leurs  connexions  natu- 
relles. Il  y  a  de  6  à  10  squelettes  par  tombe. 

Le  mobilier  se  compose  de  quelques  ustensiles  de  fabrication  indi- 
gène, tels  que  peignes,  aiguilles,  couteaux,  etc. 

L'étude  des   crânes  a  été   faite  par  le  D'  II.   a^ec  un  soin  tout  parti- 


100  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

culier   et   a    donné    d'intéressants    résultats.    Voici   quelques-uns    des 

principaux  :  Capacité  crânienne  moyenne;  ia  Ô  i5o4,i:  8  9  1202,5. 
Indice  céphalique  moyen  :  Longueur-largeur  09  :  69,8;  longueur-hau- 
teur 69  :  7 ri . 9 .  Indice  facial  moyen  :  ô  86,5;  9  84.7.  Indice  nasal  moyen  : 
*  'i5,6  ;  9  44*6.  Indice orbi taire  moyen  ;  Ô  78  5  ;  9  80,2.  La  mandibule, 
très  massive,  présente  des  caractéristiques  fort  curieuses  :  diamètre 
bi-condylien  moyen  (3i  69)  121,6;  diamètre  bi-angulaire  ;  io5,8  : 
hauteur  du  menton:  56,4;  largeur  de  la  branche  montante:  40.,  1. 
Comme  on  le  voit  les  affinités  avec  les  groupes  mongoliques  sont  très 
nettes  en  ce  qui  concerne  la  face,  et  M.  IL  considère  les  Eskimo  puis 
d'Àngmaksalik  comme  un  type  mongolique  primitif.  Malheureusement 
les  Mongols  sont  brachycéphales  et  M.  IL  est  forcé  d'admettre  que 
ces  derniers,  dolichocéphales  à  l'oigine,  sont  devenus  peu  à  peu  bra- 
chycéphales.  se  fondant  sur  l'exemple  des  races  européennes,  qui  ont 
évolué  vers  la  brachycéphalie,  sans  qu'il  soit  question  de  mélange  de 
races  Ce  serait  une  modification  spontanée  de  la  race.  Les  Eskimo 
seraient  donc,  parmi  les  types  mongoliques  actuels,  le  plus  ancien  et 
le  plus  primitif.  Une  carte  montre,  en  même  temps  que  leur  habitat 
actuel,  la  direction  présumée  dans  laquelle  s'est  faite  leur  migralion. 
J'observerai  seulement  que  celle-ci  a  dû  se  produire  à  une  date  fort 
ancienne  puisque  depuis  mille  ans  au  moins  les  Européens  se  sont 
mélangés  aux  Eskimo  dans  l'Ouest  du  Groenland,  et  que  ceux  de  l'Est 
sont  restés  purs.  Il  faut  ajouter  que  dans  le  Nord,  on  trouve  (!<>>  restes 
d'habitations  abandonnées,  jalonnant  la  route  qu'ils  ont  suivie  pour 
arriver  dans  leur  habitat  actuel  d'Angmaksalik. 

C'est  donc  une  importante  contribution  à  l'élude  des  Eskimo  que 
nous  donne  M.  IL,  et  elle  a  le  mérite  de  s'appuyer  sur  des  documents 
inédits,  dont  la  provenance  inspire  toute  confiance.  La  façon  dont  elle 
est  présentée,  avec  une  carte,  des  graphiques  et  de  bonnes  photo- 
graphies, permet  de  se  retrouver  facilement  dans  les  différentes  séries 

de  mensurations. 

Fr.  de  Zeltxer. 

Sarasih  (Fritz).  Streiflichter  aus  der  Ergologie  der  Neu-Caledonier  und  Loyaltv-Insulaner 
auf  die  Europaïsche  Praahistorie.  (L'outillage  des  Néo-Calédoniens  et  des  îles  Lôyalty 
envisagé  au  point  de  vue  de  la  préhistoire  européenne.)  Une  broch.  in-8*,  tirage  à 
pari  dos  Verkandlungen  der  Naturforschenden  Gesellchaft  in  Dasel.  Band  XXVIII, 
1916,  27  pp.,  23  fiir. 

Comme  beaucoup  d'autres  voyageurs,  l'auteur  a  été  frappé  des  res- 
semblances que  présentent  les  objets  usuels  de  certains  groupes 
primitifs  avec  ceux  que  nous  ont  révélés  les  fouilles  préhistoriques. 
Particulièrement  dans  certaines  îles  du  Pacifique,  où  les  habitants  sont 
restés  attachés  longtemps  à  leurs  vieux  usages,  on  peut  récoller  un 
grand  nombre  d'observations.  Les  indigènes  de  la  Nouvelle-Calédonie 


MOI   Vr.MKVI      SCI1.MII  KM   E.  I  5  I 

el  il^s  Loyalty,  malgré  renvahissemeni  des  objets  européens,  se  servent 
de  beaucoup  d'ustensiles  de  type  très  ancien.  De  bonnes  photographies 
nous  eu  montrent  une  série.  Les  galets  trouvés  dans  les  torrents 
serve  ni  de  marteau,  ou  de  lime,  quand  leur  l'orme  est  allongée,  pour 
l'aire  les  bracelets  en  coquillages.  Pour  percer  les  calebasses  une  branche 
de  corail  est  aussi  employée.  Eu  guise  d'ancre,  une  pierre  est  attachée 
à  un  cable.  Pour  confectionner  un  bizarre  appât  pour  les  pieuvres,  on 
fixe  un  morceau  de  stalactite  à  une  corde,  en  l'ornementant  d'une  queue 
et  de  membres  rudimentaires.  On  voit  aussi  des  alignements  de  pierres 
qui  indiquent  le  nombre  des  ennemis  tués  dans  une  bataille  (et  M.  S. 
les  compare  à  ceux  de  Carnac),  des  cromlechs,  des  lumuli,  des  cercles 
de  pierre.  L'auteur  nous  prévient  même  que  ces  derniers  ne  sont 
souvent  que  des  abris  momentanés  destinés  à  préserver  du  vent  pendant 
la  nuit  une  troupe  de  voyageurs.  Bien  entendu,  un  grand  nombre  de 
pierres  jouent  un  rôle  magique,  pourvu  qu'elles  présentent  quelque 
ressemblance  avec  un  objet,  un  animal  ou  une  plante.  Les  coquilles 
fossiles,  aux  formes  bizarres,  sont  aussi  considérées  comme  ayant  un 
pouvoir  magique.  Pour  noter  le  nombre  d'ennemis  tués  dans  un  combat, 
on  l'ail  des  entailles,  ou  des  Irons  hémisphériques,  dans  ces  morceaux 
de  bois  :  l'analogie  avec  les  cupules  préhistoriques  est  probable.  L'inhu- 
mation accroupie  est  aussi  en  usage,  là  où  les  Européens  ne  la  prohibent 
pas  :  les  indigènes  en  donnent  pour  cause  qu'ils  ont  peur  de  voir  revenir 
les  morts.  Dans  certains  endroits  on  trouve  des  crânes  exposés  dans  des 
abris  sous  roches  sur  des  dalles:  et  le  rapprochement  irait  tout  de  suite 
à  l'esprit  avec  les  nids  de  crânes  de  la  grotte  d'Ofnet,  en  Bavière. 

Malheureusement,  en  Nouvelle-Calédonie,  ce  sont  des  crânes  de  chefs 
qui  sont  ainsi  livrés  à  la  piété  des  indigènes,  tandis  que  dans  le  second 
cas  c'étaient  des  femmes  et  des  enfants  décapités  ad  lioc. 

La  trépanation  existe  en  Nouvelle-Calédonie,  et  M.  S.  nous  signale  un 
usage  intéressant  :  une  fois  le  crâne  perforé,  l'opérateur  bouche  l'ouver- 
ture avec  une  rondelle  de  noix  de  coco  et  rabat  la  peau  par  dessus.  Les 
rondelles  crâniennes  trouvées  dans  les  sépultures  préhistoriques  ont 
peut-être  eu  un  usage  analogue.  Autre  rapprochement  curieux  :  pour 
opérer  la  saignée  ou  scarifier,  les  indigènes  emploient  de  minuscules 
éclats  de  silex  qui  ne  servent  qu'une  fois,  et  ressemblent  beaucoup  à 
ceux  du  Tardenoisien,  qui  ont  peut-être  joué  le  même  rôle.  Enfin,  avec 
Les  diverses  sortes  de  coquilles,  les  indigènes  font  des  grattoirs,  des 
couteaux,  des  rabots,  et  même  des  hameçous.  La  conclusion  de  l'auteur 
est  qu'il  serait  bon  que  les  voyageurs  s'attachent  à  recueilli!- les  éléments 
de  rapprochements  entre  les  industries  des  primitifs  actuels  et  des 
primitifs  préhistoriques.  Ce  n'est  pas  nous  qui  dirons  le  contraire. 

F.  Z. 


l5a  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE, 

Dr  Hlt.o  Kdike.  Goldaltertùmer  der  Chibcha  (Antiquités  en  or  dos   Chibcha.)  Interna- 
tionales Archio    fSr  Ethnographie,  vol.  XXIV,  1916,  8  pp..  9  pi 

Sur  le  plateau  de  Bogota,  en  Colombie,  ont  été  trouvé  de  nombreux 
objets  en  or,  qu'on  peut  attribuer  aux  chibcha.  et  qui  présentent  de 
notables  différences  avec  ceux  de  la  vallée  de  la  Cauca,  qu'on  rapporte 
aux  Quimbaya.  Bien  qu'il  soit  impossible  de  leur  assigner  une  date 
précise,  il  est  probable  qu'ils  sont  antérieurs  à  la  conquête  du  pays  par 
les  Espagnols;  c'est  à  ceux-ci  que  le  pays  a  dû  son  nom  d'Eldorado,  et 
ceci  donne  à  penser  qu'ils  y  ont  trouvé  d'imposantes  quantités  d'or 
travaillé  ou  brut.  La  technique  de  ces  objets  et  les  motifs  qui  les 
décorent  sont  nettement  indiens  et  l'étude  du  D"  K.  n'a  d'autre  but 
que  de  les  décrire. 

Ils  ont  été  obtenus  par  deux  procédés  différents  :  la  fonte  à  cire 
perdue,  et  l'estampage  sur  un  moule  en  pierre  dure.  Si  le  premier 
d'entre  eux  donne  une  certaine  variété  de  types,  le  second  conduit  à 
une  uniformité  monotone  :  c'est  déjà  de  la  production  industrielle.  On 
est  frappé  néanmoins  de  la  ressemblance  qu'ont  entre  elles  toutes  les 
figurines  coulées.  Certaines  sont  plates,  les  membres,  vêtements, 
armes,  etc..  sont  formés  par  des  fils  d'or  obtenus  par  la  fusion  des  fils  de 
cire  du  modèle,  posés  à  plat  sur  une  mince  tablette  d'or.  Les  figures 
en  ronde-bosse  sont  d'un  style  beaucoup  plus  naturaliste  et  ne 
manquent  pas  d'expression.  Quelques  groupes  de  figures  humaines  Se 
rencontrent,  représentant  une  cérémonie  en  usage  chez  les  anciens 
Chibcha  s,  et  dans  laquelle  le  cacique,  entouré  de  plusieurs  personnages, 
naviguait  sur  un  lac  où  finalement  il  se  baignait.  Il  semble  aussi  qu'un 
objet  représentant  doux  hommes  dans  une  enceinte  circulaire  figure  le 
guëza,  victime  humaine  sacrifiée  aux  dieux  et  dont  le  sang  servait  à 
badigeonner  les  idoles. 

Les  figurines  Chibcha  sont  assez  richement  décorées.  La  coiffure  est 
\ a riée  :  tantôt  cylindrique,  tantôt  hémisphérique,  elle  présente  des 
côtes  saillantes,  des  pendentifs,  des  ornements  divers,  des  rangées  de 
plumes.  Aux  oreilles  se  voient  des  pendants  de  différentes  formes, 
portant  eux-mêmes  des  disques  suspendus.  Le  nez  porte  un  croissant, 
parfois  de  grandes  dimensions.  On  sait  qu'au  Mexique  c'était  l'orne- 
ment de  la  déesse  de  la  lune.  Los  colliers  sont  très  riches  :  composés 
de  lames  d'or  travaillées  en  forme  d'oiseaux,  de  reptiles,  de  poissons, 
d'hommes,  ils  offrent  une  grande  variété  due  aux  combinaisons 
multiples  de  ces  motifs.  Parfois  ils  sont  portés  en  bandoulière.  Les 
plaques  décoratives  sonl  nombreuses  :  elles  soni  faites  d'une  feuille 
d'or  découpé,  repoussé,  ciselé  orné  de  pièces  battantes  eî  de  pende- 
loques diverses.  Les  Chibchas  les  portaient  sur  leur  poitrine  pendant  les 
danses  :  leur  effet  ornemental  est  très  grand,  et  on  j  trouve  une  variété 
que  n'onl  pas  les  autres  objets, 


MOUVEMEN1     SCIENTIFIQUE.  1 53 

Il  est  curieux  de  voir  que  le  vêtement  n'est  jamais  Indiqué  sauf  dans 
un  cas  :  cependant  lesChibchas  passaient  autrefois  pour  être  tisserands. 
Une  ficelle  passée  sur  les  hanches  en  tient  lieu  :  le  pénis  y  est  souvent 
attaché,  usage  encore  en  vigueur  chez  beaucoup  d'Amérindiens, 

Les  amies  sont  peu  variées  :  lances,  massues,  boomerangs,  boucliers, 
frondes,  vases  pour  conserver  le  poison.  Les  bâtons  et  sceptres  ne 
manquent  pas  et  sont  bien  décorés.  Toutes  ces  identifications  sont 
d'ailleurs  hasardeuses,  étant  donné  l'exécution  primitive  et  l'état  de 
conservation  des  objets.  11  en  est  de  même  de  l'identification  de  ces 
figures.  On  peut  conjecturer  que  ce  sont  des  divinités,  mais  nos 
connaissances  sur  le  panthéon  Chibeha  ne  permettent  que  des  hypo- 
thèses, et  ML  lv.  s'est  sagement  abstenu  d'en  faire.  Telle  quelle,  sa 
monographie  présente  une  contribution  utile  à  l'archéologie  américaine. 

F.    DE  Z. 

The  Journal  of  American  Folk-lore,  edited  by  Franz  Boas.  Janvier-mars  1916. 
La  «  American  Folk-lore  Society  »  a  eu  l'idée  excellente  de  consacrer 
chaque  année  un  numéro  entier  de  sa  belle  publication  aux  contes. 
Légendes,  chansons,  et  formules  du  Canada  français.  La  mine  est  inépui- 
sable et  c'est  un  régal  exquis  de  relire  les  vieux  contes  du  pays  de 
France  tels  qu'on  les  récitait  au  temps  de  Richelieu,  dans  cette  belle 
langue  colorée,  savoureuse,  naïve,  qu'on  retrouve  encore  dans  quelques- 
unes  de  nos  provinces.  Ils  attestent  avec  quelle  pureté  la  culture  fran- 
çaise s'est  maintenue  parmi  les  Canadiens,  et  quelle  fidélité  ils  gardent 
à  ces  traditions  qui  leur  rappellent  leurs  pays  d'origine  que  la  plupart 
n'ont  jamais  \u.  Le  numéro  actuel  est  dû  à  trois  chercheurs  M.  Marins 
Barbeau,  M'"'  Eveline  Boldue,  M.  Gustave  Lauctôt,  qui  semblent  avoir 
rscueilli  ces  documents  d'une  façon  aussi  intelligente  que  conscien- 
cieuse, respectant  la  forme  que  leur  donnent  les  conteurs  et  les  expres- 
sions patoises  dont  ils  se  servent.  Après  avoir  indiqué  les  principaux 
thèmes  qu'on  rencontre  dans  ces  récits,  M.  Marins  Barbeau  répartit  les 
contes  en  six  groupes  distincts  :  1,  les  fables;  II,  les  contes  merveilleux 
et  les  mythes;  III,  les  contes  pseudo-merveilleux  où  l'on  parodie  le 
merveilleux  ;  IV,  les  légendes  et  les  contes  chrétiens  ;  Y,  les  contes  ou 
récits  romanesques  du  moyen  Age;  VI,  les  facéties  et  les  anecdotes 
modernes.  On  n'y  trouvera  pas  des  éléments  folk-loriques  bien  neufs  : 
tous  les  motifs  ont  déjà  été  signalés  ailleurs,  et  on  ne  peut  dire  qu'au- 
cun soit  spécifiquement  canadien.  Mais  les  folk-loriques  consulteront 
et  recueil  avec  intérêt  pour  étudier  la  diffusion  de  certains  thèmes,  et 
leur  entrecroisement.  Ce  n'vn  est  pas  moins  une  lâche  liés  méritoire  et 
d'un  haut  intérêt  qu'ont  entrepris  là  nos  amis  du  Canada,  et  ils  peuvent 
être  assurés  que  leurs  publications  trouveront  toujours  ici  l'accueil  le 
plu>  sympathique. 

F.    DE  Z. 


NOUVELLES   ET   CORRESPONDANCE 


a 


Nécrologie.   —  Joseph  Deniker 

La  mort  de  Joseph  Deniker,  survenue  le 
18  mars  191 8,  prive  L'Anthropologie  d'un  colla- 
borateur   précieux,   qu'il    sera  bien    difficile  de 

I  mplacer.  Sa  vaste  connaissance  des  languies  et 
sa  compétence  dans  les  questions  qui  sont  de 
notre  ressort,  lui  permettait  de  rédiger  périodi- 
quement pour  notre  Revue  un  bulletin  biblio- 
graphique dont  nos  lecteurs  ont  pu  apprécier 
l'intérêt  et  la  grande  utilité.  Il  parlait  et  écri- 
vait couramment  l'Anglais,  l'Allemand,  le 
Russe  et  l'Italien  ;  il  lisait  et  traduisait  à  livre 
ouvert  l'Espagnol,  le  Portugais,  le  Hollandais, 
le  Polonais,   le   Serbe  et    le   Mongol. 

J.  Deniker  était  né  à  Astrakan,  sur  les 
confins  de  l'Europe  et  de  l'Asie,  le  G  mais  [852. 

II  aimait  à  répéter  que  son  lieu  de  naissance 
l'avait,  en  quelque  sorte,  prédisposé  aux" 
recherches  anthropologiques,  car  dès  sa  prime 

jeunesfe  il  avait  coudoyé  des  gens  de  races  et  de  religions  extrêmement 
variées.  Toutefois  ses  premières  études  ne  firent  guère  prévoir  la  voie 
qu'il  devait  suivre  plus  tard.  De  10  a  17  ans,  il  fréquenta  les  lycées  d'As- 
trakan el  de  Moscou.  En  18G9,  il  entra  à  l'Institut  technologique  de  Saint- 
Téln -boni  g,  établissement  qu'on  peut  assimiler  à  notre  École  centrale  des 
Vrts  el  Manufactures  <'t  opta  pour  la  section  de  chimie  ;  au  bout  de  \  ans. 
il  en  fartait  avec  le  titre  d 'ingénieur- technologiste  de  ire  classe.  L'anné€ 
suivante  l  [87/5  .  il  parcourut  la  (aimée,  la  Transcaucasie  el  la  Perse  pour 
étudier  les  gisements  de  pétrole.  En  187a  et  187c).  il  voyagea  en  Allemagne. 
en  Autriche-Hongrie,  en  Italie,  en  Suis  e,  en  Belgique  et  en  Angleterre, 
ce  qui  lui  permil  de  se  perfectionner  dans  l'étude  de  certaines  langues. 

Au  mois  d'octobre  1876,  J.  Deniker  vint  se  fixer  à  Paris  et  commença  à 
frèquentea  les  laboratoires  du  Muséum  et  de  la  Sorbonne,  mais  il  ri'avail 
pas  encore  trouvé  sa  vocation.  \u  Muséum,  il  passa  successivement  parles 
laboratoires  de  (  himie  appliquée  aux  1  orps  inorganiques,  de  Botaniqi  e.  d 'En- 
tomologie, d'Anatomie  comparée  el  d'Anthropologie.  \  la  Sorbonne,  il  étudia 
aux  laboratoires  de  Géologie,  de  Botanique  et  de  Zoologie.  Enfin,  la  station 
maritime  de  Roscofï  el  le  laboratoire  d'Anthropologie  de  Broca  le  comptèrenl 


\<)|  VELLES    ET    CORRESPONDANCE.  1 55 

parmi   leurs  élèves.   Entre  temps,   il  avait  accompli,   on   T879,  un  nouveau 
voyage  dans  le  Tyrol,   en  llalic.  en   Dalmatie  et    au   Monténégro. 

En  r88a,  il  passa  il  avec  succès  m>m  examen  <lc  licence  ès-sedences  natu- 
relles <le\;ml  la  Facilité  de  Paris.  Quatre  ans  plus  tard,  il  soutenait,  devant 
la  même  Faculté,  sa  thèse  de  doctoral  qu'il  avait  consacrée  à  des  Recherches 
anatorriiques  et  embryologiques  sur  les  singes  anthropoïde  s.  Ce  travail,  qui 
comporte  a65  pages  de  texte,  0  planches  el  ■>•>  figures,  lui  valut  le  prix  Broca 
à  la  Société  d'Anthropologie. 

S  -  titres  universitaires  et  ses  vastes  connaissances  linguistiques  le  niel- 
laient en  mesure  d'affronter  l'examen  professionnel  pour  le  certificat  d'ap- 
titude aux   fonctions  de  Bibliothécaire  universitaire.    Pendant   trois  années 

*8a-85),  il  s'était  prépaie  aux  fonctions  qu'il  briguait  en  remplissant 
bénévolement  le  rôle  de  bibliothécaire  d'une  importante  Société  scienti- 
fique :  la  Société  de  Zoologie  de  France  Aussi,  en  1S87,  fut-il  classé  premier 
à  l'examen  d'aptitude  pour  les  fonctions  de  bibliothécaire  des  Universités'. 
Ce  fut  cette  même  année  <|uc  vint  à  mourir  le  distingué  bibliothécaire  du 
Muséum  d'Histoire  naturelle,  .T.  Desnoyers,  ancien  Secrétaire-Général  delà 
Société  Géologique  de  France  et  membre  de  l'Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-Lettres  Deniker  était  toul  désigné  pour  lui  succéder,  mais  des  raisons 
administratives  né  permirent  de  le  nommer  à  ce  poste  que  l'année  suivante 
(i8SS>. 

Jusqu'à  son  entrée  en  fonction  au  Muséum,  Deniker  n'était  pas  resté 
s au<  publier  un  certain  nombre  de  notices  et  de  mémoires  consacrés  à  la 
Zoologie,  à  l'Anthropologie  et  même  à  la  Botanique.  Je  citerai,  parmi  ses 
travaux  zoologiques,  les  mémoires  suivants  :  Sur  les  singes  anthropoïdes  de 
la  ménagerie  Bidel  (Bull.  Soc.  Zool.,  1882)  ;  Sur  l'orang  et  le  chimpanzé 
exposés  à  Paris  (Bull.  Soc.  Anthr.,  1882)  ;  Le  développement  des  Rraehio- 
pod°s  d'après  Kowalevsky  (en  collab,  avec  OEhlert)  (Arch.  de  Zool.  oxpér., 
[883)  :  Sur  un  fœtus  de  Gorille  (Bull.  Soc.  Anthr,  188/1)  ;  La  valeur  des 
caractères  morphologiques  que  présente  le  foie  au  Gorille  (Ibid.,  i884)  ; 
Sur  un  fœtus  de  Gibbon  et  ton  placenta  (C.  B.  Ac.  des  Se.,  2  mars  1 885)  ; 
Le  développement  du  crâne  chez  le  Gorille  (Bull.  Soc.  Anthr.,  t885)  ; 
Sur  un  fœtus  de  Gibbon  et  le  placenta  des  Singes  (Ibid.,  i.885)  ;  Note  sur 
les  sues  laryngiens  des  singes  anthropoïdes  (on  collai),  avec  Boulart)  (Jourrnal 
d'Anat.  et  de  Physiol.,  188G),;  Sur  une  nouvelle  découverte  de  Mammouth 
en  Sibérie  (Bull.  Roc.  Zool.,  1886)  ;  Le  développement  des  muselés  de  la  face 
chez  le  Gorille  (C.    M.  Soc.   BioJ.,    1887). 

Fn  \n.thropologif,  je  signalerai,  parmi  ses  premières  publications, 
celles  qui  suivent  :  Quelques  observations  et  mensurations  sur  les  Nubiens 
Bull.  Soc.  \nllnop.,  1880)  ;  Anthropométrie  et  classification  des  rares, 
d'après  les  travaux  de  Weisfxuh.  (Rev.  d 'Anthr.,  1881)  ;  Le  peuple 
tchouktche  d'après  les  derniers  renseignements  (Rev.  d' Anthr.,  1882)  ;  Rap- 
port sur  1rs  mensurations  des  diffèrznts  peuples  de  la  haute  vallée  de  VIndus 
envoyées  par  M.  de  (  jfaivy  ('Bull.  Soc.  Anthr.,  1882)  ;  Les  KrivOSCÎCnS  (La 
Nature.  i<Sn>  ,  ;  Les  Giliaks,  d'après  les  derniers  renseignements  (Rev!  d'Eth- 
nogr.,  i883»  ;  Les  iraucaniens  au  Jardin  d'Acclimatation  (Bull.  Soc.  Anthr., 
i883)  ;  Les  Kalmouks  au  Jardin  d'Acclimatation  (Ibid.,    i883)  ;  Les  Papous 


l56  NOUVELLE?  ET  CORRESPONDANCE. 

de  la  Nouvelle-Guinée  (Rev.  d'Anth.,  i883)  ;  Étude  sur  les  Kalmouka  (Ibid., 

1880)  ;  Moulins  à  prières  clic:  les  Mongols  (L'Homme,  i884)  ;  Quelques 
observations  sur  les  Bochimans  exposés  à  Paris  (Bull.  Soc.  Anthr.,  1886)  ; 
Sur  l'écriture  des  Singhalais  (Ibid.,  1886)  ;  La  population  de  la  Dalmatie 
(Ibid..  1886Ï  ;  Rapport  sur  l'examen  des  cheveux  des  différents  peuples  de 
l'Inde  (Ibid.,  1887)  ;  Les  populations  turques  en  Chine  (Ibid.,    1887). 

Durant  cette  première  période  de  sa  vie  scientifique,  Deniker  s'est  surtout 
applique  à  nous  faire  connaître  les  documents  publiés  à  l'Étranger  sur  les 
populations  de  l'Asie.  Sur  les  mêmes  populations  et  sur  les  pays  qu'elles 
occupent,  il  a  donné  de  nombreux  articles  au  Dictionnaire  de  Géographie 
Universelle  de  Vivien  de  Saint-Martin  et  Rousselet,  au  Dictionnaire  des 
Sciences  anthropologiques,  à  la  Grande  Encyclopédie  et  à  maintes  Revues 
de   vulgarisation. 

A  partir  de  1888,  tout  en  continuant  à  fournir  de  petits  articles  et  beau- 
coup de  comptes  rendus  d'ouvrages  exotiques  à  une  foule  de  publications, 
Deniker  se  cantonna  moins  dans  les  questions  relatives  à  l'Orient.  Il  nous 
donna  une  traduction  de  l'Anatomie  du  Chien  d 'Ellenberger  et  Baum  (1896), 
et,  en  collaboration  avec  Boulart.  des  Recherches  mr  différents  points  de 
l'anatomie  de  VOrang-Outang  (1890).  Dès  1888,  il  avait  publié  un  Essai  de 
classification  des  races  humaines  (Bull.  Soc.  d'Anthrop.),  qui  devait  être 
suivi  d'un  autre  mémoire,  en  deux  parties,  intitulé  :  Les  races  de  l'Europe 
(1899,  1908).  Avec  le  Dr  Hyades,  il  rédigea  le  tome  VII  (Anthropologie  et 
Ethnographie)  de  la  Mission  scientifique  du  Cap  Home  (1891).  Quelques 
notes  sur  Les  Indigènes  de  Lifoù  (Bull.  Soc.  Anthr.,  1893),  sur  Trois  micro- 
céphales virants  (Ibid.,  1894).  sur  Les  Indigènes  de  Madagascar  exposés  au 
Champ-de-Mars  (en  collab.  avec  le  Dr  Collignon)  (Ibid.,  1896),  sur  La  ques- 
tion des  races  en  psychologie  (1906),  sut  La  Taille  en  Europe  (1907),  et  qua- 
tre articles  publiés  dans  notre  Revue  prouveront  que.  pendant  une  partie  de 
son  existence,  Deniker  s'est  activement  occupé  d'Anthropologie  ;  voici  les 
titres  de  ces  quatre  articles  :  Les  races  exotiques  à  l'exposition  universelle  de 
1889  (en  collab.  avec  Laloy.  —  UAnthrop.,  t.  I)  ;  Les  Maures  du  Sénégal  (en 
collab.  avec  Collignon.  — ■  Ibid.  t.  VII)  ;  L'âge  du  Pithécanthrope  (Ibid., 
t.  XIX)  ;  L'âge  géologique  de  la  faune  de  Trinil  (Ibid.,  t.  XX). 

Mais  l'ouvrage  qui  a  surtout  contribué  à  'faire  connaître  le  nom  de 
Deniker  dans  les  sphères  anthropologiques,  c'est  son  volume  intitulé  : 
Le:\  races  et  les  peuples  de  la  Terre,  qui  a  paru  en  1900.  En  rendant  compte 
de  çel  ouvrage  dans  L'Anthropologie  (t.  XI,  p.  762),  j'ai  adressé  à  l'auteur 
le^  critiques  que  m'avait  suggérées  sa  lecture.  Il  n'en  est  pas  moins  vrai 
que  le  livre  a  rendu  de  réels  services  e1  qu'il  est  venu  combler  une  lacune 
de  notre  littérature  anthropologique. 

Membre  du  Comité  des  Travaux  historiques  et  scientifiques  au  Ministère 
de  l'Instruction  publique,  Deniker  ;i\;iil  été  délégué  par  le  Gouvernement 
français  aux  quatre  Conférences  internationales  de  Bibliographie  scienti- 
fiques qui  se  sonl  tenues  ;'i  Londres  en  1896,  [898,  [900  et  190").  et  chargé. 
par  le  Ministère  de  l'Instruction   publique  de  lu  Bihliographie  des  travaux 

publiés     par    les     Sociétés    savantes    de     fiance    depuis    le    wiT    siècle.     Cette 

œuvre,  appelée  ."1  rendre  tant  de  services  aux  travailleurs,  reste  malheureu- 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  I&7 

semenl  inachevée.  En  annonçant  dans  L'Anthropologie  l'apparition  do  la 
$•  partie  du  t.  1,  M.  Boule  montrait  combien  il  serait  nécessaire,  pour  qu'un 
travail  de  ce  genre  répondit  à  son  but,  que  La  publication  en  fût  menée 
avec  célérité. 

Grâce  à  La  variété  de  ses  connaissances  scientifiques  et  linguistiques,  à 
-  -  voyages,  à  ses  publications,  Deniker  avait  noué  des  relations,  qu'il 
entretenait  soigneusement,  dans  les  milieux  scientifiques  de  tous  les  pays. 
Il  avait  présidé  la  Société  d'Anthropologie  de  Paris  ;  il  faisait  partie  dus 
Sociétés  de  Géographie  de  Paris  et  d'Amsterdam,  de  l'Institut  Anthropolo- 
gique de  la  Grande-Bretagne  et  de  l'Institut  français  d'Anthropologie,  de  la 
Société  des  Sciences  naturelles  de  Golmar,  de  l'Institut  de  Coïmbre,  des 
Sociétés  d'Anthropologie  de  Rome,  de  Florence,  de  Lyon,  de  Bruxelles,  de 
Stockholm,  de  Washington,  de  la  Société  des  Amas  des  Sciences  de  Moscou. 
11  avait  pris  part  à  maints  congrès  iiiterniationaux  en  qualité  de  membre 
des  commissions  d'organisation,  de  Secrétaire,  de  Secrétaire  Général  ou  de 
\  ice-Président.  Il  avait  été  l'un  des  premiers  adhérents  à  la  Société  pour  la 
propagation  des  langues  étrangères  en  France  et  n'avait  cessé  de  se  consacrer 
à  l'œuvre  qu'elle  poursuit,  notamment  par  des  conférences  de  vulgarisa- 
tion. 

En  190/i,  à  la  suite  d'une  conférence  qu'il  avait  faite  sur  les  races  de 
l'Europe,  J.  Deniker  avait  reçu,  de  l'Institut  anthropologique  de  Londres, 
la  médaille  Huxley,  la  plus  haute  distinction  de  celte  Société.  Lauréat  de 
l'Académie  des  Sciences  (Prix  Monlyon,  de  Statistique),  de  la  Société  d'An- 
thropologie de  Paris  (Prix  Broca),  de  la  Société  de  Géographie  de  Paris 
(Prix  Fournier),  Officier  de  l'Instruction  publique  depuis  i8g5,  il  avait  été 
promu  Chevalier  de  la  Légion  d'Honneur  au  mois  d'octobre  1909. 

Sa  mort  prive  d'un  précieux  collaborateur,  non  seulement  L'Anthropo- 
logie, mais  aussi  une  foule  de  Revues  et  d'ouvrages  de  vulgarisation,  oar 
Deniker,  en  raison  des  connaissances  variées  qu'il  avait  acquises  dans  sa 
jeunesse,  était  en  mesure  de  traiter  les  sujets  les  plus  divers.  Peut-être  mémo 
ne  s'est-il  pas  assez  spécialisé,  oar  —  on  l'a  maintes  fois  répété  — '  il  est 
impossible  d'être  encyclopédiste  à  notre  époque. 


R.   Yerneau. 


Le  Docteur  Léon  Poutrin. 


Le  3o  novembre  1918,  l'Echo  de  Paris  publiait  la  petite  notice  nécrologique 
suivante  ; 

«  Nous  apprenons  le  décès  du  médecin-major  de  i1*6  classe  Léon  Poutrin, 
chevalier  de  la  Légion  d'honneur,  décoré  de  la  Croix  de  guerre  et  de  la 
Médaille  coloniale  (Afrique  occident  ah;  française,  Congo  et  Tchad),  officier 
de  l'ordre  de  Sainte-Anne  de  Russie,  médecin  chef  de  l'H.  O.  E.  de  Males- 
herbes,  mort  pour  la  France,  le  20  novembre  1918,  dans  son  hôpital,  des 
suites  d'une  maladie  contractée  dans  son  service.  Il  avait  épousé  Mlle  Martin- 
\!  utigné,  fille  du  lieutenant-colonel  d'artillerie  Martin-Martigné,  aux 
armées,  et  de  Mm0,  fille  du  général  Collet-Meygret,  décédée.  Il  était  le  frère 
du  capitaine  d'infanterie  Gustave  Poutrin,  tué  «à  la  bataille  de  la  Marne  en 
septembre   191/1,  et  du  lieutenant  d'artillerie  André  Poutrin,    tué  dans  un 


1 58  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

accident  d'aéroplane,  en  octobre  1912.  Le  présent  avis  tiendra  lieu  de  faire- 
part.  » 

La  lecture  de  cet  entrefilet  m'attrista  profondément.  J'aurais  voulu 
pouvoir  douter,  malgré  tout,  <|ii*il  s'agissait  de  mon  préparateur  temporaire, 
de  cet  homme  dans  la  force  de  l'âge  qui,  par  ses  travaux,  avait  su  conquérir, 
en  quelques  années,  une  place  enviable  parmi  les  antliropologistes.  Le 
doute,  hélas!  ne  m'était  pas  permis  :  la  précision  des  détails  et  la  dernière 
phrase  démontraient  surabondamment  que  la  notice  émanait  de  la  famille 
elle-même   du   défunt. 

Léon-Eugène-Joseph  Poutrin  était  né  à  Saint-Brieuc,  le  28  février  1880. 
Entré  au  service  le  i3  septembre  1899,  il  était  nommé  Aide-Major  de  2e  classe 
le  ier  février  J903  et  promu  Aide-Major  de  ire  classe  deux  ans  plus  tard. 
A  :>§  ans  —  le  -i\  juin  1909  —  il  obtenait  son  troisième  galon.  Mais,  déjà,  il 
s'était  senti  attiré  par  les  îecherches  anthropologiques  et  il  avait  saisi  avec 
empressement  une  occasion  qui  s'était  offerte  à  lui  de  recueillir  des  docu- 
ments originaux  sur  les  populations  de  l'Afrique  occidentale. 

Lu  riche  amateur,  M.  Hottol,  avait  obtenu  une  mission  pour  la  région 
Kanem-Chari-Logone  ;  il  demanda  de  lui  adjoindre  un  médecin-naturaliste, 
et  ( -e  fut  l'outiin  qui  partit  au  mois  de  décembre  1907.  Bientôt,  M.  Hottot 
revenait  en  fiance,  mais  l'outiin  ne  voulut  pas  qu'il  Jùl  dit  qu'une  mission 
à  laquelle  il  était  attaché  avait  abouti  à  un  avortement.  11  étudia  les  races 
du  Congo  fiançais,  poussa  une  pointe  dans  le  Congo  belge  afin  d'examiner 
les  populations  qui  vivent  le  long  de  la  rivière  Djoué  et  autour  du  lac  Tumba, 
où  il  rencontra  une  curieuse  peuplade  de  Négrilles,  et  remonta  l'Oubangui. 
Dans  les  contrées  que  traverse  la  Lobaye,  il  fit  de  nombreuses  observations. 
A  partir  du  coude  de  l'Oubangui,  il  suivit  la  voie  de  terre,  passa  entre  les 
postes  de  Fort-de-Possel  et  de  Fort-Grampcl,  explora  le  Gribingui  et  le  Chari 
et  atteignit  le  Tchad  par  Fort-Archambault  et  Fort-Lamy.  Ses  recherches 
portèrent  ensuite  sur  les  Kanembou  et  les  tribus  nomades  du  Kanem  :  il 
dépassa  même  la  limite  septentrionale  de  ce  pays  afin  d'étudier  sur  place 
les  colonies  nomades  des  Tedâ  et   des   Arabes   Ouled-Sliman. 

Au  (ouïs  de  ce  long  voyage,  Poutrin  ne  s'est  pas  contenté  de  prendre 
quelques  notes  rapides  sur  les  populations  qu'il  rencontrait  ;  il  a  mesuré 
de  nombreux  individus  et  récollé  d'importantes  collections.  Malheureuse- 
ment, une  bonne  partie  de  ces  collections  ont  été  expédiées  à  celui  qui 
devail  être  le  chef  de  la  mission,  et,  malgré  h  s  demandes  pressantes  qui 
lui  ont  été  adressées  pour  qu'il  les  communiquât,  M.  Hottot  n'a  jamais 
1  ('pondu.  Néanmoins  celles  que  Poutrin  a  rapportées  lui-même  constituent 
fies  matériaux  du   plus  liant   intérêt. 

\  -on  rctOUJ  au  mois  d'août  [90g  Poulrin  se  trouvait  donc  en  posses- 
sion d'une  somme  tort  importante  de  documents  qu'il  fallait  mettre  en 
œuvre.  Il  se  mil  à  la  tâche,  dans  non  laboratoire,  mais  il  appartenait  tou- 
jours au  corps  de  Santé  miliia'ue  et  pouvait,  d'un  jour  à  l'autre,  être  obligé 
de  quitter  Paris.  C'est  alors  que  j'allai  exposer  la  situation  à  un  savant 
médecin  qui  m'a  toujours  témoigné  beaucoup  de  bienveillance  et  qui  ne 
se  d'encourager  ceux  qui  s'adonnent  à  des  recherches  scientifiques  :  j'ai 
nommé  M.  le  Médecin-Inspecteur  Général  Février,  qui,  à  (die  époque,  était 


NOUVELLES    M     COMIESPONDA.NCE.  IOQ 

Direeteiur  <lu  Service  de  Santé  de  L'Armée.  Pour  permettre  à  Poutrin  de 
résider  durant  une  assez  longue  période  à  proximité  du  Muséum  et  d'uti- 
liser les  matériaux  qu'il  avail  péni^lemen.1  recueillis,  il  lui  (tonna  un  poste 
à  la  Place  de  Paris.  De  mon  côté,  après  avoir  apprécié  les  qualités  de  mon 
laborieux  con'frère,  et  dans  le  but  de  faciliter  sa  tâche,  je  l'ai  attaché  à  mou 
laboratoire  comme  préparateur  temporaire,  emploi  qu'iJ  a  rempli  jusqu'au 
jour  de  la  mobilisation,  sa  situation  de  médecin  militaire  en  activité  de 
service  ne  permettant   pas  de  le   titulariser. 

Dès  le  20  janvier  1910,  Poutrin  communiquait  à  la  Société  d'Anthropo- 
logie les  premiers  résultats  de  ses  recherches  suc  les  populations  du  Congo 
\otes  ethnographiques  sur  les  Nègres  africains  du  Congo  français.  Bull.  <-t 
Mém.  de  la  Société  d'Anthrop.  de  Paris,  VIe  série,  t.  h.  l.a  même  année, 
il  donnait  à  noire  Revue  un  mémoire  intitulé  :  Nolebethnographiqu.es  sur 
les  populations  M'Baka  du  Congo  français,  et  commençait,  également  dans 
L'Anthropologie,  la  publication  d'un  travail  de  longue  haleine  qui  a  paru 
dans  h  s  loin  s  \\I  (1910),  Wll  inju'  cl  WIH  [1912  .  Dans  ce  travail,  qui 
porte  pour  titre:  Contribution  à  Vetd.de  des  Pygtnées  d  Afrique,  Les  Négrilles 
du  Centre  africain,  il  a  mis  en  parfaite  évidence  que,  contrairement  à  l'opi- 
nion d'Hamy,  Ions  les  Négrilles  sont  loin  d'être  caractérisés  par  la  brachycé 
pbalie.  Celle  thèse,  je  L'avais  déjà  soutenue,  mais  la  surabondance  des  preuves 
fournies  par  Poutrin  a  définitivement  tranché  la  question  ;  c'est  l'avis  qui 
a  été  exprimé  par  des  spécialistes  dans  diverses  revues  françaises  el  étran- 
gères. I  n  certain  nombre  d'autres  eneuis  relatives  aux  Pygmées  d'Afrique 
oui  ('-h''  relevées  dans  ce  travail,  qui  a  donné  lieu  à  d'élogieux  comptes 
rendus. 

Pour  ses  débuts,  Poutrin  axait  acquis  une  véritable  autorité  dans  les 
questions  qui  concernent  l'ethnologie  africaine;  aussi  s'adressa-t-on  à  lui 
pour  mettre  en  œuvre  les  documents  anthropologiques  recueillis  par  d'au- 
tres missions.  (Test  ainsi  que,  dans  les  Travaux  scientifiques  de  la  miction 
Cottes  au  Sud-Cameroun,  il  a  rédigé  toute  la  partie  relative  aux  populations 
de  la  région  1  intfyrojpologie,  Ethnographie,  Linguistique,  101  pages  el  21 
pi.  .  V.vec  le  Dr  Gaillard,  il  publia,  dans  les  Documents  scientifiques  de  la 
mission  Tilho,  une  Étude  anthropologique  des  populations  du  Tchad  cl  du 
Kanem  11 1  pages,  33  fig.,  1  carte  et  12  pi.),  étude  pour  laquelle  les  auteurs 
utilisèrent  l'ensemble  des  matériaux  (pie  chacun  d'eux  avait  réunis.  La 
Société  antiesclavagiste  de  France  a  publié  une  Enquête  sur  la  famille,  la 
'propriété  et  les  indigènes  des  Colonies  françaises  d'Afrique  el  elle  chargea 
Poutrin  d'écrire  une  Esquisse  ethnologique  de  a  principales  populations  de 
l'Afrique  équatoriale  française  (i3o  pages,  24  pi-,  1  carie  en  couleur).  Je 
mentionnerai  encore  une  petite  communication  à  L'Institut  français  d'An- 
thropologie sur  Les  Négrilles  du  Congo  (t.  I). 

Poutrin  s'était  doue  cantonné,  au  début,  dans  l'ethnographie  africaine,  <'t 
il  n'est  guère  sorfi  de  ce  domaine.  Toutefois,  L'Anthropologie  a  inséré 
t.  \\l\  une  petite  notice  de  lui  sur  Le  peuplement  de  VAmérique,  el  les 
nombreux  comptes  rendus  d'ouvrages  qu'il  a  donnés  à  notre  Revue  el  au 
Journal  de  la  Société  des  \ niéricanist es  de  Paris  démontrent  qu'il  élail  par- 
faitement en   mesure  d'aborder  d'autres  sujets,   lai  quatre  ans  et  demi,  il 


iGo  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

a\;iil  conquis,  en  Anthropologie,  une  place  qui  faisait  bien  augurer  de 
l'avenir.  Dans  les  milieux  spéciaux  et  parmi  les  naturalistes  du  Muséum,  il 
jouissait  de  l'estime  et  de  La  sympathie  de  tous. 

Survint  la  grande  guerre.  Le  Ier  août  hji'i,  Poutrin  fut  mobilisé  comme 
Médecin-Chei  de  l'Ambulance  -  du  2e  Corps  d'Armée.  Depuis,  j'ai  été  à  peu 
près  -  ins  nouvelles  de  lui.  j'interrogeais  en  vain  tous  les  Médecins-Chefs  des 
trains  sanitaires  qui  passaient  à  mon  Infirmerie  de  gare  ou  à  la  Régulatrice 
sanitaire  dont  j'ai  moi-même  l'honneur  d'être  Médecin-Chef;  aucun  n'a 
pu  me  renseigner  sur  son  sort.  Une  fois,  cependant,  dans  le  post-scriptum 
d'une  lettre  qu'il  m'écrivait,  le  Médecin-Inspecteur  Général  Février  —  qui 
connaissait  toute  l'amitié  que  j'avais  pour  mon  préparateur,,  malgré  la  petite 
rancune  que  je  lui  gardais  de  son  silence  —  m'informait  qu'il  avait  vu 
Poutrin  dans  son  H.  O.  E.  du  Mont-Frenet.  Comme  beaucoup  d'autres,  le 
militaire  avait  momentanément  oublié  ses  études  scientifiques  pour  ne 
songer  qu'à  remplir  son  devoir  envers  la  Patrie;  ce  devoir,  Poutrin  l'a 
rempli  brillamment.  11  a  pris  part  aux  combats  livrés  par  le  7e  Corps  d'Ar- 
mée en  Belgique  et,  pendant  la  retraite  et  la  bataille  de  la  Marne,  il  s'est 
fait  remarquer,  en  plusieurs  circonstances,  par  son  courage  intrépide. 
Chargé  ensuite  de  créer  un  H.  O.  E.  au  Mont-Frenet,  il  a  construit,  en  quel- 
ques mois,  un  Hôpital  d'évacuation  qui  est  considéré  comme  un  modèle, 
à  tel  point  que,  sur  l'ordre  du  Ministre,  une  maquette  en  a  été  faite  pour 
le  Musée  du  \  al-de-Grâce. 

En  juin  1918,  à  cause  des  qualités  d'organisation  qu'il  avait  montrées, 
il  reçut  la  mission  de  créer  un  autre  H.  O.  E.,  toujours  dans  le  bled,  à 
Malesherbes  ;  c'est  là  que  la  mort  est  venue  mettre  un  terme  à  une  carrière 
qui  s'annonçait  sous  les  plus  brillants  auspices.  En  soignant  ses  malades 
avec   son  zèle  habituel,    il   a   été  victime   de   son  dévouement. 

Ses  services  distingués  n'avaient  pas  passés  inaperçus.  Comme  il  est  dit 
dans  la  notice  de  l'Echo  de  Paris,  il  avait  reçu  la  Médaille  Coloniale  avec 
trois  agrafes  (Afrique  occidentale  française  —  Congo  —  Tchad).  Il  était 
décoré  de  la  Croix  de  guerre  (étoile  de  vermeil).  Le  10  juillet  dernier,  il 
recevait  la  croix  de  Chevalier  de  la  Légion  d'Honneur  qu'il  axait  m  bien 
méritée. 

Sa  mort  plonge  d  m-  le  deuil,  non  seulement  la  famille  qui  le  chérissait, 
mais,  je  puis  1''  dire,  la  Rédaction  de  L'Anthropologie  et  ses  nombreux  amis. 
-1  une  grande  perte  et  pour  le  Service  de  Santé  de  l'Armée,  qui  lui  avait 
conféré  son  'r  galon  le  i<>  août   1917.  et  pour  la  ..Science. 

R.   Vernuau. 

Armand    Theveain. 

J'ai  éprouvé  une  grande  tristesse  en  apprenant  la  mort  aussi  prématurée 
qu'inattendue  de  mon  ancien  assistant    Armand  Thevenin. 

Sans  être  anthropologiste  de  carrière,  Thevenin,  qui  avait  l'esprit  très 
cultivé,  s'mtéressail  beaucoup  à  la  science  de  l'Homme,  et  surtout  à  la 
Paléontologie  humaine.  Il  lisait  assidûment  notre  revue  et  il  >  avait 
collaboré    en     lui    donnant    quelques    comptes    rendus    de    travaux    aile- 


NOr VEM.ES    ET    CORRESPONDANCE.  l()I 

mands.  L'Anthropologie  lui  doit  donc  un  dernier  s;ilul  el  je  me  fais  un 
devoir  de  l'adresser  à  celui  qui 'fut  aussi  pendant  vingl  ans.  au  Muséum, 
mon  très  distingué  et  dévoué  collal)orateur. 

Né  à  Nancy,  le  i">  Lévrier  1870,  Armand  Thevenin  avait  subi  avec  succès  ses 
examens  des  Licences  ès-sciences  quand  il  vint,  au  Muséum,  frapper  à  La 
te  du  Laboratoire  de  Paléontologie.  Toute  sa  carrière  scientifique  s'y 
est  écoulée  jusqu'en  uh«>.  époque  à  laquelle  il  crut  devoir  céder  aux  solli- 
citations de  La  Sorbonne  qui  lui  offrail  une  maîtrise  de  conférences.  D'abord 
préparateur  (1894),  puis  assistant  (igo3),  il  ('Mail  aussi  collaborateur  du 
Service  de  la  Carte  géologique  de  la  France  et,  en  [910,  il  fut  chargé  par 
Il>  Ministère  de  l'Instruction  publique  d 'une  mission  pour  étudier  l'organi- 
sation des  collections  paléontologiques  en    Allemagne  et  en   Autriche. 

Successivement  Lauréat  de  la  Société  géologique  et  de  l'Institut,  il  fui 
élu,  en   191 1.  Président  de  la  Société  géologique  de  France. 

Depuis  1895,  il  avait  publié  une  cinquantaine  de.  notes  ou  de  mémoires 
scientifiques.  Son  œuvre  géologique  principale  est  sa  thèse  de  Doctorat 
ès-sciences,  soutenue  en  1900.  et  portant  sur  La  géologie  de  la  bordure  S.-O. 
du  Plateau  central.  Mais  Thevenin  était  beaucoup  mieux  doué  pour  la 
Paléontologie  que  pour  la  Géologie,  car  il  avait  une  instruction  zoologique 
[olide  et  une  grande  pratique  de  la  bibliographie  que  lui  facilitait  sa 
connaissance  do  plusieurs  langues  étrangères.  Ses  travaux  ont  porté  sur 
divers  groupes  zoologiques  :  Invertébrés  de  France,  de  Madagascar, 
\mphibics  et  Reptiles  primaires,  Reptiles  secondaires,  etc.  L'un  de  ses 
mémoires  les  plus  importants  intitulé  :  Les  plus  anciens  quadrupèdes  de 
France,  publié,  comme  la  plupart  de  ses  autres  travaux,  dans  les  Annales 
de  Paléontologie  de  mon  laboratoire,  lui  valut  le  Grand  Prix  des  Sciences 
physiques  à  l'Académie  dos  Sciences. 

fonctions  au  Muséum  qu'il  a  remplies-,  je  dois  le  dire,  avec  la  plus 
grande  distinction,  et  beaucoup  de  dévouement,  lui  avaient  permis  d'acquérir 
une  érudition  étendue  et  une  connaissance  pratique  des  fossiles  de  tous 
les  groupes,  de  sorte  que  Thevenin  était  devenu  un  des  Paléontologistes  les 
plus  instruits  de  Fiance.  Il  pouvait  compter  sur  un  très  bel  avenir.  La  des- 
tinée ne  l'a  pas  voulu. 

Au  début  de  la  guerre,  Thevenin  appartenait  au  service  auxiliaire;  d'abord 
attaché  aux  hôpitaux  de  la  5(>  région,  il  fut  ensuite  libéré  de  toute  obligation 
mil:!. lire  comme  père  de  six  enfants.  Il  n'en  continua  pas  moins  à  consacrer 
tout  le  temps  que  lui  Laissaient  ses  devoirs  professionnels  à  la  défense 
nationale,  en  se  mettant  à  la  disposition  de  la  Direction  des  Inventions  du 
Ministère  de  l'Armement.  11  travailla  surtout  au  laboratoire  de  Physiologie 
du  Muséum  où  il  semble  qu'il  ait  pris  les  germes  dé  la  maladie  qui  l'a 
rapidement  emporté  au  début  de  mars  1918. 

J'ai  sous  les  yeux  une  lettre  du  Directeur  des  Inventions,  des  études  et 
des   expériences  techniques   qui    s'exprime   ainsi,  à    propos  de  Thevenin  : 

«  Venu  dans  ce  service  en  volontaire,   il  a,   pendant   deux   ans,  donné  le 
plus  bel  exemple  de  ce  qu'est  pour  un  patriote  le  devoir  envers  la  Défense 
nationale,  c'est-à-dire  L'abnégation   complète   de  soi,   le  dévouement  inlas- 
i/a.ytiiuopologib.  — t.  xxix.  —1918.  11 


IÔ2  NOUVELLES  ET  GORRESPOKDANGE. 

sable,   le  don  constamment    renouvelé   de   son   énergie,  de  son  intelligence, 
de   tonte  sa  personne. 

«  Les  gaz  toxiques,  celte  forme  nouvelle  de  meurtre  sortie  des  laboratoires 
allemands,  lui  avaient  semblé  l'ennemi  spécialement  désigné  pour  un  scien- 
tifique Français. 

«  Il  s'est  attaché  à  perfectionner  la  protection  de  nos  soldats  contre  ces 
perfides  agressions  ;  acharné  au  travail,  il  a,  dans  ces  études,  cent  fois  risqué 
lui-même  sa  vie. 

«  Il  est  allé,  hélas!  jusqu'à   l'épuisement   de  ses  dernières  forces. 

ce  Mais  cet  effort  d'un  homme  d'une  si  haute  valeur  intellectuelle  n'a  pas 
éié  vain.  Armand  Thevenin  laisse  à  la  France,  dans  ce  domaine  important 
de  la  protection  contre  les  gaz,  des  découvertes  qui  continueront  à  honorer 
son    nom,    comme    à  servir  le    Pays.    » 

Je  ne  saurais  qu'affaiblir  de  telles  louanges  en  les  commentant.  Qu'il  me 
soit  permis  toutefois  de  regretter  surtout  le  savant,  le  paléontologiste. 
Thevenin  était  une  de  nos  meilleures  réserves  pour  l'après-guerre.  On 
pouvait  compter  sur  lui  pour  la  remise  en  marche  de  la  machine  scientifique. 
Celle-ci,  dui  moins  dans  les  domaines  qui  me  sont  familiers,  ne  conserve 
plus  qu'un  nombre  infime  de  servants  !  Et  de  toutes  les  raisons  de  haine 
irréductible  que  les  Allemands  ont  accumulée  sur  leurs  télés,  celle-ci  n'est 
pas,  à  mes  yeux,   la  moins  grande,  ni  la  moins  légitime. 

M.  Boule. 

Victor    Commoat 

Les  études  préhistoriques  françaises  viennent  de  faire  une  grande  perte 
en  la  personne  de  Victor  Commont,  professeur  à  l'École  normale  d'Amiens, 
décédé  à  Abbeville,   le    \   avril    1918,  à  l'âge  de   02    ans. 

Très  déprimé  depuis  longtemps  par  la  guerre,  gravement  malade  depuis 
le  8  mars,  atteint  de  deux  congestions  pulmonaires,  Commont  dut  quitter 
sa  maison  de  l'avenue  Edimbourg,  à  Amiens,  après  les  terribles  bombarde- 
ments par  avions  de  son  quartier,  abandonnant  tout,  mobilier,  livres  et 
collections.  Ces  émotions  lui  furent  néfastes  et  le  voyage  d'évacuation 
d'Amiens  à  Abbeville,  effectué  dans  des  circonstances  difficiles,  tragiques, 
devait    encore   précipiter  sa   fin. 

Après  de  nombreuses  démarches  faites  par  la  famille,  les  amis  et  les 
confrères  de  Commont,  on  put  obtenir  le  sauvetage,  par  camions  militaires, 
de  ses  collections,  de  ses  livres  et  de  ses  manuscrits.  Tout  cela  est  aujour- 
d'hui en  lieu  sûr. 

Victor  Commont  était  né  à  Buire-Coureellcs,  près  de  Péronne,  le  28  juin 
1866.  L'aîné  de  six  enfants,  il  fréquenta  l'école  primaire  supérieure  d'Amiens 
jusqu'à  l'Age  de  16  ans,  puis  se  prépara  seul  au  brevet  supérieur,  a  II  était 
déjà  ce  qu'il  fut  toute  sa  vie  :  un  travailleur  et  un  caractère  »,  m'écrit  sa 
\cii\e.  A  18  ans,  il  débuta  dans  l'enseignement  en  qualité  d'instituteur- 
adjoint  a  Amiens.  Reçu  en  189.4  a  l'examen  du  professorat  des  sciences 
dans  les  écoles  normales,  il  fut.  nommé,  Tannée  suivante,  à  Amiens  qu'il 
ne  devait  plus  quitter  jusqu'à  l'évacuation  but  Abbeville. 
Gommant  étail  venu  tard  ;'i  nos  études.  Il  s'était  d'abord  occupé  de  bota- 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  1 63 

nique  ot  son  herbier  a  va  il  été  médaillé  à  diverges  expositions.  Ce  Eut,  paraît- 
i  I .  i  n  s ,  q  u  '  i  1        mil         1 1  l  âche 1  a  {  ! 

il    donc    un  aul  te    passionné    i 

I  -  '  ies   sur  le    terrain,    sans  aucune    influence 

une  patience,  une  ténacité,  une  méthode  tout  à  fait  remar- 
quables. Il  >'  d'abord  de  silex  taillés,  comme  toul  le  mon ^'(^  ;  puis 
il  étudia  la  J'  el  la  stratigraphie,  dont  il  reconnut  vite  l'importance 
capitale  en  matière  d'archéologie  préhistorique,  surtout  en  matière  de 
Paléolithique.  Pendant  de  longues  années,  il  est  venu  au  laboratoire  de 
Paléontologie  du  Muséum  me  montrer  ses  récoltes  paléontologiques.  Il 
nsacrait  à  ses  voyages  les  jeudis,  qui  étaient  pour  lui  des  jours  de  vacances. 

II  apprit  ainsi   peu  à  peu  à  déterminer  lui-même  les  'fossiles  qu'il  recueil- 
lait ou  faisait  recueillir  avec  soin  aux  divers  niveaux  des  formations  pléis- 

ènes  de  sa  région.  Ces  niveaux  étaient  notés  par  lui  avec  la  plus  grandie 
précision.  Il  était  arrivé  ainsi,  peu  à  peu,  patiemment,  à  accumuler  des 
documents  précieux,  qui  lui  ont  permis  de  reprendre  les  études  classiques 
de  Prestwich  et  autres  anciens  géologues  sur  les  formations  superficielles 
de  la  vallée  de  la  Somme  et  d'arriver  à  établir  une  succession  de  phéno- 
mènes à  la  fois  géologiques,  paléontologiques  et  archéologiques  qui  marque 
un  grand  progrès  sur  les  connaissances  antérieures. 

Autant  que  j'en  puisse  juger  d'après  le  contenu  de  ma  bibliothèque,  les 
premiers  travaux  imprimés  de  Commont  datent  de  1906.  Il  fit  paraître  à 
cette  époque,  dans  le  Bulletin  de  la  Société  Hnnéenne  du  Nord  de  la  France, 
deux  noies  sur  des  silex  taillés  de  Saint- Arheul  el  de  Montièrcs.  Le  compte 
rmdu  que  j'en  fis  alors  dans  L'Anthropologie  (XVII,  4o3),  se  terminait  par 
ces  mots  :  «  Les  observations  de  M.  Comment  sont  parmi  les  meilleures  et 
les  plus  intéressantes  que  nous  ayons  eu  à  enregistrer  depuis  longtemps 
en  matière  de  Paléolithique  ancien  ». 

premières  notes  furent  suivies  d'un  grand  nombre  d'autres  dont 
on  trouvera  rénumération  en  se  reportant  aux  tables  générales  do 
L'Anthropologie,  où  notre  revue  n'a  jamais  manqué  d'analyser  les  produc- 
tions de  Commont,  ce  qui  était  la  meilleure  manière  de  leur  rendre  hom- 
mage.  Elle  a  aussi  publié  plusieurs  de  ses  mémoires  originaux.  On  trouvera 
les  autres  dans  le  Bulletin  de  la  Société  Hnnéenne  du  Nord  de  la  France, 
li  Revue  de  FËcole  d'Anthropologie,  les  inhales  de  la  Société 
géologique  du  Nord,  les  Comptes  rendus  de  V Association  française,  les 
Congrès  préhistoriques  de  France,  le  Congrès  international  d'Anthropologie 
et  d'Anthropologie  préhistorique-,  session  de  Genève,  etc.  Son  ouvrage  le 
plus  important,  Les  Hommes  contemporains  du  Renne  dans  la  vallée  de 
la  Somme,  (V.  L'Anthropologie,  XXVI,  p.  568),  a  été  imprimé  en  1 9 1 4  par 
les  soins  de  lu  Société  des  Antiquaires  de  Picardie.  Plus  récemment  encore, 
Commont  avait  donné  à  notre  Revue  (t.  XXVII)  un  important  mémoire 
sur  Les  terrains  quaternaires  des  tranchées  du  nouveau  canal  du  Nord, 
—  un  canal  qui  a  iail  parler  de  lui  à  d'autres  points  de  \ue,  hélas  !  —  aimai 
qu'une  description  des  fouilles  effectuées  dans  des  sépultures  gauloises  et 
un   puits    funéraire   gallo-romain  à  Amiens 


lt)4  NOUVELLES  ET  CORRESPOND  VNCE. 

Tous  ces  travaux  de  notre  très  regretté  confrère  et  collaborateur  sont 
écrits  en  mi  style  simple,  clair,  précis.  Ils  sont  illustrés  d'excellents 
d   ssins  à  la    plume,  exécutés  par  l'auteur   lui-même   avec   un  réel   talent. 

L'œuvre  de  Gommont  est  dune  considérable  et  de  qualité  supérieure. 
S  attaquant  à  des  sujets  extrêmement  difficiles,  il  eut  ce  premier  mérite, 
plus  raie  qu'on  ne  le  croit,  d'acquérir  rapidement  la  notion  de  cette  diffi- 
culté. Il  comprit  de  bonne  heure  qu*i!  ne  devait  pas  se  presser  de  généra- 
liser, qu'une  longue  et  minutieuse  analyse  sur  le  terrain  devait  précéder 
tout  essai  de  synthèse.  11  a  disséqué  le  Pléistocène  de  sa  région  avec  une 
habileté,  une  minutie,  une  constance  dans  l'effort  qui  ont  été  récompensés 
par  quelques  résultats  de  premier  ordre  sur  lesquels  ce  n'est  pas  le  moment 
d'insister,  mais  qu'appréciénl   tous  les  géologues  et  préhistoriens  instruits. 

Il  est  parti  sans  avoir  accompli  toute  sa  tâche.  Il  me  disait,  quelques 
semaines  avant  sa  mort,  en  me  faisant  part  de  ses  projets,  combien  cette 
tâche  lui  apparaissait  de  plus  en  plus  vaste,  au  fur  et  à  mesure  que  son 
travail  progressait.  Il  préparait  le  livre  qui  aurait  résumé  i5  ans  d'un  travail 
assidu,  ininterrompu,  l'histoire  des  temps  quaternaires  dans  le  Nord  de  la 
Fiance.  La  kultur  boche  est  encore  cause  que  ce  livre  ne  paraîtra  pas  !  Il 
n'en  reste  pas  moins  que  trois  noms  seronl  toujours  attachés  à  l'histoire 
des  progrès  de  la  Paléontologie  humaine  dans  la  vallée  de  la  Somme  : 
Boucher  de  Perlhes,  Prestwich,   Commont  ! 

M.   B. 

Le  Professeur  Samuel  Pozzi. 

Le  i3  juin,  le  bruit  se  répandit  subitement  dans  les  milieux  scientifiques, 
artistiques,  politiques  et  mondains'  de  la  capitale,  c'est-à-dire  dans  tout 
Paris,  que  le  professeur  Pozzi  venait  d'être  victime  d'un  attentat  de  la  part 
d'un  fou  auquel  il  avait  autrefois  prodigué  ms  soins.  La  rumeur  n'était  que 
trop  'fondée  et.  quelques  heures  plus  tard,  nous  apprenions  que  l'émincnt 
chirurgien  avait  succombé  à  -es  blessures,  malgré  les  tentatives  désespérées 
faites  par  les  coofrères  qu'il  avai.1  désignés  et  auxquels,  avec  le  plus  grand 
sang-froid,  il  avait  lui-même  indiqué  les  opérations  à  pratiquer. 

Pozzi,  Samuel-Jean.,  était  né  à  Bergerac  (Dordogne),  le  3  octobre  r846  ;  il 
meurl  <!<mc  à  l'âge  de  près  de  72  ans,  admirablement  conservé  au  point 
'1'-  vue  intellectuel.  11  était  resté  causeur  amiable,  l'homme  épris  d'art 
autant  que  de  science  (pie  j'avais  connu,  à  la  fin  de  l'empire,  au  labora- 
toire  de  son  maître  Broca  et  que,  dan-  nos  milieux  d'étudiants,  nous  ne 
manquions  jamais  d'appeler  le  «  beau  Pozzi  ».  Les  soins  qu'il  apportait  à 
sa  tenu",  -a  facilité  de  parole,  ?on  exquise  urbanité  et  sa  grande  puissance 
d''  travail  permettaient,  dès  cette  époque,  de  prédire  à  Pozzi  un  brillant 
avenii    ;  et.  en  effet,    il    connut    tous   les   SUCCès,    même    les   succès   politiques, 

rai    D  a  été  sénateur  de  la   Dordogne,  de   1897  à   1902. 

C'esl  comme  chirurgien  que  Samuel  Pozzi  a  acquis  une  réputation  mon- 
diale. Sa  carrière  a  été  des  plus  rapides  :  en  [868  -  -  à  :>.:>  ans  —  il  était 
interne  titulaire  des  hôpitaux  ;  à  :>à  ans,  médaille  d'or  ;  à  :>.x  ans,  profes- 
seur agrégé  à  la   Faculté  de  Médecine  de   Paria  ;  à   3o  ans,  chirurgien  de- 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  1 65 

hôpitaux.    11   s'est    consacré    l<uii    particulièrement    a    la    vulgarisation,    en 
France,  des  procédés  modernes  de  la  chirurgie  et  surtout  de  La  gynécologie 
Sou  gros   Truite  de  gynécologie  clinique  et  opératoire  est   devenu  classique 
d'emblée  el  a  eu  les  honneurs  de  plusieurs  éditions. 

Sou  service,  a  l'hOpital  Broca,  était  des  plus  fréquentés  et  aucun  chirur- 
gien spécialiste  étranger  ne  venait  à  Paris  sans  profiler  des  leçons  de  celui 
qui  était  à  bon  droit  considéré  comme  un  Maître,  avant  d'être  pourvu  d'une 
chaire  magistrale.  Aussi.  en  [901,  sentit-on  en  haut  lieu  le  besoin  de  créer 
à  la  Faculté  <lc  Médecine  de  Paris  une  chaire  de  clinique  gynécologique  qui, 
naturellement,   fut  attribuée  à   Samuel   Pozzi. 

>i  brillante  qu'ait  été  sa  carrière  chirurgicale,  ('lie  ne  justifierait  pas  la 
place  qui  nous  consacrons  au  regretté  défunt  dans  une  Revue  aussi  spéciale 
que  la  notre,  si  l 'Anthropologie  n'v  avait  joué  un  rôle  que  certains  de  nos 
lecteurs  peuvent  ignorer.  Issu  d'une  austère  famille  de  protestants  dès 
longtemps  liée  d'amitié  à  la  famille  die  Paul  Broca,  Samuel  Pozzi  trouva 
auprès  de  ce  dernier  un  guide,  un  maître  et  un  ami.  Comme  lui,  il  s'occupa 
d'abord  d'Analomie  comparée  et  d'Anthropologie.  Séduit  par  la  doctrine  de 
Darwin,  il  rechercha  des 'faits  anatomiques  qui  vinssent  la  confirmer.  C'est 
dans  cet  ordre  d'idées  qu'il  publia  des  noies  sur  le  Mwscle  court  péronier 
latéral  chez  l'Homme  (1872),  suides  inomalies  réversives  du  poumon  droit 
[87a  .  sur  la  Valeur  des  anomalies  musculaires  an  point  de  rue  de  l'anthro- 
pologie zoologique  (1874),  Sur  les  lobes  surnuméraires  du  poumon  droit 
et  en  particulier  sur  une  anomolie  réversive  (1875).  Il  rapporta  d'intéres- 
sants exemples  d'actions  du  milieu  sur  les  organismes  dans  un  mémoire  sur 
La  décoloration  de  la  peau  des  Nègres  sous  Vinfluence  du  climat  et  de  la 
maladie  (1872).  En  187/1,  ''  traduisit,  en  collaboration  avec  le  l)r  R.  Benoît, 
L'ouvrage  de  Darwin  sur  l'Expression  des  émotions  chez  l'homme  et  les 
animaux  ;  celle  traduction  eut    une  seconde   édition   en    t ^77. 

Je  passe  sous  silence  quelques  notes  telles  que  La  syphilis  chez  le  Singe, 
Le  Pseudorachitisme  sénile,  Un  pseudo-hermaphrodite  mâle,  et  j'en  arrive 
au  rêve  qu'avait  caressé  Pozzi  dans  les  premières  années  de  sa  vie  scienti- 
fique, rêve  auquel,  me  déclarait-il  il  y  a  quelques  mois,  il  n'avait  pas 
complètement    renoncé:    c'était    d'écrire   un    ouvrage    d'ensemble   sur    les 

ractéristiques  du  cerveau  de  l'Homme  et  sur  ses  différentes  variations 
suivant  les  races  et  les  individus.  Celte  élude,  il  l'avait  ébauchée  dans  dif- 
férents mémoires,  mais  ce  qui  lui  a  toujours  manqué  ce  furent  des  maté- 
riaux suffisants  pour  traiter  le  sujet  dans  son  <  nsemble.  Il  espérait,  toutefois, 
,\  l'aide  des  documents  récents,  inédits  ou  publiés,  pouvoir  étayer  sou  tra- 
vail sur  des  bases  selides.   Les  mémoires  qu'il  nous  laisse  sur  l'encéphale 

nsistent  en  dvwx  notes  sur  des  Cerveaux  dHmbêciles  (1874  et  1875),  une 
sur  la  Scléro.c  cérébrale  des  aliénés  (1882),  une  autre  sur  la  Cirrhose 
atrophique  disséminée  <les  circonvolutions  cérébrales  (i88£),  et  quatre 
mémoires  intitulés*:  Pes  localisations  cérébrales  et  des  rapports  du  crâne 
ave,-  h-  cerveau  (^877)  \  Sur  le  poids  du  cerveau  suivant  les  races  et  lej  indi- 
vidus (1878)  ;  .Sur  le  cerveau  de  l'Homme  et  des  Primates  (i88o)e;  Caractères 
dirtîinctifs  du  cerveau  de  l'Homme  (1877). 

Quand,  absorbé  par  son  labeur  chirurgical  el   son  enseignement,  il  sem- 


I 66  NOUVELLE?  ET  CORRESPONDANCE. 

b lait  dans  l'absolue   nécessité   de  i énoncer   à   nos   études,    il  trouvait,    dans 
-     i  activité,  le  moyen  d  nps  à  autre  aux  séances  de  La  Société 

d'Anthropologie,  qu'il  avait  présidée  en  [888,  cl  de  prendre  part  à  nos 
Congrès  internationaux  d'Anthropologie  el  d'Archéologie  préhistoriques. 
Jusqu'à  la  un  de  sa  vie,  il  a  fait  partie  de  l'Association  pour  l'eriseign  m  mt 
des  Sciences  anthropologiques.  Les  groupements  scientifiques  s'honoraient 
de  le  compter  parmi  leurs  membres  et  lui  décernaient  h  s  distinctions 
plus  Batteuses,  be  Gouvernement  de  la  République  l'avait  lait  Grand-Officier 
de  la  Légion  d'Honneur. 

R,     \  BRNEAU. 

Charles  Baye*. 

Charles   Bayet,  ancien    Directeur  de  l'Enseignement    supérieur,   est  mort 

le  18  septembre,   à  l'âge  de   69  ans. 

Né  à  Liège,  il  fut  admis  à  l'École  normale  supérieure,  d'où  il  sortit  agrégé 
d'histoire  <t  de  géographie.  Ses  goûts  le  portant  vers  l'archéologie,  il  fut 
nommé  membre  de  l'École  d'Athènes  et,  à  son  retour  en  France,  il  devint 
successivement  professeur  à  la  Faculté  des  Lettres  de  Lyon,  doyen  de  cette 
Faculté  et  recteur  de  l'Université  de  Lille. 

Il  avait  publié  un  certain  nombre  d'ouvrages  d'histoire  et  d'archéologie, 
dont  les  plus  connus  du  public  sont  :  L'Art  byzantin  et  un  Précis  de  l'his- 
toire de  l'Art.  Au  Ministère  de  l'Instruction  publique,  il  fit  preuve,  en 
diverses  circonstances,  de  l'intérêt  qu'il  portait  aux  études  préhistoriques. 
Il  avait  été  'frappé  surtout  par  les  merveilleuses  découvertes  laites,  au  coins 
de  es  vingt  dernières  années,  dans  le  domaine  de  lait  quaternaire.  Il  avait 
représenté  le  Ministre  au  Congrès  de  Monaco  et  manifesté  de  louables  inten- 
tions en  faveur  du  développement  de  nos  études  et  de  leur  introduction 
dans  les  universités.  Cette  bonne  volonté  ne  fut  d'ailleurs  pas  suivie  de 
grands  effets.  Il  est  si  difficile  d'aller  de  l'avant  dans  ce  qu'on  appelle  les 
hautes  sphères  administratives!... 

Charles  Bayet  s'était  engagé,  presqueau  début  de  la  guerre,  pour  vengeT 
la  mort  d'un  de  ses  fils.  Revenu  de  Salonique,  comme  lieutenant  d'état- 
major,   il  a  succombé  dans  un  hôpital  militaire,  aux  suiies  d'une  opération. 

M.    15. 

Vidal    de    la   Blache. 

I.a  France  vient  de  perdre  un  de  se<-  savants  les  pins  éminents  en  la 
personne  de  Paul  Vidal  de  la  [Mâche,  mort  le  à  avril  tgi&}  à  Tamaris-sur- 
W'i   (Vai   .  à  I 'ù<jo  de  73  ans. 

En  sa  qualité  de  géographe  <t  de  grand  géographe,  Vidal  de  la  Blache 
s'intéressait  vivement  aux  études  anthropologique  ,  inséparables  dis  éludes 
ri»-  géographie  humaine.  Ancien  élève  de  l'École  normale,  et  membre  de 
l'École  française  d  Athènes,  •  premiers  travaux  lui  avaient  donné  le  goût 
de  l'archéologie  classique  d  aussi  on  s'en  apercevait  quand  on  causait 
avec  lui    -     de   l'arche**  préhistorique. 

Il   n  >    a    pas  lien   d'insister,   dans   ce   recueil,  sur  l'çeuvrc   géographique 


NOl'VT.I  IIS    ET    CORRESPONDANCE.  167 

du  Maître  qui  contribua  plus  que  personne,  en  France,  à  orienter  la  géogra- 
phie universitaire  dans  la  voie  nouvelle,  Large,  scientifique,  explicative,  encore 
trop  incomprise  des  milieu»  1rs  plus  officiels.    Successivement  maître  de 

conférences  à  l'Ecole  normale,  professeur  à  la  Sorbonne  et  a  l'École  libre 
Sciences  politiques,  membre  de  l 'Académie  des  Sciences  morales  et 
politiques,  Président  de  la  Sert  ion  de  Géographie  du  Comité  des  travaux 
scientifiques  et  historiques  du  Ministère,  son  heureuse  influence  s'exerça 
partout. 

Vvee  Marcel  Dubois,  il  avait  fondé  les  Annales  de  Géographie  qu'il  a 
dirigées  jusqu'à  sa  mort,  avec  la  collaboration  de  MM.  L.  Galois,  E.  de 
Margerie  et  Louis  Haveneau.  Son  Atlas  général  de  Géographie,  dit  Atlai 
gênerai  Vidal-Lablache,  remarquable  par  sa  clarté,  est  entre  toutes  les 
mains.  Son  Tableau  géographique  de  la  France  est  un  chef-d'œuvre,  et  son 
dernier  ouvrage,  La  France  de  l'Est,  paru  en  1917.  un  monument  de  patrio- 
tisme français. 

M.  B. 

Guimet,  Emile  Etienne. 

Emile  Guimet,  le  fondateur  du  merveilleux -musée  qui  porte  son  nom  et 
dont  il  fit  don  à  l'État  en  i88/(,  était  destiné  par  son  père  à  l'industrie. 
Celui-ci,  en  effet,  distingué  chimiste,  ancien  élève  de  Polytechnique,  avait 
créé,  en  i834,  auprès  de  Lyon,  une  usine  pour  la  fabrication,  par  un  procédé 
dont  il  a  gardé  le  secret,  de  l'outremer  artificiel.  Quand  naquit  Emile 
Guimet,  l'usine  était  en  plein  fonctionnement  et  promettait  de  donner  de 
magnifiques  résultats.  Les  espérances  du  père  se  réalisèrent,  et  Lorsqu'il 
mourut,  en  1871,  il  laissa  à  son  fils  une  fortune  des  plus  respectables.  Grâce 
à  cette  fortune,  Emile  Guimet,  tout  en  conservant  la  direction  de  son  usine, 
put  mettre  à  exécution  un  projet  qu'il  caressait  depuis  plusieurs  années  : 
celui  de  faire  un  voyage  autour  du  monde. 

C'est  à  la  suite  de  ce  voyage  qu'il  fonda  à  Lyon,  en  1878,  avec  les  collec- 
tions qu'il  avait  recueillies  dans  l'Inde,  en  Chine  et  au  Japon,  un  musée 
déjà  fort  remarquable,  mais  qui  devait  prendre  une  grande  extension  après 
son  transfert  à  Paris,  place  d'Iéna.  Cet  établissement,  unique  en  son  genre, 
<  -t  devenu  le  Musée  national  des  Religions  ;  il  est  resté  sous  la  direction  de 

.1  fondateur  jusqu'à  la  mort  de  celui-ci,  survenue  lo  i5  octobre  1918. 

Guimet  —  qui  a  été  non  seulement  un  savant,  mais  aussi  un  compositeur 
de  musique,  dont  l'œuvre  musicale  n'est  nullement   négligeable  —  s'inté- 

-  .lit  à  tout  ce  qui  touche  à  l'art  et  il  a  réuni  de  fort  beaux  spécimens  de 
l'art  de  l'Orient»;  mais  il  s'est  passionné  surtout  pour  l'histoire  des  reli- 
gions les  collections  du  musée  <e  ressentent  (V  cette  passion.  La  section  reli- 
gieuse 11  constitue,  eu  efifet,  la  partie  de  beaucoup  la  plus  importante.  Elle 
comprend   l"s  cultes  de  l'Egypte  ancienne,   de  l'Inde,   du   Tbibet,   de   la  Bir- 

inie,  du  Cambodge,   du   Siam,  de  l'Annam,   du  Tonkin,  du  Laos,  de  la 

Chine,  de  la  Corée  et  du  Japon,  Le  culte  isn-que  y  est  bien  représenté,  de 

même  qi:e  '■•  pagani  me  grec,  romain  <t   gaulois.  Ou  voit  également,  dans 

le  murée,  eu  c<  rtain  nombre  de  monuments  chaîdéens,  babyloniens  et  assy- 

r  i   HS, 


1 68  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

En  1890,  le  Ministère  de  l'Instruction  publique  voulut  ('"tendre  le  domaine 
de  l'établissement  fondé  par  Guimet  et  en  faire  à  la  fois  un  Musée  des  Reli- 
gions et  un  Musée  d'Ethnographie  asiatique.  D'intéressantes  collections  eth- 
nographiques d'Asie  avaient  été  réunies  par  Iîamy  au  Trocadéro,  où  les 
locaux  sont  absolument  insuffisants  et  mal  appropriés  pour  loger  les  richesses 
accumulées  dans  ce  Palais  national.  Les  collections  asiatiques  avaient  été 
reléguées  dans  la  galerie  circulaire  située  en  avant  de  la  Salle  des  Fêtes, 
galerie  pourvue  de  linges  baies  ouvertes  à  tous  les  vents,  et  les  objets  qui  y 
avaient  été  déposés  ne  tardèrent  pas  à  se  détériorer.  Des  raisons  budgétaires 
—  et.  aussi,  l'indifférence  manifestée  jusqu'ici  par  les  pouvoirs  publics 
envers  un  établissement  qui.  malgré  :on  installation  défectueuse,  est  haute- 
ment apprécié  à  l'étranger —  ne  permettaient  pas  d'affecter  un  édifice  conve- 
nable à  notre  Mui  ée  national  d'Ethnographie  ;  il  fut  décidé  que  ses  collec- 
tions asiatiques  seraient  transférées  place  d'Iéna.  Guimet  n'apprécia  nulle- 
ment le  cadeau  qui  lui  était  ïait,  et  les  objets  venus  du  Trocadéro  furent 
déposés  dams  le  sous-sol.  On  s'aperçut  bientôt  qu'ils  n'y  étaient  pas  plus  en 
sûreté  que  dans  leur  ancien  local  et,  pour  en  éviter  la  destruction  complète, 
l'Administration  supérieure  donna  l'ordre  de  les  expédier  à  Bordeaux.  Le 
Musée  Guimet  conserva  son  caractère  primitif  de  Musée  d'art  et  de  religions 
de  l'Orient. 

Grâce  aux  efforts  de  son  fondateur,  ce  musée  possède  actuellement  une 
bibliothèque  spéciale  considérable.  Il  publie  des  travaux  originaux  ou  des 
traductions  d'ouvrages  de  savants  de  tous  les  pays  dans  quatre  séries  de 
publications  qui  portent  pour  titres  :  Annales  du  Mti.ee  Guimet,  Bibliothè- 
que d'études,  Bibliothèque  de  vulgarisation  et  Revue  de  l'histoire  d:'s  Reli- 
gions. En  outre,  des  conférences  sur  l'Art  et  les  Religions  y  sont  données 
périodiquement. 

Guimet,  lui-même,  a  publié  les  récits  de  ses  voyages  et  des  études  remar- 
quables soi  le  Dieu  d'Apulée,  sut  Ptutarque  en  Egypte,  sur  L'Isis  romaine 
et  sur  Les  Isiaques  de  la  Gaule.  Les  questions  relatives  à  l'Art  et  à  la  Reli- 
gion, rentrant  dans  noire  domaine,  la  rédaction  de  L'Anthropologie  ne  peut 
que  s'associer  aux  regrets  que  laissé  chez  ceux  qui  l'ont  connu  la  disparition 
d'un  savant  qui  a  tant  l'ail  pour  l'avancement  de  ces  branches  de  la  science 
de  l'Homme. 

R.  V. 

Paul  Sébillot. 

Paul  Sébillot,  qui  est  <\rcc<]r  à  Paris,  le  23  avril  1918,  était  né  à  Matignon 
(Côtes-du-Nord)  en  [846.  Il  s'esl  adonné  d'abord  à  la  peinture  et  a  exposé  aux 
Salons,  de  1870  à  i883,  de  nombreux  tableaux  représentant  des  paysages 
bretons.  Des  r88o,  il  avait  commencé  à  publier  les  Contes  populaires  de  la 
Haute-Bretagne  ei  la  Littérature  orale  de  ta  Haute-Bretagne,  ouvrages  qui 
ne  1  irdèrenl  pas  à  être  suivis  des  Contes  des  Paysans  et  des  Pêcheurs  1 1881 
des  Contes  des  Marins  (i882) ,  des  Traditions  et  Superstitions  de  la  Haute-Bre- 
tagne, des  Contés  de  terre  et  de  mer  (i883),  de  Gargantua  dans  les  tradi- 
tions populaires  (i883),  du  Blason  populaire  de  la  France  (en  oollab.,  avec 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  1 69 

H.  Gaidoz)  (i884  ,  des  coules  des  provinces  de  France  (i884),  des  Coutumes 
populaires  de  la  Haute-Bretagne  (1886),  des  Légendes,  croyances  et  supersti- 
tions de  la  mer  (a  vol.,  1886-1887),  etc. 

En  1886,  P.  Sébillot,  dont  la  réputation  de  folk-loriste  était  solidement 
assise,  fonda  la  Revue  des  Traditions  populaires.  Trois  ans  plus  lard,  en 
1889,  son  beau-frère,  Yves  Guyot,  itant  devenu  Ministre  des  Travaux  publics, 
le  prit  comme  chef  de  cabinet  et  le  nomma  ensuite  entreposeur  de  tabacs,  à 
Paris.  Pourvu  d'un  poste  do  toui  repos,  \i\;mi  dans  le  calme,  il  put  donner 
libre  cours  .^  sa  passion  pour  le  folk-lore  e1  1  ublier  :  Les  Travaux  publics  et 
les  Mines  dans  les  traditions  et  les  superstitions  de  tour\  les  pays  (  1S93), 
Les  Légendes  et  curiosités  des  métiers  (1895),  Les  Contes  espagnols  (1896), 
la  Littérature  orale  de  l'Auvergne  (1^898),  etc.,  niais  il  en  revenait  toujours 
aux  Légendes  de  sa  chère  Bretagne,  au  Folk-lore  des  Pécheurs,  aux  Coquil- 
lages de  nier.  Toutefois,  en  190/1,  il  entreprit  la  publication  d'un  grand 
ouvrage  sur  le  Folk-lore  de  France  et,  chaque  année,  jusqu'en  1907,  parut 
un  volume  ;  le  t.  I  est  consacré  au  Ciel  et  à  la  Terre,  le  t.  II,  à  la  Mer  et  aux 
Eaux  douces,  le  t.  III,  à  la  Flore  et  à  la  Faune,  et  le  t.  IV,  au  Peuple  et  h 
l'Histoire.  L'Évolution  du  costume  (1907),  et  Le  Paganisme  contemporain 
chez  /(.'  pluples  celto-lalins  (1908)  sont  deux  volumes  que,  pendant  long- 
temps, on  consultera  avec  fruit. 

Paul  Sébillot  avait  un  caractère  facile  et  comptait  bien  peu  d'ennemis.  Il 
faisait  partie  de  la  Société  des  Gens  de  Lettres-,  de  la  Société  des  Journa- 
listes républicains,  de  la  Société  d'Anthropologie,  qu'il  a  présidée  en  1905, 
de  la  Commission  des  Monuments  préhistoriques,  et,  partout,  il  s'était 
attiré  des  sympathies  pour  la  courtoisie  qu'il  apportait  dans  les  discussions. 

R.    Verneau. 

Dr  G    de  Closmadeuc. 

Le  dernier  numéro  de  la  Revue  archéologique  nous  apporte  la  triste  nou- 
velle de  la  mort  de  «  l'illustre  vétéran  de  l'archéologie  bretonne  »,  le  Dr  G. 
de  Closmadeuc,  décédé  à  Vannes,  au  mois  de  mai  1918,  à  l'âge  de  90  ans. 

Dans  la  touchante  notice  chronologique  qu'il  lui  consacre,  M.  Salomon 
Reinach  nous  retrace  la  belle  carrière  de  cet  archéologue  qui,  aux  grands 
mérites  fin  savant,  joignait  les  plus  belles  vertus  philanthropiques. 

Le  l)1  de  Closmadeuc  n'était  guère  connu  de  la  génération  actuelle.  Ses 
premières  recherches  archéologiques  remontent  à  1860.  Depuis  cette  époque, 
il  a\ait  publié  de  nombreux  mémoires  dans  diverses  revues  et  principale- 
ment dans  le  Bulletin  de  la  Société  polymal hique,  dont  il  fut  huit  l'ois 
président  effectif  avant  d'en  devenir  le  président  d 'honneur. 

travaux  ont  porté  sur  les  tombeaux,  les  monuments  mégalithiques  du 
Morbihan,  notamment  le  monument  de  Gavr'inis,  et  sur  un  grand  nombre 
de  trouvailles  préhistoriques.  Il  a  écrit  également  plusieurs  volumes  d'his- 
toire locale. 

((  Le  nom  de  Closmadeuc,  dit  M.  S.  Reinach,  restera  en  honneur  au  Musée 
de  Saint-Germain,  comme  à  la  Société  polymathique  du  Morbihan.  Dans  la 
salle  qui  contient   le  modèle  du  monument  de  Gavr'inis  et  les   moulages  de 


T7°  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

ses  pierres  mystérieuses,  nous  avons  déjà  marqué  la  place  où  doit  figurer  le 
portrait  de  Closmadeuc.  »  \j    b. 

Paul    Leblanc. 

Je  viens  d'apprendre,  avec  plus  de  tristesse  que  de  surprise,  la  mort  d'un 
des  plus  vieux  et  des  plus  sympathiques  érudits  de  provinces.  Paul  Leblanc 
s'e>t  éteint  à  Brioude  (Haute-Loire),  le  16  mai  dernier,  à  l'âge  de  91  ans. 

Quand  je  fis  sa  connaissance,  il  y  a  plus  de  trente  ans,  Paul  Leblanc  était 
déjà  un  beau  vieillard  dont  le  visage  spirituel  et  souriant,  s'ornait  d'une 
superbe  chevelure  blanche.  Sa  maison  de  Brioude  était  tout  encombrée  de 
livres,  de  la  cave  au  grenier.  On  y  trouvait  tout  ce  qui  avait  été  publié  sur 
lAuvergne  et  le  Velay,  soit  à  l'état  de  grandes  séries  de  périodiques,  d'ou- 
vrages spéciaux  ou  de  dossiers  pleins  de  coupures  de  toutes  sortes.  Aussi 
Paul  Leblanc  était-il  le  grand  ami  et  la  providence  de  toutes  les  personnes 
s'intéressant  à  un  titre  quelconque  à  la  géographie,  à  l'histoire  naturelle, 
à  la  préhistoire  ou  à  l'histoire  de  l'Auvergne,  du  Velay  et  des  régions 
avoisinantes.  Il  était  l'auteur  de  nombreuses  publications  d'histoire  locale. 

C'est  Paul  Leblanc  qui  me  mit  sur  la  trace  du  beau  gisement  de  Mammi- 
fères fossiles  de  Senèze  (Haute-Loire).  Avec  son  voisin  et  ami  Vernière, 
disparu  prématurément,  il  s'occupa  de  préhistoire  et  nous  lui  devons  beau- 
coup d'observations  locales  d'un  réel  intérêt. 

Il  avait  été  un  collaborateur  assidu  de  l'Intermédiaire  des  Chercheurs  et 
Curieux.  Mort  célibataire,  il  a  légué  sa  bibliothèque  et  ses  papiers  à  la  biblio- 
thèque de  Clermont-Ferrand.  Il  continuera  ainsi  à  servir  la  science  après 
lui   avoir  consacré  toute  son  existence. 

M.  B. 

Léon-Hcn ri-Louis    Bérard. 

Dans  le  dernier  numéro  de  la  Revue  archéologique,  M.  Salomon  Reinach 
nous  apprend  la  mort  glorieuse  d'un  jeune  officier  qui  promettait  de 
devenir  un  maître  en  archéologie  gauloise  \ 

((  Né  en  i883,  admis  à  Saint-Cyr  en  1904,  Léon-Henri-Louis  Bérard  avait 
séjourné,  de  1908  à  191 2,  en  qualité  d'officier  de  cavalerie,  à  Chalons-sur- 
Marne,  et  là  sYtait  vivement  intéressé  à  l'étude  des  nécropoles  du  deuxième 
fin  fer,  très  nombreuses,  comme  on  sait,  dans  cette  région,  et  trop 
souvent  dépouillées,  plutôt  qu'étudiées,  par  des  amateurs  ignorants  ou  des 
-\  ulaîei.'is.  Tout  autre  était  la  méthode  de  Bérard  :  il  ne  visait  pas  à  réunir 
des  bibelots,  mais  des  faits  contrôlés  ;  il  fouillait  avec  une  précision  irré- 
prochable, tenanl  do  registres  très  détaillés  ri  dessinant  tous  les  objets 
même  fragmentés,  qu'il  lui  arrivait  de  diécouvrir.  Il  fit  ainsi  des  recherches 
d'une  haute  importance  dans  les  nécropoles  de  Mairy-Soigny,  de  Poix,  de 
Sarry,  de  Cernon,  des  Grandes*Loges,  etc.  (voir  les  Bulletins  de  la  Société 
archéologique  champenoise,  mars  1913  H  suiv»).  Parmi  les  objets  qu'il 
1  ueillit,  I"  [h-  préciei  \.  que  je  voudrais  voir  appeler  vase  Bérard,  est  un 
pienl  mi  bronze  orné  à  la  pointe,  dans  le  plus  pur  style  marnien  <'l 
avec  un."  richesse  presque  suis  exemple  ;  grâce  ,"1  L'obligeance  de  M"10  Bérard, 
l'    Mu  ôe  de  Saiiyt-Germain  a  pu  exécuter  une  reproduction.  » 


NOUVELLES    ET    CORRESPONDANCE.  I7I 

Le  capitaine  Bérard  a  trouvé  la  mort  le  g  février  1918,  au  cours  d'un  vio- 
lent bombardement  de  Bon  Recteur.  M.  B. 

Louis    de    Pauw 

.l'ai  appris  par  un  mot  de  son  fils,  actuellement  sur  le  front  belge,  la 
mort,  à  Bruxelles,  de  Louis  de  Pauw  ;  ce  malheureux  événement  a  été 
signalé  par   le  Courrier  de  l'armée   belge,   n°  du   \>.\   août    1918. 

Louis  de  Pauw,  ancien  préparateur  du  Musée  d'Histoire  naturelle  de 
Bruxelles,  était  bien  connu  de  tous  les  naturalistes.  C'est  à  sa  très  grande 
habileté  professionnelle  qu'on  doit  l'extraction  et  le  montage  des  célèbres 
squelettes  d'Iguanodon  trouvés  dans  les  houillères  de  Bernissart  en  1878  : 
long  et  pénible  travail  qui  suffirait  à  préserver  de  l'oubli  le  nom  de  son 
auteur. 

.Mais  Louis  de  Pauw,  qui  était  un  autodidacte,  avait  su  s'élever  au  rang 
d'un  véritable  savant  par  la  publication  de  nombreux  mémoires  de  Zoologie, 
de  Paléontologie  et  aussi  de  Préhistoire.  Seul,  ou  en  collaboration,  il  avait 
fouillé  de  nombreux  gisements:  ateliers  de  Spiennes,  sépultures  néolithique», 
cimetières  antiques,  etc.  L' Anthropologie  a  rendu  compte  d'un  certain  nom- 
bre  de  ces  travaux,  tous  très  consciencieux. 

Après  avoir  quitté  le  Musée  de  Bruxelles,  de  Pauw  avait  été  nommé 
conservateur  général  des  collections  de  l'Université  libre  de  Bruxelles,  poste 
qu'il  a  dû  occuper  jusqu'à  ea  mort.  Celle-ci  emprunte  aux  circonstances 
tragiques  de  l'heure  actuelle  un  caractère  particulièrement  triste.  Tous  ceux 
qui  ont  connu  de  Pauw  et  ont  pu  apprécier  ses  mérites  conserveront  de  lui 
le  meilleur  souvenir.  M.  B. 

Nouveau  catalogue  du  Mnsée   de  Saint-Germain. 

M.  Salomon  Reinaeh  venait  a  peine  d'être  attaché  à  l'établissement  dont 
il  est  aujourd'hui  Directeur,  qu'il  publiait  un  Catalogue  sommaire  du  Musée 
de  Saint-Germain  (1887,  3e  édition  en  1889).  In  peu  plus  tard,  il  entreprit 
une  Description  raisonnez,  dont  le  premier  volume  intitulé  :  Époque  dec. 
alluvions  et  des  cavernes  parut  en  1889  et  fut  suivi,  en  i&gà,  d'un  second 
volume  :  Bronzes  figurée  de  la  Gaule  romaine.  En  1889,  il  nous  donnait  un 
Guide  illnsl ré  du  Musée  de  Saint-Germain  (nouvelle  édition  en  1908)  et,  en 
un  Album  des  moulages  et  modèles  en   renie  à  Saint-Germain. 

C'est  une  œuvre  nouvelle  qu'il  publie  aujourd'hui  sous  le  titre  de  :  Cata- 
logue illustré  du  Musée  des  Antiquités  nationale û  au  château  de  Saint-Ger- 
main-en-Laye,  tome  I.  Paris,  Leroux,  191 7  ;  gr.  in-8,  296  p.,  avec  une  planche 
et  -?M  gravures.  Prix  .  7  fr.  5o. 

Ce  Catalogue  comprendra  deux  volumes.  Celui  qui  vient  de  paraître  décrit 
■s  les  objets  exposée  dans   les  'fossés   et   la   cour   du  château,  ainsi   qu'au 
rez-de-chaussée  el  à  l'entresol.  I.  ipti<  ns  sont  accompagnées  des  réfé- 

rences bibliographiques  indispensables  et  précédées  de  courtes  notices  concer- 
nant chaque  groupe  de  monuments.  Le  second  volume  ne  pourri  être  rédigé 
qu'à  la  fin  des  hostilités,  les  objets  précieux  des  deux  étages  supérieurs 
avant  dû  être  mis  en  sûreté  au  mois  de  septembre  rôi4. 


*72  NOUVELLES    ET    CORRESPONDANCE. 

C'est  avec  regret  que  je  lis.  ou  que  je  crois  lire,  dans  la  préface  du  Nouveau 
catalogue,  que  la  Description  raisonriée  ne  sera  pas  continuée. 

M.  B. 

«    Était  ce   Longpérier?    » 

Dans  la  Revue  archéologique  (janvier-avril  1917.  p.  a5o),  M.  Salomon 
Reinach  reproduit  un  curieux  passage  de  l'Hellénisme  en  France  d'Emile 
Egger  (1869    : 

«  Toute  une  galerie  de  la  grande  Exposition  universelle  nous  offrait 
naguère  les  archives  de  cette  humanité  antérieure  aux  documents  écrits, 
et  l'on  peut  encore  les  étudier  dans  les  sali  s  (\\i  Musée  de  Saint-Germain. 
Or,  combien  la  science  n'a-t-clle  pas  de  peine  a  coordonner  ces  documents 
sans  date,  depuis  l'âge  de  pierre  jusqu'à  l'âge  de  1er!  Que  d'hésitations! 
Que  d'essais  infructueux  S  Voici  un  de  ces  os  travaillés  où  l'on  a  cru  voir 
d'abord  le  plus  ancien  morceau  ciselé  par  une  main  humaine  ;  il  provient 
d'une  de  ces  grottes  d'où  sont  sortis  tant  de  précieux  débris  du  même 
genre.  Eh  bien]  je  sain  un  grand  connaisseur  gui  distingua  dans  cette 
image  la  tixice  d'une  imitation  gauloise  de  l'art  grec,  comme  il  y  en  a  de 
.»:'  nombreu.es  et  de  si  bien  constatées  dans  le  travail  des  monétaires  gaulois 
depuis  le  111e  siècle  avant  J.-C.  C'est-à-dire  que  nous  voilà  transportés,  des 
origines  mêmes  de  l'Homme,  à  la  troisième  et  à  la  quatrième  époque  de 
ton  développement  sur  la  terre  :  grande  leçon  de  modestie  pour  les  anti- 
quaires de  la  nouvelle  école.  » 

La  leçon  que  voulait  nous  inlliger  Egger  s'est  bien  retournée  contre  les 
antiquaires  de  l'ancienne   école. 

j  M.  S.  Reinach  cherche  à  identifier  le  «  grand  connaisseur  ».  Il  ne  voit 
qu'Adrien  de  Longpérier,  à  qui  convienne  ce  signalement.  Et  il  rappelle 
que  c'est  Longpérier  qui,  vers  la  même  époque,  lançait  l'expression  de 
«  roman  préhistorique,  dont  les  ennemis  de  la  science  nouvelle  ont  fait 
grand  abus  ». 

M.  S.  Reinach  a  ajouté  en  note  de  son  petit  article  si  intéressant  les 
phrases  suivantes  : 

u  lue  erreur  fie  Longpérier,  qui  avait  des  yeux  d'archéologue,  renferme 
toujours  une  part  de  \érité.  On  a  trop  souvent  opposé  les  produits  de  l'ait 
quaternaire  aux  copies  ou  imitations  stylisées  de  l'art  celtique  :  en  réalité, 
comme  l'a  montré  l'abbé  Breuil,  les  trois  quarts  des  gravures  quaternaires 
sont   elles-mêmes   des   stylisations  ». 

Je  proteste  contre  cette  opinion,  que  je  crois  tout  au  moins  très  exagérée. 
L'ait  vraimenl  quaternaire  esl  surtoul  réaliste  et  nullement  schématique. 
Cela  ré  ulte  de  tout  ce  que  je  sais  et  cela  1  ('Mille  même  des  travaux  de 
Breuil,  notammenl  de  son  article  d'ensemble  publié  dans  la  Revue 
archéologique  de  191:'.  Les  peuplades  peignant  des  images  schématiques  el 
géométriques  ont  succédé  eu  bloc  aux  peuplades  aùrignaciennes,  solu- 
tréennes et  magdaléniennes  dont   l'art   est   incontestablement   et   purement 

réalM  ■  Ce  n'est  qu«2  vers  la  fin  du  Magdalénien  et  à  l'Azilien,  c'est-à-dire 
à  h  fin  de  l'époque  quaternaire  que  nous  voyons  se  multiplier  les  produits 


NOUVELLES    ET    CORRESPONDANCE.  1^3 

d'un  ail  schématique,  dans  des  conditions  <t  sous  des  influences  que 
Breuil  a  cherché  à  déterminer  el  sur  h  squelles  je  ni1  saurais  m'étendre  ici. 
Mais,  dans  l'ensemble,  l'arl  quaternaire  n'est  que  réaliste  ;  il  traduit  un 
sentiment   profond  et   exact  de   la  nature. 

M.  B. 

L'origine  du  Lin. 

L'origine  du  Lin  cultivé  (Linum  usilatissimum)  a  été  luit  discutée. 
Contrairement  à  ce  qu'on  lit  dans  beaucoup  d'ouvrages  de  botanique,  on  ne 
le  connaît  nulle  part  à  l'étal  sauvage.  On  le  trouve  dans  des  dépôts  de  l'épo- 
que romaine  et  jusque  dans  les  palaffittes  suisses,  car  le  Lin  des  palaffittes 
ne  serait  pas,  comme  on  l'a  dit,  le  Linum  angustifolium,  encore  spontané 
dans   le  midi. 

C'est  au  moins  -ce  qu'a  affirmé  le  regreJWé  géologue  cl  paléontologiste 
anglais  Gïemenl  Ueid.  dans  un  de  ses  tout  derniers  écrits  sur  «  Les  plantes 
des  dépôts  glaciaires  de  la  vallée  de  la  Lea  »,  au  Nord  de  Londres  (Quaii. 
Journ,    of  Geol.  Soc,   vol.   LWI,    pp.    [5i-i6i,    1916). 

Parmi  les  débris  de  ces  piaules,  dont  l'ensemble  représente  traie  flore 
froide  arctique  (avec  Salix  Lapponum,  Armeria  arctica,  etc.),  il  \  a  de  nom- 
breuses graines,  qu'on  retrouve  dans  d'autres  dépôts  glaciaires  de  l'Angle- 
terre. Elles  ressemblent  plus  aux  graines  du  Lin  cultivé  qu'aux  graines  de 
toutes  les  autres  espèces  el  elles  diffèrent  sensiblement  de  celles  des  Linum 
perenne  el  L.  Angustifolium,  espères  sauvages  actuelles. 

On  n'hésiterait  même  pas  à  les  rapporter  au  Linum  usitatisctlmum,  si  l'on 
n'était  arrêté  par  celte  double  considération  que  ces  graines  font  ici  partie 
d'un  ensemble  tout  à  fait  arctique,  tandis  que  le  Lin  cultivé  ne  saurait 
réussir  dans  les  pays  froids.  Il  n'est  pas 'facile  d'admettre  que  le  Lin,  cultivé 
h  anciennement  en  Egypte,  puisse  descendre  d'une  plante  essentiellement 
boréale.  On  peut  supposer  cependant  que  le  Lin  de  nos  latitudes  représente 
un   hybride  de  la   plaide  arctique  et   d'une  forme   méridionale. 

(dément  Keid  a  donné  au  Lin  des  dépôts  glaciaires  de  la  vallée  de  la 
Lea  le  nom  de  Linum  prœcursor,  qui  signifie  que  ce  Lin  a  dû  être  sinon 
l'ancêtre,  du  moins  un  des  ancêtres  du  Lin  cultivé. 

Les  géologues,  qui  ont  étudié  le  dépôt  à  plantes  de  la  vallée  de  la  Lea,  le 
considèrent  comme  datant  du  Pléistocène  supérieur  ;  il  est  postérieur  aux 
dépôts  pléistocènes  de  la  même  région  à  flore  tempérée.  D'après  Holst,  il 
représenterait  en  Angleterre  la  phase  des  toundras. 

M.  B. 

Les  sites  préhistoriques  de  la  région  de  Calonique 

Tel  est  le  titre  d'une  plaquette  que  je  viens  de  recevoir  de  M.  Léon  Rey, 
maréchal  des  logis  au  «  Service  archéologique  de  l'armée  d'Orient  ».  Cette 
plaquette,  signée  Teslis,  esl  le  tiré  à  part  d'un  article  paru  dans  la  Renie 
franco-macédonienne  de  Salonique,  dont  nous  sommes  heureux,  en  France, 
d 'apprendre   l 'existence 

Il   y  esl   question    des   buttes  artificielles    d'un    caractère    funéraire,    les 


i  74  NOUVELLES    ET    CORRESPONDANCE 

«  Toumbas  »  et  des  «  Tables  »,  terrasses  au  sol  nivelé,  qui  ^ont  d'anciens 
sites  d'habitation.  On  désigne  généralement  ces  deux  catégories  très  dis- 
tinctes par  le  même  terme  de  «  Tumuli  »  qui  ne  convient  qu'à  la  première 
A  la  seconde  on  peut  appliquer  L'expression  de  «  Tépé  ». 

Les  tumuli  sont  ordinairement  de  forme  conique  ;  ils  sont  généralement 
moins  vastes  que  les  tépés.  dont  la  forme  est  aussi  plus  allongée. 

En  Macédoine,  les  tumuli  ne  paraissent  pas  appartenir  à  la  préhistoire, 
mais  à  l'époque  hellénistique. 

Tépés  et  t ;i blés  sont  très  nombreux  autour  du  golfe  de  Salonfque  et  dans 
l'intérieur  des  terres,  depuis  le  niveau  de  la  mer  jusqu'à  une  altitude  ne 
dépassant  guère  §00  mètres.  Les  tables  ne  sont,  en  général,  que  des  accidents 
naturels,  régularisés  et  surélevés  par  apports  de  terres  qui  constituent  la 
couche  archéologique,  sur  une  épaisseur  de   5   à   i5  mètres. 

Il  y  a  des  types  complexes  de  tables  ou  tépés,  qui  peuvent  être  jusqu'à 
trois  étages  dont  le  supérieur  forme  donjon  ou  citadelle..  Ils  ne  correspon- 
dent, dans  la  plupart  des  cas,  qu'à  de  faibles  agglomérations,  méritant  à 
peine  le  nom  de  villages  ou  de  bourgades.  Les  tépés  paraissent  avoir  été 
souvent  l 'emplacement1  de  la  demeure  d'un  chef. 

La  terre  des  tépés  est  très  cinéritique  ;  elle  renferme  des  déchets  de  cui- 
sine, des  fragments  d'armes  ou  d'outils  et  surtout  de  tessons.  Des  restes  de 
murs  complètent  des  traces  d'habitation. 

La  céramique,  faite  à  la  main,  sans  tour,  et  souvent  reprise  au  polissoir, 
est  fort  belle.  Dès  les  couches  les  plus  anciennes,  on  trouve  d'admirables 
spécimens,  soit  à  décor  rouge  sur  fond  clair,  soit  à  'fond  blanc  ou  à  décor 
incisé  sur  fond  noir.  Cette  céramique  noire  est  parfois  si  fine,  le  poli  en  est 
si  parfait  qu'elle  donne  au  toucher  l'impression  de  la  porcelaine.  Après  sa 
disparition,  le  seul  décor  en  usage  fut  pendant  longtemps  un  décor  incisé 
parfois  relevé  par  l'incrustation  d'une  matière  crayeuse  d'un  ton  blanc  ou 
jaune  clair.  Ce  n'est  que  tardivement  qu'on  voit  réapparaître  le  décor  peint, 
employé  parallèlement  avec  le  décor  incisé.  Le  décor,  peint  ou  incisé,  se 
compose  d'éléments  géométriques  très  simples  :  dents  de  loup,  zigzags, 
losanges,  spirales,  etc. 

La  plupart  des  tépés  paraissent  avoir  été  abandonnés  vers  la  fin  de  la 
période  mycénienne.  Des  témoins  de  la  céramique  mycénienne  se  trouvent 
souvent  mêlés,  dans  les  coin  lies  haute-,  avec  les  derniers  témoins  de  céra- 
mique locale.  L'usage  du  tour  parait  avoir  été  introduit,  à  ce  moment.  Une 
partie  des  tables  n'ont  pourtant  été  occupées  qu'après  l'époque  mycénienne. 
L'abandon  des  tépés,  le  développement  des  tables  paraissent  concorder 
approximativement   avec  l'invasion  dorienne. 

La  civilisation  des  tépés  a  gardé  longtemps  un  caractère  primitif.  Jusqu'à 
l'époque  mycénienne,  l'outillage  est  surtout  néolithique;  haches,  haches- 
marteaux-,  hermi nettes,  couteaux,  faucilles,  pointes  de  Flèche,  etc.  en  pierre  ; 
poinçons  en  os,  manches  d'outils  en  os  ou  en  bois  de  cerf.  Métal  extrême- 
ment rare  ;  il  semble  que  les  premiers  occupants  en  aient  ignoré  l'usage. 
Le  grain  était  moulu  au  moyen  de  la  primitive  meule  à  bras.  Les  habitations 
étaient  construites  en  torchis  on  en  pierres  brutes  liées  par  de  l'argile 
délayée 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  1 7& 

Aujourd'hui,  beaucoup  de  ers  tépéa  ont  été  transformés  en  forteresse.  Des 
boyaux,  des  galeries,  des  tranchées  de  lit,  des  abris  de  mitrailleuses  y  ont 
été  creusés,  m  Ces  travaux  militaires,  dit  L'auteur  eu  terminant,  ont  ouvert 
la  voie  a  l'étude,  assez  négligée» jusqu'ici,  de  la  préhistoire  macédonienne.  » 

N    -    félicitations    et    nos    vœux  pour    les    braves   soldats   archéologues    de 

L'armée  d'Orient  ! 

M.  B. 

■  Cahiers    d'Orient  „. 

J'ai  reçu  du  Bureau  commercial  du  Ravitaillement  civil  de  l'Armée 
d'Orient,  dont  le  siège  est  a  Salonique,  le  fascicule  n°  i,  publié  en  juillet 
1918,  des  laitiers  d'Orient,  ancienne  Revue  Franco-Macédonienne. 

Les  Cahiers  d'Orient  sont  destinés,  dans  l'esprit  de  leurs  éditeurs,  à  attirer 
l'attention  du  public  savant  et  lettré  français,  en  même  temps  que  celle 
de  nos  industriels  et  commerçants,  sur  un  pays  où  les  traditions,  l'honneur 
et  l'intérêt  de  la  France  exigent  que  nous  développions  et  maintenions  notre 
influence. 

Les  Caliiers  d'Orient  et  le  Bureau  commercial  français,  qui  sont  issus 
d'une  môme  idée  directrice,  se  tiennent  à  la  disposition  du  public  pour  les 
renseignements  de  tous  ordres  qu'il  lui  plairait  d'avoir  sur  la  Macédoine. 
La  correspondance  doit  être  adressée  à  M.  le  Lieutenant  Laurent-Yibert, 
Bureau  commercial,  Secteur  Postal  5o2. 

Le  premier  'fascicule  est  constitué  par  une  étude  de  M.  J.  Levecque,  sur 
Les  Coutumes  chrétiennes  de  Macédoine,  dont  la  lecture  intéressera  tous 
les  ethnographes. 

M.  B. 

Au    South    African    Muséum. 

J'extrais  du  dernier  rapport  annuel  (1917)  du  Muisée  Sud-Africain  du  Gap 
les  renseignement.^  publiés  sous  la  signature  du  Directeur,  M.  Péringuey, 
et  de  nature  à  intéresser  tous  les  anthropologistes. 

Les  collections  des  industries  lilhiques  primitives  s'accroissent  et  donnent 
de  plus  en  plus  l'impression  de  la  difficulté  de  distinguer,  dans  l'Afrique 
du  Sud,  ce  qui  doit  revenir  à  un  âge  de  la  pierre  ancien  et  à  un  Age1  de  la 
pierre  récent.  En  fait,  des  instruments  de  style  paléolithique  ont  été  trouvés 
dans  des  cavernes  habitées  par  des  hommes  de  race  DusJiman  et  des  grains 
de  collier  en  coquilles  d'oeufs  d'Autruche,  de  'fabrication  récente,  ont  leurs 
<c  doubles  »  dam;  des  objets  de  même  forme  et  de  même  perforation,  trouvés 
dans  de  vieilles  tombes  égyptiennes.  L'imitation  peut  s'expliquer  sans 
admettre  un  contact  réel,  mais  il  n'en  est  pas  moins  vrai  qu'il  s'agit  ici 
d'une  survivance   industrielle  qui   remonte   à   12.000   ans.  1 

Les  cavernes  de  certaines  parties  du  littoral  de  l'Union  0/  South  Africu, 
si  elles  sont  pauvres  en  squelettes  bien  conservés,  ont  livré,  par  contre,  de 
nombreuses  peintures,  non  plus  sur  rochers  ou  parois  des  cavernes,  mais 
sur  des  pierres  détachées.  On  a  pu  se  rendre  compte  que  certaines  de  ces 
pierres  décorées  étaient  des  offrandes  ou  des  objets  votifs  placés  sur  le 
corps. 


I  7*-*  NOUVELLES    ET    CORRESPONDANCE, 

Beaucoup  de  ces  peintures  sont  noires  ;  il  y  a  des  Buïfles,  des  scènes 
humaines.  Une  de  ces  dernières  représente  des  hommes  barbus,  tatoués, 
dans  une  attitude  hiératique  rappelant  celle  des  -Nubiens  représentés  en 
Egypte.  Sont-ce  des  Arabes?  Sont-œ  des  survivants  du  navire  espagnol 
«  S*-Gonzalo  »,  qui  lit  naufrage  près  de  l'endroit  ou  cette  peinture  a  été 
découverte  P 

En  tous  cas,  des  preuves  de  la  très  haute  antiquité,  de  l'Homme  dans 
l'Afrique  du  Sud  sont  fournies  par  les  objets  trouvés  dans  une  tourbière 
avec  des  ossements  de  Mammifères  éteints  :  Connochœtes  antiquus,  Cobus 
venterae,  Dubalus  Baini.  Ces  objets  consistent  en  couteaux  et  racloirs  de 
pierre,  mélangés  pêle-mêle  avec  des  os  cassés  et  incisés  pour  l'extraction 
de   la   moelle. 

Encore  plus  anciens,  et  remontant  probablement  aux  origines  humaines, 
sont  d'autres  objets  également  exhibés  au  Muséum,  une  série  de  paléolithes 
de  forme  lancéolée,  très  altérés  à  leur  surface  et  jusqu'à  une  grande  pro- 
fondeur. Une  telle  désintégration  de  la  roche  primitive  a  dû  exiger  beau- 
coup  de   temps. 

:  Le  Musée  s'eU  enrichi,  grâce  à  la  courtoisie  des  autorités  du  protectorat 
Bechuanaland,  des  moulages  de  quatre  Bushmen  Masarwa  de  race  pure  de 
la  région  Vdami.  D'autres  reproductions  plastiquée  de  Hottentots  ont  été 
aussi  exécutées  par  l'atelier  de  taxidermie  transformé  pour  la  circonstance 
eu  atelier  de  modelage,  et  dont  la  photographie  est  reproduite  dans  le  rap- 
port. 

Les  collections  d'ostéologie  se  sont  enrichies  de  quatre  crânes  de  Bushmen. 

M.   B. 

Nouveau  périodique   anthropologique    américain. 

J'ai  reçu  le  premier  numéro  d'un  nouveau  périodique,  VAmerican  Journal 
of  Physical  Anthropology,  fondé  et  dirigée  à  Washington  par  Aies  Urdlickp, 
avec  la  collaboration  d'un  état-major  de  spécialistes  appartenant  aux  prin- 
cipaux établissements  scientifiques  des  États-Unis.  Cette  publication  sera 
trimestrielle.  Le  prix  d'abonnement  jxmr  les  pays  étrangers  est  de 
j   dollars   5o. 

Le  programme  à  remplir  est  des  plus  vaste  :  Questions  générales,  histo- 
rique ;  recherches  dans  toutes  les  directions  :  évolution,  outogénie,  embryo- 
logie, eugénique,  démographie,  pathologie,  tératologie,  problèmes  anthro- 
pologiques  particuliers  aux  États-Unis  ;  l'anthropologie  et  la  guérie  ;  les 
collections  américaines,  l'anthropologie  et  la  technique.  La  revue  publiera 
encore  des  comptes  rendus  bibliographiques  et  des  nouvelles,  morts,  mon- 
vement  du  personnel  scientifique,  etc. 

La  Direction   informe  ses  premiers  lecteurs  qu'étant  donnés  le  caractère 
universel    et    l'unité  des   lois   et    problèmes    anthropologiques,    le  Journal 
n'apportera   aucune  restriction   géographique  à   son  activité  et  accueillera 
manuscrits  des  auteurs  étrange] s. 

Pcui  !<•  moment,  les  mémoires  devroni  être  écrits  en  anglais  ;  dès  que 
le-  conditions  pécuniaires  le  permettront,  la  langue  espagnole  sera  admise 
comme  étant  la  plus   importante  dans   !<■  continent    américain. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  1~7 

Ne  nioiiI  acceptés  «pic  les  articles  de  réelle  valeur  et,  dans  ce  cas,  leiit 
longueur  ne  sera  pas  limitée.  Les  manuscrits  devront  être  soignés  ot 
entraîner  le  moins  de  dépenses  possible,  à  moins  que  les  auteurs  ue  veuil- 
lent prendre  ces  dernières  à  leur  charge. 

Voici   le  sommaire  de  ce  premier  numéro  : 

Préface  par  VEditor  [\o  Directeur).  —  A.  Hrducka,  L'Anthropologie  phy- 
sique, son  étendue  cl  son  but.  —  Mui.ku,  La  mâchoire  de  Piltdown.  — 
Hooton,  Sur  certains  caractères,  esquimoïdes  de  crânes  islandais.  — Holmes, 
Organisation  du  Comité  anthropologique  du  Conseil  national  de  recherches 
cl  son  activité  pendant  1917.  —  Comptes-rendus  bibliographiques,  noies 
et   nouvelles. 

Plusieurs  des  mémoires  originaux  dont  on  vient  de  lire  les  litres  méritent 
pliTS  qu'une  simple  mention,  notamment  celui  de  Miller  sur  la  mâchoire 
de   Piltdown.    J'en  donnerai   prochainement  un    compte    rendu   détaillé. 

En  attendant,  la  vieille  Anthropologie  française,  dont  le  personnel  des 
collaborateurs  actifs  est  si  diminué  par  les  effets  de  la  Kultur  boche,  sou- 
haite cordiale  bienvenue  et  grande  prospérité  à  la  jeune  re\  ue  américaine 
qui  s'annonce  sous  les  plus  brillants  auspices. 

M.  B. 


Service  officiel  d'études  archéologiques  et  ethnographiques  au  Mexique. 

Une  nouvelle  loi,  promulguée  le  3i  décembre  1917.  crée  au  Ministère  de. 
l'Agriculture  et  fomento  une  Direction  des  études  archéologiques  et  ethno- 
graphiques au  Mexique.  Le  Directeur  de  ce  nouveau  scia  ire.  M.  Manuel 
Gamio,  vient  de  publier  une  élégante  notice  exposant  le  but  à  atteindre 
et   les  moyens  à  employer. 

Il  cile  comme  exemple  les  éludes  à  entreprendre  sur  les  populations  de 
la  vallée  de  Tcotihuacan,  qui  peuvent  être  considérées  comme  type  des 
populations  régionales  de  la  Mesa  Central.  Le  programme,  très  détaillé,  est 
des  mieux  compris.  Il  correspond  parfaitement  aux  méthodes  modernes 
d 'investigation  scientifique. 

La  Direction  du  nouveau  service  publiera,  avec  un  Bulletin  périodique, 
qui  paraîtra  tous  les  deux  mois,   une  série  de  monographies. 

M.  B. 


La  plus  ancienne  demeure  de  l'Homme  en  Suisse. 

M.    le  Dr  George  Montandon  a   publié  sous  ce  titre,  dans  la  Gazette   <'< 
Lauwnne  (n°  diu    16  avril    19171,  Im   article  dont  voici  le  résumé: 

L'histoire  de  la  Suisse  ne  commence  que  cent  ans  environ  avant  l'ère 
chrétienne.  L'âge  du  Eei  5  remonte  jusqu'à  900  ans  avant  notre  ère,  l'âg 
du  bion/.e  \a  de  900  à  2.5oo  et  l'Age  de  la  pierre  polie  de  2.000  à  7.000 
environ  Les  temps  paléolithiques  ne  sont  représentés  en  Suisse  que  par  un 
petit  nombre  de  statipns  situées  sur  les  flancs  des  montagnes.  Deux  :  ni 
azyliennes  (pies  Delémonl  ci  près  Bâle).  Plusieurs  sont  magdaléniennes 
trois  au   pied  du  Saiève  sur  le  territoire  français.   Dois  près  de   Villeneuve, 

L'+ifTHROPOLOO  K.    —    T.    XXIX.    —    1918.  1- 


17^  NOUVELLES    ET    COl\l\ES  'OMUNCÉ 

Quatre  dans  le  Jura  bernois  ei  soleurois,  trois  flans  le  canton  de  Schaffouse 
et    une  au   non!   du  lac  de  Constance  suit   le  territoire  wurtembergeois. 

Jusque  ces  derniers  temps,  la  Suisse  n'avait  fourni  qu'une  seule  station 
moustérienne,  le  Wildkirchli,  dans  le  Massif  du  Santis  ei  aucune  station 
chelléenne. 

D'autre  pari,  la  géologie  enseigne  qu'en  Suisse  «  l'ère  quaternaire  est 
coupée  par  quatre  envahissements  glaciaires  suicoessifs  qui  se  sonl  étendus 
du  sommet  de  nus  Alpes  sur  presque  toute  l'étendue  du  Pays  ».  Os  quatre 
périodes  glaciaires  sont  séparées  par  des  périodes  de  retrait  des  glaciers. 
<(  Pendant  les  glaciations,  la  Suisse  ne  pouvait  être  habitée,  ou  seulement 
sur  quelques  îlots  du  territoire  libres  de  glaces  ;  pendant  les  périodes 
interglaciaires,  par  contre,  la  Suisse  était,  sinon  habitée,  du  moins  habi- 
table.   » 

Gomment  faire  concorder  ces  données  ethnologiques  et  géologiques  ? 
Néolithique  et  Magdalénien  sont  certainement  post-glaciaires.  Pour  les 
Industries  plus  anciennes,  deux  opinions  rivales  sont  en  présence.  «  Les 
uns,  la  majorité  avec  MM.  Boule  et  Obermaier  admettent  le  Moustérien 
comme  étant  immédiatement  postwurmiên,  c'est-à-dire  post-glaciaire 
(Boule)  (i),  ou  wurmien,  c'est-à-dire  contemporain  de  la  dernière  glacia- 
tion (Obermaier),  le  Ghelléen  étant  inlcrrisswunnien,  c'est-à-dire  se  plaçant 
entre  les  deux  dernières  glaciations.  Les  autres,  avec  MM.  Penek  et  Brùck- 
ner,  opinent  à  croire  que  le  Moustérien  correspond  à  l 'avant-dernière  gla- 
ciation (risienne)  et  surtout  à  l 'interglaciaire  suivant,  iutcrrissiuurmien,  et 
que  le  Chellécn  doit  être  .situé  dans  1  inlcrglaciaiie  mindelrisùen,  c'est-à- 
dire  dans  la  période  interglaciaire  précédant  l'avanl-dernièrc  glaciation.  » 
(Jette  dernière  opinion  fait  donc  remonter  la  première  industrie  certaine 
oie  l'Homme  à  une  époque  de  beaucoup  plus  reculée  que  la  manière  de 
voir  de  Boule. 

Pour  décider  entre  ces  divergences,  il  manquait  des  points  de  repères 
certains  permettant  la  détermination  (lu  Moustérien  dans  le  système  gla- 
ciaire, aucune  station  moustérionne,  de  Nice  à  Vienne,  c'est-à-dire  dans 
toute  la  chaîne  des  Alpes,  n'ayant  encore  été  découverte  à  l'intérieur  de 
la  limite  de  la  dernière  glaciation  (  wurmienne  |  et  en  connexion  étroite 
avec  un  dépôt  glaciaire.  La  station  du  Wildkirchli,  au  Santis,  n'est  pas 
démonstrative  parce  que  son  altitude  est  supérieure  à  celle  qu'ait  jamais 
atteint'-   la  dernière  glaciation. 

Tel  était    l'étal    de   la  question   lorsque,  en   191G,   M.  Auguste  Dubois,   de 
Neuchâtel,  entreprit  des  touilles  dans  une  petite  excavation  située  à  l'entrée 
gorges   de  1  Arcuse,    la   grotte  dv  Cotencher. 

Le  principal  dépôt  de  remplissage  es1  formé  par  un  cailloutis  d'éléments 
nettement  glaoiairei  et  contenant  à  la  l'ois  des  ossements  d'animaux  et  des 
silex  taillés. 

Mit  uiousléi  ieus,  peut-être  du  Moustérien  supérieur.  La  grotte 
paraît  avoiT  été  une  hlaliou  de  (basse.  Presque  tous  les  ossements  appar- 
tiennenl  à   l'Ours  des  Caverne*.  Il  y  a   aussi   du   Lion,  de  la   Panthère  et 

(1)  Je  n'ai  jamais  écrit  ni  penné  cela  (M.  Houle). 


\<H  \  El  I  ES    ET    CORRESPONDANCE  i  7<) 

vingt-huit  autres  espèces.  Le  o  côté  glaciologique  »  est  le  plus  important. 
I  s  dépôts  caillouteux  et  fossilifères  ptroviennenl  (rime  moraine.  Maie  une 
moraine  de  quel  glacier?  V  h  suite  d'hypothè  es  el  de  raisonnements  que 
annaissance  exacte  des  lieux  permettrait  de  discuter  utilement, 
M  cl  son  reporter,  M.  le  Dr  IVIontandon,  arrivent  à  cette  ((inclusion 

que  a  la  grotte  de  Cotencher  a  été  habitée  par  des  hommes  à  industrie 
moustériemie  arant  la  formation  d'un  glacier  local,  précurseur  lui-même 
de  li  glaciation  wurmienne.  L'époque  moustérienne  correspond  donc  h 
l'inli  rglaciaire  séparant  les  deux  dernières  grandes  glaciations  de  Riss  et 
de  Wiinn...  Cela  reporte  rindustiie  mouistérieinne  (préwurmienne  donc) 
à  plusieurs  dizaines  de  milliers  d'années  plus  en  arrière  et,  par  contre- 
coup, l'industrie  chelléenne,  la  première  industrie  certaine!  contemporaine 
probablement  de  rinterglaciaésre  précédent  ^mterwuirmien),  à  3oo.ooo  ans 
et    plus.    »  ) 

Ces  conclusions,  basées  sur  des  interprétations  qui  me  paraissent  aventu- 
reuses, à  première  vue,  et  qui  sont  en  contradiction  avec  tant  de  faits  clai- 
rement établis  en  France,  ue  sauraient  clic  discutées  avant  qu'un  mémoire 

mplel  et  documenté  ait  paru  sur  la  grotte  de  Cotencher,  avant  surtout 
<jii!'  cette  grotte  ait  été  étudiée  à  la  lumière  d'une  autre  lanterne  que  la 
lanterne  allemande.  Cela  s: Ta  possible  plus  tard,  puisque  «  d'accord  avec  le 
iienenl  neuchàtelois,  il  a  été  décidé  que  de  45  à  5o  %  seulement  du 
dépôt  de  remplissage  serait  exhumé  et  'fouillé,  puiis  la  grotte  sera  fermée 
et  rendue  inviolable.  De  nouvelles  fouilles  ne  pourront  être  entreprises  que 
sur  le  préavis  d'une  commission  d'anthropologie.  Si,  plus  tard,  des  objec- 
tions s'élèvent  ou  si  un  complément  d'examen  est  jugé  nécessaire,  on  ne 
ira  pas  [aire  au  premier  exploiteur  le  reproche  d 'avoir. épuisé  les  témoins 
en    place  de   ses   savantes   et    impressionnantes    déductions.    » 

Voilà  qui  est  parfait  et  je  remercie  M.  le  Dr  (i.  Monlandon  de  l'envoi  de 
son  article,  de  nature  à  intéresser  vivement   les  préhistoriens  français. 

M.   B. 

Les  climats  quaternaires  aux  environs  de  Cambridge. 

II.  Mair,  professeur  à  l'Université  de  Cambridge,  a  fait,  le  5  février  1917, 
«levant  la  Société  philosophique  de  cette  ville,  une  intéressante  communica- 
tion Mir  les  mouvements  du  sol  et  les  climats  glaciaires  au  cours  des 
dépôts   pléistocènes  du   Cambridgeshire.   En  voici  les  conclusions: 

-    de    NarbOTOUgh,   à   Marrh  et   ailleurs,    dans    la  région    dite   Fenlïlnd, 
il  y  a  des  dépôts  marina   s'élevant   jusqu'à   5o   piedti   au-dessus   du  niveau 
nei    et   qui  indiquent   une  submersion  suivie  d'une  nouvelle 
n.  D'autre  part,  ces  deux  mouvements  contraires  se  retrouvent  indi- 
qués pai  les  dépôts  pléistocènes  des  environs  de  Cambridge.  Ici,  il  apparaît 
que  l'empiétement  de  la  mer  a  eu  lieu  pendant  le  Paléolithique  supérieur. 
!         i  m  .1    'in    Paléolithique    intérieur    paraît    avoir  été    chaud,   el    il    y   a 
qruelqu  us  de  croire  à   une  période  froide  à   la  fin  de  cette  époque. 

conditions  plus  tempérée!  suivirent  ensuite  et,  vers  1,1  (in  du  Paléolithi- 
que  supérieur,  une  seconde  période  de  froid  est  indiquée  par  la  présence  du 


i  s'  '  NOUVELLES    11     CORRESPONDANCE 

Renne  et  une  flore  arctique  dans  le  gisemen-1  de  Bamwell.  Le  dépôt  du 
Glaciaire  crayeux  (Chaiky  bouïder  clay)  est  antérieur  au  Paléolithique  infé- 
rieur :  nous  avons,  drs  lors,  l'évidence  (le  trois  périodes  froides  pléistocènes 
et  cette  conclusion  es1   d'accord  avec  celles  des  géologues  du  (Continent. 

M.    15. 

Malacologie    quaternaire 

MM.  Kennard  et  B.  B.  Woodward,  viennent  de  publier  (Proceeding s  of 
the  Gèologisls'  [ssociation,  \ol.  \\\I1I.  1917,  p.  [07)  un  intéressant  mémoire 
sur  les  Mollusques  post-pliocènes,   terrestres  et    d'eau  douce  de  l'Irlande. 

I  !i  '  des  plus  intéres  antes  conclusions  de  ce  travail  est,  qu'à  l'exception 
<i  •  deux  ou  trois  espèces  introduites  accidentellement  par  l'Homme,  toutes 
les  autres  existant  en  Irlande  dans  les  temps  préglaciaires  ont  survécu  à  la 
période  glaciaire.  Les  Mollusques  ne  reflètent  donc  pas,  dans  ce  pays,  les 
changements  de  climat. 

Les  dépôts  à  Chara,  inférieurs  à  la  tourbe,  sont  ordinairement  considérés 

me  indiquant  une  période  chaude  ;  ils  ont  dû  se  former  dans  des  mares 

peu   profondes,   se  desséchant  pendant  les  étés  chauds.   Les  plages  soulevées 

la    côte  N.-E.   appartiennent   à  la   même  époque,    qui  fut    suivie   d'une 

époque  plus  froide  et   plus  humide,  mais  ces  phénomènes,   indiqués  par  le 

Prof.    F.   .1.   Lewis,    ne   se  reflètent    pas   dans  les   listes   de  Mollusques. 

M.  B. 

L'Homme    de    Néanderthal   à   Malte. 

M.  Arthur  Keith  vient  de  publier  dans  Nature  (n°  du  20  juillet  1918) 
un  article  sur  la  découverte  de  l'Homme  de  Néanderthal  dans  une  caverne 
de  l'île  de  Malte.  Le  fait  serait  important,  <^ros  de  conséquences,  mais  je 
dois  dire   tout  de  suite  qu'il    ne   me  paraît  pas-encore  démontré. 

I  -  fouilles  sont  effectuées  depuis  quelques  années  dans  la  caverne  Char 
Dalam  par  les  soins  d'un  Comité  de  la  British  Association .  Elles  sont  diri- 
gées par  le  Dr  Despott,  conservateur  du  Musée  d'Histoire  naturelle  de  l'Uni- 
vTsité  de  Malte.  Deux  tranchées,  pratiquées  à  travers  les  terrains  de  rem- 
plissage, lui  oui  permis  de  reconnaître  la  superposition  suivante,  de  haut 
en  bas  : 

I.  ?..  -  Coin  lies  Mi.p(  1  licielles.  a\ec  débris  d'animaux  et  poteries  de  la 
péi  iode  néolithique. 

.'?.  Couche  renfermant  des  ossements  de  Cerf,  d'un  Campagnol,  des 
coquilles  d'escargots,  des  restes  humains  parmi  lesquels  urne  molaire  supé- 
rieure in  laquelle  nous  allons  revenir.  Le  tout  associé  à  quelques  pierres 
taillées,    racloirs    de    silex    et    d'obsidienne,   etc. 

\.  m  lie  avec  nombreux  ossements  d'Éléphants  (Elephas  mnaidren- 

sis).  On  \  a  iroiné  des  dents  de  squales  fossiles  paraissant  avoir  été  utilisés 
comme  instruments,  des  coquilles  de  Mollusques  ayanl  servi  à  l'alimenta- 

tion    el    une    molaire   de  lait    humaine. 

.")  ei  ii  gpnl  ,|,.v  couches  plus  profondes  riches  en  débris  de  trois  espèces 
<!  Éléphants    i-::<[>h<is  mnaidrensis,  E.   melitensis  el  /■;.  Falconeri),  de  deux 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  lN[ 

espèces   d'Hippopotames  et   d'un    Cerf.   On    n'y    a    pas   observé   de   traces 
humain 

I  -  deux  dents  humaines  trouvées,  la  molaire  supérieure  dans  la  couche  3 
et  la  molaire  de  lait  dans  la  couche  1,  <>nl  été  communiquées  au  I)r  Keith 
qui,  >>  sans  hésitation    ».   les    rapporta  à    VHomo   Neanderthalensis,   en   se 

ml    sut  leur   ressemblance  avec   les  dents   humaines  de  Jersey  qu'il  a 

E  il'  ni'  ni   déCJ  ites. 

II  importe  tic  Caire  les  plus  grandes  réserves.  Non  seulement,  je  ne  suis 
I  i-  convaincu,  après  l'étude  dos  dents  des  véritables  Homo  Neanderthalensià 
donl  je   possède  les  squelettes,  i\r  l'importance  et  même  de  la  réalité  des 

ictères  de  taurodontisme  des  dents  de  notre  Homme  motustérlen,  mais 
encore  je  considère  comme  bien  imprudent  d'établir  des  conclusions  de 
l'importance  de  celles  que  formule  le  ])''  Keith  sur  des  faits  aussi  minus- 
cules et  an^si  peu  probants.  Loin  de  moi  la  pensée  de  nier  la  présence  die 
VHomo  Neanderthalensis  à  Malle,  je  suis  hop  âgé  pour  n'être  pas  prudent 
en  matière  de  découvertes  scientifiques,  mais  je  considère  que  les  faits 
apportés  par  le  l)r  keilh  ne  sonl  pus  suffisants  pour  entraîner  mon  adhésion 
-  théories. 
i  -uis  heureux  d'ajouter  que,  grâce  à  diverses  libéralités,  les  fouilles  dans 
la  caverne  de  Ghar  Dalam  vont   pouvoir  être   poursuivies  cotte  année. 

M.  R. 

Les  «  ornières  »  de  Malte. 

Dès  177^.  un  ouvrage  do  Brydone  signale  la  présence,  sur  les  plateaux 
calcaires  dénudés  de  l'île  de  Malle,  do  longs  sillons  parallèles  que  l'auteur 
considère  comme  des  ornières  creusées  dans  la  roche  par-  les  roues  d'anti- 
ques véhicules.  Ces  sillons  arrivent' jusqu'au  bord  des  falaises  qui  domi- 
nent la  mer-,  ce  qui  prouve  que  l'île  était  autrefois  beaucoup  plus  étendue 
qu'aujourd'hui. 

Depuis  le  xviii6  siècle,  ces  phénomènes  ont  attiré  l'attention  do  beaucoup 
d'autres  voyageups,  Le  Prof.  Zammit,  actuellement  la  plus  haute  autorité 
archéologique  de  Malle.  1rs  attribue  an  Néolithique.  M.  le  capitaine  Fénton 
vienl   de   reprendre  leur  étude   dans   Mun    (mai    1918,   4o). 

Malte  esl  aujourd'hui  très  dénudée.  Pratiquement,  il  n'y  pleut  jamais 
pendant  la  moitié  <\^  l'année,  de  mai  tri  novembre,  et  cotte  longue  période 
d<  sécheresse  suffit  pour  annihiler  les  bienfaits  dos  pluies,  d'ailleurs  assez 
abondantes,  des  autres  mois.  Ce  n'est  que  par  d'ingénieux  travaux  d'irri- 
gation que  1  île  peut   être  cultivée. 

c  ornières  »  qui  sillonnent  les  plateaux  calcaires  dénudés  sont  tou- 
jours disposées  par  paires  parallèles;  leur  profondeur  varie  de  quelques 
pou  pin-  de  deu\   pieds.    L'auteur  en  a    \isité    un    grand    nombre  et    a 

pu  les  étudier'  en  détail.  Il  a  ob  ervé  qu'elles  m-  bifurquent  ou  se  rencon- 
trent parfois  à  li  manière  des  rails  de  tramways  modernes.  Nulle  pari,  il 
n'a  pu  observe!  de  rainures  produites  par  les  pieds  des  chevaux  ;  do  sorte 
qu'on  ne  saurai!  le-  attribuer  qu'à  la  longue  activité  d'hommes  traînant 
-  voitures  à  grandes  roues,  dans  le  genre  des  voitures  maltaises  actuelles, 
lesquelles  ont  aussi  de  grandes  roues,  avec  écart  sensiblement  le  morne  quo 


182  NOUVELLES  II  CORRESPONDANCE. 

la  dislance  séparant  dvi]\  vieilles  ornières  parallèles.  Ce  dernier  f;iil  porte- 
rait  à  penser  que  les  ornières  oe  sonl  pas  liés  antiques  el  epi'ellee  datent 
d'une  époque  récente,  immédiat  imeni  antérieure  à  remploi  du  macadam, 
n'est  i  ;is  l'avis  de  l'auteur.  Lîa  patination  de  leurs  surfaces,  leuT  discontk 
nuité  m1  sauraient  s'accorder  ;i\ee  une  telle  hypothèse.  Il  faut  invoquer, 
de  plus  contre  cet  âge  récent,  le  fait  que  ces  ornières  ne  s'arrêtent  pas 
toujours  à  la  mer  et  s'enfoncent  sous  elle,  sur  plusieurs  points  de  l'île.  La 
submersion  a  été  générale  el  non  locale  ;  elle  doit  donc  être  ancienne. 

M.  Fenton  pense  que  les  ornières  ont  été  creusées  à  une  époque  où  Malte, 
beaucoup  plus  peuplée  qu'aujourd'hui,  était  recouverte  de  terre  végétale, 
et  où  le  climat  était  plus  humide  et  plus  salubre.  Cette  époque  ne  saurait 
être  la  période  néolithique,  comme  le  croit  M.  Zammit.  Malte  et  Gozo  pos- 
sèdent de  nombreuses  constructions  mégalithiques,  sans  aucune  connexion 
avec  les  antiques  chemins.  La  fin  du  Néolithique  est  peut-être  marquée  par 
une  période  de  dessication  et  l'aurore  de  l'histoire  de  la  Méditerranée  par 
\:n  retour  à  des  conditions  plus  humides.  Les  ornières  de  Malte  dateraient 
probablement  du  début  de  l'âge  du  1er,  quand  l'île  avait  un  climat  plus 
favorable  à  l'existence  d'une  nombreuse  population.  L'esclavage  explique- 
rait  le  grand  nombre  d'hommes  occupés  à  traîner  de  lourdes  voitures. 

M.  Fenton  a  essayé,  sans  grand  succès,  de  retrouver  la  trace  de  pareils 
changements   climatériques  dans    l'histoire  de  l'Egypte. 

Mais  voici  qui  es!  grave.  Le  numéro  suivant  de  Marx  (juin  1918,  52,)  ren- 
ferme une  note  du  Prof.  Boyd  Dawkins  déclarant  que  la  vue  des  photo- 
graphies reproduites  dans  l'article  du  capitaine  Fenton  suffit  à  faire  repous- 
54  i  les  idées  de  cet  auteur.  Les  ornières,  loin  d'être  artificielles,  ne  seraient 
que  le  produil  du  travail  des  agents  atmosphériques  sur  les  joints  de  la 
roche  formant  les  plateaux  de  Malle.  De-  phénomènes  tout  semblables  s'ob- 
vent  dans  beaucoup  d'autres  régions  calcaires,  notamment  dans  le  Sud 
«le  la   France.    Il    n'y   a  là    rien  d'archéologique. 

Naturellement,  le  capitaine  Fenton  a  répliqué  (Man,  août  1918,  69). 
M.  Boyd  Dawkins  n'a  certainement  ;  :s  vu  les  ornières;  .1  >pinion  ne 
saurait  être  partagée  pai  les  personnes  les  ayant  ëtudiéi  sur  place.  Com- 
ment expliquer  leur  disposition  constante  en  paires  parallèles,  toujours 
équidistantes,,  leurs  bifurcations  au  point  de  rencontre  de  deux  anciens 
chemins?  La  roche  et  d'ailleurs  homogène,  sans  fissures.  L'auteur  main- 
tient donc  son  opinion  que  les  sillons  en  question  seul  bien  des  ornières 
datant  probablement  de  quelque  vieille  période  de  civilisation,  peut-être 
1  omaine. 

M.  B. 

Les  cailloux  à  facettes. 

M.  .1.  W.  Jackson  a  fait,  le  sa  janvier  dernier,  à  la  Société  littéraire  et 
philosophique  de  Manchester,  une  communication  sur  quelques  cailloux 
h   farcîtes  et  5  eolienne  trouvés  aux   environs  de  celle  ville. 

H  discute  1  lilloux  <  enre  avec  les  dépôts  glaciaires. 

Ton-  montrent  Une  origine  glaciaire  et  les  phénomènes  caractéristiques  de  La 
morsure  du  vent.  O   qui  est  surtoul  digne  d'attention,  c'est  le  grand  nom- 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  [83 

bre  de  cailloux  fendus  ou  éclatée,  avec  traces  d'actions  ôoliennes  aux  les  sur* 

-  de  fracture.  Il  >   a  tous  1rs  passages  vers  les  «  dreikanier  »  typiques. 

L'éclatement  paraît  être  indépendant  de  la  Qature  de  la  roche,  qu'elle  soit 

éruptive  ou  sédimentaire.  Leur  mode  de  gisemenl   montre  que  ces  cailloux 

ont  été  soumis  au\  influences  éoliennes  après  leur  dépôt  dans  1rs  couches 

lires,  conformément   à  ce  qui  a  déjà  été  observé  m   Allemagne  et  en 

Amérique  dû  Nord.  On  peut  attribuer  l'éclatement  à  l'action  du  froid,  ae 

elée  ;  cette  action  se  sciait  exercée  avant  celle  du  vent. 

M.  B. 

Les   cochon»    préhistoriques    de    l'Irlande. 

M.  Scharff,  le  zoogéographe  bien  connu,  auteur  de  plusieurs  ouvrages 
qui  ont  été  analysés  dans  cette  revue,  vient  de  publier  dans  \'IrisJi  Nahr 
rnlisl  n°  de  décembre  1917)  un  article  illustré  sur  le  Cochon-lévrier  (grey- 
hound-pig)   récemment    éteint,    niais   qui  a  survécu   jusqu'à  ces  dernières 

années  dans    les  coins   les    plus    rendes  de  l'Irlande. 

D'après  Scharff,  cette  curieuse  variété  ne  descendrait  pas  du  Sanglier  qui 
erre  encore  dans  l'île,  mais  sciait  appareillé  au  a  Cochon  des  tourbières  » 
(Sus  [l'ilustris).  des  palafiltes  suisses  et  des  habitations  lacustres  de  Glas- 
tOnbury,  dans  le  Somerset.  Son  introduction  daterait  de  l'âge  du  Bronze. 
Elle  aurait   eu  lieu  plutôt  d'Angleterre  que  du  Continent. 

M.  B. 

Rasoir  de   l'âge   du   bronze    et    rasoir  abyssin. 

Tous   les  archéologues  semblent    bien    d'accord,   aujourd'hui    pour   consi 
déier    comme   de    Mais    rasoirs    les    instruments    préhistoriques   en    bronze 
qu'on    a    l'habitude  de   désigner    sous  ce  nom.   On    a  signalé   depuis    long- 
temps ipic   les    Nègres  d'Afrique   se   servent    encore  aujourd'hui    de  rasoirs 
en  fer  de  même  forme. 

Dans  le  dernier  fascicule  de  la  îtci'tie  Archéologique,  M.  Valotaire  compare 
un  rasoir  en  fer  abyssin,  moderne  (région  du  Lac  Rodolphe)  et  un  rasoir 
préhistorique  en  bronze  qui  se  trouvent  à  côté  l'un  de  l'autre  au  ■Musée  de 
Saumur. 

I  1  similitude  des  deux  instruments  est  si  frappante  qu'on  ne  saurait 
hésiter  à  conclure  «  de  l'analogie  de  la  forme  à  l'analogie  de  l'emploi  ». 
Et  de  même  que  les  rasoirs  de  bronze  étaient  protégés  par  un  double 
disque  de  bois,  par  un  étui  d'étoffe  ou  te  spirlerio.  de  môme  le  rasoir 
abyssin  est  protégé  par  une  double  gaine  en  cuir  de  Rhinocéros. 

M.   B. 

Le   bronze  et  I'étain   des  Cornouailles 

Marx  a  publié  SOUS  ce  litre  un   intéressant    article    posthume   du 

tté  Clément  Reid.  Nous  croyons  utile  d'en  donner  ici  une  traduction 
que  intégrale. 
!/■  mode  de  gisemenl   (|<.s  minerais  d'étain  et   de  cuivre  suggère  que  le 


l84  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

bronze  peut  avorr  été  découvert,  indépendamment,  dans  plusieurs  contrées 
et  sans  connaissance  préalable  du  enivre  natif. 

L'emploi  de  ce  dernier  a  dû  prendre  son  origine  dans  des  districts  où 
il  se  présente  en  grandes  masses,  ce  qui  n'est  pas  le  cas  dans  la  Grande- 
i'.i.  ta-gne.  Il  l'ut  traité  et  travaillé  comme  une  pierre,  à  'froid  et  non  fondu. 
I.  -  instruments  de  cuivre  ou  de  bronze  européens  sont  tous  fondus  et  non 
martelés  :  n:ais  dans  les  'falaises  de  Mullion.  dans  la  péninsule  Lazard, 
d'étroites  veines  de  enivre  natif  (sans  étain)  s'observent  dans  les  roches  aux 
basses  marées.  Dans  ce  district,  on  poutrrait  trouver  des  instruments  en 
cuivre  de  l'âge  de  la  Pierre.  Le  cuivre  natif  existe  également  en  grandes 
masses  vers  Sainl-Just  et  près  de  Camborne,  mais  il  semble  qu'ici  il  soit 
toujours  mélangé  avec  du  minerai  d 'étain. 

L< ■>  minerais  l)len>  et  verts  du  cuivre  sont  parmi  les  plus  faciles  à  obser- 
ver et  à  reconnaître.  La  malachite  est  connue  dans  les  Cornouailles  et  fut 
utilisée  comme  ornement  on  comme  matière  colorante  avant  le  cuivre  lui- 
même.  Les  filons  sont  très  faciles  à  exploiter. 

Le  cuivre  des  Cornouailles,  quoique  très  variable,  est  souvent  plus  dur 
que  le  cuivre  exotique  et  susceptible  de  prendre  un  plus  fin  tranchant,  ce 
qui   tient    précisément  à  la    présence  d'une   certaine   quantité   d 'étain. 

Les  minerais  d'élain.  par  contre,  sont  beaucoup  plus  difficiles  à  recon- 
naître. \\>  ne  subissent  pas  de  changements  sous  les  influences  atmosphé- 
riques. Leurs  filons  n'attireni  pis  les  regards.  La  petite  quantité  de  cuivre 
ou  de  fer  qu'il  renferme  toujours  masque  l'étain,  à  tel  point  que.  pendant 
.")o  ans,  ces  filons  ont  été  exploités  pour  le  cuivre  sans  qu'on  soupçonnât 
la  présence  de  l'étain,  tandis  qu'aujourd'hui  le  gaspillage  se  fait  en  Saveur 
de  l'étain. 

Les  minerais  d'élain.  n'ayant  aucune  apparence  métallique  et  n'étant 
pas  utilisés  comme  matière  colorante,  il  était  difficile  d'établir  un  rap- 
prochemenl  entre  les  matières  pierreuses  qu'ils  constituent  t  le  blanc  métal 
qu'ils  j  ouvai»  nt  procurer.  Mais,  une  fois  faite,  la  découverte  de  celui-ci 
allait  amener  une  Complète  révolution.  Les  filons  des  minerais  d'élain 
-ont,  d'ailleurs,  mélangés  d'arsenic,  de  tungstène,  d'uranium,  etc.,  dont 
il  est  si  difficile,  même  actuellement,  de  les  débarrasser,  (pie  la  fabrication 
du  bronze  avec  deux  métaux  purs,  alliés  dans  des  proportions  définies,  ne 
peut  représenter  qu'un  stade  métallurgique  récent  et  très  supérieur  à  celui 
qui  consiste  à  tondre  les  «  minerais  de  bronze  »  de  certains  filons  renfer- 
mant un  mêlai  d'une  dureté  particulière. 

El  voici,  d'après  Clément  Eteid,  comment  on  peut  établir  la  succession 
historiqu  •  de-  stades  métallurgiques  j  succession  qui  a  pu  se  produire  indé- 
pendamment dan-  diverses  contrées  ayant  des  minerais  à  mélange  de 
euh  re   <  i   d 'étain. 

\"   Métal    i<'»    météorique,   cuivre   natif,    peut-être  or)   martelé  à  froid. 
Vge  de  la  Pierre,  pendant    lequel   on  ne  connaissait   aucun   procédé  métal- 
lique à   chaud. 

■>"  Emploi  du  feu  pour  recuire  ou  amollir  le  métal  destiné  à  être  martelé. 
Grand  i  rogrès,  difficile  à  expliquer  à  moins  qu'on  n\  ait  élé  conduit  pal 
le  durcissement  au  'feu  des  épjeux  de  bois. 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  l85 

3°  Découverte  que  le  cuivre  est  Fusible  et  peul  être  moulé.  Découverte 
que  la  malachite,  toujours  associée  au  cuivre  natif,  peul  donner  du  cuivre. 
Ce  stade  correspond  probablement  à  l'invention  de  la  poterie,  car  il  impli- 
qua l'emploi  d'un  creusel  ou  d'un  fourneau. 

',°  Découverte  que  certains  filons  des  falaises  des  Cornouailles  renfer- 
ment du  cuivre  (bronze)  d'une  qualité  exceptionnelle  et  que  ce  bronze 
pouvait  être  un  article  de  commerce  comme  l'avaient  été  jusqu'alors  les 
beaux   roirnons   de  >ilex   de   la   craie. 

Distinction  des  Qlons  renfermant  du  cuivre  rouge  (Lizard)  de  ceux 
renfermant  im  cuivre-bronze  (Saint  Just,  Saint  Yves  Mount's  Bay)  et  de 
ceux  renfermant  à  la  fois  du  cuivre  et  de  l'étain  (Cligga  Head  el  S1 
Vgiies  .  Le  cuivre  rouge  esi  trop  mou.  les  outils  s'émoussent  rapidement  ; 
le  cuivre  blanc  est  cassant  el  les  outils  se  brisent.  Les  instruments  endom- 
magés sent  refondus  et  l'on  observe  avec  surprise  que  l'alliage  obtenu  est 
bien  meilleur.   Ceci   doit   conduire  au   mélange  voulu  des  deux   métaux. 

6°  On  découvre  que  le  bronze  est  d'autant  plus  blanc  qu'il  offre  moins 
la  teinte  du  cuivre  et  celte  observation  ne  larde  pas  «à  s'associer  à  celle  des 
cristaux  à  brillantes  facettes  de  la  «  pierr«  d'élain  »  de  Cligga  Head,  S*  Just 
et  du  mont  Saint-Michel. 

A  cette  époque,  les  mines  étaient  localisées  aux  filons  des  falaises.  L'ex- 
portation du  minerai  se  faisait  par  des  navires  côtiers,  car  le  transport  par 
terre  eut   été  trop  difficile. 

7°  Les  laveurs  d'or  découvrent  que  ce  métal  s'accompagne  de  grains  de 
minerai  d'étain,  comme  celui  des  filons,  mais  de  meilleure  qualité,  plus 
facile  à  extraire  et  sans  mélange  de  cuivre.  Dès  lors,  on  n'exporta  dans  les 
contrées  ayant  déjà  du  cuivre,  que  de  l'étain.  Le  poids  des  matières  trans- 
portées diminua  de  90  %  et  le  transport  put  se  faire  par  voie  de  terre.  Les 
filons  de  cuivre  furent  abandonnés  et  l'on  se  borna  au  lavage  des  alluvions. 
i  correspond  à  l'époque  de  César,  pendant  laquelle  l'étain  était  exporté 
et  lf  cuhre  importé.  Les  pyrites  de  cuivre,  qui  forment  l'intérieur  des 
filons,  n'étaient  pas  utilisées  par  les  indigènes  qui  ne  pouvaient  réduire 
que  les  oxydes  oui  les  carbonates. 

8°  Les  alluvions  s'épuisent  et  l'on  reprend  l'exploitation  des  filons.  Mais 
le  cuivre  et  l'étain  sont  traités  séparément.  Ce  ebangement  ne  date  guère 
que  de  tiois  siècles  et  ne  s'est  perfectionné  que  depuis  quelques  années. 

M.  B. 

Silex  rostro  carénés  d'Egypte 

Parmi  les  silex  taillés  égyptiens  de  la  collection  Seton-Karr  au  musée 
d'Ipswich,  M.  Reid  Moir  a  trouvé  trois  spécimens  qui  l'ont  frappé  par  leur 
ressemblance  avec  les  rosi ro-carinates  du  Pliocène  du  Sûfîolk  et  d'autres 
gisements  de  l'Angleterre.   Il  les  décrit  et   les  figure  dan-;  Man,  191S,  3. 

La  ressemblance  n'est  d'ailleurs  pas  complète,  car  la  région  postérieure, 
au  lieu  d'être  large  et  massive  emme  dans  les  échantillons  anglais,  est  ici 

indement  diminuée  par  l'enlèvement  de  longues  lames  parallèles  ;  cette 
ion    postérieure   a    pu    servir-  de  rabot,    la  région  antérieure  étant   plutôt 


NOUVELLES    ET    CORRESPONDANCE, 

destinée  à  couper  ou  à  hacher.  11  y  a  là  deux  techniques  de  taille  du  silex 
fort   différentes  et  ass  sur   un  même  objet. 

L'auteur  ignore  d'ailleurs  l'âge  de  ces  instruments.  H  ne  paraissent  pas 
avoir  séjourné  longtemps  à  la  surface  du  sol  ;  ils  ne  présentent  ni  la  patine 
ni  le  vernis  du  désert.  Ce  type  çlevra  être  recherché  dans  les  nombreuses 
collections  de   l'Angleterre  qui   renferment   des   silex   égyptiens. 

M.  B. 

Grands   instruments    en    pierre    d'Australie. 

Ces  instruments  ont  été  trouvés  en  i 887-1888  par  des  laboureurs  près  de 
la  rivière  Johnstone,  sur  la  côte  pacifique  du  Queensland,  à  des  profon- 
deurs ne  dépassant  pas  celles  qu'atteignait  la  charrue,  i5  à  18  pouces.  Ils 
sont  décrits  dans  Mari  (février  1918,  10)  par  H.  Ling  Roth. 

Ce  sont  des  pierres  aplaties,  de  forme  ovale,  avec  un  bord  poli  et  tran- 
chant, c'est-à-dire  de  véritables  haches.  Un  de  ces  instruments  jnesure 
i65  millimètres  sur  109  millimètres.  Ils  sont  constitués  goit  par  de!  diabases 
altérées,  soit  par  des  grès,  soit  par  des  ardoises  arénacées.  Le  frère  de  l'au- 
teur, le  Dr  Walter  Roth  croit  que  de  telles  haches  ne  sont  plus  en  usage 
aujourd'hui,  pas  plus  que  tous  autres  instruments  de  ce  genre. 

Elles  paraissent  provenir  de  carrières  situées  à  90  milles  environ  du  lieu 
de  leur  découverte.  Les  environs  de  Boulia  ont  livré  un  exemplaire  de 
9  pouces.  On  n'en  connaîl  pas  d'autres  atteignant  de  telles  dimensions  en 
Australie.  Mais  une  pièce  très  semblable,  provenant  de  Lifu.  aux  îles  Loyalty, 
se  trouve  au  musée  de  Bankfield.  Elle  est  en  jade  impur.. 

M.  B. 

Cercles   de*  pierres   en  Perse 

Dans  son  ci  Voyage  en  Perse  et  aux  Indes  Orientales  »,  Chardin  signale 
la  prés  ni  les  en  pierres  situés  non  loin  de  Tauris.  entre  Agi-Agach 
et  Caratchiman  1)  :  «  On  voit,  à  gauche  du  chemin,  de  grands  ronds  de 
pierre  de  taille.  Les  Persans  disent  que  ces  ronds  ou  cercles  sont  une 
marque,  que  les  Caoue,  faisant  la  guerre  en  Médie,  liment  conseil  en  cet 
endroit  :  parce  que  ce-toit  la  coustume  de  cc<  peuples,  que  chaque  officier 
qui  entrait  au  conseil  portoii  une  pierre  avec  lui  pour  lui  servir  de  siège. 
Les  Caous  sont  les  géans Ce  qui  cause  le  plus  d'admiration  en  considé- 
rant ces  pierres,  c'est  qu'il  y  en  a  de  si  grosses  que  huit  hommes  auraient 
peine  à  les  remuer,  et  qu'on  n'aperçoit  point  qu'elles  axent  pu  être  tiré 
que  des  montagnes  voisines,  qui  sont  à  six  lieues.  » 

Il  sérail  intéressant  de  savoir  si  ces  mégalithes  ont  été  \u^  par  d'autres 
voyageurs,  el  •-'ils  ont  été  l'objet  d'une  étudie  méthodique,  On  peut  les 
comparer  à  ceux  qu'a  décrits  M.  J.  Castagne  dans  le  Bulletin  de  la  Société 
d'anthropologie  de  Paris  (io,i4i  b 

l\     DE    Z. 

(I)  Londres.  Pitt,  »686,  p.  3i  6. 

(2j  Vo  r  V  [tUhiop  juillet  octobre,  1916,  n.  vu. 


NOUVEL!  ES    I  I     CORRESPONDAIS  l  187 

Les  bâches  en  pierre  au  XVI    siècle. 

Voici  en  quels  termes  un  de  nos  vieux  voyageurs,  \ndré  Thevet,  décrit 
les  haches  en  pierre  (probablemenl  des  hématites)  qu'on  trouve  aux  Iles 
du  Gap  Vert  (1)  : 

ri  ces  îslès,  il  m-  home  des  pierres  noires,  toutes  marquées  de  petites 

taches,  comme  sanglantes,  telles  que  vous  en  voyez  en  des  marbres  noirs, 

et    ès  jaspes,    un   peu    poinctues,    el    lionne   à    Tendre    le   bois   ou   aultro   chose 

de  laquelle  sorte  j'en   ai  deux  dans  mon  cabinet,   quâ  me  furent  données 

d'un    esclave    africain)    qu'ils    disent    être    pierres    de    fouldre,    descendant 

de  l'air   parmi  cette   flamme  tout    gastant Cesseraient    plu-lot  pierres 

minérales lesquelles,  outre  leur  beauté ne  sont  h  mépriser:  d'au- 
tant qu'elles  étanchent  le  flux  de  sang  plus  que  drogue  que  l'on  sache  Si 
quelqu'un  saigne  du  nez  plus  qu'il  ne  faut  (car  cette  indisposition  leur 
advient  à  cause  dis  chaleurs  excessives);  soudain  il  lui  niellent  une  de  ces 
pierres  entre  les  jambes  au  fondement  ou  près  des  génitoires  :  là  où  elle 
n'aura  pas  demeuré  une  minute  d'heure,  que  le  sang  ne  cesse  sa  défluxion. 
Je  nous  puis  assurer,  comme  l'ayant  mi  expérimenter,  qu'il  n'y  a  ni  corail, 
ni  jaspe  qui  ail   autant  de  vertu   en  ceci.    » 

F.     DE    Z. 

La    sorcellerie    à    Madagascar. 

Vuis  extrayons  des  innales  de  la  propagation  de  la  foi,  numéro  de 
novembre   1917,  l'intéressante  observation  suivante  : 

((  Il  y  a  bien  des  variétés  de  sorciers  magaches,  et,  en  les  ramenant  à 
1 1  ois  classes,  je  n'ai  pas  la  prétention  d'englober  touis  les  gens  qui  exploi- 
tent la  crédulité  des  pauvres  païens  indigènes. 

u  Les  mpanandro  sont  des  astrologues  ;  les  mparnosavy  sont  jeteurs  (h1 
sort  <  'est  pour  cela  qu'ils  circulent  la  nuit  dans-  les  village»,  et  grande  est 
la  terreur  qu'ils  inspirent)  ;  les  rripanas  sikidy  sont  des  devins  consultés 
pour  la  santé  et  la  maladie,  pour  le  bonheur  et  le  malheur. 

«  Ces  di\eis  praticiens  sont  et  font  ici  ce  qu'ils  ont  été  et  ce  qu'ils  ont 
fait  de  tout  temps  an  milieu  dios  nations  sauvages  ou  civilisées.  Plusieurs 
d'entre  eux  possèdent  des  secrets  transmis  de  génération  en  génération. 
Ce  muiI  tantôt  des  remèdes  hienfaisants  composés  avec  des  simples  el  dont 
les  effets  médicaux  sont  incontestables,  tantôt  des  philtres  dont  j'ai  été 
obligé,  à  plusieurs  reprises,  de  constater  la  puissance.  11  y  a  aussi  les 
poi-  Lurtoul    les    poisons    végétaux,    qui    causent   des    maladies    incura- 

ble-, paralysent  OU  tuent  sans  laisser  de  tiares.  Enfin  il  y  a  les  charlatans 
qui  singent  [es  autres  sans  en  a\oir  la  science  :  leurs  airs  mystérieux  et 
I'  1 1  r >-  simagrées  en  imposent  quelquefois  plus  aux  populations  qu'un  pou- 
voir véritable. 

«  On   m'a   demandé  si   Madagascar   pos  ède  de  véritables  sorciers,   ayant 
i  ipports  avec   le  démon.   La  réponse  n'est  pas  douteuse  :  je  crois  que 
oui. 

(2)  André  Thevet.  Cosmographie  universelle,  t.  I,  p.  verso.  Paris  Chaudière,  1 5 1  r» . 


l88  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

«  Les  manifestations  diaboliques  ont  lion  dans  les  tromba.  Mais  il  y  a 
«  tromba  »  et  «  tromba  ».  Les  Malgaches  font  tromba  en  maintes  circons- 
tances :  naissance,  maria-:,',  guérison  d'uni  malade,  retour  d'un  parent  ou 
d'un  ami  absent,  moisson*.  Ces  réunions,  simples  prétextes  à  chanter  et  à 
boire,  sont  célébrées  en  plein  village  et  aeeeessibles  à  tous  venants. 

«  Il  n'en  est  pas  ainsi  des  tromba  sataniques.  Elles  sont  toujours  entou- 
rées de  mystère.  C'est  tout  à  fait  par  hasard  qu'un  jour,  dans  un  village, 
sur  les  bords  de  la  Mahajamba,  j'en  surpris  une  vraie,  et  je  reste  encore 
tirs  étonné  aujourd'hui  d'y  avoir  été  admis  :  ce  fut  grâce  à  l'amitié  d'en 
chef  influent. 

«  Ledit  village  était  assez  isolé  dans  le  fond  de  la  brousse  pour  que  l'on 
n'ait  pas  songé  à  reporter  la  cérémonie  dans  une  vallée  solitaire  ou  dans 
une  clairière  de  forêt.  Sur  la  grande  place,  sous  une  tente  immense,  faite 
de  nattes  d'osier  cousues  ensemble,  avait  été  dressée  une  large  estrade  de 
un  mètre  de  hauteur.  Une  jeune  Sakalave  y  était  assise,  1rs  jambes  croisées, 
à  la  façon  tailleur.  Elle  regardait  avec  la  plus  complète  indhfércnce  les 
Lr'iis  qui  emplissaient  l 'enceinte  et  qui  vociféraient  en  chœur  un  court 
refrain. 

«  A  sa  droite  et  «à  sa  gauche  se  tenaient  deux  femmes  âgées,  dont  le  seul 
aspect  me  rappela  soudain  les  fées  de  nos  vieux  contes.  Elles  en  avaient  la 
I  m  brune  et  parcheminée,  tendue  sur  une  carcasse  d'os  saillants  de  toutes 
parts.  Leur  tenue  était  à  la  fois  simple  et  digne  :  leur  allure  grave,  sans 
pédanterie.  Elles  semblaient  avoir  conscience  d'accomplir  une  sorte  de 
ministère  sacré.  En  main,  elles  tenaient  une  baguette  de  palissandre  qui 
me  rappela  la  baguette  magique,  et  peut-être  avec  raison,  comme  on  le 
verra  par  la  suite.  Elles  surveillaient  quelques  cassolettes  ou  brûlait  de 
l'encens,  et  de  temps  à  autre,  elles  les  promenaient  sous  le  nez  de  la  jeune 
fille. 

a  Soudain,  les  sorcières  étendirent  leurs  baguettes  sur  rassemblée.  Tous 
les  assistants  furent  secoués  d'un  frisson,  d'un  tressaillement.  Le  chant 
reprit   avec   un  nouvel  entrain,   un   véritable  enthousiasme. 

«  Tout  à  coup,  les  deux  vieilles  firent  des  passes  avec  leurs  baguettes 
devanl  le  visage  et  tout  autour  de  la  jeune  fille.  Celle-ci  était  comme  agitée 
d'une  profonde  émotion  ;  sa  poitrine  oppressée  se  comprimait  et  se  dilatait 
\iolemment  et  ses  yeux  •semblaient  implorer  la  foule,  qui,  à  présent,  hur- 
lait   une  prière  menaçante. 

"  Soudain,  elle  bondit  sur  ses  pieds  en  criant  :  «  Je  snis  arrivée.  »  Tour 
les  Malgaches,  cela  signifiait  :  «  L'Esprit  est  descendu  en  moi,  et  c'est  lui 
«  oui  désormais  vous  parlera   par  ma  bouche.  » 

«  I  n  délire  indescriptible  s'empara  des  assistants.  Leurs  chants  et  leurs 
supplications  avaient  obtenu  la  visite  de  l'Esprit.  Une  soliste  entama  d'un 
ton  vainqueui  une  sorte  d'hymne  en  son  honneur:  le  chœur  entier  dm 
hommes  H  des  femmes  redisait  ses  paroles,  en  scandant  le  rythme  de  batte- 
ment'- de  mains. 

«  Quelle  rie  l'ut  pas  alors  ma  stupéfaction  de  remarquer  que  les  traits  de 
la    jeune    fille    re    modifiaient    à    Mie   d'œiH    Les    lignes   du    visage    s'étaient 

épaissie-  :  il   me  sembla  que  ses   membres  devenaient  plus  gros,   sa  taille 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE  I 89 

I  !w>  grande.  .Te  me  frottai  les  yeux.  >on .  je  n'étais  le  jouet  d'aucune  hallu- 
cination :  la  taille  de  l'a  jeune  possédée  avait   grandi  démesurément  el  elle 
ssail  di1  la  tête  au  moins  les  deux  mégères. 

«  i'uis.  la  'foule  se  lut,  et  l'un  des  vieillards  de  l'assemblée  prit  la  parole, 
s 'adressant  à  la  jeune  fille  :  «  Courage,  mon  enfant  !  tu  es  bien  heureuse 
«  d'avoir  été  visitée  par  l'Esprit.-  C'est  lui  qui  est  le  Dieu  créateur  ;  il  est 
«  noire  Ancêtre,  nous  sommes  ses  parents.  11  a  quitté  le  tombeau  pour  nous 
<(  faire  connaître  par  ta  bouche  les  remèdes  qu'il  faut  appliquer  à  nos 
0  maux,   » 

«  Sur  un  signe  uVs  sorcières,  une  troupe  de  malades  défila  devant  la 
jeune  fille,  devenue  à  la  fois  médecin  ri  prophétesse.  A  chacun  d'eux,  elle 
disait  (ii  sa  maladie  et  les  remèdes  utiles,  ou  ses  chagrins  et  ses  ennuis, 
avec  le  moyen  à  prendre  pour  en  être  délivré.  Elle  parlait  d'une  voix  gut- 
l maie,  brève  et  saccadée,  paraissant  donner  (les  ordres  plutôt  que  des 
trns'.'ils.  Elle  ne  regardait  pas  son  patient  :  ses  yeux  fixes,  immobiles, 
étaient  perdus  dans  le  lointain,  et,  à  plusieurs  reprises,  je  crus  rire  le  but 
de  ce  regard  étrange.  J'avais  promis  de  ne  rien  dire  ou  faire  qui  put  trou- 
bler la  cérémonie.  Je  résolus  doue  d'attendre  la  fin. 

((  Une  fois  terminé  le  défilé  des  miséreux,  les  chants  reprirent  sur  un 
rythme  plus  lent  et  plus  grave;  Les  magiciennes  recommencèrent  leurs 
passes  mystérieuses,  et,  au  fur  et  à  mesure,  la  taille  de  la  jeune  fille  rede- 
venait normale,  ses  traits  se  détendaient,  ses  yeux  recouvraient  leur  expres- 
-  ;  <  ►  :  1  naturelle.  Elle  dit  enfin  :  a  Je  m'en  \ais  ».  L'Esprit  était  sorti.  Aussitôt 
une  des  mégères  trempa  son  doigt  dans  une  assiette  remplie  de  terre  blan- 
che et  en  marqua  la  possédée  de  tout  à  l'heure  au,  'front,  sur  le  nez  et  au- 
n:  s  des  yeux,  pendant  que  sa  compagne  remplissait  le  même  office  à 
l'égard  de  toutes  les  'femmes  de  rassemblée.  La  tromba  était  finie. 

<(  Dans  les  jouis  qui  suivirent,  j'eus  l'occasion  de  revoir  de  temps  en  temps 
l'héroïne  de  l'étrange  aventure  :  elle  avait  l'air  égaré,  les  yeux  hagards. 
J'ai,  depuis,  souvent  remarqué  cette  expression  de  visage  chez  d'autres 
femmes,  et  toujours  on  m'a  dit  qu'elles  étaient  ainsi  depuis  la  tromba.   » 

F.     DE    Z. 


Concours    sur  le    fétichisme. 

La  Société  d'Archéologie  nègre  «  group'  tient  privé  pour  l'édification  d'un 
Mu  ée  fétichiste  noir  »,  dont  le  délégué  général  est  M.  Guy  Romain,  nous 
prie  de  signaler  à  nos  lecteurs  le  concomrs  avec  prix  organisé  par  ladite 
-      iélé  sur  le  fétichisme  en  Afrique  noire. 

Il  (  M  util,,  d'insister  avant  tout  sur  la  que.  lion  ail  des  peuplades  qui 
1.  lont  l'objet  des  études  présentées  au  concours,  tant  au  point  de  vue  archéo- 
logique, que  des  arts  actuels,  des  ustensiles  et  des  meubles.  L'intérêt  serait 
de  fixer  les  époques  des  fétiches  en  même  temps  (pie  leur  destination. 

Le  concours  est  ouvert  pour  une  année,  à  dater  du  18  'février  191N  et  les 
mémoires  devront  être  adressés  à  M.  Guy  Romain,  h»,  avenue  (\c  V  i  11  ici  s,  à 
Paris,  qui  accusera  réception  des  envois  dès  leur  arrivée.  M.  B. 


ÎQO  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

Les    Esquimaux  et   la    Guerre. 

M.   Macmillan   vient   de    publier   dans   VAmerican  Muséum  Journal,   vol. 
XVII,  ii°  3.  un  curieux  article  suc  les  denrées  alimentaires  des  Esquimaux 
du  détroit' de  Smith.  Qes  peuplades,  forcément  carnivores,  consomment  une 
grande  quantité  de   viande   qu'ils   se  procurent  pendant    l'été,   et  dont    la 
moitié  est  ingérée  soit   crue,  soit   congelée.  L'hiver  est  souvent  une  période 
de  disette. 
La    guerre    a    importé    jusque    dans    ces    contrées    boréales    un    cruel 
ime   de  restrictions.  Les    Esquimaux   dépendent,   en    effet,  beaucoup  du 
itailîement  par  les  navires  danois,  non  seulement  pour  le  tabac,  1rs  allu- 
mettes, les  aiguilles,  le  fil,  etc.,  mai.-  aussi,  ce  qui  est  plus  important,  pour 
armes  à  feu,   les  couteaux,   les  pièces  à  ressort  d'acier  et   autres   instru- 
ments de   chasse.    La    défection    des    bateaux   danois,   en    1917,   a  obligé    lis 
Esquimaux  à  1  éprendre  leurs  vieilles  méthodes  et  leurs  vieux  engins,  pointes 
de    trait    en    es.    harpons    en    ivoire,   cordeaux  de   silex,   etc.   M.    Macmillan 
déclare  que  si  la  guei-fe  dure  encore  une  année  dans  les  mêmes  conditions, 
tribus  seront  réduites  à  un  état  pitoyable.  M.  B. 


Addenda  et  corrigenda 

Li  séries  fie  mes  Mélanges  anthropologiques  ayant  été  publiées  au 
complet  dans  ce  reeueil.  je  m'empresse  de  signaler  ici  quelques  omissions 
<  t  erreurs.  Les  premières,  les  plus  importantes,  sont  dues  à  ma  propre  inad- 
\'  rtance  sans  doute  ;  les  secondes,  dont  je  ne  signale  que  les  principales, 
ni'  sont  que  de  simples  erreurs  typographiques,  inévitables  dans  un  travail 
ejece  genre,  surtout  quand  l'auteur  lui-même  , se  trouve  dans  l'impossibilité 
de  cori  iger  les  épreuves. 

NOTICE  I.  CRANES  INDONÉSIENS  (L'Anthropologie,  t.  XXIV,  i9i3). 
P.  656  et  65q. —  Il  faut  ajouter  l'indice  transverso-vertical  de  11  crânes  souiii- 
banals,  .'i  bélonais  et  1  sikanais  ;  ru  voici  les  chiffres.  Soumbanais  :  98.5  ; 
99.9  ;  95,0  ;  rc-5.8  ;  100.7  ;  92.9  ;  107.7  ;  97-9  ;  97-1  ;  97-°  ct  97-1»  ^°'li 
6  mésosèmes  el  .">  mégasèmes  d'après  la  nomenclature  de  Broca,  ou  1  hyper- 
brachysténocéphale,  7  braiohysténocéphales  et  2  hypsisténocéphales  d'après 
Davis  et  Welker.  Bélonais  :  106.9  ;  110.6  et  109.7,  ^(,!'  tous  mégasèmes  ou 
1  orthosténo,  1  hy  psi  sténo  et  1  hyperhypsisténocéphalê.  Sikanais:  101.4. 
soit  mégasème  ou  orthosténooéphale. 

I'.    661.  Substitue/,    chez  les  crânes  tinioriens  ;    leplorhinien    pour  l'un 

d.  -    platyi  hiniens. 

NOTICE  IL  INSI  LINDIENS  (L'Anihr.,  t.  XXVI,  ..j..n.  V.  afta  et  M.  — 
En  comparant  le  tableau  des  caractères  descriptifs  des  Macassars  et  des 
Boughis,  relatif  à  la  forme  du  visage,  avec  le-  chiffres  des  largeurs  bizygo- 
matique  el  bigoniaque,  des  difféiencei  notables  se  présentent.  On  constate, 

en  effet,  que  dans   un   certain  nombre  de  cas  des  termes  connue  «   moyen   » 

el   "  large  »  ne  correspondent   guère  aux  chiffres.   Cependant,  je  ne  émis 
pas  qu'il  s'agisse  i<-j  d'une  erreur.  Ce  i.ui  confirme  l'opinion       pas  nouvelle 


mm  VÉLLBS    m    ci»hiik.M'(im)\m:i,  K)l 

d'ailleurs  -  de  M.  da  Costa  Ferreira,  qu'en  anthropologie,  les  chiffres  ne 
traduisent  pas  toujours  l'impression  visuelle.  Et  il  en  donne  des  exemples 
concluants  pour  l'indice  Eacial.  Tout  en  admettant  la  justesse  de  ce  que  dit 
Panthropologisté    portugais,    je  suis  de    l'avis   de   M.    Verneau:  qu'on    ne 

i  aboutir  à  d<v  bons   résultats  qu'en  combinant    l'évaluation  des  carac- 
tères à  l'œil  avec  les  mesurée  (i). 
L'indice  gonio-zygon^atique  des  Macassai»  et  des  Boughis  ayant  étéomis, 

i  donne  1rs  chiffres  ici  :  M.  (12  H.)  :  76.5  ;  78. 3  ;  78.1  ;  73.9  ;  75.3  ;  78. 3  ; 
.    -ii  :    76.0;  s, .7;   moy.    76.9.   Une   femme   macassare, 

1   B.  (-3  H.)  74.6  ;  71. c  ;  78.2  ;  71.9  ;  75.0  ;  77. S  ;  70.7  ;  moy.   74:2. 

Kl  III.  INDIGÈNES  DE  L'ARCHIPEL  TIMORIEN  (L'Anthr.,  t.  XXVI, 
1915  .  —  P.  5a3,  lisez  Bakanasî  au  lieu  de  Bakanosi  ;  p.  54i,  Armandville 
au  Heu  d'Armandrllle.  1'.  549,  ajoutez  les  proportions  du  corps  (taille  =100) 
du  chef  endettais  Bara  Nourl  et  celles  du  chef  roka  Anggo  Môlô.  En  voici 
I   s  I  liit'fres   : 

Bara  Nouri         Anggo  Môlô 

Haut,  tête  (vertex-menton) 13.9  1 4 . 1 

—  (—         tragus) 71  7.8 

—  et  tronc ^0.9  07  6 

Long,  membre  inférieur 49.1  49-3 

—  —        supérieur  (acromo-médius).       44 .8  44-9 

—  main 10.6  10.  <i 

—  pied iS.  5  1 G .  4 

Grande  envergure 10O.2  107. 

La r g.  épaules 25.5  25.5 

P.    55i,    lisez   Perémadila    au   lieu  de  Pcromadite.    P.   557,    au  tableau   de 

l,i  répartition  de  l'indice  céphalométrique,  groupe  mixte,   lisez  1  enfant  au 

lieu  de  11   et  1.  La  note  de   la   page  556  se  reporte  au  même  tableau  dudit 

upe.    P. 507,    au    tableau    du   groupement   die    l'indice    nasal,    relatif    au 

groupe  mixte,  lisez  2  au  lieu  de   12. 

NOTICE   IV.   POLYNÉSIENS   (L'Anthr.,    t.  XXVII,    1916).      -  P.    395,    lisez' 

iarapu  au  lieu  de  Faiarapu  ;  p,  898,  Atiué  au  lieu  d'Atiné  ;  p.  4oi,  note, 
Punarsi  au  lieu  de  Punari  ;  p.  467,  Atiû  au  lieu  d'Atin  ;  p.  409,  le  chiffre 
moyen  de  la  grande  envergure  des  insulaires  de  Tuamotu  (H.)  n'est  pas 
1.875,  mais  1.812  ;  p.  573,  au  sujet  des  proportions  d'un  indigène  de  ïua- 
motu,  Lisez  ia.5  au  lieu  de  43.3  du.  sujpér.  toi.)  et  93.2  au  lieu  de  93.3. 

NOTICE  \.  MÉLANÉSIENS  (Ibid).  —  P.  Ô80,  la  largeur  du  nez  de  l'un 
deis  Néo-Hébridais  n'es!  pas  Vi.  mais  \\  ;  i>.  55i,  l'indice  vertical  d'un  indi- 
•     Il     de  la  Nouvelle-Bretagne  est  75.1  au  lieu  de  75.0. 

NOTICE  VI,    1"    PARTIE,  INDIENS  DE  L'AMÉRIQUE  DP  NORD  (L'Ânthr., 

t     JLXVIII,   1917).  — P.  129,   lisez  VI  au  lieu  de  IV  ;  676  sujets  au  lieu  de  G73 

<  t    i34  enfanta  au  lieu  de  23a.  En  guise  de  supplément,  il  y  a  ajouter  aux 

1  \>  >-\   i43  lee  mesures  de  la  tête  de  5  garçons  /unis,  faisant  partie  de 

(i)  Cf.   L'analyse  d'un   mémoire   de  M.  da   Costa   Ferreira,  par   M.   Verneau    dans 
VAnthropoloqie,  t.  XX  VU,  1916,  p.  465-466. 


Ï02  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

ma   série  de  1888.  Leur  âge  variait,  au  juger,   de   7  à   i4  ans  environ."  En 
voie  i  les  mesures  : 

D.  antéro-post.  D.  transv-max.  Imlice  céphalom. 

Nos  1  179  i54                             86.0 

2  182  i48                            8i.3 

3  190  î/17                             77.3 

4  174  i46                             83.9 

5  iG4  i55                              94.5 


Moy.  I77-8  100  84-6 

P.  i/|2,  note,  lisez  Cushing  au  lieu  de  Cuthing  ;  p.  i43,  au  tableau  de 
la  répartition  de  l'indice  céphalométrique,  substituez  75.2,  80.2  et  83.2  pour 
7Ô.1.  80.1  et  83.3  ;  p.  1^7,  au  tableau  de  la  taille,  lisez  1.745  au  lieu  de  1.746 
(moy.  de  10  Navàjos)  ;  p.  100,  fig.  7,  lisez  Apaches  Ghiricahuas  au  lieu  de 
San  Carlos  ;  p.  i54.  au  tableau  des  rapports  moyens  à  la  taille  =  ioo,  ajoutez 
14.9,  chiffre  de  la  longueur  de  pied  de  5  Nàvajos  (H.),  et  substituez  10.0, 
moy.  du  même  rapport  de  4  Yaquis  (H.),  pour  44-9  ;  P-  i55,  au  sujet  des 
rapports  centésimaux  de  la  taille,  supprimez  «  moyenne  »  après  «.  1  Mohave  ». 

NOTICE  VI,  2°  PARTIE,  id  et  id.  —  P.  37i,  lisez  Quijotoa  au  lieu  de 
Quitova  ;  p.  37^,  les  chiffres  moyens  des  Papagos,  du  tableau  des  mesures, 
:e  rapportant  à  6  H.  ;  p.  370,  un  tableau  des  Pimas  (H.),  substituez  i38, 
chiffre  se  rapportant  au  diam.  transv.  max.  de  la  tête,  pour  i33  ;  p.  376, 
note  4,  lisez  45  ans  au  lieu  de  54  ;  p.  377  au  tableau  des  proportions  du 
corps  des  Pimos,  ajoutez  3 9 . /l  comme  indice  du  pied  de  4  H.  ;  p.  387,  au 
tableau  des  Maricopos,  lisez  119,  au  lieu  de  117,  chiffre  se  rapportant  aux 
variations  de  la   hauteur  nasio-mentonnière. 

Dr  H.   Ten   Kate. 


Le  Gérant  :  0.  I'oiikk. 


AMiK.KS.    IMI'HIMKHIK    A.    BI.'IUHN.    —    F.     GAULTIER    KT    A.    TIIKBKKT,    81GCK9SBURS, 


MÉMOIRES  ORIGINAUX 


DE  L'EXTINCTION  DU  MAMMOUTH 


PAR 


H.  NEUVILLE 


C'est  l'une  des  données  les  plus  banales  peut-être  de  la  Biologie 
générale  que  le  Mammouth  était  particulièrement  apte  à  sup- 
porter de  grands  froids.  Tous  les  auteurs  —  paléontologistes 
proprement  dits,  géologues,  zoologistes,  préhistoriensmême  —  qui 
ont  eu  à  s'occuper  de  ce  témoin  des  premiers  âges  de  l'humanité, 
admettent  son  adaptation  à  un  climat  froid.  Et  l'on  reste  surpris 
de  la  faiblesse  des  arguments  avancés  à  ce  sujet,  faiblesse  que  dis- 
simule imparfaitement  ce  grand  mot  d'adaptation,  trop  souvent 
invoqué  comme  le  fut  jadis  la  virtus  dormitiva,  et  comme  le  sont 
fréquemment  encore  des  entités  de  même  ordre. 

Sur  cette  base,  considérée  comme  indiscutable,  de  l'adaptation 
du  Mammouth  au  froid,  se  sont  développées  de  nombreuses  argu- 
mentations, cherchant  toutes,  au  fond,  à  concilier  cette  résistance 
au  froid  avec  le  fait  brutal  de  la  disparition  de  celui  qui  est 
considéré  comme  en  ayant  bénéficié,  alors  que  d'autres  êtres, 
placés  dans  des  conditions  identiques,  survivaient. 

L  étude  des  débris  congelés  de  Mammouths,  trouvés  en  Sibérie, 
celle  du  milieu  où  ces  animaux  vivaient  et  dont  les  traces  se  sont 
conservées  avec  les  leurs,  ont  fourni  des  données  intéressantes  et 
nombreuses,  moins  puissantes,  toutefois,  que  ne  le  fut  l'imagina- 
tion des  savants.  Les  débris  végétaux  trouvés  avec  les  Mammouths 
jettent  quelque  lueur  sur  cette  question  de  milieu,  sans  parvenir, 
semble-t-il,  à  l'éclairer  nettement.  A  ce  sujet  même,  il  y  a  matière 

l'atithropoloo  i:    —   p.  xxix,  —  iîtlX-1919.  13 


IC)4  H.    Ml  VILLE. 

à  discussion.  Howorth  a  admis  que  la  faune  et  la  flore  caractéri- 
sant ce  milieu  septentrional  sont  mélangées  d'éléments  méditer- 
ranéens dont  la  présence  complique  le  problème  (1).  Reid  soutient 
catégoriquement  que  les  plantes  trouvées  avec  les  Mammouths 
ne  peuvent  caractériser  un  climat  froid  (2).  Un  fait  est  en  tout  cas 
évident  :  les  Mammouths  de  Sibérie  moururent  dans  un  milieu 
assez  froid  pour  que  leurs  restes,  congelés  dès  la  mort,  se  soient 
tant  bien  que  mal  conservés  jusqu'à  nous. 

Tout  en  admettant  que  ces  Proboscidiens  étaient  particulière- 
ment résistants  au  froid,  il  a  donc  fallu  chercher  des  causes 
susceptibles  de  venir  à  bout  de  cette  résistance.  La  seule  explication 
qui,  à  première  apparence,  soit  satisfaisante  à  cet  égard,  est  celle 
que  fournirent  les  Cuvier  et  les  d'Archiac,  et  que  Howorth  a 
reprise;  elle  consiste  à  admettre  l'apparition  d'un  froid  intense 
et  subit,  assez  vif  pour  avoir  fait  périr  sur  place  les  Mammouths,  en 
même  temps  que  quelques  autres  Mammifères  dont  l'un  des  plus 
connus  est  le  Rhinocéros  lichorhinus,  et  assez  persistant  pour  en 
avoir  conservé  les  cadavres.  Comme  cette  supposition  de  cata- 
clysmes glaciaires  soudains  s'appuyait  sur  d'autres  arguments 
que  la  disparition  de  quelques  animaux,  il  arriva  que  l'hypothèse 
relative  à  cette  disparition  devint  partie  intégrante  d'une  théorie 
d'ensemble  sur  certains  grands  phénomènes  géologiques  de  l'ère 
quaternaire  :  transport  de  blocs,  dépôts  d'alluvions,  etc,  théorie 
admettant  essentiellement  une  catastrophe  diluvienne,  en  un  ou 
plusieurs  actes,  accompagnée  d'un  froid  intense,  subitement 
étendu  sur  de  vastes  espaces  et  y  provoquant  un  ensemble  de 
phénomènes  dont  l'un  aurait  été  l'extinction  brutale  de  la  vie,  au 
moins  pour  certains  Mammifères. 

Actuellement,  cette  théorie  n'est  plus  défendue,  que  je  sache. 
En  ce  qui  concerne  le  Mammouth,  on  admet  que  tout  en  étant 
capable,  grâce  à  son  épaisse  fourrure,  de  résister  au  froid,  il 
succomba  «  parce  que  l'invasion  du  froid  sec  fit  périr  la  végétation 
qui  le  nourrissait  »  (de  Lapparent).  Détaillant  un  peu  plus  la 
question,  il  a  été  admis  que  le  Mammouth  aurait  vécu  en  France, 
en  Angleterre  et  en  Allemagne  sous  un  climat  froid  et  humide 
(second  âge  pleistocène  de  Lapparent),  laissant  subsister  une 
végétation    suffisant  à   le    nourrir,    et  où  son  extinction  serait 

(i)Geoloffical  Magaiim  ,  t.  VIII,  1881,  p.  310. 
(2)  Ibid.,  p.  505.  ' 


mi    i  ex  i  i\<  i  n>\   ni     m  \m\ioi  nr.  190 

l'œuvre  de  l'homme  (Reid)  (1),  tandis  qu'en  Sibérie  il  eût  été 
victime  du  manque  de  nourriture  provoqué  par  l'aggravation  du 
froid,  rien  ne  prouvant  que  l'extinction  ait  été  simultanée  dans 
les  diverses  régions  où  vécut  le  Mammouth  (2). 

Ces  explications  ne  sont  pas  convaincantes. 

Tout  d'abord,  il  est  malaisé  d'admettre  que  l'extinction  du 
Mammouth  ait  été,  en  quelque  lieu  que  ce  fût,  l'œuvre  de  l'Homme, 
non  plus,  d'ailleurs,  que  celle  des  fauves.  De  même  que  les 
Eléphants  actuels,  le  Mammouth  ne  devait  pas  se  connaître 
d'ennemis  vraiment  dangereux  parmi  les  fauves  ;  et,  de  même  que 
les  procédés  de  chasse  primitifs  des  indigènes  africains  n'eussent 
jamais,  semhle-t-il,  été  susceptibles  d'aboutir  à  l'extinction  des 
Eléphants  d'Afrique  (3),  ceux  des  chasseurs  de  l'âge  de  la  pierre 
n'ont  vraisemblablement  jamais  réalisé  l'extermination  des  Mam- 
mouths sur  la  totalité  de  territoires  étendus. 

Infiniment  plus  recevable  est  l'hypothèse  d'une  diminution  de 
la  nourriture.  Comme  le  disait  Georges  Pouchet,  la  lutte  est  plus 
encore  entre  l'herbivore  et  l'herbe  qu'entre  le  carnassier  et 
l'herbivore.  Cependant,  avec  les  débris  congelés  des  Mammouths 
»'t  des  Rhinocéros  de  Sibérie,  se  retrouvent  les  traces  d'une 
végétation  relativement  abondante,  dont  M.  de  Lapparent  a 
expliqué  la  présence  en  admettant  que  le  climat  sibérien  était 
alors  plus  humide  et  plus  océanique,  fait  dont  il  fournit  du  reste 
une  explication  géographique;  ce  même  auteur  rappelle  en  outre 
que  malgré  la  rudesse  du  climat  et  la  pauvreté  des  pâturages,  il 
existe  d'immenses  troupeaux  d'herbivores  sur  les  hauts  plateaux 
tibétains.  Notons  que  la  végétation  sibérienne  d'alors  était  arbo- 
rescente jusqu'au  74e  parallèle  (von  Toll  :  îles  Liakhow),  et  que 
la  végétation  arborescente  est  justement  celle  qui  convient  aux 
l'roboscidiens  d'après  ce  que  nous  apprend  la  nature  actuelle  (4). 
La  coïncidence  entre  une  raréfaction  de  la  nourriture  et  l'extinction 
'1rs  Mammouths  reste  donc  hypothétique,  et  ceux-là  même  qui 

(1)  Geo/.  Mag.  t.  IX,  1882,  p.  44. 

(2)  Ibid. 

(6)  L'Éléphant,  disent  1rs  traditions  abyssines,  a  tué  plus  d'hommes  que  l'Homme 
n'a  jamais  tué  d'éléphants. 

(4)  A  l'état  de  liberté,  les  Éléphants  recherchent  l'herbe,  mais  le  fond  deleurnour- 

ritm  .nstitué  par  les  jeunes  branches  et  les  jeunes  pousses  ;  nussi  les  forêts  peu 

-  ou  les  hautes  brousses,  dans  lesquelles  ils  peuvent  se  mouvoir  et  se  nourrir 

ment,  sont-elles  pour  eux,  avec  quelques  variantes  entre  les  Eléphants  d'Afrique 

et  ceux  d'Asie,  des  habitats  de  prédilection. 


tgfi  ît.    NEUVILLE. 

expliquent  celle-ci  par  celle  là  fournissent  des  arguments  contre 
leur  hypothèse.  Une  disette  progressivement  aggravée,  peut  avoir 
contribué  à  faire  dégénérer  l'espèce,  à  diminuer  le  nombre  de  ses 
représentants  et  finalement  à  les  faire  disparaître  ;  mais  il  est 
impossible  d'admettre,  à  moins  d'en  revenir  à  la  supposition  de 
cataclysmes  subits,  que  les  Mammouths  se  sont  laissés  individuel- 
lement mourir  de  faim  sur  le  sol  glacé  qui  conserva  leurs  restes. 

Il  n'est  pas  exagéré  de  conclure  de  tout  ce  qui  précède  que  la 
question  des  causes  de  la  disparition  du  Mammouth  reste  ouverte, 
aussi  bien  quant  ta  l'extinction  générale  de  l'espèce  qu'en  ce  qui 
concerne  les  cas  particuliers,  si  nombreux,  où  la  mort  survint 
dans  des  conditions  telles  que  les  cadavres  furent  immédiatement 
congelés. 

C'est  sans  me  proposer  de  résoudre  cette  question  que  j'entrepris 
il  y  a  quelques  années,  l'étude  des  téguments  du  Mammouth.  Je 
m'étais  précédemment  familiarisé  avec  l'étude  anatomique  des 
Eléphants.  Le  Laboratoire  d'Anatomie  comparée  du  Muséum  ayant 
alors  reçu  un  fragment,  fort  bien  conservé,  de  peau  de  Mammouth, 
je  fis,  dans  ce  fragment,  quelques  coupes  histologiqucs.  A 
quelque  temps  de  là,  M.  Boule  voulut  bien  me  confier,  pro  parte, 
l'étude  du  Mammouth  que  le  comte  Stenbok-Fermor  venait 
d'offrir  au  Laboratoire  de  Paléontologie  ;  ce  me  fut  l'occasion 
d'examiner  déplus  près  les  questions  relatives  au  Mammouth,  et  les 
lecteurs  de  Y  Anthropologie  ont  déjà  eu  connaissannce  des  recher- 
ches que  je  fis  avec  M.  Gautrelet  sur  le  sang  de  cet  animal  (I  ). 

Les  données  relatives  au  tégument  m'ont  paru  spécialement 
instructives.  Elles  fournissent  des  faits  incompatibles  avec  les 
opinions  régnant  quant  à  cette  adaptation  au  froid  à  laquelle  je 
faisais  ci-dessus  allusion.  Je  résumerai  simplement  les  points 
essentiels  de  ces  faits,  renvoyant  pour  plus  de  détails  à  deux 
notes  déjà  publiées  (2). 

La  figure  1  représente  le  fragment  de  peau  reçu  par  le  Labora- 
toire d'Anatomie  comparée.  On  y  distingue  facilement  deux 
sortes  de  poils,  que  je  considère,  sans  m'arrêter  aux  discussions 

auxquelles  ont  donné  lieu  les  distinctions  à  établir  dans  le  revê- 

(1)  L'Anthropologie,  T.  XXVI  (1915),  p.  298. 

(2)  H   Neuville.  Du  tégument  des  Proboscidiens.  Bull,  du  Muséum  d'Hist.  nai.,  1917, 

n°  G 

Id.  Sur  quelques  particularités  du  tégument  des  Éléphants  et  sur  les  comparaisons 
.u'elles  suggèrent,  lbid.,  1918,  n°  ii. 


\<n 


A 


Cîutracl  j< li <>( . 


Fie  1.  —  Fragment  de  peau  de  Mammouth, 


En  A,  coupe  perpendiculaire,  à  la  surface.  —  En  V>,  surface  montrant  le  revêtement  pileux 

(jarre  et  bourre).  Ciandeur  naturelle. 

(Collection  d'Anatomie  comparée  du  Muséum,  n°  1911-32). 


DE   i  Y\  riM  i  ion    Dl     m  \mmoi  nr,  If^ 

tement  pileux  des  Mammouths,  comme  représentant  simplement 
îles  jarres,  longs  et  clairsemés,  et  une  bourre,  très  fournie.  On  y 
voit  aussi  l'épaisseur  atteinte  par  le  derme,  formant  un  lard. 

11  est  nécessaire,  pour  comprendre  la  signification  de  ces 
dispositions,  de  les  comparer  à  celles  que  présentent  les  Élé- 
phants, qui,  eux,  vivent  dans  la  zone  tropicale,  et  pour  lesquels 
il  ne  saurait  être  question  d'adaptation  au  froid.  La  figure  2  met 
en  évidence  les  caractères  essentiels  de  la  peau  des  Éléphants. 
Peu  de  poils  s'y  observent;  abondants  sur  le  jeune,  qui,  à  la  nais- 
sance, est  recouvert  d'un  duvet  uniforme,  assez  clairsemé  pour 
que  le  grain  de  la  peau  reste  facilement  visible,  il  s'éclaircissent 
ensuite,  en  môme  temps  que  se  différencient  du  jarre  et  de  la 
bourre.  Sans  jamais  former  une  fourrure  épaisse,  ces  poils  sont 
souvent  beaucoup  plus  fournis,  sur  les  sujets  vivants  en  liberté, 
que  ne  le  laisseraient  à  supposer  les  Éléphants  de  ménageries.  Le 
derme  est  ici  tout  aussi  épais  et  tout  aussi  lardacé  que  sur  les 
Mammouths. 

Ce  qui  frappe  surtout,  dans  la  peau  des  Éléphants,  c'est  le 
caractère  verruqueux  de  1  epiderme.  Tandis  que  Tépiderme  des 
Mammouths  est  à  peu  près  lisse,  celui  des  Éléphants,  d'Afrique 
ou  d'Asie,  est  très  grossièrement  rugueux.  Les  papilles  dermiques 
de  ces  derniers  Proboscidiens  sont  recouvertes  d'un  puissant 
revêtement  épithéliaî,  où  la  zone  cornée  prend  une  extension 
prédominante,  et  chaque  papille  reste  individualisée  de  telle  sorte 
({lie  le  revêtement  cutané  présente  un  aspect  chagriné,  ou  plutôt 
franchement  verruqueux;  cet  aspect,  plus  ou  moins  accentué 
suivant  les  régions  du  corps,  n'existe  pas  encore  sur  le  nouveau- 
né,  dont  le  grain  de  peau  paraît  identique  à  celui  du  Mammouth, 
et  s'accentue  ensuite  progressivement.  La  figure  3  rend  cette 
structure  manifeste.  J'ai  appelé  l'attention  sur  la  nature  de  ces 
faits,  telle  qu'elle  ressort  de  comparaisons  anatomo-patholo- 
giques  qui,  seules,  me  semblent  permettre  d'en  comprendre  la 
signification  :  la  peau  de  l'Éléphant  adulte  forme  un  vaste 
papillome  corné,  primitivement  apparu,  selon  toute  vraisem- 
blance, sous  l'action  des  phénomènes  iritatifs  (1)  inhérents  au 

fi)  Le  front,  la  partie  antérieure  de  la  trompe  et  la  partie  inférieure  des  membres 

présentant  ce  caractère  à  un.  état  particulièrement  accentué.  Or  ce  sont  ces  parties 

qui  sont  le  plus  exposées  aux  heurts  et  aux  frottements  avec  les  arbres  et  la  brous- 

:n  effet  en  forçant  avec  leur  front  que  les  Eléphants  viennent  à  bout  de 

la  résistance  d'obstacles  que  la  trompe  ne  peut  arracher;  c'est  la  partie  antérieure 


300  H.    NEUVILLE. 

milieu  dans  lequel  vivent  les  Éléphants,  et  favorisé  par  un  caractère 
spécial,  commun  aux  Eléphants  et  au  Mammouth,  qui  est  l'absence 
de  glandes  cutanées  :  pas  plus  qu'aucun  des  précédents  auteurs, 
je  n'ai  pu  trouver  ici  ni  glandes  sudoripares  ni  glandes  sébacées. 

Il  n'y  a  pas  lieu  de  croire  que  la  régression  de  la  pilosité,  chez 
les  Éléphants,  a  été  accompagnée,  ou  même  aurait  été  causée, 
par  la  disparition  préalable  des  glandes  sébacées,  dont  la  présence 
est  considérée  comme  liée,  sauf  de  rarissimes  exceptions,  à  celle 
des  poils,  à  tel  point  que  ces  glandes  sont  même  considérées 
comme  dépendances  de  ceux-ci.  Sur  le  Mammouth  aussi  bien 
que  sur  l'Eléphant,  le  poil  existe  sans  son  annexe  habituelle  :  la 
glande  sébacée,  et  si  ce  poil  est  très  clairsemé  sur  les  Eléphants 
actuels,  il  était  par  contre,  sur  les  Mammouths,  aussi  développé 
qu'il  pouvait  l'être  :  il  n'y  a  donc,  ici,  aucune  relation  entre 
la  diminution  du  revêtement  pileux  et  la  disparition  des  glandes 
sébacées.  Je  renvoie,  pour  plus  de  détails  sur  toutes  ces  données, 
aux  deux  notes  ci-dessus  indiquées. 

Nous  voici  donc  en  présence  de  deux  animaux  zoologiqnement 
très  voisins  :  le  Mammouth  et  l'Éléphant,  dont  l'un  vivait  sous 
des  climats  rigoureux  et  dont  l'autre  est  actuellement  confiné  à 
certaines  parties  de  la  zone  torride.  Le  Mammouth,  dit-on,  était 
protégé  du  froid  par  sa  fourrure  et  l'épaisseur  de  son  derme.  Or 
le  derme,  je  l'ai  dit  et  les  figures  ci  jointes  le  prouvent,  est 
identique  dans  les  deux  cas  ;  il  serait  donc  difficile  d'attri- 
buer un  rôle  particulièrement  adaptatif  à  celui  du  Mam- 
mouth. La  fourrure,  beaucoup  plus  fournie,  il  est  vrai,  sur  les 
Mammouths  que  sur  aucun  des  Eléphants  actuels,  n'existe  cepen- 
dant qu'à  un  état  très  particulier,  qui  est  foncièrement  identique 
sur  les  uns  et  les  autres  de  ces  Mammifères.  Examinons  les  consé- 

de  la  trompe  qui  vient  le  plus  directement  au  contact  des  broussailles  ;  pour  la  partie 
inférieure  des  membres,  les  causes  d'irritation  sont  encore  plus  manifestes;  enfin, 
la  queue,  où  l'hypertrophie  papillaire  est  particulièrement  forte  et  revêt  même  des 
caractères  spéciaux,  est  sans  cesse  en  mouvement  et  subit  ainsi  des  actions  irritatives 
auxquelles  elle  réagit  comme  l'ensemble  des  téguments,  mais  avec  acquisition  de 
caractères  encore  plus  accentués.  L'adaptation  n'est  pas  ici  un  vain  mot  :  on  en  con- 
naît les  causes  (actions  irritatives),  on  en  discerne  la  nature  {réactions  kératosiques), 
on  voit  apparaître  les  caractères  spéciaux  qu'elle  engendre  (dispositions  papilloma- 
teuse.s),  on  en  suit  les  progrès,  gradués  suivant  l'usage  fait  et  les  actions  subies  par 
chaque  région  du  corps;  enfin,  l'on  se  rend  facilement  compte  de  l'utilité  que  pré- 
sente, pour  des  animaux  dont  la  peau  est  foncièrement  très  sensible,  l'hypertrophie 
du  revêtement  corné,  hypertrophie  qui  ailleurs  est  pathogène,  mais  se  régularise 
ici  et  réalise  une  protection  contribuant  à  assurer  la  persistance  de  l'espèce. 


bf 


Cimr.irt  phot. 


2.  —  Fragment  de  peau  d'une  jambe  antérieure  d'Éléphant  d<-  l'Inde. 

En  A.  coupe  perpendiculaire  à  la  surface,  montrant  les  rapports  du  derme  avec  l'épiderme;  le 
derme,  blanchâtre,  épais  d'environ  2  centimètres,  est  surmonté  d'un  épiderme  noirâtre, 
épais  d'environ  1  millimètres;  la  couche  cornée,  formée  de  digitations  étroitement  jnxlapo- 
sées,  perpendiculaires  à  la  surface  du  derme,  constitue  la  presque  totalité  de  ces  7  milli- 
mètres. —  En  B,  face  superficielle  du  derme,  après  enlèvement  de  l'épiderme.  —  En  C, 
face  profonde  de  l'épiderme.  Grandeur  naturelle. 

(Collections  d'Anatomie  comparée  du  Muséum,  n°  A.  57'.'8. 


DE   i    i  \  i  IN<  NON    DU    M  wniui  i  ir. 


ao3 


qaenoea  de  cet   état   particulier,    consistant,  je    le    répète,    en 
l'absence  de  glandes  cutanées. 


pIG.  3.  —  Coupe  dans  la  peau  d'une  jambe  antérieure  d'Éléphant  d'Afrique 

(Gross.  :  10  diam.). 

e,  papilles  épidermiques  hypertrophiées,  —  p,  zone  papillaire  du  derme,  —  ?',  zone 
réticulaire  du  derme,  —  g,  gaine  externe  d'un  poil. 

Le  rôle  physiologique  de  ces  glandes  est  fort  important  (1).  Il 

(1)  A  toutes  fins  utiles,  je  mentionnerai  que  d'après  la  doctrine  régnante,  celles 
.  l'effet  du  sébum  serait  de  lubrifier  le  poil,  en  le  protégeant  ainsi  contre  la 
dâfigrégation,  et  celui  de  la  sueur  d'imprégaer  l'épidémie  d'un  liquide  huileux,  le 
protégeant,  lui  aussi,  contre  la  dessication  et  la  désagrégation.  En  réalité,  l'épancbe- 
ment  du  sébum  à  la  surlace  de  la  peau,  si  facile  à  observer  dans  l'espèce  humaine, 
surtout  dans  certain  cas  de  calvitie  où  il  arrive  à  être  excessif,  contribue  également 
à  protéger  le  tégument.  En  l'absence  de  sébum  et  de  sueur,  la  seule  imprégnation 
graisseuse  de  l'épiderme  est  cille  qui  résulte  de  l'élaboration  propre  des  cellules  épi- 
derm  que*;  cjtte  élaboration  reste,  en  tous  cas,  très  spéciale  et  très  limitée,  et  l'ab- 
sence de  sécrétions  glandulaires  nMt  le  tégument  dans  un  état  de  moindre  résistance 
bien  connu  en  dermatologie. 


0()'|  II.    NEUVILLE. 

est  presque  superflu  de  rappeler  que  l'imprégnation  sébacée  com- 
munique à  l'ensemble  de  la  fourrure  ses  propriétés  isolantes  et 
achève  de  donner  à  chacun  de  ses  éléments,  les  poils,  une  imper- 
méabilité grâce  à  laquelle  ils  résistent  avec  la  force  que  l'on 
connaît  aux  actions  désagrégeantes,  notamment  à  celles  des 
agents  atmosphériques.  Chacun  sait  à  quel  point  la  présence  du 
suint,  produit  par  les  glandes  sébacées,  rend  la  laine  résistante 
et  isolante,  et  à  quel  degré  la  privation  totale  de  cette  matière 
grasse  diminue  les  qualités  des  étoffes  laineuses.  L'anatomie 
comparée  fournit  d'ailleurs,  quant  au  rôle  de  cette  imprégnation, 
des  renseignements  instructifs.  Très  rares  sont  les  Mammifères 
privés  de  glandes  sébacées  :  les  Unaus  (Cholœpus)  de  l'Amérique 
centrale  et  méridionale,  les  Taupes  dorées  d'Afrique  (Chysochlo- 
ris)  sont  dans  ce  cas  ;  or  on  sait,  notamment,  que  les  Unaus  sont 
particulièrement  sensibles,  dans  leur  pays  même,  au  froid  et  à 
l'humidité. 

La  fourrure  tout-à-fait  spéciale  du  Mammouth  ne  réalisait 
ainsi,  contre  le  froid,  qu'une  protection  précaire,  analogue  à  celle 
dont  jouissent  actuellement  quelques  Mammifères  de  la  zone  tro- 
picale. Son  derme  était,  il  est  vrai,  très  épais  ;  pas  plus,  cepen- 
dant, que  celui  des  Éléphants  actuels  II  me  semble  impossible  de 
trouver,  dans  l'examen  anatomique  de  sa  peau  et  de  sa  fourrure, 
aucun  argument  en  faveur  d'une  adaptation  au  froid.  Il  a  été 
considéré  que  la  réduction  de  ses  oreilles,  épaisses  et  très  petites 
par  rapport  à  celles  des  Éléphants,  était  le  résultat  d'une  telle 
adaptation  ;  ce  caractère  peut  en  effet  être  retenu  dans  ce  sens  : 
les  oreilles,  si  grandes  et  si  minces,  de  nos  Éléphants,  seraient 
vraisemblablement  très  sensibles  à  l'action  du  froid.  Mais  on  a 
également  voulu  voir,  dans  l'adiposité  et  la  forme  en  clapet  de  la 
queue  du  Mammouth,  un  caractère  adaptatif  du  même  ordre; 
c'est  cependant  avec  les  moutons  stéatopyges,  animaux  des 
régions  chaudes,  vivant  jusqu'au  centre  de  l'Afrique,  que  le  rap- 
prochement s'impose  quant  à  ce  dernier  caractère. 

Ce  n'est  donc  que  grâce  à  des  comparaisons  toutes  superfi- 
cielles, ne  résistant  pas  à  une  analyse  quelque  peu  approfondie, 
que  le  Mammouth  a  pu  être  considéré  comme  adapté  au  froid.  De 
par  la  nature  spéciale  de  son  revêtement  pileux,  il  était  au 
contraire,  à  ce  point  de  vue,  en  état  d'infériorité. 

D'autres  causes  d'infériorité  peuvent  en  outre  lui  être  assi- 
gnées. 


DE    L'F.XTINCflÔN    D1     MUlMiUTII.  20D 

Tels  sont  les  caractères  spéciaux  de  ses  défenses.  Généralement 
très  grandes,  démesurées  même,  ces  défenses  présentaient,  le  plus 
fréquemment  semble-t-il,  une  courbure  si  accentuée  que  sur  bon 
nombre  de  sujets  les  pointes  en  étaient  dirigées  dans  un  sens  tel 
(en  arrière  ou  par  côté)  que  Ton  voit  mal  à  quoi  elles  eussent  pu 
servir;  plutôt  que  des  armes  efficaces,  elles  paraissent  n'avoir  été 
que  des  accessoires  encombrants  (1). 

(1)  Ainsi  amené  à  aborder  ce  sujet  particulier,  je  crois  nécessaire  de  me  livrer  à 
une  digression  quanta  l'usage  des  défenses  des  Proboscidiens. 

Il  a  été  nié  que  ces  défenses  soient  de  véritables  armes.  Il  a  même  été  avancé 
qu'elles  ne  seraient,  pour  les  Éléphants,  que  des  sortes  d'outils  leur  servant  à  se 
frayer  un  chemin  à  travers  l'épaisseur  des  forêts,  et  que  les  pointes  de  ces  dents  à 
croissance  continue  s'émoussant  à  un  tel  travail,  leur  développement  normal  se  trou- 
verait ainsi  limité,  à  la  façon  de  celui  des  incisives  des  Rongeurs.  Dans  cette  hypo- 
thèse, on  concevrait  que  le  développement  démesuré  des  défenses  des  Mammouths 
1  uisse  résulter  de  ce  que  ces  animaux  eussent  vécu  dans  des  régions  où  la  végétation 
forestière  était  trop  peu  dense  pour  offrir  des  causes  suffisantes  d'usure  régulatrice. 
Cette  argumentation  est  ingénieuse;  je  ne  la  crois  pas,  toutefois,  conforme  à  la 
stricte  réalité,  et  je  demande  à  mes  lecteurs  la  permission  d'entrer  ici  dans  quelques 
détails  qui,  éclairant  l'éthologie  des  Proboscidiens  actuel-,  aideront  aussi  à  mieux 
connaître  celle  des  formes  disparues. 

Les  Eléphants  usent  leurs  défenses  volontairement,  en  les  frottant  à  cette  fin  contre 
des  arbres,  par  une  manœuvre  comparable  à  celle  des  Félins  faisant  leurs  griffes. 
Les  défenses  ainsi  aiguisées  (elles  sont  souvent  tout  à  fait  pointues,  ou  terminées  par 
une  sorte  de  biseau  tranchant)  sont  des  armes  très  efficaces  et  dont  les  Éléphants 
usent  fréquemment.  De  par  leur  position,  elles  ne  peuvent  cependant  servir  le  plus 
efficacement  que  contre  des  animaux  ayant  à  peu  près  la  taillede  ceux  mômes  qui  portent 
armes,  aussi  servent-elles  surtout,  concurremmentavecla  trompe,  dans  les  luttes 
que  se  livrent  entre  eux  les  Eléphants.  Ceux-ci,  et  particulièrement  les  mâles,  sont 
assez  corabattifs.  On  est  ainsi  amené  à  considérer  les  défenses  comme  étant  avant  tout 
des  armes  sexuelles  ;  ce  sont  en  effet  les  mâles  qui  eu  sont  le  mieux  pourvus.  11 
semble  rare  que  les  Eléphauts  se  servent  de  leurs  défenses  contre  des  êtres  plus 
petits  qu'eux.  De  ceux-ci,  le  principal,  le  seul  même  sauf  de  rares  exceptions  (fauves 
atl.iquaut  des  jeunes),  qu'ils  aient  à  combaltre,  c'est  l'Homme.  On  ne  sait  que  trop 
comment  ils  se  comportent  vis  à  vis  de  lui  :  le  chargeant,  la  trompe  repliée  entre  les 
défenses  jusqu'à  ce  qu'ils  soient  tout  contre  leur  chasseur,  devenu  leur  victime,  ils 
le  saisissent  alors  de  leur  trompe,  brusquement  étendue,  et,  le  piétinant  en  même 
temps,  l'écrasent  et  arrivent  même  parfois  à  Yécarteler  ;  il  arrive  aussi  que,  le  préci- 
pitant à  terre,  ils  le  percent  de  leurs  défenses. 

L°s  Éléphants  se  servent  parfois  de  ces  organes  pour  fouir  superficiellement:  je  ne 
crois  pas  qu'ils  puissent  s'en  servir  comme  d  outils  pour  se  frayer  un  passage  à  travers 
les  forêts.  Il  est  vrai  que  les  Éléphants  domestiques  s'aident  de  leurs  défenses,  lorsqu'elles 
sont  suffisantes,  pour  certains  travaux,  par  exemple  pour  commencer  à  soulever  une 
poutre  reposant  sur  le  sol  et  qu'ils  enlacent  ensuite  de  leur  trompe;  mais  on  voit  mal 
quel  en  serait  l'usage  contre  des  arbres.  Lorsqu'un  Eléphant  veut  arracher  ou  briser  un 
arbuste  ou  un  arbre,  si  sa  trompe  ne  suffit  pas,  il  appuie  sur  l'obstacle  du  front  ou  de 
l'épaule  (surtout  du  front),  et,pesant  ainsi  de  tout  son  poids,  il  agit  plusefficaeementqu'à 
coups  de  défenses  et  sans  risquer  de  briser  celles-ci,  qui  sont  assez  fragiles.  Il  convient 
aussi  de  se  remémorer  que,  bien  que  très  nomades,  les  Éléphants  suivent,  normale- 
ment au  moins,  des  pistes  constantes,  non  seulement  débroussaillées  par  leur  passage 


20()  11-    M  I   \  n  1  1  . 

Tels  sont  encore  des  caractères,  mal  connus,  je  crois,  jusqu'ici, 
et  que  je  vais  résumer.  Si  le  Mammouth  n'a  pas  présenté  les 
réactions  kératosiques  donnant  à  l'épiderme  des  Éléphants  actuels 
sa  structure  verruqueuse,  vraiment  caractéristique,  il  n'en  semble 
pas  moins  avoir  subi,  lui-aussi,  quelques  réactions  de  même 
nature,  très  localisées  il  est  vrai,  et  qui,  au  lieu  de  réaliser  une 
adaptation,  c'est-à-dire  au  lieu  de  présenter  une  utilité,  étaient 
inadaptatives  au  plus  haut  point.  Déjà,  Tilésius  avait  remarqué 
sur  un  Mammouth  du  Musée  de  Saint-Pétersbourg,  que  les  soles 
plantaires  étaient  «  comme  dilatées  et  foulées  par  le  poids  du 
corps,  en  sorte  qu'elles  remontent  sur  les  bords  du  pied  et  les 
recouvrent  »,  et  Cuvier  (1),  à  qui  j'emprunte  cette  citation,  rap- 
pelle avec  beaucoup  d'à-propos  qu'il  y  avait  «  quelque  chose  de 
semblable  dans  l'Éléphant  de  la  Ménagerie  de  Versailles,  décrit 
par  Perrault  ».  En  règle  générale,  la  sole  du  pied  des  Éléphants 
tend  à  se  rebrousser  en  arrière,  de  façon  à  former,  du  côté 
opposé  à  celui  qui  porte  les  ongles,  un  léger  bourrelet.  Ce  carac- 
tère peut  s'accentuer  anormalement  sur  les  sujets  vivant  en 
ménagerie;  d'après  la  description  et  la  figure  données  par  Per- 
rault (2),  il  semble  bien  que  tel  ait  été  le  cas  de  celui  qu'il 
décrivit,  et  il  est  intéressant  de  voir  que  «  quelque  chose  de  sem- 
blable »  puisse  être  présenté  par  un  Mammouth. 
J'ai  observé,  à  la  périphérie  des  soles  plantaires  du  Mammouth 

habituel,  mais  présentant,  en  saisons  sèches,  un  aspect  remarquablement  uni,  damées 
qu'elles  sont  par  les  larges  pieds  de  ces  gigantesques  animaux  (j'ai  surtout  ici  en  vue 
l'Eléphant  d'Afrique). 

Enfin,  il  arrive  parfois  que  les  défenses  d'Éléphants  présentent  des  anomalies  de 
courbure  dont  certaines  rappellent  ce  que  présentaient  les  Mammouths  ;  j'en  ai 
représenté  de  cette  sorte  (M.  de  Kothschild  et  H.  Nkuvillb.  Sur  une  dent  d'origine 
énigmatique.  Archives  de  Zoologie  expérimentale,  t.  VII,  1907).  Pour  les  Mammouths, 
l'anomalie  tendait  à  devenir  la  règle,  et  cela,  peut-être,  par  suite  de  l'absence  ou 
de  la  rareté  d'arbres  assez  forts  pour  ser\ir  à  la  manœuvre  d'usure  que  je  signalais  ci- 
dessus.  Mais  de  ce  dernier  argument  on  ne  saurait  tirer  aucune  preuve  quant  aux 
caractères  de  la  végétation  :  il  est  avéré  que  les  Mammouths  de  Sibérie  ont  vécu 
au  milieu  d'arbres  d'une  certaine  taille,  de  bouleaux  par  exemple,  et  l'on  peut  voir 
parfois  sur  leurs  défenses  quelques  traces  de  l'usure  dont  je  parlais  ci-dessus,  pro- 
duite par  frottement  volontaire  contre  des  arbres. 

Ouoi  qu'il  en  soit,  les  défenses  des  Mammouths  ne  devaient  être,  je  le  répète,  que 
des  accessoires  plus  encombrants  qu'utiles.  S'il  n'y  a  pas  là  un  l'ait  de  véritable  dégé- 
nérescence, le  résultat  n'en  a  pas  moins  dû  être  plutôt  nuisible  que  favorable  à  la 
conservation  de  l'espèce. 

(S)  (tssements  fossiles,  .le  otte d'après  la  4'  édition,  t.  Il,  Paris,  183i,  p,  2M. 

(2)  Description  anatomique  d'un  Eléphant  mile.  Mémoires  de  tAcaâémU  royale  des 
Hciences.  t.  III,  3'  partie  (11)1),  p.  91-15H  (voy.  p.  103-101  cl  pi.  XIX). 


DE   il  \  i  i\<  i  ion    ni     ftfAMMOl  TH.  2°7 

offert  au  Muséum  par  le  comte  Steubok-Fermor,  non  pas  un  sim- 
ple bourrelet,  mais  des  excroissances  cornées  formant  des  sortes 
d'ongles  surnuméraires,  démesurément  longs,  parfois  rebroussés, 
coexistant  avec  de  vrais  ongles  et  leurs  ressemblant  à  tel  point  qu'il 
peut  être  relativement  difficile  (Je  les  en  distinguer.  J'ai  en  outre  pu 
faire,  sur  an  Éléphant  d'Asie  ayant  vécu  à  la  Ménagerie  du  Muséum 
de  Paris,  nue  observation  corroborant  celle  de  Perrault  et  me  per- 
mettant d'assimiler  sans  hésitation  ces  anomalies  des  Éléphants 
de  ménageries  à  celles  que  présentaient  les  Mammouths  (1). 

La  présence  des  bourrelets  ou  des  excroissances  cornées  qui 
entouraient  ainsi  les  soles  plantaires  de  ces  derniers  Proboscidiens 
devait,  surtout  au  degré  excessif  montré  par  certains  sujets,  gêner 
singulièrement  la  marche,  même  en  terrain  presque  dénudé,  et  la 
rendre  à  peu  près  impossible  en  terrain  broussailleux.  La  difté- 
rence  est  grande  entre  ces  dispositions,  que  l'on  peut,  je  crois, 
qualifier  de  maladives,  et  les  caractères  adaptatifs  que  présentent 
certains  Ongulés  habitués  à  vivre  dans  des  régions  marécageuses, 

(t)  Ici  encore,  je  crois  devoir  me  livrer  à  une  digression  relative  aux  termes  de 
comparaisons  fournis  par  les  Eléphants  actuels. 

Chez  ceux-ci,  le  nombre  des  ongles  est  soumis  à  de  fréquentes  variations  indivi- 
duelles. 11  est  classique  —  mais  erroné  —  d'admettre  que  l'Eléphant  d'Afrique  possède 
quatre  ongles  aux  pieds  antérieurs  et  trois  aux  pieds  postérieurs,  tandis  que  l'Elé- 
phant d'Asie  en  possède  cinq  aux  premiers  et  quatre  aux  seconds.  Ces  nombres  ne 
son)  pas  constants.  Surtont  chez  l'Éléphant  d'Asie,  mieux  connu  que  son  congénère 
africain,  il  peut  exister  quatre  ongles  «î  chaque  pied,  ou  cinq,  ou  quatre  en  avant  et 
Cinq  en  arrière  contrairement  au  type  admis.  Aristote,  observant  les  rapports  de  ces 
ongles  avec  les  doigts,  avait  avancé  que  ce  ne  sont  pas  de  vrais  ongles  ;  cette  man  ère 
de  voir  peut  s'appliquer  surtout  aux  ongles  surnuméraires  que  l'Éléphant  présente 
parfois,  de  même  que  le  Mammouth.  La  description,  déjà  citée,  de  Perrault,  est  très 
instructive  à  cet  égard  :  l'Éléphant  de  Versailles  (originaire  du  Congo)  présentait  de 
telles  productions  pseudo-unguéales,  ayant  jusqu'à  treize  pouces  de  long,  et  «  tournés 
d'une  façon  fort  bizarre  »  ;  «  on  avait  été  obligé,  ajoute  Perrault,  de  les  scier, 
parce  que  cette  excroissance  embarrassait  l'Éléphant  en  marchant  »  {loc.  cit.,  p.  104). 
Dans  le  cas  de  ce  genre  que  j'ai  observé  sur  un  Éléphant  d'Asie,  les  ongles,  de  même 
que  sur  le  Mammouth,  présentaient  une  paroi  irrégulière,  portant  des  bourrelets 
transversaux,  très  inégaux,  dont  la  présence  et  les  caractères  attestaient  une  crois- 
sance faite  par  à-coups;  cette  partie  n'était  pas,  à  proprement  dire,  hypertrophiée, 
sinon  en  longueur;  celle  qui  est  dite  kérapkylle  s'étendait  de  la  base  jusqu'à  l'extré- 
mité de  1  ongle.  Le  tout  port  lit  les  marques  d'un  développement  désordonné  et  non 

-  d'une  simple  hypertrophie.  Les  productions  ainsi  formées,  sont  —  j'y  insiste,  — 
tout  à  fait  inadaptatives. 

Encore  une  fois,  de  telles  anomalies,  poussées  à  de  tels  points,  sont,  pour  l'Élé- 
phant, le  résultat  de  la  vie  en  ménagerie,  tandis  que  pour  le  Mammouth  de  Sibérie 
••Iles  étaient  naturelles,  liées,  vraisemblablement,  à  des  conditions  particulières  d'ha- 
bitat, auxquelles  il  était  incapable  de  réagir  par  acquisition  de  caractères  adaptatifs 
et  qui  ont  fini  par  entraîner  sa  disparition. 


20S  Iî.    NEUVILLE; 

les  L?m?iotragus  par  exemple.   C'était  là,  pour  les  Mammouths, 
une  cause  d'infériorité  qu'il  me  semble  nécessaire  de  signaler. 

Devant  l'ensemble  des  conditions  ainsi  énumérées,  est-il  encore 
possible  de  considérer  le  Mammouth  comme  ayant  subi  une 
adaptation  lui  conférant  une  résistance  particulière  aux  rigueurs 
de  l'habitat  sous  un  climat  glacial  ?  Je  ne  le  crois  pas. 

S'il  avait  pu  fuir  devant  l'invasion  du  froid  et  gagner  des 
régions  tempérées  ou  chaudes,  peut-être  y  aurait-il  survécu,  tout 
comme  les  Eléphants  actuels  dont  il  s'avère,  dans  l'ensemble,  si 
proche  parent.  Mais  il  n'avait  probablement  pas  la  faculté  d'adap- 
tation que  nous  voyons  exister  chez  les  Eléphants  et  dont  nous 
pouvons  analyser  d'importants  détails.  N'ayant  pu,  pour  des 
motifs  dont  la  recherche  m'échappe,  abandonner  des  régions 
devenues  pour  lui  particulièrement  inhospitalières,  le  Mammouth 
a  peut-être  subi  les  effets  d'une  alimentation  devenue  de  plus  en 
plus  difficile  de  par  l'appauvrissement  graduel  de  la  végétation. 
Il  a,  en  tout  cas,  subi  d'une  manière  tout  spécialement  inexorable 
les  atteintes  du  froid,  contre  lequel  il  était  mal  protégé.  Dans  l'en- 
semble, ce  froid  a  dû  faire  dégénérer  l'espèce;  en  outre,  les  acci- 
dents individuels  qu'il  provoquait  devaient  être  fréquents. 

On  a  cherché  à  approfondir  les  causes  de  la  mort  de  certains 
des  sujets  retrouvés  congelés.  Des  traumatismes,  provoqués  par 
chutes  dans  des  fondrières  ou  par  des  éboulements,  ont 
certainement  entraîné  la  mort  de  maints  de  ces  sujets.  Le  Mam- 
mouth de  la  Beresowka  en  offre,  semble-t-il,  un  bon  exemple  :  des 
fractures  multiples,  avec  ruptures  vasculaires  et  larges  hémorra- 
gies, le  tout  semblant  indiquer  un  choc  violent,  comme  celui  que 
produit  la  chute  d'un  lieu  élevé,  ont  pu  être  observées  sur  lui  dans 
des  conditions  ne  paraissant  pas  laisser  prise  à  la  critique. 

Brandt  avait  cru  pouvoir  soutenir,  en  1846,  d'après  l'état,  et 
notamment  d'après  la  coloration,  du  contenu  des  vaisseaux 
sanguins  de  la  tête  d'un  Rhinocéros  lichor/rinus,  trouvé  dans  des 
conditions  identiques  à  celles  où  Ton  retrouve  les  restes  des  Mam- 
mouths, que  cet  animal  était  mort  asphyxié.  On  s'est  basé  sur  cet 
exemple  pour  attribuer  à  l'asphyxie  par  immersion  la  mort  des 
Mammouths  retrouvés  de  nos  jours  et  voir  là  une  preuve  de 
cataclysmes  diluviens.  Des  accidents  mortels,  par  immersion  dans 
l'eau  ou  enlisement  dans  la  vase,  ont  pu  être  fréquents,  sans 
d'ailleurs  qu'il  soit  nécessaire  de  les  considérer  comme  liés  à  des 
cataclysmes.    Remarquons    toutefois   qu'ici   encore    ce   sont  des 


Dl     l    EXTINCTION     DU    M.VMMOI   I  II .  :>(><) 

apparences  illusoires  qui  ont  fourni  matière  à  explication.  Il  a  été 
autrefois  attribué  une  importance  capitale  à  la  coloration  lu  sang 
pour  déterminer  la  mort  oar  asphyxie;  certains  vieux  Maîtres  de 
la  médecine  légale  ont  été  imbus  de  cette  notion,  que  Brandt 
appliquai!  à  son  Rhinocéros.  Mais  il  est  maintenant  prouvé,  pour 
l'Homme,  que  «  s'il  peut  exister  quelque  dilïérencc  de  coloration 
(du  sang)  au  moment  de  la  mort,  d'un  genre  de  mort  à  l'autre, 
cette  diiïérence  s'efface  dans  le  temps  qui  s'écoule  entre  la  mort 
et  l'autopsie  »  (1)  :  les  congestions  locales  elle-mêmes  n'ont  pas 
plus  de  valeur  caractéristique  Je  rappellerai  en  outre  que  l'état 
du  sang,  tel  que  Gautrelet  et  moi  l'avons  décrit  chez  un  Mam- 
mouth [loc.  cit.),  ne  permet  que  des  investigations  fort  limitées. 
Les  cadavres  des  Mammouths  sont  loin  d'être  retrouvés  en 
parfaite  conservation  ;  il  n'en  est  généralement  exhumé  que  des 
lambeaux,  où  la  peau,  la  chair  et  les  cartilages  sont  parfois  dans 
un  état  apparent  de  fraîcheur;  quant  au  reste,  il  est  détruit  pu 
profondément  altéré.  Gléboff  (1846),  avait  cru  y  retrouver,  notam- 
ment, des  globules  sanguins  et  des  éléments  nerveux  :  mais  ces 
globules  n'étaient  que  poussières,  et  ces  éléments  nerveux  que 
fragments  mycéliens  de^champignons  saprophytes. 

Toutes  les  causes  banales  de  la  mort  par  le  froid  ont  dû  agir 
sur  le  Mammouth.  La  neige,  les  pluies  glaciales,  pouvaient  péné- 
trer la  fourrure  singulière  dont  il  était  revêtu  ;  celle-ci  devait 
alors  se  transformer  en  un  véritable  manteau  de  glace,  non  point 
seulement  d'une  manière  superficielle,  mais  jusqu'au  contact 
immédiat  de  l'épiderme,  dépourvu  lui-même  de  la  protection  si 
efiicace  réalisée  ailleurs  par  l'épanchement  continuel  du  sébum  et 
de  la  sueur. 

Enfin,  il  ne  me  semble  pas  que  Ton  puisse  considérer  le  carac- 
tère fondamental  de  la  peau  du  Mammouth,  c'est-à-dire  l'absence 
de  glandes  cutanées,  comme  développé  progressivement  dans 
cette  espèce,  dont  les  premiers  représentants  eussent  été,  dans 
celte  hypothèse,  mieux  protégés  que  les  derniers.  Nous  voyons 
exister  le  même  caractère  sur  les  Éléphants  actuels;  il  doit  être 
fort  ancien  et  a  dû  apparaître  au  fur  et  à  mesure  que  s'effectuait 
la  différenciation  du  type  Proboscidien,  comme  ont  dû  le  faire 
également  d'autres  caractères  si  spéciaux,  si  aberrants  même, 
dont  le  plus  étrange  est,  je  crois,  cette  oblitération  des  cavités 

Thoinot.  Précis  de  Médecine  léjale.  Paris,  1913,  1er  vol.,  p.  615-616. 
l'aythkopologie.  —  t.  xxix.  —  1918.  —  1919.  14 


II.       M   I    \  I  '    l   l 

pleurales  que  présentent  normalement  dès  la  naissance  (les  fœtus 
ne  la  présentent  qu'assez  tard)  les  Eléphants  d'Afrique  et  d'Asie, 
et  qu'ils  sont  seuls  à  posséder,  quelle  que  soit  l'extension  que  l'un 
ait  tenté  d'attribuer  à  ces  dispositions. 

En  résumé,  tant  que  le  milieu  extérieur  fut  assez  clément  pour 
permettre  au  Mammouth  de  ne  point  soutïrir  des  causes  d'infé- 
riorité dont  il  était  frappé,  l'évolution  de  l'espèce  a  pu  s'accom- 
plir non-seulement  sans  encombre,  mais  avec  assez  de  puissance 
pour  avoir  passagèrement  assuré  le  règne  de  ces  sujets  dont  la 
taille  gigantesque  a  peut-être  atteint  celle  des  plus  formidables 
Eléphants  actuels,  qui  peuvent  mesurer  près  de  4  mètres  au  gar- 
rot (I).   Quelle  différence   entre  de  tels    sujets  et   celui    qu'ont 

(1)  M.  Boule  me  fait  remarquer  à  ce  sujet  qu'il  convient  de  n'accepter  qu'avec  les 
plus  grandes  réserves  certains  renseignements  attribuant.au  Mammouth  une  taille 
gigantesque.  La  question  »aut  qu'on  s'y  arrête,  et,  pour  la  trancher  dans  la  mesure 
du  possible,  je  crois  devoir  fournir  ici  quelques  données  numériques. 

Il  a  été  autrefois  admis  que  le  Mammouth  pouvait  dépasseï  5  mitres  au  garrot  et 
porter  des  défenses  longues  de  7  mètres,  pesant  chacune  près  de  200  kilogrammes; 
il  semble  qu'il  y  ait  eu  là  une  pari  d'exagération,  et  en  certains  cas  meme.de  confu- 
sion entre  1  E.  primigenius  et  d'autres  Probescidiens  disparus.  En  opposition  avec  ces 
exagérations,  il  a  été  avance  que  la  taille  du  Mammouth  ne  devait  pas  excéder  celle 
de  l'Éléphant  d'Asie  actuel  (\Voouwaiu>.  Oui/mes  oj  Paiaeontology.  Cambridge,  189S, 
p.  307  :  «  T/te  txtinct  species  (Mammouth)  does  not  appear  lo  hâve  e.rceeded  tlie 
modem  mdian  Eléphant  in  sizt;  »).  La  taille  maxima,  au  garrot,  de  cette  dernière 
espèce  est  d'environ  2m,90,  maximum  très  rarement  atteint  d'ailleurs.  D  après  leurs 
squelettes  montés,  le  Mammouth  d'Adams,  provenant  de  l'embouchure  de  la  Léua 
mesure  un  peu  plus  de  3  métro  au  garrot,  et  celui  du  comte  Stenbok-Fermor,  pro- 
venant des  îles  Liakhow,  c'esl-a-dire  d'un  gisement  un  peu  plus  septentrional,  ne 
mesure  que  2m,fi0. 

Mais  il  est  incontestable  que  d'autres  Mammouths  (je  n'envisage  ici  que  ceux  des 
Mammouths  de  Sibérie  que  l'on  retrouve  actuellement  congelés)  atteignaient  une 
taille  supérieure.  Laissant  de  côté  tous  renseignements  (pie  je  ne  pourrais,  appuyer 
de  mensurations  authentiques,  je  me  bornerai  à  signaler  quelques  données  fournies 
par  les  dimensions  des  défenses. 

Il  n'y  a  pas  de  rapport  constant  entre  la  taille  d'un  Proboscidien  et  les  dimensions 
de  ses  défenses  :  de  très  grands  sujets  peuvent  n'avoir  que  de  très  petites  défenses. 
Hais  I  inverse  ne  peut  être  soutenu  :  un  Eléphant  de  très  petite  taille  ne  pourrait 
supporter  la  charge  de  très  grandes  défenses.  .le  dois  m'empresser  d'ajouter  qu'ici 
même  il  ne  saurait  être,  fixé  une  règle  de  proportion  et  le  cas  du  Mammouth  en  est 
je  crois  la  preuve.  D'après  les  comparaisons  fournies  par  les  Eléphants  actuels,  celui- 
ci,  je  le  répète,  portail  des  défenses  tout  à-fait  disproportionnées  à  sa  taille  (voy. 
ci-dessus,  p.  203  .  Bous  cette  réserve,  il  me  parait  impossible  de  ne  pas  considérer  cer- 
taines défenses  gigantesques  de  Mammouths  comme  ayant  appartenu  à  des  sujets  de 
taille  supérieur.!  àcelle,  i\r+  Mammouths  d'Adams  et  de  StenboK  -Ferinor.  Les  Records 
de  \V\HD  signalent  une  défense  de  Mammouth  ayant  3m,65  de  long  et  0m,48  de  circon- 
férence maxima,  et  une  autre  ayaol  3œ,33  do  long,  ûm,B3  de  circonférence  et  pesant 
19  kilogrammes.  Ces  données  sont  déjà  très  supérieures  à  celles  que  fournissent  les 
Eléphants  d'Asie,  avec  un  maximum  de  longueur  de  2m,7l,  un  maximum  de  circonlé 


DE  l'eXTINCIÎ  JN    Dl      M  \MMoi   I  II.  •  ,  , 

Lrouvé   les  prospecteurs  du  comte   Stenbok-Fermor  1   De  tels 

présentants  de  l'espèce  étaient-ils  les  descendants  dégénérés  des 
premiers?  C'esl  possible.  Il  serait  même  tentant,  de  dire  que  c'est 
probable.  Soyons  cependant  prudents  à  ce  sujet,  et,  pour  nous 

irtifîer  dans  cette  prudence,  cherchons  à  supputer  les  condi- 
tions dans  lesquelles  des  questions  identiques  se  poseront  aux 
paléontologistes  de  l'avenir. 

Lorsque  ceux  ci  exhumeront  de  certaines  contrées  de  l'Afrique, 

;    exemple  de  certains   points   du  bassin   de  la  Sobat,   ou  de 

rtains  parages  du  lac  Rodolphe,  les  restes  des  Eléphants  qui  y 
vivent  maintenant,  ils  ('prouveront,  devant  ces  restes  colossaux 
d'un  Mammifère  alors  disparu,  la  stupéfaction  que  causa  à  leurs 
prédécesseurs  la  découverte  du  Diplodocus.  Et  lorsqu'ils  retrou- 

ront,  dans  d'autres  régions  relativement  peu  éloignées  des 
précédentes,  par  exemple  en  certains  points  du  Somâl,  des  restes 
«1  Éléphants  de  taille  sensiblement  moins  élevée  et  de  formes  plus 
rama-  ils     chercheront    vraisemblablement    les    rapports 

pouvant   exister  entre  ces    formes.    Peut-être  la   géologie    et  la 

léontologie  leur  enseigneront-elles  que  l'Afrique  subissait  à 
notre  époque  un  dessèchement  progressif,  et  que  ce  dessèchement 
était  en  voie  d'achèvement  dans  le  Somâl,  tandis  que  les  parages 
précédemment  cités  étaient  encore  assez  largement  arrosés,  en 
partie  même  marécageux;  peut-être  seront  ils  ainsi  portés  à 
considérer  que  les  différences  de  végétation   dues  à  ces  causes 

tient  mis  en  état  d'infériorité  les  Eléphants  du  Somàl,  et  que, 

par  exemple,  notre  Loxodon  africanus  orleansi  ne  serait  qu'un 

représentant  dégénéré  du  groupe  des  L.  a.  knockenhaueri,  peeli, 

i,  ihhi,  oxyol'S...  Or  nous  savons  qu'il  n'en  est  pas  ainsi.  Le 

mier    de    ces    Éléphants  est  un    animal  de    montagne,   très 
ml. nste,  très  vif,  rendu  particulièrement  combattif  par  certaines 


I  un  poils  maximum  de  48  kilogrammes.  Mais  une  défense  de  Mam- 

iflible  dans  les  Galeries  d'Anatomie  comparée  du  Muséum  de  Paris,  dépasse 

bien  que  sciée  à  La  base  et  brisée  à  la  pointe,  elle  mesure,  sur  le 

courbure,  3»,62,  el  sa  longueur  totale  devait  avoisiner  3»», 90  ;  sa  cir- 

maxima  atteinl  0™  60.  Si  démesurée  qu'ait  été  cette  défense  par  rapport  à 

ijet  dont  elle  provient,  celui-ci  devait,   pour    réussir  à  porter  une  paire 

jette  importance,  être  beaucoup  plus  grand  que  ceux  dont  la  hnu- 

citée.  J'ajouterai  que  ce  dernier  sujet  provient  des  bords  de  In  Ko- 

iis  malheureusement  préciser  pi  us  exactement  sa  provenance  :  celle-ci, 

un  pe  i  plus  méridionale  que  celles  des  Mammouths  d'Adams  el  de 

i      mor. 


2  12  II       M.n  UJ.l  . 

conditions  d'insécurité,  mais  qui  trouve  encore,  là  où  il  vit,  une 
provende  suffisante,  et  qui  est  tout  le  contraire  d'un  animal 
dégénéré. 

Ne  nous  hâtons  donc  pas  d'établirde  telles  relations  entre  les  plus 
grands  Mammouths  de  Sibérie  et  quelques  rares  petits  spécimens, 
ces  derniers  fussent-ils  trouvés  dans  l'extrême  Nord  de  cette  région. 
Souhaitons  que  de  nouveaux  matériaux  viennent  fournir,  à  ce 
sujet,  de  nouveaux  documents.  Souhaitons  surtout  que  de  tels 
matériaux  soient  recueillis  avec  les  soins  les  plus  extrêmes,  et  que 
les  conditions  de  leur  état  et  de  leur  gisement  soient  très  exacte- 
ment déterminées.  En  attendant,  il  est  permis  de  considérer  l'ex- 
tinction du  Mammouth  comme  devant  s'être  faite  progressivement, 
par  une  dégénérescence  résultant  du  défaut  d'adaptation  au  froid, 
que  devaient  aggraver  quelques  autres  causes  ^'infériorité,  et 
qu'accélérait  peut-être  une  raréfaction  graduelle  de  la  nourriture. 


CONTRIBUTION  k 
L'ÉTUDE    DES   CELTES 


PAR 


Maurice  PIROUTET 


CHAPITRE  Ier 


PREMIÈRES  RELATIONS  DES  GRECS  AVEC  LES  CELTES 
A  QUELLES  PEUPLADES  S'APPLIQUAIT  PRIMITIVEMENT  LE  NOM 

DE  CELTES? 


Il  est  peu  de  sujets  sur  lesquels  on  ait  plus  écrit  et  plus  discuté 
que  les  Celtes.  Tour  à  tour,  historiens,  philologues,  archéologues, 
etanthropologistes  s'en  sont  occupés  sans  arriver  à  se  mettre 
d'accord.  Le  désaccord  est  dû  à  ce  qu'ils  ont  pris  comme  point  de 
départ  de  leurs  recherches  les  peuples  ayant  porté  le  nom  de 
Celtes  à  des  moments  différents  de  l'emploi  de  cette  appellation, 
comme  si  les  Celtes  d'une  époque  donnée  étaient  forcément  la 
même  chose  exactement  que  ceux  d'une  autre;  certains  même 
allant  encore  plus  loin  et  nous  montrant  les  Celtes  dans  des 
périodes  reculées  où  ce  nom  n'existait  même  très  probablement 
pas  encore. 

Lorsqu'on  veut  entreprendre  une  étude  de  ce  genre,  il  est  bon 
de  chercher  tout  d'abord  des  exemples  bien  connus  et  de  s'y 
reporter.  C'est  ainsi  que,  si  nous  voulions  rechercher  ce  qu'étaient 
originairement  les  Francs,  ce  ne  sont  pas  les  Français  d'aujour- 
d'hui ^qu'il  nous  faudrait  étudier  et  prendre  comme  type,  et  il 
serait  nécessaire  de  nous  rappeler  que  les  Francs  de  l'époque 
carolingienne  eux-mêmes  étaient  déjà  différents  de  ceux  contem- 
porains de  Clodion  et  parlaient  une  langue  tout  à  fait  distincte  de 
celle  de  ces  derniers,  ainsi  que  nous  le  montre  d'une  manière 

l'anthropologie.  —  T.  XXIX.  —  1913. 


ot'i  mvurtce  pïroutet. 

tout  à  fait  irréfutable  le  «  serment  de  Strasbourg  ».  De  même,  la 
France  primitive  (Francia),  ou  habitat  primitif  des  Francs,  était 
tout  autre  que  la  France  actuelle  et  son  territoire  ne  se  trouve 
même  pas  inclus  dans  celle  ci.  Enfin,  nous  n'avons  nullement  le 
droit  de  parler  des  Celtes  à  une  date  bien  plus  reculée  que  celle 
où  nous  apparaît  ce  nom  pour  la  première  fois.  Nous  devons,  à 
ce  propos,  considérer  que  les  peuples  barbares  changeaient 
facilement  de  nom  pour  une  cause  ou  pour  une  autre,  notam- 
ment quand  ils  se  groupaient  entre  eux  d'une  manière  différente 
de  celle  précédente;  nous  devons  nous  souvenir  aussi  que  bien 
peu  des  noms  des  peuples  germains  de  l'époque  des  grandes  inva- 
sions se  trouvent  déjà  dans  rémunération  de  Tacite,  sans  que, 
pour  autant,  ceux  du  temps  des  premiers  Césars,  aient  totalement 
disparu  sans  laisser  de  descendants  dans  le  pays.  Il  faut  encore 
nous  rappeler  que  les  Bulgares,  lorsqu'ils  apparaissent  dans  l'his- 
toire, sont  un  peuple  fînno-tatar,  tandis  que  les  Bulgares  actuels 
sont  un  peuple  ethniquement  en  presque  totalité  slave,  l'élément 
primitif  ayant  fini  par  être  noyé  et  absorbé  dans  une  masse  de 
population  slave  qui  s'est  substituée  à  lui,  et  que  la  langue  bul- 
gare moderne  est  une  langue  slave. 

De  ces  exemples,  il  ressort  que,  si  nous  voulons  savoir  ce 
qu'étaient  en  réalité  les  véritables  Celtes,  les  Celtes  primitifs,  ce 
n'est  pas  ceux  qui  portaient  ce  nom  au  temps  de  César,  ni  à  celui 
de  Polybe,  ni  même  ceux  qui  prirent  et  brûlèrent  Rome  que  nous 
devons  étudier,  mais  plutôt  ceux  de  l'époque  où  leur  nom  apparaît 
pour  la  première  fois.  Or.  comme  c'est  par  des  auteurs  helléniques 
que  nous  est  parvenue  la  plus  ancienne  connaissance  de  peuples 
ainsi  nommés,  nous  devons  donc  rechercher  à  quelles  populations 
les  Grecs  appliquaient  alors  cette  dénomination. 

Lorsque  les  Crées  entrèrent  en  relations  avec  les  Celtes  et  eurent 
connaissance  de  leur  existence,  ils  firent  alors  de  ce  nom  une 
appellation  collective  sous  laquelle  ils  désignèrent,  outre  celles 
auxquelles  s'appliquait  avec  raison  cette  dénomination,  tout 
l'ensemble  des  populations,  nouvelles  pour  eux,  de  l'Ouest  et  du 
Nord  de  l'Europe,  autres  que  les  peuplades  du  groupe  ibérique.  11 
en  résulte  que  les  Celles  véritables  constituaient  le  dernier 
groupement  important  connu  d'eux  dans  celle  direction,  soit 
que  les  conn  géographiques  des  Gn  lussent  trouvées 

limitées  à  rcw\  ci,    soil   qu'au  delà   ils   n'eussent   notion  que  de 
l'existence  de  quelques  peuplades  de  trèa  minime  importance, 


(i  iN  I  Ull',1    VU  >X      <k     I     I    I  I    h!      DES     (Il    II  2  13 

D'un  autre  côté,  pour  que  le  nom  de  Ccltesful  alors  employé 
d'une  manière  aussi  largement  cotnpréhensive,  il  faut  que  le 
groupement  des  peuplades  y  ayant  réellement  droit  ait  possédée 
ce  moment  une  extension  el  une  importance  suffisamment 
considérables.  Il  faut,  en  outre,  que  ees  peuplades  aient  été  établies 
depuis  déjà  un  certain  laps  île  temps  dans  au  moins  une  bonne 
partie  de  leur  territoire  pour  que  celui-ci  ait  pris  le  nom  de 
tique,  car  la  substitution,  pour  un  pays,  d'un  nom  nouveau  au 
nom  ancien  ne  se  fait  pas,  du  jour  au  lendemain.  Enfin,  parmi 
les  populations  que  nous  voyons  comprises  sous  cette  dénomi- 
nation aux  époques  postérieures,  il  en  est,  on  peut  l'affirmer,  et 
peut  être  même  beaucoup,  qui  n'ont  adopté,  ou  auxquelles  on  n'a 
appliqué  cette  appellation,  qu'à  une  date  plus  tardive  que  l'appa- 
rition de  la  Celtique  ou  des  Celtes  dans  les  textes;  on  ne  doit  donc 
ici  eu  tenir  aucun  compte  non  plus  que  de  tous  les  faits  signalés 
comme  particuliers  à  la  Celtique,  lorsque  nous  ne  savons  si 
l'auteur  entend  parler  de  celle-ci  Info  ou  stricto  sensu  (1). 

Ainsi  les  premières  populations  qui,  suffisamment  connues  des 
«ores,  furent  désignées  tout  d'abord  par  ceux-ci  sous  le  nom  de 
Celtes  sont  certainement  celles  dont  tel  était  bien  le  nom. 


Les  Celtes  d'Hécatée  de  Milet  et  les  relations  commer- 
ciales, au  vi  siècle,  entre  les  Grecs  et  les  peuplades 
du  groupe  hallstattien  occidental. 

Le  premier  auteur  qui  fasse  mention  des  Celtes,  ou  plus  exacte- 
ment de  la  Celtique,  est  Hécatée  de  Milet  qui  écrit  «  Massalia, 
ville  de  la   Ligystique,  proche   de   la    Celtique   »    (2).    Celui-ci 

(1  »  Tel  par  exemple  le  cas  d'Aristote  à  propos  des  Anes.  Cet  auteur  déclare  dans  un 
qu'en  Celtique  il  n\  a  pns  d'Anes  à  cause  de  la  rigueur  du  climat,  et  aillenrs 
il  écrit  que  l'âne  ne  se  reproduit,  pns  à  cause  du  froid  chez  les  Celtes  qui  habitent 
au-dessus  des  Ibères  (Aristote  llist.  anim.  28  De  yen  anim.  Il,  v,  cf.  A.  Ber- 
tbam)  et  S.  Reinach,  Ces  ('cites,  Paris  189't,  p.  Ci).  On  pourrait,  se  demander  com- 
ment l'on  peul  savoir  que  l'âne  ne  se  reproduit  pas  s'il  n'en  existe  pas  dans  le  pays, 
ou  s'il  l.ml  comprendre  que  les  Celtes  vivant  au-dessus  des  Ibères  habitent  une 
tirée  différente  delà  Celtique  telle  que  l'entend  l'auteur.  — Une  autre  raison  pour 
laquelle  il  n'es!  guère  possible  de  tirer  un  renseignement  certain  de  ces  textes  est 
que  les  climats,  dans  nos  régions,  peuvent  fort  bien  au  temps  d'Aristote  avoir  été  tout 
dit!  qu'ils  sont  maintenant.   En   outre,  peut-être  n'a-ton    pu    réussir  à 

limater  L'âne  qu'après  une  série  d'essais  infructueux. 

tée   cite  bien  aussi  cbez  les  Celtes    une  ville  qu'il  nomme  Nyrax,  Certains 


2ï6  MAURICE    PIROUTET. 

écrivant  vers  500  ans  avant  Jésus-Christ  (né  vers  550  et  mort  vers 

475),  on  peut  en  conclure  que  ses  renseignements  se  rapportent 
à  la  deuxième  moitié  du  vie  siècle  avant  notre  ère.  Le  problème  à 
résoudre  consiste  donc  à  chercher  quelles  sont  les  populations  de 
l'Europe  occidentale  proche  voisines  des  Ligures,  constituant  un 
groupement  assez  homogène  et  important,  et  suffisamment 
connues  des  Grecs  dans  la  deuxième  moitié  du  vie  siècle  avant 
notre  ère. 

Or,  dans  ce  qui  portera  longtemps  encore  après  le  nom  de 
Celtique,  des  peuplades  constituant  un  ensemble  très  important, 
que  l'archéologie  nous  montre  indiscutablement  différentes  de 
celles  alors  dénommées  Ligures  par  les  Grecs,  étaient  déjà  en 
rapports  fréquents  avec  ces  derniers.  Ce  sont  celles  qui  ont  élevé 
les  très  nombreux  tumulus  de  la  période  récente  de  Hallstatt  en 
Bourgogne,  en  Franche-Comté,  en  Alsace,  sur  le  Plateau  suisse, 
dans  l'Allemagne  du  Sud,  ainsi  que  clans  quelques  autres  contrées 
limitrophes  des  précédentes;  on  y  peut  distinguer  des  groupes 
locaux,  mais  il  y  a  là  un  ensemble  des  plus  nets  et  très  remar 
quable. 

Si  de  la  découverte  de  quelques  vases  en  bronze  d'origine 
hellénique,  deci  delà,  dans  certains  de  ces  tumulus,  il  ne  s'ensuit 
pas  nécessairement  qu'il  ait  existé  des  rapports  tels  que  le  peuple 
fabricant  ait  connu  le  nom  des  populations  qui  recevaient  ses 
produits  manufacturés,  le  nombre  relativement  élevé  de  sem- 
blables découvertes  révèle  un  mouvement  commercial  assez 
intense  pour  rendre  cette  supposition  infiniment  probable.  Le 
très  remarquable  groupement  d'un  certain  nombre  de  ces  trou- 
vailles (qui  sont  loin  d'être  les  seules  dans  l'Allemagne  du  Sud), 
dans  une  région  assez  restreinte,  située  sur  le  Haut  Danube 
(7  chaudrons  et  4  bassins  à  Hundersingen  et  une  œnochoé  à 
Vilsingen,  à  peu  de  distance.  Voir. T.  Dkchelrtte,  Manuel  d'Arch, 
t.  If,  3e  partie,  note  additionnelle  et  carte)  interdit  de  voir  là 
autre  chose  que  le  résultat  de  relations  très  développées  avec  les 

veulent  qu'il  s'agisse  ici  de  Noréia,  mais  c'est  Fà  une  simple  supposition  sans 
autre  l>ase  qu'un  rapprochement  tout  arbitraire  entre  deux  noms  propres  et  qui  me 
paraît  très  Fantaisiste. 

Les  raisons  invoquées  contre  l'authenticité  du  passnge  d'Hécatée  dont  il  est  question 
ici  me  paraissent  bien  loin  d'être  concluantes,  et  reposent  sur  une  simple  supposition 
gratuite.  Le  seraient-elles,  il  n'en  demeurerait  pas  moins  qu'Hécatée  connaissait  l'exis- 
tenco  de  Celtes  puisqu'il  indique  le  nom  d'une  de  leurs  villes  dans  un  autre  pas- 
sade. 


i  'n\  rRIBI   noN     v    l    ET!  DE    DE      l  II  il  217 

régions  méridionales.  —  On  peut  toutefois  se  demander  si  ces 
produits  du  travail  hellénique  ne  sont  pas  parvenus  là  par  l'in- 
termédiaire de  l'Italie  et  en  franchissant  les  cols  des  Alpes  et  la 
Suisse.  La  chose  est  d'autant  plus  possible  que  des  vases  en 
bronze  de  même  époque  ou  plus  anciens,  d'origine  italique,  ont 
été  rencontrés  également  dans  des  tombelles  de  l'Allemagne  du 
Sud,  delà  Suisse  et  delà  Bourgogne  (A}  (1).  Cela  ne  fait  que 
rendre  plus  probable  la  connaissance  des  peuplades  de  ces  régions 
par  les  populations  de  l'Italie  septentrionale,  qui  auraient  servi 
d'intermédiaires,  et  d'où  cette  connaissance  n'a  guère  pu  manquer 
de  se  transmettre  aux  Grecs. 

En  Franche  Comté,  si  les  découvertes  semblables  font  jusqu'ici 
défaut  dans  les  sépultures  du  premier  âge  du  fer  (B),  il  n'en  faut 
accuser  que  le  rôle  presque,  et  souvent  môme  complètement, 
insignifiant  qu'y  joue  la  poterie  dans  le  mobilier  funéraire.  Les 
tombelles  ayant  renfermé  soit  des  vases  complets  ou  à  peu  près 
complets,  soit  des  fragments  notables  ou  une  série  de  tessons 
d'un  même  vase,  sont  des  exceptions;  le  plus  souvent,  presque 
toujours  même,  la  poterie,  lorsqu'elle  ne  fait  pas  complètement 
défaut,  ce  qui  est  extrêmement  fréquent,  est  représentée  par  de 
très  rares  et  le  plus  souvent  très  minimes  et  insignifiants  tessons. 
On  conçoit  que,  dans  ces  conditions,  il  ne  faille  pas  compter,  à 
moins  de  cas  tout  à  fait  exceptionnels,  sur  des  découvertes  de 
vaisselle  de  luxe. 

Toutefois,  de  cette  absence  d'objets  de  fabrication  hellénique 
dans  les  tombeaux,  il  serait  plus  qu'imprudent  de  tirer  des 
conclusions  négatives  au  sujet  des  relations  commerciales.  Ici, 
tout  au  contraire,  dans  la  région  de  la  province  où  les  beaux 
tumulus  productifs  de  la  période  hallstattienne  récente  et  de  la 
transition  entre  celle-ci  et  le  Latène  I  sont  les  plus  nombreux, 
dans  le  Jura  salinois,  les  rapports  fréquents  et  suivis  avec  les 
tirées,  dans  la  deuxième  moitié  du  vie  siècle  et,  cette  fois,  non 
par  l'intermédiaire  de  l'Italie,  mais  directement  avec  les  colons 
hellènes  du  littoral  provençal,  avec  Marseille,  sont  absolument 
indiscutables. 

A  Salins,  la  montagne  de  Chàteau-sur-Salins,  dite  aussi  mon- 
tagne de  Roussillon,  porte  à  son  sommet  un  petit  camp  antique, 
citadelle  d'un  vaste  oppidum  ou  refuge  constitué    par  tout  le 

(1)  Les  capitales  on    caractères   gras  renvoient   aux  Éclaircissements  placés  après 
chaque  cha,  itre. 


2l8 


M  M   III'    I'     PTROI    I  I    l 


plateau  de  la  montagne  situe  a  l'Ouest  du  point  culminant.  J'ai 
découvert  là,  clans  une  assise  appartenant  tout  à  fait  à  la  fin 
même  de  la  période  de  Hallstatt,  toute  une  série  de  débris  céra- 
miques d'origine  hellénique,  notamment  de  nombreux  fragments 
dune  amphore  vinaire,  et  de  vases  peints  attiques  du  style  à 
figures  noires.  Ces  derniers  paraissent  provenir  surtout  de 
coupes,  et  les  tessons,  relativement  nombreux,  avec  portion 
d'œil  prophylactique,  permettent  de  se  rendre  compte  qu'il  y 
avait  là,  sur  une  assez  faible  superficie,  des  morceaux  d'un  cer- 
tain nombre  de  vases  différents. 

Un  niveau  plus  élevé  m'a  donné  des  débris  d'une  autre  amphore 
vinaire  et  de  vases  peints  appartenant  tout-à-fait  au  début  de  la 
technique  de  la  figure  rouge,  comme  le  montrent  bien  le  carac- 
tère des  palmettes  qui  se  rattachent  à  l'un  des  types  les  plus 
anciens  des  vases  à  ligures  rouges,  ainsi  que  la  présence,  sur  un 
des  tessons,  d'une  sorte  de  rameau  peint  en  rehaut  violacé  sur  le 
vernis  noir.  Comme  aucun  autre  fragment  de  dessin  en  rouge 
sur  fond  noir  antre  que  des  portions  de  palmettes,  plus  le  rameau 
en  couleur  rouge  violacé  posée  sur  le  vernis  noir,  ne  s'est 
montré,  il  est  permis  de  se  demander  si  l'on  n'est  pas  là  en  face 
de  tessons  du  style  mixie  intermédiaire  entre  la  figure  noire 
et  la  figure  rouge;  le  rameau  indique  bien  par  sa  technique  la 
période  des  essais  entre  celles  des  deux  styles  purs.  Cette  dernière 
strate  appartient  déjà  au  début  du  Latène  I;  j'y  ai,  en  effet, 
recueilli  une  fibule  brisée  en  fer  dont  subsistaient  l'arc  et  un  reste  du 
ressort  qui  permettaient  de  l'attribuer  avec  certitude  au  type  pri- 
mitif du  Latène  J  ;  au  même  niveau  s'est  montré  un  fragment  de 
torques  à  extrémité  aplatie  et  très  légèrement  élargie  portant  une 
ouverture  circulaire  et  formant  une  sorte  d'anneau,  type  qui  se 
classe  aux  débuts  du  Latène  I  (1).  De  plus,  un  niveau,  intermé- 
diaire entre  ceux  qui  m  ont  livré  les  débris  de  vases  attiques  à 
figures  noires  et  à  figures  rouges,  m'a  donné  une  portion  très 
nette  d'une  de  ces  agrafes  filiformes  en  bronze  (2)  qui  étaient 


(1)  Voir  I»    Violubr.  Une  nouvelle  subdivision  de  l  époque  de  Latène  (A.  /■'.    I.  S., 
Dijon,  1911J. 

i  ne  portion  d'une  autre  agrafe  filiforme  s'est  rencontrée  également  à  Château, 

celle  cl  e&l  d'un  modèle  qui  se  montre  déjà  dam  la  cachette  »lo  Larnaud  ain*i 

que  dans  celle  d'Argenton  (Indre    de  i<r»  période  ancienne  de  Hallstatt  (<•!'.   H.  Bhbdil, 

Une  cachette  hallstattienne  à    Argenton,  Indre,   in  Revue  archéologique  1902,  t.   Il, 


S  i ■liir.i    MON     \     i  ":'  !  .   :■■;      i  '        CFJ.T1  2TQ 

fixées  à  l'extrémité  d'un  crochet  de  ceinture  (v.  au  Musée  des 
Antiquités  nationales  les  n'  3071,  12826  ei  |62i,  de  Saint-Étienne 
au  Temple  et  de  Saint-Remy).  L'assise  à  tessons  attiques  à  figures 
noires  se  place  à  l'extrême  limite  «Mitre  la  tin  du  Hallstattien  et  le 
débu!  du  Latène  I  ;  il  s'y  esl  en  eCfel  rencontré  une  belle  flbùle  du 
type  dit  à  tête  d'oiseau  appartenante  la  classe  la  plus  archaïque 
de  ce  groupe  ei  non  aux  types  plus  évolués  du  Latène  [,  non  plus 
qu'au  groupe  des  formes  très  simples,  à  tête  d'oiseau  schématisée, 

quentes  dans  les  turaulus  du  Jura  salinois  du  début  du 
Latène  I  (C).  Enfin,  uneautre  fibule,  d'un  type  tout  particulier  dont 
je  ne  connais  qu'un  seul  autre  exemplaire  dans  la  région,  s'est 
montrée  au  même  niveau;  or  l'autre  spécimen  a  été  recueilli  à 

g  peu  de  distance  de  là,  de  l'autre  côté  du  vallon  de  Pretin,  par 
M.    È.   Boilley,  dans    un    tumulus    avec    mobilier   se  classant  au 

but  du  Latène  I.  Ainsi,  il  semble  que  ce  soit  aux  environs  du 
début  du  dernier  quart   du  vr  siècle  avant,  notre  ère  qu'il  faille 
placer  la  limite  entre  les  périodes  de  Hallstatl  et  de  Latène  dans 
contrées  (  I  ). 

Une  pareille  quantité  de  tessons  helléniques,  provenant  de 
plusieurs  vases  différents,  recueillis  dans  une  fouille  n'ayant 
porté  que  sur  une  surface  assez  peu  considérable  (moins  de  deux 
ares)  est  l'indice  certain,  non  de  simples  apports  accidentels, 
mais  de  relations  très  fréquentes  et  très  suivies,  bien  loin  (Yen 
être  a  leurs  débuts  (D),  et  qui,  même  en  admettant  qu'elles  aient 
eu  lieu  par  des  intermédiaires,  ne  permettent  pas  de  pouvoir 
admettre  que  le  nom  du  peuple  chez  lequel  aboutissaient  les  mar- 
chandises fut  inconnu  de  celui  qui  les  produisait. 

On  peut  affirmer  qu'ici  ce  n'est  pas  par  la  voie  de  l'Adriatique 
ei  de  l'Italie  septentrionale  que  ce  commerce  avait  lieu.  Si  à 
pareille  date  le  tratisporl  de  vases  en  bronze  pouvait,  s'efTectuer 
par  cette  route,  une  telle  voie  terrestre  à  parcours  aussi  long, 
et  franchissant  les  cols  des  Alpes,  est  tout-à-fait  inadmissible 
pour  des  vases  en  terre  cuite  aussi  minces  et  aussi  fragiles  que  les 
vases  peints  attiques;  elle  est  de  plus  absolument  impossible  à 
admettre  pour  le  transport  des  amphores  vinaires.  On  peut  se 

mander  combien  de  ces  vases  auraient  pu  ainsi  parvenir  intacts 

,  que  double  e  lUtnnt  «l 'j                          ■                Bologi      villanovienne 

et  étrusque,  p.  311  is  faire   remonter  trop  haut,  bien  au   contraire, 

l'horizon  du  camp  ds  ChfUenu  ;"i  attiques,    i  figures  noires  seules,  en  lui  attri- 
nt  cette  n              ite. 


220  MAURICE    PIROUTET. 

et  quelle  aurait  été  la  perte  subie  du  fait  du  bris  des  récipients, 
par  suite  des  innombrables  secousses  et  cahots  ainsi  que  par  les 
multiples  chargements  et  déchargements  (ceux-ci  surtout  dans  le 
dernier  cas,  le  plus  probable,  car  il  n'est  guère  à  croire  que  des 
voies  roulières  aient  alors  franchi  les  Alpes)  auxquels  le  voyage 
par  chariots  ou  par  bêtes  de  sommes  les  aurait  infailliblement 
soumis  en  suivant  pareil  chemin. 

Il  est  beaucoup  plus  logique  de  croire  que  le  transport  s'effec- 
tuait par  voie  fluviale  en  remontant  le  Rhône,  puis  la  Saône,  le 
Doubs  et  enfin  la  Loue  jusqu'à  Port-Lesney  situé  à  une  dizaine  de 
kilomètres  seulement  (7  à  vol  d'oiseau),  où  la  Loue  devenait 
navigable  et  qui  servait  jadis  de  port  à  Salins. 

Une  preuve  irréfutable  de  la  venue,  chez  nous,  de  ces  poteries 
helléniques  par  l'intermédiaire  de  Marseille  est  fourni  par  leur 
association  à  des  tessons  caractéristiques  de  la  céramique  tournée 
indigène  de  la  Basse  Provence  que  M.  Vasseur  a  signalée  d'abord 
au  Baou  Roux  et  qu'il  a  retrouvée  à  Marseille,  au  Fort-Saint- Jean, 
dans  une  couche  archéologique  où  elle  était  associée  avec  de 
nombreux  débris  de  céramiques  grecques  diverses  appartenant 
au  vne  et  au  VIe  siècle,  ainsi  qu'à  des  fragments  beaucoup  plus 
rares  de  tessons  attiques  du  ve  siècle  (G.  Vasseur,  Résultats  des 
fouilles  archéologiques  exécutées  à  Marseille,  dans  le  Fort- 
Saint-Jean,  C.  R.  Acad.  Inscr.,  10  juin  1910).  Des  fragments  de 
cette  même  céramique  ligure  à  ondes  obliques,  qui  se  distingue 
fort  bien  de  celle  assez  analogue  du  Latène  III,  et  surtout  ne  peut 
être  confondue  avec  quelques  autres  poteries  à  bandes  sinueuses 
parallèles  (telles  que  le  vase  du  tumulus  de  Court  Saint-Étienne 
en  Belgique),  se  sont  rencontrés  au  camp  de  Château-sur- Salins 
dès  une  zone  inférieure  à  l'horizon  des  tessons  attiques  à  figures 
noires.  Cette  même  zone  (sur  laquelle,  lorsqu'elles  étaient  en  con- 
tact immédiat,  celle  à  tessons  attiques  ci-dessus  reposait  dune  telle 
manière  qu'il  est  évident  qu'il  existe  entre  elles  une  lacune,  le  sol 
de  l'inférieure,  alors  très  réduite,  étant  fortement  tassé  et  en 
quelque  sorte  damé  là  où  l'autre  était  bien  développée  et  considé- 
rablement plus  meuble)  m'a  livré  également  un  fragment  de  vase 
peint  montrant  sur  sa  face  externe  une  portion  d'une  bande  cir- 
culaire horizontale  rouge  brunâtre;  ce  vase,  fabriqué  au  tour, 
extrêmement  mince,  en  terre  très  bien  épurée  et  fort  bien  cuite, 
d'une  pâte  jaune  grisâtre  avec  surface  jaunâtre  du  côté  interne  et 
jaune  très    légèrement    rougeâtre    du    côté    externe  où  elle   est 


(  <>\  l  ivim   I  H'N     \    I    l  l  l  DE    DES   CELT1  22  1 

très  bien  lustrée  et  même  brillante,  parait  importé  des  mêmes 
régions  méditerranéennes.  Dans  la  même  couche,  se  sont  mon- 
trés un  petit  fragment  de  vase  en  verre  jaunâtre  translucide  et 
quelques  débris  d'un  vase  indigène  présentant  un  décor  gravé 
imité  d'un  motif  tout-à-fait  typique,  très  fréquent  sur  les  vases 
peints  rhodiens.  Enfin,  un  niveau  encore  plus  inférieur,  avec  des 
iibules  caractéristiques  du  début  de  la  période  récente  de  Hallstatt 
(période  II  de  J.  Dérhelette),  a  donné  un  fragment,  malheureuse- 
ment unique  et  minuscule,  orné  d'un  décor  peint  constitué  par 
une  bande  verticale  sinueuse  irrégulière  accotée  d'un  point, 
tesson  auquel  M.  R.  Pottier  inclinerait  à  attribuer  une  origine 
italique. 

Tout  ceci  indique  bien  des  relations  régulières  dont  le  début 
remonte  à  une  date  assez  ancienne  du  vi°  siècle,  sinon  même 
déjà  au  viie. 

Je  ferai  remarquer  que  le  niveau  inférieur  à  tessons  ligures 
tournés  décorés  d'ondes  obliques  (celui  avec  le  fragment  de  vase 
peint  décoré  d'une  bande  circulaire  horizontale  et  avec  fragment 
de  vase  indigène  à  décor  gravé  imité  d'un  motif  peint  sur  les 
vases  rhodiens)   ne  m'a  donné  com'mes  fibules,  à  part  un  exem- 
plaire sans  ressort  distinct,  à  disque  et  à  talon  rectiligne  (toutes 
celles  trouvées  dans  l'horizon  inférieur  appartiennent  à  ce  type 
qui  est  celui  dit  à  ressort  arqué  par  M.  A.  de  Mortillet),  que  des 
fibules  en  arbalète   à  ressort  (bilatéral)   court,    tandis  qu'outre 
celles  dont  j'ai  déjà  parlé  plus   haut,   les  niveaux  à  céramique 
attique  ont  donné  surtout  des  fibules  en  arbalète  à  ressort  allongé; 
or  ces  fibules  en  arbalète  à  ressort  allongé  se  montrent  dans  bon 
nombre  de  nos  tumulus  à  mobilier  encore  purement  hallstattien  ; 
il  en  résulte,  ce  qui  est  d'accord  avec  la  stratigraphie  de  la  couche 
archéologique  du  camp  de  Château,  qu'entre  l'époque  du  niveau 
inférieur  à  tessons  attiques  et  celle  des  foyers  n'ayant  donné  que 
des  fibules  en  arbalète  à  ressort  court  à  l'exclusion  de  celles  à 
ressort  allongé,   il  s'est   écoulé  un  certain  laps  de   temps  ;    par 
suite,  les  relations  régulières  avec  les  Massaliotes  remontent  assez 
haut,  même  si  l'on  ne  tient  pas  compte  du  petit  tesson  de  style 
géométrique  en  o'bjectant  que  le  vase  dont  il  provient  peut-être 
considéré  en   quelque  sorte  comme  une  épave.   Ceci    ne  semble 
guère  probable,   vu  les  trouvailles  faites   dans   les  assises  plus 
élevées,  et  ce  petit  tesson  indique  très  probablement  le  commen- 
cement des  rapports  commerciaux  avec  les  colons  grecs  du  rivage 


\\  \i  eui  i    rima  ru 

provençal,  ceux-ci  avant,  dès  le  début  de  leur  installation,  cher- 
ché à  se  mettre  en  relation  avec  les  indigènes  de  l'intérieur. 

Le  seul  argument  sérieux,  du  moins  en  apparence,  sur 
lequel  on  se  base  pour  nier  l'utilisation  normale  à  cette  époque 
de  la  voie  de  la  vallée  du  Rhône  et  de  la  Saône,  est  que  le  pays 
en  dessous  du  confluent  de  ces  deux  cours  d'eau  ne  participait  ni 
a  ce  mouvement  comn  I  ni  au  développement  de  culture  qui 

en  résultait.  On  peut  se  demander  quelles  sont  les  découvertes 
archéologiques  relatives  à  la  période  récente  de  Hallstatt  et  de  la 
première  partie,  au  moins,  du  Latène  1  connues  actuellement 
dans  cette  partie  de  la  vallée  du  Rhône.  Jusqu'à  présent  elles  font 
totalement  défaut,  par  suite  il  n'est  nullement  permis  d'invoquer 
cette  absence  de  découvertes  à  l'appui  de  pareille  supposition,  et 
le  fait  qu'aux  vi  v  siècles,  entre  Avignon  et  Lyon,  l'archéologie 
ur  reconnaît  encore  aucune  trace  d'hellénisation  n'a  aucune 
signification  ni  pour  ni  contre. 

L'hypothèse  du  transport  par  les  vallées  du  Rhône  et  de  la  Saône 
reçoit  encore  une  confirmation  par  quelques  résultats  d'une  fouille 
que  j'ai  exécutée  en  septembre  11)08  dans  le  camp  du  Mont-Guérjn 
à  Montmirey-la-Ville  (arrondissement  de  Dole,  Jura).  Là,  dans  une 
couche  archéologique  hallstattienue  récente  renfermant  les  restes 
laissés  par  une  population  identique  à  celle  du  Jura  salinois,  j'ai 
recueilli  trois  assez  notables  fragments  de  poterie  bien  cuite  et 
tournée,  dont  deux  identiques  aux  débris  des  deux  sortes  différentes 
d  amphores  helléniques  du  camp  de  Château  et  par  conséquent 
de  même  origine,  et  le  troisième  me  paraissant  tout  semblable 
comme  aspect,  texture  et  cuisson,  à  l'amphore  grecque  du  tumulus 
de  Mercey-sur-Saône.  Or  le  camp  du  Mont  Guérin  est  situé  sur  une 
hauteur  appartenant  à  la  première  ligne  de  celles  dominant  la 
rive  gauche  de  la  Saône  qui  passe  à  Auxonne  à  une  dizaine  de 
kilomètres  de  là  Ici,  le  voisinage  immédiat  de  la  Saône  rend  plus 
que  probable  Lapport  par  voie  d'eau,  et  les  débris  trouvés  appar- 
tenant a  des  récipients  communs,  il  est  évident  qu'il  s'agit  là  de 
témoins  laissés   par   un   commerce   régulier  et   non   d'objets  de 

curiosité. 

Enfin,  l'importante  station  préhistorique  du  Château  de  Monl- 
morot  près  «le  Lons  le-Saulnier,  découverte  par  M.  L,  A.  Girardot, 
a,  elleaussi,  livré,  dansdes  foyers  de  lapériode  récente  de  Hallstatt, 
les  tessons  ligures  ù  ondes  obliques.  Il  faut  remarquer  qu'ici,  un 
affluent  de  la  -,   la  Seille   navigable    jusqu'à    Louhans,  à 


CONTRIBUTION     A.     L'ERUDE    1)1         i    I   !   1  I 

30  kilomètres  des  salines,  très  importantes  dans  l'antiquité,  de 
Lons-le-Saulnïer  el  Montmorot,  devait  être  une  voie  commerciale 
très  fréquentée. 

Ainsi,  nous  avons  les  preuves  tangibles  qu'au  vr  siècle  avant 
Ji  sus  Christ,  les  colons  grecs  de  la  liasse  Provence  connaissaient 
bien  suffisamment  les  populations  hallstattiennes  du  Jura,  môme 
en  .admettant  que  les  rapports  commerciaux  aient  eu  lieu  par 
des  intermédiaires,  pour  ne  pas  ignorer  leur  nom  et  ne  pas  leur 
appliquer  une  dénomination  autre  (pie  celle  qu'elles  se  donnaient 
elles-mêmes,  d'autant  plus  qu'elles  appartenaient  à  un  groupement 
très  nef  et  excessivement  important.  Nous  nous  trouvons  donc  là 
en  présence  des  peuples  auxquels  le  nom  de  Celtes  doit  dans  la 
réalité  s'appliquer. 

L'hypothèse  que  les  auteurs  grecs  anciens  auraient  négligé  de 
citer  le  nom  de  ce  groupement,  relativement  considérable  et  qui 
leur  était  bien  connu,  alors  qu'ils  feraient  mention  de  peuplades 
beaucoup  plus  éloignées  mal  connues  ou  d'une  importance  bien 
moins  considérable,  est  totalement  inadmissible.  Un  outre,  il  faut 
se  souvenir  qu'Hécatée  indique  la  Celtique  comme  proche  de  la 
Ligystique  (E)  ;  si  elle  en  avait  été  séparée  par  la  contrée  occupée 
par  tout  le  groupe  hallstattien  (1)  en  question  il  n'aurait  pu 
employer  pareille  expression.  Enfin,  comme  ce  groupe  est  bien 
loin  de  subir  une  diminution  d'importance,  tout  au  contraire, 
lorsque  débute  la  période  de  Latène,  il  est  impossible  d'admettre 
qu'il  ait  alors  abandonné  son  nom  pour  prendre  celui  de  quelque 
peuplade  bien  moins  considérable  et  d'une  origine  difïérente.  Si  le 
troisième  passage  attribué  à  Hécatée  et  où  celui-ci  fait  de  la 
Celtique  un  pays  situé  en  face  de  l'île  d'Albion  est  bien  de  cet 
auteur,  (2)  il  en  résulterait, que  les  populations  d'une  bonne  partie 
au  moins  des  cotes  de  la  Manche  ou  de  la  mer  du  Nord  étaient 
déjà  eeltisées  à  cette  époque  qui  correspond  à  la  lin  du  Hallstattien. 

(1)  J'emploie  le  terme  «  hallstattien  ■>  à  cause  de  l'établissement,  constaté  des  celte 
période,  des  populations  rie  ce  groupe  <|"i  conservent  encore  ioute  leur  prépondé- 
rance pendant  le  début  du  Latène  I. 

(2)  M.  Camille  Jullian  <|m  cite  ce  passage(ef,  L'Anthropologie  U03p.  2>1)  considère 
comme  tort  douteux  qu'il  suit  en  réalité  d'Hécatée.  En  effet,  si  l'on  observe  qu'Héro. 
dote  ne  connaît  pas  l'existence  d'Albion,  lui  qui  a  cherché  à  savoir  quelque  chose  sur 
les  iles  Cassitérides  sans  rien  pouvoir  apprendre  à  leur  sujet,  et  que  ce  n'est  que 
plus  tard  que  ce  nom  parait  avoir  été  connu  des  Grecs,  il  semble  bien  qu'il  y  ait  là 
une  preuve  de  h  fausseté  de  l'attribution  A  Hécatée  de  Mifet  du  passage  en  ques- 
tion 


22^  MVIRICE    PIROUTET. 

Or,  justement,  on  constate  qu'alors  l'influence  du  groupe  hallstat- 
tien  occidental  se  fait  très  fortement  sentir  dans  cette  direction. 
C'est  ce  que  démontre  l'examen  du  mobilier,  non  seulement  des 
plus  anciens  cimetières  de  la  Marne  et  de  l'Aisne  remontant  à 
l'âge  du  fer,  mais  encore  des  cimetières  de  Normandie  (1)  se 
classant  à  la  fin  du  Hallstattien.  Cette  influence  est  en  effet  très 
nettement  marquée  alors  dans  la  dernière  de  ces  contrées,  notam- 
ment par  la  présence  des  bracelets  en  lignite  identiques  à  ceux 
des  tumulus  de  l'Est,  ainsi  que  par  la  coutume,  assez  fréquente, 
du  port  de  multiples  bracelets  de  jambes  qui  rappelle  singuliè- 
rement ce  que  nous  voyons  dans  bon  nombre  de  tumulus  et 
surtout  dans  ceux  d'un  groupe  spécial  de  population  de  la  Franche 
Comté  où  le  type  le  plus  commun  de  ces  bracelets  est  justement 
celui  qui  se  retrouve  en  Normandie.  Il  est  infiniment  probable 
que  cette  influence  ne  s'est  pas,  sur  les  côtes  Nord  occidentales, 
limitée  seulement  à  la  Normandie. 


Hérodote   et  la  présence  des  Celtes  aux  Sources 
du  Danube  ainsi  que  dans  la  Péninsule  Ibérique. 

Après  Hécatée,  un  auteur  du  v€  siècle,  Hérodote,  mentionne 
également  les  Celtes.  Lui  aussi  ne  connaît  pas  d'autres  peuples 
que  ceux-ci,  à  part  ceux  du  groupe  ibérique,  au  delà  des  Ligures 
du  côté  de  l'Ouest  et  du  Nord-Ouest.  Dans  l'un  des  passages  où  il 
les  mentionne,  il  place  chez  eux  la  source  du  Danube,  ce  qui  est 
parfaitement  conforme  à  la  manière  de  voir  que  je  viens  d'exposer. 
11  est  vrai  qu'on  lui  reproche  à  ce  propos  d'avoir  pris  les  Pyrénées 
pour  une  ville  et  que  l'on  part  de  là  pour  déclarer  qu'il  ne  pos- 
sédait sur  toutes  ces  contrées  que  des  connaissances  géographiques 
excessivement  vagues.  Une  semblable  erreur  n'est  pas  admissible 
de  la  part  d'un  auteur  originaire  d'une  ville  maritime  habitée  par 
des  Ioniens,  et  toute  proche  de  l'Ionie  proprement  dite,  ayant 
passé  une  bonne  partie  de  son  existence  à  voyager  dans  le  but  de 
se  renseigner  exactement.  Hérodote  écrit  que  l'Ister  prend  sa 
source  dans  le  pays  des  Celtes  auprès  de  la  ville  de  Pyrène  (2) 
Hérodote,  Liv.  II,  ch.  33).  Certains  veulent  voir  là  une  double 

(1)  Cf.  L.  Coutil,  Sépultures  et  mobiliers  funéraire  des  Lexovii,  Kssuvii,  Viducasses 
et  Baïocasses,  in  Bull.  Soc.  normande  d'études  préhistoriques,  t.  XI,  1893. 

(2)  L'existence  possible  d'une  ou  plusieurs  localités  du  nom  de  Pyrène  au  voisinage 
des  monts  P>  rénées  ne   peut  nullement  s'opposer  à  la  présence  d'une  bourgade  du 


CONTRIBUTION     V    L  ETUDE    DES    CELTES.  320 

erreur,  le  nom  d'une  chaîne  de  montagnes  pris  pour  celui  d'une 
ville  et,  consécutivement  une  indication  erronée  de  la  situation 
des  sources  cl n  Danube  que  le  Père  de  l'Histoire  ferait  ainsi  naître 
dans  les  Pyrénées.  Une  telle  manière  de  voir  est  totalement 
inconciliable  avec  les  faits  qui  démontrent  avec  évidence  que  les 
navigateurs  ioniens  connaissaient  parfaitement,  depuis  près  d'un 
siècle  au  moins,  l'existence  des  monts  Pyrénées  et  que,  par 
conséquent,  celle-ci  n'a  pu  être  ignorée  d'Hérodote  au  point  de 
l'amener  à  une  aussi  grossière  confusion  que  celle  dont  on  l'accuse. 
En  eiïet,  dès  le  vi°  siècle  avant  notre  ère,  les  Ioniens  fréquentaient 
assidûment  la  côte  méditerranéenne  au  voisinage  des  Pyrénées 
et  y  fondaient  des  colonies,  notamment  Rhodé  (Rosas)  et  Emporiae 
(Ampurias)  à  l'extrémité  même  de  la  chaîne  pyrénéenne.  Cette 
fréquentation  est  confirmée,  entre  autres,  par  les  découvertes  de 
Montlaurès,  près  Narbonne,  ainsi  que  celles  effectuées  sur  le  site 
d'Emporiae  et  qui  viennent  placer  la  fondation  de  cette  colonie 
marseillaise  à  une  date  (1)  voisine  du  milieu  du  vie  siècle.  11  est 

même  nom  dans  la  région  des  sources  du  Danube.  Une  semblable  similitude  de  nom 
n'est  pas  sans  exemple  et  peut  fort  bien  être  due  à  une  simple  coïncidence  fortuite 
sans  que  Ton  ait  le  droit  d'en  tirer  aucune  conclusion  au  point  de  vue  philologique. 
Il  en  est  de  même  de  la  disparition  de  ce  nom  de  Pyrène  dans  la  région  des  sources  du 
Danube.  De  même,  une  seule  fois,  un  auteur  ancien  désigne  sous  le  nom  d'Aceion  le 
lac  de  Genève  et  c'est  la  première  fois  qu'il  est  fait  mention  de  ce  dernier;  nous 
n'avons  pas,  pour  autant,  le  droit  de  nier  que  le  Léman  ait  jadis  porté  le  nom 
d  Accion.  Un  autre  exemple  est  l'importante  ville  de  Corbilon  signalée  d'après 
Polybe,  par  Strabon,  laquelle  n'existait  plus  du  temps  de  ce  dernier  et  n'est  men- 
tionnée par  aucun  autre  auteur  (cf.  Strabon  liv.  IV  eh.  11). 

C'est  s'avancer  beaucoup  trop  que  venir  prétendre  que  le  nom  de  Pyréné  n'appar- 
tient pas  à  un  vocabulaire  occidental  et  qu'il  est  d'origine  grecque.  Ce  qui  est  par- 
venu à  notre  connaissance  des  langues  antiques  préromaines  de  l'Europe  occidentale 
est  infiniment  trop  peu  pour  autoriser  une  telle  affirmation.  D'autre  part  les  Grecs, 
surtout  ii  ces  hautes  époques,  n'ont-ils  pas,  très  fréquemment,  considérablement 
déformé  les  noms  étrangers  en  les  accommodant  de  façon  à  les  faire  sonner  d'une 
façon  moins  barbare  à  leurs  oreilles?  Et  de  nos  jours,  les  Européens  établis  en  pays 
neufs  n'onf-ils  pas,  bien  souvent,  fail  de  môme  ei  métamorphosé  les  noms  de  lieux  de 
la  même  manière'  (ot  ceci  ne  s'e>l  pas  produit  seulement  pour  des  noms  de  lieux, 
mais  encore  pour  des  noms  de  personnages).  Souvent  même  des  noms  de  lieux  (points 
hibités,  cours  deaux,  sommets,  etc.),  abominableu  en1  estropiés  par  certains  colons 
de  manière  à  leur  donner  un  sens  dans  leur  propre  langue,  ont  été  ensuite  consacrés 
par  l'usage  et  sont  devenus  officiels  sous  leur  nouvelle  forme  masquant  complètement 
leur  origine  primitive.  Après  cela,  il  me  semble  bien  que,  de  ce  qu'un  nom  géogra- 
phique ancien  a  pris,  transmis  par  des  Grecs,  une  physionomie  hellénique,  il  n'est 
pas  du  tout  permis,  pour  autnnt,  d'en  conclure,  pour  celui-ci,  à  une  origine  pure- 
ment et  exclusivement  grecque. 

(1)  J.  DtCHHLHTTE,  Manuel  d'Arch.  t.  II  p.  1007. 

Cette  fondation  est  certainement  assez  postérieure  à  la  reconnaissance  de  cette  côte 

LAKTHROPOLOGIE.    —  T.    XXIX.    —    19181919.  15 


226  M  IURICÈ    PlRÔtJTËT 

donc,  par  suite,  lOoiliemdnfc  impossible  qu'Hérodote  ait  confondu 
les  monts  Pyrénées  avec  une  ville;  il  en  résulte  que,  dans  la  phrase 
incriminée,  on  ne  peut  voir  dans  Pyrène  autre  chose  que  le  nom 
dune  localité  existant  alors  dans  la  région  d  es  sources  de  Pister 
et  n'ayant  de  commun,  avec  les  Pyrénées,  qu'une  simple  ressem- 
blance phonétique. 

Quant  aux  phrases  où  Hérodote  montre  les  Celtes  au  delà  des 
colonnes  d'Hercule  et  touchant  aux  Cynésiens  «  qui  sont  le  peuple 
le  plus  occidental  de  l'Europe  »,  la  seule  conclusion  à  en  tirer  est, 
qu'à  l'époque  dont  il  s'agit,  des  tribus  d'origine  celte  ou  celtisées 
(probablement  des  deux  sortes,  réunies)  avaient  déjà  pénétré  jus- 
qu'au littoral  atlantique  dans  la  péninsule  ibérique. 

En  résumé,  du  texte  d'Hérodote,  on  peut  conclure  en  toute  cer- 
titude que,  pendant  la  première  moitié  du  vc  siècle  avant  notre 
ère,  les  sources  du  Danube  étaient  situées  chez  les  Celtes,  et  qu'à 
ce  moment  des  Celtes  s'étaient  avancés  jusqu'au  littoral  occi- 
dental de  la  péninsule  hispanique.  Or,  à  cette  époque,  qui  est 
celle  des  débuts  du  Latène  I,  la  région  des  sources  du  Danube  était 
encore  occupée  par  les  mêmes  peuplades  qu'à  la  période  récente 
de  Hallstatt,  de  sorte  qu'il  en  résulte  une  identité  certaine  entre 
les  Celtes  d'Hécatée  et  ceux  d'Hérodote.  En  Espagne,  l'absence  de 
la  civilisation  du  Latène  I  montre  que  l'immigration  des  Celtes 
est  là  antérieure  aux  premières  années  du  Ve  siècle.  Justement, 
aussi,  le  Hallstattien  ne  s'y  montre  que  dans  sa  phase  tout  à  l'ait 
terminale  mais  avec  un  caractère  spécial  de  développement 
tardif  et  se  poursuit  là,  plus  longtemps  que  dans  les  contrées 
d'où  il  est  originaire),  nous  faisant  voir  que,  pendant  la  dernière 
moitié  du  vi*  siècle  (1),  se  sont  établies  dans  ce  pays  des  peuplades 
étrangères.  Or  l'archéologie  nous  montre  que  celles-ci  se 
rattachent  étroitement  à  celles  qui,  à  la  fin  du  Hallstattien, 
habitaient  la  contrée  a  voisinant  les  sources  du  Danube. 

Par  conséquent,  l'examen  du  texte  d'Hérodote  nous  amène,  au 

par  les  voyageurs  hellènos,  reconnaissance  et  début  de  fréquentation  qui.  tout  au 
moins,  durent  ne  suivre  que  de  bien  peu  rétablissement  par  les  Phocéens  d'un 
comptoir  à  Marseille,  établissement  remontant  au  courant  du  vu*  siècle  (à  sa  pre- 
mière moitié  même)  ainsi  que  le  démontrent  avec  certitude  les  découvertes  du 
regretté  professeur  C.  Vasseur  (G.  Vassbdr,  Résultat  des  fouilles  archéologiques  exé- 
cutées à  Marseille  dans  le  Fort  Saint-Jean,  C.  R.  Acad.  des  Inscr.  1910). 

(i)  f,eci  est  parfaitement  d'accord  avec  le  fait  qu'aucun  des  auteurs  antérieurs  à 
Hérodote,  y  compris  l'auteur  du  périple  sui\i  par  Festus  Avienus,  ne  mentionne  la 
présence  des  Celtes  dans  la  Pénin>ule  ibérique. 


,  OS  i  lUiii  i  m\     \    i    i  il  m    DES    'il  il  S.  227 

point  de  vue  qui  nous  occupe  ici,  aux  mêmes  résultats  que  l'étude 
du  fragment  d'Héoatée  situant  les  Celtes,  mais  avec,  cette  fois, 
une  précision  largement  suffisante  pour  nous  permettre  de  voir 
clairement  à  quelles  populations  s'appliquait  exactement  le  nom 
clé  Celtes  dans  la  deuxième  moitié  du  VIe  siècle  avant  notre  ère. 
Ceci  est  encore  plus  évident  si  nous  remarquons  que  les  Grecs  de 
la  première  moitié  du  Ve  siècle  savaient  parfaitement  bien  que  le 
Danube  prend  sa  source  dans  les  montagnes  de  l'Europe  centrale, 
ainsi  que  nous  l'apprend  formellement  Eschyle  (Prométhée  délivré 
cf.  D'arbœs  de  Jubainville,  Les  premiers  habitants  de  l'Europe. 

édition  t.  I,  p.  234  note  1)  :  si  Hérodote  ne  parle  pas  des  monts 
Rhipées,  cela  n'implique  nullement  qu'il  méconnaisse  l'existence 
du   système  montagneux   ainsi  dénommé  par   d'autres  auteurs, 

9  contemporains,  mais  seulement  que,  bien  renseigné,  il  savait 
que  ce  nom  n'était  pas  du  tout  celui  donné  aux  montagnes  en 
question  par  les  indigènes,  mais  uniquement  celui  usité  par  ses 
propres  compatriotes.  Ainsi,  les  dires  d'Hérodote  relativement  à 
l'établissement  des  Celtes  dans  une  partie  delà  péninsule  Ibérique 
sont  confirmés  par  l'archéologie.  Il  semble  toutefois  qu'il  ne  se  soit 
pas  agi  d'une  occupation  en  masse,  mais  seulement  d'une  conquête 
et  d'une  simple  souveraineté.  Les  envahisseurs  ne  paraissent  pas 
avoir  été  là  jamais  bien  nombreux  et  se  sont  fondus  très  rapi- 
dement avec  les  populations  indigènes,  mais  leur  influence  sur  la 
civilisation  de  ces  régions  parait  avoir  été  assez  considérable. 
Elle  est  attestée  par  l'abondance  des  poignards  à  antennes,  par  la 
fréquence  de  certains  types  de  fibules,  par  le  port  des  bracelets 
filiformes  réunis  en  nombre  et  de  la  plaque  de  ceinture  en  bronze 
mince  estampé  (1). 

Le  poignard  à  antennes  ne  se  montre  pas  seulement  dans  le 
groupe  celtique  mais  encore  chez  les  Ligures,  chez  les  tribus 
subalpines  de  l'Italie,  ainsi  que  chez  les  différents  sous  groupes  de 
l'ensemble  celto-illyrien  et  nord-illyrien,  et  même  au  Caucase, 
mais  nulle  part  il  n'est  aussi  fréquent  que  dans  le  groupe  celtique. 

beaucoup   des  fibules   ibériques,    celles  en    arbalète,    le  plus 

il  vent  à  long  ressort,  avec  talon  coudé  à  angle  droit  et  se 
terminant  par  un  bouton  ou  par  un  petit  plateau  soit  carré  soit 
circulaire,  et  dans  lesquelles  le  corps  de  la  fibule  constitue  parfois 
une   pièce  distincte  du   ressort  et  de  l'ardillon,  sont  des  types 

(1)  J.  DécHELBfTB,  Manuel  d'Àrch.  t.  II,  p.  688. 


228  MAI  HICF.    PIROl    II    i 

franchement  originaires  des  régions  celtiques,  notamment  de  la 
Franche-Comté  et  de  l'Allemagne  du  Sud  vers  la  fin  du  Ilallstattien 
récent.    Elles   indiquent  le   milieu  ou    le   commencement  de   la 
deuxième  moitié  du  vr   siècle  comme  date  de  la  migration,  car 
l'absence    des  véritables  fibules,    et  autres  types,    du   début   du 
Latène  I  montre,  d'autre  part,  que  la  séparation  des  émigrants 
d'avec  le  groupe  principal  s'est  opérée  avant  le  début  de  la  dernière 
période  ci-dessus.  Les  émigrés  ont  dû  ensuite  se  trouver  assez 
longtemps  sans  liens  avec  le  gros  des  leurs,  car  ce  n'est  qu'au 
Latène  II  (v.  J.  Déchelette.  Manuel,  t    II  p.  1 10  et  suiv)  que  des 
types  de  cette  civilisation  apparaissent  dans  la  Péninsule,  bien  que 
certaines  fibules  antérieures  présentent  des  traces  de  l'influence  de 
la  culture  de  Latène  (principalement  dans  le  talomou  queue  des 
fibules)  (1).  C'est  cet  isolement  du  groupe  espagnol  qui  rend  compte 
delalongue  persistance  de  types  anciens,  et  de  la  fusion  si  rapide 
avec  les  indigènes  amenant  des  modifications  profondes  de  toutes 
sorles,  notamment   dans    les    coutumes  comme,    par    exemple, 
l'adoption  de  la  tombe  plate.  Les  bracelets  filiformes  réunis  en 
nombre,  dont  la  mode  est  si  répandue,  en  France  tout  au  moins, 
chez  les  peuplades  celtiques  ou  celtisées,  à  la  fin  du  Hallstattien 
et   pendant  la  transition  de  celui-ci  au  Latène,  sont  également 
fort  significatifs,  pour  la  date  de  l'invasion. 

Les  types  de  fibules,  la  présence  de  la  plaque  de  ceinture  en 
bronze  mince  estampée,  très  rare  à  l'Ouest  de  la  Saône  et  des 
Vosges,  sont  autant  d'indices  sérieux  pour  la  recherche  des  régions 
d'où  est  parti  le  mouvement.  Il  en  est  de  même,  également,  de  la 
fréquence  du  poignard  à  antennes  à  l'exclusion  de  la  grande  épée 

{i)  Les  ûljjje.s  serpentiformes  dont  J.  Dbchblbttb  indique  La  présence  en  Espagne 
peuvent  fort  bien  être  tout  à  fait  étrangères  à  l'invasion  celtique,  et  c'est  là  notam- 
ment le  cas  pour  celles  qu'il  ûgure  (J.  Dbchelbtte,  Manuel  d'arch.  t.  II,  fig.  262  n°  1 
et  2)  et  qui  appartiennent  à  dos  modèles  tout  différents  de  ceux  caractéristiques  des 
régi  ms  celtiques.  Kn  outre,  dans  certaines  de  ces  dernières  contrées,  la  ûbule  ser- 
pentiforme  paraît  avoir  persisté  assez  longtemps  (cf.  le  tumulus  de  Grachwyl  où  elle 
était  associée  à  une  fibule  à  pâte  émaillée;  voir  aussi  à  Paris,  au  Musée  d'artillerie, 
le  mobilier  d'une  tombe,  du  Latène  I,  très  archaïque,  de  Ciry  Saisogne,  où,  avec  une 
fibule  bien  typique  de  la  période,  en  fer,  s'en  trouvait  une  autre  serpentiforme,  en 
même  métal). 

Enfin  l'existence  de  sépultures  tumulaires  en  Espagne  intérieurement  à  l'arrivée 
des  Celtes  n'a  rien  qui  doive  Burprendre.  Elle  semble  devoir  être  attribuée  a  la 
venue,  dans  1  Péninsule,  de  quelques  peuplades  chez  lesquelles  l'usage  de  ce  mode 
de  sépultures  est  attribuable  à  l'influence  des  mêmes  populations  auxquelles  èsl  dû 
l'emploi  de  ce  même  rite  chez  les  Celtes,  ces  derniers,  pour  une  bonne  part,  étant 
jeurs  descendants  directs. 


CONTRIB1  rio\     v    L  ETUDE    DES    CELTES  :r>») 

hallstaltienne  en  fer  qui  paraît,  à  l'Ouest  de  la  Saône  et  des  Vosges 
avoir  persisté  assez  tardivement,  ainsi  que  j'espère  le  faire  voir 
plus  loin. 

Hérodote  (né  en  184  et  mort  vers  425)  écrivait  dans  le  milieu 
du  \  siècle,  c'est  donc  à  la  première  moitié  de  celui-ci  qu'il  nous 
reporte.  Or  le  groupe  que  je  viens  de  considérer  ici  comme 
Celtique,  bien  loin  de  subir  une  diminution  d'importance,  atteint 
alors  l'apogée  de  sa  puissance  et  se  montre  en  relations  très 
actives  avec  les  Grecs.  Cela  est  démontré  surabondamment  par  le 
mobilier,  souvent  très  somptueux,  des  sépultures  tumulaires  du 
voisinage  de  la  Saône  supérieure  (Mantoche,  Mercey-sur-Saôoe, 
Savoyeux  dans  la  Haute-Saône,  Courcelles  en  montagne  dans  la 
Haute-Marne),  de  l'Alsace  et  de  l'Allemagne  du  Sud-Ouest,  au 
voisinage  surtout  du  Rhin  moyen  et  de  la  Moselle  inférieure,  dans 
la  Province  rhénane,  dans  le  Palatinat  rhénan  et  la  Hesse.  Nous 
constatons  dans  toutes  ces  régions,  à  cette  époque,  l'existence  de 
populations  très  riches  et  très  puissantes,  en  relations  actives  avec 
les  Grecs  (1),  populations  indiscutablement  descendantes  directes 
de  celles  établies  dans  ces  contrées  et  dans  celles  immédiatement 
\.  usines,  à  la  fin  du  llallstattien,  c'est-à-dire  appartenantau  groupe 
celtique.  Leur  richesse  et  leur  puissance  ainsi  que  leurs  relations 
très  actives  avec  les  colons  helléniques  du  littoral  voisin  de 
l'embouchure  du  Rhône,  rendent  impossible  à  admettre  que  les 
Grecs  leur  aient  donné  un  nom  autre  que  celui  qu'elles  se  donnaient 
elles-mêmes  et  qu'elles  l'aient  emprunté  à  des  voisins  plus  pauvres 
et  commençant  à  peine  à  sortir  de  l'obscurité.  (H) 


Eclaircissements  sur  le  chapitre  I". 

A.  -  -  Il  faut,  entre  autres,  mentionner  spécialement  un  vase  en  bronze 
trouvé  à  Bucheim  (Bade)  dans  une  sépulture  lumulaire  de  la  période 
ancienne  de  Halls  ta  tl  (v.  J.  Déchelette,  Manuel  (TArch.,  t.  II,  p.  (iio 
Celui-ci  présente  exactemenl  la  même  forme  qu'un  plat  à  pied 
d'une  tombe  de  Bologne  (v.  Grenier,  Bologne,  villanovienne  et  étrusque 
Paris,  1913,  ûg.  52,  p.  ■>\~>  .    I><"  décor  perlé  du  rebord  plat  du  vase  de 

'    Ici  l'introduction  des    produits  helléniques   par   les  vallées  du    Rhône  et  de  la 
infirmée    par  le   fait  des   trouvailles    de  [a  Saône  supérieure   (surtout  les 
amphores  vinairei  découvertes  par  M.  Gasser  dans   les  tumulus  de  Mantoche    tan- 
in aucun  oi'.j   t  grec  contemporain  ne  paraît  avoir  élé  signalé  en  Suisse. 
11  le  mobilier  des  sépultures  <-\\  question  voir  .surtout  :  J.   Dj-chki-eite,  Manne 
d'Arch.  t.  H,  3*  j  a  nie. 


23o  MAURICE    TIROUTET. 

Bucheim  est  à  rapprocher  de  celui  des  coupes  creusesà  rebords  rabattus 
dont  J.  Déchelette  a  indiqué  l'origine  hellénique. 

Les  vases  en  bronze  peuvent  fort  bien  n'avoir  été  enfouis  qu'as 
longtemps,  relativement,  après  leur  fabrication,  leur  matière  les  rendant 
beaucoup  plus  durables  que  les  vases  en  terre  cuite,  surtout  que  les 
vases  peints  attiques  rendus  très  fragiles  par  la  minceur  de  leur-  parois. 
Ainsi  le  beau  vase  de  Grâchwyl,  s'il  a  été  rencontré  eu  compagnie  d'une 
fibule  serpentiforme,  était  également  associé  à  une  fibule  présentant  des 
traces  de  pâte  émaillée  ce  qui  la  rapproche  singulièrement  du  début  du 
Latène  I.  De  même,  le  tumulus  au  bassin  de  bronze  de  Sainte-Colombe 
(Côte-d'Or)  peut  fort-bien  appartenir  tout  à  fait  à  la  fin  du  Ilallslal tien  : 
en  tout  cas.  la  sépulture  du  tumulus  voisin  ouvert  par  la  Commission 
de  la  carte  des  Gaules  est,  d'après  le  style  de  ses  bracelets,  contempo- 
raine de  celle  du  tumulus  d'  Vpremont  (Haute-Saône);  or  celle-ci.  malgré 
la  présence  de  la  grande  épée  hallstattienne,  appartient  à  la  transition 
du  llallstattien  au  Latène  I  ;  sa  date  relativement  récente  est  démontrée 
par  la  présence  d'une  inscription  sur  sa  coupe  en  or  ainsi  que  par  son 
rasoir  en  fer  identique  à  certains  de  ceux  des  tombes  mamiennes  les 
plus  anciennes  et  dont  la  forme,  tout  en  les  montrant  dérivés  des 
rasoirs  hallstattiens  en  fer  de  la  Cote-d'Or,  diffère  quelque  peu  de  celle 
de  ces  derniers. 

B.  —  A  parties  trouvailles  des  tumulus  de  la  région  grayloise.  sur  les 
bords  de  la  Saune,  el  qui  se  classent  plutôt  à  la  transition  du  llallstat- 
tien au  Latène  ainsi  qu'aux  débuts  de  celte  dernière  période,  on  ne  peut 
citer  en  Franche-Comté,  comme  vases  en  bronze  helléniques  ou  italiques, 
qu'une  belle  amphore  hellénique  classée  au  v  siècle  par  J.  Déchelette 
et  découverte  dans  un  tumulus  de  Conliègé  près  de  Lons-le-Saunier  avec 
des  fibules  de  tradition  hallstattienne,  fibules  en  arbalète  à  très  long 
ressorJ  mais  de  modèles  différents  de  ceux  franchement  hallstattiens. 
(Chevaux  et  X  Robert.  Rapport  sur  les  nouvelles  fouilles  faites  à  la 
Croix  des  Monceaux.  Soc.  d'ftmul.  du  Jura  1886). 

q  —  \u  même  niveau  s'est  trouvée  une  autre  fibule  appartenant  à  la 
même  classe  quoique  la  tête  d'oiseau  \  soit  moins  nette. 

Ces  fibules,  ainsi  que  dni\  autres  du  même  endroit  et  de  la  même 
assise,  ét&ienl  constituées  de  deux  pièces  distinctes,  d'une  part  le 
ressort  et  L'épingle,  e1  de  l'autre  le  corps  de  la  fibule,  Le  ressort,  bila- 
téral, esl  enroulé  autour  d'un  axe  passant  dans  une  ouverture  circulaire 
ménagée  dan-  la  partie  antérieure  de  l'are,  comme  dans  certaines  fibules 
de  l'Allemagne  du  ^\\^\  et  dans  bon- nombre  de  fibules  de  la  péninsule 
ibérique  1  pour  l<-s  premières  voir  V.  TrOltscel,  Fundstatistik  p  98,  fig.  <i 
«■i  c,  't  pour  les  secondes,  .1.  Déchi  lette,  Manuel  d'  irch.  1.  il.  a  partie, 
fig.  yJ\:>.    11'  iOj.    L'une,    la    plus   simple,    parait    imitée  de  la  fibule  de  la 


iNTRIBl  ll<>\    \    1  .'îrim:    pES    CELTES.  a3r 

tosa  à  ses  débuts  (v.  M.  Pmoi  rETel  J.  Déghelette,  Découverte  de 
vases  grecs  dans  un  oppidum  halistattien  du  Jura,  Bévue  arch.  1901,  I, 
[33-212,  ûg.  '1  n  3,  etJ.  Déchelettb,  Manuel  Qg.  266  a0  9).  Les  trois 
autres  présentent  un  arc  crénelé  transversalement,  les  crénelures  ayant 
sen  i  de  logement  à  des  applications  de  corail.  Dans  l'une,  le  talon  coud.' 
à  angle  droit  porte  un  plateau  cane,  creusé  de  deux  sillons  diagonaux 
ilemenl  incrustés  de  corail  M.  P,  et  J.  1).  op,  cit.  fig.  l\.  n°  1  et  J.  1). 
Manuel  11.  fig.  266,  n "  -  ;  la  seconde  présente  aussi  un  talon  coudé  à 
angle  droit  portant  une  tête  d'oiseau  dont  une  partie,  en  corail,  a 
disparu;  les  yeux,  en  même  matière,  subsistent  et  le  bec,  effilé,  vient 
se  souder  à  l'arc  (M.  P.  et  .).  D.  op.  cit.  fig.  4  n"  2,  et  J.  1).  loc.  cit. 
Qg.  266,  n  8);  enfin,  la  dernière  présente  au  talon  une  belle  tète  de 
canard  avec  bec  spatuliforme  tourné  vejrs  l'arc  et  les  yeux  constitués 
chacun,  connue  dans  la  précédente,  par  un  petit  fragment  de  corail.  Un 
tuiuulus  de  la  forêt  des,  Moidons  (distante  de  quelques  kilomètres)  a 
li\ré  à  M.  .1.  de  Morgan  une  fibule  identique  à  la  dernière,  et  une  loin- 
belle  de  la  Grange  Perrey,  encore  plus  rapprochée,  a  livré  à  M.  E.  Boil- 
ley  une  fibule  exactement  semblable  à  celle  à  boulon  carré  avec  diago- 
nales en  corail,  associée  à  un  mobilier  se  classant  tout  au  début  du 
La  t eue  I. 

D.  —  Pendant  tout  le  moyen-àge  et  jusqu'à  la  Révolution  une  foire 
importante,  durant  plusieurs  journées,  s'ouvrait  le  jour  de  la  Nativité 
de  la  Vierge  (S  septembre),  jour  de  pèlerinage  à  l'abbaye  dé  Château, 
sur  le  plateau  même  de  l'antique  oppidum.  Ce  pèlerinage  et  celte  foire 
paraissent  bien  avoir  une  origine  antérieure  au  christianisme,  le  culte 
d<-  laVierge  s'étant  certainement  substitué,  sur  ce  point,  à  celui  d'une 
divinité  plus  ancienne.  En  effet  le  Dictionnaire  de  §  communes  du  Jura, 
de  Uousset  et  Moreau,  à  l'article  Salins,  nousapprend  les  faits  suivants  : 
«  Le  dimanche  avant  la  Nativité  de  saint  Jean-Baptiste,  le  clergé  et  les 
paroissiens  de  toutes  les  églises  de  Salins  se  rendaient  processionnel- 
lemenl  au  prieuré  de  Château  où  reposait  une  antique  statue  de  la 
Vierge  qui  était  en  grande  vénération.  Les  jeunes  lilles  de  la  \ille,  par 
un  usage  immémorial,  axaient  le  droit  d'apporter  cette  statue  à  Saint 
Analoile,  et  de  là  à  la  grande  et  à  la  petite  Saline. 

Dans  le  cours  du  trajet,  il  se  faisait  plusieurs  stations  pendant 
lesquelles  l<-s  jeunes  lilles  tournaient  autour  de  la  Madone,  en  dansant 
d'une  manière  lascive  et  en  chantant  des  chansons  indécentes.  L'arche- 
vêquede  Besançon,  par  un  décret  de  l'an  1 6 14»  supprima  cette  cérémonie 
païenne  et  décida  qu'à  l'avenir  la  statue  de  la  Vierge  ne  serait  portée 
que  par  des  prêtres  ou  des  religieux  ».  Ces  faits,  ainsi  rapportés  avec 
une  telle  précision,  ne  peuvent  être  révoqués  en  doute  sous  prétexte 
que  d'autres  auteurs  que  Rousset  n'en  font  pas  mention  ;  les  auteurs  en 
question  ayant  été   simplement    retenus  par   scrupule   religieux    tout 


23q  MAURICE    PIROUTET. 

comme  le  sont  actuellement  les  personnes  qui  s'appuient  sur  leur 
silence  pour  mettre  en  doute  la  réalité  de  ces  vestiges  de  coutumes 
antiques  et  se  sentent  fort  gênées  de  cette  association  du  culte  de  la 
Vierge  avec  des  obscénités.  La  date  indiquée  pour  cette  cérémonie 
(24  juin)  rend  infiniment  probable  qu'il  s'agit  là  d'un  reste  de  culte 
solaire  et  le  caractère  féminin  de  la  divinité  pourrait  faire  admettre 
que  l'origine  de  celle-ci  remonte  à  une  époque  où  le  soleil  était  consi- 
déré, par  les  populations  de  la  contrée,  comme  possédant  le  sexe  fémi- 
nin. Il  est  également  fort  possible  que  la  divinité  protectrice  de  l'oppi- 
dum de  Château  ait  été  une  compagne  du  dieu  solaire.  En  tout  cas  il  en 
résulte  que  cette  montagne  fortifiée  fut  consacrée  jadis  à  une  divinité 
féminine  se  rattachant  au  culte  solaire  et  qui  était  sans  aucun  doute  la 
protectrice,  la  Poliade,  de  l'oppidum.  D'un  autre  côté,  l'existence  d'une 
foire  sur  ce  plateau  d'accès  peu  commode  et  désert,  sauf  la  présence  d'un 
prieuré  isolé,  qui  seule  ne  suffit  pas  à  l'expliquer,  est  à  rapprocher  du 
fait  que,  en  Gaule,  les  foires  et  marchés  se  tenaient  habituellement  dans 
les  oppida.  Quand  à  sa  date,  vers  le  milieu  de  septembre,  elle  coïncide 
justement  avec  l'époque  où,  avant  l'introduction  de  la  vigne,  du  maïs 
et  des  pommes  de  terre,  toutes  les  récoltes  venaient  d'être  rentrées  et 
au  moment  où  l'on  n'allait  pas  tarder  à  préparer  les  semailles 
d'automne.  C'est  là,  pour  moi,  la  raison  qui  a  fait  choisir,  par  les 
novateurs  chrétiens,  la  Nativité  parmi  les  autres  fêtes  se  rapportant  au 
culte  de  la  Vierge  comme  date  de  la  fête  de  Château  afin  de  la  faire 
coïncider  avec  la  foire  annuelle. 

E.  —  Entre  les  Celtes  et  les  Ligures  il  ne  parait  pas  y  avoir  eu  place, 
dans  la  vallée  du  Rhône,  pour  des  peuplades  de  quelque  importance 
étrangères  à  ces  deux  groupes.  En  effet  nous  voyons  Aristote  (ive  siècle) 
placer  la  perte  du  Rhône  chez  les  Ligures.  La  chose  peut  paraître 
bizarre  si  l'on  remarque  que,  dans  la  deuxième  moitié  du  m  siècle,  les 
tumulus  de  la  Haute-Savoie  nous  démontrent  l'installation,  dans  celte 
région,  sur  la  rive  gauche  du  Rhône,  de  populations  identiques  à  celles 
du  Jura  sali nois  el  1res  proches  de  celles  des  sources  du  Danube.  L'expli- 
cation en  est  peut  être  bien  dans  le  fait  qu'Aristote  est  un  compilateur 
s'étant  souvent  contenté  de  puiser  ses  renseignements  dans  des  auteurs 
antérieurs  et  la  preuve  en  est  que  c'est  certainement  en  copiant  Héro- 
dote mais  en  commettant  une  confusion  que  l'on  reproche  à  torl  à  ce 
dernier,  qu'il  place  l;i  source  du  Danube  dans  les  monts  Pyrénées.  Dans 
le  cas  de  la  perte  du  Rhône,  il  semblerait  que  sa  source  est  un  aub  ur 

encore  plus  ancien   qu'Hérodote  el    il  pourrait   -e  faire  que  celui-ci    suit 

celui-là  même  auquel  Festus  Vvienus  a  emprunté  la  mention  delà 
montagne  appelée  Colonne  du  Soleil  près  du  lac  Action  (lac  de  Genève  . 
Il  est  absolument  impossible  d'attribuer  aux  Ligures  ces  tombelles  de 
la  Haute-Savoie,  le    tumulus    de  Gruffy   entre  autres  (J.    Déchelette, 


CONTRIBUTION  \  i.'kti  m:  DES  CELTES.  233 

Manuel  dÂrch.,  t.  II  et  E.  Chantre,  Le  premier  âge  (Infor),  tant  à  cause 
du  caractère  de  la  civilisation  qu'il  révèle  toute  différente  de  ce  que 
nous  connaissons  dans  les  régions  certainement  ligures,  que  par  suite 
de  l'extension  qu'il  faudrait  dans  ce  cas  accorder  aux  Ligures  à  la  fin 
du  vi  siècle  et  même  au  \".  car  on  devrait  alors  leur  attribuer,  en  ce 
temps-là,  toul  le  territoire  de  la  province  occidentale  hallstattienne,  ce 
qui  est  très  évidemment  erroné,  surtout  pour  la  raison  ci-dessus. 

t  ae  autre  explication  des  dires  d'Aristote  serait  fournie  par  l'occupa- 
tion par  les  Ligures,  encore  aux  débuts  du  i\'  siècle,  de  toute  1  4  rive 
gauche  du  Rhône  français,  sauf  la  portion  delà  Haute-Savoie  où  les 
Celtes  s'étaient  installés  vers  la  fin  du  vi*  siècle,  de  manière  que  la  perle 
du  Rhône  se  serait  alors  trouvée  sinon  encore  chez  les  Libures,  du 
inoins  tout  à  fait  au  voisinage  de  leur  frontière  commune  avec  les 
Celtes,  ceux-ci  n'occupant  encore  sur  la  rive  gauche  du  fleuve  qu'une 
région  assez  restreinte;  de  la  sorte  l'erreur  du  philosophe  grec  serait 
très  explicable  et  d'une  importance  1res  faible.   11    est  même  encore 

-^ible  qu'au  commencement  du  ivR  siècle,  ces  Celles,  qui  avaient 
antérieurement  franchi  le  Rhône,  aient  alors  disparu  de  ces  régions. 
soit  qu'ils  les  eussent  quittées  pour  une  raison  ou  pour  une  autre,  soit 
qu'isolés  du  gros  des  leurs  ils  se  soient  alliés  el  fondus  avec  la  masse 
des  populations  ligures.  En  tout  cas,  de  là  il  ressort  un  fait  à  retenir, 
c'est  qu'à  une  époque  <>ù  les  connaissances  géographiques  des  Grecs 
s'étendaient  déjà  jusqu'à  la  partie  du  Rhône  en  amont  de  Lyon,  les 
Ligures  tenaient  la  rive  gauche  du  fleuve,  alors  qu'au  delà,  en  Franche- 
Comté  et  dans  l'Ain,  l'archéologie  nous  montre  des  peuplades  diffé- 
rentes de  ceux-ci.  appartenant  à  un  ensemble  très  important  et  très 
bien  connues  des  Grecs  au  \  î"  siècle;  le  nom  de  Celles,  on  peut  l'affir- 
mer avec  certitude,  est  donc  celui  auquel  ont  droit  les  peuples  qui 
constituent  ce  groupement. 

F.  —  G.  de  Mortillet  entre  autres  i  Formation  de  la  nation  française, 
Taris,  1897)  a  été  fortifié  dans  celte  idée  d'une  erreur  d'Hérodote  parce 
qu'il  a  consulté  une  traduction  faisant  dire  à  celui-ci  que- le  Nil  et  le 
Danube  prennent  leur  source  au  même  point.  Or  il  est  absolument 
impossible  qu'un  auteur,  pour  lequel  l'Europe  et  l'Afrique  étaient 
séparées  par  le  détroit  de  Gadès  et  limitées  toutes  deux  à  l'Occident  par 
l'Océan,  ail  pu  écrire  qu'un  fleuve  africain  dont  il  situe  la  source  vers 
l'Ouesl  iil  a  probablement  en  vue  ici  le  Bahr  el  gazai)  prenait  naissance 
en  Europe,  dans  les  Pyrénées!  Cela  équivaut  à  admettre  que  ce  fleuve, 
pour  Hérodote,  passait  d'Européen  Afrique  et  par  conséquent  qu'il 
franchissait    la     nier!::     Il    est    certain    qu'l  lérodole    n'a  jamais    pensé 

ire  ânerie  pareille  à  celle  dont  on  le  charge  ainsi.  Si  l'on  se  reporte 
à  la  traduction  de  Larcher  revue  et  corrigée  par  L.  Humbert  «  revue  et 
corrigée  sur  le  texte  grec  de  la  collection  Didot  »  d'après  l'avertissement 


2  34  MAURICE    PIROUTET. 

des  éditeurs  qui  ajoutent  :  -«  de  nombreux  passages  ont  été  rendus  plus 
exactement  »,  on  constate  qu'il  s'agit  seulement  d'un  parallèle  entre  le 
Nil  et  l'Ister.  En  tout  cas  on  peut  remarquer  que  dans  la  description  du 
cours  du  premier,  l'auteur  ancien  indique  toujours  l'origine  de  ses 
renseignements  et  donne  ainsi  nettement  le  degré  de  certitude  de  ce 
qu'il  avance  (et  il  faut  notamment  observer  l'extrême  vraisemblance 
des  détails  du  voyage  des  Nasamons),  tandis  que  pour  l'Ister  il  présente 
la  chose  sans  laisser  entrevoir  la  moindre  possibilité  d'incertitude  et 
montre  parfaitement  catégorique.  On  ne  peut  s'empêcher,  il  me 
semble,  d'être  frappé  de  celte  différence  qu'il  montre  encore  nettement 
en  disant  «L'Ister  est  connu  de  beaucoup  de  monde  parce  qu'il  arrose 
des  pays  habités,  mais  on  ne  peut  rien  assurer  des  sources  du  Nil 
parce  que  la  partie  de  la  Libye  qu'il  traverse  est  déserte  et  inhabitée  ». 
Une  autre  série  de  faits  montrant  combien  est  éloignée  de  la  vérité  la 
supposition  qu'Hérodote  aurait  cru  la  source  de  l'Ister  située  dans  les 
Pyrénées,  est  que  les  colons  grecs  de  la  partie  occidentale  française  du 
golfe  du  Lion  ne  pouvaient  manquer  de  savoir  que  les  cours  d'eau 
prenant  leur  source,  non  loin  d'eux,  sur  le  versant  nord  des  mon- 
tagnes voisines,  venaient  se  joindre  à  un  fleuve  coulant  vers  l'Ouest  et 
se  jetant  dans  l'Océan.  Il  n'est  donc  pas  probable  qu'Hérodote,  auteur 
tenant  essentiellement  à  être  bien  renseigné,  ait  ignoré  ce  fait  certaine- 
ment connu  des  commerçants  hellènes  fréquentant  ces  régions,  notam- 
ment ceux  d'Agde  et  ceux  fréquentant  le  voisinage  de  l'embouchure  de 
l'Aude;  légion  où  les  découvertes  de  M.  Rouzaud  à  Montrâmes,  à  k  kilo- 
mètres de  Narbonne,  nous  montrent  les  indigènes  en  rapports  courants 
avec  eux. L'importance  des  trouvailles  de  Montlaurés  provient  cerlai- 
nnment  de  ce  que  là,  ou  tout  au  voisinage,  devait  se  trouver  une  sorte 
de  tête  de  ligne  de  la  plus  importante  voie  commerciale  mettant  en 
communication  le  golfe  du  Lion  avec  le  bassin  de  la  Garonne,  celle  du 
col  de  Naurouze;  c'est  en  tout  cas  la  plus  naturelle  et  la  plus  pratique. 
Les  trouvailles  fortuites  d'un  tesson  attique  à  figures  noires,  de  la 
seconde  moitié  du  m  siècle,  à  Clermont-Dessous  près  d'Agcn  et  d'un 
autre  tesson  à  figures  rouges  à  Agen  même  (cf.  Déchelette,  Manuel, 
t.  Il,  part.  III)  démontrent  avec  évidence  l'existence  de  rapports 
commerciaux  suivis  entre  les  populations  de  la  vallée  de  la  Garonne  et 
les  colonies  grecques  du  Golfe  du  Lion,  dès  ces  hautes  époques.  Il 
ressorl  de  tout  cela  qu'Hérodote,  lequel  a  passé  une  bonne  partie  de  sa 
vie  à  voyager  pour  se  renseigner,  n'a  pus  dû  ignorer  l'existence  delà 
Garonne  et  d'affluents  de  celle-ci  prenant  naissance  dans  les  montagnes 
proches  des i  ôtes  méditerranéennes  el  reliant  les  P\  renées  aux  Cévennes, 
il  lui  était  donc  impossible  de  faire  remonter  le  tracé  du  cours  du 
Danube  jusqu'aux  monts  Pyrénées,  car  il  lui  aurait  fallu  admettre  que 
ce  fleuve  recoupait  la  Garonne  ou  certains  de  ses  affluents, 


CONTRIBUTION    V    [/ÉTUDE   UES   CELTES.  235 

On  objectera  peut  rire  que,  plus  lard  encore,  Aristote  fait  naître 
KIster  dans  les  Pyrénées,  mais  il  est  clair  qu'il  n'a  l'ail  là  qu'œuvre 
de  compilateur,  copiant  Hérodote  tout  en  commettant  une  confusion 
que  l'on  met  bien  à  tort  à  L'actif  de  celui-ci. 

G.  —On  est  d'accord  pour  considérer  Le  poignard  à  antennes  comme 
indiscutablement  dérivé  do  L'épée  à  antennes  enroulées  de  la  fin  de 
l'âge  du  bronze.  On  Le  considère  généralement  comme  caractérisant  la 

onde  phase  delà  période  hallsta tienne,  la  première  L'étant  par  la 
grande  épée  de    fer  pistiliforme,  à  soie  plaie  avec  rivets  et   à   crans 

dstence  de  ces  derniers  ainsi  que  de  la  pointe  mousse  est  des  plus 
douteuses  pour  bon  nombre  d'exemplaires).  An  point  de  vue  général 
la  chose  peul  être  considérée  comme  exacte  quoique  loin  d'être  rigou- 
reuse. En  effet,  par  exemple,  MM.  Déchelctte  et  Keinecke  (cf.  J.  Déche- 
ii  in.  Manuel  d'arch.,  +  $.  II,  p.  721,  note  2)  classent  le  poignard  à 
antennes  de  Seslo  Calende  à  la  première  période  hallslaltienne,  tandis 
que  la  grande  épée  hallslaltienne  du  tumulus d'Apremont,  dans  la  haute 
Saône  était  associée  à  un  rasoir  en  fer  caractéristique  de  la  transition  du 
llallstallien  au  Latène  1  et  du  début  (h1  cette  dernière  période,  et  à  une 
coupe  en  or  avec  inscription  qui  ne  peut  pas  être  plus  ancienne  que  la 
lin  du  vi  siècle.  Pour  certains,  c'est  dans  L'Italie  centrale  que  serait  né 
le  type  de  l'épée  courte  hallstattienne  avec  poignée  à  antennes;  la  chose 
est  pnxible  quoique  assez  peu  probable.  Ce  qui  est  inadmissible  c'est 
de  considérer  les  épées  à  antennes  de  Novilarà,  Pelrara,  Aufidena,  etc. 
comme  les  prototypes  des  poignards  hallslalliens  à  antennes.  En  effet, 
les  individus  italiens  en  question  sont  beaucoup  plus  distants  de  la  tête 
du  pbylum  que  leurs  soi-disant  dérivés;  il  faut,  pour  croire  le  contraire, 
être  hypnotisé  par  les  régions  méditerranéennes  et  avoir  une  loi 
aveugle  dans  les  théories  qui  n'admettent  exclusivement  que  prototypes 
italiens  ou  helléniques,  les  premiers  même  presque  toujours  dérivés  de 
modèles  grecs,  comme  si  les  habitants  de  l'Europe  centrale,  occiden- 
tale on  septentrionale  n'avaient  jamais  été  capables  d'avoir  eu  aucune 
idée  originale.  Je  suis  même  fort  surpris  qu'on  ait  pas  encore  eu  l'idée 
de  chercher  par  exemple  des  prototypes  italiens  ou  plutôt  helléniques  à 

_  rande  épée  en  fer  de  llallslatt  et  à  la  fibule  de  Latène;  je  ne  déses- 
père pas  toutefois  de  ne  pas  larder  à  enregistre!'  semblable  tentative.  Je 
suis  bien  loin  de  nier  L'influence,  1res  grande,  même  à  l'Age  du  fer, 
quant  au  point  de  vue  artistique,  exercée  par  les  contrées  méridionales 
sur  les  civilisations  européennes,  mais  il  ne  faudrait  tout  de  même  pas 

gérer. 

Il    est   plus    probable    que   les   exemplaires  en  question,  de  l'Italie 

itrale,  tous  originaires,  et  cela  même  est  à  remarquer,  de  la  partie 
oriental  5t-à-dire  de  celle  la  plus  exposée  à  l'influence  de  la  civili- 

sation   hallstattienne,  laquelle   s'épanouissait   sur  la  côte  opposée   de 


236 


Mwmr.r.   l'irioiTET. 


l'Adriatique  et   donl    les  civilisations   du    bassin   du   Pô  doivent  être 

considérées  coin  me  une  annexe  d'où  sont  même  sortis  certains  de  sis 
types,  sont  inspirés  d'un  prototype  plus  septentrional.  Plusieurs  raisons, 
entre  autres,  militent  pour  l'aire  de  ces  épées  des  variantes  des  t\pes 
halls  ta  ttiens.  Tel  est  le  développement  du  pommeau  central,  beaucoup 
plus  considérable  que  les  antennes  qui  en  deviennent,  en  quelque  sorte, 
des  parties  tout  à  l'ait  secondaires  et  accessoires;  il  en  est  de  même  de 
la  présence,  dans  certains  cas.  de  quatre  antennes  (en  plus  du  pommeau 
central)  qui  devraient  se  retrouver  dans  un  certain  nombre  des  ■ 
spécimens  halls  ta  ttiens,  si  ceux-ci  avaient  pris  là  leur  origine.  Enfin  les 
bouteroiles  Connues  de  bon  nombre  des  exemplaires  hallsta ttiens  sont 
des  plus  caractéristiques  et  infiniment  plus  proches  de  celle  de  l'épée  de 
bronze  à  antennes  que  de  celles  des  susdites  armes  de  l'Italie  centrale. 
La  présence  de  l'épée  à  antennes  dans  des  régions  limitrophes  des 
zones  celtiques,  celto-illyriennes  ou  ligures,  s'explique  facilement,  mais 
pour  la  présence  de  celle-ci  au  Caucase  où  elle  se  retrouve  avec  un 
certain  nombre  de  types  d'origine  hallstattienne,  je  crois  que  c'est  un 
abus  que  de  vouloir  en  rendre  compte  par  la  théorie  des  prototypes 
helléniques,  théorie  un  peu  trop  passée  à  l'état  de  tarte  à  la  crème;  il 
faut,  je  crois,  les  expliquer  par  une  migration  hallstattienne  de  ce  côté 
et  c'est,  à  mon  avis,  la  seule  interprétation  plausible.  On  pourrait  il  est 
vrai  faire. intervenir  ici  les  Sigynnes  (il  semble  qu'avec  les  quelques 
mots  qu'en  dit  Hérodote  et  avec  l'étude  archéologique  approfondie  dis 
contrées  où  les  auteurs  anciens  nous  les  montrent,  nous  devrions  être 
un  peu  plus  avancés  oie'  nous  ne  le  sommes  sur  leur  compte),  mais  dans 
ce  cas  il  devrait  en  être  de  même  sans  interruption  le  long  de  la  voie 
parcourue  par  ceux-ci. 

H.  —  Il  ne  saurait,  en  aucune  façon,  être  question  d'attribuer  aux 
Sigynnes  nos  tumulus  halls tattiens.  Tout  d'abord,  les  auteurs  anciens 
nous  montrent,  je  ne  dirai  pas  un  peuple  sigynne,  mais  des  Sigynnes, 
ce  qui  est  bien  différent,  vivanl  aux  bouches  du  Danube  (Apollonius  de 
Rhodes)  el  à  la  fois  au-delà  du  Danube,  an  Nord  de  la  Thrace,  ainsi 
qu'au  voisinage  du  fond-de  L'Adriatique,  c'est-à-dire,  à  la  ibis  dans  des 
contrées  participant  à  t'essor  de  la  civilisation  hallstattienne  et  dans 
d'autres  situées  en  dehors  du  domaine  de  celle-ci. 

Du  l'ait  <pie  le  nom  de  Sigynnes  était  appliqué  à  des  marchands 
ambulants,  connue  de  leur  caractéristique  essentielle  d  être  surtout 
conducteurs  <!<■  chariots,  nous  pouvons  conclure,  avec  bien  des  chances 
d'être  dan-  !<•  vrai,  que  <•<■  nom  s'appliquait  à  une  population  de 
nomades,  dans  le  genre  des  Tsiganes  actuels,  avec  lesquels  ils  ont,  du 
reste,  été  assimilés  (el  c'est  encore  là,  à  mon  avis,  la  théorie  la  plus 
soutenable  qui  ail  encore  été  émise  à  leur  sujet). 

si  i,,  civilisation  hallstattienne  avait  ^\^  son  essor  aux  Sigynnes  donl 


\  i  mr.i  i  io\    v    il'  ri  ni:    DES   CEL  fES.  287 

le<  habitudes;  au  moins  très  mobiles,  résultenl  de  ce  que  nous 
apprennent  à  leur  sujel  les  auteurs  anciens,  celle-ci  sérail  évidemment 
loin  de   montrer  des  variations  locales  aussi  différentes  et  aussi  nom- 

hfreus 

En  outre,  cette  même  civilisation  hallstattienne  a  pris  son  plus  beau 
développemenl  principalement  dans  des  contrées  extrêmemenï  acci- 
dentées el  montagneuses  où,  justement,  les  transports,  devant  s'effec- 
tuer à  dos  de  bêtes  de  somme  el  non  par  chariots,  n'étaient  par 
Cdnséquenl  pas  du  goûl  d'une  population  qui  aurait  dû  ainsi  modifier 
du  tout  au  tout  son  genre  de  vie  accoutumé  et  changer  pour  cela  coni- 
plètemenl  le  mode  de  dressage  de  ses  chevaux. 

Les  populations  hallstattiennes  étaient  agricoles  et  par  suite  séden- 
taires, sauf  de  très  rares  exceptions  (el  encore  s'agit-il  alors  plutôl  de 
populations  établies  à  la  suite  d'une  conquête  récente  et  encore  assez 
mobiles  mais  nuii  pas  de  véritables  nomades)  ;  de  plus  l'exploitation 
très  active  du  sel  à  laquelle  se  livraienl  certaines  d'entre  elles,  (Mitre 
autres  celles  de  la  région  alpestre  de  Hallstatt,  ne  peut  àvoi :  été  l'œuvre 
que  de  sédentaires  et  il  en  est  de  même  pour  celles,  nombreuses,  qui 
exploitaient  les  ^iles  métallifères  sidériques.  Par  suite,  il  me  paVait  tout 
à  fait  inadmissible  de  venir  parler  d'un  empire  sigynne  et  de  Sigynnes 
à  'Hallstatt  ainsi  (pie  dans  toutes  les  contrées  montagneuses  alpines  et 
dinariques  si  peu  propices,  à  cette  époque,  à  la  circulation  des  chariots 
el  où  le  Hallstattien  a  pris  un  développemenl  si  intense. 

Quanl  à  la  qualification  de  Sigynnes,  appliquée  par  les  Ligures  aux 
marchands  ambulants,  elle  me  semble  ici  n'être  plus  qu'une  survivance, 
un  témoin   d'un  état  de  choses  plus  ancien,  datant,  de  l'époque  où  les 

_ynnes.  transportant  le  bronze  depuis  l'Europe  centrale  vers  les 
contrées  égéennes,  amenaient- dan-s  celles-ci  les  premières  lances  à 
douille  qui  y  apparurent,  armes  d'usage  déjà  courant  dans  l'Europe 
centrale  èl  qui  prirent,  dans  ces  cou  liées  orientales,  le  nom  de  ceux  qui 
les  y  firent  connaître  ;  (c'est  ainsi  qu'il  me  semble  qu'il  faille  interpréter 
le-  nom  de  sigynnes  donné  aux  javelots  par  les  Chypriotes), 


CHAPITRE  II 
LE  PEUPLE  DES  CIMETIÈRES  DE  LA  MARNE 


D'après  quelques  archéologues,  l'usage  des  tombes  plates  à  la 
période  de  Latène  serait  le  résultat  d'une  modification  dans  les 


238  M\t  TICE    PIROUTET. 

rites  funéraires,  modification  qui  se  serait  effectuée  au  sein  des 
tribus  celtiques  sans  l'action  d'aucune  influence  étrangère.  Les 
cimetières  de  la  Marne  seraient  alors  les  sépultures  de  fractions 
émigrées  détachées  des  populations  hallstattiennes  employant 
normalement  la  sépulture  tumulaire. 

D'après  d'autres,  la  fibule  à  queue  retroussée  serait  une  impor- 
tation des  Celtes,  différents,  dans  ce  cas,  des  peuplades  hallstat- 
tiennes, et  les  fibules,  offrant  déjà  ce  caractère,  qui  se  montrent 
dans  les  tumulus  du  premier  âge  du  fer,  dénonceraient  l'in- 
fluence des  soi-disant  Celtes.  Ce  sont  ces  deux  hypothèses  dont  je 
vais  maintenant  examiner  le  valeur. 


Les  tribus  des  cimetières  de  la  Marne 
sont  originairement   distinctes   des  Celtes. 

Nous  voyons  apparaître  au  Latène  I  des  peuplades  inhumant 
leurs  morts  dans  des  tombes  plates  formant  de  véritables  cime- 
tières. Elles  se  montrent  sur  la  périphérie  externe  (par  rapport 
aux  contrées  méditerranéennes),  de  ce  que  je  viens  de  désigner 
comme  le  groupe  celtique,  le  pénètrent  de  plus  en  plus  et  finis- 
sent par  prendre  la  prédominance  à  la  fin  du  Latène  I,  au  point 
que  bien  rares  sont  les  sépultures  tumulaires  connues  des  périodes 
de  Latène  II  et  III  (A.;. 

D'après  J.  Déchelette  (Manuel  d'Arch.,  t.  II,  p.  1014  et 
suivantes),  le  passage  de  la  tombe  tumulaire  à  la  tombe  plate  se 
serait  effectué  progressivement  sans  qu'il  y  ait  lieu  de  faire  inter- 
venir des  distinctions  ethniques  ;  la  cause  en  devrait  être  cherchée 
dans  les  migrations  des  peuplades  celtiques  et  on  serait  en  pré- 
sence d'une  conséquence  de  l'établissement  de  tribus  sur  un 
territoire  conquis,  l'existence  d'un  tertre  désignant  trop  ostensi- 
blement les  sépultures.  Cette  manière  de  voir  se  heurte  à  des 
difficultés  assez  sérieuses  et  l'on  peut  lui  opposer  de  graves 
objections.  En  effet,  les  peuplades  celtiques,  lors  de  leurs  migra- 
tions et  installations  dans  de  nouvelles  contrées,  pendant  la 
durée  de  l'époque  hallstatliennc,  n'ont  pas  cessé  d'élever  des 
tumulus;  on  ne  comprendrait  pas  pour  quelles  raisons  elles 
n'auraient  pas  continué  à  faire  de  môme.  En  effet,  en  territoire 
conquis  et  occupé  par  elles,  où  par  conséquent  elles  auraient  régné 


lOMKini    N<>\      V    l.'l'niu:     DES    CELTES.  2^Ç) 

en  maîtresses,  elles  n'auraient  pu  avoir  à  redouter  des  tentatives 
de  profanation  île  la  part  de  populations,  soit  soumises,  dans  le 
cas  de  conquête,  soit  plus  ou  moins  fondues  avec  eux  en  cas 
d'établissement  avec  le  consentement,  et  par  suite  d'alliance  avec 
eux.  (les  anciens  habitants. 

La  chose  se  comprendrait  plutôt  de  tribus  simplement  de  pas- 
sage ou  prêtes  au  départ  sous  l'influence  de  la  poussée  d'ennemis 
menaçants  ;  et  encore,  dans  les  deux  cas  (dans  le  premier  surtout), 
ne  se  Irouverait-on  pas  en  présence  de  cimetières  ayant  servi 
pendant  une  durée  assez  notable.  En  outre,  il  n'est  nullement 
prouvé  que  l'existence  de  quelques  tertres  vides  sur  remplace- 
ment de  certaines  des  nécropoles  de  la  Marne  possède  un  lien 
quelconque  avec  la  présence  de  celles-ci  ;  de  plus,  dans  ce  cas,  leur 
présence  serait  allée  tout-à-fait  à  rencontre  du  but  qu'on  se  serait 
proposé  par  l'adoption  de  la  tombe  plate  et  la  suppression  du 
tumulus. 

Enfin  dans  l'hypothèse  d'une  modification  sur  place,  dans  une 
même  population,  des  coutumes  funéraires,  il  est  évident  qu'on 
devrait  rencontrer  des  nécropoles  mixtes  à  la  fois  à  tumulus  et  à 
tombes  plates,  ou  tout  au  moins  qu'on  devrait  rencontrer  dans 
les  mêmes  localités  les  deux  genres  de  sépultures  absolument 
contemporaines  et  avec  des  mobiliers  complètement  identiques. 
Or  rien  de  semblable  n'est  connu  jusqu'ici  et  il  n'est  guère  probable 
que  semblable  trouvaille  ait  désormais  lieu;  la  découverte  de 
quelques  cimetières  mixtes  ne  pourrait  guère  être  maintenant 
considérée  que  comme  une  rareté  ne  possédant  qu'une  significa- 
tion tout-à-fait  locale,  vu  le  très  grand  nombre  des  nécropoles 
pures,  de  l'un  ou  de  l'autre  rite,  appartenant  aux  phases  limites 
de  l'apparition  de  l'un  et  de  la. cessation  de  l'autre  dans  une 
même  région .  J'ajouterai  encore  qu'il  est  infiniment  probable,  dans 
le  cas  où  semblable  modification  aurait  eu  lieu  par  suite  d'émi- 
gration, que  quelques  familles  auraient  conservé  dans  leur  nou- 
velle patrie,  au  moins  tout  d'abord,  les  coutumes  funéraires  de 
leurs  ancêtres  ;  par  suite,  là  aussi,  devraient  se  montrer  quelques 
nécropoles  mixtes  ;  or  ce  n'est  pas  ce  que  l'on  peut  observer  (1). 

<\)  L'existence  de  très  rares  tumulus  recouvrant  une  sépulture  excavée  dans  le 
sol  ne  peut  entrer  ici  en  ligne  de  compte,  cette  combinaison  du  tumulus  et  de  la 
fosse  ayant  été  adoptée  par  certaines  populations  bien  longtemps  déjà  avant  Page  du 
fer.  Elle  peut  résulter  de  la  fusion  de  deux  groupes  originairement  étrangers  ou  de 
l'installation  d'une  tribu  dont  c'était  depuis  longtemps  le  rite  habituel.  De  plus  leur 
extrême  rareté  (et  je  ne   vois  guère  de  ce  genre  à  cette  époque,  dans  nos  contrées, 


2^0  MAURICE    PIROUTET. 

Enfin  il  est  un  fait  qui  paraît  bien  venir  à  l'appui  de  la  thèse 
que  je  soutiens  ici,  c'est  le  cas  du  tumulus  de  Montapot  près 
Montereau  (Yonne).  Ici,  un  tumulus,  du  Latène  I,  renfermait 
trente  à  quarante  corps  dont  les  crânes  étaient  brachycéphales(l). 
Or  nous  nous  trouvons  là  tout  au  voisinage  de  la  région  des 
cimetières  de  la  Marne  où  la  dolichocéphalie  est  prédominante. 
Voilà  donc  proches  les  uns  des  autres  les  cimetières  à  tombes 
plates  et  un  tumulus,  véritable  cimetière,  qui  quoique  contempo- 
rains, ©firent  les  restes  de  populations  anthropologiquement 
difïérentes. 

Il  me  semble  donc  infiniment  probable  que  la  tombe  plate 
constitue  dans  les  régions  celtiques,  tout-à-fait  à  la  fin  du 
premier  âge  du  fer  et  au  commencement  du  second,  une  innova- 
tion due  à  l'arrivée  de  nouvelles  populations  dont  c'était  là  le 
rite  normal  ;  nous  ne  pouvons  pas  non  plus  considérer  les  régions 
à  tombes  plates  marniennes,  où  ne  se  montraient  pas  auparavant 
les  sépultures  tumulaires,  comme  envahies  alors  par  les  Celtes, 
les  nouveaux  venus  n'ayant  pas  fait  partie  du  groupement  qui 
primitivement  portait  ce  nom. 

Ces  tribus,  qui  ont  adopté  la  civilisation  celtique  et  participent 
à  son  évolution,  apparaissent  d'abord,  tout-à-fait  à  la  fin  de  la 
période  de  Hallstatt,  sur  la  bordure  occidentale  de  la  zone  cel- 
tique, en  Champagne,  et  se  développent  surtout  à  la  période 
suivante,  prenant  rapidement  une  importance  considérable.  Tou- 
tefois, antérieurement  à  une  phase  tardive  du  Latène  I,  elles  sont 
encore  longtemps  éclipsées  par  le  groupe  celtique  proprement  dit 
et  demeurent  beaucoup  moins  riches  que  les  Celtes  de  la  Saône 
supérieure  et  du  Khin  moyen. 

Elles  paraissent  très  tard  venues  à  la  civilisation  hallstattienne, 
et  leurs  cimetières  les  plus  anciens  nous  montrent  des  emprunts 
faits  surtout  aux  populations  celtiques  limitrophes.  Tels  sont  les 
brassards  en  lignite,  les  bracelets  filiformes  réunis  en  nombre,  les 
torques  fréquemment  en  bronze  creux,  les  bracelets  en  bronze 
soit  creux  soit  pleins,  unis  ou  gravés  de  chevrons  ou  dents  de 
loup,  les  rasoirs  en  arc  de  cercle,  parfois  encore  munis  d'anneaux  ; 
les  fibules  sont. aussi  les  mêmes  et  appartiennent  à  des  types  éga- 

que    le  cimetière  d'Haulzv,  dans  la  Marne  exploré  par  M.  Gour\)  tend  pJutôt  à   faire 
considérer  ce  mode  de  sépulture  comme  celui  de  nouveaux  venus  celtisés. 

(1)  E.   Chouqcit  :  l'n   tumulus   au  début  de  l'incinération  dans  Seine  et  Marne;  in 
Ualériaua  1S76  p.  312, 


■  \  i  iuiîi   i  fON     v    !,  I  n  i>i     DES    CELT1  2^1 

lemenl  trè9  communs  à  la  fin  du  Hallstattien  en  Franche  Comté, 
Alvi        S  tisse  el  Allemagne  du  Sud,  régions  d'où  ils  sont  origi- 
naires et  d'où  ils  ont  passée  l'Ouest  de  la  Saône  et  des  Vosges. 
En  revanche,  il  faut  remarquer  tont  spécialement  l'absence  .des 
plaques  de  ceinture  et  des  brassards  en  bronze  mince  si  communs 
alors  (surtout  les  ceintures)  chez  les  Celtes  de  Franche  Comté,  de 
Suisse,   d'Alsace  et  de  l' Allemagne  du  Sud.  11  faut  également 
observer  l'absence  des  libules  à  têtes  d'oiseaux,  assez  fréquentes 
dans  la  dernières  des  contrées  ci-dessus  et  dont  quelques  exem- 
plaires se  retrouvent  jusque  dans  le  Jura  salinois.  La  seule  chose 
qui,  dans  la  parure,  leur  puisse  être  propre,  peut  être,  est  la  fré- 
quence du  torque,  et  encore  ne  peut-on  l'affirmer,  car  celui-ci 
devient  à  cette  époque  beaucoup  plus  fréquent  qu'antérieurement 
chez  les  populations  dont  les  restes  reposent  sous  les  tombelles 
hallstattiennes,  et,  du  reste,  le  torque  ne  paraît  pas  avoir  été  jamais 
très  rare  dans   certains    groupes  de  la  province   hallstattienne 
occidentale.  Enfin  un  trait  distinguant  ces  peuplades  de  celles 
hallstattiennes  voisines  est  l'importance  que  prend  chez  elles  la 
poterie  dans  le  mobilier  funéraire  alors  qu'en  Lorraine,  d'après 
le  Comte  J.  Beaupré,  elle  fait  même  parfois  défaut  dans  les  tumulus 
du  début  du  Latène  I,  (1)  et  qu'en  Bourgogne  elle  ne  joue  qu'un 
rôle  assez  peu  important,  tandis  que  la  présence  du  rasoir  les  rap- 
prochait des  populations  de  ces  dernières  contrées. 

Les  armes  paraissent  tout  d'abord  assez  rares  dans  ces  tombes, 
tandis  que  plus  tard  elles  sont  relativement  très  fréquentes  ;  elles 
consistent  surtout  en  épées  très  courtes,  plutôt  de  véritables  poi- 
gnards, avec  parfois  fourreaux  en  tôle  de  bronze  dont  le  décor 
géométrique  très  simple  ne  fait  nullement  pressentir  Fart  si 
caractéristique  de  la  civilisation  de  Latène  et  montre  ainsi  que 
celui-ci  n'a  pas  pris  son  premier  essor  chez  ces  peuplades  (voir 
notamment  au  Musée  des  antiquités  nationales,  salle  VII,  les 
poignards  de  la  vitrine  32  appartenant  en  grand  nombre  à  une 
série  nettement  archaïque).  Dans  certains  cimetières  (Ciry  Sal- 
sogne  entre  autres  ;  voir  au  Musée  des  Invalides  le  mobilier  de 
toute  une  série  de  tombes  très  archaïques  du  Latène  I,  de  cette 
localité,  dont  l'une  renfermait  même  une  fibule  serpentiforme  en 
fer)  ce  sont  même  des  poignards  très  courts,  dans  les  tombes 
paraissant  les  plus  anciennes.   L'emploi  fréquent  du  fer  dans  la 

(1)  Cf.  J.   Ijéchelbttë,  Manuel  dArch.  t.  Il,  3«  partie  p*  1043,  note  1. 

L  ANTHROPOLOGIE.   —  T.   XXIX.  —    1918-1919.  i<5 


2^2  MVIHICE    PHVOUTET. 

parure  (nombreux  torques  et  bracelets  en  fer  d'après.  M.  Bosteaux- 
Paris.  Résultat  des  fouilles  de  l'époque  gauloise  pendant  les 
années  1896  1897.  Exposition  des  objets  hallstattiens  et  marniens 
provenant  de  ces  fouilles,  A.  F.  A.  S.  Nantes  1898)  semble  indi- 
quer que  ce  métal  était  encore  relativement  assez  rare  chez  ces 
peuplades  ou  tout  au  moins  que  son  usage  courant  remontait  à 
une  date  peu  éloignée.  De  plus,  les  trois  épées  à  antennes  livrées 
par  les  cimetières  de  la  Marne  (Charvaix  à  Heiltz  TEvêque, 
Saint-Étienne  au  Temple  et  Vitry-le-François)  offrent  une  forme 
très  spéciale  avec  leurs  antennes  enroulées  tout  comme  celles 
des  épées  à  antennes  de  la  période  V  de  l'âge  du  bronze,  et 
semblent  bien  indiquer  que  ces  dernières  ont,  au  moins,  tout 
autant  servi  de  modèles  directs  à  leurs  fabricants  que  les  poi- 
gnards à  antennes  hallstattiens.  Nous  nous  trouvons  bien  là,  par 
conséquent,  en  présence  de  tribus  récemment  entrées  dans  l'âge 
du  fer  (1).  et  les  arguments  et  différences   ci-dessus   énumérés 


(1)  On  n'aperçoit  rien,  chez  ces  peuplades  champenoises  de  la  fin  du  1er  âge  du  fer, 
qui  rappelle  Le  Launacien,  et  aucun  des  types  de  bracelets  (et  anneaux  de  jambes) 
de  cehii  ci,  analogues  et  parfois  même  identiques  à  certains  du  Hallstattien  de 
Franche  Comté  et  de  Bourgogne,  ne  s'y  montre.  Ces  peuplades  paraissent  donc  être 
passées  de  l'âge  du  bronze  à  celui  du  fer  sans  avoir  participé  a  la  culture  Jauna- 
cienne.  Pourtant  celle-ci  a  été  répandue  en  France  sur  un  très  vaste  territoire  et 
assez  loin  même  vers  le  Nord  Ouest,  puisqu'elle  apparait  jusqu'en  Normandie. 

En  ffet,  M.  Coutil  (Sépultures  et  mobilier  funéraire  des  Lexovii,  hlssuvii,  Vidu- 
casses  et  Baïocasses,  in  Bu//,  soc  normande  d'études  préhistoriques  t.  XI  1903)  a 
montré  l'existence,  dans  cette  province,  de  sépultures  (tombes  plates)  ayant  livré  un 
mobilier  dont  les  caractères  indiquent  nettement  la  contemporanéité  avec  le  Halls- 
tattien L'on  y  peut  justement  reconnaître  de  ces  bracelets  et  anneaux  de  jambe 
très  semblables  à  ceux  que  l'on  voit  dans  le  Launacien  du  Midi  et  dans  le  Hallstattien 
«1  b«  tain  -  rie  nos  régions  de  l'Est.  On  y  voit  apparaître  quelques  rares  types  du 
La  eue  I,  notamment  la  fibule  à  arc  surhaussé,  (ef.  L.  Coutil,  op.  cit.  pi.  XI  fig  11). 
Cette  population  de  la  Normandie  paraît  avoir  reçu  la  civilisation  marnienne  sans 
avoir  participé  à  son  élaboration.  Le  très  petit  nombre  d'objets  attribuables  aux 
débuts  de  celle-ci,  que  l'on  peut  reconnaître  d'après  les  tîgures  et  les  descriptions  de 
M.  L.  Codt  l  &J  qui  se  sont,  trouvés  associés  au  mobilier  normal  dû  à  la  civilisation 
locale,  semblent  bien  l'indiquer.  Une  question  reste  encore  là  à  élucider,  cette  popu- 
lation s'est-elle  assimilée  d'elle  même  aux  tribus  des  cimetières  marniens  dont  etbni- 
quement  elle  pouvait,  peut  être,  n'être  pas  très  éloignée,  ou  bien  5  a-t  il  eu  conquête 
par  celles-ci?  En  tous  cas  le  caractère  launacien  de  la  culture  de  ces  régions 
antérieurement  à  la  période  de  Latène  ne  paraît  pas  faire  de  doute,  quoique,  des 
avant  celle-ci,  l'influence  du  groupe  hallstattien  occidental  s'y  fasse  sentir  (quelques 
types  de  bracelet*,  anneaux  de  jambe,  bracelets  en    lignite);  il  est  confirmé  par  la 

présence.  dau>  cette  province,  dp  haches  en  bronza   1  douill "tanl  une  décoration 

bien  typique  (et.  .1.  Décmrlbttr,  M  ■>>■/  d\Arch  t.  Il  ii_.  v27  n°i)  et  que  l'on  recon- 
naît facilement  dan!  la  description  qu'en  donne  M.  L  Codtil  :  «  quelques  haches  à 
douille  sont  décorées  de  trois.quatre  ou  cinq  lignes  parallèles  s'arrètant  vers  le  centre, 


(  n\  rtUBl  i  KM    v    i    i'ii  DE    DES   i  r  i  ri  s.  2^3 

suffisent,  je  crois,  à  faire  voir  qu'il  ne  peut  s'agir  de  peuplades 
m!  émigré  élu  domaine   des   tumulus  hallstattiens,   mais  de 
nouvelle  venue. 

B  populations  ne  paraissent  guère  avoir  pris  part  (sauf  peut- 
être  ep  ce  qui  concerne  r  armement)  d'une  manière  active  au 
travail  de  transformation  qui  s'opérait  alors  dans  la  civilisation 
hallstattienne,  cl  d'où  commençait  à  sortir  celle  dite  de  la  Marne; 
elles  semblent  n'avoir  eu  d'abord  qu'une  bien  faible,  sinon  à  peu 
près  nulle,  participation  à  l'élaboration  et  aux  premiers  dévelop- 
pements des  nouveaux  modèles  dont  on  constate  alors  l'appa- 
rition. 

L'origine  indigène  de  la  fibule  de  Latène  dans  le  groupe 
hallstattien  occidental  (celtique). 

On  est  généralement  d'accord  pour  reconnaître  que  la  civilisa- 
tion de  Latène  est  issue  de  celle  de  l'époque  hallstattienne  et  la 
chose  ne  paraît  nullement  douteuse.  On  observe,  à  la  fin  du 
Hallstattien,  dans  les  régions  celtiques,  une  recherche  de  formes 
nouvelles  très  remarquable,  notamment  dans  les  bracelets  (ici,  il 
faut  citer  entre  autres  la  recherche  d'un  mode  de  fermeture),  ainsi 
que  dans  les  fibules  où  l'on  voit  apparaître  une  assez  grande 
variété  de  modèles  nouveaux  dont  certains  ne  sont  représentés 
que  par  un  nombre  assez  restreint  d'exemplaires.  Ce  mouvement 
industriel  s'explique  par  le  fait  qu'il  coïncide  avec  une  période  de 
richesse  et  d'expansion  des  Celtes,  ainsi  que  par  l'influence  de 
leurs  relations  avec  les  Grecs,  à  ce  moment  excessivement  actives, 
ainsi  qu'en  témoignent  les  débris  céramiques  helléniques  de 
Ch;iteau-sur-Salins. 

La  fibule  marnienne  notamment  est  bien  une  création  pure- 
ment indigène  du  groupe  hallstattien,  due  à  ce  mouvement 
industrie]  el  non,  comme  certains  l'admettent  à  tort,  un  dérivé  de 
la    fibule   de   la    Certosa.    Deux   caractères  très   importants    les 

parent,  l'un  relatif  à  la  queue  ou  talon  coudé  et  replié  vers  l'arc 

jusqu'à  venir  à  peu  près  en  contact  avec  celui-ci  dans  la  première, 

l  ni'lis  que  chez  la  seconde  ce  n'est  que  tout  à  fait  l'extrémité  qui 

trouve  coudée;    l'autre  est   relatif  au   ressort,  bilatéral  dans 

en  cet  endroit  elles  se  terminent  p.'ir  un  gros  point  »  L.  Coutil,  L'âge  du  bronze  on 
Normandie  el  spécialement  dans  les  départements  de  l'Eure  et  de  la  Seine-Inférieure, 
in    Bull.  soc.  normande  d'éludés  préhUt.  t.  VI,  1S'J8). 


a44  _  Maurice  piroutet. 

celle  de  la  Marne  et  unilatéral  dans  celle  de  la  Certosa.  Il  existe 

dans  les  régions  celtiques  quelques  exemplaires,  très  rares,  de  la 

dernière  avec  ressort  symétrique  par  rapport  à  l'arc;  ce  sont  des 

types  hybrides,    compromis,  comme  il  en  existe  bien   d'autres 

exemples,   entre    modèles   différents,    mais    il    est    absolument 

impossible  d'y  voir  le  type  originel   de  la  fibule  de  la  Marne. 

Celle-ci,  en  effet,  provient  simplement  d'une  réaction,  comme  la 

mode  en  offre  maints  exemples,  qui  s'est  produite  dans  certains 

ateliers,  réaction  à  la  fois,  d'une  part  contre  l'abus  des  timbales, 

gênantes  pour  saisir  facilement  la  fibule,  et  de  l'autre  contre  la 

longueur  exagérée  du  ressort  et  sa  minceur,  celles  ci  entraînant 

un  manque  de  résistance.  Le  motif  terminant  le  talon  est  dérivé 

tantôt  de  celui  qui  décore  les  fibules  à  tête  d'oiseau,  tantôt  des 

moulures  ou  du  bouton  plus  ou  moins  compliqué  de  l'extrémité 

de  la  queue  des  variétés  hallstattiennes  où  celui  ci  ne  porte  pas 

de  timbale.  La  queue  coudée,  et  souvent  même  repliée  dans  la 

direction  de  l'arc  jusqu'à  être  en  contact  avec  ce  dernier,  est  un 

caractère  se  montrant  déjà  fréquemment  à  l'époque  hallstatienne, 

et  c'est  même  là  la  règle  pour  les  fibules  à  ressort  bilatéral  dans 

toute    la    partie  occidentale    de  la    zone  celtique;    un  certain 

nombre  de  fibules  de  la  partie  orientale  de  celle-ci  ont  conservé 

beaucoup    plus    tardivement   le  talon   rectiligne,    puisqu'on    le 

constate,  dans  ces  régions,  encore  sur  des  fibules  en  arbalète  à 

ressort  allongé  (voir  Naue,  Die  Hûgelgràber  zwischen  Ammer- 

und  Staffelsee,  Stuttgart  1887,  et  du  même  :  L  époque  deHallstatt 

en    Bavière  in   tieviuj  archéologique,    juillet-août  1895,    fig.   9, 

n°  77;  (1)   C'est  là,  dans  ce  reboussement  du  talon  des  fibules 

hallstattiennes  celtiques  qu'il   faut   chercher   l'origine  de  celui 

que  1  on  constate  dans  les  libules  marniennes,  où  il  est  tout  aussi 

typique  que  la  bilatéralité  du  ressort    11  est  impossible  de  le  faire 

dériver  du'  coude  que  fait   l'extrémité  seule  de  la  queue  de  la 

fibule  de   la  Cerlosa    (dont    la   date    d'apparition   est    d'ailleurs 

c  ri  ii     ■"      plus  récente  que  celle  des  iibules  hallstattiennes  en 

question),  et  où    ce  coude    n'affecte   qu'une   portion    infiniment 

courte  et  presque  complètement  négligeable  de  cette  extrémité, 

même  souvent  le  bouton  terminal  seul,   de  sorte  que  l'on  peut 

dire  qu'il  n'intéresse  en  réalité  que  ce  dernier  seulement;  de  plus, 

dans  la  tibule  de  la  Cerlosa,  ce  coude  n'est  jamais   dirigé   de 

(1)  Là  aussi  le  porte  agrafe,  ou  étner  court,  persiste  assez  tardivement. 


CONTRIBUTION    A    L'ÉTUDE    DES    CELTES,  245 

manière  à  ramener  la  queue  en  avant  vers  le  corps  de  la  fibule, 
comme   cela  se    passe  dans   la  fibule  marnienne,    mais    le   plus 
uivent  obliquement  du  côté  opposé,  et  beaucoup  plus  rarement 
il  s'effectue  à  angle  droit. 

Enfin,  les  fibules  ballstattiennes  à  ressort  bilatéral,  bien  loin  de 
devoir  leur  origine  à  une  influence  étrangère,  sont  nées  d'une 
simple  évolution  qui  s'est  effectuée  uniquement  dans  le  groupe 
ballstattien    occidental    lui  même.    Le    goût    très    net    pour    la 
symétrie  que  l'on   constate  au  point  de  vue  artistique  dans  le 
groupe  hallstattien  celtique  est,  en  réalité,  la  seule  cause  de  la 
bilatéralité   du  ressort   des  fibules   et   point  n'est  besoin  d'en 
chercher  une  autre.  C'est  très  probablement  à  ce  même  amour  de 
la  symétrie  qu'est  due  la  préférence  donnée  d'abord  dans  certaines 
des  régions  celtiques,  la  Franche  Comté  notamment,  à  la  fibule 
sans  ressort  distinct  (fibule  à  ressort  arqué  de  M.    \    de  Mortillet), 
celle  ci  s'y   trouvant  (associée  à  la  fibule  serpentiforme)  relati- 
ment  très   commune,    lorsque    l'usage    de    la  fibule    devient 
normal  et  courant,  à  l'exclusion  du  type  à  ressort  unilatéral  que 
l'on  y  voit  apparaître  seulement  à  l'état  de  rares  exceptions,  et 
que  la  fibule  à  ressort  bilatéral  court  succède  là  immédiatement 
à  celle  sans   ressort  distinct.  Il  est  infiniment  peu  probable  que 
celle-ci  soit  issue  de  la  fibule  serpentiforme  par  suppression  des 
méandres,   tandis  qu'il   est  beaucoup   plus   logique   de  la  faire 
descendre  directement  du  type  ordinaire  à  ressort  unilatéral  par 
simple  suppression  du  ressort  spécialisé.  Comme,  la  plupart  du 
temps,  la  différence  entre  les  deux  genres  de  fibules  n'existe  que 
dans  le  ressort,  il  en  résulte  évidemment  que  c'est  de  ce  côté 
qu'il  faut  chercher  le  motif  de  la  préférence  constatée.  C'est  donc 
pour  cette  raison  qu'est  né  le  type  en  arbalète,  adopté  d'autant 
plus  rapidement  que  la  bilatéralité  du  ressort  concourait  à  l'orne- 
mentation de  l'objet.  Une  très  sérieuse  présomption  en  faveur 
de  l'origine  purement  indigène  de  ce  type  est  fournie  par  l'usage, 
pendant  une  période  dont  la  durée  n'est  certainement  pas  négli- 
ible,  des  fibules  à  ressort  bilatéral  court,  à  l'exclusion  de  celles 
à  ressort  allongé,  produits  d'une  évolution  qui  continuait  à  se 
poursuivre,  et  qui  n'apparaissent  que  postérieurement,  ainsi  que 
le    démontrent   nettement   les    faits   indiscutables    observé    en 
Franche-Comté.    Il   me   parait  même,  que  parmi  les  fibules  en 
arbalète  à  ressort  court,  on    peut  considérer  comme  réellement 
plus  anciennes  que  les  autres  et  apparaissant  antérieurement  aux 


5^0  MAURICE    PIROUTEf. 

types  à  ressort  allongé,  seulement  celles  à  deux  ou  une  bossette 
en  forme  de  calotte  sphérique,  ou  à  talon  coudé  à  angle  droit  et 
terminé  par  un  bouton  simple;  toutes  celles  à  ressort  court  et 
présentant  des  bossettes  plus  ou  moins  aplaties  ou  coniques,  ou  à 
talon  coudé  à  angle  droit  terminé  par  un  petit  plateau  ou  par  un 
bouton  plus  ou  moins  compliqué  me  paraissent  contemporaines 
des  types  à  ressort  allongé,  et,  avec  ces  derniers,  ont  persisté 
(associés  encore  parfois  à  des  modèles  plus  anciens)  jusque 
pendant  les  débuts  du  Latène  I.  J'admettrais  même  assez  volon- 
tiers que  dans  les  fibules  à  deux  timbales  en  calotte  hémisphé- 
rique, le  type  à  deux  timbales  égales  doit  être  antérieur  à  celui 
à  timbales  inégales  quoique  cela  ne  soit  toutefois  pas  certain. 

Enfin,  ce  qui  semble  bien  montrer  qu'on  est  en  présence  de 
types  très  primitifs,  c'est  que  dans  ces  fibules  archaïques  en 
arbalète  à  ressort  court,  très  souvent  le  nombre  des  tours  du 
ressort  n'est  pas  identiquement  le  même  des  deux  cotés. 

Quant  a  la  courbure,  ou  coude,  de  la  queue,  elle  a  évidemment 
pour  origine  la  même  cause  que  le  ressort  bilatéral.  En  effet  elle 
ramène  une  certaine  symétrie  dans  la  forme  générale  de  l'objet 
ainsi  qu'on  peut  le  faire  voir  en  schématisant  le  profil  du  corps 
des  fibules  hallstattiennes  ;  on  obtient  ainsi  les  figures  suivantes  : 
(l'ardillon  étant  figuré  en  pointillé)  1°  fibule  à  étrier,  ou  talon, 

ou  queue   rectiligne    -—.!.__.  .  2°  fibule   à  talon  coudé  à   angle 

droit    I-    J_._ J  .   3°  fibule  à  timbale  au  talon       __. [. 

Ces  faits  de  recherche  de  symétrie,  très  marqués  dans  la 
partie  occidentale  de  la  province  hallstattienne  celtique,  s'ob- 
servent beaucoup  moins  dans  la  partie  orientale.  Dans  celle-ci, 
les  influences  italiques  se  faisaient  beaucoup  plus  vivement  sentir 
par  suite  de  relations  et  du  contact  avec  les  populations  hall- 
stattiennes des  Alpes  orientales  (dont  certaines  peuvent  être 
qualifiées  sans  crainte  du  nom  de  celto-illyriennes),  et  c'est  là 
pourquoi  beaucoup  plus  longtemps  que  du  côté  de  l'Ouest  s'est 
conservé,  dans  les  fibules,  le  talon  ou  étrier  rectiligne,  ainsi  que  je 
l'ai  déjà  indiqué;  il  est  même  très  probable  que  l'usage  de  fibules 
à  ressort  unilatéral  a  aussi  persisté  là  pendant  une  certaine  durée, 
pour  la  même  raison,  ainsi  que  l'étrier  court  (1).  Il  semblerait 

(1)  Celui-ci  s'observe   notamment  flans  une   Abule  en   arbalète  de   l'Allemagne   du 
S  i  I  ttjgttréé  par  trôltgch  n-'u n.lst.'itistik  p.  &8  fiç.  bj  et  sur  un  exemplaire,  appartenant 


ATTRIBUTION     \    [/ÉTUDE    DES    CELT]  2^7 

donc  qu'au  point  de  vue  de  la  bilatéralité  du  ressort  et  du  reploie- 
men(  de  la  queue  de  la  fibule,  les  tribus  celtiques  occidentales, 
séparées  des  régions  italiques  par  des  populations  ligures,  se 
soient  trouvées  en  avance  sur  celles  plus  orientales,  au  contraire 
encore  fortement  soumises  à  Tinlluence  italique. 

De  ce  qui  précède  on  est  en  droit  de  conclure  que  le  ressort 
bilatéral  et  la  courbure  du  talon,  soit  à  angle  droit,  soit  dirigée 
vers  l'arc,  ont  tous  deux*pris  naissance  sur  le  territoire  de  la  pro- 
vince hallstattienne  que  l'on  doit,  ainsi  que  je  l'ai  montré  plus 
haut,  qualifier  de  celtique,  sans  que  Ton  ait  à  faire  intervenir 
l'influence  d'on  ne  sait  quelle  population  d'existence  des  plus 
problématiques  et  dont  les  traces  sont  jusqu'à  présent  totalement 
inconnues. 

Si  semblable  groupement  de  peuplades  avait  jamais  existé, 
sou  influence  aurait  du  forcément  se  faire  sentir  également  dans 
la  direction  du  Nord  où  la  lin  de  l'âge  du  bronze  de  l'Allemagne 
septentrionale  et  des  régions  Scandinaves  n'est  pas  exempte  d'in- 
fluences et  d'importations  hallstattiennes  ;  or  on  n'en  aperçoit 
aucun  indice,  et  il  n'apparaît  pas  qu'aucune  civilisation  suffisam- 
ment spéciale  et  indépendante  se  soit  développée  avec  des  carac- 
-  particuliers,  pouvant  être  considérés  comme  ancestraux,  soit 
de  celle  de  la  fin  du  Halistattien,  soit  de  celle  du  Latène  I,  entre 
la  zone  hallstattienne  et  les  régions  du  Nord  et  de  l'Est  où  l'âge 
du  bronze  s'est  prolongé  pendant  le  premier  âge  du  fer  ;  en  par- 
ticulier les  fibules  nordiques  synchroniques  du  Hallstattien  ne 
présentent  aucune  trace  de  l'influence,  qui,  dans  cette  hypothèse, 
mirait  amené  l'introduction  du  ressort  bilatéral  chez  les  popula- 
tions hallstattiennes 

I  ùin  autre  côté,  et  la  chose  est  évidente  pour  la  Franche  Comté 

notamment,  les  faits  observés  ne  permettent  pas  d'admettre  une 

telle  théorie.   Si  cette   modification  dans  les  fibules  était  due  à 

une  influence  étrangère,  celle-ci  ne  serait  certainement  pas  limi- 

a  ce  seul  objet;  or  on  ne  peut  apercevoir,  en  même  temps 

qtie  l'apparition  du  ressort  bilatéral,  aucune  mndificadun  ni  dans 

-  funéraires    l'inhumation  demeure  toujours  de  beaucoup 

prédominante,  et  il  n'existe   rien    de  changé   dans   le   mode  de 

construction    des    tombelles,    ni  dans   la  disposition   des   corps 

Iles-ci),  ni  dans  le  mobilier  funéraire,  soit  par  l'apparition 

nement  àla  fin  du  Halistattien,  arec  son  corps  constitué  par  une  pièce  distincte 
»rt  el  '!'-.  l'épingle,  figuré  par  .1.  Naue   Hûgelgraber...  pi.  XXV  flg.  1), 


2^8  MAURICE    PIROUTET. 

d'objets  qui  n'en  faisaient  pas  partie  précédemment,  soit  par  des 
modifications  dans  le  type  de  ceux  habituels,  soit  encore  par  le 
plus  ou  moins  de  fréquence  de  ceux-ci.  Ce  n'est  que  beaucoup 
plus  tard,  alors  que  les  fibules  en  arbalète  à  ressort  allongé  sont 
déjà  apparues  depuis  un  certain  temps,  que,  par  suite  d'une  évo- 
lution effectuée  dans  le  groupe  hallstattien  celtique  lui-même, 
nous  voyons  apparaître  de  nouveaux  types,  mais  nous  nous  trou- 
vons alors  aux  tout  premiers  commencements  du  Latène  I,  ou 
mieux  à  la  période  de  transition  entre  le  Hallstattien  et  le 
Latène  I. 

On  peut  encore  objecter  que  si  la  fibule  à  ressort  bilatéral  était 
d'origine  étrangère  il  est  clair  que  les  types  indigènes  auraient 
persisté  conjointement  avec  elle  pendant  encore  un  certain  temps 
(et  ce  fait  serait  encore  très  probable  même  si  le  mobilier  funé- 
raire avait  subi  quelques  variations,  ce  qui  n'est  pas  ici  le  cas)  ;  or 
on  voit  au  contraire  que  la  substitution  de  la  fibule  à  ressort 
bilatéral  à  celle  sans  ressort  distinct  s'est  effectuée  rapidement  et 
radicalement.  Enfin  on  est  en  droit  de  se  demander  pourquoi  les 
modifications  auraient  porté  exclusivement  sur  le  ressort  et  non 
en  même  temps  sur  le  mode  d'ornementation  de  l'objet  qui,  avec 
ses  timbales  ou  les  caractères  du  bouton  terminal  du  talon 
lorsque  celui-ci  ne  porte  pas  de  timbale,  demeure  parfaitement 
dans  la  tradition  locale  antérieure. 


Eclaircissements  sur  le  chapitre  II. 

A.  —  Les  sépultures  tumulaires,  très  communes  au  début  du  La- 
tène I,  deviennent  de  plus  en  plus  rares  au  fur  et  à  mesure  que  l'on  se 
rapproche  de  la  fin  de  cette  phase.  Au  Latène  II  elles  sont  tout  à  fait 
exceptionnelles.  Bien  moins  rares  au  Latène  III,  leur  mode  persiste 
encore  en  bien  des  endroits  reculés  à  l'époque  gallo-romaine. 

Or  au  Latène  III  nous  assistons  à  une  reprise  d'importance  politique 
de  la  classe  populaire,  c'est  à  dire  des  descendants  des  habitants  anté- 
rieurs à  l'établissement  de  l'aristocratie  conquérante  à  laquelle  appar- 
tenait le  nom  de  Gaulois.  Nous  voyons,  en  effet,  les  chefs  patriotes 
(ambitieux,  selon  César,  qui,  dénigrant  ses  adversaires,  Peint  de  ne 
voir  parmi  eux  que  des  intrigants  el  de  La  racaille)  s'appuyer  sur  la 
populace  contre  les  nobles,  amis  do  Rome.  En  lisant  César,  il  semble 
bien  qu'alors  la  caste  aristocratique  cherchait  un  appui  dan--  1rs 
Romains. 


CONTRIBUTION     \    L'ÉTUDE    DES    CF.T.TF.S.  ^'iO, 

S  l'on  observe  que  le  conquérant,  après  avoir  écrit  que  la  noblesse 
el  les  Druides  jouissaient  seuls  d'une  importance  politique  quelconque, 
nous  montre  des  chefs,  factieux  suivant  lui,  cherchant  à  arriver  (et  y 

venant  souvent)  au   pouvoir,   grâce  à  l'aide  de  la  populace,  nous 

ibligés  d'en  conclure  que  cette  même  populace  comptait  tout 

de  même  alors  un  peu  plus  qu'il  ne  voudrait  le  Caire  croire.  On  en  peut 

tirer,  de   plus,    la   conclusion   que,   écrivant  dans  un  but  politique,  il 

veut   faire  croire  à   Rome  que  son   rôle  en  Gaule,  se  borne,   tout  en 

-nant  les  intérêts  de  sa  patrie,  à  soutenir  les  honnêtes  gens  contre 
les    mauvais    sujets   et    qu'il  ne    fait   que    remplir    les    fonctions    de 

idarme.  en  quelque  sorte;  de  cette  manière,  les  plaintes  portées 
contre  ses  agissements,  venant  de  malfaiteurs  seulement,  ne  doivent 
pas  être  prises  en  considération. 

Si.  en  outre,  on  remarque  que  le  seul  druide  que  nous  voyons  alors 
jouer  un  rôle,  est  ce  Divitiac  servant,  pour  ainsi  dire,  de  fourrier  au 
Proconsul,  tandis  qu'un  Gutuater  des  Carnutes  est  parmi  ses  adver- 
saires,  on  peut  penser  qu'il  existait  un  antagonisme  entre  le  clergé 
druidique,  possédant  la  faveur  des  grands,  et  celui  desservant  les 
divinités  locales,  antérieures  à  l'établissement  du  Druidisme  et  demeu- 
rées en  faveur  auprès  des  indigènes  (indigènes  relativement  à  l'aristo- 
cratie gauloise).  On  en  pourrait  conclure  que  l'autorité  des  Druides 
n'était  pas  aussi  solidement  établie  que  l'auteur  romain  veut  bien  le 
dire,  tout  au  moins  qu'elle  était  fortement  contrebalancée  par  les  cultes 
locaux  auxquels  le  peuple  était  demeuré  fidèle.  Ce  serait  la  raison  pour 
laquelle  le  druidisme  qui,  du  reste,  avait  probablement  alors  partie  liée 
avec  les  nobles,  cherchait  un  appui  dans  l'envahisseur  romain.  Ce  en 
quoi  il  se  trompait  si  l'on  en  juge  par  les  persécutions  dont  il  fut  plus 
tard  l'objet,  ayant  probablement  voulu  réagir  trop  tard  voyant  qu'il 
s'était  donné  un  maître,  tandis  que  les  cultes  locaux  persistaient 
florissants,  en  même  temps  que  les  corporations  d'artisans  prenaient 
une  place  très  importante  dans  la  vie  de  la  cité. 

(A  suivre.) 


L'AGE  OU  HROISZK 

DANS  LE  BASSIN  DE  PARIS 


PAU 


L'ABBÉ   H.   BREUIL 

Professeur  à  L'Institut  de  Paléontologie  Humaine. 


Vî.  —  Ornements  de  corps,  accessoires  de  vêtement, 
d'équipement  et  de  harnachement  du  bassin  de  la 
Somme. 

(Deuxième  parti?.)  (1) 

II.  —  Documents  complémentaires  sur    des   bronzes  Picards 

ht     BASSIN    DE   L'AuTHIE. 

Un  travail  sur  les  épingles  et  les  bracelets  de  la  Picardie  ris- 
querait d'être  trop  incomplet,  si  Ton  ne  tenait  compte  d'une 
découverte  assez  originale  faite  dans  les  marécages  qui  s'étendent 
sans  discontinuer  entre  les  baies  de  Somme  et  d'Authie,  à  Villers- 
sur-Authie  (Somme).  Bien  que  cette  trouvaille  présente  un  carac- 
tère assez  diiîérent  de  ce  que  le  bassin  môme  de  la  Somme  nous 
a  donné,  elle  doit  entrer  en  ligne  de  compte  pour  les  travaux  de 

•graphie  archéologique  et  indique  un  groupe  d'objets  qui 
peuvent  se  retrouver  un  jour  ou  l'autre  en  divers  points  voisins 
de  la  Picardie.  M  Van  Robais  en  a  publié  une  note  sommaire 
(Mém.  Antiq.  de  Picardie,  t.  XXVI,  p.  122  et  pi.  III),  avec  une 
figure  d'ensemble  où  toute  une  série  d'objets  sont  enfilés  dans  un 
torque  funiculaire,   ou  attachés  par  un  fil  de  bronze  à  la  tige  de 

torque  (fîg.  1).  J'ai  pu  étudier  l'ensemble  à  Abbeville,  grâce 

(ij  Voyez  L'Anthropologie,  t.  XI    p.  503:  Ml,  p.  285;  XIII,  p.  467.  XIV,  p.  501;  XVI, 
p.  149;  XVIII,  p.  513.  —  L'Importance  des  travaux  sur  l'art  paléolithique  auxquels  je 
me  suis  constamment  adonné  depuis  des  années  est  la  cause  du  retard  mis  à  publier 
•  rnier  article  sur  les  bronzes  de  Picardie. 

i.'anthkopoi.ogie.  —  t.  xxix.  —1918. 


352 


II.     BREUIL. 


à  l'amabilité  de  M.  Macqueron,  gendre  de  Mme  Wattel,  qui  con- 
serve ces  objets  actuellement.  —  M.  Van  Robais  mentijnne, 
comme  provenant  de  cette  découverte  :  1  torque,  3  épingles, 
2  annelets  à  tige  spiralée,  16  bracelets,  la  plupart  ciselés,  2  lames 
de  poignards  et  2  cylindres  à  une  extrémité  aplatie  d'usage 
inconnu. 

M.  G.  de  Mortillet  suppose  que  l'assemblage  baroque  du  torque 

et  des  objets  qui  1  accompa- 
gnaient est  dû  à  l'intervention 
des  inventeurs  qui  ont  trouvé 
ces  objets  dans  un  sol  tourbeux  ; 
j'ignore  qui  peut  avoir  raison  de 
lui  ou  de  M.  Van  Robais. 

Actuellement,  il  faut  défalquer 
de  la  liste  donnée  par  l'archéo- 
logue picard  le  plus  grand  des 
deux  poignards,  qui  s'est  trouvé 
égaré  ou  volé  dans  une  exposi- 
tion Amiénoise  où  l'ensemble 
de. la  trouvaille  avait  figuré. 

Voici,  sommairement,  la  des- 
cription des  objets  que  j'ai  eus 
en  mains. 

1  pommeau  d'épée  (?)  (fig.  2, 
n°  1)  (1). 
1  petit  poignard,  réduit  par  l'usure  à  une  dimension  longitudi- 
nale si  restreinte  qu'il  ne  pouvait  guère  servir  qu'à  racler  ;  c'était 
une  simple  lame,  à  base  forée  de  deux  trous  de  rivet  (fig.  3, 
n°  5)  ;  ces  trous  sont  de  forme  conique,  très  aplatis,  bien  plus 
ouverts  d'un  côté  que  de  l'autre  ;  la  lame  est  complètement  plane 
sur  la  face  non  figurée;  les  taillants  sont  bien  marqués  sur  celle 
représentée  par  le  dessin.  —  L'autre  poignard,  dont  j'ai  fait, 
d'après  le   croquis  de  Van  Robais,  un  dessin   approché  (fig.    3, 


Fiel.—  Objets  delà  cachette  de  Villers. 
Bur-Authie,  tels  qu'ils  furent  figurés 
]>;ir  M.  Van  Robais. 


(1)  Un  objet  presque  identique  fait  partir  de  la  cachette  de.  Santenay  (Côte  d'Or), 
a  ver  haches  à  bords  droits  sinueux  et  à  talon  carré,  par  conséquent  relativement 
anciennes  (cf  Matériaux,  1873.  pi.  VI).  Un  autre  vient  de  la  cachette  de  l'Ile  Guennoc 
(Finistère)  (cf.  |>  du  Chatellier,  L'Anth.,  1891,  p  21)  mais  le  disque  est  décoré  de  canne- 
lures concentriques;  il  était  accompagné  de  plusieurs  hache»  à  ailerons  et  à  douille, 
On  sait  qu'en  Bretagne,  la  Buccession  des  types  de  haches  ne  se  fait  pas  avec 
la  même  régularité  que  dans  les  régions  parisiennes  et  dans  le  Centre  et  l'Est  de  la 
Franrr. 


L  AGE    r>U    BRONZE    DANS    1U>SI\    DE    PARIS. 


,53 


n°  i)  était  une  simple  lame,  se  rétrécissant  assez  vite  au-dessus 
de  la  hase  et  sVflilant  un  peu  ;  la  base  était  forée  de  2  trous  de 
rivets. 

1  objet  indéterminé,   petit  cylindre  foré  au  milieu  et  à  base 
évasée  (fig.  2,  n°  2)  (1). 


Fig.  2.  —  Torque  de  bronze,  anneaux  et  cylindres  de  la  cachette  de  Villers-sur- 

Authie.  Echelle:  1/2. 

3  épingles  (fig.  3,  n°  1,  2,  3),  dont  2  très  voisines  de  celle  de  la 
cachette  de  Caix  (L'Anth.,  XVIII,  p.  514,  fig.  1,  n"  5),  à  renflement 
de  la  tige  perforé  et  retenant  un  annelet  mobile  ;  la  section  de  la 
tige  de  ces  2  épingles,  dans  la  région  renflée,  est  plus  ou  moins 
subtriangulaire  ;  leur  décoration  est  très  soignée.  La  3e  épingle, 
qui  a  une  petite  bélière,  est  d'une  décoration  plus  sobre,  et  à  sec- 
tion circulaire. 


(1)  Cf.  P.  os  Goy,  Petit  Villutte,  pi.  XIV,  fig.  6. 


254  H.     BRElll  . 

16  bracelets,  dont  le  plus  grand  nombre  entièrement  circu- 
laires; 3'  seulement  sont  ouverts,  ou  du  moins  discontinus  et 
ovalaires,  et  1  ovalaire  et  continu,  mais  présentant  une  incision 
destinée  à  le  segmenter  comme  les  précédents  ;  de  ces  4  derniers, 
un  seul  présente  une  ornementation  en  chevrons  formés  de 
faisceaux  de  lignes  gravées  (fig.  4,  n°  4)  ;  leur  section  est  sub- 
cylindrique. 

Au  contraire,  le  plus  grand  nombre  des  bracelets  circulaires 
présentent  une  décoration  incisée  assez  variée,  et  une  section 
aplatie  et  parfois  subtriangulaire  (fig.  4,  n°l,  2,  3  ;  fig  5);  un 
seul  ne  montre  pas  de  décorations  ;  il  est  du  diamètre  de  fig.  5, 
n°  3,  mais  à  tige  à  section  aplatie.  L'un  d'eux  (fig.  5,  n°  2),  est 
beaucoup  plus  large  et  plus  épais  d'un  côté  que  de  l'autre;  et  les 
dessins  îeprésentent  9  des  12  bracelets  circulaires,  je  viens  d'en 
citer  un  sans  ornement  ;  j'ai  à  signaler,  outre  ceux-ci,  un  autre 
bracelet  à  peu  près  semblable  à  d'autres  de  même  provenance. 

11  reste  à  signaler  2  petits  anneaux  ouverts,  formés  d'une 
tigelle  de  bronze  s'enroulant  une  fois  et  demi  sur  elle-même 
(fig.  2,  n°  2). 


111.  —  Observations,  Comparaisons,  Conclusions. 

1 .  Fibules 

Des  fibules,  nous  dirons  peu  de  choses,  car  l'attribution  des 
spirales  à  ce  groupe  d'objets  est  bien  fragile  ;  elles  peuvent  aussi 
provenir  de  bracelets,  ceintures,  plastrons,  etc.  — Ces  objets  ont 
été  rencontrés  dans  d'autres  cachettes  françaises  de  la  fin  de  l'âge 
du  Bronze,  comme  Larnaud  (Jura)  qui  en  contenait  huit,  Vaudre- 
vangues.  Le  Theil  (Loir-et-Cher)  (ceinture),  le  Petit  Villatte  (Cher), 
Launac  (Hérault),  Les  Arz  (Ariège)  (1).  —  Ils  ne  se  trouvent  pas 
en  Normandie,  ni  plus  au  Sud  et  à  l'Ouest  que  le  Cher;  on  n^n 
trouve  pas  en  Suisse,  en  revanche  la  Champagne  et  la  Bourgogne 
paraissent  en  être  riches  :  même  en  omettant  les  spirales  (2)  du 
brassard  de  Vinets  (Aube)  (musée  de  Troycs),  celles  des  jambières 


1    Ceuj  '!*'.  cei  <l<'ii\  dernières  cachettes  sont  d'un  groupe  .issez  distinct,  le  fil  étanl 
beaucoup  plus  épais  et  ;ï  section  cylindrique. 

(2)  Cf.  Chantre,  Premier  fige  du  fer,  pi.  XXIII  et  XLIV.  Lu  Glbrt,  Calalof/ue  des 
Bronzes  du  Minée  de  Troyes,  pi.  LV,  etc. 


200 


I    LGE    DU    BRONZE   DANS    II     BASSIN    DÉ    PARIS. 

de Champigny  (Aube),  et  des  brassards  de  Magny-Lambert,  delà 


' 


G 


Fld    3.  -   I 


piDgle.  èl  poignanl,    de  la   McheUe  de   \  i  llors-s,,,-  Aulhic.  Echelle  :  1/2. 

Combe-Bernard  (Côte-d'Or)  de  Publy  (Jura)  nous  trouvons  desobjets 
encore  plus  étroitement  identiques  au  Musée  de  Reims,  d'abord 


20(3  H.    BREUIL. 

une  grande  plaque  spiralée  trouvée  près  de  Reims,  dans  le  canal, 
en  1842,  qui  parait  avoir  été  double,  puis  divers  objets  de  la 
collection  Huât,  au  même  Musée,  dont  une  autre  plaque  spiralée 
semblable,  mais  un  peu  plus  petite,  avec  traces  de  fer;  une  autre, 
simple,  mais  faite  d'un  lil  de  bronze  plus  mince,  avec,  au  centre, 
un  petit  cabochon  retenu  par  un  rivet  en  fer,  mais  surtout  une 
grande  plaque  spiralée  géminée,  qui,  cette  fois,  avec  l'ardillon 
en  moins,  rappelle  complètement  les  fibules  de  l'Europe  centrale 
et  méridionale  composées  d'un  double  enroulement,  entre  les 
parties  symétriques  duquel  le  lil  fait  souvent  un  certain  nombre 
déboucles  (1);  l'ardillon,  tantôt  est  formé  par  un  retour  du  fil, 
tantôt  par  une  épingle  perforée  traversée  par  le  fil  lui-même.  C'est 
incontestablement  dans  la  basse  vallée  du  Danube,  et  surtout  en 
Hongrie  et  en  Serbie,  que  le  goût  de  ce  genre  d'ornement  s'est 
développé:  en  Serbie,  il  est  resté  extrêmement  goûté  jusqu'à  une 
époque  très  récente,  en  particulier  sous  la  forme  d'ornements  de 
poitrine  (tchétiré  tokès)  (2).  De  là,  ces  ornements  ont  gagné 
des  régions  plus  septentrionales,  jusqu'à  la  Baltique,  et,  parla 
vallée  du  Danube,  pénétré  vers  l'Ouest,  sans  descendre  vers 
la  Suisse,  mais  en  remontant  vers  la  Champagne  et  la  Côte-d'Or, 
sans  s'étendre,  semble-t-il,  au  delà  de  la  Picardie  et  du  Berry ,  mais 
en  redescendant,  par  la  Saône  (3),  jusqu'au  Jura;  quant  aux 
spires  massives  de  l'Hérault  et  de  l'Ariège,  ce  n'est  sans  doute 
pas  par  la  même  route  d'émigration,  qu'elles  doivent  se  relier  au 
même  berceau. 

(1)  En  voici  divers  exemples  :  Danemark  :  à  Mœldrup,  double  enroulement  complet, 
sans  boucle  médiane,  ardillon  en  fer  (in  Neekgaakd  :  Systématisation  des  trouvailles 
danoises  de  l'âge  du  Fer)  —  En  Bosnie,  même  type,  mais  à  ardillon  formé  par  le 
retour  du  fil  de  bronze  (in  Hoeknks,  die  Hailstatt  Period).  Le  type  à  double  bouclei 
interposée  est  commun  dans  l'Italie  Méridionale  (Montélius,  La  civilisation  primitive  en 
Italie,  fig.  '283,;  en  Attique  et  à  Olympie  {Zeilschrift  fiir  Ethnologie,  1889,  p.  225)  ;i 
existe  a  Hailstatt  Mat.,  1872)  —  Dans  d'autres,  il  n'y  a  qu'une  boucle,  mais  l'épingle, 
en  croix  archiépiscopale,  est  distincte,  et  la  distance  entre  les  deux  spirales  est  tiès 
supérieure  à  leur  largeur  {Zeitschrift  fur  Ethnologie,  1892,  p.  358  et  1898,  p.  222). 
Dans  d'autres,  les  boucles  se  multiplient  {Zeilschrift,  1889,  p.  225;  1898,  p.  224),  etc. 

(2)  Matériaux,  1870  n.  6  :  Wladimik  de  Maïnof  :  Note  sur  les  Tùquès  ou  ornements 
gpiraloïdes,  voir  surto  <t  les  ornements  de  poitrine,  fig.  6  et  7,  composés  de  doubles 
ou  quadruples  spiral 

(3)  Une  sorte  de  large  bandeau  de  bronze,  terminé  aux  deux  bouts  en  spires  discoi- 
dales,  provient  du  lit  de  la  Saône,  à  Lamarche  (Côte  d'Or)  ;  cf.  Marchant,  in  Matériaux, 
1870,  p.  52».  Les  enroulements  se  font,  non  en  sens  alterne,  mais  du  même  côté. 


l'âge  di    bronze  dans  le  bassin  de  paris. 


357 


2.  Épingles, 

La  série  de  17  épingles  (en  y  comprenant  celles  de  la  cachette 
de  Villers-sur-Authie,  est  bien  maigre,  comparée  aux  immenses 
Béries  des  palatines  de  Suisse;  elle  est  aussi  beaucoup  moins 
riche  en  variétés,  et  les  formes  dominantes  du  petit  groupe  Picard 
ne  sont  pas  celles  qui  sont  en  majorité  de  l'autre  côté  du  Jura. 


Fig.  4.  —  Bracelets  circulaires  de  Villers-sur-Authie.  Echelle  :  <  1/2. 

D'autre  part,  il  faut  noter  que  les  épingles  de  bronze  qui  se 
retrouvent  assez  fréquentes  dans  l'Oise,  la  Seine-et-Marne  (1),  en 
Champagne,  en  Bourgogne,  dans  l'Est,  dans  le  Jura  et  les 
vallées  de  la  Saône  et  du  Rhône,  sont  extrêmement  rares  en 
Normandie,  en  Bretagne,  dans  la  moitié  Sud  et  Sud-Ouest  du 
bassin  de  la  Seine,  le  Berry,  le  Poitou,  la  Vendée,  la  Charente  (2), 
I)  autre  part,  si  l'on  passe  la  Manche,  on  constate  une  grande 
pauvreté,    et  aussi,  à    part  plusieurs     formes    communes,     un 


(1)  Cf.  lievue.  archéologique,  1891.  E.  Todlouze,  Etude  sur  Morsang-Saintry. 
(2j  La   cachette  de  Venat  en  contient  seule  une   petite  série  ;  encore   sont-elles 
extrêmement  menues   et  de  dimensions  réduites  ;    la  cachette  du  Petit  Villatte,  de 
Manson,  de  N.  D.  d'Or  n'en  contiennent  qu'un  seul  fragment  ;  Choussy  en  contient 
deui  ou  trois  petites;  les  autres  cachettes,  Nantes,  La   Ferté-Hauterive,  Le  Verger- 
u,  n'en  contiennent  pis. 
L'A.IlHhOPOLOGIB.  —  t.  xxix.  —  1918-1919.  17 


258  H.     BREUTL. 

ensemble  très  dilïôrjut;  il  semble  bien  qu'on  puisse  attribuer  à 
une  influence  de  la  Suisse  et  de  l'Est  la  présence  des  épingles  dans 
la  vallée  de  la  Somme,  et  que  cette  influence,  très  sensible 
jusqu'au  voisinage  de  Paris  et  de  Beauvais,  et  encore  auprès  de 
Nevers,  n'ait  guère,  sous  cette  forme,  dépassé  vers  l'Ouest,  ces 
limites. 

Entrons  plus  avant  dans  les  comparaisons;  quatre  cachettes 
ont  donné  des  épingles  ;  la  plus  ancienne  (avec  hache  à  ailerons 
archaïques  seules)  celle  de  Caix;  en  a  donné  deux  :  une  large 
tête  discoïdale  {L'Anth.  XVIII  :  fig.  1,  n°  14),  et  une  épingle  moins 
grande,  à  tige  renflée  et  perforée,  très  soigneusement  ciselée  (ibid., 
fig.  1,  n°  5).  La  cachette  de  Villers-sur-Authie  n'a  donné  aucune 
hache  avec  les  trois  épingles  de  la  même  famille  que  cette  dernière 
(fig.  3,  n°  1  à  3);  nous  étudierons  plus  loin  quelle  place  l'étude  de 
son  torque  et  de  ses  bracelets  lui  réserve  dans  la  chronologie.  La 
cachette  à  haches  à  douille  et  à  ailerons  de  type  avancé  du  Plain- 
seau  n'a  donné  qu'une  épingle  à  tige  renflée  et  crénelée,  avec 
bélière  (L'Anth.  VI1IÏ  :  fig.  1,  n°  9).  Enfin  la  cachette  de  Dreuil, 
avec  haches  à  douilles  toutes  seules,  a  donné  une  portion  de  tête 
creuse  sphéroïdale  (fig.  1,  n°  15),  ornée  de  bossettes  en  relief,  de 
pur  type  helvétique  (1);  de  ce  dernier  type,  je  ne  connais  même 
aucun   autre  échantillon  français,  la  Savoie  exceptée. 

Les  grandes  épingles  du  type  de  Caix,  à  tête  formée  par  un 
large  disqae  métallique  se  trouvent  (2)  en  Belgique  (Sinsin),  en 
Irlande,  dans  la  Lozère  (causse  Méjean),  dans  les  palafittes  de 
Suisse,  dans  la  vallée  de  la  Saône;  plusieurs  têtes  proviennent  de 
la  grande  cachette  de  Larnaud  (Jura)  et  de  celle  de  Clarafond 
(Savoie),  qui  sont  de  la  fin  de  l'Age  du  Bronze,  mais  d'autre 
part,  la  cachette  de  Vernaison  (Rhône),  qui  est  beaucoup  plus 
ancienne,    en  contient  aussi.   Il  est  est  donc    difficile  de  tirer 

(1)  Comparer,  spécialement,   à  fig.  6,  pi    IV,   in  Der  Pfahlbau  Wolligshofen,  von 

J.  Heikhli  (Mtttlieilungen  des  Anliq.  Gesellsch,  Zurich,  XXII).  Généralement,  les 
sphéroïdes  qui  forment  la  tète  de  ces  grandes  épingles  ont  des  ouvertures  circulaires 
(cf.  ibid,  et  aussi  :  Musée  de  Lausanne,  Album  des  Antiquités  Lacustres,  pi.  XX1I1  ; 
Dksoh,  le  Bel  Age  du  Bronze,  pi.  V)  ;  Gkoss,  Moeringen  et  Auvernier,  pi.  VIII,  et  les 
Protohelvètes,  pi.  XXI. 

(2)  cf.  CuMHAiHB.  Les  premiers  Ages  du  Métal,  pi-  X.  —  Evans,  loc.  cit.,  p.  400.  — 
A.mjhk,  Découverte  d'objets  en  bronze  sur  le  Causse  Méjean.  —  Krllbk,  Etablissements 
lacustres,  pi.  X.  —  Musée  de  Lausanne,  Antiquités  lacustres,  pi.  XXIV,  n°  23.  — 
G.  de  Mortillkt,  Fonderie  de  Larnaud,  p.  26,  et  Musée  Préhistorique,  pi.  XCHI, 
n°  1205  et  1204.  —  Pour  l'Italie  v.  Munko,  Lake  dwellings  of  Europa,  fig.  84,  n°  9,  10, 
11,  de  Montale,  au  Sud  de  Modène. 


l'âge  du   bronze  dans  le  bassin  de  paris.  359 

une  conclusion  d'un  type   aussi   peu   centralisé,  et  en  somme, 


FlO.  .").  —  Bracelets  divers  de  Villers-sur-Authie.  Echelle  :  1/2. 


partout  aussi  clairsemé.  Notons  seulement  l'absence  de  la  forme 
britannique  à    tète    s'insérant  perpenliculairemant    à   la  tige, 


260  II.   t;ki:;  il. 

et  de  la  forme  lyonnaise  (Vernaison)  à   tige  tordue  en   U  (Ji. 

Les  épingles  ciselées  à  tige  renflée  de  Caix,  de  Yillers-sur-Authie 
nt  également  des  analogues  en  Angleterre  avec  haches  à  talon  (2), 
mais  elles  sont  d'un  type  également  peu  commun  ;  'en  Suisse, 
Italie  en  Allemagne  et  Bohème,  il  n'y  en  a  pas  qui  soient  vraiment 
de  ce  type,  bien  que  de  rares  exemplaires  le  rappellent  plus  ou 
moins  (3).  Les  autres  épingles  picardes,  fig.  8  et  10,  en  sont  des 
variantes  moins  soignées. 

Celle  du  Plainseau  est  un  peu  plus  banale,  avec  sa  tige  renflée 
et  crénelée;  pourtant,  elle  manque  dans  les  Iles  Britannique,  la 
Belgique  ;  on  ne  la  retrouve  en  Suisse  qu'en  proportion  infime  (4). 
En  Normandie,  la  cachette  de  Baux-Sainte-Croix,  avec  haches  à 
talons,  en  a  donné  une  analogue,  mais  à  tête  tronconique  et  sans 
bélière.  La  Champagne  en  a  donné  plusieurs  exemplaires;  celui 
delà  sépulture  de  Courtavant  (Aube),  de  la  collection  Morel,  est 
bien  connu;  il  y  avait  dans  la  môme  collection  une  épingle  ana- 
logue de  Thars  (Marne)  dont  la  tête  était  conique,  au  lieu  d'être  un 
large  disque  comme  dans  celle  du  tombeau  de  Courtavant;  il  y  a, 
au  musée  de  Château-Thierry  un  fragment  d'une  autre  ép'ingle  à 
tête  discoïdale  plate,  et  à  crénelures  très  accentuées;  parmi  les 
nombreuses  épingles  dragués  à  Morsang-Saintry  par  M.  Toulouze, 
certaines  sont  également  de  ce  groupe,  mais  se  rapprochent 
davantage  des  épingles  picardes  (L'Anllï.  XVIII,  fig.  1,  ne  1  et 
n°  2.)  La  cachette  de  Vernaison  en  présente  de  cette  forme  (Mus. 
Préh.  fig.  872),  associées  à  des  haches  à  bords  droits.  Une  cachette 
du  Gard,  celle  de  Vers,  se  composait  de  11  épingles,  dont  une 
rentre  dans  la  même  série,  tandis  que  trois  autres  doivent-être 
comparées  plutôt  à  notre  épingle  de  la  Somme,  ibid.,  fig.  1,  n°  4. 

(1)  Cette  forme  se  retrouve  encore  plus  accentuée  dans  les  sépultures  de  Saint 
Jean  de  Maurienne.  cf.  Chantre,  in  Matériaux.  1872,  p.  276. 

(2)  Evans,  Age  du  Bronze,  p.  397. 

(3)  Munbo,  The  Lake  dwellings  of  Europa,  p.  131,  fig.  28,  n°  2  et  3,  du  lac  de  Cons- 
tance; p.  258,  fig.  84,  n°  32,  33,  de  Montale,  au  sud  de  Modène.  —  Sculiz,  DieBevôl- 
kerung  der  Obérants  lleilhrom,  avec  la  hache  à  talon.  —  Pfalbauten,  8*  berirht, 
ttg.  ce.  pi.  III,  Mittheil.  Ant.  Ges.  Zurich,  XX,  1.  —  Dé  belette,  VÀnlhr.  1900,  p.  413, 
fig.  2,  h. 

(4)  Hbirkli,  Pfalbauten,  neunter  Bericht,  in  Millheilungen  Ant.  Gesell.  Zurich,  X1LU, 
hefl  2,  pi.  V,  fig.  4:  pi.  VI,  fig.  13.  -  Gkoss,  Les  Protohelvètes,  pi.  XXI,  ag.  53.  - 
Coutil,  L'Age  du  Bronze  en  Normandie,  pi.  5,  n°  9.  —  Léon  Mokel,  La  Champagne 
souterraine,  pi.  42.  —  ToULQUBB,  /oc.  cil.  in  Revue  Archéologique  I894-,  fig.  8.  —  Mm- 
oaui»,  Cachette  de  Vers  (Gard;,  in  L'Homme  Préhistorique,  1905,  p  225..-—  Pfalbauten 
8e  bericht,  toc.  cit.  pi.  III,  fig.  bb. 

(5)  Toulouse,  loc.  cit.  fig.  5. 


•      L'AGE    D1      BRONZE    DA.NS    LE    I  î  A  s  S  l  \    DE    PARIS.  2Ôl 

Cette  épingle  peut  <Hre  utilement  comparée  à  plusieurs  de 
Morsang-Saintry  et  de  Vallée-au-Bae  (Seine-et-Marne)  à  certaines 
de  Peschiera  (I).  On  pont  la  dire  absente  de  Suisse,  mais  il  y  en  a 
plusieurs  à  Vernaison. 

Quant  au  type,  ibid.t  fig.  1,  n°  3,  où  la  tète  se  confond  avec  le 
renflement  crénelé,  il  en  existe  (2)  un  exemplaire  de  la  cachette  de 
haches  à  talon  de  Baux-Sainte-Croix  (Eure),  un  autre,  de  la 
Combe-Bernard  (Côte-d'Or),  une  de  la  cachette  de  Vers  (Gard), 
plusieurs  du  lac  de  Zurich,  de  Bohême  et  d'Allemagne. 

Pour  l'épingle  à  tète  discoïdale  et  tige  droite  (fig.  1,  n°  7),  il  s'en 
trouve  (3)  en  Irlande,  en  Bohème,  à  Pougues-les-Eaux  (Nièvre), 
niais  sans  bélière.  Celle  (L'Anth.  VIII,  fig.  \,  n°  6)  peut  se  rappro- 
cher (4)   de  certaines  épingles  d'Italie. 

11  reste  à  comparer  les  trois  plus  petites  épingles  de  la  série 
{L'An! h.  VIII,  fig.  1,  nos  11,  12,  13).  La  première,  avec  sa  tête 
cylindrique  à  double  cannelure  la  divisant  en  trois  segments,  se 
laisse  aisément  rapprocher  (5)  des  nombreuses  petites  épingles  de 
Saint  Pierre  en-Chastres  (Oise),  de  celles  de  la  cachette  de  Venat 
(Charente),  d'une  provenant  sans  doute  de  Choussy  (Loiret  Cher), 
de  deux  du  petit  Villatte,  et  les  modèles  les  plus  simples  des  palaf- 
littes  de  Savoie  et  de  Suisse.  Les  deux  petites  épingles  à  tête  glo- 
buleuse me  paraissent  trop  peu  caractérisées  pour  m'y  arrêter; 
des  objets  identiques  peuvent  être  de  l'époque  gauloise  ou 
romaine;  je  signalerai  seulement  que  les  épingles  à  tête  globu- 
leuse qui  manquent  en  Picardie,  ou  peut  s'en,  faut,  deviennent 
vite  nombreuses  dans  les  bassins  de  l'Oise,  de  la  Marne,  de  l'Aube, 
se  retrouvent,  mais  en  très  petit  nombre  dans  la  Nièvre,  le  Loir- 
cL-Cher,  et  pullulent  littéralement  en  Suisse  et  en  Savoie;  à 
Larnaud,  elles  forment   la   masse  de   soixante  et    un  fragment 

M,  RblLbr.    IM'albauten,   fûnft    Bericht,  pi.    V,  n°  3  et  1),  Miltheilungen  der  Anl'iq. 
Genel.,  Zurich,  XIV.  —  Db  Mortillet.  Musée  Préhistorique,  fig.  tf7t,  873. 

Coutil,  toc.  cil.,  pi.  V,  n°  9.  —  Qbch  blette,  Les  sépultures  de  l'Age  du  Kronze  en 
France,  in  L'Anthropologie.   XVII,  p.   332.  —  Hbibrli,  Pfalbauten,  neunter   bericht, 
pi.  VI,  n"  1,  5,  in  Mitlheil.  Anl,.Ji>'s.  Zurich,  XXII,  1.  —  Scklitz,  op.  cit.,  avec  hache 
à  talon.  —  I)k:hkli:itk,  L'Anth.  1900.  p.  41  3,  ÛÇ.  2,  m,  q. 
•lu  Bronze,  p.  399. 
no,  op.  cit.  p.  199,  flg.  ■'!.  -    Dbchblettk  loc.  cil.,  fig.  2  et  6. 
rtoR-MLLBT    M  isée   Préhistorique,  fig.    118S,  1189.  1190,  1193,  1196.  —  Geokgb  et 
chette  df  Venat,  pi     XV  et    XXIII.  —  P.  db  Goy,  La  cachette  de  fondeur 
du   Petit  Villatte,    pi.  XIII,  foc.  2.  —  Kki.uh.   Pfalbauten,  zweiter  bericht,   pi.   II.    in. 
Iheilungen  Ant.  Ces.  Zurich,  XII.  3.  —  d  rit  ter  bericht,  Mit!..  An  t.  Ges.  XIII,  pi.  V 
—  HhiH-.u.  ihid,  neunter  bericht,  Mitlh,  Ant.  Ges.  Zurich,  XXII,  2,  pi.  V.flg    l€. 


2(b  H.    BREUIL. 

d'épingles;  c'est  également  le  type  le  plus  répandu  en  Belgique. 
Ce  serait  trop  long  de  signaler  les  types  qui  manquent  à  la 
Picardie,  car  ce  serait  le  plus  grand  nombre  des  formes  de  l'Est, 
de  la  Suisse,  de  l'Italie,  et  même  de  l'Angleterre,  qui  ne  se 
retrouvent  pas,  et,  chose  curieuse,  les  types  trouvés  en  Picardie 
ne  se  trouvent  abondants  nulle  part. 

3.  Boucles  d'oreille. 

Deux  objets  seulement  répondent  à  cette  rubrique,  d'après  Sir 
John  Evans,  et  proviennent  de  la  cachette  de  Dreuil  ;  l'auteur 
anglais  les  rapproche  avec  raison  d'un  certain  nombre  d'objets 
semblables,  recueillis  dans  les  tumulus  d'Angleterre  et  d'Irlande, 
et  qui  sont  tantôt  en  or,  tantôt  en  bronze  (1).  Je  n'en  connais  pas 
d'autres,  sur  le  continent,  se  rapportant  à  l'âge  du  bronze,  que  les 
pendants  d'oreille,  en  or,  de  la  grotte  de  Sinsin,  en  Belgique  (2). 

4.  Torques. 

Deux  objets  Picards  répondent  à  cette  désignation  :  le  torque 
de  Villers-sur-Authie,  et  le  petit  fragment  de  torque  funiculaire 
de  Saint-Roch  (LîAnth.  VIII,  fig.  3,  n°  6)  ;  peut-être  le  fragment 
(L'Anth.  VIII,  fig.  3,  n°  5),  de  Dreuil,  faisait-il  partie  également 
d'un  torque  mince  et  légisr.  Les  torques  funiculaires  sont  nom- 
breux en  Angleterre  (3)  où  il  s'en  est  trouvé  avec  des  haches  à 
talons  ;  c'est  un  type  qui  manquerait  en  Ecosse  et  en  Irlande.  En 
France,  comme  en  Angleterre,  il  en  existe  un  certain  nombre, 
tantôt  en  bronze,  tantôt  en  or. 

Parlons  d'abord  des  premiers  :  la  cachette  de  Brécy  (Aisne), 
qui  contenait  des  haches  à  douille,  a  donné  à  la  collection  Vielle 
un  bracelet  fabriqué  avec  un  morceau  de  gros  torque  funicu- 
laire; avec  le  torque  de  Déville-les-Rouen  (4),  c'est  le  seul  objet 
de  ce  genre  à  signaler  dans  le  Nord  du  bassin  Parisien  ;  mais  il 
s'en  est  trouvé  d'autres  dans  diverses  cachettes  :  Larnaud(Jura)  (5), 

(1)  Evans,  op.  laud.  p.  425. 

(2)  Comuaihe,  op.  laud.  pi.  X.  fig.  103. 

(3)  Evans,  op.  laud.  p.  405. 

(4)  L.  Coutil.  L'Age  du  Bronze  en  Normandie,  p.  12,  et  :  Revue  de  VÈc.  d'Anthro- 
pologie, 15  août  1898. 

(5)  Ceux  des  cachettes  de  Wnatet  du  Petit  Villatte  sont,  des  bracelets  probablement 
comme  notre  objet  de  Dreuil. 


L'AGE    DD     BRONZE    l>V\>    il     BASSIN    DE    PARIS.  :>63 

Petit  Villatte  [Cher)  Venat  (Charente)  (1);  M.  le  Comte  0.  Costa 
de  Beau  regard,  dans  un  travail  récent,  en  cite  aussi  de  Manson, 
de  Saint-Bonnet  (Hantes  Alpes)  (2);  l'Abbé  Cau-Durban  (3)  en  a 
découvert  9,  à  grands  crochets,  dans  la  cachette  des  Arz  (Ariège)  ; 
le  dépôt  belge  de  Dave  en  contenait  4,  et  M.  Comhaire  en  signale 
dans  un  autre  dépôt,  à  Berg  Terblijt,  avec  des  haches  à  douille 
et  à  ailerons  (4).  En  Suisse,  les  palafittes  ont  donné  fort  peu  de 
torques  et  ils  ne  ressemblent  guère  à  ceux  d'Angleterre  (5). 

Les  torques  en  or  du  type  funiculaire  ont  une  répartition  plus 
étendue  dans  les  Iles  Britanniques,  et,  même  en  France,  on  en 
connaît  plus  que  de  torques  en  bronze  du  même  groupe.  L'un 
d'eux  vient  d'une  cachette  normande  (Fresné-la-Mère,  Calvados). 
Un  autre  vient  de  Saint-Leu-d'Esserent  (Oise).  Ces  divers  objets 
sont  étudiés  avec  beaucoup  de  soin  par  le  Comte  0.  Costa  de 
Beauregard,  au  travail  duquel  je  renvoie  mes  lecteurs. 


5  Bracelets. 

C'est  la  plus  longue  série  que  nous  ayions  aujourd'hui  a  étu- 
dier ;  ce  n'est  pas  la  plus  intéressante  ;  la  série  est  pauvre  et  peu 
variée  et  se  prête  mal  à  des  déductions  trop  détaillées.  L'analogie 
avec  l'Angleterre,  où  les  bracelets  sont  rares  et  misérables,  s'im- 
pose, ainsi  que  le  contraste  avec  la  région  Helvétique.  Le  groupe 
de  Villers-sur-Authie  est  très  aberrant  ;  il  évoque  nettement  des 
influences  étrangères,  de  pays  déjà  fortement  influencés  par  des 
éléments  Hallstattiens. 

Les  comparaisons  portant  sur  les  boutons,  anneaux,  plaques,  etc. 
pourraient  donner  lieu  sur  quelques  points  de  détail,  à  d'utiles 
comparaisons,    mais   d'autres  les   feront    plus  utilement,  et,  le 


(1)  0.  (]o«ta  de  Bbaokrgabd  :  Le  Torques  d'or  de  Saint-Leu  d'Esscront,  extrait  du 
LXXIl*  Congrès  Archéologique  d\  France. 

'     o  Dobban.  Cachette  des  Arz  (Ariège),  in  Matériaux,  1882,  p.  212. 
i     HHAfBB.  op.  laud.  p.  28  et  pi.  JX. 
I    Larnaud  a  donné,  d'après  de  Mortillet  (Fonderie  de  Larnaud,  p.  24),  trente  deux 
échantillons  se  rapporta  ni   aux    torques  ;  cinq  étaient  torses,  dont  un  complet,  1rs 
autres  sont  lisses,  mais  plus  ou    moins  décorés  de  gravures.  M.  de  Mot t i  h  I  compare 
ces  torqiN  -    •  ceux  des  lombes  protosidéiiques  du  Valais. 

Ksllbr,  Etablissements  lacustres,  V  rapport,  par  Gross,  Forel,  etc.,  in  Millheil. 
Ant.  ges.  Zurich.  XIX,  8,  pi.    XI,  iig.  l  (Colon  bia)  (t   (  r.ose,  I  îoUlu  lè\N?,  ]  I.  XYI 
14,    Coitaillod). 


264  H.    BREUIL. 

temps  ayant  déjà  marché  dix-huit  ans  depuis  le  moment  où  j'ai 
réuni  les  matériaux  de  ces  mémoires  sur  le  bassin  de  la  Somme, 
des  travaux  d'un  intérêt  plus  général  sollicitent  maintenant  toute 
mon  activité  d  une  manière  trop  impérieuse  pour  que  je  puisse 
consacrer  aux  derniers  feuillets  de  ce  travail  un  temps  mieux 
employé  à  des  tâches  moins  abordables  à  tous  les  archéologues. 


CONTRIBUTION 

A  L'ÉTUDE  DES  CORRÉLATIONS  PHYSIQUES 

ET  PSYCHO-SOCIOLOGIQUES 

DE  LA  CIRCONFÉRENCE  CÉPHALIQUE 


PAR 


M.  André  CONSTANTIN 

Chef  d'escadrons. 


Dès  le  début  des  études  anthropologiques,  d'assez  nombreux 
travaux  ont  paru  établir  que,  du  moins  dans  une  certaine 
mesure,  l'intelligence  augmentait  avec  le  volume  du  cerveau  et 
par  suite  avec  la  grosseur  de  la  tête.  Tandis  que  certaines  études 
montraient  que  l'éducation  et  l'alimentation  peuvent  être  des 
causes  de  modifications  dans  la  morphologie  crânienne  des  ani- 
maux domestiques  (1),  des  recherches  récentes  ont  confirmé 
l'existence  de  relations  entre  l'intelligence  et  la  grosseur  de  la 
tête  d'une  part,  entre  cette  grosseur  et  l'élévation  de  la  stature 
d'autre  part  (2).  Quelques  anthropologistes  ont  même  cru  remar- 

(1)  Dr  Akloing,  De  l'influence  de  l'éducation  sur  le  développement  du  crâne  du  chien 
(Bull,  de  la  Soc.  d'Anthr.  de  Lyon,  1881)  :  Lesbre  rr  Porchrre(,,  Variations  morpho- 

ques  de  la  tête  sous  l'influence  du  régime  alimentaire  (Bull,  de  la  Soc.  d'Anthr. 
de  Lyon,  1902).  Klatt,  iïber  die  Verànderung  der  Schâdelkapazitât  in  der  Domestica- 
tion  >itzumgs-Berichle  d.  G.  naturforschender  Freunde,  1912). 

(2)  Rroca.  De  l'influence  de  l'éducation  sur  le  volume  et  la  forme  de  la  tète  (Bull% 
de  la  Soc.  d'Anth.  de  Paris,  1892);  Debikrre.  De  l'influence  du  travail  cérébral  sur  le 
volume  et  la  l'orme  du  crâne  (Bull,  de  la  Soc.  d'Anthropologie  de  Lyon,  1884); 
y\.  EL  Mcffang.  Ecoliers  et  étudiants  de  Liverpool  (Anthropologie,  1899);  Matiezka, 
Ueber  die  Beziehungen  zwischen  Kôrperbeschaflenkeit  und  geislige  Tàtigkeit  bpi 
Schulkindern  (Milt.  d.anlhrop.  Gesell  in  Wien,  1898);  Binet.  Recherches  de  cépha- 
lométrie  Année  psychologique,  1900);  J.  Beddoe.  Evaluation  et  signification  de  la  capa- 
cité crânienne  (Anthropologie,  1903);  1».  Girard  Sur  l'expression  numérique  de  l'in- 
telligence des  espèces  animales  (Revue  philosophique,  1903)  ;  Denikkh.  Revue  d'an- 
thropologie (Année*  psychologiques,  1904,  1903,  1906)  ;  M.  Mo.ntesohi  Sui  caratteri  antro- 

l/AHTHIIOPOLOOlB.    —  T.    XXIX.    —    1918. 


266  M.    A.    CONSTANTIN. 

quer  non-seulement  que  les  individus  des  classes  sociales  les  plus 
élevées  avaient  une  taille  plus  haute  que  celle  des  individus  des 
basses  classes,  mais  qu'ils  différaient  encore  davantage  de  ces 
derniers  par  leur  plus  grande  circonférence  céphalique  (1). 

Par  contre,  pour  d'autres  observateurs,  il  n'y  a  aucune  relation 
entre  la  stature  et  la  grosseur  de  la  tête  ;  enfin  pour  certains 
physiologistes,  l'intelligence,  loin  d'être  en  rapport  avec  le 
volume  du  cerveau,  ne  dépend  guère  que  de  la  structure  et  de  la 
qualité  de  sa  substance  (2). 

Quelles  que  soient  les  conclusions  auxquelles  les  uns  et  les 
autres  de  ces  auteurs  ont  abouti,  ils  y  ont  été  conduits  par  des 
recherches  attentives  et  en  général  aussi  par  des  mensurations 
minutieuses.  Malheureusement,  ils  n'ont  pas  pu  considérer  en 
même  temps  et  pour  les  mêmes  individus  tous  les  éléments  du 
problème  que  présente  la  question  des  corrélations  physiques  et 
psycho-sociologiques  de  la  circonférence  céphalique.  Je  suis  loin 
de  pouvoir  obtenir  sur  les  caractères  physiques  des  individus  que 
j'examine  des  renseignements  d'une  précision  comparable  à  celles 
des  observations  faites  par  les  savants  dont  je  viens  de  parler.  En 
revanche,  mes  fonctions  dans  l'armée  me  donnent  l'occasion  de 
les  recueillir  en  même  temps  que  des  informations  importantes 
sur  la  situation  sociale,  le  degré  d'instruction,  les  aptitudes  et 
jusqu'à  un  certain  point  l'intelligence  des  mêmes  individus. 
J'ai  voulu,  pour  cette  raison,  essayer  de  contribuer  dans  la 
modeste  mesure  de  mes  moyens  à  l'étude  des  relations  qui 
peuvent  exister  entre  ces  différentes  données. 

pometrici...  (Archivio  per  l'anlropo/ogia  e  la  etnologia,  1904);  Blschan  Gehirn  und 
Kultur  (Wiesbaden,  1906)  ;Bi.net.  Anthropométrie  scolaire  (Année  psychologique,  \908); 
Prince  Wiszensky.  Développement  physique  des  élèves  russes,  serbes  et  bulgares  (An- 
thropologie, 1908).  N.  Vaschide  et  Pelletier.  Les  signes  physiques  de  l'intelligence. 
Revue  de  philosophie,  1904. 

(1)  W.  Pfitznkr.  Social-Anthropologische  Studien  (Zeitschrift  fur  Morphologie  und 
Anthropologie,  1902);  Watfi-t.  Contribution  à  l'étude  anthropologique  des  Bulgares 
(Bull.  Soc.  d'Anthr.  de  Paris,  1904)  ;  Da  Costa  Ferreina.  La  capacité  du  crâne  et  la 
profession  chez  les  Portugais  (Bull.  Soc.  d'Anih.  de  Paris,  1903-1904);  Bkddob.  The 
Somatology  of  8u0  pupils  of  the  Naval  School  (Journal  of  anthropological  Inslitute  of 
Greal  Britain  andlreland,  1904;;  M.  Chalu.urau.  lufluence  delà  taille  humaine  sur  la 
formation  des  classes  sociales  (Pages  <V histoire,  Genève,  19i)6);  Bayerthal.  Ueber  den 
gegenwàrtigen  Stand  der  Frage  nach  den  Beziehungen  z/wischen  HirDgrôsee  und  Intel- 
ligénz  (Archio  fur  Hassen  und  Geset/schufl  biologie,  1911)  ,  Simon  kt  Hoi  loup.  Profes- 
sions, tailles  et  poids  (Normandie  médicale,  1913)  ;  NlCBFORO,  classes  pauvres,  1905, 
Forza  e  Richezza,  r.iOH). 

(2)  Kyerich  et  Loewenfeld.  Ueber  die  Beziehungen  des  Kopfumfanges  zur  K<'iper- 
lânge  und  zur  geistliclien  Kntwicklung  (Wiesbaden,  1905). 


CONTRIBUTION    A    L'ÉTUDE    DES    CORRELATIONS    PHYSIQUES.  267 

J'ai  tout  d'abord  cherché  à  connaître  la  circonférence  cépha- 
lique  du  plus  grand  nombre  possible  d'officiers.  Dans  ce  but,  j'ai 
noté  les  tours  de  tête  de  tous  les  officiers  qui  font  faire  leurs  képis 
par  une  même  chapelière  de  Saumur.  Celle-ci,  qui  est  assez  en 
vogue,  fournit  non-seulement  une  grande  partie  des  officiers  de 
l'école  de  cavalerie,  mais  encore  beaucoup  d'officiers  qui  dans  les 
autres  garnisons  aiment  à  suivre  la  mode.  Les  mesures  qui  ont 
été  relevées  chez  elle,  ainsi  d'ailleurs  que  celles  qui  sont  indi- 
quées plus  loin  pour  des  képis  de  sous-officiers  et  de  soldats, 
n'ont  évidemment  pas  été  prises  avec  toute  l'exactitude  demandée 
en  anthropométrie.  Elles  ont  cependant  été  prises  par  des  profes- 
sionnels du  mètre;  et  si  leur  valeur  absolue  est  minime,  leur 
valeur  comparative  n'en  a  pas  moins  une  valeur  certaine,  étant 
donné  leur  nombre.  Il  y  a  toutefois  encore  une  remarque  à  faire. 
Depuis  quelques  années,  la  mode  est  pour  les  officiers  d'avoir  des 
képis  bas  et  emboîtant  seulement  la  partie  supérieure  de  la  tête. 
J'ai  pu  m'assurer  personnellement  que,  de  ce  fait,  les  képis  des 
officiers  qui  suivent  la  mode,  ont  une  entrée  inférieure  de  1  à 
2  centimètres  à  celle  qu'ils  auraient,  si  leur  forme  était  celle  des 
képis  de  la  troupe  dont  l'entrée  à  une  mesure  se  rapprochant 
beaucoup  de  celle  de  la  circonférence  céphalique  passant  par  la 
glabelle  et  l'inion.  Il  est  indispensable  de  tenir  compte  de  cette 
indication,  si  l'on  veut  comparer  la  circonférence  céphalique  des 
officiers  à  celle  des  hommes  de  troupe. 

Les  mesures  des  képis  ont  été  relevées  pour  862  officiers;  dont 
665  de  cavalerie,  127  d'artillerie,  38  d'infanterie  et  32  médecins 
ou  vétérinaires.  Parmi  les  officiers  de  cavalerie,  455  sortent  de 
Saint-Cyr  et  210  sortent  du  rang.  Les  uns  et  les  autres  ont  été 
divisés  en  deux  catégories  :  la  première  comprenant  ceux  dont  le 
nom  précédé  d'une  particule  fait  supposer  qu'ils  sont  sinon  d'une 
famille  d'origine  aristocratique,  du  moins,  d'une  famille  apparte- 
nant depuis  un  certain  temps  déjà  aux  classes  supérieures  de  la 
société  ;  la  seconde  comprenant  ceux  dont  le  nom  indique  sim- 
plement une  origine  roturière.  Les  officiers  d'artillerie  sont 
presque  tous  d'anciens  élèves  de  l'école  polytechnique.  Les  offi- 
ciers d'infanterie  sont  en  très  grande  majorité  d'anciens  élèves  de 
l'école  de  Saint-Cyr.  Les  mesures  relevées  pour  ces  différents 
officiers  sont  indiquées  au  tableau  I. 


268 


M.    A.    CONSTANTIN. 


Tableau  I 

Circonférences  céphaliques  des  différentes  catégories  d'officiers. 


NOMBRE 

CATÉGORIE 

TOUR  DE 
TÊTE  MOYEN 

665 

55*m,80 

455 

Officiers  de  cavalerie  sortis  de  Saint-Cyr  en  général    .     .    . 

55cm,87 

161 

Officiers  de  cavalerie  sortis  de  S.-Cyr  et  d'origine  aristocratique 

55cm,9i 

294 

Officiers  de  cavalerie  sortis  de  S.-Cyr  et  d'origine  roturière. 

55cm,8a 

210 

55cm,6i 

86 

Officiers  de  cavalerie  sortis  du  rang  et  d'origine  aristocratique 

55c™,62 

124 

Ofûciers  de  cavalerie  sortis  du  rang  et  d'origine  roturière     . 

55cm,60 

129 

Officiers  d'artillerie 

56c*,n 

38 

5GCEU,07 

32 

Médecins  ou  vétérinaires    ...         

55^,84 

i 

L'examen  du  tableau  I  permet  les  constatations  suivantes  : 
Parmi  les  officiers  de  cavalerie,  la  circonférence  céphalique 
moyenne  des  officiers  sortir  du  rang  est  plus  petite  que  celle  des 
officiers  sortis  de  l'école  de  Saint-Cyr  et  avant  par  leur  admission 
à  cette  école  donné  des  preuves  plus  grandes  et  plus  complètes  de 
leurs  aptitudes  et  de  leur  culture  intellectuelles.  Parmi  les  offi- 
ciers sortis  de  Saint-Cyr,  comme  parmi  les  officiers  sortis  du 
rang,  ce  sont  ceux  dont  les  familles  appartiennent  depuis  le  plus 
longtemps  aux  classes  supérieures  de  la  société  qui  ont  la  circon- 
férence moyenne  la  plus  grande;  mais  la  circonférence  cépha 
lique  moyenne  des  officiers  sortis  du  rang  et  d'origine  aristocra- 
tique est  cependant  notablement  inférieure  à  celle  des  officiers 
sortis  de  Saint-Cyr  et  d'origine  roturière.  Les  officiers  d'artillerie 


INTMBUTION    v    l/ÉTUDE    DES    CORRÉLATIONS    PHYSIQUES.  26g 

dont  la  culture  intellectuelle  est  moins  littéraire  que  celle  des 
Saint-Cyriens,  mais  est  beaucoup  plus  scientifique,  et  dont  ren- 
trée à  l'école   polytechnique  a  eu  lieu  après  un  concours  plus 

difficile  que  le  concours  d'admission  à  Saint-("yr,  ont  une  circon- 
férence céphalique  moyenne  plus  grande  que  celle  des  officiers  de 
cavalerie,  même  sortis  de  Saint-Cyr. 

L'infériorité  céphalométrique  moyenne  des  officiers  de  cava- 
lerie est  toutefois  probablement  un  peu  moindre  que  ne  le  font 
penser  les  chiffres  du  tableau  I.  La  raison  en  est  que  la  propor- 
tion des  représentants  de  la  race  dolicho-blonde  est  plus  forte 
parmi  les  officiers  de  cavalerie  que  parmi  les  officiers  des  autres 
armes  (1)  ;  si  la  mesure  de  la  circonférence  céphalique,  prise 
horizontalement  à  4  ou  o  centimètres  au-dessus  de  la  racine  du 
nez  ne  tient  que  partiellement  compte  de  la  saillie  faite  en  arrière 
par  l'occipital  et  habituellement  plus  marquée  chez  les  dolicho- 
céphales que  chez  les  brachycéphales. 

La  circonférence  céphalique  moyenne  des  officiers  d'infan- 
terie, telle  qu'elle  est  indiquée  par  les  mesures  des  képis,  doit 
pour  la  même  raison  être  un  peu  plus  grande,  par  rapport  à  la 
circonférence  céphalique  moyenne  des  officiers  de  cavalerie, 
qu'elle  ne  l'est  en  réalité.  11  faut  ajouter  que  la  plupart  des  modes 
militaires  sont  créées  à  Saumur  par  les  officiers  de  cavalerie  et 
leurs  camarades  de  l'artillerie,  et  que  de  Saumur  elles  sont  propa- 
gées par  ces  officiers  dans  les  autres  garnisons  où  les  officiers 
d'infanterie  sont  en  général  des  derniers  à  les  suivre.  Il  est  pro- 
bable enfin  que  la  circonférence  céphalique  moyenne  des  officiers 
d'infanterie  considérés  est  un  peu  supérieure  à  la  circonférence 
céphalique  moyenne  de  la  généralité  des  officiers  d'infanterie, 
parce  qu'elle  a  été  calculée  d'après  un  petit  nombre  de  mesures, 
parmi  lesquelles  celles  qui  dépassent  de  très  peu  la  moyenne  se 
trouvent  être  accidentellement  moins  nombreuses  que  celles  qui 
la  dépassent  de  beaucoup. 

Cette  discussion  un  peu  longue  de  la  valeur  qu'il  convient 
d'attribuer  à  la  grandeur  relative  de  la  circonférence  céphalique 
moyenne  des  officiers  d'infanterie  et  des  officiers  de  cavalerie  a 
son  importance  ;  car  si  la  supériorité  céphalométrique  des  offi- 
ciers d'artillerie  concorde  avec  une  supériorité  d'instruction  et  de 


(i)  Cf.  A.  Constantin.  Etudes  d'anthropologie  sociale  dans  le  milieu  militaire  (Bull, 
de  la  Soc.  iVAulhr.  de  Lyon,  1910). 


27O  M.    A.    CONSTANTIN. 

niveau  intellectuel  (1),  il  ne  pourrait  en  être  de  même  d'une  supé- 
riorité céphalométrique  des  officiers  d'infanterie  en  général  au 
cas  où  elle  existerait  d'une  façon  certaine.  Si  il  y  a  entre  eux  et 
les  officiers  de  cavalerie  une  différence  de  niveau  intellectuel,  elle 
est  infime  et  bien  plutôt  à  l'avantage  de  ces  derniers.  Leur  arme 
est,  en  effet,  toujours  demandée  à  Saint-Cyr  par  un  nombre 
d'élèves  ayant  les  aptitudes  équestres  requises,  plus  grand  que  le 
nombre  fixé  chaque  année  par  le  ministre  pour  les  admissions 
dans  la  cavalerie;  elle  est  également  plus  recherchée  des  jeunes 
gens  qui  après  avoir  voulu  entrer  à  Saint  Gyr  ou  à  Polytechnique 
deviennent  officiers  en  passant  par  les  rangs  et  les  écoles  de  sous- 
officiers. 

Les  mesures  relatives  au  tour  de  tête  des  médecins  et  des  vété- 
rinaires militaires  sont  encore  moins  nombreuses  que  celles  qui 
se  rapportent  au  tour  de  tête  des  officiers  d'infanterie.  Par  contre, 
elles  sont  réparties  entre  elles  avec  beaucoup  de  régularité  et  de 
telle  sorte  que  leur  moyenne  puisse  avoir  un  caractère  de  géné- 
ralité. Supérieure  à  celle  qui  a  été  obtenue  pour  les  officiers  de 
cavalerie  sortis  du  rang,  cette  moyenne  est  un  peu  inférieure  à 
celle  qui  a  été  obtenue  pour  les  officiers  de  cavalerie  sortis  de 
Saint-Cyr.  Elle  semble  par  là  correspondre  assez  bien  aux  diffé- 
rences de  niveau  intellectuel  qui  peuvent  exister  entre  les  deux 
catégories  d'officiers  de  cavalerie  d'une  part  et  la  majorité  des 
éléments  quelque  peu  hétérogènes  du  groupe  formé  par  les 
médecins  et  les  vétérinaires  militaires  d'autre  part.  Il  est  peut- 
être  plus  prudent  cependant  de  ne  pas  établir  de  comparaisons 
entre  ces  trois  groupes,  à  causes  des  différences  d'instruction  et 
d'aptitudes  intellectuelles  qui  séparent  vraisemblablement  les 
médecins  des  vétérinaires  militaires  et  aussi  parce  que  toutes  les 
indications  concernant  la  proportion  des  uns  et  des  autres  dans 
le  groupe  qu'ils  forment  se  réduisent  à  faire  supposer  que  les  vété- 
rinaires sont  les  plus  nombreux.  Dans  ce  cas,  il  serait  pareille- 
ment plus  prudent,  pour  les  raisons  qui  viennent  d'être  dites,  de 
ne  pas  comparer  les  données  relatives  à  la  circonférence  cépha- 


(1)  11  faut  ajouter  à  ce  qui  a  été  dit  de  la  difficulté  des  concours  d'admission  aux 
diverses  écoles  que,  tandis  qu'une  partie  seulement  des  officiers  de  cavalerie  consi- 
dérés est  faite  d'officiers  ayant  suivi  le  cours  des  lieutenants  d'instruction,  c'est-à-dire 
constituant  une  élite  aussi  bien  au  point  de  vue  des  diverses  aptitudes  militaires  qu'au 
point  de  vue  de  l'équitation,  la  presque  totalité  des  officiers  d'artillerie  considérés  est 
composée  d'officiers  ayant  suivi  le  cours  des  lieutenants  d'instruction. 


wiuHiriox   v   l'étude  des  corrélations  physiques.  271 

liqae  moyenne  des  officiers  d'infanterie  aux  données  relatives  à  la 
circonférence  eéphalique  moyenne  des  autres  officiers. 

D'après  des  observations  antérieures  (1)  dont  les  résultats  ne 
peuvent  être  précisés  davantage,  la  taille  moyenne  des  officiers 
de  cavalerie  serait  comprise  entre  lm,70  et  lm,75,  et  celle  des 
autres  officiers  serait  à  la  fois  supérieure  à  la  taille  moyenne  de 
la  population  française  qui  est  de  lm,65  (2),  et  un  peu  inférieure 
à  celle  des  officiers  de  cavalerie. 

Les  indications  relatives  à  la  circonférence  eéphalique  des  sous- 
officiers  et  autres  hommes  de  troupe,  ainsi  que  celles  qui  seront 
vues  plus  loin,  ont  été  relevées  par  moi  sur  l'ensemble  des  livrets 
des  cuirassiers  de  mon  escadron  ou,  à  ma  demande,  sur  l'ensemble 
des  livrets  des  soldats  d'unité,  faisant  partie  d'autres  corps.  Tout 
facteur  subjectif  ou  accidentel  se  trouve  ainsi  écarté.  De  plus, 
comme  les  mesures  qui  les  fournissent  ont  été  prises  sur  des 
hommes  du  même  âge,  portant  les  cheveux  uniformément  courts 
et  dont  aucun  n'était  déformé  par  l'embonpoint,  elles  ont  une 
valeur  relative  certaine,  malgré  la  pluralité  de  leurs  auteurs. 

A  cause  de  la  différence  des  armes  ou  subdivisions  d'armes  des 
régiments  auxquels  appartiennent  les  militaires  qui  ont  fait  l'objet 
des  observations  exposées  ci-après,  ils  ont  été  partagés  en 
5  groupes  dont  chacun  a  été  étudié  séparément.  Le  premier  est 
formé  par  l'effectif  d'un  escadron  du  5e  hussards  en  garnison  à 
Nancy  et  recruté  principalement  dans  les  départements  du  bassin 
de  la  Seine  et  du  nord-est  de  la  France.  Le  deuxième  est  formé  par 
un  escadron  du  2°  dragons  en  garnison  à  Lyon  et  recruté  princi- 
palement dans  les  départements  du  bassin  du  Hhône  et  de  l'est  du 
massif  central.  Le  troisième  est  formé  par  une  compagnie  du 
37e  d'infanterie  en  garnison  a  Nancy  et  ayant  un  recrutement 
analogue  à  celui  du  5l>  hussards.  Le  quatrième  est  formé  par  deux 
compagnies  du  22e  d'infanterie,  en  garnison  à  Sathonay  et  ayant 
un  recrutement  analogue  à  celui  du  2e  dragons.  Le  cinquième  se 
compose  des  militaires  du  7e  cuirassiers  qui  se  sont  trouvés  sous 
mes  ordres  à  Lyon,  en  1910,  1911,  1912  et  au  début  de  1913.  Ces 
hommes  proviennent  principalement  de  la  région  du  massif 
central,  de  la  région  lyonnaise,  de  la  Bourgogne,  de  la  Savoie  et 
du  Dauphiné.    Un  assez  grand  nombre  sont  encore  venus  des 

(1)  Cf.  A.  Constantin,  loc.  cit. 

(2)  D'après   Topinard  {Anthropologie);  im,646  d'après  Deniker   (Les   races   et  les 
peuples  de  la  terre). 


2-2  M.    A.    COXSTAMIN. 

départements  situés  plus  au  sud  dans  les  bassins  du  Rhône  et  de  la 
Garonne,  des  départements  pyrénéens,  de  la  Nièvre,  de  la  Seine 
et  de  Seine-et-Oise. 

Pour  les  individus  des  premier,  deuxième  et  troisième  groupes, 
la  stature  a  été  notée  conjointement  à  la  circonférence  céphalique. 
Ces  deux  caractères  physiques  sont  les  seuls  sur  lesquels  ont  porté 
tout  d'abord  l'étude  des  individus  du  cinquième  groupe.  Comme 
cette  étude  était  déjà  assez  avancée,  j'ai  été  frappé  de  l'importance 
que  les  médecins  militaires  attribuent  aux  relations  de  la  taille,  du 
poids  et  du  périmètre  thoracique  (1).  J'ai  voulu  en  tenir  compte, 
ainsi  que  de  l'épaisseur  et  du  développement  de  tout  l'organisme. 
A  partir  de  ce  moment,  j'ai  donc  noté,  avec  les  chiffres  exprimant 
la  circonférence  céphalique,  la  taille  et  le  périmètre  thoracique 
en  centimètres,  ceux  qui  expriment  le  poids  en  kilogrammes.  La 
documentation  relative  aux  militaires  du  22e  d'infanterie,  qui 
forment  le  quatrième  groupe,  comprend  ces  quatre  indications. 

Des  données  d'ordre  psycho-sociologique  en  aussi  grand 
nombre  que  possible  constituent,  avec  les] informations  recueil- 
lies sur  le  physique  des  individus  des  cinq  gronpes  considérés,  les 
éléments  des  tableaux  II,  III,  IV,  V,  VI,  VII  VIII,  IX,  X,  XI 
ci-joints. 

Il  ressort  de  l'examen  de  ceux-ci  que,  d  une  façon  générale,  la 
circonférence  céphalique  moyenne  augmente  avec  la  taille 
moyenne,  ainsi  qu'il  a  déjà  été  constaté,  notamment  par  Bertillon. 
Mais  elle  augmente  proportionnellement  moins  vite,  puisque  le 
rapport  entre  la  taille  moyenne  et  la  circonférence  céphalique 
moyenne  devient  plus  grand,  lorsque  la  taille  moyenne  s'élève. 
Il  ressort  aussi  des  différentes  mises  en  série  qui  ont  été  faites, 
mais  dont  une  seule  est  donnée  (Tableau  VII),  pour  ne  pas  sur- 
charger les  tableaux,  que  la  circonférence  céphalique  augmente  plus 
régulièrement  avec  la  masse  et  la  vigueur  de  l'organisme  qu'elle 
n'augmente  avec  la  taille. 

Il  eût  été  intéressant  d'établir  s'il  y  a  quelque  rapport  entre 
l'indice  céphalique  et  la  grandeur  de  la  circonférence  céphalique, 
ceïeriî  varibm.  N'ayant  malheureusement  pu  être  renseigné  sur 
l'indice  céphalique  des  hommes  que  je  considérais,  j'ai  employé 
un  moyen  détourné  pour  obtenir  quelques  indications  à  ce  sujet. 

(1)  L'indice  numérique  (Pignet)  =  la  taille  (en  centimètres),  —  le  poids  (on  kilo- 
grammes), —  le  périmètre  thoracique  [en  centimètres).  Plus  cet  indice  est  faible, 
plus  l'homme  est  vigoureux. 


■\  nu'.w   mon     ^    l.'lVn  Dl •:*   lu  -    CORRELATIONS    PHYSIQUES.  270 

Dans  chacun  des  gr<  upes  d'hommes  appartenant  à  une  même 
subdivision  d'arme,  j'ai  rangé  ensemble  les  petits  groupes 
d'hommes  originaires  de  mêmes  départements,  de  môme  indice. 
J'ai  déterminé  ensuite  leur  circonférence  céphalique  moyenne  et, 
sur  le  tableau  XI,  j'ai  mis  en  regard  l'indice  céphalique  moyen  des 
hommes  de  ce  département,  tel  qu'il  a  été  trouvé  par  Deniker  et 
Houzé. 

11  ressort  de  ce  tableau  que,  quel  que  soit  l'indice  céphalique 
des  départements,  d'une  façon  générale,  ce  sont  les  groupes 
d'hommes  ayant  la  taille  moyenne  la  plus  grande  qui  ont  la  circon- 
férence céphalique  moyenne  la  plus  grande. 

Les  données  relatives  à  la  circonférence  céphalique  moyenne 
des  hommes  originaires  de  certains  départements,  comme  la 
Seine,  le  Rhône,  Meurthe-et-Moselle  où  la  population  urbaine  est 
considérable,  ont  été  soumises  à  une  influence  perturbatrice  nette- 
ment révélée  par  les  tableaux  II,  III,  IV,  V,  IX.  D'après  ceux-ci, 
les  hommes  nés  ou  résidant  dans  une  ville  d'au  moins  50.000  habi- 
tants ou  dans  sa  banlieue  immédiate  ont  une  circonférence  cépha- 
lique moyenne  notablement  inférieure  à  la  circonférence  céphalique 
moyenne  de  l'ensemble  des  hommes  de  leur  taille.  Il  semble  qu'il  en 
soit  aussi  de  même  des  hommes  ayant  une  existence  présentant 
les  caractères  de  la  vie  dans  les  grandes  villes,  quoique  habitant 
des  agglomérations  de  population  moindre.  Cette  infériorité 
céphalométrique  ne  tient  pas  à  une  infériorité  de  la  taille  ou  de  la 
masse  organique;  car  dans  les  dragons  et  les  hussards,  les  habi- 
tants des  grandes  villes  ont  une  taille  plus  élevée  que  les  autres 
hommes  et,  dans  les  cuirassiers,  ils  ont  à  la  fois  une  taille  plus 
élevée  et  une  masse  organique  plus  considérable.  Elle  n'est  pas 
non  plus  la  conséquence  certaine  d'une  supériorité  céphalomé- 
trique des  cultivateurs.  Dans  le  groupe  des  cuirassiers  et  dans 
celui  des  militaires  des  37'  et  22e  d'infanterie,  ces  derniers  ont 
bien  une  circonférence  céphalique  supérieure  à  la  moyenne,  mais 
c'est  le  contraire  qui  se  produit  dans  les  deux  autres  groupes, 
beaucoup  moins  importants,  il  est  vrai.  Au  point  de  vue  sociolo- 
gique, il  y  aurait  du  reste  bien  des  distinctions  à  faire  entre  les 
cultivateurs,  suivant  qu'ils  sont  propriétaires-exploitants,  gros  ou 
petits  fermiers,  métayers,  manœuvres,  domestiques,  patrons  chez 
eux-mêmes  et  ouvriers  chez  le  voisin,  etc.  Il  y  en  aurait  tout 
autant  à  faire  encore,  si  Ton  se  plaçait  au  point  de  vue  des  apti- 
tudes intellectuelles   nécessaires   à  la  bonne  conduite  de  leurs 

l'anthropologie.  —  T.  XXIX.  —  19Î8-19I9.  18 


27-1  M.    A.    CONSTANTIN. 

affaires.  Peut-être  la  supériorité  céphalomélrique  des  paysans  et 
par  suite  l'infériorité  esphalométrique  des  citadins  sont-elles 
attribuantes  à  la  qualité  différente  de  leur  alimentation  respective. 
Les  premiers  mangent  beaucoup  plus  souvent  que  les  seconds  un 
pain  dur  et  grossier  d'une  mastication  difficile.  Les  efforts  que 
celle  ci  exige  des  muscles  temporaux  n'ont  probablement  aucune 
influence  sur  la  forme  même  du  crâne,  bien  que  certains  anthro- 
pologistes  aient  soutenu  qu'ils  le  rendaient  brachycéphale  et  que 
d'autres  aient  prétendu  qu'ils  contribuaient  à  sa  dolichocé- 
phalie  (J).  Mais  ils  ont  vraisemblablement  pour  effet  de  déve- 
lopper les  muscles  temporaux  et  d'augmenter  le  volume  des 
parties  antérieures  et  molles  de  la  tête.  C'est  d'autant  plus  admis- 
sible que  les  observations  faites  par  0.  Ammon  et  Rose  sur  les 
dimensions  crâniennes  des  citadins,  des  demi  citadins  et  des  cam- 
pagnards montrent  qu'en  Allemagne  ces  derniers  ont,  d'une  façon 
générale,  non  seulement  la  tête  un  peu  plus  large,  mais  encore  un 
peu  plus  longue  que  les  deux  autres  catégories,  avec  un  indice 
céphalique  supérieur  (2\  Cependant,  d'après  le  Dr  Wateff  de  Sofia 
qui  a  trouvé  le  cerveau  des  paysans  bulgares  plus  pesant  que 
celui  des  citadins,  la  supériorité  de  la  circonférence  céphalique  des 
campagnards  correspondrait  à  une  supériorité  de  la  masse  de  leur 
encéphale  (3).  Par  suite,  si  étonnant  que  cela  puisse  paraître  à 
beaucoup,  elle  correspondrait  peut-être  aussi  à  une  supériorité 
intellectuelle  du  petit  propriétaire  agricole,  à  la  fois  éleveur,  culti- 
vateur, charron  et  marchand,  sur  l'ouvrier  industriel  moderne 
trop  spécialisé  et  dont  l'intelligence  d'apparence  plus  vive  est 
souvent  toute  verbale. 

D'après  les  tableaux  II,  III,  IV,  V,  IX,  les  hommes  résidant  en 
dehors  de  la  localité  d'où  ils  sont  originaires  et  que  l'école  anthro- 
posociologique considère  habituellement  comme  les  mieux  doués, 
surtout  en  énorgie,  en  esprit  d'entreprise  et  d'initiative,  ne 
paraissent  pas  se  distinguer  des  autres  par  leur  circonférence 
céphalique    moyenne,    même    lorsqu'ils    sont   allés    résider    à 

(ly  A.  Nysihom  (Ueber  die  Formenverânderungen'des  Kopfes  (Archiv  fur  Anthro- 
pologie, 10U2)  considère  la  mastication  d'une  nourriture  dure  comme  une  cause  de 
dolichocéphalie,  par  contre  Samblrvici  (Bull,  de  la  Société  d'Anthropologie  de  Paris, 
1903)  la  considère  comme  une  cause  de  brachycéphalie. 

(2)  Cf.  0.  Ammon.  Zur  Anthropologie  der  Badener  (léna,  1892),  Rosb  Beitrage  zur 
Europaischcn  Bassenkunde  und  die  Bezieliungen  zwisclien  Rassen  und  Zuliiivrnlei  Imis 
[Archiv  fur  Hassen  und  Gesellschaftchologie,  1900). 

(8)  f.oc.  cil. 


\  1  l.ni   l  Imn     ^    L  ÉTUDE    DES    CORRÉLATIONS    PHYSIQUES.  Vt^Ô 

l'étranger  ou  que  nésà  l'étranger  ils  sont  venus  résider  en  France. 
Il  y  a  toutefois  lieu  d'établir  des  distinctions  entre  les  hommes 
qui  résident  en  dehors  de  la  localité  d'où  ils  sont  originaires.  Les 
uns  sont  des  campagnards  qui  sont  allés  s'établir  dans  les  villes; 
ils  ont  une  circonférence  céphalique  moyenne  tantôt  supérieure, 
tantôt  inférieure  à  la  circonférence  céphalique  moyenne  du 
groupe  militaire  dont  ils  font  partie.  D'autres  sont  des  citadins 
ou  des  campagnards  qui  sont  allés  habiter  une  localité  de  même 
caractère  que  celle  d'où  ils  sont  originaires.  Comme  les  premiers, 
ils  ne  se  distinguent  pas  par  leur  circonférence  céphalique  de  la 
moyenne  de  leur  groupe  militaire.  Une  troisième  catégorie  enfin 
est  composée  de  citadins  qui  se  sont  établis  à  la  campagne;  ils 
ont  une  circonférence  céphalique  moyenne  toujours  inférieure  à 
la  circonférence  céphalique  moyenne  du  groupe  militaire  dont  ils 
font  partie  et  à  la  circonférence  céphalique  moyenne  des  hommes 
de  ce  groupe  résidant  dans  une  localité  autre  que  celle  dont  ils 
sont  originaires.  Il  semble  que  pour  beaucoup  d'entre  eux,  cette 
infériorité  céphalométrique  se  rattache  au  besoin  qu'ils  ont 
éprouvé  de  chercher  dans  une  situation  subalterne  des  conditions 
d'existence  où  ils  fissent  aussi  peu  que  possible  usage  des  facultés 
de  leur  esprit. 

La  circonférence  céphalique  moyenne  des  engagés  et  rengagés 
est  supérieure  à  la  circonférence  céphalique  moyenne  des  mili- 
taires de  leur  arme  dans  le  groupe  des  hussards  et  dans  celui  des 
soldats  du  22   et  du  37e  d'infanterie.  Elle  est  égale  à  cette  circon- 
férence dans  le  groupe  des  dragons;  elle  lui  est  inférieure  dans  le 
groupe  des  cuirassiers.  Entre  les  deux  groupes  d'engagés  les  plus 
nombreux  qui  sont  ceux  du  5e  hussards  et  ceux  du  7e  cuirassiers, 
il  y  a  donc  une  différence  bien  marquée  au  point  de  vue  de  la 
grandeur  relative  de  la  circonférence  céphalique.  La  proportion 
des  hommes  originaires  des  grandes  villes  est  d'environ  1/7  parmi 
les   premiers;  elie  est  d'environ  1/3   parmi   les   seconds.   Cette 
inégalité  peut  expliquer  en  partie  la  différence  qui  vient  d'être 
signalée  entre  les  uns  et  les  autres,  mais  en  partie  seulement.  Les 
engagés  du  7'  cuirassiers  qui  sont  originaires  des  campagnes  ou 
des   petites  villes  ont,  en  effet,  une    circonférence    céphalique 
moyenne   inférieure  à  celle   des  appelés    du   même    régiment, 
quoique  supérieure  à  celle  des  engagés  originaires  des  grandes 
villes.  La  différence  qu'il  y  a  entre  les  engagés  du  5e  hussards  et 
ceux  du  7    cuirassiers  peut  avoir  sa  cause  dans  la  différence  du 


276  M.    v.    i:u\>i  \\  1  i\. 

recrutement  des  uns  et  des  autres.  Les  premiers,  ainsi  d'ailleurs, 
que  ceux  du  37e  d'infanterie  viennent  pour  la  plupart  des  régions 
nord-est  de  la  France;  tandis  que  les  seconds  viennent  en  majo- 
rité du  centre  et  du  midi.  Comme  c'est  dans  le  nord-est  que 
l'esprit  militaire  est  le  plus  vif,  comme  aussi  le  5''  hussards  et  le 
37e  d'infanterie  sont  en  garnison  à  Nancy,  ville  dont  les  troupes 
passent  pour  être  soumises  à  un  entraînement  beaucoup  plus 
intensif  que  celui  des  régiments  de  Lyon,  il  est  possible  que  l'in- 
fériorité céphalométrique  relative  des  engagés  de  ces  derniers 
régiments  corresponde  à  une  infériorité  de  leurs  aptitudes  et  de 
leur  énergie  morale. 

La  circonférence  céphalique  moyenne  des  sous-officiers  est 
plus  grande  que  celle  des  soldats  dans  les  groupes  formés  par  les 
militaires  du  5e  hussards,  des  22°  et  37e  d'infanterie,  du  7e  cuiras- 
siers ;  elle  lui  est  inférieure  dans  le  groupe  formé  par  les  dragons. 
La  supériorité  de  la  circonférence  céphalique  moyenne  des  sous- 
officiers  peut,  comme  il  sera  vu,  s'expliquer  par  la  sélection  dont 
ils  ont  été  l'objet,  avant  d'être  nommés  à  leur  grade.  Par  contre, 
la  faiblesse  de  la  sélection  exercée  sur  les  soldats  parmi  lesquels 
sont  choisis  les  caporaux  et  les  brigadiers  explique  pourquoi  il 
n'est  pas  possible  d'établir  de  différence  entre  la  circonférence 
céphalique  moyenne  de  ceux-ci  et  la  circonférence  céphalique 
moyenne  des  simples  soldats. 

En  tenant  compte  des  indications  relatives  à  la  taille  des  offi- 
ciers et  des  corrections  à  faire  pour  pouvoir  comparer  leur  tour 
de  tête  à  celui  des  soldats,  on  voit  qu'à  stature  égale,  ils  ont  en 
général  une  circonférence  céphalique  supérieure  à  celle  des  sous- 
officiers  et  des  autres  hommes  de  troupe.  D'après  Rose  (1),  il  en 
serait  à  peu  près  de  même  en  Allemagne,  où  les  sous-officiers  ont 
une  circonférence  céphalique  moyenne  notablement  supérieure  à 
celle  des  simples  soldats  et  très  légèrement  supérieure  à  celle  des 
officiers  en  général.  Parmi  ceux-ci,  dont  la  circonférence  cépha- 
lique moyenne  est  nettement  supérieure  à  celle  des  soldats,  ce 
sont  les  officiers  subalternes  qui  auraient  la  circonférence  cépha- 
lique moyenne  la  plus  faible. 

D'après  l'examen  de  quelques  élèves  des  écoles  d'enfants  de 
troupe,  ceux-ci  qui  arrivent  au  régiment  à  18  ans,  avec  une 
instruction  générale  primaire,  assez  élémentaire  le  plus  souvent, 

(1)  Loc.  cil. 


CONTRIBUTION    \    L  ÉTUDE    DES    CORRELATIONS    PHYSIQUES.  277 

mais  avec  une  instruction  militaire  les  préparant  à  devenir  vite 
sous-officiers,  auraient  une  circonférence  céphalique  moyenne 
plus  petite  que  celle  des  autres  hommes  de  leur  arme.  Ainsi, 
21  sous-officiers  de  cuirassiers,  anciens  enfants  de  troupe,  ont  une 
circonférence  céphalique  moyenne  de  55cm,50.  Réunis  à  2  autres 
gradés  et  à  un  soldat,  anciens  enfants  de  troupe  ayant  tous  trois 
une  taille  supérieure  à  celle  des  soldats  du  22e  d'infanterie,  ils 
ont  une  circonférence  céphalique  moyenne  de  54cm,85.  inférieure 
par  conséquent  aux  circonférences  céphaliques  moyennes  des 
4  groupes  considérés.  Les  relations  existant  entre  la  circonfé- 
rence céphalique  moyenne  des  enfants  de  troupe,  pour  la  plupart 
fils  de  sous-officiers  ou  de  gendarmes,  et  leur  instruction  géné- 
rale, leurs  aptitudes  intellectuelles,  ainsi  que  celles  de  leurs 
parents  concordent  avec  ce  qui  va  être  exposé,  après  que  les 
données  relatives  aux  militaires  du  7e  cuirassiers  auront  été  com- 
plétées comme  il  suit,  par  des  recherches  sur  l'influence  de 
l'hérédité  et  de  l'intelligence. 

20  fils  de  professeurs,  instituteurs,  officiers,  banquiers,  fonc- 
tionnaires, médecins,  chefs  d'industrie,  c'est  à-dire  d'hommes 
instuits  et  dont  la  profession  exige  une  activité  cérébrale  journa- 
lière ont  une  circonférence  céphalique  moyenne  de  56cm,65.  Avec 
3  fils  de  patrons  artisans  ou  petits  négociants,  tous  gens  qui 
doivent  exercer  constamment  leur  intelligence  pour  pouvoir  diri- 
ger leurs  affaires,  ils  ont  une  circonférence  céphalique  moyenne 
de  56cm,93  En  revanche,  4  jeunes  gens  appartenant  aux  classes 
sociales  supérieures,  mais  issus  de  familles  où  les  facultés  intel- 
lectuelles sont  médiocres  et  restent  inactives,  ont  une  circonfé- 
rence céphalique  moyenne  de  54cm,22. 

5  groupes  formés  chacun  de  2  frères  ont  été  examinés.  Deux 
sont  composés  d'individus  de  même  profession  et  ayant  même 
circonférence  céphalique,  deux  d'individus  de  professions  diffé- 
rentes et  ayant  des  circonférences   céphaliques    différant  entre 
elles  de  1  centimètre  ;  un  d'individus  de  professions  différentes 
et  ayant  des  circonférences  céphaliques  différant  entre  elles  de 
2  centimètres.  Dans  ces  trois  derniers  groupes,  les  différences  de 
stature,  de  masse  et  de  vigueur  organiques  sont  de  même  sens 
que  la  différence  de  circonférence  céphalique,  3  groupes  formes 
chacun  de  2  cousins  germains  ont  été  également  examinés   Deux 
d'entre  eux  sont  composés  d'individus  de  même  profession,  ils 
ont  une  même  circonférence  céphalique.  Le  troisième  groupe  est 


278  M.    A.    CONSTANTIN. 

composé  de  2  individus  exerçant  des  métiers  différents  ;  l'un  qui 
est  de  quelques  centimètres  plus  grand  que  l'autre  a  une  circonfé- 
rence céphalique  supérieure  de  1  centimètre  à  celle  de  ce  dernier. 
Les  conditions  de  la  vie  militaire  ne  m'ont  pas  permis  d'enr 
ployer  la  méthode  des  tests,  pour  apprécier  l'intelligence  relative 
des  militaires  placés  sous  mes  ordres.  Elle  était  du  reste  difficile- 
ment applicable  à  la  comparaison  des  facultés  intellectuelles  de 
sujets  dont  les  uns  ont  fait  des  études  et  souvent  déjà  exercé  leur 
intelligence,  dont  les  autres  ont  laissé  leur  esprit  presque  inculte 
et  ne  l'ont  jamais  fait  travailler  en  dehors  d'un  petit  cercle  de 
notions  usuelles.  Même  fait  avec  la  plus  grande  prudence,  son 
emploi  ici  eût  pu  entraîner  à  de  graves  erreurs  et  faire  considérer 
comme  provenant  des  ressourses  naturelles,  propres  à  l'esprit  de 
certains  hommes,  ce  qui  n'aurait  été  que  le  résultat  d'acquisitions 
artificielles,  d'emprunts  à  l'extérieur.  Pour  suppléer  à  cette  méthode 
généralement  si  exacte,  mais  inapplicable  en  l'espèce,  j'ai  demandé 
aux  officiers  et  sous-officiers  sous  mes  ordres  leur  appréciation 
de  l'intelligence  avec  laquelle  leurs  subordonnés  exécutaient  les 
ordres  qui  leur  étaient  donnés,  mettaient  en  pratique  les  leçons 
qui  leur  étaient  faites  sur  les  diverses  théories  et  répondaient  aux 
questions   relatives  à  celles-ci.  J'ai  ensuite  modifié  cette  estima- 
tion, lorsqu'à  la  suite  de  mes  remarques  personnelles,  j'ai  trouvé 
que  certains  des  hommes  jugés  comme  plus  intelligents  que  les 
autres  devaient  avoir  paru  tels,  uniquement  parce  qu'ils  étaient 
plus  instruits  et  faisaient  leurs  réponses  avec  plus  d'habileté  et  de 
promptitude.   J'ai   ensuite   noté  la  circonférence  céphalique  de 
chacun  des  hommes  dont  le  degré  d'intelligence  avait  été  apprécié 
comme  il   vient  d'être  dit.   Le  rapprochement  de  ces  données 
montre  qu'à  égalité  de  taille,  la  circonférence  céphalique  moyenne 
des    hommes  les   plus  intelligents  est  supérieure  à  la  circonfé- 
rence céphalique  moyenne  des  hommes  les  moins  intelligents 
(Tableau  XII).  Cette  conclusion  aurait  d'ailleurs  pu  être  indirecte- 
ment tirée  de  ce  qui   avait  été  déjà  dit,  ainsi  que  de  l'élude  des 
divers  tableaux. 

Il  ressort  encore  de  l'examen  de  ceux-ci  que,  toutes  choses 
égales  d'ailleurs,  les  individus  ayant  fait  des  études  et  ayant 
l'habitude  du  travail  intellectuel,  ont  une  circonférence  cépha- 
lique moyenne  supérieure  à  la  circonférence  céphalique  moyenne 
des  autres  individus.  Par  contre  les  illettrés  et  demi-illettrés  ont 
une  circonférence  céphalique  moyenne  inférieure.  La  circonfé- 


CONTRIBUTION     V    LJBTUDE    DES    CORRELATIONS    PHTSIQUES.  279 

pence  céphalique  des  individus  les  plus  instruits  paraît  augmenter 
avec  la  difficulté  des  études  qu'ils  ont  faites  et  la  somme  des 
connaissances  qu'ils  ont  acquises. 

Les  variations  individuelles  sont  d'ailleurs  très  grandes.  Ainsi 
au  7e  cuirassiers,   un   maréchal  des   logis,  éludiant  vétérinaire 
d'une    intelligence   très  supérieure  à    la   moyenne,  n'avait  que 
54  centimètres  de  tour  de  tête,  un  autre  sous-officier,  fils  d'un 
ingénieur  et  bachelier  ès-lettres  n'avait  que  52  centimètres  comme 
circonférence  céphalique,  alors  que  deux  illettrés  d'une  intelli- 
gence très  nettement  inférieure  à  la  moyenne  avaient  une  circon- 
férence céphalique  de  59  centimètres  et  que  la  plus  grande  cir- 
conférence céphalique  observée  atteignait  62  centimètres  et  était 
celle  d'un  homme  visiblement  plagiocéphate,  d'une  intelligence 
ordinaire  et  d'une  instruction  primaire  ordinaire. 
Il  reste  à  faire  les  quelques  remarques  suivantes  : 
Dans  chacun  des  groupes  examinés,  les  individus  appartenant 
aux  classes  sociales   les  plus  aisées  ont,  avec  une  taille  moyenne 
supérieure  à  la  moyenne,  une  circonférence  [céphalique  moyenne 
supérieure  à  la  moyenne. 

Certains  individus  ayant  une  circonférence  céphalique  très 
forte,  quoique  avec  un  développement  intellectuel  assez  faible, 
paraissent  devoir  leur  supériorité  céphalométrique  à  l'épaisseur 
de  leurs  téguments  et  de  leur  ossature.  C'est  du  moins  ce  que  la 
considération  de  leur  poids  relativement  lourd  et  celle  des  dimen- 
sions de  leurs  mains  donnent  à  supposer  (1). 

La  comparaison  de  la  circonférence  céphalique  moyenne  des 
individus  de  type  blond,  de  type  mixte  et  de  type  brun  (2),  dans 
les  groupes  formés  par  les  militaires  du  22e  d'infanterie  et  par 
ceux  du  7'-  cuirassiers  semble  montrer  que  les  individus  du  type 
mixte  l'emportent  sur  les  autres  par  les  dimensions  de  leur  cir- 
conférence céphalique  (Tabl.  VI,  VIII).  Elle  ne  fournit  aucune 
indication  certaine  sur  la  supériorité  céphalométrique  du    type 

(1)  Je  n'ai  malheureusement  pas  pu  vérifier  si  les  lignes  papillaires  de  ces  hommes 
étaient  plus  simples  que  celles  des  autres,  ce  qui,  à  s'en  rapporter  aux  travaux  de 
fêfé  et  V.ischide  (Vasciude.  Psychologie  de  la  main,  Paris,  1909),  aurait  été  désirable. 

(2)  Ont  été  considérés  comme  de  type  brun  les  hommes  portés  sur  leur  signale- 
ment comme  a  vaut  les  cheveux  noirs,  bruns  ou  châtains  avec  des  yeux  noirs;  ont 
été  considérés  comme  de  type  blond  ceux  qui  sont  portés  comme  ayant  les  cheveux 
blonds  ou  châtain-clair  avec  des  yeux  bleus,  gris  ou  verts;  ont  été  considérés  comme 
de  type  mixte  ceux  qui  présentent  à  la  fois  des  caractères  des  premiers  et  des  carac- 
tères des  seconds. 


2So 


M.     \.    CONSTANTIN. 


brun  ou  du  type  blond,  ni  sur  l'hypothèse,  émise  par  certains 
anthropologistes,  que  du  moins  dans  l'Europe  occidentale  la  colo- 
ration claire  des  cheveux  et  des  yeux  est  corrélative  à  une  sorte 
d'arrêt  du  développement  organique  (1). 

Tableau  11 

Escadron  du  5  e  hussards  (en  garnison  a  Nancy). 


CATÉGORIE    MILITAIRE   OU  SOCIALE 

.NOMBRE 

d'individus 

CIRCONFÉRENCE 

CÉPHALIQUE 

MOYENNE 

TAILLE 
MOYENNR 

165 
21 
10 
73 

55<m,20 

55cm,04 
5ocm,30 
55cm,21 

163^,5 
164cm,4 
164^,5 
16(Km,8 

64 

54cm,98 

162cm,8 

Hommes  résidant  dans  une  localité  autre 

74 

55cm, 16 

163««n,2 

Hommes  nés   ou  habitant  dans   une   ville 
d'au  moins  50.000    habitants  ou  dans  sa 

29 

55e*, 10 

164"",  "î 

Rapport  de  la  taille  moyenne  a  la  circonférence  céphalique 

MOYENNE   =   2,96. 

Nota.  —  3  bacheliers  ont  une  circonférence  céphalique 
moyenne  de  55, 60,  c'est-à-dire  supérieure  à  la  circonférence 
céphalique  moyenne  de  l'ensemble.  Deux  d'entre  eux  ont  une 
circonférence  céphalique  supérieure  à  celle-ci  ;  le  3e  a  une  circon- 
férence céphalique  inférieure  à  cette  circonférence  céphalique 
moyenne. 

9  hommes  nés  dans  une  ville  d'au  moins  10.000  habitants 
et  résidant  dans  un  village  ont  une  circonférence  céphalique 
moyenne  de  54cm,88,  inférieure  par  conséquent  à  la  circonférence 

fl)  C  a  kbit.  Comptes  reodus  de  r  Association  française  pour  l'avancement  des  sciences, 
1879;  Pr.TZNBH  Der  Kinflus  des  Leb^nsa'ters  auf  die  anthropologischen  Cbarakteren 

{Zeilschrifl  fur  Morphologie  und  Anthropologie,  1899)  ;  NiCBPORO,  "p.  et. 


CONTRIBUTION    \    I    Tri  ni     DES    CORRELATIONS    PHYSIQUES.  M 

eéphalique  moyenne  de  l'ensemble  du  groupe  et  à  la  circon- 
rence  eéphalique  moyenne  des  hommes  qui  résident  dans  une 
localité  autre  que  leur  lieu  de  naissance. 

Tableau  III 

Escadron  du  2e  dragon  (en  garnison  à  Lyon). 


CATÉGORIE   MfllTAIRB    OT    SOCIALE 


Ensemble  des  gradés  et  des  soldats 

Tous  gradés    

Sous-officiers 

Engagés  et  rengagés 

Cultivateurs 


NOMBRE 

d'individus 


Hommes  résidant  dans  une  localité  autre 
que  leur  lieu  de  naissance     .     .    .    .     . 


Hommes  nés  ou  résidant  dans  une  ville 
d'au  moins  50  000  habitants  ou  dans  sa 
banlieue  immédiate 


147 
19 
10 

54 


CIRCONFÉRENCE 

CÉPHAL1QUE 

MOYENNE 


55cm,74 
55°m,63 
55°m,50 
5ocm,74 


TAILLE 
MOYENNE 


56 


71 


35 


f5cm,60 


55cm,40 


55°«n,62 


168e*, 0 
168cm,l 
172^,6 
168Pm,8 


!68em,l 


168p<V 


169cm,! 


Rapport  de  la  taille  moyenne  a  la  circonférence  céphalïque 

MOYENNE    =   3,01. 

Nota.  —  7  hommes  ayant  reçu  une  instruction  secondaire  ou 
une  instruction  primaire  supérieure  ont  une  circonférence  eépha- 
lique moyenne  de  56cm,28,  c'est-à-dire  supérieure  à  la  circonfé- 
rence eéphalique  moyenne  de  l'ensemble.  Six  de  ces  hommes 
ont  une  circonférence  eéphalique  supérieure  à  la  moyenne,  le 
septième  a  une  circonférence  eéphalique  inférieure  à  celle-ci. 

2  hommes  presque  entièrement  illettrés  out  une  circonférence 
eéphalique  moyenne  de  54cm,50  ;  tous  deux  ont  une  circonférence 
eéphalique  inférieure  à  la  moyenne. 

7  hommes  nés  dans  une  ville  d'au  moins  10.000  habitants  et 
résidant  dans  un  village  ont  une  circonférence  eéphalique 
moyenne  de  54cm,5,  très  légèrement  supérieure  par  conséquent 
à  celle  des  autres  hommes  résidant  dans  une  localité  autre  que 


282  M.    A.    CONSTANTIN. 

leur  lieu  de  naissance,  mais  beaucoup  plus  nettement  inférieure 
à  la  circonférence  céphalique  moyenne  de  l'ensemble  du 
groupe. 

Tableau  IV 

Une  compagnie  du  37e  d'infanterie,  en  garnison  à  Nancy  et  2  compagnies  du 
22e  d'infanterie,  en  garnison  au  camp  de  Sathonay,  près  de  Lyon. 


CATÉGORIE   MILITAIRE    OU   SOCIALE 

NOMBRE 

d'individus 

CIRCOM^ÉRENCE 

CÉPHALIQUE 

MOYENNE 

TAlLLK 
MOYENNE 

316 
53 
28 
34 

55°n\36 
55^,83 
55cm,91 
5o<>n\47 

166»m,3 

166cm,7 
166cm,5 
16"c"\4 

135 

55cm,65 

168^,5 

Hommes  résidant  dans  une  localité  autre 

137 

55^,90 

165B»»,5 

Hommes   nés   dans   une  ville   et   résidant 

15 

54e"  66 

165«'*,3 

Hommes  néa   ou   résidant   dans  une  ville 
d'au  moins  50.000  habitants  ou  dans  sa 

117 

54cm,89 

164«\2 

Ayant   une  instruction  secondaire  ou  une 
"instruction  primaire' supérieure.    .     .     . 

13 

56cm,15 

168cm,5 

Hommes  exerçant   une  profession  libérale 
ou  artistique  ou  sans  profession    .     .    . 

23 

55cm,82 

167°m,5 

12 

ltf*»,H 

165e«M 

Rapport  de  la  taille  a  la  circonférence  céphalique  =  3,00. 

Ncta.  —  Neuf  des  13  hommes  ayant  une  instruction  secon- 
daire ou  primaire  supérieure  ont  une  circonférence  céphalique 
supérieure  à  la  moyenne:  sept  des  \2  illettrés  ou  demi-illettrés 
ont  une  circonférence  céphalique  supérieure  à  la  moyenne. 


CONTRIBUTION    A    l'ÉTUDB    DES    CORRÉLATIONS    THTSIQUEP. 

Tableau  V 

Observations  spéciales  aux  2  compagnies  du  229  d'infanterie. 


283 


CATÉGORIE 
MILITAIRE   OU    SOCIALE 

NOM HUE 
n'iNDIVIDL'S 

CIRCOM'ÉKENCE 

CÉPHALIQUE 

MOYENNE 

TAILLE 

MOYENNB 

S.M.O) 

OBSERVATION!? 

Ensemble  ci  os   gradés 
et  soldats     .     .     .    . 

Tous  grades  .    .    .    . 

Sous  officiers     .     .     . 

226 
32 
18 
14 

55«°S29 
5§°m,5? 

55(,™,47 
55cm,75 

i65cm,5 
167°*, 2 
t6C«a,8 
167cm,6 

3)2,4 
315,9 
315,2 
316,1 

(1)  Somme  moy. 
îles  chiflres  expri- 
mant le  poids   en 
kilogrammes,      la 
taillo  cL  le  périmé 
tre  thoracique  en 
centimètres. 

(2)  Calculé  pour 
23. 

(3)  Calculé  pour 
13. 

Engagés  et  rengagés  . 

24 

55<=m,  25 

16"]cm>4 

313,8(2) 

Cultivateurs  .     .     .     . 

93 

55cm,55 

165e™, 5 

312,0 

Hommes  résidant  dans 
une  localité  autre  que 
leur  lieu  de  naissance 

19 

55cm,72 

164cm,7 

314,0 

Nés  dans  une  ville  d'au 
moins  10.000  hab.  et 
résidant  dans  un  vil- 

13 

54cm,61 

166pm,l 

311,3 

Hommes  nés  ou  habi- 
tant   dans  une    ville 
d'au  moins  5i). Ono  ha- 
bitants ou  sa  banlieue 
immédiate    .     .     .     . 

57 

54°m,l7 

164e™, 4 

309,7 

Sans  profession  ou  de 
profession  libérale    . 

15 

55cm,40 

167^,6 

3lT,2 

Rapport  de  la  taille  moyenne  ù  la  circonférence  céphalique 
moyenne  =  2,99. 

Rapport  de  la  somme  moyenne  des  chiffres  exprimant  le  poids 
en  kilogrammes,  la  taille,  périmètre  thoracique  en  centimètres  h 
la  circonférence  céphalique  moyenne  =  5,65. 

Tableau  VI 


NOURRI? 

l/lNMYlblS 

TYPE    DE 
PIGMENTATION 

PROPORTION 

/o 

T.  M.  (1) 

S.  M   (2) 

ce  m.  (3) 

OBSERVATIONS 

35 

75 

118 

blond 
mixte 
brun 

15,55 
33,33 
51,11 

I65°m,6 
162cm  6 

165°*, 9 

312,8 
312,8 
312,1 

54,97 
55,32 
55,31 

ri)T.m.=Taillemoy. 

(?)S.  m.rz  Somme  des 
chiffres  exprimant  le 
poids  en  kg.  la  taille  et 
le  périmètre  thoracique 
en  centimètres. 

(3)  Circonférence  cé- 
phalique moyenne. 

2&i 


M.    A.    CONSTANTIN. 


Tableau  VII 

Hommes  ayant  compté  à  un  même  escadron  du  7e  cuirassiers  de 
janvier  1910  à  juillet  1913. 


NOMBRE    D'INDIVIDUS    CONSIDÉRÉS 

483 

360 

C.  C.  M. 

T.  M. 

C.  C.  M. 

T.  M. 

S.  M. 

56cm,42 

174cm,0 

56cm,42 

173°*, 2 

328,7 

Rapport  de  la  taille 

Rapport  de  la  taille  à  la 

Rapport  de  la  S.  m.  à  la 

à  la  circonférence  céphalique 

circonférence    céphalique 

circonférence  céphalique 

3,08 

3,06 

5,82 

NOMBRE 

NOMBRE 

C.  C.  M. 

d'individus 

T.  M. 

d'individus 

T.  M. 

S,  M. 

327,7 

53  et  au  dessous 

7 

174,6 

7 

174,6 

54 

24 

173,5 

19 

173,7 

327,4 

55 

83 

173,4 

58 

173,4 

325,6 

16 

129 

173,6 

101 

173,5 

327,9 

57 

134 

174,6 

111 

174,5 

330,6 

58 

64 

173,8 

42 

173,8 

326,9 

59  et  au  dessus 

31 

175,6 

24 

176,1 

339,1 

NOMBRE 

NOMBRE 

T.  M. 

C.  C.  H. 

S.  M. 

C.C.  M. 

d'individus 

d'individus 

il  \ 

de167àl70inclus 

56,38 

9\ 

de303à31l 

55,55 

28 

171 

56,25 

20 

311     315 

55,81 

46 

172 

56,27 

26 

315     319 

56,18 

1  ! 

113 

56,60 

31  ! 

319     323 

56,12 

»5  F 

174 

56,17 

66  F 

323     327 

56,52 

42  >  total  -360 

175 

56,07 

56  >  total  =360 

329     331 

56,26 

il  [ 

176 

56,41 

571 

331     335 

56,67 

29  1 

177 

56,65 

51  \ 

335     339 

56,68 

13  ] 

178 

56,68 

19  ] 

3i9     343 

56,62 

'5 

179 

56,19 

10 

343     347 

56,59 

19/ 

de!80àl85 

57,25 

15/ 

347  et  au  dessus 

5682 

S  ,la  :  C   c.  m.  = -circonférence  céphalique  moyenne,  T.  m  =  taille  moyenne; 

S.  m   =  Soumit',  moyenne  des   chiffres  représentant  le  poids  en  kilogrammes,  la 

(aille  <;t  1»'  périmètre  thoracique  en  centimètres 

Les  chiff.es  souligné*  Mans  Le  bas  du  tableau  se  rapportent  aux  C.  c.  m,  T.  m. 

~~    in,  mmima  ou  imixima. 

CONTRIBUTION    A    L  ÉTUDE    DÈS    CORRELATIONS    PHYSIQUES. 


i85 


Tablkau  VIII 

Hommes  d'un  même  escadron  du  7e  cuirassiers  indiquant  les  corrélations  de  la  circon- 
férence céphalique,  de  la  taille,  du  périmètre  thoracique  et  du  poids,  suivant  le 
type  de  pigmentation. 


NOMBRE 

TYPE  DE 

PROPORTION 

TAILLE 

S    M. 

C.C    M. 

d'individus 

PIGMENTATION 

0/       - 

/o 

MOYENNE 

87 

blond 

23,96 

173cm,7 

331,5 

56,35 

91 

mixte 

25,06 

174cm,2 

327,6 

56,71 

185 

brun 

50,96 

17icm,l 

328,7 

56,35 

Tableau  IX 

Indiquant  la  corrélation  de  la  C.  c.  m,  de  la  T.  m,  de  la  S.  m,  suivant 
les  catégories  sociales  ou  militaires. 


CATÉGORIE 
MILITAIRE    OU   SOCIAE 

NOMBRE 

d'individus 

C   CM. 

T.  M. 

S.  11. 

OBSKHVaTIONS 

Ayant  un  baccalau- 
réatou  un  brevetou 
un  certificat  de  l'en- 
seignement primai- 
re supérieur  ou  un 
diplôme  d'uneécole 
technique.    .     .    . 

26(1) 

56°m,72(2) 

176om,8 

329,3 

(1)  Sur  26  individus,! 
17  ont  une   C.  c.  supé-j 
rieure    à    la    moyenne 
générale, 

(2)  5i  ,92,  abstrac 
lion  faite  d'un  individu 
ayant  52em  comme  C.  c, 
ce  qui  est  une  exception 
constatée    t  fois  seule- 
ment sur  les  43  sujets. 

Illettrés  ou  demi-il- 
lettrés  

46(3) 

56cm,31 

173cm,9 

325,0 

(3)  Sur  46  individus- 
25  ont  une    C.  c.  infé, 
rieure    a    la    moyenne 
générale. 

Sous-officiers.     .    . 
Brigadiers  .     .     .     . 
Ensemble  des  gradés 

34 
50 
84 

56cm,55(0 

56c%38 

56c«%49 

176cn«,0 
174^,9 
i75**,3 

329,1(5) 

329,3 

329,4 

(4)  56,69,  abstrac 
lion  fuite  de  l'individu 
signalé  à  la  noie  i. 

(;>)    Calculée     seule- 
ment pour  20  individus 

Engagés  ou  rengagés 

88 

56<«V6 

175cm,l 

328,6  («) 

(6)     Calculée    seule 
ment  pour  "0  individus 

Nés  ou  résidant  dans 
une  villed'au  moins 
51). 000  habitants  ou 
dans    sa    banlieue 
immédiate    .     .     . 

88 

56"°, 29 

174^6 

334,6(7; 

(7)    Calculée    seule- 
ment pour  70  individus 

28G 


M.     \.    CONSTANTIN. 

Tableau  IX  (suite). 


CATÉGORIE 
MILITAIRE    OU   SOCIALE 

NOMBRE 

d'individus 

C  C.  M. 

T.  M. 

S.  M. 

OBSERVATIONS 

Késidant  dans  une  lo- 
calitéautrequeleur 
lieu  de  naissance  . 

112 

56cm, 38 

i74°mf3 

328,3(8) 

(8)  Calculée  seule- 
ment pour  92  individus 

Nés  dans  une  grande 
ville  et  habitant  la 
campagne.    .    .    . 

14 

55cm,92 

174cm,2 

330,3 

Cultivateurs    .     .    . 

221 

56cm,36 

174^, 1 

328,3(9) 

(9)  Calculée  Seule- 
ment pour  164  individus 

Ayant  eu  une  con- 
damnation, soit  a- 
vant  leur  incorpo- 
ration, soit  depuis. 

15 

56001,00 

175cm,2 

326,6 

Enfants  de  père  in- 
connuetpupillesde 
l'assistance    publi- 

9 

55°m,76 

475«*,5 

328,5 

Sans   profession    ou 
exerçant  une  pro- 
fession libérale  .     . 

30 

56«o>,66 

176e™, 6 

330,5(10) 

(10)  Calculée  seule- 
ment pour  21  individus 

Tableau  X 
Relatif  aux  corrélations  entre  l'intelligence  et  la  circonférence  céphalique. 


INTBLLIGENCE 

NOMBRE 

TOTAL 

o'iNDIVIDUS 

NOMBRE    DES  INDIVIDUS 
AYANT    UNE   CIRCONFÉRENCE   CÉPHALIQUE    DE 

C.  C.  M. 

52 
1 

53 

1 

54 

2 
3 

55 

7 
18 

56 

9 

30 

57 
22 

23 

58 
11 
10 

59 
4. 
2 

60 
1 

Supérieure  à  la 
moyenne.     .    .    . 

56 

56,87 

Inférieure    à    la 
moyenne  .... 

88 

56,21 

Nota  :  T.  m  =  taille  moyenne;  C.  c.  m.  rr  circonférence  céphalique  moyenne; 
S.  m  =  Ssmme  des    chiffres   indiquant   le  poids   en  kilogrammes,   la  taille  et  lé 
périmètre  thoracique  en  centimètres. 

CONTRIBUTION    k    L  ETUDE    I>E8    CORRELATIONS    PHYSIQUES. 


287 


TiktiLàAtJ   XI 

Circonféi  phalique  moyenne   et    taille    moyenne   des   hommes  des  départements  de  même 

indice  eéphalique  dans  les  groupes  considères. 


£  s 

B 

S  M  J  a. 

2   t.   a  a 
-   sr    J= \   o 

«MHS 


- 
O 

■ 


<s. 


%    - 


m  ~' 
£  ~- 


S  =  z 


163cm,5 


166cm,3 


168e™, 0 


53cm,20 


DKI'AUTEYJENTS 


3  u 

3  z  « 

ÎT"  aa  f~ 

S  "  " 

y  o  < 


Seine.S  -et  Marne,?,   R|  ,  R» 
S.-et-Oise,Yonneid 

Aube 

Meurthe-et-Mosel- 


55«™,36 


55cm,74 


Heurthe-et-Mosel-j 
le,  Meuse,  Vosges, > 
Haute-Saône  .    .) 


de  83  à  85 
de  85  à  87 


Nord 


de79à8t 


[I 


Eure,    E.-et-Loir, 
Oise,  Seine,  S.-et-(H   n.  . 
Oise,  S.  et-Marne,(a< 
Yonne    . 


Aube,  Loiret 


°  H 

S5  m 


36(1) 
12 

54(2) 


de  83  à  85 


M.-et-M.,    RhôneJd  85à81 

Isère,  Brème,  Loire.  ae85a87 


174cm,0 


56cm,42 


Allier 

Rhône,  Ain,  Loire. 
Savoie    .     .     .    . 


de  83  à  85 
de85à87 
de87à89 


Se  ne,    S.  et-Oi  e, 
S.-et-Marne,  Oise,[de  81  à  83 
Hérault,  Creuse  .) 

Allier,  Drôme,  H.;  .   , 
et  B.- Pyrénées  .|deWa85 

Tarn,  Tarn-et-G., 
Lot,  Loire,  I* uy-/ 
de  Dôme,  Rhône, /de8jà87 
Aveyron,    H.-Sa-\ 
voie,  Ain,  Isère  J 
I 
Vamàï6'.   SaV°ie:(de87à89 
I 


22(3) 

44(4) 

44(5) 
152(6) 


15(7) 
44(8) 
11 


43(9) 
158(10) 

201(11) 

93 


I63°«M 

163c», 4 

164cm, i 


171cm,9 

163°m,o 

163°°», 7 
16ocm,6 


166e», 2 
166c*,5 
168cm,6 


en 

•M 

CD    — 

M    ~  -63 

3  q  a 

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J    2  Z 

<    K  O 

a    63  O 

û.    >.  aj 

■M    0  H 

0  s  S 
s 


55°m,05 
55^,25 

55c»,13 


56cmfi3 
55°*,36 

55°ni,75 
55cm.40 


175cm,2 
174cm,l 

17*cm,0 

173e», 7 


55cnV3 
55<=°\56 
56°°>,36 


OBSERVATIONS 


(l)DtffltèdèlàSeine 

(2)  Dont   11  de  villes 
importantes. 


(3)  Dont  4  de  ville: 
importantes. 

(4)  Dont  un  d'une 
ville  importante  et  26 
de  la  Seine. 

(5)  Dont  5  de  villes 
importantes.  , 

(6)  Dont  31  de  villes 
importantes. 


(7)  Dont  un  de  ville 
importante. 

(8)  Dont  à  des   villes 
importantes. 


56<»V3 
56c»,76 

56cm,54 
56^,35 


(9)  Dont  12  de  la 
Seine  et  4  de  villes 
importantes. 

(10)  Dont  un  d'une 
ville  importante. 

(11)  Dont  18  de  vilk 
importantes. 


S'ota  :  L'indice  eéphalique  moyen  des  départements  est  celui  qui  a  été  calculé  par  Deniter 
et  Houzé. 


. 


2  88  M.     A.    CONSTAWÏPÎ. 

Addendam.  —  Les  circonstances  de  la  guerre  ont  d'une  part 
fait  entrer  dans  le  corps  d'officiers  des  sous-officiers  de  l'armée 
active,  d'autre  part  mêlé  aux  officiers  de  carrière  des  officiers  de 
complément,  déjà  officiers  avant  la  guerre  ou  promus  depuis. 
Quelle  influence  ont  elles  eu  sur  la  supériorité  de  la  circonfé- 
rence céphalique  moyenne  des  officiers  par  rapport  à  celle  de  la 
troupe? 

Il  n'a  pas  été  possible  de  l'étudier  avec  quelque  précision.  Tou- 
tefois par  la  comparaison  entre  elles  d'un  certain  nombre  de 
coiffures  et  par  l'observation  directe,  il  a  été  permis  de  tirer  cette 
conclusion  qu'en  moyenne,  aujourd'hui  encore,  les  officiers 
paraissent  avoir  une  tête  plus  grosse  que  les  hommes  de  troupe 
de  leur  taille.  11  semble  aussi  que  cette  supériorité  est  d'autant 
plus  marquée  que  le  grade  est  plus  élevé. 

Le  plus  grand  tour  de  tête  qui  ait  pu  être  exactemeut  connu 
est  de  60  centimètres.  C'est  celui  d'un  colonel  qui,  appartenant  à 
une  famille  assez  modeste,  a,  non  seulement  pu  s'élever  à  son 
grade  grâce  à  ses  qualités  militaires,  mais  encore  acquérir  une 
instruction  générale  étendue,  grâce  à  son  intelligence  et  à  sa 
volonté. 

Sur  dix  officiers  de  complément  exerçant  des  professions  pour 
lesquelles  il  faut  surtout  des  aptitudes  littéraires,  quatre  ont  dû 
choisir  leur  casque  parmi  les  plus  petites  pointures. 

La  proportion  des  différents  types  ethniques  parmi  les  officiers 
ne  semble  pas  avoir  été  modifiée  par  la  guerre  Celle-ci,  bien 
qu'ayant  élargi  la  base  de  leur  recrutement  Ta  d'ailleurs  assez 
peu  modifiée  en  général. 

L'examen  de  plusieurs  émigrés  revenus  d'Amérique,  à  la  mobi- 
lisation, ne  confirme  aucunement  la  thèse  qui  relie  à  une  doli- 
chocéphalie  relative  les  tendances  à  l'émigration.  Les  émigrés 
considérés,  qui  étaient  nés  de  familles  établies  dans  lesrégions 
montagneuses  de  la  Savoie,  de  l'Isère,  des  Hautes  et  des  Basses- 
Alpes,  présentaient  tous  le  type  brachycéphale  commun  dans 
ces  régions. 


«  VITANCE 


l'A  K 


Le  Docteur  E.  C.  PARSONS 

Do  New -York. 


Le  terme  vitance  est  un  néologisme  —  les  lecteurs  de  L'Anthro- 
poloyip  (1)  peuvent  s'en  souvenir  —  que  M.  S.  Heinach  introduisit  il 
y  a  plusieurs  années  pour  décrire  ce  que  les  ethnologistes  de 
langue  anglaise  nomment  «  avoidance  »,  coutume  de  s'éviter 
parmi  les  membres  d'un  même  groupe  apparenté. 

M.  Reinach  nous  donne  une  revue  critique  des  interprétations 
existantes  de  la  Vitance,  suivie  de  son  interprétation  du  problème. 
Dans  une  publication  subséquente  (2)  il  ajouta,  dans  une  note  à 
son  mémoire  original  (3),  la  critique  d'Andrew  Lang  ;  mais 
comme  Lang  n'avance  aucune  théorie  pour  remplacer  la  sienne, 
M.  Reinach  se  trouva  autorisé  à  y  persévérer  «  jusqu'à  ce  qu'on  ait 
proposé  une  explication  meilleure  et  qui  ne  comporte  aucune 
difficulté  ». 

C'est  de  cette  explication  que  je  fais  l'essai.  Quant  à  celle  de 
M.  Reinach,  je  désire  simplement  exprimer  ma  surprise  que,  reje- 
tant la  théorie  de  Tylor  à  cause  de  son  rationalisme,  il  aille  lui- 
même  bien  plus  loin  dans  son  rationalisme.  Voici,  en  efïet,  le 
fond  de  sa  théorie.  Afin  de  prouver  qu'ils  se  conforment  à  une 
coutume  donnée,  la  prohibition  de  l'inceste,  les  hommes  en 
inventent  une  autre,  consistant  à  éviter  la  personne  qui  pourrait 
les  rendre  suspects  ;  un  individu,  ayant  qualifié  de  mère  sa  belle- 
mère,  veut  échapper  au  soupçon  d'avoir  épousé  sa  sœur  (4)  en 
évitant  sa  belle-mère  et  en  prouvant  ainsi  qu'elle  n'est  pas  sa  mère. 


(1)  Cf.  L'Anthropologie,  t.  XXII  (1911),  649-62. 

(2)  Cultes,  Mythes  et  Religions,  IV.  Paris,  1912. 
(3j  /©.,  pp.  145-7. 

(4)  M.  Reiaaefa  ne  dit  pas  qui  pourrait  entretenir   un  tel  soupçon,   et  il   semble 
méconnaître  le  fait  que  les  gens  primitifs  sowt  des  généalogiste*  avertis. 

l'autbropolooib.  —t.  xxu.  —  1918-1919.  19 


20O  I)     E.    C.     PARSOSS. 

Ceci  me  semble  du  rationalisme  social  et,  pour  cette  raison,  la 
théorie  de  M.  Reinach  est  plus  sujette  à  objection  que  la  moins 
rationaliste  et  plus  ordinaire  théorie  de  la  vitance.  Quant  à  la 
théorie  de  Tylor,  elle  peut  être  modifiée  d'une  manière  à  la  dégager 
de  l'accusation  de  rationalisme.  Tylor  dit  que  la  vitance  des  beaux- 
parents  est  une  expression  de  ressentiment  contre  le  nouveau 
venu.  Comme  un  intrus  dans  le  milieu  familial,  on  le  met  en  qua- 
rantaine. De  cette  théorie,  éliminons  l'élément  de  la  réflexion.  La 
vitance,  à  mon  avis,  est  seulement  un  moyen  d'éviter  un  ajuste- 
ment personnel  difficile;  cela  n'implique  guère  plus  de  réflexion 
que  l'acte  de  se  détourner  quand  on  rencontre  l'œil  d'un  étranger 
en  chemin  de  fer.  Regarder  quelqu'un  dans  le  blanc  des  yeux, 
c'est  manquer  d'éducation  ;  de  même,  il  est  fâcheux  d'imposer  sa 
présence  à  ceux  que  l'on  met  dans  l'embarras. 

Cette  théorie  psychologique  de  la  vitance  peut  être  admise  pour 
les  formes  diverses  dont  quelques-unes  sont  ignorées  entièrement 
ou  restent  sans  explication  dans  les  autres  théories.  Ce  n'est  pas 
seulement  sa  belle-mère  qu'un  homme  évite,  mais  aussi  son  beau- 
père,  exactement  comme  une  femme  peut  éviter  non  seulement 
son  beau  père  mais  sa  belle-mère.  Ces  formes  dâ  vitance  entre  le 
même  sexe  sont  impossibles  à  expliquer  par  aucune  hypothèse 
d  inceste.  On  ne  peut  expliquer  davantage  ainsi  la  vitance  entre 
beaux-frères  des  iles  du  détroit  de  Torres  (I),  des  îles  de  Banks  et 
de  Ticopia  (2).  Et  pourquoi  un  Caraïbe  vivant  chez  ses  beaux- 
parents  avait-il  défense  d'être  familier  avec  aucun  membre  de  la 
famille,  excepté  les  enfants,  ou  quand  les  parents  étaient  ivres  (3)? 
Je  note  aussi  la  vitance  entre  mari  et  femme  en  présence  des 
parents  ou  des  beaux-parents.  C'est  là  une  illustration  bien  frap- 
pante d'un  procédé  pour  échapper  à  une  situation  personnelle- 
ment embarrassante,  et  une  illustration  si  peu  citée  que  je  rappor- 
terai les  cas  que  je  connais,  supposant  que  les  ethnographes  n'ont 
pas  remarqué  cette  forme  de  la  vitance  et  qu'on  en  trouverait  sans 
doute  d'autres  exemples».  Chez  les  noirs  Chepara,  il  faut  que  mari 
et  femme  causent  d'un  ton  si  bas  qu'ils  ne  puissent  être  entendus 
de  la  mère  de  l'épouse  dans  le  camp  avoisinant,  mais  masqué 

(1)  lieports    Cambridge  Anl/iropological   Expédition   lo   Torres   Slrails,   V.   142  sq. 
Cambridge,  190i. 

(2)  Hivers,  W.  H.  R.  The  Hislory  of  Melanesian  Society,  L,  308,  11,  169,  Cambridge 
1914. 

(^)  Du  Tertr»'.  Histoire  générale  drs  Antilles,  pp.  14,  15.   Paris,  1807-0. 


«   \ir\Mi;  » 

d  une  palissade.  !  I  .  Un  Bondei  de  l'Afrique  de  l'Est  ne  mange  pas 
iwec  sa  Femme  si  si  mère  à  lui  est  près  d'eux  (2).  Dans  un  ménage 
île  la  haute  caste  hindoue,  la  femme  d'un  (ils  ne  peut  parler  à  sop 
mari  devant  sa  bellè-mère  à  elle  ou  tout  autre  membre  adulte  de 
la  famille  (3).  Chea  les  Abchases  du  Caucase,  mari  et  femme  ne 
peuvent  se  présenter  ensemble  à  ses  parents  à  elle.  Quant  aux 
parents  du  mari,  ils  ne  paraissent  pas  ensemble  devant  eux  durant 
dos  années  et  jamais  ils  ne  peuvent  manger  ensemble  devant 
eux  (4).  lai  Albanie,  une  femme  ne  doit  pas  parler  a  son  mari 
devant  ses  parents  avant  qu'elle  soit  mère  (5).  Le  tabou  du 
silence  dans  les  mêmes  circonstances  est  levé  lors  de  l'enfante- 
ment (H)  chez  les  Ossètes  (7)  et  les  Arméniens  (8). 

Que  faut-il  penser  de  la  vitance  dans  des  groupes  moins  éten- 
dus —  des  mères  par  leurs  (ils,  et  quelquefois  par  leurs  filles,  des 
pères  par  leurs  filles  et  quelquefois  par  leurs  fils,  des  frères  et  des 
Fœurs?  Comment  expliquer  ces  usages  par  un  sentiment  d'em- 
barras, d'émotion  inaccoutumée?  Je  réponds  que  la  parenté  n'est 
pas  récente,  mais  que  la  vitance  est  pratiquée  quand  un  ajuste- 
ment de  la  parenté  est  de  règle,  à  la  puberté  ou  à  la  nubilité,  à 
l'initiation.  Qu'est-il  de  plus  pénible  que  de  briser  une  vieille 
parenté?  Et  comment  éviter  plus  aisément  le  cboc  que  par  la 
vitance? 

Le  cérémonial  de  la  puberté  ou  de  l'initiation  est  en  lui-même 
une  expression  de  1  aversion  à  subir  les  changements  de  la  vie, 
ou  de  la  croissance,  quand  ils  se  produisent.  L'adolescent  ne 
devient  pas  un  homme  peu  à  peu;  il  le  devient  dans  une  nuit 
ou  dans  un  mois,  un  an  ou  môme  un  plus  long  espace  de  temps, 
mais,  quelque  soit  ce  temps,  dans  un  intervalle  fixé.  Même  si  la 

1  llowitt,  A.  W.  Salive  Tubes  of  South  EaU  Anslralia,  pp.  280,  sq.  London  and 
.N.  w   York.  iy04. 

t)  baie  <i.  dans  le  Journal  Anlhror-olouicnl  Insli/uie,  X.XV  (1895-6),  231. 

.  Slnb  Lbunder.  The  Hindoos  as   Lliey  Are,  pp.  17-8.  Calcutta  and  London, 
1883 
ik)  SeidliU,  N.  V.  dans  <,lobus,  LWI  (1894),  40,  41. 

H;ihn,  J.  <;.  von,  A  banesische  Studien,  p.  147.  Vienne,  I8L3. 

(6)  Le  tabou  de  la  belle- mère  est  levé,  en  plusieurs  cas,  à  cette  époque,  fait  que 
les  théoricien!  de  l'inceste  doive  trouver  bien  diflicile  à  expliquer. 

(7)  H.ixtli.iusf n,  Baron  von,  Transcaucasia,  p.  4n,  London,  1854.  La  femme  sans 
enfants  reste  muette  pour  quatre  ans. 

(8)  Garoett,  LtICy  M.  J.,  The  Women  of  Turlcy,  in  The  Christian  Women,  pp.  203, 
235.  London,  18y6.  La  libération  dépend  du  bon  plaisir  du  chef  de  famille.  S'il  le 
désire,  la  femme  reste  muette  et  voilée  pour  des  années. 


29*3  D*    E.     C.     PAftSONS. 

vitance  prolongée  n'est  pas  établie  durant  cette  période  de  rupture 
avec  le  passé,  une  espèce  de  vitance  temporaire  peut  être  en  usage, 
qu'on  peut  qualifier  de  vitance  cérémonielle.  Pendant  l'initiation, 
les  adolescents  Arunta  sont  avertis  de  se  tenir  éloignés  de  leurs 
mères  et  sœurs,  tant  de  sang  que  de  tribu.  «  Ne  leur  permettez 
pas  de  vous  voir  »,  leur  dit  on  (1).  Dans  le  district  Elema  de  la 
Nouvelle-Guinée,  les  initiés  sont  aussi  avertis  de  ne  pas  aller  près 
de  leur  demeure,  et  une  mère  apportant  de  la  nourriture  à  son  fils 
signale  son  approche  à  temps  pour  qu'il  se  retire  dans  son 
eravo  (2).  Dans  les  îles  du  détroit  de  Torres,  parents  et  frères 
s'éloignent  des  initiés  de  l'un  et  l'autre  sexe,  qui  sont  isolés  (3). 
Si  un  initié  de  la  Nouvelle-Bretagne  rencontre  une  parente  dans 
la  brousse,  il  est  forcé  de  lui  donner  n'importe  quoi  de  ce  qu'il 
porte  sur  lui.  Ce  gage  est  racheté  par  ses  amis;  il  est  en  pénitence 
jusqu'à  ce  que  la  femme  ait  été  dédommagée  de  la  «  honte  de  sa 
rencontre  (4)  ». 

Ce  n'est  pas  seulement  à  l'initiation  que  la  vitance  fait  partie 
du  cérémonial.  Durant  d'autres  cérémonies  d'époque  ou  de  crise 
elle  apparaît  aussi,  aux  fiançailles,  au  mariage,  à  la  grossesse,  à 
l'enfantement,  à  la  mort,  pendant  le  deuil.  En  d'autres  termes,  le 
tabou  bien  connu  des  rapports  sociaux,  qui  se  manifeste  pendant 
ces  époques,  doit  être  assimilé  à  d'autres  pratiques  de  vitance.  Ce 
sont  tous  des  moyens  d'éviter  le  réajustement  ou  du  moins  de 
le  différer.  Durant  les  fiançailles,  les  fiancés  sont  entièrement  ou 
en  partie  séparés  l'un  de  l'autre  ou  de  leurs  futurs  parents  par 
alliance,  et  la  fiancée,  même  le  fiancé,  peut  être  séparé  d'un 
cercle  plus  étendu.  En  ceci,  je  rejette  en  général  les  théories  qui 
font  allusion  à  des  familiarités  prématurées  avec  d'autres  que  les 
fiancés,  ce  qui  est  l'explication  ordinaire  des  tabous  de  fiançailles. 
Ces  théories  n'expliquent  pas  pourquoi  une  Abyssinne  s'enfuit 
en  criant  si  elle  aperçoit  son  fiancé  en  visite  chez  son  père  (5),  ou 
pourquoi  une  jeune  fille  Bashkir  ne  peut  pas  montrer  son  visage 
à  son  fiancé,  celui-ci  lui  rendant  visite  la  nuit  et  jouissant  des  rela- 
tions des  plus  intimes  avec  elle  (G),  ou  pourquoi  les  fiancés  de  l'île 

(1)  Spencer  et  Gillen.  The  Native  Tribes  of  Central  Australia,  pp.  223,  249.  London 
et  New-York,  1899 

(2)  Holmes,  J.,  in  Journal  Anlhropo/ogical  Institute,  XXXU  (1902),  421,  422. 

(3)  R.  C.  A.  E.  T.  S.,  V,  202,  204,  213,  217. 

(4)  Danks,  B  ,  in  Journal  Anthropological  Institute,  XVIII  (1888-9),  287. 

(5)  Parkyns,  M.  Life  in  Abyssinia,  II,  41-2.  London,  1853. 

(6)  Van    flennep,    A.   Les  Hitcs   de  Passage,  p.    1T3.  Paris,  1909.  Il  doit  éviter   sa 


((    VITANCE    »  2f)3 

de  Java  sont  enfermés  chez  eux  pour  des  intervalles  plus  ou  moins 
longs  (quarante  jours  dans  la  haute  société)  (1),  ou  pourquoi 
quelques  jours  avant  son  mariage  une  fiancée,  dans  certains 
cercles  des  États-Unis,  ne  va  pas  dans  le  monde.  Lors  du  mariage, 
la  mariée  et  le  marié  sont  formellement  séparés  avant  et  après 
(les  nuits  de  Tobie,  le  voilement  de  la  femme)  qu'ils  sont  consi- 
dérés comme  mariés,  et  beaucoup  de  symboles  dits  de  rapt  (râpe 
svmbols)  peuvent  être  expliqués  comme  relevant  de  la  vitance 
cérémonielle.  Et  qu'est-ce  que  la  lune  de  miel  sinon  une  vitance 
de  ce  genre,  un  cérémonial  qui  est  utile  à  tous,  mais  spécialement 
aux  parents  ? 

La  ségrégation  durant  la  grossesse  ou  l'enfantement  et  en  parti- 
culier le  tabou  des  rapports  conjugaux  sont  encore  des  mesures 
de  sûreté  pour  le  mari  et  les  autres  pendant  l'ajustement  à  des 
changements  de  vie.  Ici,  comme  dans  les  fiançailles  et  le  mariage, 
comme  dans  les  rites  de  la  mort  et  du  deuil,  d'autres  raisons 
naturellement  sont  alléguées,  mais  toutes  sont  des  essais  de 
rationaliser  le  même  instinct,  la  répugnance  contre  un  chan- 
gement dans  les  relations  personnelles,  l'aversion  à  une  situation 
anormale. 

Les  rites  d'exorcisme  sont  apparemment  des  rites  de  vitance. 
Les  tabous  de  la  ségrégation  durant  le  deuil  sont  moins  clairs, 
mais  soit  que  la  présence  des  personnes  en  deuil  soit  considérée 
.comme  dangereuse,  immorale  ou  de  mauvais  goût,  derrière  toutes 
ces  raisons  supposées  est  le  fait  qu'elle  cause  de  l'ennui,  de  la 
gêne,  rappelle  trop  le  défunt  à  ceux  qui  ne  sont  pas  tenus  de  s'en 
souvenir  et  qui  veulent  même  éviter  de  penser  à  lui,  soit  direc- 
tement, soit  par  la  vue  de  ses  intimes. 

[{etournons  maintenant  au  type  de  la  vitance  perpétuelle,  que 
nous  avons  laissé  sans  explication  complète.  Il  faut  la  chercher 
dans  la  psychologie  du  sexe,  dans  la  psychologie  du  respect  de 
l'âge  et  dans  la  psychologie  de  ce  qu'on  peut  appeler  le  respect  du 
statut. 

La  chose  essentielle  pour  constituer  un  homme  dans  une  société 
primitive,  c'est  de  le  séparer  de  la  femme.  Pour  être  de  la  classe 
des  hommes  il  faut  éviter  la  classe  des  femmes.  La  parenté  ne 


Le  prix  <1  ^  la  fiancée  étant  entièrement  payé,  il  mène  la  mariée  chez  lui  et  là 
pendant  plus  d'un  an,  elle  ne  peut  montrer  son  visage  à  son  beau-père. 
(1)  l'.allles,  T.  S.  The  BUtory  of  Java,  1,  354.  London,  1830. 


2  94  Dr    E.    C.    PARSONS. 

peut  contrebalancer  cette  nécessité.  Les  parentes  ne  font  pas 
exception  dans  le  groupe  des  femmes  qu'il  faut  éviter.  En  outre, 
pour  détruire  l'habitude  enfantine  d'être  avec  elles,  des  règles 
spéciales  doivent  être  mises  en  vigueur.  La  vitance  de  la  sœur,  de 
la  compagne  de  jeu,  peut  être  accentuée  plus  que  la  vitance 
d'autres  jeunes  filles.  Dans  cette  théorie,  les  vitances  frère-sœur, 
fils-mère  et  aussi  fille  père  ne  sont  que  des  exemples  frappants 
de  la  vitance  entre  les  sexes,  trait  particulièrement  caractéristique 
de  la  culture  primitive.  Si  les  observateurs  des  règles  de  la  vitance 
familiale  nous  donnaient  plus  de  détails  sur  la  vitance  entre 
sexes,  notre  point  de  vue  serait  moins  spéculatif.  Autrefois, 
dans  la  région  Tavua  de  Fidji,  le  garçon  qui  manquait  d'observer 
le  tabou-sœur  était  considéré  comme  un  insensé,  assommé  ou 
étranglé  (h.  Qu'arrivait-il  au  jeune  garçon  de  Fidji  s'il  jouait 
avec  d'autres  filles  que  sa  sœur?  Tout  ce  que  nous  savons  c'est 
que  la  femme  de  Fidji  était  généralement  exclue  du  club- 
house  des  hommes  ;  admise  dans  certaines  circonstances,  on 
lui  disait  que,  si  elle  regardait  autour  d'elle,  elle  deviendrait 
folle. 

Dans  la  vie  primitive,  les  classes  d'âge  sont  aussi  strictement 
séparées  que  les  sexes.  Ici  aussi,  la  parenté  ne  fait  pas  obstacle  à 
la  règle  ;  même  au  sein  de  la  famille,  les  différentes  générations 
doivent  prendre  garde  ;  elles  doivent  même  être  plus  circons- 
pectes qu'ailleurs,  parce  qu'il  y  a  plus  de  tentation  de  ne  pas 
l'être.  Par  respect  pour  l'âge,  il  y  a  bien  des  choses  que  les  enfants 
ne  font  pas  en  présence  de  leurs  parents.  La  jeune  fille  ne  babille 
ni  ne  plaisante  ;  le  garçon  ne  boit  pas,  ne  fume  pas,  ne  jure  pas  ; 
en  un  mot  «  on  ne  s'amuse  pas  ».  Pour  faire  cela,  il  faut  être  entre 
soi,  c'est-à-dire  éviter  les  parents. 

Le  respect  pour  l'autre  sexe,  le  respect  pour  les  aînés  se  traduit 
par  la  vitance.  La  vitance  exprime  de  même  le  respect  pour  tout 
statut.. L'accomplissement  des  devoirs  fixes  de  famille  est  assuré 
par  elle.  Que  «  la  familiarité  engendre  le  mépris  »  veut  seulement 
dire  qu'elle  favorise  une  tendance  à  se  soustraire  aux  obligations. 
Gomme  garantie  de  ces  obligations,  quoi  de  plus  efficace  que  le 
contraire  même  de  la  familiarité,  c'est  à  dire  la  vitance  ?  Voilà 
pourquoi  les  devoirs  et  les  obligations  réglés  de  la  famille  sont 


(1)  Hivers,  I,  291 


((    VI  l'WCK    ))  2f)5 

accompagnés  si  souvent  par  diverses  formes  de  vitance  (1).  La 
vi tance  est  une  reconnaissance  du  statut  (2). 

Je  ne  prétends  pas  que,  dans  un  cas  donné,  Tune  ou  l'autre  de 
ces  hypothèses  psychologiques  puisse  suffire  à  tout  expliquer. 
Une  coutume  ancienne  est  toujours  quelque  peu  un  conglomérat, 
une  masse  de  superpositions.  Ainsi,  quelle  que  soit  la  valeur 
d'une  clé  psychologique,  toute  coutume  déterminée  doit  êlre 
examinée  dans  son  propre  cadre.  La  vitance  familiale  peut  se 
présenter,  d'une  société  h  l'autre,  sous  des  aspects  divers  :  ici, 
elle  peut  reposer  sur  une  crainte  d'inceste,  là.  sur  un  mélange 
indésirable  avec  des  immigrants  ;  ailleurs,  elle  peut  être  intensifiée 
en  vue  de  l'observation  d'un  statut  particulier,  par  exemple  les 
relations  entre  le  neveu  et  le  frère  de  la  mère,  le  neveu  et  la  sœur 
du  père,  des  frères  partageant  la  même  femme  (3). 

Comme  toute  expression  concrète  de  vitance  doit  être  examinée 
dans  son  siège  même,  avec  toutes  les  associations  d'idées  qu'elle 
comporte,  qu'il  me  soit  permis,  en  terminant,  de  répéter  que 
tout  type  particulier  de  vitance  doit  être  étudié  dans  ses  relations 
avec  d'autres  types  II  y  a  un  vrai  danger  à  vouloir  trop  expliquer, 
mais  le  risque  est  moins  que  celui  d'expliquer  trop  peu,  de  ne 
justifier  qu'un  ou  deux  faits  isolés.  Après  tout,  ce  qui  nous 
importe,  pour  rappeler  la  phrase  même  de  M.  Reinach,  est  de 
chercher  «  une  explication  générale,  fondée  sur  les  éléments  de 
la  psychologie  humaine  ». 


(i)  Voir  Frazer,  F.  G.,TotemismandExogamy,  1,504-5.  London,  1910  :  Rivers,  II,  334. 

(2)  Nous  avons  ici  l'explication  pourquoi  le  tabou  est  quelquefois  levé.  Il  est  levé 
une  fois  que  le  statut  est  bien  établi,  par  l'effet  du  temps  ou  par  la  naissance  d'un 
enfant.  La  progéniture  sert  à  confirmer  le  statut  de  la  famille.  Parlant  psychologi- 
quement, l'enfant  est  aussi  une  espèce  de  tampon  contre  l'intimité  personnelle.  De 
(■HS  sentiments,  résulte  l'usage  de  la  teknonymie.  (Voir  Parsons,  Elsie  Clews,  dans 
American  Journal  of  Sociology,  March,  1914). 

(3)  Cp.  liivers,  I,  291,  293,  11,  135.  154-5,  161.  Mais  dans  ces  cas  la  superposition  doit 
être  prouvée  directement,  non  déduite,  comme  le  fait  Rivers,  de  la  coutume  générale. 
En  d'autres  termes,  la  vitance  peut  être  si  bien  expliquée  sur  le  terrain  psychologique 
qu'elle  ne  justifie  pas  des  déductions  sur  la  structure  sociale. 


ETUDE  ETHNOGRAPHIQUE 

DE  LA  TRIBU  KOUYOU 


l'Ai; 


M.  A.  POUPON 
Administrateur  dos  Colonies. 


{Suite*.) 


Nous  n'avons  pu  étudier,  dans  la  partie  orientale,  que  la  zone 
qui  s'étend  sur  toute  la  rive  droite  duKouyou.  Cette  partie  de  la 
tribu  comprend  les  villages  de  Boua,  Issé,  Okouna,  Ossanga, 
Ibouna,  Goné,  Ando,  Obanga,  Boui,  Illanga,  Kounounou,  Eka, 
Boyaka.  Parmi  ces  villages,  Boua,  Issé,  Okouna,  Ossanga,  Obanga, 
Boui,  Illanga,  Eka,  Boyaka,  Kounounou  sont  purement  Kouyou; 
Goné  et  Ando  seraient  plutôt  M'Bochi.  Tous  fêtent  le  djo  ou 
serpent.  Le  serpent  qui  est  ainsi  respecté  est  la  vipère.  Les  fêtes 
du  djo  auraient  été  enseignées  à  ces  villages  par  les  villages 
de   la  brousse,  Manga,  Ouémé,  qui  sont  également  Kouyou. 

Le  djo  est  chef  et  parent  de  chef  parce  qu'il  va  dans  la  brousse 
tuer  des  animaux  pour  en  nourrir  les  chefs.  Il  suffît,  en  effet,  au 
chef  de  «  ahambi  djo  »,  c'est-à-dire  d'insuffler  du  piment  dans  la 
gueule  du  serpent  pour  qu'il  se  dresse  et  parte  en  chasse  : 
fl  Ahambi  djo  appessi  taba  na  kani  »  (insufflé,  le  serpent  donne  des 
cabris  au  chef). 

Le  djo  est  donc  l'animal  du  chef  dans  l'Est  comme  la  panthère 
Test  dans  l'Ouest.  Or,  c'est  ie  chef  de  Ossanga,  Elinga,  qui  est 
l'initiateur  aux  cérémonies  du  djo  pour  une  grande  partie  des 
villages  de  l'Est  ;  savoir  :  Boyaka,  Okouna,  Goné,  Okounounou, 
Eka,  Illanga,  Oboyo,  Obala,  Icho.  Cette  initiation  s'appelle  l'ini- 
tiation au  djo  ou  a  l'Ebongo.  Car  : 

ina  ebota  Ebongo  Le  serpent  créa  Ebongo 

Ebongo  ebota  Kouva  Ebongo  créa  Eouya 

(1     Cf.  L'Anthropologie,  t.  XX IX,  p.  53. 

I.  ANTHROPOLOOIE.   —T.    XXIX.  —   1918-191 9. 


2f)S  A.    POUPON. 

Ébongo  est  donc  sorti  du  serpent.  Il  est  encore  serpent,  mais  il 
a  donné  naissance  à  l'Éouya  qui  est  un  homme. 

Est  pombo  celui  qui  n'est  pas  initié.  L'initié  s'appelle  ganga. 

Les  cérémonies  du  djo  se  pratiquent  en  brousse,  au  milieu  d'un 
vaste  emplacement  préalablement  mis  à  nu.  Quatre  sortes  de 
personnages  participent  à  cette  cérémonie  :  les  chefs  de  village 
ou  kani  du  djo,  dont  le  titre  pour  la  cérémonie  est  kani  bétaka, 
les  capitas  de  village  ou  capitas  du  djo  appelés  kani-mé-koutou,  les 
otchouabondgi  et  les  boumanéoussi,  qui  sont  les  hommes  riches 
des  villages  et  ceux  du  commun.  Je  cite  ces  quatre  grades  des 


fÇ.Ok,n*L.in.<L-l<.outiH4^ 


oi~*.rn**.n~c<ycu*-<i- 


ji«.    /,.  —  Places  occupées  par  les  quatre  classes  de  personnages  dans  La  cérémonie 

du  djo  ou  serpent. 

plus  élevés  au  moins  élevés.  Ils  sont  achetés  pendant  l'initiation 
d'autant  plus  cher  qu'ils  sont  plus  importants. 

Ces  quatre  personnages  n'occupent  pas  la  même  place  pendant 
les  cérémonies.  Au  fond  du  lieu  consacré  sont  placés  les  kani  du 
djo  ou  chefs  du  djo,  derrière  eux  sont  rangés  les  capitas  du  djo  ; 
formant  un  rang  sur  chaque  côté  d'eux,  sont  les  otchouabondgi  ; 
en  face  de  ces  trois  groupes,  qui  par  leur  rapprochement  font  un 
ensemble,  se  tiennent  les  boumanéoussi.  Un  vaste  emplacement 
libre  est  réservé  entre  ces  groupes,  c'est  le  lieu  où  se  déroulent 
les  différents  actes  de  la  cérémonie  (fig.  4). 

Dès  que  la  cérémonie  commence,  chacun  de  ces  groupes  fait 
son  entrée  l'un  après  l'autre,  par  un  endroit  différent,  et  va  se 
mettre  à  sa  place  cérémonieusement. 

Les  boumanéoussi,  dont  le  nom,  ainsi  que  tous  les  noms  qui 


ÉTUDE   rni\o«:ii\iMiioi  I.    OK    l.v    TRIBU    KOUYOU.  '*<)<) 

suivent,  indique  les  attributs,  sont  les  porteurs  du  bâton  de  bam- 
bou garni,  au  bout,  de  plumes  de  poules.  Les  otchouabondgi  sont 
les  frappeurs  de  mains.  Les  kani-mé-koutou  sont  ceux  qui  sont 
consacrés  du  bois  du  centre  de  la  case.  Les  kani-bétaka  sont  ceux 
qui  ont  acbeté  le  lit  dressé  sur  pieds.  Ces  deux  derniers  noms 
donnent  la  position  des  individus  :  les  premiers,  doivent  occu- 
per, dans  lescérémonies  publiques  tenues  dans  l'Okoko,  une  place 
qui  est  le  centre  de  la  case,  autour  de  la  poutre  du  milieu;  les 
seconds,  pendant  les  cérémonies  publiques  ou  celles  du  djo, 
ont  le  droit  de  se  tenir  couchés  sur  les  lits  de  bambou  à  pieds. 

Les  fonctions  remplies  par  ces  groupements  sont  les  suivantes  : 
les  boumanéoussi  sont  chargés  de  danser  l'éouya,  les  otchoua- 
bondgi de  frapper  des  mains,  les  kani-bétaka  de  représenter  l'ébon- 
go  ou  le  serpent  père,  les  kani-mé-koutou  les  aident  dans  cette 
partie  de  la  cérémonie. 

Nous  ferons  comprendre  la  différence  qu'il  y  a  entre  l'éouya  et 
l'ébongo  en  décrivant  les  cérémonies  de  l'initiation.  Voici  com- 
ment se  passe  cette  initiation  : 

L'initiation.  —  L'initié  est  introduit.  Avant  toute  autre  chose,  on 
le  soumet  à  des  épreuves  pratiques.  On  le  fait  passer  à  quatre 
pattes  sous  des  branches  de  palmier  suspendues  à  une  corde  et 
qui  barrent  le  sentier  d'initiation.  S'il  fait  tomber  les  feuilles,  il 
est  okoulou  et  doit  payer  l'initiation  le  double  de  son  prix.  C'est 
la  première  épreuve. 

On  creuse  sur  le  même  sentier  un  trou  qu'on  recouvre  de  feuilles 
et  on  le  fait  tomber  dans  ce  trou. 

On  met  sur  le  sentier  des  fourmis  qui  montent  dans  les  jambes 
du  pombo  et  le  piquent.  Le  chef  initiateur  s'adresse  à  lui  et  lui 
dit  :  ça  c'est  l'épreuve. 

Puis  d'un  grand  trou  creusé  en  terre  on  fait  sortir  l'ébongo 
c'est-à-dire  le  serpent  père  de  l'éouya.  Quand  il  se  dresse,  l'initié 
demande  :  «  Quel  est  cet  animal?  Le  chef  lui  répond  :  c'est  le  ser- 
pent Lbongo  père  de  l'éouya. 

A  ces  premières  épreuves  de  l'initiation  succèdent  des  représen- 
tations où  l'on  montre  à  l'initié  l'éouya  et  l'ébongo.  On  lui  jmontre 
d'abord  l'éouya,  c'est-à-dire  les  danses  du  serpent-homme,  des- 
cendant de  l'ébongo.  Ce  sont  les  boumanéoussi  qui  représentent 
l'éyoua.  Voici  cette  représentation  : 

Première  figure.  —  Des  boumanéoussi  se  sont  retirés  dans  la 
brousseou  d'eux  d'entreeux  s'habillent  de  l'éboula,  c'est-à-dire  de 


3oO  A.    POUPON. 

la  vaste  toile  faite  de  pagne  de  rafia  qui  tombe  à  longs  plis  autour 
du  corps.  Au  sommet  du  pagne  de  l'éboula,  surgit  la  tête  de 
réouya,  c'est-à-dire  une  tête  de  bois  sculptée  comme  une  tête  de 
Kouyou. 

Sur  cette  tête  sont  piquées  des  plumes  de  poules  qui  portent  le 
nom  de  miododos.  Le  vaste  pagne  de  l'éboula  s'appelle  aussi 
mokanda,  c'est-à-dire  peau,  parce  qu'elle  représente  le  mokanda 
na  djo,  la  peau  du  serpent. 

Pendant  que  ces  deux  danseurs  s'habillent,  la  première  figure 
de  la  danse  s'exécute.  Un  des  chefs  ou  kani-bétaka  se  lève  de  sa 
place  et  va  danser.  Les  otchouabondgi  frappent  des  mains  et  du 
tam  tam,  le  tam-tam  bat  son  plein.  Le  chef  danse  devant  les 
groupes,  dans  l'espace  libre.  Il  lève  les  jambes  très  haut,  la  cuisse 
horizontale,  frappe  violemment  la  terre  du  pied,  et  tend  les  bras, 
grimace  du  visage.  Quand  il  a  piafïé  ainsi  pendant  quelques 
minutes,  il  va  aux  boumanéoussi,  étend  les  mains  au-dessus  de 
leurs  têtes  et  fait  trembler  ses  bras  comme  deux  serpents  qui 
ondulent  et  frissonnent.  Ces  deux  bras  placés  au-dessus  du  groupe 
ont  l'air  de  vouloir  le  subjuger,  l'hynoptiser.  Le  chef  retourne  au 
milieu  de  la  place,  piaffe  encore  et  recommence  ainsi  à  danser 
deux  ou  trois  fois. 

Deuxième  figure.  —  Les  éouyas  vont  faire  leur  entrée.  Remar- 
quons tout  d'abord  que  tous  les  éouyas  qui  vont  danser  ont  des 
têtes  de  femmes.  Leur  mari,  le  serpent  mâle,  n'apparaîtra  qu'à  la 
dernière  figure. 

Deux  éouyas  quittent  la  brousse  et  font  leur  entrée  au  milieu 
des  groupes.  Ils  vont  se  placer  en  un  coin  (fig.  5)  entre  les 
otchouabondgi  et  les  boumanéoussi.  Ils  reposent  là,  accroupis, 
les  têtes  des  éouyas  penchées  sur  la  toile.  C'est  comme  deux 
serpents  enroulés  et  qui  dorment  la  tête  au  milieu  de  leurs 
replis. 

Un  des  capitas  ou  kani-mé-koutou  quitte  sa  place  et  muni  d'une 
cloche  de  fer  va  chercher  l'un  des  éouyas.  Il  l'invite  à  entrer 
dans  la  danse.  Il  l'emmène  au  milieu  des  groupes,  le  visage 
tourné  vers  lui,  en  marchant  à  reculons  et  en  frappant  de  la 
cloche  de  fer,  à  coups  égrenés.  Le  serpent  vient  à  lui,  l'homme 
recule.  L'homme  s'avance,  a  l'air  de  menacer  le  serpent,  celui-ci 
lui  résiste.  C'est  au  tour  du  serpent  d'attaquer,  l'homme  hésite, 
recule.  Il  y  a  une  lutte  du  serpent  et  de  l'homme  où  chacun  fait 
front  à  l'autre  sans  vouloir  ni  avancer  ni  reculer.  Enfin  le  capita 


Soi 


ETUDE    ETHNOGRAPHIQUE    DE    LA    THIBU    kOTJYOU. 

reprend  son  chemin  en  souriant  et  emmène  le  serpent  au  milieu 
des  groupes. 

Pendant  tout  le  temps  où  cette  mimique  a  été  exécutée,  les 
tams-tams,  le  chant  et  les  frappeurs  de  mains  ont  actionné  sur  un 
ton  assez  vif,  avec  de  véritables  transports  de  la  foule  pendant  la 
lutte  de  l'homme  et  du  serpent. 

Le  serpent  est  arrivé  au  milieu  de  la  scène.  Il  tend  réboula  de 


Fig.  5.  —  Les  couvas  vont  se  placer  en  un  coin. 


toute  sa  hauteur,  ondule  de  haut  en  bas.  Sa  tète  au-dessus  de 
Téboula  frétille,  les  plumes  de  sa  tête  tremblent.  Un  homme  se 
détache  des  groupes  et  vient  le  menacer  en  riant.  Il  s'irrite  et 
frisonne  avec  exaspération.  Un  enfant  passe  à  côté  de  lui  et 
pousse  un  cri  de  frayeur. 

Puis  il  se  met  à  sauter  à  la  cadence  des  tams-tams,  saute  et 
saute,  se  dirige  vers  le  groupe  des  chefs,  plonge  de  la  tête  au- 
dessus  d'eux,  s'allonge,  s'étire  indéfiniment.  Lecapita,  porteur  de 
la  cloche,  va  le  chercher  là,  le  ramène  au  milieu  des  groupes  où  il 
revient  en  sautant.    Le    capita  le  prend  et    l'emmène   dans  la 


ooa  '  a.  l'ouï'' in 

brousse.   La  foule  dit  :  «  Alingui  kodja  ko  =  il  veut  se  retirer 
dans  la  brousse.  » 

On  l'y  va  chercher  à  nouveau  :  il  entre  en  sautant  et  en  faisant 
trembler  sa  tête.  Les  tams-tams,  les  mains,  les  voix  vont  sur  un 
rythme  saccadé  et  vif.  Ce  rythme  s'accélère,  monte,  s'exaspère, 
devient  insensé.  Le  serpent  qui  a  sauté  jusqu'alors  se  couche  tout 
m  coup.  Il  se  met  à  tourner  à  une  vitesse  vertigineuse  (fig.  (>). 
Le  vaste  pagne  de  l'éboula  se  gonfle  au  vent  et  rase  le  sol,  la 
tète  de  l'éouya  tourne  en  frôlant  la  terre.  Dans  le  public,  des 
voix  excitent  1 éouya  à  tourner.  Son  mouvement  de  rotation  aug- 
mente encore  de  vitesse.  Quand  il  ne  peut  plus  tourner,  il  tombe 
à  terre  épuisé  (fig.  7).  La  foule  1  ovationne  :  ôôôôô. 

Troisième  figure  —  Les  chefs  dansent  ensemble.  Il  entre  en 
scène  un,  puis  deux  chefs.  Ils  dansent  de  la  façon  qui  a  été  déjà 
décrite.  Ils  lèvent  les  jambes  très  haut,  les  genoux  repliés, 
frappent  le  sol  du  pied,  tordent  les  reins,  grimacent  du  visage, 
vont  d'un  côté,  puis  d'un  autre,  se  rencontrent,  tapent  dans  les 
mains  l'un  de  l'autre.  Tout  à  coup  l'un  deux  impose  le  silence  aux 
tams-tams  d'un  geste.  Il  se  met  à  parler  :  raconte  l'histoire  de  ses 
ancêtres,  les  nomme,  énumère  ses  chasses,  le  nombre  de  bêtes 
tuées,  1  ivoire  obtenu,  les  trophées  de  têtes  de  bœufs,  ses  richesses, 
ses  femmes. 

Quand  un  chef  a  fini  de  danser  et  de  raconter  son  histoire,  il 
sort  et  un  autre  entre  en  scène  et  le  remplace.  Il  défile  ainsi  l'un 
après  l'autre,  six,  sept,  huit  chefs,  qui  chacun  à  leur  tour  rap- 
portent leurs  traditions  et  dansent. 

Quatrième  figure.  —  Les  tams-tams  battent  sur  un  rythme  lent. 
L'éouya  entre  en  suivant  le  capita.  11  s'avance  lentement  en  dode- 
linant d'une  jambe  sur  l'autre,  en  se  balançant  d'avant  en  arrière 
Le  capita  va  chercher  un  second  éouya  qui  fait  son  entrée  à  son 
tour. 

Le  capita  grimace,  l'éouya  se  moque  de  lui  ;  lui,  tire  la  langue. 
L'éouya  lui  répond  en  le  menaçant,  se  dresse  de  colère,  toute 
la  toile  développée  en  bailleur,  fait  trembler  sa  tête  de  rage. 
Devant  sa  rage,  le  public  le  taquine  :  ôh,  ôh,  ôh,  l'interpelle, 
l'opposo,  oh!  cite  son  nom  :  ô  Otéma!  Otéma  !  Loulou!  Éniongo! 
Exaspéré,  il  saisit  le  capita  dans  sa  toile,  l'enveloppe,  le  serre  à 
l'étoufîer,  puis  le  relâche  et  continue  à  dodeliner,  à  sauter  et  se 
retire  avec  lenteur. 

Il  entre  ainsi  en  scène  cinq,  six,  sept  éouyas  de  figures  et  de 


Fiu.  (3.  —  L'éou  \  a  toui  ne 


Via.  7.  -     L'coin  ;i  bc  r< 


30/j  A.    POUPON. 

noms  différents,  qui  viennent  danser.  C'est  Otéma,  Éoulou, 
Éniongo,  etc.  Otéma  a  une  énorme  face  rouge  et  porte  un  serpent 
sur  la  tête.  Éoulou  a  la  face  blanche,  Éniongo  a  la  face  rouge  et 

blanche. 

Cinquième  figure.  —  Le  molomi  c'est-à-dire  le  mari,  et  sa  femme 
vont  entrer  en  scène.  Le  molomi,  Djokou,  a  pour  épouse  Ëbotiat 
ou  la  productrice  d'enfants  (fig.  8). 

Djokou  apparaît.  Il  marche  majestueusement.  Le  long  pagne  de 
l'éboula  traîne  derrière  lui.  Un  capita  l'accompagne.  Ils  fontletour 
de  la  société  ensemble.  Djokou  est  présenté  au  public. 

A  son  tour  Èbotita  entre.  Sa  tête  énorme  est  penchée  sur  la 
toile  et  tombe  lamentablement.  Elle  vient  jusqu'au  milieu  des 
groupes.  Là  elle  redresse  sa  tête  et  montre  sa  figure  aux  specta- 
teurs. La  foule  l'acclame  :  Èbotita  !  Ébotita! 

Djokou  et  Ébotita  se  placent  l'un  à  côté  de  l'autre  comme  un 
couple  uni.  Le  capita  les  prend  et  les  emmène.  Ils  font  le  tour  de 
la  société,  tantôt  l'un  à  côté  de  l'autre,  tantôt  Djokou  devant  et 
Ébotita,  sa  femme,  derrière  lui. 

Pendant  cette  promenade  tous  les  groupes  se  lèvent.  Ils  hurlent 
acclament  Djokou  et  sa  femme.  Les  hommes  se  moquent  du 
molomi  Majestueux  et  indifférent,  risible  avec  sa  tête  énorme  et 
son  pagne  qui  traîne  derrière  lui,  il  passe.  On  lui  jette  des 
barrettes,  des  marchandises,  des  cadeaux. 

La  danse  s'achève  au  milieu  du  mouvement  des  groupes  extrê- 
mement échauffés  et  surexcités. 

Aussitôt  ce  mouvement  apaisé,  le  chef  initiateur  s'approche  de 
l'initié,  découvre  l'individu  qui  est  enfermé  dans  la  toile,  montre 
à  l'initié  que  c'est  un  homme  et  non  le  serpent  lui-même,  et  lui 
dit  :  Tu  sais. 

Lorsque  cette  représentation,  la  première  de  toutes,  est  termi- 
née, le  chef  initiateur  révèle  l'Ébongo  père  de  l'Éouya.  C'est  alors 
un  chef  qui  opère.  Il  se  retire  dans  la  brousse  et  revêt  le  pagne 
d'éboula.  Ce  pagne,  pour  les  représentations  du  djo,  est  beaucoup 
plus  ample  et  plus  long  qu'il  n'est  pour  les  représentations  de 
Téouya,  parce  qu'il  est  nécessaire  que  le  djo  puisse  se  développer 
en  hauteur  et  porter  sa  tête  très  haut,  jusqu'à  cinq  ou  six  mètres 
du  sol.  La  tête  de  l'Ébongo  qui  surmonte  la  toile  est  au  contraire 
bien  plus  petite  que  celle  delEouya.  Le  tout  à  une  apparence  véri- 
tablement ancienne. 


ÉTUDE    ETHNOGRAPHIQUE    DE    LA     HUBU    K.OUTOU*.  3o5 

Le  djo  fait  son  apparition  précédé  du  chef  Initiateur  qui  frappe 
à  coups  espacés  et  lents  sur  un  petit  tam-tam  rendant  un  son  sec 
el  sourd  En  mémo  temps  qu'il  frappe,  le  chef  débite  une  mélopée 
lente  où  il  cite  les  actes  du  djo  et  ses  origines.  Il  vient  du  village 
de  Manga. 

Tout  deux  font  ainsi  leur  entrée.  Rendus  au  milieu  des 
groupes,  Elinga  se  tourne  du  côté  du  djo  et  frappe,  à  coups 
secs    et  répétés  sur   son  tam-tam.    Au  fur    et    à    mesure    qu'il 


J'iti.  8.  —  Ébotita  et  Djokou. 


frappe,  le  djo  se  dresse  au  dessus  du  sol.  Sa  toile  se  tend  en 
hauteur,  sa  tête  s'élève,  monte  à  quatre  et  cinq  mètres  au-dessus 
du  sol.  Les  spectateurs  regardent  silencieux  et  ébahis.  Ainsi 
dressé,  le  djo  se  tient  un  long  instant  immobile  au  dessus  des 
groupes  qu'il  a  l'air  de  subjuger,  d'hypnotiser.  Puis  il  se  dirige 
lentement  vers  des  arbres.  Il  se  dresse  jusqu'aux  branches,  se 
couche  dessus,  s'enroule  autour  du  tronc,  à  l'air  (le  monter  en 
enveloppant  l'arbre.  Les  spectateurs  qui  jusqu'alors  s'étaient  tus, 
heureux  de  son  éloignement  et  de  sa  préoccupation,  en  profitent 


l'akthropologir.  —  t.  xxix.  —  l'Jls-jyl'.). 


20 


\.    POCPON. 


pour  l'exciter.  Ils  lui  crient  :  ma!  ma!  Au  fur  et  à  mesure  qu'on 
l'excite,  le  djo  monte  davantage  le  long  du  tronc.  Son  guide  va  à 
lui  et  l'excite.  Mais  il  est  obligé  de  fuir  devant  1  Lbongo. 

Le  djo  quitte  la  brousse,  annoncé  de  très  loin  par  la  mélopée 
d'Klinga  et  le  son  sec  de  son  tam-tam.  Il  fait  son  entrée.  Elinga 
l'amène  jusqu'au  milieu  des  groupes.  11  crie  : 

Ion  va  n.i  ho  !  Éouya   na  lio  ! 

L'éouya  esl  en  coière,  l'éouya  esl  en  colère. 

Le  djosedresse  en  effet,  se  dresse,  s'élève  jusqu'à 
cinq  et  six  mètres  de  hauteur.  Les  groupes  s'en- 
fuient, puis  reviennent;  quand  ils  sont  revenus, 
l'Ébongo  reste  dressé  au  dessus  d'eux,  au  milieu 
du  silence  et  du  respect  général.  Puis  ainsi  et  ver- 
tigineusement dressé,  il  se  relire. 

Le  chef  initiateur  le  rappelle  et  montre  a  l'initié 
que  c'est  un  homme  qui  est  dans  le  mokanda. 

Après  la  représentation  du  djo,  on  danse  le  djo. 
Un  des  capitas  du  djo,  particulièrement  habile  à 
cette  danse,  sort  de  sa  place  et  vient  au  milieu  des 
groupes  où  il  va  danser.  Cette  1res  belle  danse 
redit  et  figure  tous  le>  actes  de  la  vie  du  serpent. 

Première  figure.  —  Deux  gros  tams-tams  avec 
des  frappeurs  spéciaux  aussi  habiles  que  le  danseur, 
entainent  la  danse. 

Le  danseur  a  le  pengué  du  djo,  c'est-à-dire  le 
réticule  où  se  trouve  enfermé  le  djo,  passé  à  l'épaule. 
Il  porte  un  grand  couteau  droit  ifïg.  9)  à  la  main.  Jl 
fixe  la  terre,  il  regarde  dans  différentes  directions 
d'où  vient  le  serpent.  Le  djo  apparaît.  C'est  la  lutte  de  l'homme 
et  du  serpent.  L'homme  fait  des  bonds,  des  écarts  de  coté 
pour  éviter  le  serpent.  11  lui  porte  un  grand  coup  de  couteau 
et  ne  l'atteint  pas.  Il  saute  en  arrière.  Il  lui  porte  un  autre  coup 
de  couteau  et  l'atteint  une  première  fois.  Le  serpent  n'est  pas 
mortellement  blessé  et  continue  à  lutter.  La  lutte  se  poursuit,  le 
serpent  est  encore  atteint,  mais  se  dégage.  L'homme  le  surveille, 
le  guette.  Le  serpent  esl  atteint,  une  troisième  fois  et  succombe. 
L'homme  le  coupe  en  morceaux. 

Deuxième  ligure.  Le  danseur,  (fig.  10)  par  des  mouvements 
du  corps,  imite  le  serpent.  11  tremble,  se  dresse  sur  la  pointe  des 


Ml  pi     ETHNOGRAPHIQUE    DE    LA     miBI     MU  un.  3o7 

pieds  et  ondule  de  bas  en  haut,  puis  se  couche  à  terre,  rampe,  se 
cache  la  tête  entre  ses  bras  arrondis,  comme  le  serpent  met  sa 
tête  au  milieu  de  ses  replis. 

rendant  tout  le  temps  où  celte  danse  s'exécute,  le  chef  initia- 
teur pose  sa  main  sur  la  tète  de  l'initié. 

Troisième  figure!  —  Le  danseur  danse,  s'arrête,  frisonne,  ondule 
de  bas  en  haut  comme  le  serpent,   va  se  cacher  dans  un  tronc 


«■   'm   ■  ■ 

m^à 

C^.          •                                                                          &      •      .'^'\ 

H  •■  ?ii                                                                "ÎOlÔ^ 

l'ii..  10.  —  Le  danseur  du  djo. 


•  1  arbre  où  il  reste  enroulé,  en  sort,  danse  et  retourne  se  placer 
dans  le  tronc. 

Quatrième  figure.  —  Le  danseur  mette  pengué  du  djo  à  terre, 
an  milieu  des  groupes,  et  son  grand  couteau  à  la  main,  danse  autour 
une  magnifique  danse  de  célébration. 

Ce  pengué  (fig.  H)  est  un  sac  ou  est  enfermé  le  djo.  Il  est  fait  de 

cordes  fines  tressées  en  mailles.  Sa  forme  est  étroite  et  très  allon- 

A  la  partie  supérieure  est  ménagée  une  bretelle  assez  large 

que  l'un  peut  passer  à  l'épaule  et  qui  aide  à  porter  le  pengué  sous 

le   bras.    A    la  partie    inférieure  est  ménagé   un    étranglement, 


3o8 


A.    POUPON. 


avec,  en  dessous,  un  renflement.  Ce  renflement  est  orné  de  cinq 
rangs  de  petits  coquillages  blancs.  Sous  ce  renflement  pendent 
de  longs  poils  de  queue  d'éléphant. 

A  l'intérieur  de  ce  sac  est  enfermé  le  djo,  avec  tous  ses  médica- 
ments, les  herbes  où  il  aime  à  vivre,  les  os  des  animaux  qu'il 
mange.  Ce  djo  est  représenté  par  une  ficelle  longue  d'un  mètre, 

ayant,  d'un  côté,  un  cauri  large  comme  une 
pièce  d'un  franc  qui  représente  la  tète  du 
djo,  et  de  l'autre  côté,  un  plus  petit  cauri  qui 
représente  sa  queue.  Il  suffit  au  chef  de  cra- 
cher du  piment  sur  la  tête  du  djo  pour  qu'il  se 
dresse  et  se  mette  en  mouvement.  Cela  s'ap- 
pelle :  Ahambi  djo  =  insuffler  le  djo. 

Quand  on  a  exécuté  ces  trois  danses,  et 
montré  a  l'initié  ce  que  contiennent  les  mo- 
kandas  de  l'éouya  et  de  l'ébongo,  on  lui 
présente  différentes  figures  d'animaux.  On 
l'emmène  devant  un  gros  serpent  taillé  dans 
le  bois  et  dont  les  yeux  ont  un  relief  énorme 
et  on  lui  dit  :  Regarde,  c'est  l'ébongo  qui  a 
fait  l'éouya!  11  tue  des  animaux  pour  le  chef. 
Mais  si  Ebongo  est  serpent  issu  de  serpent, 
du  moins  est-il  en  même  temps  un  homme. 
Après  avoir  montré  le  serpent,  on  promène 
en  effet,  autour  de  la  société  une  civière  qui 
porte  deux  statuettes  de  bois.  Ces  statuettes 
ont  nom  :  Ébongo  (fig.  12).  On  les  ovationne 
quand  elles  passent.  Oh  ébongo î  oh  ébongo! 
Ces  statuettes  de  40  centimètres  de  hauteur, 
l'une  femme,  l'autre  homme,  ont  le  visage,  la  coiffure  et  les 
cicatrices  des  Kouyou. 

Ensuite  on  présente  à  l'initié  toute  la  descendance  de  l'Ébongo 
qui  sont  les  Éouyas.  Il  défile  quatorze,  quinze,  seize  tètes  d'Éouyas. 
On  va  également  lui  montrer  les  ancêtres  de  l'Ébongo,  mais 
auparavant  un  use  d'un  subterfuge,  on  lui  présente  des  troncs  de 
bananiers.  iJeux  morceaux  d'un  tronc  de  bananier  de  cinquante 
centimètres  de  hauteur  sont  fixés  en  terre.  On  fait  passer  l'initié 
devant  eux  et  on  lui  dit  leur  nom  :  Ekouandja  et  Ololo.  Puis  on 
lui  présente  un  troisième  tronc  de  bananier  planté  devant  les 
deux  autres  et  on  lui  dit  :  c'est  Atehibéka. 


Fig.  11.  —  Le  |  ong  né 
du  d  o. 


i  i  i  DE    ETHN0GRAPHIQ1  E    DE    I  \     i  RTBl     £01  ïOl  3oO 

Toute  une  ligne  de  sept  troncs  de  bananiers  plantés  on  terre 
lui  sont  montrés  et  on  lui  dit  :  c'est  le  likonbaon  la  plantation.  En 
face  des  sept  troncs  de  bananiers  et  à  gauche  des  olchouabongi, 
sont  alignées  des  têtes  énormes  plus  grosses  que  celles  avec 
lesquelles  on  danse.  On  les  présente  à  l'initié  par  leur  nom.  Ce 
sont  tons  les  ancêtres  de  l'Ébongo 
jusqu'à  lui  même.  On  les  cite  avec 
leur  ascendance,  leur  descendance, 
leur  histoire.  Quand  Kambochélé  est 
présenté,  il  «lil  «  J'ai  fait  un  enfant, 
l'enfant  est  mort,  je  viens  seul  :  gaï 
me.  »  Voici  le  rang  et  la  position  des 
sept  ancêtres  de  Tébongo  dans  le  lieu 
consacré. 

O  MokangiT 

O  Ototo 

O  O-Koadjanga 

O  Golo  [ 

O  Mocbouna 

O  Ochimagégembé 

<  )  Moana  ebcti  "gombo 

O  Ébongo 

Kbongo  a  donc  sept  ancêtres. 

Mokanga,  par  exemple,  a  pour  père 
Épolo  qui  a  créé  aussi  Boumanéoussi 
et  Kchouébé.  Échouébé  a  pour  enfants 
Moako  et  Moanaottolé. 

Après  cela,  le  chef  montre  ses 
ékoués,  c'est-à-dire  les  spectres  de  ses 
morts,  à  l'initié  ;  cette  scène  s'appelle 
le  tchaboka.  Elle  consiste  à  montrer  à  l'initié  un  homme  et 
une  femme  énormes,  grossièrement  taillés  dans  du  bois  et  qui  se 
tiennent  assis.  Le  chef  les  présente  à  l'initié  et  lui  dit  :  «  Ça  c'est 
mes  ékoués,  les  spectres  de  mes  morts  ».  Il  s'adresse  ensuite  aux 
deux  personnages  en  bois  et  leur  dit  «  Péletsako  -  donnez  la 
parole  »,  et  les  deux  personnages  parlent.  En  les  entendant,  l'initié 
veut  s'enfuir,  le  chef  le  retient  et  lui  dit  :  «  Ne  t'enfuis  pas,  tu  as 
payé,  tu  peux  tout  connaître.  » 

On  fait  alors  entrer  l'initié  dans  l'éboula  vide  et  on  le  fait 
danser  avec.  Ensuite  il  achète  1'  éboula.  Puis  il  achète  l'éouya  au 
chef  qui  le  lui  donne  lessoumba  éouyaj  ;  puis  «  essoumba  ékita  -  il 


Fia.  12.  —  Ëbonero. 


.'ho  \.     fOl   l'"\. 

achète  les  tams-tams  »,  les  trois  tams-tatns  :  Étoubdu,  Dolo, 
N'Goko,  Ëtoubouétanl  le  plus  petit  tam  tam  el  N'Goko  le  plus  gros. 
(N'Goko  signifie  d'ailleurs  père).  Puis  «  essoumba  ékotiga»  c'est- 
à-dire  qu'il  achète  la  cloche  de  1er. 

(te  partie  de  la  cérémonie  achevée,  on  revient  à  quelques 
épreuves  pratiques.  On  plie  trois  cornets  de  feuilles,  et  on  les 
attache  a  une  corde,  en  travers  du  sentier  d'initiation.  L'initié  doit 
passer  soin  la  corde,  a  quatre  pattes,  sans  toucher  les  cornets.  On 
plante  en  terre  trois  piquets  rapprochés  et  l'initié  doit  passer 
entre  ces  trois  piquets  sans  les  faire  tomber,  sinon  il  doit  payer 
complètement  el  à  nouveau  tout  le  prix  de  l'initiation. 

Enfin  la  cérémonie  va  prendre  (in.  Le  chef  initiateur  se  saisit 
d'une  pertU  dj  bélo  qu'il  passe  trois  fois  sur  la  figure  de  l'initié  en 
lui  disant  :  t<  Yo  ganga  —  tn  es  consacré  ganga.  »  Le  bélo  est  une 
sorte  de  singé. 

11  ajoute  deu*  ou  trois  moralités  : 

«  Tu  ne  Voleras  pas  )) 

«  Tu  n'habiteras  pas  plusieurs  villages  à  la  fois.  » 

Et  là-dessus  après  avoir  bu,  dansé,  et  mangé  la  nourriture 
offerte  par-  l'initié,  l'on  se  disperse. 

Les  hommes  du  djo,  portent  tous  une  ceinture  do  peau  de  serpent 
sous  les  seins  et  souvent  une  autre  passée  autour  des  reins  pour 
soutenir  les  paghe&. 

Xous  avons  dit  que  pendant  tout  le  temps  (JUedurait  cette  c< 
monie,  un  groupe,  celui  des  otchouabondgi,  était  chargé  d'accom- 
pagner  les  divers    rites    en  chantant  et  en  frappant   des  mains, 
de  ce  chant  : 

•  im  ayalu.  L'initié  esl  vomi. 

ki.  11  corps  esl   beau. 

ni  bonga    léti,  létié  11  est  venu  apprendre  la  danse,  il  a  pa 

un  peu,  un  peu 
-  éoué  I    •  hommes  du  médicament  sont  allés 

dans  la  bi 
•  lioué    1  Ooi  le  les  figures 

0  o  é  litié  0  o  é  regarde-les. 

Boanga  I  bat  son   plein 

\>A  ou  Tu  '  i  'ii  de  marchandises 

Oh!  oh  !  adja  i  Oh!  "h     un   grand  palabre  esl    venu 

Qté  f|u  m  l  • 


r  i  t  m 

wi  oué   Eléka  oué    I 

,  i  oué.  Eléka  oué. 
Oboutou  oué.  Oboutou  oué 
Oboutou  oué   Oboutou  oué. 
Oboutou  ayaki 
Mena  oué    '{   . 
\\>  i, 

Viljoua  éboundji 
vonta  aouta  ié 
Po  essi  ayoué 
<  )\i  '.  oh  '  adja  nan  gaï  é  é    i 


<  >h  '  oh  !  ad.ja  nan  gai  e  e 
Aleba   loua   é  é 
\b  ba  toua  i 
P<>  t'ssi  ayoué.  ayoué 
Mouana-na-mata    aouli    na    Manga 
egouinlié    ii 


E  i  iinoi.h  vriiKH  i     ni     i  \    TRIBU    khi  roi  .  3  i  I 

Eléka  oué.  Eléka  oué. 

Eléka  oué.  Eléka  oué. 

oboutou  oué    Oboutou  oué. 

Oboutou  oué.   »  )I)outou  oué. 

Oboutou  toi  qui  va.  vient,  tourne 

Atéua  oué. 

Aténa  oué. 

Dont  les  bois  (que  la  danso  tourne) 

Tu  n'as  pas  payé,  non  pas  payé, 

Je  t'ai  tout  dit,  va,  va. 

Oh  !  oh  !  celui  qui  est  resté  avec  moi 

é  é 
()li  '  oh  !  toi  qui  a  posé  avec  moi  é  é, 
Toi  qui  coites  dans  la  brousse  é  é 
Toi  qui  coites  dans  la  brousse  é  é 
Le  palabre  est  fini,  va,  va, 
Mouana  na  mata  est  venu    de   Manga 

avee  cette  danse. 


Enfin,  si  les  têtes  de  léouya  sont  peintes  de  blanc  et  de  rouge 
c'est  que  le  blanc  et  le  rouge  sont  les  couleurs  du  serpent. 

En  outre,  de  même  que  la  partie  Ouest  de  la  tribu  a  une  société 
secrète  de  femmes,  dont  les  affiliées  se  peignent  aux  couleurs  delà 
panthère  et  qui  l'imitent,  l'Est  a  une  société  secrète  de  femmes 
qui  s'appellent  les  émagnas,  du  nom  du  serpent  émagna.  Les 
femmes  y  sont  peintes  comme  le  serpent,  de  larges  barres  rouges 
et  noires  en  travers  du  corps.  Elles  pratiquent  les  mêmes  céré- 
monies d'initiation,  les  mêmes  cérémonies  en  cas  de  mort  que  les 
tsenguis.  p]lles  connaissent  le  boato,  les  danses  du  serpent  et  les 
moralités.  Aussi  ne  ferons-nous  que  signaler  cette  société,  sans  la 
décrire,  ce  serait  redire  très  exactement  tous  les  rites  du  tsengui. 
Par  conséquent,  tandis  que  les  gens  de  l'Ouest  de  la  tribu  fêtent 
la  panthère,  les  gens  de  l'Est  de  la  tribu  fêtent  le  serpent. 

Sous  le  serpent,  un  certain  nombre  de  villages  de  l'Est  fêtent  et 
respectent  le   pouéngué,  qui    est   la    hyène.   Les   villages  qui   la 
respectent  sont  Ossonga,Hoyaka,  Okouna,  Goné,  Okoussou,Okou- 
nadjokou,  Eka,  Obala,   [cho.  Les  gens   de  ces  villages  s'appellent 
$± 
(1)  Nom  d'une  figure,  chanté  quand  on  passe  devant  cette  figure. 
are. 
■  jure. 

'4)  Nom  de  celui  qui  est  venu  se  taire  initier. 

Pan  e    [u'il  es!  traditionnel,  siaon  obligé,  que   les   initiés  du  djo  coïtent  dans  la 

Sorte  de  eoïl  rituel). 
Nom  du  chef  venu  de  Maoga  avec  la  danse. 


oi a  v.    poupon. 


d'ailleurs  des  poungués.  Il  ya  donc  là  un  clan  à  nom  tométique, 
comme  il  y  en  a  dans  l'Ouest,  et  qui  vit  dans  la  dépendance 
du  chef  d'Ossonga,  Élinga. 

Cependant,  si  les  gens  de  l'Est  reconnaissent  qu'ils  n'ont  jamais 
fêté  que  le  serpent  et  que  les  cérémonies  delà  panthère  leur  ont 
toujours  été  totalement  étrangères,  il  n'en  est  pas  de  même  des 
gens  de  l'Ouest  qui  revendiquent  et  le  serpent  et  la  panthère. 
Cependant  ils  avouent  que  progressivement  les  fêtes  du  serpent 
seraient  tombées  en  désétuétude  chez  eux  et  que  seuls  quelques 
vieillards  seraient  encore  à  les  connaître.  Il  n'en  subsiste  guère 
qu'une  danse,  qui  s'appelle  le  kébé-kébé,  et  quelques  traditions. 

Tout  d'abord,  on  raconte  dans  l'Ouest  comment  la  danse  de 
Y  éouya,  appelée  aussi  kébé-kébé,  a  été  révélée  au  chef.  Elle  l'a  été 
par  la  femme,  et  cette  femme  venait  de  Manga.  Elle  la  révéla  avec 
les  paroles  suivantes  : 

Téké  éouya,  ahandiki  atongui.  Prends  éouya,  lâche  do  points, 

amakina  mododo,  ato  na  niolo  garnis  de  plumes   de  poules,  donne  à 

un   homme, 
akani,  akani    moto  ahina    makassi.       qu'il    se    dresse,    se    dresse,    l'homme 

.dame  fort. 
\  bien  gui  moto  na  kosséka  ayé.  Appelle       hommes       pour       frapper, 

viennent, 
Akamati  ékéta    missato,   mibali  Prends  tam-tam  trois,  deux 

dongo  moko  dongo  na  ma  à   une  place,  une  à   une  autre  place 

pé.  Atto  sengué.  Prends  et  danse. 

Prends  I'  éouya,  tache-lui  le  front  des  marques  des  Kouyou.  Mets-lui  des 
plumes  de  poules  sur  la  tête,  donne-le  à  un  homme  qu'il  se  dresse,  qu'il  se 
dresse  et  danse  fort.  Appelle  les  hommes  qui  frappent  des  mains,  prends  des 
tams-tams,  trois  tams-tams,  mets-en  deux  à  une  plaie  el  un  à  une  autre 
place.  Prends  et  danse. 

La  femme  a  ajouté  son  nom  qui  est  :  Ocbouma  na  djamba  — 
monoko  potemina  atoumou  —  opékou  -  Venue  de  la  brousse  — 
bouche  qui  ne  parle  pas  —  dents  découvertes  —  qui  danse  en  se 
levant  et  en  balançant.  Et  elle  acheva  :  gaïapessi  yo  biloko  oyo  — 
yo  atongui  g«»ï  hio=  je  t'ai  donné  cette  chose,  ne  me  vends  pas 
aux  autres  hommes. 

Quand  le  chef  initie  un  danseur  nouveau,  il  rappelle  ce  fait  et  il 
commence  :  moassi  apessi  gai"  —  la  femme  me  l'a  donné.  Il  achève  : 
koehété  na  moyoutou  té  —  ne  le  dis  pas  aux  femmes. 

Pour  initier,  le  chef  se  retire  dans  un  coin  de  brousse  bien 
nettoyé.  Il  fait  danser  quelques  jeunes  g>ens;ceux  qui  dansent  le 


ETUDE    ETHNOGRAPHIQUE    M     IV     IHIltl      KOUYOU. 


3l 


mieux,  c'est-à-dire  qui  savent  le  mieux  tourner  et  le  plus  longtemps 
à  l'intérieur  de  1' éboula,  sont  choisis  pour  participer  aux  jeux  du 
kébé-kébé;  ils  en  sont  les  danseurs. 

Nous  disons  jeux  et  non  plus  fêtes,  parce  qu'il  ne  s'agit  guère 
dans  l'Ouest  que  de  donner  une  représentation  de  Péouyaqui  tourne. 
Tue  foule  énorme  est  admise  à  cette  représentation.  Les  femmes 
peuvent  v  assister.  Pendant  que  1'  éouya  tourne  aux  cris  de  la 
foule,  on  jette  des  cadeaux,  des  marchandises  qui  reviendront  au 
chef  et  qu'il  partagera  avec  ses  danseurs. 

Quelquefois,  à  cette  danse  le  chef  ajoute  un  vague  simulacre  du 
djo  qui  se  dresse.  Cette  scène  ne  rappelle  que  de  très  loin  la 
deuxième  représentation  que  nous  avons  décrite  plus  haut  dans 
les  cérémonies  du  djo. 

Tout  ceci  n'est  donc  qu'un  vague  souvenir  et  très  effacé  de  ce 
qui  se  passe  dans  l'autre  partie  de  la  tribu. 

Voici  le  chant  qui  accompagne  la  danse  du  kébé-kébé  dans 
l'Ouest    : 

('lui ut  du  Kébr  Kéhê 


Ebamba  moana   na  Massa    (1) 
Ehé  !  Ehé  !  Eyé,  Eve, 


Ebamba  enfant  de  Massa 
Ehé  !  Ehé!  Eyé  Eyé. 


Son gué  na  Ekanga  (2) 

Kliteli  oïo,  oyé  (3) 

Kenipoko  inoana  abochouma 

aouka  Manga  (4) 

Boandi  na  oua  okoko 

>é,  yé,  yé, 

Eyé,  Eyé,  Eyé. 


Eune  et  soleil. 

Kliteli  oïo,  oyé 

Kenipoko  enfant  d'  abochouma 

vient  de  Manga 

Chien  de  lui  Okoko 

yé,  yé,  yé. 

Eyé,  Eyé,  Eyé. 


Binou  edjokéta 
Setè  bato  m'boka 

Eié,  Eïo. 


Vous  allez  voir  (le  tam-tam) 

Dites  aux  hommes  du  village  (qu'il  y 

a  tam-tam  | 
Eié,  Eïo. 


>ina  ékou,  ékou  (5) 
Mo^>i  éléba  bogné 
Tengué,  Tengué,  Tengué. 
Oié,  Oiéké. 


Tourne  doucement,  doucement. 
Un  oiseau  est  sur  le  sable  de  l'eau 
Tengué,  Tengué,  Tengué, 
Oié,  Oiéké. 


(1)  Nom  d'un  bon  danseur. 

(2)  Face  homme  et  face  femme  du  kébé-kébé,  pareilles  au  soleil  et  à  la  lune. 
3)  Nom  de  celui  qui  frappa  les  tams-tams. 

(4)  Celui  qui  a  apporta  le  kébé-kébé  de  Manga. 

(5)  Que  la  danse  tourne. 


I'<  H    l'ON 


l-.Iea  m  a  bon  go   i 

Eyokoumbi  mouna  Mog-omlo 

Kenipoko  mouna  A.bochouma 

na  Manga  (2) 

(  Uingou  inè  gengiou 

Songopoto  okimou  Eouia 

Ekongo  kindo  obembr 

F.lea  mabongo 

Bissou  kébé-kébé 

bouka  m'boka. 

Eoulou  i  i)  ekanga 

Eié,  Fié,  I,  i 

Mandélé  oié-oié. 

ohé  !  oho  !  oha  !  Koussou 

Lcwona.  Lewona  ka 
Eié,  Eié. 


Le  bois  se  drosse 

Oyokoumbi  enfant  de  Mogondo 

Kenipoko  enfant  d'  Abocbouma 

de  Manga 

Klingon  est  un  enfant 

Songopoto  frappe  pour  V  Eouia. 

Ekongo  frappe  la  cloche. 

le  bois  se  dresse. 

Nous  notre  kébé-kébé 

est  resté  au  village 

Eoulou  est  blanc  comme  le  soleil 

Eié,  Eié,  I,  éié. 

Le  blanc,  oié,  oié. 

ohé  !  ohé  !  c'est  rouge  comme  la  plume 

de  perroquet. 
Le  kébé-kébé  meurt  à  petites  secousses. 
Lié,  Lie, 


L'OTTOTÉ 

Puisque  nous  venons  de  décrire  quelques  sociétés  secrètes 
Kouyou,  nous  achèverons  la  description  de  ces  sociétés  en  parlant 
de  l'ottoté.  Nous  aurions  dû  réserver  cette  analyse,  à  cause  du 
caractère  même  de  l'ottoté,  pour  un  chapitre  qui  aurait  eu  trait 
à  l'organisation  politique  de  la  tribu.  Mais  comme  le  temps  dont 
nous  disposons  ne  nous  permet  pas  de  publier  celte  partie  de  nos 
documents,  nous  allons  immédiatement  donner  un  aperçu  de 
l'ottoté  à  cause  de  son  importance. 

L  ottoté  est  une  société  secrète  d'hommes  dont  le  but  est  de 
donner  à  ses  initiés,  moyennant  une  rémunération  importante, 
toute  la  science  qu'il  faut  et  le  pouvoir  nécessaire  pour  régler  des 
palabres  comme  assesseurs  du  chef.  Jl  confère,  en  même  temps  que 
ce  pouvoir  de  justice,  un  pouvoir  politique  puisqu'il  crée  des 
mokongis  c'est-à-dire  des  sous-chefs,  subordonnés  au  chef  de 
village  et  qui  l'aident  dans  toutes  ses  fonctions.  C'est  d'ailleurs 
l'institution  de  la  société  Kouyou  dont  l'entrée  est  la  plus  coû- 
teuse. Elle  ne  coûte  pas  moins  de  deux  cents  francs,  ce  qui  fait 
que  les  Initiés  ont  presque  toujours  trente  ans  quand  ils  se  font 


(1)  Se  dresse  et  danse. 

(2)  Celui  qui  a  Importé  Le  kébé-kébé  de  M 

(3)  Frappe  le  tara  tam  pour  r  Kouia. 

1 4j  Eoulou  est  une  d     fi  tes  de  I  ébé  kébé. 


i'  i  i  DE    I  i  HNOGIWPHIQ1  l     M'    L  \     i  RIB1      ROI  VOU,  3l  -> 

affilier.  Là  nature  de  leurs,  fonctions  nécessite  aussi  de  l'âge  et  tl<> 
l'expérience. 

M  a  i  <;  quelle  esl  l'organisation  de  cette  société?  Tout  d'abord 
avant  l'initiation,  le  pombo  est  soumis  à  certains  interdits,  il  est 
vrai  assez  limités  :  interdiction  de  manger  avec  ses  femmes, 
interdiction  de  coïtèr  pendant  un  mois. 

L'initiation  a  lieu  dans  un  endroit  retiré  de  la  brousse  préala- 
blement mis  à  nu.  Le  chef  qui  initie  est  toujours  le  chef  du  clan 
ou  d  une  moitié  du  clan,  si  celui-ci  s'est  scindé  en  deu\-  parties  et 
a  deUx  chefs.  Ainsi  clic/  les  Ombouma,  Boumachia  a  sa  société 
des  ottotés  qu'il  préside  et  à  laquelle  il  initie.  Gassaké  a  aussi  la 
sienne,  comme  il  a  sa  pantbère.  Les  cbel's  initient  entourés  de 
tous  1rs  vieux  ottotés.  Le  nom  du  chef  initiateur  est  «  élengué  », 
c'est  -à-dire  relui  qui  a  la  ruse  et  qui,  a  élengué  bato  po  qui  en- 
seigne    aux  hommes  des  eboscs,  qui  leur  donne  la  science. 

La  première  des  «'preuves  de  l'ottoté  consiste  à  faire  passer  le 
pombo  dans  un  étroit  sentier  embroussaillé  où  il  est  obligé  de 
marcher  à  quatre  pattes.  Tout  en  allant  par  ce  sentier,  il  passe 
sur  un  trou  couvert  de  feuilles  où  il  tombé.  Dès  qu'il  y  est  tombé, 
les  initiateurs  s'approebent  tous  ensemble  et  lui  disent  :  «  No 
okoulou  pè  mossolo  =  tu  es  novice,  verse  des|  marchandises  ».  11 
verse  des  marchandises.  Alors  on  lui  tend  la  main  et  on  le  tire  du 
trou.  Dès  qu'il  en  est  sorti,  le  chef  s'adresse  à  lui  et  lui  dit  : 

No  adjoué  na  boka  no  kotoko  Ouant  tu  retourneras  au  village  lu  rie 

provoqueras 
bato  hommes  pas. 

Ce  sont  les  toutes  premières  paroles  de  l'initiation,  paroles  qui 
enseignent  à  l'initié  à  ne  pas  soulever  de  palabres. 

Le  chef  prend  alors  les  deux  cents  francs  qui  lui  ont  été  versés 
et  les  partage.  11  garde  cent  francs  pour  lui  et  partage  les  cent 
autres  francs  entre  les  ottotés  réunis. 

La  seconde  ('preuve  est  l'épreuve  du  nœud  coulant.  Le  pombo 
une  fois  tiré  du  trou,  est  mené  sous  un  arbre  dont  les  branches 
portenl  une  corde  terminée  par  un  nœud  coulant.  On  lui  passe  le 
nœud  coulant  au  cou  et  on  le  hisse  en  l'air.  Pendant  qu'il  étrangle 
on  lui  dit  :  au  village  tu  prétendais  être  fort.  Tu  nous  bravais. 
Es-tu  fort?  Il  répond  :  oui  je  suis  fort.  On  l'enlève  encore  en 
l'air.  H  étrangle,  on  lui  dit  :  es-tu  fort?  Il  repond  :  oui  je  suis 
fort. 


3i6 


V.    POUPOTÎ. 


On  le  suspend  une  troisième  fois  :  es-tu  fort?  11  répond  non,  je 
ne  suis  pas  fort. 

Dès  qu'il  a  dit  :  non  je  ne  suis  pas  fort,  le  chef  s'approche  de  Lui 
et  lui  dit  :  «  Tu  nous  plaisantais  par  ta  force  et  tes  cris  lorsque 
tu  étais  au  village    Actuellement  où  est  ta  force  ?  » 

Rien  entendu,  et  comme  toujours  pendant  tout  le  temps  que 
dure  les  fêtes  de  l'initiation,  c'est-à-dire  pendant  un  jour  et  une 
nuit,  l'initié  est  chargé  de  nourrir  les  initiateurs.  A  quelques  dis- 
tance du  lieu  d'initiation,  les  femmes  préparent  cette  nourriture. 
Des  initiateurs  font  le  service  de  la  nourriture  entre  le  lieu  où  se 
prépare  cette  cuisine  et  le  lieu  de  l'initiation.  Elle  est 
faite  d'une  façon  spéciale,  et  tout  d'abord,  rien  que  par 
des  femmes  d'ottotés.  Les  marmites  sont  mises  sur  un 
feu  de  forge.  Au  fur  et  à  mesure  de  la  cuisson,  on 
chante  le  chant  du  forgeron  et  l'on  tape  sur  l'enclume 
à  coups  de  marteau. 

L'initiation  se  fait  au  mois  du  tchono,  mois  où  les^ 
femmes  ne  peuvent  se  promener  dans  la  brousse, 
mois  des  morts,  mois  où  les  okoués  ou  spectres  des 
morts  errent  dans  la  brousse.  Ce  mois  semble  donc 
avoir  été  choisi  pour  mieux  écarter  les  femmes  du 
lieu  d'initiation. 

Lorsque  les  deux  premiers  actes  de  l'initiation  ont  eu 
lieu,  le  chef  fait  asseoir  l'initié  au  milieu  des  ottotés 
et  lui  remet  le  balai  appelé  moandja  et  qui  est  le 
balai  signe  de  l'inititiation  à  l'ottoté  (Tig.  13),  Moandja 
na  ottoté=  balai  de  l'ottoté.  En  le  remettant,  le  Relief  a  bien  soin 
d'enrouler  autour  du  manche  du  fil  de  cuivre  dont  il  l'orne 
à  rangs  serrés.  Au  milieu  des  crins  du  balai,  il  plante  une 
plume  de  perroquet  rouge,  qui  est  le  signe  des  ottotés  et  qu'ils 
portent  d'ordinaire  au-dessus  du  front,  dans  leurs  cheveux.  En 
remettant  le  balai,  il  donne  à  l'initié  le  nom  secret  de  ce  balai  qui 
est  :  mayeli,  c'est-à-dire  la  ruse,  la  connaissance,  la  science  et  il 
prononce  : 
Ga  pè  no  moandja 
Soko  bato  obouma 
Onédé  moandja  no  koko 


Fio.  13. 
Balai  des 
Ottotés. 


Je  donne  à  toi  le  moandja 
Si  des  hommes  se  battent 
pose  l<"  moandja  sur  la  roule. 


Ossoulou,  c'est  l'acte  de  séparer  par  le  moandja. 
Le  balai  remis,  le  chef  trace  sur  chaque  bras  de  L'initié  un  large 
trait  blanc  qui  va  des  épaules  aux  poignets.  11  devra  garder  ces 


ilMM     ETHNOGRAPHIQUE    DE    LA    iniiu     HOUYOl  3l7 

traits  plusieurs  jours  après  l'initiation,  jusqu'à  ce  qu'ils  se  soient 
effacés  d'eux  mêmes. 

Dos  que  le  balai,  marque  de  l'ottoté,  a  été  remis  à  l'initié,  un 
ottoté  le  prend  par  la  main  et  va  le  placer  en  un  point  éloigné  de 
la  forêt.  Les  initiateurs  du  centre  d'initiation,  l'appèlent  :  hé  !  hé  ! 
Au  premier  appel,  l'initié  ne  répond  pas.  Au  second,  il  ne  répond 
pas.  Au  troisième,  il  vient  en  courant  par  obéissance.  Alors  les 
ottotés  lui  disent  :  qu'est-ce  que  tu  viens  faire?  il  répond  :  régler 
un  palabre.  Le  hé  est,  en  etïet,  le  cri  par  lequel  les  ottotés 
s'appellent  pour  s'assembler  et  que  tout  nouvel  ottoté  doit  con- 
naître pour  pouvoir  y  répondre. 

Puis  le  chef  ottoté  fait  des  recommandations  au  pombo.  Il  lui 
dit  :  «  Tu  n'usurperas  pas  Tépombou  du  chef  ».  L'épombou  est  la 
queue  de  bœuf  que  les  chefs  portent  à  la  main  et  qui  est  la  marque 
de  leur  rang.  «  Tu  n'usurperas  pas  le  kongoulou  »,  qui  est  la 
sagaie  d'honneur  des  chefs. 

Aussitôt  que  cette  série  d'actes  a  lieu,  un  grand  festin  com- 
mence. Des  victuailles  sont  apportées  dans  le  centre  d'initiation 
et  consommées  :  c'est  du  manioc,  du  vin  de  palme,  des  cabris.  Le 
chef  a  droit  a  une  cuisse  de  chaque  cabri  tué,  et  il  en  consomme 
toujours  le  cœur. 

A  un  moment  de  ces  danses  et  de  cette  ripaille,  l'initié  dit  au 
chef  :  «  j'ai  donné  beaucoup  de  marchandises,  à  manger,  à  boire, 
qu'est  ce  que  tu  me  donnes?  »  Le  chef  lui  répond  : 

(lai  apessi  yo  :  balo  koya  na  Je  donne  à  toi  :  homme  vient  de 

boulon,  assoumbi  biloko  ba  nuit,  vendre  objet  à 

yo.  Soko  moassi  na  no  akouphi  '   loi.  Si  femme  de  loi  meurt 

koya  koloké  no.  Kossoumba  biloko      vient  vendre  elle.  Vchète  marchandises 

na  moéssi.  Gaï  apessi  no  oltongui       au  soleil.  J'ai  donné  toi  une  ruse 

mabouè.  bonne. 

Je  te  donne,  que  si  un  homme  vient  de  nuit  te  vendre  des  marchandises 
ne  lui  achète  pas  ses  produits.  Parce  que  si  la  femme  meurt,  on  peut  venir  te 
la  vendre,  achète  les  produits  au  soleil.  Je  l'ai  donne  là  une  bonne  ruse. 

Cette  maxime  que  le  chef  donne  comme  enseignement  à  l'initié 
en  échange  du  prix  de  l'initiation  a  trait  à  la  vieille  coutume 
d'après  laquelle  des  gens  venaient  vendre  des  paniers  de  mar- 
chandises la  nuit,  quand  on  se  réveillait,  on  trouvait  dans  ces 
paniers  un  cadavre  coupé  en  morceaux. 

Cette  première  maxime  émise,  le  chef  prend  l'initié  par  le  petit 
doigt  et  le  conduit  à  un  siège  bas  au  milieu  des  ottotés.  Le  chef 


3i8 


A.    POUPON. 


est  assis  Tokoussou  est  assise  sa  droite,  les  ottotés  sont  derrière 
eux.  Le  chef  dit  à  l'initié  les  contes  de  moralités  suivants  : 


Première  moralité  : 

Mokongi  alobi  :soko  yo 
mota  bato  adjoua  kou  kou 
kou  kou.  Oïo  ottoté  na 
ban  gai.  No  toko  na  oua  yo. 
Esséké  ébougna  yo,  koukouba 
esséké.  Oïo  ékogni  na  djombé. 
Eï  soka.  Likongo  io,  kobouma 

nyama  na  likongo.  Niokio 

étoua  liboka,  no  to-té. 

Mala  no  to-té.  Mokoussou  no 

to-té.  Moandjanga  no  to-té. 

Mohika  no  to-té.  Komba  na 

koséka  no  to-té.  Biéli  na 

ko  no  to-té.  Yo  apessi 


Chef  dit  :  si  tu 

vois  homme  qui  fait  kou  kou 

kou  kou.  C'est  l'ottotc  de 

moi.  Tu  battras  avec  lui  pas. 

La  houe  cassera  pas,  fait  du  manioc 

la  houe.  Ceci  la  hache  pour  le  bois. 

Ceci  la   grosse  hache.  La  sagaie  ceci, 

frappe 
animaux  la  sagaie.  Le  fer 
pour  frapper  enclume,  ne  prends  pas. 
Le   charbon  tu  ne  prendras    pas.    La 

cendre 
tu  ne  prendras  pas.  La  pierre  tu  ne 

prendras  pas. 
Le   minerai   tu   ne  prendras   pas.    Le 

soufflet  pour 
forger  tu  ne  prendras  pas.  Le  couteau 

de 
brousse    tu   ne   prendras    pas.    Tu  as 

donné 
des  marchandises,  je  donne  à  toi 
ruse  celle-ci. 


niossolo,.  gaï  apessi  yo 
mayeli  oïo. 

Le  chef  dit,  si  lu  vois  un  homme  qui  fait  kou  kou  kou  avec  le  marteau  sur 
l'enclume  lu  le  diras  :  ceci  c'est  mon  olloté  el  lu  ne  feras  pas  palabre  avec 
lui.  La  houe,  lu  ne  casseras  pas,  la  houe  fait  du  manioc.  Ceci  c'est  la  hache 
pour  le  bois.  Ceci  la  hache,  ceci  la  sagaie.  La  sagaie  frappe  les  animaux.  Le 
marteau  de  l'enclume  pour  frapper,  tu  ne  prendras  pas.  Le  charbon,  tu  ne 
prendras  pas.  La  cendre,  tu  ne  prendias  pas.  La  pierre,  tu  ne  prendras  pas.  Le 
minerai,  tu  ne  prendras  pas.  Le  soufflet  pour  forger,  tu  ne  prendras  pas.  Le 
couteau  de  brousse,  tu  ne  prendras  pas.  Tu  dis  que  lu  as  donné  des  marchan- 
dises, je  te  donne  celte  ruse. 

On  remarquera  dans  ce  texte  le  mot  ottoté  :  tu  ne  prendras 
pas. 

Deuxième  moralité  : 

—  Mn-'issi  akouphi  no  mené. 
Moassi  akouphi  yo. 
H.  —  Tè  moto  mossoussou. 

—  E foi ila  niossolo. 
H.  —  Tè. 

—  Abiengui  niossolo  le,  bissou 
assengui  no  nabiéli,  na 


Femme  est  morte,  loi  même. 
Femme  est  morte  loi. 

—  Non  homme  au  Ire. 

—  Paye  marchandises. 
Non. 

Appelle  marchandises  pas,  nous 
coupons  toi  avec  le  couteau,  ton 


ETUD1     !  !  IIMihliU'Illiil  L.    DE    LA     11UIU      MM   MU.  3ig 

kingou.  Pé  bombé  moko,  cou.  Là  cadavre  un, 

pè  bembé  moko,  —  Bissou  là  cadavre  un.  Nous 

ngui  Likambo,  couper  le  palabre. 

i  i  femme  esl  morte  c'esl  toi  même  qui  L'a* tuée.  Ta  femme  es!  morte  à 
causedetoi.  Nonce  n'es!  pas  moi  c'esl  un  autre  «  1 1  ■  ï  L'a  tuée.  Paye  des 
marchandises.-  Non.  — Si  tu  ne  payes  pas,  nous  allons  te  couper  le  cou  avec 
te  couteau,  de  la  sorte,  il  \  aura  un  cadavre  d'un  côté  cl  un  cadavre  de  L'autre 
et  le  palabre  sera  réglé. 

Ceci  pour  apprendre  à  l'ollolé  à  ne  pas  luer  un  s'attendre  à  une 
vengeance  certaine. 

Troisième  mvratile  : 

Ombia  dja  dja.  A  boni  i  Ami  |5ose.  \\ait  pris 

likambo    flengui  époula  palabre.  Veut  blesser  en 

bon  ma.  Gai  oa  yo.  Moassi  frappant.  Moi  veux  pas.  La  femme 

alobi  yé  adzali  na  makassi.  dil  lui  esl  avec  force. 

Moto  na  likambo  atouba  kola  Homme  de  palabre  pi  il  amant 

na  moassi  na  oua,  oua  Kola  :  de  femme  de  lui,  lui  à  amant  : 

gai  alingui  kobouma,  je  veux  frapper 

mobali,  gai  .1  to  no.  Kola  homme  j'ai  choisi  loi.  Les  amants 

1<  ix.i  na  ékoko.  Na  ékoko  kola  vont  la  nuit.  La  nuit  ainanl 

ayaki.  Oua  alobi      dja-dja  \int.  Elle  dit  :  pose 

mio    Kola  abombi  djoto,  tranquille,  binant  cache  corps. 

Naboutou  molomi  alali.  Dans  la  nuit  mari  donnait. 

ikjanga  aboko,  akangui  Femme  amarre  main,  amarre 

maboko,  yé  akei  kossakoula.  main,  elle  va  dire 

Kola  akamati  m'biéli  Amant  prend  couteau, 

adzfengui  na  mobali  na  ié.  coupe  Le  mari  de  elle. 

Vkamali  moassi  akéï  na  boka  Prend  femme  va  au   village, 

ua  yé.  avec. 

\  11 1 1  po  1  dil  l'initiateur  :  un  homme  avait  palabre.  Il  voulait  frapper  et 
blesser  celui  avec  qui  il  avait  palabre.  Moi  je  ne  veux  pas  que  tu  le  blesses,  dit 
I"  chef.  Il  alla  trouver  La  femme  de  celui  à  qui  il  en  voulait.  La  femme  dil  : 
mon  mari  est  fort.  Mors  l'homme  du  palabre  alla  trouver  l'amant  de  la 
femme  et  dit  à  cet  amant  :  je  veux  frapper  le  mari  de  la  maîtresse,  je  l'ai 
choisi-.  Les  amants  sont  la  nuit.  La  nuit  l'amant  vint  chez  sa  maîtresse. 
'  elle-ci  lui  dil  :  pose  tranquille.  Alors  l'aman I  cache  son  corps,  la  nuit  le 
mari  dormait.  La  femme  amarre  ses  mains,  les  amarre  etva  le  dire  à  l'amant. 

•  liant  prend  son  couteau  frappe  l'homme,  prend  la  femme  et  s'en  Na  avec 
1  Ile  au  \  illa . 

Moralité  :  Ne  jamais  coucher  avec  sa  femme  sans  être  armé. 

Quatrième  moralité  : 

Oadé  adjoué  bida.  hit  je  vais  en  guene. 

No  adjoua  )0,  Obia  Ne  va  pas.  Les  gens  du  village 


320  A.    POUPOR 

akamba  dja.  Dja  moto 
éoka.  Ave,  pc  bida  na 
oua.  Oua  djoua  makassi 
poko   Ebembé  yé  yonso. 
Aphouti  poko  éla  moto 
ka.  Abomi  bato  beka 
nandé  ?  Abomi  ba!o  apè 
moanga  nan  gai  aho  kani 
Bato  abeka  aoué.  Bato 
édjoua  apè  monga  na  no. 
l'.oka  boa.  Baye,  moto 
apè  beka  na  no.  Epè 

bcmbé.  akcni  dakou  ebè 
no.  Afouti  mossolo 
Mossolo  na  oué.  Dékou 
aba  no  abouki  na  gongo. 
Ayaka  na  bato  gomo  na 
mokongi  na  boka.  Akongi 
na  boka  apessi  ho  yo.  Déko 
akouphia  pamba  po  na  éoka. 

Le  fou  dit  :  je  vais  faire  la  guerre  à  ce  village.  N'y  va  pas  dit  le  chef.  Tous  1rs 
gens  du  village  refusent  d'aller  avec  lu4,  mais  le  fou  y  va  quand  même,  va 
donner  la  guerre  au  village.  Tout  n'est  que  cadavre.  Alors  il  retourne  à  Fon 
village,  trouve  tous  les  hommes  du  village  enfuis  devant  lui.  Il  a  tué  des 
hommes,  avec  quelles  marchandises  payer  P  II  a  tué  des  hommes  pour  me 
donner,  des  ennuis  dit  le  chef.  Comme  les  hommes  sont  morts,  les  hommes 
du  village  vont  venir  faire  palabre  au  fou,  mais  le  fou  s'enfuit  dans  la 
brousse.  Comme  il  n'a  pas  donné  de  marchandises,  les  hommes  viennent  au 
village  avec  le  cadavre,  l'enferment  dans  la  case  du  fou.  Payez  des  marchan- 
dises ?  mais  il  n'a  pas  de  marchandises.  L'ami  du  fou  ne  veu,t  pas  payer  pour 
lui.  On  vient  donner  l'homme  mort  au  chef  du  village.  Le  chef  du  village 
refuse  également  de  payer  et  dit  :  je  ne  donne  pas  de  marchandises.  Un  homme 
est  mort  pour  rien,  f;iute  d'un  fou. 

Moralité  :  Ne  jamais  faire  palabre  contre  la  volonté  du  chef. 


refusent  d'y  aller.  Va  l'homme 

fou.  Vient,  donne  guerre  au 

village    Va  donne  fort 

au  village.  Cadavre  vient  partout. 

Retourne  au  village  vois  homme 

pas.  A  tué  homme  marchandises 

Quelles  ?  A  tué  des  hommes  donne 

ennuis  à  moi,  dit  chef. 

Hommes  finis  niorls.  Hommes 

vont  donner  palabre  à  toi. 

Le  fou  fuit.  Fuis  homme 

donnera    marchandises    à    toi.   Tu   as 

donné 
cadavre,  enferme  dans  case  appelle 
toi.  Pa>e  marchandées 
Marchandises  est  mort.  Ami 
de  toi  reste  derrière. 
On  vient  avec  l'homme  devant 
le  chef  du  village.  Le  chef 
du  village  donne  pas.   Un  ami 
est  mort  pour  rien  faute  d'un  fou. 


Cinquième  moralité  : 

Ikoundou  kopassoula 
tè     <  hnbia  adja  na 
moassi.  Ta  na  moassi 
apè  anganga  na  tnoana 
Moana  akani  na  likmmdou. 
Mobali  assali  likambo 
na  moassi,  apassoulou, 
apassoulou,  Moassi  akouphi. 
Bato  na  poko  assoundi. 


Le  réticule  lu  ne  couperas 
pas.   Homme  allait  avec 
femme    Père  de  femme 
donne  médicaments  à  enfant. 
Enfant  enferme  dans  le  likoundou 
Mari  lit  palabre 
à  femme,  coupe 
coupe.  Femme  meurt. 
Hommes  du  village  viennent. 


llll'l     ETHNOGRAPHIQUE    DE    LA     niliu      feOUYOU.  03  I 

Mobali  opassoula  likoundou  Homme  coupera  likoundou 

le.  Moassi  akouphi  tè,  pas.  Femme  mourra  pas. 

na  mobali  kokouphia:  que  mari  ne  meurt. 

A.kouphi  po  na  likoundou  H  mourut  à  cause  du  likoundou 

oio.  Bissou  bato  na  otloté,  Nous  hommes  do  foliote 

'i  apassoulou,  nous  coupons 

likoundou   mossoussou.  le  likoundou  une  autre  fois  pas. 

te.  Likoundou  boanga  na  Likoundou  est  objet  de 

ottoté.  folioté.    . 

Le  réticule  tu  ne  couperas  pas.  Un  homme  allait  avec  sa  femme. 
Le  père  de  la  femme  avait  donné  des  médicaments  à  son  enfant. 
Son  enfant  les  avait  enfermés  dans  le  likoundou.  Le  mari  fit  pala- 
bre à  sa  femme  et  coupa  le  réticule,  coupe,  coupe.  La  femme  va 
mourir.  Les  hommes  du  village  viennent  en  nombre.  Un  homme 
ne  doit  pas  couper  le  réticule.  La  femme  ne  mourra  pas  que  le 
mari  ne  meure.  L'homme  mourut  pour  avoir  coupé  le  likoundou. 
Nous,  hommes  de  l'ottoté,  nous  ne  coupons  plus  le  likoundou. 
Le  likoundou  est  un  objet  d'ottoté. 

Et  c'est  depuis  ce  jour  que  le  likoundou  de  l'ottoté  ne  peut  être 
perdu  ou  lacéré  ou  coupé  à  son  bras  sans  que  l'ottoté  ne  meure. 
Aussi  est-il  très  grave  dans  res  palabres  entre  les  indigènes  et  les 
postes  que  cet  objet  soit  enlevé  à  son  possesseur. 

Ces  contes  sont  exactement  dits  dans  Tordre  où  nous  venons 
de  les  citer. 

Lorsque  le  chef  a  fini  de  les  conter,  il  prend  encore  l'initié  par 
le  petit  doigt  et  le  déplace.  11  l'emmène  plus  loin,  l'assied  à  sa 
droite,  les  ottotés  derrière  eux,  et  la  scène  suivante  se  passe  : 
devant  eux  sont  un  homme  et  une  femme  en  bois  de  lm,50 
de  hauteur,  grossièrement  taillés.  Le  visage,  le  buste,  les  jambes 
sont  nettement  figurés.  La  tête  porte  les  marques  des  Kouyou  et 
est  coiffée  de  leur  genre  de  coiffure. 

Le  chef  se  tourne  du  côté  de  l'initié  et  lui  dit  :  «  tu  m'as 
dit  que  tu  m'as  donné  des  marchandises  pour  rien.  Vois  mon 
okoué.  N'est-ce  rien?  Ceci  n'est-ce  pas  mon  okoué?  » 

Le  chef  s'adresse  alors  aux  figures  et  leur  dit  :  «  l*è  kani 
lètsako  =  donnez  au  chef  des  paroles. 

Les  okoués  parlent.  L'initié  s'enfuit.  Le  chef  le  retient  par  le 
bras  et  lui  dit  :  djadja  —  reste  tu  as  payé. 

Il  présente  alors  a  l'initié  l'homme  en  bois  et  lui  dit:  «Voici  le 
kani.  vois.  H  ajoute  :  »  voici  la  femme  du  kani.  Vois.  Vous 
dites  que  l'ottoté  ce  n'est  rien.  Vois  le  père  et  la  mère  des  chefs. 

l'axturopologii.  —  r.  xxix.  —  1818-191'.).  21 


t>0  UK)N 


\  ois   et   ne    va  pas  le   dire  au   village.   Si   tu  parlés,   l'okôué  te 
tueras.  » 

Pendant  tout,  le  temps  ou  cette  scène  se  déroule,  les  ottol<  s 
dansent  derrière  le  chef.  Le  chef  s'adresse  à  l'initié  et  lui  dit  : 
kondà  ba  =  paye-les.  Le  chef  s'adresse  aux  ottotés  et  leur  dit  : 
\amba  yo,  ékoua  koussou,  anoké,  yaniba  ollo,  ékoula  mode  fia 
kaka  —  Dansez  oui.  danse/  le  koussou,  dansez,  dansez  ollo,  laissez 
la  danse  une  jambe  en  l'air. 

Les  ottotés  pendant  toute  cette  cérémonie  ont  chanté  d'abord 
l'ibombo,  puis  l'ékoua,  puis  le  liboka,  puis  l'okéta,  puis  le  mondo, 
le  kébé-kébé  et  finalement  l'adzeka.  Quand  le  chef  parle  aux 
okoués,  c'est  l'okéta  qui  est  chanté.  L'okéta  est  la  chanson  dès 
enfants  jumeaux. 

Voici  ce  que  disent  les  deux  ligures  quand  elles  parlent  : 

Tchéka  na  tsengui, 

Okemba  yôngo  apendi, 

Obetini  abêti  banda. 

Lôchoua  kani  Ekaka. 

Bobolo  oyougo.  Ekakou 

Lobcla. 

Ukemba  ambayo  mi  chou. 


Songo  na  1  ban-^o  na 
Empé  na  Ekala.  Songo 
poko  kani.  Okoukon  ï p* 

pè.  I  tissi    Èbaya. 


Lève  toi  de  la  tombe, 

Okemba  mère  d'Apendi, 

L'homme  grand   on  ne  le  frappe  pàl. 

(irand  e;?t  kani  Ekaka. 

Est    vieille    Bobolo    mère   de   Oyongo. 

Ekakou  fils  de  Lobéta. 

Okemba  les  yeux  dé  l'okoué  deviennent 

brillants. 
Songo  et  T^ango  et 
Empé  de  Ekala.  Songo 
village    du     chef.    Okoukou    mère  de 

Epè-pè. 
Etissé  chef  de  Ebaya. 


Enfin,  quand  tous  les  actes  de  l'initiation  sont  terminés,  les 
ottotés,  le  chef,  l'initié,  avec  un  mouvement  d'elî'ervescenc6 
considérable,  chantent  l'élengui,  lengui,  lengui. 

L'élengui   est   la  danse  même   des  ottotés,  et  le  mot  clengui 

Difle  i  use,  connaissance. 

Lottoté,  deux  jours  après  1  initiation,  ne  eoïtera  pas,  il  ne 
mangera  pas  avec  ses  femmes  tant  que  le  trait  blanc  de  craie  du 
bras  ne  se  sera  pas  elïacé  tout  seul. 

Nous  avons  dit  que  les  fêtes  de  l'ottote,  mêlées  de  danses  et  de 
ripailles,  duraient  24  heures,  c'est-à-dire  un  jour  et  une  nuit.  11  n'y 
a  pas  de  langage   secrel  employé   pendant  l'initiation.  C'est  le 
Kouvmi  qui  est  employé 
Enfin  les  grades  de  l'initiation  sont  les  suivants  : 
Le  chef  Initiateur  est  le  toukoukani,  il  s'appelle  aussi  élengué, 


i  ri  DE    ETHNOGRAPHIQUE    ni     i   i     il. mi     fcOUYOU. 

sort(  d<  surnom  qui  lui  vîuhI  de  ce  qu'il  enseigne  la  ruse  aux 
hommes  I  e  chef  a  toujours  à  côté  de  lui  L'obambi,  qui  •  '  son 
porte  parole,  celui  qui  transme!  sa  parole  ou  lui  traduit  celle  des 
autres.  Le  t  »ou  n'a  ottote  <>u  moana  tchouchou  est  le  pré- 

tendante  l'initiation,   qui  n'a   encore  donné    qu'une  poule,  un 

hri  al  trois  cents  barrettes  et  qui  est  en  stage  pour  être  initié. 
Le  chef  lui  donne  le  moandja  de  palmier,  c'est-à-dire  le  petit  balai 
fait  eq  Bbres  de  palmier.  Il  le  lui  donne  en  disant  :  Gaï  apessi  yo 
moandja  "•<  soussou,  doki  ékota  djoto  na  yo  tè  =  je  donne  à  toi 
le  moandja  du  tsoulsou,  le  doki  ne  frappera  pas  le  corps  de 
toi. 

I  e  koussou  est  celui  que  l'on  initie.  L'ohoïo  est  l'ottoté  initié. 
Ohoïo,  mot  tiré  de  l'imitation  du  cri  des  ottotés  quand  ils 
s'appellent  pour  se  grouper). 

Enfin,  l'ottoté  consacré  ohoïo  est  un  homme  riche  puisqu'il  a 
donné  200  francs  pour  son  initiation.  11  ;i  «;té  initié  à  la  science 
indigène,  sait  tout  ce  qu'un  homme  peut  connaître,  et  de  ce  fait 
il  peut  rendre  la  justice.  Enfin  il  est  consulté  dans  tous  les  grands 
actes  de  la  vie  politique.  Il  a  donc  tout  :  richesse,  savoir,  pouvoir; 
t  l'homme  complet  de  la  tribu. 

Après  avoir  cité  des  sociétés  secrètes  importantes,  nous  vou- 
drions extraire  de  nos  notes  la  description  de  deux  rites  intéres- 
sants qui  se  rapportent  l'un  à  la  naissance  des  jumeaux  et  l'autre 
à  la  reproduction  des  semences. 

L  Okéta. 

A  la  naissance  de  deux  jumeaux,  on  appelle  le  ganga  qui 
procède  à  divers  rites   pendant  que  les   femmes  du  village  dan- 

iit  pour  les  enfants.  Les  jumeaux  s'appellent  les  kétas  et  la 
danse  des  jumeaux  s'appelle  l'okéta.  Voici  en  langue  indigène 
comment  le  ganga  procède  à  l'égard  de  ces  enfants. 

ga  na  <>  éta.  Médicamenl  de  L'okél  i. 

Ganga  ahadi  dombr  na  kéta  i  I  Ganga  prend  feuilles  de  kéta,    1> 

ah.tdi  olé  liini    2    n  i  prend  autre  (2)  feuille  de  kéta. 

Akamati  moassi  yoi  Prennent    femmes  tous   médicaments 

oïo  na  d.jnto.  Ban  go  akeï  na  ceux-ci  sur  corps.  Elles  vont  avec 

lomho.  Apiki  lombo  yonso.  ces  feuilles.  Plantent  feuilles  toutes. 


1    K-  uillei  i(    palmier. 

feuille*. 


3a4  \.   poupon. 

Kto  letssassako  ahambi  moana 
na  paï  mibali,  atoli  boato, 
boato  moké.  Atoli  kabi  mibali 
mokè,  atikini  na  moy  na  boato, 
akamati  débo,  ayé  na  betou 

na  moana,  aio  mokengo,  aboumbi 
na  dakou.  Ekonja  ahambi  moana 
paï  mibali.  Likongo  na 
dakou  koukoua  tè.  Ganga  aho  na 
Ekonja  fouta  n'gaï  mossolo 
soko  moana  achoué  Atiki  pembé  na 
mondo  na  boato,  boato,  koya  pila- 
moko 

goy.  Atoli  mai  apoukissa 

na  boato,  appessi  mai  na 

moana.  Soko  moana   aschoué    oua 

mené  apouki  na  djé.  Bato 

mossoussou  koupouka  na 

yè  tè. 


Prend  letssassako  crache  enfant 
sur  les  côtés  deux,  prend  pirogue, 
pirogue  petite.  Prend  pagaies  deux 
petites,  met  dans  ventre  de  pirogue 
prend  feuilles  de  borassius,  met  dans 

le  lit 
des  enfants,  prend   barrettes,   enterre 
dans  case.  Ekonja  insuffle  les  enfants 
côtés  deux.  Sagaies  dans 
la  case  n'entrent  pas.  Ganga  dit  à 
Ekonja  paye  moi  marchandises 
quand    l'enfant    sera     grand.   Il   met 
blanc  et  ocre   sur  la    pirogue, 
pirogue    vient 

comme 
panthère.  Prend  eau  met 
dans  pirogue,  donne  eau  à 
enfant.  Quand  enfant  vient  grand  lui 
même  sort  dehors.  Homme 
autre  portera  lui 
pas. 


Le  ganga  prend  des  feuilles  de  kéta.  prend  d'autres  feuilles  de  kéta.  Toutes 
]c-  femmes  prennent  ces  feuilles  et  s'en  vêtent  le  corps.  Elles  dansent  avec 
ces  feuilles.  Puis  elles  plantent  d'autres  feuilles  de  palmier  à  la  porte  de  la 
maison  des  nouveau-nés. 

Le  ganga  prend  du  motssassako  et  en  crache  sur  les  deux  tempes  des 
mfants.  11  prend  une  pirogue  et  une  pirogue  qui  est  petite.  Il  prend  deux 
petites  pagaies  et  les  met  dans  la  pirogue.  Il  prend  des  feuilles  de  borassius, 
lea  met  dans  le  lit  des  enfants.  11  prend  des  barrettes,  les  enterre  dans  la 
case.  La  mère  à  son  tour  crache  du  motssassako  sur  les  deux  tempes  des 
«•nfants.  Aucune  sagaie  ne  peut  entrer  dans  la  case.  Le  ganga  dit  à  Ekonja  : 
paye-moi  des  marchandises,  lorsque  l'enfant  sera  grand,  Il  met  du  blanc  et 
de  l'ocre  sur  la  pirogue,  la  pirogue  devient  comme  une  panthère.  Il  prend 
de  l'eau,  eu  met  dans  la  pirogue,  donne  à  boire  de  cette  eau  à  l'enfant  et  l'y 
lave.  Quand  l'enfant  sera  grand,  il  se  lèvera  seul  et  sortira  dehors.  Personne 
n'aura  br-soin  de  l'y  porter. 

Le  ganga  procède  donc  de  la  façon  suivante  :  il  coupe  des 
feuilles  de  palmier  et  une  autre  sorte  de  feuilles,  qui  sont  toutes 
lieux  les  feuilles  consacrées  aux  kétas.  Il  les  remet  aux  femmes 
qui  s'en  vêtent.  Une  fois  vêtues,  les  femmes  vont  dans  la  brousse 
couper  de  nouvelles  feuilles  de  palmier  dont  elles  entourent  la 
porte  de  la  case  des  kétas.  Klles  les  disposent  de  façon  à  ménager 
devant  cette  porte  une  petite  cour  ronde  entourée  de  ces  feuilles. 
Parmi  le  feuillage  est  ouverte  une  porte  en  arceau.  Dès  que  ces 
dispositions  ont  été    prises,    le   ganga   mâche  du   motssassako, 


ÉTUDE    ETHNOGRAPHIQUE    DE    i\     lUir.i     lOUTOU.  3:>5 

:  te  de  long  roseau  des  plaines  qui  contient  un  suc  acide  et  que 
l'on  mâche  en  route  contre  la  soif.  Il  élève  l'enfant  dans  ses 
mains  et  crache  de  ce  suc  sur  ses  deux  tempes.  Il  le  remet  à  la 
mère  qui  lui  crache  également  du  motssassako  sur  les  tempes. 
Puis  le  ganga  fait  au  nouveau-né  un  lit  en  feuilles  de  borassius 
sur  lequel  il  le  couche.  Quand  ces  premières  opérations  sont  ter- 
minées, le  ganga  prend  une  petite  pirogue  dans  laquelle  il  met 
deux  petites  pagaies.  Il  peint  cette  pirogue  de  blanc  et  d;ocre 
comme  la  panthère,  met  de  l'eau  dedans  et  baigne  les  enfants 
dans  cette  eau,  puis  leur  en  fait  boire.  —  Quand  l'enfant  sera 
grand,  personne  n'aura  besoin  de  l'emmener  promener  dans  la 
cour,  il  s'y  rendra  tout  seul. 

Pendant  tout  le  temps  que  le  ganga  opère  avec,  à  ses  côtés,  le 
père  et  la  mère  des  enfants,  les  femmes  dansent  au  dehors  l'okéta. 
Voici  ce  chant,  dans  lequel  se  révèle  le  caractère  exceptionnel  et 
mystérieux  des  jumeaux. 


Ekonja  ebota  kéta 

Mobali  na  yé  Ekonya. 

rbota  kéta. 

\témè  adjokili    1 

Ad  joué  kanjou 

I  yé,  Eyé,  Eyé 

Hié  é  Hié  é  Hié  é 

Ekonja  Ekonja 

Lombo  na  okéta  na  okoyo  (2) 

Okéta  mota  okéchou, 
mota  ikolé 

obouti  Koka.  obouti  na  Koussou  (4) 
na  Ekessi  (6 
■lia  Koussou  nakaka. 
Niamba  ollolo. 
Okia  bogue  mayélé 
Bouyalou  salou  ! 


Ekonja  a  fait  des  kétas 

Mari  de  elle  Ekonja, 

a  fait  des  kétas. 

i  Ekonja)  est  partie,  est  partie  (1), 

est  partie  au  bois 

Eve,  Eyé,  Eyé 

Hié  é  Hie  é  Hié  é 

Ekonja  Ekonja 

Feuilles  de  palmier  de  l'okéta  et  pagne 

de  okoyo  (2) 
Eyé  Eyé  Eyé 

Okéta  voit  la  petite  rivière 
visite  le  bois    3  I 

Esl  né  Koka,  est  né  Koussou  (4) 
Est  né  Obè  et  Eke*si  (5). 
A.  coïté  Koussou  les  jambes  en  l'air 
Son  sexe  est  ouvert. 
La  pirogue  donne  de  l'esprit  <6i 
Bouyalou  salou  ! 


t  endroit  du  chant,  le  danseur  avance  le  sexe  en  avant  et  se  place  dans  une 
danseuses  qui  ouvre  les  cuisses    C'est  ce  qu'on  appelle  l'essimbi  na  oketa,  le  coit 
Je  l'okéta. 

>trophe  ou  l'on  chante  les  feuilles  de  palmier  qui  entourent  la  porte  de  la  case 
•jfas. 

Parée  que  1  okéta  de  nuit  va  au  bois  et  à   l'eau.  L'okéta,  en  effet,  à  cause  de 
kéta  se  promené  sans  qu'on  le  voit. 
(4)  Nom  des  deux  enfants. 

\'om  de  deux  autres  enfants. 

Allusion  à  la  pirogue  où  on  lave  les  enfanls  et  qui  donne  de  l'intelligence. 


V.      l'Ml    l'ON. 

Dans  la  première  strophe,  on  chante  le  père  et  la  mère  qui  ont 
crée  les  enfants.  La  mère  eê\  partie  dans  la  foret  chercher  du 
bois. 

Le  second  motif  célèbre  les  feuilles  de  palmier  qui  ornent 
lentrée  de  la  case  des  kétas  et  qui  sont  les  feuilles  chères  aux 
kétas,  puis  le  pagne  d'okoyo  qui  est  aimé  par  les  kétas.  La  troi- 
sième strophe  montre  que  ces  enfants  ont  quelque  chose  de 
surnaturel  puisque,  de  nuit,  ils  quittent  leur  berceau  pour  aller 
se  promener  dans  les  bois  et  aux  abords  des  ruisseaux.  —  La 
dernière  phrase  est  une  allusion  à  la  pirogue  dans  laquelle  on 
baigne  les  kétas  et  qui  a  des  pouvoirs  extraordinaires  de  guérison 
quand  on  y  baigne  d'autres  enfants  malades. 

Ajoutons  qu'au  matin,  avant  de  commencer  à  procéder  aux  rites 
et  aux  danses  qui  entourent  la  naissance  de  ces  enfants,  on  frappé 
des  le  petit  jour  du  gong  d'une  façon  prolongée  pour  appeler  les 
deux  enfants  dans  leur  berceau,  car  ces  deux  enfants  sont  par; 
de  nuit  pour  visiter  Lokéta. 

L'indigène  prête  donc  très  nettement  à  ces  enfants  un  caractère 
un  peu  mystérieux.  De  plus,  l'idée  de  cette  enfance  mystérieuse  a 
donné  naissance  à  une  autre  conception,  celle  du  kéta.  C'est  ainsi 
que  dans  la  vie  on  dira  : 

kéla  apessi  biloko  malamou.  Le  kéta  m'a  donné  objets  beaucoup   la 

richessi 
Kétâ  abondi  gaï  Le  kéta  a  quitte  moi  (je  n'ai   plus  de 

chance  . 

Deux  enfants  dune  famille  étant  l'un  riche,  l'autre  pauvre,  on 
dira  du  riche  : 
kéta  na  oua  apessi  oua  mossolo  Kéta  de  lui  a  donné  lui  la  richesse 

I  d  homme  a  vingt  femmes  et  n'a  pas  d'enfant;  un  autre  a  deux 
femmes  et  a  des  enfants;  on  dit  de  celui-ci  :  Kéta  na  oua  =  f/e-t 
son  kéta  (qui   lui  a  donne  cette  cham 

Un  homme  l'ail  bien,  on  lui  fait  mal;  un  autre  fait  mal,  on  lui 
fait  bien  : 

i  11,1  oua  in  k<  ta . 

I  ii  a  un  fusil  el  ne  tue  rien  :  kéta  alingui  yé  té*  —kéta  ne 
I  aime  pas.    I  n  a  un  fusil  et  lue  : 

Kéta  alii  Kéta  l'aime. 

Mok<  foulki  mi  mossolo,  Mokemba   ibonde  en  marchandUi 

ilo  tè        1 1 »  lit  e  n,.,.,  <l  en  ,i  j,  i- .  poui  tant  il  est 
libous                                  oa  liné,  kéta  n'aime  pal  Canoa 


ÉT1  DE    ETHNOGRAPHIQUE   DE   T.  \    nui'.i     KOI  YO\  ,  .'>>7 

Kéta  donnera  à  l'un  de  savoir  faire  des  plantations  et  à  l'autre 
pas,  de  savoir  régler  des  palabres  et  à  l'autre  pas.  —  Le  kéta 
donne  donc  un  bon  sort  ou  un  mauvais  sort. 

Le  kéta  se  révèle  dans  le  tourbillon  du  vent.  On  saisit  un  feu 
follet  et  on  dit  qu'on  a  saisi  le  kéta.  Le  kéta  apparaît  en  rêve  pour 
diriger  les  pas  vers  de  bonnes  marchandises. 


Le  Koutou 

Le  Koutou  ou  éhoto  na  koanga  est  le  reproducteur  des  cultures. 
—  Nous  ne  redirons  pas,  parce  qu'ils  sont  trop  connus,  tous  les 
procédés  de  culture  employés  par  les  Kouyou.  Ces  procédés  sont 
ceux  des  Baya  et  nous  les   avons   déjà   décrits  dans  une  étude 
précédente.  Ils  consistent  en  buttes  de  terre  faites  avec  les  houes 
pour  y  planter  du  manioc,  en  grains  de  maïs  ou  d'arachides  mis 
dans  des  trous  en  terre  au  début  des  pluies.  Cependant,  chez  les 
Kouyou,  il  existe  une  fête  de  la  reproduction  et  de  la  fructification 
des  cultures  qui  mérite  d'être  citée;  la  voici.  Quand  une  femme 
habile  aux  cultures  du  manioc  vient  à  mourir,  tous  les  villages  se 
rendent  ta  son  enterrement.  Le  soir,  vers  six  heures,  un  cri  passe 
sur  les  villages  :  o  hié  —  ohié,  prolongé,  retentissant,  avertissant 
les  hommes  et  les  femmes  que  la  fête  va  commencer.  Tout  le 
monde  s'assemble,  et  on  part  en  bande.  Les  femmes  portent,  passe 
à  l'épaule  et  soutenu  sous  le  bras,  leur  petit  panier  d'osier  rempli 
de  goula  et  d'objets  de  toilette,  glace,  huile  de  palme  parfumée. 
Elles  sont  magnifiquement  lavées  et  frottées  d'huile.  Elles  portent 
aux  parties  génitales  la  large  bande  de   kamba  rouge,  autour  des 
reins  des  feuilles  de  manioc.  Un  mouvement  général  anime  le  vil- 
lage, un  air  de  fête  circule  ;  trois,  quatre  villages  se  mêlent  à  la 
fête.  On  danse  toute  la  nuit.  On  danse  et  on  célèbre  la  morte,  on 
chante  le  koutou.  Cependant,  pendant  les  fêtes  de  nuit,  cette  danse 
est  réduite  à  ses  gestes  essentiels  :  les  femmes  se  mettent  en  rond 
et  tournent  avec  des  pas  lents  en  chantant  le  Koutou  dont  nous 
verrons  plus   loin  les  paroles.    Elles  font  aller   les  bras,   elles 
remuent  les    hanches  d'avant  en  arrière,  en  faisant  sonner  les 
bangas,  qui  sont  les  anneaux  des  pieds  en  cuivre.  Pendant  que  le 
chœur  tourne,   la  plus  vieille  femme  du   groupe  se  détache  et 
danse  au  milieu  du  cercle  en  imitant  avec  les  mains  vides  le  geste 
de  la  femme  qui  laboure  la  terre.  De  temps  à  autre  une  femme  se 


328  v-   rnrroN. 

détache  du  chœur  et  fait  semblant  de  piquer  des  boutures  de 
manioc  sur  le  corps  de  cette  vieille  femme  qui  se  penche  en 
avant,  puis  la  danseuse  retourne  dans  le  chœur.  Un  homme 
danse  en  jetant  ses  deux  pieds  en  même  temps  en  avant,  le  buste 
incliné  en  arrière,  les  reins  donnant  une  secousse.  C'est  le  geste 
du  coït  debout,  et  très  amplifié,  qui  est  imité.  Ce  danseur  se  jette 
dans  la  vieille  femme  qui  ouvre  les  cuisses.  Pendant  ces  divers 


Pin    14.  _  Ronde  avec  les  houes  à  la  main. 


gestes,  le  chœur  continue  à  tourner  en  chantant.  D'ailleurs,  cette 
danse  a  lieu  sans  accompagnement  de  tambour,  simplement 
rythmée  par  les  paroles  du  koutou  et  les  voix. 

Après  avoir  ainsi  tourné  et  dansé  toute  la  nuit,  au  petit  jour, 
on  procède  a  lenterrement  du  koutou.  On  prend  la  morte  et  on 
transporte  son  corps  nu  carrefour  de  plusieurs  routes,  où  on  le 
dépose  a  terre.  Alors  se  déroulent  les  figures  importantes  de  cette 

fête. 

Première  figure.  —  La  masse  des  femmes,  les  unes  serrées  contre 
les  autres,  dansent  m  rond  autour  du  corps.  Elles  font  aller  les 


ÉTUDE    ETITNOGIWPÏilQUE    DE    l\    TRIBU    KOUTOU.  829 

hanches  d'avant  on  arrière,  on  frappant  los  bangas  de  leurs  pieds. 
A  la  main,  elles  portent  leurs  houes  qui  suivent  los  mouvements 
du  corps,  balancées  d'avant  en  arrière  (fig.  1  \  ). 

Deuxième  figure.  — La  ronde  s'ouvre,  les  danseuses  se  dispersent 
et  les  unes  à  côté  des  autres,  dans  un  tohu-bohu  gracieux,  elles 
grattent  la  terre  avec  leurs  boues,  désherbent  autour  de  la  morte 
avec  le  geste  de  la  femme  qui  apprête  un  champ. 

Troisième  figure.  —  Les  danseuses  se  concentrent  toutes  autour 
du  cadavre.  Les  pins  vieilles  femmes  entassent  de  la  terre  sur  le 
corps  et  l'en  couvrent,  haussent  la  butte  qui  surcharge  la  morte 
jusqu'à  une  hauteur  d'un  mètre  cinquante,  avec  une  largeur  de 
deux  mètres,  font  ce  qui  est  appelé  le  «  moka  mounéné  »  ou 
grande  butte.  Autour  de  cette  butte  centrale,  les  autres  femmes 
fontde  petites  buttes  de  manioc  ordinaires,  comme  dans  un  champ. 

Quatrième  figure.  —  Trois  ou  quatre  des  plus  vieilles  danseuses 
plantent  des  boutures  de  manioc  sur  la  haute  butte  centrale.  Les 
autres  femmes  en  plantent  sur  les  petites  buttes.  Au  fur  et  à  mesure 
qu'elles  mettent  le  manioc  en  terre,  les  jeunes  danseuses  viennent 
lune  après  l'autre  faire  des  impositions  de  mains  sur  les  plus 
veilles  qui  plantent  sur  la  butte  centrale. 

Cinquième  figure.  —  A  un  moment  pluschaud,  plus  mouvementé 
de  la  danse,  toutes  les  danseuses  se  groupent,  se  concentrent 
autour  de  la  butte  centrale,  y  montent,  s'y  serrent  contre  la  plus 
vieille  des  danseuses  qui  se  tient  debout  au  sommet  de  la  butte, 
les  dominant  toutes.  Elles  chantent  et  dansent  avec  un  mouvement 
d'effervescence  incroyable. 

Sixième  figure.  —  Elles  descendent  de  la  butte  et  l'une  après 
l'autre  elles  viennent,  leurs  houes  en  mains,  danser  et  faire  des 
grâces  devant  la  haute  butte.  Elles  simulent  très  nettement  en  dan- 
sant les  gestes  du  coït  masqué,  pavané. 

Septième  figure.  —  Toutes  ensemble  lèvent  leurs  houes  en  l'air 
vers  la  lune,  avec  un  cri  où  elles  appellent  la  pluie. 

Par  lui-même,  le  koutou  g'adjoué  koutou  est  un  chant  à  rythme 
lent  qui  accompagne  le  balancement  des  hanches  d'avant  en 
arrière  et  le  balancement  des  mains  chargées  de  houes.  Cepen- 
dant ce  rythme  s'accélère  à  la  deuxième  figure,  quand  les  houes 
grattent  la  terre,  et  s'exaspère  quand  les  danseuses  se  concentrent 
autour  de  la  butte  centrale  et  montent  dessus  en  l'écrasant.  Voici 
ce  chant  et  sa  musique  : 


33o 

Ma  koutou,  lé  djoué  koutou 
Ma  koutou,  lé  djoué  koutou 

(ter) 
Ilima,  hima,  yé,  yé, 

(ter) 
Kanndo,  kounda,  n'goko  léoua 

Moana  na  kanga  yaka  éta 
Epana  n'goko,  na  ébingua 


A.    POUPON, 


Prends  le  koutou,  allons  au  koutou 
Prends  le  koutou,  allons  au  koutou 

(ter) 
C'est  fini,  c'est  fini,  yé  yé 

(ter) 
On  met  en  terre,  on  met  en  terre,  la 

mère  morte 
Enfant  de  la  femme  viens  regard© 
Prends  la  fortune  de  la  mère  qui  est 

riche 
Abandonne     le    village     l'éléphant    a 

mangé  les  hananiers. 


Léka  poko  djokou  adjé  éko. 

Le  Koutou.  —  Refrain  unique  accompagnant  toutes  les  paroles 


fut**     -fHHY^     Hf    ^         WJ- 


? 


Ces  paroles  sont  simples,  peu  variées  et  répétées  sans  cesse  pen- 
dant toute  la  danse.  Interprétons  cependant  les  deux  dernières 
lignes  de  ce  chant.  Lorsque  l'on  chante  :  enfant  prends  la  fortune 
de  la  mère  qui  est  riche,  l'enfant  de  la  morte  doit  exhumer  toute 
la  fortune  de  sa  mère  et  la  disperser,  là  distribuer  complètement 
aux  danseuses.  Il  y  a  là  un  signe  de  potlatch  rattaché  aux  fêtes  de 
la  reproduction  des  semences.  Puis  lorsque  Ton  chante  :  laisse  le 
village,  l'éléphant  a  mangé  les  bananiers,  et  à  mesure  que  cette 
strophe  est  chantée,  les  femmes  quittent  les  buttes  de  manioc,  se 
rendent  aux  plantations  de  bananiers  de  la  femme  morte  et  en 
détruisent  systématiquement  tous  les  arbres,  en  encourageant 
l'enfant  à  quitter  le  village  où  il  ne  trouvera  plus  à  se  nourrir.  Ce 
sont  là  deux  faits  intéressants. 

Le  koutou  se  danse  également  sans  qu'il  y  ait  mort  de  femme, 
au  moment  des  pluies,  pour  obtenir  de  bonnes  récoltes.  Les 
femmes  du  village  s'assemblent  alors  leurs  houes  à  la  main.  Elles 
chantent  et  dansent  le  koutou  en  frappant  les  bangas  de  leurs 
pieds  et  en  poussant  des  hi,  hi.  Avec  leurs  houes,  elles  font  une 
grosse  butte  centrale  et  des  buttes  plus  petites  autour,  qui  sont  les 
buttes  de  manioc.  Elles  grattent  la  terre  comme  si  elles  désher- 


I    I  1    DE     II  II  VM.K  M'IIKH    I       M       IV     TRIBI       KOI    M>|    .  .).)! 

ni  un  champ.  I  n  homme  devant  elles  simule  d'enlever  les 
herbes.  Une 'femme,  la  pins  vieille  du  groupe,  s'en  détache  et 
des  pas  et  des  grâces  danse  devant  la  grosse  butte.  f.elles 
qui  grattent  la  (erre  vont  une  à  une  à  elle  et  font  le  geste  de  planter 
iln  manioc  sur  son  corps  qu'elle  courbe.  Les  unes  font  ce  geste, 
litres  viennent  imposer  leurs  mains  sur  sa  tête.  Puis,  a  la  lin, 
elles  lèvent  toutes  leur-  houes  vers  le  ciel  en  demandant  la  pluie. 

En  même  temps  qu'avec  le  koutou  on  demande  du  manioc,  on 
demande  aussi  des  arachides,  du  maïs  et  'des  épinards  (mabouïa). 
Ce  rite  s'appelle  l'éboto  n'a  konga  c'est-à-dire  le  producteur  nu  le 
reproducteur  de  manioc. 

Le  -  mga  peuf  également  donner  l'éboto  na  kongo.  L  homme 
qui  veul  de  belles  plantations  va  avec  sa  femme  et  le  ganga  dans 
les  plantations.  La  femme  t'ait  le  moka  mounéné.  Au  sommet  de 
cette  hutte  elle  creuse  un  trou.  Le  ganga  y  met  de  la  vase.  Il  plante 
du  manioc  dans  cette  vase  et  ferme  le  trou  avec  de  la  terre  II 
prend  du  feu  dans  une  vieille  marmite,  dépose  cette  marmite  au 
sommet  de  la  butte  et  fait  brûler  le  feu.  Pendant  que  le  feu 
nga  fait  brûler  dans  les  flammes  les  plumes  des  moi- 
neaux qui  sont  accoutumés  à  piller  les  champs  et  il  transmet  le 
pouvoir  du  médicament  avec  les  paroles  suivantes  accompagnées 
de  l'imposition  des  mains,  dette  imposition  des  mains  consiste 
pour  le  ganga  comme  pour  les  parties  intéressées,  à  allonger  les 
mains  ouvertes  au-dessus  de  la  bouture  de  manioc  et  h  les  tenir 
ainsi  tant  qu'est  prononcée  la  formule  magique  : 


Téka  léboto  Prends  L'éboto 

eki  nan  gai  (  luitte  moi 

Aoh,  na  oo  \  a  à  toi 

^anibii  yck»  li  Prononce  le  yè 

Yé  Yé. 


A  Mossemba,  qui  est  un  village  où  Ton  est  accoutumé  à  faire  du 

in  depalmesur  une  grande  échelle  pour  en  fournir  les  autres  vil- 

qùand  il  menu  un  important  producteur  de  vin  de  palme, 

les  homme-  procèdent  pour  lui  au  mêmes  rites  d'enterrement  qui 

ont  •  pour  le  koutotl,  mais  on  chante  alors  le  rïiàssanga. 


\ 


332  A.    POUPON. 


LA  PARENTÉ 


Dans  l'arbre  de  parenté  ci-joint  (fig.  15),  j'ai  pris  le  cas  de 
Mohoko  dont  nous  avons  recueilli  les  dépositions. 

Mohoko  appelle  «  ta  »  son  père  Yombi. 

Il  appelle  «  koko  »  son  grand-père  Ossinga. 

Il  appelle  a  pabélé  »  son  aïeul  Yokaoki. 

Mais  il  déclare  quTboa,  père  de  Yokaoki,  n'est  plus  son  parent, 
parce  que  trop  éloigné  de  lui  dans  la  liste  de  parenté.  Aussi  ne 
porte-t-il  pas  un  nom. 

Mohoko  appelle  sa  mère  N'goko,  sa  grand-mère,  Igna,  et  son 
aïeule,  Noko. 

Mohoko  appelle  «  maona  »  son  fils  Yombi  ;  il  appelle  «  da  »  son 
petit-fils  Mohoko,  et  «  pabélé  »  son  arrière  petit-fils  Yombi.  Au 
delà,  il  n'y  a  plus  de  nom  de  parenté,  la  parenté  est  trop  éloignée 
et  n'est  plus  reconnue.  -  Les  filles,  petites-filles,  et  arrière  petites 
de  Mohoko  portent  les  mêmes  noms  de  parenté  que  les  garçons  du 
même  rang.  —  Les  femmes  de  ses  fils,  petits-fils  et  arrière  petits- 
fils,  Mohoko  les  appelle  «  boue  .  —  Les  maris  de  ses  filles,  petites- 
filles,  et  arrière  petites-filles,  Mohoko.  les  appelle  «  boue  »  et 
tous  ceux-ci  lui  répondent  «  boue  ».  La  femme  de  Mohoko,  Ola 
Kaoua,  mère  de  Yombi,  donne  le  même  nom  que  Mohoko  k  tous 
les  gens  que  nous  venons  de  nommer,  depuis  le  fils  de  Mohoko. 
Cependant  les  femmes,  mariées  aux  fils  de  Mohoko,  à  un  petit- 
fils  et  arrière  petit-fils,  sont  appelées  par  Ola  Kaona  «  ombiéba  » 
et  elles  lui  répondent  «  ombiéba  ». 

Mohoko  appelle  un  frère  cadet,  Okabia,  «  molimi  »  et  celui-ci 
l'appelle  «  moyémi  ». 

Mohoko  appelle  Otomessi,  son  second  frère,  «  okéma  »,  et  celui-ci 
l'appelle  «  moyémi  ». 

Il  appelle  Boula  boulou  sa  sœur,  et  toutes  ses  sœurs,  «  boula  » 
et  celles-ci  l'appellent  «  moyémi  ».  —  La  sœur  aînée  est  égale- 
ment la  «  moyémi  »  des  autres,  la  cadette  est  «  molimi  »,  la  troi- 
sième est  a  okéma  ». 

Mohoko  appelle  «  moana  »  les  enfants  de  ses  frères,  Pea,  Atsaka. 
Ces  enfants  lui  répondent  «  ta  » 

11  appelle  les  enfants  de  sa  sœur,  Boula  boulou,  «  moana  na 
boula  »,  les  enfants  de  ma  sœur,  les  enfants  l'appellent  «  golomi  ». 

Boula  boulou  appelle  Yombi,  fils  de  Mohoko,  «  moana  na  boula 


1  i  i  nr    ETHNOGRAPHIQUE    Dr.   LA    TRTIU     K.OVTÔV. 


333 


nangaï  »,  l'enfant  de  mon  frère;  Voinbi  lui  répond  «  tassa  monto  ». 
Mais  Yombi  appelle  9  ta  »,  les  deux  frères  de  Mohoko,  qui  appel- 
lent  Yombi,  «  moana  ». 

Mohoko  appelle  sa  femme,  Ola  Kaoua,  «  moassi  »,  ainsi  que  Ta 
Ka  Kélé  et  Mamoko,  ses  deuxième  et  troisième  femmes,  celle-ci 
rappellent  «  molomi  ». 


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(  TaZilé ) 


Fig.  15.  —  Arbre  de  parenté  de  Mohoko. 


les  avec  hachures  correspondent  aux  individus  de  sevn   mo  ,.,,i;.    . 

oc*>'   iiid>Liuiii  ,   ceux  en 
blanc,  aux  ^ujets  de  sexe  féminin. 

Sur  la  ligne   verticale,  au-dessus  de   Mohoko,  sont  indiqués   ses  ascendants  mascu- 
lin, jusqu'au  trisaïeul;  en  regard  de  chacun  d'eux,  figure   le  nom    de-  la  mère  et  des 
des  de  Mohoko.  —  Au  dessus  d'Ola  kaoua,  figurent  ses  père,    mère,  grands-pères 
el  grands  mères.  -   \  gauche  et  horizontalement,  sont  indiqués  les  deux    frères  et  la 
soeur  de  Mohoko  ;  au  dessous  les  enfants  de  ceux  ci. 

Les  noms  en  ronde,  sont  les  noms  patronymiques  des   individus  ;  ceux    en  écritu 
penchée,  placés  entre   parenthèses,  sont    les    appellations    dont   se   sert    Mohoko  pour 
ascendants  el  ceux  de  sCs  femmes,  ses  collatéraux  et  ,es  descendants  ) 


a.   rorvoN. 

11  appelle,  les  père  et  mère  de  sa  femme,  ses  grand-pères  et 
grand-mères  «  boue  ».  Ceux  ci  rappellent  «  boue  ». 

Okabia  et  Otemessi,  frères  de  Mohoko,  appellent  les  trois 
femmes  de  Mohoko  ■  moassi»  ;  celles-ci  lui  répondent  :  «  molomi  )). 
Par  contre  Mohoko  appelle  «  boue  o,  les  femmes  de  ses  deux 
frère1-. 

Okabia  et  Olemessi  appellent  les  père,  mère,  grand-pères 
et  grand-mères  de  Ola  Kaoua,  ((  boue  »;  ceux  ci  leur  répondent 
((  boue  ». 

Ta  Ka  Kélé  et  Mamoko,  deuxième  et  troisième  femmes  de  Mo- 
hoko, appellent  Yombi  <  moana  »  ;  celui-ci  leur  répond  :  «  igna  ». 

Ta  Ka  Kélé  et  Mamoko  appellent  «  da  »  et  «  pabélé  »  les  enfants 
et  petits  enfants  de  Yombi;  ceux-ci  leur  répondent  <  koko  »  et 
«  pabélé  »■ 

Mais  ajoutons  que  toutes  les  femmes  que  Mohoko  a  prises 
quand  Vombi  était  déjà  grand  appellent  Yombi  «  molomi  »,  mari 
et  que  Yombi  les  appelle  «  moassi  »,  femmes.  —  Ce  sont  toutes 
celles,  ene(ïel,qui  lui  reviendront  comme  femmes  dans  la  succes- 
sion de  son  père. 

Ola  Kaoua  appelle  les  père  et  mère  de  Mohoko,  «  boue  •  ;  elle 
appelle  Ossinga  et  Yokaoki  «  boue  ».  Les  premiers  lui  répondent 
«  boue  »,  les  seconds,  «  moassi  ». 

Les  père,  grand  père,  aïeul  de  Mohoko  vont  voir  les  père, 
grand  père,  et  aïeul  de  Ola  Kaoua;  ils  s'appellent  «  boue  »  réci- 
proquement. 

Les  sœurs  des  femmes  de  Mohoko  appellent  Mohoko  «  mo- 
lomi »  ;  il  les  appelle  «  moassi  ». 

Nous  avons  recueilli  des  appellations  de  parenté  de  la  bouche 
de  beaucoup  d'indigènes,  mais  la  concordance  des  dispositions 
pour  le  même  degré  de  parenté  ayant  été  presque  constante,  et 
la  place  nous  manquant  pour  donner  les  différentes  appellations 
qui  nous  ont  été  fournies,  nous  ne  publions  ici  qu'un  arbre 
généalogique,  qui  peut  servir  d'arbre  type  pour  la  tribu. 

Les  parents  entre  eux   s'appellent  peu  par  leurs  noms  prop 
et  s'interpellent  plutôt  par  leurs  noms  de  parenté. 

Lu  matière  de  parenté,  il  n'v  a  de  particularité  saillante  que  les 
interdits  de  la  belle-mère;  ou  lui  donne  le  bonjour  de  loin.  —  Le 
gendre  ne  peut  jamais  l'appeler  par  son  nom  propre,  mais 
lappelle  m  boue  ».  —  Elle  quitte  la  maison  où  entre  le  gendre. 
Dès  qu'elle  l'aperçoit,  elle  se  couvre  les  parties  génitales  d'une 


I  i  nu     II  il  Si  >GR  \  I  '  1 1  r  «  m  i     DE    i   \     i  RIBI      fcOI  VOU. 

épaisse  bande  de  bananier.  Celle  ceinture  de  protection  s  appelle 
«to1   Si  le  gendre  lui  voil  lesditès  parties,  il  doit  rendre  la  iille 
ou  payer  beaucoup.     -  Legendre  ne  peul  la  voir  manger  ou  man 
dans  sa  marmite. 

Il  semble  que  la  sœur  aussi  soil  entourée  pour  le  frère  d'autres 
interdits  que  ceux  qu'impose  la  convenance.  Le  frère,  dès  la 
puberté  de  la  sœur,  ne  peut  se  trouver  à  la  même  place  qu'elle,  il 
ne  peul  manger  avec  elle,  ni  lui  voir  les  organes  génitaux. 

En  dehors  de  ces  faits,  la  famille  Kouyou  est  la  famille  asia- 
tique avec  tous  ses  caractères.  Le  lilsaîné  hérite  de  la  fortune  et  des 
charges  du  père.  S  il  n'est  pas  en  âge,  c'est  l'oncle  qui  assure  ces 
charges,  jouit  de  leurs  avantages  et  les  conserve  jusqu'à  sa 
moi  t.  du  moment  qu'il  les  a  assumées. 

Enfin  les  Kouyou,  qui  citent  leur  parenté,  citent,  dans  la  majo- 
rité des  cas,  des  noms  propres  de  parents  jusqu'au  trisaïeul  et 
ne  peuvent  remonter  au-delà. 


UNE  KCLIPSE  DE  LUNE 
CHEZ  LES  MOULAS  DE  BOKDOUKOU'" 


PAU 


M.  PROUTEAUX 

administrateur  îles  Colonies. 


L'éclipsé  de  lune  est  désignée  par  deux  expressions  chez  les 
Djoulas  ;  le  vulgaire  dit  :  le  chat  mange  la  lune  (Dyakourna  Kari 
dom)  (2),  mais  les  lettrés  disent  :  l'auréole  de  la  lune  est  abimée 
Kari  noro  tya-na).  Noro,  que  je  traduis  par  auréole,  c'est  la 
lumière  de  la  lune  (ou  du  soleil)  en  ce  qu'elle  a  de  meilleur,  c'est 
aussi  «  la  lueur  que  Ton  voit  sur  les  tombeaux  des  saints 
marabouts  »,  c'est  encore  cette  sorte  de  reflet  sur  la  figure  de 
certaines  personnes  «  si  jolies  qu'on  les  dirait  toujours  frottées  de 
beurre  de  Karité  ». 

Dans  ce  dernier  cas,  d'ailleurs,  le  Noro  n'indique  ni  la  pureté  du 
cœur,  ni  la  sainteté  »,  c'est  un  don  de  Dieu,  mais  n'importe  qui, 
même  un  méchant,  peut  le  posséder. 

Il  ne  m'a  pas  semblé  que  les  Musulmans  voyaient  dans  l'éclipsé 
une  menace.  C'est  Dieu  qui  fait  cela,  disent  les  marabouts,  pour 
montrer  qu'il  est  grand  et  pour  rappeler  aux  hommes  qu'il  est  le 
Dieu  unique,  mais  non  pour  leur  faire  craindre  sa  colère.  (3). 

Quoi  qui!  en  soit,  dès  que  l'échancrure  sombre  commence  à 
ronger  le  disque  lunaire,  le  village  est  en  rumeur.  Tout  le  monde 
sort  de  sa  chambre.  Dans  les  cours,  sur  les  places,  ou  devant  leur 
porte,  les  marabouts  et  les  musulmans  vieux  et  fervents  se  mettent 

1  Je  n'ai  [  u  observer  personnellement  ces  coutumes  qu'à  Bondoukou,  mais  des 
r<  dm  i.-nements  sûrs  me  permettent  d'affirmer  la  similitude  des  rites  suivis  à  Bouna 

Mi  moins  à  Bondoukou  et,  je  crois,  à  Kong,  à  Bouna,  on  dit  plutôt  Dyakourna 
K.-in  mua  :  le  chai  attrappe  la  luw;. 

L'Alraami  de  Bouna  m'a  incidemment  indiqué   cette  légende:  <.  Certains  disent 

qu'il  y  »  "'»  fit  autour  de    la   .une,  et  quand  il  se   lève  complètement,  sa 

al  sur  celle-el,  c'est  Dieu  qui  a  fait  cela  [pour  montrer  qu'il  est  grand  ». 

l'a.xthkoi'ologik.  —  t.  xxix.  —  1918-1919.  22 


338  M.    PROUTE\r\. 

en  prière.  Dans  chique  quartier,  les  jeu  10s  filles  et  fillettes,  les 
adolescents,  les  élèves  des  écoles  coraniques  se  réunissent  en 
bandes  séparées  pour  parcourir  la  ville  en  chantant. 

Voici  une  troupe  d'une  cinquantaine  de  filles  de  dix  à  dix  neuf 
ans  qui  marchent  d'un  pas  pressé.  Elles  ont  roulé  leur  pagne 
autour  des  reins  en  ramenant  le  bout  entre  les  jambes  à  la  façon 
des  hommes,  de  sorte  que  leur  buste  nu  émerge  d'une  sorte  de 
caleçon  bouffant  qui  accuse  leurs  formes.  Elles  chantent  une 
invocation,  sur  un  air  très  mélodieux  et  qui  doit  être  spécial,  car 
je  ne  l'ai  pas  entendu  en  d'autres  occasions. 

Cette  invocation  peut,  je  crois,  se  résumer  ainsi  :  Notre  plus  vieux 
grand-père,  et  notre  plus  vieille  grand'mère  ne  se  battaient  pas, 
il  n'est  pas  bon  que  le  soleil  se  batte  avec  la  lune  (1  ). 

Voici  une  autre  troupe  d'adolescents,  cette  fois,  qui  chantent 
la  même  chose  et  ont  la  même  allure  à  la  fois  gaie  et  pressée. 

Puis  les  élèves  des  écoles  coraniques,  chacun  portant  horizon- 
talement sur  la  tête  sa  planchette  à  écrire,  conduits  par  leurs 
moniteurs  qui,  la  verge  à  la  main,  accélèrent  le  pas  et  réveillent 
les  endormis  (2).  Eux  aussi,  comme  leurs  aines,  chantent  des  appels 
à  la  concorde  entre  le  soleil  et  la  lune. 

Enfin,  les  jeunes  gens  eux-mêmes  sortent  les  grosses  caisses  et 
dansent  sur  les  places.  Mais  tous,  jeunes  gens,  écoliers,  adolescents, 
jeunes  filles ,  vont  d'abord  faire  trois  fois  le  tour  de  la  grande  Mosquée 
avant  de  se  promener,  au  hasard  de  leur  fantaisie,  dans  les  rues. 
Comme  chaque  quartier  a  fourni  au  moins  trois  groupes  et  qu'il  y 
ahuitquartiersmusulmansà  Bondoukou,  on  peut  se  rendre  compte 
de  l'animation  de  la  ville  avec  ces  quelques  dizaines  de  troupes 
bruyantes  qui  se  croisent  et  mêlent  leurs  chants.  Ce  n'est  pas  tout  : 
les  ménagères  aussi  ont  quitté  leur  lit  et,  dans  leur  cour,  font  le 
plus  de  bruit  possible.  Un  grand  nombre,  saisissant  le  pilon, 
martellent  en  mesure  le  fond  de  leur  mortier  vide  comme  si  elles 
pilaient  un  maïs  imaginaire,  d'autres  font  résonner  de  coups 
rythmés  des  ustensiles  en  fer,  voire  des  boites  de  fer  blanc.  Les 
vieilles  s'installent  sur  les  seuils,  assises  près  d'une  calebasse  à 
demi  pleine  d'eau  et  dans  laquelle  est  renversée  une  autre 
calebasse  plus  petite  et  vide.   Avec  une  cuiller,  elles  frappent  de 

(1)  Je  n'ai  pu,  faute  de  liberté,  préciser  ce  que  pouvait  être  cette  lutte  du  soleil  et 
de  la  lune,  et  c'est  pourtant  là,  je  crois,  un  point  très  intéressant. 

(2)  Les  élèves  des  écoles  coraniques  primaires   ont   de  cinq  à  neuf  ans  en  général  ; 
les  moniteurs,  de  douze  à  seize. 


ONE    ÉCLIPSE    DE    mm    CHEZ    LES   DIÔULAS    DE    itoMiOlKOC.  33g 

seconde  en  seconde  le  fond  de  la  calebasse  renversée.  Cela  rend 
un  sou  grave,  très  accentué,  très  particulier. 

Et  tandis  que  les  teinturiers  montent  sur  leurs  cuves  et  font  le 
geste  d'y  tremper  quelque  chose,  que  les  tisserands  s'installent  à 
leurs  métiers  dégarnis,  que  les  charpentiers  frappent  de  leur 
marteau  des  poutres  vierges  de  clous,  que  les  forgerons  martellent 
leurs  enclumes  froides,  enfin  que  tous  les  artisans  font  le 
simulacre,  et  surtout  le  bruit  de  leur  métier,  le  marché  s'emplit 
de  ses  vendeuses  attitrées.  Quelques-unes  ont  apporté  des  paniers 
vides,  la  plupart  n'ont  rien.  Il  n'y  a  aucune  denrée,  mais  toutes 
crient  à  qui  mieux  mieux,  annonçant  leur  habituelle  marchandise  : 
«  Voici  les  colas,  les  gros  colas.  —  Voici  les  galettes,  les  bonnes 
galettes.  —  Voici  des  arachides.  —  Voici  du  karité  tout  frais. 
—  Voici  du  Soumhara,  etc.  Il  est  à  remarquer  que,  dans  la  journée, 
aucune  de  ces  femmes  ne  pousse  des  cris  semblables  ;  elles  attendent 
au  contraire  leur  clientèle  très  placidement,  mais  cette  nuit,  il 
importe  de  donner  l'illusion  d'une  vraie  foire. 

A  plus  forte  raison,  les  gamines  qui,  chaque  jour,  portant  en 
équilibre  sur  leur  tête  un  plateau  de  vannerie  où  l'on  voit  des 
petits  tas  de  sel  et  de  condiments  divers,  parcourent  les  rues  en 
attirant  les  ménagères  par  des  appels  aigus,  font  cette  nuit  leur 
tournée  quotidienne  et,  si  leur  panier  est  vide,  leurs  propositions 
sont  bien  plus  vibrantes. 

Tout  en  se  livrant  à  cette  agitation  factice,  chacun  surveille  la 
lune  non  sans  anxiété.  On  croit  en  effet  que  celle-ci,  arrêtée  dans 
sa  course,  cherche  à  se  dégager  de  l'étreinte  qui  l'immobilise.  Il 
vient  pourtant  un  moment  où  l'astre  s'échappe  et  tout  le  monde, 
après  s'être  congratulé,  rentre  rapidement  se  coucher. 

«  Heureusement,  me  disait  le  lendemain  et  très  sérieusement 
une  très  vieille  femme,  peut-être  octogénaire,  heureusement  que 
les  jeunes  filles  ont  commencé  à  chanter  et  que  tout  le  monde  est 
sorti  pour  simuler  son  travail,  sans  cela  la  lune  n'aurait  peut  être 
pas  pu  continuer  sa  course  ». 

Ce  serait,  en  effet,  un  effroyable  malheur  si  la  lune  restait  ainsi 
en  suspens,  car  la  nuit  ne  pourrait  finir  ni  le  soleil  se  lever,  et 
même  beaucoup  croient  que  tous  les  gens  du  village  seraient 
métamorphosés  en  bêtes  de  la  brousse;  à  vrai  dire,  par  compen- 
sation, les  animaux  sauvages  deviendraient  des  hommes. 


UN  ENTERREMENT 
CHEZ  LES  KOULA.NGOS  DE  BOUNA 


l'AU 


M.  PROUTEAUX 

Administrateur  des  Colonies. 


Il  s'gissait  d'un  homme  d'une  quarantaine  d'années,  chef  de 
famille,  mais  de  condition  moyenne.  Il  était  mort  à  midi  et  l'on 
avait  décidé  de  l'enterrer  avant  le  coucher  du  soleil  «  car  il 
n'était  pas  de  ceux  que  l'on  peut  garder  deux  ou  trois  jours 
comme  on  le  fait  pour  les  personnages  très  importants.  » 

Sitôt  la  nouvelle  connue,  les  femmes  du  défunt  s'étaient 
réunies  dans  une  chambre  avec  leurs  enfants  encore  jeunes.  La 
mère,  les  sœurs,  les  premières  épouses  et  quelques  hommes 
étaient  restés  près  du  corps  et  avaient  procédé  à  la  toilette.  Dans 
la  cour,  près  de  la  chambre  mortuaire,  les  voisines  pleuraient 
par  intermittence,  sans  oublier  de  causer  tranquillement  entre  les 
explosions  de  douleur.  A  l'autre  extrémité  de  la  cour,  des 
joueurs  de  gangadou  faisaient  de  temps  en  temps  résonner  leurs 
instruments. 

Ces  individus,  qui  sont  de  toutes  les  cérémonies,  méritent  une 
mention  spéciale. 

Le  gangadou  est  un  long  tambourin,  aux  deux  peaux  réunies 
par  des  cordelettes  et  au  fût  évidé  vers  le  milieu.  Il  se  tient  sous 
l'aisselle  gauche  et  les  pressions  plus  ou  moins  fortes  du  bras,  en 
modifiant  la  tension  des  tympans,  permet  de  varier  les  sons.  Au 
vrai,  des  tambourins  de  même  sorte  existent,  je  pense,  chez  toutes 
les  peuplades  delà  Côte  d'Ivoire,  mais,àBouna,  les  gangadou  sont 
particulièrement  allongés  et  ils  sont  réservés  à  une  caste  très 
intéressante,  des  sortes  de  griots,  je  dirais  presque  de  bardes,  car 
entre  autres  fonctions,  ils  ont  celle  de  recueillir  et  de  conserver  la 
mémoire  de  tout  ce  qu'ont  fait  les  rois  de  Bouna.  Dans  certaines 
occasions,  ils  chantent  les  gestes  des  anciens  chefs,  et  un  enfai  t 

l.'ANTHhOPOLOGIR.   —    T.    XXIX.   —    1918-1919. 


3^2  M.    PROUTEAUX. 

de  leur  caste  à  treize  ans  en  sait  davantage  dit-on  que  les  plus 
doctes  vieillards  sur  l'histoire  des  anciens  Koulangos.  Ces  gens 
ont  une  origine  légendaire  bien  curieuse.  Autrefois  ils  habitaient 
un  trou  dans  la  terre  et,  pourtant,  ils  savaient  déjà  jouer  d'une 
façon  remarquable  du  balafon  et  du  tambour.  Un  roi  koulango, 
séduit  par  ces  musiciens  et  possédé  du  désir  de  s'en  attacher 
quelques-uns,  usa  de  la  ruse  suivante  :  il  fit  mettre  à  portée  des 
trous  des  plats  succulents  et  cacha  ses  hommes  aux  alentours. 
Les  troglodytes  sortirent  et,  joyeux  de  l'aubaine,  se  mirent  à 
manger  et  à  jouer  du  balafon.  Les  Koulangos  se  jettèrent  alors 
sur  eux,  qui  s'enfuirent  au  plus  vite  pour  regagner  leur  trou,  mais 
l'ouverture  était  si  étroite  que  le  balafon  s'étant  mis  en  travers,  la 
boucha  et  que  quelques  musiciens  purent  être  pris. 

Pendant  l'après-midi,  donc,  voisines  et  gangadou  avaient  fait 
leur  devoir.  Vers  cinq  heures,  on  vint  annoncer  que  la  tombe  était 
prête  et  les  porteurs  se  présentèrent.  Ceux-ci  sont  peut-être  d'une 
caste  spéciale,  tout  au  moins  ils  forment  une  corporation  à 
laquelle  ils  appartiennent  de  père  en  fils;  je  ne  sais  pas  si  cette 
corporation  est  distincte  de  celle  des  fossoyeurs. 

A  leur  arrivée,  ils  se  mettent  à  confectionner  la  civière  et,  pen- 
dant qu'ils  y  travaillent,  les  enfants  du  mort  lui  vont  faire  une 
dernière  visite,  avec  des  pleurs  et  des  cris  déchirants  qui  sont 
pour  plusieurs  sincères  (1),  tandis  que  les  voisines  hurlent  à  qui 
mieux  mieux  par  politesse. 

Les  porteurs  ont  apporté  deux  longs  bambous  et  ont  réquisi- 
tionné deux  de  ces  paniers  qui  servent  aux  femmes  à  porter  les 
charges,  et  qui  sont  faits  d'un  étroit  plateau  circulaire  accolé  de 
quatre  anses  très  fortes  deux  horizontales  et  deux  verticales 
alternées  (2).  Les  paniers  étant  placés  à  distance  convenable  un 
des  bambous  est  enfilé  dans  les  anses  horizontales  en  passant 
sous  les  plateaux  ;  le  second  est  fendu  dans  la  longueur  et  les 
lattes  sont  passées  dans  les  anses  verticales  l'une  à  gauche,  l'autre 
à  droite. 


(1)  On  a  taxé  souvent  les  noirs  d'insensibilité.  A  L'appui  d'une  thèse  contraire  je 
puis  citer  le  frit  suivant,  très  souvent  observé.  Kn  présentant  des  orphelins  lors  d'un 
recensement  nominatif,  il  faut  bien  indiquer  devanl  eux  que  leurs  parents  sont  morts. 
Très  fréquemment,  en  entendant  rappeler  le  décès  de  leur  père, de  leur  mer.'  surtout, 
des  garçons  de  dix  et  même  de  quinze  ;ms  onl  eu  brusquement  1rs  yeux  pleins  de 
larmes.  S'ils  n'ont  pas  pleuré  c'est  parce  qu'il  n'est  pas  convenable  de  le  l'aire. 

(2)  J'ai  vu  ce  panier  chez  tous  les  Séuoufos  et  jusqu'auprès  d'Odienné. 


VN    ENTERREMENT    CHEZ   LES    KOULANGOS    DE   BOUNA.  3/j3 

On  apporte  alors  le  corps  roulé  dans  une  natte  assez  épaisse  qui 
De  laisse  dépasser  que  les  pieds.  Par  dessus,  on  étend  un  pagne, 


f^J* 


1.  Coupe  longitudinale.  -2.  Pian.  —  \\.  Perspective.  —  4.  Coupe  transversale.  — 
5.  Coupe  une  l'ois  le  tombeau  fermé.) 

mais  avant  de  recouvrir  les  pieds,  on   a  soin  de  placer,  entre 
l'orteil  et  le  second  doigt  du  pied  gauche,  un  tout  petit  poussin  h 


344 


44  AI.    PROUTEAtX. 


peine  sorti  de  l'œuf.  Puis  les  quatre  porteurs  se  placent  deux  par 
deux  de  chaque  côté  de  la  civière  et  remportent  à  bout  de  bras 
(non  sur  la  tête  comme  les  habitudes  du  pays  pourraient  le  faire 
supposer).  Le  cortège  se  forme  :  en  tête,  le  corps,  puis  les  femmes 
qui  pleurent  sans  discontinuer,  enfin  quelques  hommes,  dont  le 
chef  du  quartier  ou  son  représentant,  et  Ton  va,  en  coupant  au 
plus  court,  vers  la  tombe  creusée  à  peu  de  distance  du  village. 

Les  tombes  des  Koulangos  de  Bouna  ne  sont  pas  de  simples 
fosses,  mais  des  chambres  mortuaires  taillées  dans  le  sol  (Voir 
les  figures,  p.  343).  Pour  les  personnages  importants  ou  riches,  la 
chambre  est  circulaire  et  dominée  par  une  voûte  conique,  présen- 
tant à  la  partie  supérieure  un  orifice  qui  sert  aux  ouvriers  à  rejeter 
la  terre  de  déblai  et  ensuite  à  introduire  le  corps.  Cette  unique 
ouverture  est  ensuite  bouchée  soigneusement 

Mais  les  gens  du  commun  ou  de  condition  moyenne  (1)  sont 
inhumés  dans  des  logettes  d'un  tout  autre  genre,  dont  la  prépara- 
tion ne  demande  pas  un  aussi  gros  travail.  On  creuse  seulement 
une  cavité  orientée  Nord-Sud,  de  deux  mètres  de  long  sur  envi- 
ron soixante  quinze  centimètres  de  hauteur  et  de  largeur,  dont 
l'accès  est  sur  l'une  des  faces  latérales  et  non  directement  au- 
dessus.  Cette  entrée  est  d'un  côté  différent  selon  le  sexe  du  mort; 
lorsqu'on  a  placé  le  corps  allongé,  couché  sur  le  côté  droit, face 
à  cette  entrée,  il  faut,  en  effet,  que  l'homme  regarde  vers  le  levant, 
«  car  dans  la  vie  il  s'est  inquiété  du  soleil  à  son  lever  qui  marquait 
l'heure  de  partir  aux  plantations  »  tandis,  que  la  femme  sera 
tournée  vers  le  couchant  «  car,  dans  la  vie,  le  soleil  qui  baisse  vers 
l'horizon  lui  indiquait  le  moment  de  s'occuper  de  la  cuisine  ». 

Lorsque  le  cortège  arrive  près  de  la  tombe,  il  en  fait  trois  fois 
le  tour  en  sens  contraire  des  aiguilles  d'une  montre  et  la  civière 
est  déposée  à  terre,  la  tête  au  sud,  près  de  l'entrée  du  sépulcre. 
Les  femmes  se  massent  à  l'extrémité  nord  et  deux  hommes 
prenant  le  pagne  qui  recouvrait  le  corps,  le  tendent  verticalement 
pour  cacher  à  ces  femmes  l'ensevelissement.  On  déroule  alors  la 
natte  et  on  la  tient  horizontalement  un  peu  au-dessus  de  la  fosse, 
dans  laquelle  sont  accroupis  deux  fossoyeurs.  A  l'ombre  de  ce 

d  II  semble  gue  cette  simplification  de  la  tombe  soit  quelque  peu  humiliante  pour 
la  famille,  car  on  m  excuse  généralement  les  parents  en  disant  que  «  le  iv\u\><  o 
manqué  pour  faire  une  vraie  tombe  «  ou  encore  que  h  justement  plusieurs  fossoyeurs 
étaient  absents  et  que  ceux  qui  restaient  n'étaient  pas  assez  nombreux  ».  Les  fos- 
soyeurs forment,  en  effet,  une  corporation,  peut  être  une  caste. 


i\    BNTERREMEX.T    CHEZ   LES    BOULA.NGOS    DE  BOHV.  345 

primitif  vélum,  les  porteurs  leur  passent  le  cadavre  qu'ils 
installent  eongruement.  Dès  qu'ils  ont  donné  la  bonne  position, 
on  enlève  la  natte,  on  baisse  le  pagne  et  les  femmes  s'en  vont. 
Il  n'y  a  aucune  libation,  aucune  cérémonie  et  il  ne  reste  plus  qu'à 
fermer  la  tombe.  Les  fossoyeurs  placent  un  petit  tronc  d'arbre 
horizontalement  le  long  du  plafond  de  la  logette.  On  ferme 
l'entrée  avec  des  débris  de  case  ruinée,  plaquettes  d'argile  telle- 
ment cuites  par  le  soleil  qu'elles  semblent  de  véritables  briques 
irrégulières.  On  couvre  le  tout  d'argile  humide  bien  gâchée  et  l'on 
maçonne  soigneusement  les  interstices.  On  étend  par  dessus  un 
lit  épais  de  feuillage  de  Ankobwe,  arbuste  dont  la  propriété, 
disent  les  indigènes,  est  de  répugner  si  fort  aux  hyènes  qu'elles 
s'écarteraient  aussitôt,  si  elles  s'avisaient  de  fouiller  la  tombe. 
Enfin,  on  rejette  toute  la  terre  de  déblai  et  l'on  dame  consciencieu- 
sement le  petit  tumulus.  Tout  cela  se  fait  sous  la  haute  surveillance 
du  chef  de  quartier. 

L'homme  que  j'ai  vu  fut  enterré  avec  un  simple  pagne  passant 
sous  les  aisselles,  croisant  sur  la  poitrine  et  noué  sur  la  nuque; 
les  pieds,  les  bras,  la  face  étaient  donc  découverts.  Cependant  un 
bandeau  d'étoiïe  blanche  obturait  soigneusement  la  bouche  parce 
que  «  l'haleine  d'un  cadavre  est  très  nocive  pour  les  femmes 
enceintes  et  les  nourrices.  » 

Mais  le  fait  d'emporter  ainsi  un  pagne  dans  la  tombe  est  assez 
rare.  A  part  quelques  familles,  tous  les  Koulangos  de  Bouna,  et  le 
roi  tout  le  premier,  sont  mis  en  terre  absolument  nus,  sans  un 
cache-sexe,  sans  un  fil.  Et  cela  vaut  pour  les  femmes  commepour 
les  hommes. 

Cette  coutume  aurait,  depuis  quelques  années,  une  répercussion 
assez  inattendue  sur  la  propagande  islamique.-  De  nombreuses 
femmes,  des  vieilles,  et  quelques-unes  d'âge  moyen  se  feraient 
musulmanes  simplement  pour  nôtre  pas  enterrées  nues.  Des 
sœurs  du  dernier  roi  ont  donné  l'exemple.  Pour  certaines,  leur 
adhésion  à  l'islamisme  vient  de  ce  qu'elles  furent  mariées  à  de 
notables  musulmans,  et  l'on  sait  que  la  conversion  est  alors  de 
rigueur  pour  prendre  rang  d'épouse,  mais  d'autres,  restées  dans 
des  familles  koulangos  se  sont  faites  initier  à  la  prière  pour 
éviter  d'être  mises  au  tombeau  sans  voile. 

Cette  curieuse  pudeur  posthume  et  cette  exceptionnelle  répu- 
gnance à  suivre  une  coutume  ancestrale  que  les  hommes  acceptent 
encore,  alors  que  ce  sont  généralement  les  femmes  qui  sont  le 


346  M.    PROUTEÀUX. 

plus  férues  de  conserver  l'intégrité  des  rites  de  leurs  aïeux,  m'ont 
paru  valoir  d'être  notées. 

Lorqu'après  le  départ  des  femmes,  les  hommes  ont  conscien- 
cieusement fermé  la  tombe,  tout  le  monde  s'en  va  et  la  cérémonie 
est  terminée.  Pourtant,  pendant  une  heure  ou  deux,  quelques 
tambours  résonnent  par  intermittence  sur  Tune  des  places  du 
quartier.  Un  cercle  d'hommes  assis  par  terre  ou  debout  les 
entoure,  mais  il  n'y  a  pour  ainsi  dire  pas  de  danses. 

Le  principal  tambour,  le  biwalogo,  est  rituel  pour  les  funé- 
railles. Il  est  fort  long  (plus  d'un  mètre  cinquante)  et  son  diamètre 
est  de  quarante  centimètres  au  moins.  Il  est  cylindrique,  renflé 
vers  le  milieu  et  légèrement  aminci  à  la  partie  supérieure,  qui, 
seule,  porte  une  peau.  Sur  le  renflement,  est  fixée  une  grosse  poi- 
gnée de  fer.  Un  jeune  homme  le  tient  incliné,  une  main  à  la 
poignée,  l'autre  sur  les  chevilles  qui  soutiennent  les  cordes  de 
tension  du  tympan.  Un  autre  homme  frappe  avec  deux  baguettes 
coudées  (des  fourches  légères  dont  l'une  des  branches  est  courte 
et  l'autre,  plus  longue,  sert  de  poignée).  Le  biwalogo  est  de 
couleur  brune  avee  de  large  bandes  longitudinales  plus  claires. 
Quelques  plumes  de  poulet,  fraîchement  collées  avec  un  peu  de 
sang  sur  la  partie  supérieure  du  fût,  dénoncent  le  caractère  rituel 
de  cet  énorme  tambour. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE 


Schweizerische  Gesellschaft  fur  Urgeschichtq  (Société  suisse  de  préhistoire).  Neuvième 
rapport  annuel  (1916),  par  RI.  fc.  Tatarctoff,  secrétaire  de  la  Société,  1  vol.  in-8°  de 
14:;  |>p.  et  11  «g. 

Ce  rapport  est  un  résumé,  fait  par  M.  Tatarinoff,  des  principaux  tra- 
vaux concernant  la  préhistoire,  la  protohistoire,  L'éjpoqùë  romaine  et 
même  le  débùl  du  mo^en-age. 

M    d'abord    M.  WfiktH  qui   estime  que  les  géologues  ont  le   rôle 
le   |d1ùs    important    dans    l'élude   de   l'Homme    fossile.   Bien    entendu, 
les   chercheurs  allemands    sont   avantagés  par  rapport   aux  Français, 
puisque  l'Allemagne  a  été  le  théâtre  des  glaciations  les  plus  étendues, 
tandis  que  les  stations  françaises,  surtout  celles  de  la  DordOgne,  n'ont 
pas  connu  de  phénomènes  aussi  importants.    On  obtiendra,  par  une 
élude  approfondie,  une  chronologie  qui  jettera  une  lumière  nouvelle 
sur  le  Paléolithique  de  la  France  et  de  l'étranger.  11  faut  observer  (pie 
les   types  d'instruments  paléolithiques  ne  peuvent  être  pris  pour  des 
fossiles  conducteurs,    comme  les  types   paléontologïques.   Quand   un 
fossile    disparaît,  c'est  pour   toujours,   tandis    que    les   types   archéo- 
logiques peuvent  disparaître  pour  reparaître  plus  tard,  ou  subsister 
pondant  dos  périodes  géologiques  distinctes.   La  typologie  n'est  donc 
pas  parallèle  à  la  chronologie  :  elles  peuvent  se  trouver  en  contradic- 
tion. L'auteur  cite  les  avis,  opposés  sur  cette  question,  de  M.  Salomon 
Reinach  et  de  M.  Camille  Jullian,  Le  Dr  Tschumi  concilie  tout  en  esti- 
mant  que    dans   les    recherches    paléonlologiques   la    préhistoire,    la 
zoologie,  l'anthropologie  et  la  géologie  doivent  coopérer. 

trouvailles  de  la  grotte  de  Cotcncher  près  Boudry  (canton  de 
Xiiiehalelj  explorée  par  M.  Aug.  Dubois,  semblent  présenter  un  intérêt 
considérable.  Les  restes  d'animaux  sont  mêlés  à  des  intruments  mous- 
tériens.  L'Our>  (\<->  cavernes  représente  o5  o/o  des  ossements  trouvés. 
Dan-  une  couche  de  3  mètres  d'épaisseur,  l'industrie  est  d'Une  homo- 
généité absolue;  celle-ci  est  antérieure  à  la  plus  grande  extension  du 
dernier  glaciaire.  D'après  la  classification  de  Penck,  elle  appartient 
donc  à  L'interglaciaire  Riss-Wùrm. 

\  Thayngen  a  été  trouvée,  dans  une  fissure  voisine^du  Kesslerloch, 
une  lourde  massue  en  chêne,  longue  do  70  centimètres  :  elle  porte  d< 
traces  évidentes  de  travail  :  on  peut  l'attribuer  à  un  troglodyte  de  cette 
dernière  station. 


348  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

L'abri  de  Yeyrier  (Haute-Savoie),  fouillé  depuis  i833  jusqu'en  1916,  a 
donné  des  silex  taillés  magdaléniens,  des  coquilles  percées,  deux  perles 
en  agate,  des  ossements  d'animaux  (Renne,  Cheval,  Bœuf),  des  os  tra- 
vaillés, dont  un  beau  bâton  de  commandement.  M.  A.  Cartier  a 
l'ait  un  historique  complet  de  ces  recherches,  souvent  faites  sans 
méthode. 

Une  station  de  même  époque  a  été  découverte  au  Scé,  près  de  Ville- 
neuve (canton  de  Vaud).  M.  A.  Jeannet,  qui  s'en  est  occupé,  établit  que 
cette  région  a  été  habitable  à  l'époque  du  Magdalénien  récent.  Peu  de 
trouvailles  y  ont  été  faites  jusqu'à  présent. 

M.  Schumacher  s'est  préoccupé  de  la  situation  actuelle  des  études 
néolithiques  et  de  la  tache  qui  leur  incombe  en  Allemagne.  Il  admet 
que  la  civilisation  des  Palafittes  du  Nord  de  la  Suisse  est  autochtone, 
c'est-à-dire  dérivée  de  l'Azilien  ou  Mésolithique  :  les  vases  de  cette 
époque  seraient  inspirés  d'objets  en  cuir.  Elle  est  contemporaine  de  la 
culture  mégalithique  du  Nord  de  l'Allemagne,  avec  laquelle  elle  s'est 
parfois  mélangée,  tandis  que  la  céramique  cordée  (Schnurkeramik) 
serait  postérieure.  Dans  le  Nord-Est  de  l'Italie  on  retrouve  la  civilisa- 
tion des  palafittes  et  dans  le  Nord-Ouest  celle  des  dolmens.  La  forme  de 
la  hutte  est  carrée  dans  le  second  groupe,  circulaire  ou  ovale  clans  le 
premier. 

Pour  le  Dr  Tschumi  l'origine  des  palafittes  suisses  n'est  pas  aussi 
claire  :  il  n'admet  pas  que  leurs  habitants  soient  venus  du  Sud  et  se 
soient  répandus  vers  le  Nord.  Pour  lui,  si  les  plus  anciennes  palafittes 
se  rencontrent  dans  les  lacs  ou  les  marais  de  faible  étendue,  c'est 
qu'une  population  envahissante  a  forcé  leurs  habitants  à  quitter  les 
grands  lacs.  Suivant  M.  Tatarinoff  ceci  peut  être  dû  à  ce  que  les 
groupes  éloignés  des  grands  courants  de  culture  restent  en  arrière 
dans  la  civilisation^  dépendant  la  palafitte  de  Thayngen  montre  que, 
dans  des  endroits  assez  écartés,  il  peut  se  développer  une  civilisation 
dont  l'originalité  n'est  pas  due  à  ce  que  ses  habitants  ont  été  chassés 
d'ailleurs.  En  somme  la  question  reste  ouverte. 

Très  intéresantes  sont  les  recherches  faites  par  M.  Maurizio  sur  la 
manière  d'apprêter  les  céréales  dans  les  temps  préhistoriques.  La 
manière  la  plus  ancienne  de  s'en  servir  consiste  à  en  faire  de  la  bouillie, 
apn's  les  avoir  plus  ou  moins  finement  triturées.  Puis  est  venue  la 
fabrication  des  galettes,  généralement  sur  des  pierres  chauffées.  Depuis 
5.000  ans  ou  fait  des  galettes,  mais  le  pain  n'existe  que  depuis 
2.000  ans.  11  n'f\  a  aucune  conclusion  au  point  de  vue  typologique  à 
tirer  de  la  façon  plus  ou  moins  soignée  de  préparer  les  galettes  ;  1<«> 
différences  distingue  ni  non  les  époques,  mais  les  classes  sociales.  Il  n'y 
a  d'ailleurs  pas  de  différence  essentielle  entre  les  crêpes  d'aujourd'hui 
et  celles  des  temps  préhistoriques,  dont  M.  Maurizio  a  étudié  les  reste 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE.  3^0 

On  aimerai!  à  savoir  quand   est  apparu  le  premier  foui*  à  pain  et  le 
premier  appareil  à  cuire  les  crêpes) 

Dans  le  lac  de  Neuchâtel,  à  Treytel,  M.  J.  Maeder  a  trouvé,  sur  un 
emplacement  de  palafîtte,  des  silex  rappelant  beaucoup  ceux  du  Mous- 
térien  de  France,  et  il  semble  que  ces  types  archaïques  se  retrouvent 
chaque  fois  qu'on  arrive  dans  les  touilles  jusqu'au  sol  vierge  sous  les 
palaiiltes. 

Il  faut  signaler  d'une  façon  particulière  les  riches  trouvailles  faites  à 
Thayngen  par  M.  K.  Sulzbergèr,  au  lieu  dit  «  le  Vivier  »,  où  il  a 
découvert  une  palafîtte  dans  un  état  de  conservation  remarquable,  ce 
qui  a  permis  d'en  constater  le  mode  de  structure.  Des  poteaux  d'une 
hauteur  médiocre,  surmontés  d'une  sorte  de  chapiteau,  portaient  un 
rnblage  de  planches  épaisses  ou  de  perches,  recouvert  de  terre 
glais<>  et  de  pierres,  surtout  à  l'endroit  des  foyers.  Les  parois  des 
huttes  étaient  formées  de  rondins  fendus,  crépis  avec  de  la  terre 
cuite  à  feu  doux.  Les  huttes,  dont  la  forme  exacte  ne  peut  être  encore 
fixée,  étaient  réunies  par  des  chaussées  ;  des  fosses  creusées  entre  elles 
ont  donné  de  nombreux  objets.  M.  Sulzbergèr  pense,  que  les  huttes 
étaient  bâties  sur  des  radeaux  fixés,  et  que  des  îles  artificielles  se 
seraient  ainsi  formées.  La  surface  recouverte  par  la  palafîtte  est  une 
des  plus  considérables  connues.  On  y  a  trouvé  de  nombreux  spécimens 
d'une  céramique  très  variée,  des  instruments  en  bois  de  cerf,  en  silex, 
en  bois,  des  graines,  des  ossements.  L'ensemble  est  néolithique,  du 
type  de  Michelobcrg,  qui  est  rare  en  Suisse  et  plus  répandu  au  nord 
du  Rhin.  Il  faut  espérer  qu'une  publication  complète  nous  donnera 
bientôt  une  idée  d'ensemble  de  celte  belle  trouvaille. 

M.  G.  Behrexs  a  publié  une  brochure  sur  l'époque  du  bronze  dans 
l'Allemagne  du  Sud  qu'il  divise  en  trois  périodes  :  A.  Premier  Age; 
B.  Période  des  tumuli  (ancienne,  moyenne,  récente)  ;  G.  Période 
récente,  .passant  au  Hallstâttien.  L'apparition  et  le  développement  de 
chaque  type  d'arme  ou  d'instrument  sont  étudiés  à  part;  à  noter  que  les 
palafittes  ont  donné  des  trouvailles  plus  récentes  que  la  terre  ferme.  La 
première  période  aurait  duré  de  2000  à  i5oo,  la  seconde  de  i5oo  à 
1200,  la  troisième  de  1200  à  900.  Dans  le  Nord  de  l'Allemagne 
demeuraient  alors  les  Germains,  descendants  de  la  population  méga- 
lithique; au  Sud,  les  Celtes,  descendants  de  celle  d'Uneticz  (ou  du 
cuivre)î  M.  Camille  Jullian  a  d'ailleurs  montré  que,  pendant  l'âge  du 
bronze,  l'Ouest  de  l'Europe  avait  une  unité  de  culture,  de  langue  et 
d'organisation  qui  a  fini  avec  le  début  de  l'âge  du  fer.  Il  est  particuliè- 
rement curieux  de  voir  que  dans  tout  ce  royaume  italo-celtique  les 
lieux,  les  fleuves,  les  îles,  les  presqu'îles,  les  tribus,  les  peuples 
portent  les  mêmes  noms,  attestant  ainsi  qu'un  seul  peuple  a  pendant 
longtemps  habité  ces  contrées.  Le  mot  de  Ligures,  que  leur  appliquaient 


35o  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

les   anciens,   désignait  donc  les   tribus   éparses  restées   fidèles  à  cette 
langue  apiv^  la  dislocation  do  leur  unité. 

A  Leytron  près  Marligny  (Valais)  a  été  trouvée  une  hache  de  bronze 
très  curieuse  :  <Ke  est  t|(S  étroite,  allongée,  plate,  à  tranchant  circulaire, 
ornée  de  gravures  au  trait  sur  les  plats.  Elle  était  emmanchée  à  l'aide 
dune  douille  indépendante,  terminée  en  pointe,  sur  laquelle  un  rivel 
la  maintenait  en  place  :  dispositif  qui  n'avait  pas  encore  été  rencontré. 
L'ensemble  rappelle  beaucoup  les  talons  de  lances  en  spatule  encore 
unités  en  Afrique. 

A  Zurich  les  travaux  effectués  le  long  d'un  quai  ont  amené  la  décou- 
verte d'une  très  importante  palafitte  :  comme  l'exploration  a  été  faite  à 
l'aide  d'une  drague,  on  ne  peut  parler  d'une  étude  systématique.  Les 
pièces  recueillies  sont  nombreuses  et  intéressantes  :  citons  seulement 
des  bracelets  de  bronze  avec  incrustations  de  fer,  un  montant  de  mors 
figurant  un  cheval,  des  moules  en  grès  pour  fondre  divers  objets,  des 
vases  de  terre  cuite  en  forme  d'oiseaux,  des  ossements  humains  qui 
proviennent  de  tombeaux  et  montrent  une  tendance  à  ladolichocéphalie. 
Beaucoup  d'objets  sont  de  provenance  italienne. 

MM.  Miller  et  Rupe  ont  fait  des  recherches  chimiques  et  métallogra- 
phiques  sur  des  objets  de  fer  préhistoriques  :  il  en  résulte  que  les  for- 
gerons de  l'époque  de  La  Tène  étaient  très  habiles  :  ils  savaient  aciérer 
le  fer  et  le  forgeaient  plutôt  qu'ils  ne  le  coulaient.  Ils  se  servaient 
surtout  de  minerai  indigène,  mais  aussi  de  minerai  venant  du 
Sud. 

En  résumé  pendant  l'année  1916,  les  archéologues  suisses  ont 
fait  preuve  d'une  activité  soutenue,  et  le  succès  est  venu  le  plus 
souvent  couronner  leurs  efforts.  Le  rapport  de  M.  Tatarinofî  constitue 
un  répertoire  facile  à  consulter  de  ces  recherches  et  des  travaux  les 
plus  intéressants  parus  en  dehors  de  la  Suisse.  Des  divisions  par 
époques,  une  table  bien  faite  permettent  de  s'y  retrouver  aisément. 

Fr.   de  Zeltner. 

Sh.im.in  il.  G.)  et  Dubois  (Aug .).  Note  préliminaire  sur  les  fouilles  entreprises  dans  la 
grotte  de  Cotencher  (canton  de  Neuchâtel).  Extr.  des  Eclogiae  geologicae  llelvetiae, 
l.  XV,  1910. 

La  grotte  de  Cotencher  a  été  maintes  fois  fouillée  par  des  amateurs 
depuis  iSfi.v>.  M.  Lard  y  ayant  remarqué  qu'une  partie  du  dépôt  de  rem- 
plissage étail  encore  vierge,  les  auteurs  de  la  note  ci-dessus,  aidés  de 
plusieurs  §quscripfeurs,  ont  entrepris  des  fouilles.  Ils  nous  donnent 
le    résultai    d'une    première  campagne   qui    a    duré   du    3  juillet   au 

1  a  anùl   i<)i<>. 
Le  dépôt  de  remplissage  présente  de  haut  en  bas  : 
a)  Croûte  stalagmatique  ou  couche  d'humus  suivant  les  points  ; 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE.  35 1 

b)  Argile  feuilletée,  om,6oà  i  mètre; 

c    Dépôt  caillouteux,  auiôriiMirau  maximum  de  la  derrière  glaciation, 

I      ,sm   a     >    nirl 

Dépôt  terreux  avec  concrétions  de  phosphate  de  chaux  et  dont  on 
n'a  pus  atteint  Le  fond. 

Plus  de  i)ù  o  q  des  ossements  recueillis  appartiennent  à  l'Ours  des 
Cavernes.  Parmi  Les  autres  espèces,  provenant  surtout  de  la  couche  c,  on 
peut  citer  :  la  Marmotte,  le  Lion  des  Cavernes,  la  Panthère,  le  Loup,  le 
tienne,  le  Chamois,  le  Bouquetin,  le  Cheval.  Cette  même  assise  c  a 
fourni  a  une  centaine  d'instruments  en  pierre,  du  type  mous  ter  i  en, 
toul  a  fait  comparables  à  ceux  du  AVildkirchli  ». 

découvertes,  disent  les  auteurs,  nous  semblent  intéressantes 
sous  trois  rapports:  C'est  la  première  fois  que  nous  apprenons  à 
connaître  La  faune  jurassienne  des  temps  de  l'Ours  des  Cavernes. 
-t  la  première  fois  qu'on  découvre  dans  le  Jura  suisse  une  station 
inouslérienne.  Enfin,  c'est  la  première  fois  qu'on  signale  un  gisement 
moustérien  à  l'intérieur  des  moraines  de  la  dernière  glaciation  et  en 
étroite  relation  avec  un  dépôt  glaciaire. 

«  Nos  recherches  seront  poursuivies  en  19 17.  Nous  avons  tout  lieu 
d'espérer  qu'un  examen  attentif  du  remplissage  de  la  caverne  et  des 
dépôts  glaciaires  de  la  région,  nous  permettra  de  préciser  l'âge  géolo- 
gique de  cette  station  et  de  fixer,  ce  qu'on  cherche  depuis  des  années, 
un  point  de  repère  solide  pour  la  classification  du  Moustérien  dans 
Le  système  glaciaire  ». 

Souhaitons  aux  auteurs  de  réaliser  ces  espérances. 

M.  Boule. 

Oberm.uer  (H.).  Yacimiento  prehistorico  de  Las  Carolinas  (Madrid).  (Gisement  préhis- 
torique des  Carolinesj.  Memoria  n  16  de  la  Comision  de  Investigaciones  paleontolo- 
gicus  y  prehistoricas.  Madrid,  1U17. 

Dans  ce  petit  mémoire,  l'auteur  décrit  un  gisement  situé  aux  portes 
île  Madrid,  avec  divers  niveaux  paléolithiques  très  pauvres,  appartenant, 
de  bas  en  haut,  au  Moustérien,  à  un  niveau  intermédiaire  à  pointes 
courbes  analogues  à  notre  niveau  de  l'abri  Audi,  et  à  un  Paléolithique 
supérieur  indéterminé.  Plus  haut,  on  avait  recueilli  divers  tessons  de 
céramique  décorés  du  type  énéolithique  de  Ciempozuelos.  L'un  d'eux 
présente  à  l'intérieur  des  ligures  astériformes  et  des  cerfs  schématisés 
qui  sont  identiques  à  un  certain  nombre  de  dessins  rupestres  et  per- 
mettent d'en  fixer  l'âge  précis,  tout  spécialement  des  dessins  noirs  de 
la  Gueva  de  La  Pileta.  Un  chapitre  comparatif  illustre  ces  analogies  et 
recherche  les  faits  de  même  nature  épars  à  travers  la  péninsule  et  le 
reste  de  l'Europe. 

H.  Breuil. 


352  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

Ismabl  del  Pa*.  Exploration  de  la  cueva  prehistorica  del  Conejar  (Caceres).  Exploration 
de  la  caverne  préhistorique  du  Conejar).  Comision  de  Investi  g  aciones  Paleontolo- 
gi^as  y  prehistoricas,  nota  n°  1.'».  Madrid,  1917. 

La  grotte  du  Conejar  s'ouvre  dans  le  lambeau  de  calcaire  dévonien  à 
peu  de  distance  de  Caceres,  au  lieu  dit  Calcrizo;  elle  est  de  faibles 
dimensions,  et  entièrement  éclairée  par  diverses  ouvertures;  son  rem- 
plissage est  argileux  et  ses  parois  -sont  également  recouvertes  d'un 
enduit  de  même  nature,  d'où  pointent  de  nombreux  ossements  pris  dans 
une  brèche.  Les  fouilles  réalisées  comprennent  :  le  Cheval,  le  Cerf,  le 
Bœuf,  le  Lynx,  le  Lapin  et  le  Lièvre,  et  quelques  restes  de  Bouquetin  et 
d'Isard  (?  un  métacarpien  fracturé).  Le  Lynx  procède  de  la  brèche 
osseuse  des  parois,  ainsi  que  le  Loup  ;  le  Cheval,  le  Cerf  et  l'Isard  (?)  vien- 
nent des  couches  les  plus  profondes  du  remplissage.  —  Les  objets 
archéologiques  consistent  en  silex,  pointes  et  flèches  à  base  rectiligne 
ou  concave,  lames  de  silex,  un  petit  grattoir  rond,  et  en  nombreux  tes- 
sons, parfois  décorés  de  motifs  simples.  L'occupation  humaine  ne 
remonte  pas,  semble-l-il,  au-delà  du  Néolithique.  H.  B. 

Pacheco  (E.  Hcrnandez).  Los  grabados  de  la  Cueva  de  Penches  (Les  gravures  de  la  grotte 
de  Penches)  Comision  de  Investigaciones  pnleontologicas  y  prehistoricas.  Memoria 
n°  17.  34  p.,  17,  figures,  3  planches.  Madrid,  1017. 

,  Le  Prof.  E.  H.  Pacheco  nous  fait  connaître  les  figures  découvertes 
près  de  Ona  (Burgos),  par  le  Pèrejésuite  D.  Miguel  Gutierres,  dans  une 
grotte  étroite,  située  à  environ  4  kilomètres  à  l'ouest  de  Penches,  sur  le 
termino  du  Bascina  de  la  Montes  (partido  de  Briviesca).  La  galerie, 
difficile  à  trouver  sans  guide,  est  à  88o  m.  d'altitude,  et  domine  de  i5  m. 
un  ruisseau  avoisinanl  ;  elle  a  la  forme  d'une  fenle  très  étroite  de  170  m. 
de  large,  presque  droite.  Les  figures  gravées  se  localisent  en  deux 
endroits  :  à  4o  m.  de  l'entrée,  existent  quatre  figures  de  Bouquetin, 
deux  à  droite  et  deux  à  gauche;  une  autre  figure  analogue  existe  vers 
100  m.,  sur  la  paroi  droite.  Les  quatre  premières  figures,  très  simples, 
aux  cornes  figurées,  tantôt  de  profil,  tantôt  de  face,  sont  d'un  tracé  large 
(  t  profond  ;  la  dernière,  d'un  tracé  plus  léger  et  plus  fin,  présente  les  ves- 
tiles  d'une  peinture  noire  modelée.  Après  une  série  de  comparaisons  avec 
les  documents  des  grottes  françaises  et  cantabriques,  l'auteur  attribue 
1rs  quatre  premières  figures  à  l'art  du  Magdalénien  intérieur,  et  la  der- 
nière à  celui  du  Magdalénien  moyen  ;  je  crois  que  ces  attributions 
correspondent  avec  les  plus  grandes  probabilités.  L'auteur  insiste  en 
finissant,  apn  >  avoir  passé  en  revue  des  griffades  d'ours  et  d'autres 
animaux,  sur  L'impossibilité  de  considérer  une  grotte  aussi  étroite 
comme  lieu  d'habitation  (il  n'existe  d'ailleurs  aucun  gisement)  et  par 
conséquent  il  souligne  qu'elle  confirme  L'idée  de  magie  attachée  à  ces 
manifestations  d'art  paléolithique.   I  d   trait,  pouvanl   représenter  un 


MOI  \  i  mi  .\  i      i  ir\  i  m  km  i  .  353 

javelot  en  Lracé  dans  le  dos  tic  la  principale  figure,  es!  de  nature  à  ren- 
forcer cette  impression.  Le  principal  intérêl  de  cette  découverte  de 
Penches  est  de  nous  faire  connaître  une  localité  d'arl  paléolithique  du 
style  cantabrique  au  Sud  de  la  chaîne  séparant  la  région  côtière  de  la 
vieille  Castille  On  >ait  que  jusqu'ici  ces  Localités  sonl  très  rares  :  l'une, 
\tapuerca,  assi  voisine  de  Penches,  et  L'autre,  I.»  Pileta  (Malaga),  à 
ntre  boul  de  L'Espagne.  II.  B. 

\n  i  r-.iRi  i  Paul)  Niiovas  datas  para  la  cronologia  del  arte  rupestre  de  estilo  naturaliste  en 
ri  Oriente  de  Espana.  -Figuras  hiunanas  et  quematicas  del  Maglemosiense.  (Faits  nou- 
veaux pour  la  chronologie  do  l'art  rupestre  de  st^le  naturaliste  dans  l'Est  de 
l'Espagne.  —  Figures  humaines  et  schématiques  du  Maglemosien).  Comision  de 
investigaciones  pale;>nto  ogicas  y  prehisioriras^  notas  n's  13  <'t  15.  Madrid,  1917. 

Dans  lu  première  de  ces  noies,  l'auteur  rapproche  les  ornements  de 
coude  de  certaines  figures  de  femmes  des  fresques  d'.Upera  et  CoguJ, 
i  le.,  des  bracelets  à  coquilles  de  quelques  squelettes  de  Grimaldi  et 
d'un  dessin  gravé  de  Bruniquel,  que  M.  E.  Cartailhac  a  publié  en  iqo3 
dans  L'Anthropologie,  et  où  il  croyait  voir  un  bras  humain  tendu  tenant 
un  instrument.  —  Personnellement,  je  crois  que  cette  dernière  inter- 
prétation n'est  pas  satisfaisante,  et  par  conséquent  le  rapprochement 
auquel  elle  sert  de  base  tombe  de  lui-même. 

La  seconde  note  est  beaucoup  plus  intéressante.  Le  point  de  départ 
du  travail,  qui  porte  en  sous  titre  :  a  Essai  d'ethnographie  préhistorique 
comparée  »,  est  l'interprétation  d'une  figure  d'aspecl  géométrique  déco- 
rant un  lissoir  en  os  provenant  d'un  gisement  épipaléolithique  de  Fiinen 
I  Danemark),  el  conservé  au  musée  d'Odensi. 

\1.  W.,  examinant  les  motifs  de  l'ornementation  de  cet  objet,  a 
reconnu  le  premier  que  ces  derniers  n'étaient  autres  que  des  .figures 
humaines  schématiques.  Sur  une  lace,  on  reconnaît  un  homme  à  jambes 
en  arceau,  à  corps  linéaire  rende  à  la  ceinture,  à  bras  repliés  en  l'air. 
(l'un  tenant  quelque  objet),  et  à  tête  un  peu  renflée,  se  terminant  par 
deux  grands  appendices  recourbés  en  forme  de  plumel  <>u  de  cornes.  A 
juste  titre,  M.  VV.  rapproche  celte  image  du  grand  homme  cornu  de 
\  elez-Blanco. 

Sur  l'autre  Liée  du  lissoir,  on  peut  voir  cinq  ligures  humaines  sché- 
matiques, disposées  transversalement;  toutes  sonl  constituées. par  un 
axe  linéaire  recoupanl  à  chaque  boni,  par  leur  centre,  des  arceaux  à 
convexité  tournées  vers  L'intérieur  el  qui  figurent  bras,  jambes,  tête  et 
organes  génitaux  Dans  la  partie  centrale,  l'une  d'elles  présente  deux 
s  Lobes  opposés  où  M.  W  .  voil  l'indication  d'un  ceinturon.  Je  serais 
peut-être  plus  favorable  à  L'idée  de  mamelles  figurées  latéralement, 
comme  cela  se  voil  quelquefois  dans  l'art  rupestre  de  la  province  de 
Cadix,  mai^  cela  n'est  qu'un  détail  d'interprétation.  M.  \\  .  poursuit 
l'anthropolooAi.  —  t.  xxix — »  1918-1919.  2'i 


35.4  MOUVEMÈ>  !       Cil      flfrlQUÈ. 

ensuite  i  comparaisons  avec  les  rupestres  d'Andalousie,  d'Algérie 
(1  Amérique  et  de  Nouvelle  Guinée;  il  relève  des  schémas  humains  <  n 
relief  sur  une  hache  de  bronze  du  Portugal,  que  je  ne  connaissais  pas,  el 
ensuite,  j|  se  livre  à  une  intéressante  comparaison  sur  les  caractères  de 
la  figure  humaine  dans  les  décorations  de  tous  1rs  milieux  plus  mi 
moins  primitifs,  depuis  l<  galets  peints  du  Mas d'Azil,  la  céramique  de 
S|>  '  jusqu'aux  s<  ulptures  de  Nouvelle-Guinée  el  ries  iles  Salomon,  aux 
lapis  orientaux,  aux  vanneries  taïaques,  aux  hiéroglyphes  de  l'île  de 
Pâques,  à  l'écriture  primitive  chinoise  el  à  l'écriture  \sibidi  de  l'Afrjque 
occidentale,  etc.  dette  revue  permet  de  constater,  sous  toutes  les  lati- 
tudes et  dans  tous  les  temps,  des  processus  analogues  de  schématisation 
et  de  transformation.  M.  AV.  cite  divers  auteurs  à  l'occasion  de  ces 
comparaisons  pour  montrer  <pic  la  plupart  de  ces  symboles  anthropo- 
morphiques  représentent  les  ligures  des  ancêtres  et  se  relient  avec  les 
idées  de  culte  à  leur  égard  et  de  relations  à  entretenir  avec  eux;  il 
<  onsidère  l'objet  de  l'île  de  Fiinen  comme  appartenant  à  ce  sujet  d'idées 
élémentaires,  dont  il  nous  avait  entretenu  dans  un  de  ses  précédents 
mémoires,  qu<    nous  avons  anal;.  II.  B. 


Postes  (Joàchim).  Instruments  paléolithiques  dans  la  collection  de  préhistoire  du  Ser- 
vice géologique.  Etudes  2  à  5.  Extr.  des  Communicoçoes  du  Service  géologique  du 
Portugal,  t.  MI,  Lisbonne,  191G. 

Nous  avons  rendu  compte  de  la  première  de  ces  «Etudes  »  (V.  L'Anthr. 
i.  WVlll,  p.  :nj(h.  L'étude  n"  2  a  traita  des  instruments  paléolithiques 
trouvés  aux  environs  de  Porto  par  Vasconcellos,  et  signalés  par  lui 
dès  1880.  Le  meilleur  de  ces  quartzites  est  un  coup  de  poing  chelléen.  La 
taille  des  autres  est  douteuse.  Les  alluvions  d'où  ils  proviendraient  ne 
sont  pas  d'origine  glaciaire,  comme  le  croyait  Vasconcellos. 

Dans  la  note  n°  3,  l'auteur  reprend  l'étude  des  pierres  travaillées 
rencontrées  par  Delgado  aux  divers  niveaux  du  remplissage  de  la  grotte 
de  Furninha.  Il  arrive  aux  conclusions  suivantes  : 

j  L'Homme  et  l'Hyène  rayée  onl  été  contemporains  à  Furninha, 
comme  le  prouve  l'existence  d'outils  paléolithiques  de  silex  el  d 
mélangés  avec  des  ossements  de  cette  Hyène.  —  20  II  y  a  deux  industries 
paléolithiques  à  Furninha,  une  chelléenne,  el  une  moustiérienne. — 
.">  \.  côté  des  objets  à  faciès  mousliérien,  on  a  trouvé  des  os  entaillés 
par  l'Homme. 

V  note.  —  Les  environs  de  Leiria  paraissent  riches  en  quartzites 
taillés.  L'auteur  figure  un  beau  coup  de  poing  trouvé  par  Carlos  Ribeiro 
et  l'un  des  premier-  qui  aient  été  recueillis  en  Portugal. 

Enfin,  (')"  note),  aux  nombreux  endroits  des  environs  de  Lisbonne  où 
Ion  trouve  des  objets  paléolithiques,  il  Tant  ajouter  la  région  qui  s'étend 


fifOI  \  EMJ  N  I     5(  H>  1  LfrIQl  l 

•  li  puis  Sauto Autào-Odu-Tojal  jusqu'à  Zauibujal,  qui  a  fourni  plusieurs 
instruments  conservés  au  Musée  du  Service  géologique. 

M.  Boi  ii 


Mm  mm  il  go),  Aggiunte  alla  fauna  pleistocenica  itaUana.  i  additions  a  la  faune  pléitto 

italienne).    Ëxtr.   <le^    .1//'  ael/a  Societa   d«i    Katar,    e  Maternai,    di    Modenu, 
Séri«  \  .  vol    III.  1016,  pp.  30  34- 

L'auteur  signale  une  série  de  trouvailles  paléontologiques  récemment 
.  n  sur  divers  points  du  territoire   italien.  Dans  la    vallée  du 

Cesano,  c'est  une  portion  de  crâne  de  Megaceros,  en  association  avec 
des  silex  taillés,  de  formes  moustiériennes.  A  Magliana,  sur  la  ligne  de 
Pise.  à  quelques  kilomètres  de  Home,  dans  un  dépôt  lacustre,  c'est 
toute  une  faune  à  Elcphas  antiquus,  Rhinocéros  Merckl,  avec  une 
espèce  n- nivelle  pour  le  Pléistocène  italien,  Ovis  miisimon,  qui  pour- 
rait bien  être  voisine  de  Y  Ovis  antiqua  de  Pommerol.  Ce  sont  des 
débris  d'un  grand  Eléphant,  trouvés  près  de  Ceprano.  Ce  sont  enfin 
quelques  restes  d'Ours  et.de  Loup  recueillis  dans  un  sondage  effectué 
dans  la  caverne  del  Cavallone,  sur  la  Maiella,  une  des  plus  grandes 
et  des  plus  belles  cavernes  italiennes,  et  qui  demanderait  à  être  fouillée 
largement. 

L'auteur  insiste,  en  terminant  sa  note,  sur  l'intérêt  que  présente  la 
présence,  dans  la  péninsule  italienne,  de  deux  nouveaux  éléments  de  la 
faune  nordique.  Le  Mégacéros  et  le  Moufflon  forment,  avec  le  Glouton 
et  le  Mammouth,  une  petite  série  instructive.  Mais  les  espèces  qui  la 
composent  restent  ici  toujours  très  rares,  exceptionnelles,  ce  qui  sem- 
blerait démontrer  qu'elles  n'y  sont  venues  qu'accidentellement  et 
qu'elles  n'ont  pu  s'y  acclimater.  À  cette  différence  dans  les  conditions 
de  milieux,  peut  correspondre  une  différence  dans  l'évolution  préhis- 
torique. Si  les  recherches  palethnologiques  sont  conduites  sans  aucune 
préoccupation  de  faire  cadrer  les  faits  observés  avec  des  systèmes 
théoriques  établis  ailleurs,  la  preuve  de  cette  différence  deviendra 
de  plus  en  plus  évidente. 

M.   H. 

Bâte  (DorothM  M.  A.  On  a  small  collection  of  Vertebrate  remains  from  the  Har  Dalani 
Cavern...  (Sur  une  petite  collection  d'ossements  de  Vertébrés  de  la  caverne  Har 
Dalaiu,  lie  de  Malte;  avec  une  note  sur  une  nouvelle  espèce  de  Cygne).  Extr.  des 
Proceetfings  of  the  Zoologicat  Society  of  London,  1910,  p.  421. 

recherches  de  Sprat t,  Leith  Adams,  Dr  Cookc,  el  Jagliaferro, 
noua  ont  fait  connaître  la  faune  pléistocène  des  cavernes  et  fentes  à 
ossements  de  l'île  de  Malte.  L'auteur  nous  donne  d'abord  la  liste 
compl'  espèces,  dont   i4  Mammifères,   iG  Oiseaux,  6  Reptiles  ou 

Batraciens.  .1'  util*   de  n  produire  ici  la  liste  des  Mammifères  ; 


356  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

Ursiis  arctos  (?)  Lin.  Vulpes  sp.,  Canis  sp.,  (de  la  taille  du  Loup), 
Leithia  melitensis  Leith  Adams,  Eliomys  sp.,  Arvicola  amphibias  Lin.. 
A.  pratensis  Bâillon.  Equiis  sp.,  Cervus  dama  (?)  Lin.,  Cervas  elaphus 
var.  barbants  Bennet,  Hippopotamus  Pentlandi  Meyer,  H.  melitensis 
Forsyth  Major,  Elephas  mnaidriensis  Leith  Adams.  E  melitensis 
Falconer. 

L'auteur  a  eu  à  déterminer  une  nouvelle  petite  série  provenant  de 
la  caverne  Har  Dalam,  dont  nos  lecteurs  ont  déjà  entendu  parler 
(L'Anthrop.,  IV,  p.  6o5).  Les  deux  espèces  de  Mammifères  les  plus 
intéressants  sont  :  i  une  sorte  de  Loir  pour  lequel  on  a  créé  le  genre 
Leithia,  et  dont  l'auteur  nous  apprend  également  l'existence  dans  les 
dépôts  des  cavernes  des  îles  Baléares,  ce  qui  en  fait  un  nouveau  repré- 
sentant de  la  faune  «  tyrrhénienne  »  ;  2°  un  petit  Cheval,  signalé  ici 
pour  la  première  fois.  L'association  de  ce  poney  avec  de  petites  formes 
d'Eléphants  est  des  plus  curieuse. 

Les  ossements  d'Oiseaux  sont  plus  nombreux  et  se  rapportent  surtout 
à  des  Palmipèdes  de  la  famille  des  Oies,  ce  qui  implique  des  conditions 
de  milieu  différentes  des  conditions  actuelles  et  remontant  aune  époque 
où  la  séparation  de  Malte  et  de  la  Sicile  ne  devait  pas  être  complètement 
effectuée.  Quelques  ossements  d'un  Cygne  de  petite  taille  sont  décrits 
comme  dénotant  une  espèce  nouvelle  :  Cygnus  equitum.  On  sait  que 
Lydekker  avait  déjà  décrit  plusieurs  autres  formes  éteintes  d'Oiseaux, 
notamment  un  énorme  Vautour,  Gyps  melitensis  et  une  Grue,  Gras 
melitensis. 

M.  B. 

Ki.uiMil  go).  Scoperte  c  problemi  paletnologici  nella  Lucania  occidentale  (Découvertes 

ot  problèmes  palethnologiques  en  Lucanie  occidentale).  Extr.  des  Atti  delta  Socielu 
dei  Naturalisa  e  Matematici  di  Modena.  Série  V,  vol.  II,  1016. 

Le  territoire  de  Matera,  dans  la  partie  méridionale  de  la  Basilicatà, 
représente  une  zone  palethnologique  donl  l'intérêt  scientifique  esl 
constaté  depuis  Longtemps.  Pourêtre  moins  connue  à  cet  égard,  la  partie 
•  ptentrionale  el  occidentale  de  la  Lucanie  mérite  également  d'attirer 
i  I  de  lixer  L'attention  des  préhistoriens,  ainsi  que  le  montrent  le> 
Longues  recherches  du  directeur  du  musée  de  Potenza,   \  .  di  Cicco. 

M.  Rellini  a  eu  l'occasion  d'étudier  ce  musée  el  de  faire  des  excursions; 
il  in  .us  donne  le  résumé  de  ses  observations  en  signalant  quelques 
problèmes  à  résoudre,  c'est-à-dire  de  nouvelles  recherches  à  effectuer. 

Le  Chelléen  paraît  être  représenté  par  de  nombreuses  trouvailles  de 
silex  amygdaloïdes.  11  conviendrait  d'explorer  avec  soin  les  dépôts  des 
anciens  Lacs  pléistocènes  don!  Le  géologue  De  Lorenzo  a  retrouvé  les 
traces  dans  l'Italie  méridionale.  Ces  dépôts  renferment  la  faune  des 
grands  animaux  quaternaires  el   Rellini  a  déjà  pu  démontrer  L'associa- 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQ1  l  367 

lion,  sur  un  point  du  rivage  de  L'ancien  lac  de  Venosa,  * l<s  débris  de 
celte  l'aune  avec  des  silex  amygdaloïdes. 

La  présence  d'une  industrie  moustiérienne;  en  association  également 
avec  une  faune*pléistocène,  a  été  signalée  dans  la  grotte  de  Talago,  près 
du  portdeScalea  ;  cela  doit  encourager  les  chercheurs  à  explorer  systéma- 
tiquement les  grottes  du  littoral.  De  telles  recherches  pourraient  éclairer 
le  problème  posé  par  les  fouilles  du  Prince  de  Monaco  à  Grimaldi,  de 
la  chronologie  de  l'industrie  moustiérienne,  laquelle  semble  avoir  été 
parfois  plutôt  parallèle  que  postérieure  à  L'industrie  chelléenne. 

Les  matériaux  se  rapportant  au  Néolithique  sont  1res  nombreux, 
mais  en  général,  sporadiques.  On  ne  connaît  encore  ni  grandes  stations, 
ni  grande  nécropole.  Il  y  a  des  grottes  sépulcrales.  On  a  recueilli  des 
poteries  caractéristiques,  des  haches  polies,  surtout  en  roches  vertes, 
le-  haches  en  silex  étant  très  rares  partout  en  Italie.  Un  village  de 
petites  cabanes  a  été  signalé  par  Di  Cicco,  qui  a  aussi  découvert  des 
sortes  de  petits  puits  dont  la  destination  reste  assez  mystérieuse.  Ce  ne 
sont  certainement  pas  des  fonds  de  cabanes.  Il  y  a,  de  ce  coté,  d'inté- 
ressantes recherches  à  poursuivre. 

\  signaler,  parmi  les  objets  de  l'âge  du  Bronze  recueillis  dans  la 
légion,  un  lot  de  hachettes  plates  en  cuivre.  Le  rite  de  la  crémation  a 
été  pratiqué  en  Lucanie  occidentale,  comme  en  témoigne  la  découverte 
à  Garaguso  d'une  fosse  avec  ossuaire  du  type  de  Timmari.  Dans  la 
même  localité,  toute  une  nécropole,  à  rite  mixte,  inhumation  et  créma- 
tion, celle-ci  en  minorité,  a  duré  jusqu'au  viB  s.  av.  J.-C.  t\5  tombes 
ont  été  explorées  méthodiquement  par  Di  Cicco.  Les  poteries  sont  les 
unes  d'origine  locale,  les  autres  importées. 

A  propos  de  l'âge  du  Fer,  l'auteur  signale  la  découverte,  toujours 
par  le  Directeur  du  Musée  de  Potenza,  d'une  cité  préhistorique  et 
protohistorique  à  Croccia  Cognato,  au  sommet  d'une  montagne  de 
1200  mètres  d'altitude.  Aucun  souvenir  de  cette  ville  n'est  resté  dans 
les  traditions.  Elle  couvrait  une  superficie  d'environ  65  hectares,  et 
était  entourée  d'un  mur  d'enceinte  présentant  des  traces  de  réfection  à 
trois  époques  diflérentes.  L'étude  systématique  de  cette  très  antique 
cité  sera  d'importance  générale  pour  l'ethnographie  primitive  de  la 
péninsule,  et  notamment  pour  l'histoire  des  travaux  défensifs  et  des 
fortifications.  Il  est  incontestable,  en  effet,  qu'il  existe,  sur  le  sol 
italien,  des  traces  de  constructions  remontant  à  des  époques  plus 
reculées  que  celles  qui  furent  élevées  en  Sicile  par  les  Sicules  contre 
les  Grecs.  Une' partie  au  moins  de  ces  monuments  doit  être  attribuée  à 
l'Enéolithique. 

MB. 


358  MOUVfestËNi  scrFXTirrnrr. 

Coutil  (Léon).  L'ornementation  spiraliforme.  Périodes  paléolithique  et  néolithique,  âges 
du  bronze  et  du  fer.  (Extr.  du  Bull,  de  la  Soc.  préhistorique  française,  n°  8  ai*, 
septembre  1916). 

Le  but  de  cette  étude  «  est  de  grouper  le  plus  grand  nombre  des  docu- 
ments intéressants  et  aussi  de  prouver  que  l'ornement  spiraliforme,  qui 
constitue  le  motif  le   plus   parfait    de   décoration,    est  vieux  comme  le 

monde.  » 

Il  s'agit  donc  d'une  véritable  monographie,  réunissant,  décrivant  et 
reproduisant  en  une  abondante  illustration,  des  motifs  d'ornementation 
spiraliforme  en  tous  temps  et  pu  tous  pays. 

Après  quelques  mots  d'introduction  sur  la  fréquence  de  la  spirale 
dans  les  productions  naturelles,  animales  ou  végétales,  l'auteur  expose 
sommairement  l'histoire  de  la  spirale  d'abord  dans  l'art  paléolithique, 
puis  chez  les  Néolithiques,  «  arrivés  à  une  grande  perfection  dans  l'avan- 
cement de  ce  motif  ornemental  ».  puis  à  l'âge  du  Bronze.  «  C'est 
surtout  à  l'âge  du  Bronze  dans  le  Nord,  et  aussi  dans  l'art  Mycénien, 
que  la  spirale  prer.d  son  plus  grand  essor.  »  Elle  se  continue  pendant 
le  premier  âge  du  Fer;  et  lorsqu'elle  arrive  aux  périodes  Marnienne  et 
de  la  Tène,  elle  se  simplifie poui  former  souvent  des  S  parallèles,  accolés 
où  réunis  par  trois,  et  formant  des  triocètes. 

Chacune  de  ces  périodes  est  ensuite  décrite  avec  de  nombreux 
détails  descripjifs,  bibliographiques  et  iconographiques.  Quelques 
pages  soill  consacrées  à  la  spirale  en  Amérique,  en  Océanie,  en  Asie. 
Tout  cela  représente  un  gros  labeur  et  témoigne  d'une  grande  érudi- 
tion. Des  monographies  de  ce  genre  sont  précieuses  pour  les  travail- 
leurs ;  il  faui  remercier  l'auteur  pour  sa  peine  et  le  féliciter  pour  sou 
talent. 

In  terminant,  M.  Coutil  traite  des  intluences  magiques  de  la  spirale, 

•  lu  signe  en  S,  des  nombre  trois  et  quatre  dans  les  temps  préhistoriques. 

11  ne  partage  pas  l'opinion    de  Breuil    qui   serait    porté  à  voir  l'origine 

motifs    spirales    paléolithiques,    indiqués    depuis    longtemps  par 

Piette,  dans  le  frontal  du  Bœuf  indiqué  sommairement. 

Il  semble  bien  que  les  spirales  sur  dalles  néolithiques  aient  été  tracées 
avec  une  intention  magique  ou  rituelle.  Celles  qui  ornent  les  vases 
doivent  être  plutôt  décoratives, 

A  L'âgé  du  Bronze,  la  richesse  H  la  pureté  de  l'ornementation  spirali- 
forme, ses  agencements  ingénieux  ci  compliqués  (bronzes  du  Nord  et 
mycéniens)  répondent  certainement  à  un  but  cultuel,  «  ou  tout  au  moins 
à  la  valeur,  à  la  liante  sitUatiOtl  sociale,  religieuse,  ou  magique  du  pro- 
priétaire, peut-être  même  à  l'ensemble  de  ces  considération^.  » 

Le  groupement  ternaire  des  motifs  dans  l'ornementation  des  objets' 
de  Luxe  est  un  fail  des  pins  frappant.  Déchelette  a  déjà  montré  Le  rôle 
du  nom  bu   trois  à  partir  delà  Tène  1,  chez  les  Celtes  qui  lui  attribuaient 


moi  \  km  in  i   scie^  riFiQi  i  35g 

des   propriétés  mystiques    sous  l'influence  <lr   superstitions  import 
du  Sud 

M    B. 

tTKS  (Joachim).  La  station  de  S.  Juliào,  aux  environs  de  Caldellas .  (Extr   du  Bull,  de 

la  Soc.  portugaise  des  Sciences  naturelles,  t.  \  II,  1911» 

<  rite  statiou  est  située  aux    alentours   des   thermes,  de  S.  Thiago  de 

Idellas  t  A  mares).  Le  Dr.  Victor  Foutes  y  a  recueilli  les  divers  objets 
in  pierre  et  en  argile  qui  font  l'objet  de  cette  note. 

Les  objets  en  pierre  comprennent  une  meule  primitive  formée  d'un 
bloc  île  granit  formant  table  fixe  et  d'un  caillou  roulé  formant 
broyeur.  Ce  type  a  été  trouvé  pour  la  première  fois  en  Portugal  dans  les 
kjokkenmmoddinrjs  du  Tage,  lesquels,  dit  l'auteur,  datent  de  la  fin  du 
Paléolithique.  A  cette  meule,  il  faut  ajouter  des  percuteurs  et  une  série 
de  petits  cailloux  de  granité,  aplatis,  plus  ou  moins  elliptiques,  avec 
deux  encoches  latérales  pour  un  cordon  de  suspension.  M.  Fontes  les 
considère  comme  des  poids  de  métier  à  tisser,  et  non  comme  des  poids 
de  blets  de  pêche. 

La  céramique  est  représentée  d'abord  par  de  nombreux  fragments  de 
vases  à  pâte  typique  des  oppida  portugais,  avec  grains  de  quartz  et 
nombreuses  paillettes  de  mica  ;  ensuite  par  des  tessons  mieux  cuits, 
d'une  pâte  plus  homogène,  encore  micacée  et  sans  traces  également  de 
la  roue  du  potier.  Les  rebords  sont  de  divers  types.  Les  dimensions  des 
vases  étaient  très  diverses.  Leur  ornementation  est  limitée  à  quelques 
sillons  droits  ou  ondulés.  La  ligne  ondulée  est  un  motif  qui  ne  se  trouve 
dans  la  péninsule  qu'à  l'âge  du  Fer. 

\Sn  fragmentde  céramique  porte  des  bandes  depeinture  rouge.  Gegenre 
de  poterie  est  rare  en  Portugal  ;  l'auteur  énumère  les  exemples  connus. 

La  station  a  fourni  encore  de  nombreux  fragments  de  tegulie  en 
disque,  des  pièces  de  collier  également  en  poterie.  A  en  juger  par  l'en- 
semble des  objets  qu'on  y  a  recueillis,  cette  station  de  S.  Juliao  devait 
être  uti  village  d'une  civilisation  bien  primitive,  mais  l'apparition  des 
tegulsc  montre  qu'il  dut  subir  l'invasion  romaine  et  vivre  sous  sa  domi" 
nation.  La  céramique  peinte  est  due  à  des  iniluences  plus  anciennes, 
notamment  à  l'intluence  grecque  «  si  bienfaisante  pour  l'artiste-né, 
mais  lude  encore,  de  la  Péninsule».  Il  est  d'ailleurs  difficile  actuel- 
lement de  fixer  la  date  exacte  de  son  arrivée  chez  le  petit  peuple  proto- 
historique perdu  (Jans  les  montagnes  du  Minho. 

M.B. 


Fostes  (Joachim).  Sur  un  moule  pour  faucilles  de  bronze  provenant  du  Casai  de  Rocannes. 
r.  du  Bull,  delà  Soc.  portugaise  des  Sciences  nature  lie  s  t,  VII,  1910), 

l)i\ers  faits  portaient  à   admettre  que    !e    Portugal    avait  pratiqué  la 


36o  moi  \  r\ir\  i     i  h  •-.  i  ii  nu  i  . 

métallurgie  à  l'époque  du  Bronze,  notamment  des  trouvailles  de  haches 

présentant  encore  les  bavures  de  la  fonte,  lue  découverte,- faite  en  191") 

par  M.  Choffat,   permet  aujourd'hui  de  trancher  la  question.   Il  s'agit 

d'un  moule  de  faucille,    en    grès    très    fin,  trouvé  près  de   Cacem.  Les 

faucilles   qui  sortaient   de   ce    moule    étaient   d'un   type    vulgaire    en 

Portugal,    aussi   bien  qu'en  Fiance  et  en    Suisse.    L'auteur  donne   une 

excellente   photographie    de    cette    pièce   particulièrement    importante 

pour  la  préhistoire  portugaise. 

M.  B. 


Tai.lgren  (A. -M.).  Collection  Zaoussaïlov  au  Musée  historique  de  Finlande  à  Helsingfors* 
I.  Catalogue  raisonné  de  la  collection  de  l'âge  du  bronze.  Un  fasc.  in-4"  de  48  p. 
avec  40  fig.  dans  le  tevto  et  16  planches  hor^  texte.  Edité  par  la  Cofrimission  des 
Collection*  An  tell.  Helsingfors,  1916, 

Zaoussaïlov  était  un  marchand  de  Kazan  qui,  après  avoir  fait  fortune 
et  faillite  dut  vendre  l'importante  collection  archéologique  recueillie 
par  lui  au  cours  de  a(>  ans  de  voyage  et  de  recherches.  Sur  l'initiative 
de  l'auteur,  la  Finlande  acquit  cette  collection  en  1909,  pour  le  Musée 
Historique  de  l'Etat,  à  Helsingfors. 

M.  Tallgren  nous  donne  aujourd'hui  une  description  raisonnéede  la 
partie  de  celle  collection  concernant  l'Age  du  Bronze.  Son  travail, 
imprimé  en  français  —  ce  dont  nous  devons  le  remercier  chaudement 
et  le  féliciter  -  comprend  une  partie  générale,  synthétique,  et  une 
partie  descriptive.  Etant  donné  son  importance,  je  crois  devoir  résumer 
la  première  assez  longuement. 

«  Au  point  de  vue  scientifique,  dit  M.  Tallgren,  la  collection 
Zaoussaïlov  est  la  plus  importante  des  collections  archéologiques  étran- 
gères qui  se  trouvent  en  Finlande.  C'est  enoutre  une  des  plus  précieuses 
et  des  plus  représentatives  qui  aient  jamais  été  recueillies  sur  la  Bussie 
orientale,  n  Le  nombre  des  objets  de  l'Age  du  Bronze  est  aussi  grand  que 
celui  de  tous  les  musées  russes  réunis,  en  ce  qui  concerne  la  région 
Volga-  Kama. 

Depuis  Castrin  et  \speliu,  on  pensait  que  ci  la  civilisation  ouralo- 
altaïque  du  bronze  »  remontait  aux  peuples  tinno-ougriens.  M.  Tallgren, 
en  1 9  r  1,  a  essayé  d'établir  que  les  Ages  du  Bronze  ou ra lien  ei  altaïque 
diffèrent  très  nettement  l'un  de  L'autre.  Les  sépultures  sont  absolument 
dissemblables  comme  construction  et  comme  mobilier.  Il  n'y  a  de 
réelles  ressemblances  que  dans  la  période  la  plus  récente  de  l'âge  du 
Bron/e  et  encore  les  analogies  tiennent-elles  peut-être  simplement  à 
des  relations  communes  d'échange  avec  la  civilisation  scythe  qui  léguait 
dans  la  Russie  Méridionale. 

I  n  fait  considérable  établit  nettement  que  l'Age  du  Bronze  dans  la 
Russie  orientale  est   autonome  et  ne  constitue  pas  une  branche  d'un 


MOI  \  EMENT      «  (EN  riFIQl  E.  36 1 

autre  âge  du  Bron/e,  C'est  la  présence,  dans  la  légion  du  Volga  et  de  la 
Rama,  d*un  âge  de  pierre  local,  extrêmement  riche,  auquel  succède  un 
âge  du  Bronze  aux  formes  s'adaptant  étroitement  à  celles  des  objets 
néolithiques  de  la  même  région,  lesquels  ont  évidemment  servi  de 
modèles.  11  n'y  a  donc  pas  eu  changement  subit,  ni  importation,  mais 
développement  précoce  en  partant  de  la  civilisation  néolithique  locale, 
bien  que,  sans  aucun  doute,  sous  une  influence  étrangère.  Dans  la  suite 
de  l'âge  du  Bronze,  cette  influence  continue  à  se  manifester,  mais  le 
développement  des  formes  locales  se  poursuit,  ce  qui  prouve  la  conti- 
nuité de  l'habitation  jusqu'à  la  fin  de  l'âge  du  Bronze. 

On  ne  connaît  pas  encore  de  nécropoles  datant  de  l'âge  du  Cuivre  ou 
de  l'âge  moyen  du  Bronze  dans  la  Russie  orientale.  La  civilisation  du 
Cuivre  de  la  Russie  centrale,  dite  «  civilisation  de  Fatianovo  »,  relève 
peut-être  d'un  autre  peuple  qu'en  Russie  orientale.  Cette  civilisation 
de  Fatianovo,  dont  l'auteur  donne  les  principales  caractéristiques,  est 
contemporaine  des  grands  Kourganes  du  Kouban,  au  Nord  du  Caucase. 
Les  tombes  et  le  mobilier  rappellent,  d'une  part,  les  tombes  danoises 
dites  à  une  seule  personne  et,  d'autre  part,  les  tombes  de  l'Age  du 
Cuivre  dans  les  steppes  de  la  Russie  méridionale.  Il  semble  qu'on 
puisse  les  dater  d'environ  3  000  ans  av.  J.  C. 

L'Age  du  Bronze  dans  la  Russie  orientale  peut  se  diviser  en  trois 
périodes  : 

1.  La  plus  ancienne  (environ  a.ooo-i.5oo  ans  av.  J. -C.)  est  représentée 
surtout  par  des  armes  de  [lierres,  haches,  marteaux  naviculaires,  ciseaux 
de  silex,  balles  de  marbre  et  par  des  armes  de  cuivre  et  de  bronze,  Ces 
objets  ont  leurs  prototypes  ou  parallèles  en  Hongrie,  au  Caucase,  dans 
les  steppes  de  la  Russie  méridionale,  donc,  d'une  façon  générale,  dans 
le  Sud.  On  ne  saurait  admettre  une  dérivation  du  Nord. 

2.  A  lage  moyen  du  Bronze  en  Russie  orientale  (environ  i.5oo- 
1.000  ans  av.  J.-C.)  se  rattachent  environ  a5o  objets  en  bronze  : 
haches  plates  à  saillies  latérales,  lames  de  poignards  à  saillies  latérales; 
puis,  haches  étroites  à  douilles,  haches  à  douilles  à  deux  anneaux, 
grandes  haches  à  douille  sans  anneaux,  faucilles,  javelots,  etc. 

La  Russie  orientale  continue  donc  d'être  soumise  à  cette  époque  aux 
inlluences  méridionales.  Mais  il  y  a  des  relations  avec  la  Sibérie  et  aussi 
avec  la  Baltique,  comme  le  révèlent  certaines  haches  à  douille  à  forme 
étroite  très  répandues  dans  la  Suède  centrale  à  partir  de  t. 000  ans 
av.  J.-C. 

3.  La  période  la  plus  récente  de  l'Age  du  Bronze  est  la  plus  riche  en 
rbjets  et  la  plus  étendue  géographiquement.  Les  objets  caractéristiques 
sont  des  javelots  de  trois  formes  différentes,  des  haches  à  douilles 
plates  ou  hexagonales,  des  ciseaux  à  douille,  des  pointes  de  flèches 
scythiques,   des    couteaux  et  poignards  de  fer,  des  armes  d'estoc,  etc. 


36a  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

et  de  nombreux  objets  d'ornementation  et  d'application.  Il  y  a  conti- 
nuation d'échanges  vers  l'Ouest,  mais  celte  influence  occidentale 
semble  s'affaiblir  vers  la  fin.  Par  contre,  les  relations  avec  le  Sud,  où 
fleurissait,  à  celte  époque,  une  brillante  civilisation  gréco-scythe,  sont 
encore  actives. 

Cet  âge  récent  du  Bronze  (jusqu'à  environ  4oo  ans  av.  J.-C.)  est  connu 
en  Russie  orientale  par  des  sépultures,  notamment  par  la  nécropole 
d'Ananino,  qui  donne  parfois  son  nom  à  cette  période  III.  Il  faut  auss1 
lui  attribuer  les  goroditchés,  sortes  de  promontoires  triangulaires, 
généralement  protégés  par  un  rempart  et  situés  au  confluent  de  deux 
cours  d'eau.  Les  goroditchés,  qui  portent  eu  Russie  le  nom  de  kosténos- 
nias,  semblent  représenter  une  civilisation  issue  de  celle  de  l'Age  du 
Bronze  récent,  mais  beaucoup  plus  pauvre  que  cette  dernière  et 
employant  surtout  des  objets  en  os. 

La  majeure  partie  des  objets  de  bronze  de  la  collection  est  de  fabri- 
cation locale.  Le  cuivre  a  été  tiré  des  mines  dites  tchoudes  de  l'Oural  et 
des  couches  permiennes  de  la  Kama  et  de  la  Bielaïa.  Mais  on  ne 
connaît  que  peu  de  moules.  Lne  carte  de  distribution  de  ces  moules 
montre  que  le  centre  de  fabrication  a  été  dans  la  région  d'Ekaterin- 
bourg, dans  l'Oural.  On  ne  connaît  de  cette  région  aucun  moule  de 
tvpes  remontant  à  l'âge  du  Cuivre,  tandis  qu'on  a  trouvé  de  ces  moules 
anciens  dans  le  Sud  :  au  Turkestan,  dans  la  Russie  méridionale,  en 
Transylvanie. 

Malgré  le  grand  nombre  d'objets  de  fabrication  locale,  le  mobilier  de 
lïtge  du  Bronze  en  Russie  fait,  dans  son  ensemble,  «  une  impression 
assez  hétéroclite  et  peu  originale.  Quand  on  compare  les  objets  de 
bronze  de  la  Russie  Orientale  avec  les  matériaux  contemporains  de 
S<  mdinavie,  de  Hongrie,  du  Caucase  et  de  Sibérie,  il  faut  reconnaître 
que,  de  toutes  ces  civilisations,  c'est  relie  de  la  Russie  orientale  qui  fait 
l'impression  la  plus  passive,  et  que  la  faculté  créatrice  y  a  été  faible. 
C'est  ce  qui  ressort  surtout  de  la  pauvreté  de  l'ornementation  ;  le  seul 
ornement  des  bronzes  est  constitué  par  des  lignes  droites  en  relief. 
Muant  aux  formes  des  objets,  il  n'y  en  a  que  deux  ou  trois  que  l'on 
puisse  regarder  comme  spéc'alement  nationales  en  Russie  orientale. 
Sur  la  nationalité  des  tribus  qui  ont  employé  ces  objets,  il  est  encore 
impossible  de  se  prononcer.  » 

C'est  par  cette  phrase  que  se  termine  la  partie  générale  de  l'ouvrage 
de  M.  Tallgren.  La  seconde  partie  constitue  le  catalogue  proprement 
dit.  Les  objets  \  sont  rangés  par  groupes  :  haches,  ciseaux,  poi- 
gnards, etc.  L'exposé  de  chaque  groupe  débute  par  un  aperçu 
d'ensemble.  Des  cartes  représentent  l 'extension  des  divers  types  en 
Russie.  Les  illustrations  sont  nombreuses  cl  bonnes  :  photogravun 
dans  !'•  i'  *te  el  en  plan*  nés  bon  texte  M.  I> 


moi  \  r\ir\  i    SCIEN  riFIQI  E  363 

I  i  \  St-pultures  gauloises  et  puits  funéraire  gallo-romain  du  Nouveau  Boulevurd 
à  Amiens  (Ettf  du  Bull,  de  la  Société  des  Antiquaires  de  Picardie.  \nrtée  1915, 
Amiens,  1Q1S). 

Ce  mémoire  échappe,  pour  sa  plus  grande  partie,  au  cadre  des  matières 
de  cette  Revue.  Nous  devons  cependant  le  signaler  aux  lecteurs  qui 
s'intéressent  spécialement  aux  origines  de  notre  histoire  et  qui  y 
trouveront  l'exposé  détaillé  des  découvertes  archéologiques  dont  leur 
auteur  a  hien  voulu  leur  donner  Lui-même  un  résumé  qui  était  une 
primeur.  (Voy.  L'Anthr.  X.XV1I,  p.  180) 

Le  mémoire,  imprimé  par  la  Société  des  Antiquaires,  est  illustré  de 
lionnes  figures  représentant  des  poteries  et  divers  objets.  Tl  renferme 
aussi  plusieurs  plans  et  coupes  à  grande  échelle  dressés  aver  le  soin 
que  le  très  regretté  Commont  apportait  à  tous  ses  travaux. 

M.  B. 

ArniN  (Ernest).  La  butte  ou  «tombelle  »  du  château  de  Lavardin  près  Montoire  (Loir-et- 
Cher)   —  Instrument  de  la  pierre  taillée  trouvé  à  Lavardin  (Loir-et-Cher).  Èxtr.  cru 

Bull,  archéologique,  scientifique  et  littéraire  du  Yendômois,  ànhtfê  1915,  Vëhflôtiie, 
191C 

Là  «  tombelle  »  de  Lavardin,    butte  artificielle   de  V»  mètres  de  dia- 
mètre sur  8  ni.  de  hauteur,  doit   remonter  à  une  époque  beaucoup  plus 
ancienne  que  celle  dont  les   historiens  ont  conservé  le  souvenir.  Cette 
opinion  est    basée    sur   l'examen  des    nombreux    débris    de  poteries  et 
autres  objets  recueillis  par  l'auteur  au  cours  de  ses  recherches.  Avec  des 
poteries  romaines  et   gauloises,  il  y  a  dés    fragments   d'Une  cêrafnicjue 
beaucoup  pitis  primitive,  à    impressions  digitales,    de  caractère  néoli- 
thique.   Les   objets     en    pierre,     percuteurs,     silex    taillés,    grattoirs, 
fragments  de  polissons,   de  meules,  de  haches  polies,  etc.,  associés  à 
des  os  d'animaux  doivent  aussi  seclasserdans  le  Néolithique  iRobenhau- 
ieh). 
L'instrument  de  l'âge  de  la  pierre  taillée  a  été   trouvé  à  la  surface  du 
c'esl  un  quait/ite  travaillé  dans  la  forme  aniydàloïde,  acheuléenne. 
pécimen  serait  remarquable  par  l'exiftence,  sur  l'une  des  faces,  d'une 
cupule,  et  sur  l'autre  d'un  «  motif  d'ornementation.  »  La  cupule,  d'ori- 
gine naturelle,    aurait  été   accentuée   par   un    travail    d'utilisation.  Le 
u  motif  d'ornementation  »  esl    formé   par   la  0  croûte   naturelle  »  de  la 
roche  qui  a  été  réservée  de  manière   à    obtenir  une  figuration  ovalaire, 
légèrement  en  relief,  et   encadrée   d'un   petit   sillon.  Des  retouches  par 
niai  tellement  sont  visibles  au  bas  de  I'  «  ornement  ». 

M.  B. 

Natillb  (Edouard).  Les  dessins  des  vases  préhistoriques  égyptiens,  (Exlr.  dos  Archives 
dWnlhropologie  générale,  i.  II,  1910  1917,  pp.  77-82,  avec  4  plancl, 

Il    ^'agit   des  prétend. 15   bateaux  figurés  sur  des  vases  égyptien    tfès 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

archaïques,  Déolitliiques,  et  dont  il  a  été  plusieurs  fois  question  dans 
cette  Revue  (V.  t.  \,  p.  T>i(i,  t.  \ï,  pp.  n5,  347,  /|85).  Cette  hypothèse 
des  bateaux  a  été  proposée  par  M.  de  Morgan  et  adoptée  par  plusieurs 
égyptologues,  notamment  par  M.  Pétrie.  Dans  res  derniers  temps,  à  la 
suite  d'un  archéologue  anglais,  M.  Cecil  Torr.  M.  Loret  et  d'autres 
savants  ont  proposé  une  nouvelle  explication  à  laquelle  se  rallie 
M.  Naville  et  qu'il  appuie  d'intéressantes  considérations.  «  11  ne  s'agit 
point  de  barques  mais  de  villages  néolithiques  protégés  par  un  parapet 
et  une  palissade  comme  on  en  trouve  dans  plusieurs  pays  d'Europe.  » 
Le  peuple  représenté  par  ces  dessins  était  un  peuple  chasseur,  puisque 
les  animaux  figurés  sont  des  Antilopes,  des  Autruches,  même  des  fauves 
du  désert  et  nullement  des  animaux  domestiques.  Il  ne  semble  donc 
pas  que  la  vie  sur  l'eau  ait  pu  jouer  chez  eux  un  grand  rôle.  L'étude  des 
divers  motifs  de  figurations  conduit  à  des  explications  toutes  différentes 
de  celles  qui  ont  été  proposées  et  plus  rationnelles.  Les  lignes  en  zigzag 
parallèles  ne  sauraient  représenter  l'eau,  puisque  les  barques  ne  trempent 
jamais  dans  l'eau;  elles  peuvent  tout  aussi  bien  figurer  les  ondulations, 
les  rides  du  sable  du  désert.  Les  prétendues  rames,  si  nombreuses,  si 
serrées,  toujours  situées  au  dessous  de  la  coque  du  prétendu  bateau 
représentent  plutôt  la  palissade  d'un  enclos.  Les  cahutes  des  bateaux, 
sont  bien  des  habitations,  mais  des  huttes  terrestres  et  il  n'est  pas 
surprenant  de  voir,  dans  l'enceinte  et  autour  de  ces  huttes,  des  repré- 
sentations d'animaux  et  des  arbres,  etc.  Une  certaine  figure,  très 
fréquente,  composée  de  lignes  concentriques,  nous  est  expliquée  par 
l'ethnographie  «  trop  peu  souvent  consultée  quand  il  s'agit  d'archéo- 
logie égyptienne  ».  Elle  représente  un  tertre  au  sommet  duquel  est  un 
vase  surmonté  lui-même  d'un  arbre.  Ce  seraient  un  autel  et  un  arbre 
analogues  à  l'autel  et  à  l'arbre  du  village.  «  l  ne  connaissance  plus 
approfondie  de  ce  que  sont  les  Africains  encore  primitifs  nous  appor- 
tera la  solution  de  bien  des  difficultés  qui  nous  arrêtent  dans  l'étude 
de  l'antiquité  égyptienne.  » 

M.  R. 


Hawk.es  (E.  \\ .  |  cl  LiTiTOM  (Ralph).  À  pre-Lenape  site  in  New-Jersey  (Une  station  anté- 
rieure aux  Lenape  dans  I»-  New-Jersey).  Anlhropological  Publications  Universit y 
Musenm,   Vol.  \i.  n°  .''>,  Philadelphie  1910. 

La  localité  en  question  est  située  aux  environs  de  Trenton,  à  quelques 
kilomètres  de  la  rivière  Delaware  ;  elle  ressemble,  par  suite,  beaucoup 
aux  localités  explorées  dans  la  même  région  par  M.  Volk.  Mais  ici  la 
coupe  des  terrains  est  moins  complète.  Elle  comprend  les  éléments 
supérieurs  de  celle  de  Volk  la  couche  superficielle  ou  sol  noir  (black  soil), 
qui  est  indienne,  et  le  limon  ou  sable  jaune  (yellow  drift),  qui  est  pré- 
historique. Manquent  ou  n'ont  pas  été  atteints  les  graviers  sous-jacents, 


MOU!  r\MM     5<  il .\  l  II  [Ql  l 

le  Trenton  gravel,  où  gisent  les  fameuses  pierres  taillées  sur  lesquelles 
on  a  tant  discuté  (Voir,  pour  cette  stratigraphie,  Le  résumé  que  j'ai  donné 
île  l'ouvrage  de  Yolk,  dans  L'Anthr.  t.  XXII,  p.  68^). 

Les  documents  recueillis  par  les  auteurs  soûl  doue  étrangers  à  la  ques- 
tion de  «  L'homme  glaciaire  »  taudis  qu'ils  nous  montrent  peut  être  un 
lien  entre  les  Indiens  modernes  et  leurs  prédécesseurs  qui  employaient 
des  instruments  en  argilite.  11  est  certain  qu'il  y  a  eu  une  période,  une 

culture  de  1  argilite  et  qu'elle  se  rapporte  à  une  population  qui  peut 
-  tre  appelée  pré-Delaware  ou  pré-Lenape,  sans  qu'elle  soit  pour  cela  pré- 
Indienne. 

Les  auteurs  donnent  une  coupe  et  uu  plan  de  leurs  fouilles.  On  y  voil 
des  fosses  à  feu  (Jlre  pits)  comme  celles  décrites  par  Volk,  et  c'est  autour 
de  la  plus  grande  de  ces  fosses  qu'étaient  disposées  en  rangées  parallèles 
les  dépôts  ou  «  cachettes»  [caches)  d'objets.  Ces  cachettes  peuvent  être 
divisés  en  deux  groupes,  l'un  contenant  des  bannerstones  et  autres 
objets  de  cérémonie,  l'autre  contenant  des  têtes  de  lance  avec  des  frag- 
ments osseux.  Les  cachettes  les  plus  riches  étaient  les  plus  voisines  de 
la  fosse,  position  qui  est  peut  être  en  rapport  avec  la  richesse  ou  le  rang 
des  propriétaires  des  objets. 

La  description  de  ces  objets  :  lances,  couteaux,  pointes  de  flèches  ou 
de  harpons,  tous  en  argilite,  est  accompagnée  de  photographies.  Les 
curieuses  pierres  polies  et  percées,  sur  la  véritable  nature  desquelles  on 
n'est  pas  très  fixé  et  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  bannerstones,  foi  ment 
une  série  nombreuse  de  formes  assez  variées  suivant  que  les  «  ailes  » 
sont  plus  ou  moins  développées.  Les  auteurs  les  figurent  en  donnant 
des  détails  sur  le  mode  de  fabrication.  On  a  aussi  trouvé  d'autres  objets 
de  cérémonie;  quelques  pointes  de  traits  particulièrement  grandes  et 
belles,  de  petites  haches  d'un  type  nouveau  pour  le  New  -Jersey,  des 
houes  (?),  de  petits  marteaux,  des  cailloux  peints,  etc. 

La  succession  des  industries  peut  être  ainsi  résumée.  Une  première 
période  est  caractérisée  par  une  industrie  grossière,  exclusivement  en 
argilite;  une  seconde  époque,  qu'on  peut  appeler  période  intermédiaire, 
est  aussi  caractérisée  par  l'emploi  de  largilite,  mais  d'un  travail  supé- 
rieur, et  par  les  origines  de  la  poterie.  Une  troisième  et  dernière  période 
répond  à  L'industrie  qu'on  trouve  ordinairement  à  la  surface  du  sol  du 
\ -Jersey.  La  période  intermédiaire  ressemble  davantage  à  la  première 
qu'à  la  troisième. 

La  durée  correspondante  à  la  formation  de  chaque  strate  ne  peut  être 
déterminée  exactement  mais  elle  est  certainement  très  grande,  à  moins 
que  le  dépôt  de  sable  jaune  ne  soit  d'origine  éolieune,  comme  le  croit  le 
logue  Brou  n,  ce  qui  réduirait  de  beaucoup  cette  durée. 

M.  B. 


M0CVEME.N  !     SCIENTI1  [QUE. 

Gifford  (Edward  Winlow).  Composition  of  Caifomia  shell- mounds  (Composition  deï- 
tnounds  coquillers  de  Californie"),  liniversity  of  Cali/ornia  Publications  in  Amer. 
Archselogy  and  Elhnology.  Vol.  12,  n<>  1.  pp.  1-29,  1916. 

Cette  publication  d'archéologie  américaine  doit  intéresser  les  archéo- 
logues européens  par  l'originalité  de  la  méthode  de  recherches  dont  elle 
témoigne. 

De  nombreux:  prélèvements  ont  été  faits  par  l'auteur  dans  les  dépôts 
constitutifs  des  mounds  des  environs  de  San  Francisco  et  d'autres 
points  de  la  Californie,  à  leur  surface  et  à  diverses  profondeurs.  84  ana- 
lyses physiques  de  ces  prélèvements  ont  été  exécutées  en  criblant  la 
matière  dans  trois  tamis  aux  mailles  de  plus  en  plus  serrées.  Le  pro- 
duit de  chaque  tamisage  a  été  trié  à  l'œil  et  les  diverses  catégories  de 
substances  constituantes  ont  été  pesées.  Le  plus  fin  résidu  a  été  ana- 
lysé chimiquement. 

Les  dépôts  des  mounds  comprennent  sept  matières  principales  :  débris 
de  poissons  (os  et  écailles);  autres  débris  d'animaux  vertébrés;  coquilles 
(presque  entièrement  de  Mollusques,  mais  aussi  de  Cirrhipèdes,  de 
Crabes  et  d'Oursins);  charbons;  cendres;  résidus  (terre,  sable,  pous- 
sières de  charbon,  etc.),  Les  substances  coquillières  sont  les  plus  abon- 
dantes, en  moyenne  52  o/o  du  poids  total. 

On  peut  grouper  ces  matières  en  trois  groupes  ;  i°  Débris  de  Verté- 
brés et  coquilles  représentant  des  produits  de  nature  animale;  2°  Char- 
bons et  cendres,  sous-produits  de  la  combustion;  3°  Roches  et  résidus 
inorganiques.  Le  premier  groupe  représente  environ  5a  o/o  du  poids 
total;  le  deuxième  groupe,  i3  o/o;  le  troisième,  35  o/o.  Tout  cela  est 
détaillé  dans  de  nombreux  tableaux  analytiques. 

Les  coquilles  sont  surtout  des  Moules  (Mytilus  edulis),  des  Telliues 
{Macoma  nasuta),  des  Huîtres  (Ostrea  lurida),  avec  parfois  quelques 
Gastn  -podes  (Cerithidea  calif arnica). 

Les  résultats  des  analyses  n'accusent  aucun  changement  dans  le>  con- 
ditions de  milieu  pendant  toute  la  durée  de  l'édification  des  mounds, 
conditions  identiques  à  celles  qui  existaient  à  l'arrivée  des  Blancs.  C'est 
ainsi,  pour  ae  prendre  qu'un  exemple  parmi  ceux  que  donne  l'auteur, 
que  la  présence  de  grandes  quantité  de  coquilles  d'Huîtres,  dans  les 
mounds  de  La  ré^i<»n  centrale  de  le  baie  de  San  Franscisco,  correspond 
bien  aux  condition  actuelles  de  la  mer  voisine.  On  observe  parfois  des 
variations  dans  la  prépondérence  de  telle  ou  telle  espèce  de  Mollusque 
à  divers  niveaux  des  dépôts,  mais  ces  variations  n'impliquent  pas, 
contrairement  à  l'opinion  de  Nelson,  des  changements  physiographiques  ; 
elles  s'expUquenI  bien  plus  simplement  parla  raréfaction  momentanée, 
à  i.i  suite  par  exemple  d'une  grande  consommation,  de  telle  ou  telle 
espèce.  Les  différences  de  conservation  des  coquilles,  qui  sonl  plus  ou 


Mol  \  I  mi      I  [1      Ml  l"l  I  • 

moins  lu  i  n  pondent  pas  davantage  à  des  époques  différentes  uni. s 

doivent  être  attribuées  à  L'action  humaine  elle-même. 

Divers  auteurs  ont  cherché  à  évaluer  l'âge  de  certains  mound  en 
par  la  ni  d<-  leur  volume  el  de  la  vitesse  probable  <lr  leur  accroissement, 
déterminée  elle  même  d'après  la  quantité  de  nourriture  malacologique 
exig«  e  par  un  certain  nombre  de  familles  li\é  assez  arbitrairement. 

M  Giflbrd  arrive  sensiblement,  à  cel  égard,  aux  mêmes  résultatsque 
M  Velson  I  Elliï  Landing  mound.  par  exemple,  représenterai!  une 
duo     d(  us  environ  ;  celui  d'Emeryville,  3. 3oo  ans.  Ces  chiffres 

donnenl  !«■  nombre  d'années  correspondant  à  l'accumulation  des  maté- 
riau* el  non  l'âge  réel  du  mound,  cela  \a  sans  dire. 

\lai>  il  est  d'autres  mounds,  plus  riches  en  cendres  que  les  pri 
dents  et  dont  l'édification  a  dû  se  faire  pins  lentement.  Le  problème  de 
l'âge  de  tous  ces  monuments  esl  complexe.  Il  dépend  de  beaucoup  de 
données  sur  ta  densité  de  la  population,  sur  ses  caractères  archéolo- 
_ i ■  i h •  •  I  anthropologiques,  el  il  t'aul  faire  entrer  toutes  ces  données  en 
lign<  de  compte. 

M.  B. 

I    i       I»  *  sésamoïdes  de  la  main  humaine  {Comptes -rendus  des  séa?ices  de  la 
.  >le  Biologie,  1918,  u°  16,  p.  829  832), 

ndant  à  la  main  humaine  des  recherches  antérieures  sur  les  sésa- 
moïdesde  la  patte  des  Carnivores,  M.  Retterer  discute  à  ce  sujet  lès 
données  fournies  par  les  classiques,  données  liés  différentes  d'un 
auteur  à  l'autre  quanl  à  la  nature  et  au  nombre  même  des  sésamoïdes 
d<   !i  main. 

On  a  voulu  voir;  dans  ces  sésamoïdes,  des  vestiges  de  doigts  surnu- 
méraires ayant  existé  chez  les  \  ertébrés  inférieurs.  Pour  M.  Retterer,  ce 
sont  des  acquisitions,  des  néoformations,  dues  a  raction  des  facteurs 
externes,  mécaniques.  Il  est  des  sésamoïdes  osseux  ;  ce  sont  les  plus  con- 
nus, el  souvenfmême  les  seuls  connus.  Mais  il  enestausside  fibreux,  de 
\iculo-fibreux  et  de  cartilagineux.  Ce  sont  le  degré  d'intensité  el  la 
fréquence  des  excitations  mécaniques  qui  déterminent,  dans  le  tissu 
conjonctif,    l'apparition   de   ces   diverses  variétés  de  sésamoïdes.    Par 
mple,  l'articulation  métacarpo-phalangienne  du  pouce  humain  p< 
i  té  palmaire,  deux  sésamoïdes  osseux,  de  même  que  les  arti- 
culations métacarpo-phalangiennes  des  Quadrupèdes.  Ces  articulations 
n'uni   que  des   mouvements  d'opposition,  qui,  exerçant   une   pression 
considérable  sur   la   portion  palmaire  de  la  capsule,  en  déterminent 
L'évolution  osseuse. 
Quanl  à  La  répartition  des  sésamoïdes  de  la  main  humaine,  M.  Rettc- 
ji    les  mon-,  (\\m  sujei   (espagnol)  de   26  ans:   cinq 
imoïdes  osseu*  et  quatorze /vésiculo-conjonctifs  à   la  face   palmaire 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

de  la  main  droite,  trois  osseux  et  seize  vésiculo-conjonctifs  à  la  face 
palmaire  de  la  main  gauche;  à  la  face  dorsale,  les  tendons  ou  la  cap- 
sule présentent  autant  de  sésamoïdes  vésiculo-conjonctifs  qu'il  y  a 
d'articulations  c'est-à-dire  quatorze.  Chacune  des  mains  de  ce  sujet 
possédait  aussi  trente-trois  sésamoïdes  vésiculo-conjonctifs  ou  osseux. 

H.  Neuville. 

Réitérer  (Ed)  et  Nelville  (H.)  Des  proportions  de  la  main  de  quelques  Singes 
(Comptes-rendu*  des  séances  de  la  Soc.  de  Biologie,  1918,  n°  19,  p.  960-963). 

De  nombreux  auteurs  ont  étudié  la  main  humaine  à  divers  points  de 
vue  i  <  Lledu  Singe  Ta  été  beaucoup  moins.  Il  est  cependant  intéressant 
de  suivre  les  variations  qu'elle  présente  d'un  groupe  de  Singes  à 
l'autre,  et  de  comparer  ces  variations  à  celles  de  la  main  humaino. 

D'après  les  recherches  de  MM.  Retterer  et  Neuville,  la  longueur  du 
premier  rayon  digitifere  humain  (c'est-à-dire  le  pouce  entier,  y  compris 
son  métacarpien)  est  à  celle  du  troisième  rayon  (celui  du  médius), 
comme  5  est  à  7  ou  à  8.  Le  premier  rayon  digitifere  des  Singes  n'atteint 
que  la  moitié  environ  de  la  longueur  du  troisième.  Dans  les  fretin 
humains  et  les  jeunes  Singes,  le  second  et  le  troisième  métacarpien  ont 
à  peu  près  même  longueur  ;  chez  l'Homme  adulte,  le  second  métacar- 
pien devient  presque  toujours  plus  long  que  lr  troisième,  tandis  que 
chez  la  plupart  des  Singes  adultes,  c'est  le  troisième  métacarpien  qui 
l'emporte  sur  le  second. 

L'atavisme  ne  doit  pas  être  la  cause  de  cet  allongement  du  second 
métacarpien  humain,  car  les  autres  Mammifères,  auxquels  MM.  Rette- 
rer et  Neuville  ont  consacré  dos  Notes  spéciales,  possèdent  toujours  un 
troisième   métacarpien   plus   Ion-   que  le  second,   la  quatrième  ou  le 

Il    N 
cinquième.  "     >- 

Retterer  (Ed.)  et  Neuville  (11.  t.  Des  articulations  métacarpo-phalangiennes  de  quelques 
Singes  (Comptes-rendus  des  séances  de  la  Soc.  de  Biologie,  1918,  n«  21,  p.  1101- 
1107). 

articulations  de  la  main  (les  Singes  présentent,  d'un  genre  .à 
l'autre,  des  différences  morphologiques  parfois  considérables.  La  con- 
formation  des  surfaces  articulaires  varie,  el  cette  conformation  esl  en 
rapporl  avec  I . »  genèse  des  sésamoïdes.  De  même  que  l'Homme,  le 
Chimpanzé  possède,  dans  ses  quatre  métacarpiens  externes,  une  lête 
articulaire    plus   ou   moins    hémisphérique,   permettant  à   la    l'ois  la 

flexion,   l'extensi >1   l'inclinaison  latérale  de  la  première  phalange  : 

ce  sonl  là  des  énarthroses.  Dans  ces  mouvements  de  circumduction  et  de 
rotation,  variés  el  étendus,  la  tête  articulaire  glisse  et  frotte  légèremeni 
5ur  I;,  capsule.  La  structure  hisiologique  de  celle-ci  est  en  rapport 
avec  1 1  |  action  remplie  :  elle  devient  fibreuse,  véticulo  fibreuse,  ou  par- 
tiellement fibro-cartilagineuse. 


BfQI  \  imi:n  i    s<  un  iiikiie.  069 

1  -  articulations  métacarpo-phalangiennes  des  Singes  non-anthro- 
poïdes se  rapprochent,  par  la  conformation  de  leurs  surfaces  articu- 
laires, de  L'articulation  métacarpo-phalangienne  du  pouce  humain: 
sont  des  charnières  ou  gingl)  mes  angulaires,  où  prédominent  La  flexion 
el  L'extension.  Au\  mouvements  assez  durs  qu'exécutenl  ces  articula- 
tions correspond  une  structure  cartilagineuse,  puis  osseuse,  de  certaines 
parties  de  La  capsule  articulaire,  où  apparaisseent  ainsi  des  sésamoïdes. 

V  an  poinl  tic  vue  général,  ce  qui  ressort  des  trois  notes  précé- 
dentes  est  la  confirmation  des  observations,  déjà  si  nombreuses  et  si 
variées,  faites  par  M.  Retterer  quant  à  la  transformation  <\r>  espèces 
cellulaires  sous  l'influence  do>  excitants  mécaniques.  L'étude  des  con- 
ditions  dans   lesquelles  se  trouvent   placées  des  articulations   homo- 

gues,  mais  différemment  conformées  el  susceptibles  d'accomplir  des 
mouvements  différents,  montré  (pic  les  éléments  conjonctifs  de  la 
capsule  subissent  des  transformations  correspondant  à  la  nature  de  ces 
mouvements,  el  aboutissanl  aux  structures" fibreuses,  vêsiculo-fibreuses, 
cartilagineuses,  ou  osseuses,  qui  caractérisent  les  divers  sésamoïdes. 
V  L'emploi  des  mois  d'adaptation  et  d'atavisme,  si  commodes  qu'ils 
tiennent  lieu  trop  fréquemment  de  la  connaissance  approfondie  des 
faits  auxquels  ils  servent  d'explication,  est  ainsi  substituée  l'analyse 
anatomique.  Et  La  comparaison  des  données  établies  de  cette  manière 
est  Incontestablement  plus  explicative  que  ne  le  sont  les  théories  basées 
sur  de  simples  apparences,  voire  sur  de  simples  raisonnements. 

Il .  Neuville. 

Akanzadi  (Telesforo  de).  De  antropologia  de  Espaùa  (De  l'anthropologie  de  l'Espagne). 
Extrait  de  la  Revue  Estudio,  t.  XII.  Broch.  in-8°,  89  pages,  10  cartes,  3  diagrammes 
et  3  pi.  en  simili.  Barcelone,  1915. 

Bien  que  ce  travail  ait  paru  pendant  le  quatrième  trimestre  de  1916, 
et  que  mes  fonctions,  durant  la  guerre,  ne  m'aient  pas  permis  d'en 
rendre  compte  plus  tôt,  je  ne  saurais  le  laisser  ignorer  à  nos  lecteurs. 
L'auteur  est,  en  effet,  L'un  des  plus  qualifiés  d'Espagne  pour  Irai  ter  de 
l'anthropologie  de  la  Péninsule  ibérique,  à  Laquelle  il  a  déjà  consacré. 
seul  ou  en  collaboration  avec  le  1)'  rjoyos,  plusieurs  ouvrages  estimi 

Dan-  le  mémoire  que  je  signale  aujourd'hui,  Vranzadi  a  mis  en 
œuvre  ses  documents  personnels  et  ceux  publiés  par  ses  compatriotes; 
1  une  sorte  de  synthèse,  lié-  judicieusement  commentée,  des  con- 
naissances actuelles  sur  lés  races  qui  se  sont  an  algamées  pour  donner 
naissance  au  peuple  espagnol.  Ce  qui  t'ait  le  mérite  de  son  travail,  c'est 
qu'il  ne  reposeras  sur  l'étude  d'un  caractère  isolé,  comme  ceux  du  pro- 

sseur  Olôriz  qui  s'esl  occupé  d'abord  de  la  Distribution  géographique 
de  Yindice  céphaliqueen  Espagne,  puis  de  La  taille  humaine  en  Espagne; 

l'amthropologib.  —  t.  xxix.  —  1918-1919  24 


370  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

il  1  e  sur  l'examen  de  dix  Luit  caractères  différents,  qui  sont  loin, 

comme  le  reconnaît  l'auteur,  d'avoir  la  même  valeur  mais  qui  permettent, 
néanmoins,  d'aboutir  à  des  conclusions  plus  solidement  établies.  Dans 
le  travail  dont  j'ai  rendu  compte  naguère  (Cf.  L'Anthropologie,  t.  XXVII, 
p.  2901.  Luis  Sanchez  Fernandez  avait  aussi  envisagé  divers  caractères, 
au  nombre  de  dix,  mais  pour  dégager  ce  qu'il  appelai!  «  le  type  bon  0 
il  avail  opéré  une  sélection  un  peu  critiquable  :  il  n'avail  l'ait  porter 
observations  que  sur  des  soldats  de  20  ans.  Vran/adi  remarque  fort 
justement  que  cette  façon  d'opérer  a  eu  pour  résultat,  par  exemple, 
d'exagérer  la  moyenne  de  la  stature,  puisque  les  statistiques  démontrent 
qu'en  Espagne,  où  la  taille  requise  pour  le  service  militaire  doit 
atteindre,  au  minimum,  1  m,  5^5,  le  nombre  des  exemptés  pour  défaut 
de  taille  s'élève  à  29,  1  0/0  de  la  population  masculine. 

Il  ne  faudrait  pas  croire,  cependant,  qu'Aranzadi  ulilise  toutes  les 
données  recueillies  sans  discernement;  il  a  trop  l'esprit  scientifique 
pour  agir  ainsi.  Il  a  grand  soin  de  noter  que,  pour  chaque  caractère  en 
particulier,  les  observations  portent  sur  un  chiffre  extrêmement 
variable  de  sujets  et  que.  par  suite,  les  déductions  qu'on  en  tire 
n'offrent  pas  le  même  degré  de  certitude.  Il  commente  les  résultais 
auxquels  conduit  l'étude  de  chaque  caractère  avec  beaucoup  de  sagacité. 
subordonnant  les  moins  importants  à  ceux  d'une  fixité  beaucoup  plus 
grande.  Il  ne  m  laisse  pas  séduire  par  cette  idée  simpliste  qu'en 
Europe,  il  n'existe  que  trois  races  ;  h  une  blonde,  dolichocéphale,  de 
taille  élevée;  une  autre,  brachycéphale,  avec  des  cheveux  et  des  yeux 
châtains  et  une  stature  moyenne;  une  troisième,  brune,  dolichocépale, 
d<-  petite  taille.  )) 

Il  n'admet  pas  non  pins  «  comme  définitive  »  la  classification  de 
Deniker,  dont  «  la  matière  première  ayant  servi  à  son  travail  a  été 
compilée  dans  des  livres  et  des  revues,  et  systématisée  sans  confronta- 
tion avec  la  réalité  ».  Les  deux  races  qui,  d'après  ce  système,  devraient 
être  le  mieux  représentées  en  Espagne  n'ont  point,  dans  la  Péninsule, 
l'importance  (pic  Deniker  leur  assigne. 

Ces  idées,  Aran/adi  ne  les  émet  pas  à  priori,  il  ne  les  énonce  qu'après 
avoir  étudié,  sans  aucune  idée  préconçue,  chacun  des  caractères  sur 
lesquels  est  basé  son  travail.  L'examen  analytique  de  chaque  caract 
est  accompagné  de  commentaires  judicieux,  et  des  cartes,  un  peu 
grossières  mais  très  claires,  permettent  de  se  rendre  compte,  d'un 
simple  coup-d'œil,  des  variations  qu'on  observe  d'une  province  à 
l'autre. 

Après  cette  étude  analytique  et  avant  d'aborder  le  problème  des 
races,  l'auteur  en  applique  les  résultats  à  tontes  les  provinces  espa- 
gnoles, péninsulaires  et  insulaires,  non  pas  parce  qu'il  considère  chaque 
division    administrative  comme  une  entité  ethnique,  mais  simplement 


Mouvement  scientifique.  371 


parce  que  1rs  provinces  sont  les  seules  unités  dans  lesquelles  l'anthro- 
pologista    puisse   actuellement  évoluer  pour  la  raison  suivante  :    les 
statistiques  auxquelles  il   esl  obligé  d'avoir  recours  résument,  en  les 
totalisant,  les  observations  individuelles  faites  dans  chaque  régioni  et 
l'analyse  des  éléments  qui  entrenl  dans  le  total  est  impossible  lorsqu'on 
empruntée  autrui  des  documents  qui  ue  représentent  que  des  moyennes. 
Ceric-  Iranzadi  ne  pouvait  procéder  d'une  façon  différente,  mais  il  est 
bien  regrettable  qu'il  n'ai!  pas  eu  un  nombre  suffisant  d'observations 
individuelles  détaillées.   En    Espagne,   eu  effet,    comme    dans    toute 
L'Europe,  et  plus  encore  que  dans  certains  autres  pays,  des  types  mul- 
tiples se  sont  mélangés,  et  ces  mélanges  apparaissent  d  an  s.les  différentes 
provinces  de  la  péninsule.  Lorsqu'on  établit  les  moyennes  d'une  région 
en  confondant  les  chiffres  les  plus  divers^   on  courl   risque  d'aboutir  à 
un  type  factice,  qui  ne  répond  en  rien  à  la   réalité.  El  ce  qui  est  vrai 
pour  une  région  l'esl  encore  bien  plus  quand  en  réunit  sans  'discerne- 
ment les  chiffres  obtenus  dans  plusieurs  provinces.  C'est  ce  que  pro- 
clame fort  justement    Aran/adi  lorsqu'il  dit:  «    La  confusion  n'est  pas 
une    véritable    synthèse,  et   en   réunissant  à  l'amalgame  indiqué  plus 
liant    les    habitants    du  (iuadiana,  du  Guadalquivir  et   de  SegUra    poul- 
ies   opposer    aux    Castillans    et    pour    mettre    en    Opposition    ces   deux 
groupes  avec  les    Vslurienset  les  Galiciens,  il  en  résulte,  sur  le  papier, 
trois  groupes  qui  ne  sonl  point  de  véritables  types  humains.  De  même, 
il   ne    ressort  rien   d'objectif  quand  on   oppose  aux    Asluriens   et   aux 
Galiciens  tous  les  autres  sujets  confondus  en  un  seul  groupe  et  quand 
on  qualifie  le  premier  groupe  de  Celles  et  le  reste  d'Ibères.  Qu'y  a-l-il 
d'étrange,  par  suite,  à  ce  ([n'en  réunissant  dans  chaque  groupe  les  uni- 
lés  les   plus    diverses,    les   groupements,    au   Fui-  et   à    mesure    qu'ils 
s'agrandissent,  arrivent  à  être  de  moins  eu  moins  différents  entre  eux'.1  » 

Ces  épithètes  de  Celtes,  d'Ibères,  de  Pyrénéens,  de  Méditerranéens ,  ont 
été  employées  à  tort  et  à  travers.  Sanchez  a  réuni,  sous  le  nom  d'Ibères 
des  populations  qui  n'ont  de  commun  que  leur  taille  élevée  et  leur 
corpulence,  caractères  qu'il  met  sur  le  compte  du  climat  et  du  sol,  et 
non  de  la  race,  ce  qui  est  une  exagération.  Il  en  résulte,  dit  Aran/adi, 
«  qu'on  donne  le  nom  d'ibère  à  un  type  purement  physiologique  et 
nullement  anthropologique.  » 

Parmi  les  Celtes,  on  a  voulu  classer  tous  les  bracliuépbales 
d'Espagne,  dont    |;i    proportion  est    «railleurs  1res  Faible,  si  on  ne    lient 

mp te  que  des  individus  ayant  un  indice  de  85  au  minimum.  Dans  les 
deux  provinces  où  ils  existent  en  plus  grand  nombre  —  ()\  iedo  et  Sau- 
lander  —  la  population  est  iiès  hétérogène.  Ils  semblerait  qu'un  indice 
cépbalique  élevé  s'associerait  chez  elle  à  un  nez  aquilin,  quoique  le  Fait 
ne  soit  pas  1res  évident;  mais  si  l'on  envisage  les  autres  caractères,  par 

temple  la  taille,  la  dentition,   etc.,  on  n'observe  plus  de  corrélation 


372  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

avec  la  brachycéphalie.    Il  est  donc  vraisemblable  que  les  brachycé- 
phales    espagnols    appartiennent   à   plusieurs     types.    D'ailleurs,    les 

découvertes  préhistoriques  ont  montré  que  des  individus  à  crâne  court 
vivaient  au-delà  des  Pyrénées  longtemps  avant  l'arrivée  des  Celtes. 

\ranzadi  se  demande  s'il  est  possible  d'admettre  les  deux  races  ibèro- 
insalaire  et  atlanto-méditerranéenne  de  Deniker,  et  voici  sa  réponse: 
«  Des  provinces  méditerranéennes,  deux  à  peine  répondraient  à  la  carac- 
téristique que  donne  Deniker  pour  la  seconde  de  ces  races,  et  seule- 
ment par  l'indice  céphalique  et  la  taille,  si  la  limite  des  dolichocé- 
phale -  se  place  très  bas;  trois  provinces  du  golfe  de  Biscaye  s'incorpo- 
reraient au  groupe.  A  la  première  race  de  Deniker,  à  peine  correspon- 
draient Soria  et  Zamora.  Les  provinces  méditerranéennes  ne  sont  ni 
mésocéphales  ni  leptorhiniennes,  et  les  insulaires  ne  sont  pas  de  basse 
stature;  on  peut  à  peine  dire  que  la  Basse  Andalousie  soit  de  bonne 
taille.  Pour  admettre  le  système  de  Deniker  en  Espagne,  il  nous  faudrait 
accumuler  hypothèses  sur  hypothèses  relativement  à  des  races  métisses 
et  modifiées;  tout  cela,  après  avoir  précisément  tiré  la  dénomination 
dune  de  ces  races  de  notre  Péninsule  et  des  îles,  et  après  avoir  utilisé, 
comme  un  de  ses  principaux  caractères  distinctifs,  l'un  de  ceux  qui 
sont  les  plus  modifiables  par  les  conditions  de  croissance.   » 

De  ce  qui  précède,  il  ressort  que  le  problème  ethnologique,  en 
Espagne,  est  fort  complexe  et  d'une  solution  difficile.  Arauzandi  ne  se 
flatte  pas  de  l'avoir  résolu.  11  ne  se  prononce  pas  définitivement  sur 
l'origine  des  divers  types  brachycéphales  de  la  Péuinsule,  mais  il  est 
tenté  de  croire  que  ceux  d'Andalousie,  d'Estramadure  et  de  la  Manche 
ne  se  rattachent  pas  aux  Celtes.  Etant  données  les  relations  qui 
existaient  dès  les  temps  préhistoriques  entre  le  Sud  de  l'Espagne  et  les 
rives  de  la  mer  Egée,  l'élévation  de  l'indice  céphalique  dans  les  pro- 
vinces méridionales  pourrait  bien  être  due  à  des  éléments  venus  de 
Tunisie,  de  Grèce  ou  d'Asie  mineure.  Quant  à  la  présence  de  type 
sémitique  ou  phénicien,  elle  pourrait  s'expliquer  d'une  façon  à  peu 
près  analogue 

En  Laissant  de  côté  ces  divers  types,  Aranzadi  formule  ses  conclusions 
dans  les  termes  suivants:  «  Nous  admettrons,  en  nous  basant  sur  les 
faits  étudiés  jusqu'ici,  une  race  méditerranéenne,  qui  domine  principa- 
lement dans  la  moitié  orientale  et  méridionale  de  l'Espagne;  une  race 
pyrénéenne  occidentale,  qui  s'étend  surtout,  dans  le  nord  de  la  Pénin- 
sule et  dont  il  faudrait  distinguer  les  représentants  épars  de  Cro- 
Magnon;  une  race  nordique,  qui  s'est  répandue  à  diverses  époques 
dans  les  territoires  occupés  par  les  deux  autres,  à  partir  des  Pyrénées  ; 
une  race  alpine,  que  certains  appellent  celtique  et  qui  est  répandue 
dan-  le  nordrouest  en  pins  ou  moins  grande  connexi té  avec  les  précé- 
dentes.  Que   ce   -"il   a  celle-ci  ou  à  une  antre   de  l'Asie   Mineure  qu'il 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE.  $j$ 

faille  attribuer  la  mésocéphalie  méridionale  et  [a  quasi-brachycéphalie 
gaditane,  c'est  là  un  problème  à  étudier  avec  plus  de  détails  et  de 
temps.  » 

Il  reste,  certes,  beaucoup  de  questions  à  élucider,  mais  nos  amis 
d'Espagne  se  sont  mis  à  la  besogne  et  les  travaux  comme  celui  que  je 
viens  d'analyser  rapidement  nous  donnenl  l'espoir  que  les  anthropolo- 
gistes  espagnols  ne  tarderont  pas  à  projeter  de  la  lumière  sur  les 
points  encore  obscurs. 

\\.  Verneau. 

Mel  (Alfred).  Les  industries  de  la  Céramique  à  Fès,  1  vol.,  320  pages,  22G  figures.  Alger, 
Carbonnel.  Paris,  Leroux,  1918. 

Cet  ouvrage  est  le  plus  important  qui  ait  été  publié,  jusqu'à  ce  jour, 
sur  la  Céramique  marocaine.  Son  auteur,  actuellement  Directeur  de  la 
Médersa  de  Tlemcen,  est  un  arabisant  de  grand  mérite  que  je  n'ai  pas 
besoin  de  présenter  plus  longuement  aux  lecteurs  de  L'Anthropologie. 

Appelé  au  Maroc  pour  étudier  l'organisation  de  l'enseignement  musul- 
man à  tous  les  degrés,  M.  B.  a  mis  à  profit  un  séjour  de  trente  mois  à 
Fès,  de  igi4  à  191 6,  pour  observer  de  très  près  les  ateliers  et  les  arti- 
sans. Grâce  à  sa  profonde  connaissance,  non  seulement  de  la  langue 
mais  surtout  des  indigènes,  il  a  su  capter  la  confiance  de  ceux-ci  au 
point  qu'il  a  pu  les  photographier  en  plein  travail,  chose  très  difficile 
à  obtenir  de  la  part  d'un  profane.  Ce  seul  détail  en  dit  plus  long  qu'un 
long  commentaire  !  - 

M.  B.  nous  initie  à  tous  les  détails  de  fabrication,  depuis  l'extraction 
de  l'argile  bleue  ou.  jaunâtre  jusqu'à  la  pièce  décorée  et  prête  pour  la 
vente.  Son  ouvrage  sera  donc  consulté  avec  fruit  par  tons  ceu\  qui 
s'intéressent  à  l'ethnographie,  à  la  sociologie,  aux  arts  et  aux  industries 
indigènes  du  nord  de  l'Afrique,  et  même  par  les  arabisants,  car  l'ouvrage 
esl  plein  de  termes  techniques,  hier  encore  ignorés. 

I  ne  riche  documentation  bibliographique  émaille  tout  l'ouvrage  et 
permet  le  contrôle  des  références.  De  plus,  de  très  nombrenses  photo- 
graphies et  croquis  illustrent  ce  travail  :  c'est,  en  un  mot,  une  monogra- 
phie modèle  pour  les  autres  industries  indigènes  telles  que  le  cuivre, 
le  cuir,  le  bois,  etc.  qui  attendent  encore  leur  historien. 

L'auteur  nous  décrit,  dans  la  première  partie,  le  travail  des  brique- 
tiers  :  manipulation  de  l'argile,  description  des  fours,  énumération  du 
personnel,  ses  salaires,  conduite  de  la  cuisson  et  utilisation  des  briques 
pour  les  bâtisses  indigènes.  Les  quelques  tentatives  d'ouvriers  euro- 
péens ayant  voulu  faire  des  briques  à  l'aide  de  machines  n'uni  eu  aucun 
succès.  Mais  il  n'en  serait  pas  de  même  si  l'on  construisait  un  quartier 

européen. 

La  seconde  partie  concerne  le  façonnage  des  poteries  dont  on  dis- 


MOUVEMENT    SCIEXTIFIOI  F. 


tingue  deux  groupes:  les   poteries  émaîllées  et  celles  qui   ue  le  sont 

Là  encore  M.  B.  nous  montre  le  personnel  de  l'atelier  avec  ses 
diverses  attributions;  puis  nous  décrit  minutieusement  l'atelier. 
l'outillage,  le  travail  de  l'argile,  le  pétrissage  et  le  malaxage,  le  tour- 
nage, le  tournassage  et  la  décoration  des  poteries  sans  émaux.  Il  nous 
donne  l'énumération  do  diverses  parties  de  ce  groupe  et  leurs  usages, 
comme  il  le  fera  d'ailleurs  pour  1rs  autres  genres  de  poteries,  émaîllées 
à  l'intérieur  et  sur  les  deux  faces. 

C'ed  dans  l'ouvrage  de  M.  B.  que  j'ai  trouve,  pour  la  première  fois, 
quelques  détails  sur  les  décors  au  goudron  que  je  connaisaais  pour  les 
avoir  vus  à'Amismiz,  au  pied  dugrand  Allas  :  les  dessins  ainsi  obtenus 
ne  manquent  pas  d'élégance  et  ont  un  cachet  très  particulier. 

Mais,  quand  on  parle  des  poteries  de  Fès.  on  pense  surtout  aux  belles 
faïences  à  décors  bleu,  blanc  et  vert  qui  font  l'admiration,  non  seule- 
ment des  connaisseur-,  mais  aussi  des  touristes. 

La  fabrication  de  ces  poteries  esl  donnée  avec  un  tel  luxe  de  détails 
que  le  lecteur  a  la  sensation  de  voir  se  dérouler  sou-  ses  yeux  tous  les 
actes  de  cette  fabrication.  J'y  ai  lu  des  indications  intéressantes  sur  la 
composition  des  émaux,  dont  je  n'avais  rien  pu  savoir  lorsque  j'interro- 
geai- le-  artisans  de  Tétouan  ou  ceux  de  Safi.  Feu  S .  Joly  ne  semble 
pas,  d'ailleurs,  avoir  été  plus  heureux  que  moi. 

Tous  les  voyageurs  qui  ont  visité  Fès.  Rabat  ou  Marrakech  ont  été 
frappés  de  la  beauté  de  l'ornementation  des  cours  et  des  chambres. 
Jusqu'à  une  certaine  hauteur,  les  parois  intérieures  sont  ornées  de 
mosaïques  en  faïence  (zâllîj)  du  plus  pur  style  hispano-mauresque  el 
d'un  effet  délicieux.  Mai-  comment  se  fabriquent  ce-  mosaïques  ?  C'est 
ce  que  Al.  Bel  non-  apprend  dans  son  livre  si  documenté. 

On  assiste  donc  au  moulage  des  carreaux,  à  leur  découpage,  à  la  pose 
de  l'émail,  à  l'enfournage  et  à  la  cuisson  des  zâlltj.  On  obtient  ainsi  des 
carreaux  qu'un  artisan  découpe  ensuite  avec  un  outil  spécial  qui  rap- 
pelle 1«-  «  rustique  »  des  tailleurs  de  pierre,  avec  cette  ditférence  que  le 
tranchant  esl  horizontal  au  lieu  d'être  vertical.  C'esl  avec  les  pièces 
ainsi  obtenues  qu'on  produit  ces  beaux  décors  en  mosaïque  qui  font 
l'admiration  des  amateurs. 

La  fabrication  des  tuile-  à  décor  vert,  si  fréquentes  dans  tout  le 
Maroc  el  même  en  Ugérie,  t'ait  l'objet,  à  elh'  seule,  de  plusieurs  pag 

Enfin  la  façon  des  belles  faïences  peintes  sur  émail  qui  l'ont  la  répu- 
tation des  potiers  <h'  Fès,  esl  très  clairemenl  el  lié-  longuemenl  expli- 
quée, avec  l'énumération  des  divers  types  obtenus:  encriers,  potsà  eau, 
p  ,|,.,;  .  lampes  qui  portenl   le  même  nom  (candil)  que  les 

1,].  -Arn-li(jij.>  du  midi  de  la  France. 

Iy..  p  ir  in.  i  d  ïs  pi      !S    d'abord    dans 


H0UVEMEN1     SCIENTIFIQUE.  375 

une  barbotine  à  base  de  plomb  el  de  zinc,  puis  dans  de  l'eau  salée.  On 

obtient  ; i î 1 1 < i  un  fond  blanc  imicolore  après  cuisson  et  c'est  sur  celle 
couverte  que  L'artiste  exécute,  au  pinceau,  les  décors  qui  oui  tant  de 
charme  pour  les  amateurs  de  l'art  moresque. 

M.  I>el  nous  décrit  la  décoration  des  potiches  et  des  beaux  plats  con- 
nus sous  le  nom  de  «  plats  de  Fès  ».  et  le  chapitre  consacré  à  l'évolution 
du  décor  n'est  pas  un  des  moins  intéressants  à  lire. 

Sous  sommes  heureux  d'apprendre  que  les  plus  beaux  types  de  ces 
poteries  sont  aujourd'hui  centralisés  dans  un  Musée  où  les  artisans 
pourront  s'inspirer  des  modèles  de  leurs  ancêtres  pour  perpétuer  les 
pures  traditions  de  cet  art  localisé  aujourd'hui  dans  deux  villes  seule- 
ment du  Maroc  :  Fès  et  Sali. 

Enfin  un  appendice  est  consacré  à  la  poterie  sigillée  à  la  matrice, 
demi  l'origine  est  égalemen!  fort  ancienne. 

J'espère  que  cel  aperçu  suffira  à  montrer  quel  intérêt  excite  la  lecture 
de  cel  ouvrage.  (Mie  l'aideur  reçoive  les  bien  vives  félicitations  de  tous 
les  admirateurs  de  cette  belle  civilisation  musulmane  qui  a  brillé  avec 
taid  d'éclat  dans  noire  Magreb  ! 

Paul  Paliary. 

Ciuandidikr  (Alfred  et  Guillaume).  Histoire  physique,  naturelle  et  politique  de  Mada- 
gascar. Vol.  IV.  Ethnographie  de  Madagascar,  t.  III,  gr.  in-4°  raisin,  (533  p.  Paris, 
Imprimerie  nationale,  1917. 

Nous  avons  rendu  compte  des  différents  volumes  de  l'ouvrage  monu- 
mental de  MM.  Grandidier qui  intéressent  l'anthropologisle.  Le  tome  3  de 
la  partie  ethnographique  est  tout  aussi  documenté  que  les  précédents, 
tout  aussi  bourré  de  faits  et  d'observations,  ce  qui  en  rend  l'analyse 
sommaire  extrêmement  difficile.  Nos  lecteurs  ont  d'ailleurs  pu  en  juger 
avant  l'apparition  de  ce  tome,  car  les  auteurs  ont  eu  la  grande  amabilité 
de  donner  à  L'Anthropologie  la  primeur  de  quelques-uns  des  chapitres 
qu'il  contient.  Le  chapitre  premier  (La  mort  et  les  cérémonies  funéraires 
[p.  1-96]  a  paru,  résumé  par  G.  Grandidier,  dans  le  tome  WIII  de 
notre  Revue  (p.  321-348).  Le  chapitre  IV,  qui  esl  intitulé  Les  Croyances 
et  la  17/'  religieuse  à  Madagascar,  a  été-  publiée  en  très  grande  partie  par 
nous  (Cf.  V  anthropologie,  t.  \\\  I.  p.  337-36i,  et  t.  XXVIII,  p.  93-12$ 

el  241-262).  Il  ne  non-  reste  donc  qu'à  donner  nue  idée  do  chapitres  II 

(Rapports  sociaux  <!<■*  Malgaches)  et  III  (La  rie  matérielle  à  Madagascar) 
et  à  analyser  brièvement  la  (in  de  l'important  chapitre  consacrée  la 
religion. 

relations  entre  personnes  n'appartenant  pas  à  la  même  famille 
ou    au    même  clan   étaient   généralement    rien   moins  qu'amicales,   et 

lant  les  Malgaches  ont  un  caractère  doux  el  se  montrent  presque 
trôme  polit  quelques  tribus  font  exception 


3-6  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

à  la  règle.  Un  véritable  protocole  préside  aux  rapports  entre  inférieurs 
et  supérieurs,  mais  l'usage  exige  que  deux  personnes  du  même  rang  ne 
se  rencontrent  jamais  sans  se  saluer,  sans  échanger  des  formules 
adoptées  aux  différentes  circonstances  de  leur  vie. 

Il  est  une  foule  de  coutumes  qui  nous  semblent  bizarres  et  auxquelles 
tout  Malgache  bien  élevé  doit  se  conformer;  ainsi,  il  faut  toujours 
entrer  dans  une  maison  du  pied  droit;  cracher  en  passant  devant  quel- 
qu'un est  un  signe  de  mépris;  enjamber,  passer  par  dessus  un  homme 
libre  ou  enjamber  simplement  son  oreiller,  constitue  une  grande  impo- 
litesse, sinon  un  délit  puni  d'une  amende.  Chez  les  Barà,  toucher  autrui 
avec  son  vêlement  est  un  acte  criminel,  car  une  personne  mal  inten- 
tionnée peut,  par  ce  geste,  en  ensorceler  une  autre.  La  crainte  des  sorti- 
lèges est  répandue  dans  l'île  entière. 

L'hospitalité  est  une  des  vertus  du  Malgache.  Lorsqu'on  arrivait 
naguère  dans  un  village,  on  pouvait  entrer  dans  la  première  maison 
venue  pour  y  manger  et  y  coucher.  Le  voyageur  se  voyait  même  offrir 
des  compagnes,  filles  ou  femmes  mariées.  «  Quand  les  membres  de  la 
mission  française  envoyée  en  1862  pour  assister  au  couronnement  de 
Radamâ  II  furent  arrivés  à  Tananarive,  le  roi,  à  la  première  soirée  qu'il 
leur  donna,  choisit  parmi  les  femmes  présentes  quelques-unes  des  plus 
jolies  et  leur  donna  l'ordre  d'aller  s'asseoir  «  sur  les  genoux  »  des 
Français  et  de  se  mettre  à  leur  disposition.  » 

S'il  s'agit  de  personnages  de  marque,  les  réceptions  sont  toujours 
empreinte  d'une  grande  solennité;  mais  les  étrangers,  <|uelle  que  soit 
leur  condition,  étaient  bien  accueillis  et  recevaient  même  des  cadeaux 
de  ceux  donl  il**  étaient  les  holes.  Néanmoins,  chez  quelques  peuplades, 
les  Européens  se  sonl  aperçus  que  les  cadeaux  qu'ils  recevaient  étaient 
donnas  avec  l'espoir  d'en  être  payé  au  décuple. 

Les  Malgaches  sont  bavards  et,  dans  leurs  causeries,  ils  citent  à  tout 
instant  des  proverbes.  Il  esl  dhes  cas  où  la  conversation  se  fait  plutôt  par 
signes  qu'en  paroles.  Ainsi  quand  on  demande  son  chemin  à  un  indi- 
gène, il  se  contente  de  vous  l'indiquer,  non  avec  le  bras  ou  le  doigt, 
mais  en  avançant  la  lèvre  inférieure  dans  la  direction  demandée. 

A  Madagascar,  la  femme  occupe  une  place  importante  et  exerce  une 
réelle  influence  dans  la  société:  dans  la  famille,  elle  doit  cependant 
marquer  en  toute  occasion  le  respect  qui  est  dû  à  l'homme.  A  celui-ci 
incombe  la  plupart  des  travaux  des  champs,  la  surveillance  des  trou- 
peaux, la  construction  d<-s  maisons:  la  femme  s'occupe  du  ménage,  de 
l'élevage  de-  \olaillrs.  du  tissage,  de  l'élevage  des  (Mitants.  Il  est  vrai 
que  celte  dernière  occupation  n'absorbe  la  rcrère  que  jusqu'à  l'époque 
du  sevrage,  car  elle,  laisse  ensuite  le  bambin  faire  tout  ce  qu'il  veut, 
sans  jamais  le  réprimander. 
Si  elle  joui!  d'une  grande  indépendance  et  de  droits  presque  égaux  à 


MOin  EMEN  r    SCIEN  i  il  h  377 

ceux  de  l'homme,  la  femme  en  profite  pour  chiquer,  s'enivrer  el  faire 
ilos  infidélités  à  son  mari,  sans  que  celui-ci,  «  qui  lui  en  donne  du  reste 
L'exemple,  se  croie  le  droit  de  crier  au  scandale  », 

l  n  long  paragraphe  esl  consacré  aux  jeux  et  divertissements  et  à  la 
musique.  Les  jeux  consistent  en  jeux  de  calcul  et  de  combinaisons,  en 
jeux  d'adresse,  en  jeux  d'esprit,  qui  sont  généralement  des  bouffon- 
neries. Parmi  les  divertissements  les  plus  en  vogue»  il  convient  de  citer 
les  combats  de  taureaux,  de  coqs,  de  cailles,  de  caméléons,  de  grillons, 
de  coléoptères  et  même  d'araignées.  La  danse  el  les  chants  sont  aussi 
au  nombre  des  amusements  favoris.  Quanta  la  musique,  elle  s'exécute 
au  moyen  de  la  valihà  •  curieuse  guitare  faite  d'un  morceau  de  bambou 
sur  lequel  on  soulève  l'ccorce  entre  deux  nœuds  peur  en  faire  des 
cordes  —d'une  autre  guitare,  d'une  calebasse  munie  de  cordes,  dont  on 
joue  avec  un  archet,  d'un  tambour  en  tronc  d'arbre  recouvert  d'une 
peau  à  une  extrémité,  de  la  conque  marine,  de  chalumeaux,  de  flageo- 
lets  el  de  fifres. 

Les  maisons  malgaches  ne  comprennent  habituellement  qu'une  seule 
pièce  dans  laquelle  s'entassenl  la  famille,  les  botes  de  passage  et  sou- 
vent quelques  animaux.  A  part  quelques  «  palais  »,  les  habitations  sont 
construites  en  bois  et  en  bambou,  sans  un  clou,  sans  un  morceau  de 
fer.  Les  portes  el  les  fenêtres  sont  fermées  soit  avec  des  claies,  soit  avec 
d<s  planches  ;  les  cheminées  font  défaut  et  la  fumée  qui  s'échappe  du 
foyer,  composé  de  quelques  pierres,  noircit  tout  l'intérieur  des 
demeures.  Le  mobilier  est  des  plus  sommaires  :  il  n'\  a,  dans  la  plupart 
des  maisons,  aucun  meuble.  Quelques  tablettes  pour  ranger  les  provi- 
sions, quelques  vases  grossiers,  quelques  paniers  et,  parfois,  un  lit  pri- 
mitif, formé  d'une  simple  claie  posée  sur  quatre  pieux,  font  tous  les 
trais  de  l'ameublement  avec  le  mortier  à  riz  et  quelques  ustensiles  de 
cuisine.  Néanmoins,  chez  les  gens  aisés,  on  voit  des  nattes  étendues  sur 
le  sol  ou  tapissant  les  parois  de  la  maison. 

Le  costume  des  Malgaches  est  peu  compliqué  :  beaucoup  vont  à  peu 
près  nus,  avec  une  simple  bande  d'étoffe  de  -i  à  3  mètres  de  long  enrou- 
lée autour  de  la  laille;  les  hommes  la  passent  entre  les  jambes,  les 
femmes  en  font  un  court  jupon.  La  plupart  y  ajoutent  le  laniba,  grande 
pièce  d'étoile  dé  ia fia,  de  libres  de  bananier,  de  chanvre,  de  coton  ou 
de  soie,  dans  laquelle  ils  se  drapent  d'une  façon  fort  gracieuss.  Dans 
l'est,  on  x ni I  des  femmes  velues  d'une  sorte  de  jupe  et  d'un  petit  cor- 
sage qui  laisse  le  bas  du  torse  à  nu. 

que    les    Malgaches   soignent   le   plus,   c'est    leur   coiffure,    très 

variable,  d'ailleurs,  suivant  les  peuplades.    Pour  arranger  les  cheveux  et 

les  enduire  de  graisse,  il  faut  au  moins  une  demi-journée  et  parfois 

plus  d'un  jour  entier.  Généralement,  ils  s'épilent  la  figure,  les  aisselles 

et  le  pubis.  Quelques-uns  se  tatouent.  D'autres,  surtout  les  jeunes  filles, 


378  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

se  teignent  les  ongles  en  rouge.  Tous  aiment  à  se  parer  de  perles  de 
verre,  d'anneaux  de  cuivre,  de  bagues,  de  boucles  d'oreilles,  de  chaînes 
et  de  bracelets  d'or,  d'argent,  de  corail,  de  cornaline,  etc. 

Les  armes  faisaient  presque  partit1  du  costume  masculin  :  c'étaient 
des  sagaies,  des  pieux,  des  aies  et  des  Çèches,  des  serpes,  des  pierres  et  des 
boucliers  :  aujourd'hui,  la  plupart  des  insulaires  possèdent  des  fusils. 

L'alimentation  consiste  en  riz.  en  manioc,  en  maïs,  en  patates,  en 
haricots  et  divers  autres  légumes.  La  viande  des  bestiaux  n'entre  que 
pour  une  faible  part  dans  leur  nourriture,  mais  celle  des  animaux  sau- 
vages est  consommée,  comme  beaucoup  de  plantes  et  de  fruits  sauvages 
ou  cultivés.  Les  œufs  de  tortue  sont  très  recherchés.  Les  peuplades 
pastorales  font  un  grand  usage  de  lait  frais  ou  caillé,  et  celles  du  littoral 
mangent  beaucoup  de  poisson.  Des  mets  très  prisés  sont  les  fritures 
d'insectes,  de  chrysalides  variées,  de  larves,  d'araignées.  Certaines 
tribus  regardent  comme  une  gourmandise  une  argile  blanche  dont  ils 
consomment  jusqu'à  00  grammes  par  jour.  Les  aliments  sont  cuits  à 
l'eau,  grillés  avec  la  peau  quant  il  s'agit  de  viande  de  boucherie,  frits, 
ou  bien  encore,  cuits  dans  des  fours  souterrains  qui  rappellent  ceux 
des  Polynésiens.  Si  l'eau  est  la  boisson  ordinaire,  les  indigènes  appré- 
cient fort  les  mauvais  alcools  qu'introduisent  les  Européens. 

En  dehors  du  tabac  qu'ils  mâchent  et  fument,  les  Malgaches  fument 
également  le  chanvre  qui  leur  procure  des  songes  doux  et  un  gai  réveil. 

Aux  renseignements  sur  la  religion  contenus  dans  les  articles  publiés 
dans  L'Anthropologie,  les  auteurs  ajoutent  de  longs  détails  sur  les 
fétiches  tutélaires,  sur  le  tabou  et  la  divination  (astrologie,  magie 
noire,  ornithomancie,  extispicine  ou  divination  d'après  l'examen  des 
entrailles  des  victimes,  nécromancie,  cléromancie,  etc.). 

Les  fétiches  tutélaires  comprennent  les  talismans  individuels,  les 
talismans  de  famille  el  les  talismans  qii'op  peut  qualifier  de  nationaux. 
Dans  l'Imérina,  ces  derniers  étaient  au  nombre  de  douze,  logés  dans  des 
sanctuaires.  Les  fétiches  ou  ody  «les  hommes  consistent  le  plus  souvent, 
en  bouts  de  cornes,  en  dents  de  crocodile,  en  défenses  de  sanglier,  en 
morceaux  de  bois  ou  de  bambou  creusés;  on  les  orne  de  perles  de 
verre  et  on  les  remplit  de  cendre,  de  sable  et  d'objets  de  toute  sorte. 
Mais  un  sachet,  un  collier,  un  morceau  de  bois,  un  os,  etc.  peuvent  tout 
aiïssi  bien  remplir  le  rôle  de  talisman,  Chaque  fétiche  a  une  vertu  parti- 
culière :  l'un  préserve  de  telle  ou  telle  maladie,  un  autre  assure  de 
bonnes  récoltes,  un  troisième  procurée  son  possesseur  l'amour  de  la 
femme  aimée  ou  le  rend  invulnérable.  On  les  vénère  el  chaque  année  on 
célèbre  leur  fête.  Chez  les  A.ntanala  du  Sud.  les  chefs  avaient  un  fétiche 
puissant  composé  d'un  crâne  contenant  des  objets  disparates;  on  lui 
offrait  de-,  sacrifices  humains,  car  il  fallait  qu'il  fûl  arrosé  périodique- 
noelle  humaine. 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE.  3*79 

i    -  MerinS  avaient  égalemenl  des  fétiches  maléfiques  qui  axaient  le 
pouvoir  de  déterminer  la  mort  lente  ou  subito  du  prochain. 

fddy  ou  tabous  sont  innombrables  à  Madagascar  et  s'appliquent 
aussi  bien  aux  personnes  qu'aux  animaux  ot  <au\  choses;  ils  sont  tempo- 
raires ou  perpétuels. 

Le  paragraphe  consacré  à  la  divination  ne  comprend  pas  moins  de 
6a  pages.  En  raison  du  caractère  superstitieux  des  Malgaches,  il  est 
tout  naturel  que  les  astrologues,  les  devins,  les  tireurs  de  bonne  aven- 
ture, les  augures,  les  exorcistes  soient  consultés  à  chaque  instant. 
MM.  Grandidier  en  décrivent  soigneusement  les  pratiques,  dans  le 
détail  desquelles  je  ne  saurais  songer  à  entrer.  Je  ne  puis  passer  sous 
silence  la  croyance  générale  aux  sorciers  et  anx  sorcières,  redoutés  et 
exécrés  de  tous.  D'après  les  Idées  régnantes,  la  sorcellerie  est  imposée 
par  le  destin  et  bien  des  personnes  sont  sorcières  sans  qu'elles  s'en 
doutent.  Lorsqu'un  homme  ou  une  femme  était  accusé  de  maléfices,  on 
la  soumettait  à  l'ordalie  et,  si  l'épreuve  lui  était  défavorable,  la  mort 
seule  pouvait  être  le  châtiment  d'un  tel  crime;  des  centaines  de  mille 
innocents  ont  payé  de  leur  vie  cette  funeste  superstition.  Le  quatrième 
chapitre  se  termine  par  quelques  pages  consacrées  à  la  religion  musul- 
mane à  Madagascar. 

Comme  les  précédents  ouvrages  de  MM.  Alfred  et  Guillaume  Grandi - 
dîer,  h'  \olume  abonde  en  notes  et  en  notules.  Il  est  suivi  d'un  appen- 
dice de  u3  pages  en  petit  texte  tout  aussi  intéressant  (pie  le  reste 
du  livre.  Vvcc  leur  conscience  habituelle,  les  auteurs  ont  eu  à  Cœur  de 
faire  une  œuvre  complète  en  rapportant  les  opinions  de  leurs  devanciers, 
qu'elles  cadrent  ou  non  avec  leurs  propres  idées;  il  paraît  difficile  de 
rien  ajouter  à  ce  qu'ils  ont  écrit. 

Le  tome  troisième  de  l' Elhnog rapide  de  Madagascar  est  d'une  lecture 
aussi  attrayante  que  les  deux  précédents;  quand  on  l'a  ouvert,  on  veut 
le  lire  jusqu'au  bout,  et  lorsqu'on  arrive  à  la  dernière  page,  on  n'a  pas 
éprouvé  un  instant  de  lassitude. 

Ce  tome  devait  être  accompagné  de  planches  qui  n'ont  pu  être 
achevées  par  suite  de  la  mobilisation  des  artistes  chargés  de  leur  exécu- 
tion; elles  seront  jointes  au  prochain  volume.  Elles  augmenteront 
encore  la  valeur,  mais  n'ajouteront  rien  à  la  clarté  de  ce  bel  ouvrage. 

11.  Verneau. 

\.  <:.  Ni  lson.  Chronolôgy  ot  the  Tano  Ruins,  New  Mexico  (Chronologie  des  ruines  de 
Tano,  Nouveau  Mexique).  American  Anlhropologist,  vol.  18,  n»  2.  Avril-Juin  1916, 
pp    159-180. 

Ii  existe,  dans  le  Sud-Ouest  du  Mexique,  plusieurs  types  plus  ou 
moins  localisés  de  poteries  préhistoriques,  tels  qiie  les  céramiques 
enroulées,  identifiée.-,  au  point  de  vue  ornemental;  divers  groupes  dis- 


380  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

tincts  de  poteries  peintes,  et  une  série,  assez  variée,  de  pièces  vernissées. 
Le  Dr  J.  W.  Fewkes  a  fait  connaître  récemment  un  autre  type,  peu 
connu  jusqu'ici,  présentant  un  caractère  unique,  et  dont  le  développe- 
ment fut  particulièrement  intense  dans  la  vallée  de  Mimbres.  Mais  il  se 
rencontre  également  de  la  région  voisine  du  Rio-Grande,  et  probable- 
ment au  delà,  vers  la  rivière  Pecos.  Ces  poteries  relativement  anciennes, 
d'un  beau  caractère,  appartiennent  à  la  céramique  peinte.  Elles  sem- 
blent marquer  les  limites  sud-orientales  de  la  civilisation  des  Puéblo 
aux  États-Unis.  Au  Nord  du  centre  de  Mimbres,  et  s'étendant  jusqu'au 
bassin  de  drainage  du  Rio-Grande,  presque  jusqu'aux  frontières  du 
Colorado,  se  trouve  une  autre  aire  de  céramique,  caractérisée  avant  tout 
par  de  la  poterie  vernissée.  Elle  occuperait  une  aire  de  20.000  milles 
carrés  environ.  Les  recherches  poursuivies  dans  ces  régions  ont  eu  pour 
résultat  l'identification  et  la  détermination  chronologique  de  cinq  styles 
successifs  de  poteries,  correspondant  à  autant  de  stades  de  l'histoire  du 
peuple  qui  occupa  l'ancien  Tano  et  le  territoire  adjacent  de  Puéblo. 

Le  type  I  est  représenté  par  des  poteries  peintes,  à  2  et  3  couleurs.  Il 
constitue  une  variété  locale  des  céramiques  noires  et  blanches  iden- 
tifiées communément  avec  le  sous-strate  de  la  civilisation  du  Puéblo 
sud-occidental.  Bandelier  l'associe  au  stade  des  «  petites  maisons  » 
c'est-à-dire  à  ce  qu'on  pourrait  qualifier  de  slade  «  pro-Puéblo  »  de  la 
vie  sédentaire.  Cette  céramique  est  caractérisée  particulièrement  par  sa 
pauvreté  en  variété  de  formes.  Les  bols  prédominent.  On  en  rencontre 
munis  d'anses,  de  forme  hémisphérique,  de  faibles  dimensions.  Les 
cruches  sont  très  rares.  L'ornementation,  appliquée  à  l'intérieur  (très 
rarement  extérieurement)  et  noire.  Ce  sont  des  dessins  géométriques, 
rectilignes  et  curvilignes,  des  hachures  et  des  rubans  formés  de  lignes 
parallèles.  Cette  céramique,  d'une.agréable  apparence  est  probablement 
le  précurseur  de  la  variante  qui  domine  dans  les  types  suivants. 

Le  type  II,  représenté  par  des  poteries  vernissées,  présente  trois 
variétés  décoloration  :  rouge,  jaune  et  grise,  avec  ornementation  noire. 
Le  plus  frappant  c'est  que  ces  ornements  sont  appliqués  à  l'aide  d'un 
enduit  vernissé  et  nonplusavec  delà  peinture.  Les  bol*  dominent,  mais 
on  rencontre  des  cruches.  Ces  bols  sont  hémisphériques  comme  dans  le 
type  I.  L'élément  ornemental  constitue  une  transition  entre  la  peinture 
et  la  vitrification.  Cette  ornementation  est  géométrique.  Quelques  figures 
conventionnelles  d'oiseaux  se  rencontrent  à  un  stade  plus  récent  decette 
céramique. 

Le  type  111,  qui  e$1  vraisemblablement  une  évolution  des  deux  pré- 
cédent, a  gagné  au  point  de  vue  de  la  diversité  des  formes,  mais  n'a  rien 
perdu  <le  son  élégance  décorative.  Les  bols  et  les  vases  abondent.  L'or- 
nementation est  aussi  bien  externe  qu'interne.  Ce  sont  des  motifs  géo- 
métriques, d'une  allure  fort  élégante,  quelques  représentations  conven- 


Moi  VEMENT    SCIENTIFIQUE.  38l 

tionnelles  d'oiseaux  et  des  figurations,  d'un  caractère  plus  ou  moins  réa- 
liste, d'oiseaux,  de  mammifères,  etc. 

I.r  type  IV  est  rigoureusement  caractéristique  des  Pueblos  de  Tano 
qui  furent  habités  entre  ifr'jo  et  i()8o.  La  céramique  s'y  rencontre  associée 
à  des  ossements  d'animaux  domestiques,  des  fragments  de  cuivre,  de 
ter,  de  porcelaine,  etc.  Elle  se  caractérise,  non  seulement  parla  variété 
de  ses  tonnes,  mais  aussi  par  une  décoration  du  plus  mauvais  goût 
qui  semble  plutôt  une  imitation  européenne  maladroite,  tout  en  ayant 
perdu  cecaractère  naturel  de  l'art  des  Indiens.  Ce  sont  des  bols,  des 
jarres,  «les  plats  de  modèles  variés,  des  vaisseaux  en  forme  de  melons, 
etc.,  etc.  L'ornementation  est  appliquée  aux  surfaces  externes  et  internes. 
(les  poteries  sont  d'un  brun  foncé  et  le  vernis  présente  une  iridescenec 
frappante  qui  inclinerait  à  faire  croire  qu'il  a  été  composé  d'après  une 
formule  espagnole.  L'ornementation  qui  a  disparu,  en  partie,  avec  le 
vernis  est   de  nature  géométrique  très  simple. 

Le  type  V,  constitué  par  de  la  poterie  peinte  moderne,  se  trouve 
représenté  à  Tano  par  quelques  fragments  qui  ne  permettent  pas  d'en 
décrire  les  détails.  Les  ornementations  sont  constituées  par  des  lignes 
généralement  étroites,  droites  ou  courbes,  et  tracées  avec  précision.  Ce 
sont  presque  toutes,  des  figurations  géométriques  parmi  lesquels  quel- 
ques-unes présentent  un  caractère  semi-floral.  La  pâte,  légère  et  poreuse, 
renferme  une  grande  quantité  de  sable,  et  sa  couleur  va  du  rouge  au 
jaune  foncé.  En  résumé  l'auteur  a  établi  sa  chronologie  sur  des  faits 
concrets.  Mais  elle  exige  de  nouvelles  recherches  qui  permettront  une 
étude  du  symbolisme  de  ces  pièces  et  du  développement  graduel  des 
motifs.  Dans  tous  les  cas  il  semble  que  ce  résultat  pourra  être  atteint 
par  un  étude  plus  approfondie,  des  cinq  types  établis  par  l'auteur. 

J.  Nippgen. 

Erl\nl>  Nordenskiold.  Palisades  and  «  noxious  gases  »  among  the  South-american  Indians 
(Retranchements  et  «  gaz  nocifs  »  chez  les  Indiens  de  l'Amérique  du  Sud).  Ur  Ymer, 
Tidskrift  utigen  at  Svenska  Sâ/ltkapet  for  Anthropologi  och  Geogrofi.  1918.  II. 
3,  pp.  220  243. 

Plusieurs  auteurs  du  xvi"  siècle,  notamment  Staden,  Oviedo  y  Valdès 
et  Thevet,  mentionnent  l'emploi  fait  parles  Indiens  de  l'Amérique  de 
gaz  «  empoisonnés  ».  Staden  qui  fut  longtemps  prisonnier  des  Indiens 
Tupinambà  rapporte  que  pour  se  rendre  maîtres  d'un  village  fortifié 
«  ils  employaient  des  gaz  empoisonnés  »  qu'ils  produisaient  en  brûlant  de 
grandes  quantités  de  poivre  rouge.  Ce  stratagème  est  'également  men- 
tionné par  Oviedo  y  Valdès.  La  fumée  produisait  surtout  un  éternue- 
ment  prolongé.  J.  Grevaux  et  Waltcr  Rotli  sont  les  seuls  auteurs 
modernes  qui  parlent  de  l'emploi  de  ces  gaz.  On  trouve  une  application 
religieuse  de  ces  procédés  chez  certaines  populations  américaines 
(Quiches,  Aymara  et  Indiens  Cavina)  qui  y  ont  recours  pour  exorciser 


38a  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

les  démons.  D'après  des  renseignements  rapportés  par  André  Thevet 
(1878)  les  Indiens  de  l'Amérique  du  Nord  auraient  recours  au  même 
procédé.  Du  Tertre  dans  son  «  Histoire  générale  des  Antilles  »,  rappor- 
tant les  méfaits  causés  par  les  fumées  de  poivre  rouge,  en  donne  une 
description  pittoresque.  Il  parle  même  d'un  antidote,  ou  pour  employer 
le  langage  moderne,  d'un  «  masque  à  gaz  0  employé  contre  ces  fumées  : 
il  suffit  de  mouiller  son  mouchoir  dans  du  bon  vinaigre  et  de  l'appli- 
quer sur  les  narines.  L'élément  irritant,  la  «  eapsaieine  »  du  poivre 
rouge  ordinaire  (Capsicum  annuim  est  plus  actif  encore  dans  le  poivre 
de  Cayenne  (Capsicum  fastigiatum  Bl,).  Sa  formule  chimique  est 
C9  H  u  0*.  Celle  capsaicine  agit,  par  ses  vapeurs,  très  douloureusement 
sur  la  membrane  muqueuse. 

Les  palissades  ne  se  rencontrent  que  dans  les  régions  boisées  où  la 
matière  première  est  à  portée  de  la  main  (Araucan  du  Chili,  Guaranis, 
au  Brésil,  etc.).  A  l'époque  de  la  découverte,  les  Quichaset  les  Aymaras 
qui  habitaient  des  régions  pauvres  en  bois,  construisaient  des  retran- 
chements à  l'aide  de  pierres  et  de  briques  séchées  au  soleil.  Tous  les 
auteurs  sont  unanimes  pour  rapporter  quelles  fortifications  redoutables 
constituaient  ces  palissades.  Elles  étaient  formées  de  grands  arbres, 
fortement  enfoncés  dans  le  sol,  et  se  trouvaient  renforcées  par  des  tran- 
chées, des  trous  profonds  recouverts  et  masquant  des  pieux  acérés.  En 
certaines  régions  ces  palissades  se  trouvaient  entremêlées  de  branchages 
épineux  qui  en  rendaient  l'approche  inabordable.  C'était  le  cas  des 
populations  indiennes  de  Cumana.  En  somme,  les  Indiens  faisaient 
u<agc  de  fils  barbelés  naturels.  Les  Espagnols  pensaient  que  ces  popu- 
lation^ avaient  imaginé  ce  mode  de  défense  pour  se  préserver  contre 
eux.  En  realité  ces  procédés  étaient  employés,  depuis  longtemps  déjà, 
contre  les  jaguars.  Ces  palissades,  dans  tous  les  cas,  étaient-elles  un 
élément  primitif  de  la  civilisation  des  Indiens?  Il  semble  qu'il  en  soit 
ainsi,  du  moins  dans  certaines  régions  de  l'Amérique.  Mais  il  est  bien 
difficile,  dans  des  questions  aussi  complexes,  de  faire  le  départ  entre  les 
éléments  primitifs  et  les  emprunts  étrangers.  Néanmoins  l'auteur  se 
croit  autorisé  à  conclure,  après  les  recherches  qu'il  a  poursuivies  que, 
«  le  résultai  final  auquel  dous  arrivons  est  que  dans  toute  l'Amérique 
du  Sud,  partout  où  ces  genres  de  fortification  furenl  employées  par  les 
Indiens,  elles  constituaient,  pour  la  plus  grande  partie,  un  élément  de 
civilisation  pro-colombienne  ».  Celle  élude,  très  documentée,  et  à 
laquelle  ae  manquent  que  quelques  illustrations,  renferme  une  foule  de 
renseignements  historiques  sur  Lesquels  nous  ne  pouvons  pas  nous 
étendre  plus  Longuement. 

J.  N. 


NOUVELLES   ET   CORRESPONDANCE 


Nécrologie.  —  Fernand  P/iem. 

Le  Laboratoire  de  Paléontologie  du  Muséum,  déjà  si  éprouvé,  vient  de 
faire  une  nouvelle  et  cruelle  perle  en  la  personne  de  l'un  de  ses  meilleurs 
collaborateurs  el  amis,  Fernand  Priem,  professeur  honoraire  au  lycée 
Henri  l\  ,  correspondant  du  Muséum,  décédé  à  Paris  le  4  avril  1919,  à  l'âge  de 
61  ans. 

Fernand  Priem,  né  à  Bergues,  près  de  Dunkerque,  ancien  élève  de  l'Ecole 
normale  supérieure,  s'intéressait  vivement  à  toutes  les  branches  des  sciences 
naturelles.  Il  avait  publié  de  nombreux  articles  de  revues,  des  livres  d'ensei- 
gnement, notamment  Y  Evolution  des  formes  animales  (1891)  et  une  adapta- 
tion française  de  La  Terre  de  Brehm.  Depuis  une  vingtaine  d'années,  il  s'a- 
donnait, dans  mon  laboratoire,  à  l'étude  des  Poissons  fossiles  sur  lesquels  il 
avait  écrit  de  nombreux  mémoires.  Il  était  devenu,  en  cette  matière  et 
depuis  la  mort  de  Sauvage,  le  spécialiste  le  plus  autorisé  de  France. 

Bien  qu'il  ne  s'occupât  pas  spécialement  d'antbropologie,  il  s'intéressait 
vivement  à  tout  ce  qui  se  rapporte  à  l'histoire  naturelle  de  l'Homme.  11 
était  un  des  plus  vieux  et  des  plus  fidèles  abonnés  de  notre  revue. 

M.  B. 

Héron  de  Villefosse. 

Ce  numéro  était  déjà  à  l'impression  quand  nous  avons  appris,  par  les 
journaux,  la  mort  de  Héron  de  Villefosse,  décédé  le  16  juin  1919  à  l'âge  de 
74  ans. 

Né  à  Paris  en  1845,  d'abord  élève  de  l'Ecole  des  Chartes  et  de  l'École  des 
Hautes  Etudes,  puis  chargé  de  nombreuses  missions  archéologiques  à 
l'étranger,  Antoine  Héron  de  Villefosse  avait  été  nommé  Conservateur  au 
Musée  du  Louvre  et  élu  Membre  de  l'Académie  des  Inscriptions.  Il  faisait 
également  partie  de  nombreuses  commissions  au  Ministère  de  l'Instruction 
publique  où  il  jouissait  d'une  légitime  considération. 

Héron  de  Villefosse  avait  publié,  seul  ou  en  collaboration,  de  nombreux 
mémoires,  rapports,  ouvrages,  qui  lui  avaient  valu  une  très  grande  réputation 
dans  le  monde  des  archéologues  classiques.  Il  était  moins  connu  des  anthro- 
pologistcs  et,  comme  la  plupart  de  ses  confrères  de  la  même  génération,  il 
ne  semble  pas  qu'il  ait  bien  compris  l'importance  et  l'intérêt  des  recherches 
d'archéologique  préhistorique  et  de  paléontologie  humaine. 

M.  B. 

D    W.  Allen  Sturge. 

Le  Dr  W.  Allen  Sturge,  préhistorien  anglais,  bien  connu  de  ses^confrères 
français,  est  mort  le  27  mars  dernier  à  l'âge  de  69  ans. 


384  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

Pendant  longtemps,  il  habita  Mec  où  il  exerçait  la  profession  médicale. 
Amateur  d'antiquités,  il  ne  tarda  pas  à  s'intéresser  aux  objets  préhistoriques 
et  à  grands  frais,  il  put  se  constituer  une  très  riche  collection  renfermant  des 
types  de  tous  les  pays  et  des  séries  de  toute  beauté,  qu'il  montrait  à  ses 
visiteurs  en  leur  faisant  le  plus  charmant  accueil.  Il  en  avait  publié  un  cata- 
logue (V.  UAnthr.,  XVII,  p.  401). 

Lorsqu'il  abandonna  la  pratique  de  la  médecine,  il  se  retira  à  Icklingham, 
dans  le  Suffolk,  où  il  consacra  toute  son  activité  à  développer  autour  de  lui  le 
goût  de  l'archéologie  préhistorique.  Il  fut  un  des  principaux  fondateurs  et 
le  premier  président  de  la  «  Prehistoric  Society  of  East  Anglia  »  dont  nous 
avons  analysé  les  publications  à  diverses  reprises. 

Malgré  toute  la  passion  qu'il  y  apportait,  il  semble  que  le  D1  Allen  Sturge 
ne  soit  jamais  arrivé  à  bien  comprendre  le  côté  vraiment  scientifique  des 
recherches  préhistoriques,  du  moins  en  ce  qui  concerne  les  âges  de  la  pierre. 
Il  avait  en  cette  matière  des  idées  aussi  étranges  que  personnelles. 

Les  journaux  anglais  qui  annoncent  sa  mort  nous  apprennent  en  même 

temps  le  legs  de  sa  collection  au  Brilish  Muséum. 

F  M.  B. 


E.  C.  Stirling. 

Nous  avons  appris  avec  regret  la  mort  de  Sir  E.  C.  Stirling,  Directeur  du 
South  Austral ian  Muséum,  décédé  le  20  mars  dernier  à  l'âge  de  70  ans. 

Professeur  de  ptysiologie  à  l'Université  d'Adélaïde  et  chirurgien,  il  avait 

publié  un  important  rapport  sur  l'anthropologie  de  l'Australie  (Cf.  L'Anthrop. 

VIII,  p.  360).  Il  s'était  occupé  également  de  Paléontologie.  Ses  fouilles  au  lac 

Kalabonna  lui  avaient  procuré  des  squelettes  de  Marsupiaux  gigantesques,  tels 

que  Diprotodon  et  d'autres  animaux  quaternaires,  sur  lesquels  il  avait  publié 

d'intéressants  mémoires. 

M.  B. 

J.  P.  Johnson. 

Les  journaux  anglais  nous  ont  annoncé  récemment  la  mort  de  J.  P.  John- 
son survenue  le  18  octobre  1918.  Né  à  Londres  en  1880,  le  regretté  explora- 
teur n'était  donc  âgé  que  de  38  ans. 

Géologue  et  ingénieur  des  mines  de  sa  profession,  Johnson  s'était  occupé 
de  bonne  heure  de  préhistoire  et  d'ethnographie,  Il  avait  parcouru  en  tous 
sens  l'Afrique  méridionale  et  publié  d  importants  ouvrages  que  nous  n'avons 
pas  manqué  de  signale)-  à  l'attention  de  nos  lecteurs,  au  moment  de  leur 
apparition  :  Les  instrumenta  en  pierre  de  C  Afrique  du  Sud  (1907);  Notes  géolo- 
tiques  sur  l'Orange  (1910):  la  Période  préhistorique  dans  l  Afrique  du  Sud 
(1910,  2'  édition  en  1912),  etc. 

Le  dernier  de  ces  volumes  est  particulièrement  précieux  à  cause  des  belles 
et  nombreuses  reproductions  de  gravures  et  peintures  rupestres  qu'il  renferme. 
La  préhistoire  africaine,  qui  nous  ménage  tant  de  surprises,  a  fait  une 
grande  perte  en  la  personne  de  noire  confrère  anglais,  car  il  disparaît  à  un 
âge  où  l'on  pouvait  beaucoup  attendre  de  son  activité  et  de  son  talent. 

M.  B. 


\L1.LES    ET    CORRESPONDANCE. 


385 


Un  monument  à  Clémence  Royer. 

Le  Temps  du  23  mai  dernier  nous  apprend  que  Clémence  Royer,  la  traduc- 
trice de  Darvin  et  fauteur  de  nombreux  écrits  sur  l'Anthropologie  et  les 
Sciences  naturelles,  va  bientôt  avoir  son  monument  à  Paris.  Le  Conseil  muni- 
cipal vient  en  effet  de  décider,  sur  le  rapport  de  M.  Paul  Fleuriot,  qu'un 
emplacement  serait  accordé  au  Comité  d'initiative.  L'entrefilet  ajoute  que 
Clémence  Royer  est  une  des  premières  femmes  qui  aient  été  décorées  de  la 
Légion  d'Honneur.  A  ce  mérite,  qui  est  souvent  réel,  vient  s'ajouter,  dans 
l'espèce,  celui  d'une  longue  et  utile  carrière  scientifique.  Clémence  Royer  a  été 
une  îles  femmes  les  plus  intelligentes  qui  aient  vécu.  Nos  vœux  vont  donc 
au  Comité  d'Initiative;  nous  souhaitons  que  son  projet  soit  bientôt  réalisé. 

M.  B. 

A  l'Institut  français  d'Anthropologie. 

Cette  Société  avait  du  interrompre  ses  travaux  pendant  la  guerre,  beaucoup 
de  ses  membres  les  plus  actifs  ayant  été  mobilisés  dès  le  début  des  hostilités. 

Lourd  est  le  tribut  payé  par  Y1FA,  depuis  le  mois  d'août  1914.  Neuf  de  ses 
membres  manquent  aujourd'hui  à  l'appel  :  Déchelette,  Deniker,  Durckheim, 
Cantacuzènc,  Avelot,  Cauthiot,  Hertz,  Poutrin,  Ad.  Reinach. 

Ces  pertes  nous  paraîtront  longtemps  irréparables  !  mais  l'Institut  devait 
au  souvenir  de  ses  glorieux  disparus  et  se  devait  à  lui-même  de  i éprendre 
son  activité.  Son  Conseil  s'est  réuni  et  il  a  décidé  que  les  séances  auront  lieu 
de  nouveau  dès  la  rentrée  des  vacances  prochaines. 

Les  comptes  rendus  de  Y1FA  seront,  comme  par  le  passé,  publiés  avec  le 

concours  de  V Anthropologie  et  distribués  gracieusement  à  tous  les  abonnés 

de  notre  Revue. 

M.  B. 

Les  Sciences  anthropologiques  à  Liège. 

La  vie  scientifique  reprend  en  Belgique  et  d'une  vigoureuse  façon.  i\oj 
confrères  et  amis  de  Liège  viennent  de  créer  une  Association  pour  l'étude  et 
C enseignement  des  sciences  anthropologiques,  ayant  pour  but  :  1°  de  faciliter 
à  ses  membres  l'étude  de  l'anthropologie  ;  2°  d'en  répandre  la  connaissance 
dans  le  public  ;  3°  de  fonder  à  Liège  une  «  Ecole  libre  d'Anthropologie  »  ; 
4°  de  faire  paraître  des  publications. 

La  nouvelle  Association  a  élu  pour  son  président  M.  Max  Lohest;  le  secré- 
taire est  le  Dr  Charles  Fraipont. 

Elle  a  déjà  fondé  Y  Ecole  libre  d'Anthropologie  et  publié  le  programme  des 
cours  pour  1919.  Les  leçons,  faites  par  treize  professeurs,  portent  sur  l'an- 
thropologie physique,  l'anthropologie  métrique,  les  bases  géologiques  de 
l'anthropologie,  les  Mammifères  quaternaires,  l'anthropologie  criminelle, 
l'ethnographie,  l'archéologie  préhistorique,  la  géographie  humaine,  la  socio- 
ciologie  générale,  la  linguistique,  l'histoire  des  religions,  etc. 

L'enseignement  comprend  des  cours  généraux  et  des  conférences  pratiques 
complétées  par  des  excursions,  visites  de  musées,  etc.  Les  élèves  titulaires 
peuvent  obtenir  un  diplôme  après  deux  années  d'études  et  après  rédaction 
d'un  travail  original  et  susceptible  d'être  imprimé. 

Le  Comité  directeur  de  l'Ecole  est  composé  d'un  président  :  Charles  Michel; 
l'attiikopolooik.  —  t.  xxix.  —  1918-1919.  25 


386  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE, 

d'un  vice- président    :    Désiré   Damas    et  d'un   Secrétaire  ;  Charles  Fraipont, 
37,  Mont  Saint-Martin  à  Liège. 
Tous  nos  compliments  et  nos  meilleurs  souhaits  de  prospérité. 

M.  B. 

Groupement  amical  d'archéologues. 

M.  Ch.  Cotte,  notaire  à  Pertuis  (Vauclusc),  me  prie  de  faire  connaître  aux 
lecteurs  de  L'Anthropologie  a  que  les  archéologues  (Préhistoire  et  Archéologie 
classique)  du  Bassin  du  Rhône,  dans  le  hut  de  constituer  un  groupement 
amical,  systématisant  l'organisation  de  leurs  études  et  développant  l'cntr'aide 
des  chercheurs  locaux,  tiendront  à  Perluis,  du  5  au  7  septembre  1919,  un 
Congrès  auxquels  sont  spécialement  invités  tous  les  archéologues  de  la  région. 
Les  Congressistes  seraient  très  honorés  également  de  voir  d'autres  savants  se 
joindre  à  eux  ». 

M.  Ch.  Cotte  a  été  chargé  de  recevoir  les  inscriptions.  Il  n'y  a  pas  de 

cotisation. 

M.  B. 

Au  Musée  britannique  d'Histoire  naturelle. 

Sir  Lazarus  Fletcher,  directeur  du  British  Muséum  (Natural  history)  venant 
de  prendre  sa  retraite,  le  conseil  des  Trustées  aurait  songé,  parait-il.  à  lui 
donner  pour  successeur,  non  plus  un  homme  de  science,  mais  un  fonction- 
naire de  l'administration. 

Ce  projet  a  rencontré  la  plus  vive  opposition  dans  les  milieux  compétents 
et  une  protestation,  signée  des  plus  éininents  naturalistes  de  la  Grande-Bre- 
tagne, a  été  publiée  dans  les  journaux  anglais.  Ces  hommes  de  science  et 
d'expérience  n'ont  pas  eu  de  peine  à  montrer  tous  les  graves  défauts  de  la 
solution  envisagée  par  le  Conseil  supérieur  du  Musée  britannique.  Le  Direc- 
teur de  cet  Établissement  doit  avoir  à  faire  avant  tout  à  des  naturalistes';  il 
doit  entretenir  des  relations  avec  les  institutions  analogues  des  autres  pays, 
également  dirigées  par  des  savants.  Il  faut  qu'il  ait  la  compétence  voulue 
pour  représenter  son  service  dans  les  Congrès  scientifiques.  Lui  seul  peut 
avoir  une  compréhension  suffisante  des  besoins  du  public. 

Tous  les  hommes  de  science  ne  sont  pas  des  administrateurs,  c'est  entendu, 
mais  on  peut  trouver  des  savants  qui  soient  en  môme  temps  des  administra- 
teurs. Et  c'est  à  eux  que  doivent  revenir  les  fonctions  directoriales.  Ce  serait 
leur  faire  un  affront  gratuit  et  desservir  la  science  que  de  leur  préférer  un 
simple  administrateur,  absolument  insuffisant  dans  l'espèce. 

Celle  protestation  énergique  a  produit  son  effet.  C'est  le  Dr  Harmer,  con- 
servateur des  collections  de  zoologie,  qui  a  été  nommé  Directeur  du  British 
Muséum,  comme   successeur  de   Sir   Lazarus  Fletcher,  qui  avait   lui-môme 

succédé  à  Sir  E.  Kay  Lankestcr. 

M.  B. 

Note  sur  l'existence  de  dépôts  glaciaires  dans  le  grand  Atlas  marocain. 
Au  cours  de  la  première  exploration  de  l'Atlas  que  j'ai  entreprise  en  1913, 
IOU8  1rs  auspices  de   la  Société  de  Géographie,  j'avais  été  frappé  de  l'abon- 


noi  mi  i  I  -    m    CORRESPONDANCE.  387 

dance  do  débris  offrant  une  analogie  frappante  avec  des  dépôts  glaciaires. 
débrifl  ne  se  trouvent  pas  dans  le  centre  du  massif  (où   l'on  ne  remarque 
rien  de  semblable)  mais  sur  les  bords,  surtout  dans  la  région  située  au  Sud 
et  au  Nord  Ksi  de  Marrakech. 

En  bien  dos  endroits,  surtout  sur  les  rives  des  oueds,  on  observe  des 
dépôts  de  gros  galets  et  de  blocs  qui  frappent  L'attention  par  leur  impor- 
tance :  mais  en  ces  endroits  on  peut  attribuer  ces  dépôts  à  une  origine  allu- 
viale, bien  que  le  plus  souvent,  l'étroitesse  des  ravins  soit  un  argument 
contre  l'existence  de  dépôts  alluvionnaires  à  gros  matériaux  à  une  telle 
altitude  au-dessus  du  cours  d'eau  actuel,  tandis  que  la  présence  de  ces 
traînées  de  blocs  s'explique  plus  simplement  par  un  dépôt  latéral  de  maté- 
riaux charriés  par  un  glacier  occupant  la  dépression. 

Mais  si,  à  cause  de  l'apparence,  on  peut  attribuer  dans  ce  cas  la  présence 
de  ces  dépôts  à  une  origine  alluviale,  il  n'en  est  pas  de  môme  pour  les  cas 
suivants  : 

1°  Entre  le  Koudiat  el  Islan  et  Tamellatb  Djedid,  à  une  quarantaine  de 
kilomètres  au  !Nord-Est  de  Marrakech,  sur  le  versant  sud  du  Koudiat  bou 
Kerkour  on  observe,  sur  le  plateau  et  snr  la  pente  aboutissant  à  la  plaine,  de 
gros  blocs  de  granit  bien  arrondis,  et  un  peu  plus  loin,  sur  le  même  sentier, 
on  passe  dans  un  col  très  pierreux  dont  l'extrême  abondance  d'énormes 
galets  rend  ce  passage  très  laborieux  :  or  en  cet  endroit  on  débouche  aussi 
en  plaine. 

On  ne  peut  donc  dans  ce  cas  attribuer  à  une  origine  fluviale  la  présence  de 
ces  blocs  sur  les  pentes  d'une  colline  qui  borde  une  plaine  et  non  une  vallée. 

2°  A  Ourika,  à  une  quarantaine  de  kilomètres  au  Sud-Est  de  Marrakech 
les  phénomènes  glaciaires  sont  encore  plus  nombreux  : 

Sur  le  sommet  de  toutes  les  collines  sont  amoncelées  des  pierres  roulées 
dont  certaines  ont  deux  à  trois  mètres  cubes.  Ces  blocs  sont  surtout  abon- 
dants vers  les  deux  tiers  de  la  hauteur  de  la  colline  et  à  80  mètres  au-dessus 
du  niveau  de  l'oued. 

Sur  les  croupes  les  galets  sont  libres,  sans  substratum  d'ancune  sorte.  11 
paraît  difficile  d'admettre  que  ces  blocs  ont  pu  être  charriés  par  l'oued  alors 
que  son  débouché  dans  la  plaine  n'est  qu'à  un  kilomètre  à  peine  de  ce 
point. 

Un  peu  au  Sud  de  la  kasba,  sur  la  rive  droite  on  aperçoit  un  escarpement 
calcaire.  Avant  d'arriver  à  cet  escarpement,  on  remarque  un  dépôt  sans 
stratification  et  où  les  galets  sont  plutôt  verticaux  qu'horizontaux.  Ce  dépôt, 
qui  passe  au  poudingue  et  est  très  peu  terreux  (ou  boueux),  comble  une 
ravine  qui  aboutit  à  l'oued. 

D'autre  part  en  arrivant  à  Ourika,  du  côté  de  Marrakech,  le  sentier  passe 
dans  une  oliveraie  el  longe  un  escarpement,  qui,  en  cet  endroit,  borde  une 
plaine  très  étendue.  Or  contre  cet  escarpement  sont  plaqués  des  dépôts 
boueux  à  petits  éléments  disposés  comme  l'indique  la  coupe  ci-contre  : 

On  ne  peut  évidemment  attribuer  ces  dépôts  à  une  origine  alluvionnaire 
quelconque  puisqu'on  ce  point  il  n'y  a  pas  de  vallées  :  au  bas  de  la  colline, 
la  plaine  s'étale  jusqu'aux  Djebilets  sur  80  kilomètres  d'étendue. 

J'ajoute  que  je  n'ai  jamais  constaté  la  présence  du  moindre  fossile  ter- 
restre ou  d'eau  douce  dans  ces  terrains. 


388  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

L'observation  de  ces  faits  nous  permet  donc  de  conclure  à  l'existence  de 
dépôts  attribuables  à  une  origine  glaciaire  puisqu'une  origine  fluviale  ne 
saurait  les  expliquer. 

A  priori,  l'existence  de  cimes  atteignant  et  dépassant  4000  mètres  semble 
indiquer  quo  l'Atlas  a  dû  être  recouvert,  durant  la  période  glaciaire,  par  une 
immense   calotte  de   glace  dont  l'activité  s'est  manifestée   à  la   périphérie, 


Oued  Qurikà 


Coupe  à  l'entrée  d'Ourika. 

comme  dans  tous  les  massifs  glaciaires.  Actuellement  encore  les  hivers  y 
sont  très  rudes  et  le  centre  du  massif  y  est  inabordable  durant  cette  période 
de  l'année.  La  neige  persiste  sur  les  hauteurs  jusqu'en  juillet. 

La  présence  de  glaces  dans  le  massif  du  grand  Atlas  explique  l'absence  de 
documents  de  l'âge  de  la  pierre  et  leur  pauvreté  sur  la  lisière  septen- 
trionale. 

Je  crois  enfin  devoir  rappeler  en  terminant  que  l'existence  d'une  faune 
inalacologique  à  caractères  arctiques  dans  le  nord  du  Sahara  (1),  indique 
bien  qu'il  y  a  eu  à  l'époque  pléistocène  un  régime  de  froid  qui  doit  être  en 
concordance  avec  l'existence  de  glaciers  dans  le  haut  Atlas. 

Paul  PallÀry. 

A  propos  du  ((  Danseur  à  tête  d'ours  »  du  Mas  d'Azil. 

Démobilisé  récemment,  je  viens  seulement  de  prendre  connaissance  de  la 
controverse  entre  MM.  Breuil  et  Deonna  sur  les  masques  quaternaires,  dans 
laquelle  l'un  et  l'autre  ont  fait  allusion  à  ma  «  théorie  »  sur  les-caractères 
des  figures  humaines  dans  l'art  paléolithique.  Je  n'invoquerai  pas  le  droit 
de  réponse,  n'ayant  point  oublié  que  c'est  L'Anthropologie  qui  a  accordé  à 
mes  remarques  sa  bienveillante  hospitalité  ;  mais  comme  les  deux  adver- 
saires semblent  s'être  mis  d'accord  sur  cette  idée,  fort  judicieuse  à  mon  sens, 
que  dans  ce  problème  complexe  tout  est  question  d'espèce  et  que  la  même 
explication  ne  peut  pas  être  appliquée  en  bloc  à  toutes  les  figures,  je 
demande  la  permission  de  revenir  un  instant  sur  la  représentation  à 
Laquelle,  d'après  M.  Breuil,  s'applique  le  plus  mal  mon  interprétation,  à 
savoir  La  figure  gravée  sur  un  fragment  de  rondelle  détachée  d'une  omo- 
plate, découvert  par  Piette  dans  l'assise  à  contours  découpés  de  la  galerie 
inférieure  sur  la  rive  droite  de  l'Arise,  au  Mas  d'Azil  (2). 

(1)  Sur  le>  Mollusques  fossiles,  terrestres,  Quviat.,  el  saum&tres  de  l'Algérie,  11)01, 
page 

Cl)  11  va  sans  dire  que  <e-  remarques  laissent  intacte  la  question  «1rs  masques 
paléolithiques,  <lnui  l'existence,  hautement  probable  d'après  l'ethnographie  comparée, 
semble  maintenant  établie  par  quelques  exemples  certains. 


NOUVELLES    ri    CORRESPONDANCE.  38g 

Je  voyais,  je  continue  a  voir  dans  la  tête  de  cet  homme  une  tète  humaine 
mal  dessinée.  Pour  qu'il  fût  nécessaire  de  la  considérer  comme  un  masque, 
il  faudrait  que  ce  fût  une  tête  d'animal  bien  dessinée,  c'est-à-dire  dont  le 
genre  au  moins  fût  reconnaissable  sans  doute  possible,  sans  quoi  la  mala- 
dresse du  tracé  dans  l'hypothèse  d'une  tête  d'animal  pourrait  être  invoquée 
avec  une  vraisemblance  égale  même  supérieure  dans  l'hypothèse  d'une  tête 
humaine.  Laissons  de  côté,  si  l'on  veut,  l'opinion  de  Piette  qui  trouvait  cette 
tête  simienne.  M.  Breuil  y  voit  une  tête  d'Ours.  Après  avoir  revu  de  près  les 
représentations  d'ours  de  l'art  paléolithique,  cette  détermination  ne  me 
semble  pas  s'imposer.  Praehistorici  certant...  Quelle  bonne  fortuna,  si  nous 
pouvions  citer  comme  expert,  pour  départager  les  préhistoriens,  un  préhis- 
torique. 

Le  «  danseur  »  dont  on  présente  souvent  la  reproduction  isolée,  n'est  pas 
la  seule  figure  qui  se  voie  sur  la  rondelle  du  Mas  d'Azil  ;  on  y  trouve  notam- 
ment, sur  l'autre  face,  une  autre  représentation  humaine  qui  me  semble 
bien  incontestable  et  qui  d'ailleurs  n'a  soulevé  aucune  observation.  Cette 
figure  est  très  différente  du  «  danseur  »  ;  elle  est  représentée  de  face,  tandis 
qu'il  est  de  profil  ;  malgré  la  profondeur  du  trait,  ce  n'est  pas  un  travail 
achevé.  Tl  est  difficile  d'affirmer  que  les  deux  figures  sont  du  même  auteur, 
quoique  je  trouve  une  certaine  ressemblance  entre  la  seule  jambe  figurée 
dans  la  figure  de  face  et  les  jambes  de  la  figure  de  profil  R  et  entre  le  bras 
droit  de  la  figure  de  face  et  le  bras  gauche  (le  plus  visible)  de  la  figure  de 
profil,  avec,  au  coude,  une  cavité  curviligne  surmontant  un  angle  presque 
rectiligne.  et  un  bras  de  proportions  très  réduites  par  rapport  à  l'avant- 
bras  (1).  Si  les  deux  figures  sont  du  même  auteur,  la  figure  de  face  pourrait 
être  une  gravure  qui  aurait  été  abandonnée  en  cours  d'exécution  (ce  que 
confirmerait  l'absence  d'une  jambe)  et  que  l'auteur  aurait  recommencée  avec 
de  notables  différences  sur  l'autre  face  et  poussée  jusqu'à  achèvement. 
Quoiqu'il  en  soit,  il  semble  bien  que,  par  un  phénomène  de  déterminisme 
graphique  dont  les  exemples  sont  nombreux  dans  les  domaines  les  plus 
variés  de  l'art  primitif,  l'idée  du  second  dessin  a  été  suggérée  à  son  auteur 
par  la  vue  du  premier  :  il  n'est  pas  jusqu'au  détail,  où  Ton  peut  voir  avec 
Piette  un  pied  d'ours,  qui  ne  se  retrouve  associé  au  bonhomme  à  la  mêm* 
place  sur  les  deux  faces  de  l'objet.  Nous  ne  pouvons  évidemment  pas  savoir 
lequel  des  deux  bonshommes  a  été  tracé  le  premier  et  par  suite  quel  est 
celui  dont  la  vue  a  suggéré  le  tracé  de  l'autre;  mais  si  le  dessin  de  profil  a 
été  tracé  le  premier,  il  a  été  considéré  comme  représentant  un  homme  par 

(1)  Je  ne  crois  pas,  pour  le  dire  en  passant,  à  l'attitude  de  la  danse  pour  le 
bonhomme  de  profil,  pas  plus  que  je  n'admets,  comme  le  fait  Piette,  que  le 
bonhomme  de  face  «  paraît  a^sis  »  :  Par  sa  représentation  de  face,  ce  dernier  res- 
semble plus  que  celui  de  profil  à  ces  pantins  articulés  dont  on  fait  mouvoir  les 
membres  en  tirant  une  ficelle  ;  mais,  celui  de  profil  a  la  même  attitude  «  méca- 
nique ».  Dans  les  deux,  la  disposition  des  membres  me  semble  correspondre  à  urne 
phase  du  dessin  intermédiaire  entre  la  raideur  et  le  manque  d'articulations  primrtifs 
et  le  rendu  exact  des  attitudes,  phase  où  l'artiste  voulant  indiquer  l'existence  des 
articulations,  mais  encore  maladroit  dans  leur  représentation,  en  exagère  les 
angles. 


39O  NOUVELLES    ET    CORRESPONDÀISCK. 

l'autour  du  fécond,  et  s'il  a  été  tracé  le  second,  son  auteur  l'a  considéré 
comme  un  homme.  Donc,  dans  un  cas  comme  dans  l'autre,  le  résultat  est 
le  même:  la  figure  de  profil  a  élé  considérée  par  un  artiste  paléolithique 
comme  représentant  un  homme,  dont  la  0  tète  bestiale  n'a  nullement 
embarrassé  son  jugement. 

G.  H.  Luquet. 

A  1»  Société  des  Antiquaires  d'Irlande. 

Les  archéologues  irlandais  protestent  contre  l'oubli  dont  les  vieux  monu- 
ments de  leur  pays  sont  victimes  de  la  part  des  pouvoirs  publics.  Le  Président 
de  la  Société  des  Antiquaires  a  formulé  ces  revendications.  Les  antiquités  de 
l'Irlande  sont  plus  nombreuses  et  d'un  intérêt  aussi  général  que  celles  de  la 
Grande-Bretagne.  Et  leur  destruction,  sous  l'influence  de  causes  diverses, 
s'accomplit  tous  les  jours. 

Des  commissions  officielles  ont  été  nommées  en  1908  pour  étudier  les 
moyens  de  préserver  les  monuments  de  l'Angleterre,  du  pays  de  Galles  et  de 
l'Ecosse.  Et  ces  commissions  ont  déjà  fourni  d'importants  résultats.  Rien  de 
pareil  n'a  été  fait  en  Irlande,  malgré  d'anciennes  démarches  de  la  Société  des 
Antiquaires  et  de  la  Société  royale  d'Irlande.  Il  faut  espérer  que  satisfaction 
sera  bientôt  donnée  à  la  demande  si  raisonnable,  et  d'intérêt  général,  que 
viennent  de  présenter  de  nouveau  nos  savants  confrères  irlandais. 

M.  B. 

La  mâchoire  humaine  de  Foxhall. 

C'est  le  pendant,  en  Angleterre,  de  notre  mâchoire  de  Moulin-Quignon. 
Trouvée  en  1855  (d'après  Reid  Moir;  Keith  dit  en  1863)  dans  une  carrière  de 
sable  à  Foxhall,  près  d'Ipswich,  Suflblk,  elle  fut  décrite  en  1867  par  le 
Dr  Collyer  dans  YAnthropolo^ical  Revièw.  D'origine  tout  à  fait  douteuse,  ce 
document  a  été  complètement  perdu  de  vue  par  les  anthropologistes,  au 
point  que  la  plupart  des  ouvrages  anglais  d'anthropologie  préhistorique  ne  le 
mentionnent  même  pas. 

Mais  depuis  on  a'découvert  les  éolithes  ou  «  rostro-carénés  »  du  Crag  du 
Suffolk.  Et  les  personnes  qui  croient  à  l'origine  humaine  de  ces  cailloux  ne 
seraient  pas  fâchées  de  posséder  quelques  restes  du  squelette  de  leurs  fabri- 
cants. On  sait  le  sort  final  du  squelette  d'Ipswich,  sur  lequel  Keith  et  Reid  Moir 
avaient  fondé  les  plus  beaux  espoirs.  On  se  rabattrait  maintenant  volontiers 
sur  l'humble  mâchoire  de  Foxhall.  Or  personne  ne  sait  ce  qu'elle  est  devenue. 
Il  semble  que  le  Dr  Collyer  ait  émigré  en  Amérique  en  emportant  la  man- 
dibule. 

De  là  l'annonce  que  M.  Hcid  Moir  a  fait  insérer  dans  Nature  du  20  mars 
1917  :  «  On  demande  des  informations  au  sujet  d'une  mâchoire  humaine 
trouvée  en  1855  dans  une  carrière,  etc.,  et  qu'on  présume  avoir  été  emportée 
en  Amérique  y>. 

Souhaitons  que  l'enquête  aboutisse  à  un  résultat  positif. 

\I.  B. 


NOUVELLES   ET    CORRESPONDANCE.  3<)T 

Les  pierres-figures  en  Angleterre. 

II.  Reid  Moir  a  décrit,  dans  l'un  dos  derniers  numéros  du  Man,  un  morceau 
de  craie,  trouve*  dans  un  parc  du  Suffolk  el  qu'il  est  porté  h  considérer 
comme  une  figuration  do  Mammouth. 

Ch.  \\  .  Andrews,  le  paléontologiste  du  British  Muséum,  vient  d'écrire  au 
journal  Nature  que  le  morceau  de  craie  en  question  n'est  autre  chose  qu'une 
empreinte  imparfaite  d'une  chambre  de  la  coquille  d'une  Ammonite.  De  tels 
moulages  naturels  ne  sont  pas  rares  dans  la  région  ;  ils  sont  bien  connus  des 
carriers  qui  1rs  désignent  sous  le  nom  de  «  pigs  »  (cochons). 

M.  Reid  Moir  ne  se  tien!  pas  pour  battu  ;  il  espère  que  le  propriétaire  de 
l'objet  voudra  bien  le  présenter  à  quelque  réunion  de  savants  compétents  où 
il  pourra  être  l'objet  d'un  nouvel  examen.  Jusqu'à  présent,  M.  Reid  Moir  n'a 
pas  eu  beaucoup  de  chance  avec  ses  curieuses  ou  sensationnelles  découvertes. 
Espérons,  sans  trop  y  compter,  qu'il  sera  plus  heureux  cette  fois. 

M.  B. 

Stonehenge,  propriété  nationale. 

Le  propriétaire  de  Stonehenge,  M.  Chubb,  de  Salisbury,  ayant  fait  don  à 
la  nation  britannique  du  célèbre  monument,  la  prise  de  possession  par  le 
représentant  du  gouvernement  s'est  effectuée  le  26  octobre  dernier.  Une  des 
pierres  horizontales  du  centre  constituait  une  belle  plateforme  avec,  se  déta- 
chant à  l'arrière-plan,  le  grand  monolithe  remis  en  place  par  le  Professeur 
Gowland  {Nature  du  31  octobre  1918). 

M.  Chubb  a  prononcé  une  allocution  pour  exprimer  les  motifs  qui  ont 
inspiré  son  geste  généreux  et  patriotique  :  un  tel  monument  ne  saurait 
rester  une  propriété  particulière.  D'autres  discours  ont  été  faits  par  Sir  Her- 
cules Read,  Sir  Arthur  Evans  et  par  M.  Ileward  Bell  représentant  la  Société 
archéologique  du  Wiltshire. 

Le  don  de  M.  Chubb  comprend  non  seulement  le  monument  mais  encore 
trente  acres  (environ  12  hectares)  du  terrain  environnant,  qui  permettront  à 
l'administration  compétente  de  prendre  toutes  mesures  de  protection. 

M.  B. 

Pour  l'archéologie  égyptienne. 

Au  nom  d'un  comité  constitué  à  cet  effet,  Sir  Arthur  Evans  adresse,  dans 
le  Timps  du  4  mars  dernier,  un  pressant  appel  aux  pouvoirs  publics  des  lies 
Britanniques  en  faveur  de  la  création  au  Caire  d'un  Institut  impérial  d'archéo- 
logie. Les  Anglais  sont  moins  favorisés  en  Egypte,  à  ce  point  de  vue,  que  les 
Français  ou  les  Allemands  qui  possèdent  déjà  des  institutions  de  ce  genre, 
ou  que  Ii îs  Américains  qui  ont  beaucoup  d'argent  à  leur  disposition. 

Jusqu'à  présent,  l'École  britannique  d'archéologie  et  YEgypt  Exploration 
Fund  ont  accompli  d'admirables  travaux,  mais  la  guerre  aura  eu  pour  consé- 
quence de  réduire  leurs  ressources  matérielles.  Il  faudrait,  pour  attirer  de 
jeunes  archéologues,  qu'un  avenir  leur  soit  assuré,  ce  qui  n'a  pas  lieu 
jusqu'à  présent. 

M.  B. 


3q2  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE 

Les  Rennes  victimes  de  la  guerre. 

,11  paraît  qu'à  Toronto,  certaines  personnes  ont  eu  l'idée  de  se  servir 
d'avions  pour  bombarder  et  tuer  par  centaines  des  bandes  de  Rennes  préala- 
blement rassemblés  dans  des  parcs  à  cet  effet.  La  viande  aurait  été  con- 
sommée au  Canada  ou  exportée. 

Le  Times  a  vigoureusement  protesté  contre  cette  idée  bai  bare,  indigne  de 
véritables  chasseurs  et  il  semble  que  le  projet  ait  été  abandonné.  C'est  fort 
heureux  pour  le  Renne,  dont  l'extermination  eût  été  complète  à  brève 
échéance  et  dont  le  sort  eût  ainsi  rappelé  celui  des  Bisons  de  l'Amérique  du 
Nord. 

M.  B. 

Errata. 

Deux  erreurs  se  sont  glissées  dans  l'article  de  M.  Koumaris.  Sur  quelques 
variations  des  os  des  crânes  grecs  anciens,  publié  dans  le  dernier  fascicule  de 
V Anthropologie  : 

P.  31,  lignes  15  et  16  : 

Au  lieu  de  :  d'une  part....  d'autre  part,   lire  :   d'un  côté,.,  de  deux  côtés. 

P.  33,  avant-dernière  ligne  et  p.  36  : 

Remplacer  partout  :  ptérion  en  I  par  ptérion  en  S  . 


Le  Gérant  :  ().  Porbb. 


ANOEHS.    IMPRIMERIE    A.    BURm*.    —     Y.     OAL'LTIBK    ET    A.    THÉiEHT,     8UCCESSBUHS, 


MEMOIRES  ORIGINAUX 


FAUCILLE  PRÉHISTORIQUE 

DE  SOLFÉRINO 

ÉTUDE  COMPARATIVE 

PAR 

André  VAYSON 


Description  de  la  faucille. 

Circonstances  et  lieu  de  la  découverte.  —  L'objet  fut  trouvé,  il  y 
a  plusieurs  années,  en  exploitant  une  tourbière  au  pied  de  la  col- 
line de  Solférino,  lieu  de  la  bataille  de  1859.  Le  propriétaire  de  la 
tourbière  recueillit  la  pièce  presque  intacte  mais  n'y  attacha  pas 
d'importance  et  la  fît  sécher  sur  sa  cheminée.  Le  bois  en  séchant 
se  tordit,  se  disloqua  et  les  silex  tombèrent.  Le  tout  fut  jeté  dans 
un  coin  de  meuble  d'où  on  le  sortit  pour  me  le  remettre  en  1918, 
au  cours  d'une  des  nombreuses  visites  que  je  fis  h  cette  époque 
aux  stations  préhistoriques  de  la  région  où  mon  régiment  était 
au  repos. 

Milieu  archéologique  de  la  trouvaille.  —  Le  Sud  du  lac  de  Garde 
est  comme  encerclé  de  plusieurs  zones  de  collines  morainiques, 
témoins  de  l'avance  du  glacier  qui  a  creusé  la  cuvette  aujourd'hui 
remplie  par  les  eaux  du  lac.  —  Après  le  recul  des  glaces  il  se 
forma  entre  les  moraines  de  nombreux  petits  lacs  :  leurs  bassins 
furent  ensuite  envahis  et  parfois  comblés  par  la  tourbe  que  l'on 
exploite  aujourd'hui. 

Les  trouvailles  d'objets  préhistoriques  montrent  que  presque 

l'anthropologie.  —  t.  xxix.  —  1918-1919.  26 


•V* 


M.    A.    VATSON. 


tous  ces  petits  lacs  ont  reçu  des  habitations  sur  pilotis;  non  point 
de  grands  villages  mais  quelques  huttes.  Bien  que  la  stratigraphie 
ne  soit  guère  possible,  le  fait  de  trouver  réunis  dans  tous  ces  en- 
droits des  objets  de  mêmes  genres  autorise  à  considérer  ces  objets 
comme  formant  un  ensemble  homogène  et  à  rapporter  les  habi- 
tations à  une  même  phase. 


Fig.  1.  —  Tourbière  de  Barche  di  Solferino. 
Hache  de  cuivre,  poignard  de  bronze,  perles  en  stéatite.  Gr.  nat. 


Cette  phase,  qui  est  bien  connue  dans  l'Italie  du  Nord,  est  celle 
des  plus  anciennes  habitations  sur  palafittes  dans  cette  région. 
Elle  se  rapporte  au  début  de  l'âge  des  métaux.  On  y  trouve  en  effet 
les  éléments  caractéristiques  de  cette  période  :  petites  haches 
plates  et  poignards  triangulaires  en  cuivre  ;  flèches  de  silex  très 
parfaitement  taillées;  parfois  des  marteaux  de  pierre  perforés. 


FAUCILLE    PRÉHtSTORIQl  K    DE    SOLFÉAINO. 


395 


Enfin  une  poterie  bien  cuite,  recouverte  d'une  mince  couche 
d'argile  noire  et  lustrée.  On  trouve  aussi  quelquefois  des  objets  de 
bronze,  petits  poignards  et  faucilles  mais  de  formes  primitives, 
montrant  que  l'occupation  s'est  prolongée  pendant  la  première 
partie  de  l'époque  de  ce  métal. 

Le  plein  âge  du  bronze,  qui  ne  semble  pas  apparaître  dans  ces 
petites  stations,  est  au  contraire  représenté  par  les  restes  si  beaux 
et  si  nombreux  que  l'on  a  trouvés  à  l'endroit  où  le  Mincio  dé- 
bouche du  lac,  à  Peschiera.  Le  développement  de  cette  grande 


Fi<;.  2.  —   Reconstitution  de  la  faucille  de  Solfûrino  (env.  :  1/3  gr.  nat). 

station,  dont  l'époque  correspond  à  celle  des  «  terramares  »,  et 
l'abandon  des  petits  habitats  des  environs  semblent  contempo- 
rains et  sont  peut-être  corrélatifs. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  tourbière  de  Barche  di  Solferino,  lieu  de  la 
découverte,  et  les  autres  petites  stations  similaires  et  voisines 
sont  à  rapporter  à  la  phase  du  Cuivre  début  du  Bronze  (1).  Pour 


(1)  Dans  une  autre  partie  de  cette  même  tourbière,  on  a  retrouvé  depuis  les  restes 
bien  conservés  d'habitations  snr  pilotis.  Une  lre  fouille,  que  j'ai  dirigée  en  septembre, 
a  déjà  donné  des  résultats  intéressants  sur  le  mode  de  construction  et  sur  les  usten- 
siles de  bois  (découverte  de  vases  de  grande  taille  en  bois,  d'un  canot  monoxyle,  de 


396  M.    A.    VATSON. 

notre  tourbière  en  particulier,  il  y  a  un  indice  spécial.  On  a  trouvé 
en  profondeur  avec  des  pointes  de  flèche  en  silex  une  hache  plate 
de  cuivre  (fig.  1)  et  dans  la  zone  superficielle  un  petit  poignard  de 
bronze  (fig.  1).  Ce  qui  confirme  les  dires  des  ouvriers  relativement 
à  ces  trouvailles,  c'est  la  différence  de  patine  :  le  métal  de  la 
hache  est  à  vif,  rongé  par  l'acide  de  la  tourbe;  au  contraire,  le 
poignard  venant  de  la  zone  superficielle,  aérée,  a  pris  une  patine 
verte  carbonatée. 

L'objet  de  bois  est  donc  à  peu  près  contemporain  de  la  hache 
de  cuivre  et  des  pointes  de  flèche  en  silex,  et  antérieur  au  petit 
poignard  que  sa  forme  simple  permet  de  rapporter  à  la  phase 
ancienne  du  bronze. 

Description  de  l'objet.  —  C'est  une  pièce  de  bois  (Planche  I), 
munie  d'une  rangée  de  silex  sertis  dans  une  rainure  avec  un 
mastic. 

Le  manche,  taillé  dans  la  pièce  même,  a  été  brisé  et  son  extré- 
mité est  perdue. 

Le  corps  de  l'objet,  légèrement  endommagé  sur  son  bord  exté- 
rieur par  un  coup  de  louchet,  s'est  cassé  en  deux  en  se  desséchant  : 
les  fibres  du  bois  montrent  que  les  deux  parties  se  raccordent, 
mais  la  dessiccation  les  a  un  peu  déformées  et  rapetissées.  Toute- 
fois la  forme  d'ensemble  est  très  nette  et  la  denture  de  silex  a  per- 
mis d'avoir  pour  la  reconstitution  (fig.  2)  une  base  rigide,  car 
toutes  les  pièces  en  ont  été  conservées  comme  le  montrent  leurs 
empreintes  dans  le  mastic  et  la  façon  dont  elles  s'ajustent  entre 
elles. 

L'objet  a  été  taillé  dans  une  pièce  de  bois  noueuse,  choisie  de 
sorte  que  les  fibres  soient  dans  le  sens  de  la  longueur  aussi  bien 
pour  le  manche  que  pour  la  lame.  Il  a  été  travaillé  avec  soin  et  on 
ne  voit  pas  de  traces  de  l'instrument  tranchant  qui  a  pu  être  em- 
ployé, probablement  parce  que  l'objet  a  été  fini  par  un  raclage. 
Le  soin  mis  à  la  recherche  de  la  matière  première  et  à  son  travail 
nous  autorise  à  ne  pas  considérer  comme  résultat  du  hasard 
même  les  caractères  de  détail  de  la  forme. 


manches   pour  haches  de  métal  plates  ou  à  ailerons,  etc.).    Lorsque  les    travaux 
seront  achevés,  l'été  prochain,  il  sera  rendu  compte  des  résultats  d'ensemble. 

Je  dois  remercier  à  ce  propos  MM.  Rosa  et  Casnici,  propriétaires  de  la  tourbière, 
qui  me  laissent  diriger  cette  fouille  faite  à  leur  compte  aiusi  que  M.  le  professeur 
Patroni,  surintendant  des  Beaux-Arts  à  Pavie,  et  M.  C.  Gaudeuzio,  inspecteur  des 
fouilles,  qui  ont  autorisé  et  même  encouragé  mes  recherches. 


FAUCILLE    PRÉHISTORIQUE    DE    SOLFERINO.  897 

Or  il  y  en  a  deux  qui  attirent  l'attention  par  leur  singularité  ; 
ce  sont  deux  caractères  de  dissymétrie  :  une  face  du  corps  est  à 
peu  près  plane,  l'autre  assez  bombée  et  le  manche  s'amorçait  avec 
une  certaine  inclinaison  par  rapport  au  plan  moyen  de  la  lame, 
comme  dans  une  faux. 

Les  silex  (PL  II),  entièrement  retouchés  ou  presque,  témoignent 
d'un  travail  précis  et  intelligemment  raisonné;  chacun  est  taillé 
pour  la  place  qu'il  doit  occuper  et  ajusté  à  ses  voisins  ;  pour  cela 
ses  petits  côtés  bien  rectilignes  ont  été  façonnés  en  biseaux  qui 
recouvrent  les  biseaux  semblables  des  pièces  voisines  (fig.  3  A).  Ce 
travail  d'ajustage  à  lui  seul  permet  de  retrouver  avec  une  faible 
ambiguïté  la  position  des  silex  les  uns  par  rapport  aux  autres; 
on  constate  alors  que  la  suite  de  leurs  tranchants  forme  une 
courbe  parfaitement  continue  et  à  variation  de  courbure  graduelle 
qui  a  donc  été  soigneusement  étudiée.  On  voit  qu'il  y  a  trois  types 
de  pierres  correspondant  à  l'armement  de  la  pointe,  de  la  partie 
centrale  et  du  talon  de  l'objet  (fig.  3  B).  L'ensemble  de  la  lame  de 
silex  ne  dépassait  hors  du  bois  que  d'une  largeur  allant  de 
0  à  12  millimètres.  Les  pièces  étaient  serties  dans  un  mastic  brun, 
terreux  qui  devait  être  composé  de  terre  fine  et  d'une  résine  plus 
ou  moins  cuite,  avec  addition  d'un  corps  gras  pour  éviter  la  fragi- 
lité (mastic  type).  Il  faut  remarquer  la  minceur  des  parois  de  bois 
de  la  rainure  (2  à  4  millimètres  avant  la  dessiccation),  effilées  pour 
éviter  un  ressaut  au  point  d'insertion  des  silex  (fig.  3). 

Qu'était  l'objet  ?  —  Remarques  générales  sur  la  façon  de  poser  la 
question  et  de  la  résoudre.  —  Lorsqu'en  présence  d'un  objet  préhis- 
torique on  se  pose  la  question  :  «  Qu'était  cet  objet?  »,  on  cherche 
souvent  à  la  résoudre  par  un  seul  mot,  le  nom  d'un  outil  ou  d'une 
arme  moderne.  C'est  une  erreur  de  procéder  ainsi  car  l'identité  de 
nom  fait  supposer  une  identité  d'usage;  or  les  industries  rudi- 
mentaires  se  proposaient  des  buts  différents  des  nôtres  et  y  parve- 
naient avec  des  outils  qui  ne  sont  pas  assimilables  à  ceux  d'aujour- 
d'hui ;  ils  ne  leur  sont  même  guère  plus  comparables  en  moyenne 
que  ne  le  sont  la  pierre  et  le  métal.  Souvent  d'ailleurs  un  outil 
primitif  remplissait,  mais  incomplètement,  les  fonctions  de  plu- 
sieurs de  nos  outils  actuels  et  correspondait  ainsi  pour  partie  à 
chacun  d'eux.  Quand  on  cherche  à  le  caractériser  avec  un  nom 
moderne  on  est  donc  amené  à  des  inexactitudes.  Cette  remarque 
peut  sembler  superflue  et  cependant  son  oubli  a  été  parfois  la 
cause  de  discussions  oiseuses  et  regrettables. 


398 


M.    A.    V Aï SON. 


Prenons  par  exemple  le  cas  des  «  couteaux  »  des  «  scies  »  et  des 
«  faucilles  ».  Actuellement  ce  sont  des  instruments  nettement 
définis.  Un  couteau  est  un  tranchant  simple,  coupant  par  simple 
pression.  Une  scie  est  une  lame  mince,  armée  sur  un  de  ses  bords 
de  dents  aussi  épaisses  ou  plus  épaisses  qu'elle,  dont  les  tranchants 
sont  dans  des  plans  perpendiculaires  à  la  lame  et  fonctionnent 
comme  une  série  de  petits  rabots  ou  de  burins  placés  les  uns 
derrière  les  autres.  Une  faucille  est  un  tranchant  courbe  destiné  à 
couper  de  petites  tiges  ;  parfois  ce  tranchant  est  denté  ce  qui  lui 
donne  un  profil  analogue  à  celui  de  la  scie;  mais  il  en  diffère 


B 


Fia.  3.  —  A.  Ajustage  en  biseau  des  pièce*  de  faucilles. 

B.  Sclu'ma  des  formes  de  pièces  de  pointe,  de  milieu  et  de  talon. 

C.  Coupe  montrant  l'insertion  des  silex  dans  le  bois. 


profondément  car  ses  dents  ont  leurs  tranchants  dans  le  plan  de 
la  lame  et  sont  moins  épaisses  que  celle-ci.  Il  serait  donc  inapte  à 
fonctionner  comme  scie  car,  dès  que  les  dents  se  seraient  enfoncées 
dans  l'objet  à  scier,  leur  action  serait  arrêtée  par  la  lame  plus 
épaisse  se  coinçant  dans  la  rainure.  Au  point  de  vue  mécanique  la 
distinction  est  donc  claire.  Cependant  dans  l'esprit  du  public  une 
confusion  peut  s'établir  entre  les  deux  genres  d'outils  que  l'on  a 
tendance  à  comparer  à  cause  de  cette  analogie  d'avoir  des  dents. 
On  pourra  appeler  «  scier  »,  le  fait  de  couper  avec  un  tranchant 
denté.  Ainsi  M,  Cartailhac  me  faisait  voir  un  ouvrage  toulousain 
du  xviii6  siècle  destiné  à  corriger  les  expressions  provinciales; 
l'auteur  y  discutait  la  question  de  savoir  s'il  fallait  dire  «  scier  ou 


FAUCILLE    l'Iir.UlsrORIQUE    DE    SOLFEFINO. 


399 


couper  les  bleds  ».  Il  concluait  qu'il  convenait  d'employer  l'un  ou 
l'autre  terme  selon  que  la  faucille  en  usage  était  ou  n'était  pas 

dentée  (1). 


Fig.  4.  —  Schéma  montrant  les  caractères  d'une  lame  de  couteau,  de  scie, 
de  faucille  dentée  et  d'une  râpe  actuelles  avec,  en  regard,  les  éléments 
comparables  dans  les  industries  du  silex. 

Que  trouve-t  on  dans  les  outillages  de  silex   d'assimilable  au 
couteau,  à  la  scie  et  à  la  faucille? 


(1)  En  italien  les  mots  fa/ce,  faciuola,  sega  désignent  la  faux,  la  faucille,  la  scie. 
Lea  verbes  correspondants  sont  falciare  et  segare.  Mais  le  verbe  segare  s'emploie 
aussi  bien  pour  dire  faucher  que  pour  dire  scier  ce  qui  indique  une  certaine  assimi- 
lation de  l'emploi  de  la  faucille  et  de  celui  de  la  scie. 


^OO  M.    A.    V  AT  SON. 

Les  éclats  tranchants  tels  que  les  lames  néolithiques  types  sont 
analogues  à  des  couteaux  (fig.  4  a  et  à). 

Si  on  encoche  pour  le  denteler  le  tranchant  d'une  de  ces  lames, 
il  sera  comparable  à  celui  de  la  faucille  (fig.  4  c  et  e'). 

Mais  on  ne  trouve  rien  d'assimilable  à  la  scie  moderne  qui  ne 
peut  être  pratiquement  réalisée  qu'en  métal  (fig.  4  à).  Ce  qui  se 
rapproche  le  plus  au  point  de  vue  mécanique  du  principe  de  la 
scie  c'est  le  burin  magdalénien,  le  «  bec  de  perroquet  »  qui  était 
employé  pour  diviser  les  os  et  les  cornes  en  y  creusant  de  longues 
rainures.  C'est  une  scie  réduite  à  une  seule  dent. 

Des  lames  de  silex  entièrement  retouchées,  à  section  ovale  ou 
demi-ovale  sont  susceptibles  d'agir  mécaniquement  comme  une 
râpe  (fig.  4  d-d').  Les  retouches  qu'elles  ont  subies  ont  donné  de 
petites  surfaces  se  recoupant  à  angles  vifs  qui  fonctionneront 
comme  les  aspérités  de  la  râpe  :  toutefois  c'est  la  partie  voisine 
du  tranchant  qui  semble  devoir  jouer  un  rôle  prépondérant 
comme  dans  la  râpe  angulaire.  Les  Esquimaux  modernes  utilisent 
des  lames  de  ce  genre  (1)  pour  des  usages  domestiques  où  nous 
emploierions  un  couteau  ;  mais,  pour  trancher  avec  une  telle  lame, 
il  faut  un  mouvement  de  va  et  vient.  Ils  se  servent  donc  en  guise 
de  couteau  d'un  outil  qu'ils  emploient  comme  une  scie,  mais  qui, 
au  point  de  vue  mécanique,  est  analogue  à  une  râpe.  Ils  l'appellent 

((  ulu  )). 

On  a  trouvé  dans  les  palafittes  suisses  des  outils  analogues 
emmanchés  de  même  façon  (fig.  7  b).  Comment  les  appeler?  On 
ne  voit  pas  de  nom  d'outil  moderne  qui  convienne;  c'est  une  sorte 
de  tranchant  limeur.  De  façon  générale,  ce  que  l'on  doit  faire 
c'est  se  rendre  compte  des  usages  possibles  d'après  l'examen  de 
l'outil  lui-même  et  des  usages  probables  d'après  les  comparaisons 
que  fournissent  l'archéologie  et  l'ethnographie;  dans  ces  compa- 
raisons il  faudra  tenir  compte  de  ce  que  l'on  sait  déjà  sur  le  genre 
de  vie  et  les  besoins  des  populations  qui  employaient  l'outil  à 
étudier.  Quant  au  mot  par  lequel  on  désignera  l'objet  ce  n'est 
qu'une  question  secondaire  de  commodité  de  langage  et  toute 
difficulté  disparaîtra  quand  l'on  sera  d'accord  sur  le  sens  parti- 
culier à  lui  attribuer. 

Discussion  sur  l'emploi  de  l'objet  d'après  sa  forme.  —  Les  carac- 
tères que  nous  avons  reconnus,  en  étudiant  la  façon  dont  l'objet  a 

(1)  Voir  Colinj,  HuUetlin»  di  Paletnologiû  italiana,  1896,  p.  228. 


FAUCILLE    PRÉHISTORIQUE    DE    SOLFKRINO.  4<DI 

été  établi,  doivent,  sinon  suffire  à  préciser  son  usage,  du  moins 
permettre  de  délimiter  le  nombre  des  usages  possibles,  en  élimi- 
nant ceux  auxquels  l'outil  est  manifestement  impropre. 

Arme  ou  outil,  l'objet  devait  travailler  par  ses  silex  :  ceux-ci 
constituent  une  lame  ne  garnissant  pas  la  pointe  qui  est  en  bois  nu 
et  fragile.  Il  s'agissait  donc  de  trancher  avec  la  lame  sans  que  la 
pointe  ait  à  s'enfoncer,  ce  qui  exclut  toutes  les  armes  du  genre 
hallebarde. 

La  fragilité  résultant  de  la  petitesse  des  silex  et  de  la  minceur 
des  parois  où  ils  sont  enchâssés  indique  qu'on  ne  pouvait  employer 
l'outil  comme  instrument  de  choc.  D'ailleurs  le  manche  faisant  un 
angle  aigu  avec  le  tranchant  on  ne  pourrait  frapper  avec  celui-ci 
un  objet  placé  devant  soi. 

Ce  n'était  pas  non  plus  un  couteau  pour  la  même  raison  de  la 
position  du  manche. 

Ce  n'était  pas  une  scie  car  les  silex  ne  font  saillie  que  de 
0  à  12  millimètres;  on  ne  pourrait  donc  creuser  un  trait  de 
quelque  profondeur  car  le  mastic  et  les  parois  de  bois  de  l'outil 
viendraient  frotter  la  rainure  ;  la  scie  ne  s'enfoncerait  plus  mais 
se  détériorerait  elle-même.  Et  s'il  ne  s'agissait  que  d'amorcer  un 
trait  de  profondeur  infime  on  n'aurait  pas  créé  un  tel  instrument. 
D'ailleurs  la  position  du  manche  rabattu  vers  le  tranchant  inter- 
dirait de  manœuvrer  l'objet  comme  une  scie.  Enfin  les  dissymé- 
tries signalées,  l'aplatissement  d'une  face  et  la  déviation  latérale 
du  manche  ne  se  concevraient  pas. 

Nous  sommes  donc  obligatoirement  ramenés  à  la  première 
impression  que  l'on  a  en  voyant  l'objet  :  c'est  une  faucille,  une 
petite  faux.  Tout  s'accorde  à  le  confirmer  :  forme  générale,  cour- 
bure du  tranchant,  position  du  manche,  aplatissement  d'une  face 
avec  renforcement  de  l'autre,  autant  d'analogies  caractéristiques 
avec  la  faux  typique. 

Analogies  archéologiques. 

Italie.  —  Dans  la  région  même  de  la  trouvaille  on  a  trouvé  dans 
la  tourbière  de  la  Polada  (près  de  Desenzano)  un  outil  de  bois 
garni  de  silex,  et  un  autre  semblable  ayant  perdu  ses  pierres- 
Aï.  Munro  ayant  publié  cet  outil  (1)  en  le  considérant  comme  une 

(1)  Munro,  Les  stations  lacustres  d'Europe  (édition  française),  p.  228. 


402 


M.     A.    V Al SON. 


scie,  M.  Spurrell  dans  un  article  sur  «  Les  faucilles  primitives  »  (1) 
émit  l'idée  que  c'était  une  faucille.  Munro  répliqua  dans  un  article 
sur  les  «  scies  et  faucilles  préhistoriques  »  (2)  et  maintint  son 
opinion  qui  fut  admise  par  Colini  (3)  et  récemment  encore  par 
Peet  (4).  J'ai  pu  examiner  de  près  et  dessiner  cet  objet  au  musée 
préhistorique  de  Rome,  grâce  à  l'extrême  obligeance  du  directeur, 
M.  le  sénateur  Pigorini.Lafigure5  me  dispense  d'une  description. 
Il  diffère  de  la  faucille  de  Solférino  par  la  position  du  manche 


Fig.  5.  —  Faucille  de  lajPolada  (d'après  Munro  et  d'après  nature),  1/3  gr. 

qui,  vu  de  côté,  est  dans  la  même  direction  que  le  tranchant.  A 
part  cela  il  présente  avec  elle  une  série  frappante  d'analogies  : 
mêmes  silex,  même  sertissage,  dimensions  générales  analogues  et 
surtout  même  aplatissement  d'un  côté  et  même  déviation  du 
manche  de  l'autre.  Aussi  les  arguments  qui  nous  ont  fait  conclure 
que  l'outil  de  Solférino  n'était  ni  une  arme,  ni  une  scie  mais  une 
faucille  restent  applicables.  Les  plus  concluants  sont  :  la  fragilité 
du  sertissage,  la  faible  saillie  des  silex  (2  centimètres  dont  1  1/2 
enfoui  sous  le  mastic  par  endroits)  l'aplatissement  d'une  face  et  la 


(1)  Archeoloqical  Journal,  vol  XL1X,  p.  53. 

(2)  Munho,  Prekistoric  Problems,  p.  308. 

(3)  Rullelino  di  Paletnolor/ia  ilaliana,  1896,  p.  223. 

(4)  Pekt.  The  Slone  and  Broîize  âges  in  liai  y  and  Sicily,  p.  302. 


FAUCILLE    PRÉHISTORIQUE    DE    SOLEÉRIXO. 


/4o3 


déviation  latérale  du  manche.  Même  en  saisissant,  comme  on  Ta 
supposé,  l'objet  à  deux  mains,  tirer  une  scie  par  un  manche  qui 
n'est  pas  dans  le  plan  de  la  lame  reste  presque  impossible  ou  au 
moins  illogique  au  premier  chef.  Or  nous  savons  qu'en  matière 
d'outillage  les  solutions  de  nos  aïeux  si  elles  étaient  simplistes 
étaient  toujours  logiques. 


Fig.  6.  —  Stations  lacustres  de  la  région  sud  du  lac  de  Garde^(gr,  nat.) 


Au  contraire,  un  tel  instrument  se  prête  fort  bien  à  couper  avec 
la  main  droite  une  touffe  d'herbes  que  l'on  tient  de  la  main  gauche 
et  la  position  de  son  manche  et  l'aplatissement  de  la  face 
inférieure  se  comprennent  alors.  Les  trois  arguments  de  Munro 
pour  contester  à  cet  outil  le  caractère  de  faucille  sont  :  1°  le  tran- 
chant est  droit  au  lieu  d'être  courbe  ;  2°  ce  tranchant  se  termine 
brusquement  à  ses  deux  extrémités  au  lieu  de  venir  se  relier  au 
manche  de  bois  ;  3°  le  manche  n'est  pas  dans  le  plan  du  corps 


4o4 


M.    A.    VAYSON. 


mais  dévié  latéralement.  Signalons  tout  d'abord  que  la  lame  de 
silex  est  incomplète  :  il  manque  la  dernière  pierre  [du  côté  du 
manche.  Ce  détail  était  passé  inaperçu  et  on  n'avait  figuré  l'objet 
que  vu  de  côté  de  façon  que  cette  dégradation  ne  fût  pas  appa- 
rente. (Cependant,  en  examinant  la  photo  reproduite  dans  Pre- 
historic  Problems,  on  peut  voir  que  les  traces  de  mastic  de  la 
rainure  se  prolongent  au  delà  des  silex  existants).  La  figure  5 
montre  en  pointillé  la  forme  probable  de  cette  pierre  manquante 
et  la  courbe  réelle  des  pierres  existantes  calquée  sur  la  photo 
même  reproduite  par  Munro  ;  l'ensemble  du  tranchant  devient 
analogue  à  celui  de  la  faucille  de  Solférino,  sortant  progressive- 
ment du  bois  à  l'extrémité  qui  doit  attaquer  la  première  et  restant 
en  saillie  à  l'autre  extrémité.  Donc  les  deux  premiers  arguments 
tombent.  Quant  au  troisième,  nous  avons  vu  qu'il  était  précisé- 
ment contre  l'hypothèse  de  l'emploi  comme  scie.  Toutefois  cette 
déviation  latérale  du  manche  crée  une  différence  avec  les  faucilles 
égyptiennes,  dont  nous  parlerons  plus  loin.  C'est  un  caractère  de 
faux  et  non  de  faucille;  l'explication  qui  semble  la  plus  plausible 
c'est  que  les  outils  de  Solférino  et  de  la  Polada,  à  manche  dévié, 
et  face  inférieure  aplatie,  étaient  faits  pour  couper  ras  de  terre  (1) 
de  l'herbe  probablement  car  les  habitants  des  palafîttes  élevaient 
des  animaux  domestiques  qui  devaient  manger  du  foin.  Pour 
moissonner  les  céréales  il  n'est  pas  nécessaire  de  couper  ras, 
donc  on  ne  risque  pas  de  se  blesser  la  main  au  contact  du  sol  et  il 
n'y  a  pas  lieu  de  faire  aux  faucilles  un  manche  parant  à  ce  danger. 

Comme  autres  particularités  la  faucille  de  la  Polada  présente  un 
trou  d'attache  à  son  sommet,  ce  qui  se  conçoit  facilement  et  se 
rencontre  souvent  dans  les  objets  lacustres  car  leurs  possesseurs 
devaient  craindre  de  les  laisser  tomber  à  l'eau.  Mais  on  conçoit 
moins  la  raison  d'être  de  la  terminaison  en  bouton  tronconique  et 
de  l'espèce  d'épaulement  que  l'on  remarque  au  dos  :  y  avait-il 
quelque  chose  de  fixé  en  cet  endroit? 

Le  bois  du  deuxième  outil  qui  a  perdu  ses  silex  est  identique. 

A  côté  de  ces  deux  objets,  et  provenant  aussi  de  la  Polada,  il 
y  a  dans  la  vitrine  du  musée  de  Rome,  trois  fragments  de  bois 
brisés  par  la  dessiccation.  Dans  l'un  d'eux  est  enfoncé  un  silex  qui 
a  été  mis  en  place  depuis  le  séchage.  Quand  on  a  vu  la  faucille  de 
Solférino  on  reconnaît  dans  ces  fragments  les  débris  d'objets  ana- 

(1)  Cf.  faucille  de  Stenild  (fig.  15)  où  la  main  est  protégée  par  un  repli  du  manche. 


FAUCILLE    PRÉHISTORIQUE    DE    SOLFERINO.  /jo5 

logues  et  l'un  d'eux  montre  nettement  la  partie  la  plus  courbe  de 
la  rainure  à  silex.  La  dislocation  des  outils  de  ce  type  s'explique 
parce  qu'ils  étaient  tailles  dans  des  pièces  de  bois  noueuses,  sujettes 
à  se  tourmenter  tandis  que  ceux  du  type  de  la  Polada  se  sont  peu 
déformés,  taillés  qu'ils  étaient  dans  l'aubier  à  la  jonction  d'une 
jeune  branche  qui  fournissait  le  manche. 

Les  comparaisons  que  nous  venons  de  faire  nous  ont  donc 
montre  l'usage  probable  des  outils  de  la  Polada  et  de  plus  l'ana- 
logie des  dimensions  principales  de  ceux-ci  et  de  la  faucille  de 
Solférino  permet  de  supposer  que  cette  dernière  avait  un  manche 
de  longueur  comparable  aux  autres  et  ainsi  de  la  reconstituer 
complètement  (fîg.  2). 

En  dehors  de  ces  outils  ayant  conservé  leurs  montures  de  bois, 
on  a  trouvé  en  abondance,  dans  les  stations  lacustres  et  les  terra- 
mares  italiennes,  des  pièces  de  silex  identiquesà  celles  de  la  faucille 
de  Solférino  (PI.  II).  On  les  a  appelées  des  scies  sans  expliquer 
leurs  formes  variées  ;  ces  formes  correspondent  aux  différentes 
parties  de  la  lame  comme  on  l'a  vu  plus  haut  (fîg.  3). 

Des  pièces  analogues  à  celle-ci  (fig.  6)  mais  de  dimensions  plus 
grandes,  surtout  comme  largeur,  et  dont  les  extrémités  ne  sont  pas 
taillées  pour  se  juxtaposer  à  d'autres  silex,  devaient  être  emman- 
chées seules  et  sont  à  comparer  aux  outils  suisses  et  esquimaux 
dont  il  a  été  question  précédemment. 

Ces  deux  ensembles  de  silex  taillés  ont  été  appelés  scies  en  Italie  : 
on  considère  que  leurs  caractères  essentiels  sont  d'être  travaillés 
sur  les  deux  faces  et  d'avoir  le  tranchant  poli  par  la  friction  —  Ce 
dernier  caractère  se  retrouve  sur  une  autre  catégorie,  qu'on  appelle 
couteaux-scies  et  qui  sont  de  petites  lames  allongées  retouchées 
sur  une  seule  face  et  parfois  dentelées  (1). 

Les  pièces  retouchées  sur  les  deux  faces  semblent  spéciales  au 
groupe  des  palafittes  et  des  terramares,  les  autres  sont  répandues 
dans  toute  l'Italie  et  représentent  un  travail  industriel  moins 
avancé. 

Nous  venons  de  voir  que  les  premières  étaient  parfois  des  pièces 
de  faucille,  parfois  des  outils  destinés  à  trancher  par  friction.  Il 
en  est  vraisemblablement  de  même  des  autres;  en  particulier  les 
silex,  qui  ont  été  utilisés  sur  leurs  deux  côtés  longs  et  dont  les 


(1)  V.  Coliki,  op.  cit. 


Ao6 


M.    A.    VAYSON. 


petits  côtés  sont  manifestement  inaptes  à  s'accoler  à  d'autres,  ne 
doivent  pas  être  classés  comme  pièces  de  faucilles. 

Quant  au  lustre  donné  au  tranchant  par  la  friction,  c'est  un 
caractère  qui  n'est  ni  nécessaire,  ni  suffisant  pour  déterminer 
l'usage  d'un  silex.  Ainsi  les  dents  de  la  faucille  de  Solférino  n'ont 
pas  de  brillant  parce  qu'elles  ont  pris  une  patine  blanche  qui  l'a 
détruit.  D'autre  part  le  sciage  du  bois  polit  le  silex  aussi  bien  que 
le  fauchage  des  céréales  ou  des  herbes  ;  je  l'ai  expérimenté  mais 

c'est  presqu'évident  a  priori  puis- 
que dans  les  deux  cas  on  a  des 
frottements  analogues  sur  des 
fibres  végétales  analogues.  Donc 
le  poli  sera  commun  aux  dents 
de  faucilles  et  à  tous  les  silex 
qui  auront  servi  à  couper  par 
friction  du  bois  ou  même  sans 
doute  de  l'os  ou  de  la  corne;  mais 
il  ne  sera  pas  un  caractère  obli- 
gatoire de  ces  outils  car  il  aura 
pu  disparaître  à  la  suite  du  temps 
sous  des  actions  physiques  ou 
chimiques. 

Quant  au  fait  pour  le  tranchant 
d'être  retouché  ou  dentelé  nous 
avons  vu  que  cela  ne  le  rend  pas 
assimilable  à  une  scie.  On  devait 
préparer  ainsi  les  tranchants  des- 
tinés à  des  usages  où  le  fil  naturel 
du  silex  éclaté  se  serait  trop  vite 
émoussé  ou  bien  n'aurait  pas 
mordu.  Le  cas  de  la  moisson  n'est  qu'un  cas  particulier. 

Suisse.  —  Les  stations  lacustres  de  la  Suisse  sont  voisines  et 
parentes  de  celles  d'Italie.  On  y  a  trouvé  d'assez  nombreux  outils 
composés  d'une  pièce  de  silex  sertie  dans  un  manche  de  bois  court 
ou  long  (fig.  7).  La  faible  longueur  du  tranchant  et  l'analogie 
avec  le  «  ulu  »  esquimau  indiquent  que  ce  devaient  être  des  usten- 
siles domestiques  et  non  des  faucilles. 

Mais  on  a  trouvé  dans  une  station  du  lac  de  Bienne,  à  Fenil,  un 
outil  analogue  à  celui  de  la  Polada,  sauf  qu'il  est  garni  de  dents 
pointues  au  lieu  d'un  tranchant  continu  de  silex  (fig.  8).  On  ne 


Fig.  7.  —  a)  Mooseedorf  ^d'après  de 
Mortillet,  Musée  préhistorique). 

b)  Nussdorf  (d'après  J.  Evans,  Les 
âges  de  la  pierre). 


FAUCILLE    PREHISTORIQUE    DE    SOLFERINO. 


407 


peut  le  considérer  comme  une  scie  car  si  on  avait  voulu  l'employer 
comme  tel,  une  fois  les  dents  enfoncées,  le  manche  serait  venu 
frotter  à  l'entrée  de  la  rainure.  Il  y  a  plus  ;  on  n'aurait  même  pas 
pu  amorcer  le  sciage  d'un  corps  dur  comme  du  bois  avec  de  telles 
dents  car  celles-ci  sont  trop  grandes  par  rapport  à  leur  puissance 
tranchante  et  à  leur  solidité.  Une  scie  doit  avoir  les  dents  d'autant 
plus  fines  qu'elle  doit  attaquer  un  corps  plus  dur  :  les  grandes 
dents  sont  réservées  à  des  instruments  dont  la  puissance  est  grande 
relativement  à  la  dureté  du  corps  attaqué. 
C'est  donc  tout  au  plus  si  on  pourrait  conce- 
voir l'outil  de  Fenil  employé  à  dépecer  de 
la  viande. 

Par  contre  il  semble  très  approprié  à  cou- 
per de  menues  tiges,  chaque  dent  accrochant 
sans  risquer  de  le  laisser  glisser  un  petit 
faisceau  qu'elle  est  de  force  à  trancher. 
L'analogie  de  forme  avec  l'outil  de  la  Polada, 
analogie  qui  se  retrouve  jusque  dans  l'épau- 
lement  que  nous  n'avons  pas  su  expliquer, 
vient  confirmer  cette  interprétation.  Les 
deux  cavités  latérales,  où  l'on  a  voulu  voir 
l'emplacement  des  doigts,  n'avaient  certai- 
nement pas  un  tel  usage  car  si  on  avait 
saisi  le  dos  à  pleine  main  c'est  un  seul  loge- 
ment pour  le  pouce  ou  quatre  logements 
ou  une  rainure  pour  les  doigts  qu'il  eût 
fallu  et  non  pas  deux  cupules.  On  peut 
donc  admettre  que  l'outil  de  Fenil  était  une 
faucille. 

Les  dents  triangulaires  sont  une  variante 
très  intéressante  à  noter  des  pièces  que 
nous  avons  trouvées  en  Italie. 

Egypte.  —  Abandonnant  la  zone  lacustre  alpestre  nous  allons 
chercher  nos  éléments  de  comparaison  dans  le  vieux  monde  médi- 
terranéen. L'Egypte  est  la  partie  qui  semble  la  plus  riche  et  la 
mieux  connue. 

De  fait  les  découvertes  classiques  de  M.  Pétrie  (1)  ont  révélé 
dans  des  stations  de  la  XII''  et  de  la  XVIIIe  dynastie  des  faucilles 


Fig.  8.  —  Fenil  (lac  de 
Bienne). 


(1)  V.  F.  Pktrii:,  IUakun,  Kahun,  and  Gurob  —  Ten  years  digging  in  Egypl. 


4o8 


M.    A.    VATSON. 


de  bois  armées  de  silex.  La  figure  9  montre  la  forme  générale  des 
montures  de  bois  avec  manche  rapporté  ou  taillé  dans  le  bloc. 

Les  silex  sont  de  petites  lames  finement  dentées,  semblables  à 
certains  couteaux-scies  italiens  (PL  IV,  fig.  1  a). 

De  telles  lames  se  rencontrent    en  grand   nombre  dans  des 


Fig    9.   —  Faucilles  égyptiennes. 

a)  Kahun,  XII'  dynastie.  —  b)  Kahun,  XVII*  dynastie. 

(d'après  Munro,  Prehistoric  Problems). 


stations    égyptiennes  des    premières    dynasties    mais  semblent 
manquer  dans  les  stations  purement  néolithiques  (1). 

On  en  trouve  dont  la  dentelure  est  très  prononcée,  d'autres  où 
elle  est  très  fine,  d'autres  où  elle  se  réduit  aux  seules  irrégularités 
provenant  des  retouches.  Certaines  ne  sont  retouchées  qu'au 
bord  et  sur  une  seule  face,  d'autres  le  sont  entièrement  sur  les 


(1)  I)k  Morgan,  Ethnographie  préhistorique  et  tombeau  royal  de  Negadah,  p«  94. 


FAUCILLE    PRÉHISTORIQUE    DE    SOLFERINO.  £09 

deux  faces  (PI.  III).  Nous  retrouvons  donc  les  mêmes  cas  qu'en 
Italie.  De  même  on  reconnaît  les  trois  variétés  de  pièces  de  pointe, 
de  milieu  ou  de  talon  (de  gauche  à  droite  sur  la  planche  III). 

Les  caractères  distinctifs  de  ces  pièces  sont  surtout  dans  la  taille 
dos  extrémités,  qui  permet  de  les  juxtaposer  les  unes  aux  autres  et 
dans  leur  largeur  relativement  faible  qui  les  désignent  comme 
faisant  partie  d'une  garniture  longue  et  étroite. 

On  notera  l'obliquité  très  marquée  des  assemblages,  analogues 
à  ceux  d'une  voûte.  Fréquemment  le  tranchant  a  conservé  le  bril- 
lant dû  à  l'usage. 

Enfin  il  reste  parfois  des  traces  du  mastic  qui  fixait  les  pierres 
dans  leur  rainure. 

D'autre  part  on  trouve  en  Egypte  des 
silex  triangulaires  analogues  à  ceux  qui 
arment  Toutil  de  Fenil,  ce  qui  fait  déjà 
penser  qu'ils  avaient  une  destination  si- 
milaire. Cette  façon  de  voir  est  corroborée 
par  le  fait  suivant.  Dans  une  inscrip- 
tion peinte  de  Meïdoum  (IIIe  dynastie) 
un  signe  figurant  une  faucille  montre  une  FlG  10  _  Sif?ne  égyptien 
pièce  de  bois  d'où  sortent  des  dents  trian-  représentant  une  faucille^ 
gulaires  (fig.  10).  Sans  doute  on  n'a  pas        Meïdoum  , m-  dynastie).  - 

,',,.,  (D'apivs  d(>  Morgan  :  Recher- 

attache  d  importance  a  ce  détail  car  on        chcs  sur  /es  origines  de 
pouvait  penser  qu'il  y  avait  là  une  styli-        VEgypte,  t,  p.  133.) 
sation  exagérant  la  dentelure  des  pièces 

rectangulaires  connues.  Mais  le  dessin  est  si  précis,  montre  si 
nettement  une  série  de  triangles  émergeant  du  bois,  qu'après 
ce  que  nous  venons  de  voir  on  ne  peut  guère  le  méconnaître. 

Dans  les  pays  voisins  de  l'Egypte  et  clans  toutes  les  régions 
méditerranéennes,  on  a  signalé  les  lames  denticulées  comme  celles 
des  faucilles  de  Kahun. 

Ckaldêe.  —  J.  de  Morgan  a  signalé  leur  grande  abondance;  il 
pense  même  que  leur  usage  serait  venu  de  là  avec  la  culture  des 
céréales  (1). 

Afrique  du  Nord.  —  M.  Boule  m'a  indiqué  leur  présence  dans 
diverses  stations  et  je  voyais  récemment  une  de  ces  pièces  pro- 
venant de  Mauritanie  dans  la  collection  L.  Didon  à  Périgueux. 

Dès  1892,  M.  Cartailhac,  ayant  vu  à  Londres  les  trouvailles  de 

(I)  Db  Mohoan,  Les  premières  civittsalions,  p.  211. 

l'amhkopologie  .  —  t.  xxix.  —  1918-1919.  27 


4 10  M.    A.    VATSOlf. 

Pétrie,  signalait  dans  une  communication  à  l'Académie  des 
sciences  que  des  silex  comme  ceux  des  faucilles  égyptiennes  se 
rencontraient  sur  le  pourtour  Nord  de  la  Méditerranée  depuis 
l'Espagne  jusqu'en  Asie. 

«  De  tels  silex  ont  été  recueillis  en  nombre  aux  environs 
d'Alméria,  province  de  Murcie  en  Espagne  par  MM.  Siret  ingé- 
nieurs belges.  Dans  les  ruines  des  bourgades  antiques  ils  étaient 
exclusivement  dans  les  maisons  des  marchands  de  grains  et  des 
meuniers,  demeures  faciles  à  distinguer  aux  vases  remplis  d'orge, 
de  farine  et  aux  meules  multipliées.  On  trouvait  là  de  petits  amas 
de  ces  pierres,  véritables  provisions. 

«  Thérasia  et  Santorin,  si  bien  étudiés  et  décrits  par  M.  Fouqué, 
en  ont  livré  de  semblables  qui  gisaient  au  niveau  des  villages 
préhistoriques  engloutis  sous  le  tuf  ponceux  par  une  grande 
éruption. 

«  La  Grèce  entière  les  possédait  aussi.  Ils  avaient  dès  1872 
fixé  l'attention  du  regretté  A.  Dumont  et  de  M.  E.  Burnouf.  Ce 
dernier  les  avait  considérés  comme  ayant  servi  à  former  les 
dents  de  cette  espèce  de  herse  primitive  encore  en  usage  en  Orient 
et  qui  consiste  en  une  grande  et  lourde  planche  dont  la  face 
hérissée  de  petites  pierres  est  promenée  à  la  surface  des  sillons  (1) 
le  «  tribulum  »  et  1'  «  alonistra  »  des  anciens,  le  donaki  moderne. 
Bien  que  ces  silex  soient  toujours  nombreux  dans  les  lieux  où  il 
y  avait  jadis  des  aires,  Dumont  refuse  cette  hypothèse  qui  ne  rend 
pas  compte  d'une  série  de  détails. 

«  Schliemann  a  exhumé  quantité  de  tels  silex  des  ruines  les  plus 
anciennes  d'Uissarlik.  Il  les  a  décrits  et  figurés  avec  soin  dans  son 
beau  livre  sur  Ilios.  Il  note  que  les  pierres  des  alonistras  sont 
plus  épaisses,  non  dentées  et  ne  présentent  pas  même  un  bord 
tranchant.  Pour  lui  ce  sont  des  scies. 

«  Enfin  les  collections  de  l'Asie  occidentale  renferment  presque 
toutes  de  pareils  exemplaires  ».  Après  avoir  parlé  des  trouvailles 
de  F.  Pétrie  à  Kahun,  Cartailhac  concluait  :  «  J'ai  constaté  l'iden- 
tité parfaite  des  silex  dentés  de  l'Egypte  avec  ceux  des  gisements 
que  j 'ai  cités  plus  haut,  —  Tous  ont  eu  évidemment  la  même  des- 
tination. —  Ce  sont  les  restes  des  faucilles.  Leurs  divers  carac- 
tères s'expliquent  dès  lors  et  ils  ne  s'expliquent  pas  autrement  » 


(1)  Ou  sur  les  gerbes  pour  dépiquer  le  blé. 


I'U  <  HT,E    PRÉHISTORIQUE    DE    SOLFERINO, 


4M 


Mais  cette  note,  très  brève,  ne  semble  pas  avoir  été  suffisam- 
ment connue  et  comprise. 

Depuis  on  a  trouvé  en  Espagne  k  rAcébuchal  dans  la  province 
deSéville  des  silex  dm  t  (;s  qui  armaient  probal)Ienrent  des  faucilles 
analogues  aux  exemplaires  égyptiens.  M.  Ossorio  a  eu  l'extrême 
amabilité  de  me  faire  parvenir  par  l'intermédiaire  de  mon  ami 
Pierre  Leseur  deux  photographies  ((ig.  11)  d'une   telle  faucille 


Fig.  11.  —  Reconstitution  d'une  faucille  de  l'âge  du  cuivre  en  Espagne. 
(D'après  des  pliotog.  communiquées  par  MM.  Ossorio  et  P.  Leseur.) 

reconstituée  et  je  leur  en  exprime  tous  mes  remerciements,  ainsi 
qu'à  M.  G.  Bonsor  qui  a  bien  voulu  nous  faire  savoir  que  ces 
éléments  de  faucilles  onfété  trouvés  surtout  dans  le  voisinage  de 
fonds  de  cabanes  de  l'âge  du  Cuivre  et  doivent  remonter  à  cette 
époque  (1)  et  apporter  la  correction  indiquée  par  ce  nouveau  ren- 
seignement. Les  pièces  de  silex  sont  analogues  à  celles  d'Egypte 
et  semblent  avoir  comme  particularités,  leur  petite  dimension, 
leur  dentelure  très  forte  (il  y  a  des  pièces  qui  n'ont  que  deux  dents) 
et  le  peu  de  soin  mis  à  façonner  les  petits  côtés  contrairement  à 
ce  que  nous  avons  constaté  en  Italie  et  en  Egypte. 

Au  début  du  deuxième  tome  resté  inachevé  de  Antigitrdadfi& 
prehistoricas  de  Andalucia  que  me  communique  M.  Cartailhac,  de 
Gongora  donne  la  reproduction  d'un  «  couteau  de  bois  »  avec 
silex  sertis  dans  une  rainure,  trouvé  dans  la  Cueva  de  los  Mur- 
cielagos.  Le  dessin  a  été  fait  d'après  les  indications  et  sous  les 


(î)  V.  Bonsor    :    Les   colonies  agricoles  pré-romaines  de  la  vallée  du  Bétis.  Revue 
archéologique,  1899,  II,  p.  3S1. 


4l2 


M.    A.    VATSON. 


yeux  du  Sr  xManzuco  qui  avait  assisté  à  la  découverte  (fig.  12). 
Ce  qui  est  intéressant  à  constater  c'est  que  cet  outil  faiblement 
coudé,  garni  de  pièces  triangulaires  mais  jointives,  est  une  forme 
intermédiaire  entre  l'instrument  de  Solférino  et  celui  de  Fenil. 
Ses  dents  sont  semblables  à  celles  de  la  faucille  figurée  à  Meï- 
doum. 
Il  y  aurait  donc  en  Espagne  les  deux  types  de  pièces  de  faucilles 

que  nous  avons  déjà  notés.  Dans  l'un  les 
silex  sont  rectangulaires,  sauf  ceux  des  ex- 
trémités et  munis  de  dents  plus  ou  moins 
grosses;  dans  l'autre  ils  sont  triangulaires. 
11  faut  remarquer  que  ce  cas  n'est  que  la 
limite  du  premier  quand  la  grosseur  de  la 
dentelure  augmente  jusqu'à  ce  qu'une  pièce 
ne  porte  plus  qu'une  dent. 

Franc*.  —  On  n'y  trouve  pas  que  je  sache 
de  silex  de  faucilles  semblables  aux  types 
de  Kahun  ou  de  Solférino.  Il  y  a  bien  dans 
des  milieux  néolithiques  de  petites  lames 
denticulées  à  bord  brillant  ex.  :  (PI.  IV, 
fig.  1  b)  mais  ces  pièces  restent  douteuses, 
ne  présentant  pas  le  caractère  essentiel  d'ac- 
commodation des  petits  côtés  pour  l'ajus- 
tage. Au  surplus  certaines  au  lieu  d  être 
planes  sont  cintrées,  d'autres  ne  sont  denti- 
culées que  sur  une  fraction  de  leur  longueur, 
particularités  qui  excluent  l'emploi  comme 
silex  de  faucilles.  D'ailleurs  ces  lames  sont 
fort  rares. 
Par  contre  ce  qu'on  trouve  en  abondance  (en  particulier  dans 
les  stations  provençales  de  l'âge  de  pierre  le  plus  récent)  ce  sont 
des  pièces  triangulaires  qu'on  s'explique  mal  car  si  certaines, 
pointues  et  isocèles,  peuvent  s'interpréter  comme  pointes  de 
flèches,  d'autres,  dont  l'extrémité  est  peu  aigûe  ou  qui  sont  com- 
plètement dissymétriques,  ne  peuventse  comprendreainsi  (PL IV, 
fig.  1  c).  L'outil  de  Fénil  celui  de  los  Murcielagos  et  le  dessin  de 
Meïdoum  nous  indiquent  la  destination  probable  de  certaines  de 
ces  pièces  (1). 

(1)  Il  y  a  en  oatre,  parmi  ces  silex,  des  instruments  variés  ainsi  que  je  me  propose 
de  le  faire  voir  prochainement. 


I-  [G.  12.  —  Cueva  de   los 

M  ii  ni  cl;i 
(d'après  de  Gongora). 


l  \l  «  Il  l  !     PRÉHISTORIQUE    DE    SOLFKKINO. 


4i3 


Europe  centrale.  —  On  a  signalé  près  de  Cracovie  une  pièce  qui 
semble  identique  à  celles  des  faucilles  italiennes  (fig.  13"). 

Grande-Bretagne.  —  Il  y  a  des  silex  ayant  tous  les  caractères 
sentîels  de  ceux  qui  garnissent  la  faucille  de  Solférino  et  qui  par 
conséquent  doivent  avoir  eu  le  même  usage  (fig.  13  b).  Par  contre 
d'autres  (flg.  13  c),  de  petits  couteaux  avec  les  deux  côtés  denti- 
culés  et  les  bouts  non  préparés  pour  l'ajustage,  étaient  sans  doute 
des  instruments  pour  trancher  différentes  choses  qu'un  tranchant 
simple  aurait  moins  bien  attaqué. 


Fig    13.  —  a)  Pièce  «le  faucille.  Pologne  'd'aprrs  J.  Zawinsky.  Posz.  Arch.  1871). 
6,  et  c)  Ecosse  (d'après  Munro,  Prehistoric  Prohlems)  (gr.  nat.). 

Kn  outre,  j'ai  vu,  provenant  du  comté  d'York,  des  pièces  triangu- 
laires semblables  à  celles  dont  il  a  été  question  plus  haut. 

Enfin,  J.  Evans  (1  ),  décrivant  de  grandes  lames  de  silex  courbes 
trouvées  en  différents  lieux  d'Angleterre,  arrivait  à  conclure  que 
très  probablement  c'étaient  des  faucilles  car  elles  étaient  de  forme 
analogue  aux  faucilles  de  bronze  sauf  pour  le  manche.  En  effet 
cei  laines  d'entre  elles  au  moins  ne  devaient  pas  être  emmanchées 
ain^i  que  l'atteste  le  talcn  de  cortex  laissé  du  côté  extérieur  sur 
l'exemplaire  figuré  (fig.  14  o)t 

Pays  Scandinaves.  —  On  n'y  trouve  pas  (ou  à  peu  près  pas),  je 


(1)  Les  rhjes  de  la  pierre,  p.  351. 


4i4 


M.    A.    VAYSOX. 


crois,  de  pièces  rectangulaires  ou  triangulaires  pouvant  s'inter- 
préter comme  ayant  armé  des  faucilles. 

On  n'a  guère  signalé,  comme  instrument  de  ce  genre,  que 
l'outil  trouvé  à  Stenild  près  Hobro,  Jutland  (fig.  15).  Cependant  il 
est  difficile  d'admettre  que  ces  régions,  où  les  instruments  de  silex 
sont  si  nombreux  et  si  parfaits,  n'aient  pas  connu  de  faucille  meil- 
leure qu'un  simple  éclat  fiché  droit  dans  un  manche. 

De  fait  on  y  trouve  en  quantité  de  belles  lames  entièrement 
retouchées,  au  bord  rendu  souvent  luisant  par  la  friction,  et  qu'on 
désigne  sous  le  nom  de  scies  (PI.  IV,  fig.  2).  M.  Spurrell  avait  déjà 


Fig.  14.  —  a)  Yarmouth  (d'après  J    Evans).     Fig.  15.  —  Stenild   près  Hobro  (Jutland) 
b)  Mondsee  (d'après  Munro).  (d'après  J.  Déchelette,  Manuel...). 


supposé  que  c'étaient  des  faucilles,  ce  à  quoi  M.  Munro  répondait 
qu'il  ne  voyait  pas  d'objection  à  cette  hypothèse  si  ce  n'est 
l'absence  de  preuve  directe. 

Or  il  y  a  sinon  de  véritables  preuves  directes,  au  moins  de 
grandes  présomptions  en  sa  faveur.  D'abord  la  variété  de  formes 
de  ces  lames  fait  présumer  une  certaine  variété  dans  leurs  usages, 
quoique  toutes  aient  dû  servir  à  trancher  par  un  de  leurs  côtés 
longs.  Pour  celles  dont  le  côté  tranchant  est  convexe  ou  recti- 
ligne  la  spécialisation  n'apparaît  pas  bien  :  elles  pouvaient  servir 
en  particulier  à  entailler  du  bois  par  friction  c'est-à-dire,  si  l'on 


KUCllil     PRÉHISTORIQUE    DE    SOLFERINO. 


'l  «  5 


veut  parler  ainsi,  à  le  scier.  Mais  certaines  ont  un  tranchant 
concave  (lui  serait  contre  indiqué  pour  scier  du  bois,  même  une 
pièce  ronde  comme  une  branche,  car  il  y  a  intérêt  surtout  avec  une 
scie  médiocre  à  attaquer  l'objet  sur  une  ligne  aussi  réduite  que 
possible  et  de  plus  la  courbure  aurait  bloqué  le  mouvement 
normal  de  va  et  vient,  car  l'objet  s'emmanchait  par  une  extré- 
mité, comme  l'atteste  souvent  la  difïérence  de  taille  du  silex  pour 
la  partie  devant  servir  de  soie  (PI.  IV,  fig.  2,  extrémité  de  droite).  Au 
contraire  la  forme  cintrée  est  logique  pour  une  faucille  qui  doit 
rassembler  et  contenir  les  tiges  à  couper.  Enfin  cette  forme  est 
identique  à  celle  des  plus  anciennes  faucilles  de  bronze  en  Europe 
(fig.  16  h).  Ce  n'es!  donc  là  qu'un  nouvel  exemple  de  l'identité  de 


Fig.  16.  —  Faucilles  de  bronze  à  bouton  (d'après  de  Mortillet  :   Musée  préhistorique). 
Courbures  variées.  Région  du  Jura  et  dos  AIpos  françaises. 

formes  d'objets  Scandinaves  en  silex  et  d'objets  d'Europe  centrale 
ou  méridionale  en  bronze,  identité  qui  a  été  remarquée  déjà  dans 
bien  des  cas.  Il  est  même  à  noter  que  s'il  y  a  une  parenté  visible 
des  faucilles  de  bronze  avec  les  faucilles  de  pierre,  elle  est  bien 
plutôt  avec  les  croissants  Scandinaves  et  les  pièces  analogues 
d'Angleterre  ou  des  Alpes  (fig.  14  />)  qu'avec  les  faucilles  de  bois 
garnies  de  menus  silex 

Enfin  comme  nous  l'avons  déjà  dit  si  ce  n'étaient  pas  là  les 
faucilles  nordiques  de  la  fin  de  l'âge  de  pierre,  nous  serions 
réduits  à  constater  leur  absence,  qui  serait  très  anormale. 


Résumé  et  Conclusions. 


La   petite   étude  précédente,  par   les    comparaisons  qu'elle   a 
amenées,  conduit  à  la  fois  à  des  conclusions  de  détail   sur  les 


4l6  M.    A.    VAYSON. 

objets  mis  en  question  et  à  des  remarques  d'ordre  plus  général 
relativement  à  l'ethnologie  et  à  la  méthode  archéologique  elle- 
même. 

a)  Relativement  aux  faucilles  de  silex,  nous  sommes  arrivés 
d'abord  à  constater  que  les  habitants  des  palafittes  italiennes, 
pendant  ta  période  de  transition  entre  l'âge  de  la  pierre  et  celui 
du  bronze,  se  servaient  de  faucilles  de  bois  dont  le  tranchant  était 
formé  de  petites  pièces  de  silex.  Nous  avons  trouvé  deux  variétés 
de  ces  faucilles,  l'une  à  profil  courbe,  l'autre  à  profil  droit.  Enfin 
l'étude  des  caractères  essentiels  des  silex  armant  ces  faucilles 
nous  a  permis  d'identifier  des  pièces  semblables  provenant 
d'autres  palafittes  et  terramares  plus  récentes. 

On  doit  en  conclure  que  la  faucille  en  bois  à  denture  de  silex  a 
été  en  usage  dans  le  groupe  palafittes-terramares  depuis  l'âge  du 
cuivre  jusqu'à  l'époque  correspondant  au  Mycénien,  c'est-à-dire 
de  la  fin  du  troisième  millénaire  à  la  fin  du  deuxième. 

En  cherchant  des  éléments  de  comparaison,  nous  avons  reconnu, 
dans  des  milieux  archéologiques  de  même  époque  en  Suisse,  en 
Espagne  et* en  Egypte,  des  objets  analogues,  se  présentant  comme 
de  simples  variétés  des  types  trouvés  en  Italie.  Une  variété  parti- 
culièrement intéressante  nous  a  montré  l'emploi  de  silex  triangu- 
laires. 

Avant  étudié  les'caractères  des  pierres  qui  arment  les  diverses 
faucilles,  nous  avons  retrouvé  des  silex  semblables  dans  toute  la 
grande  zone  des  pays  méditerranéens  et  jusqu'en  Europe  Centrale 
et  en  Angleterre. 

En  outre  nous  avons  été  amenés  à  reconnaître  dans  certaines 
régions,  essentiellement  dans  les  pays  nordiques  mais  aussi  en 
Angleterre  et  en  Europe  Centrale,  l'emploi  de  faucilles  d'une  seule 
pièce  de  silex  analogues  par  la  forme  et  la  dimension  aux  faucilles 
primitives  de  bronze. 

En  ne  considérant  que  les  pierres  de  l'armature,  ce  qui  a  un 
intérêt  particulier  puisque  ce  sont  les  seules  parties  généralement 
conservées,  on  trouve  donc  trois  variétés  bien  distinctes  ;  mais  elles 
ne  sont  pas  confinées  chacune  dans  une  zone,  car  parfois  on  en 
rencontre  plusieurs  dans  le  même  pays.  Bien  qu'appartenant 
toutes  à  la  fin  de  l'âge  où  l'on  employait  encore  des  outils  et 
armes  de  pierre,  il  se  peut  qu'elles  ne  soient  pas  exactement 
contemporaines.  Il  faudrait  donc  déterminer  l'ordre  de  leur  appa- 


FAUCILLE    iMtKlIIsroKloiJK    DE    SOLFÉMNO. 


417 


rition  et  les  lieux  où  elle  s'est  effectuée.  Seules  des  études  de 
détail  approfondies  pourront  y  parvenir. 

A  priori  les  simples  lames  denticulées  et  les  pièces  triangulaires 
semblent  plus  archaïques  que  les  silex  rectangulaires  entièrement 
retouchés  et  les  grandes  lames  cintrées  d'une  seule  pièce  évoquent 
un  travail  attardé  et  perfectionné  de  la  pierre;  mais  cela  reste  à 
vériGer  et  à  préciser. 

Enfin,  en  dehors  de  ces  variétés,  pour  l'emploi  desquelles  nous 
avons  eu  des  éléments  de  preuve  directe,  il  y  en  a  probahlement 
d'autres  qui  nous  échappent.  Bien  des  outils  et  fort  simples  ont 
pu  servir  à  couper  les  herbes  et  les  premières  plantes  cultivées.  La 
lame  brute  de  Stenild  montée  en  faucille  en  est  un  exemple.  La 
difïérenciation  entre  le  couteau  et  la  faucille  n'a  pas  dû  être  tou- 


Fig.  17.  —  Brâcke.  Dalslund    Suède) 
(d'après    de  Mortillet    :    Musée  préhistorique). 

jours  très  nette  à  l'origine  et  l'on  peut  voir  encore  à  l'époque  du 
bronze  des  lames  de  faucilles  à  bouton  qui  sont  à  peu  près  iden- 
tiques aux  lames  des  couteaux  de  la  même  époque  (ex.  fîg.  16  a). 

Puisque  îa  nécessité  des  comparaisons  nous  amène  à  jeter  un 
coup  d'œil  sur  les  outils  de  métal,  remarquons  en  passant  comme 
Ta  déjà  fait  Spurrell  (1),  l'abondance  relative  des  faucilles  et 
l'extrême  rareté  des  scies  à  l'âge  du  Bronze.  Or  celui-ci  n'est  que  le 
prolongement  de  la  période  néolithique  avec  substitution  progres- 
sive du  métal  à  la  pierre  pour  la  fabrication  de  l'outillage  qui  à 
cela  près  évolue  peu.  Ce  que  nous  venons  de  constater,  l'abon- 
dance des  faucilles  de  silex  et  l'inexistence  de  véritables  scies  en 
pierre,  cadre  tout  à  fait  avec  cette  règle  générale.  L'interprétation 
ancienne  est  au  contraire  en  contradiction  avec  celle-ci  lorsqu'elle 
pense  trouver  dans  l'outillage  en  silex  des  quantités  de  scies  et 
peu  ou  point  de  faucilles. 

Ajoutons,  d'ailleurs,  que  parmi  les  scies  de  bronze  que  Ton  a 


(1)  V.  Ml-nho,  loc.  cit.,  p.  319-320. 


4l8  M.    A.     V AT SON. 

signalées  il  y  en  a  qui  certainement  ne  sont  pas  des  scies  et  pro- 
bablement sont  des  faucilles  :  telles  ces  lames  arquées  de  Scandi- 
navie (fig.  17),  dont  la  seclion  est  renflée  en  son  milieu  ce  qui 
empêcherait  l'outil  de  pénétrer  si  on  voulait  l'utiliser  pour  scier. 

Ces  lames  devaient  être  enchâssées  dans  la  rainure  de  faucilles 
en  bois  du  type  de  Kahun  ou  de  Solférino.  Les  tenons  qu'elles 
portent  au  dos  et  le  renflement  de  leur  partie  médiane  assuraient 
leur  fixité. 

En  terminantcette  revue  des  faucilles  primitives,  il  n'estpas  sans 
intérêt  de  signaler  une  hypothèse  qui  a  été  faite  sur  l'origine  du 
type  à  silex  sertis  et  à  profil  de  faux,  tels  que  les  exemplaires  égyp- 
tiens et  celui  de  Solférino.  L'analogie  avec  une  mâchoire  d'animal 
(un  maxillaire  inférieur  de  mouton  ou  de  bœuf  par  exemple)  est 
assez  frappante  aussi  bien  par  la  silhouette  générale  que  par  le  ser- 
tissage des  pièces  de  silex  analogue  à  celui  des  dents.  De  plus  Mas- 
pero  a  fait  remarquer  que  dans  l'écriture  égyptienne  les  mots  signi- 
fiant mâchoire  désignaient  une  paire  de  faucilles  (1)  (V.  fig.  10). 
Ceci  a  fait  penser  que  la  mâchoire  d'animal  était  l'ancêtre  de  la 
faucille.  L'idée  est  intéressante,  mais  aucune  trouvaille  archéolo- 
gique ne  la  confirme  On  n'a  pas  découvert  dans  les  mêmes  strates 
que  les  faucilles  à  silex  ou  dans  des  strates  antérieurs  de  mâchoires 
paraissant  avoir  été  accommodées  et  utilisées  pour  un  tel  emploi. 
Cela  peut  se  trouver.  Toutefois  il  faut  noter  qu'en  archéologie 
préhistorique  et  même  en  ethnographie  les  exemples  de  mâchoires 
d'animaux  ayant  servi  d'outils  de  quelque  façon  que  ce  soit  sont 
très  rares. 

D'ailleurs,  les  dents  naturelles  n'ont  pas  un  tranchant  assez  vif 
pour  couper  par  simple  pression  ou  friction  et  elles  sont  trop 
('paisses.  Ce  qui  reste  le  plus  probable  c'est  que  la  mâchoire 
d'animal  bien  que  n'ayant  pas  été  employée  par  l'homme  comme 
faucille  lui  a  suggéré  l'idée  de  la  fabrication  de  celle-ci  ou  plutôt 
d'une  simple  comparaison  ultérieure. 

C'est  ainsi  qu'actuellement  nous  disons  un  «  pied  »  pour  dési- 
gner un  support,  un  «  bec  »,  une  «  dent  »,  une  «  mâchoire  »,  etc., 
en  termes  d'outillage  pour  désigner  certaines  pièces.  Il  n'y  a 
cependant  là  qu'une  comparaison  et  non  le  souvenir  d'une  origine. 

b)  Au  point  de  eue  ethnologique ,  il  est  intéressant  de  constater  à 

(1)  DéGHElbttBj  Age  du  Bronze,  p.  267. 


FAUCILLE    PRÉHISTORIQUE   DE    SOLFÉRINO.  'l  I() 

travers  tout  l'ancien  monde  la  présence  d'outils  si  analogues  entre 
eux  qu'on  ne  peut  guère  les  expliquer  que  par  la  diffusion  d'une 
même  idée  chez  tous  les  peuples  de  cette  vaste  zone.  Des  exemples 
comme  celui  des  faucilles  que  nous  venons  d'étudier  sont  déjà 
précis  et  probants  et  il  semble  que  plus  nos  connaissances  pro- 
gressent plus  les  relations  anciennes  des  peuples  méditerranéens 
apparaissent  étroites. 

Cependant  de  grandes  précautions  s'imposent  avant  de  conclure 
à  des  relations  entre  peuples  sur  une  simple  analogie  d'outillage. 
Les  mêmes  besoins  font  naître  les  mêmes  idées,  amènent  les 
mêmes  découvertes  chez  des  peuples  qui  s'ignorent.  Cela  est 
d'autant  plus  vrai  que  l'outillage  est  plus  rudimentaire  et  qu'on 
se  contente  de  le  considérer  dans  ses  grandes  lignes.  Celles-ci  en 
etïet  ne  sont  que  l'expression  du  déterminisme  qui  conduit  partiel- 
lement l'industrie  humaine.  Si  l'on  s'en  tient  à  elles,  ce  que  l'on 
est  souvent  tenté  de  faire  sous  couleur  d  idées  générales  ou  par 
difficulté  d'études  plus  précises,  on  doit  abandonner  tout  espoir 
de  faire  la  preuve  d'une  filiation.  Pour  montrer  que  deux  indus- 
tries sont  parentes  il  ne  suffit  pas  de  prouver  qu'elles  sont  les 
mêmes  dans  la  grande  ligne  ;  il  faut  au  contraire  montrer  qu'elles 
ont  en  commun  une  série  de  particularités  que  le  déterminisme 
industriel  ou  le  hasard  n'ont  pu  faire  naître  deux  fois.  Il  en  est  des 
industries  humaines  comme  des  races  ou  des  individus  humains  : 
si  l'on  veut  les  comparer,  les  différencier,  les  grouper,  il  faut  les 
étudier  dans  leurs  menus  détails,  arriver  à  distinguer  ce  qui  fait 
la  physionomie  propre  de  chacun.  L'étude  des  caractères  généraux 
d'une  industrie  en  vue  d'en  dégager  les  grandes  lignes  et  les  prin- 
cipes correspondant  à  la  physiologie,  à  l'anatomie,  dont  le  but  est 
différent. 

c)  Au  point  de  vue  méthode  archéologique,  nous  ne  serons  donc 
autorisés  à  grouper  et  à  considérer  comme  «  frères  »  que  des 
objets  présentant  l'identité  de  tous  leurs  caractères  intentionnels 
même  de  détail. 

Or,  pour  être  certain  qu'un  caractère  de  détail  est  intentionnel  et 
systématique,  il  faudra  le  reconnaître  sur  de  nombreux  exemples. 
C'est  là  une  différence  fondamentale  avec  la  paléontologie  où 
quelques  bons  échantillons  peuvent  suffire  à  étudier  un  fossile.  En 
archéologie,  il  faut  des  séries  nombreuses  pour  éliminer  ce  facteur 
de  liberté  humaine  qui  s'introduit  avec  la  fantaisie  individuelle  du 


^20  M.    A.    YA1S0X. 

fabricant.  Dans  le  cas  particulier  qui  nous  occupe  on  trouve  cette 
identité  de  détails  caractérisant  les  silex  frères,  sur  de  nombreuses 
séries  de  pièces  provenant  des  palafittes  et  des  terramares.  Même 
identité  entre  eux  pour  les  silex  des  groupes  égyptiens. 

Des  études  plus  précises  restent  à  faire  dans  les  autres  pays  où 
les  découvertes  ne  forment  qu'une  trame  un  peu  lâche  pour  établir 
la  preuve  véritable  de  ce  que  nous  avons  signalé  comme  probable. 
C'est  seulement  lorsque  les  groupes  de  «  frères  »  seront  bien  cons- 
titués que  l'on  pourra  établir  avec  certitude  par  une  chaîne  géo- 
graphiquement  continue  les  relations  de  cousinage  pressenties  dès 
maintenant. 

Cela  est  à  faire  non-seulement  pour  les  faucilles  mais  pour 
toutes  les  parties  de  l'outillage  qui  ont  été  incomplètement 
étudiées. 

La  trouvaille  de  Solférino  peut  encore  servir  à  montrer  quels 
risques  d'erreur  on  court  en  jugeant  de  la  simplicité  d'un  outil- 
lage d'après  celle  de  ses  pièces  lithiques.  Celles-ci  peuvent  être 
très  simples  mais  avoir  fait  partie  d'ensembles  très  compliqués  et 
très  parfaits.  En  voulant  considérer  chaque  pierre  prise  isolément 
comme  un  outil  on  se  trompe  de  la  même  façon  que  si  on  voulait 
considérer  des  os  isolés  comme  étant  chacun  le  squelette  complet 
d'un  animal  rudimentaire. 

Enfin  l'examen  des  pièces  de  faucilles  nous  fait  voir  un  des 
dangers  de  la  typologie.  Les  trouvailles  des  palafittes  italiennes  et 
suisses  ont  montré  en  place  dans  leurs  manches  des  pièces  de 
faucilles  et  de  silex  utilisés  isolément  pour  trancher  par  friction. 
Les  uns  et  les  autres  diffèrent  par  la  dimension  et  par  un  carac- 
tère de  détail  des  extrémités  mais  plus  ou  moins  net  On  trouve 
sans  leur  manche  des  pièces  identiques  comme  forme  et  dimen- 
sions à  celles  que  1  on  a  vues  emmanchées  :  on  est  en  droit  de  les 
leur  assimiler.  Mais  la  difficulté  surgit  quand  on  trouve  des  pièces 
intermédiaires  :  or  il  en  existe  tant  que  l'on  peut  constituer  des 
séries  typologiquement  continues  allant  depuis  les  pièces  de  fau- 
cilles jusqu'aux  grosoes  pièces  à  tranchant  limeur. 

On  a  donc  une  série  continue  de  types  mais  constituée  par  au 
moins  deux  ensembles  dilïérents  puisqu'il  y  avait  au  moins  deux 
fonctions  distinctes.  Ce  n'est  d'ailleurs  là  qu'un  exemple  d'un  fait 
plus  général.  Sans  sortir  d'Italie  et  sans  sortir  du  Chalcolithique 
nous  trouvons  un  autre  cas  semblable  dans  la  série  allant  des 
pointes  de  flèches  pédonculées  aux  poignards  de  silex  en  passant 


FAUCILLE    PREHISTORIQUE    DE   SOLFERINO.  ^21 

par  les  pointes  de  javelot  :  les  formes  sont  identiques  et  toutes  les 
dimensions  existent  (Mitre  les  extrêmes.  La  série  allant  des  plus 
petits  poignards  de  cuivre  jusqu'aux  hallebardes  triangulaires  est 
un  autre  exemple.  Un  autre  encore  est  fourni  par  la  série  des 
noyaux  de  terre  cuite  dont  certains  tout  petits  sont  des  grains  de 
collier,  d'autres  des  fusaïoles  et  d'autres  pesant  plusieurs  livres 
sont  des  poids  de  destination  mal  connue.  On  pourrait  citer  encore 
le  passage  entre  les  petites  perles  de  collier  en  pierre  perforée 
(lig.  1)  et  les  casse-têtes  ovoïdes  typiques. 

Faut-il  donc  renoncer  à  faire  une  distinction  puisque  toute  cou- 
pure semble  arbitraire?  Non  :  mais  on  doit  se  contenter  de  classer 
les  termes  extrêmes  dont  on  est  sûr  et  avouer  son  ignorance  pour 
tous  ies  intermédiaires.  Il  faut  faire  la  part  du  doute  plutôt  que  de 
lui  laisser  tout  dévorer.  D'ailleurs,  si  ce  faisant,  nous  ne  laissons 
échapper  aucune  classe  d'objets  tout  entière  mais  seulement  des 
échantillons  particuliers  cela  n'a  pas  grande  importance.  Cepen- 
dant on  court  le  risque  que  toute  une  catégorie  d'objets  reste 
inconnue,  si  elle  est  constituée  précisément  par  les  pièces  à  carac- 
tères intermédiaires  comme  les  javelots  dans  le  cas  de  la  série 
flèches-poignards. 

Peut-être  en  est-il  ainsi  pour  les  pièces  indécises  analogues  aux 
silex  des  faucilles. 

Notre  petite  étude  conduit  donc  une  fois  de  plus  à  constater  que 
lorsqu'une  lueur  de  vérité  est  projetée  sur  une  question  elle  sert 
surtout  à  nous  en  montrer  la  complexité  et  à  éclairer  les  motifs 
de  doute  et  les  risques  d'erreur  qui  1  environnent. 


En  terminant  je  tiens  à  remercier  sincèrement  ceux  qui  m'ont 
aidé  dans  mes  recherches  et  mon  travail  et  dont  je  n'ai  pas  encore 
parlé.  Cefut  d'abord  M.  Vigano  le  grand  industriel  milanais  dont 
j  ai  été  l'hôte  à  Ponti  sul  Mincio  et  qui  ma  mis  sur  la  voie  des 
recherches.  Ce  fut  ensuite  le  savant  professeur  qui  dirige  le  musée 
préhistorique  de  Rome,  M.  le  sénateur  Pigorini,  qui  m'accorda  le 
meilleur  accueil  et  toutes  les  facilités  possibles  dans  son  beau 
musée.  Enfin  je  dois  une  reconnaissance  si  particulière  et  si 
grande  que  je  ne  saurais  bien  l'exprimer  aux  deux  hommes  émi- 
nents  que  sont  MM.  Boule  et  Cartailhac,  qui  m  ont  accueilli  à  cœur 
ouvert  et  ont  mis  à  ma  disposition  leur  temps  précieux  et  leur 
grand  savoir  pour  faciliter  mon  étude. 


l\22  M.    A.  VAYSOtf. 

Il  me  tient  aussi  à  cœur  comme  un  devoir  de  remercier  à  l'oc- 
casion  de  cette  première  petite  publication  le  Maître  auquel  je  dois 
tant,  M.  Termier,  dont  l'enseignement  à  l'École  des  Mines  a  exercé 
une  influence  décisive  sur  mon  esprit,  lorsqu'il  a  su  nous  montrer 
à  la  fois  les  détails  de  la  constitution  du  globe,  et  la  majesté  et  la 
poésie  grandioses  de  ses  traits. 


CONTRIBUTION 
A  L'ÉTUDE  DES  CELTES 


PAIi 


Maurice  PIROUTET 

[Suite)  fl). 


CHAPITRE  III 


SUBDIVISION  DU  MONDE  HALLSTATTIEN  DANS  SA  PARTIE 

OCCIDENTALE 
A  QUEL  GROUPE  REVIENT  EN  PROPRE  LE  NOM  DE  CELTES? 

Parmi  toutes  ces  populations  que  nous  voyons  ainsi  désignées 
sous  le  nom  de  Celtes  à  la  fin  du  vie  siècle,  nous  allons  maintenant 
essayer  de  déterminer  à  quelles  peuplades  cette  appellation  paraît 
s'être  appliquée  plus  particulièrement  à  l'origine  et  avoir  tout 
d'abord  appartenu  en  propre. 

Dans  tout  cet  ensemble  de  populations  qui,  à  la  fin  de  la  période 
récente  de  Hallstatt,  constitue  ce  qu'on  pourrait  appelerla  natio- 
nalité celtique,  il  existe,  pendant  cette  phase,  deux  grands 
groupements  séparés  par  une  ligne  frontière  que  l'on  peut,  grosso 
modo,  indiquer  comme  constituée  par  la  vallée  de  la  Saône  et  les 
Vosges.  Il  faut  noter  comme  différences  très  nettes,  à  l'Ouest  de 
cette  limite  commune,  l'extrême  rareté  des  plaques  de  ceinture  (2), 
des  pendeloques  en  bronze  portées  sur  le  torse  qui    paraissent 

(i)  V.  L'Anthropologie,  XXIX,  p.  213. 

(2)  Le  nombre  des  plaques  de  ceinture  reconnues  dans  toute  cette  zone  occidentale 
ne  paraît  pas,  jusqu'ici,  dépasser  la  dizaine,  si  même  toutefois  il  atteint  ce  chiffre, 
tandis  que  j'en  compte  une  cinquantaine  dans  le  Jura  salinois  seul.  A  ma  connais- 
sance, il  en  a  été  reconnu  25  dans  le  seul  quart  S. -0.  d'un  cercle  de  10  kilomètres  de 
rayon  et  ayant  Salins  comme  centre;  dans  le  Doubs,  le  seul  canton  d'Amancey, 
limitrophe  de  celui  de  Salins,  permet  d'en  relever  à  peu  près  le  même  chiffre. 

l'anthropologib.  —  t.  xxix.  —  1918-1919. 


/j2^  MAURICE    PIROUTET. 

même  faire  défaut,  des  épingles  à  cou  de  cygne,  l'absence  totale 
du  brassard  en  bronze  mince,  celle  de  la  fibule  serpentiforme  et 
des  fibules  typiques  du  début  du  Hallstattien  récent,  et  enfin  l'usage, 
prolongé  pendant  cette  dernière  phase,  de  la  grande  épée  de  fer 
hallstattienne  à  soie  plate.  De  ce  côté,  dans  la  Côte-d'Or  notamment, 
les  mobiliers  funéraires  se  classant  nettement  et  exclusivement  à 
la  période  récente  de  Hallstatt,  antérieurement  à  la  partie  tout  à 
fait  terminale  de  cette  phase,  sont  excessivement  rares;  les 
bracelets  et  torques  creux,  les  très  nombreux  bracelets  filiformes, 
ainsi  que  les  fibules  paraissent  bien  plutôt  appartenir  tout  à  fait  à 
la  fin  du  Hallstattien  et  aux  tout  premiers  temps  du  Latène  I. 

La  persistance  de  la  grande  épée  de  fer  pistiliforme  à  soie  plate 
dans  la  partie  tout  à  fait  occidentale  des  contrées  hallstattiennes 
est  attestée  d'unemanière  très  nette parplusieursfaits. Tout  d'abord 
cette  épée,  dans  le  tumulus  d'Apremont  (Haute-Saône)  situé  tout 
au  voisinage  de  la  Saône  même,  était   associée  à  des  types  du 
Hallstattien  récent,  tels  par  exemple  les  restes  d'un  char  à  boîtes 
de  moveux  et  enveloppes  de  rais    en  fer  semblables   aux  débris 
analogues  de   Sainte    Colombe,     un    poignard    certainement  à 
antennes  (1),  et  du  reste  considéré   comme  tel  par  J.  Déchelette, 
Manuel  d'Arch.,  t.  II,  p.   737,  note  4),  une  coupe  en   or   que  la 
présence  de  caractères  d'écriture,  paraissant  se  rattacher  à  ceux 
des  alphabets  nord  italiques  et  alpestres,  ne  permet  guère  de  faire 
remonter  plus  haut  que  le  vie  siècle,   et  enfin,  un    rasoir  en  fer, 
qui,  tout  en  dérivant  des  modèles  hallstattiens,  appartient  à  un 
type  spécial  aux  débuts  du  Marnien  (et  se  retrouve  notamment  à 
Heiltz TEvêque,  Ciry-Salsogne,  Saint-Etienne,  au  Temple,  etc).  — 
Une  autre  grande  épée  hallstattienne  en  fer,  celle  de  Créancey,  a  été 
recueillie  (Dict.  arch.  de  la  Gaule  ;  deux  épées  ont  été  découvertes 
alors  dans  les  tumulus  de  Créancey,  celle   trouvée  avec  le  rasoir 
et  par  suite  dans  la  cella  est  bien  celle  du  type  de  Hallstatt;  voir 
H.  Corot,  Nomenclature  des  épées  du  type  de  Hallstatt,  des  rasoirs 
de  bronze  et  de  fer  et  des  perles  trouvées  dans  les  tumulus  de  la 
Côte-d'Or;  Semur  1897),  avec  un  rasoir  en  bronze,  dans  une  cella 
de  2m,03  de  long  sur  lm,o0  de  large,  renfermant  plusieurs  corps 

(1)  Avec  ce  poignard  en  fer,  à  poignée  et  fourreau  de  bronze  avec  la  boutcrolle 
sphéroidalc  caractéristique,  le  musée  de  Besançon  a  acquis  quelques  débris  de  char 
de  même  provenance.  La  chambre,  en  madriers,  renfermant  la  sépulture  et  mise  au 
jour  par  Perron  qui  attendait,  pour  l'ouvrir,  l'arrivée  de  savants  rapidement  préve 
nus  par  lui,  avait  été  violée  clandestinement  dans  l'intervalle. 


iNTRIBUflON     V    L'ETUDE    DÈS   CELTES.  4a5 

accompagnés  d'un  mobilier  très  nettement  du  Hallstatticn  récent 

Mitre  autres  8  bracelets  très  reconnaissables  pour  des  anneaux  de 

jambe  très  proches  de  ceux  de  certains  tumulus  franc-comtois). 

Tous  les  corps  ayant  été  ensevelis  dans  \a.  même  ce  Ma,  il  en  ressort 

évidemment  que,  si  Ton  n'a  pas   affaire  à  des  ensevelissements 

simultanés,  on  se  trouve  en  présence  d'un  caveau  de  famille  et 

que  les  sépultures  qu'il   renfermait  ne  peuvent  remonter  à  des 

dates  bien  éloignées  les  unes  des  autres;  il  est  infiniment  probable 

que  la  tombelle  n'atteignit  sa  taille  définitive   que  lorsqu'il  ne 

demeura  plus  de  place,  dans  le  loculus,  pour  recevoir  un  nouveau 

cadavre.  Enfin  je  citerai  encore  un  troisième  cas,  celui  du  tumulus 

des  Fourches,  à  Magny-Lambert,   exploré  par  le  Dr   R.  Brulard 

[Les  tumulus    de  Magny-Lambert,  Dijon,  1909).  Cette  tombelle, 

avec  une  grande  épée  hallstattienne  en  fer  et  un  rasoir  en  bronze, 

(A),  a  livré  un   bracelet  et  deux  bagues  dont  Tune  appartient  au 

type  à  chaton  spiraliforme  inconnu,  jusqu'ici,  au  premier  âge 

du  fer  mais  assez  fréquent  au  Latène  surtout,  suivant  J.  Déche- 

lette   au  Latène  II.  Ici,  il  parait  bien  évident  que  l'exemplaire 

recueilli  doit  être  attribué  à  une  date  un  peu  plus  élevée  que  celle 

de  cette  dernière  phase  ;  l'on  ne  peut  toutefois  la  faire  remonter 

bien  haut  dans  leilallstattien,  en  admettant  même  que  l'on  puisse 

la  reculer  jusque  là.  L'autre  bague  semble  bien  présager  les  bagues 

et  bracelets  en  méandre  du  Latène  I.  Tout,  dans  ce  dernier  cas, 

nous  ramène  soit  à  la  fin  du  Hallstattien  soit  tout  au  début  de 

l'époque  marnienne.  —  En  outre,  on  observe  que  certaines  des 

grandes  épées  hallstattiennes  en  fer  de  Meurthe-et-Moselle  et  de  la 

Marne  (partie  occidentale  du  département)  sontployées,  de  même 

que  celle,  très  tardive,  d'Apremont.  Or  ce  rite  du  ploiement  de 

l'épée,  exceptionnel  au  Hallstattien,  est  au  contraire  fréquent  au 

Latène,  d'où   il  semble  assez  logique  de  conclure  que  les  épées 

hallstattiennes    ployées   doivent    appartenir  à    une    date    bien 

rapprochée  du  début  du  Latène,  ce  qui  est  confirmé  pour  celle 

d'Apremont. 

Il  faut  enfin  remarquer  que  le  département  de  la  Côte-d'Or,  dont 
les  sépultures  ont  donné  jusqu'à  présent  26  grandes  épées 
hallstattiennes  en  fer,  à  soie  plate,  et  17  épées  de  Latène  (J.  Déche- 
lette,  Manuel  d'Arc/t.,  t.  II,  p.  1121),  n'a  encore  livré  que  seulement 
deux  épées  à  antennes  (1)  et  aucune  épée  hallstattienne  en  bronze» 

(1)  A  ce  propos,  il  est  bon  de  faire  observer  que  les  deux  épées  à  antennes  de  la 
Côte-d'Or  proviennent  de  tombclles  édifiées  par  des  peuplades  qui  se  montrent  forte 
l'anthropologie.  —  r.  xxix.  —  18 18-191'J.  28 


£26  MAURICE    PIROUTET. 

De  môme  la  Meurthe-et-Moselle,  à  côté  de  ses  11  grandes  épées 
hallstattiennesen  fer,  à  soie  plate,  n'en  a  encore  livré  aucune  en 
bronze  et  aucune  à  antennes.  Il  serait  bien  surprenant,  si  toutes 
ces  armes  appartenaient  sans  exception  à  la  première  phase  du 
Hallstattien,  que  le  modèle  en  bronze  ne  fut  pas  représenté  dans 
les  tumulus  delà  môme  région,  car  le  remplacement  de  l'épée  de 
bronze  par  celle  de  fer  n'a  pas  dû  s'opérer  si  radicalement  ni  si 
brusquement  que  cela.  Au  contraire,  l'Ain  ^2  épées  de  bronze  et 
une  de  fer),  et  le  Jura  (9  épées  de  bronze  et  au  moins  6  en  fer)  ont 
donné,  dans  une  même  région,  simultanément  les  épées  hallstat- 
tiennes  à  soie  plate  en  fer  et  en  bronze;  on  est  donc  ici  bien  en 
droit  de  considérer  les  épées  à  soie  plate  en  fer  de  ces  deux  derniers 
départements  comme  se  classant  à  un  stade  de  la  culture  hallstat- 
tienne  plus  ancien  que  celles  de  la  Côte  d'Or  et  de  Meurthe-et 
Moselle;  enfin  la  civilisation  typique  du  Hallstattien  récent  étant 
fort  bien  représentée  (et  même  fort  abondamment  dans  le  premier) 
dans  le  Jura  et  l'Ain,  il  n'est  pas  possible  d'admettre  qu'on  se 
trouve  là  en  présence  de  peuplades  retardataires. 

Maintenant,  examinons  rapidement  la  répartition,  en  France, 
des  épées  hallstattiennes  à  soie  plate  en  fer  et  de  celles  en  bronze 
(ici  je  prends  les  chiffres  donnés  par  J.  Déchelette,  mais  en  les 
rectifiant  pour  le  Jura  et  le  Doubs).  — La  répartition  des  épées  de 
bronze  permet  de  constater  l'existence  des  provinces  ou  groupes 
suivants  : 

1°  Jura  (9  épées,  toutes  découvertes  sous  tumulus  dans  la 
vallée  de  l'Ain  (B),  Ain  (3),  Doubs  (1). 

2°  Drôme  (5),  Vaucluse  (3),  Var  (2). 

3° Lot  (5),  Lozère  (1),  Gard  (1). 

4°  Indre  (4  dont  3  pour  Saint-Aoutrille),  Cher  (3),  Nièvre  (1). 

5°  Seine  (3),  Seine  et  Oise  (1),  Seine-Inférieure  (1). 

6°Saône-et-Loire  (2),  Rhône  (1). 


tfleiri  pénétrées  d'influences  étrangères.  A  Créanccy  notamment,  la  présence  de  deux 
plaquas  de  ceinture  démontre  que  là  vivait  un  petit  groupe  local  où  le  port  de  la 
plaque  de  ceinture  métallique  était  fréquent,  comme  dans  le  Jura  salinois  (leur 
ressemblance  avec  certaines  plaques  de  cette  dernière,  région  est.  frappante,  surtout 
relie,  rie  l'une,  d'elles  avec  une  ceinture  d'un  tumulus  du  massif  d'Alaise,  aux  IVtites- 
Cnam  de  M} on  .  Quinl  ;i  répée  de  Blaisy-Bas  st  Hélier)  découverte  par  KM.  le 
Dr  Brulard  el  L.  Coutil,  elle  a  été  Livrée  par  une  sépulture  à  incinération  contraire- 
ment â  tout  ce  qui  s'est  présenté  jusqu'ici  pour  les  autres  sépultures  bourguignonnes 
à  épées  et  à  rasoirs. 


I  o\  i  Kir.i  i  K>\     \    lin  i>r    DBâ   CEI  m-.  f\>.-] 

Enfin,  il  faut  ajouter  un  exemplaire  isolé  livré  par  un  départe- 
ment, la  Haute-Marne,  et  qu'il  est  difficile  de  rattacher  à  l'un  des 
groupements  géographiques  ci-dessus.  Tout  d'abord  nous  devons 
éliminer  les  cinquième  et  sixième  provinces  dont  les  exemplaires 
ont  été  découverts  dans  les  lits  de  grands  cours  d'eau,  la  Seine, 
la  Saône  et  le  Rhône,  grandes  voies  commerciales  naturelles.  La 
deuxième  province  se  trouve  en  dehors  du  domaine  delà  civilisa- 
tion hallstattienne;  on  peut  se  demander  toutefois,  en  présence  de 
l'existence  de  tumulus  dans  cette  région  à  l'âge  du  fer  et  de  la 
découverte  de  rasoirs  dans  certains  d'entre  eux,  s'il  n'y  aurait  pas 
lieu  de  la  rattacher  au  reste  de  la  partie  ouest  de  la  province 
hallstattienne  occidentale.  Cette  subdivision  pourrait  être  désignée 
sous  le  nom  de  Salye  ou  de  Celto-ligure. 

Certains  des  exemplaires  de  la  troisième  province  sortant  de 
sépultures  tumulaires,  et  les  mêmes  contrées  ayant  livré  des 
rasoirs  recueillis  dans  les  mêmes  conditions  de  gisement,  il  y  a 
peut-être  lieu  d'y  attacher  une  certaine  importance  au  point  de 
vue  de  cette  étude.  Quant  aux  provinces  1°  et  4°,  l'étude  de  la 
grande  épée  en  fer  va  nous  y  ramener. 

Je  me  contenterai  de  dire  ici  pour  la  première  province  que 
tous  les  exemplaires  dont  les  circonstances  de  découvertes  me 
sont  bien  connues  (c'est-à-dire  toutes,  sauf  celle  de  Bourg  et  celle 
du  Doubs)  proviennent  de  sépultures  tumulaires  et,  chose  remar- 
quable, de  la  vallée  même  de  l'Ain.  Aucune  n'a  été  rencontrée 
associée  au  rasoir,  bien  que  celui-ci  se  soit  parfois,  mais  assez 
rarement,  montré  dans  des  tombelles  de  la  même  région. 

Si  nous  passons  maintenant  à  la  grande  épée  en  fer  à  soie 
plate,  de  la  même  époque,  la  répartition  de  celle-ci  sur  le  sol 
français  nous  amène  aux  résultats  suivants  : 

1°  Province  franc  comtoise,  Ain  (1),  Jura  (7  au  moins)  (C), 
Doubs  (4)  (D),  Haute-Saône  (3  dont  l'une,  celle  d'Apremont,  ne 
doit  pas  entrer  ici  en  ligne  de  compte). 

2°  a)  Côte-d'Or  (2G). 

b)  Meurthe-et-Moselle  (H). 

c)  Marne  (3). 

3*  Chef  (6),  Nièvre  (i),  Vienne  (t). 
4°  a)  Cantal  (3). 

b)  Lot  (1),  Lozère  (1),  Aveyron  (1). 
Enfin  un  exemplaire  isolé,  dans  la  Drôme. 
La  première  province  n'est  certes  pas  celle  où  la  grande  épée 


428  \i  VURICE    PIROUTEf  ; 

défera  soie  plate  est  jusqu'ici  connue  en  plus  grand  nombre 
d'exemplaires,  mais  c'est,  du  moins,  là  seulement  que  nous  nous 
trouvons  en  droit  de  considérer  ceux-ci  (à  part  l'épée  d'Apremont) 
comme  se  classant  à  une  phase  ancienne  du  premier  âge  du  fer; 
cette  région  présentant  en  effet,  à  la  période  récente  de  Hallstatt, 
un  développement  de  civilisation  la  rattachant  très  étroitement 
aux  contrées  plus  orientales  dont  l'étude  a  permis  d'établir  la  sub- 
division du  premier  âge  du  fer  en  deux  grandes  phases,  la  plus 
ancienne  caractérisée  par  l'épée  pistiliforme  à  soie  plate,  d'abord 
surtout  en  bronze  puis  plus  souvent  en  fer,  et  la  plus  récente  par 
les  poignards  ou  glaives  à  antennes.  En  outre  la  présence  de  l'épée 
de  bronze,  du  même  type  que  les  grandes  épées  en  fer,  sur  les 
mêmes  points  que  bon  nombre  de  ces  dernières  est  un  fait  singu- 
lièrement en  faveur  de  la  haute  ancienneté  des  exemplaires  en 
question  de  celles-ci. 

Dans  cette  dernière  province,  il  y  a  lieu  de  remarquer  que  les 
sépultures  hallstattiennes  anciennes  à  épées  sont  relativement 
très  denses  dans  la  vallée  même  de  l'Ain,  surtout  dans  la  région 
dénommée  Combe  d'Ain  où,  du  lac  de  Ghâlain  à  Vouglans,  ne  se 
sont  pas  montrés  moins  de  neuf  tumulus  à  épées  de  bronze  et  six, 
au  moins,  avec  la  grande  épée  de  fer,  plus  encore  un  autre  avec 
l'épée  à  antennes.  Contrairement  à  ce  qui  passe  fréquemment  en 
Bourgogne,  aucune  de  ces  sépultures  de  guerriers  n'a  livré  de 
rasoir  ;  certaines  ont  donné  une  lance  ou  javelot  en  bronze  ou  en 
fer.  11  faut  aussi  considérer  que  cette  Combe  d'Ain  paraît  avoir 
été  conquise  tout  à  fait  à  la  fin  de  l'Age  du  Bronze,  à  la  veille  du 
Hallstatlien,  sur  une  population  possédant  encore  des  habitations 
lacustres  et  à  laquelle  semblent  bien  devoir  être  attribuées  les 
sépultures  à  incinération  sous  tumulus  de  la  même  région.  Les  tri- 
bus conquérantes  inhumaient  sous  tumulus  et  étaient  originaires 
peut-être  des  plateaux  et  de  la  basse  montagne  du  Doubs,  où  elles 
paraissent  avoir  été  refoulées  pendant  l'Age  du  Bronze  III,  après 
avoir  possédé,  au  Bronze  I  et  II  et  au  début  de  la  période  III,  une 
beaucoup  plus  grande  extension.  11  est,  en  effet,  impossible  d'attri- 
buer à  une  tout  autre  période  qu'à  l'Age  du  Bronze,  malgré 
l'absence  de  mobilier,  les  grandes  tombelles  à  incinération  de  la 
Combe  d'Ain.  Du  reste,  les  recherches  de  M.  L.-A.  Girardot  ont 
montré  l'existence  de  tumulus  à  incinération,  dès  l'Énéolithique, 
au  voisinage  quasi-immédiat  des  palafittes  deChalain,  àMenétrux- 
en-Joux.  —  Ce  refoulement  des  tribus  incinérantes  paraît  avoir 


CONTRIBUTION    \    l'ÉTCPE   PF.S    CELTES.  ^Q 

ét(;  précédé,  assez  antérieurement,  de  l'extension  de  leur  influence, 
pendant  le  cours  de  la  période  III  de  l'Age  du  Jîronze,  vers  le 
Nord,  jusque  dans  la  région  de  Salins,  et  vers  l'Ouest,  sur  le 
plateau  entre  la  chaîne  de  l'Euthe  et  le  Vignoble,  régions  où  l'on 
trouve  bien  des  sépultures  tumulaires  à  incinération  qui  doivent 

classer  au  Bronze  l  et  II,  mais  où,  à  ces  périodes  là,  l'inhuma- 
tion est  la  règle  dans  les  tumulus  livrant  des  objets  métalliques, 
c'est-à-dire  dans  les  tombes  de  l'élément  prééminent. 

A  Cormoz,  au  début  du  llallstattien,  la  coexistence  des  deux 
rites,  la  présence  de  l'épée  dans  des  sépultures  à  incinération, 
tandis  que  les  autres  pièces  principales  du  mobilier  funéraire 
sont  les  mêmes  que  dans  le  Jura,  semblent  indiquer  que,  dans  la 
plaine  basse  du  cours  de  l'Ain  inférieur,  la  fusion  paraît  alors 
avoir  été  opérée  entre  les  deux  groupes  élevant  des  tumulus,  l'un 
incinérant,  indigène  dans  la  vallée  de  l'Ain,  l'autre  inhumant, 
venu  tout  à  la  fin  de  l'Age  du  Bronze  de  la  moyenne  montagne 
du  Doubs. 

Dans  cette  province,  l'épée  paraît,  jusqu'ici,  associée  une  seule 
fois  au  rasoir  (rasoir  ajouré),  à  Épeugney  (Doubs),  mais  il  y  avait 
là  aussi  une  sépulture  féminine,  ce  qui  nous  éloigne  du  groupe 
bourguignon.  Enfin,  il  faut  éliminer  le  tumulus  d'Apremont,  situé 
au  bord  de  la  Saône,  tandis  que  tous  les  autres  sont  situés  soit 
dans  les  collines  du  Vignoble,  soit  dans  «  la  Montagne  »  ;  ce 
tumulus,  par  la  présence  du  rasoir  en  fer,  plein,  en  arc  de  cercle 
et  par  ses  roues  de  char  à  rayons  enveloppés  de  tubes  de  fer,  de 
même  que  celles  de  Sainte-Colombe,  doit  être  rattaché  au  groupe 
bourguignon,  mais  il  est  beaucoup  plus  riche  que  la  plupart  de 
ceux-ci  ;  il  se  rapproche  de  ceux  de  Sainte-Colombe  par  cela 
même.  —  Dans  le  même  département  de  la  Haute-Saône,  c'est 
bien  à  la  première  phase  du  llallstattien  qu'appartiennent  les 
épées  de  Bucey-les-Gy,  l'une  d'elles  étant,  en  effet,  accompagnée 
d'un  bracelet  en  fer  très  caractéristique  dont  le  type  ne  se 
retrouve  pas  dans  les  tombelles  de  la  province  se  classant  nette- 
ment au  Hallstattien  récent.  Les  grandes  épées  de  fer  du  Doubs 
ne  peuvent  également  se  classer  qu'au  Hallstattien  ancien,  la 
présence  assez  fréquente  d'une  courte  arme  en  fer  (E),  épée  ou 
poignard,  coutelas  même  parfois,  à  la  période  récente  de  Hallstatt 
montre  bien  que  la  grande  épée  était  alors  démodée  dans  ces 
contrées. 

Quoique  ce  soit  la  seconde  province  qui  ait,  jusqu'à  présent, 


430  MAURICE    PIROUTET. 

fourni  le  plus  grand  nombre  d'exemplaires  de  la  grande  épée  de 
fer  à  soie  plate,  il  ne  s'ensuit  pas  que  ce  soit  là  que  les  traces  de  la 
période  ancienne  de  Hallstatt  fussent  les  plus  évidentes,  car,  ainsi 
que  je  l'ai  montré  plus  haut,  il  est  infiniment  probable  que  la 
plupart  des  grandes  épées  hallstattiennes  en  fer  de  cette  zone 
occidentale  doivent  être  classées  dans  la  deuxième  moitié  du 
premier  âge  du  fer.  —  Il  est  en  outre  à  remarquer  que  cette  pro- 
vince n'a  livré  qu'une  seule  épée  hallstattienne  en  bronze  et 
encore  celle  ci  provient-elle  d'un  département,  la  Haute-Marne, 
qui  n'a  encore  donné  aucun  exemplaire  du  modèle  en  fer. 

Il  semble  qu'à  cette  seconde  province  on  doive  rattacher  la 
troisième  ;  la  présence  de  fépée  de  bronze  est  la  seule  raison 
pour  laquelle  j'ai,  toutefois,  cru  bon  d'en  faire  ici  un  groupe  à 
part. 

Enfin,  la  quatrième  province  offre  deux  grandes  subdivi- 
sions. Dans  l'une,  le  Cantal,  il  ne  paraît  pas  avoir  été  rencontré 
encore  d'épée  de  bronze  hallstattienne,  et  les  sépultures  avec 
l'épée  de  fer  paraissent  des  incinérations  tandis  que,  dans  la 
seconde,  la  même  arme  accompagnerait  des  inhumations. 

Ainsi  que  je  l'ai  indiqué,  une  frontière  constituée  approxima- 
tivement par  la  vallée  de  la  Saône  et  les  Vosges  sépare,  à  l'époque 
hallstattienne  récente,  un  ensemble  oriental  très  distinct  d'une  zone 
périphérique  occidentale  ;  celle-ci  est  encore  de  caractère  hallstat- 
tien,  mais  d'une  manière  bien  moins  intense  que  les  contrées 
situées  plus  à  l'Est. 

La  partie  française  de  l'ensemble  oriental  présente  deux 
grandes  subdivisions,  l'une  alsacienne,  l'autre  franc-comtoise. 
La  première  se  distingue  surtout  par  ses  bracelets  ouverts  à  tige 
massive,  plus  larges  dans  la  partie  diamétralement  opposée  à 
l'ouverture,  et  à  extrémités  terminées  par  de  gros  boutons, 
soit  plus  ou  moins  sphéroïdaux  soit  fortement  biconvexes. 
Ce  groupe  n'est  pas  cantonné  exclusivement  en  Alsace,  mais 
s'étend  plus  à  l'Est.  Les  armes  y  paraissent  assez  rares. 

Dans  la  subdivision  franc-comtoise  (F),  deux  groupes  se 
montrent  à  la  période  récente  de  Hallstatt  L'un,  celui  qui  oiïre 
là  la  plus  grande  extension,  le  groupe  des  Moidons,  est  établi 
dans  le  pays  déjà  à  la  période  ancienne  de  Hallstatt  ;  il  est  carac- 
térisé par  les  brassards  en  bronze  mince  gravés,  le  port  excessive- 
ment fréquent  des  pendeloques  sur  le  torse  (G)  et  la  présence 
de  la  trousse  de  toilette  (et  non  pas  seulement  de  pièces  détachées 


CONTRIBUTION    A   L  ETUDE  DES   CELTES.  43 1 

de  celle-ci),  toutes  choses  qui  le  rattachent  à  des  groupes  hallstat- 
tiens  plus  orientaux,  ainsi  que  par  la  coutume  des  anneaux  pleins 
à  face  interna  plane  (ou  parfois,  à  une  phase  ancienne,  très  légè- 
rement concave)  portés  au  nombre  de  plusieurs  au-dessus  de 
chaque  cheville.  Le  second  groupe,  ou  groupe  d'Alaise,  dont  on 
constate  la  présence  sur  une  superficie  beaucoup  plus  restreinte 
et  ne  dépassant  pas.  avant  la  fin  du  llallstaltien  (lors  de  sa  fusion 
complète  avec  le  second),  vers  le  Sud,  les  environs  immédiats  de 
Si  lins,  est  caractérisé  par  la  présence  fréquente  de  la  plaque  de 
ceinture  (H)  et  des  fibules  qui  le  rattachent  aux  contrées  plus 
orientales,  ainsi  que  la  présence  fréquente  d'épées  courtes  ou  de 
poignards,  avec  poignée  munie  d'antennes  d'après  ce  que  l'on 
peut  constater.  Des  anneaux  en  bronze  creux  portés  au-dessus  (et 
peut-être  parfois  au-dessous)  du  genou,  des  bracelets  plus  massifs 
que  ceux  ordinaires  et,  déplus,  généralement  toriques,  portés  sur 
le  gras  des  membres,  lui  paraissent  spéciaux.  En  outre,  les  deux 
groupes  paraissent  différer  par  les  modes  de  construction  des 
tombelles  et  la  disposition  des  corps  dans  celles-ci. 

Dans  le  premier  groupe  les  armes  paraissent  excessivement 
rares  au  Ilallstattien  récent,  tandis  qu'au  Hallstattien  ancien,  sans 
être  communes,  en  général,  elles  ne  font  pas  défaut;  il  faut  toute- 
fois noter  alors  leur  abondance  dans  la  vallée  de  l'Ain.  Là,  ce 
groupe  semble  bien  s'être  installé  en  conquérant  à  la  fin  de  l'âge 
du  bronze.  Dans  les  deux  groupes,  l'inhumation  est  la  règle  et 
l'incinération  l'exception. 

Le  groupe  d'Alaise,  dont  le  mobilier  funéraire  est  très  étroite- 
ment apparenté  avec  celui  des  tumulus  du  Wurtemberg,  se  rap- 
proche encore  des  populations  inhumées  dans  ceux-ci  par  le 
mode  de  construction  habituel  de  ses  tombelles;  en  effet,  dans  cer- 
tains des  tertres  funéraires  de  cette  région  de  l'Allemagne  méri- 
dionale, les  corps  sont  disposés  en  cercle  autour  du  centre  du 
monument  (1).  Nous  avons  donc  là  des  indices  sérieux  de  la  con- 
trée d'où  ce  groupe  d'Alaise  est  originaire.  On  pourrait  supposer 
que  c'est  à  lui  qu'appartenait  d'abord  en  propre  le  nom  de 
Celte,  mais  pour  certaines  raisons  que  je  vais  exposer  succincte- 
ment la  chose  peut  sembler  douteuse. 

La  grande  similitude  de  ses  rites  funéraires,  relativement  au 

(1)  H.  von  Hôldir,  Uaterfuohu&gen  ûber  die  Skolettfunde  in  den  vorromischen 
HUgelgrfcbertl  Wurtembergs.  Stuttgart,  18'Jo  (Cf.  Hevue  de  i Ecole  (VAntlirop,  de 
Paris,  1896,  p.  229,  C.-r.,par  G.  Hervé). 


432  MAURICE   PIROUTET. 

rôle  insignifiant  de  la  poterie  dans  le  mobilier,  aux  pierres 
brûlées,  aux  charbons,  à  la  présence  de  quelques  os  ou  dents 
isolées  d'animaux,  avec  ceux  usités  par  les  populations  occupant 
le  pays  depuis  la  fin  du  Néolithique  ou  le  début  de  l'Age  du  Bronze, 
témoigne  d'une  très  notable  influence  indigène  qui  ne  peut  pro- 
venir que  d'un  mélange  des  anciens  habitants,  en  proportion 
assez  considérable,  avec  les  nouveaux  venus,  et  ceci  dès  l'appari- 
tion même  de  ce  groupe  dans  la  contrée.  Il  en  résulte  en  outre, 
en  dépit  de  son  caractère  plus  nettement  guerrier,  que  ce  dernier 
ne  s'est  pas  établi  là  en  conquérant  mais  en  hôte  pacifiquement 
accueilli  (1).  Du  reste  les  peuplades  du  groupe  des  Moidons,  qui 
coexistent  juxtaposées  avec  lui,  conservent  leur  caractère  propre 
et  le  nombre  ainsi  que  la  richesse  des  tumulus  productifs  qui  leur 
appartiennent  ne  permettent  en  aucune  façon  d'admettre  qu'elles 
aient  rien  perdu  de  leur  prépondérance.  Bien  plus,  les  tombelles 
du  groupe  d'Alaise  sont  en  général  beaucoup  plus  pauvres  que 
celles  du  groupe  des  Moidons  et  le  nombre  de  celles  productives 
est  beaucoup  plus  considérable  dans  le  second  que  dans  le 
premier.  Dans  le  groupe  d'Alaise  lui-môme,  les  tumulus  de  belles 
dimensions  et  productifs  se  sont  montrés  groupés  en  nombre  un 
peu  élevé  seulement  sur  le  plateau  séparant  les  vallées  de  Salins 
et  d'Arbois,  là  où  ces  peuplades  se  trouvaient  en  contact  immédiat 
avec  une  portion  très  importante  et  très  riche  du  groupe  des 
Moidons,  la  plus  riche  même,  semble-t-il  jusqu'à  présent. 

Aux  environs  de  Gy,  dans  la  Haute-Saône,  quelques  tumulus 
où  les  corps  présentent  la  disposition  en  couronne,  à  une  distance 
à  peu  près  égale  du  bord  et  du  centre,  sont  d'une  extrême  pau- 
vreté (Gastan,  Les  préliminaires  du  siège  d'Alésia,  Soc.  a' Km. 
du  Doubs,  180 'il. 

On  conçoit  dans  ces  conditions  qu'il  puisse  paraître  douteux 
que  le  groupe  purement  indigène,  demeuré  le  plus  important 
comme  richesse  et  n'ayant  rien  perdu  de  sa  prépondérance,  ait 
adopté  le  nom  particulier  de  l'élément  nouveau  venu,  il  est  plus 
probable  que  tous  deux  étaient  englobés  sous  la  même  dénomina- 
tion collective. 

Entre  les  régions  alsacienne  et  franc-comtoise,  s'étend  une 
zone,    le    Nord    du    Doubs    et   de    la    Haute-Saône  ainsi  que  le 

(i)  Cf.  M.  Pi  Sur  La  coexistence  de  populations  différentes  en  Franche-Comté 

pendant  les  temps  pré  et  prolohistoriques,  in  C.  R.  du  Congres  préhistorique  de 
France,  session  de  Lons-le-Saunier,  en  1913. 


strïbutïoh   \  l'étude  des  celtes.  433 

Sundgau,  largement  ouverte  par  la  trouée  de  Belfort  et  les 
voies  naturelles  d'accès  du  Doubs  (dans  les  environs  de  Mont- 
béliard)  au  Rhin  (et  de  là  au  Haut  Danube)  par  Porrentruy  et  la 
vallée  de  la  Birse,  en  évitant  les  marécages  de  la  partie  basse  de 
la  Haute-Alsace,  qui  a  *ervi  de  passage  à  bien  des  populations 
dont  les  traces,  soit  archéologiques  soit  ethniques,  doivent 
subsister  dans  cette  zone  séparant  des  régions  se  montrant,  dès 
l'âge  du  bronze,  occupées  par  des  populations  dont  les  coutumes 
funéraires  et  la  civilisation  étaient  très  semblables.  Il  faut  toute- 
fois remarquer  que  la  Franche  Comté,  le  Jura  salinois  tout  au 
moins,  lequel  paraît  avoir  été  une  contrée  assez  riche  aux 
périodes  l  et  II  de  l'Age  du  Bronze,  est  bien  loin  d'égaler  en 
richesse,  au  Bronze  III,  celle  que  dénotent  à  cette  époque  les 
tumulus  de  l'Alsace  septentrionale.  La  cause  en  est  peut  être  au 
refoulement  dans  les  montagnes  du  Doubs  des  constructeurs  de 
tumulus  pratiquant  surtout  l'inhumation.  Au  Bronze  IV- V  les 
constructeurs  de  tumulus  de  l'Alsace  et  ceux  de  la  Franche-Comté 
sont  séparés  par  une  zone  à  tombes  plates  à  incinération.  Dans 
le  Sud  du  Jura,  il  faut  signaler  la  présence  de  quelques  rasoirs 
dans  des  sépultures  hallstattiennes,  mais  toujours  dans  des 
tombes  sans  armes;  au  Hallstattien  ancien  à  Granges-de-Nom, 
Boissia,  Vaux-les-Saint-Claude,  et  au  Hallstattien  récent  à  Ville- 
neuve sous-Pymont,  et  à  Gevingey. 

Si  nous  passons  maintenant  de  l'autre  côté  de  la  ligne  fron- 
tière, constituée  par  la  vallée  de  la  Saône  et  les  Vosges,  que  j'ai 
indiquée  plus  haut,  mais  en  demeurant  au  Nord  du  parallèle 
passant  par  le  confluent  de  la  Saône  et  du  Rhône,  nous  nous 
trouvons  dans  un  monde,  en  Bourgogne,  Lorraine  et  Champagne 
orientale,  qui,  bien  qu'encore  très  fortement  soumis  à  l'influence 
hallstattienne,  est  tout  différent.  Si,  dans  ces  dernières  contrées, 
nous  voyons  apparaître  assez  fréquemment  les  torques  et  brace- 
lets en  bronze  creux  martelé  (types  jamais  bien  communs,  du 
reste,  dans  la  première  moitié  du  Hallstattien  récent),  ainsi  que, 
parfois,  quelques  très  rares  exemplaires  de  ceintures  en  bronze 
mince  et  épingles  en  cou  de  cygne,  ce  n'est  que  tout  à  fait  à  la  fin 
de  la  période  récente  de  Hallstatt,  ainsi  que  le  fait  voir  leur  asso- 
ciation avec  les  nombreux  bracelets  filiformes  formant  garniture 
de  bras  et  les  types  des  fibules  (1).  Les  très  rares  épées  à  antennes 

Cl;  La  filml?  île    Créancey,  à  ressort    unilatéral    et  à   talon  droit,  appartient  à  un 
ni-»lèle  italique  qui  a  subsisté  jusqu'à  li  un  du  ILill  itattien.  Une  autre,  à  talon  droit, 


434  MA.URICH   PIROUTET. 

connues  à  l'Ouest  de  la  limite  ci-dessus  indiquée  (à  part  bien 
entendu  les  exemplaires  appartenant  au  type  celto  ibérique,  le 
plus  souvent  postérieurs  au  Hallstattien,  et  que  l'on  peut  ici 
qualifier  d'Aquitains,  ainsi  que  ceux  des  régions  ligures  chez 
lesquels,  par  suile  des  caractères  ethniques  classiques,  une 
longueur  plus  considérable  que  dans  les  exemplaires  celtiques 
serait  très  surprenante),  il  est  très  remarquable  que  l'on  constate 
souvent  une  longueur  de  lame  tout  à  fait  inusitée  dans  les  régions 
plus  orientales  C'est  ainsi  que  Ion  observe  les  longueurs 
suivantes  :  Saint-Hélier  (Côte -d'Or),  52  centimètres  d'après 
MM.  le  Dr  Brulard  et  L.  Coutil;  Créancey  (Côte  d'Or),  46  centi- 
mètres pour  la  longueur  des  débris  réunis,  la  longueur  réelle 
étant  probablement  de  70  à  80  centimètres  d'après  M.  H.  Corot; 
Donges  JLoire-inférieure),  95  centimètres;  Mignaloux  Beauvoir 
(Vienne),  49  centimètres  pour  le  tronçon  restant,  l'arme  très 
analogue  à  celle  de  Donges  ayant  mesuré  au  moins  un  tiers  de 
plus,  en  longueur  (1),  que  la  partie  subsistante.  En  Saône-et- 
Loire  pourtant  les  tumulus  d'igé  montrent  l'existence  de  tribus 
se  rattachant  à  celles  du  Jura,  avec  leurs  anneaux  de  jambe,  les 
rouelles  pendeloques  ainsi  que  les  gros  bracelets  de  lignite  ou  de 
jayet.  Des  débris  d'épées  ou  de  poignards  en  fer  y  ont  été 
signalés,  malheureusement  le  type  auquel  appartiennent  ces 
armes  n'a  été  indiqué  par  aucun  des  auteurs  qui  les  mentionnent. 


mais  sans  ressort  conservé,  du  tumulus  du  Bois  d'Ivry  (Musée  de  Saint-Germain)  pos- 
sède sur  l'arc  une  bossette  conique,  ce  qui,  malgré  son  porte  agrafe  rectiligne 
indique  un  type  tout  à  fait  de  la  fin  du  Hallstattien;  elle  est  du  reste  associée  à  une 
autre  fibule  en  arbalète  à  ressort  allongé  et  également  à  bossette  conique  sur  l'arc. 
Du  reste  il  existe  des  fibules  en  arbalète  à  ressort  allongé  avec  talon  rectiligne  et 
notamment  avec  timbale  conique  sur  l'arc  (voirj.  Nale,  L'époque  de  Hallstatt  en 
Bavière,  Rev.  arch.,  juillet-août  1895,  fig.  IX  n°  77).  Enfin,  le  camp  de  Chassey  (Saône- 
et-J  Dire)  a  donné  une  fibule  en  arbalète  que  son  ressort  classerait  comme  une  des 
plus  anciennes  de  ce  type  ce  que  confirme  encore  son  talon  rectiligne  (voir  .1.  Dkcuk- 
i-i.i  tk,  Manuel  d'wch.,  t.  II,  p.  122,  fig.  31  n°  18);  il  est  probable  qu'il  s'agit  là  d'une 
Importation,  mais,  d'un  autre  côté,  il  ne  faut  pas  oublier  que  la  partie  occidentale  de 
Saôue-et-Loire  était  habitée  par  des  tribus  apparentées  de  très  près  à  un  de  nos 
groupes  franc-comtois.  Ce  sout  là,  je  crois,  jusqu'ici  les  seules  fibules  bourgignonnes 
qui  pourraient,  la  dernière  seule  avec  raison,  et  les  deux  autres  à  tort,  surtout  la 
seconde,  être  Considérées  comme  antérieures  à  la  fin  de  la  période  récente  de 
Hallstatl    On  avouera  que  c'est  bien  peu. 

(1)  \.n  longueur  de  ces  épéei  à  antennes  indique  une  préférence  très  nette  dans 
ces  régions  pour  les  épées  de  grandes  dimensions  et  c'est  là  une  des  raisons 
auxquelles  il  faut  attribuer  la  persistance  là  de  l'usage  de  la  grande  épée  ballslat- 
tienne  de  fer,  à  soie  plate. 


CONTRIBUTION   A    l'&TUDI  DES   CELTES.  ^35 

Dans  la  Côte-d'Or,  l'Influence  du  groupe  aux  multiples  anneaux 
de  cheville  se  fait  également  assez  fortement  sentir.  On  peut  citer 
entre  autres  ceux,  très  reoonnaiggablcs,  d'un  tumulus  de  Créanoey 
(au  Musce  île  Saint-Germain  en-Laye)  et  ceux  découverts  dans 
une  tombelle  de  Minot  par  M.  11.  Corot  (1)  qui  a  parfaitement 
note  leur  situation  exacte  autour  des  os  des  jambes.  La  sépulture 
inférieure  de  cette  dernière  tombelle  paraît  devoir  se  classer  à  la 
période  ancienne  de  llallstatt,  d'après  le  style  de  son  bracelet  de 
bronze,  et  a  présenté  un  mobilier  dont  tout  le  reste,  agrafe, 
appliques  de  bronze  mince  et  gros  bracelets  de  lignite  est  absolu- 
ment identique  à  ce  que  rendent  de  très  nombreuses  sépultures 
tumulaires  du  Jura.  Par  contre,  les  bracelets  portés  aux  poignets 
par  les  deux  corps  aux  multiples  anneaux  de  jambe  de  Minot 
appartiennent  à  un  modèle  tout  à  fait  inconnu  en  Franche- 
Comté  (2),  celui  des  bracelets  en  turban,  dont  la  présence  semble 
permettre  de  séparer  un  groupe  spécial  ayant  vécu  dans  le  Nord 
de  la  Côte-d'Or  et  la  Haute-Marne.  Ces  bracelets,  dont  les  ana- 
logues existent  dans  certaines  régions  de  l'Allemagne  du  Sud, 
semblent,  d'après  certains  exemplaires,  notamment  ceux  de 
Chamesson  (Côte-d'Or)  et  d'Attancourt  (Haute-Marne)  avoir 
persisté  en  évoluant  jusqu'au  Latène  I. 

Plus  au  Nord,  un  groupe  lorrain  parait  caractérisé  par  des 
bracelets  à  tige  volumineuse,  ouverts,  à  oreilles. 

Il  y  aurait  lieu  certainement  de  faire  encore,  dans  les  régions 
plus  septentrionales,  des  distinctions  parmi  les  groupes  franche- 
ment hallstattiens  dont  les  restes  reposent  sous  les  tertres 
funéraires  de  ces  régions;  la  nécropole  d'Haulzy,  entre  autres, 
explorée  par  M.  Goury,  avec  ses  rites  funéraires  si  spéciaux,  doit 
faire  partie  d'un  groupe  à  part,  et  les  tumulus  belges  à  inciné- 
ration, avec  grandes  épées  hallstattiennes  en  fer  et  en  bronze 
souvent  brisées  et  tordues,  avec  rasoirs,  paraissent  aussi  appar- 
tenir à  des  peuplades  retardataires  également  distinctes  de  celles 


(1)H.  Corot,  Un  tumulus  hallstattien  à  Minot,  Bull,  arch.,  1902. 

(2)  ("est  tout  à  fait  à  tort  que  le  regretté  J.  Déchelette  a  fait  rentrer  dans  cette 
catégorie  les  bracelets  à  charnière  de  mon  tumulus  n°  1  des  Moidons  Papillard. 
Ceux-ci  étaient  en  réalité  des  anneaux  de  jambe  au  nombre  de  cinq  à  chaque  membre 
(voir  M.  P.  Sur  la  coexistence  de  populations  différentes  en  Franche-Comté  aux 
temps  pré  et  protohistoriques,  Conyrès  préhistorique  de  F>ance,  IX*  session,  Lons-le- 
Saunier).  Ce  qui  a  causé  le  rapprochement  erroné  est  l'assemblage,  des  parties 
séparées,  à  l'aide  de  goupilles  comme  dans  le  type  découvert  à  Attancourt. 


436  MAURICE    PIROUTET. 

de    la    Bourgogne,    de  la  Lorraine   et  de   la  Champagne  orien- 
tale. 

Par    l'intermédiaire    de   la    Nièvre,   la    région   Cher-Indre    se 
trouve  reliée  à  la  Cote  d'Or.  Ici    un  groupe  hallstattien  important 
se  montre  très  nettement  installé  dès  le  début  de  l'Age  du  Fer 
comme   le  fait  voir   la    fréquence  relative  de  l'épée  de  bronze 
hallstattienne,  si  toutefois  ce  groupe,  se  trouvant  tout  à  fait  sur 
le  bord  occidental  de  la  culture  hallstattienne,  n'a  pas  conservé 
plus  longtemps  l'usage  du  bronze  pour  la  fabrication  des  armes. 
Il  semblerait  néanmoins  que  la  présence  des  poteries  ornées  de 
grecques    et    de    celles    avec    représentations    de    personnages 
schématisés    devrait    permettre    d'être  suffisamment   affirmatif, 
mais   on  peut  objecter   que   les  grecques   se    retrouvent    assez 
fréquemment  dans  la  décoralion  des  vases  marniens  et  que  les 
palafîttes  du  lac  du  Bourget,  ayant  livré  des  tessons  à  personnages 
du  même  style  que  ceux  des  fragments  céramiques  de  Villement, 
paraissent  avoir  été  occupées  depuis  l'Age  du  Bronze  jusqu'à  une 
date  synchronique  d'une  période  assez  avancée  du  Hallstattien, 
lequel  n'estreprésenté  dans  les  régions  circonvoisines  que  tout  à 
fait  à  sa  fin;  toutefois,  la  présence  à  Saint-Aoutrille  de  l'épée  de 
bronze,  à  l'exclusion  de  celle  de  fer,  rend  le  classement  de  ce  cime- 
tière aux  débuts  même  du  premier  Age  du  Fer  infiniment  probable. 
Avant  de  passer  aux  contrées  plus  méridionales  j'ai  quelques 
remarques  à  présenter.  —  La  région  lorraine  était  déjà  occupée 
par  des  constructeurs  de  tumulus  dès  une  période  fort  ancienne 
de    l'Age   du  Bronze,  si    l'on  en  juge  d'après  les  tombelles  de 
Malzéville   recouvertes  de  débris  de    cuisine,  silex,  os   fendus, 
et  tessons  de  poterie,  signalées  par  Bleicher  et  Barthélémy  (1)  et 
en  tout  cas  depuis  au  moins  l'Age  du  Bronze  III  comme  l'a  montré 
M.  le  O  Beaupré  (2),  de  sorte  qu'il  est  infiniment  probable  que  la 
population  hallstattienne  et  marnienne  de  cette  région  descend 
en  bonne  partie  au  moins  de  celle  déjà  installée  là  à  l'Age  du 
Bronze. 

A  la  fin  de  cette  dernière  période,  des  constructeurs  de  tumulus 
vivaient    déjà    dans    la   Haute-Marne,    comme    le    démontre    le 


(1)  Blbichbr  et   Baktiiéi.kmv,   Les  tumulus  de  la    Lorraine,  A.    F.    A.  S.  1880.   Les 
poteries  semblent  bien  appartenir  à  l'Age  <lu  Hronze.  Cf.  Matériaux,  186S. 

i'mk,  L'Age  du  bronze  dans  l'Est,  Revue préhist.  illustrée  de  l'Est, 

iW.K 


CONTRIBUTION    A    t/ktI'OE    DES    CELTES.  4^7 

tumulus  de  Rolampont  avec  son  épée  du  type  de  Mœringen  (1). 
Dès  le  Bronze  II,  semble-t-il,  d'après  la  présence  d'une  hache  à 
bords  droits  dans  un  tumulus  des  Montoilles  à  Prauthoy  (2),  ces^ 
peuplades  auraient  déjà,  sinon  occupé  définitivement  le  pays,  au 
moins  poussé  momentanément  quelques-unes  de  leurs  tribus  sur 
le  territoire  de  ce  département. 

Dans  la  Cote-d'Or,  certains  tumulus  auraient  peut-être  été 
élevés  au  Néolithique  même;  toutefois  la  chose  reste  douteuse, 
la  posture  repliée  des  corps  n'étant  pas  un  rite  appartenant  exclu- 
sivement à  cette  époque,  et  les  tombelles  se  classant  nettement 
au  Bronze  I  et  II  faisant  encore  défaut  dans  ce  département;  de 
plus  un  mobilier  à  aspect  néolithique  peut  fort  bien  appartenir 
aux  premières  phases  de  l'Age  du  Bronze.  En  outre  la  posture 
repliée  du  corps,  dans  un  loculus,  se  retrouve  dans  des  tumulus 
qui  me  paraissent  avoir  été  construits  par  des  peuplades  difïé- 
rentes  des  Protoceltes,  quoique  ayant  peut-être  subi  un  peu  leur 
influence. 

Ce  n'est  qu'au  Bronze  III  seulement  que  le  tumulus  de  Combe- 
Bernard,  à  Magny-Lambert,  nous  permet  d'affirmer  la  présence 
ou  peut-être  seulement  l'arrivée  en  Bourgogne  des  constructeurs 
de  tumulus,  et  même  d'affirmer  leur  parenté  directe  avec  les 
tribus  contemporaines  des  environs  de  Haguenau  et  de  l'Alle- 
magne du  Sud.  Toutefois,  ce  n'est  pas  avant  le  Hallstattien  que  la 
conquête  totale  de  ces  régions  est  complète.  C'est  ce  que  montre 
l'existence  des  tombes  plates  de  Veuxhaulles  contemporaines,  ou 
plutôt  un  peu  plus  récentes  que  le  tumulus  de  Combe-Bernard, 
et  la  tombe  plate,  entourée  d'un  cromlech,  de  Pommard  découverte 
et  fouillée  par  M.  A.  Moingeon  (3).  L'âge  de  celle-ci  est  très 
nettement  fixé  à  la   fin   de   l'âge,  du  bronze,  au  Mœringien   de 

(1)  J.  ït  ('.  RoYHR,  Le  tumulus  des  Charmoiselles  ;  Bull.  Soc.  hist.  nat.  Langres, 
1897,  cf.  J.  Dbchelktïb,  Manuel  d'arch.  t.  11. 

(2)  R.  Bouillrhot,  Les  tumulus  des  Montoilles,  des  Gros  Meurgers  et  de  la  t'orèt  de 
Champberceau,  canton  de  Prauthoy  (Haute-Marne),  Revue  préhistorique  illustrée  de 
l'Est,  1908. 

(3)  A.  KoiifoKON,  Les  tumulus  de  Pommard,  Revue  préhistorique  de  l'Est,  1908. 
Deux  tumulus,  tout  proches  de2  cromlechs   et   explorés  parle  même  archéologue» 

se  classent  indubitablement  au  Latèn.i  I  comme  le  montrent  les  deux  petites  libuleg 
en  bronze  d'un  type.spécial  au  début  du  Latène  I,  mais  encore  de  tradition  halistal- 
fienne,  et  les  débris  de  lihules  en  fer,  l'une  portant  sur  sa  face  dorsale  une  rainure 
longitudinale  remplie  d'une  p;Ue,  et  une  autre  très  typique  arec  un  seul  tour  despire 
de  chaque  côté,  chose  très  fréquente  dans  les  libules  du  modèle  primitif  du  Latène  l 
dans  le  Jura. 


\\<  MAURICE   Pifcoi  Ti  i  . 

M.  E.  Ghdiitre,  par  son  bracelet  très  caractéristique  et  nullement 
hallstattien,  ainsi  que  par  l'un  de  ses  vases  dont  le  décor  égale- 
ment typique  est  analogue  à  celui  de  fragments  de  la  palafîtte  de 
Grésine.  Au  voisinage,  les  tumulus  des  Chaumes  d'Auvenay  sont 
synchroniques  ou  plutôt,  en  partie  au  moins,  un  peu  postérieurs  ; 
ils  montrent,  à  l'aurore  de  l'apparition  du  métal  fer,  la  présence 
detribusde  coutumes  différentes  ettrèsprobablementdescendantes 
de  celles  qui  ont  élevé  le  tumulus  de  Combe-Bernard. 

En  Saône-et-Loire,  le  peuple  des  tumulus  avait  déjà  envoyé  des 
grand'gardes  dès  l'Énéolithique,  comme  le  montre  la  découverte 
des  débris  d'un  vase  caliciforme  sous  une  tombelle  (cf.  Dr  G.  Variot, 
Résultats  d'une  fouille  faite  dans  un  tumulus  sur  la  colline  de 
Vertempierre,  territoire  de  Chagny,  in  Bull,  et  M  cm.  Soc. 
d'A?ithrop.  de  Paris,  1912,  p.  377).  Dans  l'Allier,  le  tumulus  de 
Saint-Menoux  décrit  par  l'abbé  Moreten  1900  (1),  semble  indiquer 
qu'une  fraction  des  constructeurs  de  tumulus  était  établie  déjà  au 
Bronze  II  dans  ces  régions,  en  quelque  sorte  en  pointe  d'avant- 
garde,  alors  que  la  nécropole  à  tombes  plates  de  Dompierre 
montre  que,  vers  la  fin  de  l'âge  du  bronze,  ces  peuplades  n'étaient 
pas  encore  maîtresses  de  la  contrée,  si  même  elles  s'y  étaient 
maintenues  autrement  qu'en  se  fondant  et  se  mêlant  avec  les 
autres  occupants  qui  les  auraient  alors  assimilées. 

Plus  au  Sud,  ce  n'est  guère,  en  quelque  sorte,  que  sporadi- 
quement que  nous  retrouvons  des  traces  de  la  culture  hallstattienne 
(à  part,  bien  entendu,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  la  civilisation  halls- 
tattienne tardive  celto-ibérique).  11  se  pourrait  que  ce  soit  par 
suite  d'une  influence  par  contact  seulement  que  les  populations 
au  stade  launacien  aient  fait  quelques  emprunts  dans  le  costume 
et  l'armement  aux  tribus  hallstattiennes.  Cela  parait  être  le  cas 
fréquemment,  sauf  peut  ctre  certaines  exceptions,  et  c'est  à  cette 
cause  que  serait  due  la  présence  d'objets  dont  la  découverte 
permet  de  rapprocher  les  trouvailles  de  ces  contrées  de  celles 
où  a  fleuri  la  civilisation  hallstattienne. 

Le  tumulus  n'est  pas,   dans   ces  régions  méridionales,  un  rite 


(1)  Cf.  .!.  I)h(.iiKi.KiiK,  Manuel  (Varch.,  t.  Il,  p.  147. 

Il  y  aurait  lieu  de  considérer  la  Nièvre  comme  déjà  entamée  par  les  Proto-Celtei 

■à  la  lin  de  l'âge  du  bronze  si  les  tumulus  d'ÀrUrel  appartenaient  bien  à  cette  époque, 

ainsi  que  cela  a  été  indiqué.   En  réalité   les  types  d'objets  qu'ils  renferment   i<  s 

nt  nettement  an  Hallstattien.  (Cf.   Dr  Iacquinot,  Les  tumulus  d'Arthel,  Nièvre, 

in  Matériaux,  1881). 


.  nvrniiti "I'ion    v    l/ÉTUDÈ   i>ks   CELTES.  4og 

funéraire  Importé  à  l'âge  du  fefr;  à  la  fin  du  Néolithique,  le  dolmen 
soua  tumulua  es(  la  règle  dans  certaine?  d'entre  elles,  puis  il  cède 
la  place,   sous  une  Influence  étrangère  très   probablement,  au 

tumulus  simple  qu'on  y  observe  par  la  suite  et  même  dès  l'Énéo- 
lithique;  de  sorte  qu'ici  ce  dernier  mode  de  sépultures  ne  peut 
être  considéré  comme  Importé  par  les  tribus  hallstatiennes  celtiques 

ou  seulement  par  des  groupes  détachés  decelloci  ;  il  est  vrai  que 
dans  toutes  ces  régions  le  tumulus  du  premier  âge  du  fer  diiïère 
quelque  peu,  par  ses  modes  de  construction  et  de  disposition  des 
corps  ou  des  restes  incinérés,  de  c*uix  du  Nord-Est.  Enfin,  certaines 
de  ces  contrées  riches  en  dolmens  (groupe  céhennien)  étaient,  dès 
le  début  de  l'ère  des  métaux,  en  relations  commerciales  avec 
l'Europe  centrale  par  l'intermédiaire  de  régions  (telles  que  la 
Franche  Comté  par  exemple,  comme  le  montrent  les  épingles 
tréllées  et  les  poinçons  losangiques  du  Bronze  I)  déjà  occupées  par 
les  ancêtres  d'une  bonne  partie,  tout  au  moins,  des  tribus  halls- 
tattiennes  celtiques,  et  il  est  fort  probable  que  des  relations  du 
même  ordre  ont  persisté;  peut-être  même  est-ce  à  elles  que  nous 
devons  l'introduction  de  quelques  types  d'objets  et  de  quelques 
coutumes  provenant  des  populations  de  culture  hallstattienne,  de 
même  que  c'est  probablement  aux  relations  lors  du  début  de  l'âge 
du  bronze,  accompagnées  peut-être  par  l'installation  de  quelques 
éléments  proto-celtiques  dans  ces  contrées,  que  nous  devons  la 
substitution  du  tumulus  simple  à  la  tombe  mégalithique. 

En  Auvergne,  le  plateau  deMons  semble  avoir  servi  de  lieu  de 
sépulture  à  un  groupe  qui  paraît  bien  se  rattacher  aux  tribus 
hallstattiennes.  La  fréquence  relative  de  l'épée  à  soie  plate  rap- 
pelle en  effet  la  Bourgogne  et  la  vallée  de  l'Ain;  néanmoins 
l'absence  du  rasoir  éloigne  de  la  première,  tandis  que  le  rite  de 
l'incinération  rapproche  des  sépultures  tumulaires  à  épées  de 
Cormoz  dans  la  basse  vallée  de  l'Ain;  la  présence  de  la  pointe  de 
lance  dans  une  des  tombelles  de  Saint-Flour  rappelle  l'association 
fréquente  de  la  lance  à  l'épée  dans  les  tumulus  de  la  Combe  d'Ain. 
Ces  tumulus  de  Mons  ont  livré  également  un  type  d'objet  qui  s'est 
retrouvé  dans  un  tumulus  de  la  Corrèze,  à  Saint-Ybard,  et  qui,  à 
mon  avis,  est  qualifié,  bien  à  tort,  de  brassard.  Chacun  de  ces  soi- 
disant  brassards  est  constitué  par  une  série  de  bracelets  massifs 
superposés  et  maintenus  en  contact  rigide  par  une  tige  verticale 
de  bronze  ;  le  type  des  bracelets  de  Saint  Ybard  est  celui  d'anneaux 
de  jambe  du  Jura  et  de  l'Ain  et,  de  plus,  leurs  dimensions  excluent 


Z,40  MAURICE  PlROUTËT . 

toute  possibilité  qu'ils  aient  jamais  pu  être  portés  au  bras  car  ils 
auraient  glissé  par  dessus  la  main.  —  Il  paraît  donc  infiniment 
probable  que  des  tribus  détachées,  pendant  la  période  ancienne  de 
Hallstatt,  de  la  partie  avancée  du  gros  des  peuplades  celtiques,  sont 
venues  s'établir  dans  ces  régions  Cantal  Corrèze.  Par  contre,  la 
sépulture  de  Moissat  (Puy-de-Dôme),  si,  par  la  présence  de 
quatre  bracelets  à  chaque  jambe,  elle  indique  l'influence  de  tribus 
hallstattiennes,  par  son  caractère  de  tombe  plate  et  le  type  de  ses 
anneaux  de  jambe  (creux  et  non  pleins)  elle  fait  voir  que  les 
tribus  launaciennes  étaient,  dans  la  deuxième  moitié  du  premier 
âge  du  fer,  encore  établies  dans  cette  contrée. 

Est-ce  encore  à  une  pénétration  d'éléments  nouveaux  qu'il  faut 
attribuer  la  présence  des  quelques  grandes  épées  hallstattiennes 
en  bronze  ou  en  fer,  ces  dernières  très  rares,  de  la  région  des 
Causses,  au  Sud  du  Plateau  Central?  La  présence,  dans  les 
tumulus  des  mêmes  régions,  de  quelques  rasoirs  en  bronze  et 
d'une  double  série  chacune  de  sept  bracelets,  qui  d'après  leur 
diamètre  sont  certainement  des  anneaux  de  jambe  (collection 
Prunières,  au  Muséum  national  d'Histoire  naturelle),  paraîtrait 
l'indiquer.  Malheureusement  nos  connaissances  ne  permettent 
pas,  actuellement  du  moins,  de  pousser  les  comparaisons  plus 
loin,  aussi,  à  moins  que  les  analogies  ne  soient  dues  à  une 
influence  qui  se  serait  plus  fortement  exercée  par  suite  de  la 
présence  des  éléments  établis  dès  le  début  de  l'âge  du  bronze  et 
auxquels  est  attribuable  la  substitution  du  tumulus  simple  aux 
modes  de  sépultures  plus  anciennement  usités,  éléments  origi- 
naires de  la  même  souche  que  le  fond  des  tribus  hallstattiennes 
du  Nord-Est,  il  est  présumable  que  cette  pénétration  très 
probable  (1  )  a  dû  être  assez  réduite  au  point  de  vue  numérique.  Le 

(1)  IrlM.  A.  Viré  et  F.  Delisle  (Dr  F.  Delisle  kt  A.  Viré,  Recherches  de  préhistoire 
dans  la  Lozère,  A.  F.  A.  S.  Boulogne,  1899)  signalent  sur  le  Causse  Méjean,  associés 
à  des  tumulus  véritables,  d'âge  hallstattien,  dont  l'un  avec  la  grande  épée  de  fer  à 
soie  plate,  des  amas  de  pierres  de  plus  petites  dimensions,  disposés  presque  réguliè- 
rement en  lignes  parallèles  ,  ils  entoureraient  parfois  un  amas  plus  volumineux  et 
l'ensemble  serait  limité  par  des  murs  d'enceinte.  Ces  archéologues  considèrent  les 
petits  amas  comme  n'ayant  pas  renfermé  de  sépultures,  à  cause  de  l'absence,  dans 
ceux-ci,  il  Une  couche  assez  prononcée  de  lerre  Une  brun  foncé  qui  se  montre  daus 
1rs  plus  gros  et  y  contient  alors  des  sépultures.  H  peut  fort  bien  n'y  avoir  là  que  le 
résultat  d'une  construction  beaucoup  plus  soignée  des  grosses  tombelles,  sépultures 
d'une  aristocratie]  et  où,  ainsi  que  cela  est  fréquent  ailleurs,  les  corps  auraient  été 
recouverts  de  terre  rapportée,  tandis  que  les  tombes  du  commun  n'auraient  pas  été 
l'objet  de  pareils  .-oins  lors  de  leur  érection  et  auraient  eu,  par  suite,  infiniment  peu 
de  chances  de  conserver    quelques  traces  des  corps  qui  leur  auraient  été  conliés. 


CONTKIBUTION    A    L  ÉTUDE    DÈS    GÉLTËS.  t\l\l 

type  de  coupelle  en  bronze,  accompagnant  parfois  la  grande  épée 
en  fer  dans  ces  contrées,  se  retrouve  dans  les  tumulus  du  Gard  qui 
me  semblent  bien  devoir  être  rattachés  au  môme  ensemble  et  ont 
également  livré  quelques  rasoirs.  La  coupelle  en  bronze  du 
tumulus  d'Airolles  étant  identique  à  celle  de  la  sépulture  à  grande 
épée  de  fer  à  soie  plate  du  dolmen  du  Genévrier,  il  en  résulte  que 
cette  dernière  ne  peut  guère  être  considérée  comme  antérieure  à 
l'épée  à  antennes  d'Airolles  ;  nous  avons  là  une  nouvelle  preuve 
de  la  persistance  de  l'usage  de  la  grande  épée  de  fer  à  soie  plate 
dans  la  région  périphérique,  occidentale  ballstattienne.  La  fibule 
accompagnant  l'épée  à  antennes  et  la  coupelle  d'Airolles,  si  elle 
se  classe  bien  au  premier  âge  du  fer,  offre  un  type  qui  n'a  abso- 
lument rien  de  celtique  et  indique  que  l'influence  italique  s'est 
directement  exercée  dans  cette  direction. 

Pas  plus  que  ceux  du  Gard  et  des  Causses,  les  rasoirs  des 
tumulus  des  Bouches-du-Rhone  ne  signifient  l'établissement  des 
Celtes  dans  cette  région  au  premier  Age  du  fer,  le  rasoir  étant 
très  rare  dans  les  contrées  indubitablement  celtiques.  Il  en  est  de 
môme  de  l'épée  à  antennes,  associée  au.  rasoir,  du  tumulus  de 
Chabestan  (Hautes-Alpes).  Il  faut  observer  néanmoins  que  les 
tombes  connues  des  peuplades  du  premier  âge  du  fer  de  la  région 
subalpine  française  et  de  la  région  salyenne  sont  toutes  tumu- 
laires,  tandis  que  dans  les  autres  contrées  ligures  ce  sont  des 
tombes  plates  et  qu'il  y  a  donc  lieu  d'envisager  une  coupure  qui 
parait  correspondre  à  une  différence  entre  les  véritables  Ligures 
et  les  peuplades  des  régions  précitées.  Cette  distinction  semble 
bien  confirmée  par  l'examen  des  textes.  En  effet,  d'après  Strabon, 
les  Salyes,  considérés  d'abord  par  les  Grecs  comme  Ligures,  ont 
été  postérieurement  dénommés  Celto-Ligures. 

Il  est  inadmissible  que  ce  changement  de  nom  se  soit  effectué 
à  la  suite  d'une  fusion  ou  du  mélange  d'un  élément  ligure  pré- 
existant et  d'un  élément  celtique  nouveau  venu.  Dans  ce  cas,  le 
dernier  qui  n'était  que  la  partie  avancée  d'une  masse  conquérante 
n'aurait  pas  tardé  à  s'imposer  comme  prépondérant  et  n'aurait  pu 
consentira  conserver  pour  nom  celui  d'une  peuplade  originaire- 


Ces  derniers  caractères,  joints  à  L'alignement  des  petites  lombelles  et  à  la  pré- 
sence de  murs  d'enceinte,  rappellent  singulièremenl  certains  de  nos  champs  de 
sépultures  tumulaires  de  l'Est  avec  leurs  murées  et  rendent  ainsi  très  vraisemblable 
l'hypothèse  d'un  établissement,  dans  h  réîrton  d*s  Causses,  de  groupes  de  population 
venus  du  Nord-Est. 

l'an'ihkofolouik.  —  r.  xxix.  —  1918-1919.  29 


4^2  MU  1UCE    PIROLTET. 

ment  ennemie,  ensuite  subjuguée.  ,De  plus  certaines  peuplades 
subalpines,  les  Voconces  par  exemple,  paraissent  être  ligures  pour 
certains  auteurs  anciens  et  celtes  pour  d'autres.  Il  semble  donc 
qu'il  y  ait  là  constatation  de  la  présence  d'un  élément  établi 
depuis  très  longtemps,  depuis  peut-être  le  Néolithique,  et  apparenté 
d'assez  près,  aux  ancêtres  des  Celtes,  ou  plutôt  du  moins  aux 
ancêtres  des  fondateurs  delà  culture  celtique,  si  l'on  peut  s'expri- 
mer ainsi.  Les  Grecs  ne  pouvant  se  douter  de  cette  parenté  alors 
qu'ils  ne  connaissaient  pas  ou  très  peu  les  Celtes  et  ne  pouvant, 
par  conséquent,  que  reconnaître  des  ressemblances  avec  les 
Ligures,  ne  distinguèrent  d'abord  pas  le  véritable  caractère  de  ces 
populations  (1).  C'est  là  ce  qui  ressort  du  texte  de  Strabon  lequel 
n'autorise  nullement  l'hypothèse  d'un  mélange. 

Pour  terminer  ce  qui  a  rapport  avec  les  peuplades  du  monde 
hallstattien  occidental  parmi  lesquelles  nous  devons  chercher  les 
Celtes,  il  reste  à  jeter  un  rapide  coup  d'œil  sur  l'Allemagne  du 
Sud-Ouest  et  le  plateau  suisse. 

Dans  la  première  de  ces  contrées,  nous  voyons  des  populations 
apparentées  très  étroitement  avec  celles  que  nous  avons  vues 
établies  en  Franche  Comté,  notamment  avec  le  groupe  d'Alaise, 
ainsi  qu'avec  celles  qui  occupaient  l'Alsace.  Plus  à  l'Est,  la  Haute- 
Bavière  et  le  Haut-Palatinat  ont  livré  les  tombes  de  tribus  parais- 
sant se  rattacher  par  leur  civilisation,  d'une  part  avec  la  culture 
si  développée  au  Sud  et  au  Sud-Est  et  que  l'on  peut  appeler  celto- 
illyrienneenattendantune  dénomination  plus  appropriée,  si  celle-ci 
ne  convient  pas,  et  de  l'autre  avec  le  groupe  hallstattien  occidental 
que  je  passe  ici  en  revue,  et  dans  lequel  tout  démontre  que  l'on 
doit  chercher  les  Celtes  primitifs.  Par  l'usage  de  la  tombe  tumu- 
laire,  c'est  même  plutôt  à  ce  dernier  groupement  que  les  tribus 
hallstattiennes  de  la  Haute-Bavière  et  du  Haut-Palatinat  ten- 
draient surtout  à  se  rattacher. 

En  Suisse,  la  sépulture  tumulaire,  très  rare  à  l'Age  du  Bronze  (2) 
ne  devient  commune  qu'à  la  période  récente  de  Hallstatt  seule- 
ment, et  encore  les  tombelles  ne  s'y  montrent-elles  que  par  petits 
groupes,  au  lieu  d'être  réunies  en  nombre  considérable  comme  en 

(1)  C'est  très  probablement  à  la  venue  en  Espagne  de  tribus  du  groupe  celto-ligure 
et  appelées  d'abord  ligures  par  les  <irec-;  qu'est  due  la  présence,  <lans  la  Péninsule, 
pultures  tumulalres  antérieurement  ;ï  l'arrivée  des  Celtes  dans  cette  contrée. 

(2)1).  Yioi.lieh,  Essai  sur  les  rites  funéraires  en  Suisse,  Paris,  1911;  et  Quelques 
sépultures  de  l'âge  du  bronze  eu  Suisse. 


CONTRIBUTION    A    L  ÉTUDE    DES    CELTES.  $43 

Franche-Comté.  Il  semblerait  que  le  peuple  des  tumulus,  dont 
quelques  groupes  seulement  étaient  cantonnés  dans  la  partie 
Nord-Èst  du  pays  à  l'Age  du  Bronze,  n'ait  pris  possession  totale 
du  Plateau  Suisse  que  pendant  le  Hallstattien  récent.  Ici  encore 
les  analogies  sont  grandes  avec  la  Franche-Comté  et  l'Allemagne 
du  Sud  ;  fibules,  brassards  en  bronze  mince  décorés  de  gravures, 
plaques  de  ceintures  estampées,  brassards  en  lignite  (ou  jayet), 
pendeloques  sont  les  pièces  caractéristiques  du  mobilier  funé- 
raire. 

Dans  la  partie  occidentale,  c'est  surtout  avec  notre  groupe  des 
Moidons  franc-comtois  que  sont  les  ressemblances  (1)  et  celles-ci 
sont  frappantes  ;  la  parure  ventrale  circulaire,  découpée  à  jour  et 
entourée  de  cercles  concentriques  libres  s'y  retrouve.  Il  n'y  a 
qu'une  seule  note  discordante,  l'usage  de  l'incinération  assez 
fréquent  et  parfois  même  exclusif  (comme  à  Siibingen  (2)  par 
exemple).  Les  armes  manquent  aussi. 


(1)  D.  Viollier,  Un  groupe  de  tumuli  hallstattiens,  in  Indicateur  d'antiquités 
suisses,  1910. 

M.  Viollier  sépare  de  ce  groupe,  pour  en  faire  un  autre  à  part,  celui  auxquels  sont 
dus  les  tumulus  renfermant  des  chars  ou  parties  de  chars  et  des  objets  en  or.  Cette 
distinction  ne  me  semble  guère  justifiée,  la  présence  des  chars  ou  de  l'or  dans  les 
sépultures  pouvant  fort  bien  être  seulement  l'indice  que  l'on  se  trouve  là  en  présence 
des  tombes  de  familles  plus  riches  appartenant  au  même  groupe.  Le  char  n'est  pas 
absent  dans  notre  groupe  franc-comtois  des  Moidons  ;  M.  J.  de  Morgan  en  a  découveit 
un  dans  la  nécropole  même  des  Moidons;  il  a  également  trouvé  là  un  petit  objet  de 
parure  en  or  ainsi  qu'un  vase  en  bronze  (et.  au  Musée  de  Saint-Germain);  un  autre 
tumulus  situé  à  la  bordure  même  de  la  forêt  des  Moidons,  quoique  appartenant  à 
une  fraction  du  groupe  d'Alaise  établi  là,  celui  de  Champ  Peupin,  fouillé  par  E.  ïou- 
biD,  a  également  donné  un  petit  objet  en  or. 

(2)  Ici  la  présence  d'armes  et  d'outils  en  pierre  n'est  pas  du  tout,  à  mon  avis,  le 
témoignage  d'une  survivance  de  l'outillage  lithique.  Je  crois  aussi  qu'il  faut  renoncer 
à  voir  là  un  rite  religieux,  ainsi  qu'on  le  fait  trop  souvent.  Il  me  paraît  que  l'expli- 
cation est  beaucoup  plus  simple  la  plupart  du  temps.  Les  matériaux  de  construction 
d'une  tombelle  ont  pu  être  très  fréquemment  empruntés  à  l'emplacement  d'une 
ancienne  station  néolitbique  ou  énéolithique  ;  de  là  la  présence  des  haches  polies 
entières  ou  brisées  et  de  silex  taillés;  l'absence  d'os  et  de  tessons  provenant  de  débris 
de  cuisine  ne  surprendra  personne,  car  il  est  bien  rare  d'en  retrouver  la  moindre 
trace  dans  les  stations  de  surface.  Eu  outre,  assez  souveut  on  a  utilisé,  et  parfois 
remanié  dans  ce  but,  des  tombelles  beaucoup  plus  anciennes,  soit  en  y  ajoutant  de 
nouveaux  matériaux  pour  augmenter  les  dimensions  du  tumulus,  soit  même  en  se 
contentant  des  anciens  et  alors  en  remaniant  le  tertre  primitif  pour  y  creuser  rem- 
placement destiné  à  de  nouveaux  corps. 

L'utilisation  d'un  outillage  lithique  me  paraît  avoir  été  abandonné  dans  nos  contrées 
des  le  Bronze  IV,  et  la  continuation  de  mes  fouilles  au  camp  de  Chàteau-sur-Salins,  qui 
avaient  d'abord  paru  témoigner  en  faveur  d'une  telle  persistance,  m'a  donné  la  preuve 
évidente  que  les  haches  polies  et  silex  taillés,    trouvés  sur  certains  points  dans  les 


\'A\  WW1UCE    PIROUTEÎ. 

Vers  le  N.-E.,  un  autre  groupe  se  distingue,  incinérant  sur- 
tout. Ici,  semble-t-il,  pas  de  plaques  de  ceinture  ni  de  brassards, 
ou  tout  au  moins  extrême  rareté  de  ceux-ci  ;  par  contre,  des 
armes  :  coutelas  à  poignées  parfois  munies  d'antennes  et  pointes 
de  lances  ou  de  javelots  ;  un  autre  trait  distinctif  est  l'abondance 
des  poteries,  très  semblables  à  celles  de  l'Allemagne  du  Sud,  et 
parmi  lesquelles  se  remarquent  des  vases  peints  (1). 

11  est  fort  possible  que  le  groupe  à  affinités  franc-comtoises 
soit  venu  de  l'autre  côté  du  Jura  et  que  le  rite  de  l'incinération  y 
ait  pris  le  grand  développement  qu'on  y  observe  au  contact  des 
incinérants  venus  de  l'Est. 

La  plaine  du  Rhône  et  les  rives  du  Léman  ont  montré  des 
tombes  plates-  renfermant  un  mobilier  identique  à  celui  des 
tumulus  de  la  région  occidentale.  Il  semble  qu'il  s'agisse  ici  de 
populations  ayant  adopté  le  costume  de  leurs  voisins  du  Nord- 
Ouest  et  assimilées  à  ceux-ci  d'une  manière  très  avancée  (par  suite 
d'alliance,  très  probablement)  bien  qu'ayant  conservé  le  rite 
funéraire  de  leurs  pères  (2). 

Parmi  ces  populations  hallstattiennes  que  je  viens  de  passer  en 
revue  d'une  façon  très  sommaire,  quelles  sont  celles  auxquelles 
revient  avec  le  plus  de  justesse  le  nom  de  Celtes  ?  Évidemment 
aux  plus  puissantes  et  par  suite  à  celles  dont  l'influence  sur  les 
autres  se  faisait  le  plus  vivement  sentir  au  moment  où  le  nom  de 
Celtes  (ou  de  Celtique,  ce  qui  revient  au  même)  a  dû  apparaître, 
c'est-à-dire   peu  avant  la  fin  de  la  période   récente  de  llallstatt. 


foyers  hallstattiens,  provenaient  uniquement  de  remaniements  datant  de  1  époque  des 
dit*  foyers  et,  pas  plus  que  les  fossiles  ealloviens  ou  même  liasiques  apportés  là  par 
l'homme,  ne  pouvaient  être  datés  comme  de  l'époque  des  foyers  qui  les  renfermaient. 

(1)  I).  Viollier  et  F.  Blanc,  Les  tumulus  hallstattiens  de  Ouningen  (Zurich),  et,  des 
mêmes,  Un  tumulus  du  premier  âge  du  fer  à  Pïiederweningen  (Zurich). 

Dans  la  première  de  ces  études,  M.  Viollier  caractérise  le  groupe  en  question  «  par 
l'abondance  des  poteries  funéraires,  parfois  peintes  ou  gravées,  et  par  la  pauvreté  du 
mobilier  métallique  »,  et  il  le  montre  cantonné  dans  la  Suisse  orientale. 

(2)  Dans  le  cas  d'alliance  entre  des  populations  d'origine  différente,  il  en  résulte 
l'adoption  de  tout  ou  partie  des  pièces  dUtinctives  du  costume  spécial  à  chacune,  par 
l'autre,,  de  façon  à  établir  ainsi  une  marque  servant  à  la  reconnaissance  mutuelle  et  de 
distinction  avec  les  étranger*  à  la  ligue  ainsi  constituée  11  est  clair  que  lorsqu'un 
groupe  est  incorporé  dd  cette  même  façon  à  un  autre,  on  cherche  à  faire  disparaître 
ainsi,  au  moins  en  trè>  grande  partie,  les  distinctions  extérieures  el  que  c'esl  alors 
le  plus  faible  en  importance  qui  adopte  les  caractéristiques  extérieures  du  plus  fort 
en  nombre  et.cn  puissance.  L'ethnographie  nous  montre  de  multiples  exemp'es  de 
faits  de  ce  genre,  Les  modifications  des  rites  funéraires,  sous  une  telle  Influence, 
s'opèrent  avec  beaucoup  plus  de  difnoulti 


NiuiiuiioN   \   l'étude  des  celtes.  445 

Or,  précisément  le  grand  groupement  situé  à  l'Est  de  la  Saône 
et  des  Vosges  montre  alors  une  prépondérance  marquée,  et  c'est 
à  ce  mémo  moment  que  nous  voyons,  de  l'autre  côté  de  la  limite 
ci-dessus,  se  montrer  les  types  originaires  de  la  région  orientale 
et  spéciaux  à  la  deuxième  période  de  Hallstatt,  tels  que  fibules 
toutes  de  la  fin  du  Hallstattien),  bracelets  filiformes  portés  en 
grand  nombre  à  chaque  bras  (caractéristiques  également  de  la  fin 
de  la  période),  plaques  de  ceinture  en  bronze  mince,  épingles  en 
cou  de  cygne,  bracelets  et  torques  en  bronze  mince  roulé.  En 
mémo  temps,  sur  la  rive  droite  de  la  Saône,  à  Méloisey,  le  mode 
de  construction  de  certaines  tombelles  et  la  disposition  des  corps 
dans  celles-ci  rappellent  singulièrement  ce  que  l'on  observe  dans 
certains  tumulus  franc-comtois  dès  le  début  de  la  période  récente 
il*1  Hallstatt  :  «  Autour  de  lui  (du  personnage  principal),  à  un 
mètre  environ  plus  haut,  sont  couchés  une  série  de  squelettes 
formant  comme  une  couronne  autour  de  la  tombe  princi- 
pale »  (Die t.  archéol.  de  la  Gaule). 

Vu  le  rôle  qu'il  paraît  avoir  joué  dans  le  mouvement  d'expan- 
sion et  de  conquête  des  Celtes,  ainsi  que  je  l'ai  indiqué  précédem- 
ment, on  pourrait  être  tenté  de  considérer  comme  ayant  donné 
son  nom  à  tout  l'ensemble  le  groupe  Wûrtembergeois  s'étendant 
antérieurement,  vers  l'Ouest,  jusque  dans  le  Jura  salinois  où  il 
est  représenté  par  les  tombelles  du  type  d'Alaise. 

Cette  manière  de  voir  paraît  douteuse  lorsqu'on  considère 
la  situation  respective,  dans  cette  dernière  région,  relativement 
l'un  à  1  autre,  d'une  part  du  groupe  d'Alaise,  et  de  l'autre 
du  groupe  des  Moidons,  à  cette  époque  même  qui  correspond 
à  la  fin  du  Hallstattien  et  au  début  du  Latène.  Le  groupe  des 
Moidons  conserve  toute  son  importance  numérique  et  politique 
et,  si  la  plaque  de  ceinture  en  bronze  mince  s'y  montre  plus  fré- 
quemment, ce  qui  indique  l'influence  prise  par  le  groupe  d'Alaise, 
le  mode  de  construction  typique  des  tombelles  n'a  nullement 
subi  de  modifications  ;  en  outre,  parmi  les  plus  considérables  des 
tumulus,  il  en  est  où  tout  le  mobilier  est  absolument  caractéris- 
tique à  l'exception  de  très  rares  pièces  parfois  uniques,  fibule  ou 
bracelet,  dénonçant  sa  date  tardive.  On  conçoit,  dans  ces  condi- 
tions et  pour  les  raison  déjà  exposées  plus  haut,  qu'il  puisse 
paraître  douteux  que  le  groupe  le  plus  anciennement  établi, 
demeuré  le  plus  important  au  point  de  vue  de  la  richesse  et 
n'ayant  subi  aucune  diminution  de  sa  prépondérance  au  moment 


446  MAURICE   riROUTET. 

même  du  grand  mouvement  d'expansion  des  Celtes,  ait  alors 
adopté  le  nom  particulier  de  l'élément  le  plus  récent  dans  la 
contrée,  bien  moins  riche,  mais  auquel  son  caractère  essentielle- 
ment guerrier  a  certainement  valu  une  forte  part  d'influence, 
élément  guerrier  qui  paraît,  à  son  arrivée,  avoir  été  accueilli  paci- 
fiquement, à  titre  d'allié.  Il  en  résulterait  qu'une  même  appella- 
tion collective  les  désignait  alors,  ainsi  certainement  que  d'autres 
tribus  en  même  temps,  englobant  ainsi  l'ensemble  des  peuplades 
assez  étroitement  apparentées  établies  à  l'Est  de  la  vallée  de  la 
Saône  et  des  Vosges.  Cette  appellation  ne  peut  avoir  été  que  le 
nom  de  Celtes,  à  moins  que  ce  nom  n'ait  pris  seulement  nais- 
sance à  cette  époque  même  comme  désignation  de  tout  l'ensemble 
des  peuplades  qui  paraissent  alors  avoir  effectué  leur  union  en 
quelque  sorte  en  une  nationalité  assez  analogue  à  ce  qu'a  été  au 
temps  de  César  la  nationalité  gauloise,  ou  même  peut-être  bien 
en  une  seule  et  même  confédération.  —  Toutefois  il  est  fort  pos- 
sible qu'au  moment  justement  d'un  vaste  mouvement  d'expan- 
sion, ce  soit  le  nom  de  l'élément  essentiellement  militaire  qui  ait 
prédominé  dans  les  bandes  guerrières  et  ait  alors  été  adopté  de 
préférence  par  celles-ci.  Par  suite,  si  l'on  veut  que  le  nom  des 
Celtes  soit  antérieur  à  ce  mouvement  d'expansion  et  qu'il  ait  été 
originairement  celui  d'un  groupe  restreint,  il  faut  reconnaître 
celui-ci  dans  le  groupe  Alaise-Wurtemberg. 

Il  est  vrai  que,  déjà  antérieurement,  la  parenté  entre  les  tribus 
des  deux  côtés  des  parties  inférieure  et  moyenne  du  cours  de  la 
Saône  est  mise  en  évidence  par  l'analogie  des  mobiliers  des 
tumulus  d  lgé  avec  ceux  de  nombre  des  tombelles  de  la  Franche- 
Comté  et  de  l'Ain.  De  plus,  entre  autres  raisons  du  même  genre, 
l'existence,  en  Bourgogne,  de  la  coutume  du  port  des  anneaux 
de  jambe  multiples,  analogues  à  ceux  de  Franche-Comté,  semble 
indiquer  des  rapports  étroits  entre  les  populations  de  ces  deux 
provinces,  antérieurement  à  la  généralisation,  dans  la  seconde, 
du  port  des  nombrejses  pendeloques  métalliques  qui  lui  sont 
spéciales  et  dont  certaines,  pourtant,  se  retrouvent  en  Saône-et- 
Loire,  à  lgé.  De  même,  on  pourrait  peut-être  attribuer  la  présence 
du  rasoir  dans  quelques  tombes  tumulaires  du  Jura  à  1  influence 
du  groupe  bourguignon. 

Il  semblerait  que  la  présence  du  brassard  en  bronze  mince  gravé, 
d'une  part,  et  celle  du  rasoir,  de  l'autre,  soit,  dans  le  Jura  même, 
un  indice  dénonçant  quelle  était  la  plus  forte,  dans   une  région 


CONTRIBUTION     \    l'n'IDF    DF.S    CELTES  l^H 

donnée,  de  l'influence  occidentale  ou  de  l'influence  septentrionale. 
Kn  effet,  tandis  qu'à  part  le  rasoir  d'Fpeugney  (Doubs)  dans  une 
sépulture  de  la  période  ancienne  de  Hallstatt,  les  rasoirs  hallstat- 
tiens  franc  comtois  .sauf  peut-être  un  échantillon  douteux  en  fer 
de  Lavans-Quingey)  sortent  tous  du  Sud  du  Jura,  les  brassards 
en    bronze  mince  gravé,    qui  se   montrent  dans  la  Haute-Saône 
à    Bucey-les-Gy),   sont   fréquents    dans    le  Doubs    (à    Bannans, 
Flagey,  Lizine,  Cademène,  Pugey).  et  sont  très  communs  dans  le 
Jura  salinois  (Chilly-sur-Salins,  la  Châtelaine,  Mesnay,   Arbois, 
Salins    alors  que   plus  au  Sud,  à  part  ceux  de  la  cachette  de 
Crançot,  sur  le  premier  plateau,  au-dessus  de  Lons-le-Saunier,  on 
ne  peut  guère  citer  que  les  deux  exemplaires  d'un  tumulus  de 
Hosay-sur-Cousance  signalés  et  figurés  jadis  par  Désiré  Monnier. 
Il  paraîtrait  donc,  qu'avant  la  fin  du  Hallstattien  ancien,  il  y  a 
eu  séparation,  ou  schisme  en  quelque  sorte,  entre  les  populations 
bourguignonnes  et  franc-comtoises,  et  que  les  relations  n'aient 
repris  que  vers   la  fin   de  la  période   récente  de  Hallstatt.  Un 
phénomène  semblable   et  contemporain    parait    avoir    eu    lieu 
entre  les  tribus  lorraines  d'une  part  et  alsaciennes  de  l'autre;  c'est 
ce  qui  expliquerait  la  présence,  des  deux  côtés  des  Vosges,  de  la 
grande  épée  hallstattienne  et  de  certains  modèles  de  bracelets 
dont  les  types  sont  d'origine  certainement  très  ancienne  dans  le 
premier  Age  du  Fer,  ainsi  que  l'absence  en  Lorraine,  jusqu'à  la 
même  date  qu'en  Bourgogne,  des  mêmes  types  industriels  de  la 
période  récente  de  Hallstatt.  Il  est  donc  infiniment  probable  que 
c'est  le  même  schisme  qui  a  séparé  momentanément  les  tribus  de 
la  Côte-d'Or  et  de  la  Lorraine  de  l'ensemble  de  celles  plus  orien- 
tales dont  la  Franche-Comté  et  l'Alsace  constituaient  la  partie 
occidentale.  C'est  donc    le   grand  groupement,   commençant   à 
l'Ouest  par  l'Alsace  et  la  Franche-Comté,  s'étendant  sur  l'Alle- 
magne du  Sud,  et  venant  de  conquérir  tout  le  «  plateau  »  suisse  (I) 
qui  a  le  plus  de  droits  primitivement  au  nom  de  Celtes.  Une  zone 
plus  occidentale,  avec  prolongements  vers  l'Ouest  et  vers  le  Sud, 
a  été  occupée,  dès  le  Hallstattien  ancien,  par  des  tribus  étroite- 
ment apparentées  aux  premières  et,  soit  établies  là  depuis  une  date 
fort  ancienne  de  l'Age  du  Bronze  ou  parfois  même  depuis  le  Néo- 
lithique, parfois  d'une  manière  sporadique  (Côte-d'Or),  parfois  en 
groupe  dense  et  étendu  (Lorraine),  et  alors  dans  l'un  ou  l'autre 
cas  très  probablement  renforcés  assez  récemment  (au  début  du 
premier  Age   du   Fer;   par  des  éléments   de   même   origine   ou 


448  MAURICE    PIROUTET. 

assimilés,  ayant  quitté  depuis  peu  la  souche  demeurée  en  place, 
soit  de  nouvelle  venue  dans  ces  régions.  Ces  peuplades,  ainsi 
renforcées,  ou  de  fraîche  installation,  ont  fait  plus  ou  moins 
sentir  leur  influence  sur  les  populations  étrangères  voisines; 
certaines  de  ces  dernières  leur  étaient  déjà  plus  ou  moins  appa- 
rentées par  infiltration  plus  ou  moins  ancienne  d'éléments  de 
même  origine,  ou  étaient  en  rapports  avec  le  groupement  souche 
des  précédentes  depuis  un  temps  assez  long. 

Par  suite,  si  Ton  n'a  pas  strictement  le  droit  de  désigner  sous  le 
nom  de  Celtes  avec  son  sens  primitif,  en  admettant  que  ce  nom 
soit  antérieur  à  la  réunion  de  ces  deux  grandes  subdivisions  vers 
la  fin  de  l'époque  récente  de  Hallstatt,  les  tribus  qui  dès  le  Halls- 
tattien  ancien  sont  et?  blies  en  Lorraine,  Bourgogne,  Berry,  etc. ,  car 
nous  ne  pouvons  guère  admettre  l'existence  de  cette  dénomination 
à  cette  phase  reculée  du  premier  âge  du  fer  (elle  n'aurait  évidem- 
ment pas  survécu  au  schisme  que  nous  avons  constaté),  il  nous  est 
du  moins  permis  de  les  désigner  sous  le  nom  de  Proto-Celtes, 
ainsi  que  leurs  ancêtres  de  l'Age  du  bronze  et  les  constructeurs 
de  tumulus  du  bronze  de  Franche-Comté,  Alsace,  Lorraine,  Alle- 
magne méridionale,  Suisse  du  Nord-Est,  de  même  que  les  groupes 
contemporains  de  ceux-ci  et  apparentés  que  nous  voyons  installés 
sporadiquement  en  France  encore  plus  loin  vers  l'Ouest  et  le 
Midi.  Dans  certaines  de  ces  régions,  comme  la  Franche-Comté 
par  exemple,  nous  pouvons,  avec  ces  Proto-Celtes,  remonter 
jusqu'aux  débuts  de  l'Age  du  bronze  et  même  au  Néolithique. 

Il  est  assez  probable  que,  même  dans  ce  que  nous  sommes  ainsi 
amenés  à  considérer  ici  comme  Celtes  stricto  sensu,  se  trouvent 
amalgamés  des  descendants  de  populations  quelque  peu  diffé- 
rentes primitivement  du  gros  de  l'ensemble,  mais  de  langues, 
coutumes  et  civilisation  identiques  sauf  modifications  présentant 
un  caractère  purement  local. 

Quelle  était  la  limite  orientale  des  Celtes?  La  chose  est  assez 
malaisée  à  indiquer  car  dans  cette  direction  ceux-ci  se  trouvaient 
en  contact  avec  des* populations  de  civilisation  hallstattienne  éga- 
lement, et  il  est  très  probable  qu'au  voisinage  de  leur  frontière 
de  ce  côté  vivaient  des  peuplades  à  caractères  mixtes,  en  partie 
celtiques  d'une  part,  en  partie  germains,  illvriens  ou  slaves  de 
l'autre,  et  très  enchevêtrées.  Il  est  néanmoins  probable  que 
l'étude  du  mobilier  amènerait  quelques  précisions;  telle  serait 
entre  autres  le   résultat  de  l'étude  des  types  de  certains  objets 


contribution  \  l'étude  des  celtes.  449 

et  notamment  du  mode  d'ornementation  et  de  disposition  du 
décor  dans  les  plaques  de  ceinture,  ainsi  que  de  celle  des  fibules; 
il  me  semble  que  l'étude  delà  céramique,  quoique  ne  devant 
pas  être  négligée,  doit  passer  ici  un  peu  en  seconde  ligne.  Dans 
certaines  régions  les  poteries  jouent  en  effet  un  rôle  absolument 
nul  dans  le  mobilier  funéraire  tandis  qu'ailleurs,  où  les  sépul- 
tures fournissent  de  nombreux  vases,  il  est  très  probable  que 
l'on  se  trouve  là  en  présence  non  de  la  vaisselle  usuelle  et  cou- 
rante mais  de  poteries  exclusivement  funéraires  tels  qu'en  Grèce 
les  grands  vases  du  Dipylon).  En  outre,  une  peuplade  accep- 
tera plus  facilement  l'usage  de  céramique  mieux  faite  ou  plus 
ornée  que  la  sienne  propre,  et  fabriquée  par  des  tribus  voisines 
quoique  de  nationalité  (autant  que  l'on  puisse  employer  ici  cette 
expression)  différente,  bien  plutôt  qu'elle  ne  changera  son  cos- 
tume national  qui,  malgré  des  différences  locales  permettant  de 
distinguer  les  unes  des  autres  les  subdivisions,  présentera  toujours 
des  caractères  permettant  de  reconnaître  la  parenté  ethnique 
(non  au  sens  anthropologique  du  mot)  d'individus  appartenant  à 
des  fractions  différentes  d'un  même  groupement  de  tribus  en 
nationalité. 

Éclaircissements  du  chapitre  III. 

A.  —  L'opinion  suivant  laquelle  le  rasoir  ajouré  serait  spécial  à  la 
période  ancienne  de  Hallslalt  parait  basée  seulement  sur  le  fait  qu'il 
accompagne  la  grande  épée  à  soie  plate,  celle-ci  étant  elle-même  consi- 
dérée comme  se  classant  exclusivement  à  cette  phase  initiale  du 
premier  âge  du  fer.  Eu  réalité  on  n'en  connaît  jusqu'ici  aucun  exem- 
plaire en  fer,  ce  qui  peut  toutefois  n'avoir  d'autre  cause  que  la  mauvaise 
conservation  habituelle  des  objets  fabriqués  avec  ce  métal  ;  en  tout  cas, 
tandis  que  le  rasoir  plein,  en  arc  de  cercle,  se  retrouve  dans  des  sépul- 
tures datant  franchement  du  Haltstattien  récent  et  souvent,  légèrement 
modifié  toutefois,  au  Latène  I  (type  d'Apremont,  Mantoche,  Ciry-Sal- 
sogne,  Heiltz-l'Evêque,  etc.).  il  n'en  est  pas  de  même  de  celui  ajouré. 
Néanmoins  le  modèle  a  un  anneau  de  suspension  médian  et  à  jours 
triangulaires  séparés  par  des  rayons  réunissant  l'arc  à  bord  tranchant 
au  centre  du  cercle,  se  montre  dans  La  sépulture  centrale  du  tumulus 
des  Fourches,  à  Magny  Lambert,  qu'il  est  absolument  impossible  de 
reculer  bien  liant  dans  le  I lallslal lien  vainsi  que  je  l'ai  fait  voir  plus 
haut);  il  apparaît  aussi  dans  le  tumulus  de  Saint-Hélier  douille  par 
MU.  L.  Coutil  et  le  I)  II.  Brulard)  associé  à  un  glaive  typique  de  la 
période  récente  de  Hallslalt.  Il  semble  donc  infiniment  probable  que 


_'j  ,")0  MURI  CE    V  l RO  l  TET . 

ce  type,  qui  est  celui  du  rasoir  du  Monceau  Laurent,  a  dû  persiste? 
jusque  vers  le  détml  du  Latène  1.  Du  reste,  le  même  tumulus  du  Mon- 
ceau Laurent  a  rendu  une  coupe  en  bronze  du  même  type  que  celle  du 
tumulus  des  Favargettes,  dans  le  canton  de  Ncufchatel  (la  similitude 
du  mode  d'attache  de  l'anse  est  notamment  frappante),  lequel  se  classe 
à  la  période  récente  de  Hallstatt. 

B.  —  Voici  la  statistique  des  épées  ballstatlicnnes  en  bronze  par 
commune^  : 

Barêzia.  une  épée  (fouilles  Le  Mire). 

Bissia,  à  Boissia,  une  épée  et  fragments  de  deux  épées  différentes 
(fouilles  Le  Mire),  plus  trois  épées  différentes  et  signalées  par  E.  Clerc 
(au  Musée  de  Besançon),  soit  six  épées  à  Boissia. 

Doucier  (ou  le  Villars-sur-l'Àin)  deux  épées  (au  Musée  de  Saint- 
Germain-en-Laye) . 

Total  :  neuf  épées  ballstattiennes  en  bronze,  toutes  trouvées  sous 
tumulus  et  toutes  dans  la  Combe  d'Ain.  11  y  aurait  peut-être  lieu  d'y 
ajouter  une  autre  épée  de  bronze  découverte  dans  les  sables,  à  Clairvaux, 
dans  la  même  région,  en  février  1847  et  signalée  par  E.  Clerc  qui  la 
donne  comme  «  lapins  belle,  peut-être,  qui  existe  en  France  «  (E.  Clerc, 
La  Francbe-Comté  à  l'époque  romaine,  représenté  par  ses  ruines,  2P  édi- 
tion, Besançon,  i853,  p.  76). 

G.  —  Voici  l'énumération  par  communes  : 

Lect,  à  Vouglans,  une  épée  (fouilles  Delseriès,  au  Musée  de  Saint- 
Germain  en  Lave  . 

Barézia,  une  très  belle  épée  entière  (fouilles  Le  Mire). 

Doucier  et  le  Villàrs-sur-VÂin,  un  bel  exemplaire  (fouilles  Potard, 
acquis  par  le  Musée  de  Dole   : 

Débris  de  deux  épées  en  fer  à  soie  plaie  (fouilles  Le  Mire). 

Le  même  endroit  en  a  encore  livré  au  moins  une,  car  M.  L.  A.  Girar- 
dot  >fotes  sur  le  plateau  de  Chatelneuf  avanl  le  moyen  âge.  Soc.  Emul. 
Jura,  isss  mentionnant  les  fouilles  de  M.  Berlier  dans  cette  région, 
après  avoir  parlé  des  deux  épées  en  bronze  découvertes  par  celui-ci, 
ajoute  que  plusieurs  des  tumulus  ouverts  renfermaient  des  épées  de  fer. 
Il  faut  donc  compter  quatre  exemplaires,  au  moins,  sur  ce  point. 

\Sesnay.  La  partie  centrale  d'un  tumulus  du  bois  de  Parançot  m'a 
livré  une  sépulture,  bien  plus  profondément  située  que  les  autres  à 
mobilier  de  la  même  tombelle  (lesquelles  appartiennent  à  une  phase 
ancienne  du  rlallstattien  récent,  avec  Les  fibules  à  talon  rectiligne  sans 
ressort  distinct  et  La  fibule  serpenti  forme]  et  non  disposée,  comme 
celles-ci,  sur  des  cendres  et  des  charbons.  Vu  côté  droil  du  corps  se 
trouvai!  un  tronçon  d'épée  en  fer,  en  très  mauvais  état  :  celui-ci  n'élail 
conserva  que   parce  qu'il    s'était    trouvé  protégé  par  une  grande  pierre 


CONTRIRUTIOX    A    l/ÉTUDE    DES    CELTES.  /i5  T 

plate  laquelle,  très  probablement,  placée  deebamp  primitivement,  avait 
versé  décote.  \  gauche,  vers  la  tête,  étaient  des  restes  d'un  objet  en  fer 
donl  un  seul  fragment  présentant  une  forme  reconnaissante  me  parait 
provenir  de  ta  douille  d'unjavelot-  A  l'emplacement  de  l'une  des  mains 
était  une  bague  faite  d'un  fil  de  bronze  enroulé  en  hélice.  Le  tronçon 
d'épée  offre  encore  une  portion  do  poignée  plate  à  rivets.  Il  faut  remar- 
quer que  le  fer  se  conserve  très  mal  dans  colle  région,  sauf  le  cas  de 
circonstances  tout  à  fait  particulières. 

Enfin,  d'après  Désire  Monnier  (Annuaire  du  Jura,  [855  on  avait 
découvert  déjà,  à  Vouglans,  les  restes  d'un  guerrier  inhumé  avec  une 
épée  en  fer  et  une  «  épingle  de  tête  ».  Il  s'agit  là,  très  probablement 
d'une  épée  du  même  type  que  celle  trouvée  au  même  lieu  par  M.  Delse- 
riés.  et  cela  est  d'autant  plus  probable  que,  dans  la  Combe  d'Ain, 
l'épingle  de  bronze,  dite  à  l'époque  «  épingle  de  tête  »,  s'est  montrée 
plusieurs  fois  avec  i'épée  de  bronze  ou  de  fer. 

Le  même  auteur  indique  encore  clans  un  de  ses  annuaires,  à  Rix-Tré- 
bief,  dans  le  Val  de  Mièges,  un  lumulus  qui  aurait  livré  de  longues 
épées  de  1er.  En  somme,  le  chiffre  de  sept  épées  halls  ta  t  tiennes,  à  soie 
plate,  en  fer,  nie  parait  bien  un  minimum  et  nul  doute  qu'elles  n'aient 
été  en  réalité  très  nombreuses  dans  les  sépultures  tumulairesdc  la  belle 
et  riche  vallée  de  la  Combe  d'Ain,  mais  que,  grâce  à  leur  mauvais  état 
de  conservation  le  plus  fréquemment,  elles  ne  soient  passées  souvent 
inaperçues. 

D.  —  i°  Pontarlier.  Le  tumulus  du  champ  de  tir,  au  lieu  dit  «  sur  le 
Mont  »,  a  livré  les  débris  d'une  énorme  lame  d'épée  en  fer  très  incon- 
naissable pour  la  grande  épée  halls  ta  ttienne,  quoique  la  poignée  n'ait 
pas  été  conservée. 

2°  Épeugaey  Un  lumulus  de  celte  localité  a  rendu  des  débris,  en  très 
mauvais  état,  d'une  épée  qui  d'après  l'épaisseur  considérable,  relative- 
ment, de  la  lame  en  son  milieu  et  la  largeur  qu  elle  devait  avoir,  appar- 
tient au  même  type;  du  reste  parmi  les  fragments  il  en  est  un  qui 
provient  d'une  poignée  plate  à  rivets. 

3n  Liz'uxe.  Un  des  tumulus  explorés  jadis  par  la  Société  d'Émulation 
du  Doubs,  lois  des  débals  sur  la  question  d'Alesia,  donna  les  débris 
d'une  énorme  lame  d'épée  en  fer  qUe  l'on  reconnaît  facilement  pour 
ayoir  appartenu  au  type  de  la  grande  épée  de  Hallstatt.  Castan,  dans 
son  rapport,  dit  que  la  tombelle  était  à  incinération  mais  indique  pour- 
tant un  brassard  de  bronze  mince  passé  autour  d'os  verdis  par  l'oxyde 
donc  provenant  d'une  inhumation  et  signale  I'épée,  de  très  grandes 
dimensions  et  très  large,  comme  gisant  à  la  base  même  de  la  tombelle 
à  côté  du  crâne  d'un  personnage  inhumé.  Le  mobilier  de  celte  tombelle 
•  trouve,  au  Musée  de  Besançon,  mélangé  avec  celui  d'un  lumulus  voi- 
sin, comme  on  peut  s'en  assurer  par  la  lecture  des  rapports  de  Castan. 


452  MAURICE    PIROUTET. 

4°  Amancey.  Le  tumulus  dit  «  Château  Sarrazin  »  renfermait  une  épée 
de  fer  détruite  par  l'oxyde,  avec  bouterolle  à  ailettes,  ces  dernières 
ayant  aussi  été  complètement  détruites  par  L'oxydation  (E.  Clerc,  Essai 
sur  l'Histoire  de  la  Franche-Comté,  t.  I,  première  édition  .  Tous  les 
débris  dont  il  s'agit  ici  sont  au  Muséede  Besançon. 

L'épée  d'Épeugney  était  associée  à  un  objet  de  bronze  dont  les  débris 
me  paraissent  être  ceux  d'un  rasoir  discoide  ajouré  et  à  des  bracelets 
qui  me  semblent  bien  caractéristiques  de  la  période  ancienne  de  Halls- 
tatt  dans  la  région  et  qui  indiquent  une  sépulture  féminine  accompa- 
gnant celle  du  guerrier.  Il  en  est  de  même  pour  des  bracelets  du  même 
type  du  tumulus  de  Pontarlier,  niais  ici  il  parait  y  avoir  eu  une  seconde 
sépulture  féminine  à  laquelle  j'attribuerais  les  bracelets  à  bosselures 
régulières  sur  la  face  extérieure,  les  brassards  en  lignite,  les  deux 
rouelles  et  le  grelot'?);  celle-ci  me  semble  un  peu  plus  récente,  mais 
très  peu,  que  celle  indiquée  par  les  premiers  bracelets  et  qui  devait 
accompagner  le  guerrier;  le  grelot  ?  s'est  montré  associé  à  l'épée  de 
bronze  à  Bissia  Jura);  quant  aux  rouelles  pendeloques  elles  apparaissent 
déjà  à  l'Age  du  l)ronze,  et  enfin  les  bracelets  à  bosselures  régulières  sur 
la  face  externe  apparaissent  à  la  fin  de  l'âge  du  bronze  (notamment  à 
Vénat  dans  la  cachette  décrite  par  M.  Cliauvet). 

E.  —  Cinq  poignards  ou  épées  à  antennes  se  sont  montrés  dans  la 
moitié  occidentale  seule  du  canton  d'Àmaneey.  Ce  sont  celles  : 

i°  Du  tumulus  à  char  du  Fourré,  à  Sarraz  ; 

2"  Du  tumulus  de  Combe  Bernon,  à  Alaise;  ces  deux  exemplaires 
ont  conservé  leur  poignée  ;  il  faut  y  ajouter: 

3"  Un  exemplaire  d'un  tumulus  de  Fertans,  au  lieu  dit  «  les  Rom- 
pues )»,  très  reconnaissante  à  sa  garde; 

4°  Un  exemplaire  d'un  tumulus  de  Déservillers  dénoncé, par  la  bou- 
terolle sphéroidale  typique  de  son  fourreau  : 

5°  I  n  exemplaire  du  tumulus  du  Souillard  à  Sarraz,  indiqué  sans 
hésitation  possible  par  les  débris  de  son  fourreau  de  bronze  à  boute- 
rolle caractéristique.  En  outre,  de  nombreux  tumulus  ont  montré  la 
présence  de  débris  d'armes  courtes  à  un  ou  deux  tranchants.  11  en  est 
de  même  dans  la  portion  du  Jura  limitrophe  de  la  partie  ci-dessus  du 
Doubs  ;  le  tumulus  des  Coudres,  à  Cluey,  a  donné  des  débris  d'une 
courir  épée  de  fer;  à  la  Grange-Perrey  (Arbois),  entre  Arbois  et  Salins, 
M.  E.  Boilley  a  égalemenl  découvert  une  courte  épée  de  fer  effilée  dont 
malheureusement  la  poignée  n'esl  pas  conservée,  pas  plus  que  celle 
d'une  arme  analogue  très  effilée  et  munie  jadis  d'un  fourreau  en  bois, 
que  j'ai  récemmenl  découverte  à  peu  de  distance  de  là.  dans  un  tumu- 
lus du  bois  de  Parançol  (Mesnay);  les  mobiliers  de  ces  tom belles  se 
classent  à  la  période  récente  de  Hallstatt. 


coNTRiâj  i'K'N   v  l'étude  dés  cei  rES.  'i.">3 

p.  —  Outre  par  Kvs  plaques  de  ceintures  1rs  brassards,  en  bronze 
mince,  les  trousses  de  toilette,  1rs  épingles  eu  cou  de  cygne,  les  fibules 
de  types  semblables  (el  même  la  fibule  à  tête  d'oiseau  lors  de  la 
transition  du  1  lallstal  t  ion  au  Latène  I),  elc,  la  région  fratic-com  toi  se  se 
rattache  encore  par  ses  poteries  peintes  à  L'Allemagne  dû  Sud.  C'est  ce 
que  montrent  très  nettement  les  vases  peints  dont  les  débris  ont  été 
découverts  par  M.  I,.  Coutil  à  Baume-Ies-Messieurs  (Le  village  lar- 
naudien  et  hallstattien  des  abris  de  Baume-les-Messieurs  (Jura  ,  par 
I..  Cm  m.  in  C.  R.  de  la  (X:  session  du  Congrès  préhistorique  de 
France,  à  Lons-le-Saunier  en  1913),  les  tessons,  de  vases  polychromes 
jaunâtre  et  rougeâtrè  et  ceux  à  rouverte  de  graphite  du  camp  de 
Cliàteau-sur-Salins  (M.  Piroutet,  Sur  la  coexistence  de  populations 
différentes  en  Franche-Comté  pendant  les  temps  pré  et  protohisto- 
riques, IX*  Congrès  préhistorique  de  France,  p.  6lo).  Il  est  à  remarquer 
qu'en  Franche-Comté  toutes  ces  poteries  pennies  halls  ta  t  tiennes 
remontent  à  des  dates  assez,  reculées,  comme  si  la  connaissance  des 
vases  peints  helléniques,"  bien  supérieurs  au  point  de  vue  artistique, 
avail  affiné  le  goût  des  populations  et  avait  à  peu  près  complètement 
t'ait  disparaître  la  fabrication  locale  de  ces  spécimens  d'un  art  un  peu 
barbare  en  les  remplaçant  par  les  importations  d'origine  méditerra- 
néenne. C'est  probablement  pour  la  même  raison  qu'aucune  de  nos 
plaques  de  ceinture  franc-comtoises  ne  présente  de  figuration  d'animaux 
ou  de  personnages,  celles-ci  paraissant  grotesques  à  des  populations 
connaissant  les  figurations  d'hommes  et  d'animaux  ducs  à  l'art  hellé- 
nique, et  par  suite  à  même  de  faire  la  comparaison. 

Enfin,  la  présence  dans  le  Jura  salinois,  de  traces  de  cultures  en 
talus  allongés,  les  Hochacker  des  archéologues  allemands,  sur  l'exis- 
tence probable  desquelles  M.  II.  Hubert  tout  d'abord,  puis  J.  Déche- 
Ittte  ensuite  avaient  bien  voulu  attirer  mon  attention  et  dont  j'ai  pu 
constater  en  elïet  la  présence,  vient  encore  confirmer  la  parenté  de  nos 
peuplades  franc-comtoises  halls  ta  t  tiennes  avec  celles  contemporaines 
de  l'Allemagne  du  Sud. 

C'est  dans  les  prairies,  défrichées  à  une  date  relativement  récente, 
situées  entre  Ivorj  (Jura)  au  Nord  et  au  Sud  les  Moidôns,  forêt  qui 
forme  là  deux  cornes  vers  le  Nord,  Parançot  sur  la  commune  de 
Mesnay  d'une  part  et  le  Sepoit  (sur  Chilly)  de  l'autre,  ([n'en  deux 
points  assez  peu  distants  j'ai  découvert  deux  groupes  de  ces  Hochacker 
d'assez  grandes  dimensions  et  très  nets  tout  au  voisinage,  à  quelques 
centaines  de  mètresà  peine,  des  tumulus  de  Parançot.  I  n  autre  groupe 
de  Hochacker,  mais  de  petites  dimensions  existe  ;'i  Culnu,  tout  an 
voisinage  de  la  Grange-Perre\  à  la  limite  des  communes  d'Arbois  et 
de  Pretin  (celle-ci  canton  de  Salins  où,  avec  M.  E.  Boilley,  j'ai  reconnu 
son  existence  dan--  une  région  tout  particulièrement  riche  en  tumulus 
du   premier  âge  du  fer  el  du  début   du  Latène  1,  et  séparée  de  l'oppi- 


VV,  MAURICE    P1R0UTET. 

dum  (le  Château-sur-Salins  par  la  vallée,  étroite  et  profonde,  de  Pretin. 

D'autres  encore  existent  en  un  point  du  bord  du  plateau  d'Ivory 
dominant  Salins,  au  voisinage  immédiat  du  point  où  se  faisait  le  pas- 
sage du  chemin  menant  de  Salins  aux  Moidons  (avant  Ja  rectification 
paraissant  dater  de  l'époque  romaine  et  gagnant  le  plateau  par  une 
brèche  taillée  de  main  d'homme,  et  désignée  sous  le  nom  de  «  chemin 
des  Enfants  bleus  »)  et  tout  proche  du  chemin  actuel  montant  directe- 
ment à  Ivorv  depuis  la  Grange-Cavaroz. 

Enfin  d'autres  de  ces  «  talus  de  culture  »,  mais  de  bien  plus  petites 
dimensions,  se  montrent  dans  la  même  région  en  rapport  avec  des 
tombelles  bien  antérieures  au  Hallstaltien,  notamment  sur  la  mon- 
tagne de  Tbésy.  où  l'une  des  tombelles  voisinant  avec  eux  appartenait 
au  Bronze  III,  et  à  la  Chaux-sur-Grésil  où  un  groupe  de  tumulus  de  la 
même  phase  se  trouve  en  contact  immédiat,  au  point  que  l'un  des  tumulus 
(de  4  à  5  mètres  de  diamètre,  renfermant  une  inhumation  avec  seule- 
ment un  percuteur,  quelques  éclats  de  silex  taillés  et  quelques  tessons 
d'aspect  très  archaïque)  a  été  construit  sur  l'un  d'entre  eux-mème. 

G.  —  Ces  pendeloques  sont  des   rouelles  plates,  de  dimensions  et  à 
nombre  de  rayons  variables,  avec  anneau  de  suspension,  des  crotales, 
des  grelots  (?)   en  forme  de  sphéroïdes   ou  d'ellipsoides  de   révolution 
creux,  à  côtes  alternativement  pleines  et  vides,   munis  d'un  anneau  do 
suspension.  Généralement  on  trouve  un  crotale  ou  un  grelot    ?)  entre 
deux    rouelles  ;    parfois    mais   plus    rarement  c'est   une    série  de  cro- 
tales seuls.    Quelquefois  la  pendeloque  est    composite;    elles   consiste 
alors  en  une  plaque   de  bronze  rectangulaire,   généralement  ajourée,  à 
laquelle  sont  suspendus  rouelles  ou  grelots,  parfois  rouelles  en-dessous 
de  grelots,  rattachés  à  la  plaque  soit  par  des  séries  d'anneaux   soit  par 
l'intermédiaire  de   tubes  d'apparence  annelée  et  rappelant  les  tiges  de 
Millericrinus.    Un   autre   type   de  pendeloque,  car  je  crois   qu'il  faut, 
comme  l'a  fort  bien  montré  M.  D.  Viollier  (D.  Yiollier,  Un  groupe  de 
tumuli  hallstattiens,  in  Indicateur  ^antiquités  suisses,  1910)  considérer 
l'objet  (mi  question  comme  tel,  au  moins  primitivement,  c'est  la  plaque 
circulaire  ajourée,   à  centre  rentlé,    entourée  de  cercles   plats,  concen- 
triques, mobiles,  décorés  de  chevrons  gravés,  et  désigné  parfois  sous  le 
nom  de  «  bouclier  de  pudeur  ».   Celui-ci,  la  chose  est  très  nettement 
démontrée  par  M.  I).    Viollier,   dérive  tout  uniquement  de  la  pende- 
loque   rouelle,   d    les  types    i ii  I en i ié< I ia i res  on t  été  livrés  par  les   tom- 
belles de  Subingen  (Soleure)  et   de  Gurzelen    Berne).  Un  tumulus  de  la 
forêt  des  Moidons   Papillard    dans  les  environs  de  Salins),   fouillé  par 
l'abbé  Guichard  (je  tiens  le  renseignement  de  lui-même)  lui  avait  livré 
une  pendeloque   unique,  une  rouelle  de  dimensions   tout-à-fail  inusi- 
tées ;  c'était  là  un  acheminement    vers  la  grande  pendeloque  en  ques- 
tion    C'est    à    tort,    par  conséquent,   qu'on    verrait   dans   celle-ci  une 


eOMUIlU  TION    A     l/v:  Il  DE    DÉS    CELTES.  /,5à 

analogue  de  la  plaque  discoïde  abdominale  portée  par  les  femmes 
Scandinaves  de  la  lin  de  l'âge  tin  bronze,  et  avec  encore  moins  de  raison 
une  imitation  d'un   objet  considéré  comme  parure  Féminine  de  l'Italie 

cent  nde. 

D'abord,  dans  celle-ci.  les  cercles  sont  reliés  les  uns  aux  autres  et 
l'existence  de  la  plaque  centrale  paraît  quelque  peu  hypothétique  ;  de 
plus,  il  sérail  tout  à  l'ait  illogique  qu'un  objet  en  1er  eut  été  imite  en 
bronze  chez  des  populations  connaissant  parfaitement  le  fer;  enfin  il 
n'est  nullement  prouvé  ([ne  les  susdits  cercles  concentriques  italiens 
fussenl  antérieurs  à  l'apparition  de  noire  pendeloque  lielvéto-comtoise. 
En  effet,  dans  plusieurs  cas,  celle-ci  se  montre  en  Suisse  (à  Assens  et  un 
autre  exemplaire  du  Musée  de  Lausanne)  et  en  Franche-Comté  (à 
Flagey)  associée  à  des  fibules  italiques  que  nous  ne  retrouvons  dans 
aucune  des  tombelles  des  mêmes  régions  se  classant  d'une  manière 
indubitable  à  la  période  récente  de  Ilallstatt. 

Il  est  vrai,  toutefois,  que  le  versant  adriatique  de  l'Italie  centrale  a 
livré  aussi  des  parures  à  pendeloques  qui  se  rattachent  au  même  type 
général  que  certaines  du  groupe  hallstattieu  occidental,  mais  il  serait 
exagéré  de  vouloir  en  faire  les  prototypes  de  ces  dernières.  La  civilisa- 
tion hallstattienne  est  bien  originaire  de  l'Europe  centrale,  et  son 
influence  s'est  vivement  fait  sentir  dans  l'Italie  centrale,  non  surtout 
par  voie  de  terre,  mais  principalement  par  la  voie  maritime,  par 
l'Adriatique,  et  là  est  la  clef  des  analogies  constatées.  L'Italie  du  centre 
et  du  .Nord,  comme  modèles  d'objets  d'appartenant  en  propre  à  la 
civilisation  hallstattienne,  en  a  certainement  vu  naître  quelques-uns, 
mais  bien  loin  d'être  le  lieu  d'origine  de  tous,  elle  en  a  reçu  beaucoup 
plus  qu'elle  n'en  a  donne.  Pour  toutes  les  pendeloques  en  question, 
leur  origine  se  trouve  dans  des  types  déjà  répandus  à  l'Age  du  Bronze 
et  ceci  rend  compte  des  caractères  tout  particuliers  et  spéciaux  que 
présentent  ces  objets  dans  chaque  groupe  régional  où  ils  se  trouvent  en 
usage  au  premier  Age  du  Fer. 

H.  —  Ces  plaques  de  ceinture  rectangulaires  ont  toutes  leurs  analogues 
comme  décoration  dans  l'Alsace  et  l'Allemagne  du  Sud.  L'ornementa- 
tion consiste,  assez  rarement,  en  répétition  des  mêmes  motifs  en  lignes 
horizontales;  le  plus  souvent  la  décoration  géométrique  est  disposée  en 
métopes,  avec  sur  le  pourtour  un  encadrement  soit  simple  soit  plus  ou 
moins  compliqué,  ou  mieux,  occupant  une  surface  plus  ou  moins 
considérable;  d'autres  fois  le  milieu  de  la  plaque  est  lisse  et  présente 
soit  la  décoration  géométrique  vers  les  deux  extrémités  seulement,  soit 
quelques  rangées  verticales  de  bossetles  ou  pcrlures,  en  relief,  aux 
extrémités,  -oit  encore  vers  chaque  extrémité  une  ligne  verticale  de 
bossettes  ou  demi -sphères  indépendantes  et  fixées  chacune  par  un  rivet 
dont  la  tête  forme  une  sorte  de  bouton  en  saillie  au  dehors  sur  le  pôle 


456  MAURICE    PIROUTEÎ. 

de  la  bossctte.  Seule  l'ornementation  comportant  des  figurations 
humaines  ou  animales  est  absente  en  Franche  Comté,  mais  la  raison 
en  est  aux  relations  des  peuplades  comtoises  avec  les  comptoirs 
helléniques  de  la  côte  provençale,  qui  faisaient  ressortir  leur  carac- 
tère plutôt  grotesque  en  présence  des  produits  de  l'art  grec,  ainsi  que 
je  viens  de  l'expliquer  dans  une  des  notes  précédentes.  Enfin  la  plaque 
de  ceinture  en  fer  qui  se  montre  dans  l'Allemagne  du  Sud  (J.  Naue, 
Nouvelles  trouvailles  préhistoriques  en  Haute-Bavière,  L'Anthropologie, 
1897)  apparaît  également  dans  le  Jura  salinois  VM.  Piroutet,  Nouvelles 
fouilles  de  tumulus  aux  environs  de  Salins,  L'Anthropologie,  1904). 

A  propos  de  ces  plaques,  je  dois  faire  remarquer  que  c'est  bien  à  tort 
que  certains  crochets  de  nos  tombelles  franc  comtoises  ont  été  qualifiés 
de  crochets  de  ceinture;  ils  ne  se  sont  jamais  rencontrées  avec  celle-ci 
et  tontes  les  fois  que  leur  position  a  pu  être  constatée  avec  certitude, 
c'est  au  cou  ou  sur  la  partie  supérieure  de  la  poitrine  qu'ils  se  trou- 
vaient; ce  sont  des  agrafes. 

j  _  Ce  n'est  que  dans  le  N.-E.  de  la  Suisse  que  se  montrent  des 
tumulus  à  l'Age  du  Bronze  (il  faut  toutefois  noter  la  découverte  d'un 
poignard  du  Bronze  II  dans  un  tumulus  de  Bofllens,  d'après  de 
Bonstetten;  voir  aussi  Troltsch,  Fundstatistik,  p.  54);  mais  celui-ci  doit 
être  rattaché  aux  peuplades  jurassiennes;  au  début  du  premier  Age  du 
Fer  il  n'existe  encore  aucune  tombelle  dans  la  plaine  suisse,  celles-ci 
n'y  apparaissent  que  pendant  la  période  récente  de  Hallstatt,  d'après 
M.  D.  Viollier  (voir  notamment  :  D.  Viollier,  Étude  sur  les  fibules  de 
l'Age  du  Fer  trouvées  en  Suisse,  1908).  11  est  pourtant  probable  que  les 
tribus  franc-comtoises  ont  débordé  un  peu  antérieurement  sur  le  versant 
suisse,  comme  déjà  à  l'Age  du  Bronze  ainsi  que  le  montre  le  poignard 
de  Bofflcns.  La  conquête  de  la  Suisse  par  les  Celtes  a  dû  s'effectuer  à  la 
fois  par  ceux  du  N.-E.  qui  incinéraient  et  par  ceux  de  la  Franche-Comté; 
du  mélange  de  ces  deux  groupes  primordiaux  a  résulté  la  formation  de 
Douvelles  subdivisions  ou  groupes  secondaires.  Toutefois  (Voir  : 
J.  Heierli,  Tombeaux  de  l'époque  de  Hallstatt,  à  Schotz,  Suisse; 
Revue  préhistorique  illustrée  de  tEsi,  1912)  des  tombes  plates  de  nié  me 
âge  se  rencontrénl  sur  le  Plateau  suisse;-  ce  sont  certainement  les 
sépultures  des  descendants  (\^<  anciens  occupants,  car  on  ne  saurait 
admettre  que  La  différence  des  modes  de  sépultures  soit  due  à  la  facilité 
plu-,  grande  de  creuser  nue  fosse  que  de  construire  un  tumulus  (la 
multitude  de  uos  petites  tombelles  franc-comtoises  en  est  une  preuve). 
En  outre  t.-  tombes  plates  étaient  déjà  la  règle  dans  la  majeure  partie 
de  la  Suisse  à  L'Age  du  Bronze  et  \  étaient  encore  usitées  à  La  période 
ancienne  de  Hallstatt,  >i  L'on  en  juge  par  les  sépultures  de  Cornaux  près 
(|(.  \,.,jcliatei  (voir  :  D.  \  [Ollier,  Quelques  sépulturesde  Y  ige  du  Bronze 
en    Suisse,    fi-.    10,   dont   Les    bracelets    pourraient    peut-être  bien  être 


>\TRIKUT10N    A    LETUDE    DES    CELTES.  4&7 

classés  à  la  phase  ancienne  du  Hallstattien  plutôt  qu'à  l'Age  du  Bronze. 
C'est  à  un  groupe  étroitement  apparenté  à  notre  groupe  des  Moidons 
franc-comtois  qu'appartiennent  les  tumulus  fouillés  par  M.  J.  Wiedmer 
à  Sûbingen  (i),  dans  le  Jura  soleurois;  mais  ici,  si  les  pièces  du  mobilier 
provenant  du  costume  montrent  l'étroite  parenté  en  question,  l'usage 
de  L'incinération  indique  l'influence  des  populations  hallstattiennes 
vivant,  en  Suisse  même,  plus  à  l'Est.  Dans  la  céramique,  les  deux 
influences  se  retrouvent;  les  jarres  décorées  de  cordons  circulaires  en 
relief  et  dont  le  plus  grand  diamètre  se  trouve  au  haut  de  la  panse  se 
retrouvent  dans  les  camps  hallstattiens  du  Jura  (Ghâteau-sur-Salins  et 
Mont-Guérin)  tandis  que  l'écuelle  à  peinture  rouge  et  noire  se  rattache 
au  groupe  oriental.  Les  outils  en  silex  et  la  hache  polie  qui  ont  été 
recueillis  dans  ces  tombelles  doivent  provenir  soit  de  ce  que  l'on  a 
réutilisé  des  tumulus  plus  anciens,  chose  extrêmement  fréquente,  soit 
de  ce  que  les  tertres  funéraires  ont  été  construits  avec  des  matériaux 
empruntés  à  l'emplacement  d'une  ancienne  station  néolithique.  Ce  sont 
là,  à  mon  avis,  les  manières  les  plus  plausibles  d'expliquer  de  tels  faits, 
l'utilisation  de  semblable  outillage  en  pierre  étant  absolument  inad- 
missible au  Hallstattien. 

(1)  Wibdmbr.  Die  Grabhùgel  bei  Sûbingen,  in  Anzeiger cf.  C.  R.,  par  H.  Hubert, 

dans  L'Anthropologie,  1909,  p.  402. 

(A  suivre.) 


LAUTHROPOLOOIK.    —   T.    XXIX.    —    1918-1919.  -JQ 


CONTRIBUTION 

A  L'ÉTUDE  ANTHROPOLOGIQUE  DES  POPULATIONS 

DES  RIVES  DU  RHIN 

RECHERCHES  SUR  L'INDICE  CÉPHALIQUE,    LA  TAILLE 
ET    LA    COULEUR  DES  CHEVEUX' 

PAU  _ 

LE   Dr  MAURICE  HUCK  (Menton) 

Ancien  interne  des  Hôpitaux  de  Nancy. 
Médecin-Major  de  1"    classe  de    complément. 


((  Le  Rhin  est  pour  l'Europe  comme  l'Euphrate  pour  l'Asie,  et 
le  Nil  pour  l'Afrique.  Sur  les  rives  historiques  de  ce  fleuve,  et  au 
pied  des  montagnes  qui  se  reflètent  dans  ses  eaux,  bien  des  races 
humaines,  des  peuples  européens  se  sont  heurtés;  et  il  semble 
que  la  domination  ou  au  moins  la  prépondérance  en  Europe  soit 
attachée  à  la  possession  de  cette  limite  »  :  ainsi  s'exprime 
Zeller  (2)  dans  son  traité  sur  les  «  Origines  de  l'Allemagne  et  de 
l'Empire  germanique  ». 

Pour  la  France,  le  Rhin  fut,  depuis  l'origine  de  l'histoire,  la  bar- 
rière naturelle  contre  les  invasions  germaniques,  et  son  rôle 
protecteur  de  la  race  celtique  contre  la  pénétration  germanique 
est  indéniable.  C'est  ce  fait  que  nous  nous  proposons  de  mettre 
en  évidence,  en  étudiant  certains  caractères  anthropologiques  des 
riverains  actuels  du  fleuve,  notamment  l'indice  céphalique,  la 
taille  et  la  couleur  des  cheveux. 

I 

GÉNÉRALITÉS 

Le  crâne,  de  tous  les  organes,  est  celui  qui  se  modifie  le  moins 
chez  un  peuple  et  se  transmet  de  la  façon  la  plus  immuable,  de 

(i)  Les  conclusions  de  cette  étude  ont  été  présentées  à  la  société  médico-chirurgi- 
cale de  la  XVe  région  en  février  1919. 
(2)  Zbller,  Origines  de  l'Allemagne  et  de  l'Empire  germanique,  Didier,  1876. 

i/anthhopologik.  —  t.  xxix.  —  1918-1919. 


46o  Dr   MAURICE    HUCR. 

génération  en  génération.  La  craniométrie  est  donc  un  excellent 
moyen  de  déterminer  le  caractère  d'une  race  et,  parmi  les  diffé- 
rentes mensurations  crâniennes  ou  indices,  l'indice  céphalique 
ou  indice  de  largeur  est  de  première  importance,  (1)  car  il 
exprime  la  forme  générale  du  crâne.  Lorsqu'on  examine  un  crâne 
par  sa  face  supérieure,  on  remarque  que  le  contour  en  est  toujours 
plus  ou  moins  ovale,  plus  long  que  large,  plus  large  en  arrière 
qu'en  avant  :  mais  cet  ovale  est  plus  ou  moins  allongé.  De  là  des 
formes  crâniennes  très  différentes  dont  le  caractère  général  est 
indiqué  par  le  rapport  centésimal  du  diamètre  transverse 
maximumaudiamètre  longitudinal  ou  antéro-postérieur  maximum. 

D.  trans.  max.  X  100       .    ,.         ,  ,    ,. 

=  indice  cephahque. 

D.  longitud.  max. 

Rappelons  également  la  nomenclature  des  crânes  d'après  Broca, 
suivant  leur  indice  céphalique. 

_  ..  .      ,  ,    .      (  Dolichocéphales  vrais  ....      75  et  au-dessous 
Dolichocéphales  j  SouB-doUchocéphaleg  .     .     .  7Bf01  à  77,77 

Mésaticéphales 77,18  à  80 

Sous-brachycéphales  ....      80, ul  à  83,33 


(  Brachycéphales 83,34  et  au  dessu 

La  taille  et  la  couleur  des  cheveux  sont  également  deux  carac- 
tères anthropologiques  importants. 

Topinard  (2)  a  établi  pour  la  taille  chez  l'homme  la  nomen- 
clature suivante  : 

1°  Hautes  tailles lm,70  et  au-dessus 

2°  Tailles  au-dessus  de  la  moyenne lm,69  à  Jm,65 

3°  Tailles  au-dessous  de  la  moyenne  ....  lm,65  à  1^,60 

4'  Petites  tailles lm,60  et  au-dessous 

Nous    citons   également   la    classification    de   la   couleur  des 
cheveux  d'après  Topinard  (2)  : 
1°  Cheveux  noirs. 
2°  Cheveux  bruns  foncés. 
3°  Cheveux  châtains  clairs. 
4°  Cheveux  blonds  ou  roux. 

La  race  celtique  ou  race  de  l'Europe  centrale  présente  les  carac- 
tères anthropologiques  suivants  :  (3)  brachycéphalie  considérable, 
grande  capacité  crânienne,  taille  moyenne,  peu  d'infirmités  et  de 

(1)  UovflLACQin  Kl  Hkkvé,  Précis  a"  An  tro  polo  g  te,  Delahaye  et.  Lecrosnier,  1837. 

(2)  P.  Topinakij,  Eléments  d'Anthropologie  générale,  Paris,  Delahaye,  1885. 

(3)  Dictionnaire  des  sciences  anthropologiques  de  Iîkutillon.  Octave  Doin. 


ÉTUDE    ANTHROPOLOGIQUE    DES    POPULATIONS    DES    RIVES    DU    RHIN.  /j6  \ 

myopie,  menton  large,  teint  frais  et  coloré,  cheveux  châtains, 
bruns  et  droits,  yeux  à  iris  gris,  système  pileux  très  développé, 
incurvation  rachidienne  peu  prononcée.  Ce  sont  ces  crânes 
celtiques,  a  forme  globuleuse  et  aux  temporaux  sensiblement 
gonflés,  à  face  courte  et  large  que  l'art  grec  a  popularisés  jadis. 

La  race  celtique  s'étend  dans  les  Iles  Britanniques,  la  plus  grande 
partie  de  l'Armorique,  de  la  France  centrale  (Berry,  Bourbonnais), 
de  l'Auvergne,  de  la  Savoie,  du  Piémont,  des  Alpes  rhétiques  et 
noriques,  de  l'Allemagne  méridionale,  (1)  de  la  Croatie,  de  la 
Slavonie  et  de  la  Roumanie.  Les  représentants  actuels  les  plus 
typiques  de  cette  race  en  France  sont  les  Bas-Bretons  (81,3),  les 
Auvergnats  (84),  les  Savoyards  (85,6)  et,  comme  nous  le  mettrons 
en  évidence,  les  Alsaciens-Lorrains  (82,86). 

Les  Celtes,  venus  primitivement  de  l'Est,  représentent  une 
deuxième  migration  qui  avait  envahi  le  pays  qui  fut  plus  tard 
la  Gaule  et  avait  refoulé  et  pénétré  une  première  race  dolichocé- 
phale, les  Ibères  (type  Basque  espagnol). 

La  troisième  race,  la  dernière  arrivée  de  l'Europe  occidentale, 
est  la  race  kymrique  ou  germanique.  Cette  race  à  indice  dolicho- 
céphale (73,  74,  75)  se  caractérise  par  la  hauteur  de  sa  taille,  les 
membres  volumineux,  la  peau  blanche,  les  dents  de  qualité 
médiocre,  les  cheveux  blonds  et  les  yeux  clairs,  le  visage  allongé 
et  étroit,  le  nez  leptorhinien  et  saillant,  les  orbites  mégasèmes. 

Les  mœurs  et  coutumes  des  premiers  habitants  de  la  Gaule  et 
de  la  Germanie  nous  sont  connus  par  les  récits  des  auteurs 
anciens,  notamment  par  César,  Tacite  et  Strabon. 

Les  Celtes  étaient  une  population  sédentaire,  composée  d'agri- 
culteurs paisibles,  aux  mœurs  démocratiques.  Strabon  (2)  dit  des 
Gaulois  :  «  Ils  sont  francs  et  de  bon  cœur.  Confiants  dans  leur 
force,  ils  se  rassemblent  pour  combattre  en  masse  et  en  désordre. 
On  les  trompe  aisément  et  Ton  est  sûr  de  les  combattre  où  l'on 
veut  et  quand  on  veut  :  car  ils  vont  de  front,  ensemble,  sans 
s'inquiéter  d'autre  chose  •:  faciles  à  émouvoir,  ils  s'indignent 
contre  l'injustice  et  prennent  le  parti  de  leurs  voisins  opprimés  ». 

Les  Germains,  au  contraire,  étaient  une  race  nomade  et  guerrière, 
vivant  du  produit  de  la  chasse,  sacrifiant  plus  tôt  à  la  boisson  et  à 


(1)  D'après   Zbllbk,   on  retrouve  en   Allemagne   les    traces  des  Celles  jusqu'aux 
environs  de  Berlin. 

(2)  In  Zelleh. 


/j62  r>T     M  VTRICE    TITCK. 

la  gloutonnerie  qu'à  la  volupté.  «  Ils  n'étaient  pas  agriculteurs  », 
dit  César  (1).  «  Ils  ne  regardaient  point  comme  une  honte  les  bri- 
gandages qu'ils  exerçaient  même  entre  eux,  hors  des  limites  de 
leur  propre  territoire   » 

La  première  migration  germanique  eut  lieu  à  une  époque  où  le 
métal  n'était  pas  en  usage  en  Europe  (2).  Puis  ce  furent  successi- 
vement les  Galates,  les  Cimbres,  les  Belges,  les  Alamans,  s'éta- 
blissant  dans  l'Allemagne  sud-occidentale,  les  Suèves,  les  Goths, 
les  Burgondes,  les  Lombards  qui,  venus  du  Danemark,  enva- 
hirent le  Nord  de  l'Italie,  les  Francs,  fondateurs  de  l'Union  gallo- 
franque,  dont  la  puissance  dura  du  sixième  au  huitième  siècle, 
les  Saxons  qui  gagnèrent  la  Grande-Bretagne,  le  littoral  de  la  mer 
du  Nord  et  de  la  Manche,  enfin  les  Normands  qui  envahirent  la 
Basse-Seine  et  la  Neustrie. 

Un  obstacle  formidable  se  dressait  devant  cette  poussée  de  l'Est 
vers  l'Ouest,  c'était  le  Rhin.  A  ce  point  de  vue,  et  nous  aurons 
à  y  revenir,  il  y  a  lieu  de  distinguer  avec  Battifol  (3)  le  Rhin 
dans  sa  partie  alsacienne  et  dans  sa  portion  correspondant  aux 
provinces  rhénanes. 

Dans  sa  partie  alsacienne,  le  Rhin  est  un  large  torrent,  à  peine 
navigable  à  partir  de  Strasbourg.  Ses  berges  couvertes  d'une 
épaisse  végétation  forment  des  îlots  changeant  de  place,  suivant 
ia  crue  du  fleuve.  Les  ponts,  jusqu'à  l'époque  moderne,  étaient 
rares.  Aucune  ville,  aucun  village  ne  se  sont  fondés  sur  les  rives 
alsaciennes  du  fleuve  ;  et  c'est  cette  barrière  naturelle,  ainsi  que 
le  démontre  Battifol,  qui  préserva  l'Alsace  des  grandes  invasions 
germaniques. 

Il  en  est  tout  autrement  de  la  partie  du  Rhin  située  au  Nord 
de  l'Alsace.  Le  fleuve  y  est  navigable  et  de  puissantes  cités  se  sont 
fondées  sur  ses  rives  :  c'est  par  Rastadt,  Mayence,  et  Coblence, 
à  travers  la  Belgique,  vers  le  nord  de  la  France  que  passèrent  les 
grandes  invasions  germaniques,  quand  elles  n'eurent  pas  lieu  près 
des  sources  du  Rhin,  par  Baie  et  par  Belfort. 

Telles  sont,  très  rapidement  esquissées,  les  quelques  considé- 
rations générales  d'anthropologie  qu'il  importait  de  rappeler 
avant  d'aborder  l'étude  particulière  des  différentes  populations 
des  rives  du  Rhin. 

(1)  In  Zbllbk. 

(2)  Hovelacque  et  Hehvk,  Précis  d'Anthropologie. 

(3)  Louis  IUttifoi.,  Les  anciennes  Républiques  alsaciennes,  Flammarion,  1  y i 8 . 


ÉTUDE    ANTHROPOLOGIQUE    DES    POPULATIONS    l>i;s    RIVES    DU    RHIN.         ^63 

II 

l'alsace  ET  LA   LORRAINE  (1). 

L'Alsace,  située  sur  les  confins  de  deux  civilisations  antago- 
nistes, est  un  bel  exemple  d'une  population  ayant  conservé  à 
travers  les  siècles  son  type  celtique,  malgré  les  vicissitudes  d'une 
histoire  particulièrement  mouvementée. 

Protégée  contre  les  grandes  migrations  germaniques,  comme 
nous  l'avons  fait  ressortir,  à  l'Est  par  le  Rhin,  difficilement  fran- 
chissable, à  l'Ouest  par  les  Vosges,  aux  rares  défilés,  l'Alsace  fut 
habitée  primitivement  par  les  Celtes.  Les  nombreux  vestiges 
archéologiques  qu'on  y  trouve  un  peu  partout,  les  dolmens,  les 
tumuli,  les  camps  de  refuge  contre  les  barbares,  tels  le  mur  païen 
autour  du  saint  Odile  qui  date  du  ive  siècle  avant  notre  ère, 
tous  ces  souvenirs  du  passé  indiquent  le  caractère  celtique  des 
premiers  habitants.  Les  récits  de  César,  de  Dion  Cassius,  histo- 
riens de  l'an  200  de  notre  ère,  confirment  ces  faits.  L'anthropo- 
métrie crânienne  vient  compléter  cette  démonstration. 

Les  mensurations  de  Blind  (2)  faites  sur  des  crânes  provenant 
des  tombes  celtiques  indiquent  une  brachycéphalie  se  rapprochant 
du  type  qualifié,  par   Broca,  d'Auvergnat  de  St-Nectaire  (84,00). 

Dans  certaines  tombes  romaines,  Beyer  (3)  a  pu  distinguer  les 
crânes  nettement  brachycéphales  des  indigènes,  des  crânes 
dolichocéphales  des  mercenaires  germains.  Cet  auteur  en  conclut 
qu'à  cette  époque  les  croisements  entre  indigènes  celtiques  et 
immigrés  germaniques  devaient  être  exceptionnels. 

On  ne  peut  donc  admettre  l'assertion  de  certains  savants  alle- 
mands qui  considèrent  les  Triboques,  tribu  germanique  autorisée 
par  César  à  habiter  la  rive  gauche  du  Rhin,  comme  les  premiers 
ancêtres  des  Alsaciens  :  ni  les  textes  de  César  (4),  ni  ceux  de 
Tacite  (5),  ne  confirment  d'ailleurs  cette  hypothèse. 

Après    huit   siècles   de   civilisation  gallo-latine,   l'Alsace,    en 

(1)  L'absence  d'Alsuciens-Lorrains  dans  notre  service  nous  a  empêché  d'apporter 
des  recherches  personnelles  sur  cette  importante  question. 

(2)  Blind,  cité  par  Battifol,  (voir  L'Anthropologie,  1898). 

(3)  Beybr,  Cité  par  Battifol. 

(4)  Césab,  De  bello  gallico,  IV,  10. 

(5)  Tacite,  De  moribus  Germanorum,  XXVIII  (voir  Battifol,  p.  31  in  Ane.  Rtip.  alsa- 
ciennes). 


464  Dr    MAURICE    HUCK. 

violation  du  traité  de  Verdun,  en  843,  fut  incorporée  à  la  Ger- 
manie, et  pendant  un  siècle  et  demi,  de  843  à  982,  la  France  à 
résisté  à  cet  acte  de  violence.  Les  Français  attaquèrent  six  fois  la 
Germanie,  et  trois  fois  l'Alsace  resta  entre  leurs  mains.  Les  Ger- 
mains conservèrent  finalement  leur  conquête,  mais  l'Alsace  resta 
autonome,  sous  l'autorité  purement  nominale  des  empereurs.  La 
constitution  politique  et  sociale  de  la  province  au  moyen  âge, 
ensemble  de  républiques  indépendantes  et  de  villes  fermées  à 
toute  immigration,  ainsi  que  le  fait  ressortir  Battifol,  préserva 
la  race  de  la  pénétration  germanique. 

L'examen  des  crânes,  datant  du  moyen  âge,  nous  donne  des 
renseignements  très  précieux  à  ce  sujet. 

Blind  (1)  a  étudié  700  crânes  provenant  d'ossuaires  datant  du 
xme,  du  xiv*  et  du  xve  siècle.  Voici  le  tableau  qui  résume  les 
recherches  de  cet  auteur  au  point  de  vue  de  l'indice  céphalique. 

lnd.  céph.  :  84,21 

-  82,10 

-  84,03 
82,63 
84,05 

-  84,30 

Ces  crânes,  on  le  voit,  ont  un  indice  brachycéphale  très  net  : 
ce  sont  les  mêmes  que  ceux  de  l'époque  celtique.  Blind  ne  trouva 
le  type  dolichocéphale  que  dans  une  proportion  de  1,7  0/0.  Les 
Alsaciens  ont  donc  conservé  leur  type  celtique  à  travers  tout  le 
moyen  âge. 

Le  traité  de  Westphalie,  en  1648,  sous  Louis  XIV,  consacra  le 
retour  de  la  France  à  la  politique  gallo-romaine.  L'Alsace,  suivant 
le  désir  de  ses  habitants,  revint  à  la  mère-patrie.  Deux  siècles  se 
passèrent  pendant  lesquels  ce  pays  participa  à  la  splendeur  du 
xvme  siècle,  à  la  grande  émancipation  de  la  Révolution  française 
et  à  la  gloire  de  l'épopée  napoléonienne.  L'Alsace  s'était  confon- 
due avec  la  France  quand  la  catastrophe  de  1870  et  le  traité  de 
Francfort  la  jeta  sous  le  despotisme  prussien. 

Malgré  cinquante  années  d'essais  infructueux  de  germanisa- 
tion, malgré  l'immigration  de  plus  de  300.000  Allemands,  la  race 
alsacienne,  si  vivace,  a  résisté.  L'Allemand  est  resté  un  corps 
étranger  dans  le  pays. 

Le  professeur  allemand  Schwalbe,  (2)  directeur  de  l'Institut  ana- 

(1)  Blind,  cité  par  Battifol,  V Anthropologie,  1898. 

(2)  Sohwalbr,  cité  par  Battifol. 


Ossuaire  de  Saverne    .... 

254  crânes 

—        de  Lupstein    .... 

66       - 

—        de  Scharrachbergheim 

145       - 

—        de  Dambach  .... 

106       - 

—       Kaysersberg  .... 

121 

—        Ammerschweir  .     .     . 

5       - 

ÉTUDE    ANTHROPOLOGIQUE    DES    POPULATIONS    DES    RIVES  DU  RHIN.  465 

tomiquede  Strasbourg,  s'est  chargé  de  nous  en  donner  la  démons- 
tration, en  étudiant  le  crâne  des  alsaciens  contemporains.  Il 
conclut  à  une  brachycéphalie  prononcée. 

Frédéric  (l)a  examiné  le  crâne  de  1.176  hommes  et  969  femmes, 
c'est-à-dire  2. 1  45  sujets.  11  trouva  une  moyenne  de  82,67,  comme 
indice  céphalique  :  520/0  avaient  un  indice  entre  80  et  84.  Pour 
les  hommes,  il  trouva  un  indice  de  82,86  et  pour  les  femmes  de 
82,43.  Les  Strasbourgeois  ont  un  indice  de  81,95,  Strasbourg- 
campagne  de  82,67.  La  moyenne  pour  la  Basse-Alsace  est  de 
83,01  pour  1.031  sujets;  pour  la  Haute-Alsace,  de  83,90  sur 
140  sujets  et,  pour  la  Lorraine,  de  84,04  sur  102  sujets. 

Blind  (2)  a  remarqué  que  l'indice  des  montagnards  est  plus 
élevé  que  celui  des  habitants  de  la  plaine,  où  l'indice  descend  à 
82  et  à  81  dans  les  villes. 

Quant  à  la  couleur  des  cheveux,  Virchow  (3)  a  trouvé  en  Alsace 
le  type  blond  dans  une  proportion  de  18  0/0,  ce  qui  est  le  pour- 
centage le  plus  faible  constaté  en  Allemagne. 

En  somme,  ce  qu'il  importe  de  souligner,  c'est  que  les  Alsa- 
ciens-Lorrains actuels  sont  des  brachycéphales  :  par  leur  indice 
céphalique,  ils  s'identifient  avec  nos  Bas-Bretons  (Basse-Alsace 
83,01)  et  même  avec  nos  Auvergnats  (Haute-Alsace  83,90  et  Lor- 
raine 84,04),  c'est-à-dire  les  types  celtiques  les  plus  caractérisés 
en  France. 

Mais  «  ce  qu'on  appelle  la  race,  a  écrit  Taine  (4),  ce  sont  des 
dispositions  innées  et  héréditaires  que  l'homme  apporte  avec  lui 
à  la  lumière  et  qui  ordinairement  sont  jointes  à  des  différences 
marquées  dans  le  tempérament  et  dans  la  structure  du  corps  ». 

Nous  avons  étudié  la  structure  du  corps,  il  nous  reste  à  faire 
ressortir  le  tempérament  essentiellement  celtique  des  Alsaciens, 
qui  ont  été  de  tout  temps  des  agriculteurs  et  des  démocrates. 

Les  Alsaciens  actuels  ont  résisté  à  l'assimilation  germanique 
en  se  retranchant  derrière  leur  particularisme  régional,  comme 
le  firent  leurs  ancêtres,  les  fiers  bourgeois  des  anciennes  répu- 
bliques alsaciennes,  au  temps  du  Saint-Empire.  Ils  opposèrent  à 
la  culture  de  l'envahisseur  leur  antique  dialecte  celtique,  leurs 
coutumes  et  traditions  gauloises,  leur  attachement  à  tout  ce  qui 

(\)  Frédéric,  L'Anthropologie,  1908. 

(2)  Blind/  L'Anthropologie,  1898. 

(3)  VincHOW,  Topinard,  Éléments  (VAnthropol.  générale. 

(4)  Taine,  cité  par  Battipol. 


466  Dr    MAURICE    Ht'CK. 

rappelait  leur  ancienne  patrie:  car  trois  grands  faits  (1).  ont 
maintenu  le  souvenir  de  la  France  en  Alsace.  Ce  sont,  d'abord, 
la  splendeur  du  xvïiie  siècle  dont  les  monuments,  répandus  un 
peu  partout  dans  la  province,  contrastent  avec  le  mauvais  goût 
germanique  ;  puis  la  Révolution  française  qui  avait  satisfait  les 
vieux  instincts  démocratiques  des  Alsaciens  ;  enfin  les  guerres 
de  l'Empire,  qui  avaient  donné  carrière  à  leur  humeur  militaire. 
Et  c'est  cet  atavisme  celtique  que  l'Alsace  sut  manifester  en 
1918,  à  Tétonnement  du  monde  entier,  lors  de  l'entrée  de  nos 
troupes  triomphales  à  Strasbourg. 


III 

LE   GRAND-DUCHÉ    DE    BADE. 

Le  grand-duché  de  Bade  appartient  géologiquement  au  massif 
montagneux  qui,  à  l'époque  des  grands  soulèvements  alpins,  se 
sépara  en  deux  crêtes,  les  Vosges  à  l'Ouest,  et  la  Forêt  Noire  à 
l'Est,  créant  ainsi  la  vallée  du  Rhin.  C'est  toute  cette  région  que 
les  géographes  du  xvne  siècle  (2)  appelaient  «  l'Alsace  en  général  », 
en  admettant  toutefois  que  le  Rhin  a  constitué  une  barrière  telle 
«  que  l'Alsace,  prise  plus  précisément,  n'est  estimée  que  ce  qui  est 
en  deçà  le  fleuve  ».  Comme  l'Alsace,  la  terre  badoise  est  fertilisée 
par  les  alluvions  du  Rhin,  aussi  ses  habitants  sont-ils  restés  à 
travers  les  siècles  des  agriculteurs.  La  rive  droite  du  Rhin  fut 
occupée  primitivement  par  les  Celtes  :  cette  opinion  est  partagée 
par  Dion  Cassius  (3)  qui  affirme  que  «  dans  les  temps  les  plus 
reculés  les  habitants  des  deux  Côtes  du  Rhin  portaient  le  nom 
de  Celtes  ».  L'installation  des  Alamans  dans  cette  région  date 
de  282  après  J.-C.  ;  mais  la  domination  romaine  qui  avait  colonisé 
la  rive  droite  et  établi  ses  Champs  décumates  (4),  dès  la  fin  du 
premier  siècle  de  notre  ère,  entre  le  Rhin  et  le  Danube  à  travers  le 
pays  de  Bade,  le  Wurtemberg  et  la  Bavière,  contint  longtemps  les 
barbares.  Ce  vaste  territoire,  de  près  de  300  milles,  était  colonisé  par 
d'anciens  légionnaires  moyennant  une  redevance  égale  au  dixième 
du  revenu  (décimus).  Il  était  protégé  par  des  travaux  de  défense, 

(1)  A  truvers  l'Alsace.  André  Hallays.  Perrin  et  C". 

(2)  Battifol,  Op.  cit. 

(3)  Cité  par  Topinaho,  Éléments  a" Anthropologie  générale. 

(4)  Voir  notre  carte  n°  1  de  la  «  (.khwanik  romaine  ». 


ÉTUDE     ANTHROPOLOGIQUE    DES    POPULATIONS    DES    RIVES    DU  RHIN.        4^7 

dus  surtout  à  Tibère  et  à  Trajan  ;  lés  ruines  de  ces  retran- 
chements sont  encore  visibles  (Mur  du  Diable,  Teufelsmauer  ou 
Pfahlgraben).  De  nombreuses  routes  stratégiques  et  commer- 
ciales reliaient,  à  travers  le  pays  de  Bade,  les  possessions  romaines 
du  Danube  avec  les  provinces  germaniques  du  bas-Rhin.  Les 
vestiges  archéologiques  datant  de  cette  époque  démontrent  l'exis- 
tence d'une  puissante  civilisation  gallo-latine  :  ce  sont  notamment 
les  thermes  romaines  de  Baden  (Civitas  aquensis),  celles  de 
Badenwiller,  dédiées  à  Diana  abnoba. 

Duché  d'Alémanie  sous  la  domination  franque,  le  pays  de 
Bade  fut  rattaché  définitivement  à  la  Germanie  à  la  suite  du  traité 
de  Verdun,  en  843.  L'unité  politique  de  la  province  date  du 
xe  siècle,  où  elle  fut  érigée  en  margraviat  par  Berthold  de 
Zaeringen. 

En  somme,  depuis  le  partage  de  l'Empire  de  Charlemagne 
l'histoire  du  pays  de  Bade,  en  général,  a  peu  de  rapport  avec 
celle  de  l'Alsace.  Aussi  quel  changement  d'aspect  quand  on 
fiasse  actuellement  le  pont  de  Kehl,  près  de  Strasbourg  :  autre 
dialecte,  différence  totale  dans  les  mœurs  et  coutumes,  différence 
dans  la  construction  des  maisons,  etc.  On  a  véritablement  l'im- 
pression d'être  en  Allemagne.  On  doit  cependant  accorder  aux 
Badois,  de  par  leur  atavisme  celtique,  surtout  aux  populations 
rurales,  une  certaine  aménité  qui  contraste  singulièrement  avec 
l'arrogance  du  Prussien,  dont  le  nombre  est  d'ailleurs  restreint 
dans  le  pays.  Comme  l'Alsace,  le  pays  a  conservé  son  particula- 
risme et  l'immigration  semble  nulle  dans  les  campagnes.  Nous 
avons  recherché  la  vérification  de  ces  faits  de  l'histoire  en  déter- 
minant l'indice  céphalique,  la  taille  et  la  couleur  des  cheveux  sur 
une  série  de  75  prisonniers  de  guerre  badois. 

Voici  les  tableaux  indiquant  le  résultat  de  nos  recherches, 
rédigés  conformément  aux  instructions  des  anthropologistes  (1). 

(1)  Nos  mensurations  représentent  l'indice  céphalométrique  (crâne  du  vivant) 
converti  en  indice  céphalique  (crâne  du  squelette)  par  la  soustraction  de  deux 
unités  de  chaque  nombre  (d'après  Broca).  Elles  ont  été  prises  avec  le  compas  de 
Bertillon  et  conformément  aux  «  Instructions  cranio logiques  et  craniomé triques  de  la 
Soc.  d'Anthrop.  de  Paris  par  Bkoca  (Paris,  Masson,  1875). 


468 


Dr    MAURICE    HUCK. 


INDICE  CÉPHALIQUE 

1°  Indice  cépkaliqun  des  Badois 
TABLEAU  I 


Indice       N.  de  sujets       Prop.  cent. 


73 

74 
15 
76 
77 
78 
79 
80 
81 


1,33  0/0 
1,33 
4,00 
4,00 
12,00 
9,33 
9,33 
6,66 
6,66 


idice 

N.  de  sujets 

Prop.  cent. 

82 

15 

20,00  0/0 

83 

8 

10,66 

84 

1 

1,33 

85 

5 

6,66 

86 

4 

5,33 

87 

0 

0,00 

88 

0 

0,00 

89 

1 

1,33 

75 


Ind.  max.  —  89,00;  Ind.  min.  —  73,89;  Ind.  moyen  =  80,91 
TABLEAU  II 


N.    DE   SUJETS         PROP.    CBNTÉS1M. 


Dolichocéphales 
Mésaticéphales. 
Brachycéphales 


Dolichocéphales    .     . 
Sous-dolichocéphales. 

Sous-brachycéphales. 
Brachycéphales     .     . 


I*> 

Ul 

V\ 

10 

II 

II 

C\ 

j 

0 

0 

\, 

Cm 

\ 

£. 

\ 

J 

h 

X 

j  ■ 
9 

| 

.,! 

\ 

û 

1 

\, 

/ 

1 

13 
16 

26 
19 

75 


1,33  0/0 
17,33 
21,33 
34,66 
25,33 


ff] 


î  io  n  îu  u  n 


Pig,    1.    _   CoL'UUE  DE   L'INDICE  CBPHALlQCE 

drs  Badois. 


Pnr  leur  indice  moyen  de  80,91 
les  Badois  sont  des  brachycé- 
phales ou  plus  exactement  des 
sous-brachycéphales.  C'est  l'avis 
de  Topinardfl)  qui  «  considère 
l'Alsace  et  la  Forêt  Noire  comme 
une  vaste  nappe  de  brachycépha- 
les, dans  laquelle  les  indices 
moyens  ne  varient  que  de  quel- 
ques unités.  L'une  et  l'autre  ont 
été  le  refuge  d'une  même  race, 
celle  qui  existait  avant  le  passage 
des  blonds  à  haute  taille  et  qui  a 
survécu  jusqu'à  ce  jour.  Cette  po- 
pulation diffère  des  plaines  alle- 
mandes au  Nord-Ouest  ». 

Ecker  (2)  (Crania  meridionalis) 
a  étudié  7G  crânes  provenant  d'A- 


(t)  Topinahd,  Éléments  d'Anthropologie  générale. 
(2)  EcKBit,  in  Topivard. 


ÉTUDE    ANTHROPOLOGIQUE    DES    POPULATIONS    DES  RIVES    DU   RHIN.      ^69 

laiiuuis  et  de  Francs  qui  passèrent  à  travers  la  Forêt  Noire 
vers  la  Gaule.  C'étaient  des  dolichocéphales  blonds  qui  enseve- 
lissaient leurs  corps  en  rangées  (Reihengràber).  Il  leur  trouva 
74,9  comme  indice  moyen.  L'étude  de  100  crânes  contemporains 
donne,  par  contre,  au  même  auteur  un  indice  moyen  sous-brachy- 
céphale  de  83,1,  avec  un  minimum  de  75  et  un  maximum  de  92. 
Ecker  distingue  dans  le  pays  de  Bade,  comme  Blind  (1)  en 
Alsace,  la  race  de  la  plaine  de  celle  de  la  montagne  :  en  elïet, 
si  l'on  examine  la  disposition  de  la  courbe  de  notre  figure  1,  on 
constate  une  absence  d'homogénéité  qui  semble  indiquer  la  super- 
position ou  l'adossement  de  deux  séries  à  indices  différents. 
Nous  avons  donc  séparé  nos  75  Badois  en  deux  groupes,  suivant 
qu'ils  sont  de  la  plaine  ou  de  la  montagne. 

2°  Indices  céphaliques  des  Badois  de  la  Forêt  Noire 
et  des  Badois  de  la  "plaine. 


TABLEAU 

m 

BAI 

>OIS 

N. 

DE  LA  FORÊT   INOIKE 
de  sujets       Prop.  cent. 

] 
Indice 

BADOIS    DK    LA 

N.  de  sujets 

PLAINE 

adice 

Prop.  cent. 

73 

0 

0,00  0/0 

73 

1 

2,17  0/0 

74 

0 

0,00 

74 

1 

2.17 

75 

2 

6,89 

75 

1 

2,17 

76 

1 

3,44 

76 

2 

4,34 

77 

2 

6,89 

77 

7 

15,21 

78 

1 

3,44 

78 

6 

13,04 

79 

1 

3,44 

79 

6 

13,04 

80 

2 

6,89 

80 

3 

6,52 

81 

0 

0,00 

81 

5 

10,86 

82 

8 

27,58 

82 

7 

15,21 

83 

5 

17,24 

83 

3 

6,52 

84 

1 

3,44 

84 

0 

0,00 

85 

3 

10,34 

85 

2 

4,34 

86 

2 

6,89 

86 

2 

4,34 

87 

0 

0,00 

87 

0 

0,00 

88 

0 

0,00 

88 

0 

0,00 

89 

1 

29 

3,44 

89 

0 
46 

0,00 

FORÊT 

NOIHB 

PLAINE 

Indice  minimum  =  75,54 
Indiee  maximum  —  89,00 
Indice  moyen        =  82,14 


Indice  minimum  =:  73,89 
Indice  maximum  z=  86.64 
Indice  moyen       —  80,13 


(1)  Blinl»,  L'Anthropologie,  1898. 


h~o 


D*    MAURICE    1ILCK. 


TABLEAU  IV 

FORÊT   NOIRE 
N.  de  suj.      Prop.  cent. 


_  ,.  -      -  -    ,      (  Dolichocéphales 
Dolichocéphales  î  _._  ..  .    ?.  .   . 

(  S/dolichocephales 

Mésaticéphales     ....... 

Brachvcéohales    S  S/brachycéphales 
J     r  (  Brachycephales 


12 
10 

29 


0,00  0/0 
13,79 

10,34 

41,36 
34,80 


PLAINE 
N.  de  suj.       Prop.  cent. 


1 
9 

13 

14 
9 

46 


2,P  0/0 
19,55 

28,22 

30,40 
19,55 


8 
ï 

G 

5 
U 


— 

jp 

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44 

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_^-,»_.r-4C 

5&11  JCC 

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f  •}(;  ]î  u  n  %  %  n 

Fig.   2.  —  CODRBR    DE  L'iNDICB  CÉPHAL1QUK 
DES    BaDOIS   Dg   LA    FORÊT    NOIRB. 


1            • 

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Fig.  3.  —  Courbe  de  l'indice  céphaliqle 

DKd    BaDOIS   DE   LA   PLAINE. 


Le  résultat  de  nos  mensurations  confirme  l'opinion  émise  par 
Topinard.  Nos  29  prisonniers  de  la  Forêt  Noire  ont  un  indice  plus 
élevé  (82,14)  que  nos  46  sujets  de  la  plaine  (.80,13).  Les  Celtes, 
comme  nous  l'avons  fait  ressortir,  se  réfugiaient  dans  la  montagne 
lors  des  migrations  germaniques  qui  passaient  surtout  par  la 
plaine  :  on  conçoit  très  bien  une  pénétration  kymrique  plus 
grande  dans  cette  région  (1). 


(1)  A  noter  le  pourcentage  de  brachycephales   qui  prédomine  dans   la   Furet  nuire 
(Tableau  IV) 


liii'i     ANTHROPOLOGIQUE     DES    POPULATIONS    DES    RIVES  Dt     1UILN.      ^l 


3°  Etude  de  la  taille  des  B A  DOIS 


TABLEAU  V 


Taille        N.  de  sujets     l'rop.  cent. 


Taille         N.  de  sujets     Prop.  mut. 


1,57 

1 

1,33  0/0 

1,58 

2 

2,66 

1,59 

2 

2,66 

1,60 

2 

2,66 

1,61 

2 

2,66 

1,62 

1 

1,33 

1,63 

3 

4,00 

1,64 

1 

1,33 

1,65 

7 

9,33 

1,66 

1 

1,33 

1,67 

6 

8,00 

i,«8 

7 

9,33 

1,69 

2 

2,66 

1,70 

13 

17,33 

1,71 

2 

2,66 

1.72 

7 

9,33 

1,73 

1 

1,33 

1.74 
1,75 
1,76 
1,77 
1,78 
1,79 
1,80 
1,81 
1,82 
1,83 
1,84 
1,85 
1,86 
1,87 
1,88 
1,89 
1.90 


3 

4,00  0/0 

4 

5,33 

2 

2,66 

0 

0,00 

2 

2,66 

1 

1,33 

1 

1,33 

0 

0,00 

0 

0,00 

0 

0,00 

0 

0,00 

0 

0,00 

0 

0,00 

1 

1,33 

0 

0,00 

0 

0,00 

1 

1,33 

75 


Taille  maxima  =  lm,90;  Taille  minima  =:  lm,57;  Taille  moyenne  =  lm,69 


1^                                                                                                     IL 

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Fig.  4.  —  Courbe  de  la  taille  des  Badois. 


ll-J2 


Dr    MAURICE    HUCK. 


4°  Etude  de  la  taille  des  B A  DOIS  de  la  Plaine  et  de  la  Forêt  Noire 
TABLEAU  VI  TABLEAU  VII 

PLAI.NB  F0RTÏT  NOIRE 


Taille 

N.  de  sujets 

Prop.  cent. 

m. 

1,57 

1 

2,17  0/0 

1,58 

0 

0,00 

1,59 

2 

4,34 

1,60 

2 

4,34 

1,61 

0 

0,00 

1,62 

0 

0,00 

1,63 

2 

4,34 

1,64 

1 

2,17 

1,65 

6 

13,04 

1,66 

1 

2,17 

1,67 

5 

10,86 

1,68 

5 

10,86 

1,69 

0 

0,00 

1,70 

8 

17,58 

1,71 

0 

0,00 

1,72 

3 

6,52 

1,73 

0 

0,00 

1,74 

2 

4,34 

1,75 

1 

2,17 

1,76 

1 

2,17 

1,77 

0 

0,00 

1,78 

2 

4,34 

1,79 

1 

2,17 

1,80 

1 

2,17 

1,81 

0 

0,00 

1,82 

0 

0,00 

1,83 

0 

0,00 

1,84 

0 

0,00 

1,85 

0 

0,00 

1,86 

0 

0,00 

1,87 

1 

2,17 

1,88 

0 

0,00 

1,89 

0 

0,00 

1,90 

1 

46 

2,17 

Taille 

N.  de  sujets 

Prop.  cnt 

m. 

1,58 

2 

6.89  0/0 

1,59 

0 

0,00 

1,60 

0 

0,00 

1,61 

2 

6,89 

1,62 

1 

3,44 

1,63 

1 

3,44 

1,64 

0 

0,00 

1,65 

1 

3,44 

1,66 

0 

0,00 

1,67 

1 

3,44 

1,68 

2 

6,89 

1,69 

2 

6,89 

1,70 

5 

17,24 

1,71 

2 

6,89 

1,72 

4 

13,79 

1.73 

1 

3,44 

1,74 

l 

3,44 

1,75 

3 

10,34 

1,76 

1 

3,44 

29 


PLAINE 


Taille  maxima  =  '.m,90 
Taille  minima  =  \Ipi51 
Taille  moyenne  =  lm,69 


FORET  NOIRE 


Taille  maxima  z=  lm,i6 
Taille  minima  =  lm,58 
Taille  moyenne  =  1^68 


î                                   1, 

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[jn-Jo: 

A^:%  5*  <oO  GiGWGG  a  \o  ]^]U^  }%  îo  H  %  %U  3o 
Fig.  5.  —  Courue  de  la  taille  dks  Ha  dois  de  la  plaine 


ÉTUDE    ANTHROPOLOGIQUE   DES  POPULATtONS    DES    RIVES    DU    RHIN.        /|73 

En  résumé,  la  taille  moyenne  des  Badois  est  de  tn\69  c'est-à- 
dire  une  taille  au-dessus  de  la  moyenne  d'après  la  nomenclature 
de  Topinard.  Nous  consta- 
tons également  que  la  taille 
moyenne  n'est  que  de  lm,68 
chez  les  Badois  de  la  mon- 
tagne alors  qu'elle  est  de 
l,n,69  chez  les  Badois  de  la 
plaine.  Ce  fait  est  à  l'appro- 
cher de  ce  que  nous  avons 
établi  pour  l'indice  cépha- 
lique  qui  est  plus  élevé  dans 
la  montagne  que  dans  la 
plaine.    En  somme,    taille 

plus  élevée  et  indice  céphalique  plus  petit  dans  la  plaine,  taille 
moins  élevée  et  indice  céphalique  plus  grand  dans  la  montagne  : 
c'est-à-dire  type  Celtique  plus  accentué  dans  la  montagne  que 
dans  la  plaine. 


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Fig.  6.  —  Courbe  i>e  la  taille  des  Badois 
de  la  Forêt  noihe. 


4°  Étude  de  la  couleur  des  cheveux  des  BADOIS 


TABLEAU  VIII 


N.  de  sujets        Prop.  cent., 


1°  Cheveux  noirs 1 

2°  Cheveux  bruns  foncés !3 

3°  Cheveux  châtains  clairs 34 

40  Cheveux  blonds  ou  roux 27 


75 


1,33  0/0 
17,33 
44,00 
36,00 


5°  Étude  de  la  couleur  des  cheveux  des  Badois  de  la  Plaine 
et  de  la  Forêt  Noire. 


TABLEAU  IX 

B.    DK   LA   PLA1NB 
N.  de  S.       Prop.  cent. 


1°  Cheveux  noirs.  .  .  . 
2°  Cheveux  bruns  foncés  . 
3°  Cheveux  châtains  clairs 
4°  Cheveux  blonds  roux   . 


1 

9 

18 

18 

46 


2,17  0/0 
19,56 
39,13 
39,13 


B.    DE  LA   FORÊT  NOIRE 

N.  de  S.      Prop.  cent. 


0 

3 

17 

9 

29 


0,00  0/0 
10.34 
58,62 
31,03 


D'après  nos  recherches,  le  nombre  des  blonds  (3G  0/0  dans  le 
pays  de  Bade)  est  plus  élevé  qu'en  Alsace,  où  il  est  de  18  0/0  d'après 


L  ANTHROPOLOGIE. 


t.  xxix.  —  1918-1919. 


31 


^7^  È>r  MAURICE  fiuci. 

Virchow.  Il  est  plus  élevé  dans  la  plaine  que  dans  la  montagne  * 
dans  la  plaine,  il  se  rencontre,  comme  nous  l'avons  démontré 
avec  les  plus  hautes  tailles  et  les  indices  céphaliques  les  moins 
élevés  ;  dans  la  montagne,  le  pourcentage  des  châtains  clairs 
domine  celui  des  blonds. 

En  résumé,  l'indice  céphalique  classe  les  Badois  parmi  les 
brachycéphales,  ou  plus  exactement  les  sous-brachycéphales. 
L'indice  céphalique,  la  taille  et  la  couleur  des  cheveux  indiquent 
une  légère  accentuation  du  type  celtique  dans  la  Forêt  noire. 


IV 

LES   PROVINCES    RHÉNANES. 

Nous  arrivons  à  la  partie  du  Rhin  située  au-dessus  de  l'Alsace 
et  du  grand-duché  de  Bade,  celle  qui  correspond  au  passage  des 
grandes  invasions  germaniques,  grâce  à  la  navigabilité  du  fleuve 
à  ce  niveau.  Parmi  les  nombreuses  tribus  germaniques  qui  habi- 
taient les  rives  du  Rhin,  citons  d'abord  les  Ubiens,  amis  des 
Romains,  qu'Agrippa  fît  passer  de  la  rive  droite  sur  la  rive  gauche 
pour  la  défendre  (vers  Cologne);  les  Usipètes,  les  Tenctères,  les 
Chamaves  occupant  la  Westphalie  actuelle  ;  les  Sicambres,  les 
Cattes  habitant  la  forêt  Hercynienne,  premiers  occupants  de  la 
Hesse  actuelle;  les  Mattiaques,  dans  le  Taunus,  sur  le  Mein;  au 
Nord,  les  Amsibares;  enfin  les  Frisons  sur  le  Zuydersée  La  puis- 
sance romaine  déploya  toute  sa  force  et  toute  son  habileté  pour 
contenir  les  barbares,  lutte  de  quatre  siècles  où  César,  le  premier, 
mérita  le  titre  de  défenseur  de  la  civilisation  gallo-latine.  Les 
Romains  placèrent  leur  première  ligne  bien  au-delà  de  la  rive 
droite  du  Rhin  qui,  cependant,  fut  toujours  considérée  comme  la 
frontière  militaire  de  la  Gaule.  La  politique  de  Rome  fut  primi- 
tivement d'étendre  les  frontières  de  l'Empire  jusqu'à  l'Elbe,  de 
façon  à  assurer  définitivement  la  paix  aux  provinces  situées  sur 
la  rive  gauche  du  Rhin,  et  à  établir  la  liaison  entre  les  provinces 
germaniques  et  les  possessions  du  Danube.  La  défaite  des  légions 
de  Varus,  en  9  après  J.  C,  fut  le  premier  échec  de  cette  politique. 

En  somme,  la  domination  romaine  s'est  maintenue  pendant 
quatre  siècles  sur  la  rive  gauche,  pendant  450  années  dans  la 
région  de  Trêves  et  de  la  Moselle  :  elle  ne  dura  que  200  ans  sur 


Étude  anthropologique  des  ron  i  ations  tes  rives  du  rhix.     ^5 

la  rive  droite,  môme  100  ans  seulement  dans  certaines  régions  de 
ce  côté  du  Rhin.  Il  existait,  dès  90  après  J.  C,  deux  provinces 
gallo-romaines  sur  les  rives  du  Rhin  (1)  :  la  Germanie  supérieure 


3 — ÊXT 1  -^vv. 

CHAMPS    PECU/^Tgfe  ^§^\ 

~^Jir^MZ^Zj    ["Helvètes 


Carte  i.  —  Germanie  Romaine  et  Champs  Décumatbs,  par  Vidal-Lablache. 

0 

ou  première,  celle  d'où  dépendait  l'Alsace  actuelle,  la  Germanie 
inférieure  ou  deuxième  Germanie  allant  jusqu'à  l'embouchure  du 
Rhin  et  correspondant  aux  provinces  rhénanes  actuelles  de  la 
rive  gauche  ;  les  Champs  décumates  s'étendaient  sur  la  rive 
droite  à  partir  de  la  région   au  nord  de  Coblentz,  à  travers  le 

(1;  Voir  notre  carte  n°  1  de  la  «  Germanie  romaine  ». 


i 


h~$  Dr    MAURICE    HUCK. 

grand-duché  de  Hesse,  le  grand-duché  de  Bade,  le  Wurtemberg, 
la  Bavière  jusqu'au  Danube. 

Trêves,  fondée  sous  Auguste,  Augusta  Treverorum,  ville  de 
résidence  impériale,  centre  des  voies  les  plus  importantes  de 
l'Empire,  devint  non  seulement  la  capitale  des  deux  Germanies, 
mais  de  toute  la  Gallia  belgica,  où  elle  était  d'ailleurs  située  :  ce 
fut  la  Borne  gauloise.  Une  célèbre  école  latine  répandait  au  loin 
la  culture  classique  parmi  les  intellectuels  de  l'époque  ;  et  si  les 
riches  parlaient  le  latin,  le  peuple  parlait  la  langue  celtique, 
ainsi  que  l'affirme  le  Père  de  l'Église  Jérôme  (1),  à  la  suite  d'un 
voyage  à  Trêves,  au  ive  siècle. 

La  splendeur  des  ruines  gallo-romaines  qui  subsistent  actuelle- 
ment à  Trêves  (Porta  \igra)  ainsi  que  sur  toute  la  rive  gauche, 
démontre  à  quel  point  Borne  avait  assimilé  les  tribus  germa- 
niques qui  étaient  devenues  ses  alliées.  La  rive  droite,  zone 
mouvementée  des  opérations  militaires  et  soumise  moins  long- 
temps à  l'occupation  romaine,  bénéficia  moins  de  cette  brillante 
civilisation  ;  et  c'est  sur  la  rive  gauche  que  se  constituèrent  les 
puissantes  cités  de  Trêves,  de  Mayence,  de  Coblence,  de  Cologne, 
qui  conservèrent  leur  prédominance  depuis  la  période  romaine 
jusqu'à  travers  le  moyen  âge.  Ce  n'est  que  de  cette  dernière 
époque  que  datent  les  villes  de  la  rive  droite  du  Bhin.  Dragen- 
dorfï  (2)  affirme  que  cette  différence  de  civilisation  sur  les  deux 
rives,  entre  la  Germanie  romaine  et  la  Germanie  libre,  s'est 
maintenue  à  travers  les  siècles  :  «  et  mille  années  d'histoire 
allemande,  dit  cet  auteur,  n'ont  pas  réussi  à  effacer  quelques 
siècles  d'époque  romaine.  Cette  influence  s'est  fait  sentir  à  tra- 
vers le  moyen  âge  jusqu'à  l'époque  actuelle  ». 

Le  christianisme,  qui  fit  son  apparition  dans  les  provinces 
rhénanes  vers  le  11e  siècle,  contribua  au  maintien  et  à  la  diffusion 
de  la  culture  classique. 

L'œuvre  des  Mérovingiens  et  des  Carlovingiens  fut  romaine  : 
ce  fut  la  lutte  de  la  civilisation  contre  la  barbarie.  Charlemagne, 
prince  gallo-franc  qui  avait  fait  d'Aix-la-Chapelle  le  centre  de  son 
Empire,  défendit  la  Gaule  sur  le  Bhin  contre  les  Saxons.  Il  déna- 
tionalisa les  nations  germaniques  pour  les  soumettre  à  la  nation 
gallo-franque.  C'est  ainsi  que  pendant  huit  siècles,  l'histoire  des 


(I)  DftAOBNDOftFF,   Wesldeutscldand  zut  R<>merzpit,  1912. 
r2)  Dragbkdohpf,  Westdeutschland  zur  Bômeneit,  1912. 


ÉTUDE    ANTHROPOLOGIQUE    DES    POPULATIONS    DES    RIVES    DU    RHIN.       ^77 


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rives  du  Rhin,  surtout  celle  de  la  rive  gauche,  se  confond  avec 

celle  de  la  Gaule. 

louis  XIV.  la  première  République  française  qui  prit  toute  la 

rive  gauche,  le  premier  Empire 
français  qui  passa  sur  la  rive 
droite,  furent  les  continuateurs 
de  la  politique  de  César  ;  et 
lorsque,  après  1815,  la  nouvelle 
puissance  prussienne  reprit  vio- 
lemment presque  tout  le  cours 
du  fleuve  sur  ses  deux  rives,  elle 
devint  la  plus  formidable  puis- 
sance de  l'Europe,  qui  acheva 
son  œuvre  en  1870. 


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Après  avoir  repoussé  la  der- 
nière invasion  germanique,  celle 
de  1914,  qui,  elle  aussi,  passa  par 


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Fig.    7      —     CuUKBB     DE    L'lM)ICR    CÉPHALIQUE 
DE  519   SUJETS   DE  LA  RIVE  GAUCHE. 


no  ï£  U  U  y  «û  Uî'*U  U$o9i 


Fig.  8.  —  Courbe  dk  l'indice  cépha  ique 

DE  252  SUJETS  DE    LA  RIVE  DROITE. 


la  Belgique  et  le  Nord  de  la  France,  la  troisième  République  et 
ses    alliés   n'ont    fait  que    reprendre    l'ancienne   politique    ro- 


£-8  Dr    MAURICE    HUCK. 

maine,  en  rétablissant  l'ancienne  frontière  militaire  de  la  Gaule. 
Tels  sont  les  faits  de  l'histoire;  qu'elle  est  leur  concordance 
avec  les  données  de  l'anthropométrie  ?  Nous  avons  examiné 
771  prisonniers  de  guerre  originaires  du  Palatinat,  du  grand- 
duché  de  flesse  et  de  la  Province  rhénane  prussienne  au  point 
de  vue  de  l'indice  céphalique,  de  la  taille,  et  de  la  couleur  des 
cheveux. 

INDICE  CÉPHALIQUE 

Nous  basant  sur  les  faits  de  l'histoire,  nous  avons  séparé  nos 
771  sujets  en  deux  groupes,  519  sujets  de  la  rive  gauche  et  252 
de  la  rive  droite  (1). 


TABLEAU  X 

R1VB   GAUCHE  DU  RHIN 

Qdice 

N.  de  S. 

Prop,  cent. 

70 

1 

0,19  0/0 

71 

2 

0,38 

72 

4 

0,77 

73 

il 

2,11 

74 

26 

5,00 

75 

28 

5,39 

76 

28 

5,39 

77 

34 

6,65 

78 

E9 

11,36 

79 

63 

12,13 

80 

46 

8,86 

81 

48 

9,24 

82 

45 

8,67 

83 

33 

6,35 

8i 

22 

4,23 

85 

32 

6,16 

86 

n 

3,27 

87 

6 

1,15 

88 

6 

1,15 

89 

6 

1,15 

90 

2 

0.38 

519 

Indice 

mininum 

=  70,82 

Indice 

maximum 

=  90,35 

Indice 

moyen 

=  80,15 

RIVE   DROITE   DU    RHIN 


idice 

N.  de  S. 

Prop.  cent. 

71 

2 

0,79  0/0 

72 

2 

0,79 

73 

6 

2,38 

74 

16 

6,32 

75 

14 

5,55 

76 

27 

11,71 

77 

28 

11,08 

78 

33 

13,09 

79 

24 

9,51 

80 

30 

11,88 

81 

17 

6,74 

82 

16 

6,32 

83 

9 

3,57 

84 

11. 

4,35 

85 

9 

3,57 

86 

4 

1,58 

87 

2 

0,79 

88 

1 

0,39 

89 

0 

0,00 

90 

0 

0,00 

91 

1 

0,39 

252 

Indice 

minimum 

=  71,54 

Indice 

maximum 

=  91,05 

Indice 

moyen 

=  79,29 

(1)  Carte  n«  2. 


ÉTUDE     ANTHROPOLOGIQUE    DES    POPULATIONS    DES    RIVES    DU    RHIN.       479 


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Carte  2.  —  Lss  Indices  cbphaliqubs  sor  les  deux  rives  du  Rhin. 


48o  -  Dr    MAURICE    HUCK. 


TABLEAU  XI 

RIVE    GAUCHE  RIVE    DROITE 

N.  de  S.     Prop.  cent.     N.deS.     Prop    cent. 


,  .    ,       (  Dolichocéphales  . 
Dolichocéphales   j  S/doIicnocéphales 

Mésaticéphales 


_      .      ,   .    ,      (  S/brachycephales 
Brachvcepbales  ]    '     .      .  -    , 

(  Brachycephales   . 


45  8,67  0/0  '/7  -10.11  0/0 

60  15,41  64  25,40 

132  25,43  62  24,61 

145  27,93  64  25,40 

111  22,54  35  13,85 


519  252 


D'après  nos  recherches,  l'indice  céphalique  moyen  classe  les 
prisonniers  de  la  rive  gauche  parmi  les  sous-brachycéphales 
(80,15),  et  ceux  de  la  rive  droite  parmi  les  mésaticéphales 
(79,29).  La  pénétration  kymrique  a  été  plus  intense  sur  la  rive 
droite  que  sur  la  rive  gauche  :  les  données  de  l'anthropométrie, 
on  le  voit,  concordent  avec  les  faits  de  l'histoire. 

Nous  avons  divisé  nos  519  sujets  de  la  rive  gauche  et  nos 
252  sujets  de  la  rive  droite  en  six  groupes,  échelonnés  à  gauche, 
et  deux  groupes,  à  droite  du  Rhin  (1)  ;  ce  sont  : 

Rive  gauch<  du  Rhin  Rive  droite  du  Rhin 

a)  Palatinat.  a)  Région   du    Rhin    supérieur 

6)  Région  de  la  Saar.  (au  sud  de  la  Lahn). 

c)  Région  de  Trêves  et  de  la  Moselle.  b)  Région  du  Rhin  inférieur  (au 

d)  Région  de  la  Nahe  et  de  Mayence.  nord  de  la  Lahn). 

e)  Région  de   Coblence,   Bonn  et  de  la 

Hocbeifel. 

f)  Région  de  Cologne,  d'Aix-la-Chapelle, 

et  du  Bas-Rhin. 

(Voir  les  tableaux  indiquant  les  indices  céphaliques  de  ces  diffé- 
rentes régions  aux  pages  482,  483,  484,  485,  486  et  487.) 

L'étude  de  l'indice  céphalique  des  six  groupements  de  la  rive 
gauche  du  Rhin  donne  lieu  aux  conclusions  suivantes  : 

1°  L'indice  céphalique,  d'une  manière  générale,  va  en  diminuant 
à  mesure  que  l'on  se  rapproche  de  l'embouchure  du  Rhin.  Il  reste 
sous-brachvcéphale  (type  Bas-Breton),  comme  en  Alsace  dans  le 
Bas-Rhin,  dans  cinq  de  nos  groupements  :  il  devient  mésaticé- 
phale  dans  la  région  d'Aix-la-Chapelle,  de  Cologne  et  du  Rhin 
inférieur,  c'est-à-dire  la  partie  la  plus  septentrionale  du  fleuve. 
C'est  à  ce  niveau  que  la  pénétration  kymrique  ou  germanique  a 

(1)  Voir  notre  carte  n*  3. 


ÉTUDE    ANTHROPOLOGIQUE    DES    POPULATIONS    DES    RIVES    DU    RHIN.        Z|8l 


Carte  3.  —  Les  Indices  cbphaliqufs  kéijaktis  par  onorpEMENTs, 

SUK    LES   DEUX    RIVES    DU   RllIM. 


482 


Dr    MAURICE    HUGK. 


TABLEAU 

N.  de  S. 

Vil 

Indice 

Prop.  cent. 

75 

2 

5,12  0/0 

76 

1 

2,56 

77 

3 

7,69 

78 

3 

7,69 

79 

4 

10,23 

80 

6 

15,38 

81 

5 

12,82 

82 

4 

10,25 

83 

3 

7,69 

84 

2 

5,12 

85 

4 

10,25 

86 

0 

0,00 

87 

1 

2,56 

88 

1 
39 

2,56 

Indice 

minimum 

=  75,72 

Indice 

maximum  =  88,32 

Indice 

moyen 

=  81,32 

TABLEAU 

XIV 

Indice 

N.  de  S. 

Trop.  cent. 

72 

1 

3,03  0/0 

73 

0 

0.00 

74 

1 

3,03 

75 

0 

0,00 

76 

1 

3,03 

77 

0 

0,00 

78 

3 

9,09 

79 

8 

24,24 

80 

1 

3,03 

81 

1 

3,03 

82 

5 

I! 5,45 

Si 

1 

3,03 

84 

5 

15,15 

85 

4 

12,12 

8-i 

1 

3,03 

87 

0 

0,00 

s  8 

0 

0,00 

89 

1 

3,03 

33 

Indice  minimum  =  72,75 
lndii-<;  maximum =89,15 
Indice  moyen       =  81,57 


Rive  gauche  du  Rhin, 

a)  Palatinat. 

TABLEAU  XIII 


N.  de  S.    Prop.  cent. 


(  Doliehocéph.  . 
Dolichocéphales  }  s/dolichocéph . 

Mésaticéphales 

.      «   i    i      {  S/brachycéph.   . 
Brachvoephales  ]  J     ,      ,   ,    , 
J  (  Brachvcephales. 


0 
5 
8 
17 
9 


0,00  0/0 
12,82 
20,51 
43,58 
23,07 


39 


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Fig.  9.  —  Courde  de  l'indice  céphalique  du  Palatinat 


b)  Région  de  la  Saar. 


TABLEAU  XV 


N.  de  S.    Prop.  ceot 


(  Doliehocéph. 
Dolichocéphales   j  s/dolichocéph 

Mésaticéphales 


(  S/brachycéph. 
Brachycéphales  j  Brachycéphales 


2 

1 
11 

7 
12 


6,06  0/0 

3,03 
33,33 
21,21 
36,36 


7 


3 
S. 


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10.    —  COURBR  l'K   l/j.NDICE   HE   IA   RÉGION  DELA    SaAR, 


c)  Région  de  Trêves  et    de  la  Moselle. 


TABLEAU  XVI 

In.iice    N.  de  S ,     Prop.  cent. 


73 

74 
75 
76 
77 
78 
79 
80 
81 
82 
83 
84 
85 
86 
87 
88 
89 
90 


•2 
1 
4 
3 
2 
3 
4 
6 
7 
5 
4 
6 

10 
7 
3 
1 
3 
1 

1? 


2,77  0/0 
1,38 

5,55 
4,16 
8,71 

4,16 
5,55 
8,33 
9,72 
6,95 
5,55 
8,33 
13, 8S 
9,72 
4,16 
1,38 
4,16 
1,38 


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Fig. 


H.  —  Courbe  de  l'indice    de     ThÈvH 

ET  DE    LA   MOSKLLE. 

Indice  minimum  =  73,60:  Indice  maximum  =  90,35;  Indice  moyen  =  82,44. 


Dolichoc. 


Brachy. 


TABLEAU  XVII 

N.  de  Sujets  Prop.  cent. 

Dolicho  .  .      3  4.16  0/0 

S/dolicho.      7  9,72 

Mésaticéphales  ...    10       13,88 

d)  Région  de  la  Nahe  et  de  Mayence. 
TABLEAU  XVIII  TABLEAU  XIX 


N.  de  Sujets  Prop.  cent 
S/Brachy.       19  26,38  0/0 


Brachy  .   . 


33 

72 


45,83 


ndice 

N.  de  S. 

Prop.  cent. 

75 

3 

6,25  0/0 

76 

1 

2,08 

77 

3 

6,25 

78 

3 

6,25 

79 

9 

18,75 

80 

6 

12,50 

81 

8 

16,66 

82 

2 

4.16 

83 

7 

14,58 

84 

1 

2,08 

85 

2 

4.16 

86 

2 

4,16 

87 

0 

2,08 

88 

1 

N.  d«  S.     Prop.  cent. 


Dolichocéph.   .  0 

S/dolichocéph.         16 

Mésaticéphales 13 

16 
ichycéphalcs.        13 


Dolichocéphales 

Mésaticéphales 

t>„    u     '   1    1      (  S/brachycéph.    . 
Brachycephales  ]     '     .     '     * . 

(  Brachycenhalrs. 


0,00  0/0 
12,50 
27,08 
3:*, 33 

27,08 


48 

Indice  minimum  =  75,22 
Indice  maximum  =  88,95 
Indice  moyen      =81,00 


9      .         J 

tf           I-*- 

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7    •   ^       v  1 

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f  JL       ifcC- 

Fig.    12.  —  COiJRBE   D8   l'indicb 
DB   LA    RÉGION   DE   IA  NaIIE   ET   DE   MaYENCE. 


484 


Dr    MAURICE    HUCK. 


été  la  plus  accentuée.  Cette  région,  située  dans  la  plaine,  corres- 
pond à  la  partie  la  plus  navigable  du  Rhin,  et,   comme   nous 


e)  Région  de  Coblence,  Bonn  et  de  la  Hocheifel. 


r 

r A BLE AU  XX 

Indice 

N.  de  S. 

Prop.  cent* 

73 

2 

2.66  0/0 

74 

4 

5,33 

75 

."> 

6,66 

76 

4 

5,33 

77 

1 

1,33 

78 

9 

12.00 

79 

5 

6,66 

80 

15 

20.00 

81 

6 

8.00 

82 

9 

12,00 

83 

1 

1,33 

84 

4 

5.33 

85 

6 

8,00 

86 

3 

4,00 

87 

0 

0,00 

88 

0 

0,00 

89 

0 

0,00 

90 

1 
75 

»,  3 

Indice 

minimum  =  73,25 

Indice 

maximum  ^  90, Oi 

Indice 

moyen 

=  80,47 

15 

lit 

15 

12- 

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—  col'hbk  de  l'indice  ok  la  région  de  coblence, 
Bonn  et  de  la  Hocheifel 


T\BLEAU  XXI 

N.deS. 

Dolichocéphales  j  ^hocéphales  .    .    .    .    .       6 

(  Sous-dolichoccphales  ...        9 

M  saticéphales  .    .    15 

„      .      ,   .    .      I  Sous-hrachycéphales     ...      30 
Brachycephales  \  , *     ■ 

f  Brachycephales 15 

~75~ 


Prop.  cent. 

8,00   0/0 
12,00 
20,00 
40,00 
2H,00 


l'avons  dit,  au  grand  couloir  des  migrations  germaniques:  c'est 
à  Cologne  et  à  Aix-la-Chapelle,  rappelons-le  également,  que  fut 
le  centre  de  la  puissance  franque. 

2°  C'est  dans  la  région  de  Trêves  que  nous  trouvons  l'indice 
moyen  sous-brachycéphale  (82,44)   le   plus  élevé  parmi  les  six 


ÉTUDE    ANTHROPOLOGIQUE    DES    POPULATIONS    DES    RIVES    DU   RHIN.      £85 

groupements  :   notre  tableau  XVII  indique  même  un  nombre  de 
brachyoéphales  vrais  de  45,830/0:  c'est  la  proportion  centési- 

Cologne,  Aix-la-Chapelle  et  du  Bas-Rhin. 


f)  Région  de 

TABLEAU  XXII 

Indice 

N.  da  S. 

Pi  op.  cent. 

70 

1 

0,39  0/0 

71 

g 

0,79 

72 

3 

1,19 

7 

2,77 

74 

20 

7.93 

73 

14 

5,55 

76 

18 

7,14 

77 

25 

9,92 

78 

38 

15,07 

79 

3J 

13,09 

80 

12 

4,76 

SI 

21 

8,33 

82 

20 

7,93 

83 

17 

6,74 

84 

4 

1.58 

85 

6 

2,38 

86 

4 

4,58 

.  7 

2 

0,79 

88 

3 

1.19 

89 

2 
232 

0,79 

Indice 

minimum  —  72, 8^ 

Indice 

maximum    -  89, 8'.) 

Indice 

moyen 

=  78,83 

^S 

■' 

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16 

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Fig.  14.  — 


CODRBE   DB   L'INDICE   DE    LA    REGION     DE    COLOGNE, 

Aix-lv-Chapelle  et  du  Bas-Rhin. 


TABLEAU  XXIII 


N.  de  S.        Prop.  cent. 


Dolichocéphales  \  Dolichocéphales 34 

(  Sous-dolychocéphales.     ....  52 

Mésaticéphales '  m  75 

Brachycéphales  l  Sous-brachycéphales 56 

)  Brachycéphales 35 


252 


13,49  0/0 

20,63 

29,76 

22,22 

13,88 


maie  la  plus  élevée  dans  les  six  groupements  de  la  rive  gauche  (1). 

(1)   Houzi,  (Revue  d'Anthropologie,   1882)   donne   aux  Luxembourgeois    un  indice 
céphalique  de  81,17.  Ce  sont  donc  également  des  sous-brachycéphales. 


486 


D'     MA.URICE    HICK. 


Après  ce  que  nous  avons  dit  de  Trêves,   capitale  de   la  Gallia- 
belgica  et  des  deux  Germanies,  il  n'y  a  pas  lieu  de  s'en  étonner. 

Rive  droite  du  Rhin. 
a)  Région  du  Rhin  supérieur,  au  sud  de  la  Lahn. 

tableau  xxiv  tableau  xxv 


Indice     N.  de  S.     Prop.  cent. 


11 

2 

1,62  0/0 

12 

0 

0.00 

13 

0 

0,00 

14 

5 

4,05 

15 

1 

0,81 

16 

10 

8,13 

11 

12 

9,15 

18 

18 

14,63 

19 

14 

11,38 

80 

16 

13,00 

81 

10 

8,13 

82 

6 

4,81 

83 

5 

4,06 

84 

9 

1,31 

85 

1 

5,68 

86 

4 

3.25 

87 

2 

1,62 

88 

1 

0,81 

89 

0 

0.00    ' 

90 

0 

0,00 

91 

1 
123 

0,81 

Indice 

minimum  =  11,54 

Indice 

maximum  =91,05 

Indice 

moyen 

=  80,39 

Dolichocéphales  \ 
Mésaticéphales.  . 
Brachycéphales 


N.  de  S. 

Prop.  cent. 

Dolichocéph  . 

1 

5,68  0/0 

S/  dolichocéph 

22 

11,88 

•     •     i     ' 

33 

26,34 

S/brachycéph. 

33 

26,34 

Brachycéph.     . 

28 

22,12 

123 


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* 

Fig.  15.  —  Couhbb  de  l'indicb  dk  la  région 
du  Rhin  supérieur. 


Nos  observations  concernant  l'indice  céphalique  de  la  rive 
droite,  au  nord  du  grand-duché  de  Bade,  sont  également  très 
concluantes  : 

1°  La  Lahn  sépare  deux  régions,  l'une  mésaticéphale,  au  nord, 
avec  un  indice  moyen  de  78,22  et  l'autre  sous-brachyeéphale,  au 
sud,  avec  un  indice  moyen  de  80,39,  qui  se  continue  avec  la 
nappe  sous-brachycéphale  du  grand-duché  de  Bade.  Cette  zone 
mésaticéphale  correspond,  on  le  voit,  à  la  portion  la  plus  septen- 
trionale du  fleuve  :  l'indice  y  est  un  peu  plus  bas  que  dans  la 
zone  mésaticéphale  correspondante  sur  la  rive  gauche.  Notre 
tableau  XXVII  indique  pour  le  Rhin  inférieur  la  proportion 
centésimale  de   32,52  0/0  de  sous-dolichocéphales,  c'est-à-dire  le 


Étude   iNTttROPOLôdiQUÈ  dès    populations  des  Iuves  du  hiiin.     487 

chiffre  le  plus  élevé  que  nous  avons  constaté.  Cette  pénétration 
kymrique  s'explique  également  par  le  passage  des  grandes  inva- 
sions germaniques  à  ce  niveau  du  fleuve.  C'est  là  que  siégeaient 
les  puissantes   tribus  germaniques  :  les  Tenctères,  les  Usipètes, 

les  Sicambres. 

2°  Les  limites  que  constitue  la  Lahn  entre  la  zone   mésaticé- 

b)  Région  du  Rhin  inférieur  au  nord  de  la  Lahn. 
TABLEAU  XXVI 

l«    i 

\u 

\o 

G 

If 

0 


Indice 

N.  de  S. 

Trop,  cent 

72 

2 

1,55  0/0 

73 

6 

4,65 

74 

H 

8,52 

75 

13 

10,07 

76 

17 

13,17 

77 

16 

12,40 

78 

15 

11,62 

79 

10 

7,75 

80 

14 

10,85 

81 

7 

5,42 

82 

10 

7,75 

83 

4 

3,10 

84 

2 

1,55 

85 

2 

129 

1,55 

1 

1 

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Fie.  16. 


CoURBE    DK    L'iNDICR    DE   LA    RE    ION 

du  Rhin  inférieur 


TABLEAU  XX Vil 


N.  do  S.         Prop.  cent. 


n  ,.  ,      ,  .    .      (  Dolichocéphales    ......  20 

Dolichocéphales  \            T^     *       ...  0 

(  Sous-Dolichocéphales     ....  42 

Mésaticépbales 29 

Brachycéphales  j  Sous-Brachycu phales 31 

(  Brachycephales ' 


15,50  0/0 
32,52 
22.48 
24,03 
5,42 


129 


Indice  minimum  =  72,09  ;  Indice  maximum  =  85,31  ;  Indice  moyen  =  78,22. 

phale  et  la  zone  sous-brachycéphale  peuvent  également  trouver 
leur  explication  par  les  faits  de  l'histoire.  C'est  à  ce  niveau,  c'est- 
à-dire  dans  les  environs  de  Coblence,  sur  la  rive  droite,  que  com- 
mençaient les  retranchements  (1)  (Pfahlgraben)  entourant  les 
Champs  décumates.  destinés  à  contenir  les  barbares.  Ces  travaux 
de  défense,  nous  l'avons  dit,  contournaient  les  pays  de  Hesse  et 
de   Bade,    le    Wurtemberg   et   traversaient    la  Bavière   jusqu'au 


(1)  Voir  notre  carte  n°  1,  de  la  0  Germanie  romaine  ». 


m 


Dr    MAURICE    IIUCK. 


Danube.  L'élément  brachycéphale  primitif  semble  avoir  été 
protégé  dans  cette  région  contre  la  pénétration  dolichocé- 
phale (1). 

TAILLE 

2°  Étude  de  la  taille  chez  519  sujets  de  la  rive  gauche 
et  252  sujets  de  la  rive  droite. 

TABLEAU  XXVIII  TABLEAU  XXIX 


Taille 

N.  do  S. 

Prop.  cent, 

m. 

1,54 

1 

0,190/0 

1,55 

0 

0.00 

1,56 

4 

0,77 

1,51 

1 

0,19 

1,58 

6 

1,15 

1,59 

1 

0.192 

1,60 

11 

2,11 

1.61 

7 

1,34 

1,62 

18 

3,46 

1,63 

14 

2,69 

1,64 

17 

3,27 

1,65 

72 

13,87 

1,66 

20 

3,85 

1,67 

36 

6,93 

1,68 

56 

10,79 

1,69 

28 

5,39 

1,70 

72 

13,87 

1,71 

13 

2,50 

1,72 

37 

7,12 

1,73 

18 

3,46 

1,74 

9 

1,13 

1,75 

28 

5,39 

1,76 

12 

2,31 

1,77 

4 

0,77 

1,78 

13 

2,50 

1,79 

9 

1,73 

1,80 

8 

1,54 

1,81 

1 

0,19 

1,82 

0 

0,00 

1,83 

a 

0.38 

1,84 

1 

519 

0,19 

Taille 


N.  de  S. 


trop,  cent, 


m. 
1,58 

3 

1,19  0/0 

1,59 

1 

0,39 

1,60 

6 

2,38 

1,61 

4 

1,58 

1,62 

8 

3.17 

1,63 

5 

1,98 

1,64 

5 

1,98 

1,65 

31 

12,27 

1,66 

6 

2,38 

1,67 

9 

3,57 

1,68 

26 

10,31 

1,69 

16 

6,32 

1,70 

36 

14,28 

1,71 

16 

6,32 

1,72 

19 

7,53 

1,73 

8 

3,17 

1,74 

6 

2,38 

1,75 

20 

7,93 

1,76 

6 

2,38 

1,77 

2 

0,79 

1,78 

7 

2,77 

1,79 

3 

1,19 

1,80 

5 

1,98 

1,81 

3 

1,19 

1,82 

0 

0,00 

1,83 

0 

0,00 

1,84 

0 

0,00 

1,85 

1 

0,39 

Taille  minima  =  lm,'34 
Taille  maxima  =  lm,84 
Taille  moyenne  =  lra,69 


252 


Taille  miuima  =  lm,58 
Taille  maxima  =  lm,85 
Taille  moyenne  =  lm,69 


(1)  Eckkr  attribue  un  indice  sous  brachycéphale  de  83,00  aux  Allemands   du  Sud. 
Ce  même  chiffre  est   indiqué  pour  les  Wurtembergoois  et  les  Bavarois    (Rankc),  in 
T OPINA rd,  Éléments  d'Anthropologie  générale. 


ÉDUDE     LNTHROPOLOGIQUE    DES    Poi'i'i.U'IONS    DES    RIVES    DU    RHIN.       4$9 


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. 

Fig.    17.    —    COURBB  DES  TAILLES   DE    LA   RITE    GAUCHE  (529   SUJETS). 


L  ANTHROPOLOGIE.   —  T.    XXIX.    —    1918-1919. 


32 


k  90 


D'     MAURICE    III  CK. 


L'étude  de  la  taille  sur  la  rive  gauche  et  la  rive  droite  du  Rhin 
nous  indique  une  moyenne  commune  aux  deux  côtés  du  fleuve  de 
lm,69,  c'est-à-dire  une  taille  au-dessus  de  la  moyenne,  d'après  la 
nomenclature  de  Topinard.    Notre  chiffre  correspond  à  la  taille 


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59 

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56 

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Fig.    18.   — •   CûUHBB  Dfc,   LA   TAILLE   DK  LA   RIVK   DKOITK 

moyenne  des  Allemands  qui  est  de  lm,69.  (La  taille  moyenne  des 
Français  est  de  lm,65). 

Comme  pour  l'indice  céphalique,  nous  avons  divisé  nos  sujets 
en  six  groupements  sur  la  rive  gauche  et  deux  groupements  sur  la 
rive  droite  (1). 

L'étude  de  la  taille  dans  les  six  groupements  de  la  rive  gauche 
et  les  deux  groupements  de  la  rive  droite  du  Rhin  nous  permet 
d'établir  les  faits  suivants  : 


(l)  Voir  notre  carte  n°  4. 


ÉTUDE    UlTHttOPOLOCîQUÏ    DBS    l'oiMi.  v  llONS    DES    IUVES    DU    RHIN.       Zjyl 


C.'irt'i   4.    —    KÉPAHTiTlOfl    DKS   TA1LLKS    SUll    LES    DhTUX    H1VKS    DC    Hill.N. 


492 


Dr    MAURICE    HICk. 


Rive  gauche  du  Rhin. 

a)  Palatinat. 


r 

rABLEAU 

N.   de  S, 

XXX 

Taille 

Prop.  cent. 

m. 

1,62 

3 

7,69  0/0 

1,63 

2 

5,12 

A, 64 

1 

2,56 

1,65 

5 

12,82 

1,66 

2 

5,12 

1,67 

7 

17,94 

1,68 

6 

15,38 

1,69 

1 

2,56 

1,10 

2 

5,12 

1,71 

0 

0,00 

1,72 

3 

7,69 

1,73 

0 

0,00 

1,74 

1 

2,56 

1,75 

3 

7,69 

1,76 

1 

2,56 

1,77 

0 

0,00 

1,78 

0 

0,00 

1,79 

2 

39 

5,12 

TABLEAU  XXXI 

Taille 

N.  de  S. 

Prop.   cent. 

m. 

1,60 

2 

6,06  0/0 

1,61 

1 

3,03 

1,62 

3 

9,09     < 

1,63 

0 

0,00 

1,64 

0 

0,00 

1,65 

5 

15,15 

1,66 

2 

6.06 

1,67 

2 

6,06 

1,68 

1 

3,03 

1,69 

2 

6,06 

1,70 

5 

15,15 

1,71 

1 

3,03 

1,72 

2 

6,06 

1,73 

1 

3,03 

1,74 

1 

3,03 

1,75 

2 

6,06 

1,76 

0 

0,00 

1,77 

0 

0,00 

1,78 

2 

6,06 

1,79 

0 

0,00 

1,80 

1 

3,03 

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Fig.    19.    —    COUBRE    DK    LA    TAILLE   DU    PALAT1NAT. 

Taille  minima  =rlm,62 
Taille  maxima  =  lm,79 
Taille  moyenne  =  lm,68 


b)  Région  de  la  Saar. 


^.(do  (&  6k  £6  Ç>i  l^o 


Fig.  20.  —  Courbe  de  la  taille  de  la  Région 
de  la  Saab. 


Taille  minima  =  1"\60 
Taille  maxima  =  l,ll,80 
Taille  moyenne  =  lm,68 


33 


ÉTUDE    ANTHROPOLOGIQUE    DES    POPULATIONS    DES    R1VE0    1>U    RHIN.       4^3 

L°  La  taille  moyenne  de  lm,68  se  retrouve  dans  les  cinq  grou- 
pements sous-brachycéphales  de  la  rive  gauche  :  elle  est  de  ln,,69 

c)  Région  de  Trêves  et  de  la  Moselle. 
TABLEAU  XXII 


Taille 

N.  de  S. 

Trop.   cent. 

m. 

1,57 

1 

1,38  0/0 

1,58 

0 

0,00 

1,59 

1 

1,38 

1,60 

2 

2,77 

1,61 

0 

0,00 

1,62 

0 

0,00 

1,63 

0 

0,00 

1,64 

4 

5.55 

1,65 

13 

18,05 

1,66 

1 

1,38 

1,67 

8 

11,11 

1,68 

8 

11,11 

1,69 

5 

6,95 

1,70 

10 

13,88 

1,71 

4 

5,55 

Taille 


N.  de  S. 


Prop.  cent. 


m. 

1,72 

4 

5,55  0/0 

1,73 

5 

6,95 

1,74 

0 

0,00 

1,75 

3 

4,16 

1,76 

0 

0,00 

1,77 

0 

0,00 

1,78. 

0 

0,00 

1,79 

1 

1,38 

1,80 

1 

1,38 

1,81 

0 

0,00 

1,82 

0 

0,00 

1,83 

0 

0,00 

1,84 

1 

1,38 

72 


Taille  minima  =  lm,57;  Taille  maxima  =  lm,84  ;  Taille  moyenne  =  lm,68. 


1^                                        A 

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Pjg.    21.   —  COURBB  DE  LA  TAILLIS   DE   LA   RÉGION    DE  TaÈVES   ET  DE    LA    MOSELLE. 

dans  la  région  mésaticéphale,  de  Cologne  et  d'Aix-la-Chapelle; 
de  même  que  l'indice  céphalique,  la  taille  a  subi  l'impression 


1 


Dr    MV.UMCE    HUCK. 


*9* 

kymrique  sur  le  passage  des  grandes   migrations  germaniques. 
2e  Sur  la  rive  ;droite    la  taille  est  de  lra,69dans  le  groupement 


d)  Région  de  la  Nahe  et  de  Mayence. 
TABLEAU  XXXIII 


Taille 

N.  de  S. 

Prop.  cent. 

Taille 

N.  de  S. 

Prop.  cent 

m. 
1,50 

1 

2,08  0/0 

m. 
1,70 

8 

16,66  0/0 

1,57 

0 

0,00 

1,71 

2 

4,t6 

1,58 

1 

2.08 

1,72 

4 

8,33 

1,59 

0 

0,00 

1,73 

0 

0,00 

1,60 

2 

4,16 

1,74 

1 

2,08 

1,61 

0 

0,00 

1,75 

3 

6,25 

1,62 

0 

0,00 

1,76 

0 

0,00 

1,63 

3 

6,25 

1,77 

0 

0,00 

1,64 

2 

4,16 

1,78 

2 

4,16 

1,65 

6 

12,50 

1,79 

0 

0,00 

1,66 

2 

4,16 

1,80 

1 

2,08 

1,67 

2 

4,16 

1,81 

1 

2.08 

1,68 

6 

12,50 

48 

1,69 

1 

2,08 

Taille  minima  =  lm 

,56  ;  Taille  maximaz 

=  l*,8i  ; 

Taille  moyenne  —  lm,6 

Fig.  22.  —  Courbe  de  la  taille  de  la  région  de  la  Nahe  et  de  Mayencb. 


au  Sud  de  Lahn,  sous-brachycéphale,  et  de  lm, 69  dans  celui  situé 
au  Nord  de  la  Lahn,  mésaticéphale. 

En  somme,  la  taille  examinée  dans  les  six  groupements  de  la 


ÉTUDE     U?TH*OPOLOGIQUE    DES    POPULATIONS    DES    RIVES    DU    RHIN.       V)-> 

rive  gauche  s'éjèye  dans  la  direction  de  l'embouchure  du  Rhin  en 
raison  inverse  de  l'indice  céphalique.  Dans  les  deux  groupements 


e)  Région  de  Coblence,  de  Bonn  et  de  la  Hocheifel. 


TABLEAU  XXXIV 


Taille 

N.  île  S. 

Prop.  cent. 

m. 
1,56 

1 

1,33  0/0 

1,51 

0 

0,00 

1,58 

1 

1,33 

1,59 

0 

0,00 

1,60 

2 

2,66 

1,61 

0 

0,00 

1,62 

3 

4,00 

1,63 

3 

4,00 

1,64 

4 

5,33 

1,65 

10 

13,33 

1,66 

5 

6,66 

1,67 

3 

4,00 

1,68 

9 

12,00 

1,69 

5 

6,66 

Taille  minimal  lm 

,56  ;  Taille  m 

Taille 


N.  do  S. 


15 


Trop.  cent. 


m. 
1,70 

8 

10,66  0/0 

1,71 

1 

1,33 

1,72 

4 

5,33 

1,73 

3 

4,00 

1,74 

4 

5,33 

1,75 

3 

4,00 

1,76 

1 

1,33 

1,77 

1 

1,33 

1,78 

1 

1,33 

1,79 

2 

2,66 

1,80 

1 

1,33 

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jrjg#  23.  —  Courbe  db  l'indice  db  la.  région   de  Coblence, 
Bonn  et   de   la    Hochripbl. 


delà  rive  droite  elle  est  plus  élevée  que  dans  les  six  groupements 
de  la  rive  gauche. 


\L)6 


Dr    MAURICE   III  CK 

f)  Région  de  Cologne,  Aix-la-Chapelle  et  du  Bas-Rhin. 
TABLEAU  XXXV 


Taille 

N.  de  S. 

Prop.  cent. 

Taille 

N.  de  S. 

Prop.  cent. 

m. 
1,54 

1 

0,39  oyo 

ni. 
1,10 

39 

15,41  0/0 

1,55 

0 

0,00 

1,11 

5 

1,98 

1,56 

2 

0,19 

1.12 

20 

1,93 

1,51 

0 

0,00 

1,13 

9 

3,51 

1,58 

4 

1,58 

1,14 

2 

0,19 

1,59 

0 

0,00 

1,15 

13 

5,15 

1,60 

3 

1,19 

1,16 

10 

3,96 

1,61 

6 

2,38 

1.11 

3 

1,19 

1,62 

9 

3.51 

1,18 

8 

3,17 

1,63 

6 

2,38 

1,19 

5 

1,98 

1,64 

6 

2,38 

1,80 

4 

1,58 

1.65 

33 

13,09 

1,81 

0 

0,00 

1,66 

8 

3,11 

1,82 

0 

0,00 

1,67 

14 

26 

5,55 
10,31 

1,83 

2 

0,19 

1,68 

252 

1,69 

14 

5,55 

Taille  minima— lm,54;  Taille  maxima=  lm,83  ;  Taille  moyenne  =  tm, 69. 


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Fig.  24.  —  Gourbi  db  la  taille  de  la  aèguow  db  Cologne, 
Aix-la-Chapelle  BT  du  Bas-Rhin. 


ÉTUDE    INTHROPOLOGIQUE    DES    POPULATIONS    Mis    RIVES    Dl     RHIN.       'i<)7 

Rive  droite  du  /Hun. 

a)  Région  du  Rhin  supérieur  (au  sud  de  la  Lahn). 
TABLEAU  XXXVI 


Taille 


N.  de  s. 


Prop.  cent. 


1,58 

2 

1,62  0/0 

1,59 

0 

0,00 

1,60 

1 

0,81 

1,61 

2 

1,62 

1,69 

5 

4,06 

1,63 

5 

4,06 

1,64 

2 

1,62 

1,65 

13 

13,56 

1,66 

3 

2,43 

1,61 

4 

3,25 

1,68 

15 

12,20 

1,69 

11 

8.94 

1,70 

16 

13,00 

Aille 

N.  de  S. 

Prop.  cent. 

Ml. 

1,71 

6 

4,87  0/0 

1,72 

11 

8,94 

1,73 

5 

4,06 

1,74 

2 

1,62 

1,75 

9 

7,31 

1,76 

3 

2,43 

1,77 

0 

0,00 

1,78 

1 

0,81 

l-,79 

2 

1,62 

1,80 

4 

3,25 

1,81 

1 

0,81 

123 


Taille  minima  =:  lw,58;  Taille  maximal lm,81  ;  Taille  moyenne  ~im,69. 


16 

1 

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Fig.  25.  —  Courbe  de  la  taille  de^la  kégion  du  Rhin  supkiukuk. 


Dr    MAURICE    7IUCK. 


Taille 


m. 

1,58 

1,59 

1,60 

1,61 

1,62 

1,63 

1,64 

1,65 

1,66 

1,67 

1,68 

1,69 

1,70 

1,71 

1,72 


b)  Région  du  Rhin  inférieur  (au  nord  de  la  Lahn) 

TABLEAU  XXXVII 


N.de  S. 


Prop.  cent. 


Taille 


N.  de  S.  Prop.  cent. 


1  0,77  0/0  1,73  3  2,32  0/0 

1  0,77  1,74  4  3,10 
5  3,88  1,75  11  8,52 

2  1,55  1,76  3  2,32 

3  2,32  1,17  2  1,55 
0  0,00  1,78  6  4,65 
3  2,32  1,79  1  0,77 

18  13,95  1,80  1  0,77 

3  2,32  1,81  2  1,55 

5  3,88  1,82  0  0,00 

11  8,52  1,83  0  0,00 

5  3,88  1,84                0  0,00 

20  15,50  1,85                1  0,17 

10  7,75  ~ 

8  6,20 

Taille  minima  =  lm,58  ;  Taille  maxima  =  lm,85  ;  Taille  moyenne  =  lm,69. 


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Ki£.  26.  —  CODRBB  DK  LA  TAILLE  DU  Khin  inikhikih 


ETUDE    LNTHR0POL0GIQUE    DES    POPULATIONS    DES    RIVES    DO    RHIN.      liqq 


COULEUR  DES  CHEVEUX 

'    l'Aude  de  la  couleur  des  cheveux  citez  5/9  sujets  de  la  rive  gauche 
et  '252  sujets  de  la  rive  droite  du  Rhin. 


TABLEAU  XXXVIII 

R1VB 

GAUCHK 

RIVB 

DROITE 

N.  de  S. 

Prop.  cent. 

N.  de  S. 

l'rop.  cent. 

0 

0,00  0/0 

4 

1,58  0/0 

104 

20,03 

48 

19,02 

241 

46,43 

104 

40,58 

114 

33,52 

96 
252 

38,04 

1°  Cheveux  noirs  .    .    .    . 
2°  Cheveux  bruns  foncés 
3*  Cheveux  châtains  clairs. 
4°  Cheveux  blonds  ou  roux. 


Nous  constatons  que  le  pourcentage  des  blonds  est  plus  élevé 
sur  la  rive  droite  que  sur  la  rive  gauche  :  le  fait  est  en  concor- 
dance avec  ce  que  nous  avons  établi  pour  l'indice  céphalique.  Là 
encore,  la  pénétration  germanique  est  plus  marquée  sur  la  rive 
droite  que  sur  la  rive  gauche. 

Examinons  les  six  groupements  de  la  rive  gauche  et  les  deux 
groupements  de  la  rive  droite  (1). 


Rive  gauche  du  Rhin. 


1°  Cheveux  noirs  .... 
2"  Cheveux  bruns  foncés  . 
3°  Cheveux  châtains  clairs. 
4'  Cheveux  blonds  ou  roux. 


1"  Cheveux  noirs  .  .  .  . 
2' Cheveux  bruns  foncrs.  . 
3°  Cheveux  châtains  clairs. 
4"  Cheveux  blonds  ou  roux. 


TABLEAU 

XXXIX 

a)    PALAT1NAT 

b)  KÉGION 

N.  de  S. 

DE   LA   SAAR 

N.  de  S. 

Prop.  cent. 

Prop.  cent. 

0 
11 

21 

7 

0,00 
28,20 
53,84 

n,94 

0/0 

0 
5 

20 

8 

0,00  0/0 
15,15 
60,60 
24,24 

39 

33 

TABLEAU  XL 

C)    RÉGION  DE  TREVES  ET 
DK  LA  MOBELL8 


N.  de  S. 


Prop.  cent. 


(i)    RÉGION    DE   LA   NAHE 
ET   DE  MAYKNCE 

N.  de  S.  Trop.  cont. 


0 

0,00 

0/0 

0 

0,00  0/0 

16 

22,22 

10 

20,83 

37 

51,38 

18 

37,50 

19 

26,38 

20 

41,66 

ÏT 

*8 

(I    Carte  n*  5. 


ooo 


Dr    MAURICE    HUCK. 


TABLEAU  XL1 

e)    RÉGION    DK   COBLENCE,  f)    RÉGION   DR    COLOGNE. 

BONN     ET    DE     LA    HOCUE1KEL        A1X-LA-CRAPKLLE  ET   DU 

BAS-RHIN 


N. 

d«  S. 

P  rop.  cent. 

N.  de  S. 

Prop.  cent. 

1'  Cheveux  noirs    .... 

0 

0,00  0/0 

0 

0,00  0/0 

2'  Cheveux  bruns  foncés    . 

6 

8,00 

56 

22,22 

3'  Cheveux  châtains  clairs  . 

37 

49,33 

108 

42,85 

4*  Cheveux  blonds  ou  roux. 

32 

42,66 

88 

34,92 

75 


252 


Rive  droite  du  Rhin. 


r  Cheveux  noirs    .     .     .     . 
2*  Cheveux  bruns  foncés 
3°  Cheveux  châtains  clairs. 
4*  Cheveux  blonds  ou  roux. 


TABLEAU  XLII 

a)  rhiin 

(au    sud 

[   SUPÉRIEUR 
DE     LA    LABN) 

6)    RHIN 
(au     NORD 

INFÉRIEUR 
DE     LA     LAHN) 

N.  de  S. 

Prop.  cent. 

N.  de  S. 

Prop.  cenj. 

2 

24 
52 
45 

1,62  0/0 
19,48 
42,47 
36,55 

2 

24 

52 

51 

~Ï29 

1,55  0/0 
18,60 
40,31 
39,51 

123 

L'étude  des  six  groupements  de  la  rive  gauche  démontre  que  la 
proportion  centésimale  des  blonds  est  la  plus  élevée  (42,66)  dans 
la  région  de  Coblence  et  de  Bonn,  tout  en  étant  inférieure  au 
pourcentage  des  blonds  en  Allemagne,  où  il  est  de  480/0  (1).  C'est 
dans  le  Palatinat,  dans  la  région  de  Trêves  et  de  la  Sarre  que  le 
pourcentage  des  châtains  est  le  plus  élevé  et  celui  des  blonds  le 
plus  bas.  Sur  la  rive  droite,  le  pourcentage  des  blonds  est  plus 
élevé  au  Nord  de  la  Lahn,  dans  la  région  mésaticéphale,  qu'au  sud 
de  ce  fleuve,  dans  la  région  sous-brachycéphale.  Rappelons  que 
la  limite  de  ces  deux  zones  correspond  à  peu  près  à  l'ancienne 
enceinte  qui  contournait  les  Champs  décumates. 

(1)  Tomnard  (in  L Anthropologie,  Schleicherj  cite  la  statistique  suivante  pour  les 
allemands  :  Blonds  et  roux  48  0/0;  —   Intermédiaires  et  châtains  22,6  0/0;  —  Bruns 

23,8  0/0. 


ÉTUDE    ANTHROPOLOGIQUE    DES    POPULATIONS    DBS    RIVES    OU    IUIIN.       5oi 


Carte  5.  —  Proportions  centésimales  drs  blonds  sur  les  deux  rives  du  Unix 


0O2  d1'  MAiiuci:   in  <:iv. 


CONCLUSIONS. 


I 


L'Alsace  a  été  protégée  contre  les  grandes  migrations  germa- 
niques par  les  Vosges  et  le  Rhin,  difficilement  franchissable  dans 
cette  région,  parce  que  non  navigable. 

Les  Alsaciens  et  les  Lorrains,  dont  les  premiers  ancêtres  étaient 
les  Celtes  ont  conservé  à  travers  les  siècles,  jusqu'à  l'époque 
actuelle,  le  type  celtique.  Ce  fait  est  démontré  par  les  recherches 
des  anthropologistes  Alsaciens  et  Allemands  (1).  Par  leur  indice 
céphalique,  les  Alsaciens-Lorrains  actuels  sont  des  brachycé- 
phales;  par  leur  indice  sous-brachycéphale  de  81,30,  les  habitants 
de  la  Basse-Alsace  se  confondent  avec  nos  Bas-Bretons  ;  par  leur 
indice  brachycéphale,  ceux  de  la  Haute-Alsace  (83,90)  et  de  la 
Lorraine  (84,04)  s'identifient  avec  nos  Auvergnats,  c'est-à-dire 
avec  les  types  celtiques  les  plus  caractérisés  en  France. 

Le  nombre  des  blonds  en  Alsace-Lorraine  n'est  que  de  18  0/0, 
c'est-à-dire  le  chiffre  le  plus  bas  indiqué  par  Virchow  pour  les 
différents  États  allemands. 

L'hypothèse  admise  par  les  Allemands,  suivant  laquelle  les 
Alsaciens  descendraient  d'une  tribu  germanique,  les  Triboques, 
installée  par  César  sur  la  rive  gauche  du  Rhin,  n'a  jamais  pu 
être  démontrée.  Elle  n'est  conforme  ni  aux  textes  de  l'histoire,  ni 
aux  données  de  l'anthropométrie  qui  classe  aussi  bien  les  Alsa- 
ciens de  l'antiquité  et  du  moyen  âge  que  ceux  de  l'époque  actuelle, 
dans  la  famille  des  défenseurs  d'Alésia. 


II 

\jp  grand-duché  de  Bade  fut  habité  primitivement  par  les  Celtes 
et  colonisé  par  les  Romains  qui  y  avaient  établi  les  Champs 
décumates. 

D'après  nos  mensurations,  faites  sur  75  prisonniers  de  guerre 
Badois,   le  pays  de  Bade,  est  peuplé  de  sous-brachycéphales,  à 

(1)  Nous   n-j  relions  de   n'avoir  pas   pu    ajouter  des   indications  sur  la   taille   en 
Alsace -Lorraine.  (Voir  la  note  additionnelle  à  la  lin  du  mémoire). 


iiii'i      w  riint  toi  (h.ioi  i     DES    POPULATIONS    M.s    RIVES    DU    iun\.       joii 

taille  au  dessus  de  la  moyenne.  Le  nombre  des  blonds  y  est  de 
38  0  0,  c'est-à-dire  plus  élevé  qu'en  Alsace.  Les  variations  de 
l'indice  céphalique,  de  la  taille  et  de  la  proportion  centésimale 
des  blonds,  dans  la  plaine  et  dans  la  montagne,  indiquent  un 
type  celtique  plus  accentué  dans  la  Forêt  noire  que  dans  la  plaine. 


III 

Les  provinces  rkénqnes,  situées  au  Nord  de  l'Alsace  et  du 
grand-duché  de  Bade,  correspondent  à  la  portion  la  plus  navi- 
gable du  Rhin  et,  par  suite,  au  passage  des  grandes  migrations 
germaniques. 

La  rive  gauche  fut  pendant  plus  de  quatre  siècles  le  siège 
d'une  brillante  civilisation  gallo-romaine,  dont  Trêves  fut  le 
centre.  Les  Champs  décumates  s'étendaient,  sur  la  rive  droite, 
au  Nord  du  grand  duché  de  Bade,  jusque  vers  Coblence  et  la  Lahn. 

L'étude  comparative  de  l'indice  céphalique,  delà  taille  et  de 
la  couleur  des  cheveux  de  519  sujets  de  la  rive  gauche  et  de  252 
sujets  de  la  rive  droite,  démontre  la  prédominance  du  type  cel- 
tique sur  la  rive  gauche. 

Examinées  dans  leur  ensemble,  la  rive  gauche  est  habité:  par 
des  sous-brachycéphales,  alors  que  la  rive  droite  est  peuplée  par 
des  mésaticéphales.  La  taille  est  la  même  des  deux  côtés,  mais  le 
pourcentage  des  blonds  prédomine  à  droite. 

Nous  avons  séparé  ces  sujets  en  six  groupements  sur  la  rive 
gauche  et  deux  groupements  sur  la  rive  droite  (1)  ;  des  deux  côtés, 
l'indice  céphalique  va  en  diminuant  à  mesure  que  l'on  se  rap- 
proche de  l'embouchure  du  fleuve.  Il  est  mésaticéphale  dans  la 
région  de  la  plaine,  du  côté  d'Aix-la-Chapelle  et  de  Cologne,  à 
gauche,  et  au  nord  de  Coblence  et  de  la  Lahn,  à  droite.  C'est  à  Aix- 
la-Chapelle  et  à  Cologne  que  fut  le  centre  de  la  puissance  franque  ; 
et  c'est  au  Nord  de  la  Lahn  et  de  Coblence,  (2)  que  passait 
la  ligne  de  retranchements  (Pahlgraben)  qui  contournait  les 
Champs  décumates;  au  Nord  de  cette  ligne  siégeaient  les  Tenc- 
tères,  les  Sicambres,  les  Usipiens. 

L'indice  sous-brachycéphale.  le  plus  élevé  se  trouve- dans  la 
région  de  Trêves,  l'ancienne  capitale  de  la  Callia  belgica. 

(1)  Carf<;  n°  ■',. 
2]  Carte  n°  1. 


5o4  D*    MAURICE    Hl'  K. 

La  taille  (1  )  est  plus  élevée  dans  la  région  mésaticéphale  d'Aix- 
la-Chapelle  que  dans  les  autres  groupements  sous-brachycéphales 
de  la  rive  gauche.  A  droite,  elle  est  identique  dans  les  deux  grou- 
pements. 

C'est  dans  les  régions  du  Palatinat,  de  Trêves  et  de  la  Sarre  que 
le  pourcentage  des  blonds  (2)  est  le  plus  bas.  Sur  la  rive  droite,  le 
pourcentage  des  blonds  est  plus  bas  dans  la  zone  sous-brachycé- 
phale  que  dans  la  zone  mésaticéphale. 


IV 

Le  Rhin,  celtique  par  son  nom  (Rhénos  =  amas  d'eau),  adoré 
par  nos  ancêtres  comme  un  dieu,  est  resté  à  travers  les  siècles 
un  fleuve  celtique  sur  la  plus  grande  partie  de  sa  rive  gauche  et 
plus  de  la  moitié  de  sa  rive  droite.  De  Baie  jusqu'en  Hollande, 
le  fleuve  traverse  une  nappe  de  brachycéphales  à  indice  plus 
élevé  à  gauche  qu'à  droite,  et  décroissant  jusqu'à  la  mésaticéphalie 
dans  sa  partie  la  plus  inférieure.  Les  variations  de  la  taille  et  de 
la  proportion  centésimale  des  blonds,  en  tant  qu'elles  indiquent  la 
pénétration  kymrique  ou  germanique,  concordent,  en  général, 
avec  les  variations  de  l'indice  céphalique  (3). 

(1)  Carte  n°  4. 

(2)  Carte  n°  5. 

(3)  Note  additionnelle.  —  Lors  d'un  voyage  à  Strasbourg,  après  la  rédaction  de  ce 
travail,  nous  avons  eu  l'occasion,  grâce  à  l'amabilité  de  M.  le  Dr  Fôrster,  profes- 
seur d'anatomie  à  la  Faculté,  de  consulter  la  statistique  de  Brandt,  concernant  la 
taille  en  Alsace-Lorraine.  (Beitrâge  zur  Athropologie  von  Els.  Lothringen,  189S).  Cet 
auteur  a  trouvé  les  tailles  moyennes  suivantes,  observées  chez  des  conscrits  :  Basse- 
Alsace,  lm.67  sur  41.919  sujets;  Haute-Alsace,  lm,66  sur  39.281  sujets;  Lorraine. 
1™,67  sur  24.361  sujets.  Alsace-Lorraine,  lm,66  2/3  sur  105.561  sujets.  Les  plus 
petites  tailles  se  trouvent  dans  la  région  montagneuse  des  Hautes- Vosges. 

Ces  recherches  confirment  nos  conclusions  :  par  la  taille  autant  que  par  l'indice 
céphalique  et  la  couleur  des  cheveux,  les  Alsaciens-Lorrains,  de  tous  les  riverains  du 
l;liin,  se  rapprochent  le  plus  de  la  race  celtique. 


ESSAI   D'APPLICATION 

DES  MÉTHODES  SÉUOLOGIQUES 
AU  PROBLÈME  DES  RACES 


PAI\ 


Dr  L-   HIRSCHFELD 

Privatdocenl  de  L'Université  de  Zurich,  Médecin-Chef  du  Laboratoire  de  l'armée  serbe. 


KT 


Mme   H.   HIRSCHFELD 

Docteur  en  médecine. 


La  présente  communication  est  la  continuation  d'une  série  de 
travaux  de  Dungern  et  l'un  de  nous  (L.  ilirschfeld).  L'opinion  des 
auteurs  que  l'étude  des  isoagglutinines  pourrait  contribuer  à  la 
solution  de  certains  problèmes  biologiques,  trouva  sa  première 
application  pratique  dans  leur  travail  sur  l'hérédité  des  propriétés 
du  sang,  définies  par  les  isoagglutinines. 

Le  travail  actuel  est  un  essai  d'application  des  mêmes  méthodes 
aux  problèmes  anthropologiques. 

Dans  la  première  partie,  nous  essaierons  d'esquisser  le  dévelop- 
pement des  idées  qui  nous  ont  amenés  à  l'emploi  des  phénomènes 
d'isoagglutination  pour  aborder  les  problèmes  d'anthropologie. 

La  littérature  sur  ce  sujet  a  été  rassemblée  en  1913  par  Dungern 
et  Ilirschfeld  pour  l'ouvrage  de  Kraus  et  Levaditi  intitule  : 
Teckni'jue  des  méthodes  immunisa  tri  ces,  ouvrage  qui  aurait  dû 
être  publié  avec  collaboration  internationale  et  dont  la  guerre  a 
empêché  l'apparition.  Nous  mentionnons  ce  détail,  n'étant  pas 
pour  le  moment  en  possession  de  la  bibliographie  nécessaire. 

Pour  la  compréhension  des  problèmes  en  question,  nous  sommes 
obligés  de  discuter  les  travaux  mentionnés  de  Dungeru  et  Hirsch- 
feld  d'une  façon  un  peu  plus  précise. 

l'anthropologie.  —  t.  xxix.  —  1918-191')  33 


5o6  Dr    L.    ET    Mme    II.     HIRSCHFÉLD. 


PARTIE  GENERALE 


On  appelle  antigène  toute  substance  dont  l'introduction  dans 
l'organisme  est  suivie  de  la  formation  dans  le  plasma  sanguin 
des  corps  réactifs,  appelés  anticorps  :  lvsines,  précipitines  ou 
agglutinines,  suivant  leur  action  sur  l'antigène. 

Mais  le  sérum  des  animaux  non  immunisés  peut  aussi  contenir 
des  anticorps  en  petite  quantité. 

Ce  sont  les  anticorps  normaux,  tandis  que  les  premiers  pré- 
sentent des  anticorps  immunisateurs . 

Les  anticorps  sont  dirigés  en  première  ligne  contre  l'espèce, 
employée  pour  l'immunisation  :  en  injectant,  par  exemple,  un 
lapin  avec  le  sang  d'un  mouton,  on  obtient  des  anticorps  qui  ne 
réagissent  qu'avec  le  sang  des  moutons,  n'influençant  nullement 
le  sang  des  autres  espèces,  le  sang  humain  par  exemple. 

Quand  on  parle  de  la  spécificité  des  anticorps  il  faut  préciser.  La 
parenté  biologique  des  espèces  trouve  aussi  son  expression  séro- 
logique  :  le  sérum  obtenu  par  l'immunisation  contre  le  sérum 
humain,  précipite  également  le  sérum  des  singes  ;  le  sérum  contre 
le  sang  des  chiens  agglutinine  également  celui  des  loups,  etc. 

Donc  la  spécificité  des  anticorps  est  limitée . 

Le  sérum  obtenu  par  l'injection  du  sang  d'une  espèce  à  un 
animal  d'une  autre  espèce  influence  plus  ou  moins  le  sang  de 
tous  les  représentants  de  l'espèce  employée  pour  l'immunisation. 
En  injectant  par  exemple  le  sang  d'un  nègre  à  un  lapin,  on  obtient 
des  anticorps  caractéristiques  pour  l'espèce  »  homme  »,  lesquels 
ont  le  pouvoir  d'agglutiner  où  d'hémolyser  le  sang  d'individus 
de  n'importe  quelle  race  humaine. 

Ces  hétéro-anticorps,  obtenus  par  l'immunisation  d'une  autre 
espèce,  ne  peuvent  évidemment  pas  être  employés  pour  la  diffé- 
renciation des  races. 

Pour  aborder  ce  problème,  il  faut  immuniser  dans  l'espèce 
même  et  obtenir  ainsi  la  production  des  iso-anticorps. 

La  connaissance  de  ces  anticorps  étant  indispensable  à  la 
compréhension  des  problèmes  que  nous  nous  sommes  posés, 
nous  devons  discuter  leur  nature  et  les  lois  de  leur  formation. 

En  immunisant  d<:>  chèvres  avec  le  sang  d  autres  chèvres, 
Ehrlicb  a  réussi  à  obtenir  des  isohémolysines.  Contrairement 
aux  hétéro-anticorps,  ces  iso-anticorps  ne  possédaient  pas  le  pou- 


vi'i'i  ii   \  i  K'N   PB§    Mirii'>hi->    M:ii(Hni;lni  i<.  5ûfl 

voir  d'hémolyser  le  sang  do  toutes  les  chèvres,  certains  spécimens 
du  sang  se  montrant  résistants  aux  isohémolysines.  D'autre  part, 
l'injection  du  sang  des  chèvres  aux  autres  chèvres  n'était  pas 
suivie  chaque  fois  de  la  production  des  iso-anticorps. 

La  théorie  de  la  production  des  iso-anticorps,  qui  a  expliqué 
et  interprété  également  les  expériences  d'Ehrlick,  a  été  donnée  par 
ûungeru  et  Hirsohfeld. 

En  injectant  le  sang  de  chiens  à  d'autres  chiens,  les  auteurs 
ont  réussi  quelquefois  à  obtenir  des  isohémogglutinines. 

L'analyse  de  l'agglutinabilité  des  globules  rouges  des  différents 
chiens  par  les  agglutinines  obtenues,  a  démontré  qu  il  s'agissait 
des  deux  propriétés  agglutinables  du  sang  que  les  auteurs  ont 
nommées  X  et  V.  Quelques  spécimens  du  sang  ne  montrèrent 
aucune  Qgglutinabilité  (sang  0)  ;  d'autres  ont  été  agglutinés  par 
tous  les  anticorps  obtenus  (sans  XY).  Il  était  donc  démontré  que 
(es  anticorps  n'agglul  niaient  pas  de  la  même  façon  te  sang  de  tous 
les  individus  de  l'espèce  et  qu'ainsi  la  possibilité  est  donnée  de 
différencier  se  ro  logiquement  les  individualités  sanguines  dans  là 
même  espèce. 

Contrairement  à  la  spécificité  de  l'espèce,  il  s'agit  de  la  spéci- 
ficité des  groupes  pour  les  anticorps  en  question. 

Les  expériences  suivantes  montreront  pourquoi  les  hétéro-anti- 
corps révèlent  la  spécificité  de  l'espèce,  les  iso-anticorps  celle 
des  groupes.  En  injectant  le  sang  X  à  un  chien  ayant  également 
le  sang  X,  nous  n  étions  pas  en  état  de  provoquer  la  production 
des  iso  agglutinines.  Il  en  est  de  même  en  injectant  le  sang  Y  au 
chien  du  même  groupe  sanguin  Y.  L'injection  du  sang  non  agglu- 
tinable  0  est  également  toujours  inefficace. 

Au  contraire,  en  injectant  le  sang  X  au  chien  du  groupe  Y,  ou 
le  sang  du  groupe  0  au  chien  Y,  ou  bien  encore  le  sang  Y  au  chien 
X  ou  0,  nous  obtenons  toujours  des  iso-agglutinines.  Celles-ci 
réagissent  non-seulement  avec  le  sang  employé  pour  l'injec- 
tion, mais  avec  chaque  sang  qui  lui  est  semblable  (anti  X; 
anti  Y). 

Nous  avons  constaté  alors  que  pour  que  les  iso-anticorps 
puissent  être  obtenus,  le  sang  du  chien,  employé  pour  l'injection, 
ne  doit  pas  ressembler  au  sang  du  chien  injecté,  qu'il  doit  posséder 
en  plus  des  propriétés  antigènes.  Les  iso  anticorps  obtenus  se 
dirigent  contre  ce  surplus. 

La  production  des  iso-anticorps  est  donc  liée  à  la  différencia- 


5o8  Dr    L.    ET    Mme    H.    HIRSCHFELD. 

tion  biochimique  du  sang  au  sein  de  l'espèce.  Si  le  sang  d'un 
individu  de  l'espèce  diffère  chimiquement  du  sang  des  autres 
individus  de  la  même  espèce,  cette  différence  peut-être  définie 
sérologiquement  par  l'immunisation. 

Au  contraire,  si  une  espèce  animale,  tout  en  étant  apte  à  pro- 
duire des  hétéro-anticorps,  ne  produit  pas  des  iso-anticorps,  on 
peut  conclure  que  le  sang  de  cette  espèce  animale  n'est  pas  diffé- 
rencié biochimiquement. 

Une  telle  espèce  animale  ne  possède  qu'une  seule  propriété 
antigène  dans  le  sang. 

La  possibilité  de  production  des  iso-anticorps  est  donc  l'expres- 
sion de  la  différenciation  biochimique  du  sang  dans  l'espèce. 

Nous  démontrerons  ultérieurement  que  ces  structures  anti- 
gènes possèdent  des  propriétés  caractéristiques  ;  elles  semblent 
être  constantes  chez  les  individus,  ne  pas  dépendre  des  caractères 
anatomiques,  elles  s'héritent  d'après  la  loi  de  Mendel,  etc. 

Elles  sont  donc  propres  à  caractériser  l'individualité  sérolo- 
gique  dans  l'espèce.  Nous  pouvons  distinguer  à  l'aide  de  ces 
propriétés  sanguines  des  races  biochimiques. 

C'est  à  souligner  que  les  races  biochimiques  et  anatomiques  ne 
correspondent  pas  les  unes  aux  autres  :  les  chiens  de  races 
anatomiques  différentes  peuvent  être  de  la  même  race  biochi- 
mique et,  vice  versa,  la  même  race  anatomique  peut  contenir  des 
individus  de  races  biochimiques  différentes  (nos,  chiens  n'étaient 
pas  de  races  tout  à  fait  pures).  Les  auteurs  anglais  ont  réussi  à 
différencier  plusieurs  groupes  sanguins  chez  les  bœufs. 

Chez  les  lapins,  nous  n'avons  pas  été  en  état  de  provoquer  la  for- 
mation des  anticorps.  D'après  ce  que  nous  venons  de  dire,  on 
peut  admettre  que  les  globules  rouges  des  différents  lapins  ne  se 
distinguent  pas  les  uns  des  autres.  On  voit  que  les  expériences  à 
ce  sujet  sont  peu  nombreuses.  Il  serait  important  d'expérimenter 
avec  d'autres  espèces  animales  pour  découvrir,  outre  les  pro- 
priétés visibles,  les  caractères  biochimiques  du  sang  des  diffé- 
rentes races. 

Pouvons-nous  différencier  à  l'aide  des  iso-anticorps  des  races 
biochimiques  dans  l'espèce  humaine  ?  L'immunisation  des  êtres 
humains  avec  le  sang  humain  serait  liée  à  de  grandes  difficultés, 
si  les  isoagglutinines  ne  se  trouvaient  normalement  dans  le 
sérum  humain. 

En   faisant  réagir  le  sérum  humain  sur   les  globules   rouges 


APPLICATION    DES    MÉTHODES    SÉROLOGIQ1  ES. 


.)(»() 


d'individus  différents,  on  voit  quelquefois  L'agglutination  appa- 
raître. On  attribuait  ce  phénomène  à  certaines  maladies  jusqu'à  la 
découverte  de  sa  vraie  signification  par  Landsteiner. 

Il  s'agit,  chez  les  êtres  humains,  des  isoagglutinines  norma- 
lement préformées.  Comme  chez  les  chiens,  on  peut  trouver  chez 
les  hommes   deux  propriétés  sanguines  à  l'aide  d'agglutination. 

On  ne  trouve  jamais  dans  le  sérum  les  agglutinines  du  propre 
groupe,  toujours,  au  contraire,  les  propriétés  qui  manquent  dans  le 
sang. 

Comme  les  deux  propriétés  existent  isolément  ou  hien  asso- 
ciées, les  auteurs  ont  distingué  quatre  groupes  dans  le  sang 
humain. 

La  connaissance  de  ces  groupes  est  d'une  grande  importance 
pour  la  chirurgie  de  guerre,  pour  la  transfusion  du  sang,  dont  on 
se  sert  actuellement  si  souvent  dans  les  cas  de  sholk  après  hémor- 
ragie; il  est  absolument  nécessaire  que  le  receveur  n'agglutine 
aucunement  les  érythrocytes  du  donneur. 

Le  schéma  sous-jacent  sert  à  démontrer  les  relations  réciproques 
des  groupes  et  des  sérums. 

Tableau  I 


Sérum  c 

u  groupe 

1 

II 

111 

IV 

A 

I 



— 

_- 



c      } 
ta    / 

H 

+ 

— 

+ 

— 

3           1 

0 

II) 

-h 

+ 

— 

— 

-°     f 

c/5     F 

IV 

+ 

+ 

+ 

Dungeru  et  Hirschfeld  emploient  une  autre  nomenclature 
qui  nous  paraît  expliquer  mieux  les  relations  existantes.  Tout 
en  ayant  quatre  groupes,  ils  n'admette  que  deux  propriétés  agglu- 
tinahles. 

Ils  appellent  celle  des  deux  qui  est  la  plus  fréquente  en 
Europe  Centrale,  propriété  A,  celle  qui  est  plus  rare,  propriété  B. 


Jin 


DT    L.    ET    UT 


II.    HIUSCHFELD. 


Sar  le  s^hémi  (fig.  1)  les  érythrocytes  dugrojp3  A  sont  indiqué 
par  des  hachures,  ceux  du  groupe  B  sont  figurés  en  noir.  D'après 


/■, 


■s 


1 


B 


0 


i^  AB 


<&-.  n 


Gr-IJI 


Gr.IV 


Cr.  Y 


ylG    i_  Schéma   montranl  les  quatre  groupes  du  sang  humain   (Les  cercles  figure  n 
les  érylhrocytes  et  les  flèches,  le?  agglutinihes  '. 


la  règle  de  Landsteiner  le  sérum  contient  toujours  des  aggluti- 
nines  contre  les  propriétés  qui  manquent  aux  globules  rouges. 
Dans  le  sérum  de  l'individu  dont  les  globules  rouges  appartiennent 
au  groupe  A,  se  trouvent  des  agglutinines  Anti-B  et  vice  versa. 

Sur  notre  schéma,  les  agglutinines  sont  représentées  par  des 
flèches,  dont  la  couleur  correspond  aux  propriétés  agglutinables 
des  érythrocytes  :  donc  les  Anti-A  sont  des  flèches  hachées,  hs 
Anti-B,  des  flèches  noires.  On  voit  dans  le  premier  carré  du  schéma 
les  érythrocytes  rayés  A,  entourés  des  agglutinines   Anti-B   du 
sérum.  Dans  le  deuxième  carré,  les  érythrocytes  noirs  B  sont  entou- 
rés   d'agglutinines  rayées    Anti-A;    dans  le   troisième  carré,  se 
trouvent  les  globules  rouges  non  agglutinables  par  aucun  sérum, 
qui  ne  possèdent  donc  la  propriété  ni  A,  ni  B.  C'est  le  groupe  0  de 
Dungeru  etllirschfeld.  D'après  la  règle  de  Landsteiner,  nous  voyons 
dans  ce  carré  les  deux  agglutinines  :  Anti-A  et  Anti  B.  Enfin  les 
érythrocytes  du  quatrième  carré  possèdent  les  deux  propriétés 
agglutinables  A  et  B;  donc  le  sérum  de  ce  groupe  est  dépourvu 
d'agglutinines;  c'est  le  groupe  AB  de  Dungeru  et  Hirschfeld.  Au 
dessous  de  notre  définition  se  trouve  celle  des  auteurs  anglais  et 
américains.  Leur  groupe  I  correspond  à  notre  AB  (voy .  note)  ;  II  au 
groupe  A;  III  au  B:  IV  au  groupe  0. 

Contrairement  à  Mosse,  nous  devons  souligner  que  le  groupe  1 
(notre  AB)   ne  présente  aucune   individualité.  Comme  les  expé- 


(ij  Le  groupe  AB  porte,  par  erreur,  lin li;itijfl   {>  •   V;  <•  m   I  •  i.r   I  des  auteurs 
anglais. 


LPPLK    Mln\     DES    METHODES    SÉROtOGlQUES,  5ll 

riences  d'absorption  le  démontrent,  il  n'est  que  l'association  des 
deux  propriétés  A  et  B. 

Pour  la  différenciation  des  groupes,  au  lieu  des  trois  sérums, 
deux  suffisent  complètement. 

Quelle  est  la  signification  de  cette  différenciation  biologique 
si  essentielle  dans  l'espèce  humaine?  Comment  s'héritent  ces 
caractères  de  race  biochimiques? 

DuDgeru  et  Hirschfeld  ont  constaté  tout  d'abord  chez  les  chiens 
que  les  propriétés  biochimiques  du  sang  se  transmettaient  quel- 
quefois aux  enfants,  mais  qu'elles  pouvaient  également  disparaître. 

L'hérédité  des  propriétés  biochimiques  et  celle  des  caractères 
anatomiques  sont  entièrement  indépendantes  l'une  de  l'autre.  Les 
jeunes  chiens,  tout  en  possédant  la  structure  des  os  et  la  couleur 
des  poils  de  la  mère,  sont  du  groupe  sanguin  du  père,  etc. 

L'examen  de  l'hérédité  des  groupes  biochimiques  dans  l'espèce 
humaine,  permit  à  Dungeruet  Hirschfeldde  faire  des  constatations 
importantes,  concernant  l'essence  de  ces  propriétés. 

Ils  ont  pu  prouver  que  les  groupes  À  et  B  sont  héréditaires 
dans  la  plupart  des  cas,  mais  qu'ils  peuvent  quelquefois  ne  pas 
se  transmettre  aux  enfants;  dans  ce  cas,  on  trouve  chez  les  enfants 
le  groupe  0. 

Au  contraire,  il  n'arrive  jamais  que  les  enfants  aient  les  groupes 
A  ou  B,  s'ils  manquent  chez  les  parents.  Cette  observation  peut 
avoir  sa  signification  en  médecine  légale  :  elle  peut  aider  à 
trouver,  dans  les  cas  douteux,  le  vrai  père  de  l'enfant.  Car  si  l'en- 
fant possède  le  r/roune  A  ou  //,  pendant  qu'il  manque  chez  la  mère, 
il  doit  se  trouver  chez  le  véritable  père. 

L'analyse  des  statistiques  obtenues  fit  constater  aux  auteurs  que 
la  grande  loi  biologique  de  Mendel  pouvait  être  appliquée  à  l'héré- 
dité des  propriétés  biochimiques  A  et  B. 

Comme  A  et  B  peuvent  disparaître  dans  la  progéniture,  sans 
pouvoir  réapparaître  spontanément,  on  peut  les  considérer,  d'après 
Mendel,  comme  des  propriétés  qui,  une  fois  présentes  dans  le 
plasma,  doivent  se  manifester  extérieurement,  ce  sont  elles  qui 
donnent  la  marque  extérieure  à  l'espèce  —  ce  sont  les  propriétés 
dominantes.  Par  contre,  la  propriété  0,  qui  peut  se  manifester  chez 
les  enfants  sans  être  apparente  chez  les  parents  —  est  la  pro 
priété  latente  ou  récessive,  D'après  la  nomenclature  de  Mendel, 
nous  pouvons  parler  de  non  A  el  non-B,  dont  la  combinaison  donne 
le  groupe  0. 


5l3  Dr    L.    ET    M*"    H.     HIRSCHFELD. 

Dans  un  deuxième  travail,  Dungeru  et  Hirschfeld  ont  poussé 
plus  loin  l'analyse  et  trouvé  que  la  fréquence  de  A  et  B  en  Europe 
Centrale  pourrait  correspondre  à  la  loi  de  Mendelj»Ils  considèrent 
le  groupe  A  et  B,  comme  propriétés  dominantes,  le  non-A  et 
non-B,  dont  la  combinaison  forme  le  groupe  0,  comme  propriété 
récessive.  A  et  non-A,  B  et  non-B  s'influencent  mutuellement  dans 
le  sens  de  Mendel. 

Quelles  sont  les  lois  auxquelles  le  groupe  combiné  AB  est 
soumis? 

L'analyse  démontre  que  la  fréquence  du  groupe  AB  corres- 
pond simplement  au  calcul  des  probabilités  d'après  lequel  A  et 
B  doivent  se  rencontrer,  s'ils  ne  s'influencent  pas  mutuelle- 
ment. 

Si,  par  exemple  le  groupe  A  se  trouve  dans  la  moitié  des  cas, 
le  groupe  B  dans  1/10,  nous  trouverons  le  groupe  AB  dans  1/20 
des  cas,  c'est-à-dire  dans  la  proportion  de  5  0/0. 

L'expérience  démontre  qu'en  réalité  la  fréquence  du  groupe 
AB  s'éloigne  très  peu  de  ce  nombre. 

En  considérant  la  règle  de  Landsteiner  au  point  de  vue  de  la 
biologie,  nous  pouvons  la  présenter  ainsi  :  il  //  a  dans  l'espèce 
humaine  quatre  propriétés  du  sang  :  A,  B,  non-A  et  non-B. 

A  et  non-A  ;  B  et  non-B  s'influencent  mutuellement  dans  Je  sens 
de  Mendel,  tandis  que  A  et  B,  non-A  et  non-B  ne  s'influencent 
nullement. 

Dungern  et  Hirsshfeld  constatèrent  au  cours  de  leurs  recherches 
que  l'hérédité  des  propriétés  biochimiques  dans  l'espèce  humaine 
ne  correspond  nullement  à  l'hérédité  des  propriétés  anatomiques 
(ressemblance,  sexe,  etc.);  ce  sont  donc  des propriétés  héréditaires 
indépendantes. 

Les  propriétés  agglutinables  apparaissent  déjà  dans  la  vie 
embryonnaire.  Dungeru  et  Hirschfeld  les  ont  constatées  chez  un 
embryon  de  6  mois.  Dans  le  sang  placentaire,  ils  ont  pu  les  trou- 
ver souvent,  même  si  elles  manquaient  chez  la  mère;  les  isoag- 
glutinines,  par  contre,  n'apparaissent  que  pendant  la  deuxième 
année  de  la  vie. 

Nous  avons  vu  que  la  différenciation  biochimique  du  sang  est 
possible  dans  l'espèce  humaine  et  chez  quelques  espèces  animales. 

Pourquoi  chez  les  êtres  humains  les  isoanticorps  sont-ils  pré- 
formés,  tandis  que  chez  les  animaux  ils  n'apparaissent  qu'après 
l'immunisation?  cela  reste  inexpliqué.  Les  groupes  X  et  Y  des 


LPPLICA.TIOÎS    DES    MÉTHODES    SÉROLOGIQUES.  5l3 

chiens   n'ont   aucun  rapport  avec  les  groupes  A  et   R  chez  les 
hommes.  Il  s'agit  de  propriétés  sanguines  dilïérentes. 

Une  corrélation  étroite  existe  entre  les  structures  A  et  B  des 
globules  rouges  et  le  Ariti-A  et  Anti-B  du  sérum.  Nous  ne  savons 
pas,  comment  cette  corrélation  remarquable  a  pris  naissance.  Mais 
du  fait  que  le  sérum  possède  les  agglutinines  Anti-A  et  Anti-B, 
nous  pouvons  conclure  que  les  glohules  rouges  contiennent  les 
propriétés  agglutinables  B  et  A.  Cette  conclusion  a  son  impor- 
tance pour  l'observation  suivante  : 

La  plupart  des  sérums  d'animaux  contiennent  normalement 
des  agglutinines  contre  le  sang  humain. 

Ainsi  par  exemple  le  sérum  d'une  chèvre  (sans  aucune  prépa- 
ration préalable)  agglutine  à  un  degré  différent  le  sang  de  n'im- 
porte quel  être  humain.  Ce  sérum  "contient  donc  une  agglutinine 
générale  contre  le  sang  humain. 

On  peut  absorber  facilement  cette  agglutinine  contre  l'espèce, 
en  mélangeant  le  sérum  de  la  chèvre  avec  le  sang  humain  et  en 
centrifugeant  ensuite  le  sang. 

En  employant  pour  ce  mélange  le  sang  humain  du  groupe  0, 
lequel  ne  peut  absorber  que  l'agglutinine  générale,  le  sérum, 
après  l'absorption,  se  comportera  pareillement  au  sérum  humain, 
c'est-à-dire  qu'il  n'agglutinera  que  A  ou  B  ou  les  deux  ensemble 
(les  hétéro-agglutinines  ne  s'accordant  pas  tout  à  fait  avec  les 
iso-agglutinines).  Donc  les  Ami- A  et  les  Anti-B  existent  aussi  chez 
les  animaux,  mais  ris  sont  masqués  par  les  agglutinines  spécifiques 
contre  l'espèce.  Et  si,  de  l'existence  des  Anti-A  et  Anti-B,  nous  pou- 
vons conclure  à  l'existence  des  propriétés  A  et  B,  nous  devons 
admettre  que  ces  structures  existent  également  chez  les  animaux. 
Dungern  et  Hirschfeld  ont  trouvé  que  la  plupart  des  sangs  ani- 
maux retiennent  l'Anti-B  du  sérum  humain,  qu'ils  possèdent  ainsi 
des  structures  qui  ressemblent  au  groupe  B.  //  en  résulte  que  la 
différenciation  a 'après  les  groupes,  s'étend  dans  le  règne  animal. 

Il  serait  nécessaire  que  les  zoologistes  prêtent  attention  à  ces 
observations. 


Les  groupes  A  et  B  sont-ils  constants  chez  les  individus?  Nous 
conservons  tous  les  deux,  depuis  8  ans,  le  même  groupe  d'érythro- 
cytes  et,  (f  agglutinines,  malgré  que  l'un  de  nous  ait  eu  la  fièvre 
typhoïde  et  souffre  à  présent,  depuis  près  de  deux  ans,  de  palu- 


•»l'l  Dr    L.    ET    M"      H.    IIIRSCHFELD. 

disme  chronique.  Des  examens  systématiques  sur  un  grand 
nombre  d'individus  n'ont  pas  été  faits  jusqu'à  présent. 

En  tous  cas,  nos  constatations  sur  l'hérédité  des  groupes  et  nos 
résultats  statistiques  actuels,  concernant  les  différentes  races, 
semblent  démontrer  qu'il  ne  s'agit  pas  d'un  phénomène  acciden- 
tel et  transitoire.  Si,  dans  des  cas  singuliers,  un  changement  dans 
le  groupe  était  constaté,  cela  nous  semblerait  comparable  au  phé- 
nomène du  changement  du  pigment  :  un  enfant  blond  peut  deve- 
nir châtain  au  cours  des  années.  De  tels  cas  exceptionnels  ne 
pourraient  aucunement  peser  sur  les  différences  considérables  que 
nous  avons  trouvées  dans  les  différentes  races  humaines. 

Pareillement  à  Landsteiner,  nous  n'avons  pu  constater  d'in- 
fluence des  états  morbides  sur  les  groupes. 

La  proportion  des  groupes  A  et  B  chez  les  soldats  sains  et 
malades  est  la  même. 

On  a  décrit  une  auto-agglutination  du  sang  dans  la  maladie  du 
sommeil. 

Un  de  nous  (L.  Hirschfeld)  a  pu  la  constater  également  dans  le 
paludisme  et  démontrer  qu'il  ne  s'agit  pas  d'uni  anto-aggluti- 
nation,  le  phénomène  n'étant  qu'un  signe  d'anémie.  Les  globules 
rouges  prennent  la  forme  de  granules  dans  le  plasma  chaque  fois 
que  leur  nombre  est  si  réduit  qu'ils  ne  peuvent  plus  se  soutenir 
réciproquement. 

Si  une  auto-agglutination  existe,  c'est  un  phénomène  très  rare 
et  pathologique  dons  le  sang  humain.  Notre  statistique  plaide  éga- 
lement contre  l'influence  des  maladies. 

Les  individus  que  nous  avons  examinés  sont  pour  la  plupart  des 
soldats  qui  vivant  en  Macédoine,  dans  le  même  climat,  souffrent 
des  mêmes  maladies,  supportent  les  mêmes  fatigues,  sont 
pareillement  nourris  là  l'exception  des  Indiens  qui  sont  pour  la 
plupart  des  végétariens).  11  nous  paraît  impossible  que  les  diffé- 
rences considérables  constatées  entre  les  races  dépendent  de  fac- 
teurs extérieurs. 

Dans  l'état  actuel  de  la  science,  nous  sommes  en  droit  de 
considérer  les  propriétés  biochimiques  dans  le  sens  précédem- 
ment exposé. 


APPLICATION     ni  -    MÉTHODES    SÉROLOGCQUES,  5l5 

PARTIE  SPÉCIALE 
Technique, 

On  recueille  quelques  gouttes  de  sang,  pris  au  doigt,  dans 
I  centimètre  cube  de  la  solution  suivante  : 

Chlorure  de  sodium  à  0,85  0/0,  9  parties;  citrate  de  sodium  à 
2,50/0,  I  partie.  Une  séparation  du  plasma  pas  plus  qu'un  lavage 
desglobules  rouges  ne  sont  nécessaires.  L'expérience  doit  être  faite 
le  jour  même  de  la  prise;  nous  avons  l'impression  que  pendant 
les  grandes  chaleurs  L'agglutinabilité  du  sang  diminue,  si  l'on  le 
laisse  trop  longtemps  avant  de  l'examiner.  Il  faut  rejeter  le  sang 
à  la  moindre  hémolyse. 

Pour  l'examen  d'un  grand  nombre  d'individus,  il  est  préférable 
de  se  servir  d'une  boîte  fermée,  contenant  200  petits  tubes  de  la 
solution  citratée,  destinés  à  recueillir  le  sang. 

Pour  l'expérience  même,  on  prépare  dans  un  porte  tube  deux 
petits  tubes  en  verre  pour  chaque  individu  ;  on  met  une  goutte  de 
la  solution  du  sang  dans  chaque  tube,  on  ajoute,  dans  le  premier, 
une  goutte  du  sérum  B  (anti.-A),  dans  le  deuxième,  une  goutte  du 
sérum  A  (Anti-B).  On  remue  un  peu  le  contenu  des  tubes  et  on 
les  laisse  20  à  30  minutes  à  la  température  ordinaire.  Il  ne  faut 
pas  enregistrer  les  résultats  trop  tôt,  car  le  sang  du  groupe  B 
(2e  tube)  n'est  agglutiné  que  lentement. 

Si  au  bout  d'une  demi-heure  l'agglutination  apparaît  dans  le 
premier  tube,  le  sang  examiné  appartient  au  groupe  A  ;  si  c'est  le 
second  tube  qui  démontre  l'agglutination,  il  s'agit  du  sang  du 
groupe  B.  Dans  le  cas  où  il  y  a  agglutination  dans  les  deux  tubes, 
on  a  affaire  au  sang  du  groupe  AB  ;  si  l'agglutination  manque 
dans  les  deux  tubes  le  sang  appartient  au  groupe  0. 

Pour  obtenir  les  sérums  agglutinants  A  (Anti-B)  et  B  (Anti-A) 
on  procède  de  la  façon  suivante  :  chez  10  à  20  personnes  on 
pratique  une  ponction  veineuse  et  on  sépare  le  sérum  ;  d'autre  part 
on  dilue  quelques  gouttes  de  leur  sang  dans  le  sérum  physiolo- 
gique citrate  (d'après  la  formule  donnée  plus  haut).  On  mélange 
une  goutte  de  chaque  sérum  avec  une  goutte  de  la  solution  de 
chaque  sang,  on  laisse  le  mélange  de  20  à  30  minutes,  après  quoi 
on  prend  le  protocole  suivant  qui  constitue  un  de  nos  premiers 
protocoles. 


5 1 0 


Dr    L.    ET    Mm'    H.    HTRSCHFELD. 


Tablkau  11 


SÉRUM 

1 

2 

3 

4 

5 

6 

7 

8 

9 

10 

1 

I 



+ 







+ 

+ 



+ 

+ 

II 

+ 

— 

+ 

— 

+ 

+ 

— 

+ 

+ 

+ 

m 

— 

+ 

— 

— 

— 

+ 

+ 

— 

+ 

+ 

IV 

4- 

+ 

+ 

— 

+ 

+ 

+ 

+ 

+ 

+ 

B 
ï. 

V 

J    YI 

— 

+ 

— 

— 

— 

+ 

+ 

— 

+ 

4- 

VII 

+ 

— 

+ 

— 

+ 

4- 

— 

+ 

+ 

+ 

VIII 
IV 

— 

+ 

— 

— 

— 

+ 

+ 

— 

+ 

+ 

x 

-f-  agglulinalion. 

—  pas  d'agglutination 



L'analyse  de  ce  protocole  démontre  tout  de  suite  la  règle  de 
Landseiner. 

Le  sang  VI,  IX,  X  ne  sont  agglutinés  par  aucun  sérum;  au 
contraire,  les  sérums  correspondant  à  ces  spécimens  du  sang 
agglutinent  tous  les  autres  (à  l'exception  du  sang  du  même 
groupe  et  des  sangs  analogues  :  VI,  IX,  X). 

Il  s'agit  donc  du  groupe  0:  les  corpuscules  rouges  ne  con- 
tiennent pas  de  propriétés  agglutinables  et  le  sérum  contient 
les  agglutinines  contre  les  deux  propriétés  qui  manquent  aux 
globules  rouges. 

Le  sang  IV  est  agglutiné  par  tous  les  autres  sérums  (sauf  son 
sérum  propre);  au  contraire,  son  sérum  n'agglutine  aucun  des 
sangs  examinés.  C'est  le  contraire  du  précédent.  Il  s'agit  du 
groupe  AB.  Les  deux  propriétés  agglutinables  A  et  B  se  trouvent 
dans  les  corpuscules  rouges,  donc,  dans  le  sérum,  les  agglutinines 
manquent. 

Les  sangs  I,  III,  V,  VIII  sont  agglutinés  par  les  sérums,  2,  6, 


APPLICATION     DES    METHODES    SKHOLOGIQIÎES.  617 

7.  9,  10.  Leurs  sérums  agglutinent  les  globules  rouges  des 
sangs  II,  IV,  VII. 

Les  sangs  II  et  VII  sont  agglutinés  par  les  sérums  1,  3,  5,  G,  8, 
9,  10.  Leurs  sérums  agglutinent  les  sangs  I,  III,  IV,  V,  VIII. 

Nous  voyons  une  réciprocité  entre  les  sangs  I,  III,  V,  VIII,  ainsi 
qu'entre  leurs  sérums,  avec  le  sang  II  et  Vil  et  les  sérums  corres- 
pondants. 

Le  sang  le  plus  fréquemment  agglutiné  correspond  en  Europe 
au  groupe  A.  Dans  ce  cas,  ce  sera  le  sang  I,  III,  V,  VIII  tandis  que 
II  et  VII  agglutinés  plus  rarement  correspondent  au  groupe  B. 

Ainsi  l'examen  des  10  personnes  nous  a  permis  de  déceler  : 

4  A  (I,  III,  V,  VIII). 

2  H  (II  et  VU). 

1  AB  (IV) 

3  0  (VI,  IX,  X). 

Nous  emploierons  les  sérums  du  groupe  A  comme  Anti-B  et  le 
sérum  B  comme  Anti-A. 

A  l'aide  de  ces  deux  sérums  on  peut  classifier  le  sang  de  tout 
in  ividtt.  Par  contre,  on  ne  se  sert  ni  du  sérum  du  groupe  0,  car 
il  contient  les  d^ux  agglutinines,  ni  de  celui  du  groupe  AB  qui 
n'en  contient  aucune. 

En  voulant  conserver  le  sérum  pour  plusieurs  expériences,  on 
ajoute  à  10  cm3  du  sérum  1  cm3  d'acide  phénique  à  5  0/0.  Le  sérum 
se  conserve  ainsi  des  semaines  entières,  mais  son  efficacité  doit- 
ètre  contrôlée  avant  chaque  expérience  avec  le  sang  A  et  B  connu. 

Il  arrive  quelquefois  que  le  sérum  contient  des  isohémolysines 
à  côté  des  isoagglutinines. 

On  le  laisse  reposer  quelques  jours,  car  la  plupart  des  vieux 
sérums  n'hémolysent  plus.  Si  pourtant  la  faculté  d'hémolyser  ne 
se  perd  pas,  le  sérum  doit  être  rejeté.  Lorsque  de  telles  expériences 
sont  dirigées  d'un  endroit  central,  il  est  préférable  de  distribuer 
aux  expérimentateurs,  comme  point  de  départ,  des  sérums  connus 
A  et  B,  à  l'aide  desquels  tous  les  autres  seront  facilement  trouvés. 
Quant  à  l'identité  de  tous  les  sérums  Anti-A  et  Anti-B  il  est  à  sou- 
ligner que  quelques  Anti-A  (sérum  B)  font  découvrir  plus  d'A  que 
les  autres. 

On  a  parlé  du  grand  A  et  du  petit  a.  La  différence  entre  les  deux 
ne  dépasse  pas  4  à  5  0/0.  Donc,  pour  le  groupe  A,  il  faut  considérer 
les  différences  de  statistique  de  4  à  ê>  0/0  comme  source  d'erreur 
inhérente  à  la  méthode. 


5i8 


Dr    T..     ET    M.T    II.    IIIHSCIIFELD. 


Pour  les  sérums  A  (Anti-B)  nous  n'avons  pas  trouvé  de  telles 
di  (1er  en  ces.  Lorsqu'il  s'est  agi  de  peuples  européens,  nous  n'avons 
trouvé  que  de  petites  différences  dans  le  pourcentage  du  groupe 
B,  qui  nous  paraissent  cependant  correspondre  à  une  certaine  loi. 
Nous  avons  maintes  fois  examiné  à  ce  point  de  vue  une  centaine 
d'Européens  (Anglais,  Serbes)  avecseptanti-B  différents. Les  résul- 
tats ont  été  absolument  identiques  quant  au  nombre  des  B  décèles, 
ne  laissant  reconnaître  qu'une  légère  différence  dans  l'intensité 
d'agglutination.  Pour  éviter  des  erreurs  tenant  à  une  agglutination 
trop  faible,  il  faut  toujours  se  convaincre,  avant  l'expérience,  que 
les  sérums  agglutininent  assez  fortement. 

Quelle  différence  dans  le  pourcentage  de  A  et  B  doit  elle  être 
considérée  comme  caractéristique  d'un  peuple  ou  d'une  race?  Nos 
résultats  démontrent  qu'en  examinant  500  individus,  la  différence 
entre  le  chiffre  moyen  et  celui  de  la  centaine  qui  en  diffère  le  plus 
varie  de  2  à  60  0  pour  le  groupe  B.  Une  nouvelle  centaine,  avec 
un  pourcentage  exceptionnellement  élevé,  ferait  varier  la  moyenne 
de  1  0/0.  C'est  pourquoi  nous  croyons  que  chez  les  Européens, 
les  différences  de  3  0/0  pour  le  groupe  B  sont  déjà  caractéristiques. 

Cette  différence  ne  suffit  pourtant  pas  quand  on  examine,  au 
lieu  de  militaires,  des  familles,  surtout  avec  des  enfants 
nombreux.  Ainsi  notre  statistique  des  Juifs  (familles  de  réfugiés 
de  Monastir)  montre  des  différences  allant  jusqu'à  11  0/0  entre 
la  moyenne  et  les  centaines  qui  s'en  éloignent  le  plus. 

Pour  le  groupe  A,  la  différence  entre  le  chiffre  moven  et  celui 
d'une  centaine  peut  atteindre  11  0/0.  En  examinant  500  personnes, 
une  centaine  donne  une  moyen  d'environ  2  0/0.  C'est  pourquoi, 
pour  le  groupe  A,  nous  ne  prenons  en  considération  que  les  diffé- 
rences de  4  à  5  0  0. 

Le  meilleur  procédé  consiste  à  examiner  chaque  race  avec  plu- 
sieurs sérums  anti-A  et  anti-B.  Il  est  recommandable,  d'autre 
part,  d'examiner  les  différentes  races  avec  le  même  sérum.  En 
procédant  ainsi,  les  différences  entre  les  sérums  se  neutralisent. 

Nous  avons  essayé,  dans  la  présente  étude,  de  faire  des  isoag- 
glutinines  de  Landsteiner  un  critérium  anthropologique. 

Xous  avons  examiné  de  chacune  des  différentes  nationalités  et 
races  de  l'armée  d'Orient,  500  à  1.000  individus  à  l'exeption  des 
Malgaches  dont  nous  n'avons  pu  prendre  que  fcOO).  Xous  donnons 
les  résultats  de  chaque  centaine  examinée  pour  que  [e  lecteur 
puisse  se  former  une  idée  de  l'exactitude  de  la  statistique.  Les 


U'i'i  i<:\  I  ion    Dl»    MÉTHODES    SÉROLOGIQUEâ 


.»!,, 


chiffres  obtenus  pour  les  subdivisions  reposent  pour  la  plupart 
sur  défi  nombres  trop  faibles  d'individus.  Si  donc  les  anthropo- 
logis  tes  voulaient  avoir  des  données  précises,  il  faudrait  élargir 
ces  recherches  et  les  faire  porter,  aidant  que  possible,  sur  plus 
de  500  sujets  de  chaque  groupe. 

Anglais. 

Les  premiers  150  Anglais  examinés  étaient  des  personnes  bien 
portantes  :  médecins,  infirmières  et  infirmiers  d'un  hôpital  mili- 
taire: les  150  suivants,  des  soldats  malades  d'un  hôpital  ;  les  200 
derniers  étaient  également  des  malades  d'un  hôpital  militaire 
(pour  la  plupart  convalescents  de  paludisme).  Nous  donnons  ces 
détails  pour  démontrer  la  certitude  des  résultats,  les  recherches 
ayant  été  faites  dans  des  temps  aiiïérents,  avec  des  sérums  variés. 
Aucune  différence  entre  les  bien  portants  et  les  malades  n'a  été 
constatée. 

En  général,  notre  pourcentage  de  13  est  moindre  que  celui  men- 
tionné dans  la  littérature  anglaise.  En  examinant  une  centaine 
de  sujets  avec  sept  sérums  anti-B  différents,  nous  avons  obtenu 
des  résultats  parfaitement  identiques.  Les  Hindous  ont  été  très 
souvent  examinés  avec  les  mômes  sérums  que  les  Anglais. 

Tablkau  III 


i 

ii 

m 

IV 

V 

TOTAL 

PI  OI'OHTIO.N 

chs  rés. 

A 

41 

46 

49 

42 

39 

217 

43,4 

B 

8 

8 

9 

5 

6 

36 

7,2 

AB 

0 

3 

5 

5 

2 

15 

3 

0 

51 

43 

37 

48 

o3 

232 

46,4 

La  plupart  des  individus  examinés  étaient  des  Anglais  propre- 
ment dits,  c'est  pourquoi  les  résultats  touchant  les  différentes 


(i)  Dans  ce  tableau  et  les  suivants,  chacune  des  colonnes  indiquées  par  les  chiffres 
romains  I,  H,  III,  IV,  V,  donne,  pour  100  sujels  examinés,  le  nombre  de  ceux  qui 
rentrent  dans  les  groupes  A,  JJ,  AU  et  O. 


020 


Dr    L.    ET    M"1"    II.    HIRSCHFELD. 

III  a 


Anglais. 
Gallois  . 
Écossais 
Irlandais 


TOT  A  L 


180 

11 

21 

5 


44,6 


B 


TOTAL 


31 
3 

2 


1,1 


AB 


TOTAL 


12 

3 


TOTAL 
180 

12 
29 
11 


44,6 


NOMBKB 
TOTAL 


403 
29 
52 
16 


Châtains 
Blonds  . 
Bruns    . 


107 
"72 
38 


42,6 
43,4 
45,8 


19 

14 

3 


7,6 
8,4 
3,6 


3,6 
2,4 
2,4 


116 
76 
40 


46,2 
45,8 

48,2 


251 

166 

83 


parties  de  la  Grande-Bretagne  ne  peuvent  pas  être  concluants. 
Ainsi  que  nous  le  verrons  ultérieurement,  nous  devons  admettre 
le  Sud-Est  comme  origine  du  groupe  B.  Comme  nous  n'avons  pas 
eu  la  possibilité  de  faire  des  mensurations  craniométriques  paral- 
lèles, nous  nous  sommes  bornés  à  noter  la  couleur  des  cheveux  et 
des  yeux.  Une  fréquence  plus  grande  du  groupe  B  chez  les  indi- 
vidus bruns  ne  semble  pas  exister. 


Français. 
Les  120  premiers  étaient. des  médecins,  des  infirmières  et  des 

Tableau  IV 


i 

ii 

m 

IV 

V 

TOTAL 

% 

A 

39 

40 

4i 

45 

213 

42,6 

B 

9 

14 

14 

10 

9 

56 

41.2 

AB 

3 

1 

1 

5 

5 

15 

3 

O 

43 

46 

45 

41 

41 

216 

43,2 

APPLICATION    DES    MÉTHODES    SÉROLOGIQUES. 
IV  a 


521 


TOTAL 


Châtains  . 
Blonds  .  . 
Remis   .     . 


118 

41 
54 


U,5 

45 
43,2 


B 


TOTA  L 


33 

8 
15 


11,6 
8,8 
12 


AR 


TOTAL 


2,4 
2,2 
4,8 


TOTAL 


26 

40 
50 


q 


44,5 

44 
40 


NOMBRE 

TOTAL 


284 

91 

125 


infirmiers  d'un  hôpital  militaire;  les  180  suivants,  des  officiers  el 
soldats  d'un  camp  d'aviation  ;  les  200  derniers,  des  malades  d'un 
hôpital.  Aucune  différence  entre  les  bien  portants  et  les  malades 
n'a  été  constatée.  La  différenciation  d'après  la  pigmentation  de 
la  peau  et  la  couleur  des  cheveux  ne  donne  pas  de  résultats 
positifs.  La  statistique  d'après  les  provinces  repose  sur  des  chiffres 
trop  faibles,  c'est  pourquoi  nous  ne  la  citons  pas. 


Italiens. 

Nous  avons  examiné  300  malades  d'un  hôpital  militaire  en 
mai  1918  et  200  autres  en  juillet.  Comparé  au  type  du  Sud,  celui 
du  Nord  montre  5  0/0  en  plus  de  A  et  4  0/0  en  moins  de  B. 
Nous  verrons  ultérieurement  que  les  peuples  du  Nord  ont  plus 
de  Â,  ceux  du  Sud  plus  de  B.  Si  la  différence  se  trouve  confir- 
mée sur  un  très  grand  nombre  d'individus,  il  sera  démontré 
que  le  sang  d'un  peuple  peut  être  différent  au  point  de  vue 
sérologique. 

Tableau  V 


i 

ii 

m 

IV 

V 

TOTAL 

/o 

A 

36 

42 

29 

39 

44 

190 

38 

B 

10 

12 

12 

11 

10 

55 

11 

AR 

3 

i 

5 

3 

4 

19 

3,8 

0 

1 

51 

42 

54 

47 

42 

236 

47,2 

l'anthropologie.  —  t.  xxix.  —  1918-1H9. 


34 


522 


Dr    L.    ET   Mm*    II.    HIRSCHFELD. 

V  a 


\ 

î 

Ali 

o 

^ 

— — - 

— 

- 

— ~~ 

-    ""«~~ 

t- 

Total 

% 

Total 

/o 

Total 

% 

Total 

/o 

1 

Piémont,    Lombar- 

NORD    < 

( 

de,  Emilie,  Véni- 
Toscane,     Marches 

8i 

41,8 

20 

9,9 

7 

3,5 

90 

41,8 

201 

CENTRE  ■ 
l 

0  m  brie,    Rome, 
Abruzzes.    .    .     . 

Campanie,  Ap  ul  ie, 

27 

34,3 

4 

5 

5 

6,3 

43 

54,4 

79 

s  un     - 

Calabre,     Sicile, 
Basicate  .    .    .    . 

79 

36.0 

31 

14 

7 

3,2 

103 

i 

46,8 

220 

Allemands. 

Nous  n'avons  pas  eu  la  possibilité  d'examiner  des  militaires. 
Nous  donnons  ici  la  statistique  des  familles,  faite  à  Heidelberg 
par  Dungeru  et  Hirschfeld. 

Les  travaux  correspondants  n'étant  pas  pour  le  moment  en 
notre  possession,  nous  ne  pouvons  pas  donner  des  tableaux 
détaillés;  nous  ne  citons  que  les  moyennes. 

A    =43%. 
B    =12%. 
AB  =  5%. 
O    =40%. 

Autrichiens. 
Statistique  viennoise  de  Landsteiner. 

A  =40%. 
B  =10%. 
AB  =  8  %. 

O    =42%. 


Serbes. 

Personnel  et  malades  d'un  hôpital  militaire. 

La  différenciation  d'après  les  provinces  serait  sans  grande 
valeur,  car  tous  les  peuples  balkaniques  examinés  (sauf  les  Turcs 
de  Macédoine)  montrent  une  structure  sanguine  semblable. 


vri'i  i<:  vi  ion    DÈS    METHODES    BERO  LOGIQUES. 

Tait/ah   VI 


1)2. 


i 

m 

m 

IV 

v 

T"TW, 

% 

A 

40 

16 

31 

51 

3  .'i 

209 

41,8 

B 

18 

13 

16 

13 

1!) 

78 

15,6 

\i: 

3 

5 

4 

6 

5 

23 

4,6 

0 

12 

34 

n 

30 

41 

190 

38 

Grecs. 

Los  120  premiers  étaient  des  officiers  et  des  soldats  d'une  école 
d'aviation;  les  2,'iO  suivants    des   réfugiés  de  Thrace  et  d'Asie- 

Tableau  VII 


1 

i 

n 

m 

:v 

V 

TOTAL 

% 

A 

36 

36 

4') 

5L 

36 

208 

41,6, 

H 

16 

14 

14 

16 

21 

81 

16,2 

ai: 

4 

8 

4 

2 

2 

20 

4 

0 

44 

42 

33 

31 

41 

191 

38,2 

VII  a 


Asie  Mineure  . 
Vieille  Grèce  . 
Tlirace  .  .  . 
Iles  de  l'Archipel 
Ile  de  Crète  . 
Maeédoine  •  • 
Kpire  .... 


Nombre 

de  suivis 


71 
55 
2i 

25 

20 

10 

3 


47 
47,2 


Nombre 
de  sujets 


26 
21 
12 
8 
6 
6 
9 


17   , 
16,6 


AB 


Nombre 
de  sujets 


Nombre 
[de  sujets 


50 
35 
26 
15 
M 
3 


31,8 
38,5 


151 
130 
77 
60 
42 
31 
9 


524 


D'    L.    ET    !M",e    H.     HUlSdlFELD. 


Mineure;  les  130  derniers,  des  malades  d'un  hôpital  militaire. 

Les  chiffres  moyens  correspondent  entièrement  à  ceux  trouvés 
chez  les  Serbes.  Les  différences  sont  insignifiantes  entre  les 
Grecs  de  l'Asie-Mineure  et  ceux  de  la  vieille  Grèce.  Ce  résultat 
a  son  importance  :  les  Turcs  de  la  Macédoine  ont  plus  de  B  que 
les  Grecs  de  l'Asie-Mineure.  Ce  serait  une  preuve  que  les  propriétés 
biochimiques  du  sang  dépendent  de  l'origine  d'une  race  et 
aucunement  du  climat. 

Bulgares. 


Nous  avons  examiné  500  prisonniers  bien  portants;  les  résultats 
ont  été  absolument  identiques  à  ceux  fournis  par  les  Grecs  et  ies 
Serbes.  On  considère  les  Bulgares  comme  fortement  mélangés  de 
Mongols.  Comme  nous  le  démontrerons,  les  peuples  asiatiques 
ont  plus  de  B.  On  se  serait  attendu  à  ce  qu'on  pût  le  constater 
dans  le  type  sanguin,  mais  nous  n'avons  pas  trouvé  que  les 
Bulgares  aient  plus  de  sang  asiatique  que  les  autres  peuples 
balkaniques. 

En  examinant  les  provinces  des  environs  de  Varna  et  le  littoral 
de  la  Mer  Noire,  on  y  trouverait  peut-être  plus  d'individus  du 
type  B. 

Tablkau  VIII 


î 

il 

ill 

IV 

V 

TOTAL 

% 

A 

42 

47 

39 

39 

36 

203 

40,6 

B 

14 

12 

14 

16 

15 

71 

14.2 

AB 

4 

10 

4 

7 

6 

31 

6,2 

0 

40 

31 

43 

38 

43 

19) 

39 

Russes. 

Les  1.000  soldats  examinés  étaient  des  hommes  bien  portants. 
L'observation  démontre  qu'ils  ont  moins  de  A  et  plus  de  H  que 
las  peuples  de  l'Europe  Centrale  et  Occidentale.  Nous  avons 
détaillé  la  statistique  d'après  les  provinces  suivantes  :  Russie 
Centrale  ou  Grande  Russie  (le  plus  pur  type  russe),  Petite  Russie 


IMPLICATION    DES    MÉTHODES    SÉROLOGIQUES, 


:>■>:> 


ou  Ukraine,  Sibérie,  (colonisateurs,  provenant  de  la  Grande  et  de 

Petite   Russie;    nous   n'avons   pas  eu  l'occasion  d'examiner   les 

peuples  indigènes   de  Sibérie),  les  provinces  de  la  -Volga  avec 

forte  immigration  des  Mongols. 

Les  Grands  Russes,  tout  en  ayant  moins  de  A  et  plus  de  B  que 

les   autres    Européens,    se  rapprochent  quand  môme  le  plus  de 

1  Europe.   Les    Petits-Russes  de  l'Ukraine   font   reconnaître  dans 

leur  sang   le   type  asiatico-africain.  L'Ukraine  fut  de  tout  temps 

exposée  aux    invasions  nomades,  venant   de    l'Asie  centrale    et 

se  dirigeant  vers  l'Ouest,  le  long  du  littoral  de  la  Mer  Noire. 

Les   Sibériens  se  placent  entre  les   deux,  comme  on  pouvait  s'y 

attendre. 

Tablkau  IX 


1 

n 

m 

IV 

V 

VI 

vu 

VI  il 

IX 

X 

! 
■TOTAL 

% 

A 

32 

38 

26 

29 

25 

33 

37 

30 

32 

30 

312 

31,2 

B 

28 

15 

22 

29 

23 

21 

18 

13 

25 

18 

218 

21,8 

A  P. 

3 

4 

5 

2 

9 

6 

9 

14 

6 

5 

63 

6,3 

0 

37 

43 

41 

40 

43 

34 

36 

43 

37 

47 

407 

40.7 

IX  a 


Grande  Russie  (Russie  Cen- 
trale)      

Ukraine  (Petite  Russie)  .     . 

Sibérie 

Volga    (Astrakhan,    Kazan, 
etc.) 

Provinces  baltiques    .     .     . 

Wintka,  ArJthangel.  Volog- 
du,  etc.  (Nord-Est) 

Lithuanie(Volbynie,  Kamie- 
nie,  Podolsk,  etc.j . 


A 

i 

5 

Nombre 
de  sujets 

0/ 

/o 

N'ombre 
de  sujets 

/o 

134 

33,6 

85 

21,2 

28 

25,2 

26 

23,4 

98 

30,5 

74 

23 

43 

3 

2 

2 

25 

28,5 

22 

26,  :> 

12 

6 

AB 


Nombre 
de  sujets 


16 

4 

11 

9,9 

20 

6 

4 

7 

8,3 

5 

Nombre 
de    ujets 


165 
46 


130       40,3 

17 
3 


29 


17 


41,4 


37 


41,2    400 


111 
322 

37 
7 

83 

40 


f)26 


Dr    L.    ET    Mme    H.    IITRSCHFELD. 


Juifs 


Familles  de  réfugiés  de  Monastir,  venus  400  ans  auparavant 
d'Espagne.  Les  centaines  diffèrent  plus  entre  elles  que  celles  qui 
portent  sur  des  militaires  et  sont  moins  concluantes.  Les  moyennes 
démontrent  moins  de  A  et  plus  de  B  que  chez  les  Européens. 


Tableau  X 


i 

il 

m 

IV 

V 

TOTAL 

% 

A 

26 

28 

34 

33 

44 

165 

33 

B 

34 

21 

20 

23 

18 

116 

23,2 

AB 

5 

4 

7 

5 

4 

25 

5 

0 

35 

47 

33 

39 

34 

194 

38,8 

Turcs 

Les  premiers  examinés  sont  150  enfants  d'une  école  turque  à 
Salonique,  les  150  suivants  sont  des  travailleurs  civils  à  Micra,  les 
200  derniers  également  des  travailleurs  civils  de  la  population 
musulmane  en  Macédoine.  Ils  se  sont  sûrement  très  mélangés  avec 
les  Slaves  de  la  Macédoine. 

Nous  trouvons  plus  de  B  que  chez  la  population  chrétienne  des 
Balkans.  Nous  nous  attendons  à  ce  que  l'examen  des  Turcs  en 
A<ie  Mineure  donne  une  formule  encore  plus  différente  de  celle 
du  type  européen. 

Tableau  XI 


î 

il 

m 
49 

IV 

Y 

36 

TOTAL 

0/ 

7a 

A 

'm; 

28 

42 

190 

38 

B 

13 

21 

23 

16 

20 

93 

18,6 

AB 

S 

9 

6 

3 

7 

33 

6,6 

0 

44 

42 

22 

39 

37 

184 

36,8 

iPPLICA Tio\   DES    MÉTHODES    SÉROLOGIQUES, 


527 


Araiîes 

Ce  sont  des  soldats  I)ien  portants  de  Tunisie  et  Algérie.  Le  pour- 
centage du  groupe  B  est  plus  fort  qu'en  Europe  (égal  en  Tunisie 
et  Algérie),  celui  du  groupe  A  moins  élevé  (moindre  en  Tunisie 
qu'en  Algérie).  Il  sera  très  intéressant  de  contrôler  ces  derniers 
résultats  sur  un  nombre  plus  grand  d'individus. 


Tableau    XII 


1 

11 

111 

IV 

V 

TOTAL 

% 

A 

34 

37 

37 

27 

27 

162 

32,4 

B 

21 

21 

18 

17 

18 

95 

19 

AB 

9 

1 

5 

2 

8 

25 

5 

0 

36 

41 

40 

54 

47 

218 

43,6 

XII  a 


Tunisie 
Algérie 


Nombre 

de  sujeis 


50 
112 


37,0 


Nombre 
de  sujets 


39 
56 


19,5 
18,6 


Sombre 
de  sujets 


11 

14 


5,b 
4,6 


Nombre 
île  sujets 


190 

US 


50 
39 


TOTAL 


200 
300 


528 


Dr    L.    ET    Mme    II.    IIIRSCIIFELD. 


Malgaches 


Il  s'agit  de  soldats  bien  portants,  pour  la  plupart  de  race  Hova; 
pour  les  autres  tribus  nos  chiffres  sont  trop  faibles,  de  sorte  que 
notre  statistique  se  réfère  principalement  aux  caractères  des  Hovas. 
Nous   trouvons  presque  le  même  pourcentage  de.  A  et  de  B. 


Tableau  XIII 


1 

II 

m 

IV 

TOTAL 

% 

A 

30 

20 

30 

25 

105 

26,5 

B 

25 

24 

25 

21 

95 

23,7 

AB 

6 

3 

3 

6 

18 

4,5 

0 

39 

53 

42 

48 

182 

45,5 

XIII  a 


Hovas  .  .  . 
Comoriens  . 
Betsiléos  .  . 
Betsimisaraka 
Sakalaves  . 
Antemoro  .  . 


Sombre 
de  sujets 


73 


21,5 


Nombre 
de  sujets 


61 
9 
5 

9 


22,5 


AB 


Nombre 
de  sujets 


12 
1 
1 


0/ 

/o 


4,5 


Nombre 
Jde  sujets 


120 
12 

2 
12 
12 

6 


Î5,5 


266 
30 
10 
14 
22 


NÈGRES 

Pour  la  plupart,  soldats  du  Sénégal. 

Hecherches  faites  en  trois  séries. 

Le  pourcentage  de  H  dépasse  celui  de  A, 


APPLICATION    DES    MÉTHODES    SÉROLOGIQ1  ES. 

Tableau  \IV 


529 


1 

11 

ni 

IV 

V 

TOTAL 

/o 

A 

.  -) 

■21 

22 

23 

19 

113 

22,6 

li 

24 

24 

32 

36 

30 

146 

292 

AU 

4 

6 

2 

7 

G 

25 

5,0 

0 

50 

43 

i. 

34 

43 

216 

43,2 

XIV  a 


Sénégal  (Ruflsque,  Saint-Louis, 

Dakar,  Gorée) 


Ile  de  la  Réunion  . 
Nouvelle-Calédonie 
Guadeloupe  .  .  . 
Martinique  .  .  . 
Guyane  .... 
Haïti  (île  océanique) 

Soudan 

Côte  d'Ivoire.     .     . 

Guinée 

Bambaras.  .  .  . 
Ouolofs  .... 
Haoussas  (Dahomey) 
Saraeolés  .... 
Malinkés  .... 
Toucouleurs  .  .  . 
Djoumas    .... 

Mossis 

Baoulés  .... 
Congos 


Nombre 

de 

sujets 


50 
3 

1 
3 
1 
1 

7 
1 
4 
20 

3 
4 
4 

7 

2 


/o 


21 


24.1 


Nombre 

de 
sujets 


71 
1 

3 
2 
1 
1 
5 
4 
6 
26 
3 

7 
1 

12 
1 


29,7 


M  2 


Nombre 

de 

sujets 


2,9 


7,4 


No  m  lire 

de 
sujets 


110  46,2 
2 
2 
4 
5 
3 
1 
6 
5 


29 
6 
6 
7 
1 

15 
1 
3 
1 
2 


35,8 


228 

7 

2 

8 

10 

5 

3 

18 

12 

17 

81 

10 

12 

19 

8 

35 

2 

6 

1 

3 


53o 


Dr    L.    ET    M'"e    H.    HIUSCHFELD. 


Indo-Chinois 

500  soldats  bien  portants,  pour  la  plupart  des  Tonkinois,  exa- 
minés en  quatre  séries. 

Prédominance  du  type  B  sur  le  type  A. 

Taiîlfau  XV 


1 

! 

i 

il 

m 

IV 

V 

T  0  r  A  L 

/o 

A 

28 

21 

22 

13 

28 

112 

22,4 

B 

26 

23 

31 

41 

21 

142 

28,4 

AB 

9 

5 

5 

17 

36 

7,2 

0 

46 

47 

42 

41 

34 

210 

42 

XV  a 


Tonkinois  .  . 
Annamites  .  . 
Cambodgiens  . 
Cocliinchinois  . 


Nombre 

de  sujets 


86 

15 

5 

6 


Nu  m  bre 
ce  sujets 


21,6       108 
16 
7 
11 


28 


Nombre 
de  srnjets 


30 
3 
2 

1 


7,6 


Nombre 
de  sujets 


173 
15 


42,8 


397 
49 
22 

32 


Hindous  (Indes  Britanniques) 

Nous  avons  étudié  d'abord  160  malades  d'un  hôpital  militaire, 
puis  70  travailleurs  bien  portants,  puis  200  soldats  du  front  et 
70  malades  d'un  hôpital  militaire.  Noies  trouvons  un  pourcentage 
remarquablement  bm  du  groupe  A,  à  côté  d'un  pourcentage  très 
élevé  du  groupe  B. 

Pour  exclure  tout  hasard,  en  examinant  les  Hindous,  nous 
avons  fait  toujours  des  contrôles  avec  les  Européens.  Un  sérum 
qui  décela  50  0/0  de  B  chez  les  Hindous,  n'en  révéla  que  8  0/0  chez 


APPLICATIONS    DBS    MÉTHODES    si-iiOLOCIQUES. 


53i 


les  Anglais.  Une  seconde  série  de  500  soldats  bien  portants 
a  été  examinée  en  un  seul  jour,  au  mois  de  juillet.  N'étant  pas  en 
mesure  de  faire  les  expériences  le  jour  môme,  nous  ne  les  avons 
faites  que  le  lendemain.  Nous  avons  trouvé  un  nombre  moindre 
de  B,  quoique  dépassant  de  beaucoup  les  autres  peuples. 

Puisque  les  premiers  500  ont  été  examinés  à  des  intervalles  et 
avec  des  sérums  différents  et  ont  donné  toujours  des  résultats 
presque  identiques,  nous  inclinons  à  croire  que  l'agglutinabilité 
du  sang  de  la  deuxième  série  a  souiïert  par  suite  des  facteurs 
extérieurs  (chaleur).  Nous  donnons  séparément  les  résultats  de 
la  première  et  de  la  seconde  série. 

Les  différences  entre  les  provinces  ne  sont  pas  considérables. 
La  différenciation  d'après  les  religions  ne  donne  non  plus  de 
résultats;  nous  l'avons  faite,  car  les  mahométans  semblent  avoir 
reçu  une  infusion  de  sang  perse. 


Tablkau  XVI 


i 

n 

m 

IV 

V 

TOTAL 

% 

A 

12 

13 

26 

18 

25 

94 

18,8 

B 

52 

55 

41 

49 

39 

236 

47,2 

A 15 

15 

14 

6 

5 

14 

54 

10,8 

0 

21 

18 

27 

8 

22 

116 

23,2 

Yl 

vu 

VIII 

IX 

X 

TOTAL 

0/ 

/O 

7o 

A 

15 

15 

26 

11 

29 

96 

19,2 

19,0 

B 

36 

31 

32 

47 

30 

176 

35,2 

41,2 

AB 

5 

5 

7 

5 

9 

31 

6,2 

85 

0 

i 

44 

49 

35 

37 

32 

197 

3  «f4 

31,3 

Le  premier  point  important  à  signaler  est  que  les  deux  groupes 
A  et  B  s''  trouvent  chez  toutes  les  nations  et  clans  toutes  les  races. 

Le  tableau  XVIII  nous  montre  le  pourcentage  de  chaque  groupe 
chez  tous  les  peuples  examinés.  Nous  voyons  que  ce  pourcentage 


53q 


LV     L.    ET    MmP    II      HIRSCHFELD. 


est  différent  chez  les  divers  peuples.  A  partir  des  Anglais,  le 
groupe  A  diminue  pendant  que  le  groupe  B  augmente. 


XVI  a 


Provinces  unies. 
>>  centrales 
Pendjab  .  .  . 
Népal .... 
Madras  .  .  . 
Bombay  .  .  . 
Autres  provinces 


Provinces  unies. 
—      centrales 
Pendjab  .     .     . 
Népal.    .    .    . 

Madras    .     .     . 


Nombre 
de  sujets 


18 
4 

41 
2 

14 
5 

10 


41 
43 
11 


17,4 


15,6 


16,2 

24 

19 


Nombre 
de  sujets 


52 

15 

121 

4 
23 

9 
12 


91 

62 

20 

2 

1 


50,5 


46,1 


36 
34,6 
34,4 


Nombre 
de  sujets 


10,0 

1 

37 

1 

1 

2 

2 


23 
7 
1 
3 


9,7 


14,1 


9 

3,9 

1,4 


Nombre 
de  sujets 


23,0 

6 

63 

3 

13 

1 

7 


67 

26 


22,3 


24 


38,7 
37,4 
44.5 


103 

26 

262 


31 


253 
179 

58 

t- 

5 


Table  XV  b 


Hindous  .     .     . 
Mahoméfans     . 


i 

B 

Horaire 
de  sujets 

% 

Nombre 

de  sujets 

/o 

132 

18,5 

275 

40,9 

59 

19,8 

128 

42  2 

Nombre 
de  sujets 


59 

27 


8,7 
7,6 


Nombre 
de  sujets 


228 
76 


31,8 
30,3 


694 
292 


Pour  commenter  les  chiffres  obtenus,  nous  devons  considérer 
tout  d'abord  les  données  développées  par  Dunderu  et  Hirschfeld 
dans  leur  deuxième  communication.  Ils  n'ont  vu,  dans  les 
groupes  AB,  qu'une  combinaison  accidentelle  des  groupes  A  et  B, 
comme  le  groupe  O  Test  pour  non-A  et  non-B.  Si  nous  analy- 


APPLICATION    DES    METHODES    SEROLOOlQUÊS. 


:»;;;; 


sons   notre    statistique  à   ce   point    de    vue,    nous   obtenons   le 
calcul  suivant  : 

Chez  les  Anglais,  le  groupe  A  se  trouve  dans  43,4  0/0  des  cas, 
Le  groupe  B  dans  7,2  0/0;  pour  faire  le  calcul  de  probabilité,  il 
faut  multiplier  43,4/100  par  7,2  100,  ce  qui  nous  donne  301/10.000 

Taslkau  XVI 1 


Anglais  .  . 
F  nuirai  s 
Italiens  .  . 
Allemands. 
Autrichiens 
Bulgares  . 
Serbes  .  . 
Grecs  .  . 
Arabes  .  . 
Turcs  .  . 
[lusses  .  . 
Juifs .  .  . 
Malgaches  . 
Sénégalais . 
Indo-Chinois 
Indiens  .     . 


43  4 
42.6 
3S,0 
43,0 
40,0 
40  6 
41.8 
41,6 
32,4 
38,0 
31,2 
33,0 
26,2 
22,4 
22.4 
19,0 


i',2 

11,0 
12,0 
10,0 
14,2 
15,6 
16,2 
19,0 
18,6 
21,8 
23,2 
23,7 
29  2 
£8,4 
41,2 


AU 


En  réalité 


3,1 
3,0 
3,8 
5,0 
8,0 
6,2 
4,6 
4,0 
5,0 
6,6 
6,3 
5,0 
4,5 
5,0 
V2 
8,5 


3,1 
4,1 
4,1 
5,1 
4  0 
5,7 
6,5 
6,7 
6,1 
7,0 
6,8 
7,6 
6,2 
6,5 
6,4 
7,8 


En  réalité 


46,3 
43,2 

47,2 

40,0 

42,0 

39 

38,0 

38  2 

43,6 

36.8 

40,7 

38,8 

45,3 

43,2 

4?,0 

31,3 


41,9 
46,6 
49,5 
43,1 
42,6 
42.3 
42,7 
43,4 
47,5 
39,9 
44,9 
44,5 
40,5 
47,6 
45,3 
43,7 


Nombre 

total 

d'examinés 


£00 
500 
500 


500 
500 
500 
500 
£00 

1  OO 
500 
400 
500 
500 

10OO 


=  3  0/0.  En  réalité,  on  trouve  3,1  0/0.  Si  A  se  trouve  dans  43,4 
des  cas,  AH  dans  3,1  0/0,  le  groupe  A  se  trouve  ensemble  dans 
46,5  0/0;  le  non-A  se  trouve  dans  53,5  0/0  des  cas.  Le  même 
calcul  nous  donne  pour  non-B  89,7  0/0.  Le  calcul  de  proba- 
bilités nous  donne  pour  le  groupe  O  53,5  0/0  X  89,7/100 
—  4903/10.000  =  49  0/0. 

En    réalité  nons  avons    trouvé  46,4  0/0.  Nous  avons   fait  ce 
calcul  pour  chaque  race  examinée.  Le  tableau  XV11  nous  montre 


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LPPLÎCÀTION    DES    METHODES    S^ROLOGIQUÈS.  535 

qu'il  n'y  a  que  de  petites  différences  entre  le  calcul  et  la  réalité, 
le  calcul  donnant  quelquefois  îles  chiffres  plus  hauts. 

En  basant  notre  opinion  sur  notre  matériel  entier,  qui  se 
compose  d'environ  S. 000  ras,  nous  ne  considérons  le  groupe  AB 
que  comme  une  combinaison  accidentelle  de  A  et  \\.  Si  nous 
voulons  connaître  les  pourcentages  exacts  des  groupes  A  et  B, 
nous  devons  décomposer  le  groupe  AB,  en  l'additionnant  aux 
groupes  A  et  B.  Au  lieu  de  43,4  0/0  A,  7,2  0  0  B,  3  0/0  AH,  ce 
serait  pour  les  Anglais  46,4  0/0  A  et  10,2  0/0  B. 

La  figure  2  montre  sous  forme  d'un  diagramme,  les  résultats 
obtenus,  le  groupe  A  étant  représenté  par  les  lignes  rayées,  le 
groupe  B  par  les  lignes  noires.  On  voit  que  la  prédominance  du 
groupe  A  est  caractéristique  seulement  des  nations  européennes. 
La  plupart  n'en  a  pas  moins  de  45  0/0,  seuls  les  Italiens  en  ont 
41  0/0.  La  diminution  de  ce  groupe  vers  l'Asie  et  l'Afrique  est 
manifeste  ;  chez  les  Malgaches,  on  ne  trouve  que  30  0/0,  chez  les 
Nègres  27,  chez  les  Indochinois  29  et  chez  les  Hindous  27  0/0. 
Les  peuples  qui  se  trouvent  entre  l'Asie  et  l'Europe  centrale, 
à  l'exception  des  Turcs  de  Macédoine,  présentent  un  type  inter- 
médiaire. On  trouve  chez  les  Arabes  37  0/0,  chez  les  Russes  37  0/0 
et  chez  les  Juifs  38  0/0  A.  La  fréquence  du  groupe  A  diminue 
ainsi  constamment,  en  allant  vers  le  Sud  et  vers  l'Est. 

En  considérant  le  groupe  B,  nous  trouvons  juste  le  contraire  : 
Les  Anglais  nous  donnent  100/0,  les  Français  et  les  Italiens  14  0/0 
les  Allemands  et  les  Autrichiens  17  à  18  0/0.  Dans  les  Balkans,  on 
trouve  chez  les  Serbes,  Grecs  et  Bulgares  20  0/0.  Mais  on  constate, 
au  contraire,  pour  l'Afrique  et  l'Asie,  que  le  groupe  B,  qui  est 
numériquement  bas  en  Europe,  atteint  28  0/0  chez  les  Malgaches, 
340/0  chez  les  Nègres,  35  0/0  chez  les  Indochinois  et,  enfin,  comme 
maximum,  49  0/0  chez  les  Hindous.  Les  peuples  du  bassin  médi- 
terranéen et  les  Russes  présentent  un  type  intermédiaire,  les 
Arabes  24  0/0,  les  Turcs  23  0/0,  les  Russes  et  les  Juifs  28  0/0  de  B. 

//  est  remarquable  que  la  distribution  et' A  et  B  correspond  exac- 
tement à  la  situation  (jéoyraphique.  Plus  on  est  près  de  l'Europe 
centrale  et  occidentale,  plus  on  trouve  d'A  et  moins  de  B.  Plus  on 
est  près  de  l'Afrique  et  de  l'Asie,  spécialement  des  Indes,  moins  on 
trouve  d'A  et  plus  de  B. 

Les  peuples  entre  l'Europe,  d'un  côté,  et  l'Asie  et  l'Afrique,  de 
l'autre,  c'est-à-dire  les  peuples  du  bassin  méditerranéen  et  les 
Russes  nous  montrent  les  types  intermédiaires.    Pour  désigner 


536  l>r    L-    ET    Mmè    II.    HIRSGHFELD. 

ces  relations,  nous  appelons  la  proportion  d'A  au  B  l'indice  biochi- 
mique des  races.  Cet  indice,  chez  les  Européens,  varie  entre  4,6  et 
2,5;  il  est.  pour  les  types  intermédiaires,  entre  2  et  1  ;  il  tombe, 
chez  les  Asiatico-Africains,  à  1  ou  à  moins  de  1 .  Le  fait  remar- 
quable que  A  et  B  soient  représentés  dans  des  proportions  diffé- 
rentes peut  être  interprété  de  différentes  façons.  Ainsi  on  peut 
imaginer  qu'auparavant  A  et  B  étaient  représentés  partout  dans  la 
même  proportion  Les  différences  que  nous  trouvons  maintenant, 
tiendraient  à  ce  que,  pour  des  raisons  inconnues,  le  type  A  avait 
plus  de  résistance  dans  le  climat  tempéré,  tandis  que  le  B  serait 
plus  adapté  au  climat  chaud.  L'hypothèse  n'est  pas  vraisemblable. 
Nous  voyons  que  les  Russes  en  Sibérie  ont  le  même  pourcen- 
tage de  B  que  les  Malgaches.  Les  Juifs,  qui  ont  vécu  pendant 
quatre  siècles  dans  les  Balkans,  ont  le  sang  différent  des  autres 
peuples  balkaniques;  les  Turcs  de  Macédoine  ont  plus  de  B  que 
les  Grecs  de  l'Asie  Mineure.  On  voit  donc  que  ce  ne  sont  pas  les 
conditions  climatériques,  mais  seulement  la  provenance,  qui 
puissent  influencer  la  fréquence  d'A  et  de  B.  Il  est  difficile  de 
s'imaginer  un  point  unique  d'origine  de  la  race  humaine  en 
présence  de  notre  statistique.  Comment  expliquer  la  diminution 
d'A  de  l'ouest  vers  le  sud,  tandis  que  B  augmente  dans  le  même 
sens?  Les  résultats  s'expliquent  mieux  si  l'on  admet  un  double 
point  d'origine  pour  les  types  A  et  B.  L'infiltration  de  ces  deux 
races  biochimiques  serait  la  cause  des  proportions  différentes. 
Puisque  la  plus  grande  fréquence  de  B  a  été  trouvée  aux  Indes, 
nous  pouvons  considérer  les  Indes  comme  le  berceau  d'une  partie  de 
l'humanité  de  la  race  biochimique  B  (1).  Vers  l'Est  (Indo-Chine), 
ainsi  que  vers  l'Ouest  (vers  l'Afrique),  se  dirigea  un  grand  courant 
d'Hindous  diminuant  graduellement  et  atteignant  les  coins  les  plus 
occidentaux  de  l'Europe.  Comme  les  nations  asiatiques  et  afri- 
caines sont  toutes  pauvres  en  A,  nous  pouvons  admettre  hypothéti- 
quement  que  A  a  son  origine  au  Nord  ou  dans  l'Europe  centrale. 
Un  examen  détaillé  des  races  du  Nord  pourrait  nous  mener  à  des 
conclusions  importantes  et  inattendues. 

Il  est  étonnant  que  les  résultats  obtenus  par  nos  recherches 
diffèrent  des  opinions  anthropologiques  courantes.  Notre  indice 
biochimique  ne  correspond  nullement  à  la  race  au  sens  habituel  du 
mot.  L'indice  hindou  0,0  diffère  le  plus  de  l'indice  européen, pen- 

(1)  Nous  ne  donnon*  celte  hypothèse  qu'à  titre  provisoire,   car  elle  a  besoin   d'être 
confirmée  par  de  nouvelles  recherches  portant  surtout  sur  les  peuples  de  l'Asie  centrale. 


IPPLICA.ÏIOS    DES    METHODES    SEROLOGIQUES.  537 

dant  qu'on  considère  les  deux  peuples  comme  les  plus  proches.  Les 
Russes  et  les  Juifs,  tellement  différents  dans  l'extérieur  et  le  tempé- 
rament, ont  les  mêmes  indices.  Parmi  des  Slaves,  les  Serbes  et  les 
Bulgares  se  trouvent,  avec  leur  20  0/0  B,à  la  limite  extrême  du  type 
européen,  tandis  que  les  Russes,  représentant  la  majorité  des  Slaves, 
nous  conduisent,  avec  leur  25,33  00  B,  en  plein  type  Asiatico- 
africain.  Les  données  de  l'anthropologie  et  de  l'ethnologie  sur 
l'origine  des  ditTérents  peuples  ont-elles  besoin  d'une  correction? 
Ou  bien  la  différenciation  et  le  mélange  des  races  anatomiques 
et  biochimiques  correspondent-elles  à  deux  périodes  différentes? 
Peut-être  notre  statistique  dénote-t-elle  des  émigrations  et  des 
mélanges  préhistoriques,  antérieurs  aux  différenciations  anato- 
miques des  races.  Une  carte  exacte  et  détaillée  de  la  répartition  des 
groupes  devrait  être  faite.  A  côté  des  races  préhistoriques,  les 
singes  antrhopoïdes  devraient  être  examinés  (Dunderu  et  Hirschfeld 
ont  examiné  les  sérums  des  deux  chimpanzés;  ces  deux  sérums 
contenaient  Anti-B).  Il  est  superflu  d'insister  sur  les  conséquences 
considérables  qu'auraient  de  telles  recherches  faites  sur  une  grande 
échelle. 

Nous  voyons  qu'une  analyse  objective  des  chiffres  obtenus  nous 
mène  à  des  résultats  surprenants  et  qu'un  des  problèmes  les  plus 
saisissants,  celui  de  l'origine  double  de  l'humanité,  peut-être  dis- 
cuté à  laide  de  la  sérologie.  Nous  espérons  ainsi  avoir  prouvé  la 
nécessité  d'introduire  des  méthodes  sérologiques  dans  l'anthro- 
pologie. Au  cours  de  nos  recherches,  nous  avons  été  soutenus  et 
aidés  par  un  grand  nombre  d'officiers  et  médecins  de  l'armée 
d'Orient.  Les  chefs  des  Services  de  Santé,  français,  anglais,  serbes 
et  italiens  nous  ont  facilité  le  travail,  en  nous  munissant  des  perA 
missions  nécessaires  et  en  montrant  toujours  un  intérêt  bien, 
veillant  pour  notre  travail.  A  tous  ceux  qui  nous  ont  aidés  nous 
exprimons  nos  profonds  remerciements. 


LAtrrftitppOLoefc.  —  t.  xxix.  —  191ft  i!)r.t.  35 


VARIÉTÉS 


Notes  sur  V Asie  préhistorique. 

Il  y  a.  à  n'en  point  douter,  un  monde  de  superstitions  et  de  croyances 
qui  se  retrouvent  essentiellement  les  mêmes  en  des  temps  divers  et 
chez  des  peuples  différents,  sans  qu'on  puisse  déduire  de  leurs  ressem- 
blances un  rapport  de  dépendance  ou  de  dérivation.  Elles  ue  sont  pas, 
comme  les  produits  supérieurs  de  la  raison,  quelque  chose  de  réfléchi, 
où  apparaisse  la  personnalité  du  penseur  qui  les  a  formées,  ou  les 
caractéristiques  du  temps  où  elles  naquirent,  ou  de  la  société  où  elles 
se  répandirent,  et  qui  peuvent  être  facilement  accueillis  et  élaborés  à 
nouveau,  selon  des  tendances  nouvelles  en  des  temps  et  des  lieux  diffé- 
rents ;  au  contraire,  toutes  les  différentes  superstitions  et  croyances  ne 
sont  que  le  résultat  des  impressions  directes,  immédiates,  spontanées 
que  l'homme  éprouve  en  face  de  faits  ou  de  phénomènes  déterminés, 
d'où  il  tire  toujours  les  mêmes  relations,  ou  les  mêmes  rapports  de 
causalité,  et  c'est  pour  cela  qu'ils  peuvent  surgir  indépendamment  en 
des  temps  et  des  endroits  divers. 

(  m  ne  sera  donc  pas  surpris  si  en  Chine,  parmi  tant  d'autres  croyances, 
nous  en  trouvons  une  qui  est  des  plus  répandues  dans  notre  peuple. 
Tous  ceux:  qui  s'occupent  de  «  folklore  »  savent  que  les  armes  ou  les 
pierres  taillées  préhistoriques  sont  encore  dans  plusieurs  endroits  consi- 
dérées  et  employées  comme  des  amulettes  et  qu'on  leur  attribue  une 
origine  extra  humaine  comme  le  prouvent  les  noms  qui  les  désignent: 
hachettes  de  la  foudre,  pointes  de  la  foudre,  flèches  de  la  foudre,  etc.  — 
Bien  des  personnes  voient  encore,  dans  ces  premiers  produits  de  l'in- 
dustrie de  l'homme,  la  trace  Visible  que  la  foudre  éclatée  laisse  en 
pénétrant  dans  l<  sol.  Cette  croyance  est  vivante  encore  de  nos  jours; 
non  seulement  elle  fut  répandue  aussi  en  (>\ice,  où  selon  le  direde 
Porphyre,  ces  objets  ('(aient  appelés  Bpcvtefo  c  xspaovia  ou  chez  les 
Latins  (i),  mais  elle  fut  aussi  accueillie  par  les    savants  d'occident, 

(1)  Sur  les  traditions  populaires  v.  Belhjcc]  Arnuletti  Italici.  Pérouse  p.  11  et  ss. 
Fétichisme  in  Italia,  Pérou*e,p.  17  et  p.  11.—  Pour  la  <irèce,v.  Isidokus,  Orig.  ehap.  16» 
Puni  N.  H.  XWVII  §  1  cfr.  Baudoin  et  Bonnemùhe,  in  Revue  Anthropologique)  1914, 
P.  496. 


54o  VARIÉTÉ?. 

jusqu'à  ce  que  notre  Mercati  découvrit  la  vérité.  Or,  une  superstition 
tout  à  fait  semblable  se  rencontre  en  Chine,  au  Japon  en  Birmanie,  etc. 
Bornons  nous  pour  aujourd'hui  à  la  Chine. 

La  notice  la  plus  détaillée  est  donnée  par  Li  She-chin,  un  érudit  ou 
naturaliste  du  xvi°  (1J70-1620)  siècle,  lequel,  après  35  ans  de  travail 
environ,  composa  un  recueil,  intitulé  Peu  tsao  Kau  mu  qui  répartit, 
en  différentes  sections,  pierres,  herbes,  métaux,  plantes,  etc.,  et  décrit 
les  différents  produits  naturels  qu'on  peut  employer  comme  médica- 
ments; l'œuvre  pour  la  compilation  de  laquelle  Li  She-chin  se  servit  de 
800  auteurs,  est  une  vraie  mine  de  renseignements  intéressants  à  bien 
des  égards,  soit  comme  recueil  de  traditions,  soit  comme  observations 
naturelles.  Voilà  un  passage  qui  nous  intéresse  (1). 

Pierre  de  la  foudre.  Tsan-k'i  (2)  raconte  que  de  tels  objets  se  trouvent 
en  général  en  creusant  de  trois  pieds  sous  la  terre  dans  les  endroits  où 
la  foudre  est  tombée  :  leur  forme  est  variable,  il  en  est  qui  ressemblent 
à  des  hachettes,  d'autres  à  des  haches;  il  y  en  a  qui  sont  porcés  de 
deux  trous.  Selon  quelques  opinions  on  les  trouve  à  Leichou  (littérale- 
ment :  la  province  de  la  foudre),  et  dans  Ho-tunr/,  entre  les  montagnes 
et  les  lacs  après  les  orages    accompagués  de  foudre  et   de  tonnerre; 
plusieurs  seraient  semblables   à   des    hachettes,    de  couleur  verdâtre, 
avec    une    marbrure    sombre  et   dure   comme  le  jade.   D'autres   sou- 
tiennent que   ces   objets  sont  des  produits  de   l'industrie  de  l'homme 
offerts  aux  dieux  :  Quant  à  moi  je  ne  peux  pas  assurer  la  vérité  de  la 
chose.  She  ching  dit  :  «  Lei-sha  (livre  de  la  foudre  j  rapporte,   que  les 
hachettes  dites  de  la  foudre  ressemblent  aux  hachettes   faites  de  cuivre 
et  de  fer   et  que    les  «  chenn  »  (3)  de   la  foudre   sont    idetitiques   aux 
a  chenn  »  communs  et  de  pierre;  ils  sont  de  couleur  rouge  ou  sombre; 
les  marteaux  de  la  foudre  sont  lourds  de  quelques  livres  et  des  scalpels 
de  la  foudre  sont  longs  à  peu  près  d'un  pied  et  ressemblent  à  ceux  de 
métal  :  le  Dieu   du  tonnerre  se  sert  de  ces  derniers    pour  fendre  et 
frapper.  Les  anneaux  de  la  foudre  ressemblent  aux  anneaux  de  jade  et 
ne  sont  autre  chose  que  les  ornements  de  la  ceinture  du  dieu  du  ton- 
nerre précipités  du  ciel.  Les  perles  de  la  foudre  sont  abandonnées  à 
leur  poids  par  le  dragon  céleste  ;  pendant  la  nuit  elles  éclairent  toutes 
choses  ». 

En  outre  il  est  dit  dans  Po-wu-chi  (4)  :  «  parmi  le  peuple  on  voit 
souvent  des  pierres  minces,  qui  ressemblent  par  leur  forme  à  de  petites 
hachettes,  généralement  appelées  «  hachettes  de  la  foudre  »,  ou  encore 


(1)  Section  des  pierres,  ehap.  10,  §  dernier. 

(2)  Ecrivain  ayant  vécu  au  vin»  siècle. 

1  e  chenn  est  vraiment  une  piefre  où  l'on  hit  et  lave  les  draps  :  lapis  fullo  nicuii 
(4)  Œuvre  du  m"  siècle. 


v  uuri  i  - 


5A  t 


a  coins  de  la  foudre,  »  Hiuen-chung  (i)  aussi  nous  rapporte  que  dans 
une  région  à  l'occident  de  la  Porte  de  Jade  fyu-men;  Kau-su)  il  y  a  sur 
une  montagne  un  temple,  où  ces  gens-là  offrent  tous  les  ans  à  la  foudre 
des  scalpels  pour  se  la  rendre  propice;  cependant  ce  n'est  pas  une 
chose  avérée, 

La  foudre  dérive  de  deux  énergies:  de  Vinget  de  Vang  (a)  :  c'est  pour 
cela  que  le  son  en  est  faible  et  fort  en  même  temps  <•!  produit  en  réalité 
des  objets  immatériels  d'où  dérivent  les  cires  différents,  qui  sont  mani- 
festations s  i  s  i  1  )  1  e  s  dos  espèces  invisibles;  et  précisément,  la  hache,  les 
chenn,  les  scalpels,  les  marteaux  sont  tous  des  objets  réels.  S'il  est 
vrai  ([ue  les  types  se  déterminent  clans  le  ciel  et  que  les  formes  se 
spécifient  sur  la  terre,  il  en  résulte  que  comme  les  étoiles  qui,  tombant 
du  ciel,  deviennent  des  masses  de  pierre,  ainsi  métaux,  pierres,  millet, 
grain,  poil,  sang  ou  autres  substances,  tombant  comme  la  pluie, 
acquièrent  une  telle  forme  seulement  sur  la  terre.  C'est  dans  l'Ether 
que  se  constituent  les  objets  immatériels. 

Pendant  la  dynastie  Ch'ên  (557-558  apr.  J.-G.)  Su  Sbao  posséda  des 
marteaux  de  la  foudre  du  poids  de  neuf  livres  et  pendant  les  Sung 
(960-1278  apr.  J.-C).  Shénko,  après  l'orage,  trouva  sous  un  arbre  un 
coin  de  la  foudre  semblable  à  une  hache  mais  qui  n'était  foré  d'aucun 
trou.  Cependant  les  lois  surnaturelles  sont  mystérieuses  et  par  consé- 
quent ne  peuvent  être  parfaitement  connues.  Ainsi  s'exprime  Li  She- 
chin  et  puisqu'il  parle  de  la  découverte  de  Shen-ko  il  ne  sera  peut-être 
pas  hors  de  propos  de  reproduire  ce  que  ce  non  moins  fameux  natura- 
liste lui-même  avait  écrit.  Shen-ko  qui  vécut  au  xr*  siècle,  est  l'auteur 
d'une  vaste  encyclopédie,  intitulée  Mêng-ch'i-pi-t'an  dans  laquelle,  au 
chapitre  20,  on  lit  :  «  On  dit  en  général  que  la  découverte  des  hachettes 
de  la  foudre  ou  des  coins  de  la  foudre  provient  de  ce  que  le  dieu  de  la 
foudre  laisse  tomber  ces  objets  et  à  l'ordinaire  ceux-ci  se  trouvent  après 
les  orages  accompagnés  de  foudre  et  de  tonnerre.  Quant  à  moi  pourtant 
je  ne  les  ai  jamais  vus,  sinon  que  pendant  la  période  Yuen-fung  (1078- 
1096)  habitant  Suei-chou  durant  l'été  il  me  fut  donné  de  trouver,  après 
un  grand  orage,  sous  un  arbre  cassé,  un  coin,  comme  le  veut  la  tradi- 
tion commune.  Généralement  les  hachettes  de  la  foudre  sont  en  métal  ; 


(1)  Œuvre  du  ve  siècle. 

(2)  Li  She-chin  veut  donner  à  présent  l'explication  de  telles  découvertes  et 
recourt  à  la  théorie  bien  connue  de  Ving  et  de  Vang  les  deux  différentes  modalité  do, 
l'énergie  cosmiqup,  l'une  principe  féminin  l'autre  principe  masculin  qui  s'al  ornent 
continuellement  en  donnant  origines  aux  êtres  différents  :  dans  le  ciel  ou  dans  L'Ether 
(le  grand  vide)  se  forment  tant  de  types  immatériels,  lesquels  peuvent  se  spécifier 
et  se  matérialiser  seulement  en  descendant  sur  la  terre  :  c'est  pour  cela  que  des 
objets  pareils,  haches  scalpels  etc.  de  la  foudre  ne  sont  autre  chose  que  produits 
des  énergies  supérieures  qui  acquièrent  leur  forme  réelle  tombant  par  terre. 


»      » 


5/j3  VARIÉTÉS. 

les  coins  au  contraire  sont  en  pierre,  et   ressemblent  aux  hachettes, 
mais  ils  n'ont  point  de  trou  ». 

En  résumé,  les  différents  objets  que  les  Chinois  croient  produits  par 
la  foudre,  selon  les  deux  sexes  cités  seraient  :  i°  les  hachettes  de  la 
foudre  [Lei-fu  o  P'i-U-fu);  2°  les  marteaux  de  la  f.  (Lci-cJïuci)  ;  3°  les 
chenn  de  la  f.  (Lci-chenn)  ;  4°  les  coins  de  la  f.  /.ei-sie  ou  pils-sie  ;  5°  les 
scalpels  de  la  f.  (Lei-tgyuan)\  0°  les  anneaux  de  la  f.  (Lei  huan);  70  les 
perles  delà  f.  (Lei-chu). 

Tous  peuvent  être  réellement  produits  par  l'industrie  humaine  sauf 
les  derniers  dits  :  perles  de  la  foudre,  qui,  probablement,  ne  sont  autre 
chose  que  des  bolides  ou  aérolithes  (1). 

De  sorte  que  les  deux  passages  traduits  de  Pen-ls'ao  et  de  Mêng-ch'i 
pi-t'an  ont  de  l'importance  non  seulement  pour  les  connaissances  qu'ils 
donnent  concernant  les  superstitions  qui  vivent  et  qui  ont  vécu  en 
Extrême-Orient  et  les  croyances  diffuses  et  communes  aussi  parmi 
nous,  mais  encore  parce  qu'ils  témoignent  de  la  découverte  d'objets 
qui  vraisemblablement  appartiennent  à  l'âge  préhistorique  en  Chine 
même.  Du  reste  ce  ne  sont  pas  là  les  deux  seules  sources  de  renseigne- 
ments sur  cette  question.  Quoique  les  Chinois  se  soient  occupés  d'une 
manière  spéciale  d'archéologie  classique  comme  nous  aurions  droit  de 
la  nommer,  portant  surtout  leur  attention  et  leurs  recherches  vers  les 
monuments  écrits  et  d'un  immédiat  intérêt  historique,  pourtant  il  ne 
manque  pas  d'indications  dans  leur  immense  littérature,  même  acciden- 
telles, qui  puissent  intéresser  l'archéologie  préhistorique  proprement 
dite.  Ainsi,  par  exemple,  dans  Shu-king,  un  des  livres  classiques  des 
Chinois  généralement  connu,  quoique  improprement,  sous  le  nom  de 
«  Livre  des  annales  »,  dans  la  section  Yi'i-hung,  ou  tribut  de  Vii  (empe- 
reur semilégendaire  qui  régna  selon  la  tradition  de  32o5  à  2198  avant 
J.-Ch.)  nous  trouvons  les  noms  de  quelques  personnes  qui  lui  avaient 
présenté  en  hommage  des  pierres  pour  faire  des  pointes  des  flèches  (2). 
D'autres  indications  concernant  la  découverte  des  objets  en  pierre  taillée 
se  peuvent  tirer  d'ouvrages  d'archéologie  comme  le  Ku-yi'i-t'u  p'u 
(xir"  siècle  après  J.-C.)  ou  le  Kin-shih-so  (publié  dans  la  première 
moitié  du  xix"  siècle). 

De  plus,  dans  ces  dernières  années  ont  été  mis  au  jour,  sur  le  sol 
chinois  quoique  en  nombre  restreint,  quelques  restes  lithiques  dont  les 
savants  d'occident  se  sont  occupés  en  partie,  et  qui  en  quelque  sorte- 
appuient   des  documents  des   indications   fournies  par    les   écrivains 

(t)  Le  mémo.  Slion-ko,  l'autour  de  Men^-chin-pi-t'an  nous  n  décrit  la  chute  d'un 
aéiolithe  :  le  passage  a  été  publié  et  traduit  par  le  prof.  (,.  Vacca  dans  les  «  Notes 
Chinoises  11.  La  chute  d'un  aérolithe  dans  Rivisla  di  Studi  Ovientali.  Vol.  VI  1913, 
page  133. 

(2)  Shu-king  éd.  Legge  Qiinrse  Classies.  Hong-Kong,  1861-95,  vol.  III  p.  1  page  121. 


»      p 


VARIÉTÉS.  543 

indigènes.  Un  recueil  de  toute  la  littérature  a  été  l'ail  par  Laufer  (1) 
lequel  pourtant,  à  propos  d'un  âge  préhistorique  de  la  Chine,  arrive  à 
des  conclusions  absolument  négatives.  [1  croit  que  si  l'on  peut  parler 
d'un  âge  de  pierre,  dans  la  Chine  entendue  dans  le  sens  géographique, 
on  ne  peut  pas  dire  la  même  chose  des  Chinois  comme  groupe  ethnique 
en  soi  ;  les  objets  découverts  appartiendraient  à  ces  nombreuses 
tribus,  que  les  Chinois  trouvèrenl  déjà  maîtresses  du  sol  sur  lequel 
ils  se  répandirent  ensuite,  el  pour  lesquelles  l'usage  des  ustensiles  et 
spécialement  îles  armes  de  pierre  peut  être  appuyé  de  documents 
jusqu'à  des  époques  relativement  voisines  de  nous.  Celte  théorie  de 
Laufer  peut  sembler  en  réalité  bien  étrange.  Il  est  vrai  que  la  décou- 
verte des  objets  préhistoriques,  dont  on  a  des  indications  est  bien  limi- 
tée, et  la  description  qu'on  en  a  ne  possède  pas  toujours  la  clarté  cl  la 
précision  que  nous  délirerions.  Mais  n'est-il  pas  hasardeux  d'admettre 
qu'un  peuple  soit  parvenu  à  la  phase  de  la  civilisation,  qu'on  convient 
de  nommer  civilisation  du  bronze,  sans  avoir  passé  par  une  pbaso 
antérieure,  de  la  pierre,  qui  précède  partout  celle-là?  De  plus  si  beau- 
coup de  découvertes  eurent  lieu  dans  des  régions  relativement  éloignées 
de  l'habitat  primitif  du  peuple  chinois,  qui  s'étendit  d'abord  sur  les 
rives  fertiles  de  Huang-ho,  pourtant  c'est  un  fait  que  certains  objets 
décrits  par  Laufer  (parmi  lesquels  le  très  beau  marteau  de  jade  repro- 
duit dans  la  planche  HT) proviennent  des  enviions  deSi-ngan-fu  dans  le 
Shen-si  :  à  présent  c'est  un  fait  presque  vérifié  (pie  les  races  chinoises 
avancèrent  et  se  répandirent  lentement  de  l'Ouest  vers  l'Est,  eu  s'élen- 
dant  en  même  temps  vers  le  Nord  et  le  Sud  des  rives  du  fleuve  Jaune, 
et  il  faut  noter  que  quelques  unes  des  plus  antiques  traditions  chinoises 
sont  localisées  proprement  dans  cette  région  ;  ainsi  p.  ex.  Hua-su,  mère 
de  Fu-hi,  un  des  premiers  empereurs  mythiques  chinois  (28G2-2738 
avant  J.-C.  selon  la  tradition)  naquit  à  Lanl'ien  pays  voisin  du  SUngan- 
fn  (a)  actuel.  De  plus,  les  princes  de  Chou,  qui  devinrent  plus  tard  les 

(!)  Les  objets  connus  jusqu'à  présent  proviendraient  du  Shen-si  :  (Gioliom,  «  I/t'Ià 
délia  pietra  in  Cina  colla  descrizione  di  alcuni  esemplari  nella  mia  collezione,  in 
Archivio  per'l'Antropologia.  ed  Efnografia.  Vol.  XXV1I1, 1898  page  874  sgg.  ».  —  Laufrr 
Jade  a  study  in  Chinese  Archeology  and  religion.  Publication  154  of  Field  Muséum 
of  natural  Hiitory  Antrop.  Séries.  Chicago,  1912,  pp.  35  et  suiv  )  :  du  Yun-nan 
(Andkrson,  A.  report  on  the  expédition  to  western  Vun-nan  via  lUiamo,  Calcutta, 
1871  pp.  410  et  suiv.—  Brbwn,  Stone  implements  from  tbe  Teng-Yùeb  District  Yunnan 
Province,  Western  China,  in  Journal  and  Prof-eedinys  of  the  Asiatic  Society  of  Bengal 
(vol.  Y,  1910  pp.  299  et  suiv.)  ;  du  Se-ch'uan  (P.aber,  Travels  and  Researches  in  Western 
China  in  Supplementary  papers  of  Royal  Geographical  Society  1886,  pp.  129  et  suiv.  ; 
du  Yi'i-Chou  (Hdkinb,  Stone  Hatchets  in  China  in  Nature  vol.  XXX,  1894,  pp.  515  et 
suiv.,;  du  Shan-tung  (Laufer,  op. cit.,  pp.  46  et  suiv.) 

(2)  Hirth,  Ancient  History  of  China  New  York,  1911,  page  8  ;  selon  les  autres  tradi- 
tions Hua-su  serait  le  nom  d'un  pays  voisin  de  Si-ngan-fu,  v.  Piuni,  Le  origini  délia 
civilta,  secondo  la  tradizione  a  la  storia  dell'Estremo  Oriente.  Firenze,  1891  p.  31,  n*  3. 


.Vj'i  VARIÉTÉS. 

fondateurs  de  la  dynastie  Chou  (i  i  12-249  avant  J.-C.)  étaient  originaires 
du  petit  État  de  Pinj,  précisémeet  voisin  de  Si-ngan-fu  et  tout  près  de 
cette  ville,  il  y  avait  ce  bourg  de  H  au  (i)  que,  selon  un  livre  d'antiques 
annales,  connues  généralement  sous  le  nom  des  «  Annalesdc  bambou  », 
Wen-wang  fit  construire  pour  son  fils  Wu-wang. 

De  plus  il  est  notoire  que  ce  sont  les  coutumes  et  les  cérémonies 
religieuses  qui  rmJntiennent,  en  les  cristallisant  presque,  non  seule- 
ment les  pratiques  et  les  habitudes  les  plus  antiques,  mais  même  les 
objets  du  culte  qui  se  transmettent  de  siècle  en  siècle  invariées  et  inva- 
riables par  un  respect  sacré.  A  présent  de  même  qu'à  Rome,  où  comme 
le  dit  la  phrase  même  inter  saxum  et  sacra,  on  faisait  usage  du  culter  de 
pierre  aux  temps  historiques  dans  les  sacrifices,  qu'en  Egypte,  où  selon 
les  recherches  de  Morgan,  les  ustensiles  de  pierre  se  maintinrent  dans 
les  pratiques  du  culte  bien  longtemps  après  que  l'âge  de  la  pierre, 
proprement  dit,  fut  terminé  (2),  en  Chine  nous  trouvons  comme  de 
pures  survivances,  les  haches  de  jade  employées  pour  plusieurs  cérémo- 
nies soit  comme  moyen  d'exorcisme  pour  chasser  les  esprits  malins, 
soit  pendant  les  danses  au  temple  des  ancêtres.  Enfin  un  autre  argu- 
ment, qui  —  selon  moi  —  contredit  Laufer  peut  se  tirer  de  la  langue 
chinoise  elle-même.  On  sait  que  la  langue  chinoise  est  une  langue 
idéographique  dont  les  idées  sont  exprimées  par  des  caractères  spéciaux; 
une  partie  de  ces  caractères  est  dite  générique  et  exprime  en  général 
l'idée  fondamentale,  l'autre  phonétique  qui  sert  à  déterminer  le  son 
même  du  caractère.  Or,  il  est  certainement  remarquable  que  beaucoup 
de  caractères  signifiant  flèche,  épée,  couper,  retrancher,  marteau  et 
semblables  se  trouvent  sous  la  classification  des  pierres.  Mais  je  préfère 
laisser  la  parole  au  prof.  Puini,  qui,  pour  autant  que  je  sache,  a  été  le 
premier  à  noter  le  fait  :  «  L'usage  très  antique  'de  la  pierre  parmi  les 
peuples  de  la  Chine,  non  seulement  pour  la  fabrication  des  armes,  mais 
aussi  des  objets  de  genres  différents,  est  témoigné  clairement  par  beau- 
coup de  mots  de  la  langue  chinoise  même.  Les  idées  de  couper,  fendre, 
piquer,  percer,  racler,  battre,  rompre,  déchirer,  tuer  sont  fréquemment 
exprimés  par  les  idéogrammes,  où  l'on  trouve  partout  un  élément 
commun  qui  on  soi  signifie  «  pierre  ».  Aussi  dans  certains  mots  qui 
veulent  exprimer,  bracelet,  anneau,  collier,  tessère,  tablette,  sceptre, 
comme  aussi  dans  les  noms  des  différents  instruments  musicaux  on 
trouve  de  même  un  élément  commun,  qui  indique  celte  pierre  dure 
que  les  Chinois  appellent  yu (jadéi tes,  pagadite,  ou  néphrites)  »  (3). 

(i)   Shu-Kinq   et    Lbggb  cité    ci-dessus.  Prolegomena,  page  140;  la   traduction   est 
reproduite  par  Hirth,  œuvre  citée,  page  54. 

(2)  Chez  les  Hébreux  les  couteaux  de  pierre  furent  employas   pour  la  circoncision 
jusqu'à  un  âge  relative  ment  Jrécent. 

(3)  PuiHl,  op.  cit.  p,  163. 


VARIÉTÉS  545 

En  conclusion,  s  il  est  vrai  qu'il  \  a  peu  d'objets  préhistoriques 
découverts  en  Chine,  sûrement  connus  et  si  les  indications  des  écrivains 
chinois  à  cet  égard  sont  imparfaites  et  incertaines,  pourtant  l'hypothèse 
de  Laufer  --  selon  moi  —  est  ou  prématurée  ou  au  moins  hasardée.  Du 
reste  les  Chinois  eux-mêmes  virent  peut-être  bien  clair  dans  l'évolution 
de  leur  histoire,  qui  est  d'ailleurs  commune  à  tous  les  peuples.  «  Les 
armes  de  pierre  furent  fabriquées  pendant  le  gouvernement  de  Shen- 
aung  (2737-2705  avant  J.-C),  celles  faites  d'une  pierre  dure  et  par 
conséquent  plus  difficile  à  façonner  (pierre  yu)  furent  fabriquées  et 
mises  en  usage  sous  le  gouvernement  de  Huang-Ti  (2704-2695  avant 
J.-C).  On  doit  l'art  de  fondre  le  métal  pour  fabriquer  les  armes  à  Ch'i- 
)u  »  (1).  Or  donc,  puisque  chacun  de  ces  empereurs  mythiques  person- 
nifie une  période  de  l'humanité,  les  différentes  phases  du  progrès 
humain  décrites  déjà  par  le  génie  divin  de  Lucrezio  Guro  sont  expri- 
mées dans  le  passage  ci-dessus  cité. 

Giuseppe  Fucci. 
(Traduit  de  l'italien  par  Stefania  Kalingwska). 

(1)  Puim,  op.  cit.  p.  163,  traduction  d'un  \  assage  du  Vai-peh-yin-Kivg. 


YARrÉTÉS,  ,V,~ 


Le  Musée  d*  Etluwgrapliie  du  Trocadcro. 

Lors  do  la  discussion  récente  du  budget  de  1  (> 1 9,  un  ex-député, 
M.  Jean  Bon,  a  proféré  de  violentes  attaques  contre,  le  Musée  d'Ethno- 
graphie, .l'ai  la  prétention  d'être  en  mesure  d'apprécier  la  valeur  de  ces 
critiques,  puisque  j'ai  l'honneur  d'être,  depuis  1907,  le  Conservateur 
«  chargé  du  classement  scientifique  et  de  l'installation  des  collections  » 
de  ce  Musée,  d  ont  je  connais  les  défauts  que  j'ai  maintes  fois  signalés 
à  l'Administration  supérieure.  Pour  permettre  au  lecteur  de  juger  à 
qui  incombe  la  responsabilité  d'une  situation  que  je  n'ai  cessé  de 
déplorer,  il  me  suffira  de  l'exposer  simplement  et  en  toute  sincérité  (1), 


# 


Le  Musée  d'Ethnographie  a  été  particulièrement  éprouvé  pendant  la 
guerre  :  à  l'exception  du  Conservateur-administrateur,  tout  son  per- 
sonnel avait  été  mobilisé,  et  l'unique  gardien  temporaire  désigné  pour 
assurer  le  service  ne  pouvait,  malgré  son  bon  vouloir,  suffire  aux 
multiples  besognes  qui  lui  incombaient.  Aussi  n'est-il  pas  surprenant 
qu'un  certain  nombre  de  pièces  qui  exigent  un  entretien  constant, 
telles  que  des  étoffes  de  laine  et  des  vêtements  en  peau,  aient  été 
détruits.  —  Je  n'ai  pas  besoin  d'ajouter  que  les  arrivages  ont  été  entiè- 
rement nuls  durant  cette  période. 

À  la  cessation  des  hostilités,  la  vie  a  repris  avec  uno  intensité 
nouvelle.  Les  dons  affluentet,  chaque  jour,  des  objets  d'un  haut  intérêt 
viennent  s'ajouter  aux  richesses  qui,  depuis  39  ans,  se  sont  accumulées 
dans  les  locaux  du  Palais  du  Trocadéro  affectés  au  Musée  d'Ethnographje. 
Lors  de  sa  créaction,  en  1880,  ce  Musée  possédait  6.000  pièces;  il  en 
compte  aujourd'hui  plus  de  100.000,  que  nous  devons  presque  toutes  à 
la  générosité  de  nos  correspondants.  Le  total  des  objets  acquis  se 
chiffre  par  un  nombre  infime,  et  la  raison  en  est  fort  simple  :  le  Crédit 
alloué  pour  achat  de  collections  cl  étiquettes  n'a  pas  dépassé,  jusqu'à  une 
époque  récente,  la  somme  de  200  francs  par  an.  Qu'on  s'étonne,  après 
cela,  que  des  pièces  uniques  soient  allées  à  l'étranger  et  que  l'étiquetage 
soit  défectueux.  Une  année,  cependant,  j'ai  pu  acquérir  une  pièce  rare, 
hautement  appréciée  de  tous  les  spécialistes  :  il  s'agissait  d'une  de  ces 

(1)  Mon  prédécesseur,  le  Dr  Hamy,  g  publié,  dans  la  Revue  d'Ethnographie  (t.  VIII, 
1889,  pp.  304  608),  un  intéressant  travail  sur  Les  origines  du  Mutée  d'Ethnographie. 
La  présente  note  en  est,  eu  quelque  sorte,  la  suite,  puisqu'elle  résume  la  situation 
actuelle  de  l'établissement  et  qu'elle  montre  que  les  obstacles  qu'il  a  fallu  vaincre 
pour  aboutir  à  sa  création  s'opposent  aujourd'hui  a  son  développement. 


V  VRIKTKS. 

amulettes  en  jade  de  la  Nouvelle-Zélande  désignées  sous  le  nom  d'étéiki. 

Le  Musée  du  Trocadéro  en  possédait,  il  est  vrai,  trois  spécimens,  mais 
les  trois  n'étaient  que  de  vulgaires  moulages  en  plâtre.  Un  original 
venait  d'être  vendu  6.000  francs  à  Londres,  et  je  me  suis  laissé  tenter 
parle  bas  prix  qui  m'était  demandé  (25o  francs).  Cette  année-là,  il  m'a 
fallu  renoncer  à  l'étiquetage.  A  la  suite  de  mes  instances  réitérées,  le 
crédit  affectéa  l'«  achat  de  collections  etétiquettes  »  a  été  porté  à  5oo  francs 
par  an.  Que  peut-on  faire  avec  cette  somme  au  point  de  vue  de  l'étique- 
tage ?  Une  foule  de  pièces  ont  dû  être  laissées  avec  un  simple  numéro 
de  catalogue  et  les  étiquettes  générales,  qui  fourniraient  au  public 
d'utiles  indications,  brillent  partout  parleur  absence.  Les  numéros  de 
catalogue  eux-mêmes  n'existent  plus  sur  tous  les  objets.  On  avait  eu 
fâcheuse  idée,  dans  les  débuts,  de  les  imprimer,  àla  l'aide  d'un  com- 
posteur, sur  de  minuscules  rectangles  de  papier  qui  étaient  fixés  plus 
ou  moins  solidement  au  moyen  de  gomme;  beaucoup  se  sont  décollés 
et  ont  disparu.  Pour  identifier  les  pièces  qui  en  manquent,  un  long 
travail  de  révision  a  été  entrepris,  qui  est  actuellement  interrompu, 
faute    de  personnel. 

Personnel.  —  Avant  la  guerre,  le  nombre  des  employés  était  notoirement 
insuffisant.  A  l'origine,  alors  que  toutes  les  collections  auraient  pu 
facilement  tenir  dans  une  salle  unique,  le  personnel  comprenait  deux 
conservateurs  (un  chargé  du  classement  scientifique  et  de  l'installation 
des  collections,  l'autre  sans  attributions  déterminées),  un  sculpteur- 
modeleur,  un  brigadier  des  gardiens  et  deux  gardiens,  auxquels  furent 
bientôt  adjoints  un  troisième  gardien  et  un  menuisier.  Le  deuxième 
conservateur  a  été  chargé  plus  tard  de  l'administration;  le  sculpteur- 
modeleur,  en  récompense  des  services  qu'il  avait  rendus,  a  rec;u  le 
titre  d'inspecteur. 

Actuellement,  l'effectif  comprend  le  même  personnel,  avec  une 
simple  modification  :  le  menuisier,  qui  était  payé  à  la  journée,  a  été 
remplacé  par  un  gardien  titulaire.  Toutefois,  lorsque  la  collection  de 
poupées  qui  existait  au  Musée  pédagogique  a  été  transférée  au  Trocadéro, 
malgré  ma  protestation,  la  vénérable  dame  qui  avait  patiemment 
constituéeette  collection,  a  figuré,  au  titre  d'employée,  sur  la  liste  du 
personne]  du  Musée  d'Ethnographie,  En  raison  des  services  qu'elle  a 
pu  rendre  au  cours  de  sa  longue  existence,  il  était  légitime  de  lui 
octroyer  une  rente  viagère,  mais  il  semble  un  peu  excessif  de  la  consi- 
dérer comme  faisant  partie  du  personnel  et  de  prélever  son  indemnité 
sur  !<•  trop  modeste  budget  de  l'établissement. 

Unsi,  les  collections  avaient  beau  s'accroître  dans  des  proportions 
inespérées  à  L'origine,  ce  qui  entraînait  nécessairement  L'installation  de 
nouvelles  salles  et  avait  pour  conséquence  d'augmenter  singulièrement 


VARIÉTÉS»  549 

le  travail.  L'effectif  du  personnel  n'a  pas  clé  modifie  depuis  nombre 
d'années.  Aujourd'hui,  par  suite  de  la  guerre,  cet  effectif  est  loin  d'être 
complet;  à  La  démobilisation,  Le  personnel  des  gardiens  s'est  trouvé 
réduit  au  gardien-chef  et  à  un  simple  gardien.  Pour  ouvrir  au  public 
une  petite  partie  dû  Musée,  il  a  fallu  avoir  recours  à  un  gardien  tempo- 
raire. Tout  récemment,  un  brave  mutilé,  amputé  du  bras  droit  et  privé 
d'un  œil,  a  été  nommé,  maison  ne  saurait  exiger  de  ce  bon  serviteur 
de  La  patrie  certains  travaux  [qui  réclament  quelque  déploiement  de 
force  ou  de  l'habileté  manuelle.  Deux  emplois  de  gardiens  restent 
encore  sans  titulaires  et,  lorsqu'ils  seront  nommés,  il  sera  toujours 
impossible  d'assurer  la  surveillance  des  div  vaste»  salles  et  paliers  où 
sont  entassées  les  collections,  d'entretenir  convenablement  ces  collec- 
tions et  les  locaux,  et  d'exécuter  les  multiples  travaux  qui  incombent  à 
celle  catégorie  d'employés. 

Locaux.  —  En   présence  de  l'accroissement  rapide  des  richesses  du 
Musée  indiqué   plus  haut,    il   a   fallu  s'ingénier  à  les  loger.   L'arrêté 
ministériel  du  i'\  novembre  1879,  avait  affecté  «  à  la  conservation  des 
collections  ethnographiques  du  Ministère  de  l'Instruction  publique  et 
aux  services  qui  en   dépendent  »  les    «    salles,   péristyles,   galeries  et 
dépendances  occupant  le  premier  étage  du  palais  du  ïrocadéro,  les 
combles  et  les   magasins  situés  au-dessus  desdites  salles  et  le  pavillon 
annexe,  placé  à  l'entrée  du  Trocadéro,  du  côté  de  Passy   ».   Le  palais 
n'avait  pas  été  construit  en  vue  d'y  installer  un  Musée,  et  Viollct-le-Duc, 
qui  avait  été  chargé  d'étudier  «  l'appropriation  d'un  local  pour  le  Musée 
ethnographique  »,  l'avait  nettement  éliminé,  parce  que  ses  «  galeries 
longues,  relativement  étroites,  sans  annexes,  se  prêteraient  fort  mal  au 
'  classement  que  tout  ethnographe  sera  entraîné  à  adopter  ».   Il  aurait 
pu  ajouter  que,  dans  plusieurs  d'entre  elles,  l'éclairage  est  très  défec- 
tueux. L'éminent  architecte  avait  également  prévu  que,  pour  empêcher 
l'altération  des  objets  par  le  froid  et  l'humidité,  il  serait  nécessaire  de 
chauffer  suffisamment  les  locaux.    Les  sages  avis  d'un  homme  aussi 
compétent  n'ayant  pas   été  écoutés,   il  ne  restait  qu'à  utiliser  pour  le 
mieux  l'emplacement  concédé.  Bientôt  les  galeries  furent  emeombrées 
et  il  devint  nécessaire  d'installer  des  collections  sur  les  vastes  paliers 
où  la  lumière  parvient  à  peine.   Cela   ne  suffit  pas  :  la  belle    galerie 
circulaire,  située  en  avant  de  la  salle  des  Fêtes  et  où  la  lumière  pénètre 
à  flots,  reçut  à  son  tour  les  collections  d'Asie  ;   mais  ses  larges  baies 
n'étant  pas  vitrées,  les   objets  ne  tardèrent  pas  à  se  détériorer  sous 
l'action  des   agents   atmosphériques.  Aussi,    en   1890,  le  ministre  de 
l'Instruction  publique  ordonna-t-il  leur  transfert  au    Musée   Guimet, 
d'où  ils  ont  été  répartis  entre  divers  établissements  deprovince.  Depuis, 
il  n'existe  plus  de  collections  ethnographiques  d'Asie  dans  la  capitale, 
à  part  quelques  collections  bien  spéciales. 


>0O  V.VHIETES. 


Malgré  La  suppression  des  collections  asiatiques,  la  place  continua  a 
manquer,  la  galerie  rendue  libre  ne  pouvant  être  occupée  tant  que  ses 
baies  n  seraient  pas  closes  par  des  fenêtres  vitrées.  Pourquoi  n'a-t-on 
pas  songé  à  aménager  cette  salle,  qui  aurait  été  la  plus  belle,  la  mieux 
éclairée  du  Musée?  J'en  connais  les  raisons,  qui  ne  sont  peut-être  pas 
de  celles  qu'on  aime  à  proclamer.  A  cette  époque,  la  dépense  n'eut  pas 
été  très  élevée,  et  la  preuve  en  a  été  fournie  dix  ans  plus  tard,  lorsque, 
pour  l'Exposition  universelle  de  njoo,  une  des  extrémités  de  cette 
galerie  a  été  close  pour  recevoir  les  collections  de  la  Sous-Commission 
des  Monuments  mégalithiques,  de  la  Société  et  de  l'École  d'Anthropo- 
logie :  l'entrepreneur  qui  avait  fourni  les  fenêtres  en  location,  les  a 
ensuite  cédées  à  l'État  pour  une  somme  relativement  minime.  Cette 
partie  de  la  galerie  circulaire  a  été  restituée  au  Musée  d'Ethnographie 
qui  a  pu  y  installer  sommairement  quelques  collections  d'Europe. 
L'extrémité  opposée  a  été  vitrée  aux  frais  de  MM.  de  Créqui-Monfort 
et  Sénégal  de  la  Grange,  qui  en  avaient  obtenu  la  jouissance  pour  quatre 
ans,  afin  de  pouvoir  y  exposer  les  merveilleuses  collections  provenant  de 
la  mission  organisée  par  eux  en  Bolivie.  Quant  au  reste  de  la  galerie, 
qui  en  constitue  de  beaucoup  la  partie  la  plus  importante,  il  m'a  encore 
été  impossible,  en  dépit  de  mes  persévérantes  démarches,  d'en  obtenir 
la  restitution  au  Musée  d'Ethnographie.  Je  me  suis  heurté  à  une 
opposition  systématique  de  la  Commission  supérieure  des  Théâtres 
qui,  sous  prétexte  de  ne  pas  apporter  d'entraves,  en  cas  de  panique  ou 
de  sinistre,  au  dégagement  de  la  salle  des  Fêtes,  s'est  refusée  à  rendre 
la  dite  galerie  à  la  destination  qui  lui  avait  été  assignée  par  l'arrêté 
ministériel  du  24  novembre  1879.  Peut-être  faudrait-il  chercher  un 
autre  motif  à  son  opposition,  car  le  projet  d'aménagement,  accompagné 
d'un  plan,  que  j'avais  soumis  au  Ministère  de  l'Instruction  publique, 
au  Sous-Secrétariat  d'État  des  Beaux-Arts,  à  la  Commission  supé- 
rieure des  Théâtres,  à  la  Commission  des  Incendies,  démontrait 
amplemenl  que,  loiu  de  constituer  une  gêne  pour  l'évacuation  éventuelle 
de  la  salle  dis  Fêtes,  l'installation  prévue  était  une  garantie  de  sécurité 
pour  le  public;  c'est  ce  qu'avaient  reconnu  le  Colonel  Cordier,  Com- 
mandant des  sapeurs-pompiers,  et  diverses  personnalités  compétentes, 
dépoun  ues  de  parti-pris. 

II  fallait  cependant  trouver  une  solution  à  une  situation  qui  menaçait 
de  devenir  cri tiqne.  C'est  alors  que  le  service  de  l'Architecture  conçut 
le  projet  de  construire  dans  les  combles  deux  grandes  salles,  l'une  au- 
dessus  <!<■  celle  affectée  aux  collections  d'  Afrique,  l'autre  au-dessus  de  la 
salle  de  France,  el  de  les  relier  par  une  vaste  galerie  comportant  la 
démolition  de  di\<T>  cabinets  qui  servaient  de  magasins  pour  les 
nombreux  objets  qu'il  était  impossible  de  loger  dans  les  vitrines.  Ce 
pi. m  .1  reçu  un  commencement  d'exécution;  la  salle  projetée  au-dessus 


v\mi  m  -  55 1 


de  la  salle  d'Afrique  a  été  construite  et  aménagée;  elle  a  reçu  les  col- 
lections d'Océanie.  En  iqi3,  j'ai  obtenu  des  Beaux-arts  la  démolition 
des  cabinets  ci-dessus  mentionnés  el  leur  remplacement  par  une  galerie 
(|ui  n. -m  certes  pas  luxueuse,  mais  qui  esl  suffisamment  éclairée  et  donl 
les  dimensions  permettraient  d'v  classer  une  quantité  appréciable  de 
pièces  en  souffrance;  mais  elle  attend  toujours  le  mobilier  indispen- 
sable et,  pendant  la  mobilisation,  elle  a  été  encombrée  de  collections 
qu'on  y  a  entassées  en  désordre.  Tout  ce  fouillis,  nous  ayons  maintenant 
à  le  débrouiller. 

En  résumé,  quoique  les  collections  ethnographiques  se  soient  enrichies 
d'une  façon  merveilleuse,  que  le  nombre  des  objets  soit  passé  de  6.000 
à  plus  de  100  000  et  ne  cesse  de  s'accroître,  l'emplacement  destiné  à 
les  recevoir  a  diminué  au  lieu  d'augmenter.  Si,  en  effet,  une  salle  a  été 
construite  et  aménagée  pour  l'Océanie,  le  Musée  ne  dispose  plus  de  la 
grande  galerie  circulaire,  et  le  «  pavillon  annexe,  placé  à  l'entrée  du 
Trocadéro,  du  coté  de  Passy  »  est  maintenant  occupé  par  le  concierge 
du  Palais.  Le  vaste  sous-sol  dont  le  Musée  d'Ethnographie  avait  la 
jouissance  et  qui  lui  aurait  servi  de  magasin  vient  d'être  affecté, 
presque  totalement,  au  Musée  de  sculpture  comparée  ;  or,  nos  magasins 
ne  -11  flis.nt  plus  à  loger  les  collections  qui  arrivent  sans  cesse. 

Les  vitrines  des  salles  ouvertes  au  public  sont  encombrées  à  tel  point 
qu'il  est  souvent  difficile  de  distinguer  les  objets  et  impossible  de  les 
classer  avec -méthode.  Ce  classement,  en  effet,  exigerait  une  place  qui 
fait  défaut,  et  ou  se  demande  où  il  serait  possible  de  caser  les  objets 
qu'on  serait  obligé  de  retirer  des  vitrines.  Tout  récemment,  l'interca- 
lation  d'une  fort  belle  collection  d'Abyssinie,  offerte  par  le  Président 
de  la  République  et  Madame  R.  Poincaré,  a  exigé  le  remaniement 
complet  de  huit  vitrines  ;  pour  les  réinstaller  avec  plus  de  méthode,  il 
a  été  nécessaire  d'en  éliminer  de  nombreuses  pièces  qui  sont  allées 
rejoindre  celles  déjà  déposées  dans  nos  réserves.  Les  importantes  col- 
lections rapportées  de  Bolivie  par  MM.  de  Créqui-Montfort  et  Sénéchal 
de  La  Grange,  de  l'Equateur  par  le  Dr  Rivet,  du  Dahomey  par 
M.  Waterlot,  du  Congo,  de  l'Oubangui,  du  Tchad  par  feu  le  Dr 
Poutrin  et  d'autres  explorateurs,  les  innombrables  séries  d'objets  préhis- 
toriques en  pierre  arrivés  de  tous  les  points  de   l'Afrique,  la   collection 

ethnographique    du    Musée   de    l'Armée;    venue  des    Invalides,    etc,   etc. 
attendent  de  la  place   et    des    vitrines.    Les   donateurs  ne    se  lassent  pas 

d'enrichir  L'établissement,  même  quand  ils  savent  qu'il  sera  difficile, 
sinon  impossible,  d'exposer  actuellement  les  pièces  qu'ils  offrent  :  ainsi 

le  Baron  Gouyat  d'Empeaux,  prévenu   de  ces  difficultés,  n'a  pas   hésité 
à  envoyer  une   fort  intéressante   série  (h;  255  instruments  en    pierre, 

parmi  lesquels  se  trouvent  des  types  nouveaux,  recueillie  dans  le  Hodh 


552  VARIÉTÉS 

mauritanien.  Cent  spécimiens  de  poteries  anciennes  de  l' Arizona,  qui 
n'étaient  pas  encore  représentées  dans  nos  salles,  ont  été  offerts  par 
un  ami  de  la  France,  M.  Edgard  L.  Iïewett,  et  arriveront  prochainement. 
Un  Français,  né  au  Mexique,  où  il  continue  à  vivre,  et  qui  n'oublie  ni 
.la  mère-patrie  ni  le  Musée  d'Ethnographie  du  ïrocadéro,  auquel  il  a 
déjà  fait  des  envois  importants,  M.  Génin,  offre  une  collection  comptant 
un  millier  d'objets,  presque  tous  précolombiens.  Connaissant  l'état  pré- 
caire de  notre  budget,  il  offre  même  de  mettre  à  ma  disposition  l'argent 
nécessaire  pour  acquérir  les  vitrines  destinées  à  loger  sa  collection. 
Avons-nous  le  droit  de  repousser  des  offres  aussi  généreuses,  et  aussi 
séduisantes?  Et,  cependant,  la  question  des  locaux  se  pose  ici  d'une 
façon  angoissante  ;  où  mettrons-nous  toutes  ces  richesses  nouvelles?  Le 
problème  ne  semble  pourtant  pas  insoluble  et  j'indiquerai  plus  loin 
le  moyen  de  le  résoudre. 

Mobilier-,  Chauffage.  —  Lorsque  des  savants  étrangers  viennent  visiter 
le  Musée  d'Ethnographie  du  ïrocadéro,  on  rougit,  non  de  la  pauvreté 
de  nos  collections,  car  elles  sont  universellement  appréciées,  mais  de 
l'aspect  misérable  des  meubles  où  sont  empilées  nos  richesses,  Une 
des  salles  américaines  et  une  partie  de  la  salle  océanienne  possèdent 
seules  des  vitrines  convenables.  En  présence  de  l'affluence  des  dons,  mon 
prédécesseur,  le  professeur  Hamy,  a  dû  se  résigner,  faute  de  res- 
sources, à  utiliser  jusqu'aux  planches  des  caisses  dans  lesquelles  arri- 
vaient les  objets  pour  improviser  des  meubles  ;  un  badigeonnage  noir 
en  cache  plus  ou  moins  les  défauts.  Pour  les  mêmes  motifs,  j'ai  suivi 
l'exemple  du  véritable  fondateur  du  Musée.  Mais  on  n'a  pas  toujours 
des  planches  de  caisses  capables  de  fournir  les  éléments  d'une  vitrine, 
si  peu  exigeant  qu'on  soit.  Et  quand  il  s'agit  de  meubler  une  salle  de 
75  mètres  de  longueur,  comme  celle  qui  a  été  préparée  par  les  Beaux 
Arts  en  igi3,  on  est  bien  obligé  de  renoncer  à  cet  expédient.  Force  est 
donc  de  faire  appel  aux  pouvoirs  publics,  qui,  en  thèse  générale, 
se  désintéressent  du  Musée  d'Ethnographie,  parce  qu'ils  ne  le  con- 
naissent pas,  qu'ils  ignorent  la  popularité  dont  il  jouit  et  les  services 
qu'il  rend. 

\  iollet-le-Duc,  à  qui  l'importance  du  chauffage  n'avait  pas  échappé, 
avait  étudié  soigneusement  la  question  et,  dans  son  rapport,  il  estimait 
que  pour  chauffer  la  galerie  des  Machines  du  Champ  de  Mars  (c'était 
le  local  que  proposait  la  Conmmission),  «  la  dépense  annuelle  ne  s'élè- 
verait pas  à  25.000  francs  ».  Au  Trocadéro,  la  question  ne  semble 
même  pas  avoir  été  envisagée;  et,  cependant,  il  règne,  dans  les  salles 
une  température  fraîche  pendant  l'été,  glaciale  durant  l'hiver.  Pour 
combattre  le  froid,  on  a  installé  un  poêle  dans  La  salle  de  France,  un 
dans  la  salle  d'Afrique  el  an  troisième  qui  doit,  à  lui  seul,  chauffer  les. 


VAR]  in  -  553 

galeries  américaines,  Longues  chacune  de  7"»  mètres,  el  c'est  tout. Inutile 
de  dire  que,  dans  ces  vastes  salles,  très  élevées  de  plafond,  à  10  mètres 
des  poêles,  on  nVn  senl  plus  la  chaleur.  Si  le  public  se  plaint  de  cette 
situation,  lr  personnel  du  Musée,  dont  la  santé  esl  mise  à  une  rude 
épreuve  durant  la  saison  froide,  est  bien  obligé  de  reconnaître  que  le 
public  n'a  pas  tort. 

11  esl  >*  rai  qu'avec  ce  système,  on  ne  dépense  pas  a5.ooo  francs  par  an 
pour  le  chauffage.  La  dotation  du  Musée  d'Ethnographie  n'aurait  guère 
permis,  d'ailleurs,  un  tel  Luxe,  connue  on  le  verra  ci-dessous.  Le  crédit 
inscrit  à  L'article  chauffage  n'a  jamais  dépasse  (too  francs.  Au  prix  où  est, 
actuellement  le  combustible,  on  peut  juger  de  la  perspective  qui  s'offre 
celte  année  aux  fonctionnaires  de  l'établissement. 

Bibliothèque.  —  Je  ne  dirai  que  deux  mots  de  la   bibliothèque.    La 

pièce  dans  Laquelle  elle  est  installée  est  une  des  rares  salles  qui  convien- 
nent à  leur  destination.  Bien  éclairée,  elle  est  suffisamment  vaste  pour 
qu'on  puisse  \  installer  de  nouveaux  meubles  au  fur  et  à  mesure  des 
besoins.  Comme  dans  les  autres  locaux,  il  est  difficile  d'y  travailler  pen- 
dant L'hiver  par  suite  du  froid  qui  s'y  fait  encore  plus  sentir  qu'ailleurs, 
en  raison  de  sa  situation  sous  les  toits.  Elle  est  bien  pourvue  d'un 
poêle,  mais  la  pénurie  de  combustible  ne  permet  guère  de  L'allumer. 

La  bibliothèque  possède  un  fonds  de  livres  intéressants,  parmi  les- 
quels se  trouvent  des  ouvrages  rares  que  les  travailleurs  rencontrent 
difficilement  dans  d'autres  établissements.  Néanmoins,  beaucoup  de 
séries  sont  incomplètes  et  l'ensemble  n'est  pas  ce  qu'il  de\  rait  être;  c'est 
qu'aucun  crédit  spécial  n'est  affecté  à  ce  service  et  qu'aucun  fonction- 
naire ne  peut  être  pris  dans  le  personnel  trop  restreint  du  Musée  pour 
en  assurer  la  marche  régulière.  Depuis  l'origine,  un  bibliothécaire  béné- 
vole, non  rétribué,  sans  attache  officielle  avec  l'établissement,  a  offert 
son  concours;  mais  dans  ces  conditions,  on  ne  pouvait  en  exiger  un 
travail  assidu,  et  il  a  fini  par  se  désintéresser  entièrement  de  sa  besogne 
ingrate. 

Budget, —  Le  29  juin  1880,  le  Ministre  de  l'Instruction  publique  et 
des  Beaux-Arts  déposait,  à  la  chambre  'des  Députés,  une  demande 
de  ciédils  pour  le  Musée  d'Ethnographie;  le  crédit  demandé,  pour  le 
second  semestre  seulement,  s'élevait  à  i2.a5o  francs,  car,  d'après  le  devis 
fourni,  la  somme  nécessaire  pour  faire  face  au  traitement  du  personnel 
et  ;m\  dépenses  matérielles  était  évaluée,  dès  cette  époque,  à  24.5oofr. 
par  an.  La  chambre  et  le  Sénat  accordèrenl  1  i'.o5o  francs  pour  si\  mois, 
représentant  22.100  francs  [«air  une  année  entière.  Voyons  la  marche 

qu'à    suivie,    depuis    1880,  le  budget   du   Musée,  dont    les  besoins  ont  été 

sans  cesse  en  augmentant  en  raison  du  développement  qu'il  a  pris. 

l'antukoholooik.  —  t.  xxix.  —  191 8  1919.  36 


554  VARIÉTÉS 

Jusqu'en  1908,  les  crédits  primitifs  anl&\é. réduits  à  22. 000 francs.  Emu 
de  la  situation  lamentable  dos  gardiens,  <[ui  recevaient  un  traitement 
de  début  de  1.200  francs,  soit,  après  défalcation  de  la  retenue  pour  la 
caisse  des  retraites  et  des  timbres,  une  somme  mensuelle  inférieure  à 
90  lianes,  j'ai  vivement  insisté  auprès  du  Ministre  qui  était  alors  à  la 
tète  du  Département  de  l'In-truction  publique  pour  que  cette  situation 
fût  améliorée.  Je  lui  ai  représenté  que  le  sculpteur-modeleur  qui 
comptait  18  années  de  services  et  qui  avait  été,  en  réalité,  la  cheville 
ouvrière  du  Musée,  n'avait  obtenu  depuis  longtemps  aucun  relèvement 
de  traitement;  au  lieu  d'augmenter  ses  appointements,  on  avait  simple- 
ment changé  son  titre  en  celui  d'inspecteur.  J'ai  ajouté,  enfin,  que  les 
augmentations  sollicitées  étaient  possibles  puisqu'une  économie  avait 
été  réalisée  sur  mon  propre  traitement  de  Conservateur,  qui,  de 
4.000  francs  alloués  à  mon  prédécesseur,  avait  été  réduit  à  2. 5oo  francs. 
Le  Ministre  a  bien  voulu  serendreàmes  raisons  et  relever  le  traitement 
des  gardiens  et  de  l'inspecteur.  Quant  au  mien,  il  ne  devait  être  porté 
à  3.ooo  francs  que  beaucoup  plus  tard. 

Mais  il  restait  une  question  de  la  plus  haute  importance  à  résoudre, 
dont  la  solution  dépendait  du  Parlement:  celle  des  crédits  affectés  aux 
dépenses  matérielles.  En  1880,  Jules  Ferry  avait  demandé  aux  Chambres 
de  fixer  ce  chapitre  à  8.200  francs  et  il  en  avait  obtenu  cette  somme. 
Or,  en  1907,  lors  de  ma  nomination,  les  crédits  pour  le  Matériel  étaient 
réduits  à  3.58o  francs,  se  décomposant  de  la  façon  suivante  : 

Chauffage  et  éclairage 600  francs 

Dépenses  diverses  et  blanchissage 400  — 

Frais  de  bureau 300  — 

Habillement  des    gardiens 500  — 

Camionnage 100  — 

Achat  de  collections  et  <'ti<| nettes 200  (!) 

Entretien  du  bâtiment  et  des  collections   .  1.480  — 

Total 3.580  francs 

A  force  d'insistance  de  ma  part,  ces  crédits  ont  été  portésà  453o  francs 
en  1909,  1910  et  1911,  et  à  ()-'So  francs  de  191 2  à  1914  inclusivement. 
Les  étrangers,  dont  les  Musées  sont  largement  dotés,  restaient  stupéfaits 
011  présence  de  ces  chiffres  dérisoires.  Que  diraient-ils  maintenant  s'ils 
apprenaient  que,  malgré  le  développement  qu'à  pris  le  Musée  du  Troca- 
déro  en  dépit  des  difficultés  de  toutes  sortes  au  milieu  desquelles  il  a 
toujours  eu  à  se  débattre,  et  malgré  L'énorme  renchérissement  de  toutes 

les  denrées,  le  crédit  VOté  par  les  Chambres  pour  les  dépenses  maté- 
rielles en  1919  esl  tombé  à  4000  lianes.1  Au  taux  actuel,  L'habillement 
des  gardiens  réclamerait,  à  lui  seul  une  somme  de  2633  francs  d'après 
h-  devis  fourni  par  la  maison  centrale  de  Melun,  à  laquelle,  adminis- 
trativement,  il  est  nécessaire  de  s'adresser. 


\  uiii  i  555 

Les  plus  forts  crédits  alloués  au  Musée  d'Ethnographie  pour  la  totalité 
de  ses  dépenses  Personnel  et  Matériel)  n'onl  jamais  dépassé  35.760  fV. 
L'administration  n'ignore  pas  ses  besoins  qui  lui  ont  été  exposés  en 
maints  rapports,  I.e  10  lévrier  1910,  à  L'inauguration  du  buste  du 
iv  llaui\  ei  de  la  salle  d'Océanie,  en  présence  de  parlementaires  et 
d'invités,  j'ai  renouvelé  mes  doléances  à  M.  Bayet,  Directeur  de  l'Ensei" 
gnemenl  supérieur,  qui  représentait  te  Ministre  de  l'Instruction  publique. 
Il  déclara  que  le  Gouvernemenl  ne  se  désintéressail  pas  du  Musée,  mais 
que  L'élasticité  du  budgel  de  L'Étal  avait  des  limites.  Il  ajouta  qu'il  avait 
pleine  confiance  dans  le  nouveau  Conservateur  qui,  s'inspirant  de 
l'exemple  de  sou  prédécesseur,  était  déjà  parvenu  à  l'aire  beaucoup 
avec  Les  modiques  ressources  dont  il  disposait  Et,  après  avoir  parcouru 
la  salle  d'Océanie,  M.  15a  vot  prononça  celte  phrase  qui  s'est  gravée 
dans  ma  mémoire  :  *  Mon  cher  directeur  (il  se  plaisait  à  me  donner  ce 
litre  .  vous  avez  peut-être  tort  de  faire  de  si  belles  choses  avec  rien  : 
on  pensera  que  vous  êtes  un  magicien  qui  n'a  pas  besoin  d'argent.  » 
Cette  opinion  s'esl  sans  doute  ancrée  dans  l'esprit  de  l'Administration, 
car.  depuis  cette  époque,  le  budgel  du  Musée  d'Kthnographie  est  resté 
immuable.  Hélas,  le  temps  des  magiciens  est  passé,  et  aucunjMusée  ne 
peut  prospérer  s'il  n'a  des  ressources  pécuniaires. 

Si  l'on  se  rapporte  à  un  compte  rendu  de  la  cérémonie  du  10  février 
1910  qu'a  publié  L'Anthropologie,  on  y  lit  (t.  XXI,  p.  2/|5)  :  a  II 
(M.   Bayet)  a  la  certitude  que  M.  Verneau  saura   imprimer  un  nouvel 

sor  à  l'établissement  auquel  il  porte  tant  d'intérêt  et  que  le  Musée 
d'Ethnographie  du  Trocadéro  pourra  soutenir  avantageusement  la  com- 
paraison avec  les  établissements  similaires  les  mieux  dotés  de  l'Étran- 
ger. 0  ("était  là  évidemment  un  espoir  chimérique  puisqu'un  ex-député, 
M.  Jean   Bon,  a  affirmé  tout  récemment  du  haut  de  la    tribune  de  la 
Chambre   des    Députés,    (pie    notre    Musée    était   une   honte   pour    la 
France,  et  que  si  oti  voulait  savoir  ce  que  doit  être  un  Musée  d'Ethno- 
graphie, il  fallait  aller  à  Berlin.  Ce  qu'il  n'a  pas  dit,  c'est  que,  à  Berlin, 
les  collections  ethnographiques  sont  logées  dans  un  vaste  palais  cons- 
truit et  aménagé  pour  permettre  un  classement  méthodique  des  objets  ; 
qu'un  nombreux  personnel  estatlaché  à  l'établissement,  dont  le  budget 
annuel  s'élevait,  avant  la  guerre,  à  i(j5.ooo  marks  (206,260  francs*,  soit 
près  de  dix  l'ois  la  somme  affectée  à  celui  du  Trocadéro.  Et  en  dehors 
de  ce    budget   fixe,    le    \|u>ée  d'Kthnographie  de  Berlin  disposait  pour 
ses  achats  de   ressources  importantes.  I  n  autre  député  français  qui, 
lui,  fait  toujours  partie  du  Parlement,  m'a  appris  qu'au  cours  de  ses 
voyages  en  Sibérie  <-L  en  Asie  centrale,  il  avait    souvent  rencontré  des 
émissaires   du    Musée   de    Berlin    qui  achetaient  des  collections  sans 
compter,  parce  qu'ils  étaieul    nantis  de  sommes  prélevées  sur  la  cas- 
sette particulière  de  l'ex-empereur.    Qu 'auraient-ils  pu  acquérir   s'ils 


556  \  VRIÉTES 

avaient  eu  à  leur  disposition  les  200  francs,  voire  les  5oo  francs  attii" 
bues  depuis  ro,ii,  non-seulement  à  l'achat  de  collections,  mais  aussi  à 
la  confection  d'étiquettes  ') 

Les  Allemands  savent  fort  bien  à  quoi  tient  la  supériorité  de  leur 
Musée,  tant  vantée  par  M.  Jean  Bon,  et  l'infériorité  relative  du  noire. 
En  1902,  un  ethnographe  allemand,  A.  B.  Meyer,  Directeur  du  Musée 
zoologique,  anthropologique  et  ethnographique  de  Dresde,  en  avait  par- 
faitement discerné  les  raisons  qu'il  énuméra  dans  un  rapport  officiel 
publié  en  allemand  et  en  anglais  II  venait  de  visiter  le  Musée  d'Ethno- 
graphie du  Trocadéro,  qu'il  avait  vu  déjà  trois  ans  auparavant,  et  il 
avait  constaté  que  ses  collections  s'étaient  considérablement  accrues 
dans  l'intervalle  de  ses  deux  voyages.  Cet  accroissement  avait  eu  pour 
conséquence  l'entassement  des  objets  dans  des  panoplies  fixées  aux 
murs  ou  dans  des  vitrines  d'une  facture  des  plus  primitives,  les  locaux 
étant  trop  réduits  pour  qu'il  fût  possible  de  les  exposer  convenable- 
menl  el  de  les  classer  avec  méthode.  \.  B.  Meyer  avait  constaté  aussi, 
non  sans  étonnement,  que  le  nombre  des  fonctionnaires  de  notre 
Musée  n'avait  pas  été  augmenté  et  n'était  nullement  en  rapport  avec 
ses  besoins,  Mais  ce  qui  le  frappa  le  plus,  ce  fut  l'incroyable  modicité 
des  crédits  alloués  à  l'établissement,  et,  dans  son  rapport,  on  lit  cette 
phrase  :  «  Quelle  surprise  n'a-t-on  pas  de  voir  le  Gouvernement  si 
éclairé  de  la  France  être  si  parcimonieux  en  ce  cas  particulier  !  » 

Un  autre  Allemand,  qui  ne  manque  pas  non  plus  de  compétence, 
puisqu'il  a  été  l'un  des  conservateurs  du  Musée  d'Ethnographie  de 
Berlin,  Karl  von  den  Stcinen,  écrivait  en  1908,  «  22.000  francs  pour  le 
Trocadéro!  on  dirait  vraiment  une  mauvaise  plaisanterie.  »  Sa  stupé- 
faction s'explique,  car  dans  la  même  lettre,  il  avait  cité  les  soin  mes 
dont  disposai!  le  Musée  auquel  il  avait  été  attaché  :  5o,ooo  | marks  pour 
achat  de  collections,  i5.ooo  marks  pour  le  matériel,  100.000  marks 
pour  le  personnel. 

Telles  sont,  en  effet,  les   raisons   qui   empêchent  le    Musée  d'Ethno-' 
graphie,  du  Trocadéro  d'occuper  le  rang  auquel  lui  donnent,  droit  ses 
richesses  scientifiques  :   manque   d'argent;   défaut  de  place,  état  de  la 
plupart  des  vitrines  el  insuffisance  du  personnel. 

Services  que  rend  h'  Musée  d Ethnographie.  —  Malgré  ses  imperfections, 
que  je  suis  le  premier  à  reconnaître,  cou  une  on  peut  en  juger  par  ce  qui 
précède,  el  que  j'ai  souvent  signalées  dans  mes  rapports  avec  l'espoir 
qu'on  me  fournirait  les  moyens  d'\  remédier,  le  Musée  d'Ethnographie 
du  Trocadéro  jouit  d'une  grande  vogue  auprès  du  public  i  1  1  et  rend  de 

(i)  il  n'est  pas  rare,  pendant  la  belle  saison,  qu'il  reçoive  0.000  visiteurs,  et  môme 
davantage,  dans  une  seule  journée. 


\  LRIÉTÉS  55- 


précieux  services.  Au  cours  de  la  cérémonie  à  laquelle  j'ai  fail  allusion, 
M.  Bayel  voulul  bien  reconnaître  qu'il  est,  pour  1rs  savants,  une  mine 
inépuisable  de  recherches  el  qu'il  permel  au  public  de  s'instruire  sans 
la   moindre  fatigue. 

Ce  n.'  son!  pas  les  seuls  ethnographes  qui  \  trouvent  de  précieux  docu- 
ments, les  historiens  peuvenl  \  puiser  des  renseignements  du  plus 
haul  intérêt.  C'est,  en  effet,  l'histoire  du  inonde  entier  —  à  pari,  cequi 
esl  fort  regrettable,  celle  de  l'Asie  —qui  s'étale  dans  ses  vitrines.  Parfois, 
cette  histoire  nous  reporte  fort  loin  dans  le  passé,  à  i\cs  époques  sur 
lesquelles  on  no  possède  ni  données  écrites*,  ni  traditions;  tel  esl  le  cas, 
notamment  pour  l'Afrique,  don I  on  pourra  suivre  l'évolution  lorsque 
l'emplacement  aura  permis  de  classer  les  abondantes  collections  archéo- 
logiques recueillies  dans  le  continent  noir. 

Que  d'enseignements  ressortenl  pour  les  sociologues  de  la  compa- 
raison de  l'ethnographie  de  populations  qui  occupenl  ions  les  éche- 
lons de  la  civilisation  !  Les  artistes  qui  traitent  des  sujets  exotiquesne 
sauraient  se  passer'des documents  réunis  au  Trocadéro,  pasplus  que  les 
commerçants  exportateurs  qui  désirent  entrer  en  relations  avec  des  popu- 
lations dont  ils  ont  besoin  de  connaître  les  goûts.  Je  pourrais,  à  ce 
propos,  citer  des  exemples  bien  frappants  de  négociants  qui  ontéprouvé 
de  gros  déboires  faute  d'être  venus  se  renseigner  dans  notre  Musée 
national.  Les  industriels  eux-mêmes  peuvent  puiser  des  inspirations 
dans  nos  salles  el  même  y  trouver  de  beaux  modèles  d'objets  qu'il  leur 
suffirait  de  copier. 

lime  serait  facile  d'allonger  celle  énumération  des  ser\  iees  qu'est 
appelé  à  rendre  un  Musée  d'Ethnographie.  Je  me  bornerai  à  en  citer  un 
dernier  exemple,  assez  inattendu.  Il  paraît  que  la  mdde  est  actuellement 
à  l'exotisme;  aussi,  tout  récemment,  un  grand  magasin  de  Taris  a-t-il 
demandé  L'autorisation  de  faire  photographier,  par  son  sen  îce  artistique, 
des  étoffes  de  nos  collections.  I  ne  demande  semblable  vient  de  nous 
être  adressée  par  une  couturière  renommée  des  Champs-Elysées  qui 
désire  s'inspirer  des  costumes  dont  nous  possédons  des  spécimens. 

\  quoi  bon,  d'ailleurs,  insister  sur  l'utilité  des  Musées  d'Ethnogra- 
phie? Elle  est  universellement  reconnue,  et  la  preuve  nous  en  est  four- 
nie par  le  fait  que,  de  toutes  parts,  on  s'efforce  d'en  créer  de  nouveaux. 

Réformesà  réaliser. —  J'ai  signalé  en  toute  sincérité  les  défectuosités 
du  Musée  d'Ethnographie  du  Trocadéro  ;  il  s'ensuit  qu'il  serait  néces- 
saire de  procéder  à  sa  réorganisation  pour  qu'il  répondît  entièrement  à 
son  but.  J'ai,  depuis  longtemps,  élaboré  un  projet  que  j'ai  exposé  à 
plusieurs  des  Ministres  qui  se  sont  succédés  rue  de  Grenelle  et 
qui  a  reçu  leur  approbation;  eu  voici  l'économie  dans  ses  grandes 
lignes. 


558  VARIETES 

i°  Dégager  les  vitrines  trop  encombrées  et  procéder  à  un  classement 
méthodique  dos  objets.  Tout  en  respectant  l'ordre  géographique 
imposé,  disposer  toutes  les  pièces  d'une  région  par  catégories  se  succé- 
dant partout  dans  le  môme  ordre,  de  façon  à  rendre  extrêmement 
facile  les  rèchercheset  les  comparaisons.  Celui  qui  s'intéresserait,  par 
exemple,  à  la  parure  saurait  où  trouver  immédiatement  ce  qui  fait 
l'objet  de  sos  éludes. 

a  Constituer  des  séries  comparatives  permettant  de  suivre  l'évolution 
des  civilisations. 

3°  A  côté  des  produits  de  l'industrie  humaine,  placer  des  photo- 
graphies montrant  Le  milieu  dans  lequel  évoluent  les  artisans  et  le  type 
de  ces  artisans  eux-mêmes,  quand  ils  ne  sont  pas  représentés  par  des 
bustes  ou  des  manequins. 

4°  Multiplier  les  étiquettes  de  façon  à  ce  qu'aucune  pièce  n'en  soit 
dépourvue.  Outre  ces  étiquettes  particulières,  rédiger  quelques  notices 
explicatives  forcément  sommaires,  mais  néanmoins  suffisantes  pour 
donner  au  public  une  idée  du  genre  de  vie  et  du  degré  de  civilisation 
de  chaque  population. 

5°  Au  fur  et  à  mesure  du  classement,  publier  un  catalogue  et  de  petits 
guides,  dont  la  nécessité  se  fait  vivement  sentir. 

Telle  est,  en  quelques  mots,  l'économie  générale  du  projet  que  j'ai 
conçu.  Un  des  Ministres  à  qui  je  l'ai  soumis  m'a  vivement  engagé  à  le 
mettre  à  exécution.  Il  me  fallait  l'aide  de  son  Département  pour 
obtenir  des  locaux,  des  meubles  convenables,  un  personnel  suffisant  et 
des  crédits.  La  question  ne  pouvait,  évidemment,  être  tranchée  en  der- 
nier ressort  que  par  le  Parlement,  puisqu'elle  comportait  avant  tout  un 
supplément  budgétaire. 

Mes  demandes  ont  sans  doute  paru  à  l'Administration  impossibles  à 
satisfaire,  car  aucune  suite  ne  leur  a  été  donnée.  Mon  projet  était-il 
irréalisable.1  c'est  ce  que  je  vais  examiner  brièvement,  en  manière  de 
conclusion. 

Conclusions 

Les  cau>cs  du  mal  étant  connues,  il  convient  de  chercher  les  moyens 
de  les  combattre.  Cette  recherche  ne  nous  demandera  pas  beaucoup  de 
temps,  car  les  remèdes  consistent  essentiellement  à  trouver  des  locaux 
<i  à  augmenter  les  ressources  budgétaires  du  Musée  d'Ethnographie. 

La  question  des  locaux  a  une  importance  aussi  grande  que  la  question 
financière.  Assurément,  comme  Ledisail  avec  tant  de  raison  Viollet-le- 
Duc,  !<•  palais  du  Trocadéro  ne  pourra  jamais  permettre  d'installer 
convenablement  des  collections  ethnographiques  et  de  les  classer  avec 
une    méthode  rigoureuse;    mais  c'est,  affirme-t-on,  le  seul  édifice  qui 


VAMITIS  559 

soit  (ir/ur/lrmrnl  disponible  dans  la  capitale.  Or.  selon  moi,  on  no  sau- 
rai! Songer  a  transférer  hors  de  Paris  un  musée  de  tié  pmre  si  l'on 
\eu\  qu'il  contribué  efticaeement  à  l'instruction  du  grand  publie  et  qu'il 
vende  aux  travailleurs  brJUS  les  services  qu'ils  sont  en  droit  d'en  attendre. 
Il  s'agit  donc  de  tirer  présentement  le  meilleur  parti  possible  ,|u  palais 
et  de  l'aménager  do  façon  à  ce  (pi'il  suffise  au  v  besoins  les  plus  essentiels 
durant  une  période  d'une  certaine  durée. 

.l'ai  dit  (pic  deux  grandes  galeries  pourraient,  à  tirs  brè\e  échéance, 
recevoir  dôS  Collections  :  celle  que  le  ser\ice  dé  l'Arcbilcclurc  a 
construite  sons  les  combles  en  iqi3  et  qui  n'attend  «pie  son  mobilier, 
et  la  belle  galerie  circulaire  du  ie'  étage  que  1b  Musée  a  occupée  jusqu'en 
191Ô.  Je  conserve  la  conviction  (pie  si  le  projet  d'aménagement  de  celte 
galerie  que  j'ai  pro|)<>sé  naguère  était  étudié  à  fond  et  sans  pn  1 1  i  pris, 
on  reconnaîtrait  que,  loin  de  constituer  un  danger,  il  offre  une  garantie 
de  sécurité  pour  le  public  de  la  salle  des  Fêtes,  en  cas  de  panique  ou  de 
sinistre. 

A  ces  deux  salles,  on  aurail  la  ressource  d'en  ajouter  plus  lard' une 
troisième  qui  sciait  construite  au-dessus  de  la  salle  de  France  et  ferait 
pendant  à  celle  aujourd'hui  occupée  par  les  collections  océaniennes.  Je 
rappelle  ici  que  la  construction  de  cette  troisième  salle  est  prévue  dans 
le  plan  élaboré  autrefois  par  le  service  de  l'Architecture.  Elle  aurait 
un  double  avantage  :  elle  augmenterait  sensiblement  l'espace  attribué 
au  Musée  et  elle  faciliterait  d'une  façon  notable,  les  jours  d'aflluence, 
la  circulation  du  public,  qui  pénétrerait  par  le  grand  escalier  situé  du 
coté  de  Paris  et  sortirait  par  l'escalier  qui  existe  du  coté  de  Passy,  sans 
être  obligé  de  revenir  sur  ses  pas  et  de  se  heurter  aux  nouveauv  arri- 
vants, 

Voilà  ce  qu'il  est  possible  de  faire  au  point  de  vue  des  locaux.  On 
pourrait  même,  lorsque  le  besoin  s'en  ferait  sentir,  aménager  une 
quatrième  salle,  qui  sert  aujourd'hui  de  magasin  et  qui  deviendrait 
libre  lorsque  les  objets  qu'elle  contient  auraient  pris  place  dans  les 
galeries  dont  l'installation  s'impose  avec  une  extrême  urgence.  Elle 
offre  les  mêmes  dimensions  que  la  bibliothèque,  en  face  de  laquelle 
elle   est  située. 

Ainsi  serait  assuré,  pour  un  bon  nombre  d'années,  l'avenir  du 
Musée. 

La  question  des  vitrines,  celle  du  personnel  et  toutes  les  autres  sont 
de  nature  purement  budgétaire.  Certes  les  conditions  économiques 
actuelles  ne  permettent  pas  d'engager  des  dépenses  sompluaires;  mais 
quel  est  celui  qui  oserait  laver  de  gaspillage  les  sommes  consacrées  à 
sauver  du  naufrage  des  richesses  qui  sont  la  propriété  de  la  nation  et 
qui  sont  appelées  à  rendre  de  si  précieux  services?  D'ailleurs,  la  réor- 


56o 


VARIETES 


ganisation  qui  s'impose  demanderait  du  temps  et  les  crédits  indispen- 
sables s'échelonneraient  sur  un  certain  nombre  d'exercices.  L'Adminis- 
tration peut-elle  hésiter  à  solliciter  du  Parlement  l'argent  stricte- 
ment nécessaire  pour  entreprendre  une  semblable  réforme?  Et  les 
Chambres,  mieux  éclairées,  se  refuseraient-elles  à  voter  les  crédits 
destinés  à  faire  du  Musée  d'Ethnographie  du  ïrocadéro  un  établisse- 
ment digne  de  la  France?  Je  ne  le  pense  pas.  Tel  est  l'avis,  je  puis  le 
dire,  des  membres  de  la  Société  des  Amis  du  Musée  d'Ethnographie, 
qui  s'est  constituée  quelque  mois  avant  la  déclaration  de  guerre  et  qui 
comprend  des  spécialistes,  des  amateurs  simplement  épris  de  science 
et  des  parlementaires.  Fort  de  leur  appui,  j'ai  cru  de  mon  devoir  de 
pousser  le  cri  d'alarme  et  de  mettre  sincèrement  nos  lecteurs  au  cou- 
rant de  la  situation. 

En  attendant  la  solution  que  j'espère,  je  vais  tenter  de  faire  mieux 
connaître  notre  institution  en  organisant  des  conférences  et  des  exposi- 
tions temporaires  des  collections  nouvelles.  Des  collaborateurs  désinté- 
ressés ne  me  feront  pas  défaut,  j'en  ai  dès  maintenant  l'assurance.  Pour 
la  réalisation  de  ce  projet,  j'ai  encore  besoin  de  l'aide  de  l'Administra- 
tion, car  un  local  est  nécessaire.  Or,  il  existe  au  rez-de-chaussée  dn 
palais  une  salle  qui  n'est  utilisée  qu'exceptionnellement  et  qui  se  prête- 
rait admirablement  au  but  poursuivi,  J'ai  la  conviction  de  ne  pas 
rencontrer  d'opposition  de  la  part  du  nouveau  Directeur  des  Beaux- 
Arts,  dont  je  connais  les  idées  larges  et  la  bienveillance.  Si  mon  projet 
peut  être  mis  à  exécution,  les  lecteurs  de  L'Anthropologie  en  seront  les 
premiers  informés. 

R.  Verneau. 


MOUVEMENT  SCIENTIFIQUE 


l.u  (Richard  Swann).  Organic  Evolution  (L'évolution  organique).  Un  vol.  in  8  de 
729  p  .  '2X\  Ûg.  et  30  planches.  New  York,  The  Macmillan  company,  1917.  Prix  : 
9  dollars. 

Ce!  ouvrage  résume,  en  an  format  commode  el  sous  un  aspect 
agréable,  1rs  principales  acquisitions  de  la  science  moderne  sur  l'évo- 
lution du  monde  organique.  M.  Lull,  qui  aétudié  surtout  les  fossiles,  a 
donné  au  point  de  vue  paléontologique  une  importance  plus  grande 
que  ue  l'ont  t'ait  la  plupart  des  auteurs  d'ouvrages  du  même  genre. 
Son  livre  es I  1<*  fruil  de  longues  années  d'enseignement  à  l'Université 
d'Yale.  Il  doit  êtresignaléa  l'attention  de  tous  1rs  amis  des  sciences 
naturelles;  les  anthropologistes  eux-mêmes  devront  de  plus  en  plus 
évoluer  dans  le  sen^  de  l'histoire  naturelle,  de  l'anatomie  comparée, 
de  l'embryologie,  de  la  paléontologie  s'ils  veulent  taire  de  nouveaux 
progrès  dans  la  connaissance  de  l'Homme.  Jusqu'à  présent  la  plupart 
des  anthropologistes  ont  en  effet,  beaucoup  trop  négligé  la  biologie 
générale,  pour  diriger  tous  leurs  efforts  d'après  des  méthodes 
archaïques;  ils  se  sont  trop  limités  à  certaines  opérations  peu  fruc- 
tueuses et  les  résultats  acquis  dans  cette  direction  sont  si  minces,  si 
obscurs  et  si  peu  décisifs  qu'on  a  pu  parler,  sans  soulever  trop  de  pro- 
testations, de  la  faillite  de  ces  méthodes  ou  de  ces  pratiques.  Aussi 
est  il  arrivé  que  les  savants  qui,  dans  ces  dernières  années  ont  éclairé 
de  quelques  lueurs  nouvelles  les  graves  questions  de  l'origine  de 
l'Homme  et  de  sa  place  dans  la  Nature,  ce  qui  constitue  le  vrai  pro- 
blème anthropologique,  ne  sont  pas  des  anthropologistes  professionnels 
ou  spécialistes,  mais  des  chercheurs  aux  disciplines  plus  vastes,  plus 
compréhensives,  o'est-à-dire  de  véritables  naturalistes. 

Le  livre  de  M.  Ilull  se  divise  en  quatre  parties  :  i°  une  introduction, 
qui  traite  de  l'histoire  de  l'évolution,  de  la  classification  des  êtres  orga- 
nisés, de  leur  distribution  géographiqne  el  géologique. 

La  deuxième  partie  expose  le  mécanisme  de  l'évolution  :  Sélection 
naturelle,  sélection  sexuelle  el  artificielle,  variations  et  mutations,  héré- 
dité en  général,  hérédité  des  caractères  acquis,  orthogénèse  et  kiné- 
togénèse. 

La  troisième  partie  es!  intitulée  :  Preuves  de  l'évolution.  Elle  se  di\is<- 
(.n  trois  sections  :  ontogénie,  morphologie  et  adaptations,  paléonthogie. 

tte  dernière  comprend  près  de  3oo    pages;  elle  se  termine  par  des 


562  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

chapitres  sur  l'évolution  de  l'Homme,  les  seuls  sur  lesquels  nous 
puissions  nous  arrêter  ici.  En  voici  le  résumé. 

Un  premier  chapitre  a  trait  à  l'ontogênie  et  la  morphologie  de 
l'Homme.  Celui-ci  est  un  Primate  :  ses  plus  proches  parents  sont  les 
Simiidœfpu  Singes  anthropomorphes),  ce  qui  ne  veut  pas  dire'  qu'il  des- 
cend d'une  forme  actuelle  ou  qu'une  forme  actuelle  puisse  jamais  se 
transformer  en  un  homme.  Chaque  type  d'Anthropoïde  actuel  est  étudié. 
Le  Gibbon  est  le  plus  primitif  par  son  crâne  et  sa  dentition,  mais  il  est 
le  plus  spécialisé  par  la  longueur  de  ses  bras  et  par  d'autres  adaptations 
extrêmes  à  une  vie  arboricole.  On  observe  dans  son  cerveau  un  dévelop- 
pement particulier  des  contres  de  la  vue.  du  toucher,  de  l'audition.  Le 
(iihbona  conservéainsi  les  caractéristiques  du  type  ancestralde  l'Homme 
«  Isborn)...  La  famille  des  ffoftiinidae  a  gardé  l'empreinte  de  sa  parenté 
avec  les  Simiid;v,  mais  elle  en  diffère  principalement  par  son  adaptation 
à  la  vie  terrestre,  c'est-à-dire  par  son  attitude  droite,  par  le  développe- 
ment du  cerveau  et  par  d'autres  caractères  subordonnés  aux  premiers. 

L'auteur  passe  en  revue  les  principaux  traits  anatomiques  de  l'onto- 
gértie  humaine.  Les  membres  présentent  des  caractères  primitifs;  le 
pied  a  conservé  la  position  plantigrade  des  Mammifères  les  plus 
archaïques.  La  clavicule,  l'omoplate,  l'atlas,  le  sacrum,  ont  conservé 
certains  caractères  reptiliens.  Les  dents  sont  aussi  fort  primitives,  etc. 

A  côté  de  cela,  il  y  a  les  spécialisations,  l'attitude  droite,  la  forme  du 
bassin,  la  diminution  de  longueur  des  membres  supérieurs,  la  forme 
arquée  du  pied  et  la  perte  de  l'opposition  du  premier  doigt,  qui  se 
développe  tandis  que  le  cinquième  doigt  se  réduit.  Une  autre  spéciali- 
sation est  la  perte  des  poils  provoquée  par  l'usage  des  vêtements.  Dans 
la  dentition,  il  faut  noter  surtout  la  réduction  des  canines  et  la  dispa- 
rition des  diastèmes  correspondants,  qui  entraînent  une  différence  dans 
le  mode  de  mouvement  de  la  mâchoire  inférieure.  Un  changement 
important  est  celui  des  proportions  de  la  lace  et  du  crâne;  il  se  traduit 
par  l'angle  facial.  A  tout  cela,  il  faut  ajouter  le  développement  du  cer- 
\imii  et  le  langage  articulé,  ce  dernier  caractère  étant  de  beaucoup  le 
plus  important. 

L'auteur  récapitule  ce  qu'on  sait  des  organes  rudimentaires  si  nom- 
hi'-u \  (180  d'après  Wiedersheiin)  et  dont  les  uns  disparaissent  avant 
la  naissance,  étant  simplement  ontogéniques,  tandis  que  les  autres  |><t- 
sistent  durant  toute  la  vie  (direction  des  poils,  appendice  \Vr  mi- 
forme,  etc.  . 

Le  second  chapitre  esl  paléoUtologique.  Il  débute  par  l'exposé  dé  n<>s 
connaissances  actuelles  sur  l'origine  des  Primates  doul  le  stock  primitif 
pâlit  être  caractérisé  par  un  cerveau  relativement  volumineux,  une  vie 
arboricole,  une  dentition  Insectivore  ci  une  mentalité  progressive.  Ce 
stock  apparaît  dès  là  l>;^<-  de  l'Eoeène  ;i  la  fois  en  Europe  cl  en  Aîné- 


moi  \  TMIM'    SCïENTÎtTQl  E. 


563 


rique  du  Nord,  <\'o\i  il  a  rayonné  vers  l»1  Sud  dans  tous  tes  continents. 
Pour  l'auteur,  suivant  Gregory,  le  groupe  duquel  l'Hommes'est  détaché 
était  quelque  anthropoïde  muni  d'un  énorme  cerveau,  apparenté  prin- 
cipalement avec  le  groupe  Chimpanzé-Gorille.  Le  lieu  de  départ  doit 
être  l'Asie  centrale  (par  diverses  raisons  dont  la  moins  h. .nue  est  cellç 
qui  ^\i j > | >n i <"  sur  la  haute  antiquité  de  la  civilisation  chinoise  !..).  La 
cause  géologique  du  phénomèneest  la  surélévation  continentale  et  par 
suite  l'aridité  croissante  du  climat  des  régions  au  Nord  de  l'Himalaya, 
ce  qui  réduisit  le  domaine  forestier.  Cette  diminution  des  forêts  con- 
traignit l'Anthropoïde  humain  à  s'adaptera  une  vie  et  une  locomotion 
terrestres.  Tandis  que  les  autres  Anthropoïdes,  ayant  gagné  les  forêts 
tropicales,  ont  pu)  continuer  leur  existence  arboricole,  lr  Gibbon  est 
celui  qui  a  conservé  le  plus  de  caractères  primitifs.  L'Homme  est  celui 
qui  a  le  plus  évolué.  L'époque  de  cette  transformation  ne  saurait  être 
plus  ancienne  que  le  Miocène  ni  plus  récente  que  le  Pliocène  ancien. 

L'auteur  passe  en  revue  1rs  principaux  facteurs  de  cette  évolution  : 
i.  acquisition  de  la  station  droite;  â,  libération  des  mains  qui  aban- 
donnent leurs  fonctions  locomotrices  pour  devenir  des  instruments 
de  la  pensée;  3,  perte  de  la  nourriture  végétale  des  forêts  tropicales 
avant  nécessité  la  recherche  d'une  autre  nourriture  à  la  rois  végétale  et 
animale  et  ayant  fait  de  l'Homme  un  chasseur;  \,  nécessité  de  se  vêtir 
à  cause  des  intempéries  surtout  hybernales;  5,  libération  des  restric- 
tions climatériques  résultant  des  deux  facteurs  précédents  et,  par  suite, 
facilités  de  dispersion;  6,  développement  de  la  vie  en  commun  rendue 
possible  par  l'habitai  terrestre.  Les  changements  corrélatifs  sont  :  une 
attitude  plus  droite;  des  bras  plus  courts:  la  perfection  du  pouce  oppo- 
sable; la  réduction  de  la  face  et  des  dents;  la  perte  de  puissance  des 
mâchoires;  le  développement  du  menton  ;  l'augmentation  de  la  capacité 
crânienne:  la  diminution  des  arcades  sourcilières  :  l'affaiblissement  de 
l'arcade  zygomatique;  l'accroissement  et  la  complexité  du  cerveau, 
spécialement  des  lobes  frontaux;  le  développement  du  langage  articulé. 

Le  chapitre  se  termine  par  un  examen  rapide  des  principales  décou- 
vertes de  la  paléontologie  humaine  en  Amérique,  en  Afrique,  en  Asie, 
en  Europe.  Pour  ce  dernier  continent  de  beaucoup  le  plus  important, 
les  divers  documents  sont  classés  d'après  Osborn  et  l'âge  (\r>  divers 
fossiles  évalués  en  années.  Le  texte  est  accompagné  de  ces  reconstitu- 
tions plastiques  que  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de  critiquer  el  qui  déparent, 
par  leur  caractère  fantaisiste,  la  tenue  scientifique  de  l'ouvrage.  Je  n'ai 
ii-'n  de  particulier  à  signaler  dans  ces  résumés  relatifs  au*  divers 
Hommes  fossiles.  L'auteur  adopte  l'opinion  que  j'ai  été  un  des  pre» 
miers  à  émettre,  qui  a  été  reprise  e1  développée  par  Miller  et  qui  Neut 

que  la  mandibule  de  PiltdotVn  soil  une  mandibule  de  Chimpanzé. 
Le  livre  de   M.   Lull  esl  un   livre  bien  fait,    habilement  composé  et 


5"4  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

écrit.  Il  rendra  de  grands  services.  Pourquoi  faut-il  que  la  bibliographie 
soil  si  peu  soignée  el  surtout  si  exclusive!  On  n'y  voit  guère  que  des 
citations  d'ouvrages  américains  ou  anglais.  Veut-on  savoir  quelles  sont 
les  références  du  chapitre  sur  l'évolution  de  l'Homme  et  la  Paléonto- 
logie humaine?  Voici  les  noms  des  auteurs  :  Clarke,  Gregory,  Lull, 
Matthew,  Osborn,  Sellards,  Williston.  Un  point,  c'est  tout.  Et  c'est 
trop  ou  trop  peu.  C'est  surtout  injuste!  M.  B. 

Woodward  (Smith).  Fourth  note  on  the  Piltdown  gravel,  with* évidence  of  a  second 
skull  of  Eoanthropus  Dawsoni  (Ouatrième  note  sur  le  gravier  de  Piltdown  et  sur  un 
second  crâne  d' Eoanlkropus  Dawsoni),  avec  un  appendice  par  (i.  Eluot  Smith. 
{Quart.  Journ.  of  Geolog.  Society  of  London,  vol.  LXX1II,  1917,  pp.  1-70.  Londres, 
avril  1918). 

Les  nouvelles  fouilles  pratiquées  à  Piltdown,  dans  le  courant  de  l'été 
1916,  ont  confirmé  M.  Smith  Woodward  dans  l'opinion  déjà  émise  par 
le  regretté  Charles  Daw  son  que  le  gravier  de  Piltdown  est  un  dépôt 
simple,  indivisible,  d'Age  unique,  ayant  pu  se  produire  dans  un  laps  de 
temps  relativement  court. 

Ces  fouilles  n'ont  rien  donné  en  fait  d'ossements,  mais  on  a  trouvé 
un  nodule  de  silex  éclaté  et  choqué;  d'après  l'auteur  ce  caillou  pourrait 
représenter  un  marteau,  un  percuteur. 

Dans  le  courant  de  l'hiver  de  191 5,  Dawson,  explorant  un  champ 
labouré  situé  à  2  milles  environ  de  Piltdown,  recueillit  deux  morceau \ 
de  crâne  et  une  molaire  qui  font  l'objet  principal  du  nouveau  mémoire 
de  M.  Smith  Woodward. 

Le  fragment  osseux  le  plus  important  correspond  à  une  partie  de  la 
région  sus-orbitaire  d'un  frontal  droit.  Il  offre  les  mêmes  caractères  de 
fossilisation,  d'épaisseur,  de  texture  que  les  pièces  originales  de  YEoan- 
thropus.  L'arcade  sourcilière  est  petite  et  peu  saillante  ;  les  sinus 
aériens  sont  petits. 

Le  second  fragment  correspond  à  la  partie  moyenne  d'un  occipital  ;  ij 
a  été  roulé.  Malgré  sa  robustesse,  il  est  moins  épais  que  l'occipital  de 
Piltdown.  Il  eii  diffère  encore  par  une  asymétrie  moins  prononcée,  la  crête 
occipitale  interne  étantbien  quelque  peu  déplacée  vers  la  droite,  niais  les 
-iiius  Latéraux  se  tenant  au  même  niveau  et  les  fosses  cérébelleuses  étanl 
à  peu  près  symétriques.  Tout  ceci  est  purement  individuel.  I  ne  diffé- 
rence plus  importante  est  qu'ici  l'inion  externe  est  au-dessus  des  sinus 
Latéraux  tandis  qu'il  est  au  même  niveau  sur  l'échantillon  de  Piltdown, 
comme  sur  L'Homme  moderne.  Les  muscles  du  cou  s'étendaient  ici 
plus  haut,  comme  chez  L'Homme  de  Néanderthal.  Il  \  a  peut-être  là  un 
caractère  sexuel  et,  dans  ce  cas.  il  n'\  aurait  pas  de  raison  pour  ne  pas 
rapporter  ce  nouveau  fragment  à  ['Eoanthropus,  qui  serait  ainsi  repré- 
senté par  deij\  indi\  idus  au  moins. 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE.  5G5 

La  dent  trouvée  par  DawsoD  est  une  première  arrière-molaire  infé- 
rieure gauche  très  semblable  à  celle  du  spécimen  original  mais  usée  par 
la  mastication  d'une  manière  an  peu  oblique.  M.  S.  Wbodward  com- 
pare cette  denl  avec  Les  dents  correspondantes  d'un  Mélanésien  el  d'un 
Chimpanzé  el  cette  comparaison  montre  bien  sa  nature  humaine  par  la 
hauteur  île  la  couronne  et  le  passage  graduel  de  la  racine  à  la  couronne. 
I  i  ci,  dit  L'auteur,  pour  répondre  aux  objections  <pii  ontété  présentées  à 
propos  de  La  mandibule  de  Piltdown,  mais  il  est  facile  de  répliquera 
mon  a\i^  du  moins  :  L'opinion  des  ailleurs  qui  ont  voulu  voir  dans  la 
mandibule  de  Piltdown  une  mandibule  de  Chimpanzé,  et  j'ai  exprimé 
cette  opinion  un  des  premiers,  cette  opinion  dis-je,  s'appuie  bien 
plus  sur  La  morphologie  de  La  mandibule  que  sur  la  morphologie  des 
dents.  La  mandibule  de  Piltdown  est  une  chose  et  la  dent  décrite 
aujourd'hui  par  M.  S.  VVoodward  est  une  autre  chose. 

Des  faits  nouveaux  apportés  ici,  dit  l'auteur  en  terminant,  il  paraît 
raisonnable  de  conclure  que  V Eoanthropus  Dawsoni  est  bien  une  forme 
distincte  el  définie  d'Homme  ancien,  car  la  trouvaille,  dans  des  Localités 
différentes,  d'un  même  type  de  frontal  et  d'un  même  type  de  molaire 
inférieure  ajoute  à  la  probabilité  que  tous  ces  débris  appartiennent  à 
une  seule  et  même  espèce. 

L'appendice,  rédigé  par  M,  Elliot  Smith,  a  trait  à  la  forme  du  pôle 
limitai  du  moulage  endocranien  de  Y  Eoanthropus  Dawsoni.  Malgré  sa 
petitesse  (5  centimètres  sur  3),  la  surface  moulée  montre  de  grandes 
analogies  avec  les  parties  correspondantes  des  moulages  inïracraniens 
de  l'Homme  de  Vanderlhal  et  un  développement  encore  moins  consi- 
dérable de  la  partie  latérale  de  l'aréa  préfontale.  Il  y  aurait  là  les  carac- 
tères les  plus  primitifs  et  les  plus  simiens  qu'on  ait  obsenés  jusqu'à  ce 
jour  sur  un  membre  quelconque  de  la  famille  humaine. 

Ces  communications  furent  sui\  ies  d'une  discussion  à  Laquelle  prirent 
part  MM.  Pycraft,  Keilh  et  Sir  Ray  Lankesler.  M.  Pycraft  a  présenté  une 
mandibule  de  Chimpanzé  qui  lui  avail  été  communiquée  par  M.  Miller. 
Les  molaires  sont  usées  en  surface  plane  comme  celles  de  la  mâchoire 
'de  Piltdown.  M.  Pycraft  considère  que  ce  mode  d'usure  est  ici  accidentel 
et  tient  à  la  position  anormale  de  la  première  prémolaire,  beaucoup 
trop  saillante.  Dans  aucun  des  autres  Chimpanzés  examinés  par 
M.  Pycraft,  on.  n'observe  une  telle  usure  en  surface  plane;  les  cuspides 
externes  disparaissent  avant  que  les  cuspides  internes  soient  érodées. 
L'échantillon  de  M.  Miller  ne  prouve  donc  pas  ce  que  L'auteur  veut  lui 
faire  dire. 

Sii  Ray  Lankesler  insiste  sur  |(.  fail  que  la  trouvaille  de  Piltdown 
n'est  plus  un  fait  isolé.  Les  fragments  osseux  déjà  trouvés  ont  appartenu 
•î  deux  individus  au  moins,  et  peut-être  à  trois  ou  quatre  individus. 

M.  B. 


566  MfHYKMKVr    SCIENTIFIQUE. 

Milieu  (Gerril  S.).  The  Piltdown  jaw  (La  mâchoire  de  Piildawn).  A  meric  in  Journal  of 
physiçal  anlhropoloqy,  vol.  I,  n°  1.  1918,  pp.  2.VÔ2.  avec  4  pi. 

M.  Miller  a  publié,  lin  191").  sur  la  mâchoire  de  Piltdown,  un 
mémoire  que  nous  avons  présenté  à  nos  lecteurs  (V.  L'Antkr.,  \\\  III, 
p.  433.  Au  début  de  1917,  dans  un  article  publié  par  Science  Progress 
I.  11,  pp.  389-409),  M.  Pycraft  critiqua  les  conclusions  de  M.  Miller 
et  chercha  à  prouver  que  la  mâchoire  fossile  ne  saurait  être  d'un  Singe. 
Le  nouveau  mémoire  de  M.  Miller  est  une  réplique  à  l'assertion  de 
M.  Pyçraft. 

'L'auteur  reprend  l'historique  de  la  question  et  il  veut  bien  cette  fois 
—  mais  en  reléguant  sa  remarque  dans  une  note  bibliographique  — 
rappeler  mon  opinion  conformée  la  sienne el  antérieurement  exprimée. 
Cet  historique  est  connu  de  nos  lecteurs.  M.  Miller  fait  remarquer 
de  nouveau  que  les  restes  osseux  de  Piltdown  sont  bien  incomplets  et 
qu'il  ne  faut  pas  se  départir,  dans  leur  étude,  de  la  méthode  tirée  de 
l'association  des  caractères.  A  cet  égard,  tout  le  monde  est  d'accord 
pour  admettre  la  nature  humaine  des  os  du  crâne.  Si  toutes  les  parties 
de  la  mandibule  exhibent  des  caractères  ne  se  retrouvant  que  sui- 
des mâchoires  simiennes,  la  méthode  paléontologique  ordinaire  veut 
qu'on  considère  cette  mandibule  comme  celle  d'un  Singe,  surtout  si, 
comme  dans  le  cas  actuel,  il  s'agit  de  caractères  particuliers  à  un  genre 
déterminé  d'Anthropoïdes  et  en  l'absence  de  tous  traits  diagnostiques 
humains. 

M.  Miller  reprend  un  à  un  pour  les'combattre,  les  arguments  de 
M.  Pycraft.  Ils  sont  au  nombre  de  8. 

1 .  Les  molaire-  de  h  mâchoire  de  Pilldown,  sont  plus  hypsodontes  que 
celle-  des  Chimpanzés.  —  M.  Miller  montre,  par  un  tableau  de  mesures 
pri-e>  -ur  des  dents  de  Chimpanzés,  d'Orangs  et  d'Hommes,  que  si 
l'hypsodontie  des  molaires  inférieures  chez  l'Homme  est  ordinairement 
inférieure  à  celle  des  Singes,  il  \  ,1  des  exceptions;  ce  caractère  est  si 
variable  qu'on  ne  -aurait  lui  accorder  une  valeur  décisive. 

2.  Les  dentiriiles  externes  des  molaires  (protoconîde,  niétaronide, 
li\|>oronulide),    de    Pilldown      sont    netteinenl    plus    forts  que  ceux  des 

plu-  grosses  déni-  de  Chimpanaés.  Les  sillons  qui   les  séparent  sont 
plu-  marques    el   plus  longs  dans  le  Chimpanzé  que  dans   les  dents 

liumaim  -,   \   compris  celles  de   Pilldown.  Des  photographie?  de  coii- 

rosmes  de  dents  de  Chimpanzé,  ramenées  à  la  même  échelle  que  la  pho- 
tographie des  couronnes  de  Piltdown,   montrent  que  les    différences 
ci-dessus  invoquées  n'existenl  pas. 
.).  Chez  Le  Chimpanzé  l.i  partie  la  plus  large  de  la  couronne  se  trouve 

immédi.ileinenl    ;m  de&SUS  de-  racines    el   la  surface    triturante  est    plus 

étroite.  Chez  l'Homme,  \  compris  Piltdown,  la  couronne  se  relie  insen- 
siblement aux   racines;  ses  dimensions  sont  à  peu  près  Les  mêmes  à  sa 


moi  \f.\ii  \  i    s<  un  riFIQl  i  •  $67 

(vase  et  à  sa  surface.  —  Par  nue  série  d'exemples  photographies  et  com- 
posant La  planche  I  de  soq  mémoire,  M.  Miller  montre  que  ce  caractère 
est  insuffisant  pour  un  diagnostic  certain. 

't.  Les  radiographies  des  molaires  de  Piltdown  montrent  <  1 1  r<  1 1  *- 
B  it  du  type  «  taurodonte  »  de  Keith  el  diffèrent  ainsi  de  celles  du 
Chimpanzé  et  des  autres  grands  Singes.  —  Des  photographies  compa- 
ratiyes,  reproduites  sur  la  même  planche,  réduisent  encore  à  néani  ce 
caractère. 

:».  Les  dents  usées  de  Chimpanzés  diffèrent  de  celles  de  Piltdown  et 
de  celles  des  Hommes  actuels  par  l'extrême  minceur  de  rémail.  —  Des 
exemples  cités  el  figurés  montrent  que  ce  nouveau  caractère  es I  (oui  à 
fait  insuffisant. 

(i.    La  mâchoire   de  IMlldown  ressemble  plus  à  celle  d'un    Caire    qu'à 

celle  d'un  Chimpanzé.  —  M.  Miller  n'a  pas  de  peineà  réfuter  cette 
étrange  assertion,  qui  ne  résiste  pas  à  un  examen  comparatif  de  quelques 
minutes,  surtout  en  ce  qui  concerne  la  branche  horizontale. 

-  I...  septième  poinl  a  irait  à  une  conformation  de  la  surface  interne 
du  corps  de  la  mandibule  qu'il  sérail  trop  long  de  décrire  ici  mais  qui, 
d'après  Pycraft,  empêcherait  de  confondre  l'échantillon  de  Piltdown 
ou  toute  aulre  mandibule  humaine  avec  une  mandibule  de  Chim- 
panzé. —  M.  Miller  répond  une  fois  de  plus  par  l'exibition  de  prépa- 
rations qui  annihilent  cet  argument. 

8.  Le  dernier  caractère  serait  le  plus  convaincant.  Si.  dans  une 
mâchoire  de  Chimpanzé,  on  tire  d'une  part  une  ligne  Suivant  le  milieu 
de  la  rangée  dentaire,  depuis  la  canine  jusqu'à  la  dernière  molaire, 
et,  d'autre  part,  une  ligne  joignant  le  bord  postérieur  delà  brandie 
montante  à  son  bord  antérieur,  on  observe  que  les  deux  lignes  con- 
vergent en  avant  de  la  canine.  Ces  lignes  convergent,  chez  l'Homme 
en  arrière  du  cond\le  articulaire  de  la  mâchoire  ou  sont,  tout  au  plus 
parallèles.  La  mandibule  de  Piltdown,  rentre  dans  cette  dernière  ca*é- 
gorie.  Le  caractère  humain  du  fossile,  établi  d'après  ce  caractère,  serait 
incontestable.  —  Il  est  pourtant  contesté  par  Miller  qui,  tirant  les  lignes 
avec  plus  de  soin  el  par  un  procédé  plus  précis  que  celui  employé  par 
Pycraft,  montre  que  le  caractère  en  question  n'a  aucune  généralité.  Au 
b<»ul.  d'une  heure  de  recherches,  l'auteur  a  trouvé  six  mandibules 
humaines  où  ta  convergence  s'établit  comme  chez  les  grands  Singes, 
quoique  à  un  degré  moindre  (pie  chez  les  individus  de  ces  (huniers 
possesseurs  de  fortes  canines  t*es convergences  ou  divergences  extrêmes 
peuvent  bien  être  considérées  comme  pouvant  servir  à  différencier 
Les  Hommes  des  Singes.  Mai- il  \  a  une  grande  marge  de  chevauche- 
ment et  les  épnanes  reproduites  par  Miller  montrent  que  la  mâchoire 
de  Piltdown  tombe  précisément  dm-  celle  marge.  Les  lignes  sont  ici 
sensiblement  parallèles. 


568  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

En  somme,  aucun  des  caractères  invoquésn'a  l'importance  qu'on  lui 
a  attribuée  pour  un  diagnostic  certain.  Que  certaines  particularités  de  la 
mandibule  fossile,  six  sur  huit,  puissent  être  retrouvées  sur  quelques 
mandibules  humaines,  on  ne  saurait  le  nier;  mais  il  n'est  pas  moins 
vrai  que  ces  mêmes  caractères  se  retrouvent  aux  mâchoires  de  Singes 
anthropoïdes.  Dès  lors  ils  ne  sauraient  entrer  en  balance  avec  les  carac- 
tères exclusivement  simiens  du  fossile. 

En  terminant,  M.  Miller  adopte  sans  difficulté  le  terme  d'Eoanthro- 
pus  pour  l'appliquer   au    crâne  et   au  crâne  seulement;  il  désigne  la 
mâchoire    sous   le    nom   de    Pan   vêtus,  s'appliquant,   dans   une  note 
bibliographique,  à  rejeter  le  terme  déjà  proposé    par  moi  de   Troglo- 
dytes Dawsoni  et  qui  a  l'antériorité.   Cette  question  de  priorité  m'est 
parfaitement  indifférente.  Il  n'en  reste  pas  moins  que  j'ai  été  un  des 
premiers,  sinon  le  premier,  à  faire  ressortir  la  ressemblance  frappante, 
(jui  saute  aux  yeux,  de   la   mandibule  de  Piltdown  avec  la  mandibule 
d'un    Chimpanzé   actuel.  Toutes  les  discussions    analytiques   publiées 
depuis  n'ont  guère  ajouté,  en  ce  qui  me  concerne,  à  l'impression  pre- 
mière résultant   d'un  examen   morphologique  comparatif.   Et  je  suis 
de  plus  en  plus    convaincu  que  la  mâchoire  et  le  crâne  de  Piltdown 
sont  deux  choses  très  différentes.  Mais  je  voudrais  dire  à  M.  Miller  qu'il 
n'est  pas  logique  jusqu'au  bout.  Evidemment  ce  sont  les  caractères  de 
la  mandibule,  qui  ont  valu  à  l'ensemble  des  trouvailles  de  Piltdown, 
l'appellation   d'Eoanlhropus.  Si  l'on  supprime  cette  mâchoire,  on  reste 
en  présence  d'un  crâne  humain,  véritablement  humain,  de  l'avis  même 
de  M.  Miller,  d'un  véritable  H omme  et  nullement  d'un  être  représentant 
l'aurore  des    Hominiens.  Puisque  M.   Miller  s'applique  à  soigner   ses 
travaux    de    nomenclature   et  qu'il  attache  à   son  verbalisme  une  très 
grande  importance,  je  ne    m'explique  pas  qu'il  se  soit  arrêté  à  moitié 
chemin  <t  qu'après  avoir  créé  l'expension.  de  Pau  relus  pour  la  mandi- 
bule, il  n'ait  pas  tordu  le  cou  à  Y Eoanthropus ,  un  terme  fâcheux  à  tous 
égard,  comme  j'ai  essayé  de  le  démontrer  il  y  a  quatre  ans  (L'Anlhrop., 
XXVI, p.  66). 

M.  B. 

Sbra  (G.  L.).  La  pieghettatura  dello  smalto  nei  denti  di  antropomorfi  (Le  plissement 
de  rémail  des  dents  des  Anthropomorphe-)  Extr.  du  Monitore  zoologicoilalia.no, 
\\\  II.  1916,  pp.  208-215. 

Selenka  a  montré  qu'il  \  a  une  relation  entre  le  plissement  de  l'émail 
des  molaires  des  Singes  anthropomorphes  et  la  hauteur  de  leurs 
denticules.  Il  a  établi  la  série  suivante,  des  plus  plissés  aux  moins 
plissés:  Orang,  Chimpanzé,  Gibbon,  Dryopithèque,  Homme,  Gorille.  Il 
a  donné  du  phénomène  une  explication  puremenl  géométrique.  M.  Sera 
se  demande  s'il  ae  faul  pas  >  voir  plutol  un  phénomène  biologique  en 


MoruMF.NT  sdiÉNîîlFQUÊ.  56q 

rapport  avec  dos  changements  dans  les   Ponctions  de  autrition  ou  de 
mastication. 

Deux  hypothèses  sonl  possibles;  ils'agil  d'une  acquisition  immédiate 
et  directe,  observable  sur  des  formes  primitives  à  cuspides  basses,  ou 
bien  d'une  acquisition  secondairede  formes  à  cuspides  élevées.  L'auteur 
dit  que  les  faits  sonl  en  faveur  de  la  seconde  de  ces  h\  pothèses. 

Il  signale  le  plissement  compliqué  de  la  dernière  molaire  ou  tuber- 
culeuse de  l'Ours  blanc  tout  à  l'ait  comparable  au  plissement  des 
molaires  d'Orang.  Or,  chez  le  Carnassier  en  question,  il  est  clair  que  le 
plissement  es!  une  conséqnence  secondaire  de  la  réduction  des  cuspides. 
Il  en  est  de  même  chez  Ursus  spelœus.  La  production  des  plis  est  donc 
_   nétiquement  connexe  de  la  réduction  des  cuspides. 

\lbeil  (iaudrv  el  l'auteur  de  ce  compte  rendu  ont  montré  depuis 
longtemps  que,  dans  la  série  évolutive  des  Ours,  le  plissement  de 
l'émail  des  tuberculeuses  augmente  par  dédoublements  multipliés  des 
denticules  primitifs,  et  pour  passer  d'un  régime  Carnivore  à  un  régime 
de  plus  en  plus  omnivore. 

Les  espèces  de  Dryopithèques  des  Sivaliks  sont  d'autant  plus  plissées 
qu'elles  sont  plus  jeunes.  Le  plissement  de  l'émail,  qui  se  rencontre 
chez  divers  groupes,  est  donc  un  caractère  de  convergence,  ne  pouvant 
servir  à  établir  les  affinités  ou  les  liens  génétiques  des  animaux  qui  le 
présentent,  contrairement  à  l'opinion  deSchlosser,  qui  s'en  est  servi  pour 
considérer  Dryopithecus  comme  un  ancêtre  de  l'Orang  et  l'éloigner  des 
Gibbons,  ce  qui  est  en  opposition  avec  l'ensemble  des  caractères  de  ces 
Singes  anthropoïdes.  L'auteur  se  réserve  de  développer  ces  considé- 
rations et  leur  application  à  la  phylogénie  des  Antropomorphcs  dans 
un  travail  plus  général  et  plus  détaillé. 

M.  B. 

Sera  (G.  L.).  È  la  forma  dell'  orecchio  Jumano  antica  o  récente?  (La  forme  de  l'oreille 
humaine  est-elle  ancienne  ou  récente?)  Extr.  du  Giornale  per  L'i  Morfologia  delC 
Uomo  e  dti  Primati,  1"  année,  fasc.  II,  1917. 

Le  fameux  tubercule  de  Darwin  et  son  interprétation  ont  fait  l'objet 
de  nombreux  travaux,  depuis  la  publication  de  «  La  descendance  de 
l'Homme  ».  L'auteur  rappelle  ceux  de  Meyer,  de  Langer,  de  Schwalbe  et 
en  fait  la  critique. 

Dé  son  côté,  il  a  examiné  diverses  espèces  du  genre  Tupaia  et  montré 
que  chez  ces  Insectivores  d'un  groupe  tout  à  fait  particulier,  aux  habi- 
tudes arboricoles  l'oreille  est  exactement  conformée  comme  chez 
l'Homme.  Boas  avait  déjà  l'ait  la  même  observation,  il  faut  noter 
surtout  ici  la  présence  du  tronc  de  i'anthélix  qui  s'observe  également 
chez  les  fœtus  humains  de  3  ou  f\  mois  où  le  tubercule  de  Darwin 
serait  fréquent  d'après  certains  auteurs,  absent  d'après  d'autres;  cette 

l'amtiikoi'olooik.  —  t.  xxix.   —  1^18-1919.  37 


5-0  .  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

divergence  d'opinion  pouvant  être  purement  nominale.  La  présence, 
dans  la  région  correspondante  du  cartilage  de  l'oreille,  d'une  forme 
angulaire  s'explique  pour  M.  Sera  par  une  raison  purement  mécanique; 
il  s'agit  simplement  d'une  doublure  de  soutien  rendant  le  bord  plus 
robuste.  Chez  les  Singes,  le  tubercule  de  Darwin  n'a  pas  la  fréquence 
qui  serait  nécessaire  pour  confirmer  la  thèse  de  Schwalbe.  Il  en  est  de 
même  chez  les  races  humaines  où  il  s'observe  plutôt  chez  les  Européens 
que  chez  les  races  dites  inférieures. 

II  résulte  des  dissertations  de  l'auteur,  dans  le  détail  desquelles  je  ne 
saurais  entrer,  qu'il  y  a  d'excellentes  raisons  de  considérer  la  forme  de 
l'oreille  humaine,  avec  hélix  plié  et  sans  tubercule,  comme  une  forme 
très  ancienne  et  primitive.  D'après  cette  opinion,  l'oreille  ;Vhélix  non 
plié  et  avec  tubercule  de  Darwin  doit  être  interprétée  comme  un 
simple  arrêt  de  développement,  sans  signification  phylogénélique. 

M.  B. 

Stehlin  (H.  0.).  Ueber  einen  Ovibosfund  aus  dem  spaten  Pleistocan  des  Schweizerischen 
Mittellandes  (Sur  une  trouvaille  de  Bœuf  musqué  dans  le  Pléistocène  tardif  de  la 
Suisse  centrale).  Extr.  de  Yei handlungen  der  Naturforsckenden  Gesell>c  in  Bastl 
Bd  XWII,  1916,  pp.  93-99. 

La  présence  de  restes  à'Ovibos  avait  déjà  été  signalée  dans  le  Pléisto- 
cène suisse,  notamment  au  Kesslerloch,  près  de  Thaingen.  La  nouvelle 
trouvaille  consiste  en  un  atlas  retiré  d'une  sablière  des  environs  d'Olten. 
L'auteur  figure  et  décrit  ce  document.  La  faune  qui  l'accompagnait 
comprend  :  Capra  ibex,  Rangifcr  tarandus,  Cervus  cf.  Canadcnsis,  Bos 
urimigenius  (peut-être  Bison  priscus)  Equus  caballus,  Equus  cf.  kemio-> 
nus,  Rhinocéros  tichorhinus,  Elephas  primigenius ,  Felis  cf.  spelwa. 

Les  graviers  (luviatiles  d'Olten  Hammer,  qui  renferment  cette  faune 
constituent  une  basse  terrasse  <!<•  L'Aar,  se  rattachant  au  maximum 
de  la  dernière  extension  glaciaire  dans  le  sens  du  système  Penck- 
Bnickner.  »■  »« 

Jeahnex  (Alphonse).  Une  date  de  chronologie  quaternaire  :  La  station  préhistorique  du 
Scè  près  de  Villeneuve  (Extr.  de  Jahrgang  61  {1916 ,  du  Vierle/jahrsschrift  der  Nulur- 
forschenden  Gesells.  in  Zurich,  pp.  634-G43,  1916. 

hindi  topographique  et  géologique  de  la  station  paléolithique  du  Scé 
''étudiée  par  H.  de  Saussure  dès  1870)  et  de  ses  abords.  Voici  La  princi- 
pale conclusion  de  l'an  leur. 

«  Par  une  série  de  déductions  basées  sur  les  faits,  nous  arrivons  donc 
;i  démontrer  l'âge  postbuhlien  <l<i  La  station  magdalénienne  du  Scé  près 
Villeneuve.  Nous  pouvons  même  prouver  qu'elle  ne  peul  avoir  été 
occupée  qu'après  le  dépôt  de  La  terrasse  lacustre  dite  de  3o  m.,  au  pins 
i,M.    Ces    résultats   confirment  les   conclusions    auxquelles  est  arriva 


1101   \  I  Ml  N  I      M.II.N  I  lllOl   I.  571 

II.  Montandon  pour  la  station  contemporaine  de  Veyrier  au  pied  du 
àalève.  Celle-ci  est,  d'après  cel  auteur,  franchement  post-glaciaire,  nette- 
ment postérieure  au  maximum  du  stade  de  Bùbl.  » 

Voilà  qui  n'étonnera  guère  1rs  préhistoriens  français, qui  savent  depuis 
Longtemps  que  Le(Magdalénien  esl  nettement  post-glaciaire,  M.  Jeannet 
déclare  que  la  preuve  n'avâil  pas  encore  été  faite  «  pour  nos  régions  du 
moins  i).  .Iii  me  permel  liai  de  lui  faire  observer  que  si  par  «  nos  régions  » 
il  entend  la  Suisse,  il  \  a  bien  Longtemps  que  j'ai  fourni  cette  preuve 
au  Schweizersbild,  contre  Penck  et  son  école,  qui  faisaient  remonter  ce 
gisement  à  une  époque  interglaciaire.  Le  supplément  d'information  qui 
nous  est  apporté  aujourd'hui  n'en  est  pas  moins  Le  bienvenu. 

M.  B. 

M>\ivMi>\  (Raoul).  Bibliographie  générale  des  travaux  palethnologiques  et  archéolo- 
giques. Canton  de  Genève  et  régions  voisines.  Mr.  in-8  de  33  p.  Genève,  1917. 

Id.  Coup  d'œil  sur  les  époques  préhistorique,  oeltique  et  romaine  dans  le  canion  de 
Genève  et  les  régions  limitrophes.  Hr.  in  8  de  51  p.  Genève,  1917. 

La  première  de  ces  brochures  est  un  répertoire  appelé  à  prendre 
place  à  côté  des  bibliographies  palethnologiques  et  archéologiques  des 
départements  français  entreprises  par  l'auteur  (Yoy.  L'Anthr.  XXVIII, 
p.  474)«  Le  chapitre  I  est  consacré  au\  travaux  archéologiques  et  anthro- 
pologiques; le  chapitre  II,  au*  travaux  géologiques  et  paléontologiques. 
Le  concours  de  disciplines  scientifiques,  paraissant  si  opposées  est  ce- 
pendant obligatoire,  proclame  M.  Montandon,  non  seulement  dans  des 
questions  purement  palethnologiques,  mais  encore  pour  la  solution  des 
problèmes  historiques. 

Le  second  travail  est  un  exposé  clair,  agréablement  écrit,  de  haute 
vulgarisation,  de  l'état  actuel  de  nos  connaissances  sur  les  époques 
préhistorique,  celtique  et  romaine  dans  le  canton  de  Genève  et  les 
régions  limitrophes.  Le  texte  principal  s'accompagne  de  nombreuses 
références  bibliographiques  et  de  précieuses  notes  infrapaginalcs.  La 
brochure  est  élégante,  parfaitement  imprimée.  Elle  sollicite  le  lecteur 
par  cette  apparence  extérieure  et  le  fonds  en  est  excellent. 

M.  B. 

Mu.r.Tr  (H.  H.)  The  site,  fauna,  and  industry  of  La  Cotte  de  Saint-Brelade,  Jersey.  (Le 
gisement,  la  faune  et  l'industrie  de  La  Cotte  de  Saint-Brelade,  h  Jersey.  (K\tr. 
tïArchxologia,  vol.  LXVII,  1916,  pp.   7(1-118. 

Nos  Lecteurs  connaissent  déjà  la  grotte  dite  la  Cotte  de  Sainl-Brelade 
(Voir  i:\nlhrop.,  I.  XXII,  p.  674). 

M.  Marett  nous  raconte  aujourd'hui  les  nouvelles  fouilles  qu'il  a 
pratiquées  dans  ce  gisement  en  ujil\  et  kji3,  grâce  à  des  subventions 


O72  MOUVEMKXT    SCIENTIFIQUE. 

de  1* Association  britannique  et  de  la  Société  royale.  Il  nous  donne  un 
plan  el  une  coupe  de  la  grotte  avec  L'indication  des  emplacements  où 
ont  été  effectuées  les  diverses  recherches,  que  des  écoulements  ont  par- 
fois gênées  et  même  rendues  périlleuses. 

Les  opérations  de  1910  ont  permis  de  récolter  plus  de  5. 000  silex  et 
autant  d'ossements.  Environ  1200  pieds  carrés  du  sol  paléolithique 
sont  maintenant  explorés. 

On  n'a  presque  rien  trouvé  en  fait  de  débris  humains  et  la  présence 
de  Y  Homo  Neanderthalensis  ne  repose  encore  que  sur  les  treize  dents 
précédemment  exhumées.  Quelques  fragments  d'un  crâne  humain  ont 
été  cependant  recueillis  dans  le  talus  extérieur.  D'après  M.  Keith.  ils 
auraient  appartenu  à  un  enfant  et  pourraient  provenir  d'une  sépulture 
à  crémation,  d'àfje  relativement  récent. 

Les  découvertes  relatives  à  la  faune  se  sont  par  contre  beaucoup 
accrues.  On  compte  maintenant  19  espèces  de  Mammifères  et  9  espèces 
d'(  oiseaux.  Les  Mammifères  les  plus  communs  sont  :  le  Renne,  le  Cheval, 
le  Bos  primigenius  et  le  Lemming  à  collier.  Tous  les  ossements  d'ani- 
maux ont  été  trouvés  associés  avec  des  silex  moustiériens.  Leur  répar- 
tition stratigraphique,  difficile  à  établir  par  suite  de  leur  mauvais  état 
de  conservation,  ne  permet  pas  de  se  faire  une  idée  des  changements  de 
climat  qui  ont  pu  survenir  pendant  la  durée  de  l'occupation  mous- 
tiérienne.  Mention  spéciale  doit  être  faite  d'une  dent  d'Eléphant,  déter- 
minée comme  Élephas  trogontherii  et  qui  a  été  trouvée  tout  à  fait  à  la 
base  du  dépôt,  à  10  pieds  au-dessous  du  niveau  du  Mammouth  et  du 
Rhinocéros  à  narines  cloisonnées,  dont  les  débris  se  rencontrent,  eux, 
au  sommel  du  même  dépôt.  D'autre  part  on  peut  affirmer  que  l'occu- 
pation humaine  de   la  caverne  a  pris  fin  avec  L'âge  du  Mammouth. 

Les  ossements  de  Lemmings  et  de  Microtus  ratticeps,  formes  essen- 
tiellement boréales,  se  sont  rencontrés  en  plusieurs  amas  localisés  au 
sommet  ou  près  du  sommet  du  dépôt  archéologique.  II  semble  que  l'a r- 
rivée  de  ers  Rongeurs  ail  coïncidé  avec  la  fin  de  la  période  de  l'occupa- 
tion lin  mairie.  % 

Quelques  ossements  portent  la  trace  d'un  travail  intentionnel, 
d'ailleurs  très  rudimentaire.  Et  même  ce  travail  nie  paraît  douteux 
pour  une  sorte  de  poinçon  ou  d'alêne  figurée  par  l'auteur. 

\l.  Marett  s'étend  longuement  sur  l'industrie  du  silex.  Il  a  tenu  à 
tout  recueillir:  15070  morceaux  de  silex  et  854  fragments  d'autres 
roches,  ton-  introduits  par  l'Homme  dans  la  ca\crne  (creusée  dans  le 
granité).  Il  a  cherché  à  diviser  cette  énorme  collection  en  groupes 
naturels  pour  en  établir  les  proportions  aumériques.  Du  tableau  statis- 
tique dressé  à  cet  effet,  il  résulte  qu'une  pièce  sur  trois  environ  a  été 
inutilisée.  Parmi  les  rebuts,  il  n'\  a  guère  qu'une  pièce  de  grande 
dimension  sur  cinq,  les  quatre  autres  ne  sont  que  <!«•  simples  éclats  ou 


MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE,  573 

déchets.  Ceci  serait  donc  d'après  L'auteur,  une  preuve  de  L'économie  et 
de  L'intelligence  de  l'Homme  moustiérien. 

Tous  ces  déchets  éliminés,  il  fiiui  encore  séparer  les  pièces  amorphes, 
simplement  usagées,  ou  instruments  de  fortune,  <l<vs  pièces  bien  tra- 
vaillées el  de  formes  bien  définies.  Les  deux  lois  sont  à  peu  pics  égaux. 
Enfin,  dans  Le  Loi  à  formes  intentionnelles,  comprenant  4468  pièces, 
il  y  a  Lieu  de  faire  encore  trois  groupes.  Dans  la  première  «  qualité» 
n'entrent  que  des  types  parfaits  de  L'industrie  moustiérienne.  Elle  ne 
comprend  que  iââ  objets,  ce  qui  ne  représente  i  o/o  de  la  totalité  des 
i. ")o-o  silex  recueillis.  La  seconde  catégorie  englobe  des  pièces  plus  gros- 
sières mais  rentrant  encore  dans  les  types  classiques  et  comprend 
2678  pièces.  Le  dernier  groupe,  représenté  par  713  unités,  est  d'ordre 
plus  inférieur,  de  nature  parfois  douteuse. 

11  m'est  impossible  de  suivre  l'auteur  dans  ses  descriptions  d'instru- 
ments de  première  ou  de  seconde  «  qualité  »,  descriptions  accompa- 
gnées de  bons  dessins.  Il  n'a  été  trouvé  qu'un  seul  silex  amygdaloïde. 
L'ensemble  esl  bien  nettement  moustiérien. 

L'industrie  lithique,  autre  que  celle  du  silex,  comprend  surtout  plu- 
sieurs centaines  de  marteaux  et  broyeurs  en  roches  granitiques  ou 
diabasiques.  Beaucoup  d'autres  cailloux  sont  des  galets  dépourvus  de 
toutes  traces  d'utilisation.  Leur  abondance,  en  un  point  ou  gisaient 
beaucoup  d'os  brûlés,  semble  indiquer  que  ces  cailloux  étaient 
employés  pour  faire  bouillir  de  L'eau  ou  cuire  des  aliments.  Certaines 
de  ces  pierres,  polies  sur  dc>  portions  de  leur  surface,  ont  du  être 
employées  comme  broyeurs  ou  molettes,  peut  être  pour  la  préparation 
de  racines  ou  de  graines  comestibles. 

Le  mémoire  se  termine  par  un  paragraphe  intitulé:  Stratigraphy . 
L'auteur  indique  les  précautions  prises  pour  repérer  la  provenance 
exacte  de  chaque  objet,  dans  le  sens  horizontal  et  dans  le  sens  vertical. 
Vers  la   paroi   orientale   de    la   grotte,    le   dépôt    archéologique   avait 

10  pieds  d'épaisseur.  Une  coupe  synthétique  représente  Les  divers 
éléments  de  cette  formation  qu'une  mince  couche  gréseuse,  blanche, 
Stérile,  divise  en  deux  parties.  La  partie;  inférieure  serait  du  Mous- 
tiérien moyen,  el  la  partie  supérieure  du  Moustiérien  supérieur.  La 
petite  bande  limite  représenterait  un  ancien  sol  resté  à  l'air  pendant 
une  longue  période  d'inoccupation  de  la  grotte.  Mais  l'industrie  supé- 
rieure et  inférieure  ne  sauraient  guère  être  distinguées  l'une  de  L'autre. 

11  semble  toutefois  que  la  dernière  soit  un  peu  plus  grossière  (pie  la 
première,  et  que  dans  celle-ci.  les  instruments  soient,  d'une  manière 
générale,  de  forme  plus  allongée;  annonçant  l'Aurignacien.  L'élude  des 
patines  de  silex  anciens,  retouchés  plus  lard,  conduit  M.  Marett  à 
évaluer  à  5ooo  ans  environ  La  durée  de  l'occupation  de  La  grotte  par  les 
Hommes  moustiériens.  Il   termine  en  déclarant  que  La  Cotte  de^Saint- 


5-^  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

Brelade  est  un  gisement  purement  moustiérien,   aussi  riche  et  aussi 
caractéristique  qu'aucun  autre  en  Europe. 

M.   B. 

Hern.vndez-Pycheco  (E  ).  Estudio  de  arte  Prehistorico.  I.  Prospection  de  las  Pinturas 
rupestres  de  Morella  la  Vella.  II.  Evolution  de  las  Ideas  madrés  de  la  Pintura  Rupestres. 
(Étude  d'art  préhistorique,  I  Prospection  des  peintures  rupestres  de  Morella  la  Vella. 
II.  Évolution  des  idées  mères  des  peintures  rupestres.)  «  Revisla  de  la  HeaL  Acade- 
mia  de  ciencias  exactas,  fisicas  y  nalurules  de  Madrid  »,  tome  XVI,  1"  numéro  de 
la  2e  série.   —  24  pages,  3  planches  et  10  figures  de  texte. 

Dans  cette  brochure,  le  Prof.  Pacheco  décrit  les  premiers  résultats 
acquis  par  lui  dans  l'étude  d'une  nouvelle  station  de  peintures,  rupestres 
du  style  de  l'Espagne  orientale,  située  près  de  Morella  (Cas  tel  Ion).  Elles 
furent  signalées  par  M.  José  Senant  Ibafiez  le  17  octobre  1917  dans  un 
journal  de  Valence  «  La  Provincia  ».  Morella  est  à  66  kilomètres  de 
Vinaroz,  gare  la  plus  voisine;  une  diligence  automobile  parcourt  ce 
trajet.  La  région  est  constituée  par  des  massifs  calcaires  escarpés;  l'un 
d'eux,  meseta  occupée  par  une  ville  antique,  Morella  la  Vieja,  est  à 
7  kilomètres  de  la  ville  actuelle.  Dans  les  falaises  du  sud,  des  corniches 
peu  profondes  forment  abri,  voisines  d'une  plus  vaste  cavité,  et  non 
loin  d'une  belle  source;  leur  accès  est  assez  difficile  ;  trois  présentent 
des  vestiges  de  peinture  :  La  première  «  galeria  alta  de  la  Masia  »,  ne 
pourra  être  étudiée  exactement  qu'après  construction  d'échafaudage  ; 
beaucoup  de  figures  onl  été  écaillées,  mais  il  en  reste  encore  de  nom- 
breuses, par  exemple,  un  homme  très  simplement  dessiné,  suivant 
une  piste  composée  de  deux  séries  parallèles  de  paires  de  taches  allon- 
gées; il  y  existe  aussi  des  archers,  des  lignes  ondulées  et  zigzaguées,  une 
trie  de  Bouquetin.  La  seconde,  «  galeria  <lel  Roble  »  est  d'une  étude 
moins  difficile;  l'auteur  en  figure  un  archer  tirant  sur  un  Bouquetin 
des  flèches  empennées,  parfois  à  une  seule  barbe  récurrente;  un  chasseur 
au  repos,  debout  à  coté  d'un  cerf  à  ramure  abondante  et  fantaisiste  ;  un 
Bouquetin  mâle,  fuyant  blessé,  en  laissant  derrière  lui  une  trace  que 
L'auteur  pense  être  du  sang;  des  dessins  humains  schématiques,  néoli- 
tiques  ;  La  plus  remarquable  scène  est  une  lutte  entre  7  hommes  armés 
d'arcs  et  de  flèches,  aux  attitudes  très  violentes,  une  jambe  très  ployée, 
l'autre  rejetée  droite  en  arrière.  L'une  des  figures  est  recouverte  de 
concrétions  calcaires  ;  deux  des  hommes  sont  blessés  par  des  llèehes. 
La  troisième  roche  ne  contient  qu'une  figure  schématique  de  Bouque- 
tin, néolithique  apparemment, 

L'auteur,  malgré  L'absence  de  superposition  entre  les  divers  groupes 
de  figures,  en  distingue  quatre  groupes  ;  !<■  premier  est  constitué  par 
<\i->  animaux  mieux  faits,  et  des  hommes  à  tracé  linéaire,  tête  globu- 
leux', peu  détaillés.  Le  second  présente  des  hommes  mieux  traités, 
moins  linéaires  ;  mais  les  animaux,  sont  assez  mal  faits.  Le  troisième  et 


moi 'vr.MVvr    scirrrmorE.  ^5 

le  quatrième  sont  de  plus  en  plus  schématique*,  La  parenté  de  ces 
figures  avec  celles  uY  Tirig  (Caslellon)  est  évidente.  La  seconde  partie 
du  travail  traite  il»1  La  pari  que  les  idées  de  magie,  de  commémoration 
dt>  faits  réels  el  de  signification  funéraire  ont  en  dans  l'ait  rupestra 
des  diverses  époques  el  (les  divers  groupes  géographiques. 

II.   Dreuil. 


Cwwu  A.6UIL0  (Juan).  Las  pinturas  rupestres  de  Aldeaqueinada.  (Les  peintures  rupestres 
de  Udeaquemadu).  Comision  de  Investigaciones,  etc..  Memoria,  n°  14.  Madrid, 
1917. 

Simple  catalogue  illustré  de  dessins  et  photographies  de  21  roches 
peintes  des  environs  d'Aldeaquemada  (Jaen).  Sept  d'entre  elles  avaient 
été  découvertes  par  mon  prospecteur  en  191^,  et  étudiées  par  moi  en 
1 9 1 3.  J'avais  emmené  M.  Cabré  dans  ce  voyage  à  titre  de  photographe, 

M.  Cabré  les  figure  néanmoins  en  y  joignant  celles  qui  sont  dues  à  des 
recherches  ultérieures.  Plusieurs  sont  assez  Intéressantes,  car  il  s'y 
trouve,  dans  les  figures  schématiques,  des  représentations  d'animaux 
non  stylisés,  peut-être  paléolithiques  ;  ce  sont  les  roches  de  la  Tabla  de 
Pochico,  du  Prado  del  Azoguc  et  de  la  Garganta  de  la  IIoz;  les  autres 
sont  extrêmement  banales,  excepté  la  fig.  2  ;  elle  est  reproduite  sans 
citation  d'origine  d'après  un  dessin  inédit  de  moi  que  j'avais  laissé 
copier  à  M.  Cabré  ;  celui-ci  n'a  pu  recopier  l'original  postérieurement  à 
notre  commune  visite,  puisque  malheureusement  cette  figure  a  été 
détruite  peu  après.  Elles  appartiennent  à  l'ensemble  le  plus  schéma- 
tique, d'Age  néolithique  et  énéolithique,  si  abondant  à  travers  toutes  les 
sierras  quartzitiques  de  l'Espagne  centrale  et  méridionale. 

H.  B. 

Aro  Monoz  (Luis  de).  Descubrimiento  do  Pinturas  rupestres  en  el  Barranco  deValltorta 
(Castellon).  (Découverte  de  peintures  rupestres  dans  la  falaise  de  Valltorta),  Bole- 
tin  de  la  Real  Academia  de  la  llUtona,  1917,  2a  semestre,  p.  5-17,  avec  15  planches 
hors  texte  de  dessins  et  photographies. 

C'est  au  milieu  de  mars  lui 7  que  furent  signalés  les  abris  peints  du 
Valle  de  Valltorta,  gorge  d'une  trentaine  de  kilomètres  dans  la  Sierra 
de  Valdancha,  entre  les  localités  de  Tirig  et  de  Albocacer  (Castellon). 
Les  abris  rocheux  s'y  trouvent  sur  une  longueur  de  6  kilomètres,  à 
des  hauteurs  au-dessus  du  cours  d'eau  variant  entre  10  et  5o  mètres  ; 
la  plupart  de  ceux  qui  ont  été  décoré,  se  trouvent  sur  la  rive  gauche, 
sur  h-  territoires  des  communes  de  Tirig,  Ubocacer  et  Guevas  de  Vin- 
romà.  Elles  soni  au  nombre  de  i'i,  jusqu'à  présent  toutes  du  style 
paléolithi  [ue  naturaliste  de  L'Est  de  l'Espagne,  déjà  célèbre,  depuis  les 
découveri  ■:»  de  Cretas,  Cogul  et  Alpera. 

Les  figures  de   chasseurs   sont    très   nombreuses.    On  retrouve  les 


•- 


576  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

plumes  de  tête,  les  jarretières,  les  anneaux  de  bras,  signalés  en  d'autres 
localités  classiques,  de  même  que  de  nombreux  arcs  et  des  flèches  à 
une  barbelure,  et  des  lances  ou  sagaies  à  pointe  parfois  foliacée.  La 
faune  figurée  est  principalement  composée  de  Cerfs  ou  Biches  et  de 
Taureaux,  mais  il  existe  aussi  des  Bouquetins,  un  Sanglier,  peut-être 
un  Bison.  La  seule  couleur  usitée  est  le  brun  rouge  foncé,  à  l'exception 
de  trois  figures  noires.  La  liste  des  abris  peint  est  la  suivante  :  Cueva 
de  los  Caballos,  plus  de  70  figures;  les  quatre  cuevas  del  Civil,  conte- 
nant environ  5o,2,  1  et  2  figures  ;  la  Cueva  ciels  Tolls,  1  figure  ;  la  Cueva 
Rull,  2  ou  3  figures;  la  Cueva  del  Arco,  très  peu  de  figures;  la 
Cueva  del  Mas  d'en  Josep,  quelques  figures  ;  la  Cueva  del  Leidoné,  peu 
de  figures,  moins  belles,  de  grands  chasseurs  et  des  Bouquetins  ;  la 
Cueva  del  Punlal,  la  seule  de  la  rive  droite,  peu  de  figure,  mais  gise- 
ment de  silex  et  d'os  cassés  ;  Cueva  del  Sait,  nombreuses  et  belles 
figures  d'animaux,  surtout  du  cerf,  mais  presque  pas  d'hommes  ; 
Cuevas  Estarôy  Quiteria,  dans  un  ravin  tributaire,  celui  de  Matamoros, 
pauvres  en  figures,  mais  dont  la  première  présente  un  gisement  à  silex 
taillés  et  os  cassés    de  Cerf,  Cheval  et  Bouquetin. 

Cet  ensemble  de  fait  très  intéressant,  mais  trop  sommairement 
décrit  et  figuré  d'une,  manière  insuffisante,  laisse  la  place  à  d'autres 
descriptions  que  des  savants  espagnol  plus  exigeants  et  plus  complète- 
ment documentés,  ne  tarderont  pas  à  nous  fournir  avec  tout  le  soin 
voulu. 

H.  B. 

Lvntier  (Raymond).  El  Santuario  ibérico  de  Castellar  de  Santtsiebar.  (Le  sanctuaire 
ibérique  de  Castellar  de  Santisteban),  avec  le  concours  de  M.  J.  Cabré  Aguilo,  et  una 
préface  de  M.  P.  Paris  1  brocb.  in-4°  de  127  pages,  avec  35  planehes,  12  lig  Mémoire 
n°  15  de  la  Com/sion  de  Iiivestiyaciones  paleontoiogicas  y  preliisioricas.  Madrid, 
1917. 

Cette  belle  publication  nous  révèle  l'existence  d'un  lieu  sacré  de 
l'ancienne  Ibérie,  qui  a  fourni  un  grand  nombre  d'objets  d'époques 
diverses,  mais  présentant  tous  un  air  de  famille,  malgré  des  influences 
étrangères  très  nettes.  Situé  aux  confins  de  la  Tarraconnaise  et  de  la 
Bétique,  dans  une  région  pleine  de  gisements  métallifères  exploités 
depuis  une  haute  antiquité,  et  traversée  par  la  grande  voie  commer- 
ciale unissant  les  colonies  grecques  de  la  cote  orientale  aux  établisse- 
ments puniques  du  Sud,  le  sanctuaire  de  Castellar  nous  montre  une 
industrie  où,  sur  le  fond  ibère,  se  mélangent  les  influences  de  la  Grèce 
et  de  l'Orient.  Le  mobilier  qu'on  y  a  trouvé  se  présente  dans  un  inextri- 
cable fouillis,  tant  à  cause  des  bouleversements  dûs  aux  chercheurs  de 
trésors,  que  parce  qu'il  a  été  rejeté  au  dehors  de  l'enceinte  sacrée 
sans     doute   pour   l'en    débarasser  lorsqu'elle  était  encombrée.    Tous 


Moi  \  I.M1M     SGIENTIFIQ1  !..  677 

ces  objets  sont  îles  ex-votos  déposés  dans  cet  endroit  sacré  par  la 
piété  iK's  indigènes,  bergers,  laboureurs,  mineurs  aussi  probablement. 
On  ignore  malheureusement  à  quelle  divinité  s'adressaient  leurs 
offrandes.  On  ignore  également  à  quelles  époques  il  faut  les  rapporter  : 
tout  ce  que  l'on  peut  dire,  c'est  que  le  gisement  ne  remonte  pas  au  delà 
du  ve  siècle  av.  J.-C.  et  s'étend  jusqu'au  Bas  Empire.  Il  faut  noter  que 
l'ait  qui  nous  révèle  se  différencie  nettement  de  celui  de  la  Tène  :  il  est 
proprement  ibérique,  malgré  L'influence  de  la  Grèce  archaïque;  celle-ci 
se  comprend  aisément  puisqu'à  partir  du  vi"  siècle  av.  J.-G.  des  colonies 
grecques  s'étaient  établies  en  Espagne.  Aux  m8  et  iv"  siècles  cet  art  était 
à  son  apogée,  car  les  guerres  puniques  amenèrent  dans  le  bassin  de  la 
Méditerranée  de  grands  mouvements  et  mirent  en  contact  des  civili- 
sations très  différentes. 

Quant  aux  objets  trouvés,  à  part  des  fibules,  des  épingles,  des  armes, 
ils  consistent  surtout  en  une  série  très  vaste  de  figurines  de  bronze  qui 
oe  sont  autres  que  les  images  des  dévots  implorant  la  faveur  de  la  divi- 
nité du  lieu.  Il  semble  qu'elles  soient  toutes  plus  ou  moins  une  modifi- 
cation du  type  bien  connu  de  Yorant.  Au  point  de  vue  technique,  les 
unes  sont  en  bronze  coulées,  les  autres  obtenues  en  martelant  une 
baguette  de  bronze;  quelques-unes  sont  des  silhouettes  découpées  dans 
une  mince  feuille  de  bronze.  Les  deux  sexes  sont  représentés.  Le 
costume  est  indiqué  souvent  avec  exactitude  et  donne  une  idée  satisfai- 
sante du  vêtement  ibérique  de  cette  époque  ;  d'autres  fois  les  sujets  sont 
nus,  sujets  masculin  seulement  [M.  P.,  dans  son  résumé,  n'est  pas  de 
cet  avis,  qui  me  parait  fondé  quand  on  examine  les  planches  IV,  V,  VI, 
VIII,  IX].  Ces  curieuses  figurines  se  répartissent  en  trois  groupes,  qui  ne 
correspondent  pas  à  des  divisions  chronologiques.  Le  premier  est  carac- 
térisé par  la  position  des  bras  retombant  le  long  du  corps,  légèrement 
écartés,  les  mains  ouvertes,  la  paume  en  avant  :  ces  mains  sont  souvent 
énormes,  et  il  semble  que  l'artiste  ait  tenu  à  attirer  l'attention  sur  elles. 
Dans  le  second  groupe  se  placent  les  statuettes  dont  les  bras  sont 
ramenés  sur  le  devant  du  corps.  [Je  suis  étonné  de  ne  pas  voir  le  type 
qui  porte  un  vase  dans  ses  deux  mains,  commun  au  Cerro  de  los 
Santos].  Le  troisième  groupe  comprend  les  sujets  dont  les  bras  sont 
complètement  cachés  sous  le  manteau;  souvent  ils  ne  sont  indiqués 
que  par  un  renflement  ou  un  sillon  :  d'autres  fois  ils  disparaissent 
complètement  et  la  figurine  a  l'aspect  d'un  xoanon.  De  là  à  la  schéma- 
tisation complète  il  n'y  avait  qu'un  pas  et  on  a  fini  par  représenter 
économiquement  l'impétrant  par  un  fil  de  bronze  étiré. 

Les  analogies  sont  grandes  avec  les  bronzes  archaïques  grecs,  italiens 
celtes,  etc.,  mais  M.  K.  Lantier  conclut  sagement  à  une  ressemblance  et 
non  à  une  filiation  :  le  type  humain  dans  le  bassin  de  la  Méditerranée 
était    conçu    d'une    façon    très    uniforme,    due     probablement   à   une 


SyS  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

technique  ru  limon  taire  el  identique  partout.  Au  point  de  vue  chrono- 
logique, on  peut  admettre  que  les  figurines  les  plus  réalistes  sout  les 
plus  anciennes;  certaines  d'entre  elles  ont  beaucoup  d'expression,  le 
n  3  de  la  pi.  XVII  par  exemple.  Los  tèles  masculines  sont  traitées  avec 
vigueur  et  ressemblent  à  ces  té  les  courtes  et  frisées  du  Cerro  de  los 
Santos.  C'est  probablement,  avec  les  détails  du  costume,  ce  qu'il  y  a  de 
proprement  ibérique  dans  cette  série,  et  il  faut  féliciter  M.  Lantier  du 
soin  qu'il  a  mis  à  la  décrire  et  à  la  figurer.  Quand  les  chercheurs  espa- 
gnols seront  arrivés  à  trouver  la  chronologie  certaine  de  ces  intéressants 
documents,  on  pourra  se  former  une  idée  d'ensemble  sur  l'art  ibérique, 
qui,  malgré  bien  des  emprunts  qu'il  serait  bon  de  préciser,  a  un  style 
simple  et  vigoureux  qui  lui  est  propre. 

Fr.  de  Zeltner. 

Calyo  (D.  Ignacio  et  Cabri  (D.  Juan).  Excavaciones  en  la  Cueva  y  Collado  de  los  Jar- 
dines (Santa  Elena,  Jaen)  (Fouilles  à  la  grotte  et  au  col  de  los  Jardines).  Mémoire 
des  travaux:  exécutés  en  1916,  publiés  par  la  Junta  Superior  de  Exqavaciones  y  ante- 
yuidalis.  Madrid,  1917,  4.">  pages,  XXI  planches. 

Le  défilé  de  Despeiiaperros,  qui  permet  de  passer  facilement  de  la 
Manche  dans  le  bassin  du  Guadalquivir  et  l'Andalousie,  coupe  la 
Sierra  Morena  dans  sa  région  orientale,  en  entaillant  ses  chaînons  de 
quartzite  (et  non  calcaire,  comme  le  disent  les  autours)  et  de  schiste. 
C'a  été  de  tout  temps  un  passage  très  important.  La  grotte  de  los  Jar- 
dines, simple  abri  sous  roche,  domine  une  partie  de  la  gorge  du  coté 
oriental;  une  source  et  des  niveaux  d'eau  importants,  peut-être  de  qua- 
lité médicinale  y  existent.  Des  travaux  antérieurs-,  dûs  aux  explora- 
lions  de  diverses  personnes,  spécialement  de  M.  Horace  Sandars  qui  a 
publié  une  belle  monographie  de  ses  découvertes,  avaient  mis  à  jour 
de  nombreuses  figurines  de  bronze,  guerriers,  cavaliers,  femmes,  etc. 
Ces  anciennes  explorations  avaient  eu  lieu  au  pied  do  l'abri,  sur 
7  X  IO  mètres.  La  nouvelle  campagne  eut  lieu  en  traçant  doux  diago- 
nales sur  la  pente  sur  un  terrain  do  90  x  70  mètres;  mais  il  reste 
environ  '1.000  mètres  carrés  à  explorer  utilement.  Le  sol  arcbéolo- 
gique  est  Formé  des  rejets  désordonnés  laits  du  haut  de  la  pente,  où  se 
trouvent  des  vestigi ■>  importants  d'un  édifice  on  pierre  sèche,  mis  à 
jour  par  les  fouilles.  La  couche  présente  par  endroits  jusqu'à  \  mètres 
d'épaisseur,  el  comprend  cinq  assises  superposées  au  sol  vierge.  La 
plus  profonde  a  fourni  des  armes  ibériques;  la  quatrième,  beaucoup  de 
figurines  de  bronze  el  des  fibules;  la  troisième  contenait  nombre  de 
monnaies  romaines.  La  récolte  faite  comprend  quelques  milliers 
d'objets,  fragments  d'armes,  épées,  poignards,  couteaux,  falca  as, 
éperons,  sceptre,  bagues  à  chaton  ou  simples,  pinces  et  oui llérs  de  toi- 
lette, fragments  de  diadème  d'enfanl   avec  ligures  de  femmes  gravées, 


moimmim'   sc.n-NTii'ini  1 1.  m  579 

richemenl  vêtues  et  tenant  une  sorte  d'éventail;  Les  fibules  ont  la  plu- 
part le  type  hispanique  annulaire;  il  en  est  aussi  se  rapportant  à  la 
Tène  1,  II.  III.  et  même  Romaines;  la  céramique  est  médiocrement 
représentée  :  les  monnaies  sont  du  1"  siècle  V.  G.  jusqu'à  Théodose. 

Mais  Le  pi  us.  grand  nombre  des  objets  récoltés  sont  des  figurines  de 
bronze,  analogues  à  celles  du  sanctuaire  de  Gastellar  de  Santisteban, 
récemment  publiées  par  M.  Lantier.  Il  s'agit  d'ex-votos  et  non  d'idoles, 
on  \  voit  des  figures  de  guerriers,  dont  plusieurs  sont  armés  de  «j'alca- 
tas  »,  de  poignards  triangulaire,  parfois  à  pommeau  à  double  sphéroïde; 
un  certain  nombre  sont  velus,  la  taille  serrée  dans  un  ceinturon  et  por- 
tant le  casque  et  le  bouclier  rond.  Les  cavaliers  sonl  nombreux  et  égale- 
ment armés;  certaines  Ligures  féminines  portent  un  oiseau  à  la  main, 
OU  des  fruits;  elles  ont  parfois  les  cheveux  divisés  en  tresses  et  oui  un 
collier  au  cou.  Les  ex-votos  d'animaux  représentent  exclusivement  des 
chevaux,  parfois  assez  bien  traités.  D'autres  figurent  des  parties  de 
corps  humains,  jambes,  pieds,  mains,  et  maxillaires  souvent  très  styli- 
sés el  à  peine  reconnaissantes. 

Les  auteurs  concluent  des  Objets  découverts  <|uc  le  sanctuaire  fut 
fréquenté  dès  le  v9  siècle,  mais  que  son  apogée  fut  le  ivft  et  le 
111e  siècle. 

Ce  ne  sont  pas  les  plus  anciens  vestiges  de  la  gorge;  lés  néolithiques 
y  ont  exécuté  des  peintures  rupestres  ;  la  roche  a  del  Retamoso  »  étudiée 
par  nous  et  découverte  par  mes  chercheurs,  est  décrite  sommairement, 
mais  non  figurée.  Celle  «  del  Santo  »  est  signalée  pour  la  première  fois, 
et  présente  une  frise  de  iG  mètres  de  largeur  ;  on  y  lit  une  figure  de 
chèvre  relativement  naturaliste,  des  hommes  stylisés  très  simplifiés, 
des  figures  rami formes,  et  des  groupes  de  ponctuations  et  de  lignes  ;  la 
plupart  des  figures  sont  rouges  de  divers  tons,  quelques-unes,  interca- 
lées entre  deux  séries  rouges,  sont  blanches,  ce  qui  est  assez  rare  dans 
les  peintures  rupestres.  Enfin,  il  existe  une  inscription  ibérique  en 
noir,  bien  postérieure. 

Les  auteurs  mentionnent  en  outre  une  station  paléolithique  ancienne 
à  quartzites  taillés  non  Loin  de  Las  Correderas,  localité  située  au  sud 
du  défilé. 

Nous  ne  suivrons  pas  les  auteurs  dans  les  considérations  historico- 
sociales  de  leur  paragraphe  VI,  dont  une  partie  semble  assez  risquée, 
et  comprend  de  larges  considérations  sur  les  Ibères,  leur  caractère  origi- 
nal en  matière  d'art,  l'autorité  dans  ce  peuple,  les  sacrifices,  l'organi- 
sation militaire,  la  religion.  Ce  qui  est  dit  du  vêtement  et  de  l'arme- 
menl  esl  naturellement  plus  objectif  et  fondé  sur  une  documentation 
moins  indéterminée. 

IL  Breuil. 


580  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

Rellim  (Ugo).  La  caverna  di  Latrônico  e  il  culto  dell  acque  salutari  nell'  età  del  bronzo 
(La  caverne  de  Latrùnieo  et  le  culte  aux  eaux  curatives  pendant  l'âge  du  bronze). 
1  -x t r.  de  Monumenli  Antichi  fiub/icali  dalla  K.  Accad.  d.  Lincei,  vol.  XXIV,  1916. 

Latrônico  est  une  petite  ville  de  la  Basilicate,  dans  la  vallée  supé- 
rieure du  Sinni,  tributaire  du  golfe  de  Tarante.  La  caverne  est  située 
près  d'une  source  d'eaux  sulfureuses  très  estimées;  elle  fut  signalée  par 
M.  Di  Cicco,  directeur  du  Musée  de  Potenza,  M.  Rellini  la  considère 
comme  une  caverne  sacrée. 

Elle  a  livré  seulement  de  la  poterie,  mais  en  très  grande  quantité, 
comme  dans  les  dépôts  votifs  aponenses,  très  connus,  de  Battaglia 
(Padoue ',  qui  gisaient  dans  un  ancien  petit  lac  formé  par  des  eaux  ther- 
males. Il  y  avait  surtout  des  «  capeduncolae  »  ou  tasses  à  boire,  et  des 
pots  degrandes  dimensions.  Certains  étaient  encore  remplis  d'offrandes  ; 
on  y  trouvait  toujours  associés  les  mêmes  fruits  (pommes  sauvages, 
prunelles,  sorbes,  blé).  Ces  fruits  et  ces  grains,  surtout  le  blé,  s'échap- 
paient en  grande  quantité  des  pots  brisés.  Les  conditions  du  gisement 
révélaient  netîement,  spécialement  sur  deux  points,  que  les  vases 
avaient  été  placés  entiers  intentionnellement.  Il  n'y  avait  ni  débris  de 
repas,  ni  armes,  ni  rebuts  de  travail. 

A  l'extérieur  de  la  caverne  au  contraire,  on  a  reconnu  des  restes  de 
huttes  avec  des  débris  de  repas,  des  outils,  et  surtout  des  polissoirs. 

La  caverne  est  de  l'âge  du  bronze,  comme  le  montrent  les  élégantes 
«  capeduncolae  »  avec  manche  surélevé  «  a  nastro  piatto  »  troué,  qui, 
dans  l'Italie  méridionale,  sont  tout  à  fait  caractéristiques  de  cet  Age. 

Au  dessous  de  la  caverne  principale,  de  petites  grottes  naturelles 
avaient  été  utilisées  comme  sépultures;  les  squelettes  étaient  couchés 
sur  le  dos.  Il  s'agit  pourtant  d'un  niveau  particulier  de  la  fin  de  l'âge 
du  bronze,  que  M.  Colini  avait  déjà  reconnu  en  Italie. 

A  remarquer  une  céramique  noire  et  lustrée,  gravée.  Le  style  de  la 
décoration  est  celui  que  M.  Peet  a  nommé  «  de  Pertosa  »,  variété  du 
punctured  band  wôrk,  dont  l'élément  le  plus  significatif  est  la  spirale 
conjuguée  et  la  grecque.  Mais  sur  aucun  point  de  la  presqu'île  italienne, 
on  n'avait  recueilli,  jusqu'à  présent,  un  matériel  si  abondant  et  si  inté- 
ressant, vases  entiers  et  pas  seulement  des  fragments  comme  à 
Latrônico  où  d'ailleurs  le  décor  à  spirales  est  toujours  répété,  quelque- 
fois très  élégant,  mais  sans  grecques. 

M.  Rellini  a  fait  de  nombreuses  comparaisons  d'où  il  a  tiré  la  con- 
clusion, avec  MM.  Pigorini,  Peet,  Gervasio,  qu'il  est  impossible  de 
relier,  au  moins  à  présent,  les  vases  à  décor  du  style  «  Pertosa  Latrô- 
nico »  avec  ceux  des  \  raies  assises  néoli  I  lii<|iies  italiennes,  OÙ  le  décor 
esl  «  imprimé  »  indifféremment  Sur  toute  la  surface  du  vase,  tandis 
que  la  décoration  gravée  à  t'aide  d'un  ébauclioir  est  rare;  le   pointillé 


IftOl  \  imin  i'   8CIËW  ni'ioi  B.  58i 

Libre  même  est  rare,  el  èo  tous  ras  il  n'est  jamais  contenu  entre  des 
lignes  gravées. 

M.  Rellini  insiste  sur  la  différence  entre  la  technique  et  le  style  de 
L'ornementation.  D'après  les  observations  de  M.  Orsi,  il  distingue  entre 
Le  vrai  i<  pointillé  imprimé  »  et  Lès  bandes  gravées  et  ponctuées.  V  ce 
propos  il  distribue  la  céramique  primitive  italienne  eu  cinq  classes,  et 
il  dresse  un  catalogue  île  toutes  Les  localités  où  les  spécimens  de  la 
décoration  gravée  sont  apparus  jusqu'à  présent. 

Le  style  Le  plus  remarquable,  parmi  ces  classes,  est  celui  de  Latrô- 
nico-Pertosa,  auquel  on  peut  associer  Le  matériel  de  la  Murgia  Timone 
dans  Le  Materano,  de  Coppanedigata  (Pouille)etc.,  et  même  le  matériel 
très  intéressant  d'un  village  du  bronze  découvert  à  Ripabianca.  dans 
les  Marches. 

On  ne  saurait  nier  que  le  style  de  Latrônico-Perlosa  est  très  sem- 
blable à  celui  de  Butmir  (Serajevo),  mais  les  archéologues  les  plus 
autorisés  demeurent  encore  en  désaccord  sur  cetts  station.  M.  Rellini 
préfère  la  comparer  aux  assises  thessales  où  les  fouilles  de  MM.  Wace 
et  Thompson  démontrent  la  succession  de  la  céramique  noire  et  lustrée 
à  la  céramique  peinte  de  Dimini. 

M.  Rellini  accepte  les  conclusions  de  MM.  Hubert.  Pcet,  et  du 
regretté  M.  Antoine  Jatta,  le  plus  avisé  des  spécialistes  de  l'Énéolithique 
de  L'Italie  méridionale,  et  il  pense  aussi  que  les  assises  thessales  où 
demeure  la  céramique  peinte  et  gravée  correspondante  à  des  spécimens 
italiens  sont  énéolithiques.  En  Thessalie,  les  deux  techniques  se  sont 
développées  simultanément  s'influençant  l'une  l'autre,  mais  inspirées 
toujours  par  des  conceptions  géométriques.  Pendant  Ll'âge  du  bronze,  la 
céramique  peinte  disparut  aussi  des  Balkans  comme  en  Italie,  tandis 
qu'en  Crète,  au  plein  Age  de  la  civilisation  minoenne  (M.  M.  1 II ;  le 
décor  peint  à  sujets  naturalistiques  étouffait  l'inspiration  géométrique 
et  le  décor  gravé. 

Il  n'y  a  pas  lieu  d'admettre  qu'on  importa  directement  en  Italie  les 
vases  de  Pertosa-Latrônico. 

Pendant  l'Age  énéolithique.  des  relations  commerciales,  s'établirent 
peut-être  à  travers  la  mer  Adriatique,  entre  l'Italie  et  la  Balkanie.  Ce 
fut  alors  que  les  premiers  essais  du  style  géométrique  gravé  se  répan- 
dirent en  Italie,  où  ils  se  développèrent  et  se  poursuivirent  chez  les 
descendants  des  ^néolithiques,  Jusqu'aux  civilisations  italiques  du 
vne  siècle. 

M.  Rellini  compare  la  caverne  de  Latronique  à  d'autres  cavernes 
d'Italie,  dont  le  caractère  sacré  avait  été  déjà  reconnu  par  quelques 
paletnologues.  On  sait  (pic  dans  la  caverne  de  la  Perlosa  (Salerne)  et 
dans  celle  de  Prasassi  Fabriane)  le  culte  se  pratique  même  à  présent. 
Mais  la  signification  de  ces  cavernes  devient  plus  évidente  lorsqu'on  les 


5$2  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

compare  entre  elles.  M.  Rellini,  qui  les  a  visitées,  qui  a  étudié  dans 
les  Musées  le  matériel  livré  par  elles,  qui  a  fait  aussi  quelques  nou- 
velles fouilles,  est  à  même  de  donner  de  nouveaux  détails. 

On  doit  surtout  remarquer  la  publication  du  matériel  inédit  du 
dépôt  sacré  des  eaux  de  Pertosa,  qui  a  été  envoyé  au  Musée  Préhisto- 
rique de  Rome.  M.  Garuc^i  découvrit  ce  dépôt,  après  la  première  explo- 
ratron  de  la  caverne  à  l'extérieur  de  celle-ci,  sur  un  petit  coin  près  des 
eaux  qui  jaillissent  très  abondantes  et  en  cascade.  Les  offrandes  votives 
forment  une  longue  chaîne  de  matériel  qui,  sans  interruption,  descend 
de  l'âge  du  bronze  à  des  monnaies  du  ve  siècle  av.  J.  C.  A  retenir, 
parmi  le  matériel  du  bronze,  un  type  de  «  ciseau  à  épaule  »  très  rare, 
que  l'auteur,  après  les  observations  de  M.  Orsi,  reconnaît  seulement 
dans  l'Europe  méridionale  et  dans  les  îles,  en  le  rapprochant  toutefois 
d'un  type  oriental. 

M.  Rellini,  en  se  basant  sur  des  circonstances  spéciales,  croit  que 
dans  ces  cavernes  on  rendait  un  culte  aux  eaux.  Ce  culte  a  été  certaine- 
ment pratiqué  dans  l'Italie  préhistorique.  Il  donne  toutes  les  notions 
qu'on  a,  à  ce  propos,  pour  l'Italie,  complétant  ainsi  le  cadre  intéres- 
sant qu'on  doit  à  ce  sujet,  pour  l'Europe,  à  M.  Déchelette  (Manuel,  II). 
A  M.  Pigorini  revient  le  mérite  d'avoir  démontré  que  le  culte  des 
eaux  thermales  de  la  Panighina  (Forli)  était  pratiqué  par  les  terrama- 
ricoles.  Dans  un  résumé  substantiel,  (ch.  VIII),  M.  Rellini  meta  profil 
toutes  les  données  qui,  à  son  avis,  permettent  d'attribuer  aux  terrama- 
ricoles  les  cultes  des  eaux  en  Italie,  plutôt  qu'aux  peuplades  néoli- 
thiques. 

Cet  important  mémoire  est  bien  illustré. 

M.  B. 

BiiNÉDiTE  (Georges).  Le  couteau  de  Gabel  el-Arak  (Extr.  des  Monuments  et  Mémoires, 
publiés  par  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres.  1er  fasc.  dut.  XXII,  1910). 

Les  beaux  couteaux  de  pierre  de  l'Egypte  préhistorique  sont  des 
objets  très  rares.  Le  nouvel  exemplaire  que  décrit  M.  Bénédite  est  une 
pièce  magnifique,  munie  de  son  manche  en  ivoire.  Il  a  été  acquis  par  le 
Louvre  d'un  marchand  qui  lui  donne  comme  provenance  Gebel  el-Arak, 
en  face  de  Nag  Hamadi. 

La  lame  de  cet  instrument  est,  comme  toujours,  polie  sur  une  face, 
admirablement  taillée  sur  l'autre  face,  par  longues  esquilles  parallèles  et 
normales  aux  bords.  Le  bord  tranchant,  convexe,  est  finement  crénelé. 

Le  manche,  taillé  dans  une  dent  d'hippopotame,  doit  être  placé  a  au 
premier  rang  des  antiquités  actuellement  connues  »  à  cause  des  repré- 
sentations qui  décorent  les  deux  laces.  Il  ne  s'agit  plus  ici  de  simples 
rangées  d'animaux,  comme  dans  le  manche  de  Brooklyn,  mais  de  deux 
Itbleaua  représentant,  l'un,  une  scène  de  guerre,  l'autre,  une  scène  de 


MOI   \  IMI.N  I      St   ll.M  M'IQIM..  f)No 

châsse  dans  Le  désert,  «  symbolisant,  l'une  et  l'antre,  les  actes  violents 
de  la  vie  primitive  où  le  silex  tranchant  jouait  son  FÔle  ». 

L'auteur  décrit  chacune  < i < ^  ces  scènes  en  détail.  «  La  question  <|ui  se 
pose  au  sujet  de  L'usage  de  ce  couteau  a  sa  réponse  dans  La  représenta- 
tion guerrière  où  nous  Le  retrouvons  aux  mains  de  deux  combattants. 
C'est  une  arme  de  guerre  et,  il  \a  sans  direi  de  chasse,  qui  se  portait 
suspendue  à  La  ceinture,  et  en  Laquelle  nous  pouvons  voir  la  forme 
ancestrale  du  poignard  à  Lame  de  métal,  bien  que  toutes  Les  raisons 
nous  portenl  à  La  considérer  comme  restée  en  usage  en  un  temps  où  la 
métallurgie  du  cuivre  était  déjà  répandue  dans  la  liasse  vallée  du  Nil  ». 
D'après  rauicur.  ce  précieux  objet  remet  en  question  tout  Le  classement 
des  monuments  figurés  de  la  période  prédynastique,  A  la  suite  de 
toute  une  s'rie  de  comparaisons  avec  les  palettes  de  schiste,  les  tètes  de 
massues  et  les  ivoires  gravés,  il  faut  conclure  que  «  notre  couteau  nous 
transporte  en  plein  âge  nagadien,  c'est-à-dire  en  un  moment  à  déter- 
miner des  temps  qui  ont  précédé  les  rois  thinites.  Ce qUe  nous  avons  là, 
c'est  le  premier  chapitre  de  l'histoire  de  l'Egypte  rempli  par  les  conflits 
de  marnais  voisinage  et  les  guerres  de  razzias  de  tribus  à  tribus,  de 
petits  royaumes  à  petits  royaumes  comme  il  s'en  taisait  encore  récem- 
ment dans  L'Afrique  centrale.  Je  serais  tenté  de  commenter  la  scène 
guerrière  de  la  façon  suivante:  une  tribu,  représentée  par  les  guerriers 
au  crâne  rasé,  en  guerre  avec  une  autre  tribu  portant  la  tresse  à  la 
manière  libyque,  rencontre  sa  Ho  tille  sur  le  Nil  (les  bateaux  du  registre 
inférieur)  et  après  un  combat  sur  eau,  qui  ne  s'achève  pas  sans  la  mort 
et  la  noyade  des  combattants  des  deux  parts  (les  quatre  cadavres  ren- 
versés symétriquement,  c'est-à-dire  deux  pour  un  camp,  deux  pour 
l'autre),  envahit  son  territoire  et  attaque  de  haute  lutte  ses  défenseurs  ». 

Le  fait  le  plus  important  à  signaler  est  l'air  de  parenté  très  prononcé 
que  l'ivoire  égyptien  présente  avec  certains  bas-reliefs  de  la  Mésopo- 
tamie. Le  principal  personnage  de  la  scène  de  chasse  est  tout  à  fait 
remarquable  à  cet  égard.  De  sorte  que  la  parenté  de  l'art  primitif  de 
l'Egypte  avec  celui  de  la  plus  anciene  civilisation  mésopotamienne  ne 
s'est  jamais  révélée  d'une  façon  aussi  tangible  ». 

Le  mémoire  de  M.  Bénédite  est  parfaitement  illustré. 

M.  13. 

Porphyre.  L'Antre  des  nymphes  traduit  u  grec  en  français,  par  M.  Joseph  Trarucco, 
suivi  d'un  Essai  sur  les  grottes  dans  l*>s  cuties  mugico-religieux  et  La  symbolique 
primitive,  par  M.  P.  Saistyves.  1  vol.  in-12  de  262  pp.  Paris,  Nourry,  1918. 

Comme  beaucoup  d'autres  chercheurs,  M.  S.  a  été  frappé  du  rôle 
prédominant  que  joue  la  grotte  dans  tontes  les  manifestations  magiques 
et  religieuses  de  l'humanité.  Et  il  a  eu  L'idée  excellente  de  grouper 
dans   un  livre    facile  à  manier  les  principaux    faits  ayant  trait  à  cette 


584  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

question,  depuis  les  cavernes  préhistoriques  jusqu'aux  grottes  chré- 
tiennes de  Palestine,  en  montrant  la  continuité  de  doctrine  qui,  sous 
des  formes  diverses  les  a  faits  adopter  comme  lieu  d'élection  des 
phénomènes  religieux.  En  ce  qui  touche  aux  cavernes  préhistoriques, 
M.  8.  admet  que  les  peintures  et  sculptures  qui  les  décorent  ont  un 
caractère  rituel  et  il  se  sépare  de  l'opinion  de  M.  Salomon  Reinach,  qui 
veut  qu'elles  aient  été  faites  pour  faire  croître  et  multiplier  les  animaux 
utiles  à  1  homme.  Cette  théorie  ne  rend  pas  compte  de  tous  les  cas  qui 
se  produisent,  vu  que  certains  animaux  représentés  ne  sont  pas  dési- 
rables pour  l'homme.  De  plus,  elle  aboutit  à  ce  résultat  singulier  que 
chaque  clan  travaillerait  à  faire  reproduire  une  espèce  qui  ne  lui  serait 
d'aucune  utilité,  puisqu'il  ne  la  mange  pas.  Les  autres  clans  seraient 
seuls,  par  conséquent,  à  en  pro  fiter.  L'hypothèse  que  présente  M.  S. 
explique  mieux  l'ensemble  des  faits  :  les  représentations  rupestres  sont 
faites  pour  faire  descendre  sur  la  terre  la  force  bienfaisante  qui  est 
dans  les  deux.  Et  voici  comment  il  fonde  son  système  : 

Les  primitifs,  tant  modernes  qu  anciens,  admettent  tous  un  principe 
intelligent  et  impersonnel  qui  explique  toutes  les  énergies  de  l'univers, 
notamment  le  renouvellement  des  saisons,  les  pluies,  la  chaleur  et  par 
conséquent  la  vie  des  végétaux,  des  animaux  et  des  hommes.  Comme  le 
soleil,  la  lune,  les  étoiles  sont  abondamment  pourvus  de  ce  fluide  (ou 
mana),  il  faut  le  faire  descendre  du  ciel  sur  la  terre.  Pour  atteindre  ce  but, 
il  est  nécessaire  de  savoir  qu'à  chaque  division  du  ciel  correspond  une 
division  de  la  terre,  et  les  minéraux,  les  végétaux,  les  animaux  et 
les  hommes  qui  demeurent  dans  celle-ci  ont  des  relations  avec  les 
étoiles;  quand  ils  sont  mieux  pourvus  de  fluide  c'est  qu'ils  ont  une 
parenté  plus  étroite  avec  les  astres  :  on  les  nomme  alors  totems.  En 
les  représentant  sur  la  terre,  on  attire  sur  cette  partie  du  sol  le  fluide, 
surtout  aux  époques  où  il  surabonde  dans  les  deux.  Les  gravures  et 
peintures  sur  rochers  sont  donc  des  procédés  pour  assurer  la  prospérité 
collective  des  habitants  d'un  certain  territoire.  Ici  je  ferai  une  simple 
objection  à  M.  S.  :  dans  les  cas  de  tribus  nomades,  ayant  un  grand 
territoire  de  parcours,  souvent  enchevêtré  avec  celui  d'autres  tribus, 
comment  cette  hypothèse  joue-t-elle? 

Quoiqu'il  en  soit,  voilà  les  primitifs  à  même  d'attirer  le  fluide  bien- 
faisant sur  leur  petite  patrie. 

Pour  le  faire  avec  plus  d'ampleur  et  de  précision,  ils  ont  conçu  la 
grotte  comme  un  abrégé  dû  cosmos  :  chacune  de  ses  parties  représente 
une  portion  du  ciel,  comme  les  anciennes  cases  chez  les  Ilovas.  C'est 
en  même  temps  un  condensateur  de  mana.  Dans  ses  lianes  naissent  le 
monde  et  les  hommes,  le  soleil,  la  lune,  les  étoiles  ;  il  en  sort  une  force 
qui  développe  la  végétation,  lait  reproduire  les  animaux  et  prospérer 
les  hommes,  Pour  la  répandre  sur  le  territoire  du  clan,  des  cérémonies 


moi  \  imia  i     SCIES  Ï1FIQ1  I  585 

religieuses  on!  été  créées  :  à  des  époques  régulières,  des  processions 
sortent  de  la  caverne  el  vont  disséminer  au  dehors  le  fluide  bienfaisant. 

Bien  entendu,  un  enseignement  était  joint  à  cette  religion  :  exoié- 
rique  pour  la  foule  à  qui  les  symboles  étaient  présentés  comme  des 
faits  réels,  ésotérique  p< >in-  les  Initiés  à  qui  los  sarerdotes  en  expli- 
quaient  le  scn>  caché.  La  grotte  eu  effel  donnait  la  vie  matérielle',  mais 
plus  encore  la  vie  intellectuelle.  De  là,  les  rites  initiatiques  qui  assu- 
raient la  transmission  el  le  secret  de  la  doctrine;  de  là  les  mystères 
réservés  aux  initiés  :  de  là  les  oracles,  les  sources  miraculeuses,  les 
arbres  prophétiques;  de  là  les  collèges  de,  prêtres  el  de  prêtresses  qui 
veillaient  à  la  transmission  de  la  doctrine  el  à  l'exécution  des  rites. 

Ce  sérail  sortir  de  notre  cadre  que  de  suivre  avec  M.  S.  le  développe- 
ment de  cette  idée  à  travers  le  monde  antique.  Nous  la  verrions  se  per- 
pétuer avec  des  symbolismes  divers  dans  les  cavernes  de  Déméter,  de 
Dionysos,  de  Mithra,  de  Cybèje  et  d'Assis,  d'Adonis,  et  dans  les  grottes 
chrétiennes  de  Palestine.  ^Je  suis  surpris  de  ne  pas  voir  mentionner  le 
temple-caverne  du  Cynthe  à  Délos  et  la  grotte  de  Lourdes].  11  est 
intéressant  aussi  de  voir  les  croyances  qui  en  sont  sorties  se  continuer 
dans  la  philosophie  ionienne  et  dans  le  christianisme,  à  travers  des 
modifications  de  pure  forme. 

Toutefois,  il  est  un  point  sur  lequel  je  tiens  à  attirer  l'attention  de 
L'auteur.  Il  me  semhle  pas  avoir  tenu  compte  du  rôle  considérable  (pie 
jouent  chez  les  primitifs  les  âmes  des  ancêtres  et  des  héros.  Les  mânes 
ont  certainement  été  considérées  comme  des  puissances  redoutables 
dont  il  fallait  s'assurer  le  concours.  Si  les  primitifs  les  inhumaient 
dans  les  grottes,  comme  ils  le  font  aujourd'hui  encore  dans  les  cases, 
c'est  pareequ'il  les  considèrent  comme  faisant  toujours  partie  de  la 
communauté.  S'ils  ont  recours  à  leurs  bons  offices,  s'ils  leur  demandent 
conseil,  c'est  qu'ils  leur  attribuent  un  pouvoir  surnaturel,  par  consé- 
quent une  quantité  de  fluide  considérable. 

M.  S,  n'en  a  pas  moins  le  mérite  d'avoir  mis  sur  pied  une  œuvre 
intéressante  qui  nous  donne  à  la  lois  une  vue  d'ensemble  sur  l'utilisa- 
tion des  grottes,  et  une  vue  personnelle  et  nouvelle  sur  la  question  des 
peintures  et  sculptures  rupestres.  La  traduction  de  l'œuvre  de  Porphyre 
-m  l'antre  des  nymphes  lui  sert  en  quelque  sorte  d'introduction. 

Fr.  de  Zeltner. 

Hawkbs  (Ernest  William).  Squeletal  measurements  and  observations  of  the  Point  BarroW 
Eskimo  with  comparisons  with  other  Eskimo  Groups.  (Mensuni lions  <>i  observations 
ostélogiques  des  Esquimaux  de  la  Pointe  do  Harrow  et  comparaison  avec  d'autres 
groupes  d'Esquimaux)  American  Anlhropoloyist.  Vol.  18  n°  2  avril-juin  1916.  pp, 
'JU3-244,  et  huit  planches. 

Ce  mémoire  esl  consacré  aux  Esquimaux  du  détroit  de  Behring,  de 

la  rivière  Youkon.de  l'Alaska,  du  Labrador  et  de  kl  haie  d'Ifudson.  Les 

l'amhuuI'oi.oi.ik.  —  r.  xxix    —  1918-1919  38 


VOr\T.\IENT    SCIENTIFIQUE. 

recherches  se  sonj  trouvées  complétées  par  l'étude  des  collections 
ostéplogiques  provenant  de  Point  Barrow.  dans  l'Alaska,  et  qui  se 
trouvent  au  uWistar  Institute  of  Anatomy»  de  Philadelphie. 

Les  Esquimaux  de  Point  Barrow  possèdent  la  civilisation  warctique» 
la  plus  primitive.  Jusqu'à  maintenant  ils  n'ont  pas  subi  l'influence  des 
coutumes  p]  dos  mythologies  indiennes  ainsi  que  c'est  le  cas  pour  les. 
tribus  esquimaudes  habitant  les  régions  plus  méridionales  de  l'Alaska. 
Leur  isolement  a  assuré  la  conservation  de  leurs  caractères  ethniques. 
Les  seules,  influences  auxquelles  ils  auraientpu  être  soumis  seraient  celles 
des  tribus  Athabasea  de  l'intérieur  avec  lesquelles  ils  ne  -mit  entrés 
qu'accidentellement  en  contact,  et  celles  des  pécheurs  de  haleines.  Mais 

-  Contacts  ont  été  de  trop  courte  durée  et  trop  sporadiques  pour  que 
leur  type  primitif  ait  pu  s'en  trouver  affecté.  Ils  n'ont  pas  subi  davan- 
tage l'inflence  des  coutumes  russes  qu'on  constate  dans  le  Youkon,  ni 
directement  la  forte  influence  sibérienne  qui  s'est  exercée  dans  le  détroit 
de  Behring. 

Les  Esquimaux  de  l'Alaska  sont  de  taille  plus  élevée  que  leurs  frères 
de>  districts  du  centre  et  de  l'est.  Il  n'est  pas  rare  de  rencontrer,  dans  un 
même  village,  plusieurs  hommes  dont  la  taille  n'est  pas  inférieure  à 
i"\8o.  et  présentant  une  constitution  physique  bien  proportionnée.  La 
taille  moyenne,  cependant,  est  de  i,n.68,  supérieure  de  m  cm.  à  celle 
de-  Esquimaux  du  centre  (im.C>2  d'après  Hrdlicka).  La  taille  moyenne 
des  femmes  es]  de  im.58,  ce  qui  se  rapp roche  de  celle  des  hommes  dans 
la  région  de  la  baie  d'Hudson  Boas).  Ces  variations  dans  le  type 
physique  sont-elles  dues  au  milieu,  ou  bien  doit-on  les  imputer  à  un 
mélange  avec  des  tribus  indiennes  ou  asiatiques?  La  question  reste 
ouverte.  L'auteur,  qui  a  visitéces  régions  et  a  pu  comparer  non  seulement 
Ips  fliflférents  types,  niais  aussi  étudier  les  conditions  du  milieu  —  rneiL 
leure  alimentation,  meilleurs  vêlements  pt  habitations  —  attribue  à  ces 
éléments  la  supériorité  physique  deces  esquimaux.  Il  ne  croit  pasdevnir 
faire  intervenir,  comme  élément  de  \ariation.  un  mélange  a\ee  les  tribus 
indiennes.  Il  invoque,  à  ce  sujet,  l'inimitié  profonde  qui  a  toujours 
existé  entre  Esquimau,*  et  Indiens.  L'étude  des  conditions  géographiques 
autoriserait  à  admettre  des  contacts  avec  l'Asie.  Néanmoins  les  métis- 
-  qui  ont  pu  se  produire  n'ont  pu  être  suffisants  pour  modifier, 
d'une  manière  profonde,  les  traits  fondamentaux  du  type  primitif. 

L'étude  des  pièces  ostéologiques  recueillies  a  permis  de  faire  quelques 
constatations  intéressantes.  L'auteur  cite,  à  ce  propos,  L'influence  de 
l'action  des  muscles  temporaux  sur  la  forme  du  crâne'.  Dans  les  crânes 
masculins  la  crête  temporale  esl  fortement  marquée  el  très  élevée.  Elle 
esl  moins  saillante  chez  les  femmes  el  les  enfants.  Les  différences 
sexuelles  sonl  ponsidérablps  dans  les  caractères  ostéo}ogiques.  C'est  un 
point  qui  oe  semble  pas  avojr  attiré  suffisamment  ^'attention  denombreu-x 


MOI  VFMF.Vr    SC.IENT1IK.M   I  087 

observateurs.  Nous  ne  pouvons  nous  éteqdre  sur  tous  ces  faits  traités  en 
détail,  accompagnés  de  tepleaus  des  mesures  qui  onl  été  prises.  Ce  qu'il 
es!  intéressant  de  signaler  c'esj  la  présence  dans  l'un  des  squelettes  d'une 
vertèbre  dorsale  supplémentaire.  Ce  faitavail  été  signalé  déjà  parTùrner 
dans  le*  Challenger  Reports  à  propos  de  deux  Australiens  et  d'une  femme 
esquimaude  étudiés  par  lui,  U  présence  d'une  vertèbre  supplémentaire 
esl  un  caractère  sîmiesquequi  se  rencontre  cbezdes  races  très  primitives. 
L.'auteur  en  attribue  l'origine,  chez  les  Esquimaux,  à  la  manœuvre  du 
fcayac  qui  entraînerai!  des  mouvements  particuliers  de  flexion  et  de  rota- 
tion du  corps.  Leur  colonne  yertébrale  présente  d'ailleurs  une  incurvation 
particulière  qu'on  ne  rencontre  pas  chez  les  Groenlandajs  quj  ne  manœu- 
vrenl  pas  le  kayac  avec  la  même  aisance.  P'autres  anomalies  méritent 
d'être  mentionnées:  la  persistance,  jusqu'à  un  âge  avancé,  d'une  suture 
sagitale incomplète.  Dansnombredecrânesdesdeuxsexeslasoudureméto- 
pique  n'esl  pas  réalisée  dans  la  région  de  la  glabelle.  D'autres  anomalies 
curieuses  se  rencontrent  encore  dans  la  forme,  1rs  dimensions  et  l'usure 
drs  dents,  etc.  Un  caractère  important,  signalé  déjà  par  Duclworlh  et 
Pain,  ce.   s.ml  les  traits  d'inl'anlilisme  qui   apparaissent  dans  diverses 

partiel  du  crâne  des  Esquimaux.  L'auteura  résumé  dans  diverses  tables 
les  variations,  individuelles  que  présentent  les  trois  branches  principales 

des  Esquimaux  :  orientale,  centrale  et  occidentale.  Les  indices 
permettent  de  déterminer  les  affinités  ethniques  de  ces  tribus.  D'une 
manière  générale,  les  différences  qu'elles  présentent  entre  elles  trouve- 
raient leur  explication  dans  les  variations  de  L'influence  du  milieu,  bien 
que  ces  variations  soient  très  graduées  d'un  groupe  à  l'autre,  et  que  le 
type  physique,  aussi  bien  que  la  civilisation  et  le  langage,  aient  été 
dominés  partout  par  les  mêmes  traits  essentiels.  Nous  ne  pouvons  pour 
toutes  ces  questions,  que  renvoyer  le  lecteur  au  Mémoire  de  Ilawkes.  Il 
y  trouvera  des  indications  nombreuses  sur  tous  ces  points,  ainsi  que 
l'expnsé  des  hypothèses,  invoquées  par  l'auteur,  pour  expliquer  les 
causes  déterminantes  de  toutes  ces  variations,  physiques.  Huit  planches 
représentent  les  formes  du  crâne  et  de  la  mandibule. 

J.  Nippgex. 

Spfx*  (Franck    fi.).   Remains  oî  the  Machapunga    Indians    of  North  Carolina.  (Vestiges 
desindiens  Macb%funga  de  la  Caroline  du  Nord).  American  AnthrepohgM.  Vol  18. 

1    Vvril-Jiim  1<)1(>,  [»[>.  '271  —  276. 

Dans  l'île  de  Koanoke  et  dans  quelques  unes  des  îles  sablonneuses 
voisines,  de.  rgême  que  dans  les  comtés  de  Dare  cl  de  Hyde,  sur  la  côte 
de  la  Caroline  du    nord,  on  rencontre  un  certain    nombre  de  métis   qui 

,i  les  descendants  des  tribus  indiennes  locales.  D'après  Les  renseigne- 
ments rapportés  par  l'expédition  de  Ralcigh,  la  région  située  entre 
Albermarle  et  le  détroit  de  Palmico  lut  la  patrie  des  Indiens  Secotan.  A 


588  MOUVEMENT    SCIENT  FIQUE. 

en  juger  par  un  vocabulaire  que  nous  a  laissé  Lawson,  en  171  A,  ils 
auraient  —  linguistiquement  tout  au  moins,  fait  partie  des  Algonquins. 
Après  l'expulsion  des  Tus-carora  du  Nord  de  la  Caroline,  les  tribus 
côtières  semblent  avoir  disparu  de  la  scène  de  l'histoire  et  ne  sont  pas 
mentionnées,  d'une  manière  définie,  au  xix  siècle.  Des  recherches 
poursuivies  dans  leur  ancienne  patrie  ont  fait  connaître  l'existence  d'un 
petit  nombre  d'individus,  descendants  des  Indiens  qui  vinrent  autrefois 
de  la  rivière  Pungo,  près  du  lac  Mattamuskect,  dans  le  comté  de  Hyde. 
Ce  sont  vraisemblablement  les  descendants  de  la  tribu  des  Machapunga 
qui  ont  donné  leur  nom  à  la  rivière  Pungo.  L'auteur  a  pu  suivre  la 
généalogie  d'un  de  leurs  représentants.  Actuellement,  les  populations  à 
peau  foncée,  qui  vivent  à  Koanoke,  à  Hatteras  et  dans  les  îles  voisines, 
portent  des  noms  anglais.  Elles  sont  fortement  imprégnées  de  sang  noir 
et,  tout  au  moins  en  apparence,  se  diférencient  considérablement  du 
type  indien  caractéristique.  Aucun  des  représentants  de  ce  peuple  ne 
connaît  un  seul  mot  de  la  langue  indienne,  ni  aucune  coutume  indienne 
définie.  Us  ignorent  même  le  nom  de  leur  tribu.  Cependant  ils  ont 
inconsciemment  conservé  dans  leur  vie  économique  moderne  quelques 
éléments  de  la  civilisation  indienne.  Ceci  s'explique  par  les  conditions 
du  milieu.  L'un  de  ceux-ci  est  la  pèche.  Mais  ils  la  pratiquent  d'après  les 
méthodes  ordinaires  des  populations  blanches  actuelles.  Les  Macha- 
punga étaient  mentionnés  en  1713  comme  étant  d'habiles  bateliers. 
Les  naturels  construisent  eux-mêmes  leurs  filets.  Les  instruments  qu'ils 
emploient  dans  ce  but  ressemblent  à  ceux  en  usage  chez  les  populations 
blanches  et  les  Indiens  de  la  Côte  de  l'Atlantique.  Ils  se  livrent  à  la 
chasse  et  quelques-uns  s'occupent  d'agriculture.  Tout  a  disparu  de  leurs 
arts  industriels  primitifs.  Il  y  a  peu  de  temps  encore  ils  confec- 
tionnaient des  objets  de  vannerie  d'après  les  techniques  des  Iroquois  et 
des  Algonkins  orientaux.  Malheureusement  toute  trace  de  cette  civili- 
sation primitive  s'est  effacée  chez  leurs  descendants.  Seules,  quelques 
coutumes  de  chasse  semblent  avoir  survécu.  De  môme,  quelques 
vestiges  de  leur  folk-lore  trahissent  une  origine  primitive. 

Néanmoins,  en  dépit  du  peu  d'informations  qu'il  est  possible  de 
recueillir,  l'auteur  pense  pouvoir  tirer  quelques  conclusions. 

Les  Indiens  Machapunga,  Pamlico,  Chawan  et  probablement  les 
Indiens  Neuse  ont  constitué,  au  point  de  vue  ethnique,  une  branche  du 
groupe  Powhatan.  Leur  domaine  s'étendait  au  sud,  le  long  de  la  cote, 
jusqu'aux  territoires  des  Iroquois  et  des  Sioux  orientaux,  populations 
avec  Lesquelles  dès  le  début,  ils  furent  en  inimitié.  Leur  faible  nombre 
numérique  esl  un  l'ail  établi  par  des  renseignements  historiques. 
L'auteur  émit  pouvoir  en  in  1ère  r  «pie  les  Algonkins  de  la  Caroline  ont  été. 
dans  La  contrée,  des  envahisseurs  relativemenl  récents.  Ils  formeraient 
l.i  dernière  vague  du  mouvement  général  des   Ugonkins  \i'i^  le  sud.  I.' 


Moi  VIMI'\  r    SGIENTIFIQ1  r.  58g 

long  des  côtes  de  l'Atlantique.  La  migration  se  sciait  poursuivie 
postérieurement  jusqu'à  ce  que  le  mouvement  d'expansion  se  fut,  en 
quelque  sorte,  épuisé.  Le  courant  dans  la  direction  du  sud  del'Atlanti" 
que,  que  montre  1»*  groupe  de  la  Caroline,  correspond  à  une  tendance 
migratrice  générale  des  Ugonkins,  tendance  que  l'auteur  a  signalé  déjà 
chez  les  Micmacs,  les  Ojibwé  el  les  Naskapi. 

J.  N. 


Akiu.v  Matsumdra.  Contributions  to  tho  Ethnography  of  Micronésia  (Contribution  à 
l'Ethnographie  de  la  Micronésie).  Journal  of  the  Collège  o) 'Science.  Impérial  Uni- 
versity  of  Tokyo,  vol  XL,  «'7.7,  li)18.  Tirage  à  part.  170  pages,  'M\  planches,  72  fig. 
dans  le  texte.  Tokyo.  1  y  1 8 . 

Dans  ce  mémoire  L'auteur  relaie  les  résultats  d'un  voyage  effectué  en 
1 9 1 5.  à  bord  du  «  Kaga  Maru  »,  vapeur  au  service  de  la  marine  impé- 
riale japonaise.  Au  cours  de  cette  croisière,  l'auteur  a  visilé  les  groupes 
des  îles  Mariannes,  Garolines  et  Marshall. 

Les  populations  étudiées  sont  classées  en  quatre  races  :  i°  les  Papous, 
a0  les  Samoans,  3°  les  Cbamorros,  et  4°  les  insulaires  des  îles  Marshall. 

I.  Iles  Caroline*  orientales.  —  Pour  ces  populations  vivant  au  milieu 
d'une  nature  qui,  sans  grands  efforts,  leur  fournit  des  ressources 
alimentaires  abondantes,  la  parure  est  une  des  occupations  essentielles. 
L'ornementation  du  corps  comprend  deux  genres  :  la  peinture  du  corps 
et  le  tatouage.  Le  premier  s'effectue  à  l'aide  d'un  pigment  (taik)  orangé, 
préparé  à  l'aide  des  racines  de  Curcuma  longa  employé  tel  quel  ou  dilué 
dans  de  l'huile  de  noix  de  coco.  Les  motifs  d'ornementation  sont  consti- 
tués par  des  bandes,  simples  ou  croisées.  Cette  coutume  est  pratiquée, 
non  seulement  en  Micronésie,  mais  dans  toutes  les  îles  de  la  Mer  du 
Sud.  Dans  le  même  but,  ils  se  servent  également  d'autres  colorants  : 
rouge  (argile),  blanc  (coquilles  calcinées,  argile),  noir  (noix  de  coco 
calcinées,  manganèse)  et  jaune  (argile).  Le  pigment  jaune,  appliqué  sur 
le  corps  des  défunts,  sert  à  en  consoler  l'esprit.  Deux  procédés  de 
tatouage  sont  employés  par  ces  populations  :  i"  par  incision  de  la  peau 
(cicatrice);  2°  par  injection  de  pigment  laissant  une  coloration  à  peu 
près  indélébile.  Le  tatouage  proprement  dites!  général  parmi  ces  popu- 
lations. Celui  du  visage  constitue,  en  quelque  sorte,  un  symbole  du 
rang  social  el  est  réservé  seulement  aux  chefs.  Les  femmes  se  tatouent 
également,  sans  distinction  d'âge.  Pour  procéder  à  cette  opération,  ils 
emploient  des  arêtes  de  poisson,  des  éclats  d'ossements  humains  (Ponapé, 
Samoa)  ou  d'oiseaux  aquatiques.  Comme  pigment,  ils  se  servent  de  noir 
de  fumée  délayé  dans  l'eau. 

Les  Micronésiens,  sans  distinction  desexc,  portent  des  boucles  suspen- 
dues aux  diverses  parties  de  l'oreille,  le  plus  fréquemment  au  lobe.  Ces 


5yO  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

parures  pendent parfoisjusqu'à l'épaule.  Elles  son!  confectionnées èîi  noi\ 
de  coco,  en  coquilles  parfois  gravées.  La  coutume  de  porter  des  anneaux 
suspendus  au  nez  existe  également,  mais,  selon  l'auteur,  ne  serait  pas 
générale.  Parmi  d'autres  parures,  il  faut  citer  les  peignes  et  des  guir- 
landes de  fleurs,  ces  dernières  employées  également  comme  colliers. 
Aujourd'hui,  seuls  quelques  natifs  des  îles  de  Truck  portent  des  colliers 
de  fabrication  indigène.  La  plupart  se  parent  de  colliers  importés,  con- 
fectionnés en  verre  ou  en  perles  de  Chine.  Les  colliers  indigènes  se 
composentde  disques  en  coquilles  assemblés  à  l'aide  d'un  fil  en  fibre  de 
noix  de  coco, ornés  parfois  d'un  pendant  en  matière  dure  :  écaille  où 
coquille  marine.  On  rencontre  aussi,  quoique  assez  rarement,  des  col- 
liers constitués  par  des  dents  de  mammifères  (chiens  ou  porcs).  Le  col- 
lier, de  dimension  assez  grande,  s'étale  sur  la  poitrine. 

Ces  populations  ont  été  à  tel  point  «  européannisées  »  qu'elles 
portent,  en  général,  des  chemises  et  des  pantalons.  La  matière  première 
servant  à  leur  confection  est  constiuée  par  des  fibres  de  bananiers  ou 
d'arbres  hibiscus.  Ces  vêtements  revêtent  parfois  les  formes  les  plus 
rudimenlaires.  C'est  le  cas  pour  les  insulaires  de  Truk  qui  se  con- 
tentent de  prendre  une  pièce  d'étoffe  triangulaire  et,  après  y  avoir 
pratiqué,  au  milieu,  une  ouverture  pour  le  passage  de  la  tète,  la 
laissent  pendre  par  devant  et  par  derrière. 

Aujourd'hui,  d'ailleurs,  la  plupart  des  naturels  portent  des  vêtements 
de  coton  importé,  colorés  en  rouge,  en  bleu  ou  en  vert  foncé.  L'art  du 
tissage  est  très  répandu  dans  ces  îles,  où  des  étoiles,  fabriquées  avec 
des  libres  de  bananiers,  sont  teintes  â  l'aide  de  colorants  végétaux.  Les 
deux  sexes  portenl  des  bracelets,  mais  cette  coutume  tend  a  disparaître. 
Ce  sdnt,  en  général,  des  lames  d'écaillé,  larges  de  35  à  l\\  millimètres, 
enroulées  de  façon  à  leur  donner  la  forme  requise. 

Nourriture.  —  Elle  est  végétarienne  et  constituée  surtout  par  les 
fruits  de  l'arbre  à  pain  (  irtocarpus  incisa)  et  *.\r>  palmes  de  cocotier 
(cocos  Qucifera).  Ces  aliments  sont  soit  rôtis,  soit  cuits  au  four.  La 
première   de  ces  préparations  mérite  une    mention.   On   allume  un  l'en 

dans  un  lion  el  on  y  jette  un  certain  i bre  de  pierres.    Lorsqu'elles 

sont  rougies  â  blanc,  on  place  entre  elles  les  fruits  de  l'arbre  à  pain, 
enveloppés  dans  des  feuilles.  Pour  la  cuisson  au  four,  qui  est  plus 
compliquée,  ies  naturels  procedenl  ainsi  qu'il  suit.  Un  trou  de  r'.âo 
de  diamètre  el  de  âo  à  5o  centimètres  de  profondeur  est  creusé  dans  le 
sol,  (t.,  p.  pare  de  pierres.  Le  feu  est  allumé.  On  jette  d'autres  pierres 
sur  ies  matières  en  combustion.  Elles  sont  enlevées  lorsqu'elles  sont 
chauffées  à  blanc.  Sur  ces  plefres  on  place  une  couche  de  20  centimètres 
de  feuilles  vertus,  sur  lesquelles  sont  accumules  les  fruits.  Le  tout  est 
recouvert  de  feuilles.  Un  lion  avant  été  percé  an  sommet,  on  \  verse  de 
l'eau.  C'est  la  vapeur  dégagée  qui  provoque  la  cuisson  des  fruits.  Ce 


Moi  \  EMENT    SCIENTIFIQUE.  5(jl 

procédé,    commun   aux  Càrôlines  orientales  ei   aux  fies  Marshall,  se 
trouve  également  très  répandu  en  t'oljnésie  éi  en  Mélanésie. 

La  nourriture  animale  eëi  constituée  par  l<s  poissons,  ies  oiseaux 
ei  autre  gibier,  mais  c'ësl  le  poisson  qui  occupe  la  place  la  plus 
important 

Gomme  ustensiles  de  cuisine,  on  trouve  des  pilons  en  corail  ou  en 
pierre,  de  dimensions  variées  ;  des  râcloirs  en  coquilles  ;  des  couteaux 
en  bois  ou  en?  coquilles  ;  des  espèces  de  bols  en  bois,  de  grande  dimen- 
sion. L'eau  es!  la  boisson  ordinaire  Vu\  îles  Marshall,  constituées  en 
grande  partie  par  dès  atolls,  tes  naturels  boiveni  de  l'eau  de  pluie  qu'ils 
conservent  dans  des  coquilles  de  noix  de  coco.  1  ne  boisson  dès  rafraî- 
chissante et  très  estimée  esi  fabriquée  avec  les  noix  de  coco.  Ces 
populations  fumenf  le  tabac  et  consomment  divers  genres  de  liqueurs, 
le  Kava  en  particulier,  fabriqué  avec  des  racines  du  Piper  melhys- 
ticum, 

Habitations  et  ustensiles  de  ménage.  —  Il  n'y  a  pas  d'uniformité 
dans  la  construction"  des  habitations  aux  Carolines  orientales  ei  aux 
îles  Marshall.  Celle  des  Insulaires  de  Truk  sont  les  plus  primitives. 
Elles  sont  construites  en  bois  dÏÀrlocarpus,  et  le  toit  est  recouvert  de 
feuilles  de  Coùlococcus  carolinensis.  L'habi talion,  qui  se  compose 
d'une  seule  pièce,  abrite  parfois  plusieurs  familles.  Aujourd'hui,  à 
Truk,  les  habitants  s'éclairent  au  pétrole  et  à  l'huile  qu'ils  brûlent 
dans  des  lampes  d'importation  étrangère.  Ils  employaient  jadis  —  cl 
cette  coutume  se  retrouvé  en  Polynésie  —  des  lampes  en  noix  de 
coco,  dans  lesquelles  ils  brûlaient  de  l'huile  du  même  fruit,  les  fibres 
de  ce  dernier  constituant  la  mèche. 

La  préparation  des  aliments,  lorsqu'elle  se  fait  en  grand,  a  lieu  hors 
de  l'habitation,  dans  une  cabane  construite  sur  le  môme  plan  que  tes 
habitations.   11   faut   également   mentionner  des  abris  pour  les  canots, 

van!  aussi  de  lieux  de  réunion  pour  les  jeunes  gens.  Ces  construc- 
tions sont  souvent  communales. 

Navigation.  —  Les  canots  construits  par  les  insulaires  sont  de 
dimensions  variant  avec  les  besoins.  Les  canots  de  pêche  sont  plutôt 
de  petite  dimension,  tandis  que  tes  canots  de  guerre,  pouvant  contenir 
plusieurs  douzaines  de  personnes,  sont  de  construction  solide  et  de 
dimensions  considérables.  Leur  formes  varient  selon  le.,  légions,  niais 
!<■  plan  général  de  construction  est  identique.  Les  parois  en  son!  peints 
en  rouge,  eu  noir  ou  en  d'autres  couleurs.  Ces  embarcations  sont  géné- 
ralemenl  munies  de  sortes  de  plateformes  latérales,  destinées  à  leur 
assurer  une  plus  grande  stabilité.  La  construction  de  ces  canots  exige 
un  temps  liés  long,  dépassant  douze  mois  pour  certains  types  d'un 
travail  soigné  La  proue  el  la  poupe  en  sont  ornés  d'ornements  sculptés, 
appliqués,  diversement  colorés.  Ces  ornements  sont  constitués  par  des 


00)2  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

oiseaux  o  stylisés  »,  une  espèce  probablement  apparentée  au  hoche- 
queue javanais.  L'auteur  pense  que  ces  ornementations  constituent  des 
charmes  contre  les  naufrages.  Ces  populations  de  navigateurs  ont  su 
dresser  des  cartes  d'un  caractère  spécial,  mais  dont  la  construction  a 
été  peu  étudiée.  Ce  sont  des  sortes  de  treillages  faits  de  pétioles  de 
palmes  de  cocotier. 

Pèche.  —  La  pèche  esl  pratiquée  à  l'aide  de  filets  de  formes  variées, 
de  harpons,  de  lignes  munies  d'un  hameçon  en  coquille  d'huître  per- 
lière.  Ces  questions  sont  rapidement  effleurées  par  l'auteur. 

Instruments  et  armes.  —  Les  instruments  en  fer  sont  actuellement 
importés.  Autrefois  la  pierre,  mais  surtout  les  coquilles  étaient 
employées.  A  Palau,  on  a  découvert  des  haches,  ou  mieux  des  ciseaux 
en  pierre,  rappelant  nos  instruments  néolithiques.  Des  haches,  fabri- 
quées avec  des  coquilles  sont  si  blanches  et  si  brillantes,  qu'on  les 
distingue  à  peine  des  haches  de  pierre.  Les  armes  sont  constituées  par 
des  lances  en  bois,  à  léte  d'acier  ou  d'os,  et  dont  la  hampe  atteint 
2"\qo  ;  des  massues,  des  frondes,  à  pierres  de  la  grosseur  d'un  œuf  de 
poule,  et  dont  l'emploi  prédomine  à  Yap  (Carolines  occidentales). 

Ornementation.  —  Les  décorations  ainsi  que  les  motifs  des  tatouages 
consistent  en  lignes  parallèles  ou  en  modèles  géométriques.  Jamais  on 
n'a  rencontré  de  modèles  empruntés  aux  règnes  animal  ou  végétal.  Les 
sujets  géométriques  sont  constitués  (Carolines  orientales,  Marshall)  par 
des  triangles,  des  carrés,  des  losanges  et  des  croix  de  Saint-André,  géné- 
ralement employés  en  séries.  Dans  les  sculptures  sur  bois,  les  sujets 
sont  généralement  peints  afin  de  les  rendre  plus  saillants.  Los  tissus 
de  jonc,  qui  sont  les  meilleures  productions  artistiques  de  ces  régions, 
présentent  des  modèles  brillamment  colorés  en  rouge,  en  brun,  en 
noir,  etc. 

Des  productions  similaires  se  rencontrent  aux  Carolines  occidentales. 
Tci,  cependant,  apparaissent  en  outre  des  représentations  «  stylisées  » 
géométriquement  de  la  figure  humaine  ou  d'oiseaux. 

Castration.  —  Cette  opération  constitue  l'une  des  coutumes  les  plus 
extraordinaires  des  Carolines  orientales.  A  Ponapé,  on  procède  à 
l'enlèvement  du  testicule  droit  lorsque  les  garçon>  oni  atteint  la  iG'  ou 
la  17e  année.  L'opération,  accomplie  secrètement  par  des  vieillards, 
exige  de  grandes  précautions  pour  que  les  suites  n'en  soient  pas  perni- 
cieuses, même  mortelles. 

Les  ba  us  froids  sont  en  usage.  Mais  en  raison  du  faible  nombre 
d'eaux  courantes,  les  naturels  se  baignent  volontiers  dans  des  mares 
vaseusi 

II.  Iles  Carolines  occidentales.  —  (Palau,  Yap  et  quelques  îles  plus 
petites).    Bien   qu'il    existe,  à   divers   point   de   vues,  des  différences 


MOI   \  I  \||  M      SI   il  S  !  M  l<"    l  i}0^ 

ootables  entre  les  naturels  dos  deux  groupes  d'îles,  leur  étude  peut 
néammoins  être  réunie  sous  un  même  titre. 

Ornementation  du  corps.  —  Los  naturels  de  «-es  îl-s  se  peignent 
également  le  corps  à  l'aide  d'un  pigment  jaune  ou  orangé,  tiré  du 
curcuma,  mais  cette  peinture  n'est  pas  aussi  remarquable  qu'a  Truk. 
V  \ap  ce  pigment  porte  le  nom  de  «  reng  »,qui  signifie  «  jaune  ».  Ce 
produit  est  employé  non  seulement  dans  un  but  ornemental;  il 
préserverait  le  corps  contre  les  variations  de  température  et,  par  son 

odeur,  contre  les  moustiques.  Les  femmes  de  Palau  s'en  servent 
également,  dissous  dans  l'huile  de  coco.  Une  autre  coutume  consiste  à 
se  noircir  les  dents  soit  à  l'aide  d'une  pâte,  à  base  de  produits  de 
nature  bitûmeusc  et  ammoniacale,  soit  à  l'aide  de  sucs  végétaux.  Le 
même  résultat  est  atteint  par  la  mastication  de  feuilles  de  bétel. 
L'ornementation  à  l'aide  de  cicatrices  est  également  en  usage  dans  ce 
groupe  d'iles.  On  y  trouve  aussi  le  tatouage,  bien  que  cette  cou- 
tume tombe  en  désuétude  A  Vap,  cette  coutume,  permise  aux  hommes 
libres,  serait  interdite  aux  esclaves  Ce  serait  donc,  en  somme,  un 
procédé  de  distinction  sociale.  Les  femmes  se  tatouent  également.  En 
raison  des  modèles  choisis,  tout  particulièrement  des  Nr/ol,  représen- 
tations du  requin,  l'auteur  incline  à  considérer  ces  ornements  comme 
des  charmes.  La  représentation  du  requin  étant  commune  à  une 
grande  partie  des  îles  océanniennes,  peut  être  il  y  aurait-il  là,  d'une 
manière  générale,  un  caractère  totémique? 

La  technique  du  tatouage  est  à  peu  près  la  même  que  celle  rapportée 
pour  les  Carolines  orientales.  Il  faut  signaler,  en  particulier,  le 
tatouage  des  organes  génitaux  chez  les  femmes.  Les  natifs  de  Yap 
pratiquent  également  la  déformation  du  nez  par  écrasement  chez  les 
nouveaux-nés. 

Parure.—  Comme  ceux  du  groupe  oriental,  les  naturels  du  groupe  occi- 
dental ont  recours,  en  guise  d'ornementation,  à  des  mutilations  partielles 
et  au  port  d'objets  attachés  au  corps,  notamment  au  nez  et  aux  oreilles 
(boucles  d'oreilles,  fleurs  insérées  dans  le  lobe  percé  de  l'oreille).  La 
coutume  de  porter  un  anneau  au  nez  est  générale,  et  revêt  un  caractère 
religieux.  Les  tribus  Motu,  de  la  Nouvelle-Guinée,  par  exemple, 
prétendent  que  -ans  cette  mutilation  elles  ne  pourraient  pas  aller  au 
ciel.  On  retrouve  la  même  croyance  chez  les  naturels  de  la  baie  de 
Geelvink  (Nouvelle-Guinée  hollandaise). 

Les  hommes  de  Vap,  contrairement  aux  habitants  des  Carolines 
orientales,  laissent  pousser-  leurs  cheveux  longs.  Les  femmes  dressent 
les  leurs  comme  celles  de  Truk,  par  exemple,  avec  cette  différence 
que  les  peignes  qu'elles  emploient  ont  les  dents  plus  nombreuses,  plus 
longues  el  disposées  en  éventail. 

Le  système  des  clans  est  rigoureusement  observé  à  Yap  où   le    port 


5 «  )  r|  MOUVEMENT    SCIENTIFIQUE. 

de  parvins  a'est  pas  accordé  à  tous  Le  port  dos  peignes  est  interdit 
aux  esclaves  sous  peine  de  châtiments  sévères,  et  la  dimension  de  ces 
objets  varie  selon  le  rang  social  de  celui  qui  les  porte  Même  observa- 
tion pour  Je  tatouage.  Les  naturels  de  Yap  portent,  comme  colliers,  des 
anneaux  en  forme  de  disques,  en  noix  de  coco,  reliés  entre  eux  par  un 
anneau  en  coquille  blanche,  de  même  dimension.  Les  colliers,  ainsi 
que  les  boucles  d'oreilles,  faits  de  coquilles  rouge  clair,  sont  fort 
estimés  Les  femmes  de  Yap  portent  une  conte  faite  de  l'écorce  de 
l'arbre  hibiscus,  qui  pend  sur  la  poitrine  et  le  dos,  et  qui  semble 
indiquer  que  celle  qui  en  est  parée  a  atteint  l'âge  de  la  puberté.  Cette 
simple  corde,  par  évolution  et  amplification  ultérieures,  semble  s'être 
transformée  en  un  vêtement  complet,  analogue  aux  chemises  portées 
par  les  naturels  de  Truk. 

Les  naturels  des  Carolines  occidentales  ne  portent,  comme  vêtement, 
qu'une  espèce  de  ceinture  lombaire  pour  les  hommes,  et  un  grossier 
jupon  pour  les  femmes,  confectionnés  en  feuilles  de  bananier  ou  avec 
l'écorce  de  l'hibiscus,  souvent  teints  en  rouge,  Les  jupons  sont  fails  à 
l'aide  de  tiges  â'Eteachris  plantaginea  découpées  en  rubans  et  teintes 
en  rouge,  noir,  jaune,  bleu,  etc. 

Les  deux  sexes  portent  des  bracelets.  Il  y  en  a  trois  espèces:  1'  en 
coquilles,  2°  en  coque  de  noix  de  coco,  3"  en  écaille.  Des  bracelets  en 
os,  portés  par  les  nommes,  sont  des  symboles  de  distinction  sociale. 
Ils  ne  sont  portés  que  par  des  chefs  et  d'autres  hommes  importants. 

Noiirritare.  —  L'arbre  à  pain  ne  croît  pas  si  abondamment  à  Yap  et 
à  Palan  que  dans  les  Carolines  orientales.  Le  taro  semble  être  la  nour- 
riture courante  des  naturels,  que  complètent  la  noix  de  coco,  la 
pomme  de  terre,  l'igname,  le  fruit  de  l'arbre  à  pain,  les  poissons,  les 
mollusques,  les  oiseaux.  Un  végétal  appelé  vol  (Inocarpus  edulis), 
fournil  un  fruit  comestible,  qUi  est  un  élément  nutritif  important. 
L'eau  ne  l'ail  pas  défaut  aux  Carolines  orientales,  à  Palau,  en  parti- 
culier, où  on  trouve  (U->  puits. 

Lis  aliments  sont  rôtis,  cuits  au  four  ou  bouillis.  Le  jus  de  la  noix 
de  coco,  réduit  par  cuisson,  fournil  un  sirop  appelé  mârasis. 

Les  ustensiles  de  cuisine  sont  constitués  par  des  \as(>s  en  terre, 
hémisphériques,  de  couleur  ocrée,  >;ms  ornementation.  I  n  point  à 
signaler,  c'esl  que  l'art  de  la  poterie,  inconnu  aux  Carolines  orientales, 
est  pratiqué  aux  Carolines  occidentales.  C'est  l'une  des  différences 
importantes  entre  ces  deux  groupes  d'îles.  Des  Ustensiles  en  écaille  : 
plats,  cuillères  de  formes  et  de  dimensions  variées,  mais  présentant 
tous  une  belle  forme  ovdlè,  servent  à  manger  le  poisson  ou  le  taro 
dans  certaines  circonstances  spéciales. 

\  Yap  el  à  Palan,  de  même  que  dans  tes  Carolines  orientales,  les 
naturel-  se  servent  d'alumettes  Importées,    autrefois  ils  employaient 


moi  \  r.Mi  \  r    S<  11  \  in  tQt  i  ",)•> 

la  méthode  par  f'rollenienl.  Le  silex  6st  é-aleineii  I  en  usi-c.  LeS 
insulaire    de  des    îles    l'umenl    le    tabac   .pi'ils    COUpCUt    et    roulent    en 

lilîes  avaùt  de  l'employer.  Ils  conservent  lé  tabac,  le  silex  et  les 
allumettes  dans  de  petits  sacs  faits  de  feuille  d.>  noix  de  coco,  qui 
servent  également  polir  têâ  noix  de  bétel  qu'ils  chiquent  :  coutume 
très  répandue  et  pratiquée  par  les  deux  sexes.  L'usagé  de  ce  végétal  a 
polir  conséquences  de  noircît  progressivement  les  dents.  Celte  coutume 
si  inbleèire  Vende  de  certaines  parties  dé  la  Mélanésie    Iles  de  r  amirauté 

Vanelle-Cuinée  et   Ile-  Salnmmi  i  d'oi'i  elle  Se  -'-rail  répandue  aux  Caro" 

lines  occidentales. 

Habitations,  ustensiles  de  tnênagé.  —  .v  ïap  et  à  Palan  les  habitations, 
en  générai,  sont  plus  spacieuses  et  d'une  architecture  plu-  avancée  que 
celles   des  Carolines    orieidales.     Elles    comprennent    pltiSÎeUrs    types. 

A  Yap  l'habitation  se  di\ise  ainsi  :  la  maison  d'habitation  proprement 
dite,  la  euisine.  la  c<  maternité  »,  l'habitation  réser\ée  aux  loiiincs  au 
(•airs  de  leurs  menstrues,  la  maison  de  réunion  et  le  hangar  à  bateaux. 
Ce  --ni  autant  de  bâtiments  séparés,  dont  le  pltls  grartd  est  la  maison 
de  réunion.  Les  dimensions  de  la  maison  d'habitation  varient  depuis 

Celle  des  petites  Imites  jusqu'aux  grandes  habitations  propriétés 
d'hommes  influents.  Lu  général  elles  sont  construites  sur  une  plale- 
i'orme   en    pierre   Stif  laquelle   se  dressent    les  piliers.  Les  poutres  Sottt 

Semblées  pat  di~>  liens  en  cordé  de  cocotier.  Ce  sont  des  bâtiments 
d'une  COttâlrUCtion  Soignée,  C-Ul  contrastent  avec  les  habitations 
grossière-  des  Cantines  orientales. 

Il   y   a   une   OU    deux    maisons    de     réunion    (appelées  fe-bdt],  par  les 

indigènes)  dans  chaque  village.  Elles  s'éiè\ent  généralement  au  bord 

de    la    nier,    et  sauf  leurs  di menions  plus   grandes,    leur  structure    est 

analogue  à  celle  des  maisons  d'habitation.  C'est  une  propriété  commu- 
nale où  se  tiennent   les    assemblées  du    village.    Deux    on    trois    tilles, 

portant  le  nom  de  Mespil ouMogol,  sont  attachées  à  ces  bâtiments.  Ces 
Mespil,  qui  sont  en  quelque  Sorte  des  prostituées  à  l'usagé  <\r>  jeunes 
gens,   -ont   (es  seules   femmes  qui  aient  accès  à   ces  maisons    Les 

habitations    de     Palan    diffèrent    un    peu    de    celles   qui    \iennenl    d'être 

mentionnées,  l  n  trait  caractéristique,  dans  la  vie  domestique  de  cette 
île,  c'est  l'emploi  de  lampes  en  terre  cuite.  On  ne  les  rencontre  nulle 
part  ailleurs  en  Micronésie.  Quelques-unes  représentent  des  figures 
humaines. 

l.  -  hangars  à  bateaux  sont  construits  sur  la  plage. 

trtstrUmerils  et  armes.  —  A  ¥âp  et  à  Palau,  l'instrument  principal  est 
la  hachette,  de  petite  taille,  à  manche  recourbé,  servant  également  de 
couteau,  et  que  les  naturels  portent  gui  l'épaule.  Comme  armes,  ils  ont 
des  tances,  des  dards,  des  épées  et  do  poignards  en  bois  de  palmier 
d'arec.   La  lance  est   pointue  et  barbelée  à  l'une  des   extrémités.    Les 


5^  MOI  VICIENT    SCIENTIFIQUE. 

sabres  sont  faits  en  bois  très  dur  et  incrustés  de  nacre.  Ils  ont  égale- 
ment des  poignards,  confectionnés  avec  des  arêtes  de  poissons  main- 
tenues dans  des  tiges  de  bambous,  et  sur  la  poignée  desquels  est 
gravé  fréquemment  une  figure  humaine. 

Décoration. —  Sauf  quelques  détails,  elle  ne  présente  pas  de  différences 
notables  avec  celle  de  l'autre  groupe  des  Carolines. 

Monnaie.  —  Tandis  qu'aux  Carolines  orientales  ce  sont  des  perles 
faites  de  coquilles  de  noix  de  coco  ou  des  bracelets  d'écaillé  qui 
tiennent  lieu  de  monnaie,  aux  Carolines  occidentales  existent,  par  contre, 
des  formes  spéciales  de  monnaie. 

La  monnaie  de  Palau,  celle  qui  est  plus  estimée  et  dont  le  cours  est 
le  plus  élevé,  est  constituée  par  des  perles  de  verres,  de  porcelaine, 
d'agate,  et  peut-être  de  jaspe.  Ces  perles  sont  percées  et  peuvent  former 
des  colliers.  Leur  valeur  varie  selon  l'espèce  de  matière  dont  elles  sont 
faites.  On  ignore  quand  et  par  qui  ce  genre  de  monnaie  a  été 
introduit  à  Palau.  A  Yap,  ce  sont  des  roues  en  pierres  qui  constituent 
la  monnaie.  Ces  «  pièces  »,  en  pierre  calcaire  jaune  pale,  sont 
percées  au  centre  d'un  trou  dans  lequel  les  naturels  passent  un  bâton 
pour  les  transporter.  De  dimensions  variables,  elles  ont  ordinairement 
un  diamètre  de  3o  à  5o  centimètres,  qui  pour  quelques-unes  peut 
s'élever  de  om,QO  à  i'",20.  Dans  quelques  cas  rares  elles  atteignent  3m,5o. 
Le  calcaire  dont  elles  sont  faites  se  trouve  à  Palau,  mais  non  pas  à  Yap. 
La  fabrication  et  le  transport  de  ces  roues  ne  se  font  pas  sans  de 
multiples  difficultés.  La  valeur  de  la  pièce  est  donc  proportionnelle  à 
sa  dimension,  laquelle  est  elle-même,  en  quelque  sorte,  «  fonction  »  de 
son  transport.  La  finesse  de  la  matière,  la  beauté  de  sa  couleur,  la 
régularité  de  la  forme  sont  également  des  éléments  appréciables  de  la 
valeur  de  la  pièce.  Ces  pièces,  dont  la  valeur  fiduciaire  n'est  pas  fixe, 
sont  moins  employées  aujourd'hui.  Elles  sont  remplacées  par  d'autres 
objets  de  valeur  :  bijoux,  plumes  d'ornement,  vêtements,  grains,  sel, 
bétail  et  même  par  des  esclaves.  A  Yap,  des  monnaies  en  coquille  sont 
également  en  circulation.  Fait  intéressant  à  signaler  :  lorsque  meurt 
un  indigène  de  marque,  deux  pièces  de  monnaies  sont  placées  sur  le 
corps.  Selon  la  croyance  primitive  elles  doivent  permettre  au  défunt 
d'acheter  de  la  nourriture  au  cours  de  son  voyage  au  Ciel.  Des  colliers 
faits  de  coquilles  rouge  clair  et  de  fruits  de  l'arbre  hibiscus  servent 
également  de  moyens  d'échange. 

Il  semblerait  vraisemblable  que  l'introduction  de  coutumes  euro- 
péennes dans  le  groupe  oriental  des  Carolines  el  dans  les  îles  Marshall 
en  eûl  modifié  les  mœurs,  alors  que  les  Carolines  occidentales  sont 
restées  à  un  degré  de  civilisation  plus  inférieur.  Il  n'en  esl  rien,  ainsi 
que  le  montrent  les  faits  exposés.  L'art  de  la  poterie,  inconnu  au  groupe 
orienta]    est  développé  dans  le  groupe  occidental.   Au   poinl   de   vue 


moi  \  imini   si  un  riFiQi  i  597 

anthropologique  les  habitants  des  Garolines  orientales  sont  dolicho- 
céphales Il>  ont  le  visage  étroil  el  sonl  de  stature  moyenne.  Ceux  du 
groupe  occidental  sonl  mesocéphales,  parfois  même  brachycéphales. 
Ils  ont  une  face  large  el  leur  taille  esl  plus  élevée.  En  résumé,  à  de 
nombreux  points  de  vue,  1rs  insulaires  des  Garolines  présentent  de 
nombreux  traits  communs  aux  autres  tribus  polynésiennes,  mélané- 
siennes el  malaises.  Toutes  ces  races  semblent  avoir  subi,  plus  ou  moins 
Fortement,  L'influence  du  milieu  ethnique,  variable  selon  la  position 
géographique.  L'auteur  croit  pouvoir  en  conclure  que  les  Micronésiens 
sont  le  produit  de  mélanges  des  diverses  tribus  voisines,  mais  doivent 
aujourd'hui  être  considérés  cumme  une  race  distincte,  plutôt,  qu'une 
branche  se  rattachant  à  une  autre  race. 

J.  N. 


NOUVELLES    ET   CORRESPONDANCE 


Le  XXe  Congrès  international  des  America nistes 

Le  20  juin  1920  s'ouvrira,  à  Rio-do-Janeiro,  la  20e  session  du  Congres  inter- 
national des  Américanistes.  Il  se  sera  écoulé  cinq  années  depuis  la  précédente 
session,  qui  s'est  tenue,  en  1915,  à  Washington.  Il  faut  espérer  que  le  Congrès 
va  pouvoir  reprendre  sa  marche  normale  et  qu'il  lui  sera  possible  de  siéger 
alternativement  dans  l'Ancien  et  le  Nouveau  Monde,  selon  le  vœu  qui  avait 
été  inscrit  à  l'article  2  des  statuts  votés  à  Paris,  en  1900. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  20e  session  ne  peut  manquer  d'offrir  un  très  grand 
intérêt  en  raison  des  multiples  problèmes  qui  se  rattachent  au  passé  et  au 
présent  du  Brésil.  Combien  d'archéologues,  d'anthropologistes,  d'ethno- 
graphes, de  linguistes,  seraient  heureux  de  pouvoir  se  rendre  à  Rio-dc-Janciro, 
prendre  part  aux  excursions  que  les  organisateurs  préparent,  sans  aucun 
doute,  à  l'intérieur  du  pays  et  étudier  sur  place  une  foule  de  questions  pour 
la  solution  desquelles  le  concours  de  compétences  variées  est  indispensable. 
Il  est  à  craindre,  malheureusement,  que  les  conditions  économiques  engen- 
drées par  la  guerre  n'empêchent  beaucoup  de  savants  européens  de  satisfaire 
leur  désir  et  d'aller  se  documenter  de  visu.  Le  voyage  coûtera  fort  cher,  car, 
si  l'on  doit  ajouter  foi  à  des  renseignements  qui  me  paraissent  émaner  de 
bonne  source,  il  faut  évaluer  la  dépense  à  10.000  francs  au  moins. 

Si  la  somme  est  un  peu  élevée  pour  de  simples  particuliers  que  la  science 
n'a  pas  enrichis,  on  pouvait  espérer  que  les  Gouvernements  des  nations  civi- 
lisées s'imposeraient  un  petit  sacrifice  pour  permetre  à  quelques  spécialistes 
de  représenter  dignement  leur  pays  au-delà  de  l'Atlantique.  J'ignore  ce  qui 
sera  décidé,  à  cet  égard,  en  dehors  de  nos  frontières,  mais  ce  que  je  sais,  c'est 
qu'en  France  il  ne  faut  compter  sur  aucune  aide  de  l'État.  Le  Ministre  de 
l'Instruction  publique,  en  effet,  a  écrit  au  Directeur  du  Muséum  national 
d'Histoire  naturelle  pour  lui  demander  de  lui  faire  connaître  les  noms  des 
Professeurs  de  cet  établissement  qui  seraient  disposés  à  représenter  son 
Département  à  la  réunion  de  Rio-de-Janeiro.  Le  Grand  Maître  des  Universités 
françaises  ajoute  qu'aucune  indemnité  de  voyage  ou  de  séjour  ne  pourra  être 
allouée. 

Certes,  malgré  la  victoire  qu'elle  doit  à  l'héroïsme  de  ses  soldats  et  au  con- 
cours de  ses  alliés,  la  France  a  de  lourdes  charges  à  l'heure  actuelle  et  de 
nombreuses  ruines  à  réparer  d'urgence;  mais  à  qui  viendrait  l'idée  de  taxer 
de  dépense  somptuaire  l'octroi  de  quelques  billets  de  banque  à  des  savants 
qui  iraient  prouver  au  monde  que  si  notre  pays  est  toujours  épris  de  justice 
et  d'humanité,  il  ne  l'csl  pas  moins  de  science  et  de  lumière? 

Qu'on  n'aille  pas  supposer  un  seul  instant  que  je  lasse  un  plaidoyer  pro 
domo.  Avec  ou  sans  subvention,  je  suis,  m  mon  1res  vit  regret,  dans  l'impos- 
sibilité de  nie  rendre  ;iu  Rrésil  au  mois  de  juin  192(1.  .le  n'en  suis  que  plus    , 


\nr\  ii  i  ES    ET  CORRESPONDAN  OQQ 

l'aise  pour  déplorer  la  décision  ministérielle.  Je  persiste  à  croire  qu'il  est  des 
dépenses  moins  utiles,  sur  lesquelles  on  eul  pu  prélever  quelque  argent  pour 
maintenir  à  l'étranger  le  bon  renom  scientifique  de  la  France  qui,  dans  Les 
précédents  Congrès  internationaux  d'Américanistes,  a  toujours  tenu  un  rang 
des  plus  honorables.  J'ose  espérer,  toutefois,  que  le  Ministre  de  l'Instruction 
publique  trouvera  des  savants  qualifiés,  assez  désintéressés  pour  accepter 
L'honneur  de  représenter  son  Département  aux  prochaines  assises  de  Rio-dc- 
Janeiro  dans  les  conditions  qu'il  a  spécifiées.  L'abstention  officielle  de  notre 
pa>s  ne  manquerait  pas,  en  effet,  d'être  commentée  d'une  façon  lâcheuse 
pour  notre  amour-propre  national:  et,  s'il  Importe  de  songer  au  relèvement 
rapide  de  notre  situation  économique,  il  importe  également  de  prouver  au 
monde  que  nous  entendons  persister  dans  nos  vieilles  traditions  scientifiques, 
qui  ont  tant  contribué  à  nous  mériter  L'estime  des  peuples  avides  de  progrès. 
A  nos  amis  du  Brésil,  j'adresse  de  bien  sincères  félicitations.  Ils  n'ont  pas 
cru  que  les  événements  qui  oi>t  endeuillé  L'Humanité  durant  de  longs  mois 
dussent  arrêter  sa  marche  en  avant.  Malgré  les  difficultés  de  l'heure  présente, 
ils  n'ont  pas  hésité  à  convier  les  savants  à  se  remettre  sans  tarder  à  l'étude. 
Je  forme  des  vieux  pour  qu'un  plein  succès  couronne  leurs  efforts  et  que  le 
Congrès  de  Ilio-de-Janeiro  imprime  un  nouvel  essor  aux  études  ainéricanislcs. 

R.   Y. 

Congrès  de  «  Rhodania  »,  à  Pertuis. 

Nous  recevons  de  M.  Ch .  Cotte  le  petit  article  suivant  que  nous  nous  faisons  nti 
plaisir  d'insérer. 

Le  premier  Congrès  de  Rhodania,  association  des  préhistoriens  et  archéo- 
logues classiques  du  bassin  du  Rhône,  s'est  tenu  à  Pertuis  du  5  au  6  septembre  ; 
le  G  a  eu  lieu  la  visite  d'Aix.  L'abondance  des  communications  a  contraint  à 
diviser  le  Congrès  en  deux  sections  ;  celle  d'archéologie  préhistorique  inté- 
resse plus  spécialement  nos  lecteurs. 

M.  Ambavrac  a  étudié  les  terrasses  du  Var. 

M.  La/ahd  a  recueilli  une  belle  industrie  nions  té  rienne,  à  pièces  très  fortement 
patinées,  dans  les  stations  néolithiques,  à  silex  non  palinés,  à  la  limite  des 
champs  cultivés  et  des  coteaux  formant  la  bordure  sur  des  monts  de  Vaucluse 
(Gargas,  Roussillon,  Saint-Pantaléon,  etc.;  spécialement  station  de  Tricassat 
entre  le  Villars  et  les  Jean-Jean)  ; 

M.  Albekt  a  présenté  de  pseudo  perles  préhistoriques  provenant  de  la  carrière 
de  Manfières,  près  d'Amiens,  qui  ont  été,  pour  la  majeure  partie,  des  fossiles, 
dont  certains  ont  pu  être  utilisés. 

M  le  I)r  Maiuonan  fait  connaître  une  station  à  faciès  préchelléen  trouvée 
près  de  Draguignan,  au  bois  de  ïiganières,  présentant  des  analogies  avec  les 
industries  notées  dans  les  vallées  du  Lanzon,  du  Largue,  de  la  Basse- 
Vidourle,  etc.  Les  coups  de  poing  grossiers  la  caractérisent. 

M  M'iihknc  a  exposé  une  très  belle  industrie  d'une  station  de  la  vallée  du 
Calavon  H'usaïoles,  perles,  coquilles  marines,  etc  ). 

M.  Lazard,  dans  les  vitrines  voisines,  avait  quelques  cartons  de  pointes  de 
flèches  et  d'outils  des  riches  stations  des  Claparedes,  sur  lesquelles  il  a  fait 
une  communication. 


6oo  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE 

M.  Mistral  avait  envoyé  des  silex  de  diverses  stations,  spécialement  de 
Aiens  (quartiers  des  Fournas,  de  l'Ovun,  de  l'Arconade,  des  Vennes,  des 
Barraques  : 

M  Souvestre  montrait  le  résultat  de  fouilles  dans  les  grottes  d'Eygalieres 
(vase  caréné  à  col  très  haut,  présentant  des  analogies  avec  le  type  caliciformc, 
mais  à  décor  différent). 

M.  Col  présentait  une  belle  série  de  percoirs. 

M.  G.  Cotte,  les  principaux  objets  de  la  Caverne  de  VAdaouste  (palette  polie; 
anse  asciforme;  poterie  peinte:  ivoire;  obsidienne;  silex  du  Grand-Prcssigny  ; 
sagaies;  retouchoirs;  blé;  etc.). 

M.  de  Géhin-Ricard  a  étudié  les  gisements  énéolithiqnes  da  Pays  du  sel  (envi- 
rons de  Rognac)  ;  il  suffit  de  rappeler  l'anse  multiforée  et  la  hache  bombée, 
en  cuivre,  qu'a  fournies  la  station  de  Ganourgue,  pour  en  montrer  l'intérêt. 

M.  Carias,  au  sujet  d'un  Maillet  en  serpentine  de  Murs,  a  indiqué  la  décou- 
verte, à  quelques  kilomètres,  des  gisements  du  calcaire  rosé  qui  servit  à  faire 
la  majeure  partie  des  maillets  de  ce  célèbre  atelier. 

M.  le  Dr  Jacqukme  a  fait  L'historique  de  la  station  des  Vachons,  où  des 
sépultures  néolithiques  coexistaient  avec  le  seul  atelier  de  haches  connu  en 
Provence. 

M.  Plat  constate  que,  près  d'Orprerie,  les  gisements  préhistoriques  n'ont 
été  conservés  que  sur  les  mamelons  rougeâtres  respectés  par  1  érosion. 

M.  Chiris  étudie  une  trépanation  préhistorique  provenant  du  tumulus  de  la 
Colette  d'Escragnoles.  Le  pariétal  a  été  creusé  du  côté  du  cerveau,  donc  après 
fracture  ou  désarticulation  du  crâne. 

M.  Lazard  présentait  une  épée  en  bronze  et  des  pointes  de  flèches  en  bronze 
de  la  région  de  Buoux. 

M.  Piiilippot  avait  adressé  uneportiou  de  coupe,  en  terre  grise,  à  ornements 
excisés,  découverte  par  lui  sur  les  flancs  d'un  tumulus  (?)  de  Sérignan. 

Des  fouilles  de  M.  Arago,  à  Ruscino  (milieu  gallo-romain)  provenait  un 
curieux  andouiller  de  cerf,  orné  de  points  et  de  lignes  en  creux,  ayant  à  sa 
base  une  cavité  fermée  par  un  petit  couvercle  retenu  par  une  feuillure  (vase 
à  parfum  ?)  que  M.  le  Dr  Guélhard  doit  étudier  prochainement. 

M.  Ch.  Cotte  a  rappelé  les  principales  découvertes  faites  dans  la  région  de 
Pertuis  (grande  hache  polie  non  loin  d'un  menhir,  vases  grecs  protocorin- 
lliiens  dans  des  tumulus  hallstattiens,  etc.). 

M.  deGérin-Ricard  a  montré  des  fragments  de  vitrification,  avec  empreintes 
ligueuses,  d'un  oppidum  du  Muy,  et  signalé  en  dessous  un  atelier  de  meules 
antiques  en  porphyre. 

M  Col  a  présenté  des  objets  provenant  de  ses  fouilles  sur  la  montagne  des 
Frais-Châteaux,  à  Pont-cn-Royans; 

M  Ambatrac  donne  à  la  société  une  hache  en  météorite,  que  portait  sur 
lui  un  chef  nègre  congolais. 

M.  \ .  Cotte  fait  une  révision  de  nos  connaissances  *ur  V Agriculture  néoli- 
thique  en  Proven 

M   Caiklan  étudie  les  Origines  de  la  Syrie;  M.  Bbrtbahd,  une  pierre  musicale. 

M    Mùlleb  entretient  la  réunion  de  la  fabrication  des  haches  en  roches  dures 

et  présente  des  pièces  à  l'appui.  Le  même  montre  ensuite  l'importance  du 


NOUVEL)  ES  ET  CORRESPONDANCE.  6oi 

commerce  préhistorique  dans  lo  ba&sin  du  Rhône  (obsidienne,  Ci rand- Pressi- 
on), silex  Eonés,  etc.). 

Une  motion  élogieuse  est  votée  à  M.  le  Professeur  J.  Cotte  pour  sa  note  sur 
les  Méthodes  d'analyses  de  résidus  organiques  préhistoriques. 

Tel  est  le  résumé  bien  suceinct  des  travaux  d'une  section  du  1er  Congrès  de 
Uhodama.  Fin  août  1920,  se  réunira  à  (irenoblc  le  21"  Congrès.  M  Millier  est 
président  de  l'Association,  M.  Cotte,  secrétaire  général. 


Accroissement  des  collections  du  Musée  d  Ethnographie. 

Depuis  la  cessation  des  hostilités,  les  dons  au  Musée  d'Ethnographie,  com- 
plètement suspendus  pendant  la  guerre,  affluent  de  nouveau;  je  me  bornerai 
à  mentionner  quelques-uns  des  plus  importants. 

Le  Pr<  sident  de  la  République  et  M[n°  R.  Poincaré  ont  offert  une  série  de 
vêtements,  d'objets  de  parure  et  des  armes  de  grands  personnages  abyssins; 
toutes  ces  pièces  sont  d'une  très  grande  richesse.  Un  pantalon  de  velours  vert, 
orné  en  bas  de  perles  de  verre  et  de  métal  aurait  appart  nu  à  la  reine  (?) 
(peut-être  la  fameuse  impératrice  Taïtou),  de  même  qu'une  couronne  dorée 
surmontée  d'une  croix,  avec  pendentifs  en  argent 

Un  costume  complet  de  grand  chef  comprend  un  pantalon  de  velours 
violet,  sans  ornements;  un  manteau  en  forme  de  chasuble,  également  en 
velours  violet,  doublé  de  soie,  brodé  d'argent  et  portant,  en  guise  de  col,  une 
épaisse  crinière  de  lion;  une  toque  en  velours  violet  ornée  de  métal  doré; 
enfin,  un  diadème,  fait  d'une  crinière  de  lion,  d'où  pendent,  de  chaque  côté, 
des  rubans  de  soie  rouge,  jaune  et  verte.  Seuls,  les  chefs  d'un  rang  élevé  ont 
le  privilège  de  se  ceindre  le  front  de  la  crinière  de  lion. 

C'est  sans  doute  au  môme  chef  qu'ont  appartenu  un  sabre  dont  le  fourreau, 
recouvert  de  velours  violet,  est  agrémenté  de  métal  doré,  et  un  merveilleux 
bouclier  ornementé  de  la  même  façon  que  le  fourreau,  mais  avec  une  profu- 
sion de  métal  qui  forme  un  décor  fort  artistique. 

En  dehors  du  brassard  finement  gravé,  orné  de  pierreries  et  des  bracelets 
en  or  avec  pendentifs  en  argent,  dont  le  Musée  possédait  déjà  des  jpccimf  ns,  il 
existe  dans  la  collection  un  objet  de  parure  des  plus  curieux  :  c'est  une  longue 
et  épaisse  barre  d'argent  massif,  toute  droite,  surmontée  de  motifs  en 
argent,  et  d'où  pendent  de  longues  ch.iînettes  qui  tombent  devant  la  figure, 
car  malgré  sa  forme  rectiligne,  cet  ornement  se  porte  sur  le  front.  Deux 
courroies  en  cuir  servent  à  le  fixer  sur  la  tète. 

Au  Baron  Doujat  d  Empeaux.  le  Musée  est  redevable  d'une  importante 
collection  archéologique  recueillie  en  Mauritanie,  dans  le  Hodh  Elle  se  com- 
pose d'un  vase  globulaire  en  terre,  dont  l'argile  a  été  poussée  dans  une 
vannerie  fc'est  le  premier  vase  ancien  des  régions  sahariennes  qui  nous  par- 
vienne entier;  et  de  254  instruments  et  objets  de  parure  en  pierre,  qui  com- 
prennent des  pièces  d'un  haut  intérêt  J'ai  présenté  à  l'Institut  français 
d'Anthropologie  les  plus  curieuses  de  ces  pièces  qui  ont  vivement  appelé 
l'attention.  Comme  je  me  propose  de  décrire  cette  collection  dans  un  prochain 
numéro  de  L'Anthropologie,  je  me  borne  à  la  mentionner  ici  sans  entrer  dans 
des  détails. 

l'a.nthropologik.  —  t.  xxix.  —  1918-1919.  39 


602  NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE. 

M.  Waterlot.  durant  son  séjour  au  Dahomey,  a  estampé  les  bas-reliefs  des 
palais  des  rois  II  en  a  tiré  des  épreuves  qu'il  achève  de  patiner.  En  dehors 
d'importantes  séries  d'objets  vulgaires,  d'objets  rituels  et  de  sculptures,  nous 
possédions  les  pertes  du  palais,  que  nous  devions  au  Général  Dodds,  de  même 
que  le  trône  de  Behanzin  et  celui  de  son  père  Glé-Glé,  et  les  statues  allégo- 
riques des  trois  derniers  rois.  Les  bas-reliefs  de  M.  Waterlot  compléteront  cet 
ensemble  de  la  façon  la  plus  heureuse. 

Le  Musée  de  l'Armée,  qui  avait  besoin  de  place  pour  installer  un  Musée  de 
la  dernière  guerre,  nous  a  offert  toute  la  collection  de  mannequins,  avec 
leurs  costumes  et  leurs  armes,  que  le  regretté  Colonel  Leclerc  avait  constituée 
avec  tant  de  soin  et  de  conscience  pour  donner  une  idée  de  l'armement  dans 
les  divers  pays  du  globe. 

Une  généreuse  anonyme  a  fait  don  de  nombreux  objets  provenant  de  l'Ancien 
et  du  Nouveau  Monde. 

Mr.  Edgar  L.  Hewet  a  expédié,  a  l'adresse  du  Musée  d'Ethnographie  du 
Trocadéro,  100  vases  anciens  de  l'Arizona.  qui  arriveront  prochainement.  La 
céramique  précolombienne  de  cette  région  nous  faisait  absolument  défaut. 

If.  Auguste  Génin,  qui  n'en  est  pas  à  son  premier  don,  offre  toute  sa  collec- 
tion ethnographique  du  Mexique,  qui  compte  un  millier  de  pièces,  dont  la 
plupart  sont  antérieures  à  la  conquête  Connaissant  l'état  lamentable  de 
notre  budget,  il  pousse  la  générosité  jusqu'à  prendre  à  sa  charge  les  frais 
qu'occasionnera  la  confection  des  vitrines  qui  recevront  sa  collection. 

Je  pourrais  mentionner  beaucoup  d'objets  isolés,  tels  qu'un  grand  vase  en 
basalte  de  Taïti,  un  vase  en  terre  décoré  au  champlevé,  trouvé  auprès  d'un  des 
palais  d'Lxmal,  etc. 

Ce  ne  sont  pas  les  richesses  qui  manquent  au  Musée  d'Ethnographie,  qui 
s'est  ouvert  en  1880  avec  6.000  objets  et  qui  en  compte  aujourd'hui  plus  de 
100  000;  ce  qui  lui  fait  défaut,  c'est  la  place,  le  personnel  et  les  ressources 
financières.  Le  lecteur  qui  voudra  bien  parcourir  l'article  que  je  consacre  dans 
ce  fascicule  à  notre  établissement  national  verra  à  quel  point  il  est  délaissé 
par  les  pouvoirs  publics. 

R.  V. 

Une  momie  d'Ànthropopithèque 

Un  marchand  d'antiquités  de  Tokio.  se  disant  appartenir  h  une  famille 
d'archéologues,  a  adressé  à  «  Son  Excellence,  le  Directeur  général  du  Musée 
du  Louvre  »  qui  me  les  a  transmises,  quatre  grandes  photographies  d'une 
momie  qui  a  vivement  excité  l'attention  des  professeurs  de  la  Faculté  de 
Médecine  de  la  capitale  du  Japon.  Cette  momie  provient  d'un  temple  boud- 
dhique et  daterait,  suivant  un  des  savants  professeurs,  de  1.000  à  3.000  ans. 
Selon  un  autre  professeur,  l'animal  momifié  serait  un  Pithécanthrope  Sur 
ce-  deux  points,  le  marchand  d'antiquités  serait  heureux  d'avoir  l'avis  de  nos 
savants  et.  pour  s'éclairer  lui-même,  il  fait  appel  aux  a  lumières  de  la  grande 

I  tance.  »    Win  de  permettre  aux  spécialistes  de  se  prononcer,  il  a  joint  aux 

photographies  le>  inen>urali«»n>  de  sa  momie 

D<-  I  examen  des  photographie-  et  de*  mesures,  il  résulte  nettement  que  les 

proportions  de  l'animal  ne  sont  ni  humaines,  ni  anthropoïdes.  Le  pied  est 


mm  nii  m»   i:r  correspondance.  6o3 

humain,  La  main  est  simienne.  Mais  ce  qui  est  plus  extraordinaire  encore, 
c'est  que  les  canines  sont  des  canines  de  carnassier.  Do  ces  caractères  contra- 
dictoires, on  ne  pcul  s'empocher  de  conclure  qu'on  se  trouve  en  présence 
d'une  pièce  traquée.  Telle  a  été  l'opinion  unanime  des  membres  de  L'Institut 
français  d'anthropologie  à  qui  j'ai  présenté  Les  épreuves  photographiques. 
Étant  donné  que  la  momie  provient  d'une  pagode,  M.  Dussaud  se  demande 
s'il  ne  s'agit  pas  d'un  truquage  pratiqué  dans  un  but  rituel. 

Eu  tout  cas,  l'espoir  (pic  nous  avion*  de  connaître  enfin  les  traits  de 
l'ancêtre  de  l'Humanité  s'est  évanoui.  Il  nous  faut  attendre  des  documents 
plus  sérieux. 

II.  V. 

Hérodote  et  la  source  du  Danube. 

Hérodote  (liv.  II,  ch.  33)  écrit  que  l'Mer  ou  Danube  prend  sa  source  dans 
le  pays  des  Celtes,  auprès  de  la  ville  de  Pyrène  et  traverse  l'Europe  par  le 
milieu.  «  Certains,  dit  M.  Piroutct  (1),  veulent  voir  là  une  double  erreur,  le 
nom  d'une  chaîne  de  montagnes  pris  pour  celui  d'une  ville  et,  consécutive- 
ment, une  indication  erronée  de  H  situation  des  sources  du  Danube,  que  le 
Père  de  l'Histoire  ferait  ainsi  naî're  dans  les  Pyrénées  ». 

Aristotc,  qui  puise  dans  les  auteurs  antérieurs,  écrit  :  «  de  Pyrène  (Pyrène 
est  une  montagne  située  au  couchant  cquinoxial  dans  la  Celtique),  coulent 
lister  et  le  Tartessos  (2)  ». 

De  son  côté,  M,  G.  de  Mortillct  (dans  son  livre  «  Formation  de  ia  nation 
française,  chap.  vu),  écrit  :  «  Dans  la  seconde  moitié  du  vc  siècle  avant  notre 
ère,  Hérodote,  mort  en  406,  parle  aussi  deux  fois  des  Celtes.  Mais  les  erreurs 
géographiques  grossières  dont  il  entoure  la  citation  de  ce  nom,  montrent 
bien  que  le  Père  de  l'histoire  ne  connaissait  ni  le  Sud  de  l'Afrique,  ni  l'Eu- 
rope occidentale  »  Il  n'est  pas  possible  de  parler  plus  superficiellement  ;  à  en 
croire  M.  G.  de  Moitillct,  Hérodote  mériterait  plutôt  le  nom  de  Père  du  men- 
songe historique  ! 

Avec  raison  M.  Piroutct  (s'insurge  contre  cette  insulte  gratuite  faite  à  Hé- 
rodote, Au  ve  siècle,  les  montagnes  des  Pyrénées  étaient  parfaitement  connues 
des  Grecs.  A  plus  forte  raison,  au  siècle  suivant,  au  temps  d'Aristotc.  Aussi 
ce  dernier  n'ose  plus  parler  d'une  ville  de  Pyrèuc,  et  c'est  lui  qui  le  premier 
commet  la  confusion  grossière  entre  les  montagnes  des  Pyrénées  et  la  ville 
de  Pyrène  citée  par  Hérodo'e,  Naïvement  il  place  les  sources  de  lister  dans 
es  montagnes  des  Pyrénées  et  il  croit  avoir  ainsi  corrigé  le  Père  de  l'histoire. 

Comme  le  remarque  judicieusement  M.  Piroulet,  Hérodote  n'a  pas  dû  se 
tromper.  Une  ville  du  nom  de  Pyrène  a  pu  exister  dans  la  région  des  sources 
du  Danube,  et  après  avoir  existé  clic  a  pu  disparaître,  comme  bien  d'autres 
localités  ou  colonies. 

En  tout  cas,  sur  les  trois  données  fournies  par  Hérodote  relativement  à 
J'bler,  deux  sont  absolument  exacte»  :  Pister  prend  sa  source  dans  le  pays 
des  Celtes,  —  et  on  p^ut  ajouter  au  beau  milieu  ;  en  second  lieu,  il  traverse 
l'Europe  par  le  milieu  ;  pas  nécessaire  pour   cela  qu'il  commence  aux  Pyrc- 

(1)  Contribution  à  L'étude  des  Celtes    L'Anlhrof>o/of/ie,  XXIX,  n3  3-4. 

(2)  Aristote,  Météorologie,  I,  ch.  XII. 


6o/|  NOUVELLES    ET    CORRESPONDANCE, 

nées.  Donc  il  y  a  toute  probabilité  que  la  troisième  donnée  soit  également 
exacte. 

C'est  au  vie  siècle  avant  J.-G  ,  d'après  l'opinion  généralement  admise,  que 
lea  Celles  ont  fait  irrupiion  sur  le  sol  français,  et  ce  n  est  que  peu  à  peu 
qu'ils  en  ont  compénétré  les  parties  plus  éloignées.  Le  pays  des  Pyrénées 
était  toujours  le  pays  des  Ligures,  des  Ibères,  des  Basques  et  ce  n'est  que 
plus  tard  qu'il  est  question  des  Celtibères.  Par  conséquent  Hérodote  ne  son- 
geait nullement  aux  Pyrén-es,  quand  il  plaçait  Pyrènc  dans  le  pays  des 
Celtes,  et  cette  colonie  ou  agglomération  celtique  doit  être  cherchée  ailleurs, 
en  plein  pays  des  Celtes,  ce  qui  nous  amène  justement  au  milieu  de  l'Europe 
du  côté  des  sources  du  Danube. 

Il  ne  suffît  donc  pas  de  compiler  tous  les  auteurs  grecs  ou  autres  qui  ont 
pu  citer  l'Ister  et  le  nom  de  la  ville  ou  des  montagnes  de  Pyrène,  il  faut  tout 
d  abord  rechercher  ce  nom  dans  le  terroir  même  ou  il  a  du  naitre. 

Hérodote  en  rst  au  Danube  :  il  le  désigne  par  son  premier  nom,  le  p'us 
ancien.  l'Ister,  qui  se  rapporte  au  cours  inférieur  du  fleuve,  seul  connu  des 
anciens  Grecs.  On  ne  connaissait  donc  guère  ou  vaguement  le  cours  supé- 
rieur. Mais  Hérodote  n  est  pas  historien  et  géographe  pour  rien,  il  veut  en 
savoir  un  peu  plus  :  il  s'informe,  auprès  de  qui  ?  Inévitablement  auprès  d'un 
indigène  en  relation  avec  les  Grecs,  ou  plutôt  auprès  de  quelque  Grec  voya- 
geur et  commerçant  qui  lui  cite  les  noms  tels  qu'il  les  a  entendus,  C  est  donc 
le  pays  lui-même  qu'il  faut  consulter. 

Or  en  remontant  vers  les  sources  du  Danube,  nous  rencontrons  une  loca- 
lité, qui  nest  pis  importante  au  point  de  vue  moderne,  comme  d'autres 
petites  villes  de  la  région,  mais  qui  est  importante  au  seul  point  de  vue  qui 
nous  intéresse,  l'antiquité.  C'est  Beuron,  prononcez  Béurenn  ou  Beurènc  à 
la  française  (la  dernière  syllabe  étant  brève)  célèbre  par  son  abbaye  des 
Augustins  et  par  son  antique  pèlerinage  très  fréquenté.  Or  on  sait  que  les 
vieux  sanctuaires  de  pèlerinage  ont  très  souvent  remplacé  d'anciens  sanc- 
tuaires païens,  et  en  ce  cas  Beuron  aurait  certainement  joui  d'une  grande 
notoriété  dans  le  pays  des  sources  du  Danube. 

Mais  il  y  a  plus;  Beuron  se  trouve  pas  loin  de  l'embouchure  d'une  petite 
rivière  appelée  Bâra,  qui  traverse  la  vallée  du  Bàrenthal  et  on  peut  se  de- 
mander si  Ben  on  (Béuréun)  ne  vient  pas  de  Baren,  ours  Instinctivement  on 
pense  à  l'Ours  des  cavernes  et  à  ses  congénères  successifs  .  en  tout  cas  ce  nom 
caractéristique  de  vallée  des  ours  sent  rudement  la  plus  haute  antiquité,  et 
s'il  y  avait  un  sanctuaire  païen,  rien  d'étonnant,  p  ucc  qu'on  cherchait  pro- 
tection contre  le»  terribles  fauves. 

Bàrén,  Beuron.  Biïron,  prononcez  Biirenn,  c'est  bien  le  Pyrcnn  (Pyrène  à 
la  française;  d'Hérodote,  le  P  au  lieu  de  B  ne  jouant  aucun  rôle  Encore  au- 
jourd'hui, si  aux  indigènes  de  l'Alsace  ou  de  la  Souabc  vous  p  iriez  de  poche, 
ils  comprendront  boche  ou  vice-versa,  comme  a  pu  le  constater  un  de  nos 
poilus  la  semaine  dernière  à   Mulhouse. 

La  chose  devient  encore  bie.i  plus  claire  et  compréhensible,  si  au  lieu  de 
l'allemand  moderne  Bàr.Bâren,  marqué  sur  les  cartes  géographiquesactuelles, 
nou^  adoptons  la  prononciation  en  usage  dans  L'antiquité  et  encore  en  usage 
de  DOS  Jours  dans  le  patois  allemand  de  Sicrek-Luxembourg,  Bir,  pluriel 
Btren.  Le  village  de  Beuron  (Beurenn)  se  trouvant  sur  le   Danube  à  côté  du 


NOUVELLES  ET  CORRESPONDANCE.  6o5 

Biren-Ahal.  la  relation  entre  les  deux  saule  aux  yeux.  Quoiqu'il  en  soil,  ce 
qui  caractérisait  la  contrée  au  temps  d'Hérodole  et  lui  donnait  son  nom, 
e'élait  la  présence  des  ours,  (tes  Btren  (prononcez  Blrenn)  et  c'est  évidemment 
cette  expression  qui  a  dû   frapper  le  plus  dans  la  désignation  du  pays  des 

sources  du  Danube.  Hérodote  pouvait-il  faire  mieux  que  marquer  ces  sources 
situées  près  d'une  colonie,  d'une  localité  appelée  Bireun,  ou  Pircun.ou  Pyrène 
à  la  française?  le  mot  ville  étant  impropre  et  exagéré. 

Sans  doute  Beuron  et  le  Biirenthal  sont  assez  loin  des  sources  du  Danube  : 
mais  y  eut-il  100  kilomètres  qu'est-ce  que  cela  pour  le  v*  siècle  avant  J.-G.  et 
vis-à-vis  d'un  fleuve  qui  a  2. 800  kilomètres  de  parcours.  On  ne  saurai I 
demander  »à  Hérodote  l'exactitude  exigie  d'un  géographe  moderne,  à  savoir 
que  leDinube  prend  sa  source  à  1.000  mètres  d'altitude  sur  le  versant  oriental 
delà  Forêt  noire  pir  deux  rivières,  la  Breg  etja  Brigach,  qui  se  réunissent 
en  desssous  de  Donaueschingen.  La  première  mention  de  cette  ville  date  de 
889,  où  l'empereur  Arnoulf  en  fit  don  à  l'abbaye  de  Ileichenau.  D'où  l'on 
peut  déduire  que  cette  ville  ne  remonte  pas  à  une  si  haute  antiquité,  étant 
située  dans  une  plaine  marécageuse,  qui  n'était  cîrtainemcnl  pas  habitée1,  ni 
même  habitable  par  les  Celtes  du  ve  siècle  avant  notre  ère 

Le  pays  de  Pyrène  ou  Birënn  mentionné  par  Hérodote  devait  donc  se 
trouver  plus  en  aval,  à  l'abri  des  inondations  plus  fréquentes  à  celte  époque  ; 
c'est  le  cas  pour  les  pentes  du  Baren'hal  ou  Birenthal  et  des  hauteurs  de 
Beuron,  dont  les  habitants,  ayant  à  lutter  constamment  contre  les  fauves, 
appelèrent  leur  pays  «  pays  des  ours  »,  ce  qui  constitue  le  meilleur  certificat 
de  haute  amiquité. 

Pour  finir  et  donner  un  caractère  plus  complet  à  cette  petite  discussion, 
rappelons  que  déjà  avant  Hérodote  il  était  question  de  l'Ister.  Les  Argonautes 
instruits  par  Argos  «  firent  voile  vers  le  fleuve  Istcr,  dont  les  sources  mur- 
murent au  loin  dans  les  montagnes  Rhipéennes  »...  Revenant  de  leur  expé- 
dition et  devancés  par  les  Colchidiens,  ils  débarquent  à  la  hâte  dans  une  ile 
du  fleuve... 

Ailleurs,  au  troisième  des  dix  travaux  d'Hercule,  il  est  dit  que  ce  héros, 
poursuivant  pendant  toute  une  année  la  biche  Cérgnitis,  qu'il  devait  prendre 
vivante,  arriva  jusque  dans  le  pays  des  Hypcrboréens  et  aux  sources  de 
l'Ister. 

Ce  sont  là  des  légendes  contenant  un  fonds  de  vérité,  que  les  Rhapsodes  se 
transmettaient  les  uns  aux  autres  et  qui  finirent  par  être  écrites  Les  faits 
légendaires  remontent  au  xuie  siècle  avant  notre  ère  et  môme  au-delà,  mais 
leur  rédaction  n:  doit  pas  dépasser  le  temps  d  Homère,  vm-ixe  siècle. 

On  voit  par  là  que  I  Ister,  fleuve  énorme  devant  lequel  les  rivières  de  la 
Grèce  n  étaient  que  des  pygmées,  avait  vivement  frappé  les  imaginations 
helléniques.  Les  sources  se  perdaient  dans  1  inconnu  hyperboréen.  dans  les 
montagnes  Rhipéennes.  sous  lequel  nom  on  se  représentait  les  montagnes 
les  plus  septentrionales.  En  tout  cas,  il  n'est  question  nulle  part  des  Pyré- 
nées et  il  faut  supposer  qu  Hérode.  mieux  informé  que  les  vieux  rhapsodes, 
était  au  moins  aussi  intelligent  qu'eux.  On  a  ainsi  la  certitude  qu  il  n  a  pas 
commis  les  erreurs  qu'on  lui  attribue. 

J.    P.    SCHERRER. 

Lauréat  de  l'Académie  de  Metz. 


TABLE  DES  MATIERES 

DU  TOME  VINGT-NEUVIÈME   DE  L'ANTHROPOLOGIE 


MEMOIRES  ORIGINAUX 

Pages, 
Breuil  (Abbé  H.).  —  Les  peintures  rupestres  de  la  Péninsule  Ibérique.  i 

IX.  La  vallée  peinte  des  Batuecas  (Salamanca) i 

X.  Roches  peintes  de  Garcibuey  (Salamanca)  . •.  25 

—  L'âge  du  bronze  dans  le  bassin  de  Paris.  —  VI.  Ornements  de  corps, 
accessoires  de  vêtement,  d'équipement  et  de  harnachement  du  bassin 

de  la  Somme 25i 

Constantin  (Cl  André).  —  Contribution  à  l'étude  des  corrélations  phy- 
siques et  psycho  sociologiques  de  la  cii  conférence   céphalique    .    .    .  2iï5 
Hikschfeld  (Dr    L.)  et  Hirschfeld  (Mn,e   H.).  —  Essai  d'application  des 

méthodes  sérologiques  au  problème  des   races 5o5 

Huck(D'  Maurice).  — Contribution  à  l'étude  anthropologique  des  popu- 
lations des  rives  du  Rhin.  Recherches  sur  l'indice  céphalique,  la  taille 

et  la   couleur  des  cheveux 4^9 

Kou.ma.ris  (Dr  H.  Jean  G.).  —  Sur  quelques  variations  des  os  des  crânes 

grecs  auciens 3o 

Neuville  (H  ).  De  l'extinction  du  Mammouth io,3 

Paksons  (Dr  E.-G.).  —  Vitance 289 

Piroutet  (Maurice).  — Contribution  à  l'étude   des   Celtes     ....  21 3,  4^3 

Poupon  (A.).  —  Étude  ethnographique  de  la  tribu  Kouyou.  —  I.  Sociétés 

secrètes 53,  297 

Prouteaux  (M.).  — Sur  certains  rites  magico-religieux  de  la  Haute-Côte 

d'Ivoire.  Les  Gbons 37 

—  Une  éclipse  de  lune  chez  les  Dioulas  de  Bondoukou 337 

—  Un  enterrement  chez  les  Koulangos  de  Bouna 341 

Vayson  (André).    —  Faucille  préhistorique   de  Soifériuo.   Etude  compa- 
rative    • 393 


LISTE  DES  FIGURES,  CARTES  ET  PLANCHES 


1 


FIGURES  DANS  LE  TEXTE 

Pages. 
i.    Rocher  peint  de    Los  Cabras   Pintadas,   vallée  des    Batuecas 

(Salamanca) ,    ,  3 

2.  Bouquetins  peints  en   brun   foncé   sur  la  roche  «  Las    Cabras 

Pintadas  »... 4 

3.  Bouquetins  en  rouge  brun  de  «  Las  Cabras  Piniadas  »...  5 

4.  Bouquetins  et  autres    animaux  peints  en  brun  foncé  à  «    Las 

Cabras  Pintadas  » 5 

5.  Bouquetins  peints   en   rouge    vif  sur   la    roche  «   Las  Cabras 

Pintadas  » (î 

6.  Bonquetin    noir    superposé    à   d'autres   blancs    qui   oblitèrent 

des  barres  en  rouge  vif.  En  bas,  un  Canidé.  «  Las  Cabras 
Pintadas  » j 

7.  Poissons  peints  en  blanc  de  «  Las  Cabras  Pintadas  »    super- 

posés à  un  signe  rouge  vif 8 

8.  Cerfs  et    personnages  humains  peints   en  blanc,  superposés  à 

des  signes  rouges,  et  cerf  en  rouge  vif.   «  Las  Cabras  Pin- 
tadas » Q 

9  i4.   Divers  animaux    en   brun    et    en    rouge   des  Canchales   de  la 

Pizarra  et  de  Mahoma 10 

i5.    Animal   peint  eu  rouge  au  Canchal  de    la  Pizarra 12 

16.    Figure  humaine  schématique  du  Canchal  del  Cristo     ....  12 

17-22.   D.vers  panneaux  de  signes  de  la  vallée  des  Batuecas   ....  12 

23,  Figures  noires,   oblitérées  par  des  signes  rouges,  d'une   des 

grottes  de  Zarzalon j% 

24.  Panneau  de  barres  alignées.  Majada  de  Las  Torres i3 

25-27.    Signes  peints  en  rouge  du  Canchal  de  Mahoma  (deux  groupes 

de  ces  signes  sont  superposés  à   des  traits  jaunes).    ...  14 

28.    Panneau  principal  de  la  Cueva  del  Cristo 21 

29-31.  Divers  panneaux  de  signes  rouges  de  la  Cueva  del  Cristo  .  .  22 
32-44.    Groupes  des  signes  et  ponctuations  du  Canchal   de    Mahoma 

et  de  la  Pizarra 23 

45-53.    Panneaux  de  signes  rouges  de  La  Majada  de  las  Torres,    du 

Risco  del  Ciervo  et  del  Aguila 23 

54-6^.  Panneaux  de  signes  rouges  vifs  des  Canchales  de  la  Villita  .  24 
65-67.   Barres    rouges    et   arceau  à  contours  ponctués  de  blanc   d'un 

Canchal  de  la  Villita  et  de  la  grotte  de  Garcibuey   ....  26 

68.  Figures  et  signes  peints  de  la  grotte  de  Garcibuey 26 

69.  Type  de  Kouyou 5^ 


608  LISTE   DES    FIGURES,    CARTES    ET    PLANCHES 

Pages. 

70.  Les  sept  tams-tams  dans  les  Fêtes  de  la   Panthère 63 

71.  Coiffure  des  danseuses  pour  le    tsengui  ou    danse  de   la   Pan- 

thère      85 

72.  Portrait  de  Joseph  Deniker i54 

73.  Coupe  dans    la    peau  d'une   jambe    antérieure    d'Éléphant    de 

l'Inde ,    .  2o3 

74.  Objets  de  l'âge  du  bronze  provenant  de  la  cachette  de  Yillers- 

sur-Authie 2^2 

70-79.    Torque  de  bronze,  anneaux  et  cylindres  de  la  cachette  de  Vil- 

lers-sur-Authie 253 

80-84.    Epingles  et'poignards  de   la  cachette  de  Villers-sur-Authie    .  255 

85-90.    Bracelets  circulaires  du  Villers-sur-Authie 257 

91-97.    Bracelets  divers  de  Villers-sur-Authie 2.59 

98.  Places     occupées    par    les    quatre    classes    de    personnages 

Kouyous  dans  la  cérémonie  du  djo  ou  serpent 298 

99.  Les  écuyers  vont  se  placer  en  un  coin  au  début  de  la  cérémonie 

du  serpent 3oi 

100.    L'éouya   tourne 3o3 

toi.    L'éouya  se   repose • 3o3 

Ç       102.    Ebotita  et  Djokou 3o5 

io3.    Couteau  du  danseur  du  djo 3oG 

io4.    Le  danseur  du  djo 307 

io5.    Le  pengué  du  djo , 3o8 

106.  Ebougo,  statuette  symbolisant  le  djo  ou  serpent 309 

107.  Balai,  insigne  des  initiés  à  la  société  des  ottotés 3i6 

108.  Rondes  des  femmes  Kouyou  tenant  des  houes  à  la  main.    .    .  328 

109.  Ambre  de  parenté  de  Mohoko 333 

110-114.    Coupes,  place  et  perspective  d'une  tombe  chez  les  Koulangos 

de  Bouna 343 

ii5.    Coupe  géologique  montrant   des  dépôts  d'origine  vraisembla- 
blement glaciaire  dans  l'Atlas  marocain 388 

116.  Hache  de   cuivre,  poignard  de  bronze  et  perles  en    stéalite  de 

la  tourbière  de  Barche  di  Solférino 3g4 

117,  Reconstitution  d'une  faucille  préhistorique  de   Solférino.    .    .  3g5 
118,119.    Ajustage  en  biseau    des    pièces   de    faucille  et  schéma  de    ces 

pièces 398 

120-127.    Caractères  schématiques  de   la    lame    de    couteau,    de   la  scie, 

de  la  faucille  dentée  et  de  la  râpe  actuelle  comparés  à  ceux 

des  instruments   similaires  en   silex 399 

128,129.    Faucille  de  la  Polad.i  (fuce  et  profil) t\oi 

i3o.    Instruments  en    pierre  d'une  station  lacustre  de  la  région  sud 

du  lac  de  Garde ^o3 

i3i,  i32.    Silex    de    stations    lacustres    de     la    Suisse    sertis    dans    des 

manches  de  bois 4o6 

i33.    Dents    serties    dans  un    manche   en    bois.    Station    du   lac   de 

Bienne /107 

i34.i35.    Faucilles  égyptiennes  de  la  XIIe  et  de  la  XVII»  dynastie  .    .    .  408 


LISTE   1>KS    FIGURES,    CARTES    ET    PLANCHES  609 

Pages . 

i3(>.    Signe  égyptien  représentant  une  faucille  (III*  dynastie)    .    .    .  409 

137.    Reconstitution  d'uue  faucille  de  l'âge  du  cuivre  en  Espagne    .  /jii 
i38.    Couteau    de    bois    avec    silex    sertis    dans    une    rainure,  de    la 

Cueva  de  Los  Murcéélagos  (Andalousie) l\ii 

i3y-  142.    Pièces  de  faucille  en  pierre  trouvées  en  Pologne  et  eu  Ecosse.  4'3 
l43,i44     Grandes    lames   courbes    de    silex,    sans   doute    des    faucilles, 

trouvées  en  Grande-Bretagne 4i4 

1  p.    Faucille  en  pierre  du  Jutland ^i4 

l'ili-i^ç).    Faucilles  de  bronze  à  bouton  du  Jura  et  des  Alpes  françaises.  4 15 

i5o.    Lance  de  bronze  arquée  (scie  ou'faucille)  de  Suède 417 

i5i.    Courbe  de  l'indice  céphalique  des  Badois 468 

i5-i,i53.    Courbes  de  l'indice  céphalique  des  Badois  de  la  Forêt  Noire 

et  des  Badois  de  la  Plaine 470 

j 54 -    Courbe  de  la  taille  des  Badois 47* 

i55.    Courbe  de  la  taille  des  Badois  de  la  Plaine 472 

1 56 .    Courbe  de  la  taille  des  Badois  de  la  Forêt  Noire 473 

1 57,  168.    Courbes  de  l'indice   céphalique    sur  la    rive   gauche  et   sur  la 

rive  droite  du  Khin 477 

159,  160.    Courbes  de    l'indice  céphalique    dans    le   Palatinat  et    dans  la 

région  de  la  Saar 482 

161,  162.    Courbes  de  l'indice  céphalique  dans  la  région  de  Trêves  et  de 

la  Moselle  et  dans  la  région  de  la  Nahe  et  de  Mayence  .    .  483 
i63.    Courbe    de   l'indice   céphalique   dans   la   région   de    Coblence, 

Bonn  et  la  Hocheifel 484 

164.    Courbe  de  l'indice  céphalique  dans  la  région  de  Cologne,  Aix- 
la-Chapelle  et  du  Bas- Khin 485 

i65.    Courbe  de  l'indice    céphalique  dans  la  région  du    Khin  supé- 
rieur   486 

166.  Courbe  de  l'indice  céphalique  dans  la  région  du  Khin  inférieur  487 

167.  Courbe  de  la  taille  sur  la  rive  gauche  du  Khin 489 

168.  Courbe  de  la  taille  sur  la  rive  droite  du  Rhin. 490 

169,  170.    Courbes  de  la  taille  dans  le  Palatinat  et  la  région  de  la  Saar.  492 

171.  Courbe  de  la  taille  dans  la  région  de  Trêves  et  de  la  Moselle.  493 

172.  Courbe  de  la  taille  dans  la  région  de  la  Nahe  et  de  Mayence.  [\y\ 

173.  Courbe  de  la  taille  daos  la  région  de  Coblence,  de  Bonn  et  de 

la  Hocheifel *.....  4°,^ 

17$.    Courbe    de  la  taille  dans  la    régiou    de    Cologne,  Aix-la-Cha- 
pelle  et  du    Bas-Rhin 496 

175.  Courbe  de  la  taille  dans  la  région  du  Rhin  supérieur 4q7 

176.  Courbe  de  la  taille  dans  la  région  du    Khin  inférieur 4«,8 

177.  Schéma  montrant  les  quatre  groupes  du  sang  humain.    .    .    .  5io 

178.  Diagramme    indiquant  les  proportions  du   sang  du    groupe  A 

et  du  sang  du  groupe   B  dans  les  races  humaines    ....  534 


6lO  LISTE   DES    FIGURES,    CARTES   ET    PLANCHES 


CARTES 

Pages. 

I.  Carte  du  territoire  de  la  tribu  Kouyou 55 

II.  Carte  de  la  Germanie  romaine  et  des    Champs  Décumates   ....  4?^ 

III.  Carte  de  la  répartition  des  indices  céphaliques  sur  les   deux   rives 

du  Rhin 479 

IV.  Carte  de   la  répartition  par   groupements  des  indices   céphaliques 

sur  les  deux  rives  du  Rhin 48i 

V.  Carte  de  la  répartition  des  tailles  sur  les  deux  rives  du  Rhin  .    .    .  49l 

VI.  Carte  de  la  répartition  des  blonds  sur  les  deux  rives  du  Rhin.    .    .  5oi 


PLANCHES   DANS  LE  TEXTE 

Le  Gbon  de  Bya l\i 

Masques  du  Gbon 4^ 

Habillage  du  Gbon 49 

Fragment  de  peau  de  Mammouth  avec  son  revêtement  pileux 197 

Fragment  de  peau  d'une  jambe  antérieure  d'Eléphant  de  l'Inde    ....  201 


PLANCHES  HORS  TEXTE 

I.  Faucille  en  bois  armée  de  silex  de  Barche  de  Sollerino. 
II.  Pièces  de  silex  de  la  faucille  de  Solterino. 

III.  Pièces  de  faucilles  égyptiennes. 

IV.  Pièces  de  faucilles  diverses. 


TABLE  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE 


(«) 


Abri  sous  roche,  nouvelle*  fouilles  dans  Y  —  de  Veyrier,  348. 

Abyssinie,   costumes,  arme9  et  bijoux  de  grands  chefs  d'  —,  600. 

Acheuléen,  V  —  daus  le  Maroc,  92,  1'  —  ne  se  distingue  pas  en  Afrique  du  Chelléen 
et  du  Moustérien,  122. 

Afrique,  l'art  et  l'industrie  préhistoriques  en  —,  122;  faucilles  de  1'  —  du  Nord 
girnies  de  silex,  409. 

Age  des  peintures  rupestres  des  B&tuecas,  Espagne,  20. 

Age  du  bronze,  Voy.  Bronze. 

Age  du  fer,  Voy.  Fer. 

Age  de  la  pierre,  Voy.  Pierre,  Silex,  Néolithique,  Paléolilique. 

Akira  Matsumlra.  Contribution  à  l'ethQographie  de  la  Micronésie,  588. 

Aliment  ition  des  Malgaches,  378;  1'  —  en  Micronésie,  590,  594. 

Allemands,  caractéristiques  sérologiques  du  sang  des  —,  522. 

Alsace,  indice  céphaliqne,  taille  et   couleur  des  cheveux  en  —,  463. 

Amérique,  mammifères  du  Pléistocène  de  l'  —  du  Nord,  115  ;  rôle  de  la  civilisation 
de  l'Egypte  ancienne  en  — ,  129;  archéologie  de  f  — ,  cealrale  et  des  Indes  occi- 
dentales, 142. 

Anglais,  caractéristiques  sérologiques  du  sang  des  — ,  519. 

Anneaux  de  jambe  en  bronze  découverts  en  France,  434,  439. 

Anthropopithèque,  une  prétendue  momie  d'  — ,  602. 

Arabes,  caractéristiques  sérologiques  du  sang  des  — ,  527. 

Akamzadi  (Telesforo  de).  De  l'Anthropologie  de  l'Espagne,  369. 

Archéologie  de  l'Amérique  centrale  et  des  Indes  occidentales,  142;  des  savants 
anglais  demandent  la  création  d'un  Institut  impérial  d'  —  égyptienne,  391. 

Archéologues,  groupement  amical  des  —  du  bassin  du  Rhône,  386. 

Arco  MuXoz  (Luis  de).  Découverte  depeiutures  rupestres  dans  le  ravin  de  Valltorta, 
574. 

Argilite,  instruments  en  —  d'une  station  du  New- Jersey  antérieure  aux  Lénapes,  365. 

Armes,  les  —  en  Micronésie,  592,  595. 

Art,  représentations  d'ancêtres  dans  1'  — paléolithique,  117;  1'  —  préhistorique  en 
Afrique,  122;  1'  —  préhistorique  en  Portugal,  138  ;  1'  —  rupestre  magdalénien  en 
Espagne,  352;  — de  style  naturaliste  daus  l'Est  de  l'Espagne,  353.  —  Voy.  Gra- 
vure et  Peinture. 

Asie,  notes  sur  1'  —  préhistorique,  539. 

Ateliers  préhistoriques  du  Maroc  oriental,  90:  —  néolithiques  du  littoral  algérien,  lOf. 
Aubtn  (Ernest).  La  butte  ou  «  tombelle  »  du   château  de    Lavardin,    près   Montoire 
(Loir-et-Cher),  363.  Instrument  en  pierre  taillée   trouvé  à  Lavardin  (Loir-et-Cher); 
363. 
Australie,  grands  instruments  en  pierre  d'  — ,  186. 
Autrichiens,  caractéristiques  sérologiques  du  sang  des  — ,  5  22. 

(1)  Les  n>ms  d'auteurs  sont  en    PRTirKS  cipitalbs;   ceux  de  peuples  et  les  noms  géogra- 
phiques, en  égyptien-lot  ;  les  sujets  Irailés,  en  italiques. 


6l2  TABLE  ALPHABÉTIQUE  ET  ANALYTIQUE 

Aztèques,  le  culte  de  la  lune  chez  les  —  et  ses  rapports  avec  le  culte  de  la  conque 
dans  TlDde,  129. 

Bade  (Grand  Duché'  de  ,  iûdice  céphalique  dans  le  —,  470  ;  la  taille  dans  le  — ,  471  ;  la 
couleur   des   cheveux  dans  le  — ,  473. 

Batr  (Dorolhea  M  A.).  Sur  une  petite  collection  d'ossements  de  Vertébrés  de  la 
caverne  Har  Dalam,  île  de  Malte,  355. 

Batuecas,  peintures  rupestres  de  la  vallée  des  —  (Salamauca),  1. 

Bayet  (Charles),  mort  de  — ,  166. 

Behrens  (G.)  divise  eu  trois  périodes  l'âge  du  bronze  dans  l'Allemagne  du  Sud,  349. 

Bel  (Alfred).  Coup  d'oeil  sur  l'Islam  en  Berbérie,  146.  Les  industries  de  la  Céramique 
à  Fès,  373. 

Bénedite  (Georges).  Le  routeau  de  Gebel  el-Arak,  581. 

Béraud  (Léoû-IIenri-Louis),  mort  de  — ,  170. 

Berbérie,  l'Islam  en  —,  146. 

Blayac  (J.).  Contribution  à  l'étude  du  sol  des  Landes  de  Gascogne,  115. 

Bœuf  musqué  du  Pléistocène  de  la  Suisse  centrale,  570. 

Bonarklli  (Dr.  Guido).  La  mandibule  humaine  de  Bariolas.  108. 

Boschiman,  le  —  considéré  comme  un  Homme  paléolithique,  121. 

Boucles  d'oreille  eu  bronze  du  bassin  de  la  Somme,  262. 

Bouquelins  peints  sur  les  roches  de  la  vallée  des  Batuecas,  Espagne,  15  ;  la  couleur  des 
—  peints  varie  suivant  les  époques,  15. 

Bouriily  (J.).  Recherch  s  préhistoriques  dans  la  régiou  de  Safsafat,  91. 

B(vidés  peints  sur  les  parois  de  grottes  de  la  vallée  des  Batuecas,  Espagne,  17. 

Bracelets  en  bronze  de  S'illers-sur-Authie,  254  ;  —  en  brouze  du  bassin  de  la  Somme, 
263;  -  de  bronze  incrusté  de  fer  découvert  à  Zu'ich,  350;  les  types  de  —  eu 
bronze  du  N.-E.  de  la  France,  430. 

Bretagne  (Grand*  ),  faucilles  préhistoriques  de  la  —  garnies  de  silex,  413. 

Bkeuil  (Abbé  H.).  Les  peintures  rupestres  de  la  Péninsule  ibérique.  IX.  La  vallée 
peiute  des  Batuecas,  1  ;  X.  Boches  peintes  de  Garcibuey,  25.  L'âge  du  bronze 
dans  le  bassin  de  Paris.  —  VI.  Ornements  de  corps,  accessoires  de  vêtements, 
d'équipement  et  de  harnachement  du  bassin  de  la  Somme,  231. 

British  Muséum,  le  —  change  de  directeur,  386. 

Bronze,  objets  en  —  de  la  nécropole  de  Taza,  Maroc,  96;  œnoché  en  —  trouvé  en 
Portugal,  141  ;  rasoir  de  l'âge  du  —  et  rasoir  abyssiu,  183;  le  —  et  l'étain  des 
Cornouailles,  183  ;  l'âge  du  —  dans  le  bassin  de  Paris,  251  ;  objets  en  —  de  la 
cachette  de  Villers-sur-Authie,  252;  poignards  en  —  du  bassin  de  la  Sommf,  252; 
flbules  en  —  du  bassiu  de  la  Somme,  254  ;  épingles  en  —  du  bassin  de  la  Somme, 
257;  torques  en  —  du  bassin  de  la  Somme,  262  ;  boucles  d'oreille  en  —  du  bassin 
de  la  Somme,  262;  division  en  trois  périodes  de  l'âge  du  —  dans  l'Allemagne  du 
Sud,  349  ;  hache  de  —  d'un  nouveau  type  découverte  dan3  le  Valais,  350  ;  bracelet 
de—  iucrusté  de  fer,  350  ;  l'âge  du  —  dans  l'Italie  méridionale,  357;  l'ornemen- 
tation spiraliforme  à  l'âge  du  —,  358  ;  moule  pour  faucilles  en  —  trouvé  en  Por- 
tugal, 359;  catalogue  de  la  collection  de  l'âge  du  —  du  Musée  historique  de 
Finlande.  360  ;  objets  de  l'âge  du  —  dans  une  tourbière  à  Solfériuo,  393  ;  faucilles 
garnies  de  pierres  de  l'âge  du  bronze,  393;  faucilles  en  —,  415;  vas»  s  ea  — 
d'origine  hellénique  dans  des  tumulus  de  l'Europe  centrale  et  eu  Bourgogne,  216, 
229;  repartition,  en  France,  des  épées  eu  —,  426;  tumulus  à  incinération  de  l'âge 
du  —,  429  ;  bracelets  en  —  de  l'Est  de  la  France,  430  ;  les  constructeurs  de 
tumulus  à  I  âge  d  i  —,  436  ;  pendeloques  en  —,  454  ;  figures  de  —  d'une  grotte 
espagnole,  579;  le  culte  des  eaux  curativcs  peu  lant  l'à^e  du  —,  580. 

Bulgares,  caractéristiques  sérologiques  du  sang  des  — ,  524. 

Cabré  Aooilo  (Juan).  Les  peintures  rupestres  de  Aldeaquemada,  574. 

Cauhy  (l).  Juan),  voy.  Calvo  (D.  Ignacio). 


TABLE    ALPHABÉTIQUE    ET    ANALYTIQUE  6l3 

Cahiers  d'Orient,  175. 

Cailloux  à  facéties,  182. 

Ca/cul  rapide  chez  l'Homme  et  les  animaux,  U6. 

Californie,  compo^itiou  des  mounds  coquillers  de  —,  366. 

Calvo  (D.  Ignacio)  et  Cabri  (D.  Juau).  Fouillesà  la  grotte  et  au  col  de  Los  Jardines,  577. 

Camp*r»ou  (Ll),  les  fouilles  du  —  dans  la  grotte  et  la  uécropole  de  Taza,  Maroc,    94. 

Canada,  folk-lore  du  —  français,  153. 

Caroline,  vestiges  des  Indiens  Machapunga  de  la  —  du  Nord,  587. 

Caktikh  (A.).,  fouilles  de  M.  —  dans  l'abri  de  Veyrier,  348. 

Castration,  la  —  eu  Microuésie,  592. 

Caverne  de  l'âge  du  bronze  eu  Italie,  580.  —  Voy.  Grotte. 

Celtes,  les  —  eu  Ecosse,  126  :  premières  relations  des  Grecs  avec  les  — ,  2i3  ;  à  quelles 
peuplades  s'appliquait  primitivement  le  nom  de  — ,  213  ;  les  —  d'Hécatée  de 
Millet  et  les  relations  commerciales,  au  vi"  siècle,  entre  les  Grecs  et  les  peuplades 
du  groupe  hallstattieu  occidental,  215  ;  Hérodote  et  la  présence  des  —  aux  sources 
du  Dauube  aiusi  que  dans  la  Péninsule  Ibérique,  224  ;  les  tribus  des  cimetières 
de  la  Marne  sont  originairement  distinctes  des  —,  238  ;  groupe  du  monde  halls- 
tattien  occidental  auquel  revieut  le  nom  de  —,  423  ;  les  —  dans  le  S.-O.  de  l'Alle- 
magne et  en  Suisse,  442  ;  les  —  formaient  uu  graud  groupement  à  l'Est  de  la 
Saône  et  des  Vosges,  4i5  ;  limite  orientale  des  — ,  448  ;  les  —  de  l'Espagne,  371  ; 
les  —  des  rives  du   Rhin,  460-504. 

Celtique,  l'époque  —  dans  le  canlou  de  Genève,  571. 

Céramique  de  la  nécropole  de  Taza,  Maroc,  96  ;  —  du  type  de  Ciempozuelos  trouvée 
daus  une  grotte  préhistorique  du  N.-E.  de  l'Espague,  140  ;  — -  préhistorique  de  la 
région  de  Salonique,  174  ;  —  hellénique  découverte  à  la  montagne  du  Roussillon, 
218  ;  -  ligure  dans  le  bassin  de  la  Saône,  222  ;  les  industries  de  la  —  à  Fès,  373  ; 

—  italienne  de  l'âge  du  bronze,  580. 

Cérémonie  à  la  naissance    de  jumeaux  chez   les    Kouyou,  323  ;  —  à  l'époque  de  la 

fructification  chez  les  Kouyou,  327. 
Chaldée,  faucilles  de  la —  garnies  de  silex,  4' 9. 
Chelléen,  le  —  daus  l'Italie  méridionale,  356 
Chevaux  fossiles  de  l'Amérique  du  Nord,  115. 
Cheveux  (Couleur  des)   en   Alsace,  465  ;  —  daus  le  Grand-Duché  de    Bade,  473  ;  — 

sur  les  deux  rives  du  Rhin,  499-501. 
Chibcha,  antiquités  en  or  des  — ,  152. 
Chine,  croyances  aux  «  pierres  de  foudre  »  en  —,  540. 
Circonférence  céfhalique,  corrélations  physiques  et  psycho-sociologiques  de    la  — , 

265;  —  des  diverses  catégories  d'officiers,    268;    —    des    sous-officiers,    271,  276; 

—  des  hommes  de  troupe,  271  ;  —  des  engagés  et  rengagés,  275:  —  suivant  les 
classes  sociales,  277;  comparaison  de  la  —  chez  les  blonds  et  les  bruns,  279; 
rapport  de  la  —  à  la  ta  lie,  280;  corrélations  eutre  la  —  et  l'intelligence,  286. 

Cités  autiques  de  l'ibérie,  139. 

Classification  des  Hominiens,  d'après  Bonarelli,  108;  —  des  types  humains  fossiles 
de  la  Méditerranée,  d'après  GiuH'rida-Ruggeri,  113. 

Climats,  les  —  quaternaires  aux  environs  de  Cambridge,  179. 

Closbmadkux  (Dr  G.  de),  mort  du  —,  169. 

Cochons,  les  —  préhistoriques  de  l'Irlande,  183. 

Columharia  de  la  nécropole  de  Taza,  Maroc,  96. 

Commo>t  (V.).  Sépultures  gauloises  et  puits  funéraire  gallo-romain  du  nouveau 
Boulevard  à  Amiens,  363.  —  Mort  de  —,  162. 

Condyle,  fréquence  relative  du  troisième  —  de  l'occipital  sur  des  crânes  grecs  an- 
ciens, 30. 

Congrès   international  des  Américanisas,  20«  session,  598. 


6 1 4  TABLE    A.LPHABÉTIQDE    ET    ANALYTIQUE 

Congres  de  «  Rhociania  »  à  Perluis.  599. 

Constantin  (André).    Contribution  à  l'étude  des  corrélations   physiques   et   psycho- 
sociologiques  de  la  circonférence  céphal'que,  263. 
Corkeia  Vergilio).  Lisbonue  préhistorique.  La  station  néolithique  de  VilaPouca,  136. 
Les  poils   de  tisserand,    136.    Les    huttes    d'Assafarja,    canton    de  Coïmbra,    136. 
Idoles   préhistoriques  portugaises   tatouées,  136.  L'art  préhistorique  :  I.  Peintures 
rupesties    découvertes   en    Portugal    au    xvui8  siècle;  II.    Peintures  rupestres  de 
Notre-Dame  d'Esperaoça.  Arrondies,  136. 
Côte  d'Ivoire,  rites  magico-religieux  de  la  Haute  — ,  37. 
Couteau  de  pierre  à  manches  d'ivoire  de  l'Egypte  préhistorique,  582. 
Coutil  (Léon).  L'ornemeDtation  spiraliforme.  Périodes  paléolithique  et  néolithique; 

âges  du  bronze  et  du  fer,  358. 
Crânes,  quelques  variations  des  os  des  —  grecs  anciens,  29  ;  —  fossile  de   l'Olmo, 
109;  quatre  —  préhistoriques  de  l'Italie  méridionale,  112;    recherches  chronologi- 
ques sur  une  série  de  —  du  Groenland  oriental,  149  ;  un  nouveau  —  d'Eoanthro- 
pus  Davsoni  découvert  à  Piltdown,  564  ;  —  des  Esquimaux,  586. 
Cromlechs  en  Perse,  186. 

Croyances  surnaturelles  de  l'Homme  préhistorique,  120. 
Culte  de  la  lune  chez  les  Aztèques  et  de  la  conque  dans  l'Inde,  129  ;   —  du  serpent 

chez  les  Kouyou,  297. 
Culture,  distribution  géographique  de  la  —   en  terrassent  de  l'irrigation,  129;  fête 

des  —  chez  les  Kouyou,  327. 
Dahomey,  estampages  des  bas-reliefs  du  palais  des  rois  du  —,  601. 
Danses  rituelles  à  la  Haute  Côte  d'Ivoire,  40  ;  —  de  la  panthère  chez  les  Kouyou,  63; 
—  de  la  pagaie  chez  les  Kouyou,  73  ;  —  de  la  panthère    par  les  femmes  Kouyou 
initiées,  84;  le  Mondo,  —  du  serpent  des  Djénaboandi,  86;  —  du  serpent  chez  les 
Kouyou,  299. 
Danseur  à  tète  d'ours,  à  propos  du  —  du  Mas  d'Azil,  388. 
Danube,  Hérodote  et  la  source  du  —,  603. 
Dbnikek  (J.),  mort  de  — ,  154. 
Denis,  caractères  des  --  des  graviers  de  Piltdown,  565,  566;  le  plissement  de  l'émail 

des  —  des  Anthropomorphes,  568. 
Divination,  la  —  à  Madagascar,  319. 

Dioulas,  superstitions  des  —  de  Bondoukou  au  sujet  des  éclipses  de  lune,  337. 
Dubois  (Aug.J^Koy.  Stehlin  (H.  G.). 

Eaton  (Georges  F.).  La  collection  ostéologique  de  Machu  Picchu  (Pérou),  143. 
Éclipse,  une  —  de  lune  chez  les  Dioulas  de  Bondoukou,  337. 
École  libre  d'Anthropologie  de  Liège,  385. 
Ecosse,  préhistorique  et  ethnologie  de  1—,  124. 

Egypte,  silex  rostro  carénés  d'— ,  185  ;  dessins  des  vases  préhistoriques  de  1'—,  363; 
faucilles  garnies   de   silex    de  l'ancienne  —,  407  ;    couteau  de  pierre  à    manche 
d'ivoire  de  l'—  préhistorique,  582. 
Egyptiens,  affiuités  des  —  prèdynastiques,  127  ;  influence  de  la  civilisation  des  an- 
ciens —  en  Orient  et  en  Amérique,  129. 
Enclume  de  pierre  pour  la  taille  du  silex  dans  une'station  préhistorique  du    Maroc 

oriental,  90. 
Enterrement,  uu  —  chez  les  Koulangos  de  Bouna,  341. 
Eoanthropus,  nouveau  cràue  d' —  Dawwîii  découvert  dans  le  gravier  de   Piltdown, 

564  ;  1' —  serait  un  Chimpanzé,  568. 
Èpéts,  répartition,  en  France,  des  —  eu  fer  à  soie  plate  et  des  —  en  bronze,  426,  433, 

439,  440,  450. 
Épingle  eu  bronze  de  Villers-sur-Autliie,  253  ;  —  en  bronze  du  bassin  de  la  Somme, 
257. 


TABLE    LLPHABETIQUE    ET    A1ÎALÎ TinTÉ  6l5 

Équipement,  accessoires  d'  —  de  l'âge  du  brouze  du  bassin  de  la  Somme,  251. 

Errata,  302. 

Escargotières  du  Magreb,  90  ;  rareté  des  ossements  daus  les  —,  99;  tombes  iudigèues 

sur  les  — ,  101;  existence  de  deux  races  humaines  daus  les  — ,  102. 
Espagne,  peiutures  rupestres  de  V  — ,  1  ;  peiutures  humaines  schématiques  des 
roches  de  I' — ,  118;  ruines  de  cités  antiques  de  1'  — ,  139;  céramique  du  type  de 
Ciempozuelos  trouvée  dans  uue  grotte  préhistorique  du  N.-E.  de  1'  —,  140;  gise- 
ment moustérien  près  de  Madrid,  351  ;  caverne  néolithique  du  Couejar  (Caceres), 
352;  les  gravures  de  la  grotte  de  Penches,  352;  faits  nouveaux  pour  la  chronologie 
de  l'art  rupestre  de  style  naturaliste  daus  l'Est  de  1'  — ,  353;  de  l'Anthropologie 
de  1'  — ,  369  ;  faucilles  préhistoriques  d'  —  garnies  de  silex,  410  ;  peintures  rupestres 
de  Morella  la  Vella,  en  —,  574;  les  peiutures  rupestres  de  Aldeaquemada,  en  — , 
515;  peintures  rupestres  de  Valltorta,  eu  — ,  575;  le  sanctuaire  ibérique  de 
Sautisteban,  en  —,  576;  fouilles  à  la  grotte  de  los  Jardines,  en  —,  577. 
Esquimaux,  caractères  céphaliques  des  — ,  150;  les  —   et  la  guerre,  190;  caractères 

physiques  des  —,  585. 
Étain,  le  bronze  et  V  —  des  Coruouailles,  183. 
Ethnographie  de  la  tribu  Kouyou,  53,  297;  —  de  Madagascar,  375;  contribution   à 

V  —  de  la  Mécrouésie,  589. 
Évolution,  V  —  orgauique,  561. 

Exogamie  chez  les  Djénaboandi  de  l'Afrique  équatoriale  française,  78. 
Faucille  préhistorique  de  Solférino,  393;  la  —  de  Solférino  est  garnie  d'une  rangée 
de  silex  sertis  daas  une   pièce  de  bois,  396;   une  autre   —    italienne,  401  ;  —  de 
Suisse,  406;  —  de  l'ancienne  Egypte  armées  de  silex,  407  ;  —  garnies  de  silex  de 
la  Chaldée,  409;  —  de  l'Afrique  du  Nord,|409;  —  d'Espague,  410;  —  de   l'Europe 
centrale,  413  ;  —  de  la  Grande-Bretagne,  413  ;  —  eu  bronze,  415. 
Faune    mammalogique    du    Pléistocène    nord-américaiu,    115;  —  paléolithique  de 
l'Afrique  du  Sud,  176;  —  jurassienne  de  la  grotte  de  Cotencher,  canton  de  Neuchàtel, 
351  ;  additions  à  la  —  pléistocène  italienne,  355  ;  —  fossile  d'une  caverne  de  l'île  de 
Malle,  355;  —  quaternaire  de  la  Cotte  de  Saiut-Brelade,  à  Jersey,  572. 
Femme,  coudition  de  la  —  à  Madagascar,  376. 
Fer,  l'âge  du  —  dans  l'Italie   méridionale,  357;  l'ornementation  spiraliforme  à  l'âge 

du  —,  358. 
Fbuton  (Com1).  Une  station  néolithique  à  Djidjelli,  103. 
Fêtes  de  la  Panthère  chez  les  Kouyou  de  l'Afrique  équatoriale  française,  53. 
Fétiches  des  Malgaches,  378;  —  des  Kouyou  symbolisant  le  serpent,  309. 
Fétichisme,  concours  sur  le  —,  189. 

Fibules  ibériques  à  l'est  de  la  Saône  et  des  Vosges,  227  ;  origine  indigène  de  la  —  de 
Latène  dans  le  groupe  hallstatien  occidental,  243;  —  en  bronze   du   bassin  de  la 
Somme,  254. 
Figures  humaines  peintes  dans  des  grottes  de  la  vallée  des  Batuecas,  Espagne,  18,  19, 

—  préhistoriques  de  l'Est  de  l'Espague,  353.  —  Voy.  Peinture. 
Finlande,  collection  de  l'âge  du  bronze  au  Musée  historique  de  —,  360. 
Folk-lore  des  Canadiens  français,  153. 
Fontanelle  médio-frontale  sur  un  crâne  grec  ancien,  33. 

Fohtes   (Joachim).  Une  œnochoé  en  bronze  rencontré  à  Rio-Maior  (Portugal),  141. 
Instruments  paléolithiques  daus  la  collection  du  Service  géologique  (de  Portugal), 
354.  La  station  de  S.  Juliâj,  aux  environs  de  Caldellas,  359.  Sur  un  moule    pour 
faucilles  de  broûze  provenant  du  Casai  de  Rocannes,  359. 
Foudre,  croyances  et  superstitions   relatives  aux  «  pierres  de  —    »,  en   Chine,  539. 
Français,  caractéristiques  sérologiques  du  sang  des  —,  520. 
Fucci  (Giuseppe).  Notes  sur  l'Asie  préhistorique,  539. 
Galets  coloriés  aziliens  et  magdaléniens,  118. 


6l6  TABLE    ALPHABÉTIQUE    ET    A>ALÏTIQUE 

Galettes,  cuissons  des  —  prébistoriqut  s,  348. 

Gallo-romain,  puits  funéraire  —  à  Amiens,  363. 

Gauloises,  sépultures  —  à  Amiens,  363. 

Gaz  nocifs  employés  par  les  Indiens  de  l'Amérique  du  Sud,  382. 

Gb  ns,   les   —    sont  des  masques   magique*  que    portent  certains    initiés  dans  les 

eéiémonies  de  la  Haute  Côle  d'Ivoire,  :j9. 
Gétulie,  les  anciennes  populatious  de  la  —  étaient  surtout  nomades,  97. 
Gifford  (Edward  Winlow).  Composition  des  mounds  coquillers  de  Californie,  366. 
Gisement  préhistorique  (paléo  et  néoliihique)  près  de  Madrid,  351. 
Gilkfbida  Rugoerl  Quatre  crânes  préhistoriques  de  l'Italie  méridionale,  et  l'origine 

des   Méditerranéens,    112.     Les   Egyptiens  pré-dynastiques  étaient-ils  Libyens  ou 

Éthiopiens?  127. 
Glaciaires,  dépôts  —  du  grand  Atlas  marocain,  386. 
Granuidier  (\lf.  et  Guil.).  Histoire  physique,    naturelle  et  politique   de  Ma  lagascar. 

Vo'.  IV.   Ethuographie  de  Madagascar,  t.  III,  375. 
Gravures  rupestres  eu  Afrique,  123;  —  paléolithiques  près  de  Burgos,  Espagne,  3">2. 
Grecs,  variations   des  os  des  cràues  chez    les  —  anciens,  29:  caractéristiques  sérolo- 

giques  du  sang  des  —,  523. 
Groenland,  tombes  et  cràues  du  — oriental,  149. 
Grottes  à  peiutur«s  de  la  vallée  des  Raluecis,  Espague,   17  ;  —  de  Taza,  (Maroc),  94  ; 

—  sépulcrales  de  la  nécropole  de  Tazi,  Maroc,  96;  —  à  assise  moustérieone  de 
Cntencber;  canton  de  Neu<  hàtel,  350;  —  préhistorique  de  Los  Jardines,  Espagne, 
518  ;  rôle  joué  par  la  —  dans  les  manifestations  magiques  et  religieuses  de  l'huma- 
nité, 5S3. 

Glimet  (Einile-Étienne),  mort  de  —  167. 

Habitations,  les  — eu  Microoésie,  591,  59"). 

Haches,  les  —  en  pierre   au    xvie  siècle,  187;  —  de  bronze  d'un  type  nouveau,  350; 

—  de  cuivre  d'uue  tourbière  de  Solférino,  396. 

Ila/lstattien,  relations  commerciales  des  Grecs  avec  le  groupe  —  occidental,  215;  les 
fibules  du  groupe  —  occidental  sont  indigèues,  243;  subdivision  du  monde  —  dans 
sa  partie  occidentale,  423. 

Harnachement,  accessoires  de  —  de  l'âge  du  bronze  du  bassin  de  la  Somme,  251. 

Hawke-î,  (Ernest  W.)  Mensurations  et  observations  ostéologiques  des  Esquimaux  de 
la  Pointe,  de  Barrow  et  comparaison  avec  d'autres  groupes  d'Esquimaux,  584. 

Hawkes  (E.  W.)  et  Linton  (Raph  ).  Uue  station  antérieure  aux  Lénipes  dans  le  New- 
Jersey,  364. 

Hay  .Olivier  P.).  Contribution  à  la  connaissance  des  Mammifères  du  Pléistocène 
uord  -américain,  1 15. 

Hélix,  abondance  des  —  dans  une  station  oéolitique  du  Maroc  oriental,  90. 

Hkron  m?  Vn.i.EFossE,  mort  de  —  383. 

Hindous,  caractéristiques  sérologique?  du  sang  des  —  5.0. 

Hirshfbu)  (l)r  L.)  et  Hirschfeld  ;  M m'  H.).  Essai  d'application  des  méthodes  sérélo- 
giquesau  problème  des  races  505. 

Hokssly  (Dr  H.).  Recherches  chronologiques  sur  une  série  de  crânes  du  Groenland 
orieuta',  '.49. 

ll>miniïhs,  classification  des  —  d'après  Bonarelli,  108. 

Homme  fossile    de  l'Olmo,  109;  origine  de  1'  —,  563. 

HhnucKA  (D'  AIps  ).  Les  plus  anciens  restes  squelettiqurs  de  PHomme,  107. 

HlICI  (Or  Maurice)  Contribution  a  l'étude  antropologique  des  populations  des  rives 
du  Khin.  Recherches  sur  l'indice  céphalique,  la  taille  et  la  couleur  des  cheveux, 
459. 

Idoles  préhistoriques  tatouées  de   Poilugal,  137. 

Indice  céphalique  eu  Alsace,    463;  —  dans  le  Grand-Duché  de  Bade,  410;  —  sur  la 


i  vr.u:    ALPHABETIQUE   ET    ANALYTIQUE  C17 

rive  gauche  du  Rhiu,  417,478,  482-485;  —  sur  la  rive  droite  du  Rhiu,  477,  478,  482- 
485. 
Indo-Chinois,  caractéristiques  sérologiques  du  saug  des  —,  530. 
nstitut  français  d'Anlropologie,  V  —  repreud  ses  séances,  385. 
Instruments  en  pierre  de  type  paléolithique  de  l'Afrique  du   sud,  175;  —  eu  argilite 

du  New-Jersey,  365. 
Irlande,  les  cochous  préhistoriques  de  1'  —,  183. 
hlam,  V  —  eu  Berbérie,  146. 

Italie,  quatre  crânes  humaius  préhistoriques  de  1'  —  méri  liouale,  112  ;  faune  pléistocône 
d'  — ,  355  ;  découvertes  paléolithiques,  de  l'âge  du  bronze  et  de  1  âge  du  fer  dans 
1'  —  méridionuale,  356;  faucilles  préhistoriques  d'  —,  393,  401. 

Italiens,  caractéristiques  sérologiques  du  saug  des  — ,  521. 

Jackson  (J.  W  ).  Le  culte  de  la  lune  chez  les  Aztèques  et  ses  rapports  avec  le  culte  de 
la  conque  dans  l'Inde,  129.  La  distribution  géographique  de  l'industrie  de  la  pour- 
pre, 129. 

Jeannet  (A.),  Fouilles  dans  une  station  magdalénienne  du  canton  de  Vaud,  3i8. 
Une  date  de  chronologie  quaternaire  :  la  station  préhistorique  du  Scé,  près  de 
Villeneuve,  569. 

Jersey,  faune  et  industrie  de  la  Cotte  de  Saiut-Brelale,  à  — ,  571  « 

Jeux  et  divertissement  à  Madagascar,  377. 

Johnson  (J.  P.),  mort  de  —,  384. 

Joleaud  (Capne).  Considérations  géologiques  et  géographiques  sur  la  station  préhis- 
torique de  Mechta  Chàteaudun,  97. 

Journal  of  American  Folk-lore,  153. 

Joycb  (Thomas  A.).  Archéologie  de  l'Amérique  centrale  et  de3  Indes  occidentales, 
142. 

Juifs,  caractéristiques  sérologiques  du  sang  des  — ,  526. 

Katk  (Dr  H.  Tbn).  Addenda  et  corrigenda  aux  Mélanges  anthropologiques  publiés 
dans  r Anthropologie,  190. 

Korwar  de  la  Nouvelle-Guinée.  119. 

Koumaris  (Dr  lied.  Jean  G.).  Sur  quelques  variations  des  os  des  crânes  grecs  anoiens, 
29. 

Roulant  os,  rites  funéraires  des  —  de  Bouna,  341. 

Kouyou,  ethnographie  des  —  de  l'Afrique  équatoriale  française,  53,  297. 

Kinikb  (Dr  Hugo).  Antiquités  en  or  des  Chibcha,  152. 

Landes,  géologie  des  —  de  Gascogne,  114. 

Lantier  (Raymond).  Le  sanctuaire  ibérique  de  Sanlisteban,  575. 

Lei.banc  (Paul),  mort  de —,  170. 

Légendes  relatives  aux  peintures  rupestres  en  Espagne,  4. 

Licouma  ou  cérémonie  de  la  panthère  chez  les  Kouyou,  53. 

Lin.  l'origine  du — ,  173. 

Longpérier,  une  erreur  préhistorique  attribuée  à  —,  172. 

Loyalty  (Iles),  l'outillage  des  —  envisagé  au  point  de  vue  de  la  préhistoire,  150. 

Lull  (Richard  Svann).  L'évolution  organique,  560. 

Madagascar,  la  sorcellerie  à  —,    187. 

Maedbr  (J).  découvre  des  silex  moustériens  dans  une  palafilte  du  lac  de  Neuchàtel, 
349. 

Magdalénien,  station  suisse  du  —  récent,  348. 

Magreb,  recherches  préhistoriques  dans  le  —  pendant  les  années  1914-1917,89. 

Main,  les  sésamoïdes  de  la  —  humaine,  367  ;  proportions  de  la  —  de  quelques 
siuges,  368;  articulations  métarcarpo-phalangiennes  de  que'ques  singes,  368. 

Maisons  malgaches,  377. 

Malacologie  quaternaire,  180. 

l anthropologie,  —t.  xxix.  —  1918-1919.  40 


6i8 


TABLE    ALPHABÉTIQUE    ET    ANALYTIQUE 


Malgaches,  ethnographie  des  —,  375  ;  caractéristiques   sérologiques  du  sang  des  —, 

528. 
Malte,  l'homme  de  Néauderthal  à  —,  180;  les  «    ornières  »    de   —,  181  ;   collection 
d'ossements  de  Vertébrés  de  la  caverne  Har  Dalam,  à  —,  355. 

Mammifères  du  Pléistocène  nord-américain,  115. 

Mammouth,  de  l'extinction  du  —,  193,  caractères  de  la  peau  du  —,  196;  l'épiderme 
du  —  est  lisse,  199  ;  absence  de  glandes  cutanées  chez  le  —,  200  ;  les  défenses 
du  —,  205;  soles  plantaires  du  —,  206;    causes  de  la  disparition  du  —,  209. 

Mandibule,  la  humaine  de  Bariolas  reproduit  les  caractères  de  celle  de  Mauer,  108; 
transformation  phylogénétique  de  la  —  humaine  depuis  l'époque  tertiaire,  111  ;  la 
—  humaine  de  Foxhall  a  disparu,  390;  la  —  de  Piltdowu,  566. 

Marett  [K.  R.).  Le  gisement,  la  faune  et  l'industrie  de  la  Cotte  de  Saint-Brelade,  à 
Jersey,  570. 

Marne,  les  tribus  des  cimetières  de  la  —  sont  originairement  distinctes  des  Celtes, 
238  ;  mobilier  funéraire  des  tombes  de  la  —,  240. 

Maroc,  recherches  préhistoriques  dans  le  —  en  1914-1917,  89;  ateliers  et  chantiers 
préhistoriques  de  Goutitir,  —  orieutal,  90  ;  dépôts  glaciaires  du  —,  dans  le  grand 
Atlas,  386. 

Masques  magiques  de  la  Haute  Côte  d'Ivoire,  37. 

Massue  de  chêne  trouvée  à  Thayngen,  347. 

Mauritanie,  collection  d'instruments  en  pierre  de  — ,  601. 

Maurizio,  idées  de  —  sur  la  première  manière  d'apprêter  les  céréales  dans  les 
temps  préhistoriques,  348. 

Mechta  Chateaudun,  fouilles  du  Capitaine  Joleaud  à  —,  97;  nouvelles  fouilles  de 
M.  Debruge  à  —,  101 . 

Méditerranéens,  origine  des  —,  112. 

Mégalithes,  distribution  des  — ,  131. 

Métopisme,  fréquence  du  —  sur  les  crânes  grecs  anciens,  32. 

Mexique,  service  officiel  d'études  archéologiques  et  ethnographies  au  —,  177. 

Micronésie,  ethnographie  de  la  —,  589. 

Millek  (Gerrit  S.).  La  mâchoire  de  Piltdown,  565. 

Monnaie,  la  —  en  Micwmésie,  596. 

Monogénisme,  critiques  de  G.  Sergi  au  —,  106. 

Moistandois  (Raoul).  Bibliographie  générale  des  travaux  palethnologiques  et  archéolo- 
giques. Canton  de  Genève  et  régions  voisines,  570.  Coup  d'œil  sur  les  époques 
préhistorique,  celtique  et  romaine  dans  le  canton  de  Genève  et  les  régions  limi- 
trophes, 570. 

Mounds,  composition  des  —  coquillers  de  Californie,  366. 

Moustcrien,  le  —  dans  le  Maroc,  92,  95  ;  découverte  de  silex  —  dans  une  nouvelle 
palaûtte  du  lac  de  Neuchâtel,  349;  instruments—  de  la  grotte  de  Cotencher, 
canton  de  Neuchâtel,  351  ;  gisement  —  près  de  Madrid  351  ;  le  —  dans  l'Italie 
méridionale,  357;  le  —  à  Jersey,  573. 

Musée  d'Ethnographie,  le  —du  Trocadéro;  ses  richesses;  son  délaissement  par  les 
pouvoirs  publics,  547;  les  nouveaux  dons  au  — ,  601. 

Musée  de  Saint-Germain,  nouveau  catalogue  du  — ,  171. 

Musique,  instruments  de  —  employés  dans  les  cérémonies  du  Gbon  à  la  Haute 
Côte  d'Ivoire,  44  . 

Navigation,  la  —  eu  Micronésie,  591. 

Naville  (Edouard).  Les  dessins  des  vases  préhistoriques  égyptiens,  363. 

Néanderthal,  l'Homme  de  —  à  Malte,  180. 

Nécrologie:  Deniker  (Joseph),  154;  Poutrin  (D<-  Léon).  157;  Thévenin  (Armand), 
160;  Commont  (Victor),  162  ;  Pozzi  (Samuel),  164  :  Bayet  (Charles),  166  ;  Vidai 
de    la    Blache,  106;   Guimet    (Émile-Étienne),     167;    Sébillot   (Paul),   168;    Clos- 


TABLE    ALPHABÉTIQUE    11     ANALYTIQUE  (>  I  f) 

madeuc  (Dr  G.  de),  169;  Leblanc  (Paul),  110;  Bérard  (Léon-Henri-Louis),  170; 
Pauw  (Louis  de),  171  ;  Prie*  (Feruaud),  383;  Sturob  (Allen),  383;  Héron  de  Ville- 
fosse,  3S3;  Stirli.no  (E.  C),  3S4  ;  Johnson  (J.  P  ),  384. 

Nègres,  caractéristiques  sérologiques  du  sang  des — ,  528. 

Nelson  (N.  C).  Chronologie  des  ruines  de  Tauo,  Nouveau-Mexique,  379. 

Néo- Calédoniens,  l'oulilage  des  —  envisagé  au  point  de  vue  de  la  préhistoire  euro- 
péeuue,  150. 

Néolithique,  le—  aucien  dans  le  Maroc  oriental,  91  ;  le  —  dans  la  station  de  Safsafat, 
92  ;  le  —  dans  la  grotte  de  Taza,  95  ;  le  —  en  Mauritanie  et  dans  le  Sahara,  100  ; 
l'industrie  —  dans  la  station  du  Kef  el  Mazoui,  102  ;  la  station  —  de  l»jidjelli,  103; 
le  —  en  Portugal,  136;  caverne  —  près  de  Caceres.  352  ;  le  —  daus  le  sud  delà 
Basilicate,  357  ;  l'ornementation  spiraliforme  à  la  période  — ,  358  ;  tombelle  —  du 
Loir-et-Cher,  363. 

Neuville  (H  ).  De  l'extinction  du  Mammouth,  193.  —  Yoy.  Réitérer  (Ed.). 

Nomades,  les  anciennes  populations  de  la  Gétulie  étaient  surtout  —,  97. 

NoRnENSKjdLD  (Erlaod).  Retranchements  et  gaz  nocifs  chez  les  Iudiens  de  l'Amé- 
rique du  Sud,  381. 

Or,  antiquité  eu  —  des  Chibcha,  152. 

Obekmaier  (H.).  Gisement  préhistorique  des  Caroliues  (près  de  Madrid),  351. 

Olmo,  l'Homme  fossile  de  1'  —,  109. 

Œnoché  en  bronze  trouvée  en  Portugal,  141. 

Oreille,  la  forme  de  1'  —  humaine  est-elle  ancienne  ou  récente  ?  569. 

Origine  des  espèces,  105;  —  de  l'Homme,  106,563;  —  des  Méditerranéens,  112;  — 
africaine  de  l'Homme  primitif,  121  ;  —  des  Primates,  562. 

Ornières,  les  —  de  Malte,  181. 

Os  bregmalique  sur  des  crânes  grecs  anciens,  32. 

Os  épactal,  fréquence  de  1'  —  sur  les  cràues  grecs  anciens,  31. 

Os  inter pariétal  sur  un  crâne  grec  ancien,  30. 

Os  plérique,  fréquence  de  V  —sur  les  crânes  grec3  anciens,  34. 

Pacheco  (E.  Hernandez).  Les  gravures  de  la  grotte  de  Penches,  352.  Etude  d'art  pré 
historique.  I.  Prospection  des  peintures  rupestresde  Morella  la  Vella.  II.  Evolulion 
des  idées  mères  des  peintures  rupestres,  573. 

Palafittes  de  la  tourbière  de  Barche,  à  Solférino,  395  ;  les  diverses  civilisations  des 
—  438;  origine  des  —,  4-J8';  nouvelle  —  découverte  à  Thayngen,  349;  nouvelle  — 
à  silex  moustériens  du  lac  de  Neuchàtel,  349. 

Paléolitique,  le  —  daus  le  Magreb,  94,  95;  représentations   d'ancêtres  dans  l'art  — 
1 17  ;  croyances  surnaturelles  de  l'Homme  —,  120  ;  le  Boschiman  considéré  comme 
un   Homme  —,  121  ;  le  —  dans  l'Afrique  du    Sud,  175;  le  —   en  Suisse,    178;  les 
bases  de  la  classification  du  — ,  347;  instruments  —  de  Portugal,  354;  l'ornemen- 
tation spiraliforme  à  la  période  —,  358. 

Paléontologie  humaine,  107;  découvertes  relatives  à  la  —  humaine  en  Amérique,  en 
Afrique,  en  Asie  et  en  Europe,  563. 

Palet hnologie,  bibliographie  des  travaux  de  —  relatifs  au  canton  de  Genève  el 
régions  voisines,  571. 

Pan  (Ismaeldel).  Exploration  de  li  caverne  préhistorique  du  Conejar   (Caceres),  352. 

Parenté  des  chefs  Kouyou  avec  la  panthère,  54,  56;  —  du  caïman  et  des  chefs 
Ombouma,  72;  —  des  Djénaboandi  et  du  chien,  76;  la  —  chez  les  Kouyou,  332. 

Parure,  la  —  en  Micronésie,  589,  593. 

Parsons  (Dr  E.  C).  Vitancft,  289. 

Pauw  (Louis  de),  mort  de  —,  171. 

Peau,  caractères  de  la  —  du  Mammouth,  196. 

Peintures  rupestres  de  la  Péninsule  ibérique,  1;  classification  chronologique  des  — 
rupestres  de  la  vallée  de3  Batuecas  d'après  la  couleur,  15  ;  —  humaines  schématiques 


620  TABLE    ALPHABÉTIQUE    ET    ANALYTIQUE 

des  roches  espagnoles,  118  ;  —,  et  gravures  rupestres  en  Afrique,  123  ;  —  rupestres 
de  Portugal,  138;  —  des  cavernes  de  l'Afrique  du  Sud,  175;  —rupestres  de  Morella 
la  Vella,  Espagne,  574;  les  —  de  Aldeaqueuiada,  575;  les  -  du  ravin  de  Valltorta, 
575  ;  —  néolithiques  de  grottes  espagnoles,  579  ;  caractère  rituel  des  —,  584  ;  la  — 
corporelle  dans  les  Garoliues  orientales,  589,  593. 

Pendeloques  en  bronze  des  tuinulus  hallstattiens,  454. 

Pékinguey  (Dr.  L.).  Le  Boschiman  cousidéré  comme  un  Homme  paléolithique,  121. 

Périodique,  nouveau   -  anthropologique  américain,  176. 

Perles  en  stéatite  d'une  tourbière  de  Solférino,  393. 

Pérou,  collection  d'ossements  d'une  antique  cité  du  —,  143. 

Perry  (W.  J.)  Sur  la  distribution  géographique  de  la  culture  en  terrasse  et  de  l'irri- 
gation, 129.  Rapports  existant  entre  la  distribution  géographique  des  monuments 
mégalithiques  et  les  anciennes  mines,  129. 

Perse,  cercles  de  pierres  en  — ,  186. 

Pbtit  vCapn*).  Note  sur  la  station  de  Goutitir  (Maroc  oriental),  89. 

Pierre,  grands  instruments  en  —  d'Australie,  186;  cercles  de  —  eu  Perse,  186;  les 
haches  en  —  au  xvi*  siècle,  187. 

Pierres  figures,  les    -  en  Angleterre,  390. 

Pileux,  système  —  du  Mammouth,  199. 

Piltdown,  un  nouveau  crâne  d'Eoanthropus  Dawsoni  découvert  dans  le  gravier  de 
— ,  564;  la  mâchoire  de  —,  5fi6. 

Pirol'tet  (Maurice).  Contribution  à  l'étude  des  Celtes,  213,  423. 

Pléislocène,  mammifères  du  —  nord-américain,  115;  additions  à  la  fanue  —  ita- 
lienne, 355. 

Poignard  à  antennes,  répartition  du—  227,  235,  452;  — en  bronze  de  Villers-sur- 
Authie,  252;  —  de  bronze  d'une  tourbière  de  Solférino,  396. 

Pointesde  flèches  eu  silex  du  Maroc  oriental,  91. 

Porphyre.  L'antre  des  Nymphes,  582. 

Portugal,  Lisbonne  préhistorique,  136;  station  néolithique  en  —  136;  poids  de  tis- 
serand néolithiques  de  —,  136  ;  huttes  primitives  de  — ,  137  ;  idoles  préhistoriques 
tatouées  de  —,  138  ;  l'art  préhistorique  en  — ,  138  ;  peintures  rupestres  du  —,  138  î 
une  œaochoé  en  bronze  trouvé  en  — ,  141  ;  instruments  paléolithiques  de  —,  354  ; 
station  préhistorique  de  S.  Juliào,  en  —,  359;  moule  pour  faucilles  en  bronze 
de—,  359. 

Poteries,  les  différents  types  de  —  du  Nouveau  Mexique,  380. 

Poupon  (A.)  Étude  ethnographique  de  la  tribu  Kouyou,  53,  297. 

Pourpre,  distribution  géographique  de  la—,  129. 

Pootkin  (Dr.  Léon),  mort  de  —,  157. 

Pozzi  (Prof.  Samuelj,  mort  du  —,  164. 

Préhistorique,  revue  Maghrébine,  89;  l'industrie  et  l'art  —  en  Afrique,  122;  le  — 
en  Ecosse,  124;  Lisbonne  —,  136;  statiou  —  de  Portugal,  136;  poids  de  tisserand 
—  de  Portugal,  136  ;  idoles  —  tatouées  de  Portugal  ;  137  ;  l'art  —  en  Portugal,  13S  ; 
céramique  —  du  type  de  Giempozuelos  trouvée  dans  une  grotte  du  N.-E.  de  Pris- 
pagne,  140;  les  cochons  —  de  l'Irlande,  183;  les  sites—  de  la  région  de  Salo- 
nique,  173;  le  —  de  la  Suisse,  178  ;  gisement  —  près  de  Madrid,  351;  caverne  — 
près  de  Gaceres,  352;  gravures  —  de  la  grotte  de  Penches,  352;  chronologie  de 
l'art  —  dans  l'Ett  de  l'Espagne,  353  ;  dessins  des  vases  —  égyptiens,  363  ;  notes  sur 
l'Asie  —,  539;  le—  dans  le  canton  de  Genève,  571. 

Prif.m  (Fernand),  mort  de  —,  383. 

Primates,  origine  des  — ,  562. 

Proceedings  of  the  Society  of  Antiquaries  of  Scotlan.l,  124. 

Prouteaux  (M.).  Notes  sur  certains  rites  magico-religieux  de  la  Haute  Côte  d'Ivoire,  37. 
Une  éclipse  de  lune  chez  les  Dioulas  de  Bondoukou,  337.  Un  enterrement  chez  les 
Koulangos  de  Bouna,  341. 


TABLE    ALPHABÉTIQUE   ET    u\i  u'iiiuh:  Cm 

Ptérion,  variations  du  —  sur  les  crânes  grecs  anciens,  33. 

Puits  funéraires  de  la  nécropole  de  Taza,  Maroc,  96;  gallo-romain  à  Amiens,  373. 

Quaternaire,  le   —  dans  le  Magret),   92;   multiplicité  des  types  humains  eu  Europe 

durautle  —,  110;  les  climats  -  auv  environs   de  Cambridge,  179  ;  malacologie  — , 

ISO;  statiou  —  de  la  Suisse,  570. 
Raso'r  <ie  l'âge  du  bronze  et  rasoir  abyssin,  183;  âge  du  —  ajouré  et  du  —  plein,  449. 
Rei.li.m  (Ugo).  Additious  à  la  faune    pléiétocène  italienne,  335.  Découvertes  et  pro- 
blème» palethuologiques  en  Lucanie  occideutile,  356.  La  caverne  de   Latrôuico  et 

le  culte  des  eaux  curatives  peudaot  l'âge  du  broDze,  579. 
Rennes,  les    -  victimes  de  la  guerre,  392. 
Retranchements  des  Indiens  de  l'Amérique  du  Sud,  381. 
Kutibiiek  (El.).  Des  sésamoï les  de  la  main  humaine,  367. 
Rettbkek  (Ed.)  et  Nkuvillb  (II.).  Des  proportions  de  la  main  de  quelques  Singes,  368. 

Des  articulations  inétacarpo-phalangienues  de  quelques  Singes,  368. 
Reygassb.  Études  de  palethnologie  magrébiue,  102. 
Rhin,  étude  anthropologique  des  populations  des  rives  du  —,  459. 
Rites  funéraires  de  l'ancien  Pérou,  144;  —  des  Koulangos  de  Bouna,34l  ;  —  daus  les 

tumulus  de  i'E.  de  la  France,  431. 
Rites  magico-religieux  de  la  Haute  Côte  d'Ivoire,  37;  —  de   la   Panthère    chez  les 

Kouyou,  53  ;  —  du  Caïman  chez  les  Kouyou,  72. 
Roches  peintes  de  la  vallée  des  Batuecas,  15  ;  —  peintes  de  Gaicibuey  (Salamanca),  25. 
Romaine,  l'époque  —  dans  le  canton  de  Genève,  571. 
Round-barrows,  les  constructeurs  des  —  en  Ecosse,  126. 
RoYpn  (Clé-vibncb),  un  monument  à  —,  385. 

Rupestres,  peintures  --  d'Espagne,  1.  —  Voy.  Art,  Gravure  et  Peinture. 
Russes,  caractéristiques  sérologiques  du  sang  des  — ,  524. 
Saintyves(P.).  Essai  sur  les  grottes  dans  les  cultes  magico-rdigieux  et  la  symbolique 

primitive,  583. 
Sanctuaire,  le  —  ibérique  de  Santisteban,  516. 
Sang,  les  phénomènes  d'agglutination  permettent  de  distinguer  des  groupes  de    — 

chez  les  animaux,  509  ;  on  distingue  quatre  groupes  dans  le  —  humain,  510  ;  étude 

sérologique  du  —  dans  les  races  humaines,  519-537. 
Sarasix  (Fritz).  L'oi.tillage  des  Néo-Calédouieus  et  des  lies  Loyalty  envisagé  au  point 

de  vue  de  la  préhistoire  européenne,  150. 
Sarasi.n  (Paul).  Le  calcul  rapide  chez  l'Homme  et  les  animaux,  146. 
Schumacher,  opinion  de —  sur  la  civilisation  des  palafittes,  348. 
Scies,  caractères  des  —  préhistoriques  en  silex,  398,  402,  405. 
Sébillot  (Paul),  mort  de  —,  168. 
Sera  (G.  L.).  Le  plissement  de  l'émail  de3  dents  des  Anthropomorphes,  567.  La  forme 

de  l'oreille  humaine  est-elle  ancienne  ou  récente?  568. 
Serbes,  caractéristiques  sérologiques  du   sang  des  — ,  522. 
Sergi  (G  ).  Problèmes  de  science  contemporaine,  105.  Sir  l'Homme  fossile  de  l'Olrao, 

109 
Séro'ogiques,  application  des  méthodes  —  à  l'étude  des  races  humaines,  505. 
Serpent,  culte  du  —  chez  les  Kouyou,  297  ;  accessoires  de  la  danse  du  —,  306,  308; 

fétiche  symbo'isant  le  —  chez  les  Kouyou,  309. 
Sésamoïdes,  les  —  de  la  main   hu  naine,  367. 

Signes  peints  sur  les  parois  des  grottes  de  la  vallée  des  Batuecas,  18,  21. 
Silex  taillés   du   Maroc  oriental,  90;   instruments  en  —  de    Safsafat,  92; —   rostro 

carénés  d'Egypte,  185;  —  garnissant  une  faucille  préhistorique  trouvée  dans  une 

tourbière,  à  Solfériuo,  396  ;  faucilles  armées  de  —  de  l'ancienne  Egypte,  407;  ins- 
truments quaternaires  en  —  de  Jersey,   572. 
Smith  (G.   Elliot).    Les   vues   du   Professeur  Giuffrida-Ruggeri  sur  les   affinités   des 


b'22  TABLE  ALPHABETIQUE  ET  ANALYTIQUE 

Égyptiens,  127.  Sur  le  rôle  joué  par  la  civilisation  de  l'Egypte  aucienne  eu  Orieut 

et  en  Amérique,  129. 
Société  des  Antiquaires  d'Irlande,  la  —  demande  que  les  antiquités  du  pays  soient 

préservées  de  U  destruction,  390. 
Sociétés  secrètes  à  la  Haute  Côte  d'Ivoire,  37;  —  chez  les  Kouyou  de  l'Afrique  équa- 

toriale  française,  52,  298,  314;  —  de  femmes  chez  les  Kouyou,  81. 
Solférino.  découverte  d'uue  faucille  préhistorique  dans  une  tourbière  à  —,  393. 
Somme,  l'âge  du  bronze  dans  le  bassin  de  la  — ,  251. 
Sorcelle/ie  à  Madagascar,  187. 

Spkck  (Franck  G.).  Vestiges  des  Indiens  Machapunga  de  la  Caroline  du  Nord,  586. 
Station  du  New-Jersey  antérieure  aux  Lénapes,  364. 
Stehlin  (H.  G.).  Sur  une  trouvaille  de  Bœuf  musqué  dans  le  Pléistocèue  tardif  de  la 

Suisse  centrale,  569. 
Stehlin  (H.  G.)  et  Dubois  (Aug.).  Note  préliminaire  sur  les  fouilles  entreprises  dans 

la  grotte  de  Cotencher,  canton  de  Neuchâtel,  350. 
Stirling  (E.  G.),  mort  de  —,  384. 
Stonehenge,  le  célèbre  monument  de  —  a  été  donné  à  la  nation  britannique  par  son 

propriétaire,  391, 
Stckub  (Allen),  mort  de  —,  383. 
Suisse,  la  plus  ancienne  demeure  de  l'Homme  en  — ,  177;  préhistoire,  protohistoire 

delà  — ,  347;faucilles  préhisloriques  de  — ,  406;   bœuf  musqué  du   Pléistocèue   de 

la—,  570;   station   préhistorique  du  Se,  en  — ,  570;   bibliographie  générale   des 

travaux  palethnologiques  et  archéologiques  de  la  — ,  571  ;  les  époques  préhistorique, 

celtique  et  romaine  en  —,   571. 
Sulzberger  découvre  une  riche  palaûtte  à  Thayngen,  349. 
Taille,  la  —  dins  le   Grand-Duché  de  Bade,  471  ;  la  —  sur  les  deux  rives  du  Bhin, 

488-498;  —  des  Esquimaux,  586. 
Talismans,  les  —  chez  les  Islamites  de  Berbérie,  148. 
Tallgren    (A.    M.).    Collection    Zaoussaïlov    au    Musée    historique    de    Fiulande   à 

Helsingfors.  I.  Catalogue  raisonné  de  l'âge  du  bronze,  360. 
Tams-tams,  rôle  des  —  dans  les  fêtes  de  la  pauthère  chez  les  Kouyou,  62. 
Tatouage,  le  —  en  Microuésie,  589,  593. 
Taza,  grotte  sépulcrale  de  —,  94;  nécropole  de  —,  96. 
TscnuMi  (Dr),  origine  des'palafittes,  d'après  —,  3  48. 
Thévemn  (Armand),  mort  de  —,  160. 
Ti^sag»,  le  —  à  l'époque  préhistorique  eu  Portugal,  136. 
Tombelle  néolithique  du  Loir-et-Cher,  363. 

Tombes  plates  de  la  nécropole  de  Tazi,  Maroc,  96  ;  —  des  Koulangos  de  Bouua,  344. 
Torque  eu  bronze  d-e  Villers-sur-Authie,  252;  —  en  bronze  du  bassin  de  la  Somme, 

262. 

Tourbière,  découverte  d'objets  de  l'âge  du  bronze  dans  uue  —  à  Solférino,  393. 

Trépanation,  la  —  en  Nouvelle-Calédonie,  151. 

Tsengui,  société  secrète  de  femmes  chez  les  Kouyou,  81. 

Tumuli  de   la  région    de  Salonique,  174;  —  à  incinération    de   l'âge   du    bronze   en 

France,  429;  les  constructeurs  de  —à  l'âge  du  bronze,  436  ;  —  de  l'âge  du  bronze 

eu  Suisse,  456. 
Turcs,  caractériel  lues  sérologiques  du  sang  des  — .   526. 
Tuhnek  (sir  William).   Contribution   à  la  crauiologie    du  peuple   écossais,  2'  partie, 

préhistorique,  descriptive  et  ethnographique,  124. 
Variations  des  os  des  crânes  grecs  anciens,  29. 
Vayson  (André).  Faucille  préhistorique  de  Solférino,  393. 
Vbkineau  (R.).  Le  Musée  d'Elhn>graphie  du  Trocadéro,  546. 
.Vertèbre  dorsale  surnuméraire  chez  uu  Esquimau,  587. 


l\i;ii:    ALPHABETIQUE    El"    INALYTÎQUÊ  62S 

Vêtement,  accessoires  de—  de  làge  du  bronze  du   bassin   de  la  Sorame,  251;   le  — 

eu  Microuésie,  590,  594. 
Vidal    (Luis    Mariauo).    Céramique    du    type    de   Cieinpozuelos    trouvée   daus    uue 

grotte  préhistorique  du  N.-E.  de  l'Espagne,  140. 
Vidal  db  la  Blachb,  mort  de  — ,  166. 
)'ilance,  coutume  qu'ont   les  membres  d'un   même  groupe   de  parents  de  s'éviter, 

289. 
WalkhofI  (Dr)-    Transformation    phylogéuélaire  de  la   mâchoire   humaine    depuis 

l'époque  tertiaire  et  sa  siguiûoation  pour  la  pathologie  dentaire,  111. 
Wkkneht  (Paul)   Représentations  d'ancêtres  daus  l'art  paléolithique,   117.  Faits  nou- 
veaux pour  la  chronologie    de  l'art   rupestre  de   style   naturaliste  dans    l'Est   de 

l'Espagne,  353. 
Wkrth.  A  propos  de  la  classification  du  Paléolithique,  341. 
Woodward  (Smith).  Quatrième   note  sur   le  gravier  de  Piltdown  et  sur  un   second 

crâne  d'Eoauthropus  Dawsoui,  563. 
Zuazo  y  Palacios  (Julian).  Contribution  à  l'étude  des  cités  ibériques,  139. 


Le  Gérant  :  0.  Porék. 


A.NGERS.    IMPRIMERIE    A.    BURDir*.    —    F.     GAULTIER    ET    A.    TIIÉBE.T,    SUCCESSEURS, 

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L'Anthropologie 


T.  XXIX ,  PI.  IV. 


a,  pièces  de  faucilles  égyptiennes  ;  b,  lames  denticulées/Revest-des-Brousses 
(  Basses-Alpes);  c,  pièces  triangulaires  scalènes,  Murs  (Vaucluse).  (Gr.  nat.) 


Faucilles  de  silex  de  la  Suède.  (2/3  Gr.  nat.) 


GN  Anthropologie 

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