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L'ANTHROPOLOGIE
CONDITIONS DE LA PUBLICATION
L'Anthropologie paraît tous les deux mois.
PRIX DE L'ABONNEMENT ANNUEL :
France, 35 francs. — Etranger, 40 francs.
Prix du numéro : 7 fr.
Ângerf. Imp. Hurhin. — F. GàULTiM et A. Thkbbrt, Successeur»
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MATERIAUX POUR L'HISTOIRE DE L'HOMME
REVUE D'ANTHROPOLOGIE — REVUE D'ETHNOGRAPHIE
RÉUNIS
L'ANTHROPOLOGIE
Paraissant tous les deux mois
RÉDACTEURS EN CHEF
MM. BOULE — VERNEAU
PRINCIPAUX COLLABORATEURS
MM. BEGOUEN — BREUIL — CARTAILHAG — COLLIGNON — HUBERT
LALANNE - NEUVILLE — PALLARY — S. REINACH - RIVET
PIROUTET — Prince BONAPARTE — DE ZELTNBH
TOME VINGT-NEUVIEME
ANNÉES 1918-1919
PARIS
MASSON ET O, ÉDITEURS
LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE
120, BOULEVARD SAJNT-OKRMA1N, 120.
Ce fascicule a été publié en janvier I9i<).
/
t. 2°i
L'ANTHROPOLOGIK
MEMOIRES ORIGINAUX
LES PEINTURES RUPESTRES
DE LA. PÉNINSULE IBÉRIQUE '
IX
LA VALLÉE PEINTE DES BATUEGAS (salàmanca)
pau
L'ABBÉ H. BREUIL
Professeur à l'Institut «le Paléontologie Humaine
« ien-v planches
1. — Las Batuecas et Las Hurdes. Situation.
Entre les larges vallées du Tage et du Douro, continuant à l'ouest
les chaînons échelonnés du Guadarrama et de la Sierra de
(.iredos, et formant trait d'union entre elles et la Sierra portugaise
de Estrella, court de l'O.-S.-O. à FE.-N.-E. la Sierra de Gâta, dont
le versant nord descend doucement en plateau onduleux vers Ciu-
da'd Rodrigo, tandis que de nombreux torrents dévalant sur son
versant méridional découpent dans ses terrains archéens, grès à
cassures spatiques avec zones d'ardoises, une foule de gorges sau-
vages et solitaires.
(1) Voir L'Anthropologie, t. XX, p. I, t. XXli, p. 6it : XVtll, p. 529; F.XXVF,
p. 313.
l'anthropolooib. — t. xxix. — 1918-1919 '
H. BM l II,
Sa crête forme à peu près la division des deux provinces de
Salamanque, au nord, de Caceres, au sud, et sépare deux régions
naturelles : la vieille Castille et l'Extrémadure.
Enserrée par ses crêtes orientales que continue la Sierra de
Francia, et limitée au sud par un de ses rameaux, les Sierra de
Munogarra, d'Altamira et de las Vaquerizas, et à l'ouest par les
Sierras de Castillos et de las Canas, se trouvela Comarca de la Hurdes
ou Jurdes, composée de trois vallées principales, tributaires du rio
Alagùn qui porte ses eaux au Tage un peu en aval de Plasencia.
La plus méridionale et la plus vaste, celle du Rio Pino ou de los
Angeles, est plus riche et moins déshéritée ; le nom de son chef-lieu
en indique la cause : Pino Franqueado, et dès longtemps ses
indigènes se sont affranchis des servitudes qui opprimèrent jus-
qu'au milieu du siècle passé les malheureux villageois des vallées
des rios Jurdan et Ladrillar.
Cette dernière se subdivise en deux vallées parallèles d'inégale
importance : la principale estcelle où se trouvent les villages de La-
drillar, Cabezo et Las Mestas ; l'autre est la vallée de las Batuecas dont
nous allons nous occuper; elle est séparée politiquement du reste
de las Hurdes, et appartient à la province de Salamanque, tandis
que tout le reste de la Comarca fait partie de celle de Caceres(l).
2. — Historique de la découverte.
Durant l'hiver 1910, M. Pierre Paris portait à ma connaissance
un article de M. Vicente Paredes, paru dans la « Revista de
lixtremadura », octobre 1909, intitulé : De la Sociedad Excursio-
jnsta E rire mena, y al go et Prehistoria de Extremadura. L'érudit
Espagnol y attirait l'attention sur certaines données consignées
dans de vierx auteurs, et exprimait le vœu que d'autres entrepris-
sent de les vérifier, ce que son âge lui interdisait de faire person-
nellement. « Ponz, dit-il, dans son ouvrage imprimé à Madrid en
1 728, huitième lettre, écrit, au sujet de Las Batuecas (2) : « Au sud
(]) l)r I). .1. H. Bide. Las liatuecas y Las Jurdes, conferencias leidas en la Soeie-
(l.i-l Geograftca de Madrid, 1*^2. — Cette publication Aie la topographie exacte de la
ion.
alemenl dans Ponz. Vi.ije de Egpaûa, Madrid, [barra 1118, t. VII, p. 188,
relativement ;■ lu Cabras pintadas. « Sur les roches qui sont aussi perpendiculaires
que 'i.- parois de maisons, avec leurs coins et leurs angles droits, on voit certaine5
LES PEINTURES KUPESTRES DE LA PÉNINSULE IBÉRIQUE. 3
de la vallée, court la grande Sierra del Frontal, et en se penchant
un peu, on aperçoit un endroit appelé « Las Cabras pintadas ».
M. Vicente Paredes put interroger un individu, Julian Mancedo,
fixé à Plasencia, mais originaire de La Alberca, gros village situé
à peu de distance de Las Batuecas, et âgé soixante ans ; il en obtint
les indications suivantes : « El sitio de las Cabras pintas y el
Potro, esta yendo para el Ladrillar desde la Pesga y pasando el COn-
Via. 1. - Hocher peint de Las Cabras Pintadas, vallée des Batuecas.
vento a salir por la puerta de la cerca, que llaman dei Cerro, subiendo
luego elarroyo gue viene del puerto de Monsagro, pasando a la otra
orillay caminando menos de medio cuarto de légua , estanlas cabras
pintas y el potro que se le cae la baba, y dicen : que donde le cae la
figures très mal faites par les pâtres avec « ahnazarron » où il semble qu'ils aient
voulu représenter des « chèvres ».
H BREUIL.
baba al potro, esta escondido el tesoro. Estait « pintas » con rayas
hondasen unaspizarras grandes y llanas pxiestas cnplomoynacedizas,
que se vpu desde el convento ». M. Vicente Paredes rappelle aussi de
singulières citations de LopedeVega; dans son œuvre « Las Batur-
casdel Daque de Alla », il met en scène plusieurs habitants de cette
vallée retirée, discutant entre eux si le monde finit aux montagnes
rfi}p^ jp*^ rt*
Fin, 2. — Bouquetins peints on brun foncé ^ir la roche « Las Cabras Pintadas
Échelle : 1/2 environ,
qui bornent leur horizon, et s'il a existé, dans le pays, d'autres
races qui les aient précédés, etTirso, l'un d'eux, conclut :
« Esas casas, que pintadas
se ven en ose trabôn
no son on Batuecas halladas
que nuestras casas no son
tan polidas fabricadas,
Ni esos fuertes animales
tan fcroces ni tan listos
con garras y lanas taies,
son en nueslros valles vislos
por monta nas ni arenales.
Luego os senal que hay mas gcnte,
mas mundo y cosas mas bollas. »
Et M. Vicente Paredes croit que c'est là un écho lointain et
déformé de l'existence de peintures rupestres.
Il est probable que c'est l'existence de ces mystérieuses peintures
qui a donné lieu en partie, dans les siècles derniers, à des légendes
singulières où l'imagination prédominait complètement : la Bel-
gique a ses trous des Nutons, la France ses caves, ou grottes des
LES PEINTURES RUPESTRES DE r. \ PENINSULE IBERIQUE. .)
Fées, des Fadets, des Encantades; les naturels de Suides i Landes j
m'expliquaient il y a moins de vingt ans encore la présence des
*#
"Vf fah
Fio. 3. — Bouquetins en rouge brun de « l.a^ Cabras Pintadas ». Échelle 2 5 em
débris de cuisines des grottes par l'habitation de sortes de lutins
bienfaisants, mi-hommes, mi-bête»; qu'on voyait encore il y a peu
d'années rôder dans la campagne. De même sans doute, ces signes
V\n. 4. — Bouquetins et autres animaux peints <mi brun foncr Cabras
Pintadas >:. Échelle : l/'J.
Celle de gauche a été repeinte et inversée à l'époque des figures blanches ; une liane
rouge vif oblitère la tête île celle du centre.
peints que l'on découvrait dans le vallon « cruces y vestigios de
Godos » et « alguna* cruces aigo perdidas su forma » étaient attri
bues à des êtres mystérieux, allant nus, complètement sauvages,
qu'on n'entendait ni ne voyait, qui parlaient une autre langue,
g H. DREUIL.
se croyaient seuls sur la terre, et rendaient un culte à Satan (1).
Les pâtres de la Alberca déclaraient avec tremblement entendre
dans cette vallée des cris singuliers qu'on ne comprenait pas, et
qu'on y voyait et entendait « figuras de demonios ».
Ces légendes, qui avaient cours avant la fondation d'un couvent
des Carmes a l'entrée de la vallée, en 1599, cessèrent d'avoir
crédit dans la région à partir de cette fondation ; d'ailleurs les vrais
indigène en riaient, et déclaraient que c'était pour les dénigrer que
les gens de la Alberca répandaient ces histoires inventées.
Mais par un singulier destin, ces mêmes histoires, fixées sous
|IG. 5. _ Bouquetins peints en rouge vif sur la roche « Las Cabras Pintadas ».
Échelle ! 1/2.
forme littéraire dans l'œuvre de Lope de Vega, écrite en 1598
probablement et imprimée en 1633, puis reprises en 1697 par le
poète Matos Fragoso, exagérées à plaisir en 1777 par le P. Benito
Jéronimo Feijoo, furent de nouveau exposées comme données
scientifiques en 1880 par Pascual Madoz, enfin reprises avec bruit
par le Dr Pedro Gonzalez de Velasco dans une note à la Société
Espagnole d'Anthropologie et d'Ethnologie. Ce dernier affirmait
l'existence en pleine Espagne d'une peuplade complètement sau-
vage, sans vêtements, sans religion, etc., opinion reproduite
encore dans un article du Tiempo en 1882 sur les prétendues tri-
bus primitives de las Hurdes et qui trouva crédit jusque dans les
O) Une légende, également inventée pour expliquer cette population supposée et
que reproduit Matos Fragoso, après Lope de Vega, est que c'étaient des descendants
des Mollis fuyant devant les Arabes vainqueurs au vme siècle, qui s'étaient trouvés
là perdus el oui. liés du reste des hommes : « Los mons/ros que ahora se ven
por agui desnudoë como saliros diformes, son descend encia y Irasunto de aquel/os
anligiWi g<>dos que hul/aron aqui refugio. »
LES l'KIM'l lil'.s RUPESTRES DE F, V PENINSULE IBERIQUE. 7
œuvres d'Elisée Reclus. Le scandale était à son comble ; des enfants
d'Extrémadure, D. Romualdo Martin Santivanez et son fils Martin
Batuecas, originaires de la région si odieusement calomniée, pro-
testèrent avec indignation, et lavèrent leurs compatriotes des
accusations portées contre eux, les montrant comme il sont, sans
doute pauvres et déshérités dans un pays difficile d'accès et de cir-
Fig. ('). — Bouquetin noir superposé à d'autres blancs qui oblitèrent des barres en
rompe vil'. En bas un Canidé. « bas Cabras Pintadas ». Echelle : 1/2.
culation, au sol ingrat et accidenté, mais y déployant de merveil-
leux efforts de travail et d'endurance courageuse.
Mais ne nous plaignons pas trop de tout ce fo/klore il) : c'est
à lui que nous devons la première mention, relevée par M. Vicente
Paredes, de pictographies rupestres dans cet endroit désert
(1) On consultera avec fruit sur ce sujet la très curieuse broebure de D. Vicente
Barrantes : « Las Jurdes y sus leyendas » conferenc'ta leida en la Sociedad Geogra-
fica de Madrid, 18*3. — C'est à elle, ainsi qu'à celle déjà citée de Bide, que nous
avons emprunté une bonne partie des documents anciens cité» dans ce travail.
H. îmixiL,
et même nous pouvons admettre que l'attribution populaire à
l'époque des Goths des vestiges mystérieux qui s'y rencontrent
dénote une très ancienne croyance, perpétuée d'âge en âge, et
sans doute antérieure à l'invasion des Arabes, auxquels, habituel-
lement, tous les anciens vestiges sont attribués en Espagne.
A peine informé des renseignements publiés par M. Vicente
Paredes, j'écrivis à M. J. Cabré, déjà familiarisé avec les
recherches de peintures rupestres par ses découvertes en Ara-
Fl ;. 7. — Poisons peints on blanc de « Las Cabras Pintadas » superposés à un signe
rouge vif. Écbelle : 1/2.
gon, pour le prier d'aller, aux frais du Prince de Monaco et en
vue des publications qu'il subventionnait, s'assurer de la réalité
des faits. En mars 1910, M. Cabré accompagné de don Miguel,
garde civil de la Alberca, descendait dans la vallée sauvage de
las Batuecas. Mais personne n'avait entendu parler des peintures,
on savait seulement que certaines roches s'appelaient « Las
Cabras Pintadas », sans s'être demandé la cause de ce nom. Don
Miguel y mena M. Cabré, et celui-ci ne fut pas long à découvrir la
rochequi justifiait cette dénomination par de nombreuses et minus-
cules petites silhouettes de Capridés. Poursuivant ses recherches,
il découvrit un bon nombre d'autres peintures dans des abris
rocheux surplombant, échelonnés le long de toute la vallée, en
LES PEINTURES RUPESTRES DE LV PENINSULE rBERIQUË. f)
amont du couvent ruiné (1). De retour à Madrid, il m'avisait des
résultats obtenus, et m'adressait des décalques des principaux
sujets déchiffrés. Je le rejoignis à Madrid le 6 avril, et m'ache-
Fig. 8, — Cerfs et personnages humains peints en blanc, superposés à des signes
rouges, et Cerf en rouge vif. « bas Cabras Pintadas ». Echelle : 1/2.
minai avec lui, le 11, pour Fuentes de San Esteban, sur la
ligne de Salamanque à Ciudad-Rodrigo. Arrivés le 12 à 7 heures
(1) Des circonstances indépendantes de ma volonté m'empêchent aujourd'hui
d'associer, comme je l'avais désiré, le nom de M. Cabré à ma publication (cf. ma
brochure « Algunas observaciones acerca de la obra du Dr Juan Cabré titulada El
Arte rupestre en Espana, in Boletin de la Real Soc. Espafiola de Hisloria Nalural,
mai 1916, et L'Anthropologie, 1916, p. 588).
IO
H. BREUIL.
du matin a cette station, nous prenions la diligence, qui, par
Santa Olalla, Cabillas, Abusejos, Tamames, Aldea-Nueva, nous
conduisit jusqu'à Sequeros, d'où, malgré une pluie énorme et
persistante, nous partîmes à cheval, par Casas del Conde,
Mogarraz, arrivant enfin à la Alberca à plus de 7 heures du soir.
6
W
Fie. '.). Divnr- animaux en brun et en roupe des Cancliales de la Pizarra (nl 1, 2,
:; et 4> et de fcïahoma (n" ."> el <i). Échelle : 1/2.
I).' Sequeros à La Alberca, le paysage est celui d'un plateau gra-
nulitique à profondes entailles.
.I<* ne décrirai pas le charme pittoresque de cette bourgade,
à 1068 mètres d'altitude, au pied des hauts sommets de la Pena
de Francis \lî'\ mètres), et pourtant, l'artiste, comme l'ethno-
graphe, aurait mille scènes délicieuses d'intérieur, de place ou de
coin de rue m fixer par le pinceau ou la plume, depuis le foyer,
placé au milieu de la pièce principale, sur une large dalle, el
LES PEINTURES RUPESTRES DF. LA PÉNINSULE IBERIQUE. II
dont la fumée gagne librement le ciel au travers d'une légère
charpente recouverte de tuiles, depuis les innombrables petits
pots, mijotant en rond autour de la flamme, tandis que de nom-
breuses rangées de leurs pareils, au ventre émaillé de toutes cou-
leurs, sont alignés en bataille sur des étagères au bois noirci,
jusqu'aux rondes enfantines des fillettes aux fichus multicolores,
au défilé trottinant, sur le pavé déchaussé des ruelles, des femmes
se rendant à l'appel d'un glas funèbre.
Le mauvais temps qui nous retint chez notre hôte deux jours
entiers nous laissa tout le temps d'observer et de goûter cette
saveur de terroir. Nous en profitâmes pour questionner les gens ;
on nous dit que dans la montagne voisine, à la Mesa del Frances
(1 420 mètres), il y avait une roche avec « Ictreros ». A la faveur
d'une éclaircie, nous y montâmes, mais c'est sous une véritable
bourrasque de neige que nous parvînmes au but, pour constater
que les fameux pétroglyphes n'étaient que des empreintes de
Bilobites, pistes d'animaux inconnus laissées dans les grès et les
ardoises silusiens. Et pourtant les gens du pays y découvraient
des empreintes (herraduras) de pieds de chevaux et de bœufs (!)
Le lendemain 15 avril, le mauvais temps continuant toujours,
nous décidâmes, malgré toute la population qui déclarait
notre voyage impossible, de monter en selle pour las Batuecas :
après avoir franchi sous un vent terrible qui nous mitraillait le
visage de grésil, le Portillo de la Alberca (1.265 mètres), nous
trouvâmes cependant sur l'autre versant des conditions plus
clémentes, et le temps s'étant dégagé quelque peu, nous pûmes
jouir de la perspective de la vallée profonde qui s'étendait à
700 mètres plus bas. Entre les cimes des chaînes qui la limitent
au Nord-Est et au Sud-Ouest, sa largeur, y compris les versants,
ne dépasse pas, en ligne droite et à vol d'oiseau, 2 kilomètres 1/2,
et sa longueur totale est de moins de 10 kilomètres. Sa surface,
qui est d'environ 25 kilomètres carré, est entièrement occupée, à
l'exception d'à peine 1 kilomètre carré de terre cultivable, par
des roches abruptes et des précipices. Les profils longitudinal
et transversal sont singulièrement escarpés : La tête du ravin
s'accroche au flanc de la Sierra de Francia, entre le Pico Mingorro
(1.620 mètres) et la Mesa del Frances où elle atteint l'altitude de
1.408 mètres au puerto de Monsagro. Après un bassin collecteur
aux pentes très vives, mais assez unies, de terrains ardoisés,
le torrent s'engage dans.une véritable gorge, sorte de défilé taillé
H. llKEl'll..
dans des grès ruiniformes à bilobites, disposés en paliers succes-
sifs que séparent des à-pics, pour déboucher, après un peu
^
Kiù. 10. —A gauche, animal (Lynx?) peint en rouge au Canchal de laPi/arra; échelle :
14, \ droite, figure humaine schématique duCanchal del Cristo. Échelle : 1/4.
moins de 4 kilomètres dans une petite plaine (630 mètres) où les
Carmes avaient construit un couvent, désaffecté vers 1850, et
qu'un violent incendie réduisit en ruine en 1871.
A! *
«mm» (llll'l'l /
fliiïï
A*
k.^\
'
*CJ.,
*
11.
Divers panneaux de signes < 1 « ■ la vallée des Batuecas : 1. 2. .'5, .">. (î, Kl
Zarzalon, i. Canchal de Mahoma. — Échelle : environ 1,20.
A 3 kilomètres en aval, le torrent se trouve de nouveau
resserré, au moment où, par une étroite entaille, il franchit la
Sierra de las Mestas (1.470 mètres au Collado Suentes ; 920 au
puerto del Cabezo) qui ferme la vallée au S.-O., et vient se
LES PEINTURES RUPESTRES DE LA PÉNINSULE IBÉRIQUE. l3
jeter dans le Ladrillar à la Mestas, pauvre village aux huttes
basses construites en plaques d'ardoise non cimentées. Depuis le
couvent jusqu'à las Mestas, le terrain se caractérise par des
ardoises et des arkoses, beaucoup moins propres que les grès
siluriens situés en amont, à donner naissance à des escarpements
ruiniformes et sauvages. Du portillo de La Alberca, deux sentiers
mènent au couvent : l'un dévale hardiment la pente vertigineuse,
l'autre seul praticable au pied des mulets, zigzague en innom-
iiii
////// 1;
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Fio. 12. — A gauche, figures noires, oblitérées par des signes rouges, d'une des grottes
du Zarzalon. Échelle : 1/4. A droite, panneau de barres alignées de lm,30 de liant,
Majada de Las ïorres.
brables lacets au flanc de schistes ardoisiers, pour aboutir enfin
à la rive d'un petit torrent, où les grès prédominent déjà.
Un petit pont d'une arche fait pénétrer dans le domaine de
l'ancien couvent : voici une verte prairie, plantée de vieux chênes
lièges au tronc moussu, disposés comme les arbres d'un verger,
puis nous franchissons la vieille porte d'enceinte aux battants
ferrés de gros clous, enfin voici les champs que cultivèrent les
moines ; leurs vignes, leurs oliviers, et les grands cyprès noirs
qui s'élancent vers le ciel ; et tout au centre, la grande chapelle,
encore debout, presque intacte, avec sa grande cour d'honneur au
bassin historié, entourée d'une ceinture rectangulaire de cellules
semblables, séparées les unes des autres par le jardinet queculti-
I »
H. UUEt'IL.
vait chaque cénobite. La maçonnerie est intacte, mais des mains
rapaces ont arraché tout ce qu'avait épargné l'incendie ; la voûte
de la chapelle que ne protège plus une toiture a commencé de se
crever sous la pluie et la neige; l'autel, se dresse, amas de briques
dépouillé de ses parements ; et les dalles funéraires morcellées
des abbés du monastère jonchent le sol de leurs débris. Plus rien
d'intact, sinon la bergerie, encore occupée par un ménage de
patres dont les chèvres nous ont fourni un lait savoureux; la
I
13. — Signes peints en rouge du Canchal de Malioma, superposés à des traits
jaunes en 2. Échelle : 5/8.
maison des hôtes, toutefois, fut vaguement remise en état par les
propriétaires actuels, qui, deux années de suite, nous y reçurent
avec générosité.
Au dehors aussi, un vandalisme cupide a fait son œuvre : les
grands cèdres et beaucoup de cyprès qui faisaient de ce coin
perdu une merveille incomparable, sont tombés sous la cognée
de riches exploiteurs. Seuls, ont échappé ceux qui abritaient,
dans les anfractuosités dominantes de chaque côté, quelque
modeste ermitage.
Partout on sent que l'intérêt sordide et aux vues obtuses a
sageant en quelques jours l'œuvre patiente des moines
qui avaient défriché et embelli ce coin d'une sauvagerie farouche,
pour y créer dans le travail et la paix un digne cadre à leur idéal
chrétien.
LES PEINTURES RUPESTRES DE LA PENINSULE lliLHLOli:. 10
3. Les roches peintes.
En amont du couvent, après avoir franchi un ruisseau qui
pénètre à l'intérieur de l'enceinte murée, la vallée se resserre très
rapidement entre les versants abrupts ou verticaux. Là le bois a
été épargné, et le fourré se fait parfois épais sous les chênes
lièges, les yeuses et les genévriers.
En vue même des ruines, et les dominant de bien haut sur la
rive opposée, se trouve un premier « canchal » marqué de pein-
tures, c'est le « canchal del Aquila », où l'on ne remarque qu'un
semis irrégulier d'une douzaine de points rouges foncés, large de
0m,15 sur 0m,18 de haut. En face, se hérisse une masse rocheuse
aux assises redressées et disloquées, surmonté d'un ermitage
flanqué de cyprès ; je n'y ai rien vu, malgré les grandes surfaces
favorables. En remontant la rive gauche jusqu'à contourner cette
masse et la dépasser assez pour la contempler, on parvient à un
éboulis de mêmes rocailles derrière lequel s'élèvent brusquement
en gradins verticaux des falaises à bancs à peine inclinées domi-
nant la rive concave.
Couronnant l'angle de la falaise, et précédée d'une belle espla-
nade d'où le regard s'étend à une grande partie du défilé, se
trouve, comme en vedette, le rocher aux chèvres, le « canchal
de las Cabras Pinladas », qu'on atteint en passant auprès d'une
autre petite roche basse au plafond de laquelle existent quelques
barres alignées (fig. 16, n° 25).
A. Le Canchal de las Cabras Pintadas.
C'est un abri large d'une dizaine de mètres (fig. 1), très peu pro-
fond, dont le plancher se prolonge en avant en une terrasse assez
vaste dominant la gorge à pic et d'accès latéral relativement
facile. Presque toutes les surfaces à portée de la main et même
parfois un peu plus hautes, ont été peintes (PI. I et II). Un examen
attentif permit de constater que les peintures appartiennent à
plusieurs phases qui semblent dériver les unes des autres.
lre Phase. — A. Bouquetins en brun rouge foncé, exceptionnel-
lement en rouge, à cornes vues de face (fig. 2, 3,4). — Ces animaux
se rencontrent en abondance du côté gauche de l'abri, bien qu'Us
aient été plus ou moins détériorés par des piquetages d'époque
|6 H. BREL1L.
indéterminée. Ils témoignent fréquemment d'un véritable senti-
ment des formes et du mouvement ; il ne semble pas que les
ponctuations leur soient contemporaines : quand il y a contact,
les chèvres brunes sont oblitérées par ces dernières et les autres
signes, dont la couleur est plus rouge et mieux conservée. Au voisi-
nage de certains groupes, il y a même absence totale de toute
autre figure (gauche de l'abri). Exceptionnellement — 2 figures
sur 33 — , les cornes sont de profil, mais une fois il n'y en a
qu'une, et dans l'autre, elles sont mal faites. Deux figures sont
attribuables à d'autres animaux : un Félin, dont l'avant-train
subsiste seul, et une figure qui a quelque peu, fortuitement sans
doute, l'apparence d'un Éléphant (tig. 4).
2e Phase. — Ce sont des figures en rouge plus vif, dénotant une
dégénérescence très marquée de l'art (fig. 5); dix Bouquetins de
cette phase sont à signaler: tous ont les cornes de profil ; quant
aux formes, elles aboutissent parfois à de véritables schémas
presque inintelligibles. Elles sont placées tout au voisinage des
autres, ainsi qu'un Cerf très conventionnel et un grand nombre de
ponctuations et de signes qui sont de même teinte et de même
conservation ; parmi eux, se rencontrent plusieurs barres verti-
cales à multiples croisillons.
3e Phase. — En superposition réitérée sur toutes les figures
précédentes, vient un groupe de figures blanches. Il est repré-
senté, à droite, par une série de dix-sept Bouquetins et un Canidé,
au voisinage desquels il y a une figure de Bouquetin noire et qui
ne peut être plus ancienne (fig. 6). Un Cerf très déteint de même
couleur, avec traces de gravure, se voit au registre inférieur. Cet
ensemble est plutôt meilleur que le groupe n° 2; les cornes sont
toujours de profil.
Vers le milieu de l'abri, deux groupes de figures blanches se
retrouvent, en superposition très nette sur toutes les autres. L'un
ligure deux Poissons entiers et la queue d'un troisième, que
j'ai d'abord prise pour celle d'un Oiseau (fig. 7). L'autre (fig. (S)
est une scène de chasse, à laquelle prennent part deux minuscules
petits tireurs d'arc, faisant face à deux animaux cornus du genre
» rf ; au-dessus est une grande figure peut-être humaine et un autre
Bchéma minuscule qui l'est certainement. — Il arrive parfois que
de légers liserés rouges ou noirs accompagnent les peintures
bîanches, spécialement un Bouquetin de droite et les Boissons; ce
liseré me paraît résulter de l'action chimique de la peinture sur
LES PEINTURES RUPESTKES DÉ LA PENINSULE IBERIQUE. 17
la surface ferrugineuse de la roche. — Un seul groupe de ponctua-
tions blanches peut être signalé.
Parmi les figures intéressantes de cette phase, il faut signaler
la réfection inversée d'un Bouquetin de la première phase(fig. 4) ;
l'une des cornes a été interprétée comme queue, l'autre dessinant
les reins, tandis qu'un peu de couleur rajoutée à l'autre bout et de
légères additions blanches y silhouettaient une tête additionnelle
s'appliquant au derrière.
B. Canchal de la Pizarra.
Ce canchal est un groupe de plusieurs abris sous roche d'accès
très peu aisé ; à une vingtaine de mètres de distance, existent
deux groupes de figures, incontestablement de même âge que la
première phase du Canchal de las Cabras (fig. 9).
Placé dans un véritable défilé en miniature entre des blocs
tombés et la paroi de l'abri, se voient à quelques distances sur
deux pans rocheux différents un Carnassier à queue longue
recourbée, qui pourrait être une Panthère, et deux Bou-
quetins.
Un peu en aval, dans une partie très basse, se trouvent
six autres figures : la plus à gauche, malgré sa queue et ses oreilles
poilues, trop mal conservée pour être facile à interpréter, fait
penser cependant à un Lynx (fig. 10, à gauche) . Le groupe de droite
se subdivise en deux : en haut : deux figures de Bovidés passa-
blement enchevêtrés, et qui ne sont certainement pas des Bisons,
mais des Bœufs du groupe Taureau (fig. 9) ; le plus élevé est de bien
meilleure facture que le second. — Aussitôt en-dessous, sont
deux Bouquetins semblables à ceux de la première phase du
Canchal de las Cabras Pintadas.
C. Canchal del Zarzalon n° 1 (Grotte).
C'est une anfractuosité formant abri, occasionnée par une
diaclase par laquelle dévalent les eaux de pluie. On y remarque
deux panneaux (fig. 1 1 , n° 3) : l'un à droite, composé de six figures
(fig. 11, n° 3) :celle qui est au centre paraît une figure d'animal tout
à fait schématique ; elle est de couleur rouge vif, comme une étoile
à cinq branches, un cercle à neuf rayons, une ligne verticale à
quatre croisillons, et une autre dont les croisillons s'incurvent de
manière à donner à l'ensemble l'allure d'un myriapode.
l'anthropolooib. — T. XXIX. — 1918. 2
H. BREÛIL.
Quelques points rouges accompagnent la sixième figure, bande
verticale à six croisillons légèrement incurvés, qui est de couleur
jaune vif.
A l'intérieur de la grotte et à gauche, se trouve un second
panneau, constitué de deux ensembles s'oblitérant. Le plus ancien,
peint en noir, est assez déteint (fig. 12, 1) ; il se compose de trois
ou quatre figures humaines très schématiques assez semblables à
celles de la série blanche du Canchal de las Cabras. L'un des
hommes tient un instrument allongé, légèrement recourbé
comme un échenilloir dans sa partie supérieure. Un autre porte à
la taille un vêtement indiqué par deux traits divergents de chaque
côté, comme dans une figure de Cogul.
Superposés aux figures humaines, sont peints en rouge vif
trois barres verticales et un cercle à neuf rayons dont deux très
courts.
D. Canchal del Zarzalon (Grotte).
C'est une petite grotte, ou plus exactement un petit recoin
analogue au précédent. A droite, s'étale la frise peinte, (fig. 11,
n° 1 et 2) composée de dix-sept signes, dont neuf rouges : une barre
isolée, un petit groupe de deux barres horizontales et six points,
un autre de quatre barres verticales, deux étoiles à cinq branches,
un « pectiforme » à six dents, un « scolopendre » se terminant en bas
comme une figure humaine et deux autres. Les huit figures jaunes
en partie déteintes (il y en avait davantage) sont un cercle à huit
petits rayons, un autre à douze rayons bien développés et six
figures allant de la barre à croisillon au « scolopendre » le plus
myriapode (douze paires d'appendices», en passant par des inter-
médiaires dont les appendices inférieurs font penser à une figure
humaine schématique.
E. Canchal de Mahoma.
En continuant à la même hauteur, on trouve, en face de la
Cueva del Cristo, une plateforme dominant à pic le torrent et qui
se continue assez longtemps en côtoyant de belles surfaces verti-
cales exposées au soleil. Un très grand nombre de figures y ont
été peintes, principalement des ponctuations et des barres (fig. 11,
n 'i. 5; li^r. 16 et 18); la plupart sont rouges, mais il en est aussi
quelques-unes de jaunes ou de blanches, en nombre très restreint.
LES PEINTURES RUPESTRES M7. LA PÉNINSULE IBERIQUE. IQ
Il existe aussi quelques petites figures plus curieuses : d'abord
un Poisson et un petit Lapin (fig. 9, n° 5 et 6), rappelant les images
de Bouquetins primitifs du Canchal de las Cabras, puis des
schémas difficiles à comprendre, mais d'une lecture très facile, et
des groupes de ponctuations infiniment menues, comme on en
trouve sur les galets coloriés de Mas d'Azil (fig. 13).
Après un groupe de barres verticales, les peintures rupestres
cessent de ce côté en amont. Mais sous la ligne rocheuse suivie,
et plus près du torrent, il y a encore deux petits ab?is en partie
ruinés avec quelques barres et quelques points, l'un sous le
Canchal del Zarzalon, l'autre en dessous de celui de las Cabras
Pintadas (fig. 16, n° 5).
F. Canchal del Cristo.
L'autre rive est d'une topographie autrement montueuse et
coupée de ravins ; elle présente à l'exploration de grandes diffi-
cultés, à cause de la nécessité de passer et repasser le torrent ou
de celle d'escalades presque vertigineuses. Nous y avons reconnu
trois Canchales à fresques : 1° le Canchal del Aguila déjà mentionné
(fig. 17, n°6) ; 2° La Cueva del Cristo, véritable grotte presque inac-
cessible, mais remplie de nombreuses figures, principalement des
barres et des points, mais aussi des pectiformes, un scaliforme,
des cercles à rayons, etc., couvrant parfois des surfaces étendues
(fig. 14, 15). On peut constater en certains points une succession de
figures, d'ailleurs analogues les unes aux autres, où les plus
anciennes sont en rouge sombre, tandis que les plus récentes
sont en rouge vif.
Au dessus de la Cueva del Cristo, une corniche étroite donne
accès à un abri formé par l'effritement d'un lit d'ardoise, sur
laquelle est peinte une figure humaine (fig. 10, n° 2) les bras
étendus, qui a sans doute été le point de départ de l'appellation
de la grotte et du Canchal tout entier. (1)
G. Canchales de las Torres et de la Villita.
En amont du Canchal del Cristo, et à la rencontre d'un vallon
aux formes plus douces et de la gorge où coule le torrent, deux
(1) Au xviue siècle, on y a peint en rouge sur le panneau de signes situés à
gauche un écusson ovale, surmonté d'une couronne, et encadré d'un rectangle à
Intérieur grillagé de diagonales contrariées.
30 H. BREUIL.
promontoires profilent leurs roches escarpées en forme de bas-
tions : c'est le Ganchal de la Majada de las Torres, où les pâtres
viennent abriter parfois leurs troupeaux. Il est exposé en plein
midi et très chaud quand le soleil donne. Les panneaux peints
(fig. 12 et 17) de barres et de points rouges y abondent, mais il n'y
a qu'un seul signe figuré, schéma où l'on peut voir une figure
conventionnelle d'homme ou d'animal.
Les Canchales situés un peu plus en amont que nous avons
visités du même côté ne nous ont rien laissé voir; sur l'autre rive, il
restait un inconnu que le mauvais temps et la fatigue nous empê
cha d'éclaircir dès 1910 et qui nous ramena dans larégion en 1912 ;
nous y trouvâmes des peintures sur deux roches, mais aucun pan-
neau important (fig. 18, n° 1). Toutefois une série de barres rouges
entourées d'une auréole de points blancs introduit un élément
nouveau dans la série (fig. 19, n° 1).
H. RlSCO DEL ClERVO.
En 1915, ayant eu de nouveau l'occasion de revenir, bien rapi-
dement, aux Batuecas, je découvris quelques peintures de peu
d'intérêt (fig. 17, n° 7) dans un petit abri très élevé (El Risco del
Ciervo) situé à gauche du sentier qui descend du Portillo au cou-
vent, par los Bardales et toutcontre la piste même. Don Angel, curé
de las Mestas m'affirma, durant ce même voyage, qu'il y avait un
autre abri peint, avec des barres juxtaposées très visibles, en un
point très élevé situé entre la partie haute de la vallée des Batue-
cas et la vallée contigiie de Ladrillar dans le Monte Valdemontoso
entre le Collado Suentes et le Pico Mingorro.
4. L'âge des peintures des Batuecas, comparaison
et conclusion.
L'âge des fresques rupestres d'Espagne à desseins plus ou
moins schématiques et stylisés a été l'objet de plusieurs hypo-
thèses. Lorsque j'eus pour la première fois l'occasion d'étudier les
fresques de la vallée des Batuecas (1), je notai l'analogie frappante
1 L'Anthr. XXI, 1910, p. 369 et suiv. — Je me bornais à souligner l'analogie
Incontestable des signes alphabétiformes et autres, ponctuations et traits alignés avec
galets peints «lu Mas d'Azil, et à celles de certains panneaux de Miaux,
Pindal, etc. ; je soulignais aussi l'analogie des schémas humains avec certains
LES PEINTURES RUPESTRES DE LA PENINSULE IRERIQUE. 2 1
des points ou barres allignés en série, et des bandes rameuses
pectinées ou scaliformes avec les peintures sur cailloux du Mas
d'Azil. Cette ressemblance a été l'objet de quelques précisions de
la part de M. Obermaier (1); dans un récent travail, il a, à juste
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Fig. 14. — Panneau principal de la Cueva del Cristo. Échelle : environ 1/9.
titre, montré l'identité des hommes stylisés en $ et en E couché
dans les deux séries, ainsi que le double- chevron, la croix à
éléments de Cogul et Albarracin ; d'autre part, je remarquais l'absence de tout
vestige néolitique, céramique ou autres, dans le voisinage des roches peintes des
Batuecas.
(1) El Hombre fosil, Madrid, 1916.
22
II BREUIL.
simple ou double barre, le scaliforme à une seule verticale recou-
pant un grand nombre d'échelons, etc. Il a démontré comment, à
la lumière des stylisations rupestres espagnoles, on pouvait établir
la signification humaine de beaucoup des signes des galets peints.
Il y a un trop grand nombre de concordances entre les deux séries
pour que leur origine puisse être distincte. Aussi M. Obermaier
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Fig. 1."). — Divers panneaux de signes rouges de la Cueva del Cristo. 1 est au centre;
2 et 3 à droite. Échelle : environ 1/7.
adopte-t-il l'idée, que j'ai émise à plusieurs reprises, d'un foyer
méridional où se serait formé l'art schématique à partir, sans
doute, d'un point de départ plus naturaliste, dès l'époque pré-
néolithique et même paléolithique final. La civilisation capsienne
aurait évolué in situ vers Y Azilio-tardenonien, qui aurait, sous
l'influence des premiers arrivants néolithiques, émigrés partielle-
ment irera le nord, essaimant dans les Pyrénées, l'Europe occi-
dentale et même centrale; mais tandis que ces fugitifs y laissaient
leurs galets peints, ceux qui étaient demeurés dans le sud et le
LES PEINTURES RUPESTRES DE LA PENINSULE IBÉRIQUE. ^3
centre de la péninsule subirent fortement les influences des nou-
veaux venus et enrichirent leur art d'un certain nombre d'élé-
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Fie. 16. — Divers groupes des signes et ponctuations du Canchal de Mahoma (1, 2, 3,
4, 6, 7, 8, 9) et de la Pizarra (5). — Largeur de 1 : 0m,42 ; — de 2 : 0m,28 ; — Hau-
teur de 3, peint en blanc : 0~,12 ; — Largeur de 4 : 0m,35 ; — Hauteur de 5 : 0m,17;
— Largeur de 6 a : 0,03 ; - 6 b : 0,06 ; — 6 c : 0,07 ; — 6 d : 0,06 ; — 6 e : 0,10 ; -
de 7 : 0m.033; — de 8 : 0,10; — de 9 : 0,04.
ments empruntés à leurs idées, comme la représentation des
figures de femmes « à tête de chouette » du monde dolménique et
celle des idoles rectangulaires et bitriangulaires du Néolithique
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Fig. 17. — Divers panneaux de signes rouges de La Majada de Las Torres (1 à 5, 8) du
Risco del Ciervo (7) et del Aguila (6).
ibérien. Cet art pictural se manifestant d'un côté par des dessins
en couleur, d'autre part par des gravures sur rochers, descend
incontestablement jusqu'au début de l'époque du Bronze.
l'A
H. 1SREUIL.
Quelle est la place, dans ce vaste espace de temps, qui va depuis
la fin du Paléolithique jusqu'aux métaux, des diverses manifesta-
tions picturales des Batuecas ?
On ne saurait, en aucun cas, attribuer un seul âge à toutes, car
nous avons vu qu'il en est de caractères nettement différents.
Le groupe le plus ancien, composé presque exclusivement de
petites Chèvres brun-foncées assez naturalistes peut parfaitement
être paléolithique, et correspondre dans l'ouest -de la Meseta aux
manifestations naturalistes d'Alpera et Cogul dans l'Est. Les
figures sont mouvementées, parfois assez bien dessinées. Dans
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Fi s. 18. — Divers panneaux de signes rouges vifs des Canchalesde la Villita (1). Mahoma.
Plusieurs se superposent à des Bouquetins du même style que ceuxjde « Las Cabras
Pintadas ». Echelle de 1 et 2 : 1/9. — Largeur du panneau de droite : 0",80.
aucun abri certainement néolithique nous n'avons trouvé de
figures comparables.
En revanche, les petites Chèvres rouges à cornes de profil des
Batuecas et les petits animaux blancs peuvent être comparées à
beaucoup d'autres de Sierra Morena (1), d'Extrémadure, d'Al-
meria (2), d'Albacete (3), et de Cadix (4), qui sont en partie
néolithiques. Il est vrai que ces figures y sont plusieurs fois anté-
rieures à des dessins nettement déterminés comme néolithiques,
de sorte qu'il reste douteux si ces petites figures sont ou non
néolithiques. A la Cueva Negra (Alpera), elles sont superposées à
(l) Rabanero, Camforros de Pe&aranda, Despeûaperros, Cerro Monuera (Aldeaque-
mada . Piedra Escrita et fiatanera (Fuencaliente), et, au sud du Guadalquivir, las
Grajai <!*' Jimena de Jaen.
Loi Letreroa, Fuente de la Asa i Vêlez fllanco).
La Cuftva negra (Alpera] «;t autres.
(4) Tajo de lai Pigui
LES PEINTURES RUPESTRES DE LÀ PÉNINSULE IBÉRIQUE. 20
des débris de fresques naturalistes et il existe au pied de l'abri un
gisement à petits silex tardenoisiens, conditions favorables à une
attribution épipaléolitbique.
En revanche, à los CamforrosdePenaranda;les animaux figurés
sont conduits avec une longe par des personnages semblables à
d'autres sousjacents, à Piedra Escritade Fuencaliente, aux figures
néolithiques typiques ; de plus la poterie néolithique y abonde.
On a donc ici une indication plutôt protonéolithique.
Les figures ramiforrnes et autres des abris du Zarzalon, de la
Pizarra, de la Cueva del Gristo, de Mahoma et de las Torres
manquent complètement d'élément typiquement néolithiques, de
sorte que leur analogie est plus grande avec les galets peints
aziliens qu'avec les abris sous roches d'âge sûrement néolithique
des roches d'Extrémadure, qui sont les plus voisines.
Il paraît en outre bien difficile d'admettre l'âge néolithique des
fresques des Batuecas, en présence de l'absence apparente dans
toute la vallée, de tout vestige d'objet oa de monument caractéris-
tiques de cet âge.
Les seuls objets recueillis au cours de trois explorations que
j'y ai faites sont en effet de rares fragments de quartzite et
quartz hyalin d'un travail très primitif, semblables à ceux de l'abri
de la Tabernera de la Hoz del Rio Frio (Sierra Morena).
X
ROCHES PEINTES DE GARGIBUEY^ (salamanca)
Lors de mon second voyage aux Batuecas au printemps
1911, je fis halte, entre Bejar et La Alberca, au village
de Garcibuey; on nous y avait signalé une grotte avec des
inscriptions dans la montagne dominant le village ; malheureuse-
ment ces dernières étaient en pur castillan. Néanmoins M. Cabré
qui m'accompagnait eut la chance de trouver au seuil de la cavité
un fragment d'ardoise avec plusieurs lignes de caractères alpha-
bétiques inconnus, peut-être ibériques. Ayant aperçu près de là
(1) Ct. L'Anthropologie, 1912, p. 18.
2l)
II. BREUIL,
une vallée encaissée se resserrant en gorge profonde avec des
rochers de 'grès siluriens propices aux peintures rupestres, j'en
Fig. llJ. — En haut, barres rouges à contours ponctués de blanc^de l'un des Ganchales
de la Villita; en bas, barres analogues et arceau également contourné de points
blancs, de la grotte de Garcibuey. Échelle : 1/4.
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Fia. 20. — Figures et signes peinte de la grotte <le Garcibuey. Échelle : environ 1/4.
Os l'exploration en deux journées. Au point le plus resserré du
défilé, je découvris, sur la rive droite, et assez haut au-dessus du
LES PEINTURES RUPESTRES DE LA PENINSULE IBERIQUE. 27
cours d'eau, une petite grotte, à surfaces rocheuses très fissurées,
et en voie d'effondrement, qui était ornée de quelques figures
peintes en rouge. Il y avait (fig. 20) trois figures humaines, dont
un archer, des signes stelliformes, des semis de points, un cercle
barré, un signe pectiforme et un autre cruciforme, et des taches
alignées. Le plus nouveau de cet ensemble était un arceau rouge
et deux barres entourées de ponctuations blanches (fig. 19, n° 2
et 3).
Un peu en aval, et au niveau de la rivière, un autre abri présen-
tait un petit nombre de ponctuations alignées.
L'Anthropologie, T. XXIX
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Partie gauche
DU CANCHAL DE LAS CABRAS PINTADAS
(Las Batuecas)
Echelle : environ 1/4.
L'Anthropologie, T. XXIX
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Panneau élevé, situé au-dessus
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Partie droite
DU CANCHAL DE LAS CABRAS PINTADAS
(Las Batuecas)
SUR QUELQUES VA.RRT10NS
DES OS « DES CRÂNES GRECS ANCIENS » "
PAR
M. le Dr hed Jean G. KOUMARIS
Directeur du Musée d'Anthropologie de l'Université d'Athènes.
Au cours de mes études sur les précieuses collections de crânes
ayant appartenu aux Hellènes des époques passées, que le soin
de mon savant prédécesseur et fondateur du Musée d'Anthropo-
logie d'Athènes, feu Clow Stephanos, a sauvés pour la science, j'ai
noté quelques observations sur différentes variations des os du
crâne. Je crois qu'il peut y avoir quelqu'intérêt à présenter ici
très brièvement (2) les plus intéressantes, principalement au point
de vue statistique.
Je le fais avec d'autant plus d'empressement que je sens le
devoir de tâcher de combler au moins quelques-unes des lacunes
qui existent dans la littérature anthropologique, surtout au point
de vue de la race grecque. La pauvreté des données anthropolo-
giques concernant mon pays y saute douloureusement aux yeux à
chaque page ; la race grecque n'est mentionnée que fort rarement
et de la manière la plus incomplète.
Les observations ont été faites généralement sur des crânes
d'un âge mûr. Le nombre des crânes féminins étant très restreint,
nous les avons compris dans l'ensemble.
(1) Je suis obligé de comprendre, pour la présente communication, sous la
rubrique vague : « crânes grecs anciens », tous ceux qui sont exhumés par les
archéologues en Grèce (Grèce continentale et dans les îles d'Egée, la Crète exceptée) et
qui appartiennent aux temps préhistoriques, classiques, des premiers siècles de notre
ère et même plus récents encore.
(2) Késumé de deux publications qui paraîtront en grec, dans l'Annuaire de
l'Université.
l'anthropologie. — t. xxix. — 1918.
3o l>r HED. JEAN G. KOUMARIS.
I
Parmi les variations des régions du crâne situées sur le plan
sagittal, nous avons étudié les plus intéressantes.
Le « troisième gondyle )) au basion de l'os occipital et les
a émineticps accessoires », ou, comme je me permets de les
appeler, les « psendocondyles », ne sont pas rares dans les séries
des crânes examinés. Je dois avouer pourtant que je trouve
cette division, en vrai et faux condyle, quelquefois extrêmement
difficile et plus ou moins conventionnelle ; je suppose même
qu'elle occasionne bien des différences entre les statistiques.
Sous cette réserve, et en restant le plus strictement possible
dans la division ordinaire, j'ai observé le troisième condyle
6 fois sur 539 crânes anciens pouvant être pris en considération
au point de vue de cette anomalie, c'est-à-dire dans une propor-
tion de 1,11 0/0.
Dans un cas le condyle basiaque, très massif, mesure M milli-
mètres de hauteur.
Quant aux pseudocondyles, je les ai rencontrés 29 fois sur le
même nombre de crânes ; c'est-à-dire : 5,38 0/0. Il est intéressant
de constater que parmi 13 cas de ces éminences simples, 11 fois
l'apophyse se trouvait à gauche de la ligne médiane ; et plus
encore, dans les autres cas, d'une végétation double, celle de la
moitié gauche est en général bien plus exagérée.
Le condyle surnuméraire dans ses deux formes d'apparition se
remarque 18 fois sur des dolichocéphales, 8 fois sur des méso-
céphales et 6 fois sur des brachycéphales (1) ; dans 3 cas, l'indice
relatif n'a pu être mesuré.
J'ai vu l'anomalie 28 fois sur des crânes du sexe mâle, 2 fois
sur des crânes féminins et 5 fois sur d'autres crânes.
L' « os interpariétal » de l'Homme, résultant de la présence à
un âge avancé de la suture biastérique parfaitement développée,
n'a pas été rencontré sur un grand nombre de crânes de nos
collections.
(I) Dol. = x-77,76; méf. - 77,77-79,9!) ; br. = 80,00-*.
Si II QUELQUES VARIATIONS DES <>> « DES CRANES GRECS ANCIENS ». 3l
Sur 653 crânes examinés h cet égard, j'ai trouvé 1 cas seule-
ment d'interpariétal, complet, indivis, dans un état même de
synostose très avancé. La suture biastérique se détachait pourtant
à gauche quelque peu au-dessus de l'astérion. La proportion est
par conséquent minime, de 0,15 0/0. En ajoutant même 2 cas
d'interpariétal incomplet, unilatéral, droit, moitié et tiers de la
variation typique et 1 cas très intéressant d'un interpariétal
incomplet, bilatéral, dont les deux moitiés sont séparées au
milieu par un prolongement vers le lambda du suroccipital, nous
n'avons que 4 cas en tout, ou une proportion de 0,61 0/0.
En plaçant ce chiffre dans le tableau de Martin (Anthropo-
logie, 1913), nous voyons que la présence de l'interpariétal chez
les Grecs anciens est des plus faible.
En outre, j'ai aperçu, dans le même nombre de crânes, quelque-
fois des fissures astériques incomplètes, d'une part 12 fois et
d'autre part 24 fois ; et sur 43 autres crânes, des traces seule-
ment de la suture biastérique. Et dans ces cas plus nombreux, j'ai
pu constater une fois des traces de cette suture se dirigeant
indiscutablement au-dessous de l'inion. Je note ce fait, vu sa
signification pour la question de la genèse de linterpariétal (Le
Double, Variât, des os du crâne, 1903).
Relativement à l'indice céphalique, j'ai rencontré les 2 cas de
la variation sur des crânes longs et les 2 autres sur des crânes
courts. Tous les quatre sont masculins.
L' « os épactal » des Inkas, du à la présence d'une suture
horizontale supérieure de l'écaillé de l'occipital, se rencontre bien
plus souvent que l'interpariétal dans les collections de crânes
anciens de la Grèce. Je l'ai vu, sur les mêmes 653 crânes, 78 fois.
Nous avons, par conséquent, une proportion de 11,94 0/0, qui se
place dans le tableau correspondant de Martin, après celle des
crânes de la Floride ; la variation se présente ainsi plus souvent
que chez d'autres races européennes.
L'épactal est 55 fois simple ; dans la plupart des cas, il est irré-
gulier ; les belles formes triangulaires typiques sont assez rares.
La variation se présente 43 fois sur des crânes du type
dolichocéphale, 17 fois mésocéphale et 13 fois brachycéphale ; le
type des 5 autres ne pouvant être déterminé.
65 crânes anormaux appartenaient au genre masculin, 6 au
genre féminin.
32 Dr HED. JEA* G. KOUMAÎUS.
L' « appendice linguiforme du lambda )) a été constaté, parmi
les 653 mêmes crânes, 1 fois : 0,15 0/0, malheureusement dans
un état de synostose très avancée ; l'apophyse s'étend jusqu'à
l'obélion.
Le crâne appartient au type dolichocéphale et au sexe masculin.
L' « os bregmatique », extrêmement rare comme on sait dans
la race blanche, a été trouvé pourtant 7 fois sur 646 crânes du
musée ; ce qui donne une proportion de 1,08 0/0.
Cependant nous n'avons peut-être pas le droit, en nous basant
sur cette petite statistique, de conclure qu'à cause de cette plus
grande fréquence de l'osselet anormal, l'apparition du bregma-
tique était vraiment plus fréquente autrefois qu'aujourd'hui, ainsi
qu'on l'a prétendu.
Je n'ai vu que des cas d'os simple ; et, sauf 2 cas de bregma-
tique typique, les 5 autres se présentent comme hémibregma-
tiques supérieurs. 3 fois il est accompagné de métopisme.
Le bregmatique a été trouvé 5 fois sur des dolichocéphales et
2 fois sur des mésocéphales.
Tous les cas appartiennent au sexe masculin. Le nombre des
crânes féminins dans les collections étant restreint, on ne saurait
vraiment conclure que c'est « une anomalie presque exclusive
des crânes masculins ».
Le « métopisme », la variation la plus intéressante de ces
régions, a été rencontré 68 fois parmi 677 crânes examinés à ce
point de vue ; ce qui nous donne une proportion de 10,40 0/0.
En comparant la parfaite harmonie de ce chiffre avec celui des
crânes des Parisiens dans le tableau relatif de Martin, oserons-
nous reprendre l'idée, déjà admise, que le métopisme se ren-
contre bien plus souvent parmi les peuples modernes ou anciens
les plus civilisés? Un simple regard sur le tableau déjà men-
tionné nous oblige à être de cet avis.
Au surplus, je dois signaler le fait, non moins intéressant, que
parmi les précieux crânes préhistoriques (de Mycènes, d'Attique,
des lies d'Egée etc.) surtout, mais encore dans quelques collec-
tions de la plus haute antiquité, la présence du métopisme est
presque nulle. Dans d'autres collections antiques pourtant
(d'Athènes, de Corinthe, d'Erétrie etc.), aussi bien que sur des
SUR QUELQUES VARIATIONS DES OS (( DES CRANES GRECS ANCIENS )). 33
crânes des temps plus récents, la persistance de la suture médio-
frontale est très commune.
Entre ces cas de métopisme, on pourrait en examiner plus
minutieusement 58. Dans ce nombre, je n'ai pu constater que 13 fois
un capat craciatum (22,41 0/0). Parmi les autres 45 cas d'un
métopisme asymétrique avec discontinuité de la suture métopique
et de la suture bipariétale, je n'ai trouvé que 4 cas seulement
d'une déviation de la première à gauche du plan médian du
corps; dans les autres 41 cas, la suture métopique inclinait à
droite. C'est une particularité dont nous ignorons la cause.
Sauf 5 cas, dans lesquels l'indice horizontal du crâne n'a pu
être déterminé, le métopisme se rencontre 34 fois sur des crânes
dolichocéphales, 14 fois sur des mésocéphales et 15 fois sur des
brachycéphale. Cette petite statistique ne permet d'établir aucune
relation entre le métopisme et les diamètres principaux du crâne.
Par contre, on pourrait trouver une relation de ce genre entre
le métopisme et le développement du front en particulier. La
mensuration de l'indice frontal (fronto-pariétal) a donné 3 crânes
sténométopes, 11 crânes métriométopes et 52 crânes eurymé-
topes, présentant la suture médiofrontale (1) ; 2 crânes n'ont pu
être mesurés relativement à cet indice. Nous avons par consé-
quent une proportion, vraiment très grande, de 78,78 0/0.
Le métopisme a été rencontré sur 3 crânes féminins, 57 mascu-
lins et 8 de sexe indéterminé.
Pour terminer, je voudrais ajouter que parmi le même nombre
de crânes j'ai constaté dans un cas (0,14 0/0) des traces asté-
roïdes de la fontanelle médio-frontale, au milieu du front, sur
1 crâne métopique, du moyen-âge (Athènes), de type brachycé-
phale et eurymétope, du genre masculin et d'un âge mûr.
II
Parmi les variations des régions latérales du crâne, je voudrais
mentionner seulement celles qui concerne le « ptkrion ».
Il est nécessaire, je pense, d'insister d'abord sur le besoin de
préciser plus exactement qu'on ne le fait souvent les limites des
formes du ptérion en K ou en I. Je crois qu'on ne pourrait autre-
ment avoir des statistiques comparables entre elles.
(1) St. = x-65,99 ; met. = 66,0 68,99 ; eur. = 69,0-x.
l'anthropologie. — t. xxix. — 1918. 3
Ofi Dr HED. JEVN G. KO U MARIS.
Dans le ptérion en K nous n'avons à voir qu'un contact par
rapprochement des deux os latéraux dans leur totalité et sans un
prolongement vrai, à cause d'une hypoplasie de l'aile du post-
sphénoïde ; il en résulte une suture sphéno-pariétale = o, ou
presque o, de 1 ou de 2 millimètres au plus. Ce n'est qu'à un
ptérion pareil qu'il convient d'attribuer le nom de « sténocro-
taphie ». Il n'y a aucune raison, selon moi, pour comprendre sous
ce titre des ptérions de 6,11 millimètres ou plus encore Nous
n'avons que l'H normal, plus ou moins étroit.
La sténocrotaphie, représentée par la forme K typique, s'oppose
à toutes les autres formes de recouvrement du vide de la fon-
tanelle ptérique. Nous entendons : a) la forme normale du ptérion
en H vertical, jusqu'à la plus grande extension de l'aile ; c'est-à-
dire d'une suture sphéno-pariétale de quelques millimètres
jusqu'à plusieurs centimètres ; b) le ptérion en I, naissant d'une
apophyse au vrai sens du mot de l'un ou l'autre des os laté-
raux ; c) l'os ptérique. Tous ces ptérions peuvent être compris
sous la dénomination générale d' d eurycrotaphie ».
Je n'ai presque pas rencontré dans les collections examinées
le ptérion en K avec la suture sphéno pariétale = o. Sur
581 crânes, j'ai constaté cette forme de ptérion avec un rappro-
chement de 2 millimètres au plus, seulement 5 fois ; c'est-à-dire
dans une proportion de 0,8&0/0.
Ce chiffre se placerait tout au commencement du tableau relatif
de Martin, si on avait le droit de l'y enregistrer. Sur une dizaine
de crânes, la suture du milieu est très courte, mais je ne saurais
ranger ces cas dans la sténocrotaphie typique. La variation est
en général bilatérale.
Le ptérion en I a été observé 15 fois sur le même nombre de
crânes ; 13 fois comme un processus de récaille de l'os temporal et
1 fois de l'os frontal. Les 7 cas étaient unilatéraux, accompagnés
de l'autre côté d'un os ptérique ou d'un H. La proportion
pour cent de la variation est : 2,58 0/0.
En plaçant ce chiffre à côté de ceux du tableau de Martin, nous
relevons une fréquence marquée, en comparaison de la pré-
sence de cette variation sur les crânes européens.
Je ne comprends pas, dans ce nombre, 14 autres cas de prolonge-
ments incomplets, qui altèrent seulement l'expression d'H vertical.
L'os ptérique, a été rencontré 134 fois parmi ces 581 crânes,
dans une proportion de 23,00 0/0.
Mil QUELQUES VARIATIONS Mis os « DES CRANES GRECS \\<:n-:\s ». 35
76 fois l'os était unilatéral, accompagné de l'autre côté d'un
H normal ou couché. Le ptérique typique et le ptérique posté-
rieur, les formes les plus ordinaires, se trouvaient dans une pro-
portion égale ; bien plus rare au contraire est le ptérique anté-
rieur et tout à fait exceptionnelles sont les autres formes. Enfin,
sauf l'apparition d'un os simple, double et triple, j'ai noté un cas
de 4 petits osselets bien distincts. Dans le tableau correspondant
de Martin, l'analogie ci-dessus occuperait une place très élevée :
entre celles des crânes des Bavarois et des Mélanésiens.
Parmi les différentes formes du ptérique, il en est une qu'il
faut mettre tout-à fait à part, la dénomination ptérique étant
même insuffisante. Il s'agit de l'os surnuméraire du crâne, d'une
grandeur rare, simple, s'étendant du frontal jusqu'à l'astérion à
peu près, en forme de sabre et entourant l'écaillé du temporal.
Pour cet os, en même temps fontanellique et suturai, pour lequel
le nom de ptérique comme aussi celui de wormien de la suture
pariéto-temporale sont vraiment insuffisants, il serait juste de
conserver par exemple le nom « sus-temporal » (supratemporale) .
On a donné ces divers noms plus précis au ptérique en général.
Il serait préférable de garder celui-ci au moins pour l'os anormal
décrit, qui ne présente ni un os wormien fontanellaire ptérique,
ni un simple wormien suturai.
J'en ai 2 cas, l'un unilatéral et d'une longueur de 70 millimètres,
l'autre bilatéral et de dimensions plus petites. Nous nous ren-
dons compte du mode de formation de cet énorme os de recou-
vrement, en observant, sur nombre de crânes, des formes
« intermédiaires », c'est-à-dire des formes parmi les plus longues
Je l'os ptérique. Il y a là une tendance de pénétrer à la suture
squamo-pariétale, jusqu'au milieu d'elle et plus encore.
Cette même tendance, on la voit remplacée sur d'autres crânes
par une vraie hyperplasie de l'aile du postsphénoïde qu'on pour-
rait, comme d'autre part, appeler « apophyse lingui forme de l'aile
du sphénoïde ». Pour ma part, je vois en outre un plus grand
rapport de l'os ptérique en général avec l'aile, qu'avec tout autre
os du voisinage.
Parmi les modes de recouvrement de la région du ptérion, nous
voyons donc que la forme en K représente le type rare, au
contraire de ce que dit Le Double ; nous n'avons, dans la sténo-
crotaphie, qu'un état du crâne tout à fait exceptionnel. Au surplus,
es cas du ptérion en K sont pour la plupart bilatéraux, ou tout
36 Dr HED. JEAN G. KOI MARIS.
au plus avec un H très étroit de l'autre côté. Au contraire, les
formes de l'eurycrotaphie, soit l'H typique, 11 et l'os ptérique,
comme nous venons de le voir, apparaissent très souvent alter-
nativement, Tune ou l'autre, aux deux côtés. Dans le petit nombre
de cas de sténocrotaphie dont je dispose, je n'en ai pas observé au
contraire un seul où elle fût accompagnée, de l'autre côté, par un[H
vertical large, d'un processus ou même d'un os ptérique. Je ne
saurais généraliser la question ; je note seulement des faits.
4 cas de sténocrotaphie appartiennent à des crânes dolicho-
céphales, le dernier à un crâne court. Les 15 cas du ptérion ren-
versé donnent 8 dolichocéphales, 3 mésocéphales et 4 brachy-
céphales. L'os ptérique apparaît, parmi les 134 cas, sur 66 crânes
longs, 30 crânes moyens et 30 crânes courts ; il est impossible
d'avoir l'indice des 8 autres crânes.
Il est intéressant de constater, quoiqu'il y ait une grande iné-
galité dans les crânes à comparer, que la sténocrotaphie se trouve
sur des crânes dolichocéphales, tandis que les variations de
l'eurycrotaphie, soit 11 et l'os ptérique, se trouvent, pour moitié
déjà, sur des crânes dont le diamètre horizontal a subi une
évolution. Les wormiens des régions situées au plan sagittal du
crâne (épactal, bregmatique), comme nous l'avons vu plus haut, se
trouvent plus souvent sur des crânes longs.
J'ai vu le ptérion en K sur 4 crânes masculins et 1 indéterminé ; le
ptérion renversé'sur 14 mâles et 1 indéterminé; l'os ptérique sur
108 crânes du sexe mâle, 9 du sexe féminin et 16 indéterminés.
Le nombre de crânes anciens examinés étant très restreint
en comparaison d'autres riches collections, je ne saurais essayer
de discuter des questions intéressant si fort l'Anthropologie;
je n'oserais aller plus loin dans l'interprétation des faits présentés.
Mon bagage est encore trop léger. On ne doit donc chercher,
dans le cadre modeste de cette communication, que des indica-
tions préliminaires.
Je n'ai donné que des chiiïres dans l'espoir qu'ils pourront être
d'une certaine utilité pour les études de l'avenir, à cause du
précieux matériel de crânes, antiques pour la plupart, sur les-
quels ces chiffres ont été pris.
NOTES
SUR CERTAINS RITES MAGICO-RELIGIEUX
DE LA. HAUTE CÔTE D'IVOIRE
LES GBONS
PAR
M. PROUTEAUX
Administrateur dos Colonies.
Dans un très grand nombre de villages de la Haute-Côte
d'Ivoire existent des confréries magico-religieuses peu étudiées,
bien que certaines de leurs cérémonies soient connues de tous les
Européens ayant vécu dans ces régions.
Chacun, en effet, a entendu parler, s'il ne les a vus, de ces
masques énormes et hideux qui sont la terreur des femmes, car
celles-ci seraient, dit-on, malades ou même mourraient de les
avoir seulement rencontrés ; ce sont les « Gbons » ou « Gbaons » ( J ).
Dans le cercle de Korhogo et dans celui de Bondoukou, ce mot
m'a semblé servir de terme générique pour désigner tous ces
masques ; mais j'ai tout lieu de croire que chaque tribu donne un
nom particulier au Gbon qui la protège.
On retrouve les mêmes masques, les mêmes rites, les mêmes
confréries chez les peuplades les plus diverses : M. Delafosse en a
signalé et j'en ai vu moi-même chez les Séné (2) des districts de
Boundiali et de Korhogo, je les ai retrouvés chez les Dioulas de
Kong, chez ceux, d'origine différente, de Bondoukou et villages
environnants (notamment Sorhobango et Bondo) et chez les
(1) Prononcer rapidement et d'une façon sourde.
(2) Le peuple Siena ou Senoufo.
l'anthropologie. — t. xxix — 1918
38 M. PROUTEAUX.
Ligbis de Bouna. Par renseignements, je les crois répandus dans
beaucoup d'autres tribus et villages, et j'ai pu me rendre compte
qu'ils étaient très proches parents du Goli des Baoulés.
Les manifestations extérieures de ces Gbons les plus connues
par les Européens sont leur présence aux funérailles de certaines
personnes notables, et l'on est souvent tenté de réduire leur rôle
aux danses et aux cérémonies funéraires.
Mais les danses des hommes ainsi masqué ne sont qu'un des
rites habituels des confrères placés sous la protection de l'esprit
représenté par le masque. Si elles font souvent partie des fêtes de
funérailles, c'est que les défunts que l'on honore appartenaient à
la confrérie ; les initiés ont bien d'autres occasions de se réunir et
le masque effectue fréquemment des promenades dans le village
qui lui est soumis.
J'avais dessein d'étudier dans la mesure du possible les rites et
les règles de ces confréries, et cela dans plusieurs tribus diffé-
rentes, mais le temps m'a manqué pour mener à bien cette
enquête.
Néanmoins je crois intéressant de donner la description d'une
sortie nocturne du Gbon des Ligbis de Bouna, qu'ils appellent
Sourado.
Je n'ai malheureusement pas de photographie du Sourado,
mais son aspect extérieur ne diffère pas sensiblement de celui de
ses cousins germains, les autres Gbons. Je donne des photo-
graphies de masques et d'homme costumé prises en 1914 à Bya,
petit village séné du district de Korhogo.
J'étais entré par hasard dans un bois et j'y avais surpris une
famille de prêtres (le père et deux fils) en train de sacrifier un
poulet aux masques sortis, pour l'occasion, de leur abri habituel.
Ce sacrifice d'un poulet et les rites qui l'accompagnent sont
périodiques (en certains lieux, hebdomadaires).
Le prêtre me permit sans difficulté de photographier les
masques et sur ma demande fit costumer l'aîné de ses fils. Cet
habillage est assez curieux.
Le vêtement est une sorte de combinaison faite d'un filet en
corde de Da (1) dont tous les nœuds sont garnis de longues
bouffettes de filasse, de manière que le corps soit entièrement
caché.
(I) Variété de chanvre.
SUR CERTAINS RITES MAGICO-REL1GIEU3 DE LA HAUTE COTE D'IVOIRE. 3g
On étend la combinaison sur le sol, la partie ouverte, qui doit
recouvrir le dos naturellement en dessus, on allonge les jambes
côte à côte et les manches en croix.
Le jeune homme se déshabilla entièrement : il n'avait à mon
arrivée qu'un cache sexe étroit, mais il le dénoua et ne garda
même pas une ceinture. La nudité de l'initié qui se masque est
sans doute rituelle car, devant moi, cet habillage n'était qu'un
simulacre et un cache sexe ne pouvait gêner.
Ainsi nu, le jeune homme s'assit à côté et à gauche du costume,
passa sa jambe droite dans celle du costume qui était près de lui
et, se couchant sur le ventre et se retournant, logea sa jambe
gauche. Puis, tandis que son frère remontait le vêtement sur le
torse, il enfila les manches et resta ainsi couché sur le ventre
jusqu'à ce que son aide eut avec un lacet réuni les mailles des
bords de la fente du vêtement. Une fois debout, on lui passa sous
les aisselles une ceinture garnie de] filasse très longue et très
fournie et l'on posa le masque sur sa tête. Celui-ci avait lui-même
une frange qui tombait sur les épaules, cachant la nuque et le
cou, et sa gueule ouverte se trouvait à hauteur des yeux du jeune
homme.
J'ai décrit cet habillage pour la curiosité du procédé, mais on
verra que, dans ses détails, le costume du Sourado est un peu
différent.
Le Sourado, je l'ai dit, appartient au Ligbis, mais son influence
n'est point limitée à leur quartier. Des hommes de tous les autres
quartiers, tant musulmans que non musulmans, Dioulas que
Koulangos, font partie de sa confrérie, et il étend ses prome-
nades dans tout le village. Aussi, lorsque résonne son tambour,
Bouna tout entier se fait silencieux et désert. Il faut reconnaître
qu'il a la discrétion de ne sortir qu'à une heure où les honnêtes
gens n'ont plus grand chose à faire dehors.
La nuit où je l'ai vu, la lune était superbe et, dans la soirée,
des danses et des chants avaient animé toutes les places, mais
vers dix heures et demie le silence s'était fait.
Un peu après 11 heures, brutalement, un tam tam d'une
violence inusitée résonna, très scandé, très particulier. A un
croisement de sentier, à une centaine de mètres du quartier
Ligbi quelques gamins s'agitaient : l'un d'eux avait entre les
jambes, couché à terre, un tambour trapu d'environ 60 cm. de
long sur 40 de diamètre, sur lequel il frappait à coups redoublés
^o M- PROUTEAUX.
de sa main étendue. Ce tambour spécial est entièrement recouvert
de deux peaux de bœuf, je crois, cousues ensemble vers le milieu
de l'instrument, et maintenues en outre par une armature de
lanières de cuir (1).
Le poil noir a été laissé partout sur les peaux sauf sur un
espace rectangulaire de quelques centimètres de côtés, à l'endroit
où la main frappe.
A côté de ce gamin qui s'escrimait sur le tambour rituel,
deux garçons frappaient sur des tambours plus petits et d'usage
courant, et quelques autres sautillaient autour du groupe sous la
surveillance de deux vieillards.
Mais le bruit réveillait le village et le nombre des danseurs
grossissait rapidement : c'étaient tous des enfants de 10 à 15 ans.
Dès qu'ils furent une vingtaine, au lieu de sautiller au hasard
ils régularisèrent leurs mouvements. Formant plusieurs files
concentriques, ils se mirent à tourner autour des tambours,
courbés, chacun tenant la taille de celui qui le précédait, et se
trémoussant en chantant un air très" vif et très gai.
Les deux vieillards dirigeaient les évolutions et veillaient à ce
que les règles fussent observées : ainsi plusieurs gamins ayant
des boubous ou des tuniques sans manches, les vieux les arrê-
tèrent aussitôt et les forcèrent à quitter des vêtements pour s'en
entourer les reins à la façon d'un pagne ; c'est la tenue obliga-
toire : le torse nu et un pagne faisant jupon jusqu'aux genoux.
Seuls les deux vieillards conservaient leurs boubous.
Pendant ce temps, sur le sentier qui va vers la campagne,
trois hommes surgis de l'ombre s'agitaient : l'un, un pagne blanc
roulé en corde, passé autour des reins et entre les jambes, le bout
retombant derrière jusqu'au mollet, courait, allant, venant,
repartant pour revenir aussitôt, toujours courbé et agitant une
sonnette, les deux autres en boubous, arpentaient d'un pas lent
les 50 premiers mètres en soufflant dans les trompes d ivoire
(1) Presque tous 1ns tambours spéciaux aux rites magiques présentent la même
singularité que les deux peaux sont cousues ensemble. Tels sont, par exemple, le
gros tambour de funérailles des Séné, le lomisi de Kong (tambour spécial aux
danses masquées) et 1.! tambour des danses masquées de Bondoukou : le bois de ces
timbours es! entièrement recouvert par la peau. Au contraire, les tambours d'usage
courant, qu'ils soient à une ou deux peaux, ont celles-ci limitées à la surface réson-
1 1 .- 1 ut*- et tendues par des chevilles placées à quelques centimètres du bout de l'instru-
ment, lue autre particularité de ces tambours magiques est qu'on les frappe de la
m lin et non (l'une baguette.
Fio. 1 — Le Gbon dcBya.
;( H CERTAINS EUTES MAGICO-RELIGIEUS DE LA HAUTE COTE D'iVOIRE. l\3
dont l'embouchure est juste à l'extrémité pointue, et non, comme
d'habitude, sur le côté.
Au bout de quelques minutes, les vieillards donnèrent le signal
du départ et tout le monde revint vers la place centrale du
quartier Ligbi.
Le cortège se forma ainsi : en avant les tambours, puis un
groupe de gamins courbés, rythmant leur pas sur leur chant, et
précédés de deux des plus grands marchant à reculons et battant
la mesure pour maintenir la cadence accélérée, enfin quelques
hommes en boubous et les deux vieillards.
Arrivés sur la place, les tambours s'adossèrent à un angle de la
mosquée, les gamins, toujours chantant et se trémoussant, se
massèrent à côté sur plusieurs rangs ; les deux vieillards et moi
nous primes place sous un arbre juste en face.
Mais je sentis que l'un de mes compagnons, un musulman, et
des plus notables du quartier, était très préoccupé. A mesure que
l'arrivée du Sourado devenait imminente, il donnait des signes
d'une réelle anxiété. A la fin, n'y tenant plus, il me fit un
discours assez embarrassé, dont le fond était à peu presque la vue
du Sourado est dangereuse pour les non initiés, et que, s'il
m'arrivait un accident le soir en rentrant ou le lendemain, il se
ferait des reproches de m'avoir amené ici. Aussi me supplia-t-il
de me soumettre à une légère formalité qui devait écarter toute
crainte de la colère de l'esprit. Après avoir refusé d'abord, je vis
le bonhomme tellement anxieux que je finis par accepter, ce dont
il me remercia beaucoup avec un soulagement évident (1). Lo
(1) En ne me soumettant pas à cette fantaisie, je risquais, si par hasard je mar-
chais sur un scorpion en rentrant ou j'avais un accès de fièvre le lendemain, de
donner par ces coïncidences d'irrécusables preuves de la puissance du Sourado. Les
Européens, sans le vouloir certes, contribuent plus souvent qu'on ne le croit à ren-
forcer les superstitions des Noirs. En voici un exemple typique : un officier en
reconnaissance hydrographique arriva un jour à l'entrée d'un petit lac. Les gens
d'un village tout proche le prévinrent que ce lac était la propriété et la demeure d'un
génie fort puissant et qu'il était nécessaire de l'apaiser avant de tenter le passage.
L'Européen qui avait des pagayeurs étrangers à la région, rit au nez des indigènes et
passa tandis que ceux-ci le prévenaient que dans sa colère le génie avait l'habitude
de fendre de bout en bout les pirogues qui s'aventuraient sur le lac sans sa permis-
sion. Le lac était très poissonneux, et, comme il le faisait tous les jours pour nourrir
le nombreux personnel de la mission, un caporal du génie voulut pêcher à la
dynamite. Ce caporal savait à n'en pas douter manier les explosifs et n'avait jamais
eu le moindre accident. Or le hasard voulut que ce jour là, la cartouche lui échappât
au moment du lancement, coulât juste sous la pirogue et, en éclatant, fendit celle-ci
d'un bout à l'autre. Le caporal et son chef durent regagner la rive à la nage et le
H M. 1>H(»1 TEAUX.
sonneur de clochette m'apporta une calebasse d'eau, qui, la nuit,
paraissait pure, et y trempant la main je me mouillai légèrement
le front et le visage. Cette ablution fut considérée comme suffi-
sante, mais, dans la pratique ordinaire, elle a lieu dans une case
ou l'un des initiés répand lui-même l'eau lustrale sur le néophyte.
Pour moi les choses avaient été simplifiées, et je cite le fait
surtout pour montrer la bonne foi du vieillard, un musulman
pourtant.
L'attente entre le moment de l'installation sur la place et
l'entrée du Sourado dura au moins une demi-heure, occupée par
des chants et des mouvements désordonnés.
Les chants étaient extrêmement gais : ils étaient lancés à pleine
voix, tandis que les petits tambours précipitaient leurs coups et
que le principal, frappé d'une main régulière, scandait le tout de
sa voix sourde et grave.
L'un des chanteurs — dont les aînés étaientencore des adolescents
— manifestait sa joie en sortant du rang et en courant rapidement
à un bout de la place pour s'y laisser choir etrevenir à son pointde
départ en gambadant. D'autres se roulaient par terre en riant aux
éclats, d'autres encore marchaient sur les mains, plusieurs faisant
des séries de très rapides cabrioles en arrière.
Les joueurs de trompe continuèrent à tirer de leurs instruments
des sons allongés, sourds, comme feutrés et chavirant, en deux
tons, en somme assez tristes sinon lugubres. Ces mugissements
Sont toujours semblables, et les musiciens ne semblent pas
chercher à marier habilement les notes de leurs olifants.
Le sonneur se dépensa sanscompter ; toujours au galop, courbé,
la clochette presqu'au ras du sol, il courait de-ci, delà, tournait
autour des chanteurs, s'enfuyait dans les rues voisines, revenait
aussitôt, décrivait des courbes sur la place ou venait tomber à
genoux devant le tambour noir pour repartir après deux secondes
d'immobilité.
Un autre instrument, sinon de musique, au moins de bruit, est
une sorte de fléau; une planchette d'une vingtaine de centimètres
de long sur peut être cinq de large est suspendue à une double
ficelle d'environ un mètre. Deux grands diables armés de ces
fléaux faisaient le tour de la place en les faisant tournoyer. Quand
sauvetage des appareils et des bagages fut très difficile. Comment après un tel accj-
dciif les indigènes auraient-ils pu renoncer à croire à la force du génie
G
O
O
3
in
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SLR CERTAINS RITES MAGICO-RELIGIEUX DE LA HAUTE CÔTÉ d'ïVOIRE. ^7
Je mouvement de giration s'accentue, cela rend un son rude, sem-
blable à celui d'une sirène irrégulière et très' grave, et ce son
barbare (il n'y a pas d'autre mot) qui imite aussi un mugissement
rauque et furieux, s'enfle, diminue, s'éteint, se réveille suivant les
caprices de l'homme qui accélère ou ralentit son mouvement et
gronde d'autant plus fort que le bras qui agite l'instrument est
plus vigoureux. Mariés aux trompes et tambours, dominant par
instant les chants auxquels ils mêlent une note plus âpre, ces
fléaux contribuent grandement à donner à l'ensemble un cachet
de sauvagerie intense.
A mesure que l'attente se prolongeait, les chants se faisaient plus
impérieux; c'étaient plutôt des invocations assez courtes aux-
quelles répondaient de nettes interjections.
Enfin les trompes prévenues par le sonneur se portèrentà l'entrée
de l'une des rues d'accès de la place et le Sourado fit son entrée.
C'est à première vue un paquet de filasse dominé par une
masse allongée et cornue et soutenue par deux jambes qui
semblent fluettes sous un corps aussi volumineux. Le costume est
fait de deux cerceaux d'un diamètre double de ce qu'il serait
nécessaire pour contenir le porteur. Ces cerceaux sont pourvus
d'une épaisse frange de filasse de Da; le premier est soutenu à la
hauteur des hanches par des bretelles, le deuxième l'est par le
masque lui-même auquel il est relié par une épaisse couche de
filasse. Le masque émerge à peine de cette montagne de chanvre,
et, sous la lune, on ne distingue guère qu'une gueule ouverte sur-
montée de deux cornes effilées et dirigées en avant, placées sur le
muffle comme des antennes.
Le vêtement tombe à peu près aux genoux. Les jambes du por-
teur sont enfermées dans un pantalon collant de tissus grossier,
de couleur grisâtre. A la main, le Sourado tient un martinet de
cuir à huit ou dix brins (1).
Ainsi accoutré, notre Sourado s'avança capricieusement, tantôt
sur la pointe du pied, ce qui le faisait paraître très grand, tantôt
sur les genoux, ce qui le faisait paraître tout petit. Il dansait, se
balançait, pirouettait et tourbillonnait, surtout il se promenait et
allait avec de nombreux zigzags, d'un groupe à l'autre. Quand il
(i) Le fouet est un accessoire de danse très répandu ; c'est, en général, soit un
fouet à longue lanière simple ou double, du modèle courant, soit un fouet spécial à
deux ou trois lanières courtes et enrichies decauries. Le genre martinet est très rare
dans les danses et n'est pas d'ailleurs d'usage courant.
48 M. PROl'TE.VUX.
arrivait près des chanteurs agenouillés ou debout à côté des tam-
bours, ces gamins se couchaient apeurés et se blotissaient les uns
contre les autres, car, même pour les initiés il est dangereux d'être
touché par le chanvre du vêtement. D'autres groupes s'étaient
formés sur la place, composés de gens de tout âge dans leur cos-
tume habituel; tous chantaient sans discontinuer les louanges du
Sourado, surtout s'il s'approchait d'eux. C'étaient en général des
chants discrets, presque à demi-voix. A l'approche du Sourado tout
le monde s'agenouillait et s'inclinait, les yeux rivés aux franges
que les pirouettes ébouriffaient et qu'il fallait éviter de frôler.
L'exercice le plus curieux du Sourado est le crachement du feu.
De temps en temps, il laisse tomber à travers son vêtement la
valeur de deux poignées d'étincelles et de charbons ardents
minuscules qui s'éteignent rapidement en touchant le sol.
Ces jets de feu sont très habilement faits et impressionnent
beaucoup les assistants. Il est certain que du feu qui tombe à
travers un rideau de chanvre sans que rien ne s'enflamme, c'est
paradoxal, et la provision de braise est assez considérable pour
que, une demi-heure après l'arrivée, elle ne soit pas épuisée.
Au bout d'une heure, la danse cessa sur la place, et, tandis que
tam-tam et chanteurs partaient à travers les rues d'un côté du
village, le Sourado, suivi d'un seul initié, allait de l'autre côté à
la recherche des Sorciers.
C'est qu'aucun non initié, et surtout aucune femme, ne peut
rencontrer le Sourado sans être malade ou peut-être en mourir.
Aussi tout le monde se terre et ferme soigneusement sa porte.
Mais justement les sorciers et les sorcières, dont le Sourado est le
grand ennemi, en quelque sorte hypnotisés par la musique endia-
blée des adeptes, et aussi par la présence du génie au village ne
peuvent tenir en place et sont poussés à sortir. Aussi le fait d'être
rencontré par le Sourado équivaut-il, surtout pour les femmes, à
un brevet de sorcellerie. Pour éviter les châtiments que leur infli-
gerait certainement l'esprit, les coupables doivent faire une
offrande qui varie de cinq à vingt francs. En fait, les principales
pourvoyeuses de la caisse du Sourado sont les femmes adultères,
qui ne reculent devant rien pour courir à leurs amours; et, étant
donné la peur des esprits qui tient tous les Noirs, pour braver
l'interdiction de sortir les nuits ou le génie se promène au village,
ne dirions-nous pas Bous-mômes, en bon français, que ces femmes
ont le diable au corps.
Fig. 3 et 4. — Habillage du Gbon,
L ANTHROPOLOGIE. — T. XXIX. — 1918.
>l'll CERTAINS RITES MAGICO-RELIGIEUI DE \A HAUTE COTE D'iVOIRE. 5 T
Le produit des offrandes ainsi recueillies est partagé entre les
grands initiés.
J'ai tout lieu de croire, en effet, que la confrérie se partage en
grands et en petits initiés. Ceux-ci sont les gamins qui accom-
pagnent le tambour et un certain nombre de jeunes gens. Les
grands initiés sont les vieux, gardiens des rites, ainsi que les
jeunes gens et les hommes qui ont un rôle actif, sonneurs de
clochette et détrompe, porteurs du masque, préposés à l'entretien
des objets rituels, etc.
En outre des offrandes forcées, dont nous parlions plus haut,
la confrérie connaît une autre source de profit : ce sont les
amendes légères (quelquefois de cinq cauries, souvent de quel-
ques sous) qui sont infligées aux initiés ayant contrevenu au
règlement. Ainsi tous les initiés qui, entendant résonner le gros
tambour, n'accourent pas près de lui paient leur paresse de
quelques cauries
Si les femmes ne doivent pas en général voir le Sourado, il en
est cependant d'affiliées. Ce sont des femmes âgées et dont la
qualité de sorcières ne fait de doute pour personne. Elles peuvent
même occuper dans la confrérie une fonction importante. Par
exemple, pour venir au village, le Sourado doit demander la
permission d'une de ces vieilles, et si celle-ci refusait cette auto-
risation, le danseur masqué serait frappé d'immobilité complète
jusqu'au matin.
Cette intrusion des femmes dans les confréries n'est pas parti-
culière aux Ligbis de Bouna. Il paraît qu'a Rondo, village mnsul-
man des environs de Bondoukou, à Bondo où le Gbon, disent les
indigènes, « est le plus fort de tous », ce sont des femmes qui
préparent et entretiennent les vêtements et tous les accessoires.
Le Sourado, comme tous les Gbons ses cousins, est doué de
facultés extraordinaires, si l'on en croit les indigènes : les hommes
qui portent le masque peuvent s'asseoir tranquillement sur un
énorme brasier : au lieu de brûler eux-mêmes, c'est le brasier qui
s'éteint. D'autres montent sans effort, d'un seul saut, sur un
grand arbre ou sur une case. A travers le toit de paille de celle-ci,
ils peuvent lancer du feu à l'intérieur sans provoquer d'incendie,
et c'est une des plaisanteries qu'ils aiment l'aire, dit-on, aux
sorcières notoires, que de les arroser de feu pendant leur sommeil.
Le rôle des Gbons en -général est de protéger le village contre
les entreprises des sorciers et de démasquer ceux-ci. Les adeptes,
52 M. PROUTEAl \.
s'ils ont subi les épreuves et les ablutions nécessaires, sont à
même de reconnaître un magicien, dans la rue, au marché,
partout enfin. Aux yeux du vulgaire, les sorciers ne se distin-
guent en rien des autres hommes, mais un initié les voit sous
leur vraie forme : soit la tête en bas, soit pourvu d'un museau de
chien, de chat, ou d'autres animaux.
Les plantes qui servent à préparer les drogues rituelles doivent
être naturellement cueillies dans la nuit du 9 au 10 diomandé,
premier mois de l'année dioula. Chacun sait, en effet, dans tous
les villages musulmans des cercles de Bondoukou et de Kong que
c'est la nuit magique par excellence, au point qu'une personne
n'a, cette nuit-là, qu' à sortir dans la brousse et à couper un
rameau de n'importe quel arbuste pour que les onguents et les
boissons préparés avec ces feuilles prises au hasard la guérissent
certainement.
ÉTUDE ETHNOGRAPHIQUE
DE LA TRIBU KOUYOU
PAR
M. A. POUPON
Administrateur des Colonies.
I. Sociétés secrètes.
L'Afrique Equatoriale Française est subdivisée en trois Colo-
nies : le Gabon, le Moyen-Congo, l'Oubangui-Chari-Tchad. — La
tribu Kouyou occupe une surface de terrain d'environ 80 kilo-
mètres carrés, sur les deux rives de la rivière Kouyou, couvrant
presque totalement le tiers inférieur de cette rivière. Le Kouyou
est affluent de droite de la Likouala-Mossaka, et la Likouala elle-
même se jette dans le Congo en un point très rapproché de l'em-
bouchure de la Sangha.
Nous avons étudié la partie de cette tribu qui occupe la rive
droite du Kouyou, à l'Ouest, au Sud, et à l'Est du Poste de Fort
Rousset. — C'est le clan des Ombouma qui a servi de point de
départ à nos recherches. De ce clan, composé des villages de
Loando, Kanguiné, Bembé, Mango, Lingue et Linguénavé, nous
avons étendu nos investigations à toute la tribu sur la rive
droite.
J'aurais voulu dès aujourd'hui publier le résultat total de mes
études sur les représentations sociales de cette tribu. Mais le
temps m'obligera à ne décrire que les sociétés secrètes, les céré-
monies qui entourent la naissance des jumeaux et une fête
agraire. De la sorte on aura un aperçu, il est vrai succint, de la
tribu.
Le Licouma ou cérémonie de la Panthère
Dès mes premiers interrogatoires, il me fut facile de recon-
naître les rapports qui existaient entre la panthère et le chef. Les
l'anthkopologie. — t. xxix. — 19 8.
.")', A. POUPON.
•
chefs Kouyou sont enterrés sans leurs ongles, les mains fermées,
les doigts repliés à l'intérieur. Si cette formalité n'était pas obser-
vée, le chef se lèverait, se transformerait en panthère et ravage-
rait le village.
Les Kouyou me représentaient avec frayeur que les panthères
sortent de toutes parts de la case des chefs et, en particulier, de
l'Okoko. L'Okoko est la case de réunion des chefs. Il suffit de
frapper sur cette case pour que des panthères s'en échappent.
Quand l'Okoko du chef Mongoula fut abattu, toutes les pan-
thères qui l'habitaient s'enfuirent dans la brousse et le chef devenu
panthère s'évada avec elles. Chaque chef a sa panthère. Si on la
tue, on tue le chef. Cette panthère attaque toutes les autres pan-
thères du village, qui ne résistent pas devant elle. C'est le chef qui
leur insuffle la force pour lutter.
On pouvait donc induire tout naturellement des rapports assez
intimes qui paraissaient exister, dès le premier examen, entre la
panthère et le chef qu'il se trouvait des manifestations plus
cachées de ce rapport. Ces manifestations me furent révélées
après quelques recherches. Le Mythe du Goy ou de la panthère
qui nourrit le chef me fut conté : (1)
Kani abaki goy po na Le Chef avait sa panthère à cause de
kobata poko. Soko moto surveiller village. Si un homme
nan goy alingui kotoko de la panthère veut faire la guerre
goy na oua po na kotinda à panthère de lui à cause de venir
na boka na bissou, okani dans village de nous, le chef
abiengui bato na boka, appelle hommes du village
aho : létia. n'goy aouli dit : prenez, panthère a quitté
na Lingue apoué. Bato de Lingue est venue. Les hommes
alobi : Yo élouka bissou, disent : tu plaisantes nous,
bato na goy, adi no, toko homme de la panthère c'est toi, prends
n'goy toula oua. panthère frappe celui-ci.
Le Chef avait une panthère pour sentinelle du village. Si un homme de la
panthère veut faire la guerre à la panthère du chef et l'envoyer dans notre
(1) Pour tous les textes indigènes rapportés dans le présent mémoire, c'est la pro-
nonciation française qui a été adoptée, sauf pour W.
é se prononce comme é dans bonté.
prononce comme è dans homogène.
gui se prononce comme yui dans guimauve.
Qi se prononce comme gi dans girandole.
en se prononce comme en dans ennemi.
un se prononce comme an dans anerie.
w est le w anglais.
aoh doit être prononcé une lettre après l'autre et l'h aspiré comme dans hochet.
56 A- poupon.
village, le chef appelle les hommes du village et leur dit : prenez votre pan-
thère, une panthère a quitté Lingue et est venu attaquer notre village. Les
hommes di>ent : « Tu nous plaisantes, l'homme de la panthère c'est toi ;
prends toi-même ta panthère et frappe celle qui est venue ».
Kani atoki n'goy. goy Chef trappe panthère, panthère
aouli nam boka mossoussou. alla à village autre.
Yé alobi makani : aoh ! Lui dit chef : Aoh 1
goy na Lingue akimi. panthère de Lingue est enfuie,
Goy abouki boka na oua Panthère resta au village de lui-même.
mené. Nam bissa, goy Ensuite, panthère
a-kani bouli, aboumi prit petites antilopes, tua
tchombo, aboumi gongo, des cochons sauvages, tua antilopes
cheval,
kani kopaka. kani kopaka, chef coupa, chef coupa,
apessi moto na koloungoua, donna à hommes de brousse,
alobi : oua o ! bissou dit ; oua o ! nous
goy ledja oh, goy assalissa panthère mangeons pas, panthère a
fait
oua malamou, goy abêti nyama nous bien, panthère a frappé des ani-
maux
bissa-binou, adjé poko, pour nous, nous en avons mangé beau-
coup,
poko ; goy adi n'dékou.' beaucoup ; panthère est parent.
Le Chef frappe la panthère avec la sienne. La panthère va dans un autre
village. Le Chef dit : Aaoh ! La panthère de Lingue s'est enfuie. La panthère
du Chef est demeurée dans le village du Chef. Dans la suite, la panthère
prit des petites antilopes, tua des cochons sauvages, tua des antilopes
cheval, le chef les découpa, le chef les découpa, en donna aux hommes de la
brousse et dit : Oua ol ne mangeons plus de la panthère, la panthère nous
a fait bien, la panthère a tué des animaux pour nous, nous en avons mangé
beaucoup, beaucoup, la panthère est notre parent.
Que le chef ait pour parent la panthère, l'indigène l'exprime en
disant : Kani adi goy ondékou, le chef a la panthère pour parent
et il appelle la panthère le nyama na kani, l'animal du chef. Cet
animal est le n'guissi du chef.
Aussi le chef est-il seul à pouvoir initier au licouma, c'est-à-dire
aux cérémonies où l'on apprend les mystères de la panthère. 11
est le seul gardien du licouma ou gros tamtam qui représente la
panthère, et le principal officiant dans tous les rites qui se rap-
portent ;i la panthère.
Quand le chef va opérer dans les cérémonies du licouma, il est
peint delà façon suivante : une bande noire large de quatre centi-
Ml Ml ETHNOGRAPHIQUE DE LA TRIBl K.OUYOU. ,>7
mètres lui part du sein droit, fait le tour des côtes et s'arrête au
milieu du dos, à l'épine dorsale : une même bande noire est tracée
des épaules aux poignets, sur la face externe des deux bras. Au
milieu du front, il porte un cercle noir, plein. Sous la gorge et au
milieu du corps, suivant le sternum, une barre noire, aussi large
que celle des bras, lui descend jusqu'au nombril. Partant de cette
Fia. 1. — Type de Kouyou.
barre et formant avec elle une croix, une barre blanche coupe
horizontalement le corps, sous le sein droit, une autre, couleur
d'ocre, coupe le corps sous le sein gauche. Sous chacun de ces traits,
il en porte d'autres sur les côtes, à savoir : du côté droit 4 lignes,
noire, blanche, ocre et noire, d'un centimètre chacune, qui sont
parallèles au sternum, et, sur le côté gauche, 4 petits cercles noir,
blanc, ocre et noir, dont les couleurs s'étagent de l'extérieur vers
l'intérieur.
Pendant qu'il officie, il a toujours la tête enveloppée de la peau
de panthère, le milieu du corps couvert du pagne d'éboula, et à
58
rmpoN.
la main il tient l'ikando ou sagaie de chef, qu'il plante en terre
pour demander le silence.
Parmi les six autres officiants de cette cérémonie, un des princi-
paux personnages est le éhoundé ou héraut. Il compte parmi les
sept porteurs de tamtam, mais il a les fonctions spéciales de
héraut. C'est lui qui crie au village que la fête va commencer,
fait diverses annonces et ordonne le silence.
Il porte comme ornement, fixée à la tête, et lui tombant sur le
dos jusqu'au jarret, une grande peau faite de dépouilles d'oiseaux;
ces dépouilles sont cousues ensemble. Les dépouilles d'oiseaux
qui entrent dans la composition de ce manteau sont celles du
zibou ou marabou, du koulou ou perdrix et du kanga ou pintade.
Les cérémonies du licouma ont lieu sur un vaste emplacement
de brousse préalablement mis à nu. Le chef entoure cet emplace-
ment de branches de palmiers plantées en terre pour l'isoler à la
vue. Cet emplacement est l'ébobo na licouma, la retraite du
licouma. Les fêtes de la panthère sont représentées de la façon
suivante :
Kani akamati assoka,
assoka tchambo, na ébali
tchambo. Akeï na djamba
Akeï na djamba, akeï
kotinicha mode na tché.
Na bissa adzengui, adzengui,
adzengui, atoubiki, atoubiki,
yonso. Kopaka na goa, assali
malamou, malamou, abombi na
djamba. Mokolo mossoussou,
bango yonso ayaki. Alobi
ehoundé mabondji chimou.
Abondji : Ohé... Ohé é é é,
go oh ! Moyoutou atchakina.
Moassi akimi, akeï djamba.
Akamati byn^o Ichambo, yonso
ayaki nam boka.
Chef prend haches,
haches sept, et hommes
sept. Va en brousse.
Va en brousse, va
jeter arbres à terre.
Ensuite coupe, coupe,
coupe, nettoie, nettoie,
tout. Nettoie avec hache, arrange
bien, bien, cache dans
brousse. Jour autre,
eux tous viennent. Dit
ehoundé qui dit le chimou.
Il dit : Ohé... ohé é é é,
go oh! Femmes s'enfuient,
Femmes s'enfuient, vont en brousse.
Prennent eux sept, tous
viennent au village.
Le chef prend des haches, sept haches, et sept hommes. Il va en brousse,
va en brousse, jeter des arbres par terre. Ensuite il taille ces arbres, les
taille, les nettoie complètement. 11 les nettoie avec des haches, les arrange
bien, les cache dans la brousse. Un autre jour les sept hommes viennent. Le
éhoundé mabondji chimou parle. Il dit : ohé ohé é é é, gooh ! A sa voix, les
femmes s'enfuient, se réfugient dans la brousse. Les hommes prennent les
sept tams-tams et tous viennent au village.
ÉTUDE ETHNOGRAPHIQUE DE LA TKUti koI'mm
59
\kainati ikanda na taba atiki
na mai. Bango ahadi makassi.
\hadi makassi. Bango akamati,
Oungou ahadi akassi. Abouki
djété mouné, mouné, djambi na
niokanda nangoy.
Akamati niokanda
nan goy ahadi mindongo, poah !
atiki na moi na djété
mouné oïo. A bondi djété oïo
makassi. Hango yonso alobi,
ayoutou atsakina. Ekamati
na djamba. Aycké koua na
dakou. Ekana na dakou :
Allali mikolo mibali. Etendi
éhoundé : oh \ oh ! oyoulou
atchakina. Oyoulou atchakina,
abiengui éhoundé : ohé, goô.
Prennent peau de cabri mettent
dans l'eau. Elles deviennent fortes.
deviennent fortes. Eux prennent,
eux tendent fort. Reste
le bois gros, gros, à cause de
la peau de panthère.
Prend peau
de panthère crache piment, poah !
met dans ventre du bois
gros morne. Ferme bois celui-ci
fort. Eux tous parlent,
femmes s'enfuient. Prennent
on brousse. Viennent enfermer dans
case. Enferment dans case :
Dorment jours deux. Parle
éhoundé : oh ! oh ! Femmes
fuient. Femmes fuient,
appelle éhoundé : ohé, goô.
Ils prennent des peaux de cabri, les mettent dans l'eau. Elles deviennent
fortes. Devenues fortes, ils les prennent, les tendent fort sur les tams-tams.
Ki>ste le gros tam-tam dans lequel on met la peau de panthère. Le chef prend
la peau de panthère, crache du piment dessus, poah! et met la peau de pan-
thère dans le tam-tam, puis le ferme fort. Alors tous les tams-tams parlent.
Les femmes s'enfuient. Les hommes les prennexit dans la brousse et vien-
nent les enfermer dans les cases. Il les enferment dans les cases où ils dor-
ment deux jours. Le éhoundé parle : oh ! oh ! A sa voix les femmes s'enfuient.
Les femmes fuient, le éhoudé crie : ohé ! goô.
Akamata nan dakou adjoué
na djamba. Essali kouanga
pilamoko na poupou. Akamati
kouanga ati mêlé missato.
Akamati missato, akamati
mali nam bila, assindi,
assindi, assindi, alobi eti-
né na djira. Alobi nan
djira. Oh ! é é é é, ga
oué, tou, tou, tou, koulou,
koulou, pfou, ou, ou, ou (1).
Bato kokima, bato kokima
adjoué boumba, éboumba na
djamba. Bato alobi : mossolo,
mossolo, bato assoundi mingui,
assoundi na kani, afouti kani
Prennent dans case vont
en brousse. Font manioc
comme en tas. Prennent
manioc mettent sur trois.
Prennent trois, prennent
huile de palme, frottent,
frottent, frottent, disent allons
sur route. Disent sur
route : Oh ! é é é é, je
meurs, tou tou tou, koulou,
koulou, pfou, ou, ou, ou (1).
Hommes fuient, hommes fuient
vont cacher, cacher en
brousse. Hommes disent : marchan-
dises,
marchandises, hommes viennent beau-
coup.
viennent au chef, payent le chef
(1) Cris de la Panthère.
Co
A. POI I>()\.
mossole, afouti mossolo,
mossolo na taba afoulki na
kani. Abiengui bato, adjoua
na ko na ékouma. Bango koya,
kani yé mé abandi liboussou,
liboussou, akamati djété oïo
mouné, alobi lodja, dja-dja,
bato dja-dja. Yé akamati dzembo
na oua : éoka, éoka. Bato akouki.
Yé alobi oua. Bato kokima,
alobi kokima te. Oh ! binou
apcssi mossolo, binou, kotala
boanga nan goy. Moko
aké bina na oua ; éhoundé :
lina mossoussou : Taba-ossingué,
lina mossoussou : Asscka, lina
mossoussou : Manja, lina mossous-
sou :
Lada, lina na oua mouné kani :
^ oumbi
mossoussou : Bamina, na bato
apcssi mossolo alobi : elouki
likouma. Bato atali likouma, bato
tsambo akamati likouma tsambo,
abandoussou, oh, é é é é.
Kobété likouma. Akamati, akani na
dakou na kani. Akana na dakou,
akangui dakou oïo na kani,
akangui makassi, aho ; y éié, lévvoué
pé likouma ! ! !
marchandises, payent marchandises,
marchandises et cabris abondent au
chef. Appelle hommes, va
en brousse du likouma. Eux vont,
chef aussi vient devant,
devant, prend bois celui-là
gros, dit : asseyez-vous, posez,
les hommes s'asseyent. 11 prend le chant
de lui : éoka, éoka. Hommes nom-
breux.
Il parle lui. Hommes fuient,
dit : fuyez pas. Oh ! vous
avez donné marchandises, vous, re-
gardez
danse de panthères. Un
va danser avec lui ; éhoundé :
nom autre : Tabaossingué,
nom autre : Asséka, nom
autre : Manja, nom autre :
Lada, nom de lui gros chef :
Youmbi
un autre : Bamina, et aux hommes qui
ont
donné marchandises dit : regardez
likouma. Hommes regardent likouma,
hommes
sept prennent likouma sept,
chantent : oh, é é é é.
Frappent likouma. Prennent, enfer-
ment dans
case du chef. Enferment dans case,
ferment case celui-ci du chef.
ferment fort, disent : y éié, est mort,
likouma ! ! !
Les hommes prennent les tams-lams dans la case, vont en brousse. Ils font
du manioc coagulé. Ils prennent ce manioc, en mettent sur trois tams-tams.
Ils prennent trois autres tams-tams, prennent de l'huile de palme, les
frottent, frottent, frottent, et disent allons sur la route. Sur la roule, le
éhoundé dit : Oh ! é é é é, je meurs; tou, ton, tou, koulou, koulou, pfou, ou
ou ou. Les hommes s'enfuient, vont se cacher, se cacher en brousse. Les
hommes disent marchandises, marchandises. Les hommes viennent beau-
coup, viennent au chef, payent le chef de marchandises, le payent de mar-
chandises, marchandises et cabris abondent au chef. 11 appelle les hommes
pour aller en brousse du likouma. Ils y vont. Le chef aussi. Le chef vient
devant, devant. Il prend le gros tam-tam et dit : asseyez-vous, posez, les
ÉTUDE ETHNOGRAPHIQUE DE LA TRIBl ÏOUKOU. 6 I
hommes s'asseyent. Il prend son chant : éoka, éoka. Les hommes sont nom-
breux. Il frappe le gros tam-tam. Les hommes s'enfuient. Il dit : ne fuyez
pas. vous ave/ donné des marchandises, regarde/, la danse de la panthère.
I n des initiés va danser avec lui ; l'éhoundé lui donne un nom, l'un : Tabaos-
singué. un autre nom : Asséka, un autre nom : Manja, un autre nom : Lada ;
le nom de lui, chef : 'Noumbi; un nuire; Bamina. Puis il dit aux hommes
qui ont des marchandises : Regarde/ le likouma. Les hommes regardent le
likouma. Les sept vrais officiants prennent le likouma, et tous sept chantent :
oh ! é é é é. Ils frappenl le likouma. Puis le prennent, l'enferment dans la case
du chef, l'enferment dans la case, ferment la case du chef, ferment fort et
crient : > éié, le likouma est mort, likouma ! ! !
Ce que ce texte un peu confus décrit, ce sont les fêtes du
likouma. Des arbres sont coupés dans la brousse et nettoyés,
creusés pour en faire des tams-tams. Ces tams-tams sont recou-
verts de peaux de cabris. La peau de trois de ces tambours est
enduite de manioc coagulé, et à l'intérieur du plus gros d'entre
eux, qui est le likouma, le chef introduit une peau de panthère.
Sur cette peau est répandue, avant qu'elle soit enfermée dans le
tam-tam, le sang d'une poule ou d'un cabri sacrifié. Quand le
chef veut animer le likouma, par un trou creusé à la partie supé-
rieure du tam-tam, il souffle du piment sur la peau de panthère.
Le likouma se met en mouvement, marche et parle. — Ces tams-
tams sont également frottés d'huile avant la cérémonie.
Ce texte montre également le éhoundé distribuant des noms
aux initiés. Ces noms sont exactement au nombre de sept, portés
uniformément par tous les titulaires de chaque tam-tam. Les sept
tams-tams ont également des noms.
J'abandonne ce texte, qui laisse à peine entrevoir ce que sont les
fêtes du likouma ou de la panthère, pour les décrire telles qu'elles
se passent. Elles se déroulent dans la forêt, au milieu d'un vaste
emplacement débroussé. Le chef se place en un point ouvert au
milieu des feuilles de palmiers qui entourent le lieu de la fête.
C'est là qu'il reçoit les initiés et qu'ils lui payent leur entrée, une
partie du prix de l'initiation.
Les frappeurs de mains, ou asséka, sont disposés en rond autour
de cet emplacement. C'est au milieu de leur cercle que vont se
dérouler tous les épisodes d« la fête.
Ils chantent d'abord l'okéta que nous citons plus loin, puis ils
prennent l'olouka qui est le chant qui accompagne toutes les
fêtes du likouma. Ce chant est le suivant :
A. POITOU.
Mandja Elchoko Ossengoua Mandja enfant de Etchoko (est à) Os-
sengoua
Ekaka moana Otali Ekoumou Ekaka enfant de Otali test à | Ekoumou
I -songo mondja ga edjoué Ekouma Essongo (fils de) l'éclair je vais au
likouma
Asséka godo godo Frappe beaucoup, beaucoup
Abondi abondi bia Abondi a tiré la noix de palme (du feu)
Abonguî mia S'est brûlé au feu.
Les Asséka chantent l'olouka, les jeunes initiés sont couchés à
terre la face contre le sol. Le chef initiateur vient à eux et leur
dit : Fermez vos yeux, ne regardez pas. Ils ferment les yeux. Le
chef se tourne du côté de la brousse et appelle : Koya goë — goë
koya. Viens panthère — panthère viens. Il appelle une seconde
fois : Koya goë — goë koya. Puis il ajoute :
Likouma abo, aho, Likouma parle, parle,
Niama ayessi, Animaux, cachez-vous,
Likouma akei Likouma accomplit ton office.
Alors la voix du gros tam-tam s'élève, la panthère parle.
Le chef répète une deuxième, puis une troisième fois : Fermez
vos yeux. Likouma ho, ho, likouma parle, parle.
Après que la panthère a parlé trois fois, le chef recommande
encore aux initiés de ne pas regarder et il ordonne à la panthère
de s'en aller. Le goy s'en va dans la brousse où se trouvent encore
les autres tams-tams. Le chef relève les initiés.
Quant il les a relevés il leur dit : payez. Ils apportent des mar-
chandises et payent leur initiation.
Ils font également apporter à manger. Des femmes cachées à
une certaine distance de l'ébobo, dans la brousse, préparent cette
nourriture. D'anciens initiés vont la chercher et l'apportent au
centre d'initiation.
Quand on a bu et mangé, les sept officiants de la cérémonie du
goy se rendent dans la brousse où ils décrochent les sept tams-
tams et rentrent lentement dans le cercle des frappeurs de mains
qui entonnent à nouveau l'olouka.
Les septs tams-tams résonnent les uns après les autres avec
leur sept sons différents Pendant quelques minutes c'est une cas-
cade de sons au milieu de laquelle, de si loin que ce soit, dans les
villages, l'indigène reconnaît la voix de chaque tam-tam et le
nomme : oïo Ekembé — oïo Tchaboka — oïo Ikouma. C'est
Kkembé — c'est Tchaboka — c'est Ikouma. Puis les tams-tams
ÉTUDE ETHNOGRAPHIQUE 1>E L\ TRIBU EOUTOU. 63
sonnent ensemble. Le gros souffle, ronfle, bourdonne comme la
voix de la panthère. Les femmes et les enfants dans les environs
reconnaissent la voix du likouma et se cachent.
En frappant les tams-tams, les sept porteurs marchent lente-
ment en rond, en scandant le pas. Le chef porteur du likouma
est à leur tète. Parfois il se met en queue et, le tam-tam appuyé
sur la'cuisse, il dirige la marche. Il la cadence en sifflant entre
Fig. 2. — Les sept tams-tams, dans les Fêtes de la Panthère.
ses dents. Tous les tams-tams s'arrêtent. Les sept porteurs se
prennent à siffler ensemble entre leurs dents et ils évoluent de la
sorte. Pendant toutes ces circonvolutions, les frappeurs de mains
font silence.
Deuxième figure. — Lorsque cette première figure est achevée
la seconde commence. C'est le Tchela. Le chef danse seul devant
les six tams-tams en frappant sur le likouma. Tout en frappant, il
chante le tchela dont voici les termes :
Ekaka Tchela é é é.
Ehoka : Ehoka !
I \béta Adzéki omou
Ekaka le public du likouma est là
Ehoka ! Ehoka !
Ebéta a laisse omou.
64 A.. POUPON.
Ehoka ! Ehoka '. Ehoka ! Qui est fou, éhoka ! éhoka !
Ekaka assoumdi cbamba (1), Ekaka a acheté l'ebamba,
Assoumbi lébcngoy na guima. A acheté la grande panthère avec son
chant.
Troisième figure. — Pendant la troisième figure, le chef danse
sans tam-tam. Il danse entre les porteurs de tams-tams et les
Asséka. Ceux-ci chantent l'olouka. Il danse, il lève chaque jambe
très haut, Tune après l'autre, les genoux repliés, frappe la terre
du pied avec force, piaffe et grimace du visage.
Pendant la quatrième figure, qui est Tesseti, le chef danse encore
seul et sans tam-tam.
Durant toutes ces danses, le chef est sans cesse allé des tams-
tams, aux assékas, aux initiés, en faisant des impositions de mains
sur leurs têtes.
Le chef prend ensuite chaque initié par la main et le mène aux
tams-tams. Chaque porteur de tam-tam remet un tam-tam à un
initié. L'éhoundé, au fur et à mesure que les tams-tams sont
remis, dit aux initiés leurs noms d'initiation et le nom de leurs
tams-tams. Les initiés apprennent à frapper le tam-tam et à dan-
ser sous la direction du chef. Les frappeurs de mains chantent, le
chef danse pour les initiés. On mange, on boit. Ces fêtes se pro-
longent pendant tout le jour. Quand la nuit approche, les vrais
officiants de la panthère reprennent les tams-tams puis, élevant la
voix, poussent un grand cri :
Eopé Ekouina !
Est fini le Likouma !
tout le chœur des frappeurs de mains reprend :
Ekouma ! ! ! Ekouma ! ! !
Ce cri parcourt la forêt et annonce aux villages la fin de la fête.
Les initiés, la foule des frappeurs de mains alors se dispersent.
Les six porteurs de tams-tams et le chef emportent les tams-tams
au village du chef et les rangent soigneusement dans une case
spéciale dont la porte est solidement barricadée pour que le
likouma ne s'échappe pas et n'aille pas dévaster le village. Les
noms que l'éhoundé distribue aux initiés sont : Tchomagombé,
Yombi, Asséka, Mandja, Ehoundé, Tamossengué. Ces noms sont
des grades. Ils sont acquis en versant des sommes variées et de
(1) La marque du front, le cercle noir qui est au milieu du front.
étude ethnographique de la tribu kouïou. (>5
plus en plus petites du Tchomagombé au Tamossengué. Les por-
teurs de ces grades sont chargés chacun de fonctions diffé-
rentes.
Le nom de Tchomagombé est porté par le chef, initiateur aux
rites de la panthère et porteur du likouma. Le Yombi est toujours
le fils du chef ou son frère cadet. Il est chargé de mettre les initiés
à terre et de leur tenir la tête sur le sol pendant que le chef les
initie. Le titre, le grade et les fonctions du Tchomagombé vont au
Yombi. L'Asséka a pour fonctions d'arranger les tams-tams avec
du manioc. L'Éhoundé est le gardien du likouma et en même
temps le héraut qui annonce la fête et ses diverses phases pendant
qu'elles se déroulent. Le Tamossengué est le porteur du plus
petit tam-tam.
Les noms des tams-tams sont : Mobali, Moassi, Kembé, Tché-
bouka, Gondo na Motchina, Tchakolékongo, Kénakia. Aucun de
ces tams-tams ne porte l'effigie de la panthère. Mais à l'intérieur
du Mobali a été placé une peau de panthère. Sur le dessus est
ménagé un trou rectangulaire assez large par où le chef insuffle
du piment sur la peau de panthère pour animer le likouma et le
faire marcher. Mobali dans la langue signifie homme, Moassi,
femme. C'est donc l'accouplement de l'homme et de la femme, de
la panthère avec sa femelle, ou, pour mieux dire, du likouma avec
ses femelles, parce que les six autres tams-tams sont suppo-
sées être des femelles, autant de femelles du likouma. Le likouma
s'appelle tata na kani ou le père du chef. La position de marche
des tams-tams pendant les évolutions de la fête est celle que
j'indique ci-dessous. Le chef avant que la fête commence met
chacun des tams-tams à leur place. Avant d'enlever le tam tam,
chaque titulaire paye le chef pour le prendre. Le chef en retour,
vers la fin de la cérémonie, payera ceux qui ont officié avec lui sur
les marchandises qu'il aura reçues des nouveaux initiés. Est
pombo celui qui n'est pas encore initié. Le pombo devient ganga
après l'initiation. En devenant ganga il a acquis deux droits,
celui d'assister aux cérémonies, et celui de frapper occasionnelle-
ment du tam-tam. Il a payé 25 francs pour avoir ces deux droits.
Les vrais prêtres du likouma payent 50 à 75 francs l'initiation,
mais doivent obligatoirement appartenir à la famille du chef. Il
semble donc qu'il faille distinguer entre les vrais titulaires des
offices et ceux qui acquièrent de simples droits à s'introduire dans
les cérémonies et à y assiste \
L ...NTHROPOLOGI8. T. XXIX. — 19i3. 8
GG a. roi pon.
Le rang des porteurs de tams-tams pendant les cérémonies avec
noms des titulaires sont les suivants :
O Tchomagombé
Boumachia
O Asseka
Mohoko
O Mandja
kanoa
O Yombi
O Mokemba
O Ehoundc
Mayali
O Mokombi
O Tamossengué
Akanati
Or Boumachia est le vieux chef, le grand chef ou kani du clan
des Oubouma, Mokomba est son frère cadet, de même père et
même mère, Mayali est son neveu, fils du grand kaka, frère du
père de Boumachia, Mohoko est le fils d'une sœur de Boumachia.
Kanoa est le frère de Boumachia, mais frère pauvre, d'où son
mauvais rang. Mokombi est enfant d'un troisième frère de Bou-
machia. Akanati est fils d'un quatrième frère de Boumachia. Ces
deux derniers tiennent donc la place de leurs pères morts.
A côté des fonctions de ces prêtres pendant la cérémonie, il
leur revient la charge d'entretenir leurs tams-tams, de les orner,
de les préparer.
Nous avons dit qu'une fois les cérémonies du likouma achevées
on rapporte les tams-tams au village du chef. Ces tams-tams
sont enfermés dans une case spéciale dont la porte est solide-
ment barricadée pour empêcher la panthère d'aller dévaster le
village. Le chef seul a le droit de se rendre à cette case. Il y va de
temps à autre pour visiter le likouma et lui donner à manger. Il
le nourrit de poules, de cabris et d'eau. Il l'encourage à se tenir
tranquille. Pour cela, il lui crache du piment dessus et lui dit :
« tiens-toi tranquille, tiens-toi tranquille. » Qui se rend à la case
du likouma sans être chef, voit comme un okoué meurt.
Quant le chef meurt, sa panthère fait une grande raffle d'ani-
maux qu'elle lui apporte. Elle rugit et pleure la mort du chef.
Sur la bouche de sa tombe ouverte, on fait retentir la voix du
likouma, qui est le rugissement de la panthère.
Le chef est enterré sans ongles et sans aucune parcelle de peau
ETUDE ETHNOGRAPHIQUE! DE LA TRIBU KOUYOT. 67
de panthère sur lui, île peur qu'il ne se lève de sa tombe et dévaste
le village. A sa mort, pour que la panthère ne s'échappe de son
ventre où il la porte, on lui ferme la bouche, on lui bouche l'anus.
Dès qu'il est mort, son âme s'échappe et va d'un côté, sa panthère
s'échappe et va de l'autre. Aucun initié aux mystères de la pan-
thère ne meurt sans qu'il n'y ait réunion et fêtes du likouma.
Tous les gens qui appartiennent au clan des Ombouma ne
peuvent manger de la panthère. Ils ne peuvent tuer non plus une
panthère. Celle-ci est d'ailleurs supposée incapable de les attaquer.
Tous les Ombouma peuvent porter comme insigne la peau de
panthère. Mais seul le chef des Ombouma, Boumachia, a le droit
de porter ses dents.
Chaque fois que la panthère nourrit le chef en lui apportant un
animal, le chef fait porter le cou de cet animal à son goy. Mais si
une panthère a attaqué et a été tuée, on suppose que ce n'est pas
la panthère du clan, le goy des Omboula qui a été tué. Car :
Goy assali bissou malamou Notre panthère a fait nous bien
Apessi bissou nyama A donné nous de la viande
Assali bato mabi té A fait avec les hommes pas mal
Yé assali bato mabi Celle-ci a fait aux hommes du mal.
Oio goy na bissou té Celle-ci n'est pas panthère de nous.
Nous verrons qu'au clan primitif des Ombouma se sont ajoutées
d'autres populations venues du bas de la rivière Kouyou et qui se
sont fondues à ce clan, avec lequel elles forment des villages. Ce
sont les Mohoko. Ces Mohoko peuvent être initiés aux fêtes de la
panthère comme de véritables Ombouma. Ils ne peuvent manger
de sa chair, mais ils peuvent la tuer. La plupart du temps, quand
la panthère attaque, c'est un Mohoko qui est délégué pour la
tuer.
Quand une panthère menace le village, les gens du village
disent : « le kani veut tuer quelqu'un, il faut qu'il y reste aujour-
d'hui ». Le chef dit : « il est venu au village prendre beaucoup
d'hommes, c'est qu'il n'a pas peur. » On appelle à l'aide, on le
frappe. Puis on l'amarre par les pattes à un bois et six et huit
porteurs le portent au village en triomphe. Une foule de gens
l'accompagne, les uns devant, les autres derrière, en chantant le
liboka. Le chef précède cette foule, la sagaie de cérémonie à la
main, précédé lui-même des frappeurs de la cloche de fer. On le
dépose devant la case du chef. Celui-ci convoque les gens des vil-
lages des environs en disant : « mon parent est mort. » Alors les
68
a. roi i'o\.
danses commencent. Les femmes dansent autour de la panthère,
l'appellent par son nom, lui donnent de belles épithètes, et
disent : « il est fort ». Le chef dit : « Je suis comme lui, je prends,
je tue et ne recule pas. On voit ma poitrine et jamais mon dos ».
Pendant qu'on danse, le chef distribue des cadeaux, puis on com-
mence à dépecer le kani. Le chef'dit : « Coupez-le, je ne veux pas
le voir couper. »
Quand il est dépecé, on met sa peau à sécher au soleil. Le chef
la rentrera dans son okoko quand les danses prendront fin. La
chair est distribuée aux esclaves. Les enfants du chef ne peuvent
la consommer.
Nous avons dit qu'on portait la panthère en triomphe en chan-
tant le liboka. Voici ce chant qui est à la fois le chant de la pan-
thère et le chant de guerre des Kouyou.
Oha ! goy éh-éh
Oh a ! goy éh-éh
Goy hé-ihé é
Oha ! goy atoni bato
Oha ! goy assaka Mossemba (1)
Goy aboti na djamba
Bato éhimba yo
Oha ! goy atoni démabalé
Goy otaka na ichou
Oha 1 ohé ! goy ^voué é
Eh ! ohé ! goy ika
Oh ! Okanga moana na
Poumboubéka !
Oha 1 Lenga moana Ollango
Eydi na Tssoussou -éhé ! -éhé I (2)
Denguissa -Abolo é é é é I
Ohé! Epégouna Moengué
Ohé ! Gongieika Kolobondjo
Ohé ! Ibalta Lambaloba
Elongo-ganja Abondgii
Okanja na Obemba ié - é
Koula na n'Golo Oyembi
Okakadongo N'Gélo é é é é
Okeli Mebamba
Bato olongué na bissou Mabambo
Oha I goy éh-ph
Oha ! goy éh-éh
Goy hé - ihé é
Oha ! goy, hélas ! il déteste les hommes
Oha ! goy est encore à Mossemba (1)
Goy a fait ses enfants dans la brousse
Les hommes ne s'y promènent pas
sans danger
Oha ! goy déteste les hommes
Goy regarde avec des yeux (mauvais)
Oha ! ohé ! goy est mort
Eh ! ohé ! goy te voilà
Oh ! Okanga enfant de
Poumboubéka !
Oha ! Lenga enfant de Ollango
Eydi na Tssoussou- éhé ! éhé! (2)
Denguissa - Abolo é é é é !
Ohé ! Epégouna Moengué
Ohé ! Gongieika à la longue sagaie
Ohé ! Ibatta Lambaloha
Elongo-ganja (du village) d'Abondgii
Okanja de Obemba ié-é
Koula (enfant de) N'Golo (du village de)
Oyembi
Okakadongo de N'Gélo é é é é
Okeli (enfant de) Mebamba
L'homme qui a quitté nous c'est Ma-
bambo
(1) Goy est à Ossemba, village où est sa retraite
(2) Appel d'un homme mort à la guerre.
l'ri ni: kthnockapiiiqi e de LA TRIBU kouvou
69
Okandja moana Pombobéka
Oloko Kouyou ombia gania
Itsaka na Ambangoua Kcta
Oha ! ohé ! Yoka ota boléko
Oyengué Mokombo - Pouamou
Boulalékaotoumba
Oh ! ohé ! Okongoé
Oha ! Elidabendé
Eiinga Boutoul
Oha ! Ekajougoué
Ohé ! Ibatta Loboua
Ossoba kanga Ekongo
Okolébano ! Olié ! Ebanjo !
Ondjolopala!
Okandja enfant de Pombobéka
Oloko de Kouyou est un ami vilain
Itsaka (enfant de) Ambangoua est Keta
Oha ! ohé ! Yoka parle comme le fusil
Oyengué (du village de) Mokombo-
Pouamou
Boulalékaotoumba
Oh ! oké ! Okongoé
Oha ! Elidabendé
Eiinga Boutou !
Oha ! Ekajougoué
Ohé ! Ibatta Loboua
Ossoba parent de Ekongo
Okolébano ! Ohé! Ebanjo !
Ondjolopala!
Nous avons fini de décrire les fêtes de la panthère.
Il nous reste à conter l'ottendé nan goy qui a un rapport
intime avec la panthère, et voici en langue indigène ce que c'est :
Ato moy na djété atoubiki,
ato ekoubé na moto, akani
na moy na djété, mokanda na
taba, ahadi malamou. Kani
akeï na mode na djamba,
akamati mondo na pembé
akani na may, assingui na
djoto, abandi, abandi, abandi,
Abanda akeï koboumba ebobo.
Akamati gonga alingui na
djoto na mottendé. Kani akamati
dongo, akani na monoko na yé,
alembi dongo alobi : Sékoua
ottendé, sékoua. Ottendé assékoué,
oyemba, éhounda ékouma, eyemba,
eyemba, eyemba. Ottendé assili na
djoto.
Prend ventre du bois creuse,
prend os d'homme mort, enferme
dans ventre du bois, peau de
cabri, lie fort. Chef
va avec cela en brousse,
prend rouge et blanc
met dans l'eau, tache le
corps, tache, tache, tache.
A taché va l'enfermer dans la place du
likouma.
Prend le maillet frappe sur
corps du mottendé. Chef prend
piment, met dans la bouche de lui,
insuffle le piment dit : lève toi
ottendé, lève toi. Ottendé se lève,
chante, frappe le likouma, chante,
chante, chante. Ottendé épuise son
corps.
Le chef prend un bois et le creuse, prend un os de mort et l'enferme
dans ce tam-tam à l'aide d'une peau de cabri qu'il lie fort. Le chef va avec ce
tam-tam en brousse ; il prend du rouge et du blanc et les met dans l'eau. Il
tache le corps du tam-tam, le tache comme la panthère. Quand il l'a taché, il
porte le tam-tam à l'emplacement du likouma. Il prend un maillet et frappe
sur le corps du mottendé. Il prend du piment et souffle le piment dans la
bouche de l'ottendé et dit : lève toi ottendé, lève toi. L'ottendé se lève, chante,
A. POUPON.
frappe le likouma, chante, chante, chante. L'ottendé enfin tombe le corps
épuisé.
Le chef creuse donc un tam-tam dans lequel il met l'os d'un
mort. Il tache ce tam-tam comme la panthère et l'apporte dans
la retraite du likouma. Il insuffle l'ottendé de piment, l'ottendé se
lève et va lutter contre le likouma, lutte, chante, lutte en chan-
tant et tomhe épuisé de fatigue.
L'indigène présente le likouma comme le chef et l'ottendé
comme son sous-chef. C'est à l'ottendé que le chef du village
commande d'aller tuer les cabris de son débiteur ou même ce
débiteur. L'ottendé est encore l'animal du chef, en ce sens qu'il
est le défenseur du village.
Quant l'ottendé lutte contre le likouma, il chante la chanson
suivante :
Dzembo na ottendé
Chanson de l'ottendé
O ô ô ! owoha I
Aho I ié ié ié é
Àho I ié ié ié e
Mottcndé abè yésé
Oko koundé moloko djengué,
ïchina ayeki na mossi.
Ayaki na oko koliécha.
Kkaka ié ié ié é
O ô ô 1 meurt !
Aho 1 ié ié ié é
Aho ! ié ié ié é
Mottendé bat les hommes.
La nuit la fourmi frappe le rat.
Les marchandises viennent dans le jour.
Viens la nuit il n'y a pas de marchan-
dises.
Ekaka ié ié ié é
Le chef fait servir l'ottendé à ses fins. Mais il peut utiliser le
likouma de la même façon pour lui ou pour des étrangers. Il le
consulte, le fait parler sur l'avenir, lui demande la solution de
palabres. Il opère de la façon suivante :
Bissou ékamati may na Nous (le chef) prend eau de
ébolou, na kongué, na illanga, bananier, et du kongué et de l'illanga,
akani dongo moko, akani na met ensemble, met dans
moy na likouma ventre du likouma.
On donne à boire au likouma ce mélange, puis le chef peint le
likouma de rouge et de blanc comme la panthère et le prie :
Likouma gai akamati yo.
Gaî agnoussou kongué monoko
na no.
Gai apessi no, endongo, pombé,
goula, mali na djoto na no.
Gaî a^sali yo malamou, assali
gai malamou.
Likouma j'ai acheté toi.
J'ai donné à boire le kongué à bouche
de toi
Je t'ai donné le piment, le blanc,
le rouge, l'huile sur le corps de toi.
J'ai fait toi bien, fais
moi bien.
ÉTUDE ETHNOGRAPHIQUE I>K L\ TRIBU KOUYOU. 71
Au lieu de se servir du likouma comme oracle, le chef peut
avoir à lui demander de faire rendre des marchandises en litige
ou d'aller chercher et de rapporter des ohjets à celui qui les
demande. Il emploiera les mômes rites que précédemment. De
plus, il remettra au likouma une partie des objets qui lui auront
été donnés en cadeau.
Le kongué et l'illanga que Ton mêle à la boisson du likouma
sont de plantes. La première est le poison que Ton écrase dans
les rivières et qui tue les poissons. La seconde est une plante qui
donne de la force à rendre furieux. Ce breuvage, extrêmement
dangereux pour tout autre, surexcite les forces du likouma et le
fait parler.
Le chef, s'il a une créance personnelle impayée, se tache la face,
le ventre, le corps, comme la panthère et va voler les cabris de
son débiteur, et même tuer ce débiteur.
Il faut sans doute voir là, déjà atténuée, cette habitude qui
subsiste avec tant de force au Gabon, et qui se rattache sans doute
là aussi au culte de la panthère, d'après laquelle des gens tachés
comme la panthère vont chez les autres faire de véritables raffles
de cabris et même tuer ceux qui les gênent.
Le nombre des initiés aux cérémonies de la panthère dans un
clan d'environ trois mille mâles, comme celui des Ombouma, est
encore assez limité. Les deux villages de Loando et de Kanguiné,
qui composent la moitié de ce clan et qui comprennent environ
1.500 têtes mâles, comprennent dix-neuf initiés. L'autre partie du
clan, formée des villages de Lingue etLinguénavé, ne comprend
guère plus d'affiliés. Une partie fête- la panthère de Boumachia,
l'autre la panthère de Gassaké.
Les chefs des autres clans Kouyou ont aussi leur panthère! Ces
clans sont concentrés en quelques villages : Mokouma et Mon-
daka forment un clan; Songo en est un autre; Bogo, Bokangué,
Ekoungounou en sont d'autres. Les chefs de chacun de ces clans
fêtent la panthère, président des cérémonies du likouma et font
des initiés. Une trentaine de chefs de la tribu se considèrent
comme apparentés à la panthère. C'est une bonne moitié de la
tribu, toute la moitié ouest. Par contre, nous allons voir que toute
la moitié est fête le serpent ou yoka ou djo.
72
a. POuro>\
Les rites de lÉbagué ou du Caïman.
Un autre animal, le caïman, est aussi animal du chef dans le
clan des Ombouma. Voici le mythe que rapportent à ce sujet les
indigènes.
Kani adjaja. Adjoué
épouba na maï. Apoua
na maï bo. Aoka pou-pou.
Aouli aoka pou-pou, eti
ébagué apoukissi schoué
na likolo. Oua : hé ! oïo
oundé? Ebagué ayé na oua,
oua akami. Ebagué abouaki
schoué na go. Yé : Oa ho !
léyaka. Abia ayaki, yé assoukoulou
abia : gai époubiki, ébagué
ayaki na schoué, aboki n'go.
Opè oungou bo boungou ?
aodhé obeta schoué, oloki
ho ? Bétè schoué, motissé na
oua m'boka, assédè schoué na
taché. Na mokolo ébagué koya,
aho na oua dja m'bissi, gaï
kopè nayo, gaï azali n'dékou
na yo, mokolo mossoussou gaï
kobouma yo m'bissi. Bato
na bissa aké na maï. Yé
aouli kobouma mossoussou.
Bato akamati apessi na kani.
Kani adzengui moutou kobouma
na dakou na yé. Abomi
mossoussou, kani adzengui
moutou oïo abombi na dakou.
Kani alobi : a Bissabinou
kolia ébagué mossoussou tè,
ébagué adzali na dékou. Tala
yé apessi n'gaï bissi mingui,
mingui. Kodja mossoussou tè.
Chef posait. Va
se laver dans l'eau. Arrive
à l'eau ainsi. Entend pou pou.
Vient d'entendre pou-pou, voit
caïman sortir poisson
en haut. Lui ; hé! ceci
qu'est-ce ? Caïman vient à lui,
lui de fuir. Caïman mit
poisson à terre. Lui : oa ho !
venez. Les amis viennent, lui dire
aux amis : je me lavais, caïman
est venu avec poisson, l'a déposé à terre.
Ceci vraiment qu'est-ce vraiment?
Allons, prenez poisson, oloki
qu'est-ce? Us prirent poisson, parti-
rent avec
lui au village, mirent poisson à
terre. Un jour ébagué vint,
dit à lui mange poisson, moi
donne à toi, je suis parent
de toi, jour autre je v
tuerai pour toi poisson. Homme
dans la suite va à l'eau. Lui
venait tuer autre.
Hommes prenaient donnaient au chef.
Chef coupait tôte mettait
dans case de lui. Tuait
autre, chef coupait
tête de lui mettait dans case.
Chef dit : « Nous tous
mangeons caïman plus,
caïman est parent. Voyez
il a donné à moi poisson beaucoup,
beaucoup. Mangez plus du tout. »
Un chef était. Il alla se laver à l'eau. Il arrive à l'eau. Il entend pou-pou.
Dès qu'il a entendu pou pou, il voit un caïman sortir un poisson hors de
l'eau. Lui : lié qu'est ceci ? Le caïman vient à lui, lui de fuir. Le caïman mit
le poisson à terre Lui : oa ho I venez tous. Les amis viennent, il dit aux
amis : Je me lavais, un caïman est venu avec un poisson et l'a déposé à terre.
Ceci vraiment qu'est-ce? Allons prenez ce poisson, qu'est-ce cet oloki? Ils
ÊTUD1 ETHNOGRAPHIQUE DE LA lUUU tOUTOU. 73
prirent le poisson, partirent avec au village, mirent le poisson à terre. Un
autre jour le caïman vint et lui dit ; mange le poisson que je t'ai donne'»,
je suis ton parent, un autre jour je tuerai du poisson pour toi. Les
hommes dans la suite allaient à l'eau. 11 venait leur tuer du poisson. Les
hommes le prenaient, le donnaient au chef. Le chef coupait la tête, la mettait
dans sa case. Il en tuait un autre. Le chef coupait sa tète la mettait dans sa
case. Le chef dit « Nous tous ne mangeons plus de caïman, le caïman est
notre parent. Voyez il m'a donné à manger beaucoup. M'en mangez plus. »
Aussi chaque fois qu'un poisson est tué par les gens du village,
on l'apporte au chef. Il en coupe une partie et la donne à l'inté-
ressé. Il en prend une autre partie et la conserve pour lui. Il
garde la tête dans son-okoko ou la jette à l'eau en disant :
Ebagué yo dékou nan gaï, Caïman toi parent de moi.
Go apessi gaï bilia, Tu as donné à moi de la nourriture.
Kamata paï na yo. Prends la part de toi.
Ce disant il jette la tête à l'eau. Si le corps d'un caïman est
trouvé sur la rive, on l'ouvre et tout ce qui est enfermé dans son
estomac, bracelets, etc.... est apporté au chef et lui est donné
comme sa propriété.
Lorsqu'un caïman est tué ; on le tire à terre, on l'élève sur des
pagaies, on le porte à la case du chef, et on dit au chef :
Ebagué na ne akouphi, apessi Caïman de toi est mort, donne
bissou mossolo ». nous des marchandises.
Le chef promet de payer et les danses commencent. La danse
du caïman s'appelle le kabi ou danse de la pagaie.
Pendant la première figure, les danseurs, la pagaie sur l'épaule,
font le tour du caïman en chantant le refrain suivant :
e e
ma e
e e
ma e ô é
ma a
o e
é é
l'eau é
é é
l'eau é ô é
l'eau â
ô é
ma à j
é é yé
ebagué
ébayé a yé o Avoua
l'eau â
é é toi
caïman
caïman to
i es moi
*l
Le « Kabi » ou Danse de la Pagaie.
•j4 A. POUPON.
Ce refrain est d'ailleurs unique et c'est, lui qui accompagne
toutes les danses du caïman.
Pendant la seconde figure, les danseurs s'arrêtent. Ils aban-
donnent leurs pagaies, viennent se masser en un chœur compact
et commencent à frapper des mains et à chanter. C'est toujours
l'éma-é qui est chanté. Au milieu du chœur, un tam-tam posé à
terre cadence la danse. A côté, sur un gros morceau de bois
creusé, un chanteur frappe avec une pagaie sur un rythme lent.
Ce son reproduit celui que font les pagayeurs en route, en frap-
pant avec un bois sur le bord de la pirogue pour encourager le
pagayage. Un troisième personnage dirige le chœur des chan-
teurs en frappant des mains. Un quatrième danse seul en dehors
du groupe. Celui-ci, pendant que les autres chantent et qu'on
rythme la marche de la pirogue, debout à côté du chœur, simule
de plonger la pagaie dans l'eau. Il pagaie pendant un instant,
quand il a fini, il se met à courir d'un côté et d'un autre, gam-
bade en jetant la pagaie en l'air, et semble témoigner de la joie
pour ce mode de locomotion. — Tout à coup, il cesse de gamba-
der, se fixe sur le sol les jambes ouvertes et en balançant le corps
d'avant en arrière, la pagaie au poing, le bois horizontal, il fait
aller cette pagaie d'avant en arrière de l'épaule et indique avec la
pointe un endroit de l'horizon qui est Loboco, groupement de la
rivière d'où est venue cette danse, et par qui elle a été transmise
aux Kouyou. Pendant tout le temps où ce danseur a évolué, il n'a
jamais cessé de revenir à celui qui dirige le chœur des chanteurs,
sur lequel il impose sa pagaie, corps et tête.
A la troisième figure, le chœur mène toujours la danse. Le
danseur principal, à côté et en dehors, simule qu'il pagaie, à
droite puis à gauche. Il reprend sa marche, gambade, impose la
pagaie sur le corps du chanteur principal. Il s'arrête, lève la
pagaie au-dessus de sa tête, la porte au-dessus de sa bouche et le
cou renversé, il simule de boire l'eau qui coule de la pagaie.
A la quatrième figure, la pirogue est toujours en route. Le
danseur principal pagaie à droite, puis à gauche.
Au début de la troisième figure, les hommes dépècent le
caïman. Lorsqu'il est dépecé et quand la danse prend fin, on fait
remise de la peau au chef qui la rentre dans son okoko. La
chair est remise à d'autres qu'aux hommes du clan pour la con-
sommer.
Au lieu de célébrer le caïman à terre, on peut très bien le fêter
lll DE ETHNOGRAPHIQUE 1>E LA TRIBU ROUYOU. 75
en pirogue et en route. On met alors à l'avant de la pirogue, un
morceau de bois de forte taille coupé à l'image du caïman et
on procède en pirogue à tous les gestes qui viennent d'être
décrits.
D'après les Kouyou eux-mêmes, les rites de l'ébagué seraient
d'importation ; ils leur auraient été transmis par les gens de
Loboco. Loboco est un groupement de populations situé sur la
grande rivière, la Likouala. Tous les chefs Kouyou qui con-
naissent le goy ne connaissent pas toujours l'ébagué. Sur la
rive droite, il n'y a guère que les groupements de la rivière qui
le fêtent. Ces groupements sont Lingue, Linguénavé, Aba, Loando,
Kanguiné, Mango, Bembé, Mokouma, Himbou Assoko, Dès
qu'on entre un peu à l'intérieur et qu'on atteint Songo, Bogo,
Bokangué, les chefs de ces villages, déclarent que l'ébagué
appartient aux gens de la rivière et leur est inconnu. Ces rensei-
gnements semblent donc bien prouver son importation et son
emprunt aux gens de la rivière, pêcheurs qui montaient dans le
Kouyou pour se ravitailler en manioc.
Ajoutons qu'il n'y a aucune pratique d'initiation pour l'ébagué
et qu'en dehors du mythe et de la danse que nous avons cités,
nous n'avons pu trouver aucune cérémonie secrète qui s'y
rapporte.
Les Kouyou appellent le goy et l'ébagué les n'guissi ou okia ou
okilou(l) du chef et disent qu'ils sont tous deux des nyama na
kani ou dékou na kani, les animaux du chef ou parents du chef.
Au contraire, ils appellent le boandi ou chien, dékou na
Kouyou, le parent des Kouyou. Qu'est-ce que ce parent des
Kouyou opposé aux parents du chef. Les Kouyou citent un
mythe :
N'goko na kala akamati Ancêtre il y a longtemps prit
boandi, adgessi boandi biloko, chien, nourrit chien de choses,
adgessi, adgessi, adgessi. nourrit, nourrit, nourrit.
Boandi aè mounéné. Yé Chien devint gros. Lui
na boandi kotamboula kaka, et chien marchaient seuls.
Mokolo oïo yé na boandi Jour celui-là lui et chien
atamouli, akeï. Dja akamati marchaient allaient. Faim prit
(1) Le Kouyou dira en expliquant le mythe du goy que c'est le n'guissi nan goy ;
le mythe du cafman, que c'est le n'guissi na ébagué. Il dit en parlant d'un tabou
personnel que c'est le n'guissi de la personne. — Sans chercher à définir la notion
de n'guissi, le n'guissi kouyou est soit l'esprit mystérieux que révèle le mythe et qui
rattriche la panthère au chef, soit la puissance secrète qui, dans un tabou, fera la force
de préservation.
7'1 A. POUPON,
djoto na djamba. Yé ayaki, corps dans brousse. Lui vint,
kota n'déké abondi na likolo. vit oiseaux accrochés en haut.
Alobi : oah no! Ekambi moana Dit : oah ho! Je n'ai pas enfant
ehimba yo n'déké. Boandi pour monter vers les oiseaux. Chien
alobi : ho ! no kossakoula dit : ho ! toi vends
gaï tè, yanga ellea. Boandi moi pas, moi-même j'y vais. Chien
allé éko. Àhada niossi, atina monta dans l'arbre. Prit oiseaux, jela
tché, ahada ato na tché, à terre, prit jeta à terre,
ahada na tché. Yé assoundi, jeta à terre. Lui descendit,
yé alobi. aké nam boka assakoula il dit, parti au village vends
gai tè. Ato niossi aya na ba moi pas. Prit oiseaux vint avec eux
nam boka, ayé nam boka, abiengui au village, venu au village, il appelle
moana, abiengui moassi, ayé enfants, appelle femmes, vint
na ba nan dakou, aoh ; ohé! avec eux dans case, dit : ohé !
boandi bato, baondi adjé ka. chien est homme, chien mangez pas.
Poko bissabinou djénaboandi. Village de nous est djénaboandi.
Bissou na gongo boandi kolia Nous ensuite chien mangeons
moussoussou tè. Soko bato plus. Si un homme
adjé boandi yé moko akouphi, mange chien lui seul meurt,
Po na yé. C'est son affaire.
Un ancêtre, il y a longtemps, avait un chien. 11 nourrit le chien de choses,
le nourrit, le nourrit, nourrit. Le chien devint gros. Lui et le chien se pro-
menaient seuls. Ce jour-là, lui et le chien marchaient, allaient. La faim le
prit dans la brousse. Il vit des oiseaux accrochés à un arbre. Il dit : Oah ho !
je n'ai pas un enfant pour monter me chercher ces oiseaux ! le chien dit
ho ! n'en parle pas au village, mais laisse-moi y aller. Le chien monta dans
l'arbre prit des oiseaux, les jeta à terre, en prit d'autres les jeta à terre, en
prit d'autres les jeta à terre, en prit d'autres les jeta à terre. Quand il
descendit, il dit : quand nous serons au village, ne me vends pas. L'homme
prit les oiseaux vint avec village. Venu au village, il appelle les enfants, il
appelle les femmes, vient avec eux dans une case et leur dit : Eh ! chien est
homme ne mangez pas du chien. Voilà pourquoi notre village s'appelle djéna-
boandi. Dans la suite nous n'avons pas mangé du chien. Si un homme en
mange il meurt; c'est son affaire.
Ce mythe établit donc une relation de parenté entre les gens
du clan et le chien ; il leur interdit d'en manger et nous apprend
que ces populations s'appellent des Djénaboandi, (de dja na
boandi — manger pas le chien).
Quels sont les villages qui se reconnaissent comme Djénabo-
andi? Exactement tous ceux que nous avons cités comme
Oinbouma, c'est-à-dire : Lingue, Linguénavé, Aba, Loando,
Kanguiné, Mango et Bembé, sur la rive droite que nous étudions,
Ibo, Okembé, Olloumba, Issemba, sur la rive gauche. Les gens
<ln ces villages ne se cilcnt que très rarement sous le nom de
ÉTUDE ETHNOGRAPHIQUE DE LA TRIBU K.OUYOU. ~-
Ombouma et se disent plutôt Djénaboandi. Plus anciennement
ils se citaient exclusivement sous ce nom.
Le clan des Djénaboandi était groupé tout entier — et il ne semble
pas qu'il y ait si longtemps encore — sur le plateau qu'occupe
actuellement le village de Lingue. 11 était alors sous le comman-
dement du chef Boumakénikaka. Après une querelle entre Bouma-
kénikaka et son frère Gaboka, le clan se scinda : Boumakénikaka
et une partie des Djénaboandi occupa la terre de Bétégoungou,
où l'on est obligé de frapper beaucoup les moustiques ; Gaboka et
l'autre partie alla habiter Ingué, c'est-à-dire en bas, plus bas sur
la rivière par rapport aux Bétégoungou.
Les Djénaboandi Bétégoungou eurent pour chefs, après Bouma-
kénikaka : Poumboumabéka, Okemba, Boumabongo, Ekaka et
finalement Boumachia, sous lequel nous les voyons actuellement.
Il n'y a donc pas si longtemps que s'est opérée la scission. Il sont
encore commandéspar deuxchefs : Gassakéet Boumachia qui se par-
tagent les villages de ce clan. Ils occupent une surface de territoire
d'environ 10 kilomètres carrés, autour du poste administratif de
Fort-Rousset et encadrent ce poste à l'Est au Sud et à l'Ouest Ce
groupe de populations comprend environ 5.000 individus,
hommes, femmes et enfants. Il est donc interdit aux Djénabo-
andi de manger du chien, le chien étant leur parent. Ils ne
peuvent pas tuer un chien ; ils ne peuvent pas en voir tuer un.
Si un de leurs chiens meurt, ils disent qu'il est : « Akeï na
djama » parti en brousse. — Le chien porte un nom d'homme, il
s'appelle : « Obanguimonaka, celui qui ne ment pas ». Et il
s'appelle ainsi parce que : « Bato mokè adi na loukouta kaka,
kani ka = hommes petits sont au mensonge seuls, les grands
chefs pas ». On appelle kani par opposition à amokongi, les chefs
de clans par opposition aux chefs de village.
J'ai cherché à voir si les Djénaboandi fêtaient secrètement le
chien. Il est certain qu'il y a un emplacement de brousse appelé
oïoué et consacré au chien, et qu'il se dansait dans ce lieu un
grand tam-tam du chien : l'oïoué. Mais il nous a été impossible
d'obtenir sur cette danse autre chose que les renseignements
succints que nous allons donner, parce qu'il n'existait plus dans
le pays de vieillards pour nous la décrire. Cette danse avait été,
en effet, abandonnée depuis trop longtemps à cause des grands
désordres qu'elle occasionnait. Voici ce qu'on en sait encore :
l'oïoué était une fête terrible et la plus grande de toutes les fêtes,
-8 A. POUPON.
la plus importante, la plus respectée par les Kouyou, plus que
celle du goy, plus que celle de rébagué. Elle se célébrait dans un
endroit retiré de brousse. Les initiés avaient le visage et le corps
peints en noir, ils portaient la peau de cabri sur la tête. A la fin de
cette fête, les affiliés entraient dans les cases, volaient, pillaient
tout, emmenaient les femmes sans qu'on eût le droit de s'opposer
à leurs rapts. Cette fête se célébrait la nuit et durait plusieurs
nuits. C'est également de nuit que s'opéraient les rapts. Mais ces
rapts étaient un tel sujet de trouble qu'il firent abandonner petit
à petit la fête du chien, de sorte qu'on en trouve plus aujourd'hui
que des traces.
Le principe d'exogamie est respecté par les Djénaboandi. Deux
Djénaboandi ne peuvent se marier entre eux (les Djénaboandi
prenaient leurs femmes chez les Goumba). Lorsque plus tard les
Mohoko. venus du bas de la rivière poussés par des guerres, se
furent méîés aux Djénaboandi et eurent accru le clan primitif
d'éléments étrangers, alors seulement les Djénaboandi prirent des
femmes dans leur village, dans la partie étrangère. Les Goumba
étaient un clan Kouyou voisin de celui des Djénoboandi et avec
lequel ils s'allièrent, ce qui était l'occasion de nombreuses guerres.
Tout mariage clans le clan est doki, c'est-à-dire menacé de
mauvais sort, et amène la mort d'une des parties. Celle-ci est
même empoisonnée si elle ne meurt pas par le doki.
Les familles djénaboandi sont les suivantes :
Au village de Loando :
Boumachia et ses enfants.
Kanoa, premier frère de Boumachia et ses enfants.
Mokemba, deuxième frère de Boumachia et ses enfants.
Okombi, troisième frère de Boumachia et ses enfants,
et la descendance de ces enfants.
A Kanguiné :
Mayali et ses enfants.
Mohoko et ses enfants.
Yombi et ses enfants.
Otéméssi et ses enfants.
Mokemba et ses enfants.
Mongogni et ses enfants,
et la descendance de ces enfants.
A Bembé, le village est composé de trois familles, toutes trois
Djénaboandi.
ÉTUDE ETHNOGRAPHIQUE DE LA TRIBU K.OUY01 . 79
A Mango. le village est composé d'une seule famille Djénaboandi.
A Lingue : Gassaké et sa famille (Gassaké avait eu cinq frères,
tous morts).
A Linguénavé : Ekaka et sa famille.
A Aba : une seule famille, rien que des Djénaboandi.
Sont donc Djénaboandi tous les Ombouma, tous les descendants
de cet ancien clan qui était groupé sur le plateau de Lingue sous
le commandement de Boumakénikaka. Le nom de Ombouma n'est
utilisé que depuis très peu de temps. Le clan du plateau de Lingue
s'intitulait Djénaboandi et les gens de ce clan s'appelaient toujours
et s'appellent encore couramment par ce nom.
Nous avons dit qu'au clan primitif des Djénaboandi s'est
surajouté, à Loando et à Kanguiné, des gens appelés Mohoko et
venus du bas de la rivière. Ces Mohoko sont aussi appelés
M'Bomo du nom du serpent M'Bomo qu'ils révèrent. Ces M'Bomo
ne se disent pas Djénaboandi et, bien que fêtant la panthère et
l'ébagué avec les Djénaboandi, ils respectent letitre de Djénaboandi
et ne le portent pas. Us se marient aux filles des Djénaboandi.
A Lingue, il y a des Ongalé, des Omboko, des Essengoua, venus
du dehors et qui jouent le même rôle. Ils ne prennent pas le titre
de Djénaboandi, mangent le chien, se marient aux filles des
Djénaboandi, et se font initier aux fêtes de la panthère.
Il est donc facile de retrouver les familles Djénaboandi, à côté
des familles étrangères, dans les sept villages de la rive droite.
Nous n'avons pu les rechercher dans les villages de la rive
gauche.
Le titre de Djénaboandi se conserve par les hommes et se perd
par les femmes. Lorsqu'une fille Djénaboandi passe chez les
M'Bomo elle donne naissance à un M'Bomo.
Actuellement les Djénaboandi prennent leurs femmes chez
les M'Bomo, étrangers. Mais plus anciennement, lorsque ceux-ci
n'étaient pas encore dans le pays, ils les prenaient dans les
clans Kouyou voisins, entre autres cbez les Goumba et les
Omanda.
Les Goumba sont un groupement Kouyou qui habitait la terre
où sont actuellement Loando et Kanguiné. Ils tirent leur nom
d'une sorte de porc-épic dont ils ne consomment pas la chair et
dont ils conservent religieusement la dépouille dans leurs cases.
Les chefs Goumba fêtent la panthère et le caïman, mais ils ne
reconnaissent pas le chien, dont ils consomment la chair.
8o A-- POOPON.
Le temps nous a absolument manqué pour pousser plus loin
nos recherches et connaître dans quelle mesure les Goumba
respectent le Goumba et le fêtent. Ce que nous savons, c'est que
les Goumba étaient voisins des Djénaboandi et occupaient rem-
placement actuel de Loando, d'où Boumakénikaka les chassa pour
prendre cet emplacement. Bouma les obligea à passer sur la rive
gauche, où ils occupent à l'heure actuelle les villages de Ombelle,
Ollombo, Obanga et Biaboko.
Les Goumba prenaient leurs femmes chez les Djénaboandi
comme les Djénaboandi les prenaient chez eux, et c'est encore
ainsi que se font les mariages Goumba et Djénaboandi.
Les Djénaboandi, à l'heure actuelle, vont encore prendre leurs
femmes dans un troisième clan, celui des Omanda. Le clan Omanda,
qui se compose des deux gros villages de Mokouma et de Mondaka,
tire son nom d'une sorte de rat, l'omanda, qu'il est interdit au
clan de manger. Les Omanda peuvent consommer le chien, mais
ils respectent la panthère et l'ébagué et les fêtent. A côté et au
sud du clan des Omanda, est celui des Okoukou. L'Okoukou est un
grand oiseau noir à gorge blanche dont le clan porte le nom et
qu'il ne consomme pas. Est Okoukou le seul village de Songo.
Bokangué est Etoumou, sorte de bœuf qu'il ne mange pas.
Ottendé est Kanga, du nom de la pintade qu'il ne consomme pas.
Or tous les gens de ces groupements, qui portent des noms
d'animaux dont ils ne consomment pas la chair et dont ils
conservent les dépouilles, ne se marient pas à^ l'intérieur du
groupement et vont chercher leurs femmes les uns chez les
autres. Ils respectent tous également la panthère de leur chef, mais
tous ne reconnaissent pas l'ébagué. Les Djénaboandi, les Goumba
et les Omanda, qui ont vécu sur le bord de l'eau, l'acceptent. Les
Okoukou, les Etoumou, les Kanga ne l'admettent pas, parce que,
disent-ils : « Yé azali po na bato na mai = il est pour les gens
qui sont sur la rivière. »
Nous ne croyons donc pas nous tromper en reconnaissant dans
les Goumba, les Omanda, les Okoukou, les Etoumou, les Kanga
des clans à noms d'animaux, noms portés par chaque individu du
clan, et clans en quelque sorte totémiques et dans lesquels, si nous
avions eu le temps de chercher nous aurions trouvé les caractères
d'un totémisme plus accusé ; lieux sacrés, fêtes d'animaux, comme
chez les Djénaboanti, ou du moins des traces de ces manifes-
tations.
ÉTUDE ETHNOGRAPHIQUE l>K LA TB.IB1 KOUYOU. 8t
Ce qui reste cependant très fixe dans ces cinq clans et qui
nous a été affirmé dès nos premières recherches, c'est que ces
clans ne consommant pas l'animal dont ils portent le nom et
qu'entre Goumba, Omanda, Okoukou, Etoumou, le mariage est
interdit. Au-dessus de leurs animaux interdits, ces clans res-
pectent la panthère de leur chef, et nous verrons que, dans l'Est,
toute l'autre partie de la tribu fête le serpent ou yoka ou djo.
Avant de passer à l'étude des institutions de l'Est, citons encore
deux institutions de l'Ouest : le tsengui ou société secrète des
femmes panthères, et le mondo, qui est une danse très réputée
importée par les M'Bomo, dansée avec goût par les Djénaboandi
et qui paraît être un reste des anciennes fêtes du serpent
M'Bomo.
Le Tsengui.
D'après les Kouyou, le tsengui serait une société secrète des
femmes qui se tachent comme la panthère et qui se disent
panthères, société où l'on initie les femmes à certains principes
de moralité et qui correspond à l'ottoté pour les hommes.
Nous aurions pu réserver la description du tsengui et en parler
en même temps que de l'ottoté. Mais comme il s'agit d'une société
où intervient la panthère et de danses où la panthère est imitée,
nous décrivons le tsengui après le likouma et l'ébagué. Il y a,
d'ailleurs, un certain parallélisme entre le likouma dans la
société des hommes et le tsengui dans la société des femmes.
L'ottoté, à qui ne se mêle en rien des rites où intervient un animal
et qui semble exclusivement politique, a été réservé pour un
chapitre ultérieur.
Le tsengui est tout d'abord une société secrète de femmes d'où
les hommes sont formellement exclus. Si les hommes assistent
au tsengui, « Bango, Okouphi, Sika-sika, eux meurent tout de
suite ». Ils ne sont pas plus autorisés à participer au tsengui que
les femmes ne peuvent participer aux réunions du likouma ou de
l'ottoté. Les tsengui disent famillièrement : « Bissou goy akamati
bato = nous sommes les panthères qui prenons les hommes ».
Les tsenguis n'assistent, en effet, aux cérémonies secrètes, que
mouchetées, corps et visage, de points ocres et blancs, petits et
très rapprochés qui leur donnent, surtout au visage, l'apparence
de panthères.
l\nthropoloqie. — t« xxix. — 1918. G
A. rori'ON.
L'initiation. — Lorsqu'un mari veut que sa femme soit initiée, il
promet de payer le prix de l'initiation. Alors les tsenguis prennent
le pombo et l'emmènent en brousse, au milieu d'un vaste em-
placement convenablement débroussé.
Le pombo passe dans la cour où l'on danse pour lui. Il est
entouré de toutes les femmes déjà initiées, peintes comme la
panthère. Son visage est caché sous des feuilles de manioc. Il
passe et est emmené dans le lieu d'initiation.
Dans la cour où l'on danse pour lui — qui est un lieu proche du
centre d'initiation — toutes les femmes du village non initiées
mènent un grand tam-tam qui s'appelle le tsengui et qui dure
tout le temps où se fait l'initiation.
On reçoit la postulante de la façon suivante : on met des feuilles de
manioc à terre. Le boato, ou cercueil creusé dans un tronc d'arbre,
est installé au fond de l'emplacement débroussé, sur deux pagaies
(remarquons que boato veut dire pirogue). La postulante passe
en marchant sur les feuilles de manioc, les mains liées derrière
le dos. Elle est conduite ainsi jusqu'au cercueil. Là elle est placée
à genoux, à la tête du cercueil.
A genoux, on lui peint le visage comme la panthère. Autour
d'elle les initiées dansent. Au loin, on entend le tam-tam des non-
initiées qui répond. On procède au rite le plus important de l'ini-
tiation : on lui bourre la bouche d'étoupe de bananier. Au fur et
à mesure qu'on entre cette étoupe, on prononce : « Tu ne feras pas
fort, tu ne parleras pas fort, tu prendras de la sagesse ». Si l'ini-
tiée résiste, on lui bourre l'étoupe de bananier de force dans la
bouche, et on continue l'initiation en lui récitant les formules
suivantes :
Tu coïteras chaque fois que ton mari t'appellera.
Tu coïteras de toutes les manières.
Tu ne plaisanteras pas ton mari.
Tu ne lutteras pas contre lui.
Tu n'auras pas de kola (amant).
Même tsengui, tu remettras à ton mari tout l'argent que tu
auras acquis pendant les initiations.
Tu prépareras bien le manioc de ton mari.
Tu te laveras bien.
Tu te vêtiras bien.
Tu seras hospitalière.
Puis on lui dit : quand tu retourneras au village et qu'on te
i il DE ETHNOGRAPHIQUE DE I \ HUBU M>i VOU. 83
demandera ce que tu viens de faire dans la brousse, tu répondras :
a goy akamati gaï : la panthère m'a prise. »
La tsengui sur cette dernière formule retourne au village, le
visage peint des taches de la panthère. Elle garde ses marques
quatre jours et est lavée le cinquième jour, jour du tchono ou
des morts.
Lorsque l'initiée passe devant les femmes du village qui
dansent pour elle, celles-ci s'étonnent et disent :
Oïo éokikinidé = ceci qu'est-ce?
(Ko goy cholo = ceci c'est la panthère vraiment.
Les tsenguis se disent :
Bissou po na kanga =Nous sommes les femmes qui amarrons.
Les tsenguis portent comme signe d'initiation, non pas le petit
balai comme les ottotés, mais la queue de bœuf. C'est avec cette
queue de bœuf qu'elles se promènent en public et qu'elles frappent
leurs tams-tams. Remarquons que la queue de bœuf portée à la
main est l'insigne des chefs et que personne autre qu'un chef de
village ne peut le porter.
Lorsqu'une tsengui meurt, il y a grande réunion des tsenguis.
Elles se rendent auprès de la morte et s'assemblent autour de son
cadavre qu'elles préparent. Elles retendent sur son lit de repos,
et lui peignent le corps et le visage des tigrages de la panthère,
puis elles sortent de la case et vont dans la cour. Là, elles com-
mencent un grand tam-tam qui dure les deux ou trois jours où
l'on conserve la morte dans la case. Ce tam-tam, nous en décri-
rons les figures. Pendant qu'elles dansent, quelques tsenguis
veillent le corps, d'autres quittent la danse de temps à autre pour
aller visiter le corps.
La tsengui est toujours enterrée dans sa case. Une fois enterrée
on procède au simulacre d'un second enterrement. Les tsenguis
envoient les hommes couper un arbre dans la brousse et le creu-
ser. Ce sera le cercueil qu'on appelle boato, ce qui veut dire
pirogue. Ce cercueil est porté en terre sur deux pagaies. En le
portant, tout un cortège de tsenguis peintes comme la panthère
l'entourent. Quatre d'entre elles portent le cercueil. Derrière le
cercueil marche une femme, mieux peinte que les autres, avec
plus de minutie et qui représente la panthère elle-même. Cette
femme a le visage caché sous une touffe de feuilles de manioc.
Toutes les autres tsenguis qui accompagnent le boato dansent
84 A. POUPON.
autour du cercueil en imitant les pas de la panthère. Elles vont
déposer le cercueil dans un coin de brousse. Des tsenguis mêmes
ont creusé le trou et personne autre qu'elles ne peut assister à la
mise en terre.
Un grand tam-tam bat son plein à proximité de l'endroit où
l'on enterre la tsengui. Toutes les femmes du village qui ne sont
pas initiées dansent pour elle. Au moment où leboato entre dans
la place où l'on danse, le tam-tam s'arrête, toutes les danseuses se
tournent du côté duboato, et après un grand silence, poussent un
cri prolongé d'ovations, puis elles se taisent. Au milieu du silence
général, les tsenguis, qui accompagnent le cercueil, se prennent à
crier comme la panthère. Elles imitent ses pas en tournant
autour du cercueil et en allant de temps à autre le lécher.
Nous avons dit que deux fois, au moment de l'initiation et au
moment de l'enterrement, les femmes du village dansent pour
la tsengui en un lieu proche; voici les figures de cette danse
qui s'appelle le tsengui :
Première figure. — Les femmes, les unes à côté des autres,
forment un vaste cercle presque fermé et qu'achève de fermer les
hommes frappeurs de tams-tams. Le tam-tam bat : les femmes
font de petits pas feutrés d'avant en arrière, sur place, les pieds un
peu rentrés, courbés à l'intérieur comme des pieds de bête, les
pattes de la panthère. Tout en menant ce petit pas d'avant en
arrière, dans le même sens, elles balancent le haut du corps.
Deuxième figure. — Les pas que fait le chœur restent les mêmes.
Une femme entre au milieu de la ronde. Celte nouvelle danseuse
placée devant les tams-tams, bien en scène, simule les pas de la
panthère. Ses pieds sont recroquevillés et tournés à l'intérieur,
les jambes sont arquées, le corps à demi plié vers la terre, les
deux bras balants en avant comme deux pattes, les mains les
doigts écartés et également recroquevillés à l'intérieur. Cette dan-
seuse secoue la tête de droite à gauche, la balance lentement
comme la bête qui marche, se dodeline et fait des grâces. Elle a
le visage barré de deux traits jaunes qui partent de chaque narine
et vont vers les oreilles, et d'un autre trait jaune qui suit le nez, ce
qui lui donne une grande ressemblance avec la panthère.
Troisième ligure. — La même danseuse se présente toujours au
milieu du cercle. Elle en fait le tour en flairant les danseuses
comme d'autres bêtes, les unes après les autres. Puis il entre dans
ce cercle deux et trois femmes, toutes panthères. Chaque fois
ÉTUDE ETHNOGRAPHIQUE DE LA TRIBU K.OUTOU. 85
qu'une d'entre elles entre, celles qui sont déjà à l'intérieur du
cercle vont la flairer. Elles dansent les unes à côté des autres,
rapprochent leurs têtes deux à deux, font comme des animaux qui
se parlent museau contre museau, comme la panthère mâle qui
caresse sa femelle sur le front, sur le cou.
C'est le moment où le rythme de la danse a atteint son maxi-
mum d'intensité, par la vitesse de l'allure et réchauffement des
danseuses. Toutes penchées en avant, les bras balants, elles font
le pas de la panthère et ont l'air de faire un chœur de bêtes aux
panthères qui se caressent au milieu du cercle.
Fig. 3. — Coiffure des danseuses pour le tsengui ou danse de la Pantlicro.
Quatrième figure. — Une ou deux panthères, qui évoluent au
milieu du cercle, le quittent et vont chercher le goy danslabrousse,
le goy, c'est-à-dire la panthère, ou autrement dit, le boato et l'en-
terrement.
Cinquième figure. — L'enterrement s'approche lentement, con-
duit par les panthères qui font des grâces autour du cercueil.
Derrière le cercueil se tient une panthère, le visage couvert de
feuilles de manioc. Quand le cortège entre dans la cour du tam~
tam, celui-ci fait le silence. Le cortège passe entouré des panthères
qui poussent des cris.
Pour cette danse, la plupart des femmes se font une coiffure
spéciale. Elle consiste en deux masses de cheveux plates et larges
dressées au-dessus des oreilles et qui imitent parfaitement les
86
]>oi r<>\
oreilles d'une bête. Par ailleurs, cette coiffure est très portée dans
la vie.
Au lieu de la queue de bœuf, les tsenguis peuvent porter à
la main, pendant cette danse, un petit bâtonnet de tige de
bananier.
On peut initier également une tsengui le jour de la mort d'une
tsengui. Quand on a fini de peindre la morte, son cercueil se
trouvant près d'elle, on fait entrer la postulante dans sa case. On la
place à la tête du cercueil et, les mains liées, on la peint à l'aide
d'une feuille de manioc, la même qui a servi à peindre la morte,
puis on lui remplit la bouche de bourre de bananier et on
lui transmet les moralités. Très souvent, après l'initiation, les
femmes du village font un grand tam-tam pour l'initiée et la
couvrent de cadeaux.
Le Mondo.
Nous citerons encore le mondo qui se dansait au milieu des
fêtes du serpent ékouba et qui a été transmis aux Djénaboandi
par les M'Bomo. Ceux-ci l'ont importé de leur pays d'origine,
situé entre le Kouyou et la Likouala, où il est encore représenté
au milieu de bien d'autres rites. Voici ce que l'indigène conte sur
cette danse :
Molomi na moassi cssomo
min gui. Kola simbi yo.
Moassi assali mayélé,
akamati mobali yéka alambissi,
alambissi. Oua akamati éboula,
atikini okoyo, akamati illia
na ollomi, ato, ami, na moy
na éboula, akeï, apouki, bato
kokima. Yé aké na boka na kola,
akeï nan dakou na kola, ato illia
allombi nandakou, akamati okoyo
allombi nan dakou. kola
ato okoyo
akeï apè na kani, kani
abienga boka yonso :
binon abaga kofoula.
Bato afouti mossolo
Un homme et femme palabraient
beaucoup. L'amante va chercher lui.
La femme fit ruse,
elle prit à son mari des vivres cuisina,
cuisina. Elle prit le pagne,
cacha okoyo, prit nourriture
du mari, prit, mit dans ventre
du éboula, va, sort, hommes
s'enfuient. Elle va au village de l'amant,
va au village de l'amant, prend nour-
riture
met dans case. L'amant, prend okoyo
met dans case. L'amant
prend okoyo,
va donne au chef, le chef
appelle le village tout :
vous hommes paye/..
Hommes payent marchandises
ÉTUDE ETHNOGRAPHIQUE l>K f.V TKIHU KOUYOU.
«7
mingui. Oua akamati
bato. akani na ko, yé
adzali. aboumbi okoyo
na paï, yo oko\o apoungi,
apounga bato alingui
kokima. \c moko assimbi :
Kokima te. mossolo na
binou gaï adjé. atika
okoyo. Etéka koyo, épouki
okoyo, aké kosseka mondo na
djé. Moto akoué na moy
na okoyo.
beaucoup. Lui prend
les hommes, enferme dans forêt, lui
étant, cache okoyo
dans endroit, lui okoyo surgit,
surgit homme, veulent
fuir. Lui seul dit :
Fuyez pas, marchandises de
vous j'ai mangé, regardez
okoyo. Il prend okoyo, sort
okoyo, va danser mondo
dehors. Homme est dans ventre de
okoyo.
Un homme et sa femme étaient en palabre. L'amante alla chez son amant.
Celle-ci rusa, prit à son mari des vivres et les cuisina. Elle prit le vaste pagne
déboula, y cacha okoyo, prit la nourriture et la cacha également. Elle va,
sort dehors, tous les hommes s'enfuient envoyant l'étoffe. Elle va au village
de l'amant, prend la nourriture et la met dans la case, prend Okoyo et le met
dans la case.
L'amant prend Okoyo va le donner au chef. Le chef appelle tout le village
et dit; vous, hommes, payez. Les hommes payent beaucoup de marchandises.
Il prend les hommes, les enferment dans la forêt. Il se cache dans l'Okoyo et
l'Okoyo surgit. Les hommes veulent s'enfuir. Il dit ne vous enfuyez pas
vous avez payé. Regardez Okoyo. Il prend Okoyo et va danser le mondo dehors.
Le mondo a donc été révélé par la femme aux hommes.
Le mondo se danse de la façon suivante : Un homme se réfugie
dans un coin débroussé de la forêt et s'habille d'une vaste étoffe
de rafîa qui lui tombe à longs plis autour du corps, ses pieds
mêmes ne paraissent pas, liés, enveloppés par l'étoffe. Ce grand
spectre d'étoffe fait son apparition au milieu d'un cercle de chan-
teurs, frappeurs de mains. Il vient en se dodelinant de droite et
de gauche, d'avant en arrière, et se place accroupi et silencieux
en un coin du cercle. Tout à coup, il se lève, va au milieu de la
scène, imite des pieds à la tête les ondulations du serpent, se
couche à terre, imite ses ondulations sur le sol, s'accroupit
immobile comme le serpent enroulé en tas. Brusquement il se
lève, se balance d'avant en arrière, pique du nez en avant et se
met à tourner la tête au ras du sol. La vaste toile se développe
comme une voile gonflée qui érafle la terre.
Tant que l'éouya n'a fait qu'imiter le serpent, les frappeurs de
mains ont frappé et chanté sur un rythme modéré. Lorsqu'il se
met à tourner le rythme s'accentue, devient exaspéré. Il atteint
une vitesse insensée lorsque le mouvement giratoire de l'éouya
88 a. poupon.
est à son maximum. La foule alors pousse des cris, excite
l'éouya à tourner, en appelant l'homme qui est dans la toile: ohé
Itcha-ohé ! ohé Ittoua-ohé ! A force de tourner, l'éouya tombe
enfin à terre épuisé, au milieu des ovations des spectateurs qui
clament un ôôô prolongé.
C'est l'etchako qui est chanté par les frappeurs de mains.
L'etchako ne comprend guère que des battements de mains et les
quelques exclamations suivantes :
Eh 1 Eh ! Eh ! Eh !
Oié, Oié, Oié, Oié,
E, E, E, E, E.
Tout ceci n'est qu'une représentation que les Kouyou donnent
pour s'amuser. Mais le mondo, dans le pays d'origine des
M'Bomo, est dansé au milieu d'autres fêtes du serpent. Là, la
toile est très vaste et traîne loin derrière le personnage. On ne
peut marcher derrière le mondo à moins de plusieurs kilomètres
sans mourir.
Telles sont les coutumes de la partie Ouest de la tribu qui se
rapportent soit à la panthère, soit au caïman, soit au chien, dans
la société des hommes et dans la société des femmes. Nous avons
décrit, après ces coutumes, une danse importée par les M'Bomo
et adoptée par les Djénaboandi. Nous aurions pu encore parler du
kébé-kébé, dans l'Ouest, mais comme il n'a, dans cette partie de
la tribu, que le sens d'un jeu, nous nous réservons de le décrire en
parlant de la partie Est, où il a un sens et entre dans les céré-
monies du djo.
(A suivre.)
VARIÉTÉS
Revue de Préhistoire Maghrébine (0
(191A-1917)
Depuis le début de la guerre les recherches préhistoriques dans le
Nord de l'Afrique ont forcément subi un ralentissement, mais n'ont pas
cessé pour cela. Bien mieux, les troupes territoriales, envoyées au Maroc
pour remplacer les éléments expédiés sur le front européen, compre-
naient dans leurs rangs un certain nombre d'officiers, de sous-officiers
et de soldats qui ont utilisé leurs connaissances spéciales pour se livrer
a des recherches préhistoriques.
Ces recherches jettent quelque lumière sur la Préhistoire du Maroc
oriental, région sur laquelle nous n'avions, jusqu'à ce jour, absolument
aucune donnée.
Nous allons passer en revue les travaux publiés durant la guerre, ce
qui nous donnera l'occasion de discuter certaines opinions et de mieux
préciser les nôtres. Nous ferons connaître, au cours de cette notice,
quelques unes des trouvailles effectuées récemment. Ce sera ainsi une
mise au point des recherches effectuées dans le Nord-Ouest de l'Afrique
depuis 191/4.
I
L'année même de la déclaration de guerre, le Capitaine Petit, du
rr Étranger, nous a fait part de ses recherches dans le Maroc oriental
par une « Note sur la station de Goutitir » publiée dans le Bulletin de
la Société de Géographie et d Archéologie d'Oran, t 9 1 4 , pp. 229-234 et
pi. VIII, IX et X.
C'est avec une réelle émotion que je rends compte ici des recherches
de ce brave soldat, mort glorieusement pour la France à Maurepas, le
i3 août 1916, à l'âge de 45 ans. D'autres études devaient suivre celle-ci :
le même Bulletin publiera prochainement une notice dont nous devrons
la publication à la piété de M. Doumergue, un de ses meilleurs amis.
(1) De Maghreb qui est l'appellation arabe du Nord-Ouest de l'Afrkfue. C'est un mot
à orthographe très controversée, on trouve couramment les versions : Mogreb,
eb, Magrib, Mograb
9° VARIÉTÉS.
Dans l'espace qui s'étend entre la rive droite de l'oued el Abd et son
affluent de droite l'oued el Guettara, dans un rayon d'environ 3 kilo-
mètres autour du bordj de Goutitir, l'auteur a relevé les traces de 8 ate-
liers, comprenant 25 chantiers. Le Capitaine Petit appelle chantiers des
cercles où les silex sont amassés en groupes assez denses. La réunion
de plusieurs chantiers forme un atelier.
Dans la plaine, à 1800 mètres du poste, existent de nombreux foyers
composés de pierres, de cendres, coquilles d'Hélix, os calcinés, char-
bons, fragments d'oeufs d'autruche, mêlés à des silex taillés.
Quelques unes de ces pierres paraissent avoir servi d'enclumes. « En
effet, à environ à 3 kilomètres au sud du bordj, au milieu d'un atelier
comprenant plusieurs chantiers, couvrant une surface de plus de
5oo mètres de diamètre, sur la rive droite de l'oued el Abd, j'ai vu, en
place, une grosse pierre, de même roche que les morceaux environ-
nants, brisée en quatre morceaux encore accolés et entourés d'un cercle
de fragments qui la consolidaient. Le tout est encore en partie enterré
et constituait, à n'en pas douter, l'enclume qui s'est brisée sous les
coups répétés du tailleur de silex » (p. 23 1).
Les planches VIII et IX reproduisent des silex provenant de ces
foyers : ce sont des lames simples et surtout des petits silex à dos
abattu comme il y en a tant dans le gisement de la Mouillah. Cette
industrie des foyers me parait donc être bien contemporaine, d'autant
plus que l'auteur ne mentionne pas la moindre trace de poterie.
L'abondance des Hélices, sur laquelle a insisté le Capitaine, est un fait
qui s'observe dans toutes les stations anciennes du Nord de l'Afrique et
les indigènes de race berbère les consomment encore : ils les font
bouillir, pratiquent une ouverture sous le sommet, et soufflent afin
d'en faire sortir facilement l'animal.
L'abondance des débris d'œufs d'autruche permet de supposer que
ceux-ci servaient de récipients pour la cuisson des escargots. Malgré un
examen attentif, le sympathique officier n'a pu trouver la moindre
trace d'ornementation sur ces débris.
Indépendamment de ces foyers, M. Petit a encore trouvé quelques
pièces sporadiques. Celles qui ont été figurées dans la planche X, entre
autres la flèche pédonculée et celle de la figure 6 sont indubitablement
du Néolithique berbéresque : toutes deux se retrouvent souvent dans
les ateliers des environs d'Oran et de Mascara. J'ai, déplus, noté dans
sa collection des pierres de jet, entre autres, un superbe galet de silex
à éclats alternés.
Comme conclusions l'auteur dit expressément :
« Bien qu'il soit impossible de classer actuellement dans une époque
déterminée les silex de cette station, leur mode uniforme de taille
indique nettement que les divers ateliers ont été occupés à la même
V UUKTKS.
91
époque par dos artistes donl l'habileté fut très grande. Si l'on ajoute à
cela que les silev ont une facture qui rappelle certains instruments des
vers en plein air du Nord de l'Afrique et que la poterie parait
manquer, le classement dans le Néolithique ancien semble devoir
s'imposer » (pp. 233-234).
Si l'érudil officier avait eu connaissance des articles de M. Barbin,
publiés dans Le même recueil en ioioet 1912, il aurait pu se convaincre
de la similitude des industries de la Mouillah avec celle des foyers de
Goutitir. Toutefois l'industrie de ces derniers est plus évoluée, en ce
sens que les artisans de Goutitir, disposant d'une matière première
plus abondante, (tandis que les Mouilhiens n'avaient que des petits
galets de silex), ont pu donner à leur outillage des dimensions plus
grandes et affiner davantage la taille. Le qualificatif de microlithique
ne saurait lui être appliqué. Mais, cette restriction faite, la comparaison,
au point de vue de la forme et des procédés de taille, témoigne de
L'identité des industries.
J'ajoute que le Dl Pinchon a, en 1908, signalé des foyers semblables
dans la région d'Oudjda (1).
Le Capitaine Petit a parfaitement observé que les pointes de flèches à
pédoncule ne sont pas de la même époque que les silex des foyers.
L'industrie berbéresque, que caractérisent ces grossières flèches, est
très développée dans tout le Moghreb et le Sahara. Au Maroc, nous
connaissons des stations de cette époque à Oudjda, à Safsafat, et plus à
l'ouest à Rabat, Guicer et Mogador. Toutefois, sur le littoral, ces flèches
sont infiniment plus rares.
Tous les préhistoriens regretteront, avec nous, qu'une fin prématurée
nous ait privés d'un aussi bon observateur. Ces premières trouvailles,
en terre marocaine, nous faisaient espérer des découvertes plus impor-
tantes. Mais c'est une gloire pour l'archéologie française que ses
meilleurs pionniers aient payé de leur sang la liberté de la France !
Nous n'aurons jamais assez de reconnaissance pour un tel sacrifice !
Il
Le Caporal fourrier J. Bourrilly, du n3e territorial, actuellement
professeur au Collège de Rabat, est l'auteur d'une courte mono-
graphie préhistorique de la région de Safsafat (2), dans le Maroc
(1) In L'Anthropologie, t. XIX, p. 430.
(2) Recherches préhistoriques dans la région de Safsafat, (Renseign. coloniaux et
documents an Comité de VAfr. franc, et du Comité du Maroc, n* 5, mai 1916,
pp. 148 à 152).
Dm très courte note signalant les recherches de M. B. a paru dans le Bull, de la
9 2 VARIETES.
oriental, qui est le résumé d'un mémoire qui sera publié ultérieurement.
Par sa position, Safsafat se présente comme un endroit particulière-
ment favorisé pour le stationnement des populations primitives.
Le Caporal Bourrilly a pu relever quatorze stations réparties en trois
groupes :
Le premier est localisé aux abords immédiats du poste, le second sur
la rive droite de l'oued Meloulou et le troisième aux ouled Meçaoud.
Dans la première cet observateur a trouvé des coups de poings épais,
des galets d'ophite à éclats alternatifs, des percuteurs, des racloirs et
des éclats. Un outillage de taille bien plus plus réduite, grattoirs,
pointes, petites pièces olivaires à facettes se rencontre avec cette indus-
trie, mais est très probablement néolithique.
L'auteur signale, en particulier, un outillage en silex blond, de
formes très variées : « II présente souvent une taille à grands éclats et
des retouches sur les deux faces : larges surpointes retaillées dans une
lame, petits outils discoidaux plus ou moins bombés, grattoirs
convexes, perçoirs plats (ou burins) à base large ». Cet outillage est
moins archaïque que leMoustérien mais davantage que le Paléolithique
récent et le Néoli tique ancien.
L'Ibéromaurusien se retrouve à Safsafat. spécialement aux stations II,
III, VI et à El Mizen.
Le Néolithique récent ou berbère est très abondamment représenté à
Safsafat. Aucune hache polie n'a été trouvé par l'auteur quoiqu'on en
ait découvertes non loin de là, à Taza (Cap. Martel) et à bab Merzouka
(Cap. de Cardaillac).
M. Bourrilly a eu l'amabilité de m'adresser, en plus, des notes et des
spécimens de ses récoltes, ce dont je le remercie bien cordialement.
Elles vont me permettre de compléter le résumé ci-dessus.
Voici d'abord ses notes :
« i° Une station d'une remarquable unité d'apect (Safsafat IV, Réser-
voir) est très ancienne : outils d'un silex très cacholonné, d'un aspect
blanc soyeux et qu'on reconnaît, sans erreur à première vue, quelques
outils de quartzite très patines ou de silex plus grossiers. Le tout
présentant une taille acheuléenne et surtout moustérienne (une magni-
fique pointe de 22 centimètres en beau silex patiné et ciré, est la plus
belle pièce de cette taille que j'ai vue). J'ai trouvé plusieurs outils
(quatre ou cinq) engagés dans le poudingue quaternaire (l'un d'eux
même dans une crevasse ouverte clans le poudingue à i,n, 5o de profon-
deur.)
.Soc. préhut. rie France, n* 3 du 28 oct. 4915, pp. 355, 356 (Découvertes préhistoriques
au Maroc oriental). En plus dos stations signalées ici, l'auteur mentionne des cavernes
artificielles à Kouba Si Ahmed <-t ,ï hou Ladjéraf, à 12 kilom. avant Taza.
\ VMKTES. q3
Des outils de ces types se trouvent dans le lit de l'oued M' loulou,
provenant sans doute d'éboulements en amont.
« 2° Sur une surface assez étendue des falaises aval, quelques outils
de taille acheuléo-moustérieuue de même nature et cacholonnés pareil-
lement. Puis, localisés en une certaine partie, des outils de quartzite très
patines et lustrés, de nature et de taille assez différentes des précédents
(disques bombés de différentes dimensions et très bien taillés), mais
non comparables à cause des époques postérieures, notamment aux
différents néolithiques. C'est ce que je considérerais comme post-mous-
térien et peut-être un faciès spécial de votre Gétulien. Sur la même
station, répandu un peu partout mais particulièrement abondant en
certains endroits, outillage berbère avec de nombreuses pointes déviées
de l'axe ou déjetées (pointes latérales) (Saf. III).
« 3° Une station assez pauvre d'outils de bon silex, très fins et très
variés, avec outillage microlitbique assez abondant, station bien déli-
mitée (Saf. VI) et rappelant l'Ibéromaurusien mais avec certain mélange.
« 4° Du Berbère partout, avec outils typiques mêlés de formes éoli-
thiques, présentant, au total un faciès intéressant. »
A l'appui de cette courte notice, M. B. a bien voulu joindre une petite
collection de pierres taillées. Mais les plus belles séries ayant été
offertes aux musées de Taza et de Nîmes, mon aimable correspondant
n'a pu m'offrir que des pièces de second choix. Elles sont néanmoins
très suffisantes pour formuler une opinion sur l'ensemble des trou-
vailles.
Je dois déclarer, tout d'abord, qu'il y a dans l'ensemble de ces pièces
une forte proportion de silex éolithiques sur lesquels, avec la meilleure
volonté du monde, je n'ai pu relever la moindre taille intentionnelle.
Je n'ai rien observé pouvant être considéré comme outillage chelléen
et encore moins acheuléen. Mais je ne voudrais pas que l'on fit état de
cette déclaration pour déduire qu'il n'y a pas des pièces de ces
époques à Safsafat. 11 ne s'en trouvait pas dans le lot qui m'a été
attribué, c'esfe tout ce que je peux avancer.
J'ai eu, par contre, une assez belle série des groupes i, i et 3, Ce sont
des disques plats, de petits disques, des lames très épaisses, des
pointes à extrémité retaillée, des galets à éclats alternatifs, des racloirs
et de nombreuses pièces non définies. La généralité de ces pièces est
en silex à surface lisse, fortement rubéfiée.
Ce qui caractérise cet outillage c'est la fréquence des outils minces, à
faces parallèles brutes, de forme rectangulaire ou ovalaire dont les
hords seuls portent des retouches inverses. Sur plusieurs pièces la
retouche intéresse à la fois deux côtés mais est limitée aux bords et
ne s'étend pas sur le reste de la pièce dont la surface est à l'état de
nature.
r)'j VARIÉTÉS.
Les pierres de jet sont nombreuses, depuis les galets simplement
fracturés jusqu'aux pièces très bien retaillées, de forme presque dis-
coïdale, mais dont une partie de la base du galet initial a été conservée,
et des disques parfaits, c'est-à-dire dont toute la périphérie a été
éclatée.
Cet outillage est absolument semblable à celui que j'ai si souvent
observé au Maroc, à Settat, Chichaoua, Sidi Moktar. C'est une industrie
de surface, que je crois paléolithique, remarquable par la richesse de
son matériel et sa taille très particulière.
Quelques rares flèches du type berbéresque ont été observées, tant
par M. Icard que par moi, dans quelques-unes de ces stations sans
qu'on puisse affirmer que les dites flèches soient contemporaines. Dans
ce cas ce serait un faciès très spécial du Néolithique décadent; mais
nous doutons de ce rapprochement.
De la station VI j'ai examiné un outillage plus petit, à silex non
cacholonné, où les petits grattoirs dominent. Il y avait, dans la série
que j'ai étudiée, une flèche berbère brisée, à fracture retouchée et des
poteries très grossières qui ne sont probablement pas très anciennes. Je
doute que ce soit là l'équivalent de l'industrie ibéromaurusienne mais
plutôt de l'industrie berbéresque soignée.
III
Xous devons au lieutenant Campardou un exposé (i) des fouilles
qu'il a effectuées dans la grotte de Kifan bel Ghomari, à Taza. Ces
fouilles ont été dirigées très méthodiquement et les objets qui en pro-
viennent ont trouvé place dans le Musée qui a été fondé dans cette
localité par l'autorité militaire. Quant à la faune, elle a été étudiée par
M. Doumergue.
La cavité qui fait l'objet de celte étude avait surtout servi de carrière
pour l'extraction du tuf friable destiné aux constructions. Les galeries
qui ont été creusées ont provoqué quelques remaniements dans les
couches archéologiques et rendu les recherches très laborieuses.
La grotte actuelle est remarquable par ses belles stalactites et l'on
constate, de plus, à l'entrée, l'existence de niches sans doute compa-
rables à celles de la Djiddiouïa, des Béni Mellal et des Canaries, — et
au-dessus de l'entrée, à la naissance de la voûte, un cercle de ira,3o de
diamètre parfaitement sculpté en relief.
A l'intérieur, là où la couche archéologique subsistait encore, elle
n'avait que i"',4o environ d'épaisseur dont la partie intérieure, renfer-
(!) Bull. Soc. Géogr. Archéol. Or an, 1917, pp. 5-26 et p!. V à VIII.
VARIÉTÉS. 95
mail dos sépultures récentes. Quant à la couche inférieure, elle se
composait de sable gréseux, rougealre, à ossements et avait 90 centi-
mètres d'épaisseur.
La couche non remaniée (C), superposée immédiatement à celle du
sable gréseux, n'a\ait que /jo centimètres d'épaisseur, mais c'était la
plus intéressante au point de vue archéologique.
Enfin en déblayant le reste de l'excavation (salle des Stalactites et
boyau des Orgues) le Lieutenant G. a trouvé six foyers dont cinq appar-
tiennent au même niveau que la couche C.
Le sixième foyer a été rencontré à 4m,25 de profondeur, sous 2 mètres
environ de dépôts appartenant à la couche D. Il était formé d'une
simple lentille de cendres de om,5o de diamètre environ et de om 10
d'épaisseur. 11 était entouré de quelques ossements mêlés de coquilles
d'Hélix. Les silex grossiers trouvés au voisinage du foyer étaient* forte-
ment cacholonnés et paraissaient avoir subi l'action du feu.
« Il est évident que la présence de ce petit foyer temporaire à un
niveau aussi bas présente un vif intérêt. »
L'industrie de la couche G est absolument identique à celle que nous
avons exhumée, avec M. Barbin, des abris de la Mouillah qui consti-
tuent la station type de la période ibéromaurusienne : les lames à
encoches sont semblables comme aussi les petites pointes à dos et
talon parfaitement retaillés et l'outillage en os poli. Les pointes dont
l'extrémité inférieure est tronquée armaient des sagaies. Nous en
avons de semblables dans l'outillage prénéolithique des cavernes de
l'Oranie.
Enfin l'industrie recueillie plus profondément (couche D) est attri-
buée par l'auteur à l'époque moustérienne. On observe donc, au Maroc,
une fois de plus, ce qui a été si souvent constaté dans les cavernes du
Nord de l'Afrique : une couche inférieure moustérienne surmontée par
un dépôt ibéromaurusien ou néolithique (Maure tanien).
Sous les couches archéologiques, en contact immédiat avec le
substratum, était une couche limoneuse qui a colmaté les parties les
plus inférieures de l'excavation. De ces dépôts de remplissage, le
Lieutenant C. a retiré beaucoup d'ossements de grands carnassiers
Hyène, Ours, Lion), de Rhinocéros et de Ruminants dont une liste due
à M. Doumergue, précise les niveaux.
En matière de conclusion, l'auteur écrit :
« Les données stratigraphiques paraissent d'ailleurs confirmées par
les données archéologiques fournies par chacune des couches princi-
pales. On a vu que l'outillage de la couche D semble représenter l'in-
dustrie de l'époque moustérienne. S'il en était ainsi, le remplissage de
Kifan bel Ghomari se serait effectué vers le milieu du Paléolithique.
Mais la faune qui, d'après M. Doumergue. appartient au Pléis-
96 VARIÉTÉ?.
tocene récent infirme quelque peu les conclusions tirées de l'industrie.
u Sur les dépôts de remplissage est venue se superposer, après une
interruption d'habitat par l'Homme, la couche C caractérisée par l'im-
portante collection de petites lames à dos retouché et les foyers supé-
rieurs 1 à 5. Cette couche paraît synchronique de celle de la grotte
de la Mouillah. Elle serait donc, d'après la classification adoptée pour
cette dernière par MM. Barbin et Pallary, d'âge ibéromaurusien.
« Quel que soit l'âge attribué à la couche nettement archéologique, C,
un fait important domine tous les autres, c'est la superposition de
la couche pré- néolithique sur un dépôt paléolithique nettement caracté-
risé par sa faune appartenant au Pléistocéne récent, » (p. 2 5.)
Ce premier travail vient d'être complété par une consciencieuse
étude sur u La nécropole de Taza » (1).
Cette localité est bâtie sur un plateau dont les bords sont percés de
cavités artificielles qui s'étagent sur des gradins d'une hauteur moyenne
de 3 mètres, gradins qui, très souvent, ont été taillés. La superficie de
la nécropole est d'environ 120 hectares.
Les principaux types de sépultures comprennent des tombes plates,
des tombes plates à dossiers, des cases sépulcrales, des columbaria, des
silos, des puits, des chambres sépulcrales et des grottes naturelles
aménagées.
a Toutes les sépultures importantes de la nécropole de Taza semblent
avoir été violées et pillées de fond en comble... Néanmoins on a pu
trouver, parmi les tombes plates, quelques sépultures à peu près
indemnes. Celles-ci, reconnaissables à leur contenu, ont fourni un
mobilier très pauvre, mais cependant caractéristique et intéressant.
(( Ce mobilier se compose essentiellement de garnitures de cercueils
en fer et de quelques objets en fer et en bronze Il est manifeste que
l'inhumation a eu lieu, dans toutes les sépultures de la néeropole, dans
des cercueils en bois. »
Les objets en bronze provenant de ces tombes plates sont très peu
nombreux : une garniture d'étui ou de fourreau et un petit couteau.
Par contre les objets en fer sout plus abondants : ce sont surtout des
clous à longue tète plate, des plaques d'applique, des anneaux et
charnières, tous ayant servi de garnitures de cercueil. En plus de ces
débris, le Lieutenant C. a trouvé un ciseau à douille et un anneau en
fer, probablement an anneau de pied.
Les poteries provenant des fouilles forment deux groupes bien dis-
tincts : les poteries arabes et les poteries plus anciennes. Les premières
situées dans les terres superficielles, les secondes dans les niveaux inté-
(1) BulU Soc. Géogr. Archéol. Oran, 1917, pp. 291-328. avec figures et plans.
VARIETES. 97
rieurs. La collection réunie comprend ; des vases de formes diverses des
aenochés, dos lampes à huile et des balsamaires. Les lampes, qui sont
les plus caractéristiques de ces poteries rappellent les lampes puniques
trilobées de Carthage et surtout de Gouraya.
Enfin, dans les travaux de déblaiement, on a encore trouvé deux
ha» lus polies dont une en l'orme de boudin, des silex de types berbé-
resque, quelques objets en verre, des grains de collier, des fragments
de bracelets et surtoul un col de balsamaire en verre tout-à-fait compa-
rable à ceuv de l'époque romaine et deux objets en os tourné décorés de
figures géométriques.
L'auteur rapproche les sépultures de Taza des haouanet et des
grottes sépulcrales de l'Ouest algérien et du Maroc : « Les nécropoles de
ce genre, dit il, ont démontré que toutes se rapportent à la période
comprise entre le milieu du premier millénaire avant notre ère et la
lin de l'occupation romaine. Elles représentent, pour la plupart, des
monuments berbères édifiés sous l'influence des coutumes phéni-
ciennes, coutumes qui se sont probablement perpétuées jusqu'à
l'époque arabe, » (p. 02G).
IV
Dans le Ballet in de la Société Préhistorujae de France, 191 A,
pp. 2 10-21 5, le Capitaine Joleàud a publié des « Considérations géolo-
giques et géographiques sur la station préhisloriquc de Mechta Cha-
teaudun » où il est écrit que les populations qui utilisaient les campe-
ments ou abris gétuliens étaient surtout nomades (1).
« Déjà, à cette époque, les grands Herbivores, qui jouaient un rôle
notable dans l'alimentation de l'homme, devaient, en Gétulie, être
astreints par la pauvreté des pâturages, à des migrations saisonnières,
comparables à celles qu'effectuent aujourd'hui les Gazelles des pla-
teaux de la Tunisie et du Sahara septentrional. Les Paléolithiques de la
Tunisie, obligés de suivre, dans ses déplacements successifs, le gibier
dont ils se nourrissaient, étaient ainsi condamnés à une vie nomade »
(p, ai3).
L'hypothèse d'un nomadisme des peuplades gétuliennes est entiè-
rement nouvelle : je ne crois pas qu'aucun auteur n'en ait encore parlé.
Mais cette hypothèse me semble peu vraisemblable, et pour la discuter,
nous allons mettre en pratique un aphorisme de mon vénéré Maître,
\lbert Gaudry, qui nous disait (pie nous devions nous inspirer des
faits actuels pour essayer d'expliquer le passé.
(1) Voir le compte rendu déjà publié dans VAnthr. 1917, p. 450.
l'anthropolooir. — t. xxix.— 1918 l7
VA. RI ET ES.
Or le principal élément ethnique du Nord de l'Afrique, l'élément
berbère, est essentiellement sédentaire (i). C'est seulement l'élément
arabe, qui a introduit et conservé seul les habitudes de nomadisme
qu'il pratiquait en Arabie.
D'autre part ce que nous savons du nomadisme arabe ne concorde en
rien avec ce que nous observons dans les escargotières.
Les nomades algériens s'installent, il est vrai, autour des mêmes
points d'eau mais jamais au même emplacement. Aussi n 'observe- t-on
nulle part des dépots d'une certaine importance eomme on en trouve si
souvent autour des bourgades kabyles et marocaines, véritables tumu-
lus de détritus. Leur séjour est d'ailleurs très court sur l'emplacement
choisi : les immondices et surtout la vermine les obligent à déplacer
leurs douars très fréquemment.
Or, bien que la population actuelle de l'Algérie soit bien plus dense
qu'aux temps préhistoriques et que le nomadisme soit implanté en
Algérie depuis un millénaire au moins (2), on ne connaît point de dépots
comparables à ceux des escargotières.
Je sais bien que le nomadisme attribué aux contemporains des escar-
gotières, nomadisme que je qualifierai de cynégétique (3), a une autre
cause que la transhumance du bétail. Mais les résultats doivent en être
fort semblables.
Pour la période préromaine, nous avons bien un texte de Salluste qui
donne les Gétules et Lybiens comme errant au hasard, s arrêtant dans
les lieux où la nuit les surprenait. Si ce passage est exact, le nomadisme
des Gétules n'aurait pas été saisonnier mais permanent et, dans ce cas,
les traces de leurs campements doivent être encore plus restreintes.
Enfin le déplacement du gibier n'implique nécessairement pas celui
de la tribu. Suivant ce qui se passe encore dans le Sud et le Sahara, ce
sont des bandes restreintes de chasseurs qui poursuivent le gibier, le
gros de la tribu restant à poste fixe. (4)
Les Touaregs, qui passent leur vie à parcourir le Sahara et le Nord du
Soudan, ont leur home immuable.
L'explorateur Chudeau, que j'ai spécialement consulté à ce sujet,
m'écrit que « les Touaregs dans leurs expéditions de chasse ou de guerre
n'emmènent jamais leurs femmes ». Il ajoute : « E. F. Gautier a parlé
quelque part des habitudes casanières des Touaregs ; le mot est excessif,
mais plus près de la vérité que le nomadisme.
(i) Les rares faits de déplacement cités par M. J. sont vraiment trop peu importants
pour être assimilés à du nomadisme.
(2) Les nomades pénétrèrent pour la première fois en Berbérie, au xie siècle, avec
l'invasion hilalienne.
(3) Par opposition au nomadisme transhumant.
(4) Voir fi*1 M AwiuRHiTTi, Chasses de l'Algérie, 1869, pp. 105 et suiv.
VARIÉTÉS. 09
n En somme, les Touaregs n'ont pas une maison familiale puisqu'ils
vivent sous la tente mais ils ont la vallée familiale, peu étendue et où
ils reviennent toujours et qu'ils ne quittent que pressés par la nécessilè.
Enfin, il existe dans l'Adrar dlforan des restes de villages touaregs (Es
souk Kidal ) » (i).
Les animaux de la faune algérienne qui transhument sont relative-
ment peu nombreux. Il reste en permanence pas mal de gibier pour
suffire aux besoins d'une population sédentaire. Mais ce sont surtout les
argots, ne l'oublions pas, qui constituaient la base de l'alimentation
de l'époque.
Mon impression est que les Gétuliens (2) n'étaient pas aussi chasseurs
que le suppose M. J. pour effectuer des déplacements assez lointains
dans le but de suivre le gibier.
La rareté des ossements dans les escargotières (rareté bien plus
grande que dans les cavernes néolithiques) d'une part, et l'extrême
abondance des escargots de l'autre, suffisent, je crois, à démontrer que
les naturels de l'époque ne se livraient pas exclusivement à la chaise.
D'ailleurs quand on fouille une escargotière on n'observe nullement
des couches stériles ou des bandes de sable alternant avec des bandes
noires : l'ensemble est parfaitement homogène et on a nettement
l'impression que ces stations n'ont jamais été abandonnées, mais ont
été, au contraire, occupées d'une façon continue. Telle est aussi l'opi-
nion, très autorisée, de M. Reygasse : « Les matières accumulées sur
les foyers où séjournèrent ces primitifs, dit-il, les montrent vivant à peu
près sédentaires (3).
M. Debruge, dans l'article qui suit celui de M. J., a fait également
remarquer que la nature du terrain est la même du sommet à la base,
avec à peine quelques marbrures plus ou moins apparentes, ducs aux
lleli\ écrasés, (p. 219).
En résumé, je ne crois pas que les Gétuliens aient été des chasseurs,
émigrant en même temps que le gibier, et, par suite, que les escargo-
tières aient été abandonnées pendant une partie de l'année. Je pense,
au contraire, que ces stations ont été occupées d'une façon permanente
pendant une très longue durée, ainsi qu'en témoigne la parfaite homo-
génité de la masse des monticules formés par les détritus des occupants
de l'époque.
M. Joleaud a oublié de me citer parmi les personnes qui ont effectué
des recherches dans les escargotières. Etant donnée l'autorité très légi-
(i) Voir Gardi, La Géographie, 1907, l*r trimestre.
(2) Je dis bien : Gétuliens et non Gétules, car bien que le radical soit le même il y
a entre ces deux noms une différence plus grande que celle qui existe entre Francs
et Français, Romains et Roumains, Alamans et Allemand».
(3) L'Anthropologie, 1916, p. 365.
IOO VARIÉTÉS.
time dont jouit ce géologue je ne voudrais pas qu'on puisse soupçonner
que je ne parle de ces dépôts que par ouï dire alors que j'en ai visité
plus d'une vingtaine dans les régions de Tebessa, Aï'n Beïda, Gafsa (i),
Kedeyef, Tamerza et Sendès, Les échantillons que j'en ai rapportés
figurent dans les collections du Musée des Antiquités d'Alger (2).
J'espère que M. Joleaud excusera cette petite rectification, à laquelle
je tiens beaucoup. J'ai déjà eu trop à souffrir d'oublis plus ou moins
involontaires, pour que je laisse continuer ces errements.
La petite carte que M. Joleaud a produite dans sa notice pour montrer
la dispersion du Gétulien et de l'Ibéromaurusien est très suggestive. Si
elle montre cette dernière cantonnée dans le Tell, elle montre aussi que
le Gétulien est confiné dans le Sud Constantinois et Tunisien et ne
s'étend pas dans les régions des steppes des départements d'Alger et
d'Oran, qui offrent cependant les mêmes conditions d'habitat. Il y a là
une localisation très remarquable que j'ai été également le premier à
signaler (3).
MM. Boudy, Capitan et de Morgan faisaient déborder leur Capsien
jusqu'aux confins algéro-marocains. Dans l'étude critique que j'ai faite
du travail de ces savants (4) j'ai encore mieux précisé les limites du
Gétulien, qui s'étend « des deux côtés d'un axe allant de Gabès à Sétif,
mais ne dépassant guère cette dernière localité ».
Je ferai, de plus, remarquer que quoique très distinctes, morpholo-
giquement, les industries ibéromaurusienne et gétulienne ont abouti,
la première au Mauritanien, la seconde au Saharien qui sont deux
industries néolithiques très semblables. La première paraissant être un
peu plus ancienne que la seconde qui est bien plus évoluée.
Nous reviendrons, un peu plus tard, sur cette intéressante et impor-
tante constatation.
Pour tout ce qui touche aux autres points, je suis en parfaite commu-
nauté d'idées avec M. J. C'est aussi mon avis que le Gétulien et l'Ibéro-
maurusien ont été contemporains, du moins en grande partie. L'ibéro-
maurusien représente, dans le Tell, la même phase que le Gétulien
dans les steppes berbéresques.
Toutefois il me reste encore une petite rectification à faire, \insi
M. J. écrit que l'industrie berbère esl peu répandue dans les stations
en plein air du Tell. Or ceci n'est pas tout à fait exact : les stations du
(1) Le bon à tirer de mes Instructions est daté de Gafsa, fin juin 1909.
(2) Voir Revue africaine, 1911, p. 16.
(3) In Instructions, p. 44 : « Nous désignons, sous le nom de Gétulien. un type
d'industrie très répandue dans l'Est algérien et en Tunisie ».
(4) Etude sur les stat. préhist. du Sud de la Tunisie, iu R*vue tanis., 1912, p. 619.
Voir aussi ma « Réponse à M. Coutil », in L'Anthropologie, 1ÎH3, p. 587 et l'analyse
du mémoire du D' Gobert in Revue africaine, 1914, pp. 373-374.
\ v km: ils. 101
Néolithique décadent sont, au contraire, très communes dans le Tell ;
j'en ai catalogué plus d'une cinquantaine, rien que pour l'Oranie
seulement.
Mais où j'admets franchement le nomadisme c'est précisément au
sujet de la période berbèresque comme l'indique M. J. C'est même, à
mon sens, la seule manière d'expliquer la présence de cet outillage,
dont l'aire de dispersion est très grande, au milieu des gisements énéoli~
thiques du Sahara central.
L'article que M. Debruge a publié dans le Bulletin de la Société pré-
historique de France (i) à la suite de celui de M. Joleaud, témoigne
d'une telle évolution dans la manière de procéder de ce préhistorien
que je serais tenté de l'en féliciter : pas d'anonymat, le terme d'escar-
gotière y est couramment employé, on y trouve même celui de Gétu-
lien. 11 y est question de tamis, pour la première fois ; le mot d'évolu-
tion s'y trouve. Enfin l'auteur de l'article a constaté que l'industrie du
fond paraît plus affinée que celle du dessus. Mais comme M. D. n'a
publié cette note que pour expliquer comment il a trouvé le crâne et
les ossements qu'il a offerts à la Société, nous ne nous étendrons pas
plus longuement sur la question del'industrie.
J'ai observé et, certes, ce fait n'a pas dû échapper à la perspicacité de
M. D. la présence de tombes indigènes sur les escargotières, comme en
général, sur tous les monticules.
D'autre part, on a dû employer pour la construction de la ferme
Mercier à Mechta Châteaudun, toutes les pierres qui se trouvaient à la
surface et, par suite, faire disparaître les rares témoins des sépultures
qui pouvaient y exister. Le plan de M, D. signale encore des gourbis
indigènes. Si à cela on ajoute la faible épaisseur du dépôt, l'uniformité
du terrain dans lequel ont été trouvés les squelettes et l'état de disper-
sion de certains ossements, on peut admettre, sans.trop de contestation
possible, qu'on se trouve en présence de sépultures récentes et rema-
niées. C'est l'opinion que j'ai déjà émise dans ma première lettre à
MM. les membres de la Société archéologique de Constantine (2) 1912,
pages 5 et 6, à propos des crânes de l'escargotière du 3e kilomètre de la
route de Tébessa à Bekkaria.
Cela expliquerait la divergence d'opinions qui s'est manifestée à la
(ij Nouvelles fouilles à Mechta Châteaudun, 23 avril 1914, pp. 216-220.
(2) Cette lettre, ainsi que la deuxième, pourront être utilement consultées par les
personnes qui s'intéressent à la question des escargotières.
IO0 VARIETES.
Société préhistorique de France, où le Dr Baudoin et M. Adrien de
Mortillet ont considéré ces débris comme néolithiques !
Sans suspecter en rien la sincérité des fouilles de Mechta Châteaudun
et sans contredire la coexistence de deux races préhistoriques, ce qui est
parfaitement admissible, je crois qu'il serait bon d'appuyer de telles
conclusions sur des squelettes trouvés dans des conditions indiscu-
tables de gisement. Les découvertes qui ont été faites récemment par
M. Reygasse, loin de tout habitât récent, offriraient, je crois, plus de
garanties pour régler définitivement la question de la coexistence de
deux races dans les escargotières.
VI
M. Reygasse a publié, ici même, en 191 6, des 0 Études de paletno-
logie magrébine ». Elles sont donc connues des lecteurs de L'Anthro-
pologie, ce qui fait que je n'aurai pas à m'étendre aussi longuement que
je viens de le faire pour la notice de M. Joleaud. Puis M. R. a exposé
des recherches personnelles et il n'y a guère à critiquer dans ce qu'il
décrit.
Toutefois je ferai à l'auteur un reproche double : c'est que tout en se
défendant de vouloir donner des conclusions fermes, il affirme cepen-
dant, de la façon la plus nette, que dans une même escargotière, l'indus-
trie est absolument uniforme de la base au sommet (p. 365).
Pour être aussi affirmatif il serait désirable d'exécuter la fouille
intégrale d'une escargotière d'une certaine étendue. Pour ma part j'ai
peine à croire, comme je l'écrivais, en 1913, que dans des gisements
aussi importants, dont la constitution a dû exiger une longue suite de
siècles, l'industrie n'ait subi aucune modification.
D'autre part, je suis surpris de ce que M. R. écrive que M. Debruge
a signalé des distinctions dans l'industrie de ces dépôts et il cite, à ce
sujet, une phrase concernant la station du Kef el Mazoui. Or, M. R.
qui, en compagnie de M. Latapie, a fouillé ce gisement, doit savoir,
mieux que personne, que ce gisement est néolithique ainsi que je
l'avais indiqué dans ma Lettre à MM. les membres, etc., p. t\, et que
par suite, les différences qu'a pu observer M. D. ne se rapportent nulle-
ment à l'industrie des escargotières, mais à une industrie bien plus
récente.
Mais étant donné le champ d'exploitation assez vaste qu'a parcouru
M. R., les nombreuses fouilles qu'il a pratiquées entre Tébessa,
Négrine et la frontière tunisienne, nous croyons fermement qu'il aurai!
pu donner des conclusions plus fermes C'est beaucoup de modestie de
sa part de laisser à d'autres le soin de tirer profil d<> ces études si
VARIETES.
io3
oonciencieuses : M. K. est assez autorisé en matière de Cétulien pour
exprimer une opinion personnelle.
Quoiqu'il en soit, attendons la suite de cet intéressant travail. Nous
espérons que les observations minutieuses de M. R. nous aideront
grandement à mieux saisir l'enchaînement des diverses industries de
L'antique Gétulie.
VII
Le Commandant Ferton, qui nous est connu par ses recherches sur
la préhistoire de la Corse, nous a fait connaître « Une station néo-
lithique à Djidjelli » (i).
Cette station « s'étend, sur un demi kilomètre environ, depuis une
crête rocheuse, coupant la falaise, à 3oo ou 4oo mètres à l'Est de l'éta-
blissement de bains, jusque près d'un petit étang où aboutit l'oued el
Kantara. »
Les outils de ce gisement sont engagés dans un limon ou alluvion
assez consistante d'où il est difficile de les extraire : ils sont en
porphyre dur et à grain fin, en grès dur et en une roche siliceuse dure
et à grain fin. Il n'est pas question de silex ni de quartzite dans rénu-
mération donnée par le Commandant Ferton ; toutefois cet officier
mentionne, plus loin, quelque outils e,i silex.
Les pièces recueillies semblent se rapporter à une industrie nette-
ment néolithique. Toutes sont de grandes dimensions, taillées à grands
éclats ; ce sont des pointes de lance et de javelot, des pointes outils,
des lames et des racloirs, (p. 244).
Il est difficile de se faire une* opinion sur cette industrie et même de
reconnaître les outils qui sont énumérés dans cet article d'après les
figures, très peu nettes, qui l'illustrent. Faut il voir de l'industrie
berbèresque? Cela est possible quoique le Commandant F. ne men-
tionne pas de llèches pourtant si caractéristiques de cette époque.
En plus de ce gisement en place, l'auteur signale encore plusieurs
endroits, autour de Djidjelli, où les outils préhistoriques abondent. Ce
sont : le plateau terminant à l'Ouest l'anse des Béni Caïd, les environs
immédiats du fort Calbois et la plaine voisine de l'escarpement néo-
lithique.
I ne pièce de petites dimensions est taillée comme un outil chelléen.
Un autre est une extrémité de hache polie faite avec un galet roulé de
porphyre.
fl) Bullet. de la Soc. préhist. de France, 1914, pp. 241-245.
, VARIÉTÉS.
104
Li trouvaille de plusieurs ateliers dans cette localité témoigne donc de
la richesse du littoral algérien en stations préhistoriques. Malheureuse-
ment, la côte constantinoise a été fort peu explorée sous ce rapport.
Les découvertes du Commandant F. viennent s'ajouter a celles de
M. Curie à Collo et de M. Debruge à Bougie.
P. Pallart.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE
Sbrgi (G.). Problemi di Scienza contemporanea. (Problèmes de science contemporaine.)
Vol. in-10 de 320 pages. Torino, Fratelli Bocca, 1916. Prix ; 5 fr.
L'éminent anthropologiste italien, dont on vient de fêter le 75e anni-
versaire, a voulu commémorer cet événement par la publication du
nouvel ouvrage dont on vient de lire le titre. Ce volume est comme une
suite au* deux volumes parus en 191 3 et 1914 sur les Origines humaines,
l'Évolution organique, et que j'ai eu le plaisir de présenter à nos lec-
teurs, {L'Anthr. t. XXIV, p. 56 et XXV, p. 519).
Après une introduction, où l'auteur affirme de nouveau ses principes
directeurs, notamment ses vues polygénistes confirmées par la paléon-
tologie humaine, et où il fait l'éloge de la génétique, cette nouvelle
divinité du ciel de la biologie, laquelle est la vraie philosophie, il aborde
une série de questions qui font l'objet d'autant de chapitres.
Le premier est intitulé : Analyse morphologique : Des animaux à
l'Homme. L'origine des espèces est encore une question extrêmement
débattue, malgré tous les travaux de Darwin, de ses disciples, des
Mendéliens ou des De Vriesiens. Pour M. Sergi, cette origine est un
phénomène commun à toutes les formes organiques, elle est multiple,
polyphylétique, elle remonte à l'origine même des organismes. Dans
ses ouvrages précédents, il s'est attaché à montrer cette persistance
polyphylétique à travers les âges géologiques, depuis les premiers
terrains paléozoïques. Il en cite aujourd'hui de nouveaux exemples
empruntés aux découvertes paléontologiques faites au Fayoum. Ici les
Arsinoitherium les Mœritherium les Palœomastodon, etc., sont repré-
sentés par des espèces contemporaines, parallèles, c'est-à-dire des
rameaux d'apparitions simultanées, de lignées dont l'origine recule
dans le temps avec les progrès de nos connaisances. « Ces dérivations,
dans la forme évolutive polyphylétique, montrent que le polygénisme
est un processus naturel des origines polyphyléliques des êtres. »
Il en est de même de l'Homme, comme le démontrent les progrès de
la Paléontologie humaine. Les types de Néanderthal, de Mauer, de
Piltdown nous apparaissent clairement comme des formes indépen-
dantes, simultanées, parallèles, et nullement comme des formes ayant
pu dériver l'une de l'autre.
Il en est de même des types d'Hommes actuels. L'auteur analyse
1 °^ MOI \r\lF.\T SCIENTIFIQUE.
longuement et comparativement les caractères d'un certain nombre de
types dont il a fait, tout le monde le sait, des genres et des espaces :
Samoyèdes et Australiens. Eurafricains et Nègres, Pygmées d'Afrique
et Amlamans, Boscliimans el Ilottentots, etc. Ce sont là autant de
genres, ou d'espèces, ou de variétés, suivant les cas, qui ne sauraient
dériver les uns des autres et ne sauraient donner naissance à de
nouveaux types, mais qui sont, au contraire, dans une indépendance
absolue d'origine et de descendance. De là doit résulter un nouvel
arrangement, une nouvelle méthode pour la systématique; aujourd'hui,
plus que jamais, on peut répéter, avec Darwin, que les noms des espèces
et des variétés sont donnés arbitrairement et pour des motifs de
convention. Le darwinisme est impuissant à expliquer la diversité
des races humaines. « Une seule conclusion, claire et sans équivoque,
découle de ce qu'a dit Darwin; c'est que l'origine des races humaines
ne peut être expliquée par les principes qui lui ont servi à fonder la
doctrine de l'évolution, et ceci est d'une gravité exceptionnelle pour la
théorie elle-même, car l'Homme est un animal comme les autres. »
Le monophylétisme est une absurdité, autant pour l'Homme que pour
les animaux ; le polygénisme humain, que l'auteur soutient depuis de
longues années, et qu'il a comparé à celui des autres Primates, l'a
conduit à formuler une théorie applicable à tous les temps : celle de
l'origine des formes organiques constituant des groupes qu'il appelle
des lignées (stirpi) ; ces lignées sont composées de rameaux, ou phylums,
de même type, mais ayant des caractères propres qui les distinguent
les uns des autres. Tous les Primates, comme les autres animaux, repré-
sentenl des Jignées, avec des rameaux plus ou moins nombreux, diver-
gents et convergents ; convergents par des caractères communs avec le
type dont ils représentent des rameaux, divergents par les caractères
différentiels de chaque rameau. Ainsi de l'Homme, comme le montrent
les découvertes paléontologiques européennes.
La série des Primates, fossiles ou actuels, ne montre que des formes
irréductibles l'une à l'autre; les zoologistes en ont fait des genres et des
espèces. I)< même pour les Hominidœ. Pour mettre de l'ordre dans le
groupe, la systématique a fait de nombreuses divisions en genres,
espèces el variétés; l'auteur lui-même a tenté, il y a quelques années,
une telle classification ; mais cet arrangement ne représente pas l'arran-
gemenl réel, et D'expliqué pas les origines polyphylétiques. C'est ainsi
que les divers groupes de Pygmées sont des rameaux et non des races
d'une espèce comme le Gorille est mi rameau des Simiidœ et non une
race, comme le Cynocéphale est un rameau et non une race d'une
espèce unique de la famille des Cercopithécidés. ('/est seulement
ainsi que nous pouvoir résoudre h1 problème que les anthropolo-
gistes s'efforcent de traiter en partant de l'hypothèse sans fondement.
Moi \ nu \ i SCIE* riFIQUE. io-j
sorte de préjugé scientifique, qu'est le monogénisme, ancien ou récent.
Ainsi m* termine le premier chapitre que j'ai voulu résumer assez
longuement. Les autres ne sont pas moins intéressants, mais je dois
nu- contenter de les signaler à nos lecteurs. Le deuxième a trait aux
Variations, et à ['Évolution, C'est une dissertation basée sur l'étude du
développement paléontologique des Êquidés et sur l'insuffisance des
diverses théories explicatives de l'évolution, notamment la théorie
récente de Kosa.
Le troisième chapitre, intitulé : Paleanlhropologia, où sont exposés
les principaux résultats de la Paléontologie humaine, permet à l'auteur
de formuler de nouveaux arguments en faveur de l'origine polypliylé-
ti<jue des Hominiens.
Les chapitres suivants ont trait à la théorie de Mendel, à l'eugénique,
et à l'hérédité biologique. Les principaux résultats des récents travaux
de Galton et de son école sont exposés et discutés.
Dans le dernier chapitre, l'auteur revient sur une question qu'il a
traitée dans des ouvrages antérieurs : le rôle des sentiments dans
l'activité humaine, basé sur la distinction très nette à établir dans les
phénomènes psychiques, d'un côté le domaine de l'intelligence, de
l'autre, celui des sentiments. Mais ici, nous sortons du cadre de cette
revue, et je ne peux que signaler cette partie du livre de M. Sergi à
ceux de nos lecteurs qui s'intéressent aux questions de psycho-physio-
logie. Ils y trouveront un réquisitoire éloquent contre les barbares de
la Germanie, dont la façon ignoble de conduire la guerre est une confir-
mation des théories de l'auteur.
Le livre se termine par une liste des publications du Prof. G. Sergi ;
elle témoigne de l'importance du labeuç accompli de 1868 à 191G. Nous
exprimons le vœu que cette liste s'allonge encore pendant longtemps.
M. Boule.
Hi.DLickA (Dr Aies). The most ancient skeletal remains of Man. (Les plus anciens restes
-•luf'lettiques de l'Homme.) Second Edition, Publication 2,300 de la Smit'isoniun
Institution, Washington, 1916.
La première édition de ce mémoire, publiée dans le Smithsonian
Report pour iqi3, a été présentée à nos lecteurs (L'Anthr., t. XXVII,
j). i34). La seconde édition, qui témoigne de l'intérêt que le public
éclairé du monde entier prend aux découvertes de la Paléontologie
humaine, ne diffère de la première que par l'addition de quelques
phrases intercalées çà et là. L'auteur ne s'occupe pas des nombreux
squelettes de l'âge du Renne, des types de Gro-Magnon, Chancclade, etc.
Il considère probablement, et avec raison, que ce sont là de véritables
Horno sapiens, ne différant en rien morphologiquement des Ilomim s
actuels. M. B.
IOS MOUVEMENT SCIENTIFIQ1 I
Bonarelli (Dr Guido). La mandibula humana de Baùolas. (La mandibule humaine de
Baîiolas). Extr. de Physis, t. II, pp. 309- '.06. Buenos Aires, 191G.
L'auteur rappelle d'abord qu'il a fait de la mâchoire de Mauer le type
d'un genre spécial : Palœoanthropus, et il donne un tableau de sa classi-
fication des Hominiens dont voici le résumé :
Famille des HOMIMD.E
Genre Homo Linné.
a. Sous-genre Anthropus (Auct.)
i" espèce : Homo (Anthropus) sapiens Linné.
b. Sous-genre Protanthropus Hœckel.
Forme hypothétique : Homo (Protanthropus primœvus)
Bonar.
28 espèce : H. Protanthropus neanderthalensis King.
Genre Eoanthropus Woodward.
Eoanthropus Dawsoni Woodw.
Sous-famille des Pithecanthropidje.
Genre Palaeanthropus Bonar.
Pahvanthropus Heidelbergensis (Schœt.)
Genre Pithecanthropus Dubois.
Plthecanthropus erectus Dubois.
Il reproche ensuite à MM. Pacheco et Obermaier de n'avoir pas tenu
compte, pour leur description de la mâchoire de Bariolas (Y. L'Anthr.
XXVII, p. 1^9), de la monographie de la mâchoire de Mauer par Schœ-
tensack. Or. M. Bonarelli veut démontrer précisément : « que la mandi-
bule de Bariolas est parfaitement homotypique de celle de Mauer ; que
la mandibule de Mauer n'appartient pas au type néanderthaloïde, et
que, par conséquent, la mandibule de Bariolas n'appartient pas au type
néanderthaloïde ».
Les nombreuses ressemblances entre Mauer et Bariolas sautent aux
yeux, notamment : i° l'aspect général, très fort et robuste de l'os ; 20 la
forme « hylobatoïde », subcarrée des branches montantes ; 3° la forme
grossière du condyle pour avoir un col si réduit ; 4° l'échancrure syg-
moïde très peu profonde, beaucoup moins prononcée que chez les véri-
tables Néanderthaloïdes. Cela ne veut pas dire qu'il y ait identité ;
l'échantillon espagnol peut présenter un état différent de l'évolution du
type d'Heidelberg. Mais les différences ne dépassent pas celles qu'on
peut admettre pour une même espèce.
En réponse à la seconde question, l'auteur déclare que l'opinion
dominante, exprimée par de nombreux auteurs, dont il cite les noms,
est que le type de Mauer est très différent du type de Néandèrthal. Il
s'agit non seulement de deux espèces, mais encore de deux genres
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. IOQ
distincts. Il suffit d'examiner la figure donnée par Boule du crâne de
La Chapelle-aux-Saints, auquel a été appliquée la mâchoire de Mauer,
pour voir immédiatement la différence essentielle qui s'oppose à toute
identification des deux: fossiles. L'apophyse coronoïde de Mauer est à
une telle distance du condyle articulaire que, dans la figure en question,
OD la uni passer au-dessous du bord inférieur des molaires au lieu de
placer au centre de la fosse temporale comme cela devrait être. Ceci
autorise à supposer que le crâne du Palœanthropus, comparativement
à celui des Vanderthaloïdes, a dû avoir un zygomatique beaucoup
plus grand, une direction des orbites différente, un plus grand progna-
thisme, etc. La conséquence, en réponse à la dernière question, est que
la mandibule de Bariolas n'appartient pas au type néanderthaloïde.
Je ne ferai suivre ce compte-rendu que d'une seule réflexion : les
photographies illustrant le travail de MM. Pachcco et Obermaier sont
d'une qualité insuffisante, « qui ne permet guère aux anatomistes
de se faire une opinion par eux-mêmes ». 11 sera donc très difficile à
ces derniers de prendre parti dans la controverse soulevée par M. Bona-
relli. Ainsi se vérifie l'opportunité de l'observation que je m'étais
permis de faire sur ce point à MM. Pacheco et Obermaier. On ne
saurait apporter trop de soins à l'iconographie des documents paléon-
tologiques.
M. B.
Sergi (Giuseppo). Sur l'Uomo fossile dell' Olmo, provincia di Arezzo. (Sur l'Homme
fossile de l'Olmo.) Kxtrait de la Revista di Antropofogia, vol. XXI, 1916-ll>17.
I fi demi-siècle s'est écoulé (1867-1917) depuis que le Professeur
Gocchi, de Florence, a introduit le crâne de l'Olmo sur la scène scienti-
fique. Après avoir été fort discuté, il repose oublié dans une vitrine du
musée de Florence, tout comme le crâne de Gibraltar a été long-
temps oublié dans un musée anglais. La résurrection du crâne de
Gibraltar, dont on a beaucoup parlé dans ces derniers temps, a engagé
M. Sergi à reprendre la question du crâne de l'Olmo.
II raconte de nouveau la découverte de cette pièce et résume les
observations de Cocchi à son sujet. Inutile d'insister sur des données
qui sont reproduites dans tous les manuels. En somme, d'après Sergi,
l'authenticité du crâne est incontestable et il n'est pas douteux qu'il
soit d'un Quaternaire ancien et contemporain de YElephas antiquus
italien.
Le crâne n'est pas celui d'une femme et ne représente pas le type
féminin du type de Néanderthal, comme l'a supposé De Quatrefages.
11 est masculin par sa grande capacité, l'épaisseur de ses os et son
aspect général facile à apprécier par tout anthropologiste expérimenté.
Sa longueur est de ^00 millimètres, sa largeur de i/|5 millimètres, son
MO MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
indice céphalique de 72.5, sauf erreur qui ne saurait être que minime.
C'est donc un parfait dolichocéphale. La forme de sa norma verticale
est parfaitement ovoïde, presque ellipsoïde; à cet égard le crâne ne
diffère en rien de certains types modernes.
Los pariétaux et l'occipital n'offrent aucun trait spécial, mais le
frontal mérite toute notre attention. Le front est vertical, élevé et se
raccorde à la partie supérieure de la voûte par un angle presque droit ;
le frontal est ensuite déprimé; les bosses frontales sont saillantes. Le
<rà ne est vraiment platycéphale. Il donne l'impression d'une forme se
séparant des formes vivantes et surtout des types fossiles de Néan-
derthal et de Piltdown. Et cette impression est confirmée par les
mesures de lignes et d'angles effectuées et rapportées par l'auteur. Le
segment frontal du crâne apparaît, d'après ces opérations, comme
ayant un développement plus petit que chez l'Homme actuel, au moins
chez les variétés européennes. Cette différence, dans laquelle M. Sergi
veut voir un important caractère, doit impliquer uu faible développe-
ment de la masse cérébrale antérieure.
L'analyse du crâne de l'Olmo ramène l'auteur au crâne de Castene-
dolo à la haute antiquité duquel il croit fermement. Or ce crâne de
Castenedolo, qui est féminin et plus petit que celui de l'Olm®,
ressemble tout à fait à ce dernier, au point que les deux profils,
ramenés à la même échelle, se superposent d'une manière aussi parfaite
que possible. On peut dire, sans craindre de se tromper, qu'il y a ici
unité de race ou de variété humaine.
Les documents de l'Olmo et de Castenedolo nous prouvent l'ancienne
existence d'un phylum humain, de type supérieur et qui ne saurait
provenir des formes inférieures fossiles déjà découvertes dans l'Europe
centrale et occidentale, puisqu'il est ici de plus haute antiquité.
L'Europe, pendant le Pliocène supérieur et le Quaternaire, était donc
habitée par des hommes se rattachant à de nombreux rameaux, par
une famille humaine nombreuse, composée de genres et d'espèces
variées, comme les Singes d'aujourd'hui, inférieurs ou supérieurs.
De\;mt une si parfaite concordance des faits, tout préjugé scientifique
devrait se dissiper. La théorie polyphylétique de l'auteur, qu'il s'agisse
de L'Homme ou des animaux, est complètement d'accord avec les faits
s;nis s'opposer à la théorie de l'évolution.
Je suis, en principe, parfaitement d'accord avec M. Sergi. Je voudrais
seulement avoir plus de certitudes scientifiques au sujet de l'âge du
crâne de l'Olmo et surtout au sujet des squelettes de Castenedolo.
M. H.
MOI \ I min i m u\ riFIQUE. « i i
w umi.hk (in. Entskhung und Verlauf der phylogenetischen umformung der Menschli-
chen Kiefer seit dem Tertiar, und ihre Bedeutung fur die Pathologie der Ziihne. (Trans-
formation phylogénétique de la mâchoire humaine depuis l'époque tertiaire, et sa
goiâcation pour la pathologie dentaire.) 1 broch. in-8°, de 30 pa£C8i avec 7 li--
rirage à part de la Deutsche Monatschrifi fur Zaknekilkunde, 19U. Berlin.
M. W. a montré, dans de précédents travaux, que les malformations
de L'émail dentaire se rencontrent aussi bien chez les Singes anthropoïdes
<[iic chez les Hommes civilisés ou sauvages. Elles ne sont pas à elles
seules mie cause de carie. Ce qui cause cette dernière affection, c'est la
présence d'interstices d'où les débris d'aliments sont difficiles à extraire,
et se décomposent en attaquant l'émail. Par suite de la réduction de la
Longueur de la mâchoire, les dents sont serrées les unes contre les
autres, les surfaces de contact entre elles sont plus étendues, et il se
forme des angles très aigus où les fragments de nourriture se main-
tiennent. Un diagramme très clair montre les rapports de la mâchoire
de Heidclbcrg, d'une mâchoire de Nègre et d'une mâchoire d'Européen :
dans cette dernière l'espace disponible pour les dents est très diminué
et il en résulte divers inconvénients, notamment en ce qui concerne la
croissance des dents. Autre conséquence: la mâchoire humaine de pro-
gnathe est devenue orthognathe et le menton s'est formé. Il en est
advenu que les incisives et canines, qui, dans les mâchoires paléoli-
thiques, sont inclinées en avant, ont pris une position verticale ; de plus
leurs racines se sont recourbées, déviées qu'elles étaient de leur direction
primitive. [C'aurait été là une bonne occasion de nous dire comment
elle- sont chez le fœtus humain.] Il est à noter que les racines sont déjà
courbes dans les mâchoires de Heidelberg et de Spy, qui constituent
donc des points de transition vers un état de prognathisme encore plus
marqué, et très voisin des Singes anthropomorphes. On a remarqué que
chez ceux-ci le prognathisme va en s'atténuant avec l'âge et que les
dents antérieures finissent par être verticales. La cavité pulpaire est très
grande, caractère que l'on retrouve dans les mâchoires paléolithiques
et qui rendait nécessaire l'existence de côtes de renforcement. Ces
mâchoires sont donc un type de transition entre les Anthropomorphes
et les Hommes actuels.
On est ainsi amené à se demander quelle cause a pu provoquer une
aussi profonde modification à la structure de l'Homme. M. W. n'hésite
pat à répondre : c'est que l'Homme paléolithique savait employer le fen ;
il cuisait ses aliments et, par conséquent, avait à demander un bien
moindre effort à ses mâchoires qui commencèrent dès lors à diminuer
de volume. De plus il avait inventé des instruments tranchants qui
épargnèrent aux dents de devant la peine de couper et d'arracher les
morceaux d'aliments. Les mâchoires ne lui servaient pas non plus
imme armes, puisqu'il -axait s'en fabriquer; elles commencèrent à se
112 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
réduire, puis ce fut le tour des dents qui changèrent de forme et de
taille, et c'est ainsi que se créa la mâchoire paléolithique. M. W. fait
remarquer avec justesse que le fonctionnement des incisives devint
tout différent: dans les types de mâchoires prognathes leurs extrémités
se rencontrent comme celles dune pince; dans les mâchoires ortho-
gnathes actuelles les incisives supérieures glissent sur les inférieures
comme les lames d'une paire de ciseaux. Les dents étant obligées de
percer dans un espace plus resserré, il en résulta un tassement très
serré, une grande gône pour la croissance de la dent de sagesse et une
tendance à la carie. [Il serait bon de savoir quel rôle jouent ici les
malformations de l'émail.] La conclusion de l'autour est que si nous
revenions aune alimentation exigeant plus d'efforts, nous retrouverions
la mâchoire puissante de nos lointains ancêtres, mais il ne nous dit pas
si la carie dentaire disparaîtrait. Est-ce que les progrès de l'hygiène et
de l'alimentation n'atteindraient pas ce but sans qu'il soit nécessaire de
faire ce retour en arrière dont les résultats sont pour le moins aléatoires?
F. de Zeltner.
Gilffrid.v-Huggeri. Quatro crani preistorici dell' Italia méridionale e l'origine dei
Mediterranei. (Quatre crânes préhistoriques de l'Italie méridionale et l'orijrine des
Méditerranéens.) Extr. des Archivio per VAnthropo'. e la Etnoloqia, vol. \LV,
pp. 292-315. Florence, 191G.
L'un de ces crânes provient de la grotte Romanelli (Terre d'Otrante).
C'est celui du squelette complet trouvé par M. Stasi à im,ao de profon-
deur (Voy. L'An/hrop., t. XVI, p. 3a6). Le second a été extrait d'une
sépulture néolithique de Yiligliano. Les deux derniers proviennent,
l'un d'Aspino l'autre de Fucino. Leur âge est incertain, l'auteur les
traite simplement de préhistoriques.
M. Giuffrida-Ruggeri donne les caractères descriptifs et les mensu-
rations de chacune de ces pièces ostéologiques. Le crâne de Roma-
nelli est mésaticéphale et leptorhinien ; celui de Vitigliano est
brachycéphale et mésorhinien ; celui d'Arpino, dolichocéphale et lepto-
rhinien : celui de Fùcino- (réduit à sa calotte) est dolichocéphale.
Leur unique caractère commun — en dehors de l'orthognathisme — est
d'avoir des orbites hautes; ils sont hypsiconq lies, ce qui les dislingue
du type de Cro-Magnon. Le crâne de Romanelli, notamment, en est très
différent. 11 ne ressemble pas davantage au crâne de Combe-Capelle,
qui est dolichocéphale, prognathe, platyrhinien. Celui-ci ne saurait être
considéré comme prolo-Caucasique, mais comme proto-Éthiopien ; ses
affinités étaient plutôt avec les t\|><'s équatoriaux qu'avec les types
nordiques. Romanelli, au contraire, a tous les caractères des Cauca-
siques ou leucodermes, c'est-à-dire de Y Homo indo-europœus, sans qu'il
>oii facile de le rapprocher à telle on telle variété de ce groupe. Il
MOIYFMENT SCIENTIFIQUE. Il3
semble se rapporter surtout des bracky-hypsicéphales de l'Europe
orientale, dont les Balkaniques sont les plus voisins.
Les trois autres crânes appartiennent à une variété bien différente de
Y Homo indo-europœus . Celui de Vitigliano indique la variété brachy-
morphus alpinus. Ceux d'Arpino et de Fucino présentent la forme de la
variété doii'chomorphus mediterraneus. Le crâne de Fucino, dolicho-
acrocéphale, est voisin de celui de Galley-Hill, dont il, n'a pourtant pas
l'excessive longueur.
Quelle est l'origine de ces divers types ? En dehors des Négroïdes de
Grimaldi, le Paléolithique européen récent nous montre, d'un côté, le
type de l' Homo Aurlgnacensls avec, peut-être, Galley-Hill, Brunn, Brux
et quelques autres hypsisténocéphales. [L'auteur combat l'opinion de
Keith qui veut réunir Brunn et les Négroïdes de Grimaldi aux Cro-
Magnon], On peut donc reconnaître deux races bien distinctes : l'une, de
haute stature, l'autre (Combe-Capellc, Galley Hill), de petite taille;
l'une platycéphale, leptorhinienne, chamœsoprope, orthognathe,
l'autre hypsicéphale, platyrhinienne, médio-dolichoprosope, ressem-
blant au type éthiopique. Mais quand nous passons au Néolithique, ces
types extrêmes deviennent plus rares et d'autres types apparaissent.
Comment ont-ils pris naissance ?
On peut faire diverses hypothèses : une évolution par mutation du
type de Cro-Magnon ou bien du type de Galley-Hill ; ou bien l'arrivée
de nouvelles populations ; ou bien encore la production de croisements.
L'auteur adopte cette dernière explication pour ce qui est des crânes
d'Arpino et de Fucino de la variété dolichomorphus mediterraneus.
Celle-ci a dû naître par croisement d'un type équatorial, comme
Y H. Aurlgnacensls de Combe-Capelle (ou //. fossllis proto-xlhloplcus),
avec un type nordique, comparable aux Cro-Magnon et qu'on peut
appeler //. fossllis proto-europœus.
Pour Romanelli et Vitigliano, la plus grande probabilité est en faveur
d'immigrations. Les éléments dolicho-mésaticéphalesse trouvent concen-
tras dans la Méditerranée occidentale et les éléments brachycéphales
dans les régions alpines, parce que le fonds méditerranéen préexistant
'■lait fortement dolichocéphale, tandis que les régions alpines, d'abord
inhabitées, se sont colonisées peux à peu. La brachycéphalie a dû
s'y accentuer à la suite de circonstances favorables dues au milieu
alpestre.
D'après la classification de l'auteur, les brachycéphales à faciès euro-
péen, les dolicho-mésaticéphales méditerranéens et les Cro-Magnon
représentent autant de variétés de l'espèce leucoderme, tandis que les
Galley-hilloïdes, Combe-Capelle et les Négroïdes de Grimaldi ont une
origine équatoriale. Ces derniers onfe pu passer en Europe pendant
cette phase relativement chaude qui a précédé le Solutréo-Magdalénien,
l'anthropolooi». — t. xxix. — 1918. 8
Il4 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
environ 20.000 ans av. J.-C, c'est-à-dire pendant l'Aurignacicn. Les
crânes étudiés, même celui de Romanclli, sont d'ailleurs plus récents.
M. Cnuffrida-Ruggeri, en terminant, ne dissimule pas ce que ses vues
présentent de purement hypothétique. La théorie des croisements est
une théorie facile dont il ne faut pas abuser. Son emploi paraît pour-
tant permis à l'auteur dans les circonstances présentes. Il peut se jus-
tifier par les enquêtes récentes sur le Mendélisme.
A mon avis, le point faible de l'argumentation de notre savant
confrère italien est l'absence de toute chronologie certaine pour les
matériaux qu'il a étudiés. Je ne cesserai de le répéter : en paléontologie
humaine, comme en paléontologie animale, la notion d'Age est capitale.
En dehors d'elle, les études les plus méritoires ou les plus ingénieuses
ne peuvent aboutir à aucun résultat précis au point de vue généalo-
gique. C'est de toute évidence. Les considérations présentées par
M. GiufTrida-Ruggeri, cela va sans dire, ne sont pas moins du plus
grand intérêt.
M. Boule.
Blayac (J.). Contribution à l'étude du sol des Landes de Gascogne (Annales de Géo-
graphie, t. XXV, 1916, pp. 23-46, avec une pi).
Cet article est un des plus nets et des plus clairs qui aient été écrits
sur les terrains superficiels des Landes de Gascogne. Il est de nature
essentiellement géologique et je ne saurais, par suite, donner ici le
résumé de toutes ses parties. Mais je dois reproduire quelques conclu-
sions de nature à intéresser les préhistoriens qui font des recherches
dans cette région.
Le principal mérite de M. Blayac est, à mon avis, d'avoir défini le
sable des Landes d'une façon plus précise que ses devanciers. 11 a su
voir que la formation désignée sous ce nom représente un complexe
comprenant au moins deux dépôts fort différents: i° un sable fin,
siliceux, à grains de quartz, vraisemblablement éolien, provenant
sans doute des dunes du littoral et qui est le vrai sable des Landes ;
20 des alluvions lluviatiles, déposées par la Garonne et par l'Adour et
appartenant aux diverses terrasses du fleuve, si nettes dans le bassin
moyen et supérieur de celui-ci (environs de Toulouse) et que M. Blayac
a eu le mérite de retrouver et de poursuivre sur de nombreux points du
bassin inférieur des deux cours d'eau.
Les sables des Landes, éoliens, entièrement dépourvus de graviers,
sont partout, dans la plaine landaise, nettement superposés aux dépôts
alluvionnaires.
La présence, révélée par MM. Harlé el Dubalen, de restes d'Elephas
primigenius el de Rhinocéros tichorhinas sous 3 métrés de sables, à
Magesq, à quelques kilomètres du Littoral, dans la basse terrasse de
NtOrVEMF.NT SCIËNtlflQUÊ. Il5
l" Vdour : la trouvaille de quelques sil<^x taillés paléolithiques, dans des
conditions analogues de gisement, prouvent que la formation des
sables des Landes est postérieure à l'édification de la terrasse allu-
viale inférieure, dont M. Boule a montré, dans la Haute-Garonne, la
liaison et la contemporanéité avec les appareils' morainiques de la
dernière grande période glaciaire. Comme, d'autre part, les dunes de
Gurp, près de Soulac, supportent des ateliers ou stations oéolithiques,
l'âge du sable des Landes, considéré longtemps et sans aucune raison
ieuse comme pliocène, se trouve précisé d'une manière fort satisfai-
sante. Il est do beaucoup rajeuni, puisqu'il correspond exactement au
Pléistocène supérieur.
M. B.
Hat (Oliver P.). Contributions to the knowledge ofj the Mammals of the Pleistocene of
North American (Contribution à la connaissance des Mammifères du Pléistocène
nord-américain.) Proceedings of U. S. National Muséum, vol. X.LVIII, p. 515-575,
avec 7 planches, 1915.
mémoire comprend d'abord la description de plusieurs espèces
nouvelles de Mammifères fossiles pléistocènes ; un Bison (Bison sylves-
tris), un Bœuf-musqué (Boôtherium nivicoleiu), deux chevaux (Equus
ffatcheri et E. Ftancisci). Nous n'avons qu'à enregistrer ces nouvelles
dénominations, tout en regrettant une fois de plus la tendance fâcheuse
à une pulvérisation inutile des espèces dont témoignent souvent des
travaux de ce genre.
Mais il comprend en outre une longue discussion sur la « significa-
tion » ou la valeur des mensurations pour la distinction spécifique des
Chevaux. Ceci est d'une portée plus générale et mérite de nous arrêter
un instant, car peu d'animaux quaternaires ont laissé autant de débris
de Leur squelette que les Chevaux, peu ont été aussi étudiés et, malgré
cela, leur connaissance exacte, précise, laisse encore beaucoup à désirer.
L'auteur a pris de nombreuses mesures sur des crânes de divers
Equidés : du Cheval de Przevalsky, de quelques Chevaux fossiles, de
nombreux Chevaux domestiques, de trois espèces de Zèbres, de l'Ane
domestique, de l'Hémione et du Riang. Il s'est servi de mensurations
publiées par d'autres auteurs. Il a calculé certains indices employés en
niométrie équine. Il a essayé de se rendre compte de l'étendue des
variations présentées par les espèces sauvages el les races pures.de
préciser la valeur de quelques mensurations et indices employés dans
L'étude des chevaux domestiques. Enfin il a essayé de « jeter quelque
Lumière sur Les éléments qui ont contribué à la formation de cet assem-
blage de Chevaux qui porte le nom d'Iùjaus caballus ».
M. IIa\ déclare d'abord que les espèces américaines d'Equus sont très
jines de celles de l'Ancien Monde et que l'étude des unes ne saurait
se faire sans L'étude des autres. En Europe, les Chevaux quaternaires
I iG MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
ressemblent beaucoup aux races actuelles mais l'origine de celles-ci est
encore discutée. Leur classification et leur nomenclature sont d'ailleurs
mal fixées. L'auteur rappelle les travaux faits sur ce sujet par Fitzinger,
Sanson, .\ehring, Ewart, Slejniger, Duerst, etc. Il s'arrête surtout aux
idées d'Ewart en observant qu'en réalité personne ne sait exactement
comment les tçois types indiqués : Chevaux des forêts, des sleppes et des
plateaux, diffèrent les uns des autres.
Suivent les nombreux tableaux de mensurations relatifs aux diffé-
rentes espèces, avec des commentaires sur les taux des variations indi-
viduelles pour chaque mesure ou chaque indice. Je traduis littéralement
les conclusions de l'auteur :
i. Les mensurations et les indices sont de grande valeur pour la dis-
tinction de certaines espèces de Chevaux.
Le crâne de l'Ane domestique peut, dans la grande majorité des cas,
être distingué de celui des autres Equidés. Le Zèbre de Grévy possède
des caractères craniomé triques qui le séparent décidément des autres
Chevaux etdesZèbres. L'étude des mensurations et des indices montre que
deux espèces sont mélangées en diverses proportions dans les différentes
races de Chevaux domestiques.
2. Toutes les espèces ne peuvent pas être distinguées par les méthodes
craniométriques. Il est raisonnable de supposer que deux ou un plus
grand nombre d'espèces peuvent avoir des crânes et des squelettes de
mêmes dimensions ou de mêmes proportions, tout en différant grande-
ment par leurs caractères externes ou par les détails de structure de leurs
dents.
S. Dans le cas où l'on ne dispose que d'un, seul crâne de plusieurs
espèces, comme c'est le cas pour la plupart des Chevaux fossiles, les
mensurations et les indices doivent être utilisés avec circonspection.
Les mesures prises sur un crâne peuvent différer considérablement
des mesures prises sur un autre crâne de même espèce, car on peut
être tombé sur des variations extrêmes. 11 faut être encore plus réservé
quand on ne possède qu'une mesure ou qu'un indice. Pour conclure,
il faut faire appel à l'ensemble des caractères.
4. Il est difficile de dire quels sont les indices et mesures les plus
importants. La longueur basilaire, la longueur crânienne, la longueur
faciale, la largeur à l'arrière des orbites et les indices corrélatifs doivent
venir <n premier Lieu. Dans certains cas, tel indice peut avoir une valeur
particulière; dans d'autres cas, un autre indice peut être décisif.
5. La valeur d'autres données, telles que L'angle de l'axe du crâne et
de l'axe de la face, l'indice de Longueur de la série dentaire et de la
longueur basilaire, L'indice de longueur du protocone à la Longueur de
la dent, doit être expérimentée sur Le Cheval de Przevalsky, les Zèbres,
Jllémione, le Kiang et les Anes domestiques.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. I I 7
Od voit que M. Ha\ n'apporte en somme rien de bien nouveau ou
de liés précis. Je dois revenir en quelques mois sur ses idées relativesà
l'origine de nos Chevaux.
L'étude ostéométiique des diverses races montre ici des variations
plus considérables que l'étude des races sauvages. Gela peut s'expliquer
par la domestication, mais comme on observe les mêmes différences
sur les Chevaux pléistocènes, ou a supposé que ces derniers devaient
représenter un certain nombre de races ou de sous-espèces d'Equus cabal-
lus. L'auteur croit pouvoir reconnaître et définir au moins deux de ces
tonnes ancestrales. L'une serait représentée actuellement par les grands
Chevaux à face étroite; l'autre par les petits Chevaux à large face (Poney
celtique d'Ewart, Chevaux des fjords de Norvège).
Le Cheval de Przevalsky, quoi qu'on en ait dit, n'aurait rien à voir
dans cette question : i° parce que la présence de cette espèce en Europe
(pendant le Pléistocène) n'a pas été prouvée; parce qu'il faudrait alors
admettre l'existence simultanée de trois espèces de chevaux pouvant se
croiser librement. Lecroisementestdifficile à admettre pourdeux espèces;
il est impossible pour trois espèces.
3. On ne relrouve, sur aucune race domestique, certains caractères si
spéciaux du Cheval de Przevalsky de la crinière dressée et de la queue.
M. Hay ne partage pas certaines vues publiées en 191 1 par W. Soergel,
et d'après lesquelles la longueur totale des prémolaires est relativement
plus grande à la mâchoire inférieure des formes anciennes de Chevaux
que des formes récentes.
Le travail se termine par une étude ostéométiique des- principales
pièces d'un squelette de Cheval fossile américain, YEquus laurentius et
de quelques autres ossements du même genre. Cette étude permet à
l'auteur d'affirmer l'existence, dans le Nebraska, pendant le vieux
Pléistocène, d'au moins trois espèces de Chevaux, ce qui est conforme à
- études craniom étriqués. Il émet l'espoir qu'un jour viendra où les
os des membres seront trouvés associés avec les crânes correspondants,
M. B.
Wkbvbrt (Paul). Representaciones de antepasados en el arte paleolitico (Représentations
d'ancêtres dans l'art paléolithique.) Comisiôn de lnvestigaciones paleontologicas y
prehistoricas, Memoria n° 12, 62 pages, 42 figures, Madrid, 1916.
Ce travail est un essai d'interprétation, à la lumière des faits ethno-
graphiques actuels, d'un certain nombre de découvertes artistiques
paléolithiques, fondée sur cette loi « que dans des circonstances ana-
ues el guidés par un instinct commun, les primitifs de tous les âges
se conduisent d'une manière semblable et confectionnent des objets de
for nie identique ».
principe émis, M. Wernert cherche à interpréter divers docu-
Il8 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
monts artistiques, de style schématique, provenant du gisement magda-
lénien des Espélugues à Lourdes et d'autres grottes pyrénéennes; ce sont
des baguettes à décoration ocellée et spiraléedont j'ai essayé de démon-
trer l'origine à partir dé l'œil et de la corne de Bison ornemanisés.
L'extrémité supérieure de la baguette de Lourdes a paru à M. Sollas
pouvoir être interprété comme une tête humaine conventionnelle;
M. W. étend l'interprétation anthropomorphique à l'ensemble de la
décoration, et y voit la représentation d'un « ancêtre » en renforçant son
hypothèse par la comparaison et l'identification de l'amulette ornée de
cercles ocellés de Saint-Marcel (Indre) avec les bull-roarers australiens,
figurant des ancêtres, d'après A. B. Cook.
M. W. passe ensuite aux galets coloriés aziliens et magdaléniens et
aux peintures humaines schématiques des roches espagnoles ; il men-
tionne l'identification incontestable, due à Obermaier,de certains signes
du Mas d'Azil avec les schémas humains de ces roches. Etant donnée la
comparaison plausible faite par Cook des galets coloriés avec les « chu-
ringas » australiens représentant aussi des ancêtres, M. W. recherche
si, sur ces derniers objets, il existe des représentations humaines sché-
matiques reconnaissables ; utilisant les matériaux du musée de Vienne
reproduits dans l'édition espagnole des « Races humaines » de Ralzel,
il y reconnaît incontestablement des figures humaines interprétées avec
des cercles concentriques comme tête et bassin, et des arceaux figurant
des bras et des jambes ansées; l'un d'eux présente même les ornements
de genou si communs chez les primitifs. Cette explication ingénieuse
et très plausible a été suggérée à l'auteur par la comparaison avec
d'autres « cliui ingas-bull-roarers » à figurations humaines semi-natu-
ralistes, et aussi par l'explication anthropomorphique très solide de la
gravure sur défense de mammouth de Predmost, donnée par M. Ober-
maier.
M. W. développe ensuite le parallèle entre les signes de galets peints
et les schémas humains des roches et ceux des churingas d'Australie et
de Patagonie; il conclut qu'aussi bien dans les churingas actuels que
dans les galets peints préhistoriques, il y a deux groupes, l'un de
figures humaines stylisées, l'autre de signes symboliques, biomor-
phiques ou géométriques ; de sorte que tandis que certains groupes
humains considéraient comme ancêtres certains animaux ou plantes,
d'autres reconnaissaient comme tels des êtres humains.
S'appliquant ensuite aux roches peintes schématiques, dont l'âge
s'étend de L'Azilio-Tardenoisien à l'époque des métaux, et insistant sur
le fait qu'on y trouve souvent peintes des figures humaines identiques
aux statuettes funéraires d'Almeria et du Portugal et aux figures sépul-
crales des dolmens, l'auteur en vient à l'idée, très intéressante et plau-
sible, que les artistes préhistoriques ont voulu figurer des morts, et que
\im \ i:\ii:\ r SGIE!S riFIQUE. i i [)
peintures rupestres avaient une relation avec le culte dos Mânes.
Kilos pouvaient, comme certaines roches d'Océanie, rire considérées
comme Le lieu de résidence des esprits et spécialement de celui des
morts. C'était l'équivalent du lieu où, chez les Australiens, on conserve
les churingas » dos ancêtres.
Dans un autre chapitre, l'auteur étudie les « talismans Korwar » en
usage chez certains Papuas de la Nouvelle-Guinée hollandaise. Us ont
comme point de départ que le crâne sert de domicile à l'esprit du
défunt, et (pie sa conservation honorable est le moyen de s'en assurer la
protection bienfaisante. On retrouve la même idée aux Philippines, en
Afrique et dans toute l'Amérique. Les « Korwar)) sont des statuettes
destinées à supporter ou à enfermer le crâne d'un ancêtre; le corps, très
réduit, est représenté accroupi. Moyennant certains rites, on parvient à
y enfermer son esprit, avec lequel on entre en relations dans certaines
conditions par des cérémonies et des offrandes. On les châtie et les
abandonne s'ils ne correspondent pas à ces bons procédés; ils ne servent
d'ailleurs qu'une génération, et les petits-fils sont obligés d'en confec-
tionner de nouveaux pour leur père défunt. Le Korwar-amulette est
une reproduction réduite, faite sur une baguette, ou sur un manche de
javelot de l'image du vrai « Korwar » porte-crâne. Les Papous portent
encore quelques-unes de ces amulettes. La figure humaine accroupie
atteint dans ces objets une extrême ornemanisation, qui la rend diffi-
cile à reconnaître au premier abord et qui arrive à ressembler aux
décorations spiralées de la baguette sculptée de Lourdes, dont M. W.
cherche à expliquer les détails par analogie. 11 insiste sur la figuration
du détail de la jarretière dans les figures paléolithiques et sur les « Kor-
war » amulettes ou non, et sur l'existence de masques aussi bien chez
les sauvages que chez les Paléolithiques, et sur les indications sur le
culte des crânes chez ces derniers. — En effet les trouvailles de crânes
isolés dans les gisements de cette date dénote qu'on leur donnait une
importance spéciale; de là à la conséquence de l'existence de chasseurs
de crânes, comme à Olfnet (Bavière), il n'y a qu'un pas facilement
franchi, et qui se relie intimement avec le culte des ancêtres. Or le crâne,
placé au sommet d'un piquet, est le point de départ, dans de nombreux
ails sauvages, d'un processus évolutif, le poteau devenant une statue
acéphale, puis munie d'une tête sculptée creusée pour loger le crâne et
les cendres; ensuite la statuette se superpose au réceptacle du crâne et
enfin -individualise, mais en gardant des traits trahissant son origine.
est par L'ensemble des analogies assez diverses que nous venons de
mentionner, (pie M. \V. aboutit à l'idée de voir dans l'objet de
urdesun talisman figurant un ancêtre. Avant de quitter ce dernier,
L'auteur émet l'opinion que la spirale paléolithique, et même en général,
provient de L'accentuation des traits du visage humain, ce qui me parait
120 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
une généralisation un peu hâtive. Je suis porté personnellement à
admettre pour chaque motif ornemental et pour la spirale en parti-
culier un nomhre considérahle de points de départs indépendants,
Celui que l'auteur signale existe certainement et a son importance, mais,
sans parler de la corne de Bison paléolithique, il en existe beaucoup
d'autres.
M. Wernert termine son intéressante et instructive étude par un
résumé des hypothèses qu'on peut essayer de faire actuellement sur les
croyances surnaturelles de l'Homme préhistorique, en s'aidant de com-
paraisons ethnographiques; pour le Paléolithique ancien, il admet
comme possible le culte de la hache taillée, à cause de l'exceptionnelle
grandeur et beauté de certaines; les repas cannibales de Krapina,
comme les nombreuses trouvailles de mandibules isolées, dénotent un
cannibalisme magique et des usages superstitieux; les découvertes de
squelettes moustériens et les conditions de trouvaille de plusieurs
obligent à admettre l'existence de croyances animistes et magiques.
Au Paléolithique supérieur, nous avons comme documents magiques,
fournis par l'art : les mains humaines aux doigts mutilés (rites), des
animaux percés de traits (magie de chasse), des femelles en gestation
(magie de reproduction), des danses masquées (magie de chasse), des
figurations génitales (magie de reproduction), des animaux rapides sous
des traits (magie des armes) ; aux mêmes idées se rapportent l'emploi de
l'ocre, les coupes taillées dans des crânes, et l'enterrement de cadavres
dans une position ramassée. En partant du principe de la « pensée
élémentaire », et en tenant compte des mouvements de races déjà com-
plexes à cette époque, on doit admettre qu'il existait certainement une
grande variété de manifestations religieuses, fondées sur la vénération
des ancêtres (manisme), des animaux, et sur des idées totémiques.
A la période de transition (Epipaléolithique), qui précède l'arrivée des
Néolithiques, on retrouve en outre des traces de magie et d'animisme.
M. Wernert ne croit pas au monothéisme primitif admis par Lang
et Schmit, et ne pense pas que, même à la fin du Paléolithique, les idées
aient dépassé la croyance à des esprits surnaturels sous une forme rudi-
mentaire.
Nous nous sommes un peu attardé à rendre compte des idées réunies
dans cette brochure, parce qu'elles sont de nature à faire réfléchir et à
susciter d'autres essais analogues; l'auteur, tout le premier, sait ce
qu'il y a de fragile dans plus d'une partie de ses constructions ; la nature
même des problèmes abordés en est là cause, mais les idées remué
et les faits apportés ci groupés son 1 >i intéressants, la loyauté d'expo-
silion de l'auteur si sympathique, que dous souhaitons qu'il nous
donne l'occasion de le lire de nouveau sur des sujets analogues.
H. Breuil.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 121
Pi mhguki il>r L.). The Bushman as a Palœolithic Man (Le Boschiman considéré comme
un Homme paléolithique.) Extr. des Transactions of the Royal Society of South
Afrka, Vol. V, part. 3, décembre 1915.
Dans cette « adresse » présidentielle, M. Péringuey expose une théorie
ou fait des rapprochements qui ne sont pas absolument nouveaux, mais
sou discours est d'une telle netteté, que les Préhistoriens d'Europe
auront tout intérêt à le lire et à le méditer. L'heure est venue, en effet,
où les connaissances que nous apporte l'exploration des contrées loin-
taines doivent élargir singulièrement les conceptions tirées simplement
de l'étude de dos pays européens.
Le but de l'auteur est de démontrer que si les Bushmen, ou Boschi-
mans, ne sont pas les descendants directs des Hommes primitifs nos
ancêtres, du moins, soit par filiation, soit par contact, ils ont conservé
la totalité ou une grande part du degré de culture de ces Hommes pri-
mitifs; qu'ils en sont les continuateurs. Il se propose de comparer les
documents sud-africains avec ceux de l'Europe en partant de cette sup-
position qu'en dehors de leurs particularités physiques, des hommes
ayant la même industrie et le même art ne sauraient avoir évolué indé-
pendamment d'une manière aussi semblable. Lorsque de telles simili-
tudes s'observent dans des régions éloignées, elles ne peuvent être que
l'expression du développement intellectuel d'une seule race.
M. Péringuey débute par l'exposé de ce qu'il appelle les « divisions
lithologiques » c'est-à-dire les divisions du Paléolithique européen éta-
blies d'après les objets en pierre. (Il y a dans cet exposé plusieurs
points contestables.) Les divisions appuyées sur les phénomènes gla-
ciaires ne sauraient se retrouver dans l'Afrique du Sud, qui ne présente
aucune trace de glaciations quaternaires et dont le climat n'a jamais
changé pendant le Pléistocène.
Mais les instruments abondent dans les graviers de rivière où ils sont
ociés avec des restes de Mastodonte et de deux espèces éteintes d'An-
tilopes, c'est-à-dire avec des animaux beaucoup plus anciens que ceux
desgisements européens. [Ceci est très contestable, j'ai eu déjà l'occa-
ii de le faire observer, car le Mastodonte peut fort bien avoir persisté
pendant le Quaternaire en Afrique tout comme en Amérique, et l'Afri-
que est le pays des Antilopes.] En tous cas, ces instruments nous révèlent
des relations avec des races humaines identiques. La géographie des
temps pl«'i>tocènes permet d'expliquer facilement ces relations entre
V Afrique, l'Europe et l'Asie, au temps où ces divers continents étaient
réunis par des passages terrestres.
On peut supposer que l'Homme primitif est d'origine africaine. En
isant en Europe, aux temps chelléens, il y trouva un climat et une
faune qui ne différaient guère par leurs traits essentiels du climat et de
la faune africains ; il y apporta ses armes primitives, offensives ou
122 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
défensives, et quand le climat glaciaire l'obligea à battre en retraite vers
10 Sud. il le fit en compagnie de son gibier; il ne fut donc jamais com-
plètement dépaysé. Il conserva en Afrique les procédés de fabrication de
son armement et de son outillage, mais comme la matière première
n'était plus le silex, il employa le quartzite qu'il ne tarda pas à travailler
aussi bien que le meilleur silex...
Si la classification des temps paléolithiques avait d'abord pris nais-
sance en Afrique du Sud, il est clair qu'elle eût été toute différente de
celle que les préhistoriens ont établie d'après les documents européens.
11 faudrait faire remonter l'origine de l'art non pas à l'Aurignacien mais
à l'Acheuléen, qui ne se différencie pas ici du Chelléenet du Moustiérien
car on a trouvé des preuves indiscutables de la contemporanéité des
« bouchers » [on sait que cette expression a été proposée par M. Sollas,
en l'honneur de Boucher de Perthes, pour désigner les silex amygda-
loïdes\ et des plus belles gravures rupestres représentant des animaux
sauvages, qu'on ait observées jusqu'à ce jour.
Ces pièces taillées ont leurs surfaces altérées, décomposées, creusées
de petkes cupules (pitted) et ces phénomènes d'altération profonde, dues
à l'action des agents atmosphériques, ont exigé un laps de temps incal-
culable. Comment s'expliquer que l'Homme ayant un outillage de
pierie aussi primitif ait pu être en même temps un véritable artiste?
L'auteur fait ici une supposition curieuse : « Il est possible, dit-il, qu'il ait
traduit ainsi les pensées qui éclosaient dans son cerveau en travail, faute
de pouvoir les traduire en sons articulés, par suite de la forme de sa
mâchoire ».
Les divisions des âges paléolithiques devront être considérablement
revisées, puisque nous sommes en présence, dans l'Afrique du Sud, des
plus vieux produits de l'industrie lithique associés avec les produits
d'un art extrêmement développé. Il faut aussi tenir compte de ce fait
que les délicates pointes de flèches solutréennes se rencontrent avec les
grands instruments paléolithiques, si nombreux dans les graviers stani-
fères de Swaziland qu'on serait tenté de les prendre, au premier abord,
pour des outils d'anciens mineurs. L'industrie de l'âge du Renne apparaît,
éclate (bursts) brusquement après le Moustiérien. S'agit-il d'une importa-
tion par une race nouvelle ou s'est-elle développée au contact d une race
différente dont le développement intellectuel était plus avancé? Cette
dernière opinion est celle de M. Péringuey, qui s'attache à démontrer
que si les Boschimans ne sont pas les ancêtres des Solutréens et des
Aurignaciens, ils peuvent descendre de ces derniers car ils ont conservé
la même industrie.
Les squelettes négroïdes de Grimaldi révèlent une race très voisine de
la race Boschimane, sinon identique à celle dernière. Les figurines stéa-
topyges parlent dans le même sens. Et pour préciser davantage,
MOI VEMEN r SCIENTIFIQUE. 123
If. Péringue\ se livre à une comparaison attentive des deux groupes
européen et sud-africain, au point do vue de leurs caractères physiques,
des instruments de pierre, ^des objets de parure, des gravures et pein-
tures.
Les nombreuses figurations anthropomorphes en ronde bosse de nos
sements aurignaciens sont toutes remarquables par le développe-
ment anormal des seins, par la forme globuleuse du ventre, parles
caractères stéatopygiques. De telles statuettes ont aussi été trouvées en
Egypte et dans l'Egée préhistorique.
Le Sud de l'Afrique a une industrie solutréenne et aurignacienne qui
ne saurait être surpassée, malgré la nature plus ingrate de la matière
première, grès ou quartz au lieu de silex. Presque toutes les stations
offrent, en très grande abondance, de petits grattoirs, de légers burins,
de minces lames qui ont servi à fabriquer les disques en coquille d'oeuf
d'Autruche. Ces disques, percés d'un trou, sont des objets de parure.
On en fait des chapelets répandus dans toute l'Afrique, on les retrouve
même dans des sépultures d'un très vieux Néolithique d'Espagne.
Dans les sépultures du littoral, des rangées de ces disques enfilés
accompagnent des squelettes d'enfants et de femmes, aussi des colliers
de coquilles perforées ; l'un de ces colliers ressemble à ceux des sque-
lettes de Menton. Des rondelles d'os ou de coquillages sont décorées sur
les bords et habilement perforées pour la suspension. Un os cylindrique,
trouvé dans la grotte-abri de llumansdorp et considéré d'abord comme
un ornement, pourrait bien être un tube à peinture analogue à certains
objets magdaléniens.
Enfin, il y a les peintures et les gravures sur rochers, si semblables
à tant d'égard aux peintures et gravures des cavernes françaises et espa-
gnoles : mêmes préférences pour le choix des modèles, qui sont le plus
souvent des animaux, même réalisme, même habileté, même technique.
Les peintures boschimanes ont même sur les peintures aurignaciennes
une supériorité considérable en ce qui concerne les représentations
humaines. Parfois ces productions artistiques de l'Afrique du Sud pren-
nent un aspect hiératique et conventionnel, comme dans certaines loca-
lités espagnoles récemment découvertes. Un style idéographique semble
prévaloir dans d'autres dessins. Il est à remarquer que nous dotons les
Boschimans de ces facultés artistiques uniquement d'après les roches
peintes et bien que personne n'ait vu un aborigène actuel en exécuter.
Pour toutes ces raisons, dit l'auteur en terminant, je déclare que le
Bushman est le descendant de l'Homme du Paléolithique supérieur et
qu'il est resté tel, semblable à lui-même, jusqu'au moment de son extinc-
tion finale, qui dated'hier, car il n'existe plus comme unité ethnique.
M. Boi i i .
1^4 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Proceedings of the Society of Antiquaries of Scotland. Session 1914-1915, vol. XL1X,
5e série, vol. I, Edinburgh, 1915.
Ce nouveau volume, parfaitement imprimé et illustré comme les
précédents, renferme de nombreux mémoires ou articles dont la plupart,
ayant trait à des monuments historiques, sortent du cadre de notre
Revue.
Il y est surtout question de tumuli, de forts et enceintes, de brochs,
de crannogs, de trouvailles diverses, dont l'intérêt est purement local ou
régional. Je ne puis que signaler ces travaux à l'attention de ceux de
nos lecteurs qui s'intéressent à la protohistoire des Iles Britanniques.
Je mentionnerai cependant le long compte-rendu des fouilles faites
par A. 0. Curle à Traprain Law, comté de Haddington. Il y a là une
colline, avec lignes de fortifications, qui renferme de nombreux vestiges
d'anciennes époques : poteries, bijoux et ornements en bronze, en jais,
en verre, pièces de harnachement, armes et outils en fer, fusaïoles
disques, moules en pierre, etc. Le plus ancien niveau d'occupation de
la colline a été plus important comme durée ; il remonte à l'âge du fer.
On peut encore citer un mémoire de MM. Wace et Jehu sur des
fouilles pratiquées dans deux grottes de YEast Fife. Leurs dépôts archéo-
logiques, très riches en ossements d'animaux et en coquilles de mol-
lusques comestibles, correspondent à la période romaine et aux pre-
miers temps de l'ère chétienne, sans parler des apports modernes super-
ficiels.
Dans les Actes de la société, placés en tête du volume, je remarque,
l'envoi à la Société nationale des Antiquaires de France d'une lettre de
protestation a contre les actes de vandalisme délibérés et réitérés com-
mis par l'armée allemande contre les monuments et les souvenirs du
passé et surtout contre l'injure irréparable infligée à l'histoire de France
il à l'art européen par le bombardement de la cathédrale de Reims ».
M. B.
Tlrner (Sir William). A Contribution to the craniology of the people of Scotland.
Part. II. Prehistoric, descriptive and ethnographical. (Contribution à la craniologie
du peuple écossais, 2e partie, probistorique, descriptive et etbnographique.) Extr.
des Transactions of the Royal Society of Edimburgh, vol. LI, part I, n° 5, 1915.
Cet ouvrage est probablement le dernier qui soit sorti de la plume
de l'éminenl anthropologis te dont nous avons eu, l'an dernier, le regret
d'annoncer la mort. La première partie avait élé publiée, douze ans
auparavant, dans le même recueil. Elle avait trait aux Écossais actuels.
La deuxième partie s'occupe des Ecossais préhistoriques. Elle vaut
d'être assez longuement résumée.
Elle est basée, nécessairement, sur l'archéologie préhistorique. Il est
MOrVFMENT SCIENTIFIQUE. 125
admis généralement que l'Homme paléolithique n'a pas pénétré en Kcosse
nue ses glaciers rendaient inhabitable. Mais il est démontré que le
pays fut habité après l'émersion et la mise en place actuelle des deux
anciennes terrasses marines les plus basses.
h Avec l'arrivée de l'Homme néolithique, nous avons de nombreux
documents archéologiques, auxquels viennent bientôt s'ajouter des
sépultures renfermant des crânes et squelettes dont l'état de conserva-
tion laisse malheureusement trop souvent à désirer.
Les plus vieilles traces de la présence de l'Homme en Ecosse corres-
pondent à la formation de la plage marine de Ao-5o pieds, au bord de
laquelle s'observent des kitchen-middings. Les dépôts de cette plage
renferment des squelettes de Baleines échouées, auprès desquels on a
recueilli, à plusieurs reprises, des instruments en bois de Cerf. Des
canots primitifs ont été également rencontrés dans le sable et l'argile
des estuaires. On ne connaît rien du squelette de ces primitifs Néoli-
thiques.
Après l'émersion de la plage à son niveau actuel, les traces laissées
par les Néolithiques se multiplient : armes et instruments en pierre
polie, silex finement travaillés, objets en os et en bois de Cerf, orne-
ments, poteries, cairns et cists, édifiés avec de grossiers matériaux, etc.
Puis viennent les âges des métaux.
Sir W. Turner expose les principales découvertes archéologiques et
anthropologiques, en s'étendant naturellement sur ces dernières. Il
donne les caractères des sépultures des divers âges et décrit le matériel
ostéologique qu'elles ont fourni. Des tableaux de mensurations accom-
pagnent ces descriptions pour chaque période. Les photographies des
principales pièces sont reproduites en similigravure. Il traite successi-
vement de la période néolithique, de l'âge du bronze, des cavernes et
abris (Oban), de l'âge du fer, du « mausolée » préhistorique de Seacliff,
des « long cists ». Dans un chapitre linal, intitulé Ethnography, il est
successivement question de l'époque paléolithique et de la période gla-
ciaire (brièvement), de l'établissement de la civilisation néolithique, de
l'invasion brachycéphalique, de la dolichocéphalie et de la brachycé-
phalie, des urnes sépulcrales, des centres de migrations, des brachycé-
phales, des invasions nordique et anglo-saxonne. Je ne saurais suivre
l'auteur dans ces développements, mais voici la traduction presque lit-
térale de son résumé final.
L'examen des documents que l'on possède, malheureusement trop
peu nombreux, suffit à prouver que le peuple écossais a une longue
ascendance et que son type a été maintes fois modifié, au cours des
siècles, par une succession d'invasions venues du continent. La plus
ancienne est représentée par les Néolithiques, qui étaient des hommes
de petite taille, mais non des pygmées. Ces peuplades, qui ont édifié les
îo(i MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
long barrows et les chambered cairns, ne connaissaient pas L'usage des
métaux. Leurs crânes étaient longs, relativement étroits, purement doli-
chocéphales. Leur face était haute par rapport à sa largeur, leur mâchoire
ne se projetait pas en avant, leur nez était étroit. Nous ne savons rien
sur la couleur de leur peau, de leurs cheveux, de leurs yeux, mais si la
supposition qu'ils descendaient d'un peuple sud-européen méditerra-
néen est fondée, leur peau a dû être brune, leurs cheveux noir de jais,
leurs yeux noirs ou très bruns.
Un type différent leur succéda, les constructeurs des round barrows et
des short cists, qui remplacèrent peu à peu l'inhumation par la créma-
tion, cette dernière pratique funéraire étant devenue bientôt générale et
caractéristique. Au début de leur occupation, leurs armes et leurs ins-
truments ressemblaient à ceux de leurs prédécesseurs néolithiques,
mais le bronze fut bientôt introduit et devint d'un usage général. Ce
peuple de l'âge du Bronze était d'une stature plus élevée, sauf dans cer-
taines localités à courte taille. Leur crâne était plus court et relativement
large, brachycéphale, bien que, dans quelques sépultures de cette
époque, on observe une certaine proportion de crânes dolichocéphales.
La face était basse, en rapport avec sa largeur, la mâchoire n'était pas
projetée en avant, le nez était étroit. Si nous supposons que ce peuple
dérivait du stock alpin du Centre de l'Europe, nous leur attribuerons
des cheveux bruns ou noirs, des yeux bruns ou noisette, une peau brun
pâle. Ces hommes à tête ronde "ont occupé la Grande Bretagne pendant
plus de mille ans, depuis le détroit de la Manche jusqu'au Pentland
Fïrth et depuis la mer du Nordjusqu à l'Atlantique, bien que leurs restes
soient plus nombreux à l'Est qu'à l'Ouest. Ils ont été un facteur impor-
tant dont l'influence a persisté au cours des invasions ultérieures et
persiste encore aujourd'hui.
Puis vinrent les Celles, dérivés apparemment de la Gaule et du pays
des Belges. Le stock peut avoir été d'abord brachycéphale, mais, par
croisement avec une race néolithique dans leur propre région et peut-
être aussi avec des tribus Nord-Européennes, ils devinrent un peuple
mélangé. Ils ne possédait pas. en effet, un type de crâne uniforme; aux
brachycéphales el aux dolichocéphales s'ajoutent des intermédiaires ou
mésocéphales. Leur mâchoire n'était pas saillante, leur nez était étroit,
leur face peu élargie. Ils constituent encore un élément important et
très reconnaissable des populations du Nord et du Sud de la Grande-
Bretagne.
Les Norsernen, (Tes trois contrées Scandinaves du Nord de l'Lurope,
étaient dolichocéphales. Mais certains centres brachuéphaliques sur les
rivages de La Suède et de la Norvège, ont pu joindre à c<> nouveaux en-
vahisseurs quelques éléments brachycéphales. Leur stature était élevi
leur peau el leurs cheveux étaient clairs, leurs yeux bleus. Les Vnglo-
\ior\ r.Mi \ r SCIENTIFIQUE. t^7
Saxons descendant en grande partie de ces Nonsemen ; pourtant l'élé-
ment saxon a dû se mélanger avec celui de L'Europe centrale.
Les mélanges et les croisements de toutes ces races au cours des siècles
rend difficile de reconnaître les divers courants sanguins parmi les
populations actuellement si diverses des lies Britanniques. Ce n'est que
lorsqu'il s'agit de populations peu nombreuses et demeurées, par suite
de circonstances locales, assez isolées, qu'on peut les rattacher à un ou
plusieurs stocks originels. Toujours est-il que le résultat final de ces
mélanges et de ces croisements a été la formation d'un peuple viril,
endurant . solidement constitué, aimant l'action, dirigé par des cervaux
énergiques, volumineux, de belle qualité, et qui a su acquérir et con-
server une place prééminente parmi les nations.
Le mémoire de réminent et regretté anthropologiste d'Edimbourg
se termine par cette tirade patriotique.
M. B.
Giuffrida Ruoghri (V.). Were the Pre-Dynastic Egyptians Libyans or Ethiopians ? (Les
I gyptiens pré dynastiques étaient-ils Libyens ou Ethiopiens ?) Man, avril 1915, p. 51,
Smith (G. Elliot). Professor Giuffrida-Ruggeri Views on the affinities of the Egyptians,
(Les vues du Professeur Giuffrida-Ruggeri sur les affinités des Egyptiens.) A/an,
mai 1915, p. 71.
Les dernières fouilles, faites par les soins du gouvernement égyptien,
ont fait connaître l'existence, entre les première et seconde cataractes,
de cimetières d'un peuple différent des Egyptiens et que Bâtes, dans son
ouvrage sur The Eastern Libyans, paru à Londres en 1914, assimile aux
Temchu ou Libyens.
M. Giuffrida Ruggeri ne partage pas cet opinion.
Les squelettes de ce « groupe G » ont des affinités avec ceux des Pré-
dynastiques, d'après Elliot Smith. Les populations qu'ils représentent
se rattachent à un de ces mouvements ethniques qui se sont effectués,
dans la suite des Ages, le long de la vallée du Nil, du Sud vers le Nord.
I 11 autre mouvement encore plus ancien, d'un millier d'années environ,
est celui du « groupe A », qui montre l'infusion d'un peu de sang nègre
et dont l'archéologie est tout à fait celle des Prédynastiques. Ces der-
nier- avaient précédé le • groupe A ». A une époque encore plus loin-
taine, vers la fin du Paléolithique, de semblables vagues ethniques
envahirent le Nord de l'Afrique dont les conditions climatériques étaient
différentes des conditions actuelles. Elles ont laissé leurs grossiers ins-
truments en pierre dans les anciens lits des cours d'eau aujourd'hui
desséchés. Or les Libyens sont beaucoup plus récents ; les peintures
fptiennes nous les montrent très différents des Ethiopiens. Ils
venaient du Nord. Ils appartenaient à une autre branche de l'humanité.
Parfois ces Leucodermes prirent pied dans la Basse-Egypte et provo-
128 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
quèrent ainsi un mouvement ethnique de sons opposé au précédent. Les
changements, dans certaines particularités de la civilisation, sont indé-
niables et aussi dans les traits physiques de la population qui ne sont
plus ceux des Prédynastiques du « groupe G » et des Abyssiniens actuels,
mais qui sont vraiment les Méditerranéens des Égyptiens dynastiques.
On note alors l'apparition des traits « arménoïdes » qui s'affirment de
plus en plus, au fur et à mesure que progresse l'infiltration partie des
centres asiatiques considérés comme la patrie commune des Hamito-
Sémites...
En somme, nous avons, anthropologiquement, d'un côté, des Égyp-
tiens prédynastiques, des Nubiens (groupe A), le groupe G et les
Abyssiniens actuels, qui ont tous des caractères physiques qui ne sont
certainement pas ceux des Méditerranéens, notamment le même indice
nasal, la moyenne étant supérieure à 5o ; d'un autre côté, nous avons des
Libyens, des Egyptiens dynastiques et des Égyptiens modernes, chez
lesquels l'indice nasal.ne dépasse jamais 5o. 11 est probable que les
différences entre la Haute et la Basse-Egypte ont été continuellement
entretenues par les deux courants ethniques opposés et ces différences
ce sont maintenues jusqu'à nos jours.
On ne saurait donc considérer les Libyens comme identiques avec les
Égyptiens prédynastiques. Il est possible que les Libyens aient occupé la
Basse-Egypte avant les premières dynasties, mais nous n'en savons
rien. Ce qui est certain, c'est que les premières tombes renferment des
crânes à indice nasal méditerranéen. 11 est permis d'eu déduire que, dès
le Néolithique, les populations étaient très différentes au Nord et au
Sud; celles de la Haute-Egypte étant éthiopiennes, celles de la Basse-
Egypte (si elles ont existé) étant libyennes.
M. Elliot Smith a répondu à son collègue italien. Il est d'accord avec
lui pour ne pas prendre « trop au sérieux » les spéculations de M. Bâtes
porté, par ses études, à voir l'influence libyenne partout; il partage
beaucoup d'autres de ses idées, mais il n'est pas sûr qu'il y ait une ligne
de démarcation bien tranchée (Mitre les peuples éthiopiens et méditer-
ranéens. L'explication fournie par M. G. R. des différences qu'on
observe entre la Haute et la Basse-Egypte, dès les temps protodynas-
tiques, est séduisante par sa simplicité. Malheureusement elle se heurte
à d'insurmontables objections. Loin d'avoir été introduites par des émi-
grants, comme le veul l'auteur, certaines « particularités de utilisa-
tion » (outils en cuivre, écriture, momification) ont eu leur origine en
Egypte même; du moins tout porte à le croire et rien ne vient à l'appui
de la théorie d'une ou de plusieurs importations. 11 semble de plus
en plus probable que la civilisation égyptienne est un produit du Nil.
L'argument anthropologique ne lui paraît pas plus probant (pie l'ar-
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 1 29
gumenl archéologique. La plupart dos crânes dits dos « vieilles sériés
méditerranéennes » sont ceux d'une populo tion mélangée^ semblable
précisément à celle de la Basse-Egypte de l'âge des Pyramides. Plus ces
séries sont anciennes, plus nombreux sont les crânes impossibles à dis-
tinguer de la majorité des crânes prédynastiques de la Haute-Égyple.Au
contraire, un crâne arménoïde se sépare, au premier coup d'oeil, d'un
crâne éthiopien et d'un crâne méditerranéen.
Tandis que M. G. \\. réunit en une « espèce élémentaire » des types
aussi différents que l'Arménien, le Scandinave, le Sicilien, il en exclut
les Égyptiens prédynastiques; or, dans la plupart des cas, il est impos-
sible de distinguer les squelettes de ces derniers de ceux des plus vieux
types méditerranéens, qu'on s'adresse pour cela à la taille ou aux carac-
tères lires du crâne, de la face ou du nez. Il y a certainement plus
d'affinités entre ces deux groupes que dans la série hétérogène et dispa-
rate désignée par M. Giuffrida Ruggeri sous l'appellation d'Homo
sapiens indo-eûropœus.
M. B.
Elliot Smith (G.). The Influence of ancient Egyptian Civilization in the East and in
America. (Sur le rôle joué par la civilisation de l'Egypte ancienne en Orient et en
Amérique.) Broch. in-8, 32 pp., 7 pi. Manchester. The University Press, 1916.
I'erry (W.-J.). The geographical distribution of terraced cultivation and irrigation. (Sur
la distribution géographique de la culture en terrasse et de l'irrigation.) 1 broch.
in-8, 25 pp. 1 tarte. Memoirs of the Manchester literary Society, 1916.
Pkrkt (W. J.). The Relationship between the geographical distribution of megalithic
Monuments and Ancient Mines. (Rapports existant entre la distribution géographique
dos monuments mégalithiques et les anciennes mines), avec remarques par M. G.
Elliot Smith. 1 broch. in 8, 36 pp., 3 cartes. Memoirs of the Mai.chest r literary
Society, 191").
Jacksoh (J.-W.). The Aztec Moon-cult and its relation to the Chank-cult of India. (Le
culte de la lune chez les Aztèques et ses rapports avec le culte de la conque dans
l'Inde.) 1 broch. in-8, 5 pp. Memoirs of the Manchester literary Society, 1916.
Jacksoh (J.-W '.). The Geographical distribution of the Shell-purple Industry. (ha distri-
bution géographique de l'industrie de la pourpre.) 1 broch. in-8, 29 pp. 1 carte.
Memoirs of the Manchester literary Society, 1916.
.I';»i déjà exposé ici la séduisante théorie de M. le Professeur Elliot
Smith sur l'ensemble des migrations qui, à une époque très reculée,
ont répandu en Afrique, en Asie et dans la Méditerranée les éléments
d'une civilisation unique et déjà très évoluée (1) Tout en faisant les
réserves qu'impose forcément une conception aussi vaste, j'ai cru
pouvoir m'associer aux principales conclusions du savant égyptologue.
11 me reste à analyser un travail qui fait suite au précédent et par
lequel M. E. S. s'efforce de montrer l'iniluence exercée par cette même
(1) LWnthrop >logie, juillet 1916, p. 460.
l'amhkopologik . — t. xxix. — 1918. 9
l3o MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
civilisation dans l'Inde, la Malaisie, l'Océanie et en Amérique. En étu-
diant des contrées où ses progrès ont été plus réguliers et moins
souvent bouleversés, il espère démêler les événements beaucoup plus
compliqués qui en ont été le point de départ en Occident.
Pour la commodité de l'exposition, j'étudierai en même temps les
travaux de deux autres chercheurs de la même école qui traitent de
sujets connexes, MM. Perry et Jackson.
Voici pour M. E. S. la position qu'il a prise :
r Les éléments essentiels des anciennes civilisations de l'Inde, de
l'Extrême-Orient, delà Malaisie, de l'Océanie et de l'Amérique y ont été
apportés dans ces pays par des marins, dont les expéditions, commer-
ciales au début, ont commencé vers 800 av. J.-C. et ont duré plusieurs
siècles;
20 La culture disséminée par ces marins est en grande partie
empruntée à l'Egypte (pas avant la XXIe dynastie), mais elle contient des
apports importants dus au monde phénicien de la Méditerranée Orien-
tale, à l'Afrique Orientale, au Soudan, à l'Arabie, à la Babylonie ;
3" Le développement de la culture pré-aryenne de l'Inde est dû à ce
courant, qui, imprégné d'intluences indoues, s'est répandu sur la
Birmanie, l'Indonésie, l'Extrême-Orient et l'Océanie ;
4' Ce même courant, augmenté d'additions dues à la Mélanésie,
l'Indonésie, la Polynésie, la Chine, le Japon, est arrivé sur la côte
occidentale île l'Amérique, où il a déposé les germes de la civilisation
pré-colombienne.
Cet immense mouvement de civilisation a transporté un nombre
considérable de croyances et d'usages. Je ne puis songer à donner ici la
liste établie par M. E. S., mais en voici les principaux éléments : la
momification f avec le rituel qui l'accompagne, et les croyances qui en
déroulent (survie et migrations de l'àme, existence d'un autre monde
etc.); les monuments mégalithiques, présentant une grande variété,
niais dérivant de certains types qu'on retrouve partout; les statues,
associées à l'idée de la pierre peut-être habitée par des êtres vivants et
que les hommes peuvent être changés en pierre; le culte du soleil,
symbolisé par le disque ailé, accosté de serpents, et souvent associé au
culte du serpent; la circoncision, le tatouage, le percement et la disten-
sion du lobe de l'oreille ; la déformation du crâne* les mutilations des
dents; le tissage du lin avec emploi delà pourpre; la métallurgie; les
méthodes agricoles intensives, avec irrigation et culture en terrasse; le
boommerang , le swaskika, certains jeux, et enfin l'aptitude pour la
navigation.
La date la plus ancienne, qui puisse être admise pour la diffusion i\v
cet ensemble hétérogène, est le vnf siècle av. J.-C, car, avant celte
époque, certaines de ces croyances ou pratiques n'existaient pas en
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. l3l
Egypte et en Phénicie. Ceci donne à croire que M. E. S. considère que
tous les éléments de cette civilisation se sont associés et répandus en.
même temps. Or il est peu croyable que l'usage des monuments mégali-
thiques ae se soit pas diffusé plus tôt; de même le culte solaire et la
métallurgie. D'ailleurs M. E. S. nous dit lui-même qu'avant le 2e millé-
naire av. J.-C. il existait des relations commerciales par mer entre
l'Egypte, l'Arabie, les établissements sumériens du golfe Persique d'un
côté, et la Crète, l'Asie Mineure, la Palestine d'un autre : la culture
mégalithique égyptienne se serait ainsi répandue dans toute la mer Egée.
Il est évident qu'une lente diffusion de la civilisation a dû se produire
in me conséquence des échanges commerciaux.
Comme bien l'on pense, il a fallu, pour jouer ce rôle d'agent de trans-
mission, un peuple particulièrement doué et préparé ; ce n'a pu être
que les Phéniciens, et M. E. S. explique leur action de " la façon
suivante : pour assimiler les diverses civilisations de la Méditerranée
orientale, il a dû exister un peuple que ses préjugés n'empêchassent
point d'adopter les croyances et les coutumes des autres peuples. Il
était indispensable aussi qu'il eût des connaissances spéciales en
matière de navigation pour s'aventurer en haute mer. Les Phéniciens
étaient justement des marins audacieux et adroits, originaires sans
doute du golfe Persique, et de plus connaissant l'astronomie. Grâce à
elle, ils pouvaient se guider sur l'étoile polaire, ce qui leur permettait
de longs voyages. Ils réunissaient l'expérience nautique des Égyptiens,
des Levantins et des Égéens.
Reste à savoir pourquoi ils ont répandu sur la moitié du globe la
culture mégalithique. C'est que l'appât du lucre les poussait partout où
ils espéraient trouver des objets intéressant leur riche clientèle médi-
terranéenne. En premier lieu, ils recherchaient l'or, qui n'était pas
seulement pour eux un métal propre à faire des bijoux, mais une
monnaie : ils ont été les premiers à lui faire jouer le rôle régulateur
qu'il a aujourd'hui, et ainsi les Phéniciens ont contribué à fonder la
civilisation. Dans tous les endroits où ils ont porté la culture mégali-
thique, il y a d'anciennes mine^ d'or, et on a trouvé des traces des
anciennes techniques d'extraction et de raffinage du minerai.
D'autres richesses les tentaient encore : les coquillages d'où l'on
extrayait la pourpre, les pierres précieuses, et surtout les huîtres
perlwres. Les gisements de ces dernières jalonnent la route qu'ils ont
suivie, et un seul de ceux connus actuellement leur est resté inconnu.
\insi donc, c'est l'appât du gain qui lançait les Phéniciens dans
d'aventureuses expéditions, mais les coutumes, traditions qu'ils ont
colportées appartiennent à des époques fort différentes, s'échelonnant
depuis l'époque prédynuslique égyptienne jusqu'au vu* siècle av. J.-C.
Comment un seul courant a-t-il pu, à partir du vin" siècle, transporter
i32 Mouvement scientifique.
ensemble des usages aussi disparates? Il y a à cela une bonne raison :
les équipages des navires phéniciens comportaient des gens recrutés un
peu partout. Or l'on sait que certains usages se maintiennent plus long-
temps dans un pays que dans un autre. Il n'y a donc rien de surprenant
à ce que dos marins, appartenant à des régions très diverses, aient porté
avec eux des croyances et des pratiques d'âge très inégal. Du reste, il est
probable que le transfert d'un ensemble aussi complexe et aussi
mélangé n'a pu se faire que par l'émigration d'un peuple délaissant sa
patrie pour se fixer dans un nouveau pays. Ceci est assez conforme à ce
que l'on sait du goût des Phéniciens pour la colonisation. Aussi ne doit-
on pas être surpris de le retrouver chez des peuples qui sont à un degré
de culture très différent. On s'explique de même sa présence, chez
certains peuples et son absence chez des voisins qui sont restés en
dehors du grand courant de culture.
Quelles sont donc les raisons qui ont poussé M. E. S. à considérer
les Phéniciens comme l'agent transmetteur de la culture mégalithique ?
C'est en étudiant les caractères physiques des peuples qui jalonnent la
grande voie mégalithique qu'il a été frappé par la ressemblance exis-
tant entre les ^anciens navigateurs de la Méditerranée et de la mer
Rouge, et ceux de l'Océan Pacifique. D'ailleurs les mêmes méthodes qui
ont servi aux Phéniciens à porter cette civilisation dans l'Ancien Conti-
nent, ont servi à la répandre dans le Nouveau Monde, quelques siècles
après leur disparition.
Telle est la théorie du savant anthropologiste de Manchester ; voyons
maintenant quelle confirmation lui apportent les travaux des cher-
cheurs de son école.
M. W. J. Perry, dans la première de ses brochures, nous donne une
nomenclature de toutes les localités où ont été constatés ces deux
usages très curieux : la culture en terrasse et l'irrigation. Une carte
montre leur distribution géographique, qui s'étend de l'Irlande au
Pérou à travers l'Europe, l'Afrique, l'Asie et tout le Pacifique. La
conclusion qu'il en tire est conforme aux vues de M. Elliot Smith :
c'est la civilisation mégalithique qui a transporté avec elle ces ingé-
nieux procédés agricoles.
Je signalerai à M. P. que sa nomenclature omet le pays Galla, où
l'irrigation est poussée à un point de perfection qui doit être difficile-
menl dépassé chez les peuples demi-civilisés. D'autre part, je crains
qu'il ne s'exagère la difficulté que présente la création de canaux d'arro-
sage à liane de coteau. Je me suis laissé dire en Abyssinie qu'elle se
faisait tout simplement par tâtonnement. La dérivation une fois établie
sur un ruisseau, les indigènes la poussent en avant suivant le tracé
qu'ils ont décidé, en laissant libre accès à l'eau. Ils creusent le canal de
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. *
manière à maintenir une certaine épaisseur d'eau, et celle-ci leur sett
en quelque sorte de niveau. Toute erreur dans le sens vertical devient
impossible.
M. P. parle aussi des anciennes enceintes fortifiées. J'aurais aime
qu'il eu! précisé leurs rapports avec les travaux d'hydraulique agricole.
11 aurait pu mentionner ceux-ci chez les Kabyles, où ils ont joue un
grand rôle en dehors de la zone saharienne. Les travaux des Romains
en Ugérie et en Tunisie ne sont peut-être (pic des ouvrages berbères
repris et améliorés, et que les Arabes ont plus tard importes en
Espagne.
On consultera néanmoins avec fruit cette petite monographie, qui
renferme des matériaux nombreux et bien ordonnés.
Dans sa seconde brochure, M. P. examine tout ensemble la distri-
bution des mégalithes, celle des gisements de métaux, de pierres
précieuses, et les bancs d'huîtres perlières dans l'Inde et dans tout le
Pacifique. Il y a une coïncidence absolue et cette importante constata-
lion vient à l'appui de la théorie du professeur Elliot Smith : c'est une
même race qui a répandu la civilisation mégalithique, poussée qu'elle
était par le besoin de se procurer des richesses nouvelles.
Toutefois M. P. a posé un problème intéressant et dont la solution
ne paraît pas atteinte. En étudiant les habitations lacustres de la Haute-
Autriche et de la Suisse, ainsi que les terramares de l'Italie, il
rencontre des traces très nettes d'influence égyptienne : leurs habitants
connaissaient une variété d'orge identique à celle de l'Egypte et de
l'Italie méridionale, et quelques autres plantes méridionales ou orien-
tales ; par contre, ils ignoraient le seigle, que connaissaient les races
qui les entouraient. De plus ils étaient habillés de lin comme les Egyp-
tiens, tandis que leurs voisins employaient seulement le chanvre. Or,
dans le voisinage des palafittes suisses, on a trouvé des mines anciennes
et, dans celui des terramares, les affluents du Pô roulaient de l'or.
La difficulté est donc d'expliquer cet îlot de culture mégalithique au
milieu d'une civilisation différente. M. P. a trouvé une hypothèse ingé-
nieuse : les Égyptiens ont colonisé de bonne heure la Colchide, dans la
nier Noire, pour y exploiter des mines d'or ; pour Hérodote les Col-
chiens étaient des Égyptiens, et sur le littoral de la mer Noire on trouve
nombre d'usages égyptiens : les dolmens de Colchide étaient inspirés
par les mastabas de la vallée du Nil. Des éléments de culture égyp-
tienne ont donc pu atteindre par la vallée du Danube la Haute-
Autriche, la Suisse et la Haute-Italie.
Miilheureusement les monuments mégalithiques font défaut dans ces
régions et, pour expliquer cette lacune, on est obligé d'admettre que
leurs habitants étaient une race envahissante venue de l'Europe centrale
I 34 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
et qui, à côté de coutumes égyptiennes, avaient des coutumes d'autre
provenance, comme la crémation. J'avoue ne pas sentir la force de cet
argument, et il me paraît toujours inexplicable de constater que, autour
des habitations sur pilotis, les mineurs et les laveurs d'or n'aient pas
édifié les mégalithes qui leur servaient de tombes et de temples,
d'autant plus que l'on trouve des dolmens depuis le Caucase jusqu'à
la Bulgarie. M. P. n'a pas trouvé d'explication à ce fait et l'hypothèse
que je signale est due à M. Elliot Smith.
Quelques considérations un peu confuses sur les hauts-fourneaux
semblent indiquer que l'Egypte est le berceau du type catalan, iden-
tique à celui des Étrusques et répandu dans toute l'Europe occidentale»
voire même dans le Japon actuel. L'influence égyptienne se révèle donc
non seulement dans l'extraction du minerai, mais dans la façon de le
traiter. Cette étude ne saurait être considérée comme démonstrative. La
technique métallurgique est aujourd'hui assez connue chez les peuples
demi-civilisés pour que M. P. ait pu sans peine envisager la répartition
géographique des divers types de hauts-fourneaux. Il est probable
qu'entre l'Egypte et le Japon les termes de comparaison ne manque-
raient pas, et apporteraient des coïncidences curieuses avec la réparti-
tion des anciennes mines.
M. J. W. Jackson a été frappé de l'analogie que présente le culte de
la coquille appelée Turbinelta pyrum chez les Indous et chez les
Astèques. Dans l'Inde elle est associée au culte de Yichnou, de Siva, de
la Lune, de Varuna, de Prajapati et de divers fleuves. La Lune est
considérée comme le dieu de la récolte et, dans les fêtes saisonnières,
des prêtres soufflent dans des conques. Varuna, dieu de la terre,
dispose de l'eau, et partant de la sécheresse et de la famine. 11 rappelle
Ilaloc, dieu mexicain de la pluie, associé comme lui au crocodile.
Dans les deux pays, des offrandes, consistant en produits de la terre,
- ni faites à la conque ; comme dieu lunaire on la figure avec une main
émergeant de l'ouverture qui représente le dieu dans la coquille.
M. J. considère que ces rapprochements ne peuvent être fortuits
et démontrent que cet élément de culture a été transmis de l'ancien
monde au nouveau. Il cite à l'appui de sa thèse ce fait très curieux que
Les Mexicains, comme les Indous, voient un lapin dans ce que nous
appelons « l'homme de la lune ». Les uns et les autres expliquent l'éclat
atténué de la lune par la même légende: les dieux auraient jeté un
lapin sur la lace de la Lune qui était à l'origine aussi brillante que le
soleil. Il va là probablement plus qu'une coïncidence entre deux rites
aijs-vi évolués, et il serait très intéressant de \oir si, dans les Panthéons
de L'Inde et de l'Amérique, si riches en formes diverses, d'autres
ressemblances ne pourraient être retrouvées.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 1 35
Le second travail de M. J. W. Jackson débute par une description de
la préparation et de L'emploi de la pourpre tyrienne, d'après les témoi-
gnages anciens, et continue par L'énumé ration des lieux de production
de la pourpre dans l'antiquité cl de nos jours. [Ace propos je signale à
l'auteur qu'il existe en Afrique une teinture pourpre qui n'a rien à voir
avec les coquillages; elle est obtenue par les llaoussa, sans doute à
laide de végétaux, et ceci peut expliquer comment à Thio, près
d'Abydos, en Egypte, une fabrique de pourpre a pu être fondée, malgré
l'éloigné ment de la mer. |
La conclusion de cette élude très documentée est. qu'il est invraisem-
blable que des peuples différents aient inventé spontanément une
technique aussi caractéristique que celle de la teinture pourpre, en
employant partoutl es mêmes procédés, malgré les différences de race
et de climat : elle leur a donc été apportée par des étrangers. Et ceci
coïncide avec ce que l'on sait de ces mêmes populations, où l'on
retrouve d'autres éléments de la culture mégalithique, comme le tissage
et le travail des métaux.
Voilà donc brièvement résumée la vaste conception monogéniste à
l'aide de laquelle M. E. S. et ses disciples cherchent à expliquer le
problème des analogies de culture chez des peuples éloignés dans le
temps et l'espace. Il est bien difficile de le discuter sous la forme
qu'elle revêt aujourd'hui, car les dimensions de leurs brochures ne leur
permettent pas d'apporter la preuve de ce qu'ils avancent. Il semble
bien cependant que, sur certains points, cette théorie ne repose pas sur
des faits indiscutables. En ce qui concerne l'Inde, rien ne prouve l'in-
fluence exercée sur elle par la culture mégalithique : les alphabets
indou, cinghalais, birman ne semblent nullement dériver de l'alphabet
présémitique. Pour la Chine, les idées de Terrieu de Lacouperie n'ont
jamais été prises au sérieux par les sinologues, et il est à craindre que
celles de M. E. S. qui en sont inspirées n'aient le même sort. Il n'en
reste pas moins qu'il nous a fait connaître des faits incontestables
qui subsisteront après que sa théorie aura été débarrassée de ce qu'elle
a de superflu et d'indémontrable. Nous souhaitons vivement que
d'autres travaux viennent s'ajouter aux premiers pour étudier les
phénomènes d'un haut intérêt sur lesquels M. E. S. vient d'attirer
L'attention et pour faire la lumière sur la question si complexe des
migrations de culture.
Fr. de Zeltner.
l3() MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Correia (Vergilio). Lisboa preistorica : A estaça neolitica de Vila Pouca (Monsanto). (Lis-
bonne préhistorique; La station néolithique île Vila Pouca, Monsanto) 1 broch.,
in-8° de 24 pp. 4 fig. Lisbonne. Antunes, 1912.
Id. Os pesos de tear. (Les poids de tisserand.) 1 broch. in-8" de 8 pp., 5 fig. Porto*
1914.
Id. As « Cabanas » de Assafarja (Les huttes d'Assafarja, canton de Coimbra.) 2 broch.
in-8° de 8 pp. 5 fig. Porto, 1914.
Id. Idolos prelstoricos tatuadas de Portugal. (Idoles préhistoriques portugaises tatouées.)
1 broch. in 8° de 11 pp., 4 fig. Porto, 1913.
Id. Arte preistorica : I. Pinturas Rupestres descobertas em Portugal no seculo XVIII, II :
Pinturas rupestres da Senhora da Esperança (Arronches). (L'art préhistorique : I.
Peintures rupestres découvertes en Portugal au xvme siècle. II : Peintures rupestres
de \otre-Dame d'Esperança, Arronches). 1 broch. in-43 de 8 pp., 2 fig. Lisbonne,
1916.
Le Monsanto est une montagne voisine de Lisbonne, qui a été habitée
aune époque très reculée et probablement dès les temps paléolithiques.
Il ne semble d'ailleurs pas qu'aucun hiatus se soit produit avec le
Néolithique, époque à laquelle le Monsanto a été très peuplé. Ceci tient
d'abord à son importance stratégique, aux grottes qui s'y trouvent, à
l'eau et au silex qui y sont abondants, mais aussi parce qu'il était un
lieu sacré, ou renfermait un lieu sacré (on pense involontairement
au Cerro de los Santos, en Espagne). Chose curieuse, la tribu qui l'occu-
pait différait, au point de vue archéologique, des tribus contemporaines
qui existaient dans la région : elle était à un stade nettement néolithique
lors de sa plus grande puissance, mais on trouve des silex magdaléniens
à la base des gisements. Le caractère sacré du Monsanto a de quoi
surprendre, car il n'y existe aucun monument religieux, mais il est
attesté par des passages de Varron et de Columelle. L'auteur ne nous dit
pas si à l'heure actuelle il s'y fait un culte quelconque. Le mobilier
archéologique, très riche, comprend des meules, des percuteurs, des
ciseaux, des scies, des pointes de lance et de ilèche, des poinçons en os.
Dans la céramique, on retrouve la poterie incisée à incrustations blanches
qui est si répandue dans toute la Méditerranée. Il est à souhaiter que
M. C. retrouve tous ces intéressants objets en position stratigraphique
et nous donne une chronologie exacte qui jusqu'ici fait défaut.
Les poids de tisserand sont assez communs en Portugal et attestent
que, dès les temps néolithiques, le tissage y était fort en honneur. Au
début, ils étaient rectangulaires avec un trou à chaque angle et des
ornements en creux sur les faces. A l'époque romaine, ils deviennent
ovoïdes, pyramidaux, ou coniques et n'ont plus qu'un trou de suspen-
sion : parfois ils portent une marque de propriétaire ou de fabricant.
On n'en connaît pas qui remontent aux époques visigothe et arabe ou
au moyen Age. A une date rapprochée de nous le métier vertical, qui
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 1^7
exige île nombreux poids, disparaît, cl apparaît le métier horizontal,
qui non nécessite qu'un. Cet unique poids est dès lors orné avec soin
el M. C. en figure qui sont décorés avec goût. Parfois ils reproduisent
dos formes anciennes, parfois ils ont la forme d'un cœur : ils sont en
terre cuite, en pierre ou même en bois; les dessins en couleurs qui les
couvrent sont souvent de très bonne exécution. M. C. remarque avec
raison qu'il es! triste de voir disparaître ces vestiges d'une vieille
culture : le tissage à domicile recule de plus en plus devant les hideux
produits manufacturés; il n'est que temps pour nos amis portugais
de recueillir, d'étudier et de décrire les séries de tissus rustiques si
beaux et si originaux qui subsistent dans certaines provinces
M. C. a vu et étudié un certain nombre de huttes en pierre très
primitives que l'on rencontre dans les montagnes, et qui servent d'abr1
provisoire aux bergers ou aux laboureurs. Elles sont faites de murs en
pierres sèches et présentent diverses formes. Celles qui sont rectangu-
laires se composent de trois murs formant deux angles droits, le
quatrième coté restant ouvert. Des dalles de pierre les recouvrent.
Parfois elles sont adossées à une paroi de rocher. Les huttes carrées sont
cubiques, pyramidales, ou bien carrées à l'extérieur et rondes à l'inté-
rieur, formant ainsi la transition avec les huttes rondes. Celles-ci sont
cylindriques ou tronconiques, et couvertes de voûtes en encorbellement,
recouvertes elles-mêmes de pierrailles ou de terre. Lorsque la hutte est
carrée, une pierre placée à chaque angle facilite la transition du carré
au rond. Leur superficie est d'environ quatre mètres carrés. Parfois, en
guise d'ornement, on les surmonte d'une pierre pointue placée en
obélisque.
Les portes sont constituées tantôt par les murs eux-mêmes, tantôt
par des monolithes demi-taillés et de grandes dimensions. Le linteau
est une dalle de longueur convenable. Il n'y a jamais de fenêtres, mais
parfois on alaissé, au-dessus dulinteau, un vide triangulaire, formé par
deux dalles accotées. L'auteur a fait de suite le rapprochement avec la
porte du Trésor des Atrides à Mycènes. Quant aux cabanes elles-mêmes,
elles rappellent les constructions massives appelées trulli en Italie méri-
dionale, imrac/he eu Sardaigne, sesi à Pantellaria. M. C. ne pense pas
qu'il y ait de parenté entre elles; il admet que partout où les conditions
géologiques le permettent les hommes primitifs ont employé ce
\\stème de construction. Ces huttes sont répandues dans diverses
provinces de Portugal, mais un grand nombre sont modernes. Il est à
regretter que des fouilles n'aient pas été faites dans ces constructions:
peut-être auraient-elles donné quelques indications sur la date à laquelle
elles remontent. M. C. a été néanmoins bien inspiré en les décrivant.
La question des tatouages actuels sert à M. C. d'entrée en matière
l38 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
I ur l'étude du tatouage dans les temps passés, particulièrement en ce
qui concerne les idoles néolithiques. Il signale l'usage encore en vigueur
parmi les pèlerins de Notre-Dame-de-Lorette, de se faire exécuter des
tatouages assez variés en souvenir de leur pèlerinage. La complication
de ces dessins n'a rien qui doive surprendre car ils sont imprimés sur
la peau à l'aide d'une matrice en bois, puis piqués à l'aiguille. Ce
procédé rappelle les pintade ras enterre cuite qui servaient aux Guanches
au même usage. Au Brésil ces instruments ont été perfectionnés, et
leurs dessins sont garnis de pointes d'acier; il suffit de les appuyer sut-
la peau pour avoir d'un seul coup tout le tatouage.
La civilisation néolithique a laissé des traces très importantes au
Portugal : sommets fortifiés, grottes, enceintes, fonds de cabanes, et
ces constructions primitives, appelées antas, attestent l'existence d'une
population nombreuse, active, industrieuse et vivant dans un stade de
culture analogue à celle de certaines tribus africaines. Malheureusement
ces Néolithiques n'avaient pas hérité des dons artistiques de leurs prédé-
cesseurs paléolithiques, et ils ne nous ont légué que des œuvres informes,
d'une interprétation difficile et d'où se dégage cependant un sentiment
très religieux. M. C. me permettra de lui faire observer ici que puisque
le fâcheux hiatus n'existe pas en Portugal, il aurait été bien intéressant
'de nous dire si cet art néolithique se retrouvait dans les trouvailles
paléolithiques, au moins à l'état d'embryon.
La divinité féminine semble avoir été représentée de préférence par
les Néolithiques, et le Portugal ne fait pas exception à cette règle. M. C.
nous donne une petite liste des idoles qu'on y a trouvées. Ce sont
principalement des pierres sculptées, des plaques de schiste, des cylindres
<lc calcaire, d'os, d'ivoire, des phalanges d'animaux, probablement
aussi les vises ornés d'yeux ou de mamelons. Beaucoup rappellent les
objets analogues de la vallée du Petit Morin, de Collorgues, de Saint-
Sernin, et d'autres régions, dont le décor géométrique est bien connu.
Certains traits, au nombre de deux ou trois, allant généralement de
l'oreille à la bouche, semblent pouvoir être considérés comme des
tatouages et l'auteur n'a pas eu de peine à en trouver des exemples
chez les peuples semi-civilisés. Il est probable que certains ornements,
considérés comme colliers dans les statues primitives, sont en réalité
des tatouages ou plutôt des incisions. M. C. ne semble enefl'ct, pas faire
de distinction entre ces den\ groupes, dont le premier comporte cepen-
dant l'emploi d'un colorant tandis (pie le second tire son élégance du
bourgeonnemenl de la plaie, souvent accru par des drogues spéciales.
Il sérail injuste de passer sous silence une charmante tète de femme
en OS, trouvée sous un las de pierre dans la vallée de S. Martinho. près
de Cintra, et d'époque énéolithique. Elle montre une évolution très
Moi \ Mil \ r SCIES IN loi e. i3g
nette vers les figures en ronde-bosse et dénote une certaine habileté
chez le sculpteur, qu'on ne vôil guère dans les cylindres d 1rs plaques.
Son caractère hiératique lui donne beaucoup d'analogie avec les statues
ibôriiiuos du Gerro de los Santo, et la daine d'Elche.
La dernière brochure de M. G. débute par un hommage rendu aux
préhistoriens français qui ont instauré dans la péninsule ibérique l'élude
des peintures rnpestres, laquelle a donné de si beaux résultats. Le
Portugal est moins bien partagé, mais n'est pas complètement dépourvu
de ees manifestations de l'art primitif, et M. C. espère orienter l'atten-
tion de ses compatriotes de ce côté. Il reproduit les signes à comparti-
ments de Cachâo da Rapha, dessinés par Débile en ^55, et les considère
comme ayant un rapport direct avec le Douro, qui coule à côté, et
auquel ces peintures auraient été consacrées. Elles seraient d'époque
néolithique ou énéolithique. Il les compare avec raison aux signes à
compartiments que j'ai relevés dans la vallée du Sénégal. (Je lui signale
ceux qu'a publiés Desplagnes dans son « Plateau central nigérien »).
Comme terme de comparaison l'auteur donne une série de peintures
rupestres découvertes près de Senhora da Esperança (Arrondies) par
M. Aurelio Cabrera. Elles se rapprochent beaucoup des précédentes et
de celles trouvées dans la Sierra Morena. Cette même région, très voi-
>i no de l'Espagne, donnera probablement d'autres séries de rupestres.
L'impression donnée par l'ensemble des intéressants travaux de M. C.
est que le Portugal est susceptible de fournir une belle moisson aux
archéologues qui en entreprendront l'étude systématique. Les points de
comparaison avec le restant de l'Europe ne manqueront certainement
pas, mais nos amis portugais auraient certainement intérêt à enchercher
en Afrique. Bien des affinités de culture et de race apparaîtraient, qui
sont encore à l'état d'hypothèses, et nos idées sur ces questions en rece-
vraient certainement quelques lumières.
F. de Z.
Zlazo y PALAcios(Julian). Meca : Contribucion al estudio de las ciudades ibericas (Meca :
Contribution à l'étude des cités ibériques). Br. gr. in-8, Madrid, 1916.
Il s'agit ici des ruines d'une ville qui, aux temps anciens, a eu une
grande importance. Elles sont situées sur le mont Mugron, qui appar-
tient à la fois aux provinces d'Albacetc et de Valence et voisines
d'Alpera, où MM. Breuil et Cabré Aguilo ont trouvé les peintures
rupestres que l'on connaît. La ville de Meca constituait une position
imprenable où se réfugiaient les habitants des environs quand il se
produisait une de ces attaques si commnnes aux temps ibériques. Ils
avaient augmenté la valeur stratégique de ce point par des défenses
I^O MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
diverses, tours, murailles, vigies ; aussi par la construction d'une
route qui en facilitait l'accès et qui fut très fréquentée, comme lattes-
teut les traces de chars qui la sillonnent, et enfin par l'établissement
de nombreuses citernes qui leur permettaient de résister à un siège de
quelque durée. Il est curieux de noter que Meca n'a été vraiment
habite qu'à l'époque ibérique. Elle n'a pas connu l'époque impériale.
Quant aux époques précédentes, elles ne semblent pas avoir laissé de
traces. Les grottes qui creusent la montagne paraissent avoir été
habitées, mais on en est réduit à des conjectures au sujet de leurs
habitants. Il est permis de supposer qu'ils étaient parents des Néoli-
thiques qui, tout près de là, peignirent les fresques d'Alpera. Les
fouilles des archéologues espagnols nous fixeront certainement à ce
égard.
Dans un appendice, l'auteur nous décrit sommairement les trouvailles
qu'il a faites à Montealegre (province d'Albacete). Une nécropole très
vaste lui a donné des urnes funéraires avec un mobilier datant de l'âge
du fer, mais où les objets de cuivre sont nombreux Je signale deux
fûts de colonne en terre cuite très curieux. Aux environs se trouvent de
nombreux tumuli, construits en matériaux de grandes dimensions,
parfois d'allure cyclopéenne. L'auteur les attribue aux Ibères, et admet
que ces derniers représentent la population néolithique, et habitaient
cette région dès l'époque du cuivre. Dans une grotte voisine ont été
trouvés des silex taillés et de la céramique néolitique. Nous nous
joignons au vœu exprimé par M. Z. et souhaitons que des explorations
systématiques viennent jeter la lumière sur cet ensemble si intéressant,
qui n'a été jusqu'à présent qu'effleuré.
F. DE Z.
Vidal (Luis Mariano). Ceramica de Ciempozuelos (Céramique du type de Ciempozuelos
trouvée dans une grotte préhistorique du N.-E. de l'Espagne). Une broch. in-8° de
26 pp. et 13 pi. Association espagnole pour l'avancement des sciences. Congrès de
Valladolid, 1916.
M. Y. a trouvé cette intéressante céramique dans une grotte appelée
(( Cova fonda » près de Vilabella (province de Tarragone). C'est la pre-
mière fois qu'on la rencontre dans le N.-E. de la péninsule Ibérique, et
à cette occasion M. V. nous expose ses vues sur cette industrie. Elle est
caractérisée par l'emploi exclusif du décor reclilinéairc incisé, qui
forme des combinaisons parfois très heureuses. Les formes les plus
fréquentes sont le vase en tulipe, le vase hémisphérique et le plat à bords
peu élevés. Des exemplaires de cette céramique ont été trouvés en
Europe, en Afrique et même en Asie, ce qui, pour l'auteur, démontre à
la fois la communauté d'origine des races humaines à cette époque, et
l'existence de relations commerciales étendues. M. Hubert Schmidt, qui
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. i/jl
a étudié ce groupe cria inique, pense qu'il est originaire du Centre et du
Sud-Ouest de l'Espagne, d'où il se serait répandu vers l'Est, jusqu'en
Bohême ei vers le Sud jusqu'en Sicile. Au Nord on le retrouve en
Angleterre, mais à rage du bronze seulement, tandis qu'en Espagne et
dans les autres régions il caractérise l'époque du cuivre. Dans la pénin-
sule Ibérique, on l'a rencontré au Centre, au Sud, et à l'Ouest. La
découverte de M. V. comble donc un vide de l'extension de cette
culture. ,
La grotte de Cova fonda a livré un grand nombre d'ossements
humains, appartenant à une centaine de squelettes, et une quantité
considérable de tessons: elle était à la fois un cimetière, un atelier de
potier et une habitation. La céramique a donné des types néolithiques
et ('néolithiques: un poignard à lame de cuivre fixe l'époque, et les
poteries du type de Ciempozuelos se trouvent mélangées aux autres
sans différence de niveau. Quelques poteries de type hallstatlien prou-
vent que la grotte a été habitée à une époque assez tardive. D'excellentes
photographies complètent l'étude de M. V. et permettent déjuger de la
décoration incisée et des outils qui ont servi à l'exécuter.
F. ni: Z.
Fontes (Joachi m). Une œnochoé en bronze rencontrée à Rio-Maior. (Extr. des Arquivos
da Univ&rsidade de Lisboa, vol. III, 1916).
L'œnochoé en question, unique en Portugal, a été achetée à un
forgeron qui était sur le point de la mettre au creuset. Elle fut trouvée
à quelques mètres de profondeur à Cova do Pinhâo, près des origines
de la rivière Rio-Maior.
Elle est très bien conservée. Sa forme générale est celle des vases
analogues assez communs à l'âge du Fer. Mais l'anse est fort particu-
lière. Elle représente uu lion sautant, dont les pattes postérieures,
étendues, sont continuées par une spatule s'appliquant sur la panse. La
tête s'élève, altière, entre les deux membres antérieurs posés sur les
cous de deux aigles qui s'étirent et s'accrochent par le bec à l'ouverture
de l'œnochoé dont la hauteur totale est de o"\i8.
L'auteur compare cette belle pièce, dont il donne d'excellentes photo-
graphies, aux monuments analogues déjà connus, particulièrement aux
formes classiques de la Grèce et de l'Étrurie. L'artiste a été visiblement
iniluencé par les arts de la Grèce, mais en gardant un individualisme
indubitable. Le vase de Rio Maiorest bien une œuvre d'art indigène.
Le lion, les aigles et la spatule, avec un nombre impair de rayons, sont
des motifs d'art oriental que les iniluences helléniques ont introduits
dans le reste de l'Europe. Le lion rappelle une figure chaldéenne.
L'époque à laquelle on peut rapporter l'œnochoé portugaise est peut-
être celle de la Tènc.
M. Boule.
lfi2 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Jotcb (Thomas A.)- Central American and West Indian Archaeology (Archéologie de
r\mérique centrale et des Indes occidentales). 1 vol. in-8° «.le 270 p. avec planches,
caries et gravures dans le texte. Londres, Philippe Lee Warner, 1916. Prix : 12 s. 6.
L'auteur continue, dans la série des Ilandbooks to ancient Civilisation
de l'éditeur Lee Warner, la publication de ses très utiles ouvrages
d'archéologie américaine. Nous avons rendu compte des deux premiers
volumes consacrés l'un à l'archéologie sud-américaine, l'autre à
l'archéologie mexicaine (V. VAnihr., XXIV, p. 54 1 et XXV, p. 558).
Il s'agit, dans la première partie de ce troisième volume, de l'Amé-
rique centrale, à l'exclusion du Guatemala et de l'Honduras (qui ont
été traités dans le volume sur le Mexique), c'est-à-dire du Nicaragua,
de Costa-Rica et de Panama. La seconde partie traite des West-Indies,
c'est-à-dire des îles Bahama, des grandes Antilles (Jamaïque, Cuba,
Saint-Dominique, Porto-Rico) et des Petites Antilles (Guadeloupe,
Martinique, Saint-Vincent, etc.).
Gomme pour les volumes précédents, le but de l'auteur a été de
décrire la religion, les mœurs, les arts et les métiers des anciens habi-
tants de ces régions, en se basant, d'une part, sur les récits des premiers
voyageurs et des vieux chroniqueurs particulièrement nombreux dans
ces régions où débarquèrent les premiers Européens, d'autre part, sur
les découvertes archéologiques. Ce troisième volume relie donc géogra-
phiquement les deux autres. Il les relie aussi au point de vue archéo-
logique, car les anciennes cultures de l'Amérique Centrale tiennent
d'un côté à la civilisation du Mexique et du Guatemala et d'un autre côté
aux cultures colombienne et péruvienne. Les limites réciproques de ces
inlluences ne correspondent pas aux divisions politiques actuelles. La
pression exercée par les tribus Nahualt, décrites dans le volume sur le
Mexique, a profondément affecté le Nicaragua, un peu Costa-Rica et
s'est même étendue jusqu'au Panama. L'influence de l'Amérique du
Sud est allée plutôt en diminuant qu'en augmentant. L'ethnographie
générale du Panama et de Costa-Rica paraît avoir été tout d'abord plus
voisine de celle de l'Amérique du Sud que celle du Mexique ou de
Guatemala, mais, en dehors de l'Est du Panama, on n'observe aucune
inlluence active du côté de la Colombie ou du Venezuela.
Le cas des Indes occidentales est tout différent. Ici, on n'observe
pratiquement aucun contact avec le Mexique et l'Amérique centrale,
mais on relève, par contre, les manifestations bien nettes de deux
vagues successives d'immigration sud-américaine. La première de ces
vagues a apporté aux îles une population se rattachant au stock consi-
dérable des Arawak ; la seconde a colonisé les petites Antilles avec des
éléments du stock encore plus puissant des Caraïbes. Ces deux peuples
ont partout été rivaux et, au moment delà découverte de l'Amérique, il
ne restait, en fait d'Arawak, que quelques femmes à l'état d'esclavage.
MOUVEMENT SGIENTIFIQ1 E. 1^3
L'auteur a résumé, avec méthode et clarté, toutes les notions que
peuvent nous fournir l'histoire et l'archéologie sur ces anciennes
populations. Les documents archéologiques sont nombreux, bien pré-
sentés par de bonnes illustrations, reproductions photographiques
ou dessins à la plume. On remarquera : les idoles en pierre, les
broyeurs de maïs en pierre (metates) les poteries modelées, ornées,
peintes, de toutes sortes, aux curieux dessins plus ou moins stylisés,
vases à trépied et tabourets ; les ornements el bijoux en or, du Nica-
ragua, de Costa-Rica ou du Panama; les idoles en bois, colliers en
pierre, pilons ouvragés, étranges sièges en bois ou en pierre, haches
polies de toutes formes, pétroglyphes des Antilles.
Deux cartes hors texte, un appendice bibliographique et un index
alphabétique complètent cette documentation et font du nouveau livre
de M. Joyce un bon instrument de travail à recommander à tous les
« américanistes ».
M. B.
Eaton ((icorge F.). The Collection of osteological material from Machu Picchu (La
collection ostcologiquc de Machu Picchu). Memoirs of the Conneclicul Acad. of
Arts and Sciences, Vol. V, New Haven, 1916.
Macchu Picchu est une antique cité péruvienne perchée sur un éperon
montagneux qu'enserre le cours tumultueux de l'L rubamba. L'Univer-
sité de Yale et la Société nationale de Géographie ont organisé en 19 12,
une mission d'exploration. Le présent ouvrage est la description du
matériel ostéologique retiré des sépultures de Macchu Picchu et de son
voisinage.
L'auteur a fouillé lui-même une cinquantaine de tombes! Les tra-
vaux ont continué après son départ et ont porté à 107 le nombre des
sépultures explorées.
Celles-ci ne se trouvent pas dans l'intérieur de la cité mais en dehors
de ses murs. Elles ont été numérotées et repérées sur une carte topo-
graphique de Machu Picchu et de ses abords, placée à la fin du volume.
Cette carte indique trois groupements principaux s'étendant, sur les
lianes escarpés de la montagne, jusqu'à 4oo mètres au-dessus des ruines.
Les sépultures sont de deux sortes. Dans la plupart des cas les restes
humains ont été déposés d.ms une excavation, sous certains des blocs
de pierre qui encombrent les lianes delà montagne. Ordinairement ces
excavations ont été aménagées spécialement, quelques-unes sont tout à
fait naturelles. De sorte que la forme de ces excavations varie beaucoup.
Dans d'autres cas, les cadavres étaient inhumés, c'est-à-dire recouverts
de terre; le plus souvent ces enterrements étaient pratiqués sous des
abris rocheux qui devaient les protéger contre la moisissure et les
rayons d'un soleil ardent. Quand il y avait un espace suffisant, les
iVl MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
momies étaient assises, en position accroupie. Peu à peu les momies
se desséchaient, se désagrégeaient et les ossements disloqués étaient
recouverts d'une couche d'humus. La végétation, les racines des
plantes ont contribué beaucoup à leur destruction.
Les cadavres étaient accompagnés de quelques objets et de poteries.
D'asse* nombreux vases ont pu être restaurés.
M. Eaton décrit minutieusement les 107 sépultures une à une ; il en
donne des photographies, des croquis, des plans, des coupes; il énu-
mère les objets trouvés ; les ossements humains sont étudiés et leurs
mensurations sont groupées en deux grands tableaux hois texte.
Cette partie, la plus importante du volume, comprend encore la
description de deux espèces nouvelles de Mammifères, dont les débris
ont été trouvés dans plusieurs excavations funéraires, un Abrocoma et
un Agouti. Elle est accompagnée de nombreuses planches hors texte.
i4 de ces planches représentent des objets : épingles à large tète
spatulée, pinces de toilette, miroirs, « cure-oreilles » pour dames,
couteaux, etc., le tout en bronze; objets en chlorito-schisle, dont plu-
sieurs représentent des animaux; débris d'étoffes en poils de lama;
objets en or, parfois ornés ; toute une série de beaux vases polychromes,
aux formes variées et curieuses, avec parfois des faces humaines mode-
lées et d'élégantes décorations (tel le plat de la pl.-tnche X, fig, 1-2 orné
de deux papillons peints,).
Les planches XV à XXIV sont des photographies de crânes humains
normaux ou remarquables à divers égards : déformations, lésions
pathologiques de nature syphilitique. Les planches XIX à XXI repré-
sentent des bassins, les planches XXII à XXXVII de ces longs, normaux
ou pathologiques. Les photographies ordinaires sont ici accompagnées
de radiographies.
Le texte se termine par quelques pages de conclusions dont voici le
résumé.
L'état de conservation imparfaite des ossements humains de Macchu
Picchu ne saurait être dû à de simples causes naturelles ; il doit être
en relation avec des rites funéraires. Pour expliquer l'absence ou la
perte de certaines parties du squelette, le crâne, la mandibule, tel ou
tel os des membres, il faut supposer que ces parties ont dû, à un
moment donné, être séparées, déplacées ou perdues, soit quand les
momies ont été transportées de leur sépulture temporaire à leur sépul-
ture définitive, au cours d'une cérémonie festivale. On sait, en eflet,
que le culte des morts est un trait particulier de la religion des Incas.
Les auteurs anciens, du xvie siècle, notamment Christoval de Molina,
ont décrit des cérémonies de ce genre, dont les détails, reproduits par
l'auteur, expliquent très bien en effet, les caractères des vieilles sépul-
tures de Machu Picchu. Il est très probable que les habitants de cette
Mot \ l.MFAT SCI UNI II loi I | 45
magnifique cité, suivant les pratiques de leur race et de leur temps,
visitaient leurs morts à certaines époques et leur rendaient des honneurs,
ainsi que cela se pratiquait à Cuzco, au temps de Christoval de Molina.
Il parait que ces sortes de cérémonies n'allaient pas sans de fortes liba-
tions de liqueurs enivrantes et, comme les cadavres étaient rapportés
à leurs sépultures à la fin de l<i J'èle, on comprend que certaines parties
du squelette pouvaient s'égarer en chemin, dans les sentiers escarpés et
rocailleux de la montagne.
Nordenskiôld a observé des pertes analogues en étudiant de vieilles
sépultures sur le plateau de Titicaca. Il en donne une autre explication :
« Lorsqu'on souhaite la sécheresse, on retire d'un tombeau un crâne et
on le fiche sur une perche. Celte curieuse coutume pourrait expliquer
pourquoi Ten Kate a trouvé chez les Calchaquis de l'Argentine, tant de
tombeaux où le crâne faisait défaut. »
Les ossements humains étudiés par M. Eaton se rapportent à 164 indi-
vidus. Les adultes mâles sont en majorité du type montagnard. Les
adultes femmes montrent une égale proportion du type montagnard et
du type côtier. Les uns et les autres présentent des exemples de défor-
mations crâniennes. Le fait le plus curieux est l'extraordinaire prédo-
minance de l'élément féminin surl'élément masculin (environ 5 contre 1).
L'auteur suppose que l'empire Inca a eu, à Mâcha Pichu, un de ces éta-
blissements connu sous le nom de Acelahuasicuna, sortes de couvents
où vivaient les vierges du soleil et les prêtresses chargées du service du
temple. Cette hypothèse est confirmée par diverses considérations. Le
fait qu'il y a une certaine proportion de sépultures masculines et de
sépultures enfantines n'est pas incompatible avec elle.
11 est difficile de résoudre, d'une façon précise, le problème de l'âge
de ces sépultures. Le fait certain c'est que la plupart offrent les carac-
tères essentiels d'une culture précolombienne. Mais il est possible et
même probable que quelques-unes d'entre elles remontent moins haut
et soient post-colombiennes (deux ont livré des objets d'origine euro-
péenne).
On ne peut interpréter qu'avec prudence les faits pathologiques
observés. Il y a quelques années, la majorité des médecins n'eût pas
hésité à considérer les stigmates syphilitiques comme post-colombiens.
Depuis les recherches du D' Iwan Bloch, nous savons que la syphilis es^
une maladie de haute antiquité dans le Nouveau-Monde et qu'elle a été
apportée en Europe de Haïti par l'équipage de Colomb, au retour de
son premier voyage. Il en résulte que les altérations syphilitiques qu'on
peut observer sur des os, soit dans l'Améiique du Sud, soit dans l'Amé-
rique du Nord, ne sauraient plus suffire à prouver l'âge post-colombien
de ces os,
M. B.
LL'ANTHKOPOLOblK. — T. XXIX. — 1 9 i\ 10
I '|(> MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Sa.R4.sin (Paul). Ueber tierische und menschliche Schnellrechner. (Le calcul rapide chez
l'homme et les animaux.) Tirage à pari des Ve> Itand/ungm dcr naturforscfienden
Geseltchnft in Buset, Bainl XXVI, 1915. Luc broch. in-8\ 27 pages.
M. Sarasin compare la faculté de calculer rapidement chez les
hommes et les animaux. Le cheval Muhamed, d'Elberfed, représente ces
derniers, et le jeune indou Arumugam les premiers. M. S. commence
par remarquer que ce don spécial ne coïncide pas forcément avec une
intelligence 1res développée : la plupari des grands calculateurs étaient
modestement pourvus à cel égard ; l'enfant prodige Arumugam est
dans ce cas, de plus il est illettré et dénué de toute culture, ce qui ne
l'a pas empêché de parvenir à une habileté stupéfiante clans le calcul
rapide. D'autre part M. S. considère que les problèmes que résout le
cheval Muhamed ne peinent être le résultat d'opérations logiques.
Toute idée de supercherie devant être écartée, il faut donc admettre
qu'ils sont dus au fonctionnement d'une faculté spéciale, existant aussi
bien chez les hommes que chez les animaux, et particulièrement déve-
loppée chez certains sujets. Il fait la remarque que chez la plupart des
grands calculateurs les opérations se font inconsciemment; ils n'en
connaissent que le résultat et non l'élaboration. Le même phénomène
se passe probablement dans le cerveau du cheval Muhamed qui calcule
mais ne pense pas et, dans des proportions beaucoup plus restreintes,
dans celui du chien Rolf de Mannheim. M. S. compare ces curieux
résultats à ce fait bien connu que certaines personnes peuvent s'éveiller
à l'heure qu'elles ont fixée avant de s'endormir. Il voit dans les deux
cas un fait d'intuition que rien ne permet d'expliquer actuellement, qui
n'a rien à voir avec l'intelligence, et disparaît même quand la cons-
cience réapparaît. Les psychologues auront à pousser plus loin ces
recherches sur l'inconscient, qu'il nous suffira d'avoir brièvement
résumées. F. de Z.
Bel (Alfred). Coup d'œil sur l'Islam en Berbérie. Extrait de la Revue des Iitligions.
Janvier-février 1917, pp. 3-74.
L'auteur, qui est un des arabisants les plus distingués du Nord de
l'Afrique, a été chargé de l'organisation de l'enseignement supérieur
musulman au Maine en eqi5 el 1 9 1 (> .
Au (-ours de deux années qu'il passa à Fès, M. Bel organisa une série
de conférences en français et en arabe pour les officiers et fonctionnaires
français. Elles étaienl faites par des spécialistes : français et musulmans,
« qualifiés par leur rang social, leur compétence, leur talent littéraire,
el avaient pour objel de mettre à la portée (\is Marocains des questions
d'histoire, de géographie, d'organisation administrative du Protectorat,
de leur faire connaître la France, sa civilisation, son rôle dans le monde,
si politique musulmane ».
L'étude sur l'Islam, que nous mentionnons ici, est le texte de deux
MOI \ F.MI \ 1 >i 1 I N I II loi I \[X"j
de ces conférences. Nous n'avons pas l'intention d'analyser cette étude
puisqu'elle touche à des sujiis qui n'entrent pas dans le cadre de cette
Revue. Nous nous bornerons seulement à signaler les passages qui se
lorlenl plus directement à l'Ethnographie.
I.Vni lit conférencier nous initie, en un chapitre qu'on pourrait
appeler : « Çommenl on devient marabout », à l'évolution d'un pauvre
d'esprit devenu, grâce à la crédulité dos (idoles d'une part, et à une habile
exploitation de l'autre, un marabout très vénéré dans la région de
Mkncs. Beaucoup de marabouts du Nord de l'Afrique n'ont certai-
nement pas eu d'autre histoire !
Dans un autre chapitre, M. Bel nous parle longuement de la baraka.
Do ut lé en a donné la définition suivante : « mot que l'on traduit
ordinairement par bénédiction, mais qui a une signification beaucoup
plus étendue, puisqu'elle désigne l'influence heureuse du marabout
sur ce qui l'entoure ».
La baraka se transmet par le seul contact du marabout, (ou mieux,
du saint) ou des objets sanctifiés par lui ou par sa présence. « C'est, dit
M. Bel, toute la croyance aux saintes reliques, dans les religions les
plus variées, qui se trouve là-dedans. Si l'on baise ces objets, la baraka
pénètre encore mieux en soi par la bouche que par les mains. »
Ces pratiques, comme aussi d'autres encore rappellent l'incubation
antique.
I ji des procédés les plus courants pour bénéficier des vertus de la
baraka consiste à avaler de la poussière ou de la terre du tombeau d'un
saint, ou d'en saupoudrer une plaie, ou de la porter dans un sachet
comme un talisman, ou encore de la diluer dans l'eau bénite de la
source sacrée coulant souvent auprès du tombeau d'un saint.
« C'est que la terre, selon les primitifs, garde par son contact avec
quelqu'un ou quelque chose les vertus et les qualités de ce quelque
chose; elle en possède « l'âme »...
« C'est pour établir un lien magique de môme nature que l'on jetait
une pincée de terre dans la fosse où l'on venait de déposer un parent
mort (chez les anciens Crées). Et ce rite, vidé de sa croyance1, est
demeuré chez nous comme une survivance de nos primitifs ancêtres. »
Tout ce chapitre serait à reproduire, surtout le passage qui donne
l'explication de la coutume de placer sur le tombeau des saints ou dans
leur voisinage des bouts d'étoile, des cheveux. Ce rite est général dans
toute la Berbérie.
Or lés indigènes ignorent le but de ce rite : ils ne l'accomplissent que
par tradition. C'est l'ethnographie qui en donne l'explication :
" Pour h: primitif, un lien magique existe entre l'individu et les
parties détachées de son corps... et par extension entre les parties
dé lâchées du costume qu'il porte habituellement. On sait que dans la
I ',s MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
croyance générale des primitifs, aussi bien que dans celle de nos indi-
gènes nord-africains, le bien ou le mal qu'un sorcier peut faire à l'aide
d'incantations ou de rites inigiques, sur ces objets atteint le proprié-
taire de ces objets à distance et c'est même une manière de produire
^l'envoûtement. C'est pourquoi le barbier... qu" est en même temps
arracheur de dents et qui pratique la circonsision, prend le plus grand
soin de ne pas laisser traîner les parties mortes qu'il a détachées du
corps de ses clients.
« Dès lors on aperçoit combien il est facile d'admettre la croyance
par laquelle le fidèle qui laisse auprès du saint, dans celte atmosphère
de baraka, quelque chose de son corps ou de son vêtement pense jouir,
par le lien magique qui l'unit à ces objets, de la baraka dont ce quelque
chose de son corps laissé là est constamment imprégné. »
C'est dans ce même but que les femmes déposent leur chevelure sur le
marabout de Sidi Abi bou Ghâlem à Fès.
Mais les Berbères ne se bornent pas à invoquer les seuls marabouts ;
ils croient à la divinité des arbres, des pierres, des animaux, des sources,
du soleil, de la mer et du feu et sont convaincus que les objets inanimés
ont une âme ; c'est de l'animisme tout pur!
Ce sont surtout les arbres et les sources qui sont l'objet d'un culte,
à peine islamisé, et M. Bel en cite des exemples bien curieux, entre
autres celui d'un laurier-rose, des environs de Tlemcen, qui passe pour
guérir les enfants à la mamelle menacés par un mauvais génie.
Mon ami Barbin m'a signalé à Marnia un autre laurier-rose mara-
bout.
Après les divinités bienfaisantes l'auteur nous parle des djinn qui
u ne sont pas tous malfaisants, bien que ce soit le cas le plus fréquent
et qu'on leur attribue justement la cause de tous les maux ».
Mais ou s'en préserve facilement par des formules et des rites
magiques, des sacrifices et des amulettes. On peut même se les concilier
par l'offre d'un repas nocturne.
Comme les génies peuvent s'incarner dans le corps de tous les
animaux, les musulmans se gardent bien de détruire les animaux
répugnants ou dangereux, entre autres la vermine qui les ronge, dans la
crainte qu'ils ne renferment l'âme d'un djinn
On peut mettre les monuments et leur contenu à l'abri des parasites
par l'emploi de talismans. C'est un fait très connu que Ves amulettes,
entre autres la main de Fatma, sont des protecteurs actifs contre les
mauvais sorts et le mauvais œil.
Enfio quand un mauvais génie a pénétré dans le corps d'un individu
il va des exorcismes pour l'en chasser : M. Bel en donne le cérémonial-
Mais la partie 1m plus originale de <•<• travail est celle qui concerne les
tt;i(Iiii"ii- préislamiques, M. Bel nous révèle toute une série <l«' coutumes
MOI VEMENT SCIENTIFIQUE, I A 0
qui démontrent bien à la lois, l'existence de croyances fétichistes
primitives el leur survivance chez les Berbères marocains.
Ce sont les recherches de MM. Trenga et Laoust, deux brillants
berbérisants, qui nous ont l'ait connaître les rites magiques se rappor-
tant au soleil, au feu, aux récoltes, aux animaux sacrés qui témoignent
d'une zoolâtrie réelle et qui nous l'ont beaucoup espérer des études
ultérieures des sociologistes qui s'occuperont de ces questions.
\1. Laoust publiera bientôt, lui-même, les précieux renseignements
qu'il a recueillis à ce sujet, ainsi que les comparaisons qu'il a déjà pu
taire avec ce qui se passe dans d'autres tribus berbères. Il ouvrira de la
sorte aux Investigations des chercheurs un domaine nouveau et qu'il a
été le premier à explorer. »
Nous serons heureux de rendre compte de cette publication
lorsqu'elle paraîtra. D'après le peu que nous en a signalé M. Bel, nous
pouvons nous attendre à des révélations originales.
Paul Pallary.
Dr H. Hoesslt. Kraniologische Studien an einer Schadelserie aus Ostgronland.. (Recher-
ches cranioloyïqucs sur une série de crânes du Groenland oriental), 1 broch. in 4
de 04 pp., 3 pi., 37 fig., 1 carie. Ziircher et Furrer, à Zurich. 1916. Extrait des
N uveauc menioires de la Société Helvétique des sciences naturelles.
Les documents étudiés dans ce travail ont été rapportés par la
Mission Suisse en Groenland (191 2-1 3). dirigée par le professeur A. de
Quervain. La population de la côte occidentale étant très métissée de
blancs, c'est sur la côte orientale que se sont portés les eilbrts des
membres de la mission, après qu'ils eurent effectué la traversée du
Groenland. Dans les petites îles au Sud d'Angmaksalik ont été
recueillis dans des tombeaux trente-six crânes. Les indigènes ne pou-
vaient donner aucune indication sur les individus à qui ils avaient
appartenu, et il ne semble pas que les squelettes remontassent à plus
«le 5o à 100 ans. L'un d'eux, une femme, ensevelie dans un sac, ne
datait que d'une vingtaine d'années; elle se trouvait en position
repliée, couchée sur le côté gauche. Cette série est des plus impor-
tantes si l'on songe que cette région n'a été découverte qu'en 1 884 : la
race eskimo y est donc aussi pure que possible, ce qui n'est pas le cas
sur la côte ouest, où elle est très métissée d'Européens.
Les Lombes sont formées de murailles gross ères en pierres sèches, cou-
vertes de dalles de pierre, et de forme carrée. Les crânes et les différents
ossements y sont dispersés sans ordre, quoiqu'une des photographies
montre un squelette dont les parties ont encore leurs connexions natu-
relles. Il y a de 6 à 10 squelettes par tombe.
Le mobilier se compose de quelques ustensiles de fabrication indi-
gène, tels que peignes, aiguilles, couteaux, etc.
L'étude des crânes a été faite par le D' II. a^ec un soin tout parti-
100 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
culier et a donné d'intéressants résultats. Voici quelques-uns des
principaux : Capacité crânienne moyenne; ia Ô i5o4,i: 8 9 1202,5.
Indice céphalique moyen : Longueur-largeur 09 : 69,8; longueur-hau-
teur 69 : 7 ri . 9 . Indice facial moyen : ô 86,5; 9 84.7. Indice nasal moyen :
* 'i5,6 ; 9 44*6. Indice orbi taire moyen ; Ô 78 5 ; 9 80,2. La mandibule,
très massive, présente des caractéristiques fort curieuses : diamètre
bi-condylien moyen (3i 69) 121,6; diamètre bi-angulaire ; io5,8 :
hauteur du menton: 56,4; largeur de la branche montante: 40., 1.
Comme on le voit les affinités avec les groupes mongoliques sont très
nettes en ce qui concerne la face, et M. IL considère les Eskimo puis
d'Àngmaksalik comme un type mongolique primitif. Malheureusement
les Mongols sont brachycéphales et M. IL est forcé d'admettre que
ces derniers, dolichocéphales à l'oigine, sont devenus peu à peu bra-
chycéphales. se fondant sur l'exemple des races européennes, qui ont
évolué vers la brachycéphalie, sans qu'il soit question de mélange de
races Ce serait une modification spontanée de la race. Les Eskimo
seraient donc, parmi les types mongoliques actuels, le plus ancien et
le plus primitif. Une carte montre, en même temps que leur habitat
actuel, la direction présumée dans laquelle s'est faite leur migralion.
J'observerai seulement que celle-ci a dû se produire à une date fort
ancienne puisque depuis mille ans au moins les Européens se sont
mélangés aux Eskimo dans l'Ouest du Groenland, et que ceux de l'Est
sont restés purs. Il faut ajouter que dans le Nord, on trouve (!<>> restes
d'habitations abandonnées, jalonnant la route qu'ils ont suivie pour
arriver dans leur habitat actuel d'Angmaksalik.
C'est donc une importante contribution à l'élude des Eskimo que
nous donne M. IL, et elle a le mérite de s'appuyer sur des documents
inédits, dont la provenance inspire toute confiance. La façon dont elle
est présentée, avec une carte, des graphiques et de bonnes photo-
graphies, permet de se retrouver facilement dans les différentes séries
de mensurations.
Fr. de Zeltxer.
Sarasih (Fritz). Streiflichter aus der Ergologie der Neu-Caledonier und Loyaltv-Insulaner
auf die Europaïsche Praahistorie. (L'outillage des Néo-Calédoniens et des îles Lôyalty
envisagé au point de vue de la préhistoire européenne.) Une broch. in-8*, tirage à
pari dos Verkandlungen der Naturforschenden Gesellchaft in Dasel. Band XXVIII,
1916, 27 pp., 23 fiir.
Comme beaucoup d'autres voyageurs, l'auteur a été frappé des res-
semblances que présentent les objets usuels de certains groupes
primitifs avec ceux que nous ont révélés les fouilles préhistoriques.
Particulièrement dans certaines îles du Pacifique, où les habitants sont
restés attachés longtemps à leurs vieux usages, on peut récoller un
grand nombre d'observations. Les indigènes de la Nouvelle-Calédonie
MOI Vr.MKVI SCI1.MII KM E. I 5 I
el il^s Loyalty, malgré renvahissemeni des objets européens, se servent
de beaucoup d'ustensiles de type très ancien. De bonnes photographies
nous eu montrent une série. Les galets trouvés dans les torrents
serve ni de marteau, ou de lime, quand leur l'orme est allongée, pour
l'aire les bracelets en coquillages. Pour percer les calebasses une branche
de corail est aussi employée. Eu guise d'ancre, une pierre est attachée
à un cable. Pour confectionner un bizarre appât pour les pieuvres, on
fixe un morceau de stalactite à une corde, en l'ornementant d'une queue
et de membres rudimentaires. On voit aussi des alignements de pierres
qui indiquent le nombre des ennemis tués dans une bataille (et M. S.
les compare à ceux de Carnac), des cromlechs, des lumuli, des cercles
de pierre. L'auteur nous prévient même que ces derniers ne sont
souvent que des abris momentanés destinés à préserver du vent pendant
la nuit une troupe de voyageurs. Bien entendu, un grand nombre de
pierres jouent un rôle magique, pourvu qu'elles présentent quelque
ressemblance avec un objet, un animal ou une plante. Les coquilles
fossiles, aux formes bizarres, sont aussi considérées comme ayant un
pouvoir magique. Pour noter le nombre d'ennemis tués dans un combat,
on l'ail des entailles, ou des Irons hémisphériques, dans ces morceaux
de bois : l'analogie avec les cupules préhistoriques est probable. L'inhu-
mation accroupie est aussi en usage, là où les Européens ne la prohibent
pas : les indigènes en donnent pour cause qu'ils ont peur de voir revenir
les morts. Dans certains endroits on trouve des crânes exposés dans des
abris sous roches sur des dalles: et le rapprochement irait tout de suite
à l'esprit avec les nids de crânes de la grotte d'Ofnet, en Bavière.
Malheureusement, en Nouvelle-Calédonie, ce sont des crânes de chefs
qui sont ainsi livrés à la piété des indigènes, tandis que dans le second
cas c'étaient des femmes et des enfants décapités ad lioc.
La trépanation existe en Nouvelle-Calédonie, et M. S. nous signale un
usage intéressant : une fois le crâne perforé, l'opérateur bouche l'ouver-
ture avec une rondelle de noix de coco et rabat la peau par dessus. Les
rondelles crâniennes trouvées dans les sépultures préhistoriques ont
peut-être eu un usage analogue. Autre rapprochement curieux : pour
opérer la saignée ou scarifier, les indigènes emploient de minuscules
éclats de silex qui ne servent qu'une fois, et ressemblent beaucoup à
ceux du Tardenoisien, qui ont peut-être joué le même rôle. Enfin, avec
Les diverses sortes de coquilles, les indigènes font des grattoirs, des
couteaux, des rabots, et même des hameçous. La conclusion de l'auteur
est qu'il serait bon que les voyageurs s'attachent à recueilli!- les éléments
de rapprochements entre les industries des primitifs actuels et des
primitifs préhistoriques. Ce n'est pas nous qui dirons le contraire.
F. Z.
l5a MOUVEMENT SCIENTIFIQUE,
Dr Hlt.o Kdike. Goldaltertùmer der Chibcha (Antiquités en or dos Chibcha.) Interna-
tionales Archio fSr Ethnographie, vol. XXIV, 1916, 8 pp.. 9 pi
Sur le plateau de Bogota, en Colombie, ont été trouvé de nombreux
objets en or, qu'on peut attribuer aux chibcha. et qui présentent de
notables différences avec ceux de la vallée de la Cauca, qu'on rapporte
aux Quimbaya. Bien qu'il soit impossible de leur assigner une date
précise, il est probable qu'ils sont antérieurs à la conquête du pays par
les Espagnols; c'est à ceux-ci que le pays a dû son nom d'Eldorado, et
ceci donne à penser qu'ils y ont trouvé d'imposantes quantités d'or
travaillé ou brut. La technique de ces objets et les motifs qui les
décorent sont nettement indiens et l'étude du D" K. n'a d'autre but
que de les décrire.
Ils ont été obtenus par deux procédés différents : la fonte à cire
perdue, et l'estampage sur un moule en pierre dure. Si le premier
d'entre eux donne une certaine variété de types, le second conduit à
une uniformité monotone : c'est déjà de la production industrielle. On
est frappé néanmoins de la ressemblance qu'ont entre elles toutes les
figurines coulées. Certaines sont plates, les membres, vêtements,
armes, etc.. sont formés par des fils d'or obtenus par la fusion des fils de
cire du modèle, posés à plat sur une mince tablette d'or. Les figures
en ronde-bosse sont d'un style beaucoup plus naturaliste et ne
manquent pas d'expression. Quelques groupes de figures humaines Se
rencontrent, représentant une cérémonie en usage chez les anciens
Chibcha s, et dans laquelle le cacique, entouré de plusieurs personnages,
naviguait sur un lac où finalement il se baignait. Il semble aussi qu'un
objet représentant doux hommes dans une enceinte circulaire figure le
guëza, victime humaine sacrifiée aux dieux et dont le sang servait à
badigeonner les idoles.
Les figurines Chibcha sont assez richement décorées. La coiffure est
\ a riée : tantôt cylindrique, tantôt hémisphérique, elle présente des
côtes saillantes, des pendentifs, des ornements divers, des rangées de
plumes. Aux oreilles se voient des pendants de différentes formes,
portant eux-mêmes des disques suspendus. Le nez porte un croissant,
parfois de grandes dimensions. On sait qu'au Mexique c'était l'orne-
ment de la déesse de la lune. Los colliers sont très riches : composés
de lames d'or travaillées en forme d'oiseaux, de reptiles, de poissons,
d'hommes, ils offrent une grande variété due aux combinaisons
multiples de ces motifs. Parfois ils sont portés en bandoulière. Les
plaques décoratives sonl nombreuses : elles soni faites d'une feuille
d'or découpé, repoussé, ciselé orné de pièces battantes eî de pende-
loques diverses. Les Chibchas les portaient sur leur poitrine pendant les
danses : leur effet ornemental est très grand, et on j trouve une variété
que n'onl pas les autres objets,
MOUVEMEN1 SCIENTIFIQUE. 1 53
Il est curieux de voir que le vêtement n'est jamais Indiqué sauf dans
un cas : cependant lesChibchas passaient autrefois pour être tisserands.
Une ficelle passée sur les hanches en tient lieu : le pénis y est souvent
attaché, usage encore en vigueur chez beaucoup d'Amérindiens,
Les amies sont peu variées : lances, massues, boomerangs, boucliers,
frondes, vases pour conserver le poison. Les bâtons et sceptres ne
manquent pas et sont bien décorés. Toutes ces identifications sont
d'ailleurs hasardeuses, étant donné l'exécution primitive et l'état de
conservation des objets. 11 en est de même de l'identification de ces
figures. On peut conjecturer que ce sont des divinités, mais nos
connaissances sur le panthéon Chibeha ne permettent que des hypo-
thèses, et ML lv. s'est sagement abstenu d'en faire. Telle quelle, sa
monographie présente une contribution utile à l'archéologie américaine.
F. DE Z.
The Journal of American Folk-lore, edited by Franz Boas. Janvier-mars 1916.
La « American Folk-lore Society » a eu l'idée excellente de consacrer
chaque année un numéro entier de sa belle publication aux contes.
Légendes, chansons, et formules du Canada français. La mine est inépui-
sable et c'est un régal exquis de relire les vieux contes du pays de
France tels qu'on les récitait au temps de Richelieu, dans cette belle
langue colorée, savoureuse, naïve, qu'on retrouve encore dans quelques-
unes de nos provinces. Ils attestent avec quelle pureté la culture fran-
çaise s'est maintenue parmi les Canadiens, et quelle fidélité ils gardent
à ces traditions qui leur rappellent leurs pays d'origine que la plupart
n'ont jamais \u. Le numéro actuel est dû à trois chercheurs M. Marins
Barbeau, M'"' Eveline Boldue, M. Gustave Lauctôt, qui semblent avoir
rscueilli ces documents d'une façon aussi intelligente que conscien-
cieuse, respectant la forme que leur donnent les conteurs et les expres-
sions patoises dont ils se servent. Après avoir indiqué les principaux
thèmes qu'on rencontre dans ces récits, M. Marins Barbeau répartit les
contes en six groupes distincts : 1, les fables; II, les contes merveilleux
et les mythes; III, les contes pseudo-merveilleux où l'on parodie le
merveilleux ; IV, les légendes et les contes chrétiens ; Y, les contes ou
récits romanesques du moyen Age; VI, les facéties et les anecdotes
modernes. On n'y trouvera pas des éléments folk-loriques bien neufs :
tous les motifs ont déjà été signalés ailleurs, et on ne peut dire qu'au-
cun soit spécifiquement canadien. Mais les folk-loriques consulteront
et recueil avec intérêt pour étudier la diffusion de certains thèmes, et
leur entrecroisement. Ce n'vn est pas moins une lâche liés méritoire et
d'un haut intérêt qu'ont entrepris là nos amis du Canada, et ils peuvent
être assurés que leurs publications trouveront toujours ici l'accueil le
plu> sympathique.
F. DE Z.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE
a
Nécrologie. — Joseph Deniker
La mort de Joseph Deniker, survenue le
18 mars 191 8, prive L'Anthropologie d'un colla-
borateur précieux, qu'il sera bien difficile de
I mplacer. Sa vaste connaissance des languies et
sa compétence dans les questions qui sont de
notre ressort, lui permettait de rédiger périodi-
quement pour notre Revue un bulletin biblio-
graphique dont nos lecteurs ont pu apprécier
l'intérêt et la grande utilité. Il parlait et écri-
vait couramment l'Anglais, l'Allemand, le
Russe et l'Italien ; il lisait et traduisait à livre
ouvert l'Espagnol, le Portugais, le Hollandais,
le Polonais, le Serbe et le Mongol.
J. Deniker était né à Astrakan, sur les
confins de l'Europe et de l'Asie, le G mais [852.
II aimait à répéter que son lieu de naissance
l'avait, en quelque sorte, prédisposé aux"
recherches anthropologiques, car dès sa prime
jeunesfe il avait coudoyé des gens de races et de religions extrêmement
variées. Toutefois ses premières études ne firent guère prévoir la voie
qu'il devait suivre plus tard. De 10 a 17 ans, il fréquenta les lycées d'As-
trakan el de Moscou. En 18G9, il entra à l'Institut technologique de Saint-
Téln -boni g, établissement qu'on peut assimiler à notre École centrale des
Vrts el Manufactures <'t opta pour la section de chimie ; au bout de \ ans.
il en fartait avec le titre d 'ingénieur- technologiste de ire classe. L'anné€
suivante l [87/5 . il parcourut la (aimée, la Transcaucasie el la Perse pour
étudier les gisements de pétrole. En 187a et 187c). il voyagea en Allemagne.
en Autriche-Hongrie, en Italie, en Suis e, en Belgique et en Angleterre,
ce qui lui permil de se perfectionner dans l'étude de certaines langues.
Au mois d'octobre 1876, J. Deniker vint se fixer à Paris et commença à
frèquentea les laboratoires du Muséum et de la Sorbonne, mais il ri'avail
pas encore trouvé sa vocation. \u Muséum, il passa successivement parles
laboratoires de ( himie appliquée aux 1 orps inorganiques, de Botaniqi e. d 'En-
tomologie, d'Anatomie comparée el d'Anthropologie. \ la Sorbonne, il étudia
aux laboratoires de Géologie, de Botanique et de Zoologie. Enfin, la station
maritime de Roscofï el le laboratoire d'Anthropologie de Broca le comptèrenl
\<)| VELLES ET CORRESPONDANCE. 1 55
parmi leurs élèves. Entre temps, il avait accompli, on T879, un nouveau
voyage dans le Tyrol, en llalic. en Dalmatie et au Monténégro.
En r88a, il passa il avec succès m>m examen <lc licence ès-sedences natu-
relles <le\;ml la Facilité de Paris. Quatre ans plus tard, il soutenait, devant
la même Faculté, sa thèse de doctoral qu'il avait consacrée à des Recherches
anatorriiques et embryologiques sur les singes anthropoïde s. Ce travail, qui
comporte a65 pages de texte, 0 planches el ■>•> figures, lui valut le prix Broca
à la Société d'Anthropologie.
S - titres universitaires et ses vastes connaissances linguistiques le niel-
laient en mesure d'affronter l'examen professionnel pour le certificat d'ap-
titude aux fonctions de Bibliothécaire universitaire. Pendant trois années
*8a-85), il s'était prépaie aux fonctions qu'il briguait en remplissant
bénévolement le rôle de bibliothécaire d'une importante Société scienti-
fique : la Société de Zoologie de France Aussi, en 1S87, fut-il classé premier
à l'examen d'aptitude pour les fonctions de bibliothécaire des Universités'.
Ce fut cette même année <|uc vint à mourir le distingué bibliothécaire du
Muséum d'Histoire naturelle, .T. Desnoyers, ancien Secrétaire-Général delà
Société Géologique de France et membre de l'Académie des Inscriptions et
Belles-Lettres Deniker était toul désigné pour lui succéder, mais des raisons
administratives né permirent de le nommer à ce poste que l'année suivante
(i8SS>.
Jusqu'à son entrée en fonction au Muséum, Deniker n'était pas resté
s au< publier un certain nombre de notices et de mémoires consacrés à la
Zoologie, à l'Anthropologie et même à la Botanique. Je citerai, parmi ses
travaux zoologiques, les mémoires suivants : Sur les singes anthropoïdes de
la ménagerie Bidel (Bull. Soc. Zool., 1882) ; Sur l'orang et le chimpanzé
exposés à Paris (Bull. Soc. Anthr., 1882) ; Le développement des Rraehio-
pod°s d'après Kowalevsky (en collab, avec OEhlert) (Arch. de Zool. oxpér.,
[883) : Sur un fœtus de Gorille (Bull. Soc. Anthr, 188/1) ; La valeur des
caractères morphologiques que présente le foie au Gorille (Ibid., i884) ;
Sur un fœtus de Gibbon et ton placenta (C. B. Ac. des Se., 2 mars 1 885) ;
Le développement du crâne chez le Gorille (Bull. Soc. Anthr., t885) ;
Sur un fœtus de Gibbon et le placenta des Singes (Ibid., i.885) ; Note sur
les sues laryngiens des singes anthropoïdes (on collai), avec Boulart) (Jourrnal
d'Anat. et de Physiol., 188G),; Sur une nouvelle découverte de Mammouth
en Sibérie (Bull. Roc. Zool., 1886) ; Le développement des muselés de la face
chez le Gorille (C. M. Soc. BioJ., 1887).
Fn \n.thropologif, je signalerai, parmi ses premières publications,
celles qui suivent : Quelques observations et mensurations sur les Nubiens
Bull. Soc. \nllnop., 1880) ; Anthropométrie et classification des rares,
d'après les travaux de Weisfxuh. (Rev. d 'Anthr., 1881) ; Le peuple
tchouktche d'après les derniers renseignements (Rev. d' Anthr., 1882) ; Rap-
port sur 1rs mensurations des diffèrznts peuples de la haute vallée de VIndus
envoyées par M. de ( jfaivy ('Bull. Soc. Anthr., 1882) ; Les KrivOSCÎCnS (La
Nature. i<Sn> , ; Les Giliaks, d'après les derniers renseignements (Rev! d'Eth-
nogr., i883» ; Les iraucaniens au Jardin d'Acclimatation (Bull. Soc. Anthr.,
i883) ; Les Kalmouks au Jardin d'Acclimatation (Ibid., i883) ; Les Papous
l56 NOUVELLE? ET CORRESPONDANCE.
de la Nouvelle-Guinée (Rev. d'Anth., i883) ; Étude sur les Kalmouka (Ibid.,
1880) ; Moulins à prières clic: les Mongols (L'Homme, i884) ; Quelques
observations sur les Bochimans exposés à Paris (Bull. Soc. Anthr., 1886) ;
Sur l'écriture des Singhalais (Ibid., 1886) ; La population de la Dalmatie
(Ibid.. 1886Ï ; Rapport sur l'examen des cheveux des différents peuples de
l'Inde (Ibid., 1887) ; Les populations turques en Chine (Ibid., 1887).
Durant cette première période de sa vie scientifique, Deniker s'est surtout
applique à nous faire connaître les documents publiés à l'Étranger sur les
populations de l'Asie. Sur les mêmes populations et sur les pays qu'elles
occupent, il a donné de nombreux articles au Dictionnaire de Géographie
Universelle de Vivien de Saint-Martin et Rousselet, au Dictionnaire des
Sciences anthropologiques, à la Grande Encyclopédie et à maintes Revues
de vulgarisation.
A partir de 1888, tout en continuant à fournir de petits articles et beau-
coup de comptes rendus d'ouvrages exotiques à une foule de publications,
Deniker se cantonna moins dans les questions relatives à l'Orient. Il nous
donna une traduction de l'Anatomie du Chien d 'Ellenberger et Baum (1896),
et, en collaboration avec Boulart. des Recherches mr différents points de
l'anatomie de VOrang-Outang (1890). Dès 1888, il avait publié un Essai de
classification des races humaines (Bull. Soc. d'Anthrop.), qui devait être
suivi d'un autre mémoire, en deux parties, intitulé : Les races de l'Europe
(1899, 1908). Avec le Dr Hyades, il rédigea le tome VII (Anthropologie et
Ethnographie) de la Mission scientifique du Cap Home (1891). Quelques
notes sur Les Indigènes de Lifoù (Bull. Soc. Anthr., 1893), sur Trois micro-
céphales virants (Ibid., 1894). sur Les Indigènes de Madagascar exposés au
Champ-de-Mars (en collab. avec le Dr Collignon) (Ibid., 1896), sur La ques-
tion des races en psychologie (1906), sut La Taille en Europe (1907), et qua-
tre articles publiés dans notre Revue prouveront que. pendant une partie de
son existence, Deniker s'est activement occupé d'Anthropologie ; voici les
titres de ces quatre articles : Les races exotiques à l'exposition universelle de
1889 (en collab. avec Laloy. — UAnthrop., t. I) ; Les Maures du Sénégal (en
collab. avec Collignon. — ■ Ibid. t. VII) ; L'âge du Pithécanthrope (Ibid.,
t. XIX) ; L'âge géologique de la faune de Trinil (Ibid., t. XX).
Mais l'ouvrage qui a surtout contribué à 'faire connaître le nom de
Deniker dans les sphères anthropologiques, c'est son volume intitulé :
Le:\ races et les peuples de la Terre, qui a paru en 1900. En rendant compte
de çel ouvrage dans L'Anthropologie (t. XI, p. 762), j'ai adressé à l'auteur
le^ critiques que m'avait suggérées sa lecture. Il n'en est pas moins vrai
que le livre a rendu de réels services e1 qu'il est venu combler une lacune
de notre littérature anthropologique.
Membre du Comité des Travaux historiques et scientifiques au Ministère
de l'Instruction publique, Deniker ;i\;iil été délégué par le Gouvernement
français aux quatre Conférences internationales de Bibliographie scienti-
fiques qui se sonl tenues ;'i Londres en 1896, [898, [900 et 190"). et chargé.
par le Ministère de l'Instruction publique de lu Bihliographie des travaux
publiés par les Sociétés savantes de fiance depuis le wiT siècle. Cette
œuvre, appelée ."1 rendre tant de services aux travailleurs, reste malheureu-
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. I&7
semenl inachevée. En annonçant dans L'Anthropologie l'apparition do la
$• partie du t. 1, M. Boule montrait combien il serait nécessaire, pour qu'un
travail de ce genre répondit à son but, que La publication en fût menée
avec célérité.
Grâce à La variété de ses connaissances scientifiques et linguistiques, à
- - voyages, à ses publications, Deniker avait noué des relations, qu'il
entretenait soigneusement, dans les milieux scientifiques de tous les pays.
Il avait présidé la Société d'Anthropologie de Paris ; il faisait partie dus
Sociétés de Géographie de Paris et d'Amsterdam, de l'Institut Anthropolo-
gique de la Grande-Bretagne et de l'Institut français d'Anthropologie, de la
Société des Sciences naturelles de Golmar, de l'Institut de Coïmbre, des
Sociétés d'Anthropologie de Rome, de Florence, de Lyon, de Bruxelles, de
Stockholm, de Washington, de la Société des Amas des Sciences de Moscou.
11 avait pris part à maints congrès iiiterniationaux en qualité de membre
des commissions d'organisation, de Secrétaire, de Secrétaire Général ou de
\ ice-Président. Il avait été l'un des premiers adhérents à la Société pour la
propagation des langues étrangères en France et n'avait cessé de se consacrer
à l'œuvre qu'elle poursuit, notamment par des conférences de vulgarisa-
tion.
En 190/i, à la suite d'une conférence qu'il avait faite sur les races de
l'Europe, J. Deniker avait reçu, de l'Institut anthropologique de Londres,
la médaille Huxley, la plus haute distinction de celte Société. Lauréat de
l'Académie des Sciences (Prix Monlyon, de Statistique), de la Société d'An-
thropologie de Paris (Prix Broca), de la Société de Géographie de Paris
(Prix Fournier), Officier de l'Instruction publique depuis i8g5, il avait été
promu Chevalier de la Légion d'Honneur au mois d'octobre 1909.
Sa mort prive d'un précieux collaborateur, non seulement L'Anthropo-
logie, mais aussi une foule de Revues et d'ouvrages de vulgarisation, oar
Deniker, en raison des connaissances variées qu'il avait acquises dans sa
jeunesse, était en mesure de traiter les sujets les plus divers. Peut-être mémo
ne s'est-il pas assez spécialisé, oar — on l'a maintes fois répété — ' il est
impossible d'être encyclopédiste à notre époque.
R. Yerneau.
Le Docteur Léon Poutrin.
Le 3o novembre 1918, l'Echo de Paris publiait la petite notice nécrologique
suivante ;
« Nous apprenons le décès du médecin-major de i1*6 classe Léon Poutrin,
chevalier de la Légion d'honneur, décoré de la Croix de guerre et de la
Médaille coloniale (Afrique occident ah; française, Congo et Tchad), officier
de l'ordre de Sainte-Anne de Russie, médecin chef de l'H. O. E. de Males-
herbes, mort pour la France, le 20 novembre 1918, dans son hôpital, des
suites d'une maladie contractée dans son service. Il avait épousé Mlle Martin-
\! utigné, fille du lieutenant-colonel d'artillerie Martin-Martigné, aux
armées, et de Mm0, fille du général Collet-Meygret, décédée. Il était le frère
du capitaine d'infanterie Gustave Poutrin, tué «à la bataille de la Marne en
septembre 191/1, et du lieutenant d'artillerie André Poutrin, tué dans un
1 58 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
accident d'aéroplane, en octobre 1912. Le présent avis tiendra lieu de faire-
part. »
La lecture de cet entrefilet m'attrista profondément. J'aurais voulu
pouvoir douter, malgré tout, <|ii*il s'agissait de mon préparateur temporaire,
de cet homme dans la force de l'âge qui, par ses travaux, avait su conquérir,
en quelques années, une place enviable parmi les antliropologistes. Le
doute, hélas! ne m'était pas permis : la précision des détails et la dernière
phrase démontraient surabondamment que la notice émanait de la famille
elle-même du défunt.
Léon-Eugène-Joseph Poutrin était né à Saint-Brieuc, le 28 février 1880.
Entré au service le i3 septembre 1899, il était nommé Aide-Major de 2e classe
le ier février J903 et promu Aide-Major de ire classe deux ans plus tard.
A :>§ ans — le -i\ juin 1909 — il obtenait son troisième galon. Mais, déjà, il
s'était senti attiré par les îecherches anthropologiques et il avait saisi avec
empressement une occasion qui s'était offerte à lui de recueillir des docu-
ments originaux sur les populations de l'Afrique occidentale.
Lu riche amateur, M. Hottol, avait obtenu une mission pour la région
Kanem-Chari-Logone ; il demanda de lui adjoindre un médecin-naturaliste,
et ( -e fut l'outiin qui partit au mois de décembre 1907. Bientôt, M. Hottot
revenait en fiance, mais l'outiin ne voulut pas qu'il Jùl dit qu'une mission
à laquelle il était attaché avait abouti à un avortement. 11 étudia les races
du Congo fiançais, poussa une pointe dans le Congo belge afin d'examiner
les populations qui vivent le long de la rivière Djoué et autour du lac Tumba,
où il rencontra une curieuse peuplade de Négrilles, et remonta l'Oubangui.
Dans les contrées que traverse la Lobaye, il fit de nombreuses observations.
A partir du coude de l'Oubangui, il suivit la voie de terre, passa entre les
postes de Fort-de-Possel et de Fort-Grampcl, explora le Gribingui et le Chari
et atteignit le Tchad par Fort-Archambault et Fort-Lamy. Ses recherches
portèrent ensuite sur les Kanembou et les tribus nomades du Kanem : il
dépassa même la limite septentrionale de ce pays afin d'étudier sur place
les colonies nomades des Tedâ et des Arabes Ouled-Sliman.
Au (ouïs de ce long voyage, Poutrin ne s'est pas contenté de prendre
quelques notes rapides sur les populations qu'il rencontrait ; il a mesuré
de nombreux individus et récollé d'importantes collections. Malheureuse-
ment, une bonne partie de ces collections ont été expédiées à celui qui
devail être le chef de la mission, et, malgré h s demandes pressantes qui
lui ont été adressées pour qu'il les communiquât, M. Hottot n'a jamais
1 ('pondu. Néanmoins celles que Poutrin a rapportées lui-même constituent
fies matériaux du plus liant intérêt.
\ -on rctOUJ au mois d'août [90g Poulrin se trouvait donc en posses-
sion d'une somme tort importante de documents qu'il fallait mettre en
œuvre. Il se mil à la tâche, dans non laboratoire, mais il appartenait tou-
jours au corps de Santé miliia'ue et pouvait, d'un jour à l'autre, être obligé
de quitter Paris. C'est alors que j'allai exposer la situation à un savant
médecin qui m'a toujours témoigné beaucoup de bienveillance et qui ne
se d'encourager ceux qui s'adonnent à des recherches scientifiques : j'ai
nommé M. le Médecin-Inspecteur Général Février, qui, à (die époque, était
NOUVELLES M COMIESPONDA.NCE. IOQ
Direeteiur <lu Service de Santé de L'Armée. Pour permettre à Poutrin de
résider durant une assez longue période à proximité du Muséum et d'uti-
liser les matériaux qu'il avail péni^lemen.1 recueillis, il lui (tonna un poste
à la Place de Paris. De mon côté, après avoir apprécié les qualités de mon
laborieux con'frère, et dans le but de faciliter sa tâche, je l'ai attaché à mou
laboratoire comme préparateur temporaire, emploi qu'iJ a rempli jusqu'au
jour de la mobilisation, sa situation de médecin militaire en activité de
service ne permettant pas de le titulariser.
Dès le 20 janvier 1910, Poutrin communiquait à la Société d'Anthropo-
logie les premiers résultats de ses recherches suc les populations du Congo
\otes ethnographiques sur les Nègres africains du Congo français. Bull. <-t
Mém. de la Société d'Anthrop. de Paris, VIe série, t. h. l.a même année,
il donnait à noire Revue un mémoire intitulé : Nolebethnographiqu.es sur
les populations M'Baka du Congo français, et commençait, également dans
L'Anthropologie, la publication d'un travail de longue haleine qui a paru
dans h s loin s \\I (1910), Wll inju' cl WIH [1912 . Dans ce travail, qui
porte pour titre: Contribution à Vetd.de des Pygtnées d Afrique, Les Négrilles
du Centre africain, il a mis en parfaite évidence que, contrairement à l'opi-
nion d'Hamy, Ions les Négrilles sont loin d'être caractérisés par la brachycé
pbalie. Celle thèse, je L'avais déjà soutenue, mais la surabondance des preuves
fournies par Poutrin a définitivement tranché la question ; c'est l'avis qui
a été exprimé par des spécialistes dans diverses revues françaises el étran-
gères. I n certain nombre d'autres eneuis relatives aux Pygmées d'Afrique
oui ('-h'' relevées dans ce travail, qui a donné lieu à d'élogieux comptes
rendus.
Pour ses débuts, Poutrin axait acquis une véritable autorité dans les
questions qui concernent l'ethnologie africaine; aussi s'adressa-t-on à lui
pour mettre en œuvre les documents anthropologiques recueillis par d'au-
tres missions. (Test ainsi que, dans les Travaux scientifiques de la miction
Cottes au Sud-Cameroun, il a rédigé toute la partie relative aux populations
de la région 1 intfyrojpologie, Ethnographie, Linguistique, 101 pages el 21
pi. . V.vec le Dr Gaillard, il publia, dans les Documents scientifiques de la
mission Tilho, une Étude anthropologique des populations du Tchad cl du
Kanem 11 1 pages, 33 fig., 1 carte et 12 pi.), étude pour laquelle les auteurs
utilisèrent l'ensemble des matériaux (pie chacun d'eux avait réunis. La
Société antiesclavagiste de France a publié une Enquête sur la famille, la
'propriété et les indigènes des Colonies françaises d'Afrique el elle chargea
Poutrin d'écrire une Esquisse ethnologique de a principales populations de
l'Afrique équatoriale française (i3o pages, 24 pi-, 1 carie en couleur). Je
mentionnerai encore une petite communication à L'Institut français d'An-
thropologie sur Les Négrilles du Congo (t. I).
Poutrin s'était doue cantonné, au début, dans l'ethnographie africaine, <'t
il n'est guère sorfi de ce domaine. Toutefois, L'Anthropologie a inséré
t. \\l\ une petite notice de lui sur Le peuplement de VAmérique, el les
nombreux comptes rendus d'ouvrages qu'il a donnés à notre Revue el au
Journal de la Société des \ niéricanist es de Paris démontrent qu'il élail par-
faitement en mesure d'aborder d'autres sujets, lai quatre ans et demi, il
iGo NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
a\;iil conquis, en Anthropologie, une place qui faisait bien augurer de
l'avenir. Dans les milieux spéciaux et parmi les naturalistes du Muséum, il
jouissait de l'estime et de La sympathie de tous.
Survint la grande guerre. Le Ier août hji'i, Poutrin fut mobilisé comme
Médecin-Chei de l'Ambulance - du 2e Corps d'Armée. Depuis, j'ai été à peu
près - ins nouvelles de lui. j'interrogeais en vain tous les Médecins-Chefs des
trains sanitaires qui passaient à mon Infirmerie de gare ou à la Régulatrice
sanitaire dont j'ai moi-même l'honneur d'être Médecin-Chef; aucun n'a
pu me renseigner sur son sort. Une fois, cependant, dans le post-scriptum
d'une lettre qu'il m'écrivait, le Médecin-Inspecteur Général Février — qui
connaissait toute l'amitié que j'avais pour mon préparateur,, malgré la petite
rancune que je lui gardais de son silence — m'informait qu'il avait vu
Poutrin dans son H. O. E. du Mont-Frenet. Comme beaucoup d'autres, le
militaire avait momentanément oublié ses études scientifiques pour ne
songer qu'à remplir son devoir envers la Patrie; ce devoir, Poutrin l'a
rempli brillamment. 11 a pris part aux combats livrés par le 7e Corps d'Ar-
mée en Belgique et, pendant la retraite et la bataille de la Marne, il s'est
fait remarquer, en plusieurs circonstances, par son courage intrépide.
Chargé ensuite de créer un H. O. E. au Mont-Frenet, il a construit, en quel-
ques mois, un Hôpital d'évacuation qui est considéré comme un modèle,
à tel point que, sur l'ordre du Ministre, une maquette en a été faite pour
le Musée du \ al-de-Grâce.
En juin 1918, à cause des qualités d'organisation qu'il avait montrées,
il reçut la mission de créer un autre H. O. E., toujours dans le bled, à
Malesherbes ; c'est là que la mort est venue mettre un terme à une carrière
qui s'annonçait sous les plus brillants auspices. En soignant ses malades
avec son zèle habituel, il a été victime de son dévouement.
Ses services distingués n'avaient pas passés inaperçus. Comme il est dit
dans la notice de l'Echo de Paris, il avait reçu la Médaille Coloniale avec
trois agrafes (Afrique occidentale française — Congo — Tchad). Il était
décoré de la Croix de guerre (étoile de vermeil). Le 10 juillet dernier, il
recevait la croix de Chevalier de la Légion d'Honneur qu'il axait m bien
méritée.
Sa mort plonge d m- le deuil, non seulement la famille qui le chérissait,
mais, je puis 1'' dire, la Rédaction de L'Anthropologie et ses nombreux amis.
-1 une grande perte et pour le Service de Santé de l'Armée, qui lui avait
conféré son 'r galon le i<> août 1917. et pour la ..Science.
R. Vernuau.
Armand Theveain.
J'ai éprouvé une grande tristesse en apprenant la mort aussi prématurée
qu'inattendue de mon ancien assistant Armand Thevenin.
Sans être anthropologiste de carrière, Thevenin, qui avait l'esprit très
cultivé, s'mtéressail beaucoup à la science de l'Homme, et surtout à la
Paléontologie humaine. Il lisait assidûment notre revue et il > avait
collaboré en lui donnant quelques comptes rendus de travaux aile-
NOr VEM.ES ET CORRESPONDANCE. l()I
mands. L'Anthropologie lui doit donc un dernier s;ilul el je me fais un
devoir de l'adresser à celui qui 'fut aussi pendant vingl ans. au Muséum,
mon très distingué et dévoué collal)orateur.
Né à Nancy, le i"> Lévrier 1870, Armand Thevenin avait subi avec succès ses
examens des Licences ès-sciences quand il vint, au Muséum, frapper à La
te du Laboratoire de Paléontologie. Toute sa carrière scientifique s'y
est écoulée jusqu'en uh«>. époque à laquelle il crut devoir céder aux solli-
citations de La Sorbonne qui lui offrail une maîtrise de conférences. D'abord
préparateur (1894), puis assistant (igo3), il ('Mail aussi collaborateur du
Service de la Carte géologique de la France et, en [910, il fut chargé par
Il> Ministère de l'Instruction publique d 'une mission pour étudier l'organi-
sation des collections paléontologiques en Allemagne et en Autriche.
Successivement Lauréat de la Société géologique et de l'Institut, il fui
élu, en 191 1. Président de la Société géologique de France.
Depuis 1895, il avait publié une cinquantaine de. notes ou de mémoires
scientifiques. Son œuvre géologique principale est sa thèse de Doctorat
ès-sciences, soutenue en 1900. et portant sur La géologie de la bordure S.-O.
du Plateau central. Mais Thevenin était beaucoup mieux doué pour la
Paléontologie que pour la Géologie, car il avait une instruction zoologique
[olide et une grande pratique de la bibliographie que lui facilitait sa
connaissance do plusieurs langues étrangères. Ses travaux ont porté sur
divers groupes zoologiques : Invertébrés de France, de Madagascar,
\mphibics et Reptiles primaires, Reptiles secondaires, etc. L'un de ses
mémoires les plus importants intitulé : Les plus anciens quadrupèdes de
France, publié, comme la plupart de ses autres travaux, dans les Annales
de Paléontologie de mon laboratoire, lui valut le Grand Prix des Sciences
physiques à l'Académie dos Sciences.
fonctions au Muséum qu'il a remplies-, je dois le dire, avec la plus
grande distinction, et beaucoup de dévouement, lui avaient permis d'acquérir
une érudition étendue et une connaissance pratique des fossiles de tous
les groupes, de sorte que Thevenin était devenu un des Paléontologistes les
plus instruits de Fiance. Il pouvait compter sur un très bel avenir. La des-
tinée ne l'a pas voulu.
Au début de la guerre, Thevenin appartenait au service auxiliaire; d'abord
attaché aux hôpitaux de la 5(> région, il fut ensuite libéré de toute obligation
mil:!. lire comme père de six enfants. Il n'en continua pas moins à consacrer
tout le temps que lui Laissaient ses devoirs professionnels à la défense
nationale, en se mettant à la disposition de la Direction des Inventions du
Ministère de l'Armement. 11 travailla surtout au laboratoire de Physiologie
du Muséum où il semble qu'il ait pris les germes dé la maladie qui l'a
rapidement emporté au début de mars 1918.
J'ai sous les yeux une lettre du Directeur des Inventions, des études et
des expériences techniques qui s'exprime ainsi, à propos de Thevenin :
« Venu dans ce service en volontaire, il a, pendant deux ans, donné le
plus bel exemple de ce qu'est pour un patriote le devoir envers la Défense
nationale, c'est-à-dire L'abnégation complète de soi, le dévouement inlas-
i/a.ytiiuopologib. — t. xxix. —1918. 11
IÔ2 NOUVELLES ET GORRESPOKDANGE.
sable, le don constamment renouvelé de son énergie, de son intelligence,
de tonte sa personne.
« Les gaz toxiques, celte forme nouvelle de meurtre sortie des laboratoires
allemands, lui avaient semblé l'ennemi spécialement désigné pour un scien-
tifique Français.
« Il s'est attaché à perfectionner la protection de nos soldats contre ces
perfides agressions ; acharné au travail, il a, dans ces études, cent fois risqué
lui-même sa vie.
« Il est allé, hélas! jusqu'à l'épuisement de ses dernières forces.
ce Mais cet effort d'un homme d'une si haute valeur intellectuelle n'a pas
éié vain. Armand Thevenin laisse à la France, dans ce domaine important
de la protection contre les gaz, des découvertes qui continueront à honorer
son nom, comme à servir le Pays. »
Je ne saurais qu'affaiblir de telles louanges en les commentant. Qu'il me
soit permis toutefois de regretter surtout le savant, le paléontologiste.
Thevenin était une de nos meilleures réserves pour l'après-guerre. On
pouvait compter sur lui pour la remise en marche de la machine scientifique.
Celle-ci, dui moins dans les domaines qui me sont familiers, ne conserve
plus qu'un nombre infime de servants ! Et de toutes les raisons de haine
irréductible que les Allemands ont accumulée sur leurs télés, celle-ci n'est
pas, à mes yeux, la moins grande, ni la moins légitime.
M. Boule.
Victor Commoat
Les études préhistoriques françaises viennent de faire une grande perte
en la personne de Victor Commont, professeur à l'École normale d'Amiens,
décédé à Abbeville, le \ avril 1918, à l'âge de 02 ans.
Très déprimé depuis longtemps par la guerre, gravement malade depuis
le 8 mars, atteint de deux congestions pulmonaires, Commont dut quitter
sa maison de l'avenue Edimbourg, à Amiens, après les terribles bombarde-
ments par avions de son quartier, abandonnant tout, mobilier, livres et
collections. Ces émotions lui furent néfastes et le voyage d'évacuation
d'Amiens à Abbeville, effectué dans des circonstances difficiles, tragiques,
devait encore précipiter sa fin.
Après de nombreuses démarches faites par la famille, les amis et les
confrères de Commont, on put obtenir le sauvetage, par camions militaires,
de ses collections, de ses livres et de ses manuscrits. Tout cela est aujour-
d'hui en lieu sûr.
Victor Commont était né à Buire-Coureellcs, près de Péronne, le 28 juin
1866. L'aîné de six enfants, il fréquenta l'école primaire supérieure d'Amiens
jusqu'à l'Age de 16 ans, puis se prépara seul au brevet supérieur, a II était
déjà ce qu'il fut toute sa vie : un travailleur et un caractère », m'écrit sa
\cii\e. A 18 ans, il débuta dans l'enseignement en qualité d'instituteur-
adjoint a Amiens. Reçu en 189.4 a l'examen du professorat des sciences
dans les écoles normales, il fut. nommé, Tannée suivante, à Amiens qu'il
ne devait plus quitter jusqu'à l'évacuation but Abbeville.
Gommant étail venu tard ;'i nos études. Il s'était d'abord occupé de bota-
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 1 63
nique ot son herbier a va il été médaillé à diverges expositions. Ce Eut, paraît-
i I . i n s , q u ' i 1 mil 1 1 l âche 1 a { !
il donc un aul te passionné i
I - ' ies sur le terrain, sans aucune influence
une patience, une ténacité, une méthode tout à fait remar-
quables. Il >' d'abord de silex taillés, comme toul le mon ^'(^ ; puis
il étudia la J' el la stratigraphie, dont il reconnut vite l'importance
capitale en matière d'archéologie préhistorique, surtout en matière de
Paléolithique. Pendant de longues années, il est venu au laboratoire de
Paléontologie du Muséum me montrer ses récoltes paléontologiques. Il
nsacrait à ses voyages les jeudis, qui étaient pour lui des jours de vacances.
II apprit ainsi peu à peu à déterminer lui-même les 'fossiles qu'il recueil-
lait ou faisait recueillir avec soin aux divers niveaux des formations pléis-
ènes de sa région. Ces niveaux étaient notés par lui avec la plus grandie
précision. Il était arrivé ainsi, peu à peu, patiemment, à accumuler des
documents précieux, qui lui ont permis de reprendre les études classiques
de Prestwich et autres anciens géologues sur les formations superficielles
de la vallée de la Somme et d'arriver à établir une succession de phéno-
mènes à la fois géologiques, paléontologiques et archéologiques qui marque
un grand progrès sur les connaissances antérieures.
Autant que j'en puisse juger d'après le contenu de ma bibliothèque, les
premiers travaux imprimés de Commont datent de 1906. Il fit paraître à
cette époque, dans le Bulletin de la Société Hnnéenne du Nord de la France,
deux noies sur des silex taillés de Saint- Arheul el de Montièrcs. Le compte
rmdu que j'en fis alors dans L'Anthropologie (XVII, 4o3), se terminait par
ces mots : « Les observations de M. Comment sont parmi les meilleures et
les plus intéressantes que nous ayons eu à enregistrer depuis longtemps
en matière de Paléolithique ancien ».
premières notes furent suivies d'un grand nombre d'autres dont
on trouvera rénumération en se reportant aux tables générales do
L'Anthropologie, où notre revue n'a jamais manqué d'analyser les produc-
tions de Commont, ce qui était la meilleure manière de leur rendre hom-
mage. Elle a aussi publié plusieurs de ses mémoires originaux. On trouvera
les autres dans le Bulletin de la Société Hnnéenne du Nord de la France,
li Revue de FËcole d'Anthropologie, les inhales de la Société
géologique du Nord, les Comptes rendus de V Association française, les
Congrès préhistoriques de France, le Congrès international d'Anthropologie
et d'Anthropologie préhistorique-, session de Genève, etc. Son ouvrage le
plus important, Les Hommes contemporains du Renne dans la vallée de
la Somme, (V. L'Anthropologie, XXVI, p. 568), a été imprimé en 1 9 1 4 par
les soins de lu Société des Antiquaires de Picardie. Plus récemment encore,
Commont avait donné à notre Revue (t. XXVII) un important mémoire
sur Les terrains quaternaires des tranchées du nouveau canal du Nord,
— un canal qui a iail parler de lui à d'autres points de \ue, hélas ! — aimai
qu'une description des fouilles effectuées dans des sépultures gauloises et
un puits funéraire gallo-romain à Amiens
lt)4 NOUVELLES ET CORRESPOND VNCE.
Tous ces travaux de notre très regretté confrère et collaborateur sont
écrits en mi style simple, clair, précis. Ils sont illustrés d'excellents
d ssins à la plume, exécutés par l'auteur lui-même avec un réel talent.
L'œuvre de Gommont est dune considérable et de qualité supérieure.
S attaquant à des sujets extrêmement difficiles, il eut ce premier mérite,
plus raie qu'on ne le croit, d'acquérir rapidement la notion de cette diffi-
culté. Il comprit de bonne heure qu*i! ne devait pas se presser de généra-
liser, qu'une longue et minutieuse analyse sur le terrain devait précéder
tout essai de synthèse. 11 a disséqué le Pléistocène de sa région avec une
habileté, une minutie, une constance dans l'effort qui ont été récompensés
par quelques résultats de premier ordre sur lesquels ce n'est pas le moment
d'insister, mais qu'appréciénl tous les géologues et préhistoriens instruits.
Il est parti sans avoir accompli toute sa tâche. Il me disait, quelques
semaines avant sa mort, en me faisant part de ses projets, combien cette
tâche lui apparaissait de plus en plus vaste, au fur et à mesure que son
travail progressait. Il préparait le livre qui aurait résumé i5 ans d'un travail
assidu, ininterrompu, l'histoire des temps quaternaires dans le Nord de la
Fiance. La kultur boche est encore cause que ce livre ne paraîtra pas ! Il
n'en reste pas moins que trois noms seronl toujours attachés à l'histoire
des progrès de la Paléontologie humaine dans la vallée de la Somme :
Boucher de Perlhes, Prestwich, Commont !
M. B.
Le Professeur Samuel Pozzi.
Le i3 juin, le bruit se répandit subitement dans les milieux scientifiques,
artistiques, politiques et mondains' de la capitale, c'est-à-dire dans tout
Paris, que le professeur Pozzi venait d'être victime d'un attentat de la part
d'un fou auquel il avait autrefois prodigué ms soins. La rumeur n'était que
trop 'fondée et. quelques heures plus tard, nous apprenions que l'émincnt
chirurgien avait succombé à -es blessures, malgré les tentatives désespérées
faites par les coofrères qu'il avai.1 désignés et auxquels, avec le plus grand
sang-froid, il avait lui-même indiqué les opérations à pratiquer.
Pozzi, Samuel-Jean., était né à Bergerac (Dordogne), le 3 octobre r846 ; il
meurl <!<mc à l'âge de près de 72 ans, admirablement conservé au point
'1'- vue intellectuel. 11 était resté causeur amiable, l'homme épris d'art
autant que de science (pie j'avais connu, à la fin de l'empire, au labora-
toire de son maître Broca et que, dan- nos milieux d'étudiants, nous ne
manquions jamais d'appeler le « beau Pozzi ». Les soins qu'il apportait à
sa tenu", -a facilité de parole, ?on exquise urbanité et sa grande puissance
d'' travail permettaient, dès cette époque, de prédire à Pozzi un brillant
avenii ; et. en effet, il connut tous les SUCCès, même les succès politiques,
rai D a été sénateur de la Dordogne, de 1897 à 1902.
C'esl comme chirurgien que Samuel Pozzi a acquis une réputation mon-
diale. Sa carrière a été des plus rapides : en [868 - - à :>.:> ans — il était
interne titulaire des hôpitaux ; à :>à ans, médaille d'or ; à :>.x ans, profes-
seur agrégé à la Faculté de Médecine de Paria ; à 3o ans, chirurgien de-
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 1 65
hôpitaux. 11 s'est consacré l<uii particulièrement a la vulgarisation, en
France, des procédés modernes de la chirurgie et surtout de La gynécologie
Sou gros Truite de gynécologie clinique et opératoire est devenu classique
d'emblée el a eu les honneurs de plusieurs éditions.
Sou service, a l'hOpital Broca, était des plus fréquentés et aucun chirur-
gien spécialiste étranger ne venait à Paris sans profiler des leçons de celui
qui était à bon droit considéré comme un Maître, avant d'être pourvu d'une
chaire magistrale. Aussi. en [901, sentit-on en haut lieu le besoin de créer
à la Faculté <lc Médecine de Paris une chaire de clinique gynécologique qui,
naturellement, fut attribuée à Samuel Pozzi.
>i brillante qu'ait été sa carrière chirurgicale, ('lie ne justifierait pas la
place qui nous consacrons au regretté défunt dans une Revue aussi spéciale
que la notre, si l 'Anthropologie n'v avait joué un rôle que certains de nos
lecteurs peuvent ignorer. Issu d'une austère famille de protestants dès
longtemps liée d'amitié à la famille die Paul Broca, Samuel Pozzi trouva
auprès de ce dernier un guide, un maître et un ami. Comme lui, il s'occupa
d'abord d'Analomie comparée et d'Anthropologie. Séduit par la doctrine de
Darwin, il rechercha des 'faits anatomiques qui vinssent la confirmer. C'est
dans cet ordre d'idées qu'il publia des noies sur le Mwscle court péronier
latéral chez l'Homme (1872), suides inomalies réversives du poumon droit
[87a . sur la Valeur des anomalies musculaires an point de rue de l'anthro-
pologie zoologique (1874), Sur les lobes surnuméraires du poumon droit
et en particulier sur une anomolie réversive (1875). Il rapporta d'intéres-
sants exemples d'actions du milieu sur les organismes dans un mémoire sur
La décoloration de la peau des Nègres sous Vinfluence du climat et de la
maladie (1872). En 187/1, '' traduisit, en collaboration avec le l)r R. Benoît,
L'ouvrage de Darwin sur l'Expression des émotions chez l'homme et les
animaux ; celle traduction eut une seconde édition en t ^77.
Je passe sous silence quelques notes telles que La syphilis chez le Singe,
Le Pseudorachitisme sénile, Un pseudo-hermaphrodite mâle, et j'en arrive
au rêve qu'avait caressé Pozzi dans les premières années de sa vie scienti-
fique, rêve auquel, me déclarait-il il y a quelques mois, il n'avait pas
complètement renoncé: c'était d'écrire un ouvrage d'ensemble sur les
ractéristiques du cerveau de l'Homme et sur ses différentes variations
suivant les races et les individus. Celte élude, il l'avait ébauchée dans dif-
férents mémoires, mais ce qui lui a toujours manqué ce furent des maté-
riaux suffisants pour traiter le sujet dans son < nsemble. Il espérait, toutefois,
,\ l'aide des documents récents, inédits ou publiés, pouvoir étayer sou tra-
vail sur des bases selides. Les mémoires qu'il nous laisse sur l'encéphale
nsistent en dvwx notes sur des Cerveaux dHmbêciles (1874 et 1875), une
sur la Scléro.c cérébrale des aliénés (1882), une autre sur la Cirrhose
atrophique disséminée <les circonvolutions cérébrales (i88£), et quatre
mémoires intitulés*: Pes localisations cérébrales et des rapports du crâne
ave,- h- cerveau (^877) \ Sur le poids du cerveau suivant les races et lej indi-
vidus (1878) ; .Sur le cerveau de l'Homme et des Primates (i88o)e; Caractères
dirtîinctifs du cerveau de l'Homme (1877).
Quand, absorbé par son labeur chirurgical el son enseignement, il sem-
I 66 NOUVELLE? ET CORRESPONDANCE.
b lait dans l'absolue nécessité de i énoncer à nos études, il trouvait, dans
- i activité, le moyen d nps à autre aux séances de La Société
d'Anthropologie, qu'il avait présidée en [888, cl de prendre part à nos
Congrès internationaux d'Anthropologie el d'Archéologie préhistoriques.
Jusqu'à la un de sa vie, il a fait partie de l'Association pour l'eriseign m mt
des Sciences anthropologiques. Les groupements scientifiques s'honoraient
de le compter parmi leurs membres et lui décernaient h s distinctions
plus Batteuses, be Gouvernement de la République l'avait lait Grand-Officier
de la Légion d'Honneur.
R, \ BRNEAU.
Charles Baye*.
Charles Bayet, ancien Directeur de l'Enseignement supérieur, est mort
le 18 septembre, à l'âge de 69 ans.
Né à Liège, il fut admis à l'École normale supérieure, d'où il sortit agrégé
d'histoire <t de géographie. Ses goûts le portant vers l'archéologie, il fut
nommé membre de l'École d'Athènes et, à son retour en France, il devint
successivement professeur à la Faculté des Lettres de Lyon, doyen de cette
Faculté et recteur de l'Université de Lille.
Il avait publié un certain nombre d'ouvrages d'histoire et d'archéologie,
dont les plus connus du public sont : L'Art byzantin et un Précis de l'his-
toire de l'Art. Au Ministère de l'Instruction publique, il fit preuve, en
diverses circonstances, de l'intérêt qu'il portait aux études préhistoriques.
Il avait été 'frappé surtout par les merveilleuses découvertes laites, au coins
de es vingt dernières années, dans le domaine de lait quaternaire. Il avait
représenté le Ministre au Congrès de Monaco et manifesté de louables inten-
tions en faveur du développement de nos études et de leur introduction
dans les universités. Cette bonne volonté ne fut d'ailleurs pas suivie de
grands effets. Il est si difficile d'aller de l'avant dans ce qu'on appelle les
hautes sphères administratives!...
Charles Bayet s'était engagé, presqueau début de la guerre, pour vengeT
la mort d'un de ses fils. Revenu de Salonique, comme lieutenant d'état-
major, il a succombé dans un hôpital militaire, aux suiies d'une opération.
M. 15.
Vidal de la Blache.
I.a France vient de perdre un de se<- savants les pins éminents en la
personne de Paul Vidal de la [Mâche, mort le à avril tgi&} à Tamaris-sur-
W'i (Vai . à I 'ù<jo de 73 ans.
En sa qualité de géographe <t de grand géographe, Vidal de la Blache
s'intéressait vivement aux études anthropologique , inséparables dis éludes
ri»- géographie humaine. Ancien élève de l'École normale, et membre de
l'École française d Athènes, • premiers travaux lui avaient donné le goût
de l'archéologie classique d aussi on s'en apercevait quand on causait
avec lui - de l'arche** préhistorique.
Il n > a pas lien d'insister, dans ce recueil, sur l'çeuvrc géographique
NOl'VT.I IIS ET CORRESPONDANCE. 167
du Maître qui contribua plus que personne, en France, à orienter la géogra-
phie universitaire dans la voie nouvelle, Large, scientifique, explicative, encore
trop incomprise des milieu» 1rs plus officiels. Successivement maître de
conférences à l'Ecole normale, professeur à la Sorbonne et a l'École libre
Sciences politiques, membre de l 'Académie des Sciences morales et
politiques, Président de la Sert ion de Géographie du Comité des travaux
scientifiques et historiques du Ministère, son heureuse influence s'exerça
partout.
Vvee Marcel Dubois, il avait fondé les Annales de Géographie qu'il a
dirigées jusqu'à sa mort, avec la collaboration de MM. L. Galois, E. de
Margerie et Louis Haveneau. Son Atlas général de Géographie, dit Atlai
gênerai Vidal-Lablache, remarquable par sa clarté, est entre toutes les
mains. Son Tableau géographique de la France est un chef-d'œuvre, et son
dernier ouvrage, La France de l'Est, paru en 1917. un monument de patrio-
tisme français.
M. B.
Guimet, Emile Etienne.
Emile Guimet, le fondateur du merveilleux -musée qui porte son nom et
dont il fit don à l'État en i88/(, était destiné par son père à l'industrie.
Celui-ci, en effet, distingué chimiste, ancien élève de Polytechnique, avait
créé, en i834, auprès de Lyon, une usine pour la fabrication, par un procédé
dont il a gardé le secret, de l'outremer artificiel. Quand naquit Emile
Guimet, l'usine était en plein fonctionnement et promettait de donner de
magnifiques résultats. Les espérances du père se réalisèrent, et Lorsqu'il
mourut, en 1871, il laissa à son fils une fortune des plus respectables. Grâce
à cette fortune, Emile Guimet, tout en conservant la direction de son usine,
put mettre à exécution un projet qu'il caressait depuis plusieurs années :
celui de faire un voyage autour du monde.
C'est à la suite de ce voyage qu'il fonda à Lyon, en 1878, avec les collec-
tions qu'il avait recueillies dans l'Inde, en Chine et au Japon, un musée
déjà fort remarquable, mais qui devait prendre une grande extension après
son transfert à Paris, place d'Iéna. Cet établissement, unique en son genre,
< -t devenu le Musée national des Religions ; il est resté sous la direction de
.1 fondateur jusqu'à la mort de celui-ci, survenue lo i5 octobre 1918.
Guimet — qui a été non seulement un savant, mais aussi un compositeur
de musique, dont l'œuvre musicale n'est nullement négligeable — s'inté-
- .lit à tout ce qui touche à l'art et il a réuni de fort beaux spécimens de
l'art de l'Orient»; mais il s'est passionné surtout pour l'histoire des reli-
gions les collections du musée <e ressentent (V cette passion. La section reli-
gieuse 11 constitue, eu efifet, la partie de beaucoup la plus importante. Elle
comprend l"s cultes de l'Egypte ancienne, de l'Inde, du Tbibet, de la Bir-
inie, du Cambodge, du Siam, de l'Annam, du Tonkin, du Laos, de la
Chine, de la Corée et du Japon, Le culte isn-que y est bien représenté, de
même qi:e '■• pagani me grec, romain <t gaulois. Ou voit également, dans
le murée, eu c< rtain nombre de monuments chaîdéens, babyloniens et assy-
r i HS,
1 68 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
En 1890, le Ministère de l'Instruction publique voulut ('"tendre le domaine
de l'établissement fondé par Guimet et en faire à la fois un Musée des Reli-
gions et un Musée d'Ethnographie asiatique. D'intéressantes collections eth-
nographiques d'Asie avaient été réunies par Iîamy au Trocadéro, où les
locaux sont absolument insuffisants et mal appropriés pour loger les richesses
accumulées dans ce Palais national. Les collections asiatiques avaient été
reléguées dans la galerie circulaire située en avant de la Salle des Fêtes,
galerie pourvue de linges baies ouvertes à tous les vents, et les objets qui y
avaient été déposés ne tardèrent pas à se détériorer. Des raisons budgétaires
— et. aussi, l'indifférence manifestée jusqu'ici par les pouvoirs publics
envers un établissement qui. malgré :on installation défectueuse, est haute-
ment apprécié à l'étranger — ne permettaient pas d'affecter un édifice conve-
nable à notre Mui ée national d'Ethnographie ; il fut décidé que ses collec-
tions asiatiques seraient transférées place d'Iéna. Guimet n'apprécia nulle-
ment le cadeau qui lui était ïait, et les objets venus du Trocadéro furent
déposés dams le sous-sol. On s'aperçut bientôt qu'ils n'y étaient pas plus en
sûreté que dans leur ancien local et, pour en éviter la destruction complète,
l'Administration supérieure donna l'ordre de les expédier à Bordeaux. Le
Musée Guimet conserva son caractère primitif de Musée d'art et de religions
de l'Orient.
Grâce aux efforts de son fondateur, ce musée possède actuellement une
bibliothèque spéciale considérable. Il publie des travaux originaux ou des
traductions d'ouvrages de savants de tous les pays dans quatre séries de
publications qui portent pour titres : Annales du Mti.ee Guimet, Bibliothè-
que d'études, Bibliothèque de vulgarisation et Revue de l'histoire d:'s Reli-
gions. En outre, des conférences sur l'Art et les Religions y sont données
périodiquement.
Guimet, lui-même, a publié les récits de ses voyages et des études remar-
quables soi le Dieu d'Apulée, sut Ptutarque en Egypte, sur L'Isis romaine
et sur Les Isiaques de la Gaule. Les questions relatives à l'Art et à la Reli-
gion, rentrant dans noire domaine, la rédaction de L'Anthropologie ne peut
que s'associer aux regrets que laissé chez ceux qui l'ont connu la disparition
d'un savant qui a tant l'ail pour l'avancement de ces branches de la science
de l'Homme.
R. V.
Paul Sébillot.
Paul Sébillot, qui est <\rcc<]r à Paris, le 23 avril 1918, était né à Matignon
(Côtes-du-Nord) en [846. Il s'esl adonné d'abord à la peinture et a exposé aux
Salons, de 1870 à i883, de nombreux tableaux représentant des paysages
bretons. Des r88o, il avait commencé à publier les Contes populaires de la
Haute-Bretagne ei la Littérature orale de ta Haute-Bretagne, ouvrages qui
ne 1 irdèrenl pas à être suivis des Contes des Paysans et des Pêcheurs 1 1881
des Contes des Marins (i882) , des Traditions et Superstitions de la Haute-Bre-
tagne, des Contés de terre et de mer (i883), de Gargantua dans les tradi-
tions populaires (i883), du Blason populaire de la France (en oollab., avec
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 1 69
H. Gaidoz) (i884 , des coules des provinces de France (i884), des Coutumes
populaires de la Haute-Bretagne (1886), des Légendes, croyances et supersti-
tions de la mer (a vol., 1886-1887), etc.
En 1886, P. Sébillot, dont la réputation de folk-loriste était solidement
assise, fonda la Revue des Traditions populaires. Trois ans plus lard, en
1889, son beau-frère, Yves Guyot, itant devenu Ministre des Travaux publics,
le prit comme chef de cabinet et le nomma ensuite entreposeur de tabacs, à
Paris. Pourvu d'un poste do toui repos, \i\;mi dans le calme, il put donner
libre cours .^ sa passion pour le folk-lore e1 1 ublier : Les Travaux publics et
les Mines dans les traditions et les superstitions de tour\ les pays ( 1S93),
Les Légendes et curiosités des métiers (1895), Les Contes espagnols (1896),
la Littérature orale de l'Auvergne (1^898), etc., niais il en revenait toujours
aux Légendes de sa chère Bretagne, au Folk-lore des Pécheurs, aux Coquil-
lages de nier. Toutefois, en 190/1, il entreprit la publication d'un grand
ouvrage sur le Folk-lore de France et, chaque année, jusqu'en 1907, parut
un volume ; le t. I est consacré au Ciel et à la Terre, le t. II, à la Mer et aux
Eaux douces, le t. III, à la Flore et à la Faune, et le t. IV, au Peuple et h
l'Histoire. L'Évolution du costume (1907), et Le Paganisme contemporain
chez /(.' pluples celto-lalins (1908) sont deux volumes que, pendant long-
temps, on consultera avec fruit.
Paul Sébillot avait un caractère facile et comptait bien peu d'ennemis. Il
faisait partie de la Société des Gens de Lettres-, de la Société des Journa-
listes républicains, de la Société d'Anthropologie, qu'il a présidée en 1905,
de la Commission des Monuments préhistoriques, et, partout, il s'était
attiré des sympathies pour la courtoisie qu'il apportait dans les discussions.
R. Verneau.
Dr G de Closmadeuc.
Le dernier numéro de la Revue archéologique nous apporte la triste nou-
velle de la mort de « l'illustre vétéran de l'archéologie bretonne », le Dr G.
de Closmadeuc, décédé à Vannes, au mois de mai 1918, à l'âge de 90 ans.
Dans la touchante notice chronologique qu'il lui consacre, M. Salomon
Reinach nous retrace la belle carrière de cet archéologue qui, aux grands
mérites fin savant, joignait les plus belles vertus philanthropiques.
Le l)1 de Closmadeuc n'était guère connu de la génération actuelle. Ses
premières recherches archéologiques remontent à 1860. Depuis cette époque,
il a\ait publié de nombreux mémoires dans diverses revues et principale-
ment dans le Bulletin de la Société polymal hique, dont il fut huit l'ois
président effectif avant d'en devenir le président d 'honneur.
travaux ont porté sur les tombeaux, les monuments mégalithiques du
Morbihan, notamment le monument de Gavr'inis, et sur un grand nombre
de trouvailles préhistoriques. Il a écrit également plusieurs volumes d'his-
toire locale.
(( Le nom de Closmadeuc, dit M. S. Reinach, restera en honneur au Musée
de Saint-Germain, comme à la Société polymathique du Morbihan. Dans la
salle qui contient le modèle du monument de Gavr'inis et les moulages de
T7° NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
ses pierres mystérieuses, nous avons déjà marqué la place où doit figurer le
portrait de Closmadeuc. » \j b.
Paul Leblanc.
Je viens d'apprendre, avec plus de tristesse que de surprise, la mort d'un
des plus vieux et des plus sympathiques érudits de provinces. Paul Leblanc
s'e>t éteint à Brioude (Haute-Loire), le 16 mai dernier, à l'âge de 91 ans.
Quand je fis sa connaissance, il y a plus de trente ans, Paul Leblanc était
déjà un beau vieillard dont le visage spirituel et souriant, s'ornait d'une
superbe chevelure blanche. Sa maison de Brioude était tout encombrée de
livres, de la cave au grenier. On y trouvait tout ce qui avait été publié sur
lAuvergne et le Velay, soit à l'état de grandes séries de périodiques, d'ou-
vrages spéciaux ou de dossiers pleins de coupures de toutes sortes. Aussi
Paul Leblanc était-il le grand ami et la providence de toutes les personnes
s'intéressant à un titre quelconque à la géographie, à l'histoire naturelle,
à la préhistoire ou à l'histoire de l'Auvergne, du Velay et des régions
avoisinantes. Il était l'auteur de nombreuses publications d'histoire locale.
C'est Paul Leblanc qui me mit sur la trace du beau gisement de Mammi-
fères fossiles de Senèze (Haute-Loire). Avec son voisin et ami Vernière,
disparu prématurément, il s'occupa de préhistoire et nous lui devons beau-
coup d'observations locales d'un réel intérêt.
Il avait été un collaborateur assidu de l'Intermédiaire des Chercheurs et
Curieux. Mort célibataire, il a légué sa bibliothèque et ses papiers à la biblio-
thèque de Clermont-Ferrand. Il continuera ainsi à servir la science après
lui avoir consacré toute son existence.
M. B.
Léon-Hcn ri-Louis Bérard.
Dans le dernier numéro de la Revue archéologique, M. Salomon Reinach
nous apprend la mort glorieuse d'un jeune officier qui promettait de
devenir un maître en archéologie gauloise \
(( Né en i883, admis à Saint-Cyr en 1904, Léon-Henri-Louis Bérard avait
séjourné, de 1908 à 191 2, en qualité d'officier de cavalerie, à Chalons-sur-
Marne, et là sYtait vivement intéressé à l'étude des nécropoles du deuxième
fin fer, très nombreuses, comme on sait, dans cette région, et trop
souvent dépouillées, plutôt qu'étudiées, par des amateurs ignorants ou des
-\ ulaîei.'is. Tout autre était la méthode de Bérard : il ne visait pas à réunir
des bibelots, mais des faits contrôlés ; il fouillait avec une précision irré-
prochable, tenanl do registres très détaillés ri dessinant tous les objets
même fragmentés, qu'il lui arrivait de diécouvrir. Il fit ainsi des recherches
d'une haute importance dans les nécropoles de Mairy-Soigny, de Poix, de
Sarry, de Cernon, des Grandes*Loges, etc. (voir les Bulletins de la Société
archéologique champenoise, mars 1913 H suiv»). Parmi les objets qu'il
1 ueillit, I" [h- préciei \. que je voudrais voir appeler vase Bérard, est un
pienl mi bronze orné à la pointe, dans le plus pur style marnien <'l
avec un." richesse presque suis exemple ; grâce ,"1 L'obligeance de M"10 Bérard,
l' Mu ôe de Saiiyt-Germain a pu exécuter une reproduction. »
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. I7I
Le capitaine Bérard a trouvé la mort le g février 1918, au cours d'un vio-
lent bombardement de Bon Recteur. M. B.
Louis de Pauw
.l'ai appris par un mot de son fils, actuellement sur le front belge, la
mort, à Bruxelles, de Louis de Pauw ; ce malheureux événement a été
signalé par le Courrier de l'armée belge, n° du \>.\ août 1918.
Louis de Pauw, ancien préparateur du Musée d'Histoire naturelle de
Bruxelles, était bien connu de tous les naturalistes. C'est à sa très grande
habileté professionnelle qu'on doit l'extraction et le montage des célèbres
squelettes d'Iguanodon trouvés dans les houillères de Bernissart en 1878 :
long et pénible travail qui suffirait à préserver de l'oubli le nom de son
auteur.
.Mais Louis de Pauw, qui était un autodidacte, avait su s'élever au rang
d'un véritable savant par la publication de nombreux mémoires de Zoologie,
de Paléontologie et aussi de Préhistoire. Seul, ou en collaboration, il avait
fouillé de nombreux gisements: ateliers de Spiennes, sépultures néolithique»,
cimetières antiques, etc. L' Anthropologie a rendu compte d'un certain nom-
bre de ces travaux, tous très consciencieux.
Après avoir quitté le Musée de Bruxelles, de Pauw avait été nommé
conservateur général des collections de l'Université libre de Bruxelles, poste
qu'il a dû occuper jusqu'à ea mort. Celle-ci emprunte aux circonstances
tragiques de l'heure actuelle un caractère particulièrement triste. Tous ceux
qui ont connu de Pauw et ont pu apprécier ses mérites conserveront de lui
le meilleur souvenir. M. B.
Nouveau catalogue du Mnsée de Saint-Germain.
M. Salomon Reinaeh venait a peine d'être attaché à l'établissement dont
il est aujourd'hui Directeur, qu'il publiait un Catalogue sommaire du Musée
de Saint-Germain (1887, 3e édition en 1889). In peu plus tard, il entreprit
une Description raisonnez, dont le premier volume intitulé : Époque dec.
alluvions et des cavernes parut en 1889 et fut suivi, en i&gà, d'un second
volume : Bronzes figurée de la Gaule romaine. En 1889, il nous donnait un
Guide illnsl ré du Musée de Saint-Germain (nouvelle édition en 1908) et, en
un Album des moulages et modèles en renie à Saint-Germain.
C'est une œuvre nouvelle qu'il publie aujourd'hui sous le titre de : Cata-
logue illustré du Musée des Antiquités nationale û au château de Saint-Ger-
main-en-Laye, tome I. Paris, Leroux, 191 7 ; gr. in-8, 296 p., avec une planche
et -?M gravures. Prix . 7 fr. 5o.
Ce Catalogue comprendra deux volumes. Celui qui vient de paraître décrit
■s les objets exposée dans les 'fossés et la cour du château, ainsi qu'au
rez-de-chaussée el à l'entresol. I. ipti< ns sont accompagnées des réfé-
rences bibliographiques indispensables et précédées de courtes notices concer-
nant chaque groupe de monuments. Le second volume ne pourri être rédigé
qu'à la fin des hostilités, les objets précieux des deux étages supérieurs
avant dû être mis en sûreté au mois de septembre rôi4.
*72 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
C'est avec regret que je lis. ou que je crois lire, dans la préface du Nouveau
catalogue, que la Description raisonriée ne sera pas continuée.
M. B.
« Était ce Longpérier? »
Dans la Revue archéologique (janvier-avril 1917. p. a5o), M. Salomon
Reinach reproduit un curieux passage de l'Hellénisme en France d'Emile
Egger (1869 :
« Toute une galerie de la grande Exposition universelle nous offrait
naguère les archives de cette humanité antérieure aux documents écrits,
et l'on peut encore les étudier dans les sali s (\\i Musée de Saint-Germain.
Or, combien la science n'a-t-clle pas de peine a coordonner ces documents
sans date, depuis l'âge de pierre jusqu'à l'âge de 1er! Que d'hésitations!
Que d'essais infructueux S Voici un de ces os travaillés où l'on a cru voir
d'abord le plus ancien morceau ciselé par une main humaine ; il provient
d'une de ces grottes d'où sont sortis tant de précieux débris du même
genre. Eh bien] je sain un grand connaisseur gui distingua dans cette
image la tixice d'une imitation gauloise de l'art grec, comme il y en a de
.»:' nombreu.es et de si bien constatées dans le travail des monétaires gaulois
depuis le 111e siècle avant J.-C. C'est-à-dire que nous voilà transportés, des
origines mêmes de l'Homme, à la troisième et à la quatrième époque de
ton développement sur la terre : grande leçon de modestie pour les anti-
quaires de la nouvelle école. »
La leçon que voulait nous inlliger Egger s'est bien retournée contre les
antiquaires de l'ancienne école.
j M. S. Reinach cherche à identifier le « grand connaisseur ». Il ne voit
qu'Adrien de Longpérier, à qui convienne ce signalement. Et il rappelle
que c'est Longpérier qui, vers la même époque, lançait l'expression de
« roman préhistorique, dont les ennemis de la science nouvelle ont fait
grand abus ».
M. S. Reinach a ajouté en note de son petit article si intéressant les
phrases suivantes :
u lue erreur fie Longpérier, qui avait des yeux d'archéologue, renferme
toujours une part de \érité. On a trop souvent opposé les produits de l'ait
quaternaire aux copies ou imitations stylisées de l'art celtique : en réalité,
comme l'a montré l'abbé Breuil, les trois quarts des gravures quaternaires
sont elles-mêmes des stylisations ».
Je proteste contre cette opinion, que je crois tout au moins très exagérée.
L'ait vraimenl quaternaire esl surtoul réaliste et nullement schématique.
Cela ré ulte de tout ce que je sais et cela 1 ('Mille même des travaux de
Breuil, notammenl de son article d'ensemble publié dans la Revue
archéologique de 191:'. Les peuplades peignant des images schématiques el
géométriques ont succédé eu bloc aux peuplades aùrignaciennes, solu-
tréennes et magdaléniennes dont l'art est incontestablement et purement
réalM ■ Ce n'est qu«2 vers la fin du Magdalénien et à l'Azilien, c'est-à-dire
à h fin de l'époque quaternaire que nous voyons se multiplier les produits
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 1^3
d'un ail schématique, dans des conditions <t sous des influences que
Breuil a cherché à déterminer el sur h squelles je ni1 saurais m'étendre ici.
Mais, dans l'ensemble, l'arl quaternaire n'est que réaliste ; il traduit un
sentiment profond et exact de la nature.
M. B.
L'origine du Lin.
L'origine du Lin cultivé (Linum usilatissimum) a été luit discutée.
Contrairement à ce qu'on lit dans beaucoup d'ouvrages de botanique, on ne
le connaît nulle part à l'étal sauvage. On le trouve dans des dépôts de l'épo-
que romaine et jusque dans les palaffittes suisses, car le Lin des palaffittes
ne serait pas, comme on l'a dit, le Linum angustifolium, encore spontané
dans le midi.
C'est au moins -ce qu'a affirmé le regreJWé géologue cl paléontologiste
anglais Gïemenl Ueid. dans un de ses tout derniers écrits sur « Les plantes
des dépôts glaciaires de la vallée de la Lea », au Nord de Londres (Quaii.
Journ, of Geol. Soc, vol. LWI, pp. [5i-i6i, 1916).
Parmi les débris de ces piaules, dont l'ensemble représente traie flore
froide arctique (avec Salix Lapponum, Armeria arctica, etc.), il \ a de nom-
breuses graines, qu'on retrouve dans d'autres dépôts glaciaires de l'Angle-
terre. Elles ressemblent plus aux graines du Lin cultivé qu'aux graines de
toutes les autres espèces el elles diffèrent sensiblement de celles des Linum
perenne el L. Angustifolium, espères sauvages actuelles.
On n'hésiterait même pas à les rapporter au Linum usitatisctlmum, si l'on
n'était arrêté par celte double considération que ces graines font ici partie
d'un ensemble tout à fait arctique, tandis que le Lin cultivé ne saurait
réussir dans les pays froids. Il n'est pas 'facile d'admettre que le Lin, cultivé
h anciennement en Egypte, puisse descendre d'une plante essentiellement
boréale. On peut supposer cependant que le Lin de nos latitudes représente
un hybride de la plaide arctique et d'une forme méridionale.
(dément Keid a donné au Lin des dépôts glaciaires de la vallée de la
Lea le nom de Linum prœcursor, qui signifie que ce Lin a dû être sinon
l'ancêtre, du moins un des ancêtres du Lin cultivé.
Les géologues, qui ont étudié le dépôt à plantes de la vallée de la Lea, le
considèrent comme datant du Pléistocène supérieur ; il est postérieur aux
dépôts pléistocènes de la même région à flore tempérée. D'après Holst, il
représenterait en Angleterre la phase des toundras.
M. B.
Les sites préhistoriques de la région de Calonique
Tel est le titre d'une plaquette que je viens de recevoir de M. Léon Rey,
maréchal des logis au « Service archéologique de l'armée d'Orient ». Cette
plaquette, signée Teslis, esl le tiré à part d'un article paru dans la Renie
franco-macédonienne de Salonique, dont nous sommes heureux, en France,
d 'apprendre l 'existence
Il y esl question des buttes artificielles d'un caractère funéraire, les
i 74 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE
« Toumbas » et des « Tables », terrasses au sol nivelé, qui ^ont d'anciens
sites d'habitation. On désigne généralement ces deux catégories très dis-
tinctes par le même terme de « Tumuli » qui ne convient qu'à la première
A la seconde on peut appliquer L'expression de « Tépé ».
Les tumuli sont ordinairement de forme conique ; ils sont généralement
moins vastes que les tépés. dont la forme est aussi plus allongée.
En Macédoine, les tumuli ne paraissent pas appartenir à la préhistoire,
mais à l'époque hellénistique.
Tépés et t ;i blés sont très nombreux autour du golfe de Salonfque et dans
l'intérieur des terres, depuis le niveau de la mer jusqu'à une altitude ne
dépassant guère §00 mètres. Les tables ne sont, en général, que des accidents
naturels, régularisés et surélevés par apports de terres qui constituent la
couche archéologique, sur une épaisseur de 5 à i5 mètres.
Il y a des types complexes de tables ou tépés, qui peuvent être jusqu'à
trois étages dont le supérieur forme donjon ou citadelle.. Ils ne correspon-
dent, dans la plupart des cas, qu'à de faibles agglomérations, méritant à
peine le nom de villages ou de bourgades. Les tépés paraissent avoir été
souvent l 'emplacement1 de la demeure d'un chef.
La terre des tépés est très cinéritique ; elle renferme des déchets de cui-
sine, des fragments d'armes ou d'outils et surtout de tessons. Des restes de
murs complètent des traces d'habitation.
La céramique, faite à la main, sans tour, et souvent reprise au polissoir,
est fort belle. Dès les couches les plus anciennes, on trouve d'admirables
spécimens, soit à décor rouge sur fond clair, soit à 'fond blanc ou à décor
incisé sur fond noir. Cette céramique noire est parfois si fine, le poli en est
si parfait qu'elle donne au toucher l'impression de la porcelaine. Après sa
disparition, le seul décor en usage fut pendant longtemps un décor incisé
parfois relevé par l'incrustation d'une matière crayeuse d'un ton blanc ou
jaune clair. Ce n'est que tardivement qu'on voit réapparaître le décor peint,
employé parallèlement avec le décor incisé. Le décor, peint ou incisé, se
compose d'éléments géométriques très simples : dents de loup, zigzags,
losanges, spirales, etc.
La plupart des tépés paraissent avoir été abandonnés vers la fin de la
période mycénienne. Des témoins de la céramique mycénienne se trouvent
souvent mêlés, dans les coin lies haute-, avec les derniers témoins de céra-
mique locale. L'usage du tour parait avoir été introduit, à ce moment. Une
partie des tables n'ont pourtant été occupées qu'après l'époque mycénienne.
L'abandon des tépés, le développement des tables paraissent concorder
approximativement avec l'invasion dorienne.
La civilisation des tépés a gardé longtemps un caractère primitif. Jusqu'à
l'époque mycénienne, l'outillage est surtout néolithique; haches, haches-
marteaux-, hermi nettes, couteaux, faucilles, pointes de Flèche, etc. en pierre ;
poinçons en os, manches d'outils en os ou en bois de cerf. Métal extrême-
ment rare ; il semble que les premiers occupants en aient ignoré l'usage.
Le grain était moulu au moyen de la primitive meule à bras. Les habitations
étaient construites en torchis on en pierres brutes liées par de l'argile
délayée
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 1 7&
Aujourd'hui, beaucoup de ers tépéa ont été transformés en forteresse. Des
boyaux, des galeries, des tranchées de lit, des abris de mitrailleuses y ont
été creusés, m Ces travaux militaires, dit L'auteur eu terminant, ont ouvert
la voie a l'étude, assez négligée» jusqu'ici, de la préhistoire macédonienne. »
N - félicitations et nos vœux pour les braves soldats archéologues de
L'armée d'Orient !
M. B.
■ Cahiers d'Orient „.
J'ai reçu du Bureau commercial du Ravitaillement civil de l'Armée
d'Orient, dont le siège est a Salonique, le fascicule n° i, publié en juillet
1918, des laitiers d'Orient, ancienne Revue Franco-Macédonienne.
Les Cahiers d'Orient sont destinés, dans l'esprit de leurs éditeurs, à attirer
l'attention du public savant et lettré français, en même temps que celle
de nos industriels et commerçants, sur un pays où les traditions, l'honneur
et l'intérêt de la France exigent que nous développions et maintenions notre
influence.
Les Caliiers d'Orient et le Bureau commercial français, qui sont issus
d'une môme idée directrice, se tiennent à la disposition du public pour les
renseignements de tous ordres qu'il lui plairait d'avoir sur la Macédoine.
La correspondance doit être adressée à M. le Lieutenant Laurent-Yibert,
Bureau commercial, Secteur Postal 5o2.
Le premier 'fascicule est constitué par une étude de M. J. Levecque, sur
Les Coutumes chrétiennes de Macédoine, dont la lecture intéressera tous
les ethnographes.
M. B.
Au South African Muséum.
J'extrais du dernier rapport annuel (1917) du Muisée Sud-Africain du Gap
les renseignement.^ publiés sous la signature du Directeur, M. Péringuey,
et de nature à intéresser tous les anthropologistes.
Les collections des industries lilhiques primitives s'accroissent et donnent
de plus en plus l'impression de la difficulté de distinguer, dans l'Afrique
du Sud, ce qui doit revenir à un âge de la pierre ancien et à un Age1 de la
pierre récent. En fait, des instruments de style paléolithique ont été trouvés
dans des cavernes habitées par des hommes de race DusJiman et des grains
de collier en coquilles d'oeufs d'Autruche, de 'fabrication récente, ont leurs
<c doubles » dam; des objets de même forme et de même perforation, trouvés
dans de vieilles tombes égyptiennes. L'imitation peut s'expliquer sans
admettre un contact réel, mais il n'en est pas moins vrai qu'il s'agit ici
d'une survivance industrielle qui remonte à 12.000 ans. 1
Les cavernes de certaines parties du littoral de l'Union 0/ South Africu,
si elles sont pauvres en squelettes bien conservés, ont livré, par contre, de
nombreuses peintures, non plus sur rochers ou parois des cavernes, mais
sur des pierres détachées. On a pu se rendre compte que certaines de ces
pierres décorées étaient des offrandes ou des objets votifs placés sur le
corps.
I 7*-* NOUVELLES ET CORRESPONDANCE,
Beaucoup de ces peintures sont noires ; il y a des Buïfles, des scènes
humaines. Une de ces dernières représente des hommes barbus, tatoués,
dans une attitude hiératique rappelant celle des -Nubiens représentés en
Egypte. Sont-ce des Arabes? Sont-œ des survivants du navire espagnol
« S*-Gonzalo », qui lit naufrage près de l'endroit ou cette peinture a été
découverte P
En tous cas, des preuves de la très haute antiquité, de l'Homme dans
l'Afrique du Sud sont fournies par les objets trouvés dans une tourbière
avec des ossements de Mammifères éteints : Connochœtes antiquus, Cobus
venterae, Dubalus Baini. Ces objets consistent en couteaux et racloirs de
pierre, mélangés pêle-mêle avec des os cassés et incisés pour l'extraction
de la moelle.
Encore plus anciens, et remontant probablement aux origines humaines,
sont d'autres objets également exhibés au Muséum, une série de paléolithes
de forme lancéolée, très altérés à leur surface et jusqu'à une grande pro-
fondeur. Une telle désintégration de la roche primitive a dû exiger beau-
coup de temps.
: Le Musée s'eU enrichi, grâce à la courtoisie des autorités du protectorat
Bechuanaland, des moulages de quatre Bushmen Masarwa de race pure de
la région Vdami. D'autres reproductions plastiquée de Hottentots ont été
aussi exécutées par l'atelier de taxidermie transformé pour la circonstance
eu atelier de modelage, et dont la photographie est reproduite dans le rap-
port.
Les collections d'ostéologie se sont enrichies de quatre crânes de Bushmen.
M. B.
Nouveau périodique anthropologique américain.
J'ai reçu le premier numéro d'un nouveau périodique, VAmerican Journal
of Physical Anthropology, fondé et dirigée à Washington par Aies Urdlickp,
avec la collaboration d'un état-major de spécialistes appartenant aux prin-
cipaux établissements scientifiques des États-Unis. Cette publication sera
trimestrielle. Le prix d'abonnement jxmr les pays étrangers est de
j dollars 5o.
Le programme à remplir est des plus vaste : Questions générales, histo-
rique ; recherches dans toutes les directions : évolution, outogénie, embryo-
logie, eugénique, démographie, pathologie, tératologie, problèmes anthro-
pologiques particuliers aux États-Unis ; l'anthropologie et la guérie ; les
collections américaines, l'anthropologie et la technique. La revue publiera
encore des comptes rendus bibliographiques et des nouvelles, morts, mon-
vement du personnel scientifique, etc.
La Direction informe ses premiers lecteurs qu'étant donnés le caractère
universel et l'unité des lois et problèmes anthropologiques, le Journal
n'apportera aucune restriction géographique à son activité et accueillera
manuscrits des auteurs étrange] s.
Pcui !<• moment, les mémoires devroni être écrits en anglais ; dès que
le- conditions pécuniaires le permettront, la langue espagnole sera admise
comme étant la plus importante dans !<■ continent américain.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 1~7
Ne nioiiI acceptés «pic les articles de réelle valeur et, dans ce cas, leiit
longueur ne sera pas limitée. Les manuscrits devront être soignés ot
entraîner le moins de dépenses possible, à moins que les auteurs ue veuil-
lent prendre ces dernières à leur charge.
Voici le sommaire de ce premier numéro :
Préface par VEditor [\o Directeur). — A. Hrducka, L'Anthropologie phy-
sique, son étendue cl son but. — Mui.ku, La mâchoire de Piltdown. —
Hooton, Sur certains caractères, esquimoïdes de crânes islandais. — Holmes,
Organisation du Comité anthropologique du Conseil national de recherches
cl son activité pendant 1917. — Comptes-rendus bibliographiques, noies
et nouvelles.
Plusieurs des mémoires originaux dont on vient de lire les litres méritent
pliTS qu'une simple mention, notamment celui de Miller sur la mâchoire
de Piltdown. J'en donnerai prochainement un compte rendu détaillé.
En attendant, la vieille Anthropologie française, dont le personnel des
collaborateurs actifs est si diminué par les effets de la Kultur boche, sou-
haite cordiale bienvenue et grande prospérité à la jeune re\ ue américaine
qui s'annonce sous les plus brillants auspices.
M. B.
Service officiel d'études archéologiques et ethnographiques au Mexique.
Une nouvelle loi, promulguée le 3i décembre 1917. crée au Ministère de.
l'Agriculture et fomento une Direction des études archéologiques et ethno-
graphiques au Mexique. Le Directeur de ce nouveau scia ire. M. Manuel
Gamio, vient de publier une élégante notice exposant le but à atteindre
et les moyens à employer.
Il cile comme exemple les éludes à entreprendre sur les populations de
la vallée de Tcotihuacan, qui peuvent être considérées comme type des
populations régionales de la Mesa Central. Le programme, très détaillé, est
des mieux compris. Il correspond parfaitement aux méthodes modernes
d 'investigation scientifique.
La Direction du nouveau service publiera, avec un Bulletin périodique,
qui paraîtra tous les deux mois, une série de monographies.
M. B.
La plus ancienne demeure de l'Homme en Suisse.
M. le Dr George Montandon a publié sous ce titre, dans la Gazette <'<
Lauwnne (n° diu 16 avril 19171, Im article dont voici le résumé:
L'histoire de la Suisse ne commence que cent ans environ avant l'ère
chrétienne. L'âge du Eei 5 remonte jusqu'à 900 ans avant notre ère, l'âg
du bion/.e \a de 900 à 2.5oo et l'Age de la pierre polie de 2.000 à 7.000
environ Les temps paléolithiques ne sont représentés en Suisse que par un
petit nombre de statipns situées sur les flancs des montagnes. Deux : ni
azyliennes (pies Delémonl ci près Bâle). Plusieurs sont magdaléniennes
trois au pied du Saiève sur le territoire français. Dois près de Villeneuve,
L'+ifTHROPOLOO K. — T. XXIX. — 1918. 1-
17^ NOUVELLES ET COl\l\ES 'OMUNCÉ
Quatre dans le Jura bernois ei soleurois, trois flans le canton de Schaffouse
et une au non! du lac de Constance suit le territoire wurtembergeois.
Jusque ces derniers temps, la Suisse n'avait fourni qu'une seule station
moustérienne, le Wildkirchli, dans le Massif du Santis ei aucune station
chelléenne.
D'autre pari, la géologie enseigne qu'en Suisse « l'ère quaternaire est
coupée par quatre envahissements glaciaires suicoessifs qui se sonl étendus
du sommet de nus Alpes sur presque toute l'étendue du Pays ». Os quatre
périodes glaciaires sont séparées par des périodes de retrait des glaciers.
<( Pendant les glaciations, la Suisse ne pouvait être habitée, ou seulement
sur quelques îlots du territoire libres de glaces ; pendant les périodes
interglaciaires, par contre, la Suisse était, sinon habitée, du moins habi-
table. »
Gomment faire concorder ces données ethnologiques et géologiques ?
Néolithique et Magdalénien sont certainement post-glaciaires. Pour les
Industries plus anciennes, deux opinions rivales sont en présence. « Les
uns, la majorité avec MM. Boule et Obermaier admettent le Moustérien
comme étant immédiatement postwurmiên, c'est-à-dire post-glaciaire
(Boule) (i), ou wurmien, c'est-à-dire contemporain de la dernière glacia-
tion (Obermaier), le Ghelléen étant inlcrrisswunnien, c'est-à-dire se plaçant
entre les deux dernières glaciations. Les autres, avec MM. Penek et Brùck-
ner, opinent à croire que le Moustérien correspond à l 'avant-dernière gla-
ciation (risienne) et surtout à l 'interglaciaire suivant, iutcrrissiuurmien, et
que le Chellécn doit être .situé dans 1 inlcrglaciaiie mindelrisùen, c'est-à-
dire dans la période interglaciaire précédant l'avanl-dernièrc glaciation. »
(Jette dernière opinion fait donc remonter la première industrie certaine
oie l'Homme à une époque de beaucoup plus reculée que la manière de
voir de Boule.
Pour décider entre ces divergences, il manquait des points de repères
certains permettant la détermination (lu Moustérien dans le système gla-
ciaire, aucune station moustérionne, de Nice à Vienne, c'est-à-dire dans
toute la chaîne des Alpes, n'ayant encore été découverte à l'intérieur de
la limite de la dernière glaciation ( wurmienne | et en connexion étroite
avec un dépôt glaciaire. La station du Wildkirchli, au Santis, n'est pas
démonstrative parce que son altitude est supérieure à celle qu'ait jamais
atteint'- la dernière glaciation.
Tel était l'étal de la question lorsque, en 191G, M. Auguste Dubois, de
Neuchâtel, entreprit des touilles dans une petite excavation située à l'entrée
gorges de 1 Arcuse, la grotte dv Cotencher.
Le principal dépôt de remplissage es1 formé par un cailloutis d'éléments
nettement glaoiairei et contenant à la l'ois des ossements d'animaux et des
silex taillés.
Mit uiousléi ieus, peut-être du Moustérien supérieur. La grotte
paraît avoiT été une hlaliou de (basse. Presque tous les ossements appar-
tiennenl à l'Ours des Caverne*. Il y a aussi du Lion, de la Panthère et
(1) Je n'ai jamais écrit ni penné cela (M. Houle).
\<H \ El I ES ET CORRESPONDANCE i 7<)
vingt-huit autres espèces. Le o côté glaciologique » est le plus important.
I s dépôts caillouteux et fossilifères ptroviennenl (rime moraine. Maie une
moraine de quel glacier? V h suite d'hypothè es el de raisonnements que
annaissance exacte des lieux permettrait de discuter utilement,
M cl son reporter, M. le Dr IVIontandon, arrivent à cette ((inclusion
que a la grotte de Cotencher a été habitée par des hommes à industrie
moustériemie arant la formation d'un glacier local, précurseur lui-même
de li glaciation wurmienne. L'époque moustérienne correspond donc h
l'inli rglaciaire séparant les deux dernières grandes glaciations de Riss et
de Wiinn... Cela reporte rindustiie mouistérieinne (préwurmienne donc)
à plusieurs dizaines de milliers d'années plus en arrière et, par contre-
coup, l'industrie chelléenne, la première industrie certaine! contemporaine
probablement de rinterglaciaésre précédent ^mterwuirmien), à 3oo.ooo ans
et plus. » )
Ces conclusions, basées sur des interprétations qui me paraissent aventu-
reuses, à première vue, et qui sont en contradiction avec tant de faits clai-
rement établis en France, ue sauraient clic discutées avant qu'un mémoire
mplel et documenté ait paru sur la grotte de Cotencher, avant surtout
<jii!' cette grotte ait été étudiée à la lumière d'une autre lanterne que la
lanterne allemande. Cela s: Ta possible plus tard, puisque « d'accord avec le
iienenl neuchàtelois, il a été décidé que de 45 à 5o % seulement du
dépôt de remplissage serait exhumé et 'fouillé, puiis la grotte sera fermée
et rendue inviolable. De nouvelles fouilles ne pourront être entreprises que
sur le préavis d'une commission d'anthropologie. Si, plus tard, des objec-
tions s'élèvent ou si un complément d'examen est jugé nécessaire, on ne
ira pas [aire au premier exploiteur le reproche d 'avoir. épuisé les témoins
en place de ses savantes et impressionnantes déductions. »
Voilà qui est parfait et je remercie M. le Dr (i. Monlandon de l'envoi de
son article, de nature à intéresser vivement les préhistoriens français.
M. B.
Les climats quaternaires aux environs de Cambridge.
II. Mair, professeur à l'Université de Cambridge, a fait, le 5 février 1917,
«levant la Société philosophique de cette ville, une intéressante communica-
tion Mir les mouvements du sol et les climats glaciaires au cours des
dépôts pléistocènes du Cambridgeshire. En voici les conclusions:
- de NarbOTOUgh, à Marrh et ailleurs, dans la région dite Fenlïlnd,
il y a des dépôts marina s'élevant jusqu'à 5o piedti au-dessus du niveau
nei et qui indiquent une submersion suivie d'une nouvelle
n. D'autre part, ces deux mouvements contraires se retrouvent indi-
qués pai les dépôts pléistocènes des environs de Cambridge. Ici, il apparaît
que l'empiétement de la mer a eu lieu pendant le Paléolithique supérieur.
! i m .1 'in Paléolithique intérieur paraît avoir été chaud, el il y a
qruelqu us de croire à une période froide à la fin de cette époque.
conditions plus tempérée! suivirent ensuite et, vers 1,1 (in du Paléolithi-
que supérieur, une seconde période de froid est indiquée par la présence du
i s' ' NOUVELLES 11 CORRESPONDANCE
Renne et une flore arctique dans le gisemen-1 de Bamwell. Le dépôt du
Glaciaire crayeux (Chaiky bouïder clay) est antérieur au Paléolithique infé-
rieur : nous avons, drs lors, l'évidence (le trois périodes froides pléistocènes
et cette conclusion es1 d'accord avec celles des géologues du (Continent.
M. 15.
Malacologie quaternaire
MM. Kennard et B. B. Woodward, viennent de publier (Proceeding s of
the Gèologisls' [ssociation, \ol. \\\I1I. 1917, p. [07) un intéressant mémoire
sur les Mollusques post-pliocènes, terrestres et d'eau douce de l'Irlande.
I !i ' des plus intéres antes conclusions de ce travail est, qu'à l'exception
<i • deux ou trois espèces introduites accidentellement par l'Homme, toutes
les autres existant en Irlande dans les temps préglaciaires ont survécu à la
période glaciaire. Les Mollusques ne reflètent donc pas, dans ce pays, les
changements de climat.
Les dépôts à Chara, inférieurs à la tourbe, sont ordinairement considérés
me indiquant une période chaude ; ils ont dû se former dans des mares
peu profondes, se desséchant pendant les étés chauds. Les plages soulevées
la côte N.-E. appartiennent à la même époque, qui fut suivie d'une
époque plus froide et plus humide, mais ces phénomènes, indiqués par le
Prof. F. .1. Lewis, ne se reflètent pas dans les listes de Mollusques.
M. B.
L'Homme de Néanderthal à Malte.
M. Arthur Keith vient de publier dans Nature (n° du 20 juillet 1918)
un article sur la découverte de l'Homme de Néanderthal dans une caverne
de l'île de Malte. Le fait serait important, <^ros de conséquences, mais je
dois dire tout de suite qu'il ne me paraît pas-encore démontré.
I - fouilles sont effectuées depuis quelques années dans la caverne Char
Dalam par les soins d'un Comité de la British Association . Elles sont diri-
gées par le Dr Despott, conservateur du Musée d'Histoire naturelle de l'Uni-
vTsité de Malte. Deux tranchées, pratiquées à travers les terrains de rem-
plissage, lui oui permis de reconnaître la superposition suivante, de haut
en bas :
I. ?.. - Coin lies Mi.p( 1 licielles. a\ec débris d'animaux et poteries de la
péi iode néolithique.
.'?. Couche renfermant des ossements de Cerf, d'un Campagnol, des
coquilles d'escargots, des restes humains parmi lesquels urne molaire supé-
rieure in laquelle nous allons revenir. Le tout associé à quelques pierres
taillées, racloirs de silex et d'obsidienne, etc.
\. m lie avec nombreux ossements d'Éléphants (Elephas mnaidren-
sis). On \ a iroiné des dents de squales fossiles paraissant avoir été utilisés
comme instruments, des coquilles de Mollusques ayanl servi à l'alimenta-
tion el une molaire de lait humaine.
.") ei ii gpnl ,|,.v couches plus profondes riches en débris de trois espèces
<! Éléphants i-::<[>h<is mnaidrensis, E. melitensis el /■;. Falconeri), de deux
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. lN[
espèces d'Hippopotames et d'un Cerf. On n'y a pas observé de traces
humain
I - deux dents humaines trouvées, la molaire supérieure dans la couche 3
et la molaire de lait dans la couche 1, <>nl été communiquées au I)r Keith
qui, >> sans hésitation ». les rapporta à VHomo Neanderthalensis, en se
ml sut leur ressemblance avec les dents humaines de Jersey qu'il a
E il' ni' ni déCJ ites.
II importe tic Caire les plus grandes réserves. Non seulement, je ne suis
I i- convaincu, après l'étude dos dents des véritables Homo Neanderthalensià
donl je possède les squelettes, i\r l'importance et même de la réalité des
ictères de taurodontisme des dents de notre Homme motustérlen, mais
encore je considère comme bien imprudent d'établir des conclusions de
l'importance de celles que formule le ])'' Keith sur des faits aussi minus-
cules et an^si peu probants. Loin de moi la pensée de nier la présence die
VHomo Neanderthalensis à Malle, je suis hop âgé pour n'être pas prudent
en matière de découvertes scientifiques, mais je considère que les faits
apportés par le l)r keilh ne sonl pus suffisants pour entraîner mon adhésion
- théories.
i -uis heureux d'ajouter que, grâce à diverses libéralités, les fouilles dans
la caverne de Ghar Dalam vont pouvoir être poursuivies cotte année.
M. R.
Les « ornières » de Malte.
Dès 177^. un ouvrage do Brydone signale la présence, sur les plateaux
calcaires dénudés de l'île de Malle, do longs sillons parallèles que l'auteur
considère comme des ornières creusées dans la roche par- les roues d'anti-
ques véhicules. Ces sillons arrivent' jusqu'au bord des falaises qui domi-
nent la mer-, ce qui prouve que l'île était autrefois beaucoup plus étendue
qu'aujourd'hui.
Depuis le xviii6 siècle, ces phénomènes ont attiré l'attention do beaucoup
d'autres voyageups, Le Prof. Zammit, actuellement la plus haute autorité
archéologique de Malle. 1rs attribue an Néolithique. M. le capitaine Fénton
vienl de reprendre leur étude dans Mun (mai 1918, 4o).
Malte esl aujourd'hui très dénudée. Pratiquement, il n'y pleut jamais
pendant la moitié <\^ l'année, de mai tri novembre, et cotte longue période
d< sécheresse suffit pour annihiler les bienfaits dos pluies, d'ailleurs assez
abondantes, des autres mois. Ce n'est que par d'ingénieux travaux d'irri-
gation que 1 île peut être cultivée.
c ornières » qui sillonnent les plateaux calcaires dénudés sont tou-
jours disposées par paires parallèles; leur profondeur varie de quelques
pou pin- de deu\ pieds. L'auteur en a \isité un grand nombre et a
pu les étudier' en détail. Il a ob ervé qu'elles m- bifurquent ou se rencon-
trent parfois à li manière des rails de tramways modernes. Nulle pari, il
n'a pu observe! de rainures produites par les pieds des chevaux ; do sorte
qu'on ne saurai! le- attribuer qu'à la longue activité d'hommes traînant
- voitures à grandes roues, dans le genre des voitures maltaises actuelles,
lesquelles ont aussi de grandes roues, avec écart sensiblement le morne quo
182 NOUVELLES II CORRESPONDANCE.
la dislance séparant dvi]\ vieilles ornières parallèles. Ce dernier f;iil porte-
rait à penser que les ornières oe sonl pas liés antiques el epi'ellee datent
d'une époque récente, immédiat imeni antérieure à remploi du macadam,
n'est i ;is l'avis de l'auteur. Lîa patination de leurs surfaces, leuT discontk
nuité m1 sauraient s'accorder ;i\ee une telle hypothèse. Il faut invoquer,
de plus contre cet âge récent, le fait que ces ornières ne s'arrêtent pas
toujours à la mer et s'enfoncent sous elle, sur plusieurs points de l'île. La
submersion a été générale el non locale ; elle doit donc être ancienne.
M. Fenton pense que les ornières ont été creusées à une époque où Malte,
beaucoup plus peuplée qu'aujourd'hui, était recouverte de terre végétale,
et où le climat était plus humide et plus salubre. Cette époque ne saurait
être la période néolithique, comme le croit M. Zammit. Malte et Gozo pos-
sèdent de nombreuses constructions mégalithiques, sans aucune connexion
avec les antiques chemins. La fin du Néolithique est peut-être marquée par
une période de dessication et l'aurore de l'histoire de la Méditerranée par
\:n retour à des conditions plus humides. Les ornières de Malte dateraient
probablement du début de l'âge du 1er, quand l'île avait un climat plus
favorable à l'existence d'une nombreuse population. L'esclavage explique-
rait le grand nombre d'hommes occupés à traîner de lourdes voitures.
M. Fenton a essayé, sans grand succès, de retrouver la trace de pareils
changements climatériques dans l'histoire de l'Egypte.
Mais voici qui es! grave. Le numéro suivant de Marx (juin 1918, 52,) ren-
ferme une note du Prof. Boyd Dawkins déclarant que la vue des photo-
graphies reproduites dans l'article du capitaine Fenton suffit à faire repous-
54 i les idées de cet auteur. Les ornières, loin d'être artificielles, ne seraient
que le produil du travail des agents atmosphériques sur les joints de la
roche formant les plateaux de Malle. De- phénomènes tout semblables s'ob-
vent dans beaucoup d'autres régions calcaires, notamment dans le Sud
«le la France. Il n'y a là rien d'archéologique.
Naturellement, le capitaine Fenton a répliqué (Man, août 1918, 69).
M. Boyd Dawkins n'a certainement ; :s vu les ornières; .1 >pinion ne
saurait être partagée pai les personnes les ayant ëtudiéi sur place. Com-
ment expliquer leur disposition constante en paires parallèles, toujours
équidistantes,, leurs bifurcations au point de rencontre de deux anciens
chemins? La roche et d'ailleurs homogène, sans fissures. L'auteur main-
tient donc son opinion que les sillons en question seul bien des ornières
datant probablement de quelque vieille période de civilisation, peut-être
1 omaine.
M. B.
Les cailloux à facettes.
M. .1. W. Jackson a fait, le sa janvier dernier, à la Société littéraire et
philosophique de Manchester, une communication sur quelques cailloux
h farcîtes et 5 eolienne trouvés aux environs de celle ville.
H discute 1 lilloux < enre avec les dépôts glaciaires.
Ton- montrent Une origine glaciaire et les phénomènes caractéristiques de La
morsure du vent. O qui est surtoul digne d'attention, c'est le grand nom-
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. [83
bre de cailloux fendus ou éclatée, avec traces d'actions ôoliennes aux les sur*
- de fracture. Il > a tous 1rs passages vers les « dreikanier » typiques.
L'éclatement paraît être indépendant de la Qature de la roche, qu'elle soit
éruptive ou sédimentaire. Leur mode de gisemenl montre que ces cailloux
ont été soumis au\ influences éoliennes après leur dépôt dans 1rs couches
lires, conformément à ce qui a déjà été observé m Allemagne et en
Amérique dû Nord. On peut attribuer l'éclatement à l'action du froid, ae
elée ; cette action se sciait exercée avant celle du vent.
M. B.
Les cochon» préhistoriques de l'Irlande.
M. Scharff, le zoogéographe bien connu, auteur de plusieurs ouvrages
qui ont été analysés dans cette revue, vient de publier dans \'IrisJi Nahr
rnlisl n° de décembre 1917) un article illustré sur le Cochon-lévrier (grey-
hound-pig) récemment éteint, niais qui a survécu jusqu'à ces dernières
années dans les coins les plus rendes de l'Irlande.
D'après Scharff, cette curieuse variété ne descendrait pas du Sanglier qui
erre encore dans l'île, mais sciait appareillé au a Cochon des tourbières »
(Sus [l'ilustris). des palafiltes suisses et des habitations lacustres de Glas-
tOnbury, dans le Somerset. Son introduction daterait de l'âge du Bronze.
Elle aurait eu lieu plutôt d'Angleterre que du Continent.
M. B.
Rasoir de l'âge du bronze et rasoir abyssin.
Tous les archéologues semblent bien d'accord, aujourd'hui pour consi
déier comme de Mais rasoirs les instruments préhistoriques en bronze
qu'on a l'habitude de désigner sous ce nom. On a signalé depuis long-
temps ipic les Nègres d'Afrique se servent encore aujourd'hui de rasoirs
en fer de même forme.
Dans le dernier fascicule de la îtci'tie Archéologique, M. Valotaire compare
un rasoir en fer abyssin, moderne (région du Lac Rodolphe) et un rasoir
préhistorique en bronze qui se trouvent à côté l'un de l'autre au ■Musée de
Saumur.
I 1 similitude des deux instruments est si frappante qu'on ne saurait
hésiter à conclure « de l'analogie de la forme à l'analogie de l'emploi ».
Et de même que les rasoirs de bronze étaient protégés par un double
disque de bois, par un étui d'étoffe ou te spirlerio. de môme le rasoir
abyssin est protégé par une double gaine en cuir de Rhinocéros.
M. B.
Le bronze et I'étain des Cornouailles
Marx a publié SOUS ce litre un intéressant article posthume du
tté Clément Reid. Nous croyons utile d'en donner ici une traduction
que intégrale.
!/■ mode de gisemenl (|<.s minerais d'étain et de cuivre suggère que le
l84 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
bronze peut avorr été découvert, indépendamment, dans plusieurs contrées
et sans connaissance préalable du enivre natif.
L'emploi de ce dernier a dû prendre son origine dans des districts où
il se présente en grandes masses, ce qui n'est pas le cas dans la Grande-
i'.i. ta-gne. Il l'ut traité et travaillé comme une pierre, à 'froid et non fondu.
I. - instruments de cuivre ou de bronze européens sont tous fondus et non
martelés : n:ais dans les 'falaises de Mullion. dans la péninsule Lazard,
d'étroites veines de enivre natif (sans étain) s'observent dans les roches aux
basses marées. Dans ce district, on poutrrait trouver des instruments en
cuivre de l'âge de la Pierre. Le cuivre natif existe également en grandes
masses vers Sainl-Just et près de Camborne, mais il semble qu'ici il soit
toujours mélangé avec du minerai d 'étain.
L< ■> minerais l)len> et verts du cuivre sont parmi les plus faciles à obser-
ver et à reconnaître. La malachite est connue dans les Cornouailles et fut
utilisée comme ornement on comme matière colorante avant le cuivre lui-
même. Les filons sont très faciles à exploiter.
Le cuivre des Cornouailles, quoique très variable, est souvent plus dur
que le cuivre exotique et susceptible de prendre un plus fin tranchant, ce
qui tient précisément à la présence d'une certaine quantité d 'étain.
Les minerais d'élain. par contre, sont beaucoup plus difficiles à recon-
naître. \\> ne subissent pas de changements sous les influences atmosphé-
riques. Leurs filons n'attireni pis les regards. La petite quantité de cuivre
ou de fer qu'il renferme toujours masque l'étain, à tel point que. pendant
.")o ans, ces filons ont été exploités pour le cuivre sans qu'on soupçonnât
la présence de l'étain, tandis qu'aujourd'hui le gaspillage se fait en Saveur
de l'étain.
Les minerais d'élain. n'ayant aucune apparence métallique et n'étant
pas utilisés comme matière colorante, il était difficile d'établir un rap-
prochemenl entre les matières pierreuses qu'ils constituent t le blanc métal
qu'ils j ouvai» nt procurer. Mais, une fois faite, la découverte de celui-ci
allait amener une Complète révolution. Les filons des minerais d'élain
-ont, d'ailleurs, mélangés d'arsenic, de tungstène, d'uranium, etc., dont
il est si difficile, même actuellement, de les débarrasser, (pie la fabrication
du bronze avec deux métaux purs, alliés dans des proportions définies, ne
peut représenter qu'un stade métallurgique récent et très supérieur à celui
qui consiste à tondre les « minerais de bronze » de certains filons renfer-
mant un mêlai d'une dureté particulière.
El voici, d'après Clément Eteid, comment on peut établir la succession
historiqu • de- stades métallurgiques j succession qui a pu se produire indé-
pendamment dan- diverses contrées ayant des minerais à mélange de
euh re < i d 'étain.
\" Métal i<'» météorique, cuivre natif, peut-être or) martelé à froid.
Vge de la Pierre, pendant lequel on ne connaissait aucun procédé métal-
lique à chaud.
■>" Emploi du feu pour recuire ou amollir le métal destiné à être martelé.
Grand i rogrès, difficile à expliquer à moins qu'on n\ ait élé conduit pal
le durcissement au 'feu des épjeux de bois.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. l85
3° Découverte que le cuivre est Fusible et peul être moulé. Découverte
que la malachite, toujours associée au cuivre natif, peul donner du cuivre.
Ce stade correspond probablement à l'invention de la poterie, car il impli-
qua l'emploi d'un creusel ou d'un fourneau.
',° Découverte que certains filons des falaises des Cornouailles renfer-
ment du cuivre (bronze) d'une qualité exceptionnelle et que ce bronze
pouvait être un article de commerce comme l'avaient été jusqu'alors les
beaux roirnons de >ilex de la craie.
Distinction des Qlons renfermant du cuivre rouge (Lizard) de ceux
renfermant im cuivre-bronze (Saint Just, Saint Yves Mount's Bay) et de
ceux renfermant à la fois du cuivre et de l'étain (Cligga Head el S1
Vgiies . Le cuivre rouge esi trop mou. les outils s'émoussent rapidement ;
le cuivre blanc est cassant el les outils se brisent. Les instruments endom-
magés sent refondus et l'on observe avec surprise que l'alliage obtenu est
bien meilleur. Ceci doit conduire au mélange voulu des deux métaux.
6° On découvre que le bronze est d'autant plus blanc qu'il offre moins
la teinte du cuivre et celte observation ne larde pas «à s'associer à celle des
cristaux à brillantes facettes de la « pierr« d'élain » de Cligga Head, S* Just
et du mont Saint-Michel.
A cette époque, les mines étaient localisées aux filons des falaises. L'ex-
portation du minerai se faisait par des navires côtiers, car le transport par
terre eut été trop difficile.
7° Les laveurs d'or découvrent que ce métal s'accompagne de grains de
minerai d'étain, comme celui des filons, mais de meilleure qualité, plus
facile à extraire et sans mélange de cuivre. Dès lors, on n'exporta dans les
contrées ayant déjà du cuivre, que de l'étain. Le poids des matières trans-
portées diminua de 90 % et le transport put se faire par voie de terre. Les
filons de cuivre furent abandonnés et l'on se borna au lavage des alluvions.
i correspond à l'époque de César, pendant laquelle l'étain était exporté
et lf cuhre importé. Les pyrites de cuivre, qui forment l'intérieur des
filons, n'étaient pas utilisées par les indigènes qui ne pouvaient réduire
que les oxydes oui les carbonates.
8° Les alluvions s'épuisent et l'on reprend l'exploitation des filons. Mais
le cuivre et l'étain sont traités séparément. Ce ebangement ne date guère
que de tiois siècles et ne s'est perfectionné que depuis quelques années.
M. B.
Silex rostro carénés d'Egypte
Parmi les silex taillés égyptiens de la collection Seton-Karr au musée
d'Ipswich, M. Reid Moir a trouvé trois spécimens qui l'ont frappé par leur
ressemblance avec les rosi ro-carinates du Pliocène du Sûfîolk et d'autres
gisements de l'Angleterre. Il les décrit et les figure dan-; Man, 191S, 3.
La ressemblance n'est d'ailleurs pas complète, car la région postérieure,
au lieu d'être large et massive emme dans les échantillons anglais, est ici
indement diminuée par l'enlèvement de longues lames parallèles ; cette
ion postérieure a pu servir- de rabot, la région antérieure étant plutôt
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE,
destinée à couper ou à hacher. 11 y a là deux techniques de taille du silex
fort différentes et ass sur un même objet.
L'auteur ignore d'ailleurs l'âge de ces instruments. H ne paraissent pas
avoir séjourné longtemps à la surface du sol ; ils ne présentent ni la patine
ni le vernis du désert. Ce type çlevra être recherché dans les nombreuses
collections de l'Angleterre qui renferment des silex égyptiens.
M. B.
Grands instruments en pierre d'Australie.
Ces instruments ont été trouvés en i 887-1888 par des laboureurs près de
la rivière Johnstone, sur la côte pacifique du Queensland, à des profon-
deurs ne dépassant pas celles qu'atteignait la charrue, i5 à 18 pouces. Ils
sont décrits dans Mari (février 1918, 10) par H. Ling Roth.
Ce sont des pierres aplaties, de forme ovale, avec un bord poli et tran-
chant, c'est-à-dire de véritables haches. Un de ces instruments jnesure
i65 millimètres sur 109 millimètres. Ils sont constitués goit par de! diabases
altérées, soit par des grès, soit par des ardoises arénacées. Le frère de l'au-
teur, le Dr Walter Roth croit que de telles haches ne sont plus en usage
aujourd'hui, pas plus que tous autres instruments de ce genre.
Elles paraissent provenir de carrières situées à 90 milles environ du lieu
de leur découverte. Les environs de Boulia ont livré un exemplaire de
9 pouces. On n'en connaîl pas d'autres atteignant de telles dimensions en
Australie. Mais une pièce très semblable, provenant de Lifu. aux îles Loyalty,
se trouve au musée de Bankfield. Elle est en jade impur..
M. B.
Cercles de* pierres en Perse
Dans son ci Voyage en Perse et aux Indes Orientales », Chardin signale
la prés ni les en pierres situés non loin de Tauris. entre Agi-Agach
et Caratchiman 1) : « On voit, à gauche du chemin, de grands ronds de
pierre de taille. Les Persans disent que ces ronds ou cercles sont une
marque, que les Caoue, faisant la guerre en Médie, liment conseil en cet
endroit : parce que ce-toit la coustume de cc< peuples, que chaque officier
qui entrait au conseil portoii une pierre avec lui pour lui servir de siège.
Les Caous sont les géans Ce qui cause le plus d'admiration en considé-
rant ces pierres, c'est qu'il y en a de si grosses que huit hommes auraient
peine à les remuer, et qu'on n'aperçoit point qu'elles axent pu être tiré
que des montagnes voisines, qui sont à six lieues. »
Il sérail intéressant de savoir si ces mégalithes ont été \u^ par d'autres
voyageurs, el •-'ils ont été l'objet d'une étudie méthodique, On peut les
comparer à ceux qu'a décrits M. J. Castagne dans le Bulletin de la Société
d'anthropologie de Paris (io,i4i b
l\ DE Z.
(I) Londres. Pitt, »686, p. 3i 6.
(2j Vo r V [tUhiop juillet octobre, 1916, n. vu.
NOUVEL! ES I I CORRESPONDAIS l 187
Les bâches en pierre au XVI siècle.
Voici en quels termes un de nos vieux voyageurs, \ndré Thevet, décrit
les haches en pierre (probablemenl des hématites) qu'on trouve aux Iles
du Gap Vert (1) :
ri ces îslès, il m- home des pierres noires, toutes marquées de petites
taches, comme sanglantes, telles que vous en voyez en des marbres noirs,
et ès jaspes, un peu poinctues, el lionne à Tendre le bois ou aultro chose
de laquelle sorte j'en ai deux dans mon cabinet, quâ me furent données
d'un esclave africain) qu'ils disent être pierres de fouldre, descendant
de l'air parmi cette flamme tout gastant Cesseraient plu-lot pierres
minérales lesquelles, outre leur beauté ne sont h mépriser: d'au-
tant qu'elles étanchent le flux de sang plus que drogue que l'on sache Si
quelqu'un saigne du nez plus qu'il ne faut (car cette indisposition leur
advient à cause dis chaleurs excessives); soudain il lui niellent une de ces
pierres entre les jambes au fondement ou près des génitoires : là où elle
n'aura pas demeuré une minute d'heure, que le sang ne cesse sa défluxion.
Je nous puis assurer, comme l'ayant mi expérimenter, qu'il n'y a ni corail,
ni jaspe qui ail autant de vertu en ceci. »
F. DE Z.
La sorcellerie à Madagascar.
Vuis extrayons des innales de la propagation de la foi, numéro de
novembre 1917, l'intéressante observation suivante :
(( Il y a bien des variétés de sorciers magaches, et, en les ramenant à
1 1 ois classes, je n'ai pas la prétention d'englober touis les gens qui exploi-
tent la crédulité des pauvres païens indigènes.
u Les mpanandro sont des astrologues ; les mparnosavy sont jeteurs (h1
sort < 'est pour cela qu'ils circulent la nuit dans- les village», et grande est
la terreur qu'ils inspirent) ; les rripanas sikidy sont des devins consultés
pour la santé et la maladie, pour le bonheur et le malheur.
« Ces di\eis praticiens sont et font ici ce qu'ils ont été et ce qu'ils ont
fait de tout temps an milieu dios nations sauvages ou civilisées. Plusieurs
d'entre eux possèdent des secrets transmis de génération en génération.
Ce muiI tantôt des remèdes hienfaisants composés avec des simples el dont
les effets médicaux sont incontestables, tantôt des philtres dont j'ai été
obligé, à plusieurs reprises, de constater la puissance. 11 y a aussi les
poi- Lurtoul les poisons végétaux, qui causent des maladies incura-
ble-, paralysent OU tuent sans laisser de tiares. Enfin il y a les charlatans
qui singent [es autres sans en a\oir la science : leurs airs mystérieux et
I' 1 1 r >- simagrées en imposent quelquefois plus aux populations qu'un pou-
voir véritable.
« On m'a demandé si Madagascar pos ède de véritables sorciers, ayant
i ipports avec le démon. La réponse n'est pas douteuse : je crois que
oui.
(2) André Thevet. Cosmographie universelle, t. I, p. verso. Paris Chaudière, 1 5 1 r» .
l88 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
« Les manifestations diaboliques ont lion dans les tromba. Mais il y a
« tromba » et « tromba ». Les Malgaches font tromba en maintes circons-
tances : naissance, maria-:,', guérison d'uni malade, retour d'un parent ou
d'un ami absent, moisson*. Ces réunions, simples prétextes à chanter et à
boire, sont célébrées en plein village et aeeeessibles à tous venants.
« Il n'en est pas ainsi des tromba sataniques. Elles sont toujours entou-
rées de mystère. C'est tout à fait par hasard qu'un jour, dans un village,
sur les bords de la Mahajamba, j'en surpris une vraie, et je reste encore
tirs étonné aujourd'hui d'y avoir été admis : ce fut grâce à l'amitié d'en
chef influent.
« Ledit village était assez isolé dans le fond de la brousse pour que l'on
n'ait pas songé à reporter la cérémonie dans une vallée solitaire ou dans
une clairière de forêt. Sur la grande place, sous une tente immense, faite
de nattes d'osier cousues ensemble, avait été dressée une large estrade de
un mètre de hauteur. Une jeune Sakalave y était assise, 1rs jambes croisées,
à la façon tailleur. Elle regardait avec la plus complète indhfércnce les
Lr'iis qui emplissaient l 'enceinte et qui vociféraient en chœur un court
refrain.
« A sa droite et «à sa gauche se tenaient deux femmes âgées, dont le seul
aspect me rappela soudain les fées de nos vieux contes. Elles en avaient la
I m brune et parcheminée, tendue sur une carcasse d'os saillants de toutes
parts. Leur tenue était à la fois simple et digne : leur allure grave, sans
pédanterie. Elles semblaient avoir conscience d'accomplir une sorte de
ministère sacré. En main, elles tenaient une baguette de palissandre qui
me rappela la baguette magique, et peut-être avec raison, comme on le
verra par la suite. Elles surveillaient quelques cassolettes ou brûlait de
l'encens, et de temps à autre, elles les promenaient sous le nez de la jeune
fille.
a Soudain, les sorcières étendirent leurs baguettes sur rassemblée. Tous
les assistants furent secoués d'un frisson, d'un tressaillement. Le chant
reprit avec un nouvel entrain, un véritable enthousiasme.
« Tout à coup, les deux vieilles firent des passes avec leurs baguettes
devanl le visage et tout autour de la jeune fille. Celle-ci était comme agitée
d'une profonde émotion ; sa poitrine oppressée se comprimait et se dilatait
\iolemment et ses yeux •semblaient implorer la foule, qui, à présent, hur-
lait une prière menaçante.
" Soudain, elle bondit sur ses pieds en criant : « Je snis arrivée. » Tour
les Malgaches, cela signifiait : « L'Esprit est descendu en moi, et c'est lui
« oui désormais vous parlera par ma bouche. »
« I n délire indescriptible s'empara des assistants. Leurs chants et leurs
supplications avaient obtenu la visite de l'Esprit. Une soliste entama d'un
ton vainqueui une sorte d'hymne en son honneur: le chœur entier dm
hommes H des femmes redisait ses paroles, en scandant le rythme de batte-
ment'- de mains.
« Quelle rie l'ut pas alors ma stupéfaction de remarquer que les traits de
la jeune fille re modifiaient à Mie d'œiH Les lignes du visage s'étaient
épaissie- : il me sembla que ses membres devenaient plus gros, sa taille
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE I 89
I !w> grande. .Te me frottai les yeux. >on . je n'étais le jouet d'aucune hallu-
cination : la taille de l'a jeune possédée avait grandi démesurément el elle
ssail di1 la tête au moins les deux mégères.
« i'uis. la 'foule se lut, et l'un des vieillards de l'assemblée prit la parole,
s 'adressant à la jeune fille : « Courage, mon enfant ! tu es bien heureuse
« d'avoir été visitée par l'Esprit.- C'est lui qui est le Dieu créateur ; il est
« noire Ancêtre, nous sommes ses parents. 11 a quitté le tombeau pour nous
<( faire connaître par ta bouche les remèdes qu'il faut appliquer à nos
0 maux, »
« Sur un signe uVs sorcières, une troupe de malades défila devant la
jeune fille, devenue à la fois médecin ri prophétesse. A chacun d'eux, elle
disait (ii sa maladie et les remèdes utiles, ou ses chagrins et ses ennuis,
avec le moyen à prendre pour en être délivré. Elle parlait d'une voix gut-
l maie, brève et saccadée, paraissant donner (les ordres plutôt que des
trns'.'ils. Elle ne regardait pas son patient : ses yeux fixes, immobiles,
étaient perdus dans le lointain, et, à plusieurs reprises, je crus rire le but
de ce regard étrange. J'avais promis de ne rien dire ou faire qui put trou-
bler la cérémonie. Je résolus doue d'attendre la fin.
(( Une fois terminé le défilé des miséreux, les chants reprirent sur un
rythme plus lent et plus grave; Les magiciennes recommencèrent leurs
passes mystérieuses, et, au fur et à mesure, la taille de la jeune fille rede-
venait normale, ses traits se détendaient, ses yeux recouvraient leur expres-
- ; < ► : 1 naturelle. Elle dit enfin : a Je m'en \ais ». L'Esprit était sorti. Aussitôt
une des mégères trempa son doigt dans une assiette remplie de terre blan-
che et en marqua la possédée de tout à l'heure au, 'front, sur le nez et au-
n: s des yeux, pendant que sa compagne remplissait le même office à
l'égard de toutes les 'femmes de rassemblée. La tromba était finie.
<( Dans les jouis qui suivirent, j'eus l'occasion de revoir de temps en temps
l'héroïne de l'étrange aventure : elle avait l'air égaré, les yeux hagards.
J'ai, depuis, souvent remarqué cette expression de visage chez d'autres
femmes, et toujours on m'a dit qu'elles étaient ainsi depuis la tromba. »
F. DE Z.
Concours sur le fétichisme.
La Société d'Archéologie nègre « group' tient privé pour l'édification d'un
Mu ée fétichiste noir », dont le délégué général est M. Guy Romain, nous
prie de signaler à nos lecteurs le concomrs avec prix organisé par ladite
- iélé sur le fétichisme en Afrique noire.
Il ( M util,, d'insister avant tout sur la que. lion ail des peuplades qui
1. lont l'objet des études présentées au concours, tant au point de vue archéo-
logique, que des arts actuels, des ustensiles et des meubles. L'intérêt serait
de fixer les époques des fétiches en même temps (pie leur destination.
Le concours est ouvert pour une année, à dater du 18 'février 191N et les
mémoires devront être adressés à M. Guy Romain, h», avenue (\c V i 11 ici s, à
Paris, qui accusera réception des envois dès leur arrivée. M. B.
ÎQO NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
Les Esquimaux et la Guerre.
M. Macmillan vient de publier dans VAmerican Muséum Journal, vol.
XVII, ii° 3. un curieux article suc les denrées alimentaires des Esquimaux
du détroit' de Smith. Qes peuplades, forcément carnivores, consomment une
grande quantité de viande qu'ils se procurent pendant l'été, et dont la
moitié est ingérée soit crue, soit congelée. L'hiver est souvent une période
de disette.
La guerre a importé jusque dans ces contrées boréales un cruel
ime de restrictions. Les Esquimaux dépendent, en effet, beaucoup du
itailîement par les navires danois, non seulement pour le tabac, 1rs allu-
mettes, les aiguilles, le fil, etc., mai.- aussi, ce qui est plus important, pour
armes à feu, les couteaux, les pièces à ressort d'acier et autres instru-
ments de chasse. La défection des bateaux danois, en 1917, a obligé lis
Esquimaux à 1 éprendre leurs vieilles méthodes et leurs vieux engins, pointes
de trait en es. harpons en ivoire, cordeaux de silex, etc. M. Macmillan
déclare que si la guei-fe dure encore une année dans les mêmes conditions,
tribus seront réduites à un état pitoyable. M. B.
Addenda et corrigenda
Li séries fie mes Mélanges anthropologiques ayant été publiées au
complet dans ce reeueil. je m'empresse de signaler ici quelques omissions
< t erreurs. Les premières, les plus importantes, sont dues à ma propre inad-
\' rtance sans doute ; les secondes, dont je ne signale que les principales,
ni' sont que de simples erreurs typographiques, inévitables dans un travail
ejece genre, surtout quand l'auteur lui-même , se trouve dans l'impossibilité
de cori iger les épreuves.
NOTICE I. CRANES INDONÉSIENS (L'Anthropologie, t. XXIV, i9i3).
P. 656 et 65q. — Il faut ajouter l'indice transverso-vertical de 11 crânes souiii-
banals, .'i bélonais et 1 sikanais ; ru voici les chiffres. Soumbanais : 98.5 ;
99.9 ; 95,0 ; rc-5.8 ; 100.7 ; 92.9 ; 107.7 ; 97-9 ; 97-1 ; 97-° ct 97-1» ^°'li
6 mésosèmes el ."> mégasèmes d'après la nomenclature de Broca, ou 1 hyper-
brachysténocéphale, 7 braiohysténocéphales et 2 hypsisténocéphales d'après
Davis et Welker. Bélonais : 106.9 ; 110.6 et 109.7, ^(,!' tous mégasèmes ou
1 orthosténo, 1 hy psi sténo et 1 hyperhypsisténocéphalê. Sikanais: 101.4.
soit mégasème ou orthosténooéphale.
I'. 661. Substitue/, chez les crânes tinioriens ; leplorhinien pour l'un
d. - platyi hiniens.
NOTICE IL INSI LINDIENS (L'Anihr., t. XXVI, ..j..n. V. afta et M. —
En comparant le tableau des caractères descriptifs des Macassars et des
Boughis, relatif à la forme du visage, avec le- chiffres des largeurs bizygo-
matique el bigoniaque, des difféiencei notables se présentent. On constate,
en effet, que dans un certain nombre de cas des termes connue « moyen »
el " large » ne correspondent guère aux chiffres. Cependant, je ne émis
pas qu'il s'agisse i<-j d'une erreur. Ce i.ui confirme l'opinion pas nouvelle
mm VÉLLBS m ci»hiik.M'(im)\m:i, K)l
d'ailleurs - de M. da Costa Ferreira, qu'en anthropologie, les chiffres ne
traduisent pas toujours l'impression visuelle. Et il en donne des exemples
concluants pour l'indice Eacial. Tout en admettant la justesse de ce que dit
Panthropologisté portugais, je suis de l'avis de M. Verneau: qu'on ne
i aboutir à d<v bons résultats qu'en combinant l'évaluation des carac-
tères à l'œil avec les mesurée (i).
L'indice gonio-zygon^atique des Macassai» et des Boughis ayant étéomis,
i donne 1rs chiffres ici : M. (12 H.) : 76.5 ; 78. 3 ; 78.1 ; 73.9 ; 75.3 ; 78. 3 ;
. -ii : 76.0; s, .7; moy. 76.9. Une femme macassare,
1 B. (-3 H.) 74.6 ; 71. c ; 78.2 ; 71.9 ; 75.0 ; 77. S ; 70.7 ; moy. 74:2.
Kl III. INDIGÈNES DE L'ARCHIPEL TIMORIEN (L'Anthr., t. XXVI,
1915 . — P. 5a3, lisez Bakanasî au lieu de Bakanosi ; p. 54i, Armandville
au Heu d'Armandrllle. 1'. 549, ajoutez les proportions du corps (taille =100)
du chef endettais Bara Nourl et celles du chef roka Anggo Môlô. En voici
I s I liit'fres :
Bara Nouri Anggo Môlô
Haut, tête (vertex-menton) 13.9 1 4 . 1
— (— tragus) 71 7.8
— et tronc ^0.9 07 6
Long, membre inférieur 49.1 49-3
— — supérieur (acromo-médius). 44 .8 44-9
— main 10.6 10. <i
— pied iS. 5 1 G . 4
Grande envergure 10O.2 107.
La r g. épaules 25.5 25.5
P. 55i, lisez Perémadila au lieu de Pcromadite. P. 557, au tableau de
l,i répartition de l'indice céphalométrique, groupe mixte, lisez 1 enfant au
lieu de 11 et 1. La note de la page 556 se reporte au même tableau dudit
upe. P. 507, au tableau du groupement die l'indice nasal, relatif au
groupe mixte, lisez 2 au lieu de 12.
NOTICE IV. POLYNÉSIENS (L'Anthr., t. XXVII, 1916). - P. 395, lisez'
iarapu au lieu de Faiarapu ; p, 898, Atiué au lieu d'Atiné ; p. 4oi, note,
Punarsi au lieu de Punari ; p. 467, Atiû au lieu d'Atin ; p. 409, le chiffre
moyen de la grande envergure des insulaires de Tuamotu (H.) n'est pas
1.875, mais 1.812 ; p. 573, au sujet des proportions d'un indigène de ïua-
motu, Lisez ia.5 au lieu de 43.3 du. sujpér. toi.) et 93.2 au lieu de 93.3.
NOTICE \. MÉLANÉSIENS (Ibid). — P. Ô80, la largeur du nez de l'un
deis Néo-Hébridais n'es! pas Vi. mais \\ ; i>. 55i, l'indice vertical d'un indi-
• Il de la Nouvelle-Bretagne est 75.1 au lieu de 75.0.
NOTICE VI, 1" PARTIE, INDIENS DE L'AMÉRIQUE DP NORD (L'Ânthr.,
t JLXVIII, 1917). — P. 129, lisez VI au lieu de IV ; 676 sujets au lieu de G73
< t i34 enfanta au lieu de 23a. En guise de supplément, il y a ajouter aux
1 \> >-\ i43 lee mesures de la tête de 5 garçons /unis, faisant partie de
(i) Cf. L'analyse d'un mémoire de M. da Costa Ferreira, par M. Verneau dans
VAnthropoloqie, t. XX VU, 1916, p. 465-466.
Ï02 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
ma série de 1888. Leur âge variait, au juger, de 7 à i4 ans environ." En
voie i les mesures :
D. antéro-post. D. transv-max. Imlice céphalom.
Nos 1 179 i54 86.0
2 182 i48 8i.3
3 190 î/17 77.3
4 174 i46 83.9
5 iG4 i55 94.5
Moy. I77-8 100 84-6
P. i/|2, note, lisez Cushing au lieu de Cuthing ; p. i43, au tableau de
la répartition de l'indice céphalométrique, substituez 75.2, 80.2 et 83.2 pour
7Ô.1. 80.1 et 83.3 ; p. 1^7, au tableau de la taille, lisez 1.745 au lieu de 1.746
(moy. de 10 Navàjos) ; p. 100, fig. 7, lisez Apaches Ghiricahuas au lieu de
San Carlos ; p. i54. au tableau des rapports moyens à la taille = ioo, ajoutez
14.9, chiffre de la longueur de pied de 5 Nàvajos (H.), et substituez 10.0,
moy. du même rapport de 4 Yaquis (H.), pour 44-9 ; P- i55, au sujet des
rapports centésimaux de la taille, supprimez « moyenne » après «. 1 Mohave ».
NOTICE VI, 2° PARTIE, id et id. — P. 37i, lisez Quijotoa au lieu de
Quitova ; p. 37^, les chiffres moyens des Papagos, du tableau des mesures,
:e rapportant à 6 H. ; p. 370, un tableau des Pimas (H.), substituez i38,
chiffre se rapportant au diam. transv. max. de la tête, pour i33 ; p. 376,
note 4, lisez 45 ans au lieu de 54 ; p. 377 au tableau des proportions du
corps des Pimos, ajoutez 3 9 . /l comme indice du pied de 4 H. ; p. 387, au
tableau des Maricopos, lisez 119, au lieu de 117, chiffre se rapportant aux
variations de la hauteur nasio-mentonnière.
Dr H. Ten Kate.
Le Gérant : 0. I'oiikk.
AMiK.KS. IMI'HIMKHIK A. BI.'IUHN. — F. GAULTIER KT A. TIIKBKKT, 81GCK9SBURS,
MÉMOIRES ORIGINAUX
DE L'EXTINCTION DU MAMMOUTH
PAR
H. NEUVILLE
C'est l'une des données les plus banales peut-être de la Biologie
générale que le Mammouth était particulièrement apte à sup-
porter de grands froids. Tous les auteurs — paléontologistes
proprement dits, géologues, zoologistes, préhistoriensmême — qui
ont eu à s'occuper de ce témoin des premiers âges de l'humanité,
admettent son adaptation à un climat froid. Et l'on reste surpris
de la faiblesse des arguments avancés à ce sujet, faiblesse que dis-
simule imparfaitement ce grand mot d'adaptation, trop souvent
invoqué comme le fut jadis la virtus dormitiva, et comme le sont
fréquemment encore des entités de même ordre.
Sur cette base, considérée comme indiscutable, de l'adaptation
du Mammouth au froid, se sont développées de nombreuses argu-
mentations, cherchant toutes, au fond, à concilier cette résistance
au froid avec le fait brutal de la disparition de celui qui est
considéré comme en ayant bénéficié, alors que d'autres êtres,
placés dans des conditions identiques, survivaient.
L étude des débris congelés de Mammouths, trouvés en Sibérie,
celle du milieu où ces animaux vivaient et dont les traces se sont
conservées avec les leurs, ont fourni des données intéressantes et
nombreuses, moins puissantes, toutefois, que ne le fut l'imagina-
tion des savants. Les débris végétaux trouvés avec les Mammouths
jettent quelque lueur sur cette question de milieu, sans parvenir,
semble-t-il, à l'éclairer nettement. A ce sujet même, il y a matière
l'atithropoloo i: — p. xxix, — iîtlX-1919. 13
IC)4 H. Ml VILLE.
à discussion. Howorth a admis que la faune et la flore caractéri-
sant ce milieu septentrional sont mélangées d'éléments méditer-
ranéens dont la présence complique le problème (1). Reid soutient
catégoriquement que les plantes trouvées avec les Mammouths
ne peuvent caractériser un climat froid (2). Un fait est en tout cas
évident : les Mammouths de Sibérie moururent dans un milieu
assez froid pour que leurs restes, congelés dès la mort, se soient
tant bien que mal conservés jusqu'à nous.
Tout en admettant que ces Proboscidiens étaient particulière-
ment résistants au froid, il a donc fallu chercher des causes
susceptibles de venir à bout de cette résistance. La seule explication
qui, à première apparence, soit satisfaisante à cet égard, est celle
que fournirent les Cuvier et les d'Archiac, et que Howorth a
reprise; elle consiste à admettre l'apparition d'un froid intense
et subit, assez vif pour avoir fait périr sur place les Mammouths, en
même temps que quelques autres Mammifères dont l'un des plus
connus est le Rhinocéros lichorhinus, et assez persistant pour en
avoir conservé les cadavres. Comme cette supposition de cata-
clysmes glaciaires soudains s'appuyait sur d'autres arguments
que la disparition de quelques animaux, il arriva que l'hypothèse
relative à cette disparition devint partie intégrante d'une théorie
d'ensemble sur certains grands phénomènes géologiques de l'ère
quaternaire : transport de blocs, dépôts d'alluvions, etc, théorie
admettant essentiellement une catastrophe diluvienne, en un ou
plusieurs actes, accompagnée d'un froid intense, subitement
étendu sur de vastes espaces et y provoquant un ensemble de
phénomènes dont l'un aurait été l'extinction brutale de la vie, au
moins pour certains Mammifères.
Actuellement, cette théorie n'est plus défendue, que je sache.
En ce qui concerne le Mammouth, on admet que tout en étant
capable, grâce à son épaisse fourrure, de résister au froid, il
succomba « parce que l'invasion du froid sec fit périr la végétation
qui le nourrissait » (de Lapparent). Détaillant un peu plus la
question, il a été admis que le Mammouth aurait vécu en France,
en Angleterre et en Allemagne sous un climat froid et humide
(second âge pleistocène de Lapparent), laissant subsister une
végétation suffisant à le nourrir, et où son extinction serait
(i)Geoloffical Magaiim , t. VIII, 1881, p. 310.
(2) Ibid., p. 505. '
mi i ex i i\< i n>\ ni m \m\ioi nr. 190
l'œuvre de l'homme (Reid) (1), tandis qu'en Sibérie il eût été
victime du manque de nourriture provoqué par l'aggravation du
froid, rien ne prouvant que l'extinction ait été simultanée dans
les diverses régions où vécut le Mammouth (2).
Ces explications ne sont pas convaincantes.
Tout d'abord, il est malaisé d'admettre que l'extinction du
Mammouth ait été, en quelque lieu que ce fût, l'œuvre de l'Homme,
non plus, d'ailleurs, que celle des fauves. De même que les
Eléphants actuels, le Mammouth ne devait pas se connaître
d'ennemis vraiment dangereux parmi les fauves ; et, de même que
les procédés de chasse primitifs des indigènes africains n'eussent
jamais, semhle-t-il, été susceptibles d'aboutir à l'extinction des
Eléphants d'Afrique (3), ceux des chasseurs de l'âge de la pierre
n'ont vraisemblablement jamais réalisé l'extermination des Mam-
mouths sur la totalité de territoires étendus.
Infiniment plus recevable est l'hypothèse d'une diminution de
la nourriture. Comme le disait Georges Pouchet, la lutte est plus
encore entre l'herbivore et l'herbe qu'entre le carnassier et
l'herbivore. Cependant, avec les débris congelés des Mammouths
»'t des Rhinocéros de Sibérie, se retrouvent les traces d'une
végétation relativement abondante, dont M. de Lapparent a
expliqué la présence en admettant que le climat sibérien était
alors plus humide et plus océanique, fait dont il fournit du reste
une explication géographique; ce même auteur rappelle en outre
que malgré la rudesse du climat et la pauvreté des pâturages, il
existe d'immenses troupeaux d'herbivores sur les hauts plateaux
tibétains. Notons que la végétation sibérienne d'alors était arbo-
rescente jusqu'au 74e parallèle (von Toll : îles Liakhow), et que
la végétation arborescente est justement celle qui convient aux
l'roboscidiens d'après ce que nous apprend la nature actuelle (4).
La coïncidence entre une raréfaction de la nourriture et l'extinction
'1rs Mammouths reste donc hypothétique, et ceux-là même qui
(1) Geo/. Mag. t. IX, 1882, p. 44.
(2) Ibid.
(6) L'Éléphant, disent 1rs traditions abyssines, a tué plus d'hommes que l'Homme
n'a jamais tué d'éléphants.
(4) A l'état de liberté, les Éléphants recherchent l'herbe, mais le fond deleurnour-
ritm .nstitué par les jeunes branches et les jeunes pousses ; nussi les forêts peu
- ou les hautes brousses, dans lesquelles ils peuvent se mouvoir et se nourrir
ment, sont-elles pour eux, avec quelques variantes entre les Eléphants d'Afrique
et ceux d'Asie, des habitats de prédilection.
tgfi ît. NEUVILLE.
expliquent celle-ci par celle là fournissent des arguments contre
leur hypothèse. Une disette progressivement aggravée, peut avoir
contribué à faire dégénérer l'espèce, à diminuer le nombre de ses
représentants et finalement à les faire disparaître ; mais il est
impossible d'admettre, à moins d'en revenir à la supposition de
cataclysmes subits, que les Mammouths se sont laissés individuel-
lement mourir de faim sur le sol glacé qui conserva leurs restes.
Il n'est pas exagéré de conclure de tout ce qui précède que la
question des causes de la disparition du Mammouth reste ouverte,
aussi bien quant ta l'extinction générale de l'espèce qu'en ce qui
concerne les cas particuliers, si nombreux, où la mort survint
dans des conditions telles que les cadavres furent immédiatement
congelés.
C'est sans me proposer de résoudre cette question que j'entrepris
il y a quelques années, l'étude des téguments du Mammouth. Je
m'étais précédemment familiarisé avec l'étude anatomique des
Eléphants. Le Laboratoire d'Anatomie comparée du Muséum ayant
alors reçu un fragment, fort bien conservé, de peau de Mammouth,
je fis, dans ce fragment, quelques coupes histologiqucs. A
quelque temps de là, M. Boule voulut bien me confier, pro parte,
l'étude du Mammouth que le comte Stenbok-Fermor venait
d'offrir au Laboratoire de Paléontologie ; ce me fut l'occasion
d'examiner déplus près les questions relatives au Mammouth, et les
lecteurs de Y Anthropologie ont déjà eu connaissannce des recher-
ches que je fis avec M. Gautrelet sur le sang de cet animal (I ).
Les données relatives au tégument m'ont paru spécialement
instructives. Elles fournissent des faits incompatibles avec les
opinions régnant quant à cette adaptation au froid à laquelle je
faisais ci-dessus allusion. Je résumerai simplement les points
essentiels de ces faits, renvoyant pour plus de détails à deux
notes déjà publiées (2).
La figure 1 représente le fragment de peau reçu par le Labora-
toire d'Anatomie comparée. On y distingue facilement deux
sortes de poils, que je considère, sans m'arrêter aux discussions
auxquelles ont donné lieu les distinctions à établir dans le revê-
(1) L'Anthropologie, T. XXVI (1915), p. 298.
(2) H Neuville. Du tégument des Proboscidiens. Bull, du Muséum d'Hist. nai., 1917,
n° G
Id. Sur quelques particularités du tégument des Éléphants et sur les comparaisons
.u'elles suggèrent, lbid., 1918, n° ii.
\<n
A
Cîutracl j< li <>( .
Fie 1. — Fragment de peau de Mammouth,
En A, coupe perpendiculaire, à la surface. — En V>, surface montrant le revêtement pileux
(jarre et bourre). Ciandeur naturelle.
(Collection d'Anatomie comparée du Muséum, n° 1911-32).
DE i Y\ riM i ion Dl m \mmoi nr, If^
tement pileux des Mammouths, comme représentant simplement
îles jarres, longs et clairsemés, et une bourre, très fournie. On y
voit aussi l'épaisseur atteinte par le derme, formant un lard.
11 est nécessaire, pour comprendre la signification de ces
dispositions, de les comparer à celles que présentent les Élé-
phants, qui, eux, vivent dans la zone tropicale, et pour lesquels
il ne saurait être question d'adaptation au froid. La figure 2 met
en évidence les caractères essentiels de la peau des Éléphants.
Peu de poils s'y observent; abondants sur le jeune, qui, à la nais-
sance, est recouvert d'un duvet uniforme, assez clairsemé pour
que le grain de la peau reste facilement visible, il s'éclaircissent
ensuite, en môme temps que se différencient du jarre et de la
bourre. Sans jamais former une fourrure épaisse, ces poils sont
souvent beaucoup plus fournis, sur les sujets vivants en liberté,
que ne le laisseraient à supposer les Éléphants de ménageries. Le
derme est ici tout aussi épais et tout aussi lardacé que sur les
Mammouths.
Ce qui frappe surtout, dans la peau des Éléphants, c'est le
caractère verruqueux de 1 epiderme. Tandis que Tépiderme des
Mammouths est à peu près lisse, celui des Éléphants, d'Afrique
ou d'Asie, est très grossièrement rugueux. Les papilles dermiques
de ces derniers Proboscidiens sont recouvertes d'un puissant
revêtement épithéliaî, où la zone cornée prend une extension
prédominante, et chaque papille reste individualisée de telle sorte
({lie le revêtement cutané présente un aspect chagriné, ou plutôt
franchement verruqueux; cet aspect, plus ou moins accentué
suivant les régions du corps, n'existe pas encore sur le nouveau-
né, dont le grain de peau paraît identique à celui du Mammouth,
et s'accentue ensuite progressivement. La figure 3 rend cette
structure manifeste. J'ai appelé l'attention sur la nature de ces
faits, telle qu'elle ressort de comparaisons anatomo-patholo-
giques qui, seules, me semblent permettre d'en comprendre la
signification : la peau de l'Éléphant adulte forme un vaste
papillome corné, primitivement apparu, selon toute vraisem-
blance, sous l'action des phénomènes iritatifs (1) inhérents au
fi) Le front, la partie antérieure de la trompe et la partie inférieure des membres
présentant ce caractère à un. état particulièrement accentué. Or ce sont ces parties
qui sont le plus exposées aux heurts et aux frottements avec les arbres et la brous-
:n effet en forçant avec leur front que les Eléphants viennent à bout de
la résistance d'obstacles que la trompe ne peut arracher; c'est la partie antérieure
300 H. NEUVILLE.
milieu dans lequel vivent les Éléphants, et favorisé par un caractère
spécial, commun aux Eléphants et au Mammouth, qui est l'absence
de glandes cutanées : pas plus qu'aucun des précédents auteurs,
je n'ai pu trouver ici ni glandes sudoripares ni glandes sébacées.
Il n'y a pas lieu de croire que la régression de la pilosité, chez
les Éléphants, a été accompagnée, ou même aurait été causée,
par la disparition préalable des glandes sébacées, dont la présence
est considérée comme liée, sauf de rarissimes exceptions, à celle
des poils, à tel point que ces glandes sont même considérées
comme dépendances de ceux-ci. Sur le Mammouth aussi bien
que sur l'Eléphant, le poil existe sans son annexe habituelle : la
glande sébacée, et si ce poil est très clairsemé sur les Eléphants
actuels, il était par contre, sur les Mammouths, aussi développé
qu'il pouvait l'être : il n'y a donc, ici, aucune relation entre
la diminution du revêtement pileux et la disparition des glandes
sébacées. Je renvoie, pour plus de détails sur toutes ces données,
aux deux notes ci-dessus indiquées.
Nous voici donc en présence de deux animaux zoologiqnement
très voisins : le Mammouth et l'Éléphant, dont l'un vivait sous
des climats rigoureux et dont l'autre est actuellement confiné à
certaines parties de la zone torride. Le Mammouth, dit-on, était
protégé du froid par sa fourrure et l'épaisseur de son derme. Or
le derme, je l'ai dit et les figures ci jointes le prouvent, est
identique dans les deux cas ; il serait donc difficile d'attri-
buer un rôle particulièrement adaptatif à celui du Mam-
mouth. La fourrure, beaucoup plus fournie, il est vrai, sur les
Mammouths que sur aucun des Eléphants actuels, n'existe cepen-
dant qu'à un état très particulier, qui est foncièrement identique
sur les uns et les autres de ces Mammifères. Examinons les consé-
de la trompe qui vient le plus directement au contact des broussailles ; pour la partie
inférieure des membres, les causes d'irritation sont encore plus manifestes; enfin,
la queue, où l'hypertrophie papillaire est particulièrement forte et revêt même des
caractères spéciaux, est sans cesse en mouvement et subit ainsi des actions irritatives
auxquelles elle réagit comme l'ensemble des téguments, mais avec acquisition de
caractères encore plus accentués. L'adaptation n'est pas ici un vain mot : on en con-
naît les causes (actions irritatives), on en discerne la nature {réactions kératosiques),
on voit apparaître les caractères spéciaux qu'elle engendre (dispositions papilloma-
teuse.s), on en suit les progrès, gradués suivant l'usage fait et les actions subies par
chaque région du corps; enfin, l'on se rend facilement compte de l'utilité que pré-
sente, pour des animaux dont la peau est foncièrement très sensible, l'hypertrophie
du revêtement corné, hypertrophie qui ailleurs est pathogène, mais se régularise
ici et réalise une protection contribuant à assurer la persistance de l'espèce.
bf
Cimr.irt phot.
2. — Fragment de peau d'une jambe antérieure d'Éléphant d<- l'Inde.
En A. coupe perpendiculaire à la surface, montrant les rapports du derme avec l'épiderme; le
derme, blanchâtre, épais d'environ 2 centimètres, est surmonté d'un épiderme noirâtre,
épais d'environ 1 millimètres; la couche cornée, formée de digitations étroitement jnxlapo-
sées, perpendiculaires à la surface du derme, constitue la presque totalité de ces 7 milli-
mètres. — En B, face superficielle du derme, après enlèvement de l'épiderme. — En C,
face profonde de l'épiderme. Grandeur naturelle.
(Collections d'Anatomie comparée du Muséum, n° A. 57'.'8.
DE i i \ i IN< NON DU M wniui i ir.
ao3
qaenoea de cet état particulier, consistant, je le répète, en
l'absence de glandes cutanées.
pIG. 3. — Coupe dans la peau d'une jambe antérieure d'Éléphant d'Afrique
(Gross. : 10 diam.).
e, papilles épidermiques hypertrophiées, — p, zone papillaire du derme, — ?', zone
réticulaire du derme, — g, gaine externe d'un poil.
Le rôle physiologique de ces glandes est fort important (1). Il
(1) A toutes fins utiles, je mentionnerai que d'après la doctrine régnante, celles
. l'effet du sébum serait de lubrifier le poil, en le protégeant ainsi contre la
dâfigrégation, et celui de la sueur d'imprégaer l'épidémie d'un liquide huileux, le
protégeant, lui aussi, contre la dessication et la désagrégation. En réalité, l'épancbe-
ment du sébum à la surlace de la peau, si facile à observer dans l'espèce humaine,
surtout dans certain cas de calvitie où il arrive à être excessif, contribue également
à protéger le tégument. En l'absence de sébum et de sueur, la seule imprégnation
graisseuse de l'épiderme est cille qui résulte de l'élaboration propre des cellules épi-
derm que*; cjtte élaboration reste, en tous cas, très spéciale et très limitée, et l'ab-
sence de sécrétions glandulaires nMt le tégument dans un état de moindre résistance
bien connu en dermatologie.
0()'| II. NEUVILLE.
est presque superflu de rappeler que l'imprégnation sébacée com-
munique à l'ensemble de la fourrure ses propriétés isolantes et
achève de donner à chacun de ses éléments, les poils, une imper-
méabilité grâce à laquelle ils résistent avec la force que l'on
connaît aux actions désagrégeantes, notamment à celles des
agents atmosphériques. Chacun sait à quel point la présence du
suint, produit par les glandes sébacées, rend la laine résistante
et isolante, et à quel degré la privation totale de cette matière
grasse diminue les qualités des étoffes laineuses. L'anatomie
comparée fournit d'ailleurs, quant au rôle de cette imprégnation,
des renseignements instructifs. Très rares sont les Mammifères
privés de glandes sébacées : les Unaus (Cholœpus) de l'Amérique
centrale et méridionale, les Taupes dorées d'Afrique (Chysochlo-
ris) sont dans ce cas ; or on sait, notamment, que les Unaus sont
particulièrement sensibles, dans leur pays même, au froid et à
l'humidité.
La fourrure tout-à-fait spéciale du Mammouth ne réalisait
ainsi, contre le froid, qu'une protection précaire, analogue à celle
dont jouissent actuellement quelques Mammifères de la zone tro-
picale. Son derme était, il est vrai, très épais ; pas plus, cepen-
dant, que celui des Éléphants actuels II me semble impossible de
trouver, dans l'examen anatomique de sa peau et de sa fourrure,
aucun argument en faveur d'une adaptation au froid. Il a été
considéré que la réduction de ses oreilles, épaisses et très petites
par rapport à celles des Éléphants, était le résultat d'une telle
adaptation ; ce caractère peut en effet être retenu dans ce sens :
les oreilles, si grandes et si minces, de nos Éléphants, seraient
vraisemblablement très sensibles à l'action du froid. Mais on a
également voulu voir, dans l'adiposité et la forme en clapet de la
queue du Mammouth, un caractère adaptatif du même ordre;
c'est cependant avec les moutons stéatopyges, animaux des
régions chaudes, vivant jusqu'au centre de l'Afrique, que le rap-
prochement s'impose quant à ce dernier caractère.
Ce n'est donc que grâce à des comparaisons toutes superfi-
cielles, ne résistant pas à une analyse quelque peu approfondie,
que le Mammouth a pu être considéré comme adapté au froid. De
par la nature spéciale de son revêtement pileux, il était au
contraire, à ce point de vue, en état d'infériorité.
D'autres causes d'infériorité peuvent en outre lui être assi-
gnées.
DE L'F.XTINCflÔN D1 MUlMiUTII. 20D
Tels sont les caractères spéciaux de ses défenses. Généralement
très grandes, démesurées même, ces défenses présentaient, le plus
fréquemment semble-t-il, une courbure si accentuée que sur bon
nombre de sujets les pointes en étaient dirigées dans un sens tel
(en arrière ou par côté) que Ton voit mal à quoi elles eussent pu
servir; plutôt que des armes efficaces, elles paraissent n'avoir été
que des accessoires encombrants (1).
(1) Ainsi amené à aborder ce sujet particulier, je crois nécessaire de me livrer à
une digression quanta l'usage des défenses des Proboscidiens.
Il a été nié que ces défenses soient de véritables armes. Il a même été avancé
qu'elles ne seraient, pour les Éléphants, que des sortes d'outils leur servant à se
frayer un chemin à travers l'épaisseur des forêts, et que les pointes de ces dents à
croissance continue s'émoussant à un tel travail, leur développement normal se trou-
verait ainsi limité, à la façon de celui des incisives des Rongeurs. Dans cette hypo-
thèse, on concevrait que le développement démesuré des défenses des Mammouths
1 uisse résulter de ce que ces animaux eussent vécu dans des régions où la végétation
forestière était trop peu dense pour offrir des causes suffisantes d'usure régulatrice.
Cette argumentation est ingénieuse; je ne la crois pas, toutefois, conforme à la
stricte réalité, et je demande à mes lecteurs la permission d'entrer ici dans quelques
détails qui, éclairant l'éthologie des Proboscidiens actuel-, aideront aussi à mieux
connaître celle des formes disparues.
Les Eléphants usent leurs défenses volontairement, en les frottant à cette fin contre
des arbres, par une manœuvre comparable à celle des Félins faisant leurs griffes.
Les défenses ainsi aiguisées (elles sont souvent tout à fait pointues, ou terminées par
une sorte de biseau tranchant) sont des armes très efficaces et dont les Éléphants
usent fréquemment. De par leur position, elles ne peuvent cependant servir le plus
efficacement que contre des animaux ayant à peu près la taillede ceux mômes qui portent
armes, aussi servent-elles surtout, concurremmentavecla trompe, dans les luttes
que se livrent entre eux les Eléphants. Ceux-ci, et particulièrement les mâles, sont
assez corabattifs. On est ainsi amené à considérer les défenses comme étant avant tout
des armes sexuelles ; ce sont en effet les mâles qui eu sont le mieux pourvus. 11
semble rare que les Eléphauts se servent de leurs défenses contre des êtres plus
petits qu'eux. De ceux-ci, le principal, le seul même sauf de rares exceptions (fauves
atl.iquaut des jeunes), qu'ils aient à combaltre, c'est l'Homme. On ne sait que trop
comment ils se comportent vis à vis de lui : le chargeant, la trompe repliée entre les
défenses jusqu'à ce qu'ils soient tout contre leur chasseur, devenu leur victime, ils
le saisissent alors de leur trompe, brusquement étendue, et, le piétinant en même
temps, l'écrasent et arrivent même parfois à Yécarteler ; il arrive aussi que, le préci-
pitant à terre, ils le percent de leurs défenses.
L°s Éléphants se servent parfois de ces organes pour fouir superficiellement: je ne
crois pas qu'ils puissent s'en servir comme d outils pour se frayer un passage à travers
les forêts. Il est vrai que les Éléphants domestiques s'aident de leurs défenses, lorsqu'elles
sont suffisantes, pour certains travaux, par exemple pour commencer à soulever une
poutre reposant sur le sol et qu'ils enlacent ensuite de leur trompe; mais on voit mal
quel en serait l'usage contre des arbres. Lorsqu'un Eléphant veut arracher ou briser un
arbuste ou un arbre, si sa trompe ne suffit pas, il appuie sur l'obstacle du front ou de
l'épaule (surtout du front), et,pesant ainsi de tout son poids, il agit plusefficaeementqu'à
coups de défenses et sans risquer de briser celles-ci, qui sont assez fragiles. Il convient
aussi de se remémorer que, bien que très nomades, les Éléphants suivent, normale-
ment au moins, des pistes constantes, non seulement débroussaillées par leur passage
20() 11- M I \ n 1 1 .
Tels sont encore des caractères, mal connus, je crois, jusqu'ici,
et que je vais résumer. Si le Mammouth n'a pas présenté les
réactions kératosiques donnant à l'épiderme des Éléphants actuels
sa structure verruqueuse, vraiment caractéristique, il n'en semble
pas moins avoir subi, lui-aussi, quelques réactions de même
nature, très localisées il est vrai, et qui, au lieu de réaliser une
adaptation, c'est-à-dire au lieu de présenter une utilité, étaient
inadaptatives au plus haut point. Déjà, Tilésius avait remarqué
sur un Mammouth du Musée de Saint-Pétersbourg, que les soles
plantaires étaient « comme dilatées et foulées par le poids du
corps, en sorte qu'elles remontent sur les bords du pied et les
recouvrent », et Cuvier (1), à qui j'emprunte cette citation, rap-
pelle avec beaucoup d'à-propos qu'il y avait « quelque chose de
semblable dans l'Éléphant de la Ménagerie de Versailles, décrit
par Perrault ». En règle générale, la sole du pied des Éléphants
tend à se rebrousser en arrière, de façon à former, du côté
opposé à celui qui porte les ongles, un léger bourrelet. Ce carac-
tère peut s'accentuer anormalement sur les sujets vivant en
ménagerie; d'après la description et la figure données par Per-
rault (2), il semble bien que tel ait été le cas de celui qu'il
décrivit, et il est intéressant de voir que « quelque chose de sem-
blable » puisse être présenté par un Mammouth.
J'ai observé, à la périphérie des soles plantaires du Mammouth
habituel, mais présentant, en saisons sèches, un aspect remarquablement uni, damées
qu'elles sont par les larges pieds de ces gigantesques animaux (j'ai surtout ici en vue
l'Eléphant d'Afrique).
Enfin, il arrive parfois que les défenses d'Éléphants présentent des anomalies de
courbure dont certaines rappellent ce que présentaient les Mammouths ; j'en ai
représenté de cette sorte (M. de Kothschild et H. Nkuvillb. Sur une dent d'origine
énigmatique. Archives de Zoologie expérimentale, t. VII, 1907). Pour les Mammouths,
l'anomalie tendait à devenir la règle, et cela, peut-être, par suite de l'absence ou
de la rareté d'arbres assez forts pour ser\ir à la manœuvre d'usure que je signalais ci-
dessus. Mais de ce dernier argument on ne saurait tirer aucune preuve quant aux
caractères de la végétation : il est avéré que les Mammouths de Sibérie ont vécu
au milieu d'arbres d'une certaine taille, de bouleaux par exemple, et l'on peut voir
parfois sur leurs défenses quelques traces de l'usure dont je parlais ci-dessus, pro-
duite par frottement volontaire contre des arbres.
Ouoi qu'il en soit, les défenses des Mammouths ne devaient être, je le répète, que
des accessoires plus encombrants qu'utiles. S'il n'y a pas là un l'ait de véritable dégé-
nérescence, le résultat n'en a pas moins dû être plutôt nuisible que favorable à la
conservation de l'espèce.
(S) (tssements fossiles, .le otte d'après la 4' édition, t. Il, Paris, 183i, p, 2M.
(2) Description anatomique d'un Eléphant mile. Mémoires de tAcaâémU royale des
Hciences. t. III, 3' partie (11)1), p. 91-15H (voy. p. 103-101 cl pi. XIX).
DE il \ i i\< i ion ni ftfAMMOl TH. 2°7
offert au Muséum par le comte Steubok-Fermor, non pas un sim-
ple bourrelet, mais des excroissances cornées formant des sortes
d'ongles surnuméraires, démesurément longs, parfois rebroussés,
coexistant avec de vrais ongles et leurs ressemblant à tel point qu'il
peut être relativement difficile (Je les en distinguer. J'ai en outre pu
faire, sur an Éléphant d'Asie ayant vécu à la Ménagerie du Muséum
de Paris, nue observation corroborant celle de Perrault et me per-
mettant d'assimiler sans hésitation ces anomalies des Éléphants
de ménageries à celles que présentaient les Mammouths (1).
La présence des bourrelets ou des excroissances cornées qui
entouraient ainsi les soles plantaires de ces derniers Proboscidiens
devait, surtout au degré excessif montré par certains sujets, gêner
singulièrement la marche, même en terrain presque dénudé, et la
rendre à peu près impossible en terrain broussailleux. La difté-
rence est grande entre ces dispositions, que l'on peut, je crois,
qualifier de maladives, et les caractères adaptatifs que présentent
certains Ongulés habitués à vivre dans des régions marécageuses,
(t) Ici encore, je crois devoir me livrer à une digression relative aux termes de
comparaisons fournis par les Eléphants actuels.
Chez ceux-ci, le nombre des ongles est soumis à de fréquentes variations indivi-
duelles. 11 est classique — mais erroné — d'admettre que l'Eléphant d'Afrique possède
quatre ongles aux pieds antérieurs et trois aux pieds postérieurs, tandis que l'Elé-
phant d'Asie en possède cinq aux premiers et quatre aux seconds. Ces nombres ne
son) pas constants. Surtont chez l'Éléphant d'Asie, mieux connu que son congénère
africain, il peut exister quatre ongles «î chaque pied, ou cinq, ou quatre en avant et
Cinq en arrière contrairement au type admis. Aristote, observant les rapports de ces
ongles avec les doigts, avait avancé que ce ne sont pas de vrais ongles ; cette man ère
de voir peut s'appliquer surtout aux ongles surnuméraires que l'Éléphant présente
parfois, de même que le Mammouth. La description, déjà citée, de Perrault, est très
instructive à cet égard : l'Éléphant de Versailles (originaire du Congo) présentait de
telles productions pseudo-unguéales, ayant jusqu'à treize pouces de long, et « tournés
d'une façon fort bizarre » ; « on avait été obligé, ajoute Perrault, de les scier,
parce que cette excroissance embarrassait l'Éléphant en marchant » {loc. cit., p. 104).
Dans le cas de ce genre que j'ai observé sur un Éléphant d'Asie, les ongles, de même
que sur le Mammouth, présentaient une paroi irrégulière, portant des bourrelets
transversaux, très inégaux, dont la présence et les caractères attestaient une crois-
sance faite par à-coups; cette partie n'était pas, à proprement dire, hypertrophiée,
sinon en longueur; celle qui est dite kérapkylle s'étendait de la base jusqu'à l'extré-
mité de 1 ongle. Le tout port lit les marques d'un développement désordonné et non
- d'une simple hypertrophie. Les productions ainsi formées, sont — j'y insiste, —
tout à fait inadaptatives.
Encore une fois, de telles anomalies, poussées à de tels points, sont, pour l'Élé-
phant, le résultat de la vie en ménagerie, tandis que pour le Mammouth de Sibérie
••Iles étaient naturelles, liées, vraisemblablement, à des conditions particulières d'ha-
bitat, auxquelles il était incapable de réagir par acquisition de caractères adaptatifs
et qui ont fini par entraîner sa disparition.
20S Iî. NEUVILLE;
les L?m?iotragus par exemple. C'était là, pour les Mammouths,
une cause d'infériorité qu'il me semble nécessaire de signaler.
Devant l'ensemble des conditions ainsi énumérées, est-il encore
possible de considérer le Mammouth comme ayant subi une
adaptation lui conférant une résistance particulière aux rigueurs
de l'habitat sous un climat glacial ? Je ne le crois pas.
S'il avait pu fuir devant l'invasion du froid et gagner des
régions tempérées ou chaudes, peut-être y aurait-il survécu, tout
comme les Eléphants actuels dont il s'avère, dans l'ensemble, si
proche parent. Mais il n'avait probablement pas la faculté d'adap-
tation que nous voyons exister chez les Eléphants et dont nous
pouvons analyser d'importants détails. N'ayant pu, pour des
motifs dont la recherche m'échappe, abandonner des régions
devenues pour lui particulièrement inhospitalières, le Mammouth
a peut-être subi les effets d'une alimentation devenue de plus en
plus difficile de par l'appauvrissement graduel de la végétation.
Il a, en tout cas, subi d'une manière tout spécialement inexorable
les atteintes du froid, contre lequel il était mal protégé. Dans l'en-
semble, ce froid a dû faire dégénérer l'espèce; en outre, les acci-
dents individuels qu'il provoquait devaient être fréquents.
On a cherché à approfondir les causes de la mort de certains
des sujets retrouvés congelés. Des traumatismes, provoqués par
chutes dans des fondrières ou par des éboulements, ont
certainement entraîné la mort de maints de ces sujets. Le Mam-
mouth de la Beresowka en offre, semble-t-il, un bon exemple : des
fractures multiples, avec ruptures vasculaires et larges hémorra-
gies, le tout semblant indiquer un choc violent, comme celui que
produit la chute d'un lieu élevé, ont pu être observées sur lui dans
des conditions ne paraissant pas laisser prise à la critique.
Brandt avait cru pouvoir soutenir, en 1846, d'après l'état, et
notamment d'après la coloration, du contenu des vaisseaux
sanguins de la tête d'un Rhinocéros lichor/rinus, trouvé dans des
conditions identiques à celles où Ton retrouve les restes des Mam-
mouths, que cet animal était mort asphyxié. On s'est basé sur cet
exemple pour attribuer à l'asphyxie par immersion la mort des
Mammouths retrouvés de nos jours et voir là une preuve de
cataclysmes diluviens. Des accidents mortels, par immersion dans
l'eau ou enlisement dans la vase, ont pu être fréquents, sans
d'ailleurs qu'il soit nécessaire de les considérer comme liés à des
cataclysmes. Remarquons toutefois qu'ici encore ce sont des
Dl l EXTINCTION DU M.VMMOI I II . :>(><)
apparences illusoires qui ont fourni matière à explication. Il a été
autrefois attribué une importance capitale à la coloration lu sang
pour déterminer la mort oar asphyxie; certains vieux Maîtres de
la médecine légale ont été imbus de cette notion, que Brandt
appliquai! à son Rhinocéros. Mais il est maintenant prouvé, pour
l'Homme, que « s'il peut exister quelque dilïérencc de coloration
(du sang) au moment de la mort, d'un genre de mort à l'autre,
cette diiïérence s'efface dans le temps qui s'écoule entre la mort
et l'autopsie » (1) : les congestions locales elle-mêmes n'ont pas
plus de valeur caractéristique Je rappellerai en outre que l'état
du sang, tel que Gautrelet et moi l'avons décrit chez un Mam-
mouth [loc. cit.), ne permet que des investigations fort limitées.
Les cadavres des Mammouths sont loin d'être retrouvés en
parfaite conservation ; il n'en est généralement exhumé que des
lambeaux, où la peau, la chair et les cartilages sont parfois dans
un état apparent de fraîcheur; quant au reste, il est détruit pu
profondément altéré. Gléboff (1846), avait cru y retrouver, notam-
ment, des globules sanguins et des éléments nerveux : mais ces
globules n'étaient que poussières, et ces éléments nerveux que
fragments mycéliens de^champignons saprophytes.
Toutes les causes banales de la mort par le froid ont dû agir
sur le Mammouth. La neige, les pluies glaciales, pouvaient péné-
trer la fourrure singulière dont il était revêtu ; celle-ci devait
alors se transformer en un véritable manteau de glace, non point
seulement d'une manière superficielle, mais jusqu'au contact
immédiat de l'épiderme, dépourvu lui-même de la protection si
efiicace réalisée ailleurs par l'épanchement continuel du sébum et
de la sueur.
Enfin, il ne me semble pas que Ton puisse considérer le carac-
tère fondamental de la peau du Mammouth, c'est-à-dire l'absence
de glandes cutanées, comme développé progressivement dans
cette espèce, dont les premiers représentants eussent été, dans
celte hypothèse, mieux protégés que les derniers. Nous voyons
exister le même caractère sur les Éléphants actuels; il doit être
fort ancien et a dû apparaître au fur et à mesure que s'effectuait
la différenciation du type Proboscidien, comme ont dû le faire
également d'autres caractères si spéciaux, si aberrants même,
dont le plus étrange est, je crois, cette oblitération des cavités
Thoinot. Précis de Médecine léjale. Paris, 1913, 1er vol., p. 615-616.
l'aythkopologie. — t. xxix. — 1918. — 1919. 14
II. M I \ I ' l l
pleurales que présentent normalement dès la naissance (les fœtus
ne la présentent qu'assez tard) les Eléphants d'Afrique et d'Asie,
et qu'ils sont seuls à posséder, quelle que soit l'extension que l'un
ait tenté d'attribuer à ces dispositions.
En résumé, tant que le milieu extérieur fut assez clément pour
permettre au Mammouth de ne point soutïrir des causes d'infé-
riorité dont il était frappé, l'évolution de l'espèce a pu s'accom-
plir non-seulement sans encombre, mais avec assez de puissance
pour avoir passagèrement assuré le règne de ces sujets dont la
taille gigantesque a peut-être atteint celle des plus formidables
Eléphants actuels, qui peuvent mesurer près de 4 mètres au gar-
rot (I). Quelle différence entre de tels sujets et celui qu'ont
(1) M. Boule me fait remarquer à ce sujet qu'il convient de n'accepter qu'avec les
plus grandes réserves certains renseignements attribuant.au Mammouth une taille
gigantesque. La question »aut qu'on s'y arrête, et, pour la trancher dans la mesure
du possible, je crois devoir fournir ici quelques données numériques.
Il a été autrefois admis que le Mammouth pouvait dépasseï 5 mitres au garrot et
porter des défenses longues de 7 mètres, pesant chacune près de 200 kilogrammes;
il semble qu'il y ait eu là une pari d'exagération, et en certains cas meme.de confu-
sion entre 1 E. primigenius et d'autres Probescidiens disparus. En opposition avec ces
exagérations, il a été avance que la taille du Mammouth ne devait pas excéder celle
de l'Éléphant d'Asie actuel (\Voouwaiu>. Oui/mes oj Paiaeontology. Cambridge, 189S,
p. 307 : « T/te txtinct species (Mammouth) does not appear lo hâve e.rceeded tlie
modem mdian Eléphant in sizt; »). La taille maxima, au garrot, de cette dernière
espèce est d'environ 2m,90, maximum très rarement atteint d'ailleurs. D après leurs
squelettes montés, le Mammouth d'Adams, provenant de l'embouchure de la Léua
mesure un peu plus de 3 métro au garrot, et celui du comte Stenbok-Fermor, pro-
venant des îles Liakhow, c'esl-a-dire d'un gisement un peu plus septentrional, ne
mesure que 2m,fi0.
Mais il est incontestable que d'autres Mammouths (je n'envisage ici que ceux des
Mammouths de Sibérie que l'on retrouve actuellement congelés) atteignaient une
taille supérieure. Laissant de côté tous renseignements (pie je ne pourrais, appuyer
de mensurations authentiques, je me bornerai à signaler quelques données fournies
par les dimensions des défenses.
Il n'y a pas de rapport constant entre la taille d'un Proboscidien et les dimensions
de ses défenses : de très grands sujets peuvent n'avoir que de très petites défenses.
Hais I inverse ne peut être soutenu : un Eléphant de très petite taille ne pourrait
supporter la charge de très grandes défenses. .le dois m'empresser d'ajouter qu'ici
même il ne saurait être, fixé une règle de proportion et le cas du Mammouth en est
je crois la preuve. D'après les comparaisons fournies par les Eléphants actuels, celui-
ci, je le répète, portail des défenses tout à-fait disproportionnées à sa taille (voy.
ci-dessus, p. 203 . Bous cette réserve, il me parait impossible de ne pas considérer cer-
taines défenses gigantesques de Mammouths comme ayant appartenu à des sujets de
taille supérieur.! àcelle, i\r+ Mammouths d'Adams et de StenboK -Ferinor. Les Records
de \V\HD signalent une défense de Mammouth ayant 3m,65 de long et 0m,48 de circon-
férence maxima, et une autre ayaol 3œ,33 do long, ûm,B3 de circonférence et pesant
19 kilogrammes. Ces données sont déjà très supérieures à celles que fournissent les
Eléphants d'Asie, avec un maximum de longueur de 2m,7l, un maximum de circonlé
DE l'eXTINCIÎ JN Dl M \MMoi I II. • , ,
Lrouvé les prospecteurs du comte Stenbok-Fermor 1 De tels
présentants de l'espèce étaient-ils les descendants dégénérés des
premiers? C'esl possible. Il serait même tentant, de dire que c'est
probable. Soyons cependant prudents à ce sujet, et, pour nous
irtifîer dans cette prudence, cherchons à supputer les condi-
tions dans lesquelles des questions identiques se poseront aux
paléontologistes de l'avenir.
Lorsque ceux ci exhumeront de certaines contrées de l'Afrique,
; exemple de certains points du bassin de la Sobat, ou de
rtains parages du lac Rodolphe, les restes des Eléphants qui y
vivent maintenant, ils ('prouveront, devant ces restes colossaux
d'un Mammifère alors disparu, la stupéfaction que causa à leurs
prédécesseurs la découverte du Diplodocus. Et lorsqu'ils retrou-
ront, dans d'autres régions relativement peu éloignées des
précédentes, par exemple en certains points du Somâl, des restes
«1 Éléphants de taille sensiblement moins élevée et de formes plus
rama- ils chercheront vraisemblablement les rapports
pouvant exister entre ces formes. Peut-être la géologie et la
léontologie leur enseigneront-elles que l'Afrique subissait à
notre époque un dessèchement progressif, et que ce dessèchement
était en voie d'achèvement dans le Somâl, tandis que les parages
précédemment cités étaient encore assez largement arrosés, en
partie même marécageux; peut-être seront ils ainsi portés à
considérer que les différences de végétation dues à ces causes
tient mis en état d'infériorité les Eléphants du Somàl, et que,
par exemple, notre Loxodon africanus orleansi ne serait qu'un
représentant dégénéré du groupe des L. a. knockenhaueri, peeli,
i, ihhi, oxyol'S... Or nous savons qu'il n'en est pas ainsi. Le
mier de ces Éléphants est un animal de montagne, très
ml. nste, très vif, rendu particulièrement combattif par certaines
I un poils maximum de 48 kilogrammes. Mais une défense de Mam-
iflible dans les Galeries d'Anatomie comparée du Muséum de Paris, dépasse
bien que sciée à La base et brisée à la pointe, elle mesure, sur le
courbure, 3»,62, el sa longueur totale devait avoisiner 3»», 90 ; sa cir-
maxima atteinl 0™ 60. Si démesurée qu'ait été cette défense par rapport à
ijet dont elle provient, celui-ci devait, pour réussir à porter une paire
jette importance, être beaucoup plus grand que ceux dont la hnu-
citée. J'ajouterai que ce dernier sujet provient des bords de In Ko-
iis malheureusement préciser pi us exactement sa provenance : celle-ci,
un pe i plus méridionale que celles des Mammouths d'Adams el de
i mor.
2 12 II M.n UJ.l .
conditions d'insécurité, mais qui trouve encore, là où il vit, une
provende suffisante, et qui est tout le contraire d'un animal
dégénéré.
Ne nous hâtons donc pas d'établirde telles relations entre les plus
grands Mammouths de Sibérie et quelques rares petits spécimens,
ces derniers fussent-ils trouvés dans l'extrême Nord de cette région.
Souhaitons que de nouveaux matériaux viennent fournir, à ce
sujet, de nouveaux documents. Souhaitons surtout que de tels
matériaux soient recueillis avec les soins les plus extrêmes, et que
les conditions de leur état et de leur gisement soient très exacte-
ment déterminées. En attendant, il est permis de considérer l'ex-
tinction du Mammouth comme devant s'être faite progressivement,
par une dégénérescence résultant du défaut d'adaptation au froid,
que devaient aggraver quelques autres causes ^'infériorité, et
qu'accélérait peut-être une raréfaction graduelle de la nourriture.
CONTRIBUTION k
L'ÉTUDE DES CELTES
PAR
Maurice PIROUTET
CHAPITRE Ier
PREMIÈRES RELATIONS DES GRECS AVEC LES CELTES
A QUELLES PEUPLADES S'APPLIQUAIT PRIMITIVEMENT LE NOM
DE CELTES?
Il est peu de sujets sur lesquels on ait plus écrit et plus discuté
que les Celtes. Tour à tour, historiens, philologues, archéologues,
etanthropologistes s'en sont occupés sans arriver à se mettre
d'accord. Le désaccord est dû à ce qu'ils ont pris comme point de
départ de leurs recherches les peuples ayant porté le nom de
Celtes à des moments différents de l'emploi de cette appellation,
comme si les Celtes d'une époque donnée étaient forcément la
même chose exactement que ceux d'une autre; certains même
allant encore plus loin et nous montrant les Celtes dans des
périodes reculées où ce nom n'existait même très probablement
pas encore.
Lorsqu'on veut entreprendre une étude de ce genre, il est bon
de chercher tout d'abord des exemples bien connus et de s'y
reporter. C'est ainsi que, si nous voulions rechercher ce qu'étaient
originairement les Francs, ce ne sont pas les Français d'aujour-
d'hui ^qu'il nous faudrait étudier et prendre comme type, et il
serait nécessaire de nous rappeler que les Francs de l'époque
carolingienne eux-mêmes étaient déjà différents de ceux contem-
porains de Clodion et parlaient une langue tout à fait distincte de
celle de ces derniers, ainsi que nous le montre d'une manière
l'anthropologie. — T. XXIX. — 1913.
ot'i mvurtce pïroutet.
tout à fait irréfutable le « serment de Strasbourg ». De même, la
France primitive (Francia), ou habitat primitif des Francs, était
tout autre que la France actuelle et son territoire ne se trouve
même pas inclus dans celle ci. Enfin, nous n'avons nullement le
droit de parler des Celtes à une date bien plus reculée que celle
où nous apparaît ce nom pour la première fois. Nous devons, à
ce propos, considérer que les peuples barbares changeaient
facilement de nom pour une cause ou pour une autre, notam-
ment quand ils se groupaient entre eux d'une manière différente
de celle précédente; nous devons nous souvenir aussi que bien
peu des noms des peuples germains de l'époque des grandes inva-
sions se trouvent déjà dans rémunération de Tacite, sans que,
pour autant, ceux du temps des premiers Césars, aient totalement
disparu sans laisser de descendants dans le pays. Il faut encore
nous rappeler que les Bulgares, lorsqu'ils apparaissent dans l'his-
toire, sont un peuple fînno-tatar, tandis que les Bulgares actuels
sont un peuple ethniquement en presque totalité slave, l'élément
primitif ayant fini par être noyé et absorbé dans une masse de
population slave qui s'est substituée à lui, et que la langue bul-
gare moderne est une langue slave.
De ces exemples, il ressort que, si nous voulons savoir ce
qu'étaient en réalité les véritables Celtes, les Celtes primitifs, ce
n'est pas ceux qui portaient ce nom au temps de César, ni à celui
de Polybe, ni même ceux qui prirent et brûlèrent Rome que nous
devons étudier, mais plutôt ceux de l'époque où leur nom apparaît
pour la première fois. Or. comme c'est par des auteurs helléniques
que nous est parvenue la plus ancienne connaissance de peuples
ainsi nommés, nous devons donc rechercher à quelles populations
les Grecs appliquaient alors cette dénomination.
Lorsque les Crées entrèrent en relations avec les Celtes et eurent
connaissance de leur existence, ils firent alors de ce nom une
appellation collective sous laquelle ils désignèrent, outre celles
auxquelles s'appliquait avec raison cette dénomination, tout
l'ensemble des populations, nouvelles pour eux, de l'Ouest et du
Nord de l'Europe, autres que les peuplades du groupe ibérique. 11
en résulte que les Celles véritables constituaient le dernier
groupement important connu d'eux dans celle direction, soit
que les conn géographiques des Gn lussent trouvées
limitées à rcw\ ci, soil qu'au delà ils n'eussent notion que de
l'existence de quelques peuplades de trèa minime importance,
(i iN I Ull',1 VU >X <k I I I I h! DES (Il II 2 13
D'un autre côté, pour que le nom de Ccltesful alors employé
d'une manière aussi largement cotnpréhensive, il faut que le
groupement des peuplades y ayant réellement droit ait possédée
ce moment une extension el une importance suffisamment
considérables. Il faut, en outre, que ees peuplades aient été établies
depuis déjà un certain laps île temps dans au moins une bonne
partie de leur territoire pour que celui-ci ait pris le nom de
tique, car la substitution, pour un pays, d'un nom nouveau au
nom ancien ne se fait pas, du jour au lendemain. Enfin, parmi
les populations que nous voyons comprises sous cette dénomi-
nation aux époques postérieures, il en est, on peut l'affirmer, et
peut être même beaucoup, qui n'ont adopté, ou auxquelles on n'a
appliqué cette appellation, qu'à une date plus tardive que l'appa-
rition de la Celtique ou des Celtes dans les textes; on ne doit donc
ici eu tenir aucun compte non plus que de tous les faits signalés
comme particuliers à la Celtique, lorsque nous ne savons si
l'auteur entend parler de celle-ci Info ou stricto sensu (1).
Ainsi les premières populations qui, suffisamment connues des
«ores, furent désignées tout d'abord par ceux-ci sous le nom de
Celtes sont certainement celles dont tel était bien le nom.
Les Celtes d'Hécatée de Milet et les relations commer-
ciales, au vi siècle, entre les Grecs et les peuplades
du groupe hallstattien occidental.
Le premier auteur qui fasse mention des Celtes, ou plus exacte-
ment de la Celtique, est Hécatée de Milet qui écrit « Massalia,
ville de la Ligystique, proche de la Celtique » (2). Celui-ci
(1 » Tel par exemple le cas d'Aristote à propos des Anes. Cet auteur déclare dans un
qu'en Celtique il n\ a pns d'Anes à cause de la rigueur du climat, et aillenrs
il écrit que l'âne ne se reproduit, pns à cause du froid chez les Celtes qui habitent
au-dessus des Ibères (Aristote llist. anim. 28 De yen anim. Il, v, cf. A. Ber-
tbam) et S. Reinach, Ces ('cites, Paris 189't, p. Ci). On pourrait, se demander com-
ment l'on peul savoir que l'âne ne se reproduit pas s'il n'en existe pas dans le pays,
ou s'il l.ml comprendre que les Celtes vivant au-dessus des Ibères habitent une
tirée différente delà Celtique telle que l'entend l'auteur. — Une autre raison pour
laquelle il n'es! guère possible de tirer un renseignement certain de ces textes est
que les climats, dans nos régions, peuvent fort bien au temps d'Aristote avoir été tout
dit! qu'ils sont maintenant. En outre, peut-être n'a-ton pu réussir à
limater L'âne qu'après une série d'essais infructueux.
tée cite bien aussi cbez les Celtes une ville qu'il nomme Nyrax, Certains
2ï6 MAURICE PIROUTET.
écrivant vers 500 ans avant Jésus-Christ (né vers 550 et mort vers
475), on peut en conclure que ses renseignements se rapportent
à la deuxième moitié du vie siècle avant notre ère. Le problème à
résoudre consiste donc à chercher quelles sont les populations de
l'Europe occidentale proche voisines des Ligures, constituant un
groupement assez homogène et important, et suffisamment
connues des Grecs dans la deuxième moitié du vie siècle avant
notre ère.
Or, dans ce qui portera longtemps encore après le nom de
Celtique, des peuplades constituant un ensemble très important,
que l'archéologie nous montre indiscutablement différentes de
celles alors dénommées Ligures par les Grecs, étaient déjà en
rapports fréquents avec ces derniers. Ce sont celles qui ont élevé
les très nombreux tumulus de la période récente de Hallstatt en
Bourgogne, en Franche-Comté, en Alsace, sur le Plateau suisse,
dans l'Allemagne du Sud, ainsi que clans quelques autres contrées
limitrophes des précédentes; on y peut distinguer des groupes
locaux, mais il y a là un ensemble des plus nets et très remar
quable.
Si de la découverte de quelques vases en bronze d'origine
hellénique, deci delà, dans certains de ces tumulus, il ne s'ensuit
pas nécessairement qu'il ait existé des rapports tels que le peuple
fabricant ait connu le nom des populations qui recevaient ses
produits manufacturés, le nombre relativement élevé de sem-
blables découvertes révèle un mouvement commercial assez
intense pour rendre cette supposition infiniment probable. Le
très remarquable groupement d'un certain nombre de ces trou-
vailles (qui sont loin d'être les seules dans l'Allemagne du Sud),
dans une région assez restreinte, située sur le Haut Danube
(7 chaudrons et 4 bassins à Hundersingen et une œnochoé à
Vilsingen, à peu de distance. Voir. T. Dkchelrtte, Manuel d'Arch,
t. If, 3e partie, note additionnelle et carte) interdit de voir là
autre chose que le résultat de relations très développées avec les
veulent qu'il s'agisse ici de Noréia, mais c'est Fà une simple supposition sans
autre l>ase qu'un rapprochement tout arbitraire entre deux noms propres et qui me
paraît très Fantaisiste.
Les raisons invoquées contre l'authenticité du passnge d'Hécatée dont il est question
ici me paraissent bien loin d'être concluantes, et reposent sur une simple supposition
gratuite. Le seraient-elles, il n'en demeurerait pas moins qu'Hécatée connaissait l'exis-
tenco de Celtes puisqu'il indique le nom d'une de leurs villes dans un autre pas-
sade.
i 'n\ rRIBI noN v l ET! DE DE l II il 217
régions méridionales. — On peut toutefois se demander si ces
produits du travail hellénique ne sont pas parvenus là par l'in-
termédiaire de l'Italie et en franchissant les cols des Alpes et la
Suisse. La chose est d'autant plus possible que des vases en
bronze de même époque ou plus anciens, d'origine italique, ont
été rencontrés également dans des tombelles de l'Allemagne du
Sud, delà Suisse et delà Bourgogne (A} (1). Cela ne fait que
rendre plus probable la connaissance des peuplades de ces régions
par les populations de l'Italie septentrionale, qui auraient servi
d'intermédiaires, et d'où cette connaissance n'a guère pu manquer
de se transmettre aux Grecs.
En Franche Comté, si les découvertes semblables font jusqu'ici
défaut dans les sépultures du premier âge du fer (B), il n'en faut
accuser que le rôle presque, et souvent môme complètement,
insignifiant qu'y joue la poterie dans le mobilier funéraire. Les
tombelles ayant renfermé soit des vases complets ou à peu près
complets, soit des fragments notables ou une série de tessons
d'un même vase, sont des exceptions; le plus souvent, presque
toujours même, la poterie, lorsqu'elle ne fait pas complètement
défaut, ce qui est extrêmement fréquent, est représentée par de
très rares et le plus souvent très minimes et insignifiants tessons.
On conçoit que, dans ces conditions, il ne faille pas compter, à
moins de cas tout à fait exceptionnels, sur des découvertes de
vaisselle de luxe.
Toutefois, de cette absence d'objets de fabrication hellénique
dans les tombeaux, il serait plus qu'imprudent de tirer des
conclusions négatives au sujet des relations commerciales. Ici,
tout au contraire, dans la région de la province où les beaux
tumulus productifs de la période hallstattienne récente et de la
transition entre celle-ci et le Latène I sont les plus nombreux,
dans le Jura salinois, les rapports fréquents et suivis avec les
tirées, dans la deuxième moitié du vie siècle et, cette fois, non
par l'intermédiaire de l'Italie, mais directement avec les colons
hellènes du littoral provençal, avec Marseille, sont absolument
indiscutables.
A Salins, la montagne de Chàteau-sur-Salins, dite aussi mon-
tagne de Roussillon, porte à son sommet un petit camp antique,
citadelle d'un vaste oppidum ou refuge constitué par tout le
(1) Les capitales on caractères gras renvoient aux Éclaircissements placés après
chaque cha, itre.
2l8
M M III' I' PTROI I I l
plateau de la montagne situe a l'Ouest du point culminant. J'ai
découvert là, clans une assise appartenant tout à fait à la fin
même de la période de Hallstatt, toute une série de débris céra-
miques d'origine hellénique, notamment de nombreux fragments
dune amphore vinaire, et de vases peints attiques du style à
figures noires. Ces derniers paraissent provenir surtout de
coupes, et les tessons, relativement nombreux, avec portion
d'œil prophylactique, permettent de se rendre compte qu'il y
avait là, sur une assez faible superficie, des morceaux d'un cer-
tain nombre de vases différents.
Un niveau plus élevé m'a donné des débris d'une autre amphore
vinaire et de vases peints appartenant tout-à-fait au début de la
technique de la figure rouge, comme le montrent bien le carac-
tère des palmettes qui se rattachent à l'un des types les plus
anciens des vases à ligures rouges, ainsi que la présence, sur un
des tessons, d'une sorte de rameau peint en rehaut violacé sur le
vernis noir. Comme aucun autre fragment de dessin en rouge
sur fond noir antre que des portions de palmettes, plus le rameau
en couleur rouge violacé posée sur le vernis noir, ne s'est
montré, il est permis de se demander si l'on n'est pas là en face
de tessons du style mixie intermédiaire entre la figure noire
et la figure rouge; le rameau indique bien par sa technique la
période des essais entre celles des deux styles purs. Cette dernière
strate appartient déjà au début du Latène I; j'y ai, en effet,
recueilli une fibule brisée en fer dont subsistaient l'arc et un reste du
ressort qui permettaient de l'attribuer avec certitude au type pri-
mitif du Latène J ; au même niveau s'est montré un fragment de
torques à extrémité aplatie et très légèrement élargie portant une
ouverture circulaire et formant une sorte d'anneau, type qui se
classe aux débuts du Latène I (1). De plus, un niveau, intermé-
diaire entre ceux qui m ont livré les débris de vases attiques à
figures noires et à figures rouges, m'a donné une portion très
nette d'une de ces agrafes filiformes en bronze (2) qui étaient
(1) Voir I» Violubr. Une nouvelle subdivision de l époque de Latène (A. /■'. I. S.,
Dijon, 1911J.
i ne portion d'une autre agrafe filiforme s'est rencontrée également à Château,
celle cl e&l d'un modèle qui se montre déjà dam la cachette »lo Larnaud ain*i
que dans celle d'Argenton (Indre de i<r» période ancienne de Hallstatt (<•!'. H. Bhbdil,
Une cachette hallstattienne à Argenton, Indre, in Revue archéologique 1902, t. Il,
S i ■liir.i MON \ i ":' ! . :■■; i ' CFJ.T1 2TQ
fixées à l'extrémité d'un crochet de ceinture (v. au Musée des
Antiquités nationales les n' 3071, 12826 ei |62i, de Saint-Étienne
au Temple et de Saint-Remy). L'assise à tessons attiques à figures
noires se place à l'extrême limite «Mitre la tin du Hallstattien et le
débu! du Latène I ; il s'y esl en eCfel rencontré une belle flbùle du
type dit à tête d'oiseau appartenante la classe la plus archaïque
de ce groupe ei non aux types plus évolués du Latène [, non plus
qu'au groupe des formes très simples, à tête d'oiseau schématisée,
quentes dans les turaulus du Jura salinois du début du
Latène I (C). Enfin, uneautre fibule, d'un type tout particulier dont
je ne connais qu'un seul autre exemplaire dans la région, s'est
montrée au même niveau; or l'autre spécimen a été recueilli à
g peu de distance de là, de l'autre côté du vallon de Pretin, par
M. È. Boilley, dans un tumulus avec mobilier se classant au
but du Latène I. Ainsi, il semble que ce soit aux environs du
début du dernier quart du vr siècle avant, notre ère qu'il faille
placer la limite entre les périodes de Hallstatl et de Latène dans
contrées ( I ).
Une pareille quantité de tessons helléniques, provenant de
plusieurs vases différents, recueillis dans une fouille n'ayant
porté que sur une surface assez peu considérable (moins de deux
ares) est l'indice certain, non de simples apports accidentels,
mais de relations très fréquentes et très suivies, bien loin (Yen
être a leurs débuts (D), et qui, même en admettant qu'elles aient
eu lieu par des intermédiaires, ne permettent pas de pouvoir
admettre que le nom du peuple chez lequel aboutissaient les mar-
chandises fut inconnu de celui qui les produisait.
On peut affirmer qu'ici ce n'est pas par la voie de l'Adriatique
ei de l'Italie septentrionale que ce commerce avait lieu. Si à
pareille date le tratisporl de vases en bronze pouvait, s'efTectuer
par cette route, une telle voie terrestre à parcours aussi long,
et franchissant les cols des Alpes, est tout-à-fait inadmissible
pour des vases en terre cuite aussi minces et aussi fragiles que les
vases peints attiques; elle est de plus absolument impossible à
admettre pour le transport des amphores vinaires. On peut se
mander combien de ces vases auraient pu ainsi parvenir intacts
, que double e lUtnnt «l 'j ■ Bologi villanovienne
et étrusque, p. 311 is faire remonter trop haut, bien au contraire,
l'horizon du camp ds ChfUenu ;"i attiques, i figures noires seules, en lui attri-
nt cette n ite.
220 MAURICE PIROUTET.
et quelle aurait été la perte subie du fait du bris des récipients,
par suite des innombrables secousses et cahots ainsi que par les
multiples chargements et déchargements (ceux-ci surtout dans le
dernier cas, le plus probable, car il n'est guère à croire que des
voies roulières aient alors franchi les Alpes) auxquels le voyage
par chariots ou par bêtes de sommes les aurait infailliblement
soumis en suivant pareil chemin.
Il est beaucoup plus logique de croire que le transport s'effec-
tuait par voie fluviale en remontant le Rhône, puis la Saône, le
Doubs et enfin la Loue jusqu'à Port-Lesney situé à une dizaine de
kilomètres seulement (7 à vol d'oiseau), où la Loue devenait
navigable et qui servait jadis de port à Salins.
Une preuve irréfutable de la venue, chez nous, de ces poteries
helléniques par l'intermédiaire de Marseille est fourni par leur
association à des tessons caractéristiques de la céramique tournée
indigène de la Basse Provence que M. Vasseur a signalée d'abord
au Baou Roux et qu'il a retrouvée à Marseille, au Fort-Saint- Jean,
dans une couche archéologique où elle était associée avec de
nombreux débris de céramiques grecques diverses appartenant
au vne et au VIe siècle, ainsi qu'à des fragments beaucoup plus
rares de tessons attiques du ve siècle (G. Vasseur, Résultats des
fouilles archéologiques exécutées à Marseille, dans le Fort-
Saint-Jean, C. R. Acad. Inscr., 10 juin 1910). Des fragments de
cette même céramique ligure à ondes obliques, qui se distingue
fort bien de celle assez analogue du Latène III, et surtout ne peut
être confondue avec quelques autres poteries à bandes sinueuses
parallèles (telles que le vase du tumulus de Court Saint-Étienne
en Belgique), se sont rencontrés au camp de Château-sur- Salins
dès une zone inférieure à l'horizon des tessons attiques à figures
noires. Cette même zone (sur laquelle, lorsqu'elles étaient en con-
tact immédiat, celle à tessons attiques ci-dessus reposait dune telle
manière qu'il est évident qu'il existe entre elles une lacune, le sol
de l'inférieure, alors très réduite, étant fortement tassé et en
quelque sorte damé là où l'autre était bien développée et considé-
rablement plus meuble) m'a livré également un fragment de vase
peint montrant sur sa face externe une portion d'une bande cir-
culaire horizontale rouge brunâtre; ce vase, fabriqué au tour,
extrêmement mince, en terre très bien épurée et fort bien cuite,
d'une pâte jaune grisâtre avec surface jaunâtre du côté interne et
jaune très légèrement rougeâtre du côté externe où elle est
( <>\ l ivim I H'N \ I l l l DE DES CELT1 22 1
très bien lustrée et même brillante, parait importé des mêmes
régions méditerranéennes. Dans la même couche, se sont mon-
trés un petit fragment de vase en verre jaunâtre translucide et
quelques débris d'un vase indigène présentant un décor gravé
imité d'un motif tout-à-fait typique, très fréquent sur les vases
peints rhodiens. Enfin, un niveau encore plus inférieur, avec des
iibules caractéristiques du début de la période récente de Hallstatt
(période II de J. Dérhelette), a donné un fragment, malheureuse-
ment unique et minuscule, orné d'un décor peint constitué par
une bande verticale sinueuse irrégulière accotée d'un point,
tesson auquel M. R. Pottier inclinerait à attribuer une origine
italique.
Tout ceci indique bien des relations régulières dont le début
remonte à une date assez ancienne du vi° siècle, sinon même
déjà au viie.
Je ferai remarquer que le niveau inférieur à tessons ligures
tournés décorés d'ondes obliques (celui avec le fragment de vase
peint décoré d'une bande circulaire horizontale et avec fragment
de vase indigène à décor gravé imité d'un motif peint sur les
vases rhodiens) ne m'a donné com'mes fibules, à part un exem-
plaire sans ressort distinct, à disque et à talon rectiligne (toutes
celles trouvées dans l'horizon inférieur appartiennent à ce type
qui est celui dit à ressort arqué par M. A. de Mortillet), que des
fibules en arbalète à ressort (bilatéral) court, tandis qu'outre
celles dont j'ai déjà parlé plus haut, les niveaux à céramique
attique ont donné surtout des fibules en arbalète à ressort allongé;
or ces fibules en arbalète à ressort allongé se montrent dans bon
nombre de nos tumulus à mobilier encore purement hallstattien ;
il en résulte, ce qui est d'accord avec la stratigraphie de la couche
archéologique du camp de Château, qu'entre l'époque du niveau
inférieur à tessons attiques et celle des foyers n'ayant donné que
des fibules en arbalète à ressort court à l'exclusion de celles à
ressort allongé, il s'est écoulé un certain laps de temps ; par
suite, les relations régulières avec les Massaliotes remontent assez
haut, même si l'on ne tient pas compte du petit tesson de style
géométrique en o'bjectant que le vase dont il provient peut-être
considéré en quelque sorte comme une épave. Ceci ne semble
guère probable, vu les trouvailles faites dans les assises plus
élevées, et ce petit tesson indique très probablement le commen-
cement des rapports commerciaux avec les colons grecs du rivage
\\ \i eui i rima ru
provençal, ceux-ci avant, dès le début de leur installation, cher-
ché à se mettre en relation avec les indigènes de l'intérieur.
Le seul argument sérieux, du moins en apparence, sur
lequel on se base pour nier l'utilisation normale à cette époque
de la voie de la vallée du Rhône et de la Saône, est que le pays
en dessous du confluent de ces deux cours d'eau ne participait ni
a ce mouvement comn I ni au développement de culture qui
en résultait. On peut se demander quelles sont les découvertes
archéologiques relatives à la période récente de Hallstatt et de la
première partie, au moins, du Latène 1 connues actuellement
dans cette partie de la vallée du Rhône. Jusqu'à présent elles font
totalement défaut, par suite il n'est nullement permis d'invoquer
cette absence de découvertes à l'appui de pareille supposition, et
le fait qu'aux vi v siècles, entre Avignon et Lyon, l'archéologie
ur reconnaît encore aucune trace d'hellénisation n'a aucune
signification ni pour ni contre.
L'hypothèse du transport par les vallées du Rhône et de la Saône
reçoit encore une confirmation par quelques résultats d'une fouille
que j'ai exécutée en septembre 11)08 dans le camp du Mont-Guérjn
à Montmirey-la-Ville (arrondissement de Dole, Jura). Là, dans une
couche archéologique hallstattienue récente renfermant les restes
laissés par une population identique à celle du Jura salinois, j'ai
recueilli trois assez notables fragments de poterie bien cuite et
tournée, dont deux identiques aux débris des deux sortes différentes
d amphores helléniques du camp de Château et par conséquent
de même origine, et le troisième me paraissant tout semblable
comme aspect, texture et cuisson, à l'amphore grecque du tumulus
de Mercey-sur-Saône. Or le camp du Mont Guérin est situé sur une
hauteur appartenant à la première ligne de celles dominant la
rive gauche de la Saône qui passe à Auxonne à une dizaine de
kilomètres de là Ici, le voisinage immédiat de la Saône rend plus
que probable Lapport par voie d'eau, et les débris trouvés appar-
tenant a des récipients communs, il est évident qu'il s'agit là de
témoins laissés par un commerce régulier et non d'objets de
curiosité.
Enfin, l'importante station préhistorique du Château de Monl-
morot près «le Lons le-Saulnier, découverte par M. L, A. Girardot,
a, elleaussi, livré, dansdes foyers de lapériode récente de Hallstatt,
les tessons ligures ù ondes obliques. Il faut remarquer qu'ici, un
affluent de la -, la Seille navigable jusqu'à Louhans, à
CONTRIBUTION A. L'ERUDE 1)1 i I ! 1 I
30 kilomètres des salines, très importantes dans l'antiquité, de
Lons-le-Saulnïer el Montmorot, devait être une voie commerciale
très fréquentée.
Ainsi, nous avons les preuves tangibles qu'au vr siècle avant
Ji sus Christ, les colons grecs de la liasse Provence connaissaient
bien suffisamment les populations hallstattiennes du Jura, môme
en .admettant que les rapports commerciaux aient eu lieu par
des intermédiaires, pour ne pas ignorer leur nom et ne pas leur
appliquer une dénomination autre (pie celle qu'elles se donnaient
elles-mêmes, d'autant plus qu'elles appartenaient à un groupement
très nef et excessivement important. Nous nous trouvons donc là
en présence des peuples auxquels le nom de Celtes doit dans la
réalité s'appliquer.
L'hypothèse que les auteurs grecs anciens auraient négligé de
citer le nom de ce groupement, relativement considérable et qui
leur était bien connu, alors qu'ils feraient mention de peuplades
beaucoup plus éloignées mal connues ou d'une importance bien
moins considérable, est totalement inadmissible. Un outre, il faut
se souvenir qu'Hécatée indique la Celtique comme proche de la
Ligystique (E) ; si elle en avait été séparée par la contrée occupée
par tout le groupe hallstattien (1) en question il n'aurait pu
employer pareille expression. Enfin, comme ce groupe est bien
loin de subir une diminution d'importance, tout au contraire,
lorsque débute la période de Latène, il est impossible d'admettre
qu'il ait alors abandonné son nom pour prendre celui de quelque
peuplade bien moins considérable et d'une origine difïérente. Si le
troisième passage attribué à Hécatée et où celui-ci fait de la
Celtique un pays situé en face de l'île d'Albion est bien de cet
auteur, (2) il en résulterait, que les populations d'une bonne partie
au moins des cotes de la Manche ou de la mer du Nord étaient
déjà eeltisées à cette époque qui correspond à la lin du Hallstattien.
(1) J'emploie le terme « hallstattien ■> à cause de l'établissement, constaté des celte
période, des populations rie ce groupe <|"i conservent encore ioute leur prépondé-
rance pendant le début du Latène I.
(2) M. Camille Jullian <|m cite ce passage(ef, L'Anthropologie U03p. 2>1) considère
comme tort douteux qu'il suit en réalité d'Hécatée. En effet, si l'on observe qu'Héro.
dote ne connaît pas l'existence d'Albion, lui qui a cherché à savoir quelque chose sur
les iles Cassitérides sans rien pouvoir apprendre à leur sujet, et que ce n'est que
plus tard que ce nom parait avoir été connu des Grecs, il semble bien qu'il y ait là
une preuve de h fausseté de l'attribution A Hécatée de Mifet du passage en ques-
tion
22^ MVIRICE PIROUTET.
Or, justement, on constate qu'alors l'influence du groupe hallstat-
tien occidental se fait très fortement sentir dans cette direction.
C'est ce que démontre l'examen du mobilier, non seulement des
plus anciens cimetières de la Marne et de l'Aisne remontant à
l'âge du fer, mais encore des cimetières de Normandie (1) se
classant à la fin du Hallstattien. Cette influence est en effet très
nettement marquée alors dans la dernière de ces contrées, notam-
ment par la présence des bracelets en lignite identiques à ceux
des tumulus de l'Est, ainsi que par la coutume, assez fréquente,
du port de multiples bracelets de jambes qui rappelle singuliè-
rement ce que nous voyons dans bon nombre de tumulus et
surtout dans ceux d'un groupe spécial de population de la Franche
Comté où le type le plus commun de ces bracelets est justement
celui qui se retrouve en Normandie. Il est infiniment probable
que cette influence ne s'est pas, sur les côtes Nord occidentales,
limitée seulement à la Normandie.
Hérodote et la présence des Celtes aux Sources
du Danube ainsi que dans la Péninsule Ibérique.
Après Hécatée, un auteur du v€ siècle, Hérodote, mentionne
également les Celtes. Lui aussi ne connaît pas d'autres peuples
que ceux-ci, à part ceux du groupe ibérique, au delà des Ligures
du côté de l'Ouest et du Nord-Ouest. Dans l'un des passages où il
les mentionne, il place chez eux la source du Danube, ce qui est
parfaitement conforme à la manière de voir que je viens d'exposer.
11 est vrai qu'on lui reproche à ce propos d'avoir pris les Pyrénées
pour une ville et que l'on part de là pour déclarer qu'il ne pos-
sédait sur toutes ces contrées que des connaissances géographiques
excessivement vagues. Une semblable erreur n'est pas admissible
de la part d'un auteur originaire d'une ville maritime habitée par
des Ioniens, et toute proche de l'Ionie proprement dite, ayant
passé une bonne partie de son existence à voyager dans le but de
se renseigner exactement. Hérodote écrit que l'Ister prend sa
source dans le pays des Celtes auprès de la ville de Pyrène (2)
Hérodote, Liv. II, ch. 33). Certains veulent voir là une double
(1) Cf. L. Coutil, Sépultures et mobiliers funéraire des Lexovii, Kssuvii, Viducasses
et Baïocasses, in Bull. Soc. normande d'études préhistoriques, t. XI, 1893.
(2) L'existence possible d'une ou plusieurs localités du nom de Pyrène au voisinage
des monts P> rénées ne peut nullement s'opposer à la présence d'une bourgade du
CONTRIBUTION V L ETUDE DES CELTES. 320
erreur, le nom d'une chaîne de montagnes pris pour celui d'une
ville et, consécutivement une indication erronée de la situation
des sources cl n Danube que le Père de l'Histoire ferait ainsi naître
dans les Pyrénées. Une telle manière de voir est totalement
inconciliable avec les faits qui démontrent avec évidence que les
navigateurs ioniens connaissaient parfaitement, depuis près d'un
siècle au moins, l'existence des monts Pyrénées et que, par
conséquent, celle-ci n'a pu être ignorée d'Hérodote au point de
l'amener à une aussi grossière confusion que celle dont on l'accuse.
En eiïet, dès le vi° siècle avant notre ère, les Ioniens fréquentaient
assidûment la côte méditerranéenne au voisinage des Pyrénées
et y fondaient des colonies, notamment Rhodé (Rosas) et Emporiae
(Ampurias) à l'extrémité même de la chaîne pyrénéenne. Cette
fréquentation est confirmée, entre autres, par les découvertes de
Montlaurès, près Narbonne, ainsi que celles effectuées sur le site
d'Emporiae et qui viennent placer la fondation de cette colonie
marseillaise à une date (1) voisine du milieu du vie siècle. 11 est
même nom dans la région des sources du Danube. Une semblable similitude de nom
n'est pas sans exemple et peut fort bien être due à une simple coïncidence fortuite
sans que Ton ait le droit d'en tirer aucune conclusion au point de vue philologique.
Il en est de même de la disparition de ce nom de Pyrène dans la région des sources du
Danube. De même, une seule fois, un auteur ancien désigne sous le nom d'Aceion le
lac de Genève et c'est la première fois qu'il est fait mention de ce dernier; nous
n'avons pas, pour autant, le droit de nier que le Léman ait jadis porté le nom
d Accion. Un autre exemple est l'importante ville de Corbilon signalée d'après
Polybe, par Strabon, laquelle n'existait plus du temps de ce dernier et n'est men-
tionnée par aucun autre auteur (cf. Strabon liv. IV eh. 11).
C'est s'avancer beaucoup trop que venir prétendre que le nom de Pyréné n'appar-
tient pas à un vocabulaire occidental et qu'il est d'origine grecque. Ce qui est par-
venu à notre connaissance des langues antiques préromaines de l'Europe occidentale
est infiniment trop peu pour autoriser une telle affirmation. D'autre part les Grecs,
surtout ii ces hautes époques, n'ont-ils pas, très fréquemment, considérablement
déformé les noms étrangers en les accommodant de façon à les faire sonner d'une
façon moins barbare à leurs oreilles? Et de nos jours, les Européens établis en pays
neufs n'onf-ils pas, bien souvent, fail de môme ei métamorphosé les noms de lieux de
la même manière' (ot ceci ne s'e>l pas produit seulement pour des noms de lieux,
mais encore pour des noms de personnages). Souvent même des noms de lieux (points
hibités, cours deaux, sommets, etc.), abominableu en1 estropiés par certains colons
de manière à leur donner un sens dans leur propre langue, ont été ensuite consacrés
par l'usage et sont devenus officiels sous leur nouvelle forme masquant complètement
leur origine primitive. Après cela, il me semble bien que, de ce qu'un nom géogra-
phique ancien a pris, transmis par des Grecs, une physionomie hellénique, il n'est
pas du tout permis, pour autnnt, d'en conclure, pour celui-ci, à une origine pure-
ment et exclusivement grecque.
(1) J. DtCHHLHTTE, Manuel d'Arch. t. II p. 1007.
Cette fondation est certainement assez postérieure à la reconnaissance de cette côte
LAKTHROPOLOGIE. — T. XXIX. — 19181919. 15
226 M IURICÈ PlRÔtJTËT
donc, par suite, lOoiliemdnfc impossible qu'Hérodote ait confondu
les monts Pyrénées avec une ville; il en résulte que, dans la phrase
incriminée, on ne peut voir dans Pyrène autre chose que le nom
dune localité existant alors dans la région d es sources de Pister
et n'ayant de commun, avec les Pyrénées, qu'une simple ressem-
blance phonétique.
Quant aux phrases où Hérodote montre les Celtes au delà des
colonnes d'Hercule et touchant aux Cynésiens « qui sont le peuple
le plus occidental de l'Europe », la seule conclusion à en tirer est,
qu'à l'époque dont il s'agit, des tribus d'origine celte ou celtisées
(probablement des deux sortes, réunies) avaient déjà pénétré jus-
qu'au littoral atlantique dans la péninsule ibérique.
En résumé, du texte d'Hérodote, on peut conclure en toute cer-
titude que, pendant la première moitié du vc siècle avant notre
ère, les sources du Danube étaient situées chez les Celtes, et qu'à
ce moment des Celtes s'étaient avancés jusqu'au littoral occi-
dental de la péninsule hispanique. Or, à cette époque, qui est
celle des débuts du Latène I, la région des sources du Danube était
encore occupée par les mêmes peuplades qu'à la période récente
de Hallstatt, de sorte qu'il en résulte une identité certaine entre
les Celtes d'Hécatée et ceux d'Hérodote. En Espagne, l'absence de
la civilisation du Latène I montre que l'immigration des Celtes
est là antérieure aux premières années du Ve siècle. Justement,
aussi, le Hallstattien ne s'y montre que dans sa phase tout à l'ait
terminale mais avec un caractère spécial de développement
tardif et se poursuit là, plus longtemps que dans les contrées
d'où il est originaire), nous faisant voir que, pendant la dernière
moitié du vi* siècle (1), se sont établies dans ce pays des peuplades
étrangères. Or l'archéologie nous montre que celles-ci se
rattachent étroitement à celles qui, à la fin du Hallstattien,
habitaient la contrée a voisinant les sources du Danube.
Par conséquent, l'examen du texte d'Hérodote nous amène, au
par les voyageurs hellènos, reconnaissance et début de fréquentation qui. tout au
moins, durent ne suivre que de bien peu rétablissement par les Phocéens d'un
comptoir à Marseille, établissement remontant au courant du vu* siècle (à sa pre-
mière moitié même) ainsi que le démontrent avec certitude les découvertes du
regretté professeur C. Vasseur (G. Vassbdr, Résultat des fouilles archéologiques exé-
cutées à Marseille dans le Fort Saint-Jean, C. R. Acad. des Inscr. 1910).
(i) f,eci est parfaitement d'accord avec le fait qu'aucun des auteurs antérieurs à
Hérodote, y compris l'auteur du périple sui\i par Festus Avienus, ne mentionne la
présence des Celtes dans la Pénin>ule ibérique.
, OS i lUiii i m\ \ i i il m DES 'il il S. 227
point de vue qui nous occupe ici, aux mêmes résultats que l'étude
du fragment d'Héoatée situant les Celtes, mais avec, cette fois,
une précision largement suffisante pour nous permettre de voir
clairement à quelles populations s'appliquait exactement le nom
clé Celtes dans la deuxième moitié du VIe siècle avant notre ère.
Ceci est encore plus évident si nous remarquons que les Grecs de
la première moitié du Ve siècle savaient parfaitement bien que le
Danube prend sa source dans les montagnes de l'Europe centrale,
ainsi que nous l'apprend formellement Eschyle (Prométhée délivré
cf. D'arbœs de Jubainville, Les premiers habitants de l'Europe.
édition t. I, p. 234 note 1) : si Hérodote ne parle pas des monts
Rhipées, cela n'implique nullement qu'il méconnaisse l'existence
du système montagneux ainsi dénommé par d'autres auteurs,
9 contemporains, mais seulement que, bien renseigné, il savait
que ce nom n'était pas du tout celui donné aux montagnes en
question par les indigènes, mais uniquement celui usité par ses
propres compatriotes. Ainsi, les dires d'Hérodote relativement à
l'établissement des Celtes dans une partie delà péninsule Ibérique
sont confirmés par l'archéologie. Il semble toutefois qu'il ne se soit
pas agi d'une occupation en masse, mais seulement d'une conquête
et d'une simple souveraineté. Les envahisseurs ne paraissent pas
avoir été là jamais bien nombreux et se sont fondus très rapi-
dement avec les populations indigènes, mais leur influence sur la
civilisation de ces régions parait avoir été assez considérable.
Elle est attestée par l'abondance des poignards à antennes, par la
fréquence de certains types de fibules, par le port des bracelets
filiformes réunis en nombre et de la plaque de ceinture en bronze
mince estampé (1).
Le poignard à antennes ne se montre pas seulement dans le
groupe celtique mais encore chez les Ligures, chez les tribus
subalpines de l'Italie, ainsi que chez les différents sous groupes de
l'ensemble celto-illyrien et nord-illyrien, et même au Caucase,
mais nulle part il n'est aussi fréquent que dans le groupe celtique.
beaucoup des fibules ibériques, celles en arbalète, le plus
il vent à long ressort, avec talon coudé à angle droit et se
terminant par un bouton ou par un petit plateau soit carré soit
circulaire, et dans lesquelles le corps de la fibule constitue parfois
une pièce distincte du ressort et de l'ardillon, sont des types
(1) J. DécHELBfTB, Manuel d'Àrch. t. II, p. 688.
228 MAI HICF. PIROl II i
franchement originaires des régions celtiques, notamment de la
Franche-Comté et de l'Allemagne du Sud vers la fin du Ilallstattien
récent. Elles indiquent le milieu ou le commencement de la
deuxième moitié du vr siècle comme date de la migration, car
l'absence des véritables fibules, et autres types, du début du
Latène I montre, d'autre part, que la séparation des émigrants
d'avec le groupe principal s'est opérée avant le début de la dernière
période ci-dessus. Les émigrés ont dû ensuite se trouver assez
longtemps sans liens avec le gros des leurs, car ce n'est qu'au
Latène II (v. J. Déchelette. Manuel, t II p. 1 10 et suiv) que des
types de cette civilisation apparaissent dans la Péninsule, bien que
certaines fibules antérieures présentent des traces de l'influence de
la culture de Latène (principalement dans le talomou queue des
fibules) (1). C'est cet isolement du groupe espagnol qui rend compte
delalongue persistance de types anciens, et de la fusion si rapide
avec les indigènes amenant des modifications profondes de toutes
sorles, notamment dans les coutumes comme, par exemple,
l'adoption de la tombe plate. Les bracelets filiformes réunis en
nombre, dont la mode est si répandue, en France tout au moins,
chez les peuplades celtiques ou celtisées, à la fin du Hallstattien
et pendant la transition de celui-ci au Latène, sont également
fort significatifs, pour la date de l'invasion.
Les types de fibules, la présence de la plaque de ceinture en
bronze mince estampée, très rare à l'Ouest de la Saône et des
Vosges, sont autant d'indices sérieux pour la recherche des régions
d'où est parti le mouvement. Il en est de même, également, de la
fréquence du poignard à antennes à l'exclusion de la grande épée
{i) Les ûljjje.s serpentiformes dont J. Dbchblbttb indique La présence en Espagne
peuvent fort bien être tout à fait étrangères à l'invasion celtique, et c'est là notam-
ment le cas pour celles qu'il ûgure (J. Dbchelbtte, Manuel d'arch. t. II, fig. 262 n° 1
et 2) et qui appartiennent à dos modèles tout différents de ceux caractéristiques des
régi ms celtiques. Kn outre, dans certaines de ces dernières contrées, la ûbule ser-
pentiforme paraît avoir persisté assez longtemps (cf. le tumulus de Grachwyl où elle
était associée à une fibule à pâte émaillée; voir aussi à Paris, au Musée d'artillerie,
le mobilier d'une tombe, du Latène I, très archaïque, de Ciry Saisogne, où, avec une
fibule bien typique de la période, en fer, s'en trouvait une autre serpentiforme, en
même métal).
Enfin l'existence de sépultures tumulaires en Espagne intérieurement à l'arrivée
des Celtes n'a rien qui doive Burprendre. Elle semble devoir être attribuée a la
venue, dans 1 Péninsule, de quelques peuplades chez lesquelles l'usage de ce mode
de sépultures est attribuable à l'influence des mêmes populations auxquelles èsl dû
l'emploi de ce même rite chez les Celtes, ces derniers, pour une bonne part, étant
jeurs descendants directs.
CONTRIB1 rio\ v L ETUDE DES CELTES :r>»)
hallstaltienne en fer qui paraît, à l'Ouest de la Saône et des Vosges
avoir persisté assez tardivement, ainsi que j'espère le faire voir
plus loin.
Hérodote (né en 184 et mort vers 425) écrivait dans le milieu
du \ siècle, c'est donc à la première moitié de celui-ci qu'il nous
reporte. Or le groupe que je viens de considérer ici comme
Celtique, bien loin de subir une diminution d'importance, atteint
alors l'apogée de sa puissance et se montre en relations très
actives avec les Grecs. Cela est démontré surabondamment par le
mobilier, souvent très somptueux, des sépultures tumulaires du
voisinage de la Saône supérieure (Mantoche, Mercey-sur-Saôoe,
Savoyeux dans la Haute-Saône, Courcelles en montagne dans la
Haute-Marne), de l'Alsace et de l'Allemagne du Sud-Ouest, au
voisinage surtout du Rhin moyen et de la Moselle inférieure, dans
la Province rhénane, dans le Palatinat rhénan et la Hesse. Nous
constatons dans toutes ces régions, à cette époque, l'existence de
populations très riches et très puissantes, en relations actives avec
les Grecs (1), populations indiscutablement descendantes directes
de celles établies dans ces contrées et dans celles immédiatement
\. usines, à la fin du llallstattien, c'est-à-dire appartenantau groupe
celtique. Leur richesse et leur puissance ainsi que leurs relations
très actives avec les colons helléniques du littoral voisin de
l'embouchure du Rhône, rendent impossible à admettre que les
Grecs leur aient donné un nom autre que celui qu'elles se donnaient
elles-mêmes et qu'elles l'aient emprunté à des voisins plus pauvres
et commençant à peine à sortir de l'obscurité. (H)
Eclaircissements sur le chapitre I".
A. - - Il faut, entre autres, mentionner spécialement un vase en bronze
trouvé à Bucheim (Bade) dans une sépulture lumulaire de la période
ancienne de Halls ta tl (v. J. Déchelette, Manuel (TArch., t. II, p. (iio
Celui-ci présente exactemenl la même forme qu'un plat à pied
d'une tombe de Bologne (v. Grenier, Bologne, villanovienne et étrusque
Paris, 1913, ûg. 52, p. ■>\~> . I><" décor perlé du rebord plat du vase de
' Ici l'introduction des produits helléniques par les vallées du Rhône et de la
infirmée par le fait des trouvailles de [a Saône supérieure (surtout les
amphores vinairei découvertes par M. Gasser dans les tumulus de Mantoche tan-
in aucun oi'.j t grec contemporain ne paraît avoir élé signalé en Suisse.
11 le mobilier des sépultures <-\\ question voir .surtout : J. Dj-chki-eite, Manne
d'Arch. t. H, 3* j a nie.
23o MAURICE TIROUTET.
Bucheim est à rapprocher de celui des coupes creusesà rebords rabattus
dont J. Déchelette a indiqué l'origine hellénique.
Les vases en bronze peuvent fort bien n'avoir été enfouis qu'as
longtemps, relativement, après leur fabrication, leur matière les rendant
beaucoup plus durables que les vases en terre cuite, surtout que les
vases peints attiques rendus très fragiles par la minceur de leur- parois.
Ainsi le beau vase de Grâchwyl, s'il a été rencontré eu compagnie d'une
fibule serpentiforme, était également associé à une fibule présentant des
traces de pâte émaillée ce qui la rapproche singulièrement du début du
Latène I. De même, le tumulus au bassin de bronze de Sainte-Colombe
(Côte-d'Or) peut fort-bien appartenir tout à fait à la fin du Ilallslal tien :
en tout cas. la sépulture du tumulus voisin ouvert par la Commission
de la carte des Gaules est, d'après le style de ses bracelets, contempo-
raine de celle du tumulus d' Vpremont (Haute-Saône); or celle-ci. malgré
la présence de la grande épée hallstattienne, appartient à la transition
du llallstattien au Latène I ; sa date relativement récente est démontrée
par la présence d'une inscription sur sa coupe en or ainsi que par son
rasoir en fer identique à certains de ceux des tombes mamiennes les
plus anciennes et dont la forme, tout en les montrant dérivés des
rasoirs hallstattiens en fer de la Cote-d'Or, diffère quelque peu de celle
de ces derniers.
B. — A parties trouvailles des tumulus de la région grayloise. sur les
bords de la Saune, el qui se classent plutôt à la transition du llallstat-
tien au Latène ainsi qu'aux débuts de celte dernière période, on ne peut
citer en Franche-Comté, comme vases en bronze helléniques ou italiques,
qu'une belle amphore hellénique classée au v siècle par J. Déchelette
et découverte dans un tumulus de Conliègé près de Lons-le-Saunier avec
des fibules de tradition hallstattienne, fibules en arbalète à très long
ressorJ mais de modèles différents de ceux franchement hallstattiens.
(Chevaux et X Robert. Rapport sur les nouvelles fouilles faites à la
Croix des Monceaux. Soc. d'ftmul. du Jura 1886).
q — \u même niveau s'est trouvée une autre fibule appartenant à la
même classe quoique la tête d'oiseau \ soit moins nette.
Ces fibules, ainsi que dni\ autres du même endroit et de la même
assise, ét&ienl constituées de deux pièces distinctes, d'une part le
ressort et L'épingle, e1 de l'autre le corps de la fibule, Le ressort, bila-
téral, esl enroulé autour d'un axe passant dans une ouverture circulaire
ménagée dan- la partie antérieure de l'are, comme dans certaines fibules
de l'Allemagne du ^\\^\ et dans bon- nombre de fibules de la péninsule
ibérique 1 pour l<-s premières voir V. TrOltscel, Fundstatistik p 98, fig. <i
«■i c, 't pour les secondes, .1. Déchi lette, Manuel d' irch. 1. il. a partie,
fig. yJ\:>. 11' iOj. L'une, la plus simple, parait imitée de la fibule de la
iNTRIBl ll<>\ \ 1 .'îrim: pES CELTES. a3r
tosa à ses débuts (v. M. Pmoi rETel J. Déghelette, Découverte de
vases grecs dans un oppidum halistattien du Jura, Bévue arch. 1901, I,
[33-212, ûg. '1 n 3, etJ. Déchelettb, Manuel Qg. 266 a0 9). Les trois
autres présentent un arc crénelé transversalement, les crénelures ayant
sen i de logement à des applications de corail. Dans l'une, le talon coud.'
à angle droit porte un plateau cane, creusé de deux sillons diagonaux
ilemenl incrustés de corail M. P, et J. 1). op, cit. fig. l\. n° 1 et J. 1).
Manuel 11. fig. 266, n " - ; la seconde présente aussi un talon coudé à
angle droit portant une tête d'oiseau dont une partie, en corail, a
disparu; les yeux, en même matière, subsistent et le bec, effilé, vient
se souder à l'arc (M. P. et .). D. op. cit. fig. 4 n" 2, et J. 1). loc. cit.
Qg. 266, n 8); enfin, la dernière présente au talon une belle tète de
canard avec bec spatuliforme tourné vejrs l'arc et les yeux constitués
chacun, connue dans la précédente, par un petit fragment de corail. Un
tuiuulus de la forêt des, Moidons (distante de quelques kilomètres) a
li\ré à M. .1. de Morgan une fibule identique à la dernière, et une loin-
belle de la Grange Perrey, encore plus rapprochée, a livré à M. E. Boil-
ley une fibule exactement semblable à celle à boulon carré avec diago-
nales en corail, associée à un mobilier se classant tout au début du
La t eue I.
D. — Pendant tout le moyen-àge et jusqu'à la Révolution une foire
importante, durant plusieurs journées, s'ouvrait le jour de la Nativité
de la Vierge (S septembre), jour de pèlerinage à l'abbaye dé Château,
sur le plateau même de l'antique oppidum. Ce pèlerinage et celte foire
paraissent bien avoir une origine antérieure au christianisme, le culte
d<- laVierge s'étant certainement substitué, sur ce point, à celui d'une
divinité plus ancienne. En effet le Dictionnaire de § communes du Jura,
de Uousset et Moreau, à l'article Salins, nousapprend les faits suivants :
« Le dimanche avant la Nativité de saint Jean-Baptiste, le clergé et les
paroissiens de toutes les églises de Salins se rendaient processionnel-
lemenl au prieuré de Château où reposait une antique statue de la
Vierge qui était en grande vénération. Les jeunes lilles de la \ille, par
un usage immémorial, axaient le droit d'apporter cette statue à Saint
Analoile, et de là à la grande et à la petite Saline.
Dans le cours du trajet, il se faisait plusieurs stations pendant
lesquelles l<-s jeunes lilles tournaient autour de la Madone, en dansant
d'une manière lascive et en chantant des chansons indécentes. L'arche-
vêquede Besançon, par un décret de l'an 1 6 14» supprima cette cérémonie
païenne et décida qu'à l'avenir la statue de la Vierge ne serait portée
que par des prêtres ou des religieux ». Ces faits, ainsi rapportés avec
une telle précision, ne peuvent être révoqués en doute sous prétexte
que d'autres auteurs que Rousset n'en font pas mention ; les auteurs en
question ayant été simplement retenus par scrupule religieux tout
23q MAURICE PIROUTET.
comme le sont actuellement les personnes qui s'appuient sur leur
silence pour mettre en doute la réalité de ces vestiges de coutumes
antiques et se sentent fort gênées de cette association du culte de la
Vierge avec des obscénités. La date indiquée pour cette cérémonie
(24 juin) rend infiniment probable qu'il s'agit là d'un reste de culte
solaire et le caractère féminin de la divinité pourrait faire admettre
que l'origine de celle-ci remonte à une époque où le soleil était consi-
déré, par les populations de la contrée, comme possédant le sexe fémi-
nin. Il est également fort possible que la divinité protectrice de l'oppi-
dum de Château ait été une compagne du dieu solaire. En tout cas il en
résulte que cette montagne fortifiée fut consacrée jadis à une divinité
féminine se rattachant au culte solaire et qui était sans aucun doute la
protectrice, la Poliade, de l'oppidum. D'un autre côté, l'existence d'une
foire sur ce plateau d'accès peu commode et désert, sauf la présence d'un
prieuré isolé, qui seule ne suffit pas à l'expliquer, est à rapprocher du
fait que, en Gaule, les foires et marchés se tenaient habituellement dans
les oppida. Quand à sa date, vers le milieu de septembre, elle coïncide
justement avec l'époque où, avant l'introduction de la vigne, du maïs
et des pommes de terre, toutes les récoltes venaient d'être rentrées et
au moment où l'on n'allait pas tarder à préparer les semailles
d'automne. C'est là, pour moi, la raison qui a fait choisir, par les
novateurs chrétiens, la Nativité parmi les autres fêtes se rapportant au
culte de la Vierge comme date de la fête de Château afin de la faire
coïncider avec la foire annuelle.
E. — Entre les Celtes et les Ligures il ne parait pas y avoir eu place,
dans la vallée du Rhône, pour des peuplades de quelque importance
étrangères à ces deux groupes. En effet nous voyons Aristote (ive siècle)
placer la perte du Rhône chez les Ligures. La chose peut paraître
bizarre si l'on remarque que, dans la deuxième moitié du m siècle, les
tumulus de la Haute-Savoie nous démontrent l'installation, dans celte
région, sur la rive gauche du Rhône, de populations identiques à celles
du Jura sali nois el 1res proches de celles des sources du Danube. L'expli-
cation en est peut être bien dans le fait qu'Aristote est un compilateur
s'étant souvent contenté de puiser ses renseignements dans des auteurs
antérieurs et la preuve en est que c'est certainement en copiant Héro-
dote mais en commettant une confusion que l'on reproche à torl à ce
dernier, qu'il place l;i source du Danube dans les monts Pyrénées. Dans
le cas de la perte du Rhône, il semblerait que sa source est un aub ur
encore plus ancien qu'Hérodote el il pourrait -e faire que celui-ci suit
celui-là même auquel Festus Vvienus a emprunté la mention delà
montagne appelée Colonne du Soleil près du lac Action (lac de Genève .
Il est absolument impossible d'attribuer aux Ligures ces tombelles de
la Haute-Savoie, le tumulus de Gruffy entre autres (J. Déchelette,
CONTRIBUTION \ i.'kti m: DES CELTES. 233
Manuel dÂrch., t. II et E. Chantre, Le premier âge (Infor), tant à cause
du caractère de la civilisation qu'il révèle toute différente de ce que
nous connaissons dans les régions certainement ligures, que par suite
de l'extension qu'il faudrait dans ce cas accorder aux Ligures à la fin
du vi siècle et même au \". car on devrait alors leur attribuer, en ce
temps-là, toul le territoire de la province occidentale hallstattienne, ce
qui est très évidemment erroné, surtout pour la raison ci-dessus.
t ae autre explication des dires d'Aristote serait fournie par l'occupa-
tion par les Ligures, encore aux débuts du i\' siècle, de toute 1 4 rive
gauche du Rhône français, sauf la portion delà Haute-Savoie où les
Celtes s'étaient installés vers la fin du vi* siècle, de manière que la perle
du Rhône se serait alors trouvée sinon encore chez les Libures, du
inoins tout à fait au voisinage de leur frontière commune avec les
Celtes, ceux-ci n'occupant encore sur la rive gauche du fleuve qu'une
région assez restreinte; de la sorte l'erreur du philosophe grec serait
très explicable et d'une importance 1res faible. 11 est même encore
-^ible qu'au commencement du ivR siècle, ces Celles, qui avaient
antérieurement franchi le Rhône, aient alors disparu de ces régions.
soit qu'ils les eussent quittées pour une raison ou pour une autre, soit
qu'isolés du gros des leurs ils se soient alliés el fondus avec la masse
des populations ligures. En tout cas, de là il ressort un fait à retenir,
c'est qu'à une époque <>ù les connaissances géographiques des Grecs
s'étendaient déjà jusqu'à la partie du Rhône en amont de Lyon, les
Ligures tenaient la rive gauche du fleuve, alors qu'au delà, en Franche-
Comté et dans l'Ain, l'archéologie nous montre des peuplades diffé-
rentes de ceux-ci. appartenant à un ensemble très important et très
bien connues des Grecs au \ î" siècle; le nom de Celles, on peut l'affir-
mer avec certitude, est donc celui auquel ont droit les peuples qui
constituent ce groupement.
F. — G. de Mortillet entre autres i Formation de la nation française,
Taris, 1897) a été fortifié dans celte idée d'une erreur d'Hérodote parce
qu'il a consulté une traduction faisant dire à celui-ci que- le Nil et le
Danube prennent leur source au même point. Or il est absolument
impossible qu'un auteur, pour lequel l'Europe et l'Afrique étaient
séparées par le détroit de Gadès et limitées toutes deux à l'Occident par
l'Océan, ail pu écrire qu'un fleuve africain dont il situe la source vers
l'Ouesl iil a probablement en vue ici le Bahr el gazai) prenait naissance
en Europe, dans les Pyrénées! Cela équivaut à admettre que ce fleuve,
pour Hérodote, passait d'Européen Afrique et par conséquent qu'il
franchissait la nier!:: Il est certain qu'l lérodole n'a jamais pensé
ire ânerie pareille à celle dont on le charge ainsi. Si l'on se reporte
à la traduction de Larcher revue et corrigée par L. Humbert « revue et
corrigée sur le texte grec de la collection Didot » d'après l'avertissement
2 34 MAURICE PIROUTET.
des éditeurs qui ajoutent : -« de nombreux passages ont été rendus plus
exactement », on constate qu'il s'agit seulement d'un parallèle entre le
Nil et l'Ister. En tout cas on peut remarquer que dans la description du
cours du premier, l'auteur ancien indique toujours l'origine de ses
renseignements et donne ainsi nettement le degré de certitude de ce
qu'il avance (et il faut notamment observer l'extrême vraisemblance
des détails du voyage des Nasamons), tandis que pour l'Ister il présente
la chose sans laisser entrevoir la moindre possibilité d'incertitude et
montre parfaitement catégorique. On ne peut s'empêcher, il me
semble, d'être frappé de celte différence qu'il montre encore nettement
en disant «L'Ister est connu de beaucoup de monde parce qu'il arrose
des pays habités, mais on ne peut rien assurer des sources du Nil
parce que la partie de la Libye qu'il traverse est déserte et inhabitée ».
Une autre série de faits montrant combien est éloignée de la vérité la
supposition qu'Hérodote aurait cru la source de l'Ister située dans les
Pyrénées, est que les colons grecs de la partie occidentale française du
golfe du Lion ne pouvaient manquer de savoir que les cours d'eau
prenant leur source, non loin d'eux, sur le versant nord des mon-
tagnes voisines, venaient se joindre à un fleuve coulant vers l'Ouest et
se jetant dans l'Océan. Il n'est donc pas probable qu'Hérodote, auteur
tenant essentiellement à être bien renseigné, ait ignoré ce fait certaine-
ment connu des commerçants hellènes fréquentant ces régions, notam-
ment ceux d'Agde et ceux fréquentant le voisinage de l'embouchure de
l'Aude; légion où les découvertes de M. Rouzaud à Montrâmes, à k kilo-
mètres de Narbonne, nous montrent les indigènes en rapports courants
avec eux. L'importance des trouvailles de Montlaurés provient cerlai-
nnment de ce que là, ou tout au voisinage, devait se trouver une sorte
de tête de ligne de la plus importante voie commerciale mettant en
communication le golfe du Lion avec le bassin de la Garonne, celle du
col de Naurouze; c'est en tout cas la plus naturelle et la plus pratique.
Les trouvailles fortuites d'un tesson attique à figures noires, de la
seconde moitié du m siècle, à Clermont-Dessous près d'Agcn et d'un
autre tesson à figures rouges à Agen même (cf. Déchelette, Manuel,
t. Il, part. III) démontrent avec évidence l'existence de rapports
commerciaux suivis entre les populations de la vallée de la Garonne et
les colonies grecques du Golfe du Lion, dès ces hautes époques. Il
ressorl de tout cela qu'Hérodote, lequel a passé une bonne partie de sa
vie à voyager pour se renseigner, n'a pus dû ignorer l'existence delà
Garonne et d'affluents de celle-ci prenant naissance dans les montagnes
proches des i ôtes méditerranéennes el reliant les P\ renées aux Cévennes,
il lui était donc impossible de faire remonter le tracé du cours du
Danube jusqu'aux monts Pyrénées, car il lui aurait fallu admettre que
ce fleuve recoupait la Garonne ou certains de ses affluents,
CONTRIBUTION V [/ÉTUDE UES CELTES. 235
On objectera peut rire que, plus lard encore, Aristote fait naître
KIster dans les Pyrénées, mais il est clair qu'il n'a l'ail là qu'œuvre
de compilateur, copiant Hérodote tout en commettant une confusion
que l'on met bien à tort à L'actif de celui-ci.
G. —On est d'accord pour considérer Le poignard à antennes comme
indiscutablement dérivé do L'épée à antennes enroulées de la fin de
l'âge du bronze. On Le considère généralement comme caractérisant la
onde phase delà période hallsta tienne, la première L'étant par la
grande épée de fer pistiliforme, à soie plaie avec rivets et à crans
dstence de ces derniers ainsi que de la pointe mousse est des plus
douteuses pour bon nombre d'exemplaires). An point de vue général
la chose peul être considérée comme exacte quoique loin d'être rigou-
reuse. En effet, par exemple, MM. Déchelctte et Keinecke (cf. J. Déche-
ii in. Manuel d'arch., + $. II, p. 721, note 2) classent le poignard à
antennes de Seslo Calende à la première période hallslaltienne, tandis
que la grande épée hallslaltienne du tumulus d'Apremont, dans la haute
Saône était associée à un rasoir en fer caractéristique de la transition du
llallstallien au Latène 1 et du début (h1 cette dernière période, et à une
coupe en or avec inscription qui ne peut pas être plus ancienne que la
lin du vi siècle. Pour certains, c'est dans L'Italie centrale que serait né
le type de l'épée courte hallstattienne avec poignée à antennes; la chose
est pnxible quoique assez peu probable. Ce qui est inadmissible c'est
de considérer les épées à antennes de Novilarà, Pelrara, Aufidena, etc.
comme les prototypes des poignards hallslalliens à antennes. En effet,
les individus italiens en question sont beaucoup plus distants de la tête
du pbylum que leurs soi-disant dérivés; il faut, pour croire le contraire,
être hypnotisé par les régions méditerranéennes et avoir une loi
aveugle dans les théories qui n'admettent exclusivement que prototypes
italiens ou helléniques, les premiers même presque toujours dérivés de
modèles grecs, comme si les habitants de l'Europe centrale, occiden-
tale on septentrionale n'avaient jamais été capables d'avoir eu aucune
idée originale. Je suis même fort surpris qu'on ait pas encore eu l'idée
de chercher par exemple des prototypes italiens ou plutôt helléniques à
_ rande épée en fer de llallslatt et à la fibule de Latène; je ne déses-
père pas toutefois de ne pas larder à enregistre!' semblable tentative. Je
suis bien loin de nier L'influence, 1res grande, même à l'Age du fer,
quant au point de vue artistique, exercée par les contrées méridionales
sur les civilisations européennes, mais il ne faudrait tout de même pas
gérer.
Il est plus probable que les exemplaires en question, de l'Italie
itrale, tous originaires, et cela même est à remarquer, de la partie
oriental 5t-à-dire de celle la plus exposée à l'influence de la civili-
sation hallstattienne, laquelle s'épanouissait sur la côte opposée de
236
Mwmr.r. l'irioiTET.
l'Adriatique et donl les civilisations du bassin du Pô doivent être
considérées coin me une annexe d'où sont même sortis certains de sis
types, sont inspirés d'un prototype plus septentrional. Plusieurs raisons,
entre autres, militent pour l'aire de ces épées des variantes des t\pes
halls ta ttiens. Tel est le développement du pommeau central, beaucoup
plus considérable que les antennes qui en deviennent, en quelque sorte,
des parties tout à l'ait secondaires et accessoires; il en est de même de
la présence, dans certains cas. de quatre antennes (en plus du pommeau
central) qui devraient se retrouver dans un certain nombre des ■
spécimens halls ta ttiens, si ceux-ci avaient pris là leur origine. Enfin les
bouteroiles Connues de bon nombre des exemplaires hallsta ttiens sont
des plus caractéristiques et infiniment plus proches de celle de l'épée de
bronze à antennes que de celles des susdites armes de l'Italie centrale.
La présence de l'épée à antennes dans des régions limitrophes des
zones celtiques, celto-illyriennes ou ligures, s'explique facilement, mais
pour la présence de celle-ci au Caucase où elle se retrouve avec un
certain nombre de types d'origine hallstattienne, je crois que c'est un
abus que de vouloir en rendre compte par la théorie des prototypes
helléniques, théorie un peu trop passée à l'état de tarte à la crème; il
faut, je crois, les expliquer par une migration hallstattienne de ce côté
et c'est, à mon avis, la seule interprétation plausible. On pourrait il est
vrai faire. intervenir ici les Sigynnes (il semble qu'avec les quelques
mots qu'en dit Hérodote et avec l'étude archéologique approfondie dis
contrées où les auteurs anciens nous les montrent, nous devrions être
un peu plus avancés oie' nous ne le sommes sur leur compte), mais dans
ce cas il devrait en être de même sans interruption le long de la voie
parcourue par ceux-ci.
H. — Il ne saurait, en aucune façon, être question d'attribuer aux
Sigynnes nos tumulus halls tattiens. Tout d'abord, les auteurs anciens
nous montrent, je ne dirai pas un peuple sigynne, mais des Sigynnes,
ce qui est bien différent, vivanl aux bouches du Danube (Apollonius de
Rhodes) el à la fois au-delà du Danube, an Nord de la Thrace, ainsi
qu'au voisinage du fond-de L'Adriatique, c'est-à-dire, à la ibis dans des
contrées participant à t'essor de la civilisation hallstattienne et dans
d'autres situées en dehors du domaine de celle-ci.
Du l'ait <pie le nom de Sigynnes était appliqué à des marchands
ambulants, connue de leur caractéristique essentielle d être surtout
conducteurs <!<■ chariots, nous pouvons conclure, avec bien des chances
d'être dan- !<• vrai, que <•<■ nom s'appliquait à une population de
nomades, dans le genre des Tsiganes actuels, avec lesquels ils ont, du
reste, été assimilés (el c'est encore là, à mon avis, la théorie la plus
soutenable qui ail encore été émise à leur sujet).
si i,, civilisation hallstattienne avait ^\^ son essor aux Sigynnes donl
\ i mr.i i io\ v il' ri ni: DES CEL fES. 287
le< habitudes; au moins très mobiles, résultenl de ce que nous
apprennent à leur sujel les auteurs anciens, celle-ci sérail évidemment
loin de montrer des variations locales aussi différentes et aussi nom-
hfreus
En outre, cette même civilisation hallstattienne a pris son plus beau
développemenl principalement dans des contrées extrêmemenï acci-
dentées el montagneuses où, justement, les transports, devant s'effec-
tuer à dos de bêtes de somme el non par chariots, n'étaient par
Cdnséquenl pas du goûl d'une population qui aurait dû ainsi modifier
du tout au tout son genre de vie accoutumé et changer pour cela coni-
plètemenl le mode de dressage de ses chevaux.
Les populations hallstattiennes étaient agricoles et par suite séden-
taires, sauf de très rares exceptions (el encore s'agit-il alors plutôl de
populations établies à la suite d'une conquête récente et encore assez
mobiles mais nuii pas de véritables nomades) ; de plus l'exploitation
très active du sel à laquelle se livraienl certaines d'entre elles, (Mitre
autres celles de la région alpestre de Hallstatt, ne peut àvoi : été l'œuvre
que de sédentaires et il en est de même pour celles, nombreuses, qui
exploitaient les ^iles métallifères sidériques. Par suite, il me paVait tout
à fait inadmissible de venir parler d'un empire sigynne et de Sigynnes
à 'Hallstatt ainsi (pie dans toutes les contrées montagneuses alpines et
dinariques si peu propices, à cette époque, à la circulation des chariots
el où le Hallstattien a pris un développemenl si intense.
Quanl à la qualification de Sigynnes, appliquée par les Ligures aux
marchands ambulants, elle me semble ici n'être plus qu'une survivance,
un témoin d'un état de choses plus ancien, datant, de l'époque où les
_ynnes. transportant le bronze depuis l'Europe centrale vers les
contrées égéennes, amenaient- dan-s celles-ci les premières lances à
douille qui y apparurent, armes d'usage déjà courant dans l'Europe
centrale èl qui prirent, dans ces cou liées orientales, le nom de ceux qui
les y firent connaître ; (c'est ainsi qu'il me semble qu'il faille interpréter
le- nom de sigynnes donné aux javelots par les Chypriotes),
CHAPITRE II
LE PEUPLE DES CIMETIÈRES DE LA MARNE
D'après quelques archéologues, l'usage des tombes plates à la
période de Latène serait le résultat d'une modification dans les
238 M\t TICE PIROUTET.
rites funéraires, modification qui se serait effectuée au sein des
tribus celtiques sans l'action d'aucune influence étrangère. Les
cimetières de la Marne seraient alors les sépultures de fractions
émigrées détachées des populations hallstattiennes employant
normalement la sépulture tumulaire.
D'après d'autres, la fibule à queue retroussée serait une impor-
tation des Celtes, différents, dans ce cas, des peuplades hallstat-
tiennes, et les fibules, offrant déjà ce caractère, qui se montrent
dans les tumulus du premier âge du fer, dénonceraient l'in-
fluence des soi-disant Celtes. Ce sont ces deux hypothèses dont je
vais maintenant examiner le valeur.
Les tribus des cimetières de la Marne
sont originairement distinctes des Celtes.
Nous voyons apparaître au Latène I des peuplades inhumant
leurs morts dans des tombes plates formant de véritables cime-
tières. Elles se montrent sur la périphérie externe (par rapport
aux contrées méditerranéennes), de ce que je viens de désigner
comme le groupe celtique, le pénètrent de plus en plus et finis-
sent par prendre la prédominance à la fin du Latène I, au point
que bien rares sont les sépultures tumulaires connues des périodes
de Latène II et III (A.;.
D'après J. Déchelette (Manuel d'Arch., t. II, p. 1014 et
suivantes), le passage de la tombe tumulaire à la tombe plate se
serait effectué progressivement sans qu'il y ait lieu de faire inter-
venir des distinctions ethniques ; la cause en devrait être cherchée
dans les migrations des peuplades celtiques et on serait en pré-
sence d'une conséquence de l'établissement de tribus sur un
territoire conquis, l'existence d'un tertre désignant trop ostensi-
blement les sépultures. Cette manière de voir se heurte à des
difficultés assez sérieuses et l'on peut lui opposer de graves
objections. En effet, les peuplades celtiques, lors de leurs migra-
tions et installations dans de nouvelles contrées, pendant la
durée de l'époque hallstatliennc, n'ont pas cessé d'élever des
tumulus; on ne comprendrait pas pour quelles raisons elles
n'auraient pas continué à faire de môme. En effet, en territoire
conquis et occupé par elles, où par conséquent elles auraient régné
lOMKini N<>\ V l.'l'niu: DES CELTES. 2^Ç)
en maîtresses, elles n'auraient pu avoir à redouter des tentatives
de profanation île la part de populations, soit soumises, dans le
cas de conquête, soit plus ou moins fondues avec eux en cas
d'établissement avec le consentement, et par suite d'alliance avec
eux. (les anciens habitants.
La chose se comprendrait plutôt de tribus simplement de pas-
sage ou prêtes au départ sous l'influence de la poussée d'ennemis
menaçants ; et encore, dans les deux cas (dans le premier surtout),
ne se Irouverait-on pas en présence de cimetières ayant servi
pendant une durée assez notable. En outre, il n'est nullement
prouvé que l'existence de quelques tertres vides sur remplace-
ment de certaines des nécropoles de la Marne possède un lien
quelconque avec la présence de celles-ci ; de plus, dans ce cas, leur
présence serait allée tout-à-fait à rencontre du but qu'on se serait
proposé par l'adoption de la tombe plate et la suppression du
tumulus.
Enfin dans l'hypothèse d'une modification sur place, dans une
même population, des coutumes funéraires, il est évident qu'on
devrait rencontrer des nécropoles mixtes à la fois à tumulus et à
tombes plates, ou tout au moins qu'on devrait rencontrer dans
les mêmes localités les deux genres de sépultures absolument
contemporaines et avec des mobiliers complètement identiques.
Or rien de semblable n'est connu jusqu'ici et il n'est guère probable
que semblable trouvaille ait désormais lieu; la découverte de
quelques cimetières mixtes ne pourrait guère être maintenant
considérée que comme une rareté ne possédant qu'une significa-
tion tout-à-fait locale, vu le très grand nombre des nécropoles
pures, de l'un ou de l'autre rite, appartenant aux phases limites
de l'apparition de l'un et de la. cessation de l'autre dans une
même région . J'ajouterai encore qu'il est infiniment probable, dans
le cas où semblable modification aurait eu lieu par suite d'émi-
gration, que quelques familles auraient conservé dans leur nou-
velle patrie, au moins tout d'abord, les coutumes funéraires de
leurs ancêtres ; par suite, là aussi, devraient se montrer quelques
nécropoles mixtes ; or ce n'est pas ce que l'on peut observer (1).
<\) L'existence de très rares tumulus recouvrant une sépulture excavée dans le
sol ne peut entrer ici en ligne de compte, cette combinaison du tumulus et de la
fosse ayant été adoptée par certaines populations bien longtemps déjà avant Page du
fer. Elle peut résulter de la fusion de deux groupes originairement étrangers ou de
l'installation d'une tribu dont c'était depuis longtemps le rite habituel. De plus leur
extrême rareté (et je ne vois guère de ce genre à cette époque, dans nos contrées,
2^0 MAURICE PIROUTET.
Enfin il est un fait qui paraît bien venir à l'appui de la thèse
que je soutiens ici, c'est le cas du tumulus de Montapot près
Montereau (Yonne). Ici, un tumulus, du Latène I, renfermait
trente à quarante corps dont les crânes étaient brachycéphales(l).
Or nous nous trouvons là tout au voisinage de la région des
cimetières de la Marne où la dolichocéphalie est prédominante.
Voilà donc proches les uns des autres les cimetières à tombes
plates et un tumulus, véritable cimetière, qui quoique contempo-
rains, ©firent les restes de populations anthropologiquement
difïérentes.
Il me semble donc infiniment probable que la tombe plate
constitue dans les régions celtiques, tout-à-fait à la fin du
premier âge du fer et au commencement du second, une innova-
tion due à l'arrivée de nouvelles populations dont c'était là le
rite normal ; nous ne pouvons pas non plus considérer les régions
à tombes plates marniennes, où ne se montraient pas auparavant
les sépultures tumulaires, comme envahies alors par les Celtes,
les nouveaux venus n'ayant pas fait partie du groupement qui
primitivement portait ce nom.
Ces tribus, qui ont adopté la civilisation celtique et participent
à son évolution, apparaissent d'abord, tout-à-fait à la fin de la
période de Hallstatt, sur la bordure occidentale de la zone cel-
tique, en Champagne, et se développent surtout à la période
suivante, prenant rapidement une importance considérable. Tou-
tefois, antérieurement à une phase tardive du Latène I, elles sont
encore longtemps éclipsées par le groupe celtique proprement dit
et demeurent beaucoup moins riches que les Celtes de la Saône
supérieure et du Khin moyen.
Elles paraissent très tard venues à la civilisation hallstattienne,
et leurs cimetières les plus anciens nous montrent des emprunts
faits surtout aux populations celtiques limitrophes. Tels sont les
brassards en lignite, les bracelets filiformes réunis en nombre, les
torques fréquemment en bronze creux, les bracelets en bronze
soit creux soit pleins, unis ou gravés de chevrons ou dents de
loup, les rasoirs en arc de cercle, parfois encore munis d'anneaux ;
les fibules sont. aussi les mêmes et appartiennent à des types éga-
que le cimetière d'Haulzv, dans la Marne exploré par M. Gour\) tend pJutôt à faire
considérer ce mode de sépulture comme celui de nouveaux venus celtisés.
(1) E. Chouqcit : l'n tumulus au début de l'incinération dans Seine et Marne; in
Ualériaua 1S76 p. 312,
■ \ i iuiîi i fON v !, I n i>i DES CELT1 2^1
lemenl trè9 communs à la fin du Hallstattien en Franche Comté,
Alvi S tisse el Allemagne du Sud, régions d'où ils sont origi-
naires et d'où ils ont passée l'Ouest de la Saône et des Vosges.
En revanche, il faut remarquer tont spécialement l'absence .des
plaques de ceinture et des brassards en bronze mince si communs
alors (surtout les ceintures) chez les Celtes de Franche Comté, de
Suisse, d'Alsace et de l' Allemagne du Sud. 11 faut également
observer l'absence des libules à têtes d'oiseaux, assez fréquentes
dans la dernières des contrées ci-dessus et dont quelques exem-
plaires se retrouvent jusque dans le Jura salinois. La seule chose
qui, dans la parure, leur puisse être propre, peut être, est la fré-
quence du torque, et encore ne peut-on l'affirmer, car celui-ci
devient à cette époque beaucoup plus fréquent qu'antérieurement
chez les populations dont les restes reposent sous les tombelles
hallstattiennes, et, du reste, le torque ne paraît pas avoir été jamais
très rare dans certains groupes de la province hallstattienne
occidentale. Enfin un trait distinguant ces peuplades de celles
hallstattiennes voisines est l'importance que prend chez elles la
poterie dans le mobilier funéraire alors qu'en Lorraine, d'après
le Comte J. Beaupré, elle fait même parfois défaut dans les tumulus
du début du Latène I, (1) et qu'en Bourgogne elle ne joue qu'un
rôle assez peu important, tandis que la présence du rasoir les rap-
prochait des populations de ces dernières contrées.
Les armes paraissent tout d'abord assez rares dans ces tombes,
tandis que plus tard elles sont relativement très fréquentes ; elles
consistent surtout en épées très courtes, plutôt de véritables poi-
gnards, avec parfois fourreaux en tôle de bronze dont le décor
géométrique très simple ne fait nullement pressentir Fart si
caractéristique de la civilisation de Latène et montre ainsi que
celui-ci n'a pas pris son premier essor chez ces peuplades (voir
notamment au Musée des antiquités nationales, salle VII, les
poignards de la vitrine 32 appartenant en grand nombre à une
série nettement archaïque). Dans certains cimetières (Ciry Sal-
sogne entre autres ; voir au Musée des Invalides le mobilier de
toute une série de tombes très archaïques du Latène I, de cette
localité, dont l'une renfermait même une fibule serpentiforme en
fer) ce sont même des poignards très courts, dans les tombes
paraissant les plus anciennes. L'emploi fréquent du fer dans la
(1) Cf. J. Ijéchelbttë, Manuel dArch. t. Il, 3« partie p* 1043, note 1.
L ANTHROPOLOGIE. — T. XXIX. — 1918-1919. i<5
2^2 MVIHICE PHVOUTET.
parure (nombreux torques et bracelets en fer d'après. M. Bosteaux-
Paris. Résultat des fouilles de l'époque gauloise pendant les
années 1896 1897. Exposition des objets hallstattiens et marniens
provenant de ces fouilles, A. F. A. S. Nantes 1898) semble indi-
quer que ce métal était encore relativement assez rare chez ces
peuplades ou tout au moins que son usage courant remontait à
une date peu éloignée. De plus, les trois épées à antennes livrées
par les cimetières de la Marne (Charvaix à Heiltz TEvêque,
Saint-Étienne au Temple et Vitry-le-François) offrent une forme
très spéciale avec leurs antennes enroulées tout comme celles
des épées à antennes de la période V de l'âge du bronze, et
semblent bien indiquer que ces dernières ont, au moins, tout
autant servi de modèles directs à leurs fabricants que les poi-
gnards à antennes hallstattiens. Nous nous trouvons bien là, par
conséquent, en présence de tribus récemment entrées dans l'âge
du fer (1). et les arguments et différences ci-dessus énumérés
(1) On n'aperçoit rien, chez ces peuplades champenoises de la fin du 1er âge du fer,
qui rappelle Le Launacien, et aucun des types de bracelets (et anneaux de jambes)
de cehii ci, analogues et parfois même identiques à certains du Hallstattien de
Franche Comté et de Bourgogne, ne s'y montre. Ces peuplades paraissent donc être
passées de l'âge du bronze à celui du fer sans avoir participé a la culture Jauna-
cienne. Pourtant celle-ci a été répandue en France sur un très vaste territoire et
assez loin même vers le Nord Ouest, puisqu'elle apparait jusqu'en Normandie.
En ffet, M. Coutil (Sépultures et mobilier funéraire des Lexovii, hlssuvii, Vidu-
casses et Baïocasses, in Bu//, soc normande d'études préhistoriques t. XI 1903) a
montré l'existence, dans cette province, de sépultures (tombes plates) ayant livré un
mobilier dont les caractères indiquent nettement la contemporanéité avec le Halls-
tattien L'on y peut justement reconnaître de ces bracelets et anneaux de jambe
très semblables à ceux que l'on voit dans le Launacien du Midi et dans le Hallstattien
«1 b« tain - rie nos régions de l'Est. On y voit apparaître quelques rares types du
La eue I, notamment la fibule à arc surhaussé, (ef. L. Coutil, op. cit. pi. XI fig 11).
Cette population de la Normandie paraît avoir reçu la civilisation marnienne sans
avoir participé à son élaboration. Le très petit nombre d'objets attribuables aux
débuts de celle-ci, que l'on peut reconnaître d'après les tîgures et les descriptions de
M. L. Codt l &J qui se sont, trouvés associés au mobilier normal dû à la civilisation
locale, semblent bien l'indiquer. Une question reste encore là à élucider, cette popu-
lation s'est-elle assimilée d'elle même aux tribus des cimetières marniens dont etbni-
quement elle pouvait, peut être, n'être pas très éloignée, ou bien 5 a-t il eu conquête
par celles-ci? En tous cas le caractère launacien de la culture de ces régions
antérieurement à la période de Latène ne paraît pas faire de doute, quoique, des
avant celle-ci, l'influence du groupe hallstattien occidental s'y fasse sentir (quelques
types de bracelet*, anneaux de jambe, bracelets en lignite); il est confirmé par la
présence. dau> cette province, dp haches en bronza 1 douill "tanl une décoration
bien typique (et. .1. Décmrlbttr, M ■>>■/ d\Arch t. Il ii_. v27 n°i) et que l'on recon-
naît facilement dan! la description qu'en donne M. L Codtil : « quelques haches à
douille sont décorées de trois.quatre ou cinq lignes parallèles s'arrètant vers le centre,
( n\ rtUBl i KM v i i'ii DE DES i r i ri s. 2^3
suffisent, je crois, à faire voir qu'il ne peut s'agir de peuplades
m! émigré élu domaine des tumulus hallstattiens, mais de
nouvelle venue.
B populations ne paraissent guère avoir pris part (sauf peut-
être ep ce qui concerne r armement) d'une manière active au
travail de transformation qui s'opérait alors dans la civilisation
hallstattienne, cl d'où commençait à sortir celle dite de la Marne;
elles semblent n'avoir eu d'abord qu'une bien faible, sinon à peu
près nulle, participation à l'élaboration et aux premiers dévelop-
pements des nouveaux modèles dont on constate alors l'appa-
rition.
L'origine indigène de la fibule de Latène dans le groupe
hallstattien occidental (celtique).
On est généralement d'accord pour reconnaître que la civilisa-
tion de Latène est issue de celle de l'époque hallstattienne et la
chose ne paraît nullement douteuse. On observe, à la fin du
Hallstattien, dans les régions celtiques, une recherche de formes
nouvelles très remarquable, notamment dans les bracelets (ici, il
faut citer entre autres la recherche d'un mode de fermeture), ainsi
que dans les fibules où l'on voit apparaître une assez grande
variété de modèles nouveaux dont certains ne sont représentés
que par un nombre assez restreint d'exemplaires. Ce mouvement
industriel s'explique par le fait qu'il coïncide avec une période de
richesse et d'expansion des Celtes, ainsi que par l'influence de
leurs relations avec les Grecs, à ce moment excessivement actives,
ainsi qu'en témoignent les débris céramiques helléniques de
Ch;iteau-sur-Salins.
La fibule marnienne notamment est bien une création pure-
ment indigène du groupe hallstattien, due à ce mouvement
industrie] el non, comme certains l'admettent à tort, un dérivé de
la fibule de la Certosa. Deux caractères très importants les
parent, l'un relatif à la queue ou talon coudé et replié vers l'arc
jusqu'à venir à peu près en contact avec celui-ci dans la première,
l ni'lis que chez la seconde ce n'est que tout à fait l'extrémité qui
trouve coudée; l'autre est relatif au ressort, bilatéral dans
en cet endroit elles se terminent p.'ir un gros point » L. Coutil, L'âge du bronze on
Normandie el spécialement dans les départements de l'Eure et de la Seine-Inférieure,
in Bull. soc. normande d'éludés préhUt. t. VI, 1S'J8).
a44 _ Maurice piroutet.
celle de la Marne et unilatéral dans celle de la Certosa. Il existe
dans les régions celtiques quelques exemplaires, très rares, de la
dernière avec ressort symétrique par rapport à l'arc; ce sont des
types hybrides, compromis, comme il en existe bien d'autres
exemples, entre modèles différents, mais il est absolument
impossible d'y voir le type originel de la fibule de la Marne.
Celle-ci, en effet, provient simplement d'une réaction, comme la
mode en offre maints exemples, qui s'est produite dans certains
ateliers, réaction à la fois, d'une part contre l'abus des timbales,
gênantes pour saisir facilement la fibule, et de l'autre contre la
longueur exagérée du ressort et sa minceur, celles ci entraînant
un manque de résistance. Le motif terminant le talon est dérivé
tantôt de celui qui décore les fibules à tête d'oiseau, tantôt des
moulures ou du bouton plus ou moins compliqué de l'extrémité
de la queue des variétés hallstattiennes où celui ci ne porte pas
de timbale. La queue coudée, et souvent même repliée dans la
direction de l'arc jusqu'à être en contact avec ce dernier, est un
caractère se montrant déjà fréquemment à l'époque hallstatienne,
et c'est même là la règle pour les fibules à ressort bilatéral dans
toute la partie occidentale de la zone celtique; un certain
nombre de fibules de la partie orientale de celle-ci ont conservé
beaucoup plus tardivement le talon rectiligne, puisqu'on le
constate, dans ces régions, encore sur des fibules en arbalète à
ressort allongé (voir Naue, Die Hûgelgràber zwischen Ammer-
und Staffelsee, Stuttgart 1887, et du même : L époque deHallstatt
en Bavière in tieviuj archéologique, juillet-août 1895, fig. 9,
n° 77; (1) C'est là, dans ce reboussement du talon des fibules
hallstattiennes celtiques qu'il faut chercher l'origine de celui
que 1 on constate dans les libules marniennes, où il est tout aussi
typique que la bilatéralité du ressort 11 est impossible de le faire
dériver du' coude que fait l'extrémité seule de la queue de la
fibule de la Cerlosa (dont la date d'apparition est d'ailleurs
c ri ii ■" plus récente que celle des iibules hallstattiennes en
question), et où ce coude n'affecte qu'une portion infiniment
courte et presque complètement négligeable de cette extrémité,
même souvent le bouton terminal seul, de sorte que l'on peut
dire qu'il n'intéresse en réalité que ce dernier seulement; de plus,
dans la tibule de la Cerlosa, ce coude n'est jamais dirigé de
(1) Là aussi le porte agrafe, ou étner court, persiste assez tardivement.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CELTES, 245
manière à ramener la queue en avant vers le corps de la fibule,
comme cela se passe dans la fibule marnienne, mais le plus
uivent obliquement du côté opposé, et beaucoup plus rarement
il s'effectue à angle droit.
Enfin, les fibules ballstattiennes à ressort bilatéral, bien loin de
devoir leur origine à une influence étrangère, sont nées d'une
simple évolution qui s'est effectuée uniquement dans le groupe
ballstattien occidental lui même. Le goût très net pour la
symétrie que l'on constate au point de vue artistique dans le
groupe hallstattien celtique est, en réalité, la seule cause de la
bilatéralité du ressort des fibules et point n'est besoin d'en
chercher une autre. C'est très probablement à ce même amour de
la symétrie qu'est due la préférence donnée d'abord dans certaines
des régions celtiques, la Franche Comté notamment, à la fibule
sans ressort distinct (fibule à ressort arqué de M. \ de Mortillet),
celle ci s'y trouvant (associée à la fibule serpentiforme) relati-
ment très commune, lorsque l'usage de la fibule devient
normal et courant, à l'exclusion du type à ressort unilatéral que
l'on y voit apparaître seulement à l'état de rares exceptions, et
que la fibule à ressort bilatéral court succède là immédiatement
à celle sans ressort distinct. Il est infiniment peu probable que
celle-ci soit issue de la fibule serpentiforme par suppression des
méandres, tandis qu'il est beaucoup plus logique de la faire
descendre directement du type ordinaire à ressort unilatéral par
simple suppression du ressort spécialisé. Comme, la plupart du
temps, la différence entre les deux genres de fibules n'existe que
dans le ressort, il en résulte évidemment que c'est de ce côté
qu'il faut chercher le motif de la préférence constatée. C'est donc
pour cette raison qu'est né le type en arbalète, adopté d'autant
plus rapidement que la bilatéralité du ressort concourait à l'orne-
mentation de l'objet. Une très sérieuse présomption en faveur
de l'origine purement indigène de ce type est fournie par l'usage,
pendant une période dont la durée n'est certainement pas négli-
ible, des fibules à ressort bilatéral court, à l'exclusion de celles
à ressort allongé, produits d'une évolution qui continuait à se
poursuivre, et qui n'apparaissent que postérieurement, ainsi que
le démontrent nettement les faits indiscutables observé en
Franche-Comté. Il me parait même, que parmi les fibules en
arbalète à ressort court, on peut considérer comme réellement
plus anciennes que les autres et apparaissant antérieurement aux
5^0 MAURICE PIROUTEf.
types à ressort allongé, seulement celles à deux ou une bossette
en forme de calotte sphérique, ou à talon coudé à angle droit et
terminé par un bouton simple; toutes celles à ressort court et
présentant des bossettes plus ou moins aplaties ou coniques, ou à
talon coudé à angle droit terminé par un petit plateau ou par un
bouton plus ou moins compliqué me paraissent contemporaines
des types à ressort allongé, et, avec ces derniers, ont persisté
(associés encore parfois à des modèles plus anciens) jusque
pendant les débuts du Latène I. J'admettrais même assez volon-
tiers que dans les fibules à deux timbales en calotte hémisphé-
rique, le type à deux timbales égales doit être antérieur à celui
à timbales inégales quoique cela ne soit toutefois pas certain.
Enfin, ce qui semble bien montrer qu'on est en présence de
types très primitifs, c'est que dans ces fibules archaïques en
arbalète à ressort court, très souvent le nombre des tours du
ressort n'est pas identiquement le même des deux cotés.
Quant a la courbure, ou coude, de la queue, elle a évidemment
pour origine la même cause que le ressort bilatéral. En effet elle
ramène une certaine symétrie dans la forme générale de l'objet
ainsi qu'on peut le faire voir en schématisant le profil du corps
des fibules hallstattiennes ; on obtient ainsi les figures suivantes :
(l'ardillon étant figuré en pointillé) 1° fibule à étrier, ou talon,
ou queue rectiligne -—.!.__. . 2° fibule à talon coudé à angle
droit I- J_._ J . 3° fibule à timbale au talon __. [.
Ces faits de recherche de symétrie, très marqués dans la
partie occidentale de la province hallstattienne celtique, s'ob-
servent beaucoup moins dans la partie orientale. Dans celle-ci,
les influences italiques se faisaient beaucoup plus vivement sentir
par suite de relations et du contact avec les populations hall-
stattiennes des Alpes orientales (dont certaines peuvent être
qualifiées sans crainte du nom de celto-illyriennes), et c'est là
pourquoi beaucoup plus longtemps que du côté de l'Ouest s'est
conservé, dans les fibules, le talon ou étrier rectiligne, ainsi que je
l'ai déjà indiqué; il est même très probable que l'usage de fibules
à ressort unilatéral a aussi persisté là pendant une certaine durée,
pour la même raison, ainsi que l'étrier court (1). Il semblerait
(1) Celui-ci s'observe notamment flans une Abule en arbalète de l'Allemagne du
S i I ttjgttréé par trôltgch n-'u n.lst.'itistik p. &8 fiç. bj et sur un exemplaire, appartenant
ATTRIBUTION \ [/ÉTUDE DES CELT] 2^7
donc qu'au point de vue de la bilatéralité du ressort et du reploie-
men( de la queue de la fibule, les tribus celtiques occidentales,
séparées des régions italiques par des populations ligures, se
soient trouvées en avance sur celles plus orientales, au contraire
encore fortement soumises à Tinlluence italique.
De ce qui précède on est en droit de conclure que le ressort
bilatéral et la courbure du talon, soit à angle droit, soit dirigée
vers l'arc, ont tous deux*pris naissance sur le territoire de la pro-
vince hallstattienne que l'on doit, ainsi que je l'ai montré plus
haut, qualifier de celtique, sans que Ton ait à faire intervenir
l'influence d'on ne sait quelle population d'existence des plus
problématiques et dont les traces sont jusqu'à présent totalement
inconnues.
Si semblable groupement de peuplades avait jamais existé,
sou influence aurait du forcément se faire sentir également dans
la direction du Nord où la lin de l'âge du bronze de l'Allemagne
septentrionale et des régions Scandinaves n'est pas exempte d'in-
fluences et d'importations hallstattiennes ; or on n'en aperçoit
aucun indice, et il n'apparaît pas qu'aucune civilisation suffisam-
ment spéciale et indépendante se soit développée avec des carac-
- particuliers, pouvant être considérés comme ancestraux, soit
de celle de la fin du Halistattien, soit de celle du Latène I, entre
la zone hallstattienne et les régions du Nord et de l'Est où l'âge
du bronze s'est prolongé pendant le premier âge du fer ; en par-
ticulier les fibules nordiques synchroniques du Hallstattien ne
présentent aucune trace de l'influence, qui, dans cette hypothèse,
mirait amené l'introduction du ressort bilatéral chez les popula-
tions hallstattiennes
I ùin autre côté, et la chose est évidente pour la Franche Comté
notamment, les faits observés ne permettent pas d'admettre une
telle théorie. Si cette modification dans les fibules était due à
une influence étrangère, celle-ci ne serait certainement pas limi-
a ce seul objet; or on ne peut apercevoir, en même temps
qtie l'apparition du ressort bilatéral, aucune mndificadun ni dans
- funéraires l'inhumation demeure toujours de beaucoup
prédominante, et il n'existe rien de changé dans le mode de
construction des tombelles, ni dans la disposition des corps
Iles-ci), ni dans le mobilier funéraire, soit par l'apparition
nement àla fin du Halistattien, arec son corps constitué par une pièce distincte
»rt el '!'-. l'épingle, figuré par .1. Naue Hûgelgraber... pi. XXV flg. 1),
2^8 MAURICE PIROUTET.
d'objets qui n'en faisaient pas partie précédemment, soit par des
modifications dans le type de ceux habituels, soit encore par le
plus ou moins de fréquence de ceux-ci. Ce n'est que beaucoup
plus tard, alors que les fibules en arbalète à ressort allongé sont
déjà apparues depuis un certain temps, que, par suite d'une évo-
lution effectuée dans le groupe hallstattien celtique lui-même,
nous voyons apparaître de nouveaux types, mais nous nous trou-
vons alors aux tout premiers commencements du Latène I, ou
mieux à la période de transition entre le Hallstattien et le
Latène I.
On peut encore objecter que si la fibule à ressort bilatéral était
d'origine étrangère il est clair que les types indigènes auraient
persisté conjointement avec elle pendant encore un certain temps
(et ce fait serait encore très probable même si le mobilier funé-
raire avait subi quelques variations, ce qui n'est pas ici le cas) ; or
on voit au contraire que la substitution de la fibule à ressort
bilatéral à celle sans ressort distinct s'est effectuée rapidement et
radicalement. Enfin on est en droit de se demander pourquoi les
modifications auraient porté exclusivement sur le ressort et non
en même temps sur le mode d'ornementation de l'objet qui, avec
ses timbales ou les caractères du bouton terminal du talon
lorsque celui-ci ne porte pas de timbale, demeure parfaitement
dans la tradition locale antérieure.
Eclaircissements sur le chapitre II.
A. — Les sépultures tumulaires, très communes au début du La-
tène I, deviennent de plus en plus rares au fur et à mesure que l'on se
rapproche de la fin de cette phase. Au Latène II elles sont tout à fait
exceptionnelles. Bien moins rares au Latène III, leur mode persiste
encore en bien des endroits reculés à l'époque gallo-romaine.
Or au Latène III nous assistons à une reprise d'importance politique
de la classe populaire, c'est à dire des descendants des habitants anté-
rieurs à l'établissement de l'aristocratie conquérante à laquelle appar-
tenait le nom de Gaulois. Nous voyons, en effet, les chefs patriotes
(ambitieux, selon César, qui, dénigrant ses adversaires, Peint de ne
voir parmi eux que des intrigants el de La racaille) s'appuyer sur la
populace contre les nobles, amis do Rome. En lisant César, il semble
bien qu'alors la caste aristocratique cherchait un appui dan-- 1rs
Romains.
CONTRIBUTION \ L'ÉTUDE DES CF.T.TF.S. ^'iO,
S l'on observe que le conquérant, après avoir écrit que la noblesse
el les Druides jouissaient seuls d'une importance politique quelconque,
nous montre des chefs, factieux suivant lui, cherchant à arriver (et y
venant souvent) au pouvoir, grâce à l'aide de la populace, nous
ibligés d'en conclure que cette même populace comptait tout
de même alors un peu plus qu'il ne voudrait le Caire croire. On en peut
tirer, de plus, la conclusion que, écrivant dans un but politique, il
veut faire croire à Rome que son rôle en Gaule, se borne, tout en
-nant les intérêts de sa patrie, à soutenir les honnêtes gens contre
les mauvais sujets et qu'il ne fait que remplir les fonctions de
idarme. en quelque sorte; de cette manière, les plaintes portées
contre ses agissements, venant de malfaiteurs seulement, ne doivent
pas être prises en considération.
Si. en outre, on remarque que le seul druide que nous voyons alors
jouer un rôle, est ce Divitiac servant, pour ainsi dire, de fourrier au
Proconsul, tandis qu'un Gutuater des Carnutes est parmi ses adver-
saires, on peut penser qu'il existait un antagonisme entre le clergé
druidique, possédant la faveur des grands, et celui desservant les
divinités locales, antérieures à l'établissement du Druidisme et demeu-
rées en faveur auprès des indigènes (indigènes relativement à l'aristo-
cratie gauloise). On en pourrait conclure que l'autorité des Druides
n'était pas aussi solidement établie que l'auteur romain veut bien le
dire, tout au moins qu'elle était fortement contrebalancée par les cultes
locaux auxquels le peuple était demeuré fidèle. Ce serait la raison pour
laquelle le druidisme qui, du reste, avait probablement alors partie liée
avec les nobles, cherchait un appui dans l'envahisseur romain. Ce en
quoi il se trompait si l'on en juge par les persécutions dont il fut plus
tard l'objet, ayant probablement voulu réagir trop tard voyant qu'il
s'était donné un maître, tandis que les cultes locaux persistaient
florissants, en même temps que les corporations d'artisans prenaient
une place très importante dans la vie de la cité.
(A suivre.)
L'AGE OU HROISZK
DANS LE BASSIN DE PARIS
PAU
L'ABBÉ H. BREUIL
Professeur à L'Institut de Paléontologie Humaine.
Vî. — Ornements de corps, accessoires de vêtement,
d'équipement et de harnachement du bassin de la
Somme.
(Deuxième parti?.) (1)
II. — Documents complémentaires sur des bronzes Picards
ht BASSIN DE L'AuTHIE.
Un travail sur les épingles et les bracelets de la Picardie ris-
querait d'être trop incomplet, si Ton ne tenait compte d'une
découverte assez originale faite dans les marécages qui s'étendent
sans discontinuer entre les baies de Somme et d'Authie, à Villers-
sur-Authie (Somme). Bien que cette trouvaille présente un carac-
tère assez diiîérent de ce que le bassin môme de la Somme nous
a donné, elle doit entrer en ligne de compte pour les travaux de
•graphie archéologique et indique un groupe d'objets qui
peuvent se retrouver un jour ou l'autre en divers points voisins
de la Picardie. M Van Robais en a publié une note sommaire
(Mém. Antiq. de Picardie, t. XXVI, p. 122 et pi. III), avec une
figure d'ensemble où toute une série d'objets sont enfilés dans un
torque funiculaire, ou attachés par un fil de bronze à la tige de
torque (fîg. 1). J'ai pu étudier l'ensemble à Abbeville, grâce
(ij Voyez L'Anthropologie, t. XI p. 503: Ml, p. 285; XIII, p. 467. XIV, p. 501; XVI,
p. 149; XVIII, p. 513. — L'Importance des travaux sur l'art paléolithique auxquels je
me suis constamment adonné depuis des années est la cause du retard mis à publier
• rnier article sur les bronzes de Picardie.
i.'anthkopoi.ogie. — t. xxix. —1918.
352
II. BREUIL.
à l'amabilité de M. Macqueron, gendre de Mme Wattel, qui con-
serve ces objets actuellement. — M. Van Robais mentijnne,
comme provenant de cette découverte : 1 torque, 3 épingles,
2 annelets à tige spiralée, 16 bracelets, la plupart ciselés, 2 lames
de poignards et 2 cylindres à une extrémité aplatie d'usage
inconnu.
M. G. de Mortillet suppose que l'assemblage baroque du torque
et des objets qui 1 accompa-
gnaient est dû à l'intervention
des inventeurs qui ont trouvé
ces objets dans un sol tourbeux ;
j'ignore qui peut avoir raison de
lui ou de M. Van Robais.
Actuellement, il faut défalquer
de la liste donnée par l'archéo-
logue picard le plus grand des
deux poignards, qui s'est trouvé
égaré ou volé dans une exposi-
tion Amiénoise où l'ensemble
de. la trouvaille avait figuré.
Voici, sommairement, la des-
cription des objets que j'ai eus
en mains.
1 pommeau d'épée (?) (fig. 2,
n° 1) (1).
1 petit poignard, réduit par l'usure à une dimension longitudi-
nale si restreinte qu'il ne pouvait guère servir qu'à racler ; c'était
une simple lame, à base forée de deux trous de rivet (fig. 3,
n° 5) ; ces trous sont de forme conique, très aplatis, bien plus
ouverts d'un côté que de l'autre ; la lame est complètement plane
sur la face non figurée; les taillants sont bien marqués sur celle
représentée par le dessin. — L'autre poignard, dont j'ai fait,
d'après le croquis de Van Robais, un dessin approché (fig. 3,
Fiel.— Objets delà cachette de Villers.
Bur-Authie, tels qu'ils furent figurés
]>;ir M. Van Robais.
(1) Un objet presque identique fait partir de la cachette de. Santenay (Côte d'Or),
a ver haches à bords droits sinueux et à talon carré, par conséquent relativement
anciennes (cf Matériaux, 1873. pi. VI). Un autre vient de la cachette de l'Ile Guennoc
(Finistère) (cf. |> du Chatellier, L'Anth., 1891, p 21) mais le disque est décoré de canne-
lures concentriques; il était accompagné de plusieurs hache» à ailerons et à douille,
On sait qu'en Bretagne, la Buccession des types de haches ne se fait pas avec
la même régularité que dans les régions parisiennes et dans le Centre et l'Est de la
Franrr.
L AGE r>U BRONZE DANS 1U>SI\ DE PARIS.
,53
n° i) était une simple lame, se rétrécissant assez vite au-dessus
de la hase et sVflilant un peu ; la base était forée de 2 trous de
rivets.
1 objet indéterminé, petit cylindre foré au milieu et à base
évasée (fig. 2, n° 2) (1).
Fig. 2. — Torque de bronze, anneaux et cylindres de la cachette de Villers-sur-
Authie. Echelle: 1/2.
3 épingles (fig. 3, n° 1, 2, 3), dont 2 très voisines de celle de la
cachette de Caix (L'Anth., XVIII, p. 514, fig. 1, n" 5), à renflement
de la tige perforé et retenant un annelet mobile ; la section de la
tige de ces 2 épingles, dans la région renflée, est plus ou moins
subtriangulaire ; leur décoration est très soignée. La 3e épingle,
qui a une petite bélière, est d'une décoration plus sobre, et à sec-
tion circulaire.
(1) Cf. P. os Goy, Petit Villutte, pi. XIV, fig. 6.
254 H. BRElll .
16 bracelets, dont le plus grand nombre entièrement circu-
laires; 3' seulement sont ouverts, ou du moins discontinus et
ovalaires, et 1 ovalaire et continu, mais présentant une incision
destinée à le segmenter comme les précédents ; de ces 4 derniers,
un seul présente une ornementation en chevrons formés de
faisceaux de lignes gravées (fig. 4, n° 4) ; leur section est sub-
cylindrique.
Au contraire, le plus grand nombre des bracelets circulaires
présentent une décoration incisée assez variée, et une section
aplatie et parfois subtriangulaire (fig. 4, n°l, 2, 3 ; fig 5); un
seul ne montre pas de décorations ; il est du diamètre de fig. 5,
n° 3, mais à tige à section aplatie. L'un d'eux (fig. 5, n° 2), est
beaucoup plus large et plus épais d'un côté que de l'autre; et les
dessins îeprésentent 9 des 12 bracelets circulaires, je viens d'en
citer un sans ornement ; j'ai à signaler, outre ceux-ci, un autre
bracelet à peu près semblable à d'autres de même provenance.
11 reste à signaler 2 petits anneaux ouverts, formés d'une
tigelle de bronze s'enroulant une fois et demi sur elle-même
(fig. 2, n° 2).
111. — Observations, Comparaisons, Conclusions.
1 . Fibules
Des fibules, nous dirons peu de choses, car l'attribution des
spirales à ce groupe d'objets est bien fragile ; elles peuvent aussi
provenir de bracelets, ceintures, plastrons, etc. — Ces objets ont
été rencontrés dans d'autres cachettes françaises de la fin de l'âge
du Bronze, comme Larnaud (Jura) qui en contenait huit, Vaudre-
vangues. Le Theil (Loir-et-Cher) (ceinture), le Petit Villatte (Cher),
Launac (Hérault), Les Arz (Ariège) (1). — Ils ne se trouvent pas
en Normandie, ni plus au Sud et à l'Ouest que le Cher; on n^n
trouve pas en Suisse, en revanche la Champagne et la Bourgogne
paraissent en être riches : même en omettant les spirales (2) du
brassard de Vinets (Aube) (musée de Troycs), celles des jambières
1 Ceuj '!*'. cei <l<'ii\ dernières cachettes sont d'un groupe .issez distinct, le fil étanl
beaucoup plus épais et ;ï section cylindrique.
(2) Cf. Chantre, Premier fige du fer, pi. XXIII et XLIV. Lu Glbrt, Calalof/ue des
Bronzes du Minée de Troyes, pi. LV, etc.
200
I LGE DU BRONZE DANS II BASSIN DÉ PARIS.
de Champigny (Aube), et des brassards de Magny-Lambert, delà
'
G
Fld 3. - I
piDgle. èl poignanl, de la McheUe de \ i llors-s,,,- Aulhic. Echelle : 1/2.
Combe-Bernard (Côte-d'Or) de Publy (Jura) nous trouvons desobjets
encore plus étroitement identiques au Musée de Reims, d'abord
20(3 H. BREUIL.
une grande plaque spiralée trouvée près de Reims, dans le canal,
en 1842, qui parait avoir été double, puis divers objets de la
collection Huât, au même Musée, dont une autre plaque spiralée
semblable, mais un peu plus petite, avec traces de fer; une autre,
simple, mais faite d'un lil de bronze plus mince, avec, au centre,
un petit cabochon retenu par un rivet en fer, mais surtout une
grande plaque spiralée géminée, qui, cette fois, avec l'ardillon
en moins, rappelle complètement les fibules de l'Europe centrale
et méridionale composées d'un double enroulement, entre les
parties symétriques duquel le lil fait souvent un certain nombre
déboucles (1); l'ardillon, tantôt est formé par un retour du fil,
tantôt par une épingle perforée traversée par le fil lui-même. C'est
incontestablement dans la basse vallée du Danube, et surtout en
Hongrie et en Serbie, que le goût de ce genre d'ornement s'est
développé: en Serbie, il est resté extrêmement goûté jusqu'à une
époque très récente, en particulier sous la forme d'ornements de
poitrine (tchétiré tokès) (2). De là, ces ornements ont gagné
des régions plus septentrionales, jusqu'à la Baltique, et, parla
vallée du Danube, pénétré vers l'Ouest, sans descendre vers
la Suisse, mais en remontant vers la Champagne et la Côte-d'Or,
sans s'étendre, semble-t-il, au delà de la Picardie et du Berry , mais
en redescendant, par la Saône (3), jusqu'au Jura; quant aux
spires massives de l'Hérault et de l'Ariège, ce n'est sans doute
pas par la même route d'émigration, qu'elles doivent se relier au
même berceau.
(1) En voici divers exemples : Danemark : à Mœldrup, double enroulement complet,
sans boucle médiane, ardillon en fer (in Neekgaakd : Systématisation des trouvailles
danoises de l'âge du Fer) — En Bosnie, même type, mais à ardillon formé par le
retour du fil de bronze (in Hoeknks, die Hailstatt Period). Le type à double bouclei
interposée est commun dans l'Italie Méridionale (Montélius, La civilisation primitive en
Italie, fig. '283,; en Attique et à Olympie {Zeilschrift fiir Ethnologie, 1889, p. 225) ;i
existe a Hailstatt Mat., 1872) — Dans d'autres, il n'y a qu'une boucle, mais l'épingle,
en croix archiépiscopale, est distincte, et la distance entre les deux spirales est tiès
supérieure à leur largeur {Zeitschrift fur Ethnologie, 1892, p. 358 et 1898, p. 222).
Dans d'autres, les boucles se multiplient {Zeilschrift, 1889, p. 225; 1898, p. 224), etc.
(2) Matériaux, 1870 n. 6 : Wladimik de Maïnof : Note sur les Tùquès ou ornements
gpiraloïdes, voir surto <t les ornements de poitrine, fig. 6 et 7, composés de doubles
ou quadruples spiral
(3) Une sorte de large bandeau de bronze, terminé aux deux bouts en spires discoi-
dales, provient du lit de la Saône, à Lamarche (Côte d'Or) ; cf. Marchant, in Matériaux,
1870, p. 52». Les enroulements se font, non en sens alterne, mais du même côté.
l'âge di bronze dans le bassin de paris.
357
2. Épingles,
La série de 17 épingles (en y comprenant celles de la cachette
de Villers-sur-Authie, est bien maigre, comparée aux immenses
Béries des palatines de Suisse; elle est aussi beaucoup moins
riche en variétés, et les formes dominantes du petit groupe Picard
ne sont pas celles qui sont en majorité de l'autre côté du Jura.
Fig. 4. — Bracelets circulaires de Villers-sur-Authie. Echelle : < 1/2.
D'autre part, il faut noter que les épingles de bronze qui se
retrouvent assez fréquentes dans l'Oise, la Seine-et-Marne (1), en
Champagne, en Bourgogne, dans l'Est, dans le Jura et les
vallées de la Saône et du Rhône, sont extrêmement rares en
Normandie, en Bretagne, dans la moitié Sud et Sud-Ouest du
bassin de la Seine, le Berry, le Poitou, la Vendée, la Charente (2),
I) autre part, si l'on passe la Manche, on constate une grande
pauvreté, et aussi, à part plusieurs formes communes, un
(1) Cf. lievue. archéologique, 1891. E. Todlouze, Etude sur Morsang-Saintry.
(2j La cachette de Venat en contient seule une petite série ; encore sont-elles
extrêmement menues et de dimensions réduites ; la cachette du Petit Villatte, de
Manson, de N. D. d'Or n'en contiennent qu'un seul fragment ; Choussy en contient
deui ou trois petites; les autres cachettes, Nantes, La Ferté-Hauterive, Le Verger-
u, n'en contiennent pis.
L'A.IlHhOPOLOGIB. — t. xxix. — 1918-1919. 17
258 H. BREUTL.
ensemble très dilïôrjut; il semble bien qu'on puisse attribuer à
une influence de la Suisse et de l'Est la présence des épingles dans
la vallée de la Somme, et que cette influence, très sensible
jusqu'au voisinage de Paris et de Beauvais, et encore auprès de
Nevers, n'ait guère, sous cette forme, dépassé vers l'Ouest, ces
limites.
Entrons plus avant dans les comparaisons; quatre cachettes
ont donné des épingles ; la plus ancienne (avec hache à ailerons
archaïques seules) celle de Caix; en a donné deux : une large
tête discoïdale {L'Anth. XVIII : fig. 1, n° 14), et une épingle moins
grande, à tige renflée et perforée, très soigneusement ciselée (ibid.,
fig. 1, n° 5). La cachette de Villers-sur-Authie n'a donné aucune
hache avec les trois épingles de la même famille que cette dernière
(fig. 3, n° 1 à 3); nous étudierons plus loin quelle place l'étude de
son torque et de ses bracelets lui réserve dans la chronologie. La
cachette à haches à douille et à ailerons de type avancé du Plain-
seau n'a donné qu'une épingle à tige renflée et crénelée, avec
bélière (L'Anth. VI1IÏ : fig. 1, n° 9). Enfin la cachette de Dreuil,
avec haches à douilles toutes seules, a donné une portion de tête
creuse sphéroïdale (fig. 1, n° 15), ornée de bossettes en relief, de
pur type helvétique (1); de ce dernier type, je ne connais même
aucun autre échantillon français, la Savoie exceptée.
Les grandes épingles du type de Caix, à tête formée par un
large disqae métallique se trouvent (2) en Belgique (Sinsin), en
Irlande, dans la Lozère (causse Méjean), dans les palafittes de
Suisse, dans la vallée de la Saône; plusieurs têtes proviennent de
la grande cachette de Larnaud (Jura) et de celle de Clarafond
(Savoie), qui sont de la fin de l'Age du Bronze, mais d'autre
part, la cachette de Vernaison (Rhône), qui est beaucoup plus
ancienne, en contient aussi. Il est est donc difficile de tirer
(1) Comparer, spécialement, à fig. 6, pi IV, in Der Pfahlbau Wolligshofen, von
J. Heikhli (Mtttlieilungen des Anliq. Gesellsch, Zurich, XXII). Généralement, les
sphéroïdes qui forment la tète de ces grandes épingles ont des ouvertures circulaires
(cf. ibid, et aussi : Musée de Lausanne, Album des Antiquités Lacustres, pi. XX1I1 ;
Dksoh, le Bel Age du Bronze, pi. V) ; Gkoss, Moeringen et Auvernier, pi. VIII, et les
Protohelvètes, pi. XXI.
(2) cf. CuMHAiHB. Les premiers Ages du Métal, pi- X. — Evans, loc. cit., p. 400. —
A.mjhk, Découverte d'objets en bronze sur le Causse Méjean. — Krllbk, Etablissements
lacustres, pi. X. — Musée de Lausanne, Antiquités lacustres, pi. XXIV, n° 23. —
G. de Mortillkt, Fonderie de Larnaud, p. 26, et Musée Préhistorique, pi. XCHI,
n° 1205 et 1204. — Pour l'Italie v. Munko, Lake dwellings of Europa, fig. 84, n° 9, 10,
11, de Montale, au Sud de Modène.
l'âge du bronze dans le bassin de paris. 359
une conclusion d'un type aussi peu centralisé, et en somme,
FlO. ."). — Bracelets divers de Villers-sur-Authie. Echelle : 1/2.
partout aussi clairsemé. Notons seulement l'absence de la forme
britannique à tète s'insérant perpenliculairemant à la tige,
260 II. t;ki:; il.
et de la forme lyonnaise (Vernaison) à tige tordue en U (Ji.
Les épingles ciselées à tige renflée de Caix, de Yillers-sur-Authie
nt également des analogues en Angleterre avec haches à talon (2),
mais elles sont d'un type également peu commun ; 'en Suisse,
Italie en Allemagne et Bohème, il n'y en a pas qui soient vraiment
de ce type, bien que de rares exemplaires le rappellent plus ou
moins (3). Les autres épingles picardes, fig. 8 et 10, en sont des
variantes moins soignées.
Celle du Plainseau est un peu plus banale, avec sa tige renflée
et crénelée; pourtant, elle manque dans les Iles Britannique, la
Belgique ; on ne la retrouve en Suisse qu'en proportion infime (4).
En Normandie, la cachette de Baux-Sainte-Croix, avec haches à
talons, en a donné une analogue, mais à tête tronconique et sans
bélière. La Champagne en a donné plusieurs exemplaires; celui
delà sépulture de Courtavant (Aube), de la collection Morel, est
bien connu; il y avait dans la môme collection une épingle ana-
logue de Thars (Marne) dont la tête était conique, au lieu d'être un
large disque comme dans celle du tombeau de Courtavant; il y a,
au musée de Château-Thierry un fragment d'une autre ép'ingle à
tête discoïdale plate, et à crénelures très accentuées; parmi les
nombreuses épingles dragués à Morsang-Saintry par M. Toulouze,
certaines sont également de ce groupe, mais se rapprochent
davantage des épingles picardes (L'Anllï. XVIII, fig. 1, ne 1 et
n° 2.) La cachette de Vernaison en présente de cette forme (Mus.
Préh. fig. 872), associées à des haches à bords droits. Une cachette
du Gard, celle de Vers, se composait de 11 épingles, dont une
rentre dans la même série, tandis que trois autres doivent-être
comparées plutôt à notre épingle de la Somme, ibid., fig. 1, n° 4.
(1) Cette forme se retrouve encore plus accentuée dans les sépultures de Saint
Jean de Maurienne. cf. Chantre, in Matériaux. 1872, p. 276.
(2) Evans, Age du Bronze, p. 397.
(3) Munbo, The Lake dwellings of Europa, p. 131, fig. 28, n° 2 et 3, du lac de Cons-
tance; p. 258, fig. 84, n° 32, 33, de Montale, au sud de Modène. — Sculiz, DieBevôl-
kerung der Obérants lleilhrom, avec la hache à talon. — Pfalbauten, 8* berirht,
ttg. ce. pi. III, Mittheil. Ant. Ges. Zurich, XX, 1. — Dé belette, VÀnlhr. 1900, p. 413,
fig. 2, h.
(4) Hbirkli, Pfalbauten, neunter Bericht, in Millheilungen Ant. Gesell. Zurich, X1LU,
hefl 2, pi. V, fig. 4: pi. VI, fig. 13. - Gkoss, Les Protohelvètes, pi. XXI, ag. 53. -
Coutil, L'Age du Bronze en Normandie, pi. 5, n° 9. — Léon Mokel, La Champagne
souterraine, pi. 42. — ToULQUBB, /oc. cil. in Revue Archéologique I894-, fig. 8. — Mm-
oaui», Cachette de Vers (Gard;, in L'Homme Préhistorique, 1905, p 225..-— Pfalbauten
8e bericht, toc. cit. pi. III, fig. bb.
(5) Toulouse, loc. cit. fig. 5.
• L'AGE D1 BRONZE DA.NS LE I î A s S l \ DE PARIS. 2Ôl
Cette épingle peut <Hre utilement comparée à plusieurs de
Morsang-Saintry et de Vallée-au-Bae (Seine-et-Marne) à certaines
de Peschiera (I). On pont la dire absente de Suisse, mais il y en a
plusieurs à Vernaison.
Quant au type, ibid.t fig. 1, n° 3, où la tète se confond avec le
renflement crénelé, il en existe (2) un exemplaire de la cachette de
haches à talon de Baux-Sainte-Croix (Eure), un autre, de la
Combe-Bernard (Côte-d'Or), une de la cachette de Vers (Gard),
plusieurs du lac de Zurich, de Bohême et d'Allemagne.
Pour l'épingle à tète discoïdale et tige droite (fig. 1, n° 7), il s'en
trouve (3) en Irlande, en Bohème, à Pougues-les-Eaux (Nièvre),
niais sans bélière. Celle (L'Anth. VIII, fig. \, n° 6) peut se rappro-
cher (4) de certaines épingles d'Italie.
11 reste à comparer les trois plus petites épingles de la série
{L'An! h. VIII, fig. 1, nos 11, 12, 13). La première, avec sa tête
cylindrique à double cannelure la divisant en trois segments, se
laisse aisément rapprocher (5) des nombreuses petites épingles de
Saint Pierre en-Chastres (Oise), de celles de la cachette de Venat
(Charente), d'une provenant sans doute de Choussy (Loiret Cher),
de deux du petit Villatte, et les modèles les plus simples des palaf-
littes de Savoie et de Suisse. Les deux petites épingles à tête glo-
buleuse me paraissent trop peu caractérisées pour m'y arrêter;
des objets identiques peuvent être de l'époque gauloise ou
romaine; je signalerai seulement que les épingles à tête globu-
leuse qui manquent en Picardie, ou peut s'en, faut, deviennent
vite nombreuses dans les bassins de l'Oise, de la Marne, de l'Aube,
se retrouvent, mais en très petit nombre dans la Nièvre, le Loir-
cL-Cher, et pullulent littéralement en Suisse et en Savoie; à
Larnaud, elles forment la masse de soixante et un fragment
M, RblLbr. IM'albauten, fûnft Bericht, pi. V, n° 3 et 1), Miltheilungen der Anl'iq.
Genel., Zurich, XIV. — Db Mortillet. Musée Préhistorique, fig. tf7t, 873.
Coutil, toc. cil., pi. V, n° 9. — Qbch blette, Les sépultures de l'Age du Kronze en
France, in L'Anthropologie. XVII, p. 332. — Hbibrli, Pfalbauten, neunter bericht,
pi. VI, n" 1, 5, in Mitlheil. Anl,.Ji>'s. Zurich, XXII, 1. — Scklitz, op. cit., avec hache
à talon. — I)k:hkli:itk, L'Anth. 1900. p. 41 3, ÛÇ. 2, m, q.
•lu Bronze, p. 399.
no, op. cit. p. 199, flg. ■'!. - Dbchblettk loc. cil., fig. 2 et 6.
rtoR-MLLBT M isée Préhistorique, fig. 118S, 1189. 1190, 1193, 1196. — Geokgb et
chette df Venat, pi XV et XXIII. — P. db Goy, La cachette de fondeur
du Petit Villatte, pi. XIII, foc. 2. — Kki.uh. Pfalbauten, zweiter bericht, pi. II. in.
Iheilungen Ant. Ces. Zurich, XII. 3. — d rit ter bericht, Mit!.. An t. Ges. XIII, pi. V
— HhiH-.u. ihid, neunter bericht, Mitlh, Ant. Ges. Zurich, XXII, 2, pi. V.flg l€.
2(b H. BREUIL.
d'épingles; c'est également le type le plus répandu en Belgique.
Ce serait trop long de signaler les types qui manquent à la
Picardie, car ce serait le plus grand nombre des formes de l'Est,
de la Suisse, de l'Italie, et même de l'Angleterre, qui ne se
retrouvent pas, et, chose curieuse, les types trouvés en Picardie
ne se trouvent abondants nulle part.
3. Boucles d'oreille.
Deux objets seulement répondent à cette rubrique, d'après Sir
John Evans, et proviennent de la cachette de Dreuil ; l'auteur
anglais les rapproche avec raison d'un certain nombre d'objets
semblables, recueillis dans les tumulus d'Angleterre et d'Irlande,
et qui sont tantôt en or, tantôt en bronze (1). Je n'en connais pas
d'autres, sur le continent, se rapportant à l'âge du bronze, que les
pendants d'oreille, en or, de la grotte de Sinsin, en Belgique (2).
4. Torques.
Deux objets Picards répondent à cette désignation : le torque
de Villers-sur-Authie, et le petit fragment de torque funiculaire
de Saint-Roch (LîAnth. VIII, fig. 3, n° 6) ; peut-être le fragment
(L'Anth. VIII, fig. 3, n° 5), de Dreuil, faisait-il partie également
d'un torque mince et légisr. Les torques funiculaires sont nom-
breux en Angleterre (3) où il s'en est trouvé avec des haches à
talons ; c'est un type qui manquerait en Ecosse et en Irlande. En
France, comme en Angleterre, il en existe un certain nombre,
tantôt en bronze, tantôt en or.
Parlons d'abord des premiers : la cachette de Brécy (Aisne),
qui contenait des haches à douille, a donné à la collection Vielle
un bracelet fabriqué avec un morceau de gros torque funicu-
laire; avec le torque de Déville-les-Rouen (4), c'est le seul objet
de ce genre à signaler dans le Nord du bassin Parisien ; mais il
s'en est trouvé d'autres dans diverses cachettes : Larnaud(Jura) (5),
(1) Evans, op. laud. p. 425.
(2) Comuaihe, op. laud. pi. X. fig. 103.
(3) Evans, op. laud. p. 405.
(4) L. Coutil. L'Age du Bronze en Normandie, p. 12, et : Revue de VÈc. d'Anthro-
pologie, 15 août 1898.
(5) Ceux des cachettes de Wnatet du Petit Villatte sont, des bracelets probablement
comme notre objet de Dreuil.
L'AGE DD BRONZE l>V\> il BASSIN DE PARIS. :>63
Petit Villatte [Cher) Venat (Charente) (1); M. le Comte 0. Costa
de Beau regard, dans un travail récent, en cite aussi de Manson,
de Saint-Bonnet (Hantes Alpes) (2); l'Abbé Cau-Durban (3) en a
découvert 9, à grands crochets, dans la cachette des Arz (Ariège) ;
le dépôt belge de Dave en contenait 4, et M. Comhaire en signale
dans un autre dépôt, à Berg Terblijt, avec des haches à douille
et à ailerons (4). En Suisse, les palafittes ont donné fort peu de
torques et ils ne ressemblent guère à ceux d'Angleterre (5).
Les torques en or du type funiculaire ont une répartition plus
étendue dans les Iles Britanniques, et, même en France, on en
connaît plus que de torques en bronze du même groupe. L'un
d'eux vient d'une cachette normande (Fresné-la-Mère, Calvados).
Un autre vient de Saint-Leu-d'Esserent (Oise). Ces divers objets
sont étudiés avec beaucoup de soin par le Comte 0. Costa de
Beauregard, au travail duquel je renvoie mes lecteurs.
5 Bracelets.
C'est la plus longue série que nous ayions aujourd'hui a étu-
dier ; ce n'est pas la plus intéressante ; la série est pauvre et peu
variée et se prête mal à des déductions trop détaillées. L'analogie
avec l'Angleterre, où les bracelets sont rares et misérables, s'im-
pose, ainsi que le contraste avec la région Helvétique. Le groupe
de Villers-sur-Authie est très aberrant ; il évoque nettement des
influences étrangères, de pays déjà fortement influencés par des
éléments Hallstattiens.
Les comparaisons portant sur les boutons, anneaux, plaques, etc.
pourraient donner lieu sur quelques points de détail, à d'utiles
comparaisons, mais d'autres les feront plus utilement, et, le
(1) 0. (]o«ta de Bbaokrgabd : Le Torques d'or de Saint-Leu d'Esscront, extrait du
LXXIl* Congrès Archéologique d\ France.
' o Dobban. Cachette des Arz (Ariège), in Matériaux, 1882, p. 212.
i HHAfBB. op. laud. p. 28 et pi. JX.
I Larnaud a donné, d'après de Mortillet (Fonderie de Larnaud, p. 24), trente deux
échantillons se rapporta ni aux torques ; cinq étaient torses, dont un complet, 1rs
autres sont lisses, mais plus ou moins décorés de gravures. M. de Mot t i h I compare
ces torqiN - • ceux des lombes protosidéiiques du Valais.
Ksllbr, Etablissements lacustres, V rapport, par Gross, Forel, etc., in Millheil.
Ant. ges. Zurich. XIX, 8, pi. XI, iig. l (Colon bia) (t ( r.ose, I îoUlu lè\N?, ] I. XYI
14, Coitaillod).
264 H. BREUIL.
temps ayant déjà marché dix-huit ans depuis le moment où j'ai
réuni les matériaux de ces mémoires sur le bassin de la Somme,
des travaux d'un intérêt plus général sollicitent maintenant toute
mon activité d une manière trop impérieuse pour que je puisse
consacrer aux derniers feuillets de ce travail un temps mieux
employé à des tâches moins abordables à tous les archéologues.
CONTRIBUTION
A L'ÉTUDE DES CORRÉLATIONS PHYSIQUES
ET PSYCHO-SOCIOLOGIQUES
DE LA CIRCONFÉRENCE CÉPHALIQUE
PAR
M. André CONSTANTIN
Chef d'escadrons.
Dès le début des études anthropologiques, d'assez nombreux
travaux ont paru établir que, du moins dans une certaine
mesure, l'intelligence augmentait avec le volume du cerveau et
par suite avec la grosseur de la tête. Tandis que certaines études
montraient que l'éducation et l'alimentation peuvent être des
causes de modifications dans la morphologie crânienne des ani-
maux domestiques (1), des recherches récentes ont confirmé
l'existence de relations entre l'intelligence et la grosseur de la
tête d'une part, entre cette grosseur et l'élévation de la stature
d'autre part (2). Quelques anthropologistes ont même cru remar-
(1) Dr Akloing, De l'influence de l'éducation sur le développement du crâne du chien
(Bull, de la Soc. d'Anthr. de Lyon, 1881) : Lesbre rr Porchrre(,, Variations morpho-
ques de la tête sous l'influence du régime alimentaire (Bull, de la Soc. d'Anthr.
de Lyon, 1902). Klatt, iïber die Verànderung der Schâdelkapazitât in der Domestica-
tion >itzumgs-Berichle d. G. naturforschender Freunde, 1912).
(2) Rroca. De l'influence de l'éducation sur le volume et la forme de la tète (Bull%
de la Soc. d'Anth. de Paris, 1892); Debikrre. De l'influence du travail cérébral sur le
volume et la l'orme du crâne (Bull, de la Soc. d'Anthropologie de Lyon, 1884);
y\. EL Mcffang. Ecoliers et étudiants de Liverpool (Anthropologie, 1899); Matiezka,
Ueber die Beziehungen zwischen Kôrperbeschaflenkeit und geislige Tàtigkeit bpi
Schulkindern (Milt. d.anlhrop. Gesell in Wien, 1898); Binet. Recherches de cépha-
lométrie Année psychologique, 1900); J. Beddoe. Evaluation et signification de la capa-
cité crânienne (Anthropologie, 1903); 1». Girard Sur l'expression numérique de l'in-
telligence des espèces animales (Revue philosophique, 1903) ; Denikkh. Revue d'an-
thropologie (Année* psychologiques, 1904, 1903, 1906) ; M. Mo.ntesohi Sui caratteri antro-
l/AHTHIIOPOLOOlB. — T. XXIX. — 1918.
266 M. A. CONSTANTIN.
quer non-seulement que les individus des classes sociales les plus
élevées avaient une taille plus haute que celle des individus des
basses classes, mais qu'ils différaient encore davantage de ces
derniers par leur plus grande circonférence céphalique (1).
Par contre, pour d'autres observateurs, il n'y a aucune relation
entre la stature et la grosseur de la tête ; enfin pour certains
physiologistes, l'intelligence, loin d'être en rapport avec le
volume du cerveau, ne dépend guère que de la structure et de la
qualité de sa substance (2).
Quelles que soient les conclusions auxquelles les uns et les
autres de ces auteurs ont abouti, ils y ont été conduits par des
recherches attentives et en général aussi par des mensurations
minutieuses. Malheureusement, ils n'ont pas pu considérer en
même temps et pour les mêmes individus tous les éléments du
problème que présente la question des corrélations physiques et
psycho-sociologiques de la circonférence céphalique. Je suis loin
de pouvoir obtenir sur les caractères physiques des individus que
j'examine des renseignements d'une précision comparable à celles
des observations faites par les savants dont je viens de parler. En
revanche, mes fonctions dans l'armée me donnent l'occasion de
les recueillir en même temps que des informations importantes
sur la situation sociale, le degré d'instruction, les aptitudes et
jusqu'à un certain point l'intelligence des mêmes individus.
J'ai voulu, pour cette raison, essayer de contribuer dans la
modeste mesure de mes moyens à l'étude des relations qui
peuvent exister entre ces différentes données.
pometrici... (Archivio per l'anlropo/ogia e la etnologia, 1904); Blschan Gehirn und
Kultur (Wiesbaden, 1906) ;Bi.net. Anthropométrie scolaire (Année psychologique, \908);
Prince Wiszensky. Développement physique des élèves russes, serbes et bulgares (An-
thropologie, 1908). N. Vaschide et Pelletier. Les signes physiques de l'intelligence.
Revue de philosophie, 1904.
(1) W. Pfitznkr. Social-Anthropologische Studien (Zeitschrift fur Morphologie und
Anthropologie, 1902); Watfi-t. Contribution à l'étude anthropologique des Bulgares
(Bull. Soc. d'Anthr. de Paris, 1904) ; Da Costa Ferreina. La capacité du crâne et la
profession chez les Portugais (Bull. Soc. d'Anih. de Paris, 1903-1904); Bkddob. The
Somatology of 8u0 pupils of the Naval School (Journal of anthropological Inslitute of
Greal Britain andlreland, 1904;; M. Chalu.urau. lufluence delà taille humaine sur la
formation des classes sociales (Pages <V histoire, Genève, 19i)6); Bayerthal. Ueber den
gegenwàrtigen Stand der Frage nach den Beziehungen z/wischen HirDgrôsee und Intel-
ligénz (Archio fur Hassen und Geset/schufl biologie, 1911) , Simon kt Hoi loup. Profes-
sions, tailles et poids (Normandie médicale, 1913) ; NlCBFORO, classes pauvres, 1905,
Forza e Richezza, r.iOH).
(2) Kyerich et Loewenfeld. Ueber die Beziehungen des Kopfumfanges zur K<'iper-
lânge und zur geistliclien Kntwicklung (Wiesbaden, 1905).
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES CORRELATIONS PHYSIQUES. 267
J'ai tout d'abord cherché à connaître la circonférence cépha-
lique du plus grand nombre possible d'officiers. Dans ce but, j'ai
noté les tours de tête de tous les officiers qui font faire leurs képis
par une même chapelière de Saumur. Celle-ci, qui est assez en
vogue, fournit non-seulement une grande partie des officiers de
l'école de cavalerie, mais encore beaucoup d'officiers qui dans les
autres garnisons aiment à suivre la mode. Les mesures qui ont
été relevées chez elle, ainsi d'ailleurs que celles qui sont indi-
quées plus loin pour des képis de sous-officiers et de soldats,
n'ont évidemment pas été prises avec toute l'exactitude demandée
en anthropométrie. Elles ont cependant été prises par des profes-
sionnels du mètre; et si leur valeur absolue est minime, leur
valeur comparative n'en a pas moins une valeur certaine, étant
donné leur nombre. Il y a toutefois encore une remarque à faire.
Depuis quelques années, la mode est pour les officiers d'avoir des
képis bas et emboîtant seulement la partie supérieure de la tête.
J'ai pu m'assurer personnellement que, de ce fait, les képis des
officiers qui suivent la mode, ont une entrée inférieure de 1 à
2 centimètres à celle qu'ils auraient, si leur forme était celle des
képis de la troupe dont l'entrée à une mesure se rapprochant
beaucoup de celle de la circonférence céphalique passant par la
glabelle et l'inion. Il est indispensable de tenir compte de cette
indication, si l'on veut comparer la circonférence céphalique des
officiers à celle des hommes de troupe.
Les mesures des képis ont été relevées pour 862 officiers; dont
665 de cavalerie, 127 d'artillerie, 38 d'infanterie et 32 médecins
ou vétérinaires. Parmi les officiers de cavalerie, 455 sortent de
Saint-Cyr et 210 sortent du rang. Les uns et les autres ont été
divisés en deux catégories : la première comprenant ceux dont le
nom précédé d'une particule fait supposer qu'ils sont sinon d'une
famille d'origine aristocratique, du moins, d'une famille apparte-
nant depuis un certain temps déjà aux classes supérieures de la
société ; la seconde comprenant ceux dont le nom indique sim-
plement une origine roturière. Les officiers d'artillerie sont
presque tous d'anciens élèves de l'école polytechnique. Les offi-
ciers d'infanterie sont en très grande majorité d'anciens élèves de
l'école de Saint-Cyr. Les mesures relevées pour ces différents
officiers sont indiquées au tableau I.
268
M. A. CONSTANTIN.
Tableau I
Circonférences céphaliques des différentes catégories d'officiers.
NOMBRE
CATÉGORIE
TOUR DE
TÊTE MOYEN
665
55*m,80
455
Officiers de cavalerie sortis de Saint-Cyr en général . . .
55cm,87
161
Officiers de cavalerie sortis de S.-Cyr et d'origine aristocratique
55cm,9i
294
Officiers de cavalerie sortis de S.-Cyr et d'origine roturière.
55cm,8a
210
55cm,6i
86
Officiers de cavalerie sortis du rang et d'origine aristocratique
55c™,62
124
Ofûciers de cavalerie sortis du rang et d'origine roturière .
55cm,60
129
Officiers d'artillerie
56c*,n
38
5GCEU,07
32
Médecins ou vétérinaires ...
55^,84
i
L'examen du tableau I permet les constatations suivantes :
Parmi les officiers de cavalerie, la circonférence céphalique
moyenne des officiers sortir du rang est plus petite que celle des
officiers sortis de l'école de Saint-Cyr et avant par leur admission
à cette école donné des preuves plus grandes et plus complètes de
leurs aptitudes et de leur culture intellectuelles. Parmi les offi-
ciers sortis de Saint-Cyr, comme parmi les officiers sortis du
rang, ce sont ceux dont les familles appartiennent depuis le plus
longtemps aux classes supérieures de la société qui ont la circon-
férence moyenne la plus grande; mais la circonférence cépha
lique moyenne des officiers sortis du rang et d'origine aristocra-
tique est cependant notablement inférieure à celle des officiers
sortis de Saint-Cyr et d'origine roturière. Les officiers d'artillerie
INTMBUTION v l/ÉTUDE DES CORRÉLATIONS PHYSIQUES. 26g
dont la culture intellectuelle est moins littéraire que celle des
Saint-Cyriens, mais est beaucoup plus scientifique, et dont ren-
trée à l'école polytechnique a eu lieu après un concours plus
difficile que le concours d'admission à Saint-("yr, ont une circon-
férence céphalique moyenne plus grande que celle des officiers de
cavalerie, même sortis de Saint-Cyr.
L'infériorité céphalométrique moyenne des officiers de cava-
lerie est toutefois probablement un peu moindre que ne le font
penser les chiffres du tableau I. La raison en est que la propor-
tion des représentants de la race dolicho-blonde est plus forte
parmi les officiers de cavalerie que parmi les officiers des autres
armes (1) ; si la mesure de la circonférence céphalique, prise
horizontalement à 4 ou o centimètres au-dessus de la racine du
nez ne tient que partiellement compte de la saillie faite en arrière
par l'occipital et habituellement plus marquée chez les dolicho-
céphales que chez les brachycéphales.
La circonférence céphalique moyenne des officiers d'infan-
terie, telle qu'elle est indiquée par les mesures des képis, doit
pour la même raison être un peu plus grande, par rapport à la
circonférence céphalique moyenne des officiers de cavalerie,
qu'elle ne l'est en réalité. 11 faut ajouter que la plupart des modes
militaires sont créées à Saumur par les officiers de cavalerie et
leurs camarades de l'artillerie, et que de Saumur elles sont propa-
gées par ces officiers dans les autres garnisons où les officiers
d'infanterie sont en général des derniers à les suivre. Il est pro-
bable enfin que la circonférence céphalique moyenne des officiers
d'infanterie considérés est un peu supérieure à la circonférence
céphalique moyenne de la généralité des officiers d'infanterie,
parce qu'elle a été calculée d'après un petit nombre de mesures,
parmi lesquelles celles qui dépassent de très peu la moyenne se
trouvent être accidentellement moins nombreuses que celles qui
la dépassent de beaucoup.
Cette discussion un peu longue de la valeur qu'il convient
d'attribuer à la grandeur relative de la circonférence céphalique
moyenne des officiers d'infanterie et des officiers de cavalerie a
son importance ; car si la supériorité céphalométrique des offi-
ciers d'artillerie concorde avec une supériorité d'instruction et de
(i) Cf. A. Constantin. Etudes d'anthropologie sociale dans le milieu militaire (Bull,
de la Soc. iVAulhr. de Lyon, 1910).
27O M. A. CONSTANTIN.
niveau intellectuel (1), il ne pourrait en être de même d'une supé-
riorité céphalométrique des officiers d'infanterie en général au
cas où elle existerait d'une façon certaine. Si il y a entre eux et
les officiers de cavalerie une différence de niveau intellectuel, elle
est infime et bien plutôt à l'avantage de ces derniers. Leur arme
est, en effet, toujours demandée à Saint-Cyr par un nombre
d'élèves ayant les aptitudes équestres requises, plus grand que le
nombre fixé chaque année par le ministre pour les admissions
dans la cavalerie; elle est également plus recherchée des jeunes
gens qui après avoir voulu entrer à Saint Gyr ou à Polytechnique
deviennent officiers en passant par les rangs et les écoles de sous-
officiers.
Les mesures relatives au tour de tête des médecins et des vété-
rinaires militaires sont encore moins nombreuses que celles qui
se rapportent au tour de tête des officiers d'infanterie. Par contre,
elles sont réparties entre elles avec beaucoup de régularité et de
telle sorte que leur moyenne puisse avoir un caractère de géné-
ralité. Supérieure à celle qui a été obtenue pour les officiers de
cavalerie sortis du rang, cette moyenne est un peu inférieure à
celle qui a été obtenue pour les officiers de cavalerie sortis de
Saint-Cyr. Elle semble par là correspondre assez bien aux diffé-
rences de niveau intellectuel qui peuvent exister entre les deux
catégories d'officiers de cavalerie d'une part et la majorité des
éléments quelque peu hétérogènes du groupe formé par les
médecins et les vétérinaires militaires d'autre part. Il est peut-
être plus prudent cependant de ne pas établir de comparaisons
entre ces trois groupes, à causes des différences d'instruction et
d'aptitudes intellectuelles qui séparent vraisemblablement les
médecins des vétérinaires militaires et aussi parce que toutes les
indications concernant la proportion des uns et des autres dans
le groupe qu'ils forment se réduisent à faire supposer que les vété-
rinaires sont les plus nombreux. Dans ce cas, il serait pareille-
ment plus prudent, pour les raisons qui viennent d'être dites, de
ne pas comparer les données relatives à la circonférence cépha-
(1) 11 faut ajouter à ce qui a été dit de la difficulté des concours d'admission aux
diverses écoles que, tandis qu'une partie seulement des officiers de cavalerie consi-
dérés est faite d'officiers ayant suivi le cours des lieutenants d'instruction, c'est-à-dire
constituant une élite aussi bien au point de vue des diverses aptitudes militaires qu'au
point de vue de l'équitation, la presque totalité des officiers d'artillerie considérés est
composée d'officiers ayant suivi le cours des lieutenants d'instruction.
wiuHiriox v l'étude des corrélations physiques. 271
liqae moyenne des officiers d'infanterie aux données relatives à la
circonférence eéphalique moyenne des autres officiers.
D'après des observations antérieures (1) dont les résultats ne
peuvent être précisés davantage, la taille moyenne des officiers
de cavalerie serait comprise entre lm,70 et lm,75, et celle des
autres officiers serait à la fois supérieure à la taille moyenne de
la population française qui est de lm,65 (2), et un peu inférieure
à celle des officiers de cavalerie.
Les indications relatives à la circonférence eéphalique des sous-
officiers et autres hommes de troupe, ainsi que celles qui seront
vues plus loin, ont été relevées par moi sur l'ensemble des livrets
des cuirassiers de mon escadron ou, à ma demande, sur l'ensemble
des livrets des soldats d'unité, faisant partie d'autres corps. Tout
facteur subjectif ou accidentel se trouve ainsi écarté. De plus,
comme les mesures qui les fournissent ont été prises sur des
hommes du même âge, portant les cheveux uniformément courts
et dont aucun n'était déformé par l'embonpoint, elles ont une
valeur relative certaine, malgré la pluralité de leurs auteurs.
A cause de la différence des armes ou subdivisions d'armes des
régiments auxquels appartiennent les militaires qui ont fait l'objet
des observations exposées ci-après, ils ont été partagés en
5 groupes dont chacun a été étudié séparément. Le premier est
formé par l'effectif d'un escadron du 5e hussards en garnison à
Nancy et recruté principalement dans les départements du bassin
de la Seine et du nord-est de la France. Le deuxième est formé par
un escadron du 2° dragons en garnison à Lyon et recruté princi-
palement dans les départements du bassin du Hhône et de l'est du
massif central. Le troisième est formé par une compagnie du
37e d'infanterie en garnison a Nancy et ayant un recrutement
analogue à celui du 5l> hussards. Le quatrième est formé par deux
compagnies du 22e d'infanterie, en garnison à Sathonay et ayant
un recrutement analogue à celui du 2e dragons. Le cinquième se
compose des militaires du 7e cuirassiers qui se sont trouvés sous
mes ordres à Lyon, en 1910, 1911, 1912 et au début de 1913. Ces
hommes proviennent principalement de la région du massif
central, de la région lyonnaise, de la Bourgogne, de la Savoie et
du Dauphiné. Un assez grand nombre sont encore venus des
(1) Cf. A. Constantin, loc. cit.
(2) D'après Topinard {Anthropologie); im,646 d'après Deniker (Les races et les
peuples de la terre).
2-2 M. A. COXSTAMIN.
départements situés plus au sud dans les bassins du Rhône et de la
Garonne, des départements pyrénéens, de la Nièvre, de la Seine
et de Seine-et-Oise.
Pour les individus des premier, deuxième et troisième groupes,
la stature a été notée conjointement à la circonférence céphalique.
Ces deux caractères physiques sont les seuls sur lesquels ont porté
tout d'abord l'étude des individus du cinquième groupe. Comme
cette étude était déjà assez avancée, j'ai été frappé de l'importance
que les médecins militaires attribuent aux relations de la taille, du
poids et du périmètre thoracique (1). J'ai voulu en tenir compte,
ainsi que de l'épaisseur et du développement de tout l'organisme.
A partir de ce moment, j'ai donc noté, avec les chiffres exprimant
la circonférence céphalique, la taille et le périmètre thoracique
en centimètres, ceux qui expriment le poids en kilogrammes. La
documentation relative aux militaires du 22e d'infanterie, qui
forment le quatrième groupe, comprend ces quatre indications.
Des données d'ordre psycho-sociologique en aussi grand
nombre que possible constituent, avec les] informations recueil-
lies sur le physique des individus des cinq gronpes considérés, les
éléments des tableaux II, III, IV, V, VI, VII VIII, IX, X, XI
ci-joints.
Il ressort de l'examen de ceux-ci que, d une façon générale, la
circonférence céphalique moyenne augmente avec la taille
moyenne, ainsi qu'il a déjà été constaté, notamment par Bertillon.
Mais elle augmente proportionnellement moins vite, puisque le
rapport entre la taille moyenne et la circonférence céphalique
moyenne devient plus grand, lorsque la taille moyenne s'élève.
Il ressort aussi des différentes mises en série qui ont été faites,
mais dont une seule est donnée (Tableau VII), pour ne pas sur-
charger les tableaux, que la circonférence céphalique augmente plus
régulièrement avec la masse et la vigueur de l'organisme qu'elle
n'augmente avec la taille.
Il eût été intéressant d'établir s'il y a quelque rapport entre
l'indice céphalique et la grandeur de la circonférence céphalique,
ceïeriî varibm. N'ayant malheureusement pu être renseigné sur
l'indice céphalique des hommes que je considérais, j'ai employé
un moyen détourné pour obtenir quelques indications à ce sujet.
(1) L'indice numérique (Pignet) = la taille (en centimètres), — le poids (on kilo-
grammes), — le périmètre thoracique [en centimètres). Plus cet indice est faible,
plus l'homme est vigoureux.
■\ nu'.w mon ^ l.'lVn Dl •:* lu - CORRELATIONS PHYSIQUES. 270
Dans chacun des gr< upes d'hommes appartenant à une même
subdivision d'arme, j'ai rangé ensemble les petits groupes
d'hommes originaires de mêmes départements, de môme indice.
J'ai déterminé ensuite leur circonférence céphalique moyenne et,
sur le tableau XI, j'ai mis en regard l'indice céphalique moyen des
hommes de ce département, tel qu'il a été trouvé par Deniker et
Houzé.
11 ressort de ce tableau que, quel que soit l'indice céphalique
des départements, d'une façon générale, ce sont les groupes
d'hommes ayant la taille moyenne la plus grande qui ont la circon-
férence céphalique moyenne la plus grande.
Les données relatives à la circonférence céphalique moyenne
des hommes originaires de certains départements, comme la
Seine, le Rhône, Meurthe-et-Moselle où la population urbaine est
considérable, ont été soumises à une influence perturbatrice nette-
ment révélée par les tableaux II, III, IV, V, IX. D'après ceux-ci,
les hommes nés ou résidant dans une ville d'au moins 50.000 habi-
tants ou dans sa banlieue immédiate ont une circonférence cépha-
lique moyenne notablement inférieure à la circonférence céphalique
moyenne de l'ensemble des hommes de leur taille. Il semble qu'il en
soit aussi de même des hommes ayant une existence présentant
les caractères de la vie dans les grandes villes, quoique habitant
des agglomérations de population moindre. Cette infériorité
céphalométrique ne tient pas à une infériorité de la taille ou de la
masse organique; car dans les dragons et les hussards, les habi-
tants des grandes villes ont une taille plus élevée que les autres
hommes et, dans les cuirassiers, ils ont à la fois une taille plus
élevée et une masse organique plus considérable. Elle n'est pas
non plus la conséquence certaine d'une supériorité céphalomé-
trique des cultivateurs. Dans le groupe des cuirassiers et dans
celui des militaires des 37' et 22e d'infanterie, ces derniers ont
bien une circonférence céphalique supérieure à la moyenne, mais
c'est le contraire qui se produit dans les deux autres groupes,
beaucoup moins importants, il est vrai. Au point de vue sociolo-
gique, il y aurait du reste bien des distinctions à faire entre les
cultivateurs, suivant qu'ils sont propriétaires-exploitants, gros ou
petits fermiers, métayers, manœuvres, domestiques, patrons chez
eux-mêmes et ouvriers chez le voisin, etc. Il y en aurait tout
autant à faire encore, si Ton se plaçait au point de vue des apti-
tudes intellectuelles nécessaires à la bonne conduite de leurs
l'anthropologie. — T. XXIX. — 19Î8-19I9. 18
27-1 M. A. CONSTANTIN.
affaires. Peut-être la supériorité céphalomélrique des paysans et
par suite l'infériorité esphalométrique des citadins sont-elles
attribuantes à la qualité différente de leur alimentation respective.
Les premiers mangent beaucoup plus souvent que les seconds un
pain dur et grossier d'une mastication difficile. Les efforts que
celle ci exige des muscles temporaux n'ont probablement aucune
influence sur la forme même du crâne, bien que certains anthro-
pologistes aient soutenu qu'ils le rendaient brachycéphale et que
d'autres aient prétendu qu'ils contribuaient à sa dolichocé-
phalie (J). Mais ils ont vraisemblablement pour effet de déve-
lopper les muscles temporaux et d'augmenter le volume des
parties antérieures et molles de la tête. C'est d'autant plus admis-
sible que les observations faites par 0. Ammon et Rose sur les
dimensions crâniennes des citadins, des demi citadins et des cam-
pagnards montrent qu'en Allemagne ces derniers ont, d'une façon
générale, non seulement la tête un peu plus large, mais encore un
peu plus longue que les deux autres catégories, avec un indice
céphalique supérieur (2\ Cependant, d'après le Dr Wateff de Sofia
qui a trouvé le cerveau des paysans bulgares plus pesant que
celui des citadins, la supériorité de la circonférence céphalique des
campagnards correspondrait à une supériorité de la masse de leur
encéphale (3). Par suite, si étonnant que cela puisse paraître à
beaucoup, elle correspondrait peut-être aussi à une supériorité
intellectuelle du petit propriétaire agricole, à la fois éleveur, culti-
vateur, charron et marchand, sur l'ouvrier industriel moderne
trop spécialisé et dont l'intelligence d'apparence plus vive est
souvent toute verbale.
D'après les tableaux II, III, IV, V, IX, les hommes résidant en
dehors de la localité d'où ils sont originaires et que l'école anthro-
posociologique considère habituellement comme les mieux doués,
surtout en énorgie, en esprit d'entreprise et d'initiative, ne
paraissent pas se distinguer des autres par leur circonférence
céphalique moyenne, même lorsqu'ils sont allés résider à
(ly A. Nysihom (Ueber die Formenverânderungen'des Kopfes (Archiv fur Anthro-
pologie, 10U2) considère la mastication d'une nourriture dure comme une cause de
dolichocéphalie, par contre Samblrvici (Bull, de la Société d'Anthropologie de Paris,
1903) la considère comme une cause de brachycéphalie.
(2) Cf. 0. Ammon. Zur Anthropologie der Badener (léna, 1892), Rosb Beitrage zur
Europaischcn Bassenkunde und die Bezieliungen zwisclien Rassen und Zuliiivrnlei Imis
[Archiv fur Hassen und Gesellschaftchologie, 1900).
(8) f.oc. cil.
\ 1 l.ni l Imn ^ L ÉTUDE DES CORRÉLATIONS PHYSIQUES. Vt^Ô
l'étranger ou que nésà l'étranger ils sont venus résider en France.
Il y a toutefois lieu d'établir des distinctions entre les hommes
qui résident en dehors de la localité d'où ils sont originaires. Les
uns sont des campagnards qui sont allés s'établir dans les villes;
ils ont une circonférence céphalique moyenne tantôt supérieure,
tantôt inférieure à la circonférence céphalique moyenne du
groupe militaire dont ils font partie. D'autres sont des citadins
ou des campagnards qui sont allés habiter une localité de même
caractère que celle d'où ils sont originaires. Comme les premiers,
ils ne se distinguent pas par leur circonférence céphalique de la
moyenne de leur groupe militaire. Une troisième catégorie enfin
est composée de citadins qui se sont établis à la campagne; ils
ont une circonférence céphalique moyenne toujours inférieure à
la circonférence céphalique moyenne du groupe militaire dont ils
font partie et à la circonférence céphalique moyenne des hommes
de ce groupe résidant dans une localité autre que celle dont ils
sont originaires. Il semble que pour beaucoup d'entre eux, cette
infériorité céphalométrique se rattache au besoin qu'ils ont
éprouvé de chercher dans une situation subalterne des conditions
d'existence où ils fissent aussi peu que possible usage des facultés
de leur esprit.
La circonférence céphalique moyenne des engagés et rengagés
est supérieure à la circonférence céphalique moyenne des mili-
taires de leur arme dans le groupe des hussards et dans celui des
soldats du 22 et du 37e d'infanterie. Elle est égale à cette circon-
férence dans le groupe des dragons; elle lui est inférieure dans le
groupe des cuirassiers. Entre les deux groupes d'engagés les plus
nombreux qui sont ceux du 5e hussards et ceux du 7e cuirassiers,
il y a donc une différence bien marquée au point de vue de la
grandeur relative de la circonférence céphalique. La proportion
des hommes originaires des grandes villes est d'environ 1/7 parmi
les premiers; elie est d'environ 1/3 parmi les seconds. Cette
inégalité peut expliquer en partie la différence qui vient d'être
signalée entre les uns et les autres, mais en partie seulement. Les
engagés du 7' cuirassiers qui sont originaires des campagnes ou
des petites villes ont, en effet, une circonférence céphalique
moyenne inférieure à celle des appelés du même régiment,
quoique supérieure à celle des engagés originaires des grandes
villes. La différence qu'il y a entre les engagés du 5e hussards et
ceux du 7 cuirassiers peut avoir sa cause dans la différence du
276 M. v. i:u\>i \\ 1 i\.
recrutement des uns et des autres. Les premiers, ainsi d'ailleurs,
que ceux du 37e d'infanterie viennent pour la plupart des régions
nord-est de la France; tandis que les seconds viennent en majo-
rité du centre et du midi. Comme c'est dans le nord-est que
l'esprit militaire est le plus vif, comme aussi le 5'' hussards et le
37e d'infanterie sont en garnison à Nancy, ville dont les troupes
passent pour être soumises à un entraînement beaucoup plus
intensif que celui des régiments de Lyon, il est possible que l'in-
fériorité céphalométrique relative des engagés de ces derniers
régiments corresponde à une infériorité de leurs aptitudes et de
leur énergie morale.
La circonférence céphalique moyenne des sous-officiers est
plus grande que celle des soldats dans les groupes formés par les
militaires du 5e hussards, des 22° et 37e d'infanterie, du 7e cuiras-
siers ; elle lui est inférieure dans le groupe formé par les dragons.
La supériorité de la circonférence céphalique moyenne des sous-
officiers peut, comme il sera vu, s'expliquer par la sélection dont
ils ont été l'objet, avant d'être nommés à leur grade. Par contre,
la faiblesse de la sélection exercée sur les soldats parmi lesquels
sont choisis les caporaux et les brigadiers explique pourquoi il
n'est pas possible d'établir de différence entre la circonférence
céphalique moyenne de ceux-ci et la circonférence céphalique
moyenne des simples soldats.
En tenant compte des indications relatives à la taille des offi-
ciers et des corrections à faire pour pouvoir comparer leur tour
de tête à celui des soldats, on voit qu'à stature égale, ils ont en
général une circonférence céphalique supérieure à celle des sous-
officiers et des autres hommes de troupe. D'après Rose (1), il en
serait à peu près de même en Allemagne, où les sous-officiers ont
une circonférence céphalique moyenne notablement supérieure à
celle des simples soldats et très légèrement supérieure à celle des
officiers en général. Parmi ceux-ci, dont la circonférence cépha-
lique moyenne est nettement supérieure à celle des soldats, ce
sont les officiers subalternes qui auraient la circonférence cépha-
lique moyenne la plus faible.
D'après l'examen de quelques élèves des écoles d'enfants de
troupe, ceux-ci qui arrivent au régiment à 18 ans, avec une
instruction générale primaire, assez élémentaire le plus souvent,
(1) Loc. cil.
CONTRIBUTION \ L ÉTUDE DES CORRELATIONS PHYSIQUES. 277
mais avec une instruction militaire les préparant à devenir vite
sous-officiers, auraient une circonférence céphalique moyenne
plus petite que celle des autres hommes de leur arme. Ainsi,
21 sous-officiers de cuirassiers, anciens enfants de troupe, ont une
circonférence céphalique moyenne de 55cm,50. Réunis à 2 autres
gradés et à un soldat, anciens enfants de troupe ayant tous trois
une taille supérieure à celle des soldats du 22e d'infanterie, ils
ont une circonférence céphalique moyenne de 54cm,85. inférieure
par conséquent aux circonférences céphaliques moyennes des
4 groupes considérés. Les relations existant entre la circonfé-
rence céphalique moyenne des enfants de troupe, pour la plupart
fils de sous-officiers ou de gendarmes, et leur instruction géné-
rale, leurs aptitudes intellectuelles, ainsi que celles de leurs
parents concordent avec ce qui va être exposé, après que les
données relatives aux militaires du 7e cuirassiers auront été com-
plétées comme il suit, par des recherches sur l'influence de
l'hérédité et de l'intelligence.
20 fils de professeurs, instituteurs, officiers, banquiers, fonc-
tionnaires, médecins, chefs d'industrie, c'est à-dire d'hommes
instuits et dont la profession exige une activité cérébrale journa-
lière ont une circonférence céphalique moyenne de 56cm,65. Avec
3 fils de patrons artisans ou petits négociants, tous gens qui
doivent exercer constamment leur intelligence pour pouvoir diri-
ger leurs affaires, ils ont une circonférence céphalique moyenne
de 56cm,93 En revanche, 4 jeunes gens appartenant aux classes
sociales supérieures, mais issus de familles où les facultés intel-
lectuelles sont médiocres et restent inactives, ont une circonfé-
rence céphalique moyenne de 54cm,22.
5 groupes formés chacun de 2 frères ont été examinés. Deux
sont composés d'individus de même profession et ayant même
circonférence céphalique, deux d'individus de professions diffé-
rentes et ayant des circonférences céphaliques différant entre
elles de 1 centimètre ; un d'individus de professions différentes
et ayant des circonférences céphaliques différant entre elles de
2 centimètres. Dans ces trois derniers groupes, les différences de
stature, de masse et de vigueur organiques sont de même sens
que la différence de circonférence céphalique, 3 groupes formes
chacun de 2 cousins germains ont été également examinés Deux
d'entre eux sont composés d'individus de même profession, ils
ont une même circonférence céphalique. Le troisième groupe est
278 M. A. CONSTANTIN.
composé de 2 individus exerçant des métiers différents ; l'un qui
est de quelques centimètres plus grand que l'autre a une circonfé-
rence céphalique supérieure de 1 centimètre à celle de ce dernier.
Les conditions de la vie militaire ne m'ont pas permis d'enr
ployer la méthode des tests, pour apprécier l'intelligence relative
des militaires placés sous mes ordres. Elle était du reste difficile-
ment applicable à la comparaison des facultés intellectuelles de
sujets dont les uns ont fait des études et souvent déjà exercé leur
intelligence, dont les autres ont laissé leur esprit presque inculte
et ne l'ont jamais fait travailler en dehors d'un petit cercle de
notions usuelles. Même fait avec la plus grande prudence, son
emploi ici eût pu entraîner à de graves erreurs et faire considérer
comme provenant des ressourses naturelles, propres à l'esprit de
certains hommes, ce qui n'aurait été que le résultat d'acquisitions
artificielles, d'emprunts à l'extérieur. Pour suppléer à cette méthode
généralement si exacte, mais inapplicable en l'espèce, j'ai demandé
aux officiers et sous-officiers sous mes ordres leur appréciation
de l'intelligence avec laquelle leurs subordonnés exécutaient les
ordres qui leur étaient donnés, mettaient en pratique les leçons
qui leur étaient faites sur les diverses théories et répondaient aux
questions relatives à celles-ci. J'ai ensuite modifié cette estima-
tion, lorsqu'à la suite de mes remarques personnelles, j'ai trouvé
que certains des hommes jugés comme plus intelligents que les
autres devaient avoir paru tels, uniquement parce qu'ils étaient
plus instruits et faisaient leurs réponses avec plus d'habileté et de
promptitude. J'ai ensuite noté la circonférence céphalique de
chacun des hommes dont le degré d'intelligence avait été apprécié
comme il vient d'être dit. Le rapprochement de ces données
montre qu'à égalité de taille, la circonférence céphalique moyenne
des hommes les plus intelligents est supérieure à la circonfé-
rence céphalique moyenne des hommes les moins intelligents
(Tableau XII). Cette conclusion aurait d'ailleurs pu être indirecte-
ment tirée de ce qui avait été déjà dit, ainsi que de l'élude des
divers tableaux.
Il ressort encore de l'examen de ceux-ci que, toutes choses
égales d'ailleurs, les individus ayant fait des études et ayant
l'habitude du travail intellectuel, ont une circonférence cépha-
lique moyenne supérieure à la circonférence céphalique moyenne
des autres individus. Par contre les illettrés et demi-illettrés ont
une circonférence céphalique moyenne inférieure. La circonfé-
CONTRIBUTION V LJBTUDE DES CORRELATIONS PHTSIQUES. 279
pence céphalique des individus les plus instruits paraît augmenter
avec la difficulté des études qu'ils ont faites et la somme des
connaissances qu'ils ont acquises.
Les variations individuelles sont d'ailleurs très grandes. Ainsi
au 7e cuirassiers, un maréchal des logis, éludiant vétérinaire
d'une intelligence très supérieure à la moyenne, n'avait que
54 centimètres de tour de tête, un autre sous-officier, fils d'un
ingénieur et bachelier ès-lettres n'avait que 52 centimètres comme
circonférence céphalique, alors que deux illettrés d'une intelli-
gence très nettement inférieure à la moyenne avaient une circon-
férence céphalique de 59 centimètres et que la plus grande cir-
conférence céphalique observée atteignait 62 centimètres et était
celle d'un homme visiblement plagiocéphate, d'une intelligence
ordinaire et d'une instruction primaire ordinaire.
Il reste à faire les quelques remarques suivantes :
Dans chacun des groupes examinés, les individus appartenant
aux classes sociales les plus aisées ont, avec une taille moyenne
supérieure à la moyenne, une circonférence [céphalique moyenne
supérieure à la moyenne.
Certains individus ayant une circonférence céphalique très
forte, quoique avec un développement intellectuel assez faible,
paraissent devoir leur supériorité céphalométrique à l'épaisseur
de leurs téguments et de leur ossature. C'est du moins ce que la
considération de leur poids relativement lourd et celle des dimen-
sions de leurs mains donnent à supposer (1).
La comparaison de la circonférence céphalique moyenne des
individus de type blond, de type mixte et de type brun (2), dans
les groupes formés par les militaires du 22e d'infanterie et par
ceux du 7'- cuirassiers semble montrer que les individus du type
mixte l'emportent sur les autres par les dimensions de leur cir-
conférence céphalique (Tabl. VI, VIII). Elle ne fournit aucune
indication certaine sur la supériorité céphalométrique du type
(1) Je n'ai malheureusement pas pu vérifier si les lignes papillaires de ces hommes
étaient plus simples que celles des autres, ce qui, à s'en rapporter aux travaux de
fêfé et V.ischide (Vasciude. Psychologie de la main, Paris, 1909), aurait été désirable.
(2) Ont été considérés comme de type brun les hommes portés sur leur signale-
ment comme a vaut les cheveux noirs, bruns ou châtains avec des yeux noirs; ont
été considérés comme de type blond ceux qui sont portés comme ayant les cheveux
blonds ou châtain-clair avec des yeux bleus, gris ou verts; ont été considérés comme
de type mixte ceux qui présentent à la fois des caractères des premiers et des carac-
tères des seconds.
2So
M. \. CONSTANTIN.
brun ou du type blond, ni sur l'hypothèse, émise par certains
anthropologistes, que du moins dans l'Europe occidentale la colo-
ration claire des cheveux et des yeux est corrélative à une sorte
d'arrêt du développement organique (1).
Tableau 11
Escadron du 5 e hussards (en garnison a Nancy).
CATÉGORIE MILITAIRE OU SOCIALE
.NOMBRE
d'individus
CIRCONFÉRENCE
CÉPHALIQUE
MOYENNE
TAILLE
MOYENNR
165
21
10
73
55<m,20
55cm,04
5ocm,30
55cm,21
163^,5
164cm,4
164^,5
16(Km,8
64
54cm,98
162cm,8
Hommes résidant dans une localité autre
74
55cm, 16
163««n,2
Hommes nés ou habitant dans une ville
d'au moins 50.000 habitants ou dans sa
29
55e*, 10
164"", "î
Rapport de la taille moyenne a la circonférence céphalique
MOYENNE = 2,96.
Nota. — 3 bacheliers ont une circonférence céphalique
moyenne de 55, 60, c'est-à-dire supérieure à la circonférence
céphalique moyenne de l'ensemble. Deux d'entre eux ont une
circonférence céphalique supérieure à celle-ci ; le 3e a une circon-
férence céphalique inférieure à cette circonférence céphalique
moyenne.
9 hommes nés dans une ville d'au moins 10.000 habitants
et résidant dans un village ont une circonférence céphalique
moyenne de 54cm,88, inférieure par conséquent à la circonférence
fl) C a kbit. Comptes reodus de r Association française pour l'avancement des sciences,
1879; Pr.TZNBH Der Kinflus des Leb^nsa'ters auf die anthropologischen Cbarakteren
{Zeilschrifl fur Morphologie und Anthropologie, 1899) ; NiCBPORO, "p. et.
CONTRIBUTION \ I Tri ni DES CORRELATIONS PHYSIQUES. M
eéphalique moyenne de l'ensemble du groupe et à la circon-
rence eéphalique moyenne des hommes qui résident dans une
localité autre que leur lieu de naissance.
Tableau III
Escadron du 2e dragon (en garnison à Lyon).
CATÉGORIE MfllTAIRB OT SOCIALE
Ensemble des gradés et des soldats
Tous gradés
Sous-officiers
Engagés et rengagés
Cultivateurs
NOMBRE
d'individus
Hommes résidant dans une localité autre
que leur lieu de naissance . . . . .
Hommes nés ou résidant dans une ville
d'au moins 50 000 habitants ou dans sa
banlieue immédiate
147
19
10
54
CIRCONFÉRENCE
CÉPHAL1QUE
MOYENNE
55cm,74
55°m,63
55°m,50
5ocm,74
TAILLE
MOYENNE
56
71
35
f5cm,60
55cm,40
55°«n,62
168e*, 0
168cm,l
172^,6
168Pm,8
!68em,l
168p<V
169cm,!
Rapport de la taille moyenne a la circonférence céphalïque
MOYENNE = 3,01.
Nota. — 7 hommes ayant reçu une instruction secondaire ou
une instruction primaire supérieure ont une circonférence eépha-
lique moyenne de 56cm,28, c'est-à-dire supérieure à la circonfé-
rence eéphalique moyenne de l'ensemble. Six de ces hommes
ont une circonférence eéphalique supérieure à la moyenne, le
septième a une circonférence eéphalique inférieure à celle-ci.
2 hommes presque entièrement illettrés out une circonférence
eéphalique moyenne de 54cm,50 ; tous deux ont une circonférence
eéphalique inférieure à la moyenne.
7 hommes nés dans une ville d'au moins 10.000 habitants et
résidant dans un village ont une circonférence eéphalique
moyenne de 54cm,5, très légèrement supérieure par conséquent
à celle des autres hommes résidant dans une localité autre que
282 M. A. CONSTANTIN.
leur lieu de naissance, mais beaucoup plus nettement inférieure
à la circonférence céphalique moyenne de l'ensemble du
groupe.
Tableau IV
Une compagnie du 37e d'infanterie, en garnison à Nancy et 2 compagnies du
22e d'infanterie, en garnison au camp de Sathonay, près de Lyon.
CATÉGORIE MILITAIRE OU SOCIALE
NOMBRE
d'individus
CIRCOM^ÉRENCE
CÉPHALIQUE
MOYENNE
TAlLLK
MOYENNE
316
53
28
34
55°n\36
55^,83
55cm,91
5o<>n\47
166»m,3
166cm,7
166cm,5
16"c"\4
135
55cm,65
168^,5
Hommes résidant dans une localité autre
137
55^,90
165B»»,5
Hommes nés dans une ville et résidant
15
54e" 66
165«'*,3
Hommes néa ou résidant dans une ville
d'au moins 50.000 habitants ou dans sa
117
54cm,89
164«\2
Ayant une instruction secondaire ou une
"instruction primaire' supérieure. . . .
13
56cm,15
168cm,5
Hommes exerçant une profession libérale
ou artistique ou sans profession . . .
23
55cm,82
167°m,5
12
ltf*»,H
165e«M
Rapport de la taille a la circonférence céphalique = 3,00.
Ncta. — Neuf des 13 hommes ayant une instruction secon-
daire ou primaire supérieure ont une circonférence céphalique
supérieure à la moyenne: sept des \2 illettrés ou demi-illettrés
ont une circonférence céphalique supérieure à la moyenne.
CONTRIBUTION A l'ÉTUDB DES CORRÉLATIONS THTSIQUEP.
Tableau V
Observations spéciales aux 2 compagnies du 229 d'infanterie.
283
CATÉGORIE
MILITAIRE OU SOCIALE
NOM HUE
n'iNDIVIDL'S
CIRCOM'ÉKENCE
CÉPHALIQUE
MOYENNE
TAILLE
MOYENNB
S.M.O)
OBSERVATION!?
Ensemble ci os gradés
et soldats . . . .
Tous grades . . . .
Sous officiers . . .
226
32
18
14
55«°S29
5§°m,5?
55(,™,47
55cm,75
i65cm,5
167°*, 2
t6C«a,8
167cm,6
3)2,4
315,9
315,2
316,1
(1) Somme moy.
îles chiflres expri-
mant le poids en
kilogrammes, la
taillo cL le périmé
tre thoracique en
centimètres.
(2) Calculé pour
23.
(3) Calculé pour
13.
Engagés et rengagés .
24
55<=m, 25
16"]cm>4
313,8(2)
Cultivateurs . . . .
93
55cm,55
165e™, 5
312,0
Hommes résidant dans
une localité autre que
leur lieu de naissance
19
55cm,72
164cm,7
314,0
Nés dans une ville d'au
moins 10.000 hab. et
résidant dans un vil-
13
54cm,61
166pm,l
311,3
Hommes nés ou habi-
tant dans une ville
d'au moins 5i). Ono ha-
bitants ou sa banlieue
immédiate . . . .
57
54°m,l7
164e™, 4
309,7
Sans profession ou de
profession libérale .
15
55cm,40
167^,6
3lT,2
Rapport de la taille moyenne ù la circonférence céphalique
moyenne = 2,99.
Rapport de la somme moyenne des chiffres exprimant le poids
en kilogrammes, la taille, périmètre thoracique en centimètres h
la circonférence céphalique moyenne = 5,65.
Tableau VI
NOURRI?
l/lNMYlblS
TYPE DE
PIGMENTATION
PROPORTION
/o
T. M. (1)
S. M (2)
ce m. (3)
OBSERVATIONS
35
75
118
blond
mixte
brun
15,55
33,33
51,11
I65°m,6
162cm 6
165°*, 9
312,8
312,8
312,1
54,97
55,32
55,31
ri)T.m.=Taillemoy.
(?)S. m.rz Somme des
chiffres exprimant le
poids en kg. la taille et
le périmètre thoracique
en centimètres.
(3) Circonférence cé-
phalique moyenne.
2&i
M. A. CONSTANTIN.
Tableau VII
Hommes ayant compté à un même escadron du 7e cuirassiers de
janvier 1910 à juillet 1913.
NOMBRE D'INDIVIDUS CONSIDÉRÉS
483
360
C. C. M.
T. M.
C. C. M.
T. M.
S. M.
56cm,42
174cm,0
56cm,42
173°*, 2
328,7
Rapport de la taille
Rapport de la taille à la
Rapport de la S. m. à la
à la circonférence céphalique
circonférence céphalique
circonférence céphalique
3,08
3,06
5,82
NOMBRE
NOMBRE
C. C. M.
d'individus
T. M.
d'individus
T. M.
S, M.
327,7
53 et au dessous
7
174,6
7
174,6
54
24
173,5
19
173,7
327,4
55
83
173,4
58
173,4
325,6
16
129
173,6
101
173,5
327,9
57
134
174,6
111
174,5
330,6
58
64
173,8
42
173,8
326,9
59 et au dessus
31
175,6
24
176,1
339,1
NOMBRE
NOMBRE
T. M.
C. C. H.
S. M.
C.C. M.
d'individus
d'individus
il \
de167àl70inclus
56,38
9\
de303à31l
55,55
28
171
56,25
20
311 315
55,81
46
172
56,27
26
315 319
56,18
1 !
113
56,60
31 !
319 323
56,12
»5 F
174
56,17
66 F
323 327
56,52
42 > total -360
175
56,07
56 > total =360
329 331
56,26
il [
176
56,41
571
331 335
56,67
29 1
177
56,65
51 \
335 339
56,68
13 ]
178
56,68
19 ]
3i9 343
56,62
'5
179
56,19
10
343 347
56,59
19/
de!80àl85
57,25
15/
347 et au dessus
5682
S ,la : C c. m. = -circonférence céphalique moyenne, T. m = taille moyenne;
S. m = Soumit', moyenne des chiffres représentant le poids en kilogrammes, la
(aille <;t 1»' périmètre thoracique en centimètres
Les chiff.es souligné* Mans Le bas du tableau se rapportent aux C. c. m, T. m.
~~ in, mmima ou imixima.
CONTRIBUTION A L ÉTUDE DÈS CORRELATIONS PHYSIQUES.
i85
Tablkau VIII
Hommes d'un même escadron du 7e cuirassiers indiquant les corrélations de la circon-
férence céphalique, de la taille, du périmètre thoracique et du poids, suivant le
type de pigmentation.
NOMBRE
TYPE DE
PROPORTION
TAILLE
S M.
C.C M.
d'individus
PIGMENTATION
0/ -
/o
MOYENNE
87
blond
23,96
173cm,7
331,5
56,35
91
mixte
25,06
174cm,2
327,6
56,71
185
brun
50,96
17icm,l
328,7
56,35
Tableau IX
Indiquant la corrélation de la C. c. m, de la T. m, de la S. m, suivant
les catégories sociales ou militaires.
CATÉGORIE
MILITAIRE OU SOCIAE
NOMBRE
d'individus
C CM.
T. M.
S. 11.
OBSKHVaTIONS
Ayant un baccalau-
réatou un brevetou
un certificat de l'en-
seignement primai-
re supérieur ou un
diplôme d'uneécole
technique. . . .
26(1)
56°m,72(2)
176om,8
329,3
(1) Sur 26 individus,!
17 ont une C. c. supé-j
rieure à la moyenne
générale,
(2) 5i ,92, abstrac
lion faite d'un individu
ayant 52em comme C. c,
ce qui est une exception
constatée t fois seule-
ment sur les 43 sujets.
Illettrés ou demi-il-
lettrés
46(3)
56cm,31
173cm,9
325,0
(3) Sur 46 individus-
25 ont une C. c. infé,
rieure a la moyenne
générale.
Sous-officiers. . .
Brigadiers . . . .
Ensemble des gradés
34
50
84
56cm,55(0
56c%38
56c«%49
176cn«,0
174^,9
i75**,3
329,1(5)
329,3
329,4
(4) 56,69, abstrac
lion fuite de l'individu
signalé à la noie i.
(;>) Calculée seule-
ment pour 20 individus
Engagés ou rengagés
88
56<«V6
175cm,l
328,6 («)
(6) Calculée seule
ment pour "0 individus
Nés ou résidant dans
une villed'au moins
51). 000 habitants ou
dans sa banlieue
immédiate . . .
88
56"°, 29
174^6
334,6(7;
(7) Calculée seule-
ment pour 70 individus
28G
M. \. CONSTANTIN.
Tableau IX (suite).
CATÉGORIE
MILITAIRE OU SOCIALE
NOMBRE
d'individus
C C. M.
T. M.
S. M.
OBSERVATIONS
Késidant dans une lo-
calitéautrequeleur
lieu de naissance .
112
56cm, 38
i74°mf3
328,3(8)
(8) Calculée seule-
ment pour 92 individus
Nés dans une grande
ville et habitant la
campagne. . . .
14
55cm,92
174cm,2
330,3
Cultivateurs . . .
221
56cm,36
174^, 1
328,3(9)
(9) Calculée Seule-
ment pour 164 individus
Ayant eu une con-
damnation, soit a-
vant leur incorpo-
ration, soit depuis.
15
56001,00
175cm,2
326,6
Enfants de père in-
connuetpupillesde
l'assistance publi-
9
55°m,76
475«*,5
328,5
Sans profession ou
exerçant une pro-
fession libérale . .
30
56«o>,66
176e™, 6
330,5(10)
(10) Calculée seule-
ment pour 21 individus
Tableau X
Relatif aux corrélations entre l'intelligence et la circonférence céphalique.
INTBLLIGENCE
NOMBRE
TOTAL
o'iNDIVIDUS
NOMBRE DES INDIVIDUS
AYANT UNE CIRCONFÉRENCE CÉPHALIQUE DE
C. C. M.
52
1
53
1
54
2
3
55
7
18
56
9
30
57
22
23
58
11
10
59
4.
2
60
1
Supérieure à la
moyenne. . . .
56
56,87
Inférieure à la
moyenne ....
88
56,21
Nota : T. m = taille moyenne; C. c. m. rr circonférence céphalique moyenne;
S. m = Ssmme des chiffres indiquant le poids en kilogrammes, la taille et lé
périmètre thoracique en centimètres.
CONTRIBUTION k L ETUDE I>E8 CORRELATIONS PHYSIQUES.
287
TiktiLàAtJ XI
Circonféi phalique moyenne et taille moyenne des hommes des départements de même
indice eéphalique dans les groupes considères.
£ s
B
S M J a.
2 t. a a
- sr J= \ o
«MHS
-
O
■
<s.
% -
m ~'
£ ~-
S = z
163cm,5
166cm,3
168e™, 0
53cm,20
DKI'AUTEYJENTS
3 u
3 z «
ÎT" aa f~
S " "
y o <
Seine.S -et Marne,?, R| , R»
S.-et-Oise,Yonneid
Aube
Meurthe-et-Mosel-
55«™,36
55cm,74
Heurthe-et-Mosel-j
le, Meuse, Vosges, >
Haute-Saône . .)
de 83 à 85
de 85 à 87
Nord
de79à8t
[I
Eure, E.-et-Loir,
Oise, Seine, S.-et-(H n. .
Oise, S. et-Marne,(a<
Yonne .
Aube, Loiret
° H
S5 m
36(1)
12
54(2)
de 83 à 85
M.-et-M., RhôneJd 85à81
Isère, Brème, Loire. ae85a87
174cm,0
56cm,42
Allier
Rhône, Ain, Loire.
Savoie . . . .
de 83 à 85
de85à87
de87à89
Se ne, S. et-Oi e,
S.-et-Marne, Oise,[de 81 à 83
Hérault, Creuse .)
Allier, Drôme, H.; . ,
et B.- Pyrénées .|deWa85
Tarn, Tarn-et-G.,
Lot, Loire, I* uy-/
de Dôme, Rhône, /de8jà87
Aveyron, H.-Sa-\
voie, Ain, Isère J
I
Vamàï6'. SaV°ie:(de87à89
I
22(3)
44(4)
44(5)
152(6)
15(7)
44(8)
11
43(9)
158(10)
201(11)
93
I63°«M
163c», 4
164cm, i
171cm,9
163°m,o
163°°», 7
16ocm,6
166e», 2
166c*,5
168cm,6
en
•M
CD —
M ~ -63
3 q a
9 M «>
J 2 Z
< K O
a 63 O
û. >. aj
■M 0 H
0 s S
s
55°m,05
55^,25
55c»,13
56cmfi3
55°*,36
55°ni,75
55cm.40
175cm,2
174cm,l
17*cm,0
173e», 7
55cnV3
55<=°\56
56°°>,36
OBSERVATIONS
(l)DtffltèdèlàSeine
(2) Dont 11 de villes
importantes.
(3) Dont 4 de ville:
importantes.
(4) Dont un d'une
ville importante et 26
de la Seine.
(5) Dont 5 de villes
importantes. ,
(6) Dont 31 de villes
importantes.
(7) Dont un de ville
importante.
(8) Dont à des villes
importantes.
56<»V3
56c»,76
56cm,54
56^,35
(9) Dont 12 de la
Seine et 4 de villes
importantes.
(10) Dont un d'une
ville importante.
(11) Dont 18 de vilk
importantes.
S'ota : L'indice eéphalique moyen des départements est celui qui a été calculé par Deniter
et Houzé.
.
2 88 M. A. CONSTAWÏPÎ.
Addendam. — Les circonstances de la guerre ont d'une part
fait entrer dans le corps d'officiers des sous-officiers de l'armée
active, d'autre part mêlé aux officiers de carrière des officiers de
complément, déjà officiers avant la guerre ou promus depuis.
Quelle influence ont elles eu sur la supériorité de la circonfé-
rence céphalique moyenne des officiers par rapport à celle de la
troupe?
Il n'a pas été possible de l'étudier avec quelque précision. Tou-
tefois par la comparaison entre elles d'un certain nombre de
coiffures et par l'observation directe, il a été permis de tirer cette
conclusion qu'en moyenne, aujourd'hui encore, les officiers
paraissent avoir une tête plus grosse que les hommes de troupe
de leur taille. 11 semble aussi que cette supériorité est d'autant
plus marquée que le grade est plus élevé.
Le plus grand tour de tête qui ait pu être exactemeut connu
est de 60 centimètres. C'est celui d'un colonel qui, appartenant à
une famille assez modeste, a, non seulement pu s'élever à son
grade grâce à ses qualités militaires, mais encore acquérir une
instruction générale étendue, grâce à son intelligence et à sa
volonté.
Sur dix officiers de complément exerçant des professions pour
lesquelles il faut surtout des aptitudes littéraires, quatre ont dû
choisir leur casque parmi les plus petites pointures.
La proportion des différents types ethniques parmi les officiers
ne semble pas avoir été modifiée par la guerre Celle-ci, bien
qu'ayant élargi la base de leur recrutement Ta d'ailleurs assez
peu modifiée en général.
L'examen de plusieurs émigrés revenus d'Amérique, à la mobi-
lisation, ne confirme aucunement la thèse qui relie à une doli-
chocéphalie relative les tendances à l'émigration. Les émigrés
considérés, qui étaient nés de familles établies dans lesrégions
montagneuses de la Savoie, de l'Isère, des Hautes et des Basses-
Alpes, présentaient tous le type brachycéphale commun dans
ces régions.
« VITANCE
l'A K
Le Docteur E. C. PARSONS
Do New -York.
Le terme vitance est un néologisme — les lecteurs de L'Anthro-
poloyip (1) peuvent s'en souvenir — que M. S. Heinach introduisit il
y a plusieurs années pour décrire ce que les ethnologistes de
langue anglaise nomment « avoidance », coutume de s'éviter
parmi les membres d'un même groupe apparenté.
M. Reinach nous donne une revue critique des interprétations
existantes de la Vitance, suivie de son interprétation du problème.
Dans une publication subséquente (2) il ajouta, dans une note à
son mémoire original (3), la critique d'Andrew Lang ; mais
comme Lang n'avance aucune théorie pour remplacer la sienne,
M. Reinach se trouva autorisé à y persévérer « jusqu'à ce qu'on ait
proposé une explication meilleure et qui ne comporte aucune
difficulté ».
C'est de cette explication que je fais l'essai. Quant à celle de
M. Reinach, je désire simplement exprimer ma surprise que, reje-
tant la théorie de Tylor à cause de son rationalisme, il aille lui-
même bien plus loin dans son rationalisme. Voici, en efïet, le
fond de sa théorie. Afin de prouver qu'ils se conforment à une
coutume donnée, la prohibition de l'inceste, les hommes en
inventent une autre, consistant à éviter la personne qui pourrait
les rendre suspects ; un individu, ayant qualifié de mère sa belle-
mère, veut échapper au soupçon d'avoir épousé sa sœur (4) en
évitant sa belle-mère et en prouvant ainsi qu'elle n'est pas sa mère.
(1) Cf. L'Anthropologie, t. XXII (1911), 649-62.
(2) Cultes, Mythes et Religions, IV. Paris, 1912.
(3j /©., pp. 145-7.
(4) M. Reiaaefa ne dit pas qui pourrait entretenir un tel soupçon, et il semble
méconnaître le fait que les gens primitifs sowt des généalogiste* avertis.
l'autbropolooib. —t. xxu. — 1918-1919. 19
20O I) E. C. PARSOSS.
Ceci me semble du rationalisme social et, pour cette raison, la
théorie de M. Reinach est plus sujette à objection que la moins
rationaliste et plus ordinaire théorie de la vitance. Quant à la
théorie de Tylor, elle peut être modifiée d'une manière à la dégager
de l'accusation de rationalisme. Tylor dit que la vitance des beaux-
parents est une expression de ressentiment contre le nouveau
venu. Comme un intrus dans le milieu familial, on le met en qua-
rantaine. De cette théorie, éliminons l'élément de la réflexion. La
vitance, à mon avis, est seulement un moyen d'éviter un ajuste-
ment personnel difficile; cela n'implique guère plus de réflexion
que l'acte de se détourner quand on rencontre l'œil d'un étranger
en chemin de fer. Regarder quelqu'un dans le blanc des yeux,
c'est manquer d'éducation ; de même, il est fâcheux d'imposer sa
présence à ceux que l'on met dans l'embarras.
Cette théorie psychologique de la vitance peut être admise pour
les formes diverses dont quelques-unes sont ignorées entièrement
ou restent sans explication dans les autres théories. Ce n'est pas
seulement sa belle-mère qu'un homme évite, mais aussi son beau-
père, exactement comme une femme peut éviter non seulement
son beau père mais sa belle-mère. Ces formes dâ vitance entre le
même sexe sont impossibles à expliquer par aucune hypothèse
d inceste. On ne peut expliquer davantage ainsi la vitance entre
beaux-frères des iles du détroit de Torres (I), des îles de Banks et
de Ticopia (2). Et pourquoi un Caraïbe vivant chez ses beaux-
parents avait-il défense d'être familier avec aucun membre de la
famille, excepté les enfants, ou quand les parents étaient ivres (3)?
Je note aussi la vitance entre mari et femme en présence des
parents ou des beaux-parents. C'est là une illustration bien frap-
pante d'un procédé pour échapper à une situation personnelle-
ment embarrassante, et une illustration si peu citée que je rappor-
terai les cas que je connais, supposant que les ethnographes n'ont
pas remarqué cette forme de la vitance et qu'on en trouverait sans
doute d'autres exemples». Chez les noirs Chepara, il faut que mari
et femme causent d'un ton si bas qu'ils ne puissent être entendus
de la mère de l'épouse dans le camp avoisinant, mais masqué
(1) lieports Cambridge Anl/iropological Expédition lo Torres Slrails, V. 142 sq.
Cambridge, 190i.
(2) Hivers, W. H. R. The Hislory of Melanesian Society, L, 308, 11, 169, Cambridge
1914.
(^) Du Tertr»'. Histoire générale drs Antilles, pp. 14, 15. Paris, 1807-0.
« \ir\Mi; »
d une palissade. ! I . Un Bondei de l'Afrique de l'Est ne mange pas
iwec sa Femme si si mère à lui est près d'eux (2). Dans un ménage
île la haute caste hindoue, la femme d'un (ils ne peut parler à sop
mari devant sa bellè-mère à elle ou tout autre membre adulte de
la famille (3). Chea les Abchases du Caucase, mari et femme ne
peuvent se présenter ensemble à ses parents à elle. Quant aux
parents du mari, ils ne paraissent pas ensemble devant eux durant
dos années et jamais ils ne peuvent manger ensemble devant
eux (4). lai Albanie, une femme ne doit pas parler a son mari
devant ses parents avant qu'elle soit mère (5). Le tabou du
silence dans les mêmes circonstances est levé lors de l'enfante-
ment (H) chez les Ossètes (7) et les Arméniens (8).
Que faut-il penser de la vitance dans des groupes moins éten-
dus — des mères par leurs (ils, et quelquefois par leurs filles, des
pères par leurs filles et quelquefois par leurs fils, des frères et des
Fœurs? Comment expliquer ces usages par un sentiment d'em-
barras, d'émotion inaccoutumée? Je réponds que la parenté n'est
pas récente, mais que la vitance est pratiquée quand un ajuste-
ment de la parenté est de règle, à la puberté ou à la nubilité, à
l'initiation. Qu'est-il de plus pénible que de briser une vieille
parenté? Et comment éviter plus aisément le cboc que par la
vitance?
Le cérémonial de la puberté ou de l'initiation est en lui-même
une expression de 1 aversion à subir les changements de la vie,
ou de la croissance, quand ils se produisent. L'adolescent ne
devient pas un homme peu à peu; il le devient dans une nuit
ou dans un mois, un an ou môme un plus long espace de temps,
mais, quelque soit ce temps, dans un intervalle fixé. Même si la
1 llowitt, A. W. Salive Tubes of South EaU Anslralia, pp. 280, sq. London and
.N. w York. iy04.
t) baie <i. dans le Journal Anlhror-olouicnl Insli/uie, X.XV (1895-6), 231.
. Slnb Lbunder. The Hindoos as Lliey Are, pp. 17-8. Calcutta and London,
1883
ik) SeidliU, N. V. dans <,lobus, LWI (1894), 40, 41.
H;ihn, J. <;. von, A banesische Studien, p. 147. Vienne, I8L3.
(6) Le tabou de la belle- mère est levé, en plusieurs cas, à cette époque, fait que
les théoricien! de l'inceste doive trouver bien diflicile à expliquer.
(7) H.ixtli.iusf n, Baron von, Transcaucasia, p. 4n, London, 1854. La femme sans
enfants reste muette pour quatre ans.
(8) Garoett, LtICy M. J., The Women of Turlcy, in The Christian Women, pp. 203,
235. London, 18y6. La libération dépend du bon plaisir du chef de famille. S'il le
désire, la femme reste muette et voilée pour des années.
29*3 D* E. C. PAftSONS.
vitance prolongée n'est pas établie durant cette période de rupture
avec le passé, une espèce de vitance temporaire peut être en usage,
qu'on peut qualifier de vitance cérémonielle. Pendant l'initiation,
les adolescents Arunta sont avertis de se tenir éloignés de leurs
mères et sœurs, tant de sang que de tribu. « Ne leur permettez
pas de vous voir », leur dit on (1). Dans le district Elema de la
Nouvelle-Guinée, les initiés sont aussi avertis de ne pas aller près
de leur demeure, et une mère apportant de la nourriture à son fils
signale son approche à temps pour qu'il se retire dans son
eravo (2). Dans les îles du détroit de Torres, parents et frères
s'éloignent des initiés de l'un et l'autre sexe, qui sont isolés (3).
Si un initié de la Nouvelle-Bretagne rencontre une parente dans
la brousse, il est forcé de lui donner n'importe quoi de ce qu'il
porte sur lui. Ce gage est racheté par ses amis; il est en pénitence
jusqu'à ce que la femme ait été dédommagée de la « honte de sa
rencontre (4) ».
Ce n'est pas seulement à l'initiation que la vitance fait partie
du cérémonial. Durant d'autres cérémonies d'époque ou de crise
elle apparaît aussi, aux fiançailles, au mariage, à la grossesse, à
l'enfantement, à la mort, pendant le deuil. En d'autres termes, le
tabou bien connu des rapports sociaux, qui se manifeste pendant
ces époques, doit être assimilé à d'autres pratiques de vitance. Ce
sont tous des moyens d'éviter le réajustement ou du moins de
le différer. Durant les fiançailles, les fiancés sont entièrement ou
en partie séparés l'un de l'autre ou de leurs futurs parents par
alliance, et la fiancée, même le fiancé, peut être séparé d'un
cercle plus étendu. En ceci, je rejette en général les théories qui
font allusion à des familiarités prématurées avec d'autres que les
fiancés, ce qui est l'explication ordinaire des tabous de fiançailles.
Ces théories n'expliquent pas pourquoi une Abyssinne s'enfuit
en criant si elle aperçoit son fiancé en visite chez son père (5), ou
pourquoi une jeune fille Bashkir ne peut pas montrer son visage
à son fiancé, celui-ci lui rendant visite la nuit et jouissant des rela-
tions des plus intimes avec elle (G), ou pourquoi les fiancés de l'île
(1) Spencer et Gillen. The Native Tribes of Central Australia, pp. 223, 249. London
et New-York, 1899
(2) Holmes, J., in Journal Anlhropo/ogical Institute, XXXU (1902), 421, 422.
(3) R. C. A. E. T. S., V, 202, 204, 213, 217.
(4) Danks, B , in Journal Anthropological Institute, XVIII (1888-9), 287.
(5) Parkyns, M. Life in Abyssinia, II, 41-2. London, 1853.
(6) Van flennep, A. Les Hitcs de Passage, p. 1T3. Paris, 1909. Il doit éviter sa
(( VITANCE » 2f)3
de Java sont enfermés chez eux pour des intervalles plus ou moins
longs (quarante jours dans la haute société) (1), ou pourquoi
quelques jours avant son mariage une fiancée, dans certains
cercles des États-Unis, ne va pas dans le monde. Lors du mariage,
la mariée et le marié sont formellement séparés avant et après
(les nuits de Tobie, le voilement de la femme) qu'ils sont consi-
dérés comme mariés, et beaucoup de symboles dits de rapt (râpe
svmbols) peuvent être expliqués comme relevant de la vitance
cérémonielle. Et qu'est-ce que la lune de miel sinon une vitance
de ce genre, un cérémonial qui est utile à tous, mais spécialement
aux parents ?
La ségrégation durant la grossesse ou l'enfantement et en parti-
culier le tabou des rapports conjugaux sont encore des mesures
de sûreté pour le mari et les autres pendant l'ajustement à des
changements de vie. Ici, comme dans les fiançailles et le mariage,
comme dans les rites de la mort et du deuil, d'autres raisons
naturellement sont alléguées, mais toutes sont des essais de
rationaliser le même instinct, la répugnance contre un chan-
gement dans les relations personnelles, l'aversion à une situation
anormale.
Les rites d'exorcisme sont apparemment des rites de vitance.
Les tabous de la ségrégation durant le deuil sont moins clairs,
mais soit que la présence des personnes en deuil soit considérée
.comme dangereuse, immorale ou de mauvais goût, derrière toutes
ces raisons supposées est le fait qu'elle cause de l'ennui, de la
gêne, rappelle trop le défunt à ceux qui ne sont pas tenus de s'en
souvenir et qui veulent même éviter de penser à lui, soit direc-
tement, soit par la vue de ses intimes.
[{etournons maintenant au type de la vitance perpétuelle, que
nous avons laissé sans explication complète. Il faut la chercher
dans la psychologie du sexe, dans la psychologie du respect de
l'âge et dans la psychologie de ce qu'on peut appeler le respect du
statut.
La chose essentielle pour constituer un homme dans une société
primitive, c'est de le séparer de la femme. Pour être de la classe
des hommes il faut éviter la classe des femmes. La parenté ne
Le prix <1 ^ la fiancée étant entièrement payé, il mène la mariée chez lui et là
pendant plus d'un an, elle ne peut montrer son visage à son beau-père.
(1) l'.allles, T. S. The BUtory of Java, 1, 354. London, 1830.
2 94 Dr E. C. PARSONS.
peut contrebalancer cette nécessité. Les parentes ne font pas
exception dans le groupe des femmes qu'il faut éviter. En outre,
pour détruire l'habitude enfantine d'être avec elles, des règles
spéciales doivent être mises en vigueur. La vitance de la sœur, de
la compagne de jeu, peut être accentuée plus que la vitance
d'autres jeunes filles. Dans cette théorie, les vitances frère-sœur,
fils-mère et aussi fille père ne sont que des exemples frappants
de la vitance entre les sexes, trait particulièrement caractéristique
de la culture primitive. Si les observateurs des règles de la vitance
familiale nous donnaient plus de détails sur la vitance entre
sexes, notre point de vue serait moins spéculatif. Autrefois,
dans la région Tavua de Fidji, le garçon qui manquait d'observer
le tabou-sœur était considéré comme un insensé, assommé ou
étranglé (h. Qu'arrivait-il au jeune garçon de Fidji s'il jouait
avec d'autres filles que sa sœur? Tout ce que nous savons c'est
que la femme de Fidji était généralement exclue du club-
house des hommes ; admise dans certaines circonstances, on
lui disait que, si elle regardait autour d'elle, elle deviendrait
folle.
Dans la vie primitive, les classes d'âge sont aussi strictement
séparées que les sexes. Ici aussi, la parenté ne fait pas obstacle à
la règle ; même au sein de la famille, les différentes générations
doivent prendre garde ; elles doivent même être plus circons-
pectes qu'ailleurs, parce qu'il y a plus de tentation de ne pas
l'être. Par respect pour l'âge, il y a bien des choses que les enfants
ne font pas en présence de leurs parents. La jeune fille ne babille
ni ne plaisante ; le garçon ne boit pas, ne fume pas, ne jure pas ;
en un mot « on ne s'amuse pas ». Pour faire cela, il faut être entre
soi, c'est-à-dire éviter les parents.
Le respect pour l'autre sexe, le respect pour les aînés se traduit
par la vitance. La vitance exprime de même le respect pour tout
statut.. L'accomplissement des devoirs fixes de famille est assuré
par elle. Que « la familiarité engendre le mépris » veut seulement
dire qu'elle favorise une tendance à se soustraire aux obligations.
Gomme garantie de ces obligations, quoi de plus efficace que le
contraire même de la familiarité, c'est à dire la vitance ? Voilà
pourquoi les devoirs et les obligations réglés de la famille sont
(1) Hivers, I, 291
(( VI l'WCK )) 2f)5
accompagnés si souvent par diverses formes de vitance (1). La
vi tance est une reconnaissance du statut (2).
Je ne prétends pas que, dans un cas donné, Tune ou l'autre de
ces hypothèses psychologiques puisse suffire à tout expliquer.
Une coutume ancienne est toujours quelque peu un conglomérat,
une masse de superpositions. Ainsi, quelle que soit la valeur
d'une clé psychologique, toute coutume déterminée doit êlre
examinée dans son propre cadre. La vitance familiale peut se
présenter, d'une société h l'autre, sous des aspects divers : ici,
elle peut reposer sur une crainte d'inceste, là. sur un mélange
indésirable avec des immigrants ; ailleurs, elle peut être intensifiée
en vue de l'observation d'un statut particulier, par exemple les
relations entre le neveu et le frère de la mère, le neveu et la sœur
du père, des frères partageant la même femme (3).
Comme toute expression concrète de vitance doit être examinée
dans son siège même, avec toutes les associations d'idées qu'elle
comporte, qu'il me soit permis, en terminant, de répéter que
tout type particulier de vitance doit être étudié dans ses relations
avec d'autres types II y a un vrai danger à vouloir trop expliquer,
mais le risque est moins que celui d'expliquer trop peu, de ne
justifier qu'un ou deux faits isolés. Après tout, ce qui nous
importe, pour rappeler la phrase même de M. Reinach, est de
chercher « une explication générale, fondée sur les éléments de
la psychologie humaine ».
(i) Voir Frazer, F. G.,TotemismandExogamy, 1,504-5. London, 1910 : Rivers, II, 334.
(2) Nous avons ici l'explication pourquoi le tabou est quelquefois levé. Il est levé
une fois que le statut est bien établi, par l'effet du temps ou par la naissance d'un
enfant. La progéniture sert à confirmer le statut de la famille. Parlant psychologi-
quement, l'enfant est aussi une espèce de tampon contre l'intimité personnelle. De
(■HS sentiments, résulte l'usage de la teknonymie. (Voir Parsons, Elsie Clews, dans
American Journal of Sociology, March, 1914).
(3) Cp. liivers, I, 291, 293, 11, 135. 154-5, 161. Mais dans ces cas la superposition doit
être prouvée directement, non déduite, comme le fait Rivers, de la coutume générale.
En d'autres termes, la vitance peut être si bien expliquée sur le terrain psychologique
qu'elle ne justifie pas des déductions sur la structure sociale.
ETUDE ETHNOGRAPHIQUE
DE LA TRIBU KOUYOU
l'Ai;
M. A. POUPON
Administrateur dos Colonies.
{Suite*.)
Nous n'avons pu étudier, dans la partie orientale, que la zone
qui s'étend sur toute la rive droite duKouyou. Cette partie de la
tribu comprend les villages de Boua, Issé, Okouna, Ossanga,
Ibouna, Goné, Ando, Obanga, Boui, Illanga, Kounounou, Eka,
Boyaka. Parmi ces villages, Boua, Issé, Okouna, Ossanga, Obanga,
Boui, Illanga, Eka, Boyaka, Kounounou sont purement Kouyou;
Goné et Ando seraient plutôt M'Bochi. Tous fêtent le djo ou
serpent. Le serpent qui est ainsi respecté est la vipère. Les fêtes
du djo auraient été enseignées à ces villages par les villages
de la brousse, Manga, Ouémé, qui sont également Kouyou.
Le djo est chef et parent de chef parce qu'il va dans la brousse
tuer des animaux pour en nourrir les chefs. Il suffît, en effet, au
chef de « ahambi djo », c'est-à-dire d'insuffler du piment dans la
gueule du serpent pour qu'il se dresse et parte en chasse :
fl Ahambi djo appessi taba na kani » (insufflé, le serpent donne des
cabris au chef).
Le djo est donc l'animal du chef dans l'Est comme la panthère
Test dans l'Ouest. Or, c'est ie chef de Ossanga, Elinga, qui est
l'initiateur aux cérémonies du djo pour une grande partie des
villages de l'Est ; savoir : Boyaka, Okouna, Goné, Okounounou,
Eka, Illanga, Oboyo, Obala, Icho. Cette initiation s'appelle l'ini-
tiation au djo ou a l'Ebongo. Car :
ina ebota Ebongo Le serpent créa Ebongo
Ebongo ebota Kouva Ebongo créa Eouya
(1 Cf. L'Anthropologie, t. XX IX, p. 53.
I. ANTHROPOLOOIE. —T. XXIX. — 1918-191 9.
2f)S A. POUPON.
Ébongo est donc sorti du serpent. Il est encore serpent, mais il
a donné naissance à l'Éouya qui est un homme.
Est pombo celui qui n'est pas initié. L'initié s'appelle ganga.
Les cérémonies du djo se pratiquent en brousse, au milieu d'un
vaste emplacement préalablement mis à nu. Quatre sortes de
personnages participent à cette cérémonie : les chefs de village
ou kani du djo, dont le titre pour la cérémonie est kani bétaka,
les capitas de village ou capitas du djo appelés kani-mé-koutou, les
otchouabondgi et les boumanéoussi, qui sont les hommes riches
des villages et ceux du commun. Je cite ces quatre grades des
fÇ.Ok,n*L.in.<L-l<.outiH4^
oi~*.rn**.n~c<ycu*-<i-
ji«. /,. — Places occupées par les quatre classes de personnages dans La cérémonie
du djo ou serpent.
plus élevés au moins élevés. Ils sont achetés pendant l'initiation
d'autant plus cher qu'ils sont plus importants.
Ces quatre personnages n'occupent pas la même place pendant
les cérémonies. Au fond du lieu consacré sont placés les kani du
djo ou chefs du djo, derrière eux sont rangés les capitas du djo ;
formant un rang sur chaque côté d'eux, sont les otchouabondgi ;
en face de ces trois groupes, qui par leur rapprochement font un
ensemble, se tiennent les boumanéoussi. Un vaste emplacement
libre est réservé entre ces groupes, c'est le lieu où se déroulent
les différents actes de la cérémonie (fig. 4).
Dès que la cérémonie commence, chacun de ces groupes fait
son entrée l'un après l'autre, par un endroit différent, et va se
mettre à sa place cérémonieusement.
Les boumanéoussi, dont le nom, ainsi que tous les noms qui
ÉTUDE rni\o«:ii\iMiioi I. OK l.v TRIBU KOUYOU. '*<)<)
suivent, indique les attributs, sont les porteurs du bâton de bam-
bou garni, au bout, de plumes de poules. Les otchouabondgi sont
les frappeurs de mains. Les kani-mé-koutou sont ceux qui sont
consacrés du bois du centre de la case. Les kani-bétaka sont ceux
qui ont acbeté le lit dressé sur pieds. Ces deux derniers noms
donnent la position des individus : les premiers, doivent occu-
per, dans lescérémonies publiques tenues dans l'Okoko, une place
qui est le centre de la case, autour de la poutre du milieu; les
seconds, pendant les cérémonies publiques ou celles du djo,
ont le droit de se tenir couchés sur les lits de bambou à pieds.
Les fonctions remplies par ces groupements sont les suivantes :
les boumanéoussi sont chargés de danser l'éouya, les otchoua-
bondgi de frapper des mains, les kani-bétaka de représenter l'ébon-
go ou le serpent père, les kani-mé-koutou les aident dans cette
partie de la cérémonie.
Nous ferons comprendre la différence qu'il y a entre l'éouya et
l'ébongo en décrivant les cérémonies de l'initiation. Voici com-
ment se passe cette initiation :
L'initiation. — L'initié est introduit. Avant toute autre chose, on
le soumet à des épreuves pratiques. On le fait passer à quatre
pattes sous des branches de palmier suspendues à une corde et
qui barrent le sentier d'initiation. S'il fait tomber les feuilles, il
est okoulou et doit payer l'initiation le double de son prix. C'est
la première épreuve.
On creuse sur le même sentier un trou qu'on recouvre de feuilles
et on le fait tomber dans ce trou.
On met sur le sentier des fourmis qui montent dans les jambes
du pombo et le piquent. Le chef initiateur s'adresse à lui et lui
dit : ça c'est l'épreuve.
Puis d'un grand trou creusé en terre on fait sortir l'ébongo
c'est-à-dire le serpent père de l'éouya. Quand il se dresse, l'initié
demande : « Quel est cet animal? Le chef lui répond : c'est le ser-
pent Lbongo père de l'éouya.
A ces premières épreuves de l'initiation succèdent des représen-
tations où l'on montre à l'initié l'éouya et l'ébongo. On lui jmontre
d'abord l'éouya, c'est-à-dire les danses du serpent-homme, des-
cendant de l'ébongo. Ce sont les boumanéoussi qui représentent
l'éyoua. Voici cette représentation :
Première figure. — Des boumanéoussi se sont retirés dans la
brousseou d'eux d'entreeux s'habillent de l'éboula, c'est-à-dire de
3oO A. POUPON.
la vaste toile faite de pagne de rafia qui tombe à longs plis autour
du corps. Au sommet du pagne de l'éboula, surgit la tête de
réouya, c'est-à-dire une tête de bois sculptée comme une tête de
Kouyou.
Sur cette tête sont piquées des plumes de poules qui portent le
nom de miododos. Le vaste pagne de l'éboula s'appelle aussi
mokanda, c'est-à-dire peau, parce qu'elle représente le mokanda
na djo, la peau du serpent.
Pendant que ces deux danseurs s'habillent, la première figure
de la danse s'exécute. Un des chefs ou kani-bétaka se lève de sa
place et va danser. Les otchouabondgi frappent des mains et du
tam tam, le tam-tam bat son plein. Le chef danse devant les
groupes, dans l'espace libre. Il lève les jambes très haut, la cuisse
horizontale, frappe violemment la terre du pied, et tend les bras,
grimace du visage. Quand il a piafïé ainsi pendant quelques
minutes, il va aux boumanéoussi, étend les mains au-dessus de
leurs têtes et fait trembler ses bras comme deux serpents qui
ondulent et frissonnent. Ces deux bras placés au-dessus du groupe
ont l'air de vouloir le subjuger, l'hynoptiser. Le chef retourne au
milieu de la place, piaffe encore et recommence ainsi à danser
deux ou trois fois.
Deuxième figure. — Les éouyas vont faire leur entrée. Remar-
quons tout d'abord que tous les éouyas qui vont danser ont des
têtes de femmes. Leur mari, le serpent mâle, n'apparaîtra qu'à la
dernière figure.
Deux éouyas quittent la brousse et font leur entrée au milieu
des groupes. Ils vont se placer en un coin (fig. 5) entre les
otchouabondgi et les boumanéoussi. Ils reposent là, accroupis,
les têtes des éouyas penchées sur la toile. C'est comme deux
serpents enroulés et qui dorment la tête au milieu de leurs
replis.
Un des capitas ou kani-mé-koutou quitte sa place et muni d'une
cloche de fer va chercher l'un des éouyas. Il l'invite à entrer
dans la danse. Il l'emmène au milieu des groupes, le visage
tourné vers lui, en marchant à reculons et en frappant de la
cloche de fer, à coups égrenés. Le serpent vient à lui, l'homme
recule. L'homme s'avance, a l'air de menacer le serpent, celui-ci
lui résiste. C'est au tour du serpent d'attaquer, l'homme hésite,
recule. Il y a une lutte du serpent et de l'homme où chacun fait
front à l'autre sans vouloir ni avancer ni reculer. Enfin le capita
Soi
ETUDE ETHNOGRAPHIQUE DE LA THIBU kOTJYOU.
reprend son chemin en souriant et emmène le serpent au milieu
des groupes.
Pendant tout le temps où cette mimique a été exécutée, les
tams-tams, le chant et les frappeurs de mains ont actionné sur un
ton assez vif, avec de véritables transports de la foule pendant la
lutte de l'homme et du serpent.
Le serpent est arrivé au milieu de la scène. Il tend réboula de
Fig. 5. — Les couvas vont se placer en un coin.
toute sa hauteur, ondule de haut en bas. Sa tète au-dessus de
Téboula frétille, les plumes de sa tête tremblent. Un homme se
détache des groupes et vient le menacer en riant. Il s'irrite et
frisonne avec exaspération. Un enfant passe à côté de lui et
pousse un cri de frayeur.
Puis il se met à sauter à la cadence des tams-tams, saute et
saute, se dirige vers le groupe des chefs, plonge de la tête au-
dessus d'eux, s'allonge, s'étire indéfiniment. Lecapita, porteur de
la cloche, va le chercher là, le ramène au milieu des groupes où il
revient en sautant. Le capita le prend et l'emmène dans la
ooa ' a. l'ouï'' in
brousse. La foule dit : « Alingui kodja ko = il veut se retirer
dans la brousse. »
On l'y va chercher à nouveau : il entre en sautant et en faisant
trembler sa tête. Les tams-tams, les mains, les voix vont sur un
rythme saccadé et vif. Ce rythme s'accélère, monte, s'exaspère,
devient insensé. Le serpent qui a sauté jusqu'alors se couche tout
m coup. Il se met à tourner à une vitesse vertigineuse (fig. (>).
Le vaste pagne de l'éboula se gonfle au vent et rase le sol, la
tète de l'éouya tourne en frôlant la terre. Dans le public, des
voix excitent 1 éouya à tourner. Son mouvement de rotation aug-
mente encore de vitesse. Quand il ne peut plus tourner, il tombe
à terre épuisé (fig. 7). La foule 1 ovationne : ôôôôô.
Troisième figure — Les chefs dansent ensemble. Il entre en
scène un, puis deux chefs. Ils dansent de la façon qui a été déjà
décrite. Ils lèvent les jambes très haut, les genoux repliés,
frappent le sol du pied, tordent les reins, grimacent du visage,
vont d'un côté, puis d'un autre, se rencontrent, tapent dans les
mains l'un de l'autre. Tout à coup l'un deux impose le silence aux
tams-tams d'un geste. Il se met à parler : raconte l'histoire de ses
ancêtres, les nomme, énumère ses chasses, le nombre de bêtes
tuées, 1 ivoire obtenu, les trophées de têtes de bœufs, ses richesses,
ses femmes.
Quand un chef a fini de danser et de raconter son histoire, il
sort et un autre entre en scène et le remplace. Il défile ainsi l'un
après l'autre, six, sept, huit chefs, qui chacun à leur tour rap-
portent leurs traditions et dansent.
Quatrième figure. — Les tams-tams battent sur un rythme lent.
L'éouya entre en suivant le capita. 11 s'avance lentement en dode-
linant d'une jambe sur l'autre, en se balançant d'avant en arrière
Le capita va chercher un second éouya qui fait son entrée à son
tour.
Le capita grimace, l'éouya se moque de lui ; lui, tire la langue.
L'éouya lui répond en le menaçant, se dresse de colère, toute
la toile développée en bailleur, fait trembler sa tête de rage.
Devant sa rage, le public le taquine : ôh, ôh, ôh, l'interpelle,
l'opposo, oh! cite son nom : ô Otéma! Otéma ! Loulou! Éniongo!
Exaspéré, il saisit le capita dans sa toile, l'enveloppe, le serre à
l'étoufîer, puis le relâche et continue à dodeliner, à sauter et se
retire avec lenteur.
Il entre ainsi en scène cinq, six, sept éouyas de figures et de
Fiu. (3. — L'éou \ a toui ne
Via. 7. - L'coin ;i bc r<
30/j A. POUPON.
noms différents, qui viennent danser. C'est Otéma, Éoulou,
Éniongo, etc. Otéma a une énorme face rouge et porte un serpent
sur la tête. Éoulou a la face blanche, Éniongo a la face rouge et
blanche.
Cinquième figure. — Le molomi c'est-à-dire le mari, et sa femme
vont entrer en scène. Le molomi, Djokou, a pour épouse Ëbotiat
ou la productrice d'enfants (fig. 8).
Djokou apparaît. Il marche majestueusement. Le long pagne de
l'éboula traîne derrière lui. Un capita l'accompagne. Ils fontletour
de la société ensemble. Djokou est présenté au public.
A son tour Èbotita entre. Sa tête énorme est penchée sur la
toile et tombe lamentablement. Elle vient jusqu'au milieu des
groupes. Là elle redresse sa tête et montre sa figure aux specta-
teurs. La foule l'acclame : Èbotita ! Ébotita!
Djokou et Ébotita se placent l'un à côté de l'autre comme un
couple uni. Le capita les prend et les emmène. Ils font le tour de
la société, tantôt l'un à côté de l'autre, tantôt Djokou devant et
Ébotita, sa femme, derrière lui.
Pendant cette promenade tous les groupes se lèvent. Ils hurlent
acclament Djokou et sa femme. Les hommes se moquent du
molomi Majestueux et indifférent, risible avec sa tête énorme et
son pagne qui traîne derrière lui, il passe. On lui jette des
barrettes, des marchandises, des cadeaux.
La danse s'achève au milieu du mouvement des groupes extrê-
mement échauffés et surexcités.
Aussitôt ce mouvement apaisé, le chef initiateur s'approche de
l'initié, découvre l'individu qui est enfermé dans la toile, montre
à l'initié que c'est un homme et non le serpent lui-même, et lui
dit : Tu sais.
Lorsque cette représentation, la première de toutes, est termi-
née, le chef initiateur révèle l'Ébongo père de l'Éouya. C'est alors
un chef qui opère. Il se retire dans la brousse et revêt le pagne
d'éboula. Ce pagne, pour les représentations du djo, est beaucoup
plus ample et plus long qu'il n'est pour les représentations de
Téouya, parce qu'il est nécessaire que le djo puisse se développer
en hauteur et porter sa tête très haut, jusqu'à cinq ou six mètres
du sol. La tête de l'Ébongo qui surmonte la toile est au contraire
bien plus petite que celle delEouya. Le tout à une apparence véri-
tablement ancienne.
ÉTUDE ETHNOGRAPHIQUE DE LA HUBU K.OUTOU*. 3o5
Le djo fait son apparition précédé du chef Initiateur qui frappe
à coups espacés et lents sur un petit tam-tam rendant un son sec
el sourd En mémo temps qu'il frappe, le chef débite une mélopée
lente où il cite les actes du djo et ses origines. Il vient du village
de Manga.
Tout deux font ainsi leur entrée. Rendus au milieu des
groupes, Elinga se tourne du côté du djo et frappe, à coups
secs et répétés sur son tam-tam. Au fur et à mesure qu'il
J'iti. 8. — Ébotita et Djokou.
frappe, le djo se dresse au dessus du sol. Sa toile se tend en
hauteur, sa tête s'élève, monte à quatre et cinq mètres au-dessus
du sol. Les spectateurs regardent silencieux et ébahis. Ainsi
dressé, le djo se tient un long instant immobile au dessus des
groupes qu'il a l'air de subjuger, d'hypnotiser. Puis il se dirige
lentement vers des arbres. Il se dresse jusqu'aux branches, se
couche dessus, s'enroule autour du tronc, à l'air (le monter en
enveloppant l'arbre. Les spectateurs qui jusqu'alors s'étaient tus,
heureux de son éloignement et de sa préoccupation, en profitent
l'akthropologir. — t. xxix. — l'Jls-jyl'.).
20
\. POCPON.
pour l'exciter. Ils lui crient : ma! ma! Au fur et à mesure qu'on
l'excite, le djo monte davantage le long du tronc. Son guide va à
lui et l'excite. Mais il est obligé de fuir devant 1 Lbongo.
Le djo quitte la brousse, annoncé de très loin par la mélopée
d'Klinga et le son sec de son tam-tam. Il fait son entrée. Elinga
l'amène jusqu'au milieu des groupes. 11 crie :
Ion va n.i ho ! Éouya na lio !
L'éouya esl en coière, l'éouya esl en colère.
Le djosedresse en effet, se dresse, s'élève jusqu'à
cinq et six mètres de hauteur. Les groupes s'en-
fuient, puis reviennent; quand ils sont revenus,
l'Ébongo reste dressé au dessus d'eux, au milieu
du silence et du respect général. Puis ainsi et ver-
tigineusement dressé, il se relire.
Le chef initiateur le rappelle et montre a l'initié
que c'est un homme qui est dans le mokanda.
Après la représentation du djo, on danse le djo.
Un des capitas du djo, particulièrement habile à
cette danse, sort de sa place et vient au milieu des
groupes où il va danser. Cette 1res belle danse
redit et figure tous le> actes de la vie du serpent.
Première figure. — Deux gros tams-tams avec
des frappeurs spéciaux aussi habiles que le danseur,
entainent la danse.
Le danseur a le pengué du djo, c'est-à-dire le
réticule où se trouve enfermé le djo, passé à l'épaule.
Il porte un grand couteau droit ifïg. 9) à la main. Jl
fixe la terre, il regarde dans différentes directions
d'où vient le serpent. Le djo apparaît. C'est la lutte de l'homme
et du serpent. L'homme fait des bonds, des écarts de coté
pour éviter le serpent. 11 lui porte un grand coup de couteau
et ne l'atteint pas. Il saute en arrière. Il lui porte un autre coup
de couteau et l'atteint une première fois. Le serpent n'est pas
mortellement blessé et continue à lutter. La lutte se poursuit, le
serpent est encore atteint, mais se dégage. L'homme le surveille,
le guette. Le serpent esl atteint, une troisième fois et succombe.
L'homme le coupe en morceaux.
Deuxième ligure. Le danseur, (fig. 10) par des mouvements
du corps, imite le serpent. 11 tremble, se dresse sur la pointe des
Ml pi ETHNOGRAPHIQUE DE LA miBI MU un. 3o7
pieds et ondule de bas en haut, puis se couche à terre, rampe, se
cache la tête entre ses bras arrondis, comme le serpent met sa
tête au milieu de ses replis.
rendant tout le temps où celte danse s'exécute, le chef initia-
teur pose sa main sur la tète de l'initié.
Troisième figure! — Le danseur danse, s'arrête, frisonne, ondule
de bas en haut comme le serpent, va se cacher dans un tronc
«■ 'm ■ ■
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C^. • & • .'^'\
H •■ ?ii "ÎOlÔ^
l'ii.. 10. — Le danseur du djo.
• 1 arbre où il reste enroulé, en sort, danse et retourne se placer
dans le tronc.
Quatrième figure. — Le danseur mette pengué du djo à terre,
an milieu des groupes, et son grand couteau à la main, danse autour
une magnifique danse de célébration.
Ce pengué (fig. H) est un sac ou est enfermé le djo. Il est fait de
cordes fines tressées en mailles. Sa forme est étroite et très allon-
A la partie supérieure est ménagée une bretelle assez large
que l'un peut passer à l'épaule et qui aide à porter le pengué sous
le bras. A la partie inférieure est ménagé un étranglement,
3o8
A. POUPON.
avec, en dessous, un renflement. Ce renflement est orné de cinq
rangs de petits coquillages blancs. Sous ce renflement pendent
de longs poils de queue d'éléphant.
A l'intérieur de ce sac est enfermé le djo, avec tous ses médica-
ments, les herbes où il aime à vivre, les os des animaux qu'il
mange. Ce djo est représenté par une ficelle longue d'un mètre,
ayant, d'un côté, un cauri large comme une
pièce d'un franc qui représente la tète du
djo, et de l'autre côté, un plus petit cauri qui
représente sa queue. Il suffit au chef de cra-
cher du piment sur la tête du djo pour qu'il se
dresse et se mette en mouvement. Cela s'ap-
pelle : Ahambi djo = insuffler le djo.
Quand on a exécuté ces trois danses, et
montré a l'initié ce que contiennent les mo-
kandas de l'éouya et de l'ébongo, on lui
présente différentes figures d'animaux. On
l'emmène devant un gros serpent taillé dans
le bois et dont les yeux ont un relief énorme
et on lui dit : Regarde, c'est l'ébongo qui a
fait l'éouya! 11 tue des animaux pour le chef.
Mais si Ebongo est serpent issu de serpent,
du moins est-il en même temps un homme.
Après avoir montré le serpent, on promène
en effet, autour de la société une civière qui
porte deux statuettes de bois. Ces statuettes
ont nom : Ébongo (fig. 12). On les ovationne
quand elles passent. Oh ébongo î oh ébongo!
Ces statuettes de 40 centimètres de hauteur,
l'une femme, l'autre homme, ont le visage, la coiffure et les
cicatrices des Kouyou.
Ensuite on présente à l'initié toute la descendance de l'Ébongo
qui sont les Éouyas. Il défile quatorze, quinze, seize tètes d'Éouyas.
On va également lui montrer les ancêtres de l'Ébongo, mais
auparavant un use d'un subterfuge, on lui présente des troncs de
bananiers. iJeux morceaux d'un tronc de bananier de cinquante
centimètres de hauteur sont fixés en terre. On fait passer l'initié
devant eux et on lui dit leur nom : Ekouandja et Ololo. Puis on
lui présente un troisième tronc de bananier planté devant les
deux autres et on lui dit : c'est Atehibéka.
Fig. 11. — Le | ong né
du d o.
i i i DE ETHN0GRAPHIQ1 E DE I \ i RTBl £01 ïOl 3oO
Toute une ligne de sept troncs de bananiers plantés on terre
lui sont montrés et on lui dit : c'est le likonbaon la plantation. En
face des sept troncs de bananiers et à gauche des olchouabongi,
sont alignées des têtes énormes plus grosses que celles avec
lesquelles on danse. On les présente à l'initié par leur nom. Ce
sont tons les ancêtres de l'Ébongo
jusqu'à lui même. On les cite avec
leur ascendance, leur descendance,
leur histoire. Quand Kambochélé est
présenté, il «lil « J'ai fait un enfant,
l'enfant est mort, je viens seul : gaï
me. » Voici le rang et la position des
sept ancêtres de Tébongo dans le lieu
consacré.
O MokangiT
O Ototo
O O-Koadjanga
O Golo [
O Mocbouna
O Ochimagégembé
< ) Moana ebcti "gombo
O Ébongo
Kbongo a donc sept ancêtres.
Mokanga, par exemple, a pour père
Épolo qui a créé aussi Boumanéoussi
et Kchouébé. Échouébé a pour enfants
Moako et Moanaottolé.
Après cela, le chef montre ses
ékoués, c'est-à-dire les spectres de ses
morts, à l'initié ; cette scène s'appelle
le tchaboka. Elle consiste à montrer à l'initié un homme et
une femme énormes, grossièrement taillés dans du bois et qui se
tiennent assis. Le chef les présente à l'initié et lui dit : « Ça c'est
mes ékoués, les spectres de mes morts ». Il s'adresse ensuite aux
deux personnages en bois et leur dit « Péletsako - donnez la
parole », et les deux personnages parlent. En les entendant, l'initié
veut s'enfuir, le chef le retient et lui dit : « Ne t'enfuis pas, tu as
payé, tu peux tout connaître. »
On fait alors entrer l'initié dans l'éboula vide et on le fait
danser avec. Ensuite il achète 1' éboula. Puis il achète l'éouya au
chef qui le lui donne lessoumba éouyaj ; puis « essoumba ékita - il
Fia. 12. — Ëbonero.
.'ho \. fOl l'"\.
achète les tams-tams », les trois tams-tatns : Étoubdu, Dolo,
N'Goko, Ëtoubouétanl le plus petit tam tam el N'Goko le plus gros.
(N'Goko signifie d'ailleurs père). Puis « essoumba ékotiga» c'est-
à-dire qu'il achète la cloche de 1er.
(te partie de la cérémonie achevée, on revient à quelques
épreuves pratiques. On plie trois cornets de feuilles, et on les
attache a une corde, en travers du sentier d'initiation. L'initié doit
passer soin la corde, a quatre pattes, sans toucher les cornets. On
plante en terre trois piquets rapprochés et l'initié doit passer
entre ces trois piquets sans les faire tomber, sinon il doit payer
complètement el à nouveau tout le prix de l'initiation.
Enfin la cérémonie va prendre (in. Le chef initiateur se saisit
d'une pertU dj bélo qu'il passe trois fois sur la figure de l'initié en
lui disant : t< Yo ganga — tn es consacré ganga. » Le bélo est une
sorte de singé.
11 ajoute deu* ou trois moralités :
« Tu ne Voleras pas ))
« Tu n'habiteras pas plusieurs villages à la fois. »
Et là-dessus après avoir bu, dansé, et mangé la nourriture
offerte par- l'initié, l'on se disperse.
Les hommes du djo, portent tous une ceinture do peau de serpent
sous les seins et souvent une autre passée autour des reins pour
soutenir les paghe&.
Xous avons dit que pendant tout le temps (JUedurait cette c<
monie, un groupe, celui des otchouabondgi, était chargé d'accom-
pagner les divers rites en chantant et en frappant des mains,
de ce chant :
• im ayalu. L'initié esl vomi.
ki. 11 corps esl beau.
ni bonga léti, létié 11 est venu apprendre la danse, il a pa
un peu, un peu
- éoué I • hommes du médicament sont allés
dans la bi
• lioué 1 Ooi le les figures
0 o é litié 0 o é regarde-les.
Boanga I bat son plein
\>A ou Tu ' i 'ii de marchandises
Oh! oh ! adja i Oh! "h un grand palabre esl venu
Qté f|u m l •
r i t m
wi oué Eléka oué I
, i oué. Eléka oué.
Oboutou oué. Oboutou oué
Oboutou oué Oboutou oué.
Oboutou ayaki
Mena oué '{ .
\\> i,
Viljoua éboundji
vonta aouta ié
Po essi ayoué
< )\i '. oh ' adja nan gaï é é i
< >h ' oh ! ad.ja nan gai e e
Aleba loua é é
\b ba toua i
P<> t'ssi ayoué. ayoué
Mouana-na-mata aouli na Manga
egouinlié ii
E i iinoi.h vriiKH i ni i \ TRIBU khi roi . 3 i I
Eléka oué. Eléka oué.
Eléka oué. Eléka oué.
oboutou oué Oboutou oué.
Oboutou oué. » )I)outou oué.
Oboutou toi qui va. vient, tourne
Atéua oué.
Aténa oué.
Dont les bois (que la danso tourne)
Tu n'as pas payé, non pas payé,
Je t'ai tout dit, va, va.
Oh ! oh ! celui qui est resté avec moi
é é
()li ' oh ! toi qui a posé avec moi é é,
Toi qui coites dans la brousse é é
Toi qui coites dans la brousse é é
Le palabre est fini, va, va,
Mouana na mata est venu de Manga
avee cette danse.
Enfin, si les têtes de léouya sont peintes de blanc et de rouge
c'est que le blanc et le rouge sont les couleurs du serpent.
En outre, de même que la partie Ouest de la tribu a une société
secrète de femmes, dont les affiliées se peignent aux couleurs delà
panthère et qui l'imitent, l'Est a une société secrète de femmes
qui s'appellent les émagnas, du nom du serpent émagna. Les
femmes y sont peintes comme le serpent, de larges barres rouges
et noires en travers du corps. Elles pratiquent les mêmes céré-
monies d'initiation, les mêmes cérémonies en cas de mort que les
tsenguis. p]lles connaissent le boato, les danses du serpent et les
moralités. Aussi ne ferons-nous que signaler cette société, sans la
décrire, ce serait redire très exactement tous les rites du tsengui.
Par conséquent, tandis que les gens de l'Ouest de la tribu fêtent
la panthère, les gens de l'Est de la tribu fêtent le serpent.
Sous le serpent, un certain nombre de villages de l'Est fêtent et
respectent le pouéngué, qui est la hyène. Les villages qui la
respectent sont Ossonga,Hoyaka, Okouna, Goné, Okoussou,Okou-
nadjokou, Eka, Obala, [cho. Les gens de ces villages s'appellent
$±
(1) Nom d'une figure, chanté quand on passe devant cette figure.
are.
■ jure.
'4) Nom de celui qui est venu se taire initier.
Pan e [u'il es! traditionnel, siaon obligé, que les initiés du djo coïtent dans la
Sorte de eoïl rituel).
Nom du chef venu de Maoga avec la danse.
oi a v. poupon.
d'ailleurs des poungués. Il ya donc là un clan à nom tométique,
comme il y en a dans l'Ouest, et qui vit dans la dépendance
du chef d'Ossonga, Élinga.
Cependant, si les gens de l'Est reconnaissent qu'ils n'ont jamais
fêté que le serpent et que les cérémonies delà panthère leur ont
toujours été totalement étrangères, il n'en est pas de même des
gens de l'Ouest qui revendiquent et le serpent et la panthère.
Cependant ils avouent que progressivement les fêtes du serpent
seraient tombées en désétuétude chez eux et que seuls quelques
vieillards seraient encore à les connaître. Il n'en subsiste guère
qu'une danse, qui s'appelle le kébé-kébé, et quelques traditions.
Tout d'abord, on raconte dans l'Ouest comment la danse de
Y éouya, appelée aussi kébé-kébé, a été révélée au chef. Elle l'a été
par la femme, et cette femme venait de Manga. Elle la révéla avec
les paroles suivantes :
Téké éouya, ahandiki atongui. Prends éouya, lâche do points,
amakina mododo, ato na niolo garnis de plumes de poules, donne à
un homme,
akani, akani moto ahina makassi. qu'il se dresse, se dresse, l'homme
.dame fort.
\ bien gui moto na kosséka ayé. Appelle hommes pour frapper,
viennent,
Akamati ékéta missato, mibali Prends tam-tam trois, deux
dongo moko dongo na ma à une place, une à une autre place
pé. Atto sengué. Prends et danse.
Prends I' éouya, tache-lui le front des marques des Kouyou. Mets-lui des
plumes de poules sur la tête, donne-le à un homme qu'il se dresse, qu'il se
dresse et danse fort. Appelle les hommes qui frappent des mains, prends des
tams-tams, trois tams-tams, mets-en deux à une plaie el un à une autre
place. Prends et danse.
La femme a ajouté son nom qui est : Ocbouma na djamba —
monoko potemina atoumou — opékou - Venue de la brousse —
bouche qui ne parle pas — dents découvertes — qui danse en se
levant et en balançant. Et elle acheva : gaïapessi yo biloko oyo —
yo atongui g«»ï hio= je t'ai donné cette chose, ne me vends pas
aux autres hommes.
Quand le chef initie un danseur nouveau, il rappelle ce fait et il
commence : moassi apessi gai" — la femme me l'a donné. Il achève :
koehété na moyoutou té — ne le dis pas aux femmes.
Pour initier, le chef se retire dans un coin de brousse bien
nettoyé. Il fait danser quelques jeunes g>ens;ceux qui dansent le
ETUDE ETHNOGRAPHIQUE M IV IHIltl KOUYOU.
3l
mieux, c'est-à-dire qui savent le mieux tourner et le plus longtemps
à l'intérieur de 1' éboula, sont choisis pour participer aux jeux du
kébé-kébé; ils en sont les danseurs.
Nous disons jeux et non plus fêtes, parce qu'il ne s'agit guère
dans l'Ouest que de donner une représentation de Péouyaqui tourne.
Tue foule énorme est admise à cette représentation. Les femmes
peuvent v assister. Pendant que 1' éouya tourne aux cris de la
foule, on jette des cadeaux, des marchandises qui reviendront au
chef et qu'il partagera avec ses danseurs.
Quelquefois, à cette danse le chef ajoute un vague simulacre du
djo qui se dresse. Cette scène ne rappelle que de très loin la
deuxième représentation que nous avons décrite plus haut dans
les cérémonies du djo.
Tout ceci n'est donc qu'un vague souvenir et très effacé de ce
qui se passe dans l'autre partie de la tribu.
Voici le chant qui accompagne la danse du kébé-kébé dans
l'Ouest :
('lui ut du Kébr Kéhê
Ebamba moana na Massa (1)
Ehé ! Ehé ! Eyé, Eve,
Ebamba enfant de Massa
Ehé ! Ehé! Eyé Eyé.
Son gué na Ekanga (2)
Kliteli oïo, oyé (3)
Kenipoko inoana abochouma
aouka Manga (4)
Boandi na oua okoko
>é, yé, yé,
Eyé, Eyé, Eyé.
Eune et soleil.
Kliteli oïo, oyé
Kenipoko enfant d' abochouma
vient de Manga
Chien de lui Okoko
yé, yé, yé.
Eyé, Eyé, Eyé.
Binou edjokéta
Setè bato m'boka
Eié, Eïo.
Vous allez voir (le tam-tam)
Dites aux hommes du village (qu'il y
a tam-tam |
Eié, Eïo.
>ina ékou, ékou (5)
Mo^>i éléba bogné
Tengué, Tengué, Tengué.
Oié, Oiéké.
Tourne doucement, doucement.
Un oiseau est sur le sable de l'eau
Tengué, Tengué, Tengué,
Oié, Oiéké.
(1) Nom d'un bon danseur.
(2) Face homme et face femme du kébé-kébé, pareilles au soleil et à la lune.
3) Nom de celui qui frappa les tams-tams.
(4) Celui qui a apporta le kébé-kébé de Manga.
(5) Que la danse tourne.
I'< H l'ON
l-.Iea m a bon go i
Eyokoumbi mouna Mog-omlo
Kenipoko mouna A.bochouma
na Manga (2)
( Uingou inè gengiou
Songopoto okimou Eouia
Ekongo kindo obembr
F.lea mabongo
Bissou kébé-kébé
bouka m'boka.
Eoulou i i) ekanga
Eié, Fié, I, i
Mandélé oié-oié.
ohé ! oho ! oha ! Koussou
Lcwona. Lewona ka
Eié, Eié.
Le bois se drosse
Oyokoumbi enfant de Mogondo
Kenipoko enfant d' Abocbouma
de Manga
Klingon est un enfant
Songopoto frappe pour V Eouia.
Ekongo frappe la cloche.
le bois se dresse.
Nous notre kébé-kébé
est resté au village
Eoulou est blanc comme le soleil
Eié, Eié, I, éié.
Le blanc, oié, oié.
ohé ! ohé ! c'est rouge comme la plume
de perroquet.
Le kébé-kébé meurt à petites secousses.
Lié, Lie,
L'OTTOTÉ
Puisque nous venons de décrire quelques sociétés secrètes
Kouyou, nous achèverons la description de ces sociétés en parlant
de l'ottoté. Nous aurions dû réserver cette analyse, à cause du
caractère même de l'ottoté, pour un chapitre qui aurait eu trait
à l'organisation politique de la tribu. Mais comme le temps dont
nous disposons ne nous permet pas de publier celte partie de nos
documents, nous allons immédiatement donner un aperçu de
l'ottoté à cause de son importance.
L ottoté est une société secrète d'hommes dont le but est de
donner à ses initiés, moyennant une rémunération importante,
toute la science qu'il faut et le pouvoir nécessaire pour régler des
palabres comme assesseurs du chef. Jl confère, en même temps que
ce pouvoir de justice, un pouvoir politique puisqu'il crée des
mokongis c'est-à-dire des sous-chefs, subordonnés au chef de
village et qui l'aident dans toutes ses fonctions. C'est d'ailleurs
l'institution de la société Kouyou dont l'entrée est la plus coû-
teuse. Elle ne coûte pas moins de deux cents francs, ce qui fait
que les Initiés ont presque toujours trente ans quand ils se font
(1) Se dresse et danse.
(2) Celui qui a Importé Le kébé-kébé de M
(3) Frappe le tara tam pour r Kouia.
1 4j Eoulou est une d fi tes de I ébé kébé.
i' i i DE I i HNOGIWPHIQ1 l M' L \ i RIB1 ROI VOU, 3l ->
affilier. Là nature de leurs, fonctions nécessite aussi de l'âge et tl<>
l'expérience.
M a i <; quelle esl l'organisation de cette société? Tout d'abord
avant l'initiation, le pombo est soumis à certains interdits, il est
vrai assez limités : interdiction de manger avec ses femmes,
interdiction de coïtèr pendant un mois.
L'initiation a lieu dans un endroit retiré de la brousse préala-
blement mis à nu. Le chef qui initie est toujours le chef du clan
ou d une moitié du clan, si celui-ci s'est scindé en deu\- parties et
a deUx chefs. Ainsi clic/ les Ombouma, Boumachia a sa société
des ottotés qu'il préside et à laquelle il initie. Gassaké a aussi la
sienne, comme il a sa pantbère. Les cbel's initient entourés de
tous 1rs vieux ottotés. Le nom du chef initiateur est « élengué »,
c'est -à-dire relui qui a la ruse et qui, a élengué bato po qui en-
seigne aux hommes des eboscs, qui leur donne la science.
La première des «'preuves de l'ottoté consiste à faire passer le
pombo dans un étroit sentier embroussaillé où il est obligé de
marcher à quatre pattes. Tout en allant par ce sentier, il passe
sur un trou couvert de feuilles où il tombé. Dès qu'il y est tombé,
les initiateurs s'approebent tous ensemble et lui disent : « No
okoulou pè mossolo = tu es novice, verse des| marchandises ». 11
verse des marchandises. Alors on lui tend la main et on le tire du
trou. Dès qu'il en est sorti, le chef s'adresse à lui et lui dit :
No adjoué na boka no kotoko Ouant tu retourneras au village lu rie
provoqueras
bato hommes pas.
Ce sont les toutes premières paroles de l'initiation, paroles qui
enseignent à l'initié à ne pas soulever de palabres.
Le chef prend alors les deux cents francs qui lui ont été versés
et les partage. 11 garde cent francs pour lui et partage les cent
autres francs entre les ottotés réunis.
La seconde ('preuve est l'épreuve du nœud coulant. Le pombo
une fois tiré du trou, est mené sous un arbre dont les branches
portenl une corde terminée par un nœud coulant. On lui passe le
nœud coulant au cou et on le hisse en l'air. Pendant qu'il étrangle
on lui dit : au village tu prétendais être fort. Tu nous bravais.
Es-tu fort? Il répond : oui je suis fort. On l'enlève encore en
l'air. H étrangle, on lui dit : es-tu fort? Il repond : oui je suis
fort.
3i6
V. POUPOTÎ.
On le suspend une troisième fois : es-tu fort? 11 répond non, je
ne suis pas fort.
Dès qu'il a dit : non je ne suis pas fort, le chef s'approche de Lui
et lui dit : « Tu nous plaisantais par ta force et tes cris lorsque
tu étais au village Actuellement où est ta force ? »
Rien entendu, et comme toujours pendant tout le temps que
dure les fêtes de l'initiation, c'est-à-dire pendant un jour et une
nuit, l'initié est chargé de nourrir les initiateurs. A quelques dis-
tance du lieu d'initiation, les femmes préparent cette nourriture.
Des initiateurs font le service de la nourriture entre le lieu où se
prépare cette cuisine et le lieu de l'initiation. Elle est
faite d'une façon spéciale, et tout d'abord, rien que par
des femmes d'ottotés. Les marmites sont mises sur un
feu de forge. Au fur et à mesure de la cuisson, on
chante le chant du forgeron et l'on tape sur l'enclume
à coups de marteau.
L'initiation se fait au mois du tchono, mois où les^
femmes ne peuvent se promener dans la brousse,
mois des morts, mois où les okoués ou spectres des
morts errent dans la brousse. Ce mois semble donc
avoir été choisi pour mieux écarter les femmes du
lieu d'initiation.
Lorsque les deux premiers actes de l'initiation ont eu
lieu, le chef fait asseoir l'initié au milieu des ottotés
et lui remet le balai appelé moandja et qui est le
balai signe de l'inititiation à l'ottoté (Tig. 13), Moandja
na ottoté= balai de l'ottoté. En le remettant, le Relief a bien soin
d'enrouler autour du manche du fil de cuivre dont il l'orne
à rangs serrés. Au milieu des crins du balai, il plante une
plume de perroquet rouge, qui est le signe des ottotés et qu'ils
portent d'ordinaire au-dessus du front, dans leurs cheveux. En
remettant le balai, il donne à l'initié le nom secret de ce balai qui
est : mayeli, c'est-à-dire la ruse, la connaissance, la science et il
prononce :
Ga pè no moandja
Soko bato obouma
Onédé moandja no koko
Fio. 13.
Balai des
Ottotés.
Je donne à toi le moandja
Si des hommes se battent
pose l<" moandja sur la roule.
Ossoulou, c'est l'acte de séparer par le moandja.
Le balai remis, le chef trace sur chaque bras de L'initié un large
trait blanc qui va des épaules aux poignets. 11 devra garder ces
ilMM ETHNOGRAPHIQUE DE LA iniiu HOUYOl 3l7
traits plusieurs jours après l'initiation, jusqu'à ce qu'ils se soient
effacés d'eux mêmes.
Dos que le balai, marque de l'ottoté, a été remis à l'initié, un
ottoté le prend par la main et va le placer en un point éloigné de
la forêt. Les initiateurs du centre d'initiation, l'appèlent : hé ! hé !
Au premier appel, l'initié ne répond pas. Au second, il ne répond
pas. Au troisième, il vient en courant par obéissance. Alors les
ottotés lui disent : qu'est-ce que tu viens faire? il répond : régler
un palabre. Le hé est, en etïet, le cri par lequel les ottotés
s'appellent pour s'assembler et que tout nouvel ottoté doit con-
naître pour pouvoir y répondre.
Puis le chef ottoté fait des recommandations au pombo. Il lui
dit : « Tu n'usurperas pas Tépombou du chef ». L'épombou est la
queue de bœuf que les chefs portent à la main et qui est la marque
de leur rang. « Tu n'usurperas pas le kongoulou », qui est la
sagaie d'honneur des chefs.
Aussitôt que cette série d'actes a lieu, un grand festin com-
mence. Des victuailles sont apportées dans le centre d'initiation
et consommées : c'est du manioc, du vin de palme, des cabris. Le
chef a droit a une cuisse de chaque cabri tué, et il en consomme
toujours le cœur.
A un moment de ces danses et de cette ripaille, l'initié dit au
chef : « j'ai donné beaucoup de marchandises, à manger, à boire,
qu'est ce que tu me donnes? » Le chef lui répond :
(lai apessi yo : balo koya na Je donne à toi : homme vient de
boulon, assoumbi biloko ba nuit, vendre objet à
yo. Soko moassi na no akouphi ' loi. Si femme de loi meurt
koya koloké no. Kossoumba biloko vient vendre elle. Vchète marchandises
na moéssi. Gaï apessi no oltongui au soleil. J'ai donné toi une ruse
mabouè. bonne.
Je te donne, que si un homme vient de nuit te vendre des marchandises
ne lui achète pas ses produits. Parce que si la femme meurt, on peut venir te
la vendre, achète les produits au soleil. Je l'ai donne là une bonne ruse.
Cette maxime que le chef donne comme enseignement à l'initié
en échange du prix de l'initiation a trait à la vieille coutume
d'après laquelle des gens venaient vendre des paniers de mar-
chandises la nuit, quand on se réveillait, on trouvait dans ces
paniers un cadavre coupé en morceaux.
Cette première maxime émise, le chef prend l'initié par le petit
doigt et le conduit à un siège bas au milieu des ottotés. Le chef
3i8
A. POUPON.
est assis Tokoussou est assise sa droite, les ottotés sont derrière
eux. Le chef dit à l'initié les contes de moralités suivants :
Première moralité :
Mokongi alobi :soko yo
mota bato adjoua kou kou
kou kou. Oïo ottoté na
ban gai. No toko na oua yo.
Esséké ébougna yo, koukouba
esséké. Oïo ékogni na djombé.
Eï soka. Likongo io, kobouma
nyama na likongo. Niokio
étoua liboka, no to-té.
Mala no to-té. Mokoussou no
to-té. Moandjanga no to-té.
Mohika no to-té. Komba na
koséka no to-té. Biéli na
ko no to-té. Yo apessi
Chef dit : si tu
vois homme qui fait kou kou
kou kou. C'est l'ottotc de
moi. Tu battras avec lui pas.
La houe cassera pas, fait du manioc
la houe. Ceci la hache pour le bois.
Ceci la grosse hache. La sagaie ceci,
frappe
animaux la sagaie. Le fer
pour frapper enclume, ne prends pas.
Le charbon tu ne prendras pas. La
cendre
tu ne prendras pas. La pierre tu ne
prendras pas.
Le minerai tu ne prendras pas. Le
soufflet pour
forger tu ne prendras pas. Le couteau
de
brousse tu ne prendras pas. Tu as
donné
des marchandises, je donne à toi
ruse celle-ci.
niossolo,. gaï apessi yo
mayeli oïo.
Le chef dit, si lu vois un homme qui fait kou kou kou avec le marteau sur
l'enclume lu le diras : ceci c'est mon olloté el lu ne feras pas palabre avec
lui. La houe, lu ne casseras pas, la houe fait du manioc. Ceci c'est la hache
pour le bois. Ceci la hache, ceci la sagaie. La sagaie frappe les animaux. Le
marteau de l'enclume pour frapper, tu ne prendras pas. Le charbon, tu ne
prendras pas. La cendre, tu ne prendias pas. La pierre, tu ne prendras pas. Le
minerai, tu ne prendras pas. Le soufflet pour forger, tu ne prendras pas. Le
couteau de brousse, tu ne prendras pas. Tu dis que lu as donné des marchan-
dises, je te donne celte ruse.
On remarquera dans ce texte le mot ottoté : tu ne prendras
pas.
Deuxième moralité :
— Mn-'issi akouphi no mené.
Moassi akouphi yo.
H. — Tè moto mossoussou.
— E foi ila niossolo.
H. — Tè.
— Abiengui niossolo le, bissou
assengui no nabiéli, na
Femme est morte, loi même.
Femme est morte loi.
— Non homme au Ire.
— Paye marchandises.
Non.
Appelle marchandises pas, nous
coupons toi avec le couteau, ton
ETUD1 ! ! IIMihliU'Illiil L. DE LA 11UIU MM MU. 3ig
kingou. Pé bombé moko, cou. Là cadavre un,
pè bembé moko, — Bissou là cadavre un. Nous
ngui Likambo, couper le palabre.
i i femme esl morte c'esl toi même qui L'a* tuée. Ta femme es! morte à
causedetoi. Nonce n'es! pas moi c'esl un autre « 1 1 ■ ï L'a tuée. Paye des
marchandises.- Non. — Si tu ne payes pas, nous allons te couper le cou avec
te couteau, de la sorte, il \ aura un cadavre d'un côté cl un cadavre de L'autre
et le palabre sera réglé.
Ceci pour apprendre à l'ollolé à ne pas luer un s'attendre à une
vengeance certaine.
Troisième mvratile :
Ombia dja dja. A boni i Ami |5ose. \\ait pris
likambo flengui époula palabre. Veut blesser en
bon ma. Gai oa yo. Moassi frappant. Moi veux pas. La femme
alobi yé adzali na makassi. dil lui esl avec force.
Moto na likambo atouba kola Homme de palabre pi il amant
na moassi na oua, oua Kola : de femme de lui, lui à amant :
gai alingui kobouma, je veux frapper
mobali, gai .1 to no. Kola homme j'ai choisi loi. Les amants
1< ix.i na ékoko. Na ékoko kola vont la nuit. La nuit ainanl
ayaki. Oua alobi dja-dja \int. Elle dit : pose
mio Kola abombi djoto, tranquille, binant cache corps.
Naboutou molomi alali. Dans la nuit mari donnait.
ikjanga aboko, akangui Femme amarre main, amarre
maboko, yé akei kossakoula. main, elle va dire
Kola akamati m'biéli Amant prend couteau,
adzfengui na mobali na ié. coupe Le mari de elle.
Vkamali moassi akéï na boka Prend femme va au village,
ua yé. avec.
\ 11 1 1 po 1 dil l'initiateur : un homme avait palabre. Il voulait frapper et
blesser celui avec qui il avait palabre. Moi je ne veux pas que tu le blesses, dit
I" chef. Il alla trouver La femme de celui à qui il en voulait. La femme dil :
mon mari est fort. Mors l'homme du palabre alla trouver l'amant de la
femme et dit à cet amant : je veux frapper le mari de la maîtresse, je l'ai
choisi-. Les amants sont la nuit. La nuit l'amant vint chez sa maîtresse.
' elle-ci lui dil : pose tranquille. Alors l'aman I cache son corps, la nuit le
mari dormait. La femme amarre ses mains, les amarre etva le dire à l'amant.
• liant prend son couteau frappe l'homme, prend la femme et s'en Na avec
1 Ile au \ illa .
Moralité : Ne jamais coucher avec sa femme sans être armé.
Quatrième moralité :
Oadé adjoué bida. hit je vais en guene.
No adjoua )0, Obia Ne va pas. Les gens du village
320 A. POUPOR
akamba dja. Dja moto
éoka. Ave, pc bida na
oua. Oua djoua makassi
poko Ebembé yé yonso.
Aphouti poko éla moto
ka. Abomi bato beka
nandé ? Abomi ba!o apè
moanga nan gai aho kani
Bato abeka aoué. Bato
édjoua apè monga na no.
l'.oka boa. Baye, moto
apè beka na no. Epè
bcmbé. akcni dakou ebè
no. Afouti mossolo
Mossolo na oué. Dékou
aba no abouki na gongo.
Ayaka na bato gomo na
mokongi na boka. Akongi
na boka apessi ho yo. Déko
akouphia pamba po na éoka.
Le fou dit : je vais faire la guerre à ce village. N'y va pas dit le chef. Tous 1rs
gens du village refusent d'aller avec lu4, mais le fou y va quand même, va
donner la guerre au village. Tout n'est que cadavre. Alors il retourne à Fon
village, trouve tous les hommes du village enfuis devant lui. Il a tué des
hommes, avec quelles marchandises payer P II a tué des hommes pour me
donner, des ennuis dit le chef. Comme les hommes sont morts, les hommes
du village vont venir faire palabre au fou, mais le fou s'enfuit dans la
brousse. Comme il n'a pas donné de marchandises, les hommes viennent au
village avec le cadavre, l'enferment dans la case du fou. Payez des marchan-
dises ? mais il n'a pas de marchandises. L'ami du fou ne veu,t pas payer pour
lui. On vient donner l'homme mort au chef du village. Le chef du village
refuse également de payer et dit : je ne donne pas de marchandises. Un homme
est mort pour rien, f;iute d'un fou.
Moralité : Ne jamais faire palabre contre la volonté du chef.
refusent d'y aller. Va l'homme
fou. Vient, donne guerre au
village Va donne fort
au village. Cadavre vient partout.
Retourne au village vois homme
pas. A tué homme marchandises
Quelles ? A tué des hommes donne
ennuis à moi, dit chef.
Hommes finis niorls. Hommes
vont donner palabre à toi.
Le fou fuit. Fuis homme
donnera marchandises à toi. Tu as
donné
cadavre, enferme dans case appelle
toi. Pa>e marchandées
Marchandises est mort. Ami
de toi reste derrière.
On vient avec l'homme devant
le chef du village. Le chef
du village donne pas. Un ami
est mort pour rien faute d'un fou.
Cinquième moralité :
Ikoundou kopassoula
tè < hnbia adja na
moassi. Ta na moassi
apè anganga na tnoana
Moana akani na likmmdou.
Mobali assali likambo
na moassi, apassoulou,
apassoulou, Moassi akouphi.
Bato na poko assoundi.
Le réticule lu ne couperas
pas. Homme allait avec
femme Père de femme
donne médicaments à enfant.
Enfant enferme dans le likoundou
Mari lit palabre
à femme, coupe
coupe. Femme meurt.
Hommes du village viennent.
llll'l ETHNOGRAPHIQUE DE LA niliu feOUYOU. 03 I
Mobali opassoula likoundou Homme coupera likoundou
le. Moassi akouphi tè, pas. Femme mourra pas.
na mobali kokouphia: que mari ne meurt.
A.kouphi po na likoundou H mourut à cause du likoundou
oio. Bissou bato na otloté, Nous hommes do foliote
'i apassoulou, nous coupons
likoundou mossoussou. le likoundou une autre fois pas.
te. Likoundou boanga na Likoundou est objet de
ottoté. folioté. .
Le réticule tu ne couperas pas. Un homme allait avec sa femme.
Le père de la femme avait donné des médicaments à son enfant.
Son enfant les avait enfermés dans le likoundou. Le mari fit pala-
bre à sa femme et coupa le réticule, coupe, coupe. La femme va
mourir. Les hommes du village viennent en nombre. Un homme
ne doit pas couper le réticule. La femme ne mourra pas que le
mari ne meure. L'homme mourut pour avoir coupé le likoundou.
Nous, hommes de l'ottoté, nous ne coupons plus le likoundou.
Le likoundou est un objet d'ottoté.
Et c'est depuis ce jour que le likoundou de l'ottoté ne peut être
perdu ou lacéré ou coupé à son bras sans que l'ottoté ne meure.
Aussi est-il très grave dans res palabres entre les indigènes et les
postes que cet objet soit enlevé à son possesseur.
Ces contes sont exactement dits dans Tordre où nous venons
de les citer.
Lorsque le chef a fini de les conter, il prend encore l'initié par
le petit doigt et le déplace. 11 l'emmène plus loin, l'assied à sa
droite, les ottotés derrière eux, et la scène suivante se passe :
devant eux sont un homme et une femme en bois de lm,50
de hauteur, grossièrement taillés. Le visage, le buste, les jambes
sont nettement figurés. La tête porte les marques des Kouyou et
est coiffée de leur genre de coiffure.
Le chef se tourne du côté de l'initié et lui dit : « tu m'as
dit que tu m'as donné des marchandises pour rien. Vois mon
okoué. N'est-ce rien? Ceci n'est-ce pas mon okoué? »
Le chef s'adresse alors aux figures et leur dit : « l*è kani
lètsako = donnez au chef des paroles.
Les okoués parlent. L'initié s'enfuit. Le chef le retient par le
bras et lui dit : djadja — reste tu as payé.
Il présente alors a l'initié l'homme en bois et lui dit: «Voici le
kani. vois. H ajoute : » voici la femme du kani. Vois. Vous
dites que l'ottoté ce n'est rien. Vois le père et la mère des chefs.
l'axturopologii. — r. xxix. — 1818-191'.). 21
t>0 UK)N
\ ois et ne va pas le dire au village. Si tu parlés, l'okôué te
tueras. »
Pendant tout, le temps ou cette scène se déroule, les ottol< s
dansent derrière le chef. Le chef s'adresse à l'initié et lui dit :
kondà ba = paye-les. Le chef s'adresse aux ottotés et leur dit :
\amba yo, ékoua koussou, anoké, yaniba ollo, ékoula mode fia
kaka — Dansez oui. danse/ le koussou, dansez, dansez ollo, laissez
la danse une jambe en l'air.
Les ottotés pendant toute cette cérémonie ont chanté d'abord
l'ibombo, puis l'ékoua, puis le liboka, puis l'okéta, puis le mondo,
le kébé-kébé et finalement l'adzeka. Quand le chef parle aux
okoués, c'est l'okéta qui est chanté. L'okéta est la chanson dès
enfants jumeaux.
Voici ce que disent les deux ligures quand elles parlent :
Tchéka na tsengui,
Okemba yôngo apendi,
Obetini abêti banda.
Lôchoua kani Ekaka.
Bobolo oyougo. Ekakou
Lobcla.
Ukemba ambayo mi chou.
Songo na 1 ban-^o na
Empé na Ekala. Songo
poko kani. Okoukon ï p*
pè. I tissi Èbaya.
Lève toi de la tombe,
Okemba mère d'Apendi,
L'homme grand on ne le frappe pàl.
(irand e;?t kani Ekaka.
Est vieille Bobolo mère de Oyongo.
Ekakou fils de Lobéta.
Okemba les yeux dé l'okoué deviennent
brillants.
Songo et T^ango et
Empé de Ekala. Songo
village du chef. Okoukou mère de
Epè-pè.
Etissé chef de Ebaya.
Enfin, quand tous les actes de l'initiation sont terminés, les
ottotés, le chef, l'initié, avec un mouvement d'elî'ervescenc6
considérable, chantent l'élengui, lengui, lengui.
L'élengui est la danse même des ottotés, et le mot clengui
Difle i use, connaissance.
Lottoté, deux jours après 1 initiation, ne eoïtera pas, il ne
mangera pas avec ses femmes tant que le trait blanc de craie du
bras ne se sera pas elïacé tout seul.
Nous avons dit que les fêtes de l'ottote, mêlées de danses et de
ripailles, duraient 24 heures, c'est-à-dire un jour et une nuit. 11 n'y
a pas de langage secrel employé pendant l'initiation. C'est le
Kouvmi qui est employé
Enfin les grades de l'initiation sont les suivants :
Le chef Initiateur est le toukoukani, il s'appelle aussi élengué,
i ri DE ETHNOGRAPHIQUE ni i i il. mi fcOUYOU.
sort( d< surnom qui lui vîuhI de ce qu'il enseigne la ruse aux
hommes I e chef a toujours à côté de lui L'obambi, qui • ' son
porte parole, celui qui transme! sa parole ou lui traduit celle des
autres. Le t »ou n'a ottote <>u moana tchouchou est le pré-
tendante l'initiation, qui n'a encore donné qu'une poule, un
hri al trois cents barrettes et qui est en stage pour être initié.
Le chef lui donne le moandja de palmier, c'est-à-dire le petit balai
fait eq Bbres de palmier. Il le lui donne en disant : Gaï apessi yo
moandja "•< soussou, doki ékota djoto na yo tè = je donne à toi
le moandja du tsoulsou, le doki ne frappera pas le corps de
toi.
I e koussou est celui que l'on initie. L'ohoïo est l'ottoté initié.
Ohoïo, mot tiré de l'imitation du cri des ottotés quand ils
s'appellent pour se grouper).
Enfin, l'ottoté consacré ohoïo est un homme riche puisqu'il a
donné 200 francs pour son initiation. 11 ;i «;té initié à la science
indigène, sait tout ce qu'un homme peut connaître, et de ce fait
il peut rendre la justice. Enfin il est consulté dans tous les grands
actes de la vie politique. Il a donc tout : richesse, savoir, pouvoir;
t l'homme complet de la tribu.
Après avoir cité des sociétés secrètes importantes, nous vou-
drions extraire de nos notes la description de deux rites intéres-
sants qui se rapportent l'un à la naissance des jumeaux et l'autre
à la reproduction des semences.
L Okéta.
A la naissance de deux jumeaux, on appelle le ganga qui
procède à divers rites pendant que les femmes du village dan-
iit pour les enfants. Les jumeaux s'appellent les kétas et la
danse des jumeaux s'appelle l'okéta. Voici en langue indigène
comment le ganga procède à l'égard de ces enfants.
ga na <> éta. Médicamenl de L'okél i.
Ganga ahadi dombr na kéta i I Ganga prend feuilles de kéta, 1>
ah.tdi olé liini 2 n i prend autre (2) feuille de kéta.
Akamati moassi yoi Prennent femmes tous médicaments
oïo na d.jnto. Ban go akeï na ceux-ci sur corps. Elles vont avec
lomho. Apiki lombo yonso. ces feuilles. Plantent feuilles toutes.
1 K- uillei i( palmier.
feuille*.
3a4 \. poupon.
Kto letssassako ahambi moana
na paï mibali, atoli boato,
boato moké. Atoli kabi mibali
mokè, atikini na moy na boato,
akamati débo, ayé na betou
na moana, aio mokengo, aboumbi
na dakou. Ekonja ahambi moana
paï mibali. Likongo na
dakou koukoua tè. Ganga aho na
Ekonja fouta n'gaï mossolo
soko moana achoué Atiki pembé na
mondo na boato, boato, koya pila-
moko
goy. Atoli mai apoukissa
na boato, appessi mai na
moana. Soko moana aschoué oua
mené apouki na djé. Bato
mossoussou koupouka na
yè tè.
Prend letssassako crache enfant
sur les côtés deux, prend pirogue,
pirogue petite. Prend pagaies deux
petites, met dans ventre de pirogue
prend feuilles de borassius, met dans
le lit
des enfants, prend barrettes, enterre
dans case. Ekonja insuffle les enfants
côtés deux. Sagaies dans
la case n'entrent pas. Ganga dit à
Ekonja paye moi marchandises
quand l'enfant sera grand. Il met
blanc et ocre sur la pirogue,
pirogue vient
comme
panthère. Prend eau met
dans pirogue, donne eau à
enfant. Quand enfant vient grand lui
même sort dehors. Homme
autre portera lui
pas.
Le ganga prend des feuilles de kéta. prend d'autres feuilles de kéta. Toutes
]c- femmes prennent ces feuilles et s'en vêtent le corps. Elles dansent avec
ces feuilles. Puis elles plantent d'autres feuilles de palmier à la porte de la
maison des nouveau-nés.
Le ganga prend du motssassako et en crache sur les deux tempes des
mfants. 11 prend une pirogue et une pirogue qui est petite. Il prend deux
petites pagaies et les met dans la pirogue. Il prend des feuilles de borassius,
lea met dans le lit des enfants. 11 prend des barrettes, les enterre dans la
case. La mère à son tour crache du motssassako sur les deux tempes des
«•nfants. Aucune sagaie ne peut entrer dans la case. Le ganga dit à Ekonja :
paye-moi des marchandises, lorsque l'enfant sera grand, Il met du blanc et
de l'ocre sur la pirogue, la pirogue devient comme une panthère. Il prend
de l'eau, eu met dans la pirogue, donne à boire de cette eau à l'enfant et l'y
lave. Quand l'enfant sera grand, il se lèvera seul et sortira dehors. Personne
n'aura br-soin de l'y porter.
Le ganga procède donc de la façon suivante : il coupe des
feuilles de palmier et une autre sorte de feuilles, qui sont toutes
lieux les feuilles consacrées aux kétas. Il les remet aux femmes
qui s'en vêtent. Une fois vêtues, les femmes vont dans la brousse
couper de nouvelles feuilles de palmier dont elles entourent la
porte de la case des kétas. Klles les disposent de façon à ménager
devant cette porte une petite cour ronde entourée de ces feuilles.
Parmi le feuillage est ouverte une porte en arceau. Dès que ces
dispositions ont été prises, le ganga mâche du motssassako,
ÉTUDE ETHNOGRAPHIQUE DE i\ lUir.i lOUTOU. 3:>5
: te de long roseau des plaines qui contient un suc acide et que
l'on mâche en route contre la soif. Il élève l'enfant dans ses
mains et crache de ce suc sur ses deux tempes. Il le remet à la
mère qui lui crache également du motssassako sur les tempes.
Puis le ganga fait au nouveau-né un lit en feuilles de borassius
sur lequel il le couche. Quand ces premières opérations sont ter-
minées, le ganga prend une petite pirogue dans laquelle il met
deux petites pagaies. Il peint cette pirogue de blanc et d;ocre
comme la panthère, met de l'eau dedans et baigne les enfants
dans cette eau, puis leur en fait boire. — Quand l'enfant sera
grand, personne n'aura besoin de l'emmener promener dans la
cour, il s'y rendra tout seul.
Pendant tout le temps que le ganga opère avec, à ses côtés, le
père et la mère des enfants, les femmes dansent au dehors l'okéta.
Voici ce chant, dans lequel se révèle le caractère exceptionnel et
mystérieux des jumeaux.
Ekonja ebota kéta
Mobali na yé Ekonya.
rbota kéta.
\témè adjokili 1
Ad joué kanjou
I yé, Eyé, Eyé
Hié é Hié é Hié é
Ekonja Ekonja
Lombo na okéta na okoyo (2)
Okéta mota okéchou,
mota ikolé
obouti Koka. obouti na Koussou (4)
na Ekessi (6
■lia Koussou nakaka.
Niamba ollolo.
Okia bogue mayélé
Bouyalou salou !
Ekonja a fait des kétas
Mari de elle Ekonja,
a fait des kétas.
i Ekonja) est partie, est partie (1),
est partie au bois
Eve, Eyé, Eyé
Hié é Hie é Hié é
Ekonja Ekonja
Feuilles de palmier de l'okéta et pagne
de okoyo (2)
Eyé Eyé Eyé
Okéta voit la petite rivière
visite le bois 3 I
Esl né Koka, est né Koussou (4)
Est né Obè et Eke*si (5).
A. coïté Koussou les jambes en l'air
Son sexe est ouvert.
La pirogue donne de l'esprit <6i
Bouyalou salou !
t endroit du chant, le danseur avance le sexe en avant et se place dans une
danseuses qui ouvre les cuisses C'est ce qu'on appelle l'essimbi na oketa, le coit
Je l'okéta.
>trophe ou l'on chante les feuilles de palmier qui entourent la porte de la case
•jfas.
Parée que 1 okéta de nuit va au bois et à l'eau. L'okéta, en effet, à cause de
kéta se promené sans qu'on le voit.
(4) Nom des deux enfants.
\'om de deux autres enfants.
Allusion à la pirogue où on lave les enfanls et qui donne de l'intelligence.
V. l'Ml l'ON.
Dans la première strophe, on chante le père et la mère qui ont
crée les enfants. La mère eê\ partie dans la foret chercher du
bois.
Le second motif célèbre les feuilles de palmier qui ornent
lentrée de la case des kétas et qui sont les feuilles chères aux
kétas, puis le pagne d'okoyo qui est aimé par les kétas. La troi-
sième strophe montre que ces enfants ont quelque chose de
surnaturel puisque, de nuit, ils quittent leur berceau pour aller
se promener dans les bois et aux abords des ruisseaux. — La
dernière phrase est une allusion à la pirogue dans laquelle on
baigne les kétas et qui a des pouvoirs extraordinaires de guérison
quand on y baigne d'autres enfants malades.
Ajoutons qu'au matin, avant de commencer à procéder aux rites
et aux danses qui entourent la naissance de ces enfants, on frappé
des le petit jour du gong d'une façon prolongée pour appeler les
deux enfants dans leur berceau, car ces deux enfants sont par;
de nuit pour visiter Lokéta.
L'indigène prête donc très nettement à ces enfants un caractère
un peu mystérieux. De plus, l'idée de cette enfance mystérieuse a
donné naissance à une autre conception, celle du kéta. C'est ainsi
que dans la vie on dira :
kéla apessi biloko malamou. Le kéta m'a donné objets beaucoup la
richessi
Kétâ abondi gaï Le kéta a quitte moi (je n'ai plus de
chance .
Deux enfants dune famille étant l'un riche, l'autre pauvre, on
dira du riche :
kéta na oua apessi oua mossolo Kéta de lui a donné lui la richesse
I d homme a vingt femmes et n'a pas d'enfant; un autre a deux
femmes et a des enfants; on dit de celui-ci : Kéta na oua = f/e-t
son kéta (qui lui a donne cette cham
Un homme l'ail bien, on lui fait mal; un autre fait mal, on lui
fait bien :
i 11,1 oua in k< ta .
I ii a un fusil el ne tue rien : kéta alingui yé té* —kéta ne
I aime pas. I n a un fusil et lue :
Kéta alii Kéta l'aime.
Mok< foulki mi mossolo, Mokemba ibonde en marchandUi
ilo tè 1 1 » lit e n,.,., <l en ,i j, i- . poui tant il est
libous oa liné, kéta n'aime pal Canoa
ÉT1 DE ETHNOGRAPHIQUE DE T. \ nui'.i KOI YO\ , .'>>7
Kéta donnera à l'un de savoir faire des plantations et à l'autre
pas, de savoir régler des palabres et à l'autre pas. — Le kéta
donne donc un bon sort ou un mauvais sort.
Le kéta se révèle dans le tourbillon du vent. On saisit un feu
follet et on dit qu'on a saisi le kéta. Le kéta apparaît en rêve pour
diriger les pas vers de bonnes marchandises.
Le Koutou
Le Koutou ou éhoto na koanga est le reproducteur des cultures.
— Nous ne redirons pas, parce qu'ils sont trop connus, tous les
procédés de culture employés par les Kouyou. Ces procédés sont
ceux des Baya et nous les avons déjà décrits dans une étude
précédente. Ils consistent en buttes de terre faites avec les houes
pour y planter du manioc, en grains de maïs ou d'arachides mis
dans des trous en terre au début des pluies. Cependant, chez les
Kouyou, il existe une fête de la reproduction et de la fructification
des cultures qui mérite d'être citée; la voici. Quand une femme
habile aux cultures du manioc vient à mourir, tous les villages se
rendent ta son enterrement. Le soir, vers six heures, un cri passe
sur les villages : o hié — ohié, prolongé, retentissant, avertissant
les hommes et les femmes que la fête va commencer. Tout le
monde s'assemble, et on part en bande. Les femmes portent, passe
à l'épaule et soutenu sous le bras, leur petit panier d'osier rempli
de goula et d'objets de toilette, glace, huile de palme parfumée.
Elles sont magnifiquement lavées et frottées d'huile. Elles portent
aux parties génitales la large bande de kamba rouge, autour des
reins des feuilles de manioc. Un mouvement général anime le vil-
lage, un air de fête circule ; trois, quatre villages se mêlent à la
fête. On danse toute la nuit. On danse et on célèbre la morte, on
chante le koutou. Cependant, pendant les fêtes de nuit, cette danse
est réduite à ses gestes essentiels : les femmes se mettent en rond
et tournent avec des pas lents en chantant le Koutou dont nous
verrons plus loin les paroles. Elles font aller les bras, elles
remuent les hanches d'avant en arrière, en faisant sonner les
bangas, qui sont les anneaux des pieds en cuivre. Pendant que le
chœur tourne, la plus vieille femme du groupe se détache et
danse au milieu du cercle en imitant avec les mains vides le geste
de la femme qui laboure la terre. De temps à autre une femme se
328 v- rnrroN.
détache du chœur et fait semblant de piquer des boutures de
manioc sur le corps de cette vieille femme qui se penche en
avant, puis la danseuse retourne dans le chœur. Un homme
danse en jetant ses deux pieds en même temps en avant, le buste
incliné en arrière, les reins donnant une secousse. C'est le geste
du coït debout, et très amplifié, qui est imité. Ce danseur se jette
dans la vieille femme qui ouvre les cuisses. Pendant ces divers
Pin 14. _ Ronde avec les houes à la main.
gestes, le chœur continue à tourner en chantant. D'ailleurs, cette
danse a lieu sans accompagnement de tambour, simplement
rythmée par les paroles du koutou et les voix.
Après avoir ainsi tourné et dansé toute la nuit, au petit jour,
on procède a lenterrement du koutou. On prend la morte et on
transporte son corps nu carrefour de plusieurs routes, où on le
dépose a terre. Alors se déroulent les figures importantes de cette
fête.
Première figure. — La masse des femmes, les unes serrées contre
les autres, dansent m rond autour du corps. Elles font aller les
ÉTUDE ETITNOGIWPÏilQUE DE l\ TRIBU KOUTOU. 829
hanches d'avant on arrière, on frappant los bangas de leurs pieds.
A la main, elles portent leurs houes qui suivent los mouvements
du corps, balancées d'avant en arrière (fig. 1 \ ).
Deuxième figure. — La ronde s'ouvre, les danseuses se dispersent
et les unes à côté des autres, dans un tohu-bohu gracieux, elles
grattent la terre avec leurs boues, désherbent autour de la morte
avec le geste de la femme qui apprête un champ.
Troisième figure. — Les danseuses se concentrent toutes autour
du cadavre. Les pins vieilles femmes entassent de la terre sur le
corps et l'en couvrent, haussent la butte qui surcharge la morte
jusqu'à une hauteur d'un mètre cinquante, avec une largeur de
deux mètres, font ce qui est appelé le « moka mounéné » ou
grande butte. Autour de cette butte centrale, les autres femmes
fontde petites buttes de manioc ordinaires, comme dans un champ.
Quatrième figure. — Trois ou quatre des plus vieilles danseuses
plantent des boutures de manioc sur la haute butte centrale. Les
autres femmes en plantent sur les petites buttes. Au fur et à mesure
qu'elles mettent le manioc en terre, les jeunes danseuses viennent
lune après l'autre faire des impositions de mains sur les plus
veilles qui plantent sur la butte centrale.
Cinquième figure. — A un moment pluschaud, plus mouvementé
de la danse, toutes les danseuses se groupent, se concentrent
autour de la butte centrale, y montent, s'y serrent contre la plus
vieille des danseuses qui se tient debout au sommet de la butte,
les dominant toutes. Elles chantent et dansent avec un mouvement
d'effervescence incroyable.
Sixième figure. — Elles descendent de la butte et l'une après
l'autre elles viennent, leurs houes en mains, danser et faire des
grâces devant la haute butte. Elles simulent très nettement en dan-
sant les gestes du coït masqué, pavané.
Septième figure. — Toutes ensemble lèvent leurs houes en l'air
vers la lune, avec un cri où elles appellent la pluie.
Par lui-même, le koutou g'adjoué koutou est un chant à rythme
lent qui accompagne le balancement des hanches d'avant en
arrière et le balancement des mains chargées de houes. Cepen-
dant ce rythme s'accélère à la deuxième figure, quand les houes
grattent la terre, et s'exaspère quand les danseuses se concentrent
autour de la butte centrale et montent dessus en l'écrasant. Voici
ce chant et sa musique :
33o
Ma koutou, lé djoué koutou
Ma koutou, lé djoué koutou
(ter)
Ilima, hima, yé, yé,
(ter)
Kanndo, kounda, n'goko léoua
Moana na kanga yaka éta
Epana n'goko, na ébingua
A. POUPON,
Prends le koutou, allons au koutou
Prends le koutou, allons au koutou
(ter)
C'est fini, c'est fini, yé yé
(ter)
On met en terre, on met en terre, la
mère morte
Enfant de la femme viens regard©
Prends la fortune de la mère qui est
riche
Abandonne le village l'éléphant a
mangé les hananiers.
Léka poko djokou adjé éko.
Le Koutou. — Refrain unique accompagnant toutes les paroles
fut** -fHHY^ Hf ^ WJ-
?
Ces paroles sont simples, peu variées et répétées sans cesse pen-
dant toute la danse. Interprétons cependant les deux dernières
lignes de ce chant. Lorsque l'on chante : enfant prends la fortune
de la mère qui est riche, l'enfant de la morte doit exhumer toute
la fortune de sa mère et la disperser, là distribuer complètement
aux danseuses. Il y a là un signe de potlatch rattaché aux fêtes de
la reproduction des semences. Puis lorsque Ton chante : laisse le
village, l'éléphant a mangé les bananiers, et à mesure que cette
strophe est chantée, les femmes quittent les buttes de manioc, se
rendent aux plantations de bananiers de la femme morte et en
détruisent systématiquement tous les arbres, en encourageant
l'enfant à quitter le village où il ne trouvera plus à se nourrir. Ce
sont là deux faits intéressants.
Le koutou se danse également sans qu'il y ait mort de femme,
au moment des pluies, pour obtenir de bonnes récoltes. Les
femmes du village s'assemblent alors leurs houes à la main. Elles
chantent et dansent le koutou en frappant les bangas de leurs
pieds et en poussant des hi, hi. Avec leurs houes, elles font une
grosse butte centrale et des buttes plus petites autour, qui sont les
buttes de manioc. Elles grattent la terre comme si elles désher-
I I 1 DE II II VM.K M'IIKH I M IV TRIBI KOI M>| . .).)!
ni un champ. I n homme devant elles simule d'enlever les
herbes. Une 'femme, la pins vieille du groupe, s'en détache et
des pas et des grâces danse devant la grosse butte. f.elles
qui grattent la (erre vont une à une à elle et font le geste de planter
iln manioc sur son corps qu'elle courbe. Les unes font ce geste,
litres viennent imposer leurs mains sur sa tête. Puis, a la lin,
elles lèvent toutes leur- houes vers le ciel en demandant la pluie.
En même temps qu'avec le koutou on demande du manioc, on
demande aussi des arachides, du maïs et 'des épinards (mabouïa).
Ce rite s'appelle l'éboto n'a konga c'est-à-dire le producteur nu le
reproducteur de manioc.
Le - mga peuf également donner l'éboto na kongo. L homme
qui veul de belles plantations va avec sa femme et le ganga dans
les plantations. La femme t'ait le moka mounéné. Au sommet de
cette hutte elle creuse un trou. Le ganga y met de la vase. Il plante
du manioc dans cette vase et ferme le trou avec de la terre II
prend du feu dans une vieille marmite, dépose cette marmite au
sommet de la butte et fait brûler le feu. Pendant que le feu
nga fait brûler dans les flammes les plumes des moi-
neaux qui sont accoutumés à piller les champs et il transmet le
pouvoir du médicament avec les paroles suivantes accompagnées
de l'imposition des mains, dette imposition des mains consiste
pour le ganga comme pour les parties intéressées, à allonger les
mains ouvertes au-dessus de la bouture de manioc et h les tenir
ainsi tant qu'est prononcée la formule magique :
Téka léboto Prends L'éboto
eki nan gai ( luitte moi
Aoh, na oo \ a à toi
^anibii yck» li Prononce le yè
Yé Yé.
A Mossemba, qui est un village où Ton est accoutumé à faire du
in depalmesur une grande échelle pour en fournir les autres vil-
qùand il menu un important producteur de vin de palme,
les homme- procèdent pour lui au mêmes rites d'enterrement qui
ont • pour le koutotl, mais on chante alors le rïiàssanga.
\
332 A. POUPON.
LA PARENTÉ
Dans l'arbre de parenté ci-joint (fig. 15), j'ai pris le cas de
Mohoko dont nous avons recueilli les dépositions.
Mohoko appelle « ta » son père Yombi.
Il appelle « koko » son grand-père Ossinga.
Il appelle a pabélé » son aïeul Yokaoki.
Mais il déclare quTboa, père de Yokaoki, n'est plus son parent,
parce que trop éloigné de lui dans la liste de parenté. Aussi ne
porte-t-il pas un nom.
Mohoko appelle sa mère N'goko, sa grand-mère, Igna, et son
aïeule, Noko.
Mohoko appelle « maona » son fils Yombi ; il appelle « da » son
petit-fils Mohoko, et « pabélé » son arrière petit-fils Yombi. Au
delà, il n'y a plus de nom de parenté, la parenté est trop éloignée
et n'est plus reconnue. - Les filles, petites-filles, et arrière petites
de Mohoko portent les mêmes noms de parenté que les garçons du
même rang. — Les femmes de ses fils, petits-fils et arrière petits-
fils, Mohoko les appelle « boue . — Les maris de ses filles, petites-
filles, et arrière petites-filles, Mohoko. les appelle « boue » et
tous ceux-ci lui répondent « boue ». La femme de Mohoko, Ola
Kaoua, mère de Yombi, donne le même nom que Mohoko k tous
les gens que nous venons de nommer, depuis le fils de Mohoko.
Cependant les femmes, mariées aux fils de Mohoko, à un petit-
fils et arrière petit-fils, sont appelées par Ola Kaona « ombiéba »
et elles lui répondent « ombiéba ».
Mohoko appelle un frère cadet, Okabia, « molimi » et celui-ci
l'appelle « moyémi ».
Mohoko appelle Otomessi, son second frère, « okéma », et celui-ci
l'appelle « moyémi ».
Il appelle Boula boulou sa sœur, et toutes ses sœurs, « boula »
et celles-ci l'appellent « moyémi ». — La sœur aînée est égale-
ment la « moyémi » des autres, la cadette est « molimi », la troi-
sième est a okéma ».
Mohoko appelle « moana » les enfants de ses frères, Pea, Atsaka.
Ces enfants lui répondent « ta »
11 appelle les enfants de sa sœur, Boula boulou, « moana na
boula », les enfants de ma sœur, les enfants l'appellent « golomi ».
Boula boulou appelle Yombi, fils de Mohoko, « moana na boula
1 i i nr ETHNOGRAPHIQUE Dr. LA TRTIU K.OVTÔV.
333
nangaï », l'enfant de mon frère; Voinbi lui répond « tassa monto ».
Mais Yombi appelle 9 ta », les deux frères de Mohoko, qui appel-
lent Yombi, « moana ».
Mohoko appelle sa femme, Ola Kaoua, « moassi », ainsi que Ta
Ka Kélé et Mamoko, ses deuxième et troisième femmes, celle-ci
rappellent « molomi ».
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( TaZilé )
Fig. 15. — Arbre de parenté de Mohoko.
les avec hachures correspondent aux individus de sevn mo ,.,,i;. .
oc*>' iiid>Liuiii , ceux en
blanc, aux ^ujets de sexe féminin.
Sur la ligne verticale, au-dessus de Mohoko, sont indiqués ses ascendants mascu-
lin, jusqu'au trisaïeul; en regard de chacun d'eux, figure le nom de- la mère et des
des de Mohoko. — Au dessus d'Ola kaoua, figurent ses père, mère, grands-pères
el grands mères. - \ gauche et horizontalement, sont indiqués les deux frères et la
soeur de Mohoko ; au dessous les enfants de ceux ci.
Les noms en ronde, sont les noms patronymiques des individus ; ceux en écritu
penchée, placés entre parenthèses, sont les appellations dont se sert Mohoko pour
ascendants el ceux de sCs femmes, ses collatéraux et ,es descendants )
a. rorvoN.
11 appelle, les père et mère de sa femme, ses grand-pères et
grand-mères « boue ». Ceux ci rappellent « boue ».
Okabia et Otemessi, frères de Mohoko, appellent les trois
femmes de Mohoko ■ moassi» ; celles-ci lui répondent : « molomi )).
Par contre Mohoko appelle « boue o, les femmes de ses deux
frère1-.
Okabia et Olemessi appellent les père, mère, grand-pères
et grand-mères de Ola Kaoua, (( boue »; ceux ci leur répondent
(( boue ».
Ta Ka Kélé et Mamoko, deuxième et troisième femmes de Mo-
hoko, appellent Yombi < moana » ; celui-ci leur répond : « igna ».
Ta Ka Kélé et Mamoko appellent « da » et « pabélé » les enfants
et petits enfants de Yombi; ceux-ci leur répondent < koko » et
« pabélé »■
Mais ajoutons que toutes les femmes que Mohoko a prises
quand Vombi était déjà grand appellent Yombi « molomi », mari
et que Yombi les appelle « moassi », femmes. — Ce sont toutes
celles, ene(ïel,qui lui reviendront comme femmes dans la succes-
sion de son père.
Ola Kaoua appelle les père et mère de Mohoko, « boue • ; elle
appelle Ossinga et Yokaoki « boue ». Les premiers lui répondent
« boue », les seconds, « moassi ».
Les père, grand père, aïeul de Mohoko vont voir les père,
grand père, et aïeul de Ola Kaoua; ils s'appellent « boue » réci-
proquement.
Les sœurs des femmes de Mohoko appellent Mohoko « mo-
lomi » ; il les appelle « moassi ».
Nous avons recueilli des appellations de parenté de la bouche
de beaucoup d'indigènes, mais la concordance des dispositions
pour le même degré de parenté ayant été presque constante, et
la place nous manquant pour donner les différentes appellations
qui nous ont été fournies, nous ne publions ici qu'un arbre
généalogique, qui peut servir d'arbre type pour la tribu.
Les parents entre eux s'appellent peu par leurs noms prop
et s'interpellent plutôt par leurs noms de parenté.
Lu matière de parenté, il n'v a de particularité saillante que les
interdits de la belle-mère; ou lui donne le bonjour de loin. — Le
gendre ne peut jamais l'appeler par son nom propre, mais
lappelle m boue ». — Elle quitte la maison où entre le gendre.
Dès qu'elle l'aperçoit, elle se couvre les parties génitales d'une
I i nu II il Si >GR \ I ' 1 1 r « m i DE i \ i RIBI fcOI VOU.
épaisse bande de bananier. Celle ceinture de protection s appelle
«to1 Si le gendre lui voil lesditès parties, il doit rendre la iille
ou payer beaucoup. - Legendre ne peul la voir manger ou man
dans sa marmite.
Il semble que la sœur aussi soil entourée pour le frère d'autres
interdits que ceux qu'impose la convenance. Le frère, dès la
puberté de la sœur, ne peut se trouver à la même place qu'elle, il
ne peul manger avec elle, ni lui voir les organes génitaux.
En dehors de ces faits, la famille Kouyou est la famille asia-
tique avec tous ses caractères. Le lilsaîné hérite de la fortune et des
charges du père. S il n'est pas en âge, c'est l'oncle qui assure ces
charges, jouit de leurs avantages et les conserve jusqu'à sa
moi t. du moment qu'il les a assumées.
Enfin les Kouyou, qui citent leur parenté, citent, dans la majo-
rité des cas, des noms propres de parents jusqu'au trisaïeul et
ne peuvent remonter au-delà.
UNE KCLIPSE DE LUNE
CHEZ LES MOULAS DE BOKDOUKOU'"
PAU
M. PROUTEAUX
administrateur îles Colonies.
L'éclipsé de lune est désignée par deux expressions chez les
Djoulas ; le vulgaire dit : le chat mange la lune (Dyakourna Kari
dom) (2), mais les lettrés disent : l'auréole de la lune est abimée
Kari noro tya-na). Noro, que je traduis par auréole, c'est la
lumière de la lune (ou du soleil) en ce qu'elle a de meilleur, c'est
aussi « la lueur que Ton voit sur les tombeaux des saints
marabouts », c'est encore cette sorte de reflet sur la figure de
certaines personnes « si jolies qu'on les dirait toujours frottées de
beurre de Karité ».
Dans ce dernier cas, d'ailleurs, le Noro n'indique ni la pureté du
cœur, ni la sainteté », c'est un don de Dieu, mais n'importe qui,
même un méchant, peut le posséder.
Il ne m'a pas semblé que les Musulmans voyaient dans l'éclipsé
une menace. C'est Dieu qui fait cela, disent les marabouts, pour
montrer qu'il est grand et pour rappeler aux hommes qu'il est le
Dieu unique, mais non pour leur faire craindre sa colère. (3).
Quoi qui! en soit, dès que l'échancrure sombre commence à
ronger le disque lunaire, le village est en rumeur. Tout le monde
sort de sa chambre. Dans les cours, sur les places, ou devant leur
porte, les marabouts et les musulmans vieux et fervents se mettent
1 Je n'ai [ u observer personnellement ces coutumes qu'à Bondoukou, mais des
r< dm i.-nements sûrs me permettent d'affirmer la similitude des rites suivis à Bouna
Mi moins à Bondoukou et, je crois, à Kong, à Bouna, on dit plutôt Dyakourna
K.-in mua : le chai attrappe la luw;.
L'Alraami de Bouna m'a incidemment indiqué cette légende: <. Certains disent
qu'il y » "'» fit autour de la .une, et quand il se lève complètement, sa
al sur celle-el, c'est Dieu qui a fait cela [pour montrer qu'il est grand ».
l'a.xthkoi'ologik. — t. xxix. — 1918-1919. 22
338 M. PROUTE\r\.
en prière. Dans chique quartier, les jeu 10s filles et fillettes, les
adolescents, les élèves des écoles coraniques se réunissent en
bandes séparées pour parcourir la ville en chantant.
Voici une troupe d'une cinquantaine de filles de dix à dix neuf
ans qui marchent d'un pas pressé. Elles ont roulé leur pagne
autour des reins en ramenant le bout entre les jambes à la façon
des hommes, de sorte que leur buste nu émerge d'une sorte de
caleçon bouffant qui accuse leurs formes. Elles chantent une
invocation, sur un air très mélodieux et qui doit être spécial, car
je ne l'ai pas entendu en d'autres occasions.
Cette invocation peut, je crois, se résumer ainsi : Notre plus vieux
grand-père, et notre plus vieille grand'mère ne se battaient pas,
il n'est pas bon que le soleil se batte avec la lune (1 ).
Voici une autre troupe d'adolescents, cette fois, qui chantent
la même chose et ont la même allure à la fois gaie et pressée.
Puis les élèves des écoles coraniques, chacun portant horizon-
talement sur la tête sa planchette à écrire, conduits par leurs
moniteurs qui, la verge à la main, accélèrent le pas et réveillent
les endormis (2). Eux aussi, comme leurs aines, chantent des appels
à la concorde entre le soleil et la lune.
Enfin, les jeunes gens eux-mêmes sortent les grosses caisses et
dansent sur les places. Mais tous, jeunes gens, écoliers, adolescents,
jeunes filles , vont d'abord faire trois fois le tour de la grande Mosquée
avant de se promener, au hasard de leur fantaisie, dans les rues.
Comme chaque quartier a fourni au moins trois groupes et qu'il y
ahuitquartiersmusulmansà Bondoukou, on peut se rendre compte
de l'animation de la ville avec ces quelques dizaines de troupes
bruyantes qui se croisent et mêlent leurs chants. Ce n'est pas tout :
les ménagères aussi ont quitté leur lit et, dans leur cour, font le
plus de bruit possible. Un grand nombre, saisissant le pilon,
martellent en mesure le fond de leur mortier vide comme si elles
pilaient un maïs imaginaire, d'autres font résonner de coups
rythmés des ustensiles en fer, voire des boites de fer blanc. Les
vieilles s'installent sur les seuils, assises près d'une calebasse à
demi pleine d'eau et dans laquelle est renversée une autre
calebasse plus petite et vide. Avec une cuiller, elles frappent de
(1) Je n'ai pu, faute de liberté, préciser ce que pouvait être cette lutte du soleil et
de la lune, et c'est pourtant là, je crois, un point très intéressant.
(2) Les élèves des écoles coraniques primaires ont de cinq à neuf ans en général ;
les moniteurs, de douze à seize.
ONE ÉCLIPSE DE mm CHEZ LES DIÔULAS DE itoMiOlKOC. 33g
seconde en seconde le fond de la calebasse renversée. Cela rend
un sou grave, très accentué, très particulier.
Et tandis que les teinturiers montent sur leurs cuves et font le
geste d'y tremper quelque chose, que les tisserands s'installent à
leurs métiers dégarnis, que les charpentiers frappent de leur
marteau des poutres vierges de clous, que les forgerons martellent
leurs enclumes froides, enfin que tous les artisans font le
simulacre, et surtout le bruit de leur métier, le marché s'emplit
de ses vendeuses attitrées. Quelques-unes ont apporté des paniers
vides, la plupart n'ont rien. Il n'y a aucune denrée, mais toutes
crient à qui mieux mieux, annonçant leur habituelle marchandise :
« Voici les colas, les gros colas. — Voici les galettes, les bonnes
galettes. — Voici des arachides. — Voici du karité tout frais.
— Voici du Soumhara, etc. Il est à remarquer que, dans la journée,
aucune de ces femmes ne pousse des cris semblables ; elles attendent
au contraire leur clientèle très placidement, mais cette nuit, il
importe de donner l'illusion d'une vraie foire.
A plus forte raison, les gamines qui, chaque jour, portant en
équilibre sur leur tête un plateau de vannerie où l'on voit des
petits tas de sel et de condiments divers, parcourent les rues en
attirant les ménagères par des appels aigus, font cette nuit leur
tournée quotidienne et, si leur panier est vide, leurs propositions
sont bien plus vibrantes.
Tout en se livrant à cette agitation factice, chacun surveille la
lune non sans anxiété. On croit en effet que celle-ci, arrêtée dans
sa course, cherche à se dégager de l'étreinte qui l'immobilise. Il
vient pourtant un moment où l'astre s'échappe et tout le monde,
après s'être congratulé, rentre rapidement se coucher.
« Heureusement, me disait le lendemain et très sérieusement
une très vieille femme, peut-être octogénaire, heureusement que
les jeunes filles ont commencé à chanter et que tout le monde est
sorti pour simuler son travail, sans cela la lune n'aurait peut être
pas pu continuer sa course ».
Ce serait, en effet, un effroyable malheur si la lune restait ainsi
en suspens, car la nuit ne pourrait finir ni le soleil se lever, et
même beaucoup croient que tous les gens du village seraient
métamorphosés en bêtes de la brousse; à vrai dire, par compen-
sation, les animaux sauvages deviendraient des hommes.
UN ENTERREMENT
CHEZ LES KOULA.NGOS DE BOUNA
l'AU
M. PROUTEAUX
Administrateur des Colonies.
Il s'gissait d'un homme d'une quarantaine d'années, chef de
famille, mais de condition moyenne. Il était mort à midi et l'on
avait décidé de l'enterrer avant le coucher du soleil « car il
n'était pas de ceux que l'on peut garder deux ou trois jours
comme on le fait pour les personnages très importants. »
Sitôt la nouvelle connue, les femmes du défunt s'étaient
réunies dans une chambre avec leurs enfants encore jeunes. La
mère, les sœurs, les premières épouses et quelques hommes
étaient restés près du corps et avaient procédé à la toilette. Dans
la cour, près de la chambre mortuaire, les voisines pleuraient
par intermittence, sans oublier de causer tranquillement entre les
explosions de douleur. A l'autre extrémité de la cour, des
joueurs de gangadou faisaient de temps en temps résonner leurs
instruments.
Ces individus, qui sont de toutes les cérémonies, méritent une
mention spéciale.
Le gangadou est un long tambourin, aux deux peaux réunies
par des cordelettes et au fût évidé vers le milieu. Il se tient sous
l'aisselle gauche et les pressions plus ou moins fortes du bras, en
modifiant la tension des tympans, permet de varier les sons. Au
vrai, des tambourins de même sorte existent, je pense, chez toutes
les peuplades delà Côte d'Ivoire, mais,àBouna, les gangadou sont
particulièrement allongés et ils sont réservés à une caste très
intéressante, des sortes de griots, je dirais presque de bardes, car
entre autres fonctions, ils ont celle de recueillir et de conserver la
mémoire de tout ce qu'ont fait les rois de Bouna. Dans certaines
occasions, ils chantent les gestes des anciens chefs, et un enfai t
l.'ANTHhOPOLOGIR. — T. XXIX. — 1918-1919.
3^2 M. PROUTEAUX.
de leur caste à treize ans en sait davantage dit-on que les plus
doctes vieillards sur l'histoire des anciens Koulangos. Ces gens
ont une origine légendaire bien curieuse. Autrefois ils habitaient
un trou dans la terre et, pourtant, ils savaient déjà jouer d'une
façon remarquable du balafon et du tambour. Un roi koulango,
séduit par ces musiciens et possédé du désir de s'en attacher
quelques-uns, usa de la ruse suivante : il fit mettre à portée des
trous des plats succulents et cacha ses hommes aux alentours.
Les troglodytes sortirent et, joyeux de l'aubaine, se mirent à
manger et à jouer du balafon. Les Koulangos se jettèrent alors
sur eux, qui s'enfuirent au plus vite pour regagner leur trou, mais
l'ouverture était si étroite que le balafon s'étant mis en travers, la
boucha et que quelques musiciens purent être pris.
Pendant l'après-midi, donc, voisines et gangadou avaient fait
leur devoir. Vers cinq heures, on vint annoncer que la tombe était
prête et les porteurs se présentèrent. Ceux-ci sont peut-être d'une
caste spéciale, tout au moins ils forment une corporation à
laquelle ils appartiennent de père en fils; je ne sais pas si cette
corporation est distincte de celle des fossoyeurs.
A leur arrivée, ils se mettent à confectionner la civière et, pen-
dant qu'ils y travaillent, les enfants du mort lui vont faire une
dernière visite, avec des pleurs et des cris déchirants qui sont
pour plusieurs sincères (1), tandis que les voisines hurlent à qui
mieux mieux par politesse.
Les porteurs ont apporté deux longs bambous et ont réquisi-
tionné deux de ces paniers qui servent aux femmes à porter les
charges, et qui sont faits d'un étroit plateau circulaire accolé de
quatre anses très fortes deux horizontales et deux verticales
alternées (2). Les paniers étant placés à distance convenable un
des bambous est enfilé dans les anses horizontales en passant
sous les plateaux ; le second est fendu dans la longueur et les
lattes sont passées dans les anses verticales l'une à gauche, l'autre
à droite.
(1) On a taxé souvent les noirs d'insensibilité. A L'appui d'une thèse contraire je
puis citer le frit suivant, très souvent observé. Kn présentant des orphelins lors d'un
recensement nominatif, il faut bien indiquer devanl eux que leurs parents sont morts.
Très fréquemment, en entendant rappeler le décès de leur père, de leur mer.' surtout,
des garçons de dix et même de quinze ;ms onl eu brusquement 1rs yeux pleins de
larmes. S'ils n'ont pas pleuré c'est parce qu'il n'est pas convenable de le l'aire.
(2) J'ai vu ce panier chez tous les Séuoufos et jusqu'auprès d'Odienné.
VN ENTERREMENT CHEZ LES KOULANGOS DE BOUNA. 3/j3
On apporte alors le corps roulé dans une natte assez épaisse qui
De laisse dépasser que les pieds. Par dessus, on étend un pagne,
f^J*
1. Coupe longitudinale. -2. Pian. — \\. Perspective. — 4. Coupe transversale. —
5. Coupe une l'ois le tombeau fermé.)
mais avant de recouvrir les pieds, on a soin de placer, entre
l'orteil et le second doigt du pied gauche, un tout petit poussin h
344
44 AI. PROUTEAtX.
peine sorti de l'œuf. Puis les quatre porteurs se placent deux par
deux de chaque côté de la civière et remportent à bout de bras
(non sur la tête comme les habitudes du pays pourraient le faire
supposer). Le cortège se forme : en tête, le corps, puis les femmes
qui pleurent sans discontinuer, enfin quelques hommes, dont le
chef du quartier ou son représentant, et Ton va, en coupant au
plus court, vers la tombe creusée à peu de distance du village.
Les tombes des Koulangos de Bouna ne sont pas de simples
fosses, mais des chambres mortuaires taillées dans le sol (Voir
les figures, p. 343). Pour les personnages importants ou riches, la
chambre est circulaire et dominée par une voûte conique, présen-
tant à la partie supérieure un orifice qui sert aux ouvriers à rejeter
la terre de déblai et ensuite à introduire le corps. Cette unique
ouverture est ensuite bouchée soigneusement
Mais les gens du commun ou de condition moyenne (1) sont
inhumés dans des logettes d'un tout autre genre, dont la prépara-
tion ne demande pas un aussi gros travail. On creuse seulement
une cavité orientée Nord-Sud, de deux mètres de long sur envi-
ron soixante quinze centimètres de hauteur et de largeur, dont
l'accès est sur l'une des faces latérales et non directement au-
dessus. Cette entrée est d'un côté différent selon le sexe du mort;
lorsqu'on a placé le corps allongé, couché sur le côté droit, face
à cette entrée, il faut, en effet, que l'homme regarde vers le levant,
« car dans la vie il s'est inquiété du soleil à son lever qui marquait
l'heure de partir aux plantations » tandis, que la femme sera
tournée vers le couchant « car, dans la vie, le soleil qui baisse vers
l'horizon lui indiquait le moment de s'occuper de la cuisine ».
Lorsque le cortège arrive près de la tombe, il en fait trois fois
le tour en sens contraire des aiguilles d'une montre et la civière
est déposée à terre, la tête au sud, près de l'entrée du sépulcre.
Les femmes se massent à l'extrémité nord et deux hommes
prenant le pagne qui recouvrait le corps, le tendent verticalement
pour cacher à ces femmes l'ensevelissement. On déroule alors la
natte et on la tient horizontalement un peu au-dessus de la fosse,
dans laquelle sont accroupis deux fossoyeurs. A l'ombre de ce
d II semble gue cette simplification de la tombe soit quelque peu humiliante pour
la famille, car on m excuse généralement les parents en disant que « le iv\u\>< o
manqué pour faire une vraie tombe « ou encore que h justement plusieurs fossoyeurs
étaient absents et que ceux qui restaient n'étaient pas assez nombreux ». Les fos-
soyeurs forment, en effet, une corporation, peut être une caste.
i\ BNTERREMEX.T CHEZ LES BOULA.NGOS DE BOHV. 345
primitif vélum, les porteurs leur passent le cadavre qu'ils
installent eongruement. Dès qu'ils ont donné la bonne position,
on enlève la natte, on baisse le pagne et les femmes s'en vont.
Il n'y a aucune libation, aucune cérémonie et il ne reste plus qu'à
fermer la tombe. Les fossoyeurs placent un petit tronc d'arbre
horizontalement le long du plafond de la logette. On ferme
l'entrée avec des débris de case ruinée, plaquettes d'argile telle-
ment cuites par le soleil qu'elles semblent de véritables briques
irrégulières. On couvre le tout d'argile humide bien gâchée et l'on
maçonne soigneusement les interstices. On étend par dessus un
lit épais de feuillage de Ankobwe, arbuste dont la propriété,
disent les indigènes, est de répugner si fort aux hyènes qu'elles
s'écarteraient aussitôt, si elles s'avisaient de fouiller la tombe.
Enfin, on rejette toute la terre de déblai et l'on dame consciencieu-
sement le petit tumulus. Tout cela se fait sous la haute surveillance
du chef de quartier.
L'homme que j'ai vu fut enterré avec un simple pagne passant
sous les aisselles, croisant sur la poitrine et noué sur la nuque;
les pieds, les bras, la face étaient donc découverts. Cependant un
bandeau d'étoiïe blanche obturait soigneusement la bouche parce
que « l'haleine d'un cadavre est très nocive pour les femmes
enceintes et les nourrices. »
Mais le fait d'emporter ainsi un pagne dans la tombe est assez
rare. A part quelques familles, tous les Koulangos de Bouna, et le
roi tout le premier, sont mis en terre absolument nus, sans un
cache-sexe, sans un fil. Et cela vaut pour les femmes commepour
les hommes.
Cette coutume aurait, depuis quelques années, une répercussion
assez inattendue sur la propagande islamique.- De nombreuses
femmes, des vieilles, et quelques-unes d'âge moyen se feraient
musulmanes simplement pour nôtre pas enterrées nues. Des
sœurs du dernier roi ont donné l'exemple. Pour certaines, leur
adhésion à l'islamisme vient de ce qu'elles furent mariées à de
notables musulmans, et l'on sait que la conversion est alors de
rigueur pour prendre rang d'épouse, mais d'autres, restées dans
des familles koulangos se sont faites initier à la prière pour
éviter d'être mises au tombeau sans voile.
Cette curieuse pudeur posthume et cette exceptionnelle répu-
gnance à suivre une coutume ancestrale que les hommes acceptent
encore, alors que ce sont généralement les femmes qui sont le
346 M. PROUTEÀUX.
plus férues de conserver l'intégrité des rites de leurs aïeux, m'ont
paru valoir d'être notées.
Lorqu'après le départ des femmes, les hommes ont conscien-
cieusement fermé la tombe, tout le monde s'en va et la cérémonie
est terminée. Pourtant, pendant une heure ou deux, quelques
tambours résonnent par intermittence sur Tune des places du
quartier. Un cercle d'hommes assis par terre ou debout les
entoure, mais il n'y a pour ainsi dire pas de danses.
Le principal tambour, le biwalogo, est rituel pour les funé-
railles. Il est fort long (plus d'un mètre cinquante) et son diamètre
est de quarante centimètres au moins. Il est cylindrique, renflé
vers le milieu et légèrement aminci à la partie supérieure, qui,
seule, porte une peau. Sur le renflement, est fixée une grosse poi-
gnée de fer. Un jeune homme le tient incliné, une main à la
poignée, l'autre sur les chevilles qui soutiennent les cordes de
tension du tympan. Un autre homme frappe avec deux baguettes
coudées (des fourches légères dont l'une des branches est courte
et l'autre, plus longue, sert de poignée). Le biwalogo est de
couleur brune avee de large bandes longitudinales plus claires.
Quelques plumes de poulet, fraîchement collées avec un peu de
sang sur la partie supérieure du fût, dénoncent le caractère rituel
de cet énorme tambour.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE
Schweizerische Gesellschaft fur Urgeschichtq (Société suisse de préhistoire). Neuvième
rapport annuel (1916), par RI. fc. Tatarctoff, secrétaire de la Société, 1 vol. in-8° de
14:; |>p. et 11 «g.
Ce rapport est un résumé, fait par M. Tatarinoff, des principaux tra-
vaux concernant la préhistoire, la protohistoire, L'éjpoqùë romaine et
même le débùl du mo^en-age.
M d'abord M. WfiktH qui estime que les géologues ont le rôle
le |d1ùs important dans l'élude de l'Homme fossile. Bien entendu,
les chercheurs allemands sont avantagés par rapport aux Français,
puisque l'Allemagne a été le théâtre des glaciations les plus étendues,
tandis que les stations françaises, surtout celles de la DordOgne, n'ont
pas connu de phénomènes aussi importants. On obtiendra, par une
élude approfondie, une chronologie qui jettera une lumière nouvelle
sur le Paléolithique de la France et de l'étranger. 11 faut observer (pie
les types d'instruments paléolithiques ne peuvent être pris pour des
fossiles conducteurs, comme les types paléontologïques. Quand un
fossile disparaît, c'est pour toujours, tandis que les types archéo-
logiques peuvent disparaître pour reparaître plus tard, ou subsister
pondant dos périodes géologiques distinctes. La typologie n'est donc
pas parallèle à la chronologie : elles peuvent se trouver en contradic-
tion. L'auteur cite les avis, opposés sur cette question, de M. Salomon
Reinach et de M. Camille Jullian, Le Dr Tschumi concilie tout en esti-
mant que dans les recherches paléonlologiques la préhistoire, la
zoologie, l'anthropologie et la géologie doivent coopérer.
trouvailles de la grotte de Cotcncher près Boudry (canton de
Xiiiehalelj explorée par M. Aug. Dubois, semblent présenter un intérêt
considérable. Les restes d'animaux sont mêlés à des intruments mous-
tériens. L'Our> (\<-> cavernes représente o5 o/o des ossements trouvés.
Dan- une couche de 3 mètres d'épaisseur, l'industrie est d'Une homo-
généité absolue; celle-ci est antérieure à la plus grande extension du
dernier glaciaire. D'après la classification de Penck, elle appartient
donc à L'interglaciaire Riss-Wùrm.
\ Thayngen a été trouvée, dans une fissure voisine^du Kesslerloch,
une lourde massue en chêne, longue do 70 centimètres : elle porte d<
traces évidentes de travail : on peut l'attribuer à un troglodyte de cette
dernière station.
348 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
L'abri de Yeyrier (Haute-Savoie), fouillé depuis i833 jusqu'en 1916, a
donné des silex taillés magdaléniens, des coquilles percées, deux perles
en agate, des ossements d'animaux (Renne, Cheval, Bœuf), des os tra-
vaillés, dont un beau bâton de commandement. M. A. Cartier a
l'ait un historique complet de ces recherches, souvent faites sans
méthode.
Une station de même époque a été découverte au Scé, près de Ville-
neuve (canton de Vaud). M. A. Jeannet, qui s'en est occupé, établit que
cette région a été habitable à l'époque du Magdalénien récent. Peu de
trouvailles y ont été faites jusqu'à présent.
M. Schumacher s'est préoccupé de la situation actuelle des études
néolithiques et de la tache qui leur incombe en Allemagne. Il admet
que la civilisation des Palafittes du Nord de la Suisse est autochtone,
c'est-à-dire dérivée de l'Azilien ou Mésolithique : les vases de cette
époque seraient inspirés d'objets en cuir. Elle est contemporaine de la
culture mégalithique du Nord de l'Allemagne, avec laquelle elle s'est
parfois mélangée, tandis que la céramique cordée (Schnurkeramik)
serait postérieure. Dans le Nord-Est de l'Italie on retrouve la civilisa-
tion des palafittes et dans le Nord-Ouest celle des dolmens. La forme de
la hutte est carrée dans le second groupe, circulaire ou ovale clans le
premier.
Pour le Dr Tschumi l'origine des palafittes suisses n'est pas aussi
claire : il n'admet pas que leurs habitants soient venus du Sud et se
soient répandus vers le Nord. Pour lui, si les plus anciennes palafittes
se rencontrent dans les lacs ou les marais de faible étendue, c'est
qu'une population envahissante a forcé leurs habitants à quitter les
grands lacs. Suivant M. Tatarinoff ceci peut être dû à ce que les
groupes éloignés des grands courants de culture restent en arrière
dans la civilisation^ dépendant la palafitte de Thayngen montre que,
dans des endroits assez écartés, il peut se développer une civilisation
dont l'originalité n'est pas due à ce que ses habitants ont été chassés
d'ailleurs. En somme la question reste ouverte.
Très intéresantes sont les recherches faites par M. Maurizio sur la
manière d'apprêter les céréales dans les temps préhistoriques. La
manière la plus ancienne de s'en servir consiste à en faire de la bouillie,
apn's les avoir plus ou moins finement triturées. Puis est venue la
fabrication des galettes, généralement sur des pierres chauffées. Depuis
5.000 ans ou fait des galettes, mais le pain n'existe que depuis
2.000 ans. 11 n'f\ a aucune conclusion au point de vue typologique à
tirer de la façon plus ou moins soignée de préparer les galettes ; 1<«>
différences distingue ni non les époques, mais les classes sociales. Il n'y
a d'ailleurs pas de différence essentielle entre les crêpes d'aujourd'hui
et celles des temps préhistoriques, dont M. Maurizio a étudié les reste
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 3^0
On aimerai! à savoir quand est apparu le premier foui* à pain et le
premier appareil à cuire les crêpes)
Dans le lac de Neuchâtel, à Treytel, M. J. Maeder a trouvé, sur un
emplacement de palafîtte, des silex rappelant beaucoup ceux du Mous-
térien de France, et il semble que ces types archaïques se retrouvent
chaque fois qu'on arrive dans les touilles jusqu'au sol vierge sous les
palaiiltes.
Il faut signaler d'une façon particulière les riches trouvailles faites à
Thayngen par M. K. Sulzbergèr, au lieu dit « le Vivier », où il a
découvert une palafîtte dans un état de conservation remarquable, ce
qui a permis d'en constater le mode de structure. Des poteaux d'une
hauteur médiocre, surmontés d'une sorte de chapiteau, portaient un
rnblage de planches épaisses ou de perches, recouvert de terre
glais<> et de pierres, surtout à l'endroit des foyers. Les parois des
huttes étaient formées de rondins fendus, crépis avec de la terre
cuite à feu doux. Les huttes, dont la forme exacte ne peut être encore
fixée, étaient réunies par des chaussées ; des fosses creusées entre elles
ont donné de nombreux objets. M. Sulzbergèr pense, que les huttes
étaient bâties sur des radeaux fixés, et que des îles artificielles se
seraient ainsi formées. La surface recouverte par la palafîtte est une
des plus considérables connues. On y a trouvé de nombreux spécimens
d'une céramique très variée, des instruments en bois de cerf, en silex,
en bois, des graines, des ossements. L'ensemble est néolithique, du
type de Michelobcrg, qui est rare en Suisse et plus répandu au nord
du Rhin. Il faut espérer qu'une publication complète nous donnera
bientôt une idée d'ensemble de celte belle trouvaille.
M. G. Behrexs a publié une brochure sur l'époque du bronze dans
l'Allemagne du Sud qu'il divise en trois périodes : A. Premier Age;
B. Période des tumuli (ancienne, moyenne, récente) ; G. Période
récente, .passant au Hallstâttien. L'apparition et le développement de
chaque type d'arme ou d'instrument sont étudiés à part; à noter que les
palafittes ont donné des trouvailles plus récentes que la terre ferme. La
première période aurait duré de 2000 à i5oo, la seconde de i5oo à
1200, la troisième de 1200 à 900. Dans le Nord de l'Allemagne
demeuraient alors les Germains, descendants de la population méga-
lithique; au Sud, les Celtes, descendants de celle d'Uneticz (ou du
cuivre)î M. Camille Jullian a d'ailleurs montré que, pendant l'âge du
bronze, l'Ouest de l'Europe avait une unité de culture, de langue et
d'organisation qui a fini avec le début de l'âge du fer. Il est particuliè-
rement curieux de voir que dans tout ce royaume italo-celtique les
lieux, les fleuves, les îles, les presqu'îles, les tribus, les peuples
portent les mêmes noms, attestant ainsi qu'un seul peuple a pendant
longtemps habité ces contrées. Le mot de Ligures, que leur appliquaient
35o MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
les anciens, désignait donc les tribus éparses restées fidèles à cette
langue apiv^ la dislocation do leur unité.
A Leytron près Marligny (Valais) a été trouvée une hache de bronze
très curieuse : <Ke est t|(S étroite, allongée, plate, à tranchant circulaire,
ornée de gravures au trait sur les plats. Elle était emmanchée à l'aide
dune douille indépendante, terminée en pointe, sur laquelle un rivel
la maintenait en place : dispositif qui n'avait pas encore été rencontré.
L'ensemble rappelle beaucoup les talons de lances en spatule encore
unités en Afrique.
A Zurich les travaux effectués le long d'un quai ont amené la décou-
verte d'une très importante palafitte : comme l'exploration a été faite à
l'aide d'une drague, on ne peut parler d'une étude systématique. Les
pièces recueillies sont nombreuses et intéressantes : citons seulement
des bracelets de bronze avec incrustations de fer, un montant de mors
figurant un cheval, des moules en grès pour fondre divers objets, des
vases de terre cuite en forme d'oiseaux, des ossements humains qui
proviennent de tombeaux et montrent une tendance à ladolichocéphalie.
Beaucoup d'objets sont de provenance italienne.
MM. Miller et Rupe ont fait des recherches chimiques et métallogra-
phiques sur des objets de fer préhistoriques : il en résulte que les for-
gerons de l'époque de La Tène étaient très habiles : ils savaient aciérer
le fer et le forgeaient plutôt qu'ils ne le coulaient. Ils se servaient
surtout de minerai indigène, mais aussi de minerai venant du
Sud.
En résumé pendant l'année 1916, les archéologues suisses ont
fait preuve d'une activité soutenue, et le succès est venu le plus
souvent couronner leurs efforts. Le rapport de M. Tatarinofî constitue
un répertoire facile à consulter de ces recherches et des travaux les
plus intéressants parus en dehors de la Suisse. Des divisions par
époques, une table bien faite permettent de s'y retrouver aisément.
Fr. de Zeltner.
Sh.im.in il. G.) et Dubois (Aug .). Note préliminaire sur les fouilles entreprises dans la
grotte de Cotencher (canton de Neuchâtel). Extr. des Eclogiae geologicae llelvetiae,
l. XV, 1910.
La grotte de Cotencher a été maintes fois fouillée par des amateurs
depuis iSfi.v>. M. Lard y ayant remarqué qu'une partie du dépôt de rem-
plissage étail encore vierge, les auteurs de la note ci-dessus, aidés de
plusieurs §quscripfeurs, ont entrepris des fouilles. Ils nous donnent
le résultai d'une première campagne qui a duré du 3 juillet au
1 a anùl i<)i<>.
Le dépôt de remplissage présente de haut en bas :
a) Croûte stalagmatique ou couche d'humus suivant les points ;
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 35 1
b) Argile feuilletée, om,6oà i mètre;
c Dépôt caillouteux, auiôriiMirau maximum de la derrière glaciation,
I ,sm a > nirl
Dépôt terreux avec concrétions de phosphate de chaux et dont on
n'a pus atteint Le fond.
Plus de i)ù o q des ossements recueillis appartiennent à l'Ours des
Cavernes. Parmi Les autres espèces, provenant surtout de la couche c, on
peut citer : la Marmotte, le Lion des Cavernes, la Panthère, le Loup, le
tienne, le Chamois, le Bouquetin, le Cheval. Cette même assise c a
fourni a une centaine d'instruments en pierre, du type mous ter i en,
toul a fait comparables à ceux du AVildkirchli ».
découvertes, disent les auteurs, nous semblent intéressantes
sous trois rapports: C'est la première fois que nous apprenons à
connaître La faune jurassienne des temps de l'Ours des Cavernes.
-t la première fois qu'on découvre dans le Jura suisse une station
inouslérienne. Enfin, c'est la première fois qu'on signale un gisement
moustérien à l'intérieur des moraines de la dernière glaciation et en
étroite relation avec un dépôt glaciaire.
« Nos recherches seront poursuivies en 19 17. Nous avons tout lieu
d'espérer qu'un examen attentif du remplissage de la caverne et des
dépôts glaciaires de la région, nous permettra de préciser l'âge géolo-
gique de cette station et de fixer, ce qu'on cherche depuis des années,
un point de repère solide pour la classification du Moustérien dans
Le système glaciaire ».
Souhaitons aux auteurs de réaliser ces espérances.
M. Boule.
Oberm.uer (H.). Yacimiento prehistorico de Las Carolinas (Madrid). (Gisement préhis-
torique des Carolinesj. Memoria n 16 de la Comision de Investigaciones paleontolo-
gicus y prehistoricas. Madrid, 1U17.
Dans ce petit mémoire, l'auteur décrit un gisement situé aux portes
île Madrid, avec divers niveaux paléolithiques très pauvres, appartenant,
de bas en haut, au Moustérien, à un niveau intermédiaire à pointes
courbes analogues à notre niveau de l'abri Audi, et à un Paléolithique
supérieur indéterminé. Plus haut, on avait recueilli divers tessons de
céramique décorés du type énéolithique de Ciempozuelos. L'un d'eux
présente à l'intérieur des ligures astériformes et des cerfs schématisés
qui sont identiques à un certain nombre de dessins rupestres et per-
mettent d'en fixer l'âge précis, tout spécialement des dessins noirs de
la Gueva de La Pileta. Un chapitre comparatif illustre ces analogies et
recherche les faits de même nature épars à travers la péninsule et le
reste de l'Europe.
H. Breuil.
352 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Ismabl del Pa*. Exploration de la cueva prehistorica del Conejar (Caceres). Exploration
de la caverne préhistorique du Conejar). Comision de Investi g aciones Paleontolo-
gi^as y prehistoricas, nota n° 1.'». Madrid, 1917.
La grotte du Conejar s'ouvre dans le lambeau de calcaire dévonien à
peu de distance de Caceres, au lieu dit Calcrizo; elle est de faibles
dimensions, et entièrement éclairée par diverses ouvertures; son rem-
plissage est argileux et ses parois -sont également recouvertes d'un
enduit de même nature, d'où pointent de nombreux ossements pris dans
une brèche. Les fouilles réalisées comprennent : le Cheval, le Cerf, le
Bœuf, le Lynx, le Lapin et le Lièvre, et quelques restes de Bouquetin et
d'Isard (? un métacarpien fracturé). Le Lynx procède de la brèche
osseuse des parois, ainsi que le Loup ; le Cheval, le Cerf et l'Isard (?) vien-
nent des couches les plus profondes du remplissage. — Les objets
archéologiques consistent en silex, pointes et flèches à base rectiligne
ou concave, lames de silex, un petit grattoir rond, et en nombreux tes-
sons, parfois décorés de motifs simples. L'occupation humaine ne
remonte pas, semble-l-il, au-delà du Néolithique. H. B.
Pacheco (E. Hcrnandez). Los grabados de la Cueva de Penches (Les gravures de la grotte
de Penches) Comision de Investigaciones pnleontologicas y prehistoricas. Memoria
n° 17. 34 p., 17, figures, 3 planches. Madrid, 1017.
, Le Prof. E. H. Pacheco nous fait connaître les figures découvertes
près de Ona (Burgos), par le Pèrejésuite D. Miguel Gutierres, dans une
grotte étroite, située à environ 4 kilomètres à l'ouest de Penches, sur le
termino du Bascina de la Montes (partido de Briviesca). La galerie,
difficile à trouver sans guide, est à 88o m. d'altitude, et domine de i5 m.
un ruisseau avoisinanl ; elle a la forme d'une fenle très étroite de 170 m.
de large, presque droite. Les figures gravées se localisent en deux
endroits : à 4o m. de l'entrée, existent quatre figures de Bouquetin,
deux à droite et deux à gauche; une autre figure analogue existe vers
100 m., sur la paroi droite. Les quatre premières figures, très simples,
aux cornes figurées, tantôt de profil, tantôt de face, sont d'un tracé large
( t profond ; la dernière, d'un tracé plus léger et plus fin, présente les ves-
tiles d'une peinture noire modelée. Après une série de comparaisons avec
les documents des grottes françaises et cantabriques, l'auteur attribue
1rs quatre premières figures à l'art du Magdalénien intérieur, et la der-
nière à celui du Magdalénien moyen ; je crois que ces attributions
correspondent avec les plus grandes probabilités. L'auteur insiste en
finissant, apn > avoir passé en revue des griffades d'ours et d'autres
animaux, sur L'impossibilité de considérer une grotte aussi étroite
comme lieu d'habitation (il n'existe d'ailleurs aucun gisement) et par
conséquent il souligne qu'elle confirme L'idée de magie attachée à ces
manifestations d'art paléolithique. I d trait, pouvanl représenter un
MOI \ i mi .\ i i ir\ i m km i . 353
javelot en Lracé dans le dos tic la principale figure, es! de nature à ren-
forcer cette impression. Le principal intérêl de cette découverte de
Penches est de nous faire connaître une localité d'arl paléolithique du
style cantabrique au Sud de la chaîne séparant la région côtière de la
vieille Castille On >ait que jusqu'ici ces Localités sonl très rares : l'une,
\tapuerca, assi voisine de Penches, et L'autre, I.» Pileta (Malaga), à
ntre boul de L'Espagne. II. B.
\n i r-.iRi i Paul) Niiovas datas para la cronologia del arte rupestre de estilo naturaliste en
ri Oriente de Espana. -Figuras hiunanas et quematicas del Maglemosiense. (Faits nou-
veaux pour la chronologie do l'art rupestre de st^le naturaliste dans l'Est de
l'Espagne. — Figures humaines et schématiques du Maglemosien). Comision de
investigaciones pale;>nto ogicas y prehisioriras^ notas n's 13 <'t 15. Madrid, 1917.
Dans lu première de ces noies, l'auteur rapproche les ornements de
coude de certaines figures de femmes des fresques d'.Upera et CoguJ,
i le., des bracelets à coquilles de quelques squelettes de Grimaldi et
d'un dessin gravé de Bruniquel, que M. E. Cartailhac a publié en iqo3
dans L'Anthropologie, et où il croyait voir un bras humain tendu tenant
un instrument. — Personnellement, je crois que cette dernière inter-
prétation n'est pas satisfaisante, et par conséquent le rapprochement
auquel elle sert de base tombe de lui-même.
La seconde note est beaucoup plus intéressante. Le point de départ
du travail, qui porte en sous titre : a Essai d'ethnographie préhistorique
comparée », est l'interprétation d'une figure d'aspecl géométrique déco-
rant un lissoir en os provenant d'un gisement épipaléolithique de Fiinen
I Danemark), el conservé au musée d'Odensi.
\1. W., examinant les motifs de l'ornementation de cet objet, a
reconnu le premier que ces derniers n'étaient autres que des .figures
humaines schématiques. Sur une lace, on reconnaît un homme à jambes
en arceau, à corps linéaire rende à la ceinture, à bras repliés en l'air.
(l'un tenant quelque objet), et à tête un peu renflée, se terminant par
deux grands appendices recourbés en forme de plumel <>u de cornes. A
juste titre, M. VV. rapproche celte image du grand homme cornu de
\ elez-Blanco.
Sur l'autre Liée du lissoir, on peut voir cinq ligures humaines sché-
matiques, disposées transversalement; toutes sonl constituées. par un
axe linéaire recoupanl à chaque boni, par leur centre, des arceaux à
convexité tournées vers L'intérieur el qui figurent bras, jambes, tête et
organes génitaux Dans la partie centrale, l'une d'elles présente deux
s Lobes opposés où M. W . voil l'indication d'un ceinturon. Je serais
peut-être plus favorable à L'idée de mamelles figurées latéralement,
comme cela se voil quelquefois dans l'art rupestre de la province de
Cadix, mai^ cela n'est qu'un détail d'interprétation. M. \\ . poursuit
l'anthropolooAi. — t. xxix — » 1918-1919. 2'i
35.4 MOUVEMÈ> ! Cil flfrlQUÈ.
ensuite i comparaisons avec les rupestres d'Andalousie, d'Algérie
(1 Amérique et de Nouvelle Guinée; il relève des schémas humains < n
relief sur une hache de bronze du Portugal, que je ne connaissais pas, el
ensuite, j| se livre à une intéressante comparaison sur les caractères de
la figure humaine dans les décorations de tous 1rs milieux plus mi
moins primitifs, depuis l< galets peints du Mas d'Azil, la céramique de
S|> ' jusqu'aux s< ulptures de Nouvelle-Guinée el ries iles Salomon, aux
lapis orientaux, aux vanneries taïaques, aux hiéroglyphes de l'île de
Pâques, à l'écriture primitive chinoise el à l'écriture \sibidi de l'Afrjque
occidentale, etc. dette revue permet de constater, sous toutes les lati-
tudes et dans tous les temps, des processus analogues de schématisation
et de transformation. M. AV. cite divers auteurs à l'occasion de ces
comparaisons pour montrer <pic la plupart de ces symboles anthropo-
morphiques représentent les ligures des ancêtres et se relient avec les
idées de culte à leur égard et de relations à entretenir avec eux; il
< onsidère l'objet de l'île de Fiinen comme appartenant à ce sujet d'idées
élémentaires, dont il nous avait entretenu dans un de ses précédents
mémoires, qu< nous avons anal;. II. B.
Postes (Joàchim). Instruments paléolithiques dans la collection de préhistoire du Ser-
vice géologique. Etudes 2 à 5. Extr. des Communicoçoes du Service géologique du
Portugal, t. MI, Lisbonne, 191G.
Nous avons rendu compte de la première de ces «Etudes » (V. L'Anthr.
i. WVlll, p. :nj(h. L'étude n" 2 a traita des instruments paléolithiques
trouvés aux environs de Porto par Vasconcellos, et signalés par lui
dès 1880. Le meilleur de ces quartzites est un coup de poing chelléen. La
taille des autres est douteuse. Les alluvions d'où ils proviendraient ne
sont pas d'origine glaciaire, comme le croyait Vasconcellos.
Dans la note n° 3, l'auteur reprend l'étude des pierres travaillées
rencontrées par Delgado aux divers niveaux du remplissage de la grotte
de Furninha. Il arrive aux conclusions suivantes :
j L'Homme et l'Hyène rayée onl été contemporains à Furninha,
comme le prouve l'existence d'outils paléolithiques de silex el d
mélangés avec des ossements de cette Hyène. — 20 II y a deux industries
paléolithiques à Furninha, une chelléenne, el une moustiérienne. —
."> \. côté des objets à faciès mousliérien, on a trouvé des os entaillés
par l'Homme.
V note. — Les environs de Leiria paraissent riches en quartzites
taillés. L'auteur figure un beau coup de poing trouvé par Carlos Ribeiro
et l'un des premier- qui aient été recueillis en Portugal.
Enfin, (')" note), aux nombreux endroits des environs de Lisbonne où
Ion trouve des objets paléolithiques, il Tant ajouter la région qui s'étend
fifOI \ EMJ N I 5( H> 1 LfrIQl l
• li puis Sauto Autào-Odu-Tojal jusqu'à Zauibujal, qui a fourni plusieurs
instruments conservés au Musée du Service géologique.
M. Boi ii
Mm mm il go), Aggiunte alla fauna pleistocenica itaUana. i additions a la faune pléitto
italienne). Ëxtr. <le^ .1//' ael/a Societa d«i Katar, e Maternai, di Modenu,
Séri« \ . vol III. 1016, pp. 30 34-
L'auteur signale une série de trouvailles paléontologiques récemment
. n sur divers points du territoire italien. Dans la vallée du
Cesano, c'est une portion de crâne de Megaceros, en association avec
des silex taillés, de formes moustiériennes. A Magliana, sur la ligne de
Pise. à quelques kilomètres de Home, dans un dépôt lacustre, c'est
toute une faune à Elcphas antiquus, Rhinocéros Merckl, avec une
espèce n- nivelle pour le Pléistocène italien, Ovis miisimon, qui pour-
rait bien être voisine de Y Ovis antiqua de Pommerol. Ce sont des
débris d'un grand Eléphant, trouvés près de Ceprano. Ce sont enfin
quelques restes d'Ours et.de Loup recueillis dans un sondage effectué
dans la caverne del Cavallone, sur la Maiella, une des plus grandes
et des plus belles cavernes italiennes, et qui demanderait à être fouillée
largement.
L'auteur insiste, en terminant sa note, sur l'intérêt que présente la
présence, dans la péninsule italienne, de deux nouveaux éléments de la
faune nordique. Le Mégacéros et le Moufflon forment, avec le Glouton
et le Mammouth, une petite série instructive. Mais les espèces qui la
composent restent ici toujours très rares, exceptionnelles, ce qui sem-
blerait démontrer qu'elles n'y sont venues qu'accidentellement et
qu'elles n'ont pu s'y acclimater. À cette différence dans les conditions
de milieux, peut correspondre une différence dans l'évolution préhis-
torique. Si les recherches palethnologiques sont conduites sans aucune
préoccupation de faire cadrer les faits observés avec des systèmes
théoriques établis ailleurs, la preuve de cette différence deviendra
de plus en plus évidente.
M. H.
Bâte (DorothM M. A. On a small collection of Vertebrate remains from the Har Dalani
Cavern... (Sur une petite collection d'ossements de Vertébrés de la caverne Har
Dalaiu, lie de Malte; avec une note sur une nouvelle espèce de Cygne). Extr. des
Proceetfings of the Zoologicat Society of London, 1910, p. 421.
recherches de Sprat t, Leith Adams, Dr Cookc, el Jagliaferro,
noua ont fait connaître la faune pléistocène des cavernes et fentes à
ossements de l'île de Malte. L'auteur nous donne d'abord la liste
compl' espèces, dont i4 Mammifères, iG Oiseaux, 6 Reptiles ou
Batraciens. .1' util* de n produire ici la liste des Mammifères ;
356 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Ursiis arctos (?) Lin. Vulpes sp., Canis sp., (de la taille du Loup),
Leithia melitensis Leith Adams, Eliomys sp., Arvicola amphibias Lin..
A. pratensis Bâillon. Equiis sp., Cervus dama (?) Lin., Cervas elaphus
var. barbants Bennet, Hippopotamus Pentlandi Meyer, H. melitensis
Forsyth Major, Elephas mnaidriensis Leith Adams. E melitensis
Falconer.
L'auteur a eu à déterminer une nouvelle petite série provenant de
la caverne Har Dalam, dont nos lecteurs ont déjà entendu parler
(L'Anthrop., IV, p. 6o5). Les deux espèces de Mammifères les plus
intéressants sont : i une sorte de Loir pour lequel on a créé le genre
Leithia, et dont l'auteur nous apprend également l'existence dans les
dépôts des cavernes des îles Baléares, ce qui en fait un nouveau repré-
sentant de la faune « tyrrhénienne » ; 2° un petit Cheval, signalé ici
pour la première fois. L'association de ce poney avec de petites formes
d'Eléphants est des plus curieuse.
Les ossements d'Oiseaux sont plus nombreux et se rapportent surtout
à des Palmipèdes de la famille des Oies, ce qui implique des conditions
de milieu différentes des conditions actuelles et remontant aune époque
où la séparation de Malte et de la Sicile ne devait pas être complètement
effectuée. Quelques ossements d'un Cygne de petite taille sont décrits
comme dénotant une espèce nouvelle : Cygnus equitum. On sait que
Lydekker avait déjà décrit plusieurs autres formes éteintes d'Oiseaux,
notamment un énorme Vautour, Gyps melitensis et une Grue, Gras
melitensis.
M. B.
Ki.uiMil go). Scoperte c problemi paletnologici nella Lucania occidentale (Découvertes
ot problèmes palethnologiques en Lucanie occidentale). Extr. des Atti delta Socielu
dei Naturalisa e Matematici di Modena. Série V, vol. II, 1016.
Le territoire de Matera, dans la partie méridionale de la Basilicatà,
représente une zone palethnologique donl l'intérêt scientifique esl
constaté depuis Longtemps. Pourêtre moins connue à cet égard, la partie
• ptentrionale el occidentale de la Lucanie mérite également d'attirer
i I de lixer L'attention des préhistoriens, ainsi que le montrent le>
Longues recherches du directeur du musée de Potenza, \ . di Cicco.
M. Rellini a eu l'occasion d'étudier ce musée el de faire des excursions;
il in .us donne le résumé de ses observations en signalant quelques
problèmes à résoudre, c'est-à-dire de nouvelles recherches à effectuer.
Le Chelléen paraît être représenté par de nombreuses trouvailles de
silex amygdaloïdes. 11 conviendrait d'explorer avec soin les dépôts des
anciens Lacs pléistocènes don! Le géologue De Lorenzo a retrouvé les
traces dans l'Italie méridionale. Ces dépôts renferment la faune des
grands animaux quaternaires el Rellini a déjà pu démontrer L'associa-
MOUVEMENT SCIENTIFIQ1 l 367
lion, sur un point du rivage de L'ancien lac de Venosa, * l<s débris de
celte l'aune avec des silex amygdaloïdes.
La présence d'une industrie moustiérienne; en association également
avec une faune*pléistocène, a été signalée dans la grotte de Talago, près
du portdeScalea ; cela doit encourager les chercheurs à explorer systéma-
tiquement les grottes du littoral. De telles recherches pourraient éclairer
le problème posé par les fouilles du Prince de Monaco à Grimaldi, de
la chronologie de l'industrie moustiérienne, laquelle semble avoir été
parfois plutôt parallèle que postérieure à L'industrie chelléenne.
Les matériaux se rapportant au Néolithique sont 1res nombreux,
mais en général, sporadiques. On ne connaît encore ni grandes stations,
ni grande nécropole. Il y a des grottes sépulcrales. On a recueilli des
poteries caractéristiques, des haches polies, surtout en roches vertes,
le- haches en silex étant très rares partout en Italie. Un village de
petites cabanes a été signalé par Di Cicco, qui a aussi découvert des
sortes de petits puits dont la destination reste assez mystérieuse. Ce ne
sont certainement pas des fonds de cabanes. Il y a, de ce coté, d'inté-
ressantes recherches à poursuivre.
\ signaler, parmi les objets de l'âge du Bronze recueillis dans la
légion, un lot de hachettes plates en cuivre. Le rite de la crémation a
été pratiqué en Lucanie occidentale, comme en témoigne la découverte
à Garaguso d'une fosse avec ossuaire du type de Timmari. Dans la
même localité, toute une nécropole, à rite mixte, inhumation et créma-
tion, celle-ci en minorité, a duré jusqu'au viB s. av. J.-C. t\5 tombes
ont été explorées méthodiquement par Di Cicco. Les poteries sont les
unes d'origine locale, les autres importées.
A propos de l'âge du Fer, l'auteur signale la découverte, toujours
par le Directeur du Musée de Potenza, d'une cité préhistorique et
protohistorique à Croccia Cognato, au sommet d'une montagne de
1200 mètres d'altitude. Aucun souvenir de cette ville n'est resté dans
les traditions. Elle couvrait une superficie d'environ 65 hectares, et
était entourée d'un mur d'enceinte présentant des traces de réfection à
trois époques diflérentes. L'étude systématique de cette très antique
cité sera d'importance générale pour l'ethnographie primitive de la
péninsule, et notamment pour l'histoire des travaux défensifs et des
fortifications. Il est incontestable, en effet, qu'il existe, sur le sol
italien, des traces de constructions remontant à des époques plus
reculées que celles qui furent élevées en Sicile par les Sicules contre
les Grecs. Une' partie au moins de ces monuments doit être attribuée à
l'Enéolithique.
MB.
358 MOUVfestËNi scrFXTirrnrr.
Coutil (Léon). L'ornementation spiraliforme. Périodes paléolithique et néolithique, âges
du bronze et du fer. (Extr. du Bull, de la Soc. préhistorique française, n° 8 ai*,
septembre 1916).
Le but de cette étude « est de grouper le plus grand nombre des docu-
ments intéressants et aussi de prouver que l'ornement spiraliforme, qui
constitue le motif le plus parfait de décoration, est vieux comme le
monde. »
Il s'agit donc d'une véritable monographie, réunissant, décrivant et
reproduisant en une abondante illustration, des motifs d'ornementation
spiraliforme en tous temps et pu tous pays.
Après quelques mots d'introduction sur la fréquence de la spirale
dans les productions naturelles, animales ou végétales, l'auteur expose
sommairement l'histoire de la spirale d'abord dans l'art paléolithique,
puis chez les Néolithiques, « arrivés à une grande perfection dans l'avan-
cement de ce motif ornemental ». puis à l'âge du Bronze. « C'est
surtout à l'âge du Bronze dans le Nord, et aussi dans l'art Mycénien,
que la spirale prer.d son plus grand essor. » Elle se continue pendant
le premier âge du Fer; et lorsqu'elle arrive aux périodes Marnienne et
de la Tène, elle se simplifie poui former souvent des S parallèles, accolés
où réunis par trois, et formant des triocètes.
Chacune de ces périodes est ensuite décrite avec de nombreux
détails descripjifs, bibliographiques et iconographiques. Quelques
pages soill consacrées à la spirale en Amérique, en Océanie, en Asie.
Tout cela représente un gros labeur et témoigne d'une grande érudi-
tion. Des monographies de ce genre sont précieuses pour les travail-
leurs ; il faui remercier l'auteur pour sa peine et le féliciter pour sou
talent.
In terminant, M. Coutil traite des intluences magiques de la spirale,
• lu signe en S, des nombre trois et quatre dans les temps préhistoriques.
11 ne partage pas l'opinion de Breuil qui serait porté à voir l'origine
motifs spirales paléolithiques, indiqués depuis longtemps par
Piette, dans le frontal du Bœuf indiqué sommairement.
Il semble bien que les spirales sur dalles néolithiques aient été tracées
avec une intention magique ou rituelle. Celles qui ornent les vases
doivent être plutôt décoratives,
A L'âgé du Bronze, la richesse H la pureté de l'ornementation spirali-
forme, ses agencements ingénieux ci compliqués (bronzes du Nord et
mycéniens) répondent certainement à un but cultuel, « ou tout au moins
à la valeur, à la liante sitUatiOtl sociale, religieuse, ou magique du pro-
priétaire, peut-être même à l'ensemble de ces considération^. »
Le groupement ternaire des motifs dans l'ornementation des objets'
de Luxe est un fail des pins frappant. Déchelette a déjà montré Le rôle
du nom bu trois à partir delà Tène 1, chez les Celtes qui lui attribuaient
moi \ km in i scie^ riFiQi i 35g
des propriétés mystiques sous l'influence <lr superstitions import
du Sud
M B.
tTKS (Joachim). La station de S. Juliào, aux environs de Caldellas . (Extr du Bull, de
la Soc. portugaise des Sciences naturelles, t. \ II, 1911»
< rite statiou est située aux alentours des thermes, de S. Thiago de
Idellas t A mares). Le Dr. Victor Foutes y a recueilli les divers objets
in pierre et en argile qui font l'objet de cette note.
Les objets en pierre comprennent une meule primitive formée d'un
bloc île granit formant table fixe et d'un caillou roulé formant
broyeur. Ce type a été trouvé pour la première fois en Portugal dans les
kjokkenmmoddinrjs du Tage, lesquels, dit l'auteur, datent de la fin du
Paléolithique. A cette meule, il faut ajouter des percuteurs et une série
de petits cailloux de granité, aplatis, plus ou moins elliptiques, avec
deux encoches latérales pour un cordon de suspension. M. Fontes les
considère comme des poids de métier à tisser, et non comme des poids
de blets de pêche.
La céramique est représentée d'abord par de nombreux fragments de
vases à pâte typique des oppida portugais, avec grains de quartz et
nombreuses paillettes de mica ; ensuite par des tessons mieux cuits,
d'une pâte plus homogène, encore micacée et sans traces également de
la roue du potier. Les rebords sont de divers types. Les dimensions des
vases étaient très diverses. Leur ornementation est limitée à quelques
sillons droits ou ondulés. La ligne ondulée est un motif qui ne se trouve
dans la péninsule qu'à l'âge du Fer.
\Sn fragmentde céramique porte des bandes depeinture rouge. Gegenre
de poterie est rare en Portugal ; l'auteur énumère les exemples connus.
La station a fourni encore de nombreux fragments de tegulie en
disque, des pièces de collier également en poterie. A en juger par l'en-
semble des objets qu'on y a recueillis, cette station de S. Juliao devait
être uti village d'une civilisation bien primitive, mais l'apparition des
tegulsc montre qu'il dut subir l'invasion romaine et vivre sous sa domi"
nation. La céramique peinte est due à des iniluences plus anciennes,
notamment à l'intluence grecque « si bienfaisante pour l'artiste-né,
mais lude encore, de la Péninsule». Il est d'ailleurs difficile actuel-
lement de fixer la date exacte de son arrivée chez le petit peuple proto-
historique perdu (Jans les montagnes du Minho.
M.B.
Fostes (Joachim). Sur un moule pour faucilles de bronze provenant du Casai de Rocannes.
r. du Bull, delà Soc. portugaise des Sciences nature lie s t, VII, 1910),
l)i\ers faits portaient à admettre que !e Portugal avait pratiqué la
36o moi \ r\ir\ i i h •-. i ii nu i .
métallurgie à l'époque du Bronze, notamment des trouvailles de haches
présentant encore les bavures de la fonte, lue découverte,- faite en 191")
par M. Choffat, permet aujourd'hui de trancher la question. Il s'agit
d'un moule de faucille, en grès très fin, trouvé près de Cacem. Les
faucilles qui sortaient de ce moule étaient d'un type vulgaire en
Portugal, aussi bien qu'en Fiance et en Suisse. L'auteur donne une
excellente photographie de cette pièce particulièrement importante
pour la préhistoire portugaise.
M. B.
Tai.lgren (A. -M.). Collection Zaoussaïlov au Musée historique de Finlande à Helsingfors*
I. Catalogue raisonné de la collection de l'âge du bronze. Un fasc. in-4" de 48 p.
avec 40 fig. dans le tevto et 16 planches hor^ texte. Edité par la Cofrimission des
Collection* An tell. Helsingfors, 1916,
Zaoussaïlov était un marchand de Kazan qui, après avoir fait fortune
et faillite dut vendre l'importante collection archéologique recueillie
par lui au cours de a(> ans de voyage et de recherches. Sur l'initiative
de l'auteur, la Finlande acquit cette collection en 1909, pour le Musée
Historique de l'Etat, à Helsingfors.
M. Tallgren nous donne aujourd'hui une description raisonnéede la
partie de celle collection concernant l'Age du Bronze. Son travail,
imprimé en français — ce dont nous devons le remercier chaudement
et le féliciter - comprend une partie générale, synthétique, et une
partie descriptive. Etant donné son importance, je crois devoir résumer
la première assez longuement.
« Au point de vue scientifique, dit M. Tallgren, la collection
Zaoussaïlov est la plus importante des collections archéologiques étran-
gères qui se trouvent en Finlande. C'est enoutre une des plus précieuses
et des plus représentatives qui aient jamais été recueillies sur la Bussie
orientale, n Le nombre des objets de l'Age du Bronze est aussi grand que
celui de tous les musées russes réunis, en ce qui concerne la région
Volga- Kama.
Depuis Castrin et \speliu, on pensait que ci la civilisation ouralo-
altaïque du bronze » remontait aux peuples tinno-ougriens. M. Tallgren,
en 1 9 r 1, a essayé d'établir que les Ages du Bronze ou ra lien ei altaïque
diffèrent très nettement l'un de L'autre. Les sépultures sont absolument
dissemblables comme construction et comme mobilier. Il n'y a de
réelles ressemblances que dans la période la plus récente de l'âge du
Bron/e et encore les analogies tiennent-elles peut-être simplement à
des relations communes d'échange avec la civilisation scythe qui léguait
dans la Russie Méridionale.
I n fait considérable établit nettement que l'Age du Bronze dans la
Russie orientale est autonome et ne constitue pas une branche d'un
MOI \ EMENT « (EN riFIQl E. 36 1
autre âge du Bron/e, C'est la présence, dans la légion du Volga et de la
Rama, d*un âge de pierre local, extrêmement riche, auquel succède un
âge du Bronze aux formes s'adaptant étroitement à celles des objets
néolithiques de la même région, lesquels ont évidemment servi de
modèles. 11 n'y a donc pas eu changement subit, ni importation, mais
développement précoce en partant de la civilisation néolithique locale,
bien que, sans aucun doute, sous une influence étrangère. Dans la suite
de l'âge du Bronze, cette influence continue à se manifester, mais le
développement des formes locales se poursuit, ce qui prouve la conti-
nuité de l'habitation jusqu'à la fin de l'âge du Bronze.
On ne connaît pas encore de nécropoles datant de l'âge du Cuivre ou
de l'âge moyen du Bronze dans la Russie orientale. La civilisation du
Cuivre de la Russie centrale, dite « civilisation de Fatianovo », relève
peut-être d'un autre peuple qu'en Russie orientale. Cette civilisation
de Fatianovo, dont l'auteur donne les principales caractéristiques, est
contemporaine des grands Kourganes du Kouban, au Nord du Caucase.
Les tombes et le mobilier rappellent, d'une part, les tombes danoises
dites à une seule personne et, d'autre part, les tombes de l'Age du
Cuivre dans les steppes de la Russie méridionale. Il semble qu'on
puisse les dater d'environ 3 000 ans av. J. C.
L'Age du Bronze dans la Russie orientale peut se diviser en trois
périodes :
1. La plus ancienne (environ a.ooo-i.5oo ans av. J. -C.) est représentée
surtout par des armes de [lierres, haches, marteaux naviculaires, ciseaux
de silex, balles de marbre et par des armes de cuivre et de bronze, Ces
objets ont leurs prototypes ou parallèles en Hongrie, au Caucase, dans
les steppes de la Russie méridionale, donc, d'une façon générale, dans
le Sud. On ne saurait admettre une dérivation du Nord.
2. A lage moyen du Bronze en Russie orientale (environ i.5oo-
1.000 ans av. J.-C.) se rattachent environ a5o objets en bronze :
haches plates à saillies latérales, lames de poignards à saillies latérales;
puis, haches étroites à douilles, haches à douilles à deux anneaux,
grandes haches à douille sans anneaux, faucilles, javelots, etc.
La Russie orientale continue donc d'être soumise à cette époque aux
inlluences méridionales. Mais il y a des relations avec la Sibérie et aussi
avec la Baltique, comme le révèlent certaines haches à douille à forme
étroite très répandues dans la Suède centrale à partir de t. 000 ans
av. J.-C.
3. La période la plus récente de l'Age du Bronze est la plus riche en
rbjets et la plus étendue géographiquement. Les objets caractéristiques
sont des javelots de trois formes différentes, des haches à douilles
plates ou hexagonales, des ciseaux à douille, des pointes de flèches
scythiques, des couteaux et poignards de fer, des armes d'estoc, etc.
36a MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
et de nombreux objets d'ornementation et d'application. Il y a conti-
nuation d'échanges vers l'Ouest, mais celte influence occidentale
semble s'affaiblir vers la fin. Par contre, les relations avec le Sud, où
fleurissait, à celte époque, une brillante civilisation gréco-scythe, sont
encore actives.
Cet âge récent du Bronze (jusqu'à environ 4oo ans av. J.-C.) est connu
en Russie orientale par des sépultures, notamment par la nécropole
d'Ananino, qui donne parfois son nom à cette période III. Il faut auss1
lui attribuer les goroditchés, sortes de promontoires triangulaires,
généralement protégés par un rempart et situés au confluent de deux
cours d'eau. Les goroditchés, qui portent eu Russie le nom de kosténos-
nias, semblent représenter une civilisation issue de celle de l'Age du
Bronze récent, mais beaucoup plus pauvre que cette dernière et
employant surtout des objets en os.
La majeure partie des objets de bronze de la collection est de fabri-
cation locale. Le cuivre a été tiré des mines dites tchoudes de l'Oural et
des couches permiennes de la Kama et de la Bielaïa. Mais on ne
connaît que peu de moules. Lne carte de distribution de ces moules
montre que le centre de fabrication a été dans la région d'Ekaterin-
bourg, dans l'Oural. On ne connaît de cette région aucun moule de
tvpes remontant à l'âge du Cuivre, tandis qu'on a trouvé de ces moules
anciens dans le Sud : au Turkestan, dans la Russie méridionale, en
Transylvanie.
Malgré le grand nombre d'objets de fabrication locale, le mobilier de
lïtge du Bronze en Russie fait, dans son ensemble, « une impression
assez hétéroclite et peu originale. Quand on compare les objets de
bronze de la Russie Orientale avec les matériaux contemporains de
S< mdinavie, de Hongrie, du Caucase et de Sibérie, il faut reconnaître
que, de toutes ces civilisations, c'est relie de la Russie orientale qui fait
l'impression la plus passive, et que la faculté créatrice y a été faible.
C'est ce qui ressort surtout de la pauvreté de l'ornementation ; le seul
ornement des bronzes est constitué par des lignes droites en relief.
Muant aux formes des objets, il n'y en a que deux ou trois que l'on
puisse regarder comme spéc'alement nationales en Russie orientale.
Sur la nationalité des tribus qui ont employé ces objets, il est encore
impossible de se prononcer. »
C'est par cette phrase que se termine la partie générale de l'ouvrage
de M. Tallgren. La seconde partie constitue le catalogue proprement
dit. Les objets \ sont rangés par groupes : haches, ciseaux, poi-
gnards, etc. L'exposé de chaque groupe débute par un aperçu
d'ensemble. Des cartes représentent l 'extension des divers types en
Russie. Les illustrations sont nombreuses cl bonnes : photogravun
dans !'• i' *te el en plan* nés bon texte M. I>
moi \ r\ir\ i SCIEN riFIQI E 363
I i \ St-pultures gauloises et puits funéraire gallo-romain du Nouveau Boulevurd
à Amiens (Ettf du Bull, de la Société des Antiquaires de Picardie. \nrtée 1915,
Amiens, 1Q1S).
Ce mémoire échappe, pour sa plus grande partie, au cadre des matières
de cette Revue. Nous devons cependant le signaler aux lecteurs qui
s'intéressent spécialement aux origines de notre histoire et qui y
trouveront l'exposé détaillé des découvertes archéologiques dont leur
auteur a hien voulu leur donner Lui-même un résumé qui était une
primeur. (Voy. L'Anthr. X.XV1I, p. 180)
Le mémoire, imprimé par la Société des Antiquaires, est illustré de
lionnes figures représentant des poteries et divers objets. Tl renferme
aussi plusieurs plans et coupes à grande échelle dressés aver le soin
que le très regretté Commont apportait à tous ses travaux.
M. B.
ArniN (Ernest). La butte ou «tombelle » du château de Lavardin près Montoire (Loir-et-
Cher) — Instrument de la pierre taillée trouvé à Lavardin (Loir-et-Cher). Èxtr. cru
Bull, archéologique, scientifique et littéraire du Yendômois, ànhtfê 1915, Vëhflôtiie,
191C
Là « tombelle » de Lavardin, butte artificielle de V» mètres de dia-
mètre sur 8 ni. de hauteur, doit remonter à une époque beaucoup plus
ancienne que celle dont les historiens ont conservé le souvenir. Cette
opinion est basée sur l'examen des nombreux débris de poteries et
autres objets recueillis par l'auteur au cours de ses recherches. Avec des
poteries romaines et gauloises, il y a dés fragments d'Une cêrafnicjue
beaucoup pitis primitive, à impressions digitales, de caractère néoli-
thique. Les objets en pierre, percuteurs, silex taillés, grattoirs,
fragments de polissons, de meules, de haches polies, etc., associés à
des os d'animaux doivent aussi seclasserdans le Néolithique iRobenhau-
ieh).
L'instrument de l'âge de la pierre taillée a été trouvé à la surface du
c'esl un quait/ite travaillé dans la forme aniydàloïde, acheuléenne.
pécimen serait remarquable par l'exiftence, sur l'une des faces, d'une
cupule, et sur l'autre d'un « motif d'ornementation. » La cupule, d'ori-
gine naturelle, aurait été accentuée par un travail d'utilisation. Le
u motif d'ornementation » esl formé par la 0 croûte naturelle » de la
roche qui a été réservée de manière à obtenir une figuration ovalaire,
légèrement en relief, et encadrée d'un petit sillon. Des retouches par
niai tellement sont visibles au bas de I' « ornement ».
M. B.
Natillb (Edouard). Les dessins des vases préhistoriques égyptiens, (Exlr. dos Archives
dWnlhropologie générale, i. II, 1910 1917, pp. 77-82, avec 4 plancl,
Il ^'agit des prétend. 15 bateaux figurés sur des vases égyptien tfès
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
archaïques, Déolitliiques, et dont il a été plusieurs fois question dans
cette Revue (V. t. \, p. T>i(i, t. \ï, pp. n5, 347, /|85). Cette hypothèse
des bateaux a été proposée par M. de Morgan et adoptée par plusieurs
égyptologues, notamment par M. Pétrie. Dans res derniers temps, à la
suite d'un archéologue anglais, M. Cecil Torr. M. Loret et d'autres
savants ont proposé une nouvelle explication à laquelle se rallie
M. Naville et qu'il appuie d'intéressantes considérations. « 11 ne s'agit
point de barques mais de villages néolithiques protégés par un parapet
et une palissade comme on en trouve dans plusieurs pays d'Europe. »
Le peuple représenté par ces dessins était un peuple chasseur, puisque
les animaux figurés sont des Antilopes, des Autruches, même des fauves
du désert et nullement des animaux domestiques. Il ne semble donc
pas que la vie sur l'eau ait pu jouer chez eux un grand rôle. L'étude des
divers motifs de figurations conduit à des explications toutes différentes
de celles qui ont été proposées et plus rationnelles. Les lignes en zigzag
parallèles ne sauraient représenter l'eau, puisque les barques ne trempent
jamais dans l'eau; elles peuvent tout aussi bien figurer les ondulations,
les rides du sable du désert. Les prétendues rames, si nombreuses, si
serrées, toujours situées au dessous de la coque du prétendu bateau
représentent plutôt la palissade d'un enclos. Les cahutes des bateaux,
sont bien des habitations, mais des huttes terrestres et il n'est pas
surprenant de voir, dans l'enceinte et autour de ces huttes, des repré-
sentations d'animaux et des arbres, etc. Une certaine figure, très
fréquente, composée de lignes concentriques, nous est expliquée par
l'ethnographie « trop peu souvent consultée quand il s'agit d'archéo-
logie égyptienne ». Elle représente un tertre au sommet duquel est un
vase surmonté lui-même d'un arbre. Ce seraient un autel et un arbre
analogues à l'autel et à l'arbre du village. « l ne connaissance plus
approfondie de ce que sont les Africains encore primitifs nous appor-
tera la solution de bien des difficultés qui nous arrêtent dans l'étude
de l'antiquité égyptienne. »
M. R.
Hawk.es (E. \\ . | cl LiTiTOM (Ralph). À pre-Lenape site in New-Jersey (Une station anté-
rieure aux Lenape dans I»- New-Jersey). Anlhropological Publications Universit y
Musenm, Vol. \i. n° .''>, Philadelphie 1910.
La localité en question est située aux environs de Trenton, à quelques
kilomètres de la rivière Delaware ; elle ressemble, par suite, beaucoup
aux localités explorées dans la même région par M. Volk. Mais ici la
coupe des terrains est moins complète. Elle comprend les éléments
supérieurs de celle de Volk la couche superficielle ou sol noir (black soil),
qui est indienne, et le limon ou sable jaune (yellow drift), qui est pré-
historique. Manquent ou n'ont pas été atteints les graviers sous-jacents,
MOU! r\MM 5< il .\ l II [Ql l
le Trenton gravel, où gisent les fameuses pierres taillées sur lesquelles
on a tant discuté (Voir, pour cette stratigraphie, Le résumé que j'ai donné
île l'ouvrage de Yolk, dans L'Anthr. t. XXII, p. 68^).
Les documents recueillis par les auteurs soûl doue étrangers à la ques-
tion de « L'homme glaciaire » taudis qu'ils nous montrent peut être un
lien entre les Indiens modernes et leurs prédécesseurs qui employaient
des instruments en argilite. 11 est certain qu'il y a eu une période, une
culture de 1 argilite et qu'elle se rapporte à une population qui peut
- tre appelée pré-Delaware ou pré-Lenape, sans qu'elle soit pour cela pré-
Indienne.
Les auteurs donnent une coupe et uu plan de leurs fouilles. On y voil
des fosses à feu (Jlre pits) comme celles décrites par Volk, et c'est autour
de la plus grande de ces fosses qu'étaient disposées en rangées parallèles
les dépôts ou « cachettes» [caches) d'objets. Ces cachettes peuvent être
divisés en deux groupes, l'un contenant des bannerstones et autres
objets de cérémonie, l'autre contenant des têtes de lance avec des frag-
ments osseux. Les cachettes les plus riches étaient les plus voisines de
la fosse, position qui est peut être en rapport avec la richesse ou le rang
des propriétaires des objets.
La description de ces objets : lances, couteaux, pointes de flèches ou
de harpons, tous en argilite, est accompagnée de photographies. Les
curieuses pierres polies et percées, sur la véritable nature desquelles on
n'est pas très fixé et qu'on désigne sous le nom de bannerstones, foi ment
une série nombreuse de formes assez variées suivant que les « ailes »
sont plus ou moins développées. Les auteurs les figurent en donnant
des détails sur le mode de fabrication. On a aussi trouvé d'autres objets
de cérémonie; quelques pointes de traits particulièrement grandes et
belles, de petites haches d'un type nouveau pour le New -Jersey, des
houes (?), de petits marteaux, des cailloux peints, etc.
La succession des industries peut être ainsi résumée. Une première
période est caractérisée par une industrie grossière, exclusivement en
argilite; une seconde époque, qu'on peut appeler période intermédiaire,
est aussi caractérisée par l'emploi de largilite, mais d'un travail supé-
rieur, et par les origines de la poterie. Une troisième et dernière période
répond à L'industrie qu'on trouve ordinairement à la surface du sol du
\ -Jersey. La période intermédiaire ressemble davantage à la première
qu'à la troisième.
La durée correspondante à la formation de chaque strate ne peut être
déterminée exactement mais elle est certainement très grande, à moins
que le dépôt de sable jaune ne soit d'origine éolieune, comme le croit le
logue Brou n, ce qui réduirait de beaucoup cette durée.
M. B.
M0CVEME.N ! SCIENTI1 [QUE.
Gifford (Edward Winlow). Composition of Caifomia shell- mounds (Composition deï-
tnounds coquillers de Californie"), liniversity of Cali/ornia Publications in Amer.
Archselogy and Elhnology. Vol. 12, n<> 1. pp. 1-29, 1916.
Cette publication d'archéologie américaine doit intéresser les archéo-
logues européens par l'originalité de la méthode de recherches dont elle
témoigne.
De nombreux: prélèvements ont été faits par l'auteur dans les dépôts
constitutifs des mounds des environs de San Francisco et d'autres
points de la Californie, à leur surface et à diverses profondeurs. 84 ana-
lyses physiques de ces prélèvements ont été exécutées en criblant la
matière dans trois tamis aux mailles de plus en plus serrées. Le pro-
duit de chaque tamisage a été trié à l'œil et les diverses catégories de
substances constituantes ont été pesées. Le plus fin résidu a été ana-
lysé chimiquement.
Les dépôts des mounds comprennent sept matières principales : débris
de poissons (os et écailles); autres débris d'animaux vertébrés; coquilles
(presque entièrement de Mollusques, mais aussi de Cirrhipèdes, de
Crabes et d'Oursins); charbons; cendres; résidus (terre, sable, pous-
sières de charbon, etc.), Les substances coquillières sont les plus abon-
dantes, en moyenne 52 o/o du poids total.
On peut grouper ces matières en trois groupes ; i° Débris de Verté-
brés et coquilles représentant des produits de nature animale; 2° Char-
bons et cendres, sous-produits de la combustion; 3° Roches et résidus
inorganiques. Le premier groupe représente environ 5a o/o du poids
total; le deuxième groupe, i3 o/o; le troisième, 35 o/o. Tout cela est
détaillé dans de nombreux tableaux analytiques.
Les coquilles sont surtout des Moules (Mytilus edulis), des Telliues
{Macoma nasuta), des Huîtres (Ostrea lurida), avec parfois quelques
Gastn -podes (Cerithidea calif arnica).
Les résultats des analyses n'accusent aucun changement dans le> con-
ditions de milieu pendant toute la durée de l'édification des mounds,
conditions identiques à celles qui existaient à l'arrivée des Blancs. C'est
ainsi, pour ae prendre qu'un exemple parmi ceux que donne l'auteur,
que la présence de grandes quantité de coquilles d'Huîtres, dans les
mounds de La ré^i<»n centrale de le baie de San Franscisco, correspond
bien aux condition actuelles de la mer voisine. On observe parfois des
variations dans la prépondérence de telle ou telle espèce de Mollusque
à divers niveaux des dépôts, mais ces variations n'impliquent pas,
contrairement à l'opinion de Nelson, des changements physiographiques ;
elles s'expUquenI bien plus simplement parla raréfaction momentanée,
à i.i suite par exemple d'une grande consommation, de telle ou telle
espèce. Les différences de conservation des coquilles, qui sonl plus ou
Mol \ I mi I [1 Ml l"l I •
moins lu i n pondent pas davantage à des époques différentes uni. s
doivent être attribuées à L'action humaine elle-même.
Divers auteurs ont cherché à évaluer l'âge de certains mound en
par la ni d<- leur volume el de la vitesse probable <lr leur accroissement,
déterminée elle même d'après la quantité de nourriture malacologique
exig« e par un certain nombre de familles li\é assez arbitrairement.
M Giflbrd arrive sensiblement, à cel égard, aux mêmes résultatsque
M Velson I Elliï Landing mound. par exemple, représenterai! une
duo d( us environ ; celui d'Emeryville, 3. 3oo ans. Ces chiffres
donnenl !«■ nombre d'années correspondant à l'accumulation des maté-
riau* el non l'âge réel du mound, cela \a sans dire.
\lai> il est d'autres mounds, plus riches en cendres que les pri
dents et dont l'édification a dû se faire pins lentement. Le problème de
l'âge de tous ces monuments esl complexe. Il dépend de beaucoup de
données sur ta densité de la population, sur ses caractères archéolo-
_ i ■ i h • • I anthropologiques, el il t'aul faire entrer toutes ces données en
lign< de compte.
M. B.
I i I» * sésamoïdes de la main humaine {Comptes -rendus des séa?ices de la
. >le Biologie, 1918, u° 16, p. 829 832),
ndant à la main humaine des recherches antérieures sur les sésa-
moïdesde la patte des Carnivores, M. Retterer discute à ce sujet lès
données fournies par les classiques, données liés différentes d'un
auteur à l'autre quanl à la nature et au nombre même des sésamoïdes
d< !i main.
On a voulu voir; dans ces sésamoïdes, des vestiges de doigts surnu-
méraires ayant existé chez les \ ertébrés inférieurs. Pour M. Retterer, ce
sont des acquisitions, des néoformations, dues a raction des facteurs
externes, mécaniques. Il est des sésamoïdes osseux ; ce sont les plus con-
nus, el souvenfmême les seuls connus. Mais il enestausside fibreux, de
\iculo-fibreux et de cartilagineux. Ce sont le degré d'intensité el la
fréquence des excitations mécaniques qui déterminent, dans le tissu
conjonctif, l'apparition de ces diverses variétés de sésamoïdes. Par
mple, l'articulation métacarpo-phalangienne du pouce humain p<
i té palmaire, deux sésamoïdes osseux, de même que les arti-
culations métacarpo-phalangiennes des Quadrupèdes. Ces articulations
n'uni que des mouvements d'opposition, qui, exerçant une pression
considérable sur la portion palmaire de la capsule, en déterminent
L'évolution osseuse.
Quanl à La répartition des sésamoïdes de la main humaine, M. Rettc-
ji les mon-, (\\m sujei (espagnol) de 26 ans: cinq
imoïdes osseu* et quatorze /vésiculo-conjonctifs à la face palmaire
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
de la main droite, trois osseux et seize vésiculo-conjonctifs à la face
palmaire de la main gauche; à la face dorsale, les tendons ou la cap-
sule présentent autant de sésamoïdes vésiculo-conjonctifs qu'il y a
d'articulations c'est-à-dire quatorze. Chacune des mains de ce sujet
possédait aussi trente-trois sésamoïdes vésiculo-conjonctifs ou osseux.
H. Neuville.
Réitérer (Ed) et Nelville (H.) Des proportions de la main de quelques Singes
(Comptes-rendu* des séances de la Soc. de Biologie, 1918, n° 19, p. 960-963).
De nombreux auteurs ont étudié la main humaine à divers points de
vue i < Lledu Singe Ta été beaucoup moins. Il est cependant intéressant
de suivre les variations qu'elle présente d'un groupe de Singes à
l'autre, et de comparer ces variations à celles de la main humaino.
D'après les recherches de MM. Retterer et Neuville, la longueur du
premier rayon digitifere humain (c'est-à-dire le pouce entier, y compris
son métacarpien) est à celle du troisième rayon (celui du médius),
comme 5 est à 7 ou à 8. Le premier rayon digitifere des Singes n'atteint
que la moitié environ de la longueur du troisième. Dans les fretin
humains et les jeunes Singes, le second et le troisième métacarpien ont
à peu près même longueur ; chez l'Homme adulte, le second métacar-
pien devient presque toujours plus long que lr troisième, tandis que
chez la plupart des Singes adultes, c'est le troisième métacarpien qui
l'emporte sur le second.
L'atavisme ne doit pas être la cause de cet allongement du second
métacarpien humain, car les autres Mammifères, auxquels MM. Rette-
rer et Neuville ont consacré dos Notes spéciales, possèdent toujours un
troisième métacarpien plus Ion- que le second, la quatrième ou le
Il N
cinquième. " >-
Retterer (Ed.) et Neuville (11. t. Des articulations métacarpo-phalangiennes de quelques
Singes (Comptes-rendus des séances de la Soc. de Biologie, 1918, n« 21, p. 1101-
1107).
articulations de la main (les Singes présentent, d'un genre .à
l'autre, des différences morphologiques parfois considérables. La con-
formation des surfaces articulaires varie, el cette conformation esl en
rapporl avec I . » genèse des sésamoïdes. De même que l'Homme, le
Chimpanzé possède, dans ses quatre métacarpiens externes, une lête
articulaire plus ou moins hémisphérique, permettant à la l'ois la
flexion, l'extensi >1 l'inclinaison latérale de la première phalange :
ce sonl là des énarthroses. Dans ces mouvements de circumduction et de
rotation, variés el étendus, la tête articulaire glisse et frotte légèremeni
5ur I;, capsule. La structure hisiologique de celle-ci est en rapport
avec 1 1 | action remplie : elle devient fibreuse, véticulo fibreuse, ou par-
tiellement fibro-cartilagineuse.
BfQI \ imi:n i s< un iiikiie. 069
1 - articulations métacarpo-phalangiennes des Singes non-anthro-
poïdes se rapprochent, par la conformation de leurs surfaces articu-
laires, de L'articulation métacarpo-phalangienne du pouce humain:
sont des charnières ou gingl) mes angulaires, où prédominent La flexion
el L'extension. Au\ mouvements assez durs qu'exécutenl ces articula-
tions correspond une structure cartilagineuse, puis osseuse, de certaines
parties de La capsule articulaire, où apparaisseent ainsi des sésamoïdes.
V an poinl tic vue général, ce qui ressort des trois notes précé-
dentes est la confirmation des observations, déjà si nombreuses et si
variées, faites par M. Retterer quant à la transformation <\r> espèces
cellulaires sous l'influence do> excitants mécaniques. L'étude des con-
ditions dans lesquelles se trouvent placées des articulations homo-
gues, mais différemment conformées el susceptibles d'accomplir des
mouvements différents, montré (pic les éléments conjonctifs de la
capsule subissent des transformations correspondant à la nature de ces
mouvements, el aboutissanl aux structures" fibreuses, vêsiculo-fibreuses,
cartilagineuses, ou osseuses, qui caractérisent les divers sésamoïdes.
V L'emploi des mois d'adaptation et d'atavisme, si commodes qu'ils
tiennent lieu trop fréquemment de la connaissance approfondie des
faits auxquels ils servent d'explication, est ainsi substituée l'analyse
anatomique. Et La comparaison des données établies de cette manière
est Incontestablement plus explicative que ne le sont les théories basées
sur de simples apparences, voire sur de simples raisonnements.
Il . Neuville.
Akanzadi (Telesforo de). De antropologia de Espaùa (De l'anthropologie de l'Espagne).
Extrait de la Revue Estudio, t. XII. Broch. in-8°, 89 pages, 10 cartes, 3 diagrammes
et 3 pi. en simili. Barcelone, 1915.
Bien que ce travail ait paru pendant le quatrième trimestre de 1916,
et que mes fonctions, durant la guerre, ne m'aient pas permis d'en
rendre compte plus tôt, je ne saurais le laisser ignorer à nos lecteurs.
L'auteur est, en effet, L'un des plus qualifiés d'Espagne pour Irai ter de
l'anthropologie de la Péninsule ibérique, à Laquelle il a déjà consacré.
seul ou en collaboration avec le 1)' rjoyos, plusieurs ouvrages estimi
Dan- le mémoire que je signale aujourd'hui, Vranzadi a mis en
œuvre ses documents personnels et ceux publiés par ses compatriotes;
1 une sorte de synthèse, lié- judicieusement commentée, des con-
naissances actuelles sur lés races qui se sont an algamées pour donner
naissance au peuple espagnol. Ce qui t'ait le mérite de son travail, c'est
qu'il ne reposeras sur l'étude d'un caractère isolé, comme ceux du pro-
sseur Olôriz qui s'esl occupé d'abord de la Distribution géographique
de Yindice céphaliqueen Espagne, puis de La taille humaine en Espagne;
l'amthropologib. — t. xxix. — 1918-1919 24
370 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
il 1 e sur l'examen de dix Luit caractères différents, qui sont loin,
comme le reconnaît l'auteur, d'avoir la même valeur mais qui permettent,
néanmoins, d'aboutir à des conclusions plus solidement établies. Dans
le travail dont j'ai rendu compte naguère (Cf. L'Anthropologie, t. XXVII,
p. 2901. Luis Sanchez Fernandez avait aussi envisagé divers caractères,
au nombre de dix, mais pour dégager ce qu'il appelai! « le type bon 0
il avail opéré une sélection un peu critiquable : il n'avail l'ait porter
observations que sur des soldats de 20 ans. Vran/adi remarque fort
justement que cette façon d'opérer a eu pour résultat, par exemple,
d'exagérer la moyenne de la stature, puisque les statistiques démontrent
qu'en Espagne, où la taille requise pour le service militaire doit
atteindre, au minimum, 1 m, 5^5, le nombre des exemptés pour défaut
de taille s'élève à 29, 1 0/0 de la population masculine.
Il ne faudrait pas croire, cependant, qu'Aranzadi ulilise toutes les
données recueillies sans discernement; il a trop l'esprit scientifique
pour agir ainsi. Il a grand soin de noter que, pour chaque caractère en
particulier, les observations portent sur un chiffre extrêmement
variable de sujets et que. par suite, les déductions qu'on en tire
n'offrent pas le même degré de certitude. Il commente les résultais
auxquels conduit l'étude de chaque caractère avec beaucoup de sagacité.
subordonnant les moins importants à ceux d'une fixité beaucoup plus
grande. Il ne m laisse pas séduire par cette idée simpliste qu'en
Europe, il n'existe que trois races ; h une blonde, dolichocéphale, de
taille élevée; une autre, brachycéphale, avec des cheveux et des yeux
châtains et une stature moyenne; une troisième, brune, dolichocépale,
d<- petite taille. ))
Il n'admet pas non pins « comme définitive » la classification de
Deniker, dont « la matière première ayant servi à son travail a été
compilée dans des livres et des revues, et systématisée sans confronta-
tion avec la réalité ». Les deux races qui, d'après ce système, devraient
être le mieux représentées en Espagne n'ont point, dans la Péninsule,
l'importance (pic Deniker leur assigne.
Ces idées, Aran/adi ne les émet pas à priori, il ne les énonce qu'après
avoir étudié, sans aucune idée préconçue, chacun des caractères sur
lesquels est basé son travail. L'examen analytique de chaque caract
est accompagné de commentaires judicieux, et des cartes, un peu
grossières mais très claires, permettent de se rendre compte, d'un
simple coup-d'œil, des variations qu'on observe d'une province à
l'autre.
Après cette étude analytique et avant d'aborder le problème des
races, l'auteur en applique les résultats à tontes les provinces espa-
gnoles, péninsulaires et insulaires, non pas parce qu'il considère chaque
division administrative comme une entité ethnique, mais simplement
Mouvement scientifique. 371
parce que 1rs provinces sont les seules unités dans lesquelles l'anthro-
pologista puisse actuellement évoluer pour la raison suivante : les
statistiques auxquelles il esl obligé d'avoir recours résument, en les
totalisant, les observations individuelles faites dans chaque régioni et
l'analyse des éléments qui entrenl dans le total est impossible lorsqu'on
empruntée autrui des documents qui ue représentent que des moyennes.
Ceric- Iranzadi ne pouvait procéder d'une façon différente, mais il est
bien regrettable qu'il n'ai! pas eu un nombre suffisant d'observations
individuelles détaillées. En Espagne, eu effet, comme dans toute
L'Europe, et plus encore que dans certains autres pays, des types mul-
tiples se sont mélangés, et ces mélanges apparaissent d an s.les différentes
provinces de la péninsule. Lorsqu'on établit les moyennes d'une région
en confondant les chiffres les plus divers^ on courl risque d'aboutir à
un type factice, qui ne répond en rien à la réalité. El ce qui est vrai
pour une région l'esl encore bien plus quand en réunit sans 'discerne-
ment les chiffres obtenus dans plusieurs provinces. C'est ce que pro-
clame fort justement Aran/adi lorsqu'il dit: « La confusion n'est pas
une véritable synthèse, et en réunissant à l'amalgame indiqué plus
liant les habitants du (iuadiana, du Guadalquivir et de SegUra poul-
ies opposer aux Castillans et pour mettre en Opposition ces deux
groupes avec les Vslurienset les Galiciens, il en résulte, sur le papier,
trois groupes qui ne sonl point de véritables types humains. De même,
il ne ressort rien d'objectif quand on oppose aux Asluriens et aux
Galiciens tous les autres sujets confondus en un seul groupe et quand
on qualifie le premier groupe de Celles et le reste d'Ibères. Qu'y a-l-il
d'étrange, par suite, à ce ([n'en réunissant dans chaque groupe les uni-
lés les plus diverses, les groupements, au Fui- et à mesure qu'ils
s'agrandissent, arrivent à être de moins eu moins différents entre eux'.1 »
Ces épithètes de Celtes, d'Ibères, de Pyrénéens, de Méditerranéens , ont
été employées à tort et à travers. Sanchez a réuni, sous le nom d'Ibères
des populations qui n'ont de commun que leur taille élevée et leur
corpulence, caractères qu'il met sur le compte du climat et du sol, et
non de la race, ce qui est une exagération. Il en résulte, dit Aran/adi,
« qu'on donne le nom d'ibère à un type purement physiologique et
nullement anthropologique. »
Parmi les Celtes, on a voulu classer tous les bracliuépbales
d'Espagne, dont |;i proportion est «railleurs 1res Faible, si on ne lient
mp te que des individus ayant un indice de 85 au minimum. Dans les
deux provinces où ils existent en plus grand nombre — ()\ iedo et Sau-
lander — la population est iiès hétérogène. Ils semblerait qu'un indice
cépbalique élevé s'associerait chez elle à un nez aquilin, quoique le Fait
ne soit pas 1res évident; mais si l'on envisage les autres caractères, par
temple la taille, la dentition, etc., on n'observe plus de corrélation
372 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
avec la brachycéphalie. Il est donc vraisemblable que les brachycé-
phales espagnols appartiennent à plusieurs types. D'ailleurs, les
découvertes préhistoriques ont montré que des individus à crâne court
vivaient au-delà des Pyrénées longtemps avant l'arrivée des Celtes.
\ranzadi se demande s'il est possible d'admettre les deux races ibèro-
insalaire et atlanto-méditerranéenne de Deniker, et voici sa réponse:
« Des provinces méditerranéennes, deux à peine répondraient à la carac-
téristique que donne Deniker pour la seconde de ces races, et seule-
ment par l'indice céphalique et la taille, si la limite des dolichocé-
phale - se place très bas; trois provinces du golfe de Biscaye s'incorpo-
reraient au groupe. A la première race de Deniker, à peine correspon-
draient Soria et Zamora. Les provinces méditerranéennes ne sont ni
mésocéphales ni leptorhiniennes, et les insulaires ne sont pas de basse
stature; on peut à peine dire que la Basse Andalousie soit de bonne
taille. Pour admettre le système de Deniker en Espagne, il nous faudrait
accumuler hypothèses sur hypothèses relativement à des races métisses
et modifiées; tout cela, après avoir précisément tiré la dénomination
dune de ces races de notre Péninsule et des îles, et après avoir utilisé,
comme un de ses principaux caractères distinctifs, l'un de ceux qui
sont les plus modifiables par les conditions de croissance. »
De ce qui précède, il ressort que le problème ethnologique, en
Espagne, est fort complexe et d'une solution difficile. Arauzandi ne se
flatte pas de l'avoir résolu. 11 ne se prononce pas définitivement sur
l'origine des divers types brachycéphales de la Péuinsule, mais il est
tenté de croire que ceux d'Andalousie, d'Estramadure et de la Manche
ne se rattachent pas aux Celtes. Etant données les relations qui
existaient dès les temps préhistoriques entre le Sud de l'Espagne et les
rives de la mer Egée, l'élévation de l'indice céphalique dans les pro-
vinces méridionales pourrait bien être due à des éléments venus de
Tunisie, de Grèce ou d'Asie mineure. Quant à la présence de type
sémitique ou phénicien, elle pourrait s'expliquer d'une façon à peu
près analogue
En Laissant de côté ces divers types, Aranzadi formule ses conclusions
dans les termes suivants: « Nous admettrons, en nous basant sur les
faits étudiés jusqu'ici, une race méditerranéenne, qui domine principa-
lement dans la moitié orientale et méridionale de l'Espagne; une race
pyrénéenne occidentale, qui s'étend surtout, dans le nord de la Pénin-
sule et dont il faudrait distinguer les représentants épars de Cro-
Magnon; une race nordique, qui s'est répandue à diverses époques
dans les territoires occupés par les deux autres, à partir des Pyrénées ;
une race alpine, que certains appellent celtique et qui est répandue
dan- le nordrouest en pins ou moins grande connexi té avec les précé-
dentes. Que ce -"il a celle-ci ou à une antre de l'Asie Mineure qu'il
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. $j$
faille attribuer la mésocéphalie méridionale et [a quasi-brachycéphalie
gaditane, c'est là un problème à étudier avec plus de détails et de
temps. »
Il reste, certes, beaucoup de questions à élucider, mais nos amis
d'Espagne se sont mis à la besogne et les travaux comme celui que je
viens d'analyser rapidement nous donnenl l'espoir que les anthropolo-
gistes espagnols ne tarderont pas à projeter de la lumière sur les
points encore obscurs.
\\. Verneau.
Mel (Alfred). Les industries de la Céramique à Fès, 1 vol., 320 pages, 22G figures. Alger,
Carbonnel. Paris, Leroux, 1918.
Cet ouvrage est le plus important qui ait été publié, jusqu'à ce jour,
sur la Céramique marocaine. Son auteur, actuellement Directeur de la
Médersa de Tlemcen, est un arabisant de grand mérite que je n'ai pas
besoin de présenter plus longuement aux lecteurs de L'Anthropologie.
Appelé au Maroc pour étudier l'organisation de l'enseignement musul-
man à tous les degrés, M. B. a mis à profit un séjour de trente mois à
Fès, de igi4 à 191 6, pour observer de très près les ateliers et les arti-
sans. Grâce à sa profonde connaissance, non seulement de la langue
mais surtout des indigènes, il a su capter la confiance de ceux-ci au
point qu'il a pu les photographier en plein travail, chose très difficile
à obtenir de la part d'un profane. Ce seul détail en dit plus long qu'un
long commentaire ! -
M. B. nous initie à tous les détails de fabrication, depuis l'extraction
de l'argile bleue ou. jaunâtre jusqu'à la pièce décorée et prête pour la
vente. Son ouvrage sera donc consulté avec fruit par tons ceu\ qui
s'intéressent à l'ethnographie, à la sociologie, aux arts et aux industries
indigènes du nord de l'Afrique, et même par les arabisants, car l'ouvrage
esl plein de termes techniques, hier encore ignorés.
I ne riche documentation bibliographique émaille tout l'ouvrage et
permet le contrôle des références. De plus, de très nombrenses photo-
graphies et croquis illustrent ce travail : c'est, en un mot, une monogra-
phie modèle pour les autres industries indigènes telles que le cuivre,
le cuir, le bois, etc. qui attendent encore leur historien.
L'auteur nous décrit, dans la première partie, le travail des brique-
tiers : manipulation de l'argile, description des fours, énumération du
personnel, ses salaires, conduite de la cuisson et utilisation des briques
pour les bâtisses indigènes. Les quelques tentatives d'ouvriers euro-
péens ayant voulu faire des briques à l'aide de machines n'uni eu aucun
succès. Mais il n'en serait pas de même si l'on construisait un quartier
européen.
La seconde partie concerne le façonnage des poteries dont on dis-
MOUVEMENT SCIEXTIFIOI F.
tingue deux groupes: les poteries émaîllées et celles qui ue le sont
Là encore M. B. nous montre le personnel de l'atelier avec ses
diverses attributions; puis nous décrit minutieusement l'atelier.
l'outillage, le travail de l'argile, le pétrissage et le malaxage, le tour-
nage, le tournassage et la décoration des poteries sans émaux. Il nous
donne l'énumération do diverses parties de ce groupe et leurs usages,
comme il le fera d'ailleurs pour 1rs autres genres de poteries, émaîllées
à l'intérieur et sur les deux faces.
C'ed dans l'ouvrage de M. B. que j'ai trouve, pour la première fois,
quelques détails sur les décors au goudron que je connaisaais pour les
avoir vus à'Amismiz, au pied dugrand Allas : les dessins ainsi obtenus
ne manquent pas d'élégance et ont un cachet très particulier.
Mais, quand on parle des poteries de Fès. on pense surtout aux belles
faïences à décors bleu, blanc et vert qui font l'admiration, non seule-
ment des connaisseur-, mais aussi des touristes.
La fabrication de ces poteries esl donnée avec un tel luxe de détails
que le lecteur a la sensation de voir se dérouler sou- ses yeux tous les
actes de cette fabrication. J'y ai lu des indications intéressantes sur la
composition des émaux, dont je n'avais rien pu savoir lorsque j'interro-
geai- le- artisans de Tétouan ou ceux de Safi. Feu S . Joly ne semble
pas, d'ailleurs, avoir été plus heureux que moi.
Tous les voyageurs qui ont visité Fès. Rabat ou Marrakech ont été
frappés de la beauté de l'ornementation des cours et des chambres.
Jusqu'à une certaine hauteur, les parois intérieures sont ornées de
mosaïques en faïence (zâllîj) du plus pur style hispano-mauresque el
d'un effet délicieux. Mai- comment se fabriquent ce- mosaïques ? C'est
ce que Al. Bel non- apprend dans son livre si documenté.
On assiste donc au moulage des carreaux, à leur découpage, à la pose
de l'émail, à l'enfournage et à la cuisson des zâlltj. On obtient ainsi des
carreaux qu'un artisan découpe ensuite avec un outil spécial qui rap-
pelle 1«- « rustique » des tailleurs de pierre, avec cette ditférence que le
tranchant esl horizontal au lieu d'être vertical. C'esl avec les pièces
ainsi obtenues qu'on produit ces beaux décors en mosaïque qui font
l'admiration des amateurs.
La fabrication des tuile- à décor vert, si fréquentes dans tout le
Maroc el même en Ugérie, t'ait l'objet, à elh' seule, de plusieurs pag
Enfin la façon des belles faïences peintes sur émail qui l'ont la répu-
tation des potiers <h' Fès, esl très clairemenl el lié- longuemenl expli-
quée, avec l'énumération des divers types obtenus: encriers, potsà eau,
p ,|,.,; . lampes qui portenl le même nom (candil) que les
1,]. -Arn-li(jij.> du midi de la France.
Iy.. p ir in. i d ïs pi !S d'abord dans
H0UVEMEN1 SCIENTIFIQUE. 375
une barbotine à base de plomb el de zinc, puis dans de l'eau salée. On
obtient ; i î 1 1 < i un fond blanc imicolore après cuisson et c'est sur celle
couverte que L'artiste exécute, au pinceau, les décors qui oui tant de
charme pour les amateurs de l'art moresque.
M. I>el nous décrit la décoration des potiches et des beaux plats con-
nus sous le nom de « plats de Fès ». et le chapitre consacré à l'évolution
du décor n'est pas un des moins intéressants à lire.
Sous sommes heureux d'apprendre que les plus beaux types de ces
poteries sont aujourd'hui centralisés dans un Musée où les artisans
pourront s'inspirer des modèles de leurs ancêtres pour perpétuer les
pures traditions de cet art localisé aujourd'hui dans deux villes seule-
ment du Maroc : Fès et Sali.
Enfin un appendice est consacré à la poterie sigillée à la matrice,
demi l'origine est égalemen! fort ancienne.
J'espère que cel aperçu suffira à montrer quel intérêt excite la lecture
de cel ouvrage. (Mie l'aideur reçoive les bien vives félicitations de tous
les admirateurs de cette belle civilisation musulmane qui a brillé avec
taid d'éclat dans noire Magreb !
Paul Paliary.
Ciuandidikr (Alfred et Guillaume). Histoire physique, naturelle et politique de Mada-
gascar. Vol. IV. Ethnographie de Madagascar, t. III, gr. in-4° raisin, (533 p. Paris,
Imprimerie nationale, 1917.
Nous avons rendu compte des différents volumes de l'ouvrage monu-
mental de MM. Grandidier qui intéressent l'anthropologisle. Le tome 3 de
la partie ethnographique est tout aussi documenté que les précédents,
tout aussi bourré de faits et d'observations, ce qui en rend l'analyse
sommaire extrêmement difficile. Nos lecteurs ont d'ailleurs pu en juger
avant l'apparition de ce tome, car les auteurs ont eu la grande amabilité
de donner à L'Anthropologie la primeur de quelques-uns des chapitres
qu'il contient. Le chapitre premier (La mort et les cérémonies funéraires
[p. 1-96] a paru, résumé par G. Grandidier, dans le tome WIII de
notre Revue (p. 321-348). Le chapitre IV, qui esl intitulé Les Croyances
et la 17/' religieuse à Madagascar, a été- publiée en très grande partie par
nous (Cf. V anthropologie, t. \\\ I. p. 337-36i, et t. XXVIII, p. 93-12$
el 241-262). Il ne non- reste donc qu'à donner nue idée do chapitres II
(Rapports sociaux <!<■* Malgaches) et III (La rie matérielle à Madagascar)
et à analyser brièvement la (in de l'important chapitre consacrée la
religion.
relations entre personnes n'appartenant pas à la même famille
ou au même clan étaient généralement rien moins qu'amicales, et
lant les Malgaches ont un caractère doux el se montrent presque
trôme polit quelques tribus font exception
3-6 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
à la règle. Un véritable protocole préside aux rapports entre inférieurs
et supérieurs, mais l'usage exige que deux personnes du même rang ne
se rencontrent jamais sans se saluer, sans échanger des formules
adoptées aux différentes circonstances de leur vie.
Il est une foule de coutumes qui nous semblent bizarres et auxquelles
tout Malgache bien élevé doit se conformer; ainsi, il faut toujours
entrer dans une maison du pied droit; cracher en passant devant quel-
qu'un est un signe de mépris; enjamber, passer par dessus un homme
libre ou enjamber simplement son oreiller, constitue une grande impo-
litesse, sinon un délit puni d'une amende. Chez les Barà, toucher autrui
avec son vêlement est un acte criminel, car une personne mal inten-
tionnée peut, par ce geste, en ensorceler une autre. La crainte des sorti-
lèges est répandue dans l'île entière.
L'hospitalité est une des vertus du Malgache. Lorsqu'on arrivait
naguère dans un village, on pouvait entrer dans la première maison
venue pour y manger et y coucher. Le voyageur se voyait même offrir
des compagnes, filles ou femmes mariées. « Quand les membres de la
mission française envoyée en 1862 pour assister au couronnement de
Radamâ II furent arrivés à Tananarive, le roi, à la première soirée qu'il
leur donna, choisit parmi les femmes présentes quelques-unes des plus
jolies et leur donna l'ordre d'aller s'asseoir « sur les genoux » des
Français et de se mettre à leur disposition. »
S'il s'agit de personnages de marque, les réceptions sont toujours
empreinte d'une grande solennité; mais les étrangers, <|uelle que soit
leur condition, étaient bien accueillis et recevaient même des cadeaux
de ceux donl il** étaient les holes. Néanmoins, chez quelques peuplades,
les Européens se sonl aperçus que les cadeaux qu'ils recevaient étaient
donnas avec l'espoir d'en être payé au décuple.
Les Malgaches sont bavards et, dans leurs causeries, ils citent à tout
instant des proverbes. Il esl dhes cas où la conversation se fait plutôt par
signes qu'en paroles. Ainsi quand on demande son chemin à un indi-
gène, il se contente de vous l'indiquer, non avec le bras ou le doigt,
mais en avançant la lèvre inférieure dans la direction demandée.
A Madagascar, la femme occupe une place importante et exerce une
réelle influence dans la société: dans la famille, elle doit cependant
marquer en toute occasion le respect qui est dû à l'homme. A celui-ci
incombe la plupart des travaux des champs, la surveillance des trou-
peaux, la construction d<-s maisons: la femme s'occupe du ménage, de
l'élevage de- \olaillrs. du tissage, de l'élevage des (Mitants. Il est vrai
que celte dernière occupation n'absorbe la rcrère que jusqu'à l'époque
du sevrage, car elle, laisse ensuite le bambin faire tout ce qu'il veut,
sans jamais le réprimander.
Si elle joui! d'une grande indépendance et de droits presque égaux à
MOin EMEN r SCIEN i il h 377
ceux de l'homme, la femme en profite pour chiquer, s'enivrer el faire
ilos infidélités à son mari, sans que celui-ci, « qui lui en donne du reste
L'exemple, se croie le droit de crier au scandale »,
l n long paragraphe esl consacré aux jeux et divertissements et à la
musique. Les jeux consistent en jeux de calcul et de combinaisons, en
jeux d'adresse, en jeux d'esprit, qui sont généralement des bouffon-
neries. Parmi les divertissements les plus en vogue» il convient de citer
les combats de taureaux, de coqs, de cailles, de caméléons, de grillons,
de coléoptères et même d'araignées. La danse el les chants sont aussi
au nombre des amusements favoris. Quanta la musique, elle s'exécute
au moyen de la valihà • curieuse guitare faite d'un morceau de bambou
sur lequel on soulève l'ccorce entre deux nœuds peur en faire des
cordes —d'une autre guitare, d'une calebasse munie de cordes, dont on
joue avec un archet, d'un tambour en tronc d'arbre recouvert d'une
peau à une extrémité, de la conque marine, de chalumeaux, de flageo-
lets el de fifres.
Les maisons malgaches ne comprennent habituellement qu'une seule
pièce dans laquelle s'entassenl la famille, les botes de passage et sou-
vent quelques animaux. A part quelques « palais », les habitations sont
construites en bois et en bambou, sans un clou, sans un morceau de
fer. Les portes el les fenêtres sont fermées soit avec des claies, soit avec
d<s planches ; les cheminées font défaut et la fumée qui s'échappe du
foyer, composé de quelques pierres, noircit tout l'intérieur des
demeures. Le mobilier est des plus sommaires : il n'\ a, dans la plupart
des maisons, aucun meuble. Quelques tablettes pour ranger les provi-
sions, quelques vases grossiers, quelques paniers et, parfois, un lit pri-
mitif, formé d'une simple claie posée sur quatre pieux, font tous les
trais de l'ameublement avec le mortier à riz et quelques ustensiles de
cuisine. Néanmoins, chez les gens aisés, on voit des nattes étendues sur
le sol ou tapissant les parois de la maison.
Le costume des Malgaches est peu compliqué : beaucoup vont à peu
près nus, avec une simple bande d'étoffe de -i à 3 mètres de long enrou-
lée autour de la laille; les hommes la passent entre les jambes, les
femmes en font un court jupon. La plupart y ajoutent le laniba, grande
pièce d'étoile dé ia fia, de libres de bananier, de chanvre, de coton ou
de soie, dans laquelle ils se drapent d'une façon fort gracieuss. Dans
l'est, on x ni I des femmes velues d'une sorte de jupe et d'un petit cor-
sage qui laisse le bas du torse à nu.
que les Malgaches soignent le plus, c'est leur coiffure, très
variable, d'ailleurs, suivant les peuplades. Pour arranger les cheveux et
les enduire de graisse, il faut au moins une demi-journée et parfois
plus d'un jour entier. Généralement, ils s'épilent la figure, les aisselles
et le pubis. Quelques-uns se tatouent. D'autres, surtout les jeunes filles,
378 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
se teignent les ongles en rouge. Tous aiment à se parer de perles de
verre, d'anneaux de cuivre, de bagues, de boucles d'oreilles, de chaînes
et de bracelets d'or, d'argent, de corail, de cornaline, etc.
Les armes faisaient presque partit1 du costume masculin : c'étaient
des sagaies, des pieux, des aies et des Çèches, des serpes, des pierres et des
boucliers : aujourd'hui, la plupart des insulaires possèdent des fusils.
L'alimentation consiste en riz. en manioc, en maïs, en patates, en
haricots et divers autres légumes. La viande des bestiaux n'entre que
pour une faible part dans leur nourriture, mais celle des animaux sau-
vages est consommée, comme beaucoup de plantes et de fruits sauvages
ou cultivés. Les œufs de tortue sont très recherchés. Les peuplades
pastorales font un grand usage de lait frais ou caillé, et celles du littoral
mangent beaucoup de poisson. Des mets très prisés sont les fritures
d'insectes, de chrysalides variées, de larves, d'araignées. Certaines
tribus regardent comme une gourmandise une argile blanche dont ils
consomment jusqu'à 00 grammes par jour. Les aliments sont cuits à
l'eau, grillés avec la peau quant il s'agit de viande de boucherie, frits,
ou bien encore, cuits dans des fours souterrains qui rappellent ceux
des Polynésiens. Si l'eau est la boisson ordinaire, les indigènes appré-
cient fort les mauvais alcools qu'introduisent les Européens.
En dehors du tabac qu'ils mâchent et fument, les Malgaches fument
également le chanvre qui leur procure des songes doux et un gai réveil.
Aux renseignements sur la religion contenus dans les articles publiés
dans L'Anthropologie, les auteurs ajoutent de longs détails sur les
fétiches tutélaires, sur le tabou et la divination (astrologie, magie
noire, ornithomancie, extispicine ou divination d'après l'examen des
entrailles des victimes, nécromancie, cléromancie, etc.).
Les fétiches tutélaires comprennent les talismans individuels, les
talismans de famille el les talismans qii'op peut qualifier de nationaux.
Dans l'Imérina, ces derniers étaient au nombre de douze, logés dans des
sanctuaires. Les fétiches ou ody «les hommes consistent le plus souvent,
en bouts de cornes, en dents de crocodile, en défenses de sanglier, en
morceaux de bois ou de bambou creusés; on les orne de perles de
verre et on les remplit de cendre, de sable et d'objets de toute sorte.
Mais un sachet, un collier, un morceau de bois, un os, etc. peuvent tout
aiïssi bien remplir le rôle de talisman, Chaque fétiche a une vertu parti-
culière : l'un préserve de telle ou telle maladie, un autre assure de
bonnes récoltes, un troisième procurée son possesseur l'amour de la
femme aimée ou le rend invulnérable. On les vénère el chaque année on
célèbre leur fête. Chez les A.ntanala du Sud. les chefs avaient un fétiche
puissant composé d'un crâne contenant des objets disparates; on lui
offrait de-, sacrifices humains, car il fallait qu'il fûl arrosé périodique-
noelle humaine.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 3*79
i - MerinS avaient égalemenl des fétiches maléfiques qui axaient le
pouvoir de déterminer la mort lente ou subito du prochain.
fddy ou tabous sont innombrables à Madagascar et s'appliquent
aussi bien aux personnes qu'aux animaux ot <au\ choses; ils sont tempo-
raires ou perpétuels.
Le paragraphe consacré à la divination ne comprend pas moins de
6a pages. En raison du caractère superstitieux des Malgaches, il est
tout naturel que les astrologues, les devins, les tireurs de bonne aven-
ture, les augures, les exorcistes soient consultés à chaque instant.
MM. Grandidier en décrivent soigneusement les pratiques, dans le
détail desquelles je ne saurais songer à entrer. Je ne puis passer sous
silence la croyance générale aux sorciers et anx sorcières, redoutés et
exécrés de tous. D'après les Idées régnantes, la sorcellerie est imposée
par le destin et bien des personnes sont sorcières sans qu'elles s'en
doutent. Lorsqu'un homme ou une femme était accusé de maléfices, on
la soumettait à l'ordalie et, si l'épreuve lui était défavorable, la mort
seule pouvait être le châtiment d'un tel crime; des centaines de mille
innocents ont payé de leur vie cette funeste superstition. Le quatrième
chapitre se termine par quelques pages consacrées à la religion musul-
mane à Madagascar.
Comme les précédents ouvrages de MM. Alfred et Guillaume Grandi -
dîer, h' \olume abonde en notes et en notules. Il est suivi d'un appen-
dice de u3 pages en petit texte tout aussi intéressant (pie le reste
du livre. Vvcc leur conscience habituelle, les auteurs ont eu à Cœur de
faire une œuvre complète en rapportant les opinions de leurs devanciers,
qu'elles cadrent ou non avec leurs propres idées; il paraît difficile de
rien ajouter à ce qu'ils ont écrit.
Le tome troisième de l' Elhnog rapide de Madagascar est d'une lecture
aussi attrayante que les deux précédents; quand on l'a ouvert, on veut
le lire jusqu'au bout, et lorsqu'on arrive à la dernière page, on n'a pas
éprouvé un instant de lassitude.
Ce tome devait être accompagné de planches qui n'ont pu être
achevées par suite de la mobilisation des artistes chargés de leur exécu-
tion; elles seront jointes au prochain volume. Elles augmenteront
encore la valeur, mais n'ajouteront rien à la clarté de ce bel ouvrage.
11. Verneau.
\. <:. Ni lson. Chronolôgy ot the Tano Ruins, New Mexico (Chronologie des ruines de
Tano, Nouveau Mexique). American Anlhropologist, vol. 18, n» 2. Avril-Juin 1916,
pp 159-180.
Ii existe, dans le Sud-Ouest du Mexique, plusieurs types plus ou
moins localisés de poteries préhistoriques, tels qiie les céramiques
enroulées, identifiée.-, au point de vue ornemental; divers groupes dis-
380 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
tincts de poteries peintes, et une série, assez variée, de pièces vernissées.
Le Dr J. W. Fewkes a fait connaître récemment un autre type, peu
connu jusqu'ici, présentant un caractère unique, et dont le développe-
ment fut particulièrement intense dans la vallée de Mimbres. Mais il se
rencontre également de la région voisine du Rio-Grande, et probable-
ment au delà, vers la rivière Pecos. Ces poteries relativement anciennes,
d'un beau caractère, appartiennent à la céramique peinte. Elles sem-
blent marquer les limites sud-orientales de la civilisation des Puéblo
aux États-Unis. Au Nord du centre de Mimbres, et s'étendant jusqu'au
bassin de drainage du Rio-Grande, presque jusqu'aux frontières du
Colorado, se trouve une autre aire de céramique, caractérisée avant tout
par de la poterie vernissée. Elle occuperait une aire de 20.000 milles
carrés environ. Les recherches poursuivies dans ces régions ont eu pour
résultat l'identification et la détermination chronologique de cinq styles
successifs de poteries, correspondant à autant de stades de l'histoire du
peuple qui occupa l'ancien Tano et le territoire adjacent de Puéblo.
Le type I est représenté par des poteries peintes, à 2 et 3 couleurs. Il
constitue une variété locale des céramiques noires et blanches iden-
tifiées communément avec le sous-strate de la civilisation du Puéblo
sud-occidental. Bandelier l'associe au stade des « petites maisons »
c'est-à-dire à ce qu'on pourrait qualifier de slade « pro-Puéblo » de la
vie sédentaire. Cette céramique est caractérisée particulièrement par sa
pauvreté en variété de formes. Les bols prédominent. On en rencontre
munis d'anses, de forme hémisphérique, de faibles dimensions. Les
cruches sont très rares. L'ornementation, appliquée à l'intérieur (très
rarement extérieurement) et noire. Ce sont des dessins géométriques,
rectilignes et curvilignes, des hachures et des rubans formés de lignes
parallèles. Cette céramique, d'une.agréable apparence est probablement
le précurseur de la variante qui domine dans les types suivants.
Le type II, représenté par des poteries vernissées, présente trois
variétés décoloration : rouge, jaune et grise, avec ornementation noire.
Le plus frappant c'est que ces ornements sont appliqués à l'aide d'un
enduit vernissé et nonplusavec delà peinture. Les bol* dominent, mais
on rencontre des cruches. Ces bols sont hémisphériques comme dans le
type I. L'élément ornemental constitue une transition entre la peinture
et la vitrification. Cette ornementation est géométrique. Quelques figures
conventionnelles d'oiseaux se rencontrent à un stade plus récent decette
céramique.
Le type 111, qui e$1 vraisemblablement une évolution des deux pré-
cédent, a gagné au point de vue de la diversité des formes, mais n'a rien
perdu <le son élégance décorative. Les bols et les vases abondent. L'or-
nementation est aussi bien externe qu'interne. Ce sont des motifs géo-
métriques, d'une allure fort élégante, quelques représentations conven-
Moi VEMENT SCIENTIFIQUE. 38l
tionnelles d'oiseaux et des figurations, d'un caractère plus ou moins réa-
liste, d'oiseaux, de mammifères, etc.
I.r type IV est rigoureusement caractéristique des Pueblos de Tano
qui furent habités entre ifr'jo et i()8o. La céramique s'y rencontre associée
à des ossements d'animaux domestiques, des fragments de cuivre, de
ter, de porcelaine, etc. Elle se caractérise, non seulement parla variété
de ses tonnes, mais aussi par une décoration du plus mauvais goût
qui semble plutôt une imitation européenne maladroite, tout en ayant
perdu cecaractère naturel de l'art des Indiens. Ce sont des bols, des
jarres, «les plats de modèles variés, des vaisseaux en forme de melons,
etc., etc. L'ornementation est appliquée aux surfaces externes et internes.
(les poteries sont d'un brun foncé et le vernis présente une iridescenec
frappante qui inclinerait à faire croire qu'il a été composé d'après une
formule espagnole. L'ornementation qui a disparu, en partie, avec le
vernis est de nature géométrique très simple.
Le type V, constitué par de la poterie peinte moderne, se trouve
représenté à Tano par quelques fragments qui ne permettent pas d'en
décrire les détails. Les ornementations sont constituées par des lignes
généralement étroites, droites ou courbes, et tracées avec précision. Ce
sont presque toutes, des figurations géométriques parmi lesquels quel-
ques-unes présentent un caractère semi-floral. La pâte, légère et poreuse,
renferme une grande quantité de sable, et sa couleur va du rouge au
jaune foncé. En résumé l'auteur a établi sa chronologie sur des faits
concrets. Mais elle exige de nouvelles recherches qui permettront une
étude du symbolisme de ces pièces et du développement graduel des
motifs. Dans tous les cas il semble que ce résultat pourra être atteint
par un étude plus approfondie, des cinq types établis par l'auteur.
J. Nippgen.
Erl\nl> Nordenskiold. Palisades and « noxious gases » among the South-american Indians
(Retranchements et « gaz nocifs » chez les Indiens de l'Amérique du Sud). Ur Ymer,
Tidskrift utigen at Svenska Sâ/ltkapet for Anthropologi och Geogrofi. 1918. II.
3, pp. 220 243.
Plusieurs auteurs du xvi" siècle, notamment Staden, Oviedo y Valdès
et Thevet, mentionnent l'emploi fait parles Indiens de l'Amérique de
gaz « empoisonnés ». Staden qui fut longtemps prisonnier des Indiens
Tupinambà rapporte que pour se rendre maîtres d'un village fortifié
« ils employaient des gaz empoisonnés » qu'ils produisaient en brûlant de
grandes quantités de poivre rouge. Ce stratagème est 'également men-
tionné par Oviedo y Valdès. La fumée produisait surtout un éternue-
ment prolongé. J. Grevaux et Waltcr Rotli sont les seuls auteurs
modernes qui parlent de l'emploi de ces gaz. On trouve une application
religieuse de ces procédés chez certaines populations américaines
(Quiches, Aymara et Indiens Cavina) qui y ont recours pour exorciser
38a MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
les démons. D'après des renseignements rapportés par André Thevet
(1878) les Indiens de l'Amérique du Nord auraient recours au même
procédé. Du Tertre dans son « Histoire générale des Antilles », rappor-
tant les méfaits causés par les fumées de poivre rouge, en donne une
description pittoresque. Il parle même d'un antidote, ou pour employer
le langage moderne, d'un « masque à gaz 0 employé contre ces fumées :
il suffit de mouiller son mouchoir dans du bon vinaigre et de l'appli-
quer sur les narines. L'élément irritant, la « eapsaieine » du poivre
rouge ordinaire (Capsicum annuim est plus actif encore dans le poivre
de Cayenne (Capsicum fastigiatum Bl,). Sa formule chimique est
C9 H u 0*. Celle capsaicine agit, par ses vapeurs, très douloureusement
sur la membrane muqueuse.
Les palissades ne se rencontrent que dans les régions boisées où la
matière première est à portée de la main (Araucan du Chili, Guaranis,
au Brésil, etc.). A l'époque de la découverte, les Quichaset les Aymaras
qui habitaient des régions pauvres en bois, construisaient des retran-
chements à l'aide de pierres et de briques séchées au soleil. Tous les
auteurs sont unanimes pour rapporter quelles fortifications redoutables
constituaient ces palissades. Elles étaient formées de grands arbres,
fortement enfoncés dans le sol, et se trouvaient renforcées par des tran-
chées, des trous profonds recouverts et masquant des pieux acérés. En
certaines régions ces palissades se trouvaient entremêlées de branchages
épineux qui en rendaient l'approche inabordable. C'était le cas des
populations indiennes de Cumana. En somme, les Indiens faisaient
u<agc de fils barbelés naturels. Les Espagnols pensaient que ces popu-
lation^ avaient imaginé ce mode de défense pour se préserver contre
eux. En realité ces procédés étaient employés, depuis longtemps déjà,
contre les jaguars. Ces palissades, dans tous les cas, étaient-elles un
élément primitif de la civilisation des Indiens? Il semble qu'il en soit
ainsi, du moins dans certaines régions de l'Amérique. Mais il est bien
difficile, dans des questions aussi complexes, de faire le départ entre les
éléments primitifs et les emprunts étrangers. Néanmoins l'auteur se
croit autorisé à conclure, après les recherches qu'il a poursuivies que,
« le résultai final auquel dous arrivons est que dans toute l'Amérique
du Sud, partout où ces genres de fortification furenl employées par les
Indiens, elles constituaient, pour la plus grande partie, un élément de
civilisation pro-colombienne ». Celle élude, très documentée, et à
laquelle ae manquent que quelques illustrations, renferme une foule de
renseignements historiques sur Lesquels nous ne pouvons pas nous
étendre plus Longuement.
J. N.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE
Nécrologie. — Fernand P/iem.
Le Laboratoire de Paléontologie du Muséum, déjà si éprouvé, vient de
faire une nouvelle et cruelle perle en la personne de l'un de ses meilleurs
collaborateurs el amis, Fernand Priem, professeur honoraire au lycée
Henri l\ , correspondant du Muséum, décédé à Paris le 4 avril 1919, à l'âge de
61 ans.
Fernand Priem, né à Bergues, près de Dunkerque, ancien élève de l'Ecole
normale supérieure, s'intéressait vivement à toutes les branches des sciences
naturelles. Il avait publié de nombreux articles de revues, des livres d'ensei-
gnement, notamment Y Evolution des formes animales (1891) et une adapta-
tion française de La Terre de Brehm. Depuis une vingtaine d'années, il s'a-
donnait, dans mon laboratoire, à l'étude des Poissons fossiles sur lesquels il
avait écrit de nombreux mémoires. Il était devenu, en cette matière et
depuis la mort de Sauvage, le spécialiste le plus autorisé de France.
Bien qu'il ne s'occupât pas spécialement d'antbropologie, il s'intéressait
vivement à tout ce qui se rapporte à l'histoire naturelle de l'Homme. 11
était un des plus vieux et des plus fidèles abonnés de notre revue.
M. B.
Héron de Villefosse.
Ce numéro était déjà à l'impression quand nous avons appris, par les
journaux, la mort de Héron de Villefosse, décédé le 16 juin 1919 à l'âge de
74 ans.
Né à Paris en 1845, d'abord élève de l'Ecole des Chartes et de l'École des
Hautes Etudes, puis chargé de nombreuses missions archéologiques à
l'étranger, Antoine Héron de Villefosse avait été nommé Conservateur au
Musée du Louvre et élu Membre de l'Académie des Inscriptions. Il faisait
également partie de nombreuses commissions au Ministère de l'Instruction
publique où il jouissait d'une légitime considération.
Héron de Villefosse avait publié, seul ou en collaboration, de nombreux
mémoires, rapports, ouvrages, qui lui avaient valu une très grande réputation
dans le monde des archéologues classiques. Il était moins connu des anthro-
pologistcs et, comme la plupart de ses confrères de la même génération, il
ne semble pas qu'il ait bien compris l'importance et l'intérêt des recherches
d'archéologique préhistorique et de paléontologie humaine.
M. B.
D W. Allen Sturge.
Le Dr W. Allen Sturge, préhistorien anglais, bien connu de ses^confrères
français, est mort le 27 mars dernier à l'âge de 69 ans.
384 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
Pendant longtemps, il habita Mec où il exerçait la profession médicale.
Amateur d'antiquités, il ne tarda pas à s'intéresser aux objets préhistoriques
et à grands frais, il put se constituer une très riche collection renfermant des
types de tous les pays et des séries de toute beauté, qu'il montrait à ses
visiteurs en leur faisant le plus charmant accueil. Il en avait publié un cata-
logue (V. UAnthr., XVII, p. 401).
Lorsqu'il abandonna la pratique de la médecine, il se retira à Icklingham,
dans le Suffolk, où il consacra toute son activité à développer autour de lui le
goût de l'archéologie préhistorique. Il fut un des principaux fondateurs et
le premier président de la « Prehistoric Society of East Anglia » dont nous
avons analysé les publications à diverses reprises.
Malgré toute la passion qu'il y apportait, il semble que le D1 Allen Sturge
ne soit jamais arrivé à bien comprendre le côté vraiment scientifique des
recherches préhistoriques, du moins en ce qui concerne les âges de la pierre.
Il avait en cette matière des idées aussi étranges que personnelles.
Les journaux anglais qui annoncent sa mort nous apprennent en même
temps le legs de sa collection au Brilish Muséum.
F M. B.
E. C. Stirling.
Nous avons appris avec regret la mort de Sir E. C. Stirling, Directeur du
South Austral ian Muséum, décédé le 20 mars dernier à l'âge de 70 ans.
Professeur de ptysiologie à l'Université d'Adélaïde et chirurgien, il avait
publié un important rapport sur l'anthropologie de l'Australie (Cf. L'Anthrop.
VIII, p. 360). Il s'était occupé également de Paléontologie. Ses fouilles au lac
Kalabonna lui avaient procuré des squelettes de Marsupiaux gigantesques, tels
que Diprotodon et d'autres animaux quaternaires, sur lesquels il avait publié
d'intéressants mémoires.
M. B.
J. P. Johnson.
Les journaux anglais nous ont annoncé récemment la mort de J. P. John-
son survenue le 18 octobre 1918. Né à Londres en 1880, le regretté explora-
teur n'était donc âgé que de 38 ans.
Géologue et ingénieur des mines de sa profession, Johnson s'était occupé
de bonne heure de préhistoire et d'ethnographie, Il avait parcouru en tous
sens l'Afrique méridionale et publié d importants ouvrages que nous n'avons
pas manqué de signale)- à l'attention de nos lecteurs, au moment de leur
apparition : Les instrumenta en pierre de C Afrique du Sud (1907); Notes géolo-
tiques sur l'Orange (1910): la Période préhistorique dans l Afrique du Sud
(1910, 2' édition en 1912), etc.
Le dernier de ces volumes est particulièrement précieux à cause des belles
et nombreuses reproductions de gravures et peintures rupestres qu'il renferme.
La préhistoire africaine, qui nous ménage tant de surprises, a fait une
grande perte en la personne de noire confrère anglais, car il disparaît à un
âge où l'on pouvait beaucoup attendre de son activité et de son talent.
M. B.
\L1.LES ET CORRESPONDANCE.
385
Un monument à Clémence Royer.
Le Temps du 23 mai dernier nous apprend que Clémence Royer, la traduc-
trice de Darvin et fauteur de nombreux écrits sur l'Anthropologie et les
Sciences naturelles, va bientôt avoir son monument à Paris. Le Conseil muni-
cipal vient en effet de décider, sur le rapport de M. Paul Fleuriot, qu'un
emplacement serait accordé au Comité d'initiative. L'entrefilet ajoute que
Clémence Royer est une des premières femmes qui aient été décorées de la
Légion d'Honneur. A ce mérite, qui est souvent réel, vient s'ajouter, dans
l'espèce, celui d'une longue et utile carrière scientifique. Clémence Royer a été
une îles femmes les plus intelligentes qui aient vécu. Nos vœux vont donc
au Comité d'Initiative; nous souhaitons que son projet soit bientôt réalisé.
M. B.
A l'Institut français d'Anthropologie.
Cette Société avait du interrompre ses travaux pendant la guerre, beaucoup
de ses membres les plus actifs ayant été mobilisés dès le début des hostilités.
Lourd est le tribut payé par Y1FA, depuis le mois d'août 1914. Neuf de ses
membres manquent aujourd'hui à l'appel : Déchelette, Deniker, Durckheim,
Cantacuzènc, Avelot, Cauthiot, Hertz, Poutrin, Ad. Reinach.
Ces pertes nous paraîtront longtemps irréparables ! mais l'Institut devait
au souvenir de ses glorieux disparus et se devait à lui-même de i éprendre
son activité. Son Conseil s'est réuni et il a décidé que les séances auront lieu
de nouveau dès la rentrée des vacances prochaines.
Les comptes rendus de Y1FA seront, comme par le passé, publiés avec le
concours de V Anthropologie et distribués gracieusement à tous les abonnés
de notre Revue.
M. B.
Les Sciences anthropologiques à Liège.
La vie scientifique reprend en Belgique et d'une vigoureuse façon. i\oj
confrères et amis de Liège viennent de créer une Association pour l'étude et
C enseignement des sciences anthropologiques, ayant pour but : 1° de faciliter
à ses membres l'étude de l'anthropologie ; 2° d'en répandre la connaissance
dans le public ; 3° de fonder à Liège une « Ecole libre d'Anthropologie » ;
4° de faire paraître des publications.
La nouvelle Association a élu pour son président M. Max Lohest; le secré-
taire est le Dr Charles Fraipont.
Elle a déjà fondé Y Ecole libre d'Anthropologie et publié le programme des
cours pour 1919. Les leçons, faites par treize professeurs, portent sur l'an-
thropologie physique, l'anthropologie métrique, les bases géologiques de
l'anthropologie, les Mammifères quaternaires, l'anthropologie criminelle,
l'ethnographie, l'archéologie préhistorique, la géographie humaine, la socio-
ciologie générale, la linguistique, l'histoire des religions, etc.
L'enseignement comprend des cours généraux et des conférences pratiques
complétées par des excursions, visites de musées, etc. Les élèves titulaires
peuvent obtenir un diplôme après deux années d'études et après rédaction
d'un travail original et susceptible d'être imprimé.
Le Comité directeur de l'Ecole est composé d'un président : Charles Michel;
l'attiikopolooik. — t. xxix. — 1918-1919. 25
386 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE,
d'un vice- président : Désiré Damas et d'un Secrétaire ; Charles Fraipont,
37, Mont Saint-Martin à Liège.
Tous nos compliments et nos meilleurs souhaits de prospérité.
M. B.
Groupement amical d'archéologues.
M. Ch. Cotte, notaire à Pertuis (Vauclusc), me prie de faire connaître aux
lecteurs de L'Anthropologie a que les archéologues (Préhistoire et Archéologie
classique) du Bassin du Rhône, dans le hut de constituer un groupement
amical, systématisant l'organisation de leurs études et développant l'cntr'aide
des chercheurs locaux, tiendront à Perluis, du 5 au 7 septembre 1919, un
Congrès auxquels sont spécialement invités tous les archéologues de la région.
Les Congressistes seraient très honorés également de voir d'autres savants se
joindre à eux ».
M. Ch. Cotte a été chargé de recevoir les inscriptions. Il n'y a pas de
cotisation.
M. B.
Au Musée britannique d'Histoire naturelle.
Sir Lazarus Fletcher, directeur du British Muséum (Natural history) venant
de prendre sa retraite, le conseil des Trustées aurait songé, parait-il. à lui
donner pour successeur, non plus un homme de science, mais un fonction-
naire de l'administration.
Ce projet a rencontré la plus vive opposition dans les milieux compétents
et une protestation, signée des plus éininents naturalistes de la Grande-Bre-
tagne, a été publiée dans les journaux anglais. Ces hommes de science et
d'expérience n'ont pas eu de peine à montrer tous les graves défauts de la
solution envisagée par le Conseil supérieur du Musée britannique. Le Direc-
teur de cet Établissement doit avoir à faire avant tout à des naturalistes'; il
doit entretenir des relations avec les institutions analogues des autres pays,
également dirigées par des savants. Il faut qu'il ait la compétence voulue
pour représenter son service dans les Congrès scientifiques. Lui seul peut
avoir une compréhension suffisante des besoins du public.
Tous les hommes de science ne sont pas des administrateurs, c'est entendu,
mais on peut trouver des savants qui soient en môme temps des administra-
teurs. Et c'est à eux que doivent revenir les fonctions directoriales. Ce serait
leur faire un affront gratuit et desservir la science que de leur préférer un
simple administrateur, absolument insuffisant dans l'espèce.
Celle protestation énergique a produit son effet. C'est le Dr Harmer, con-
servateur des collections de zoologie, qui a été nommé Directeur du British
Muséum, comme successeur de Sir Lazarus Fletcher, qui avait lui-môme
succédé à Sir E. Kay Lankestcr.
M. B.
Note sur l'existence de dépôts glaciaires dans le grand Atlas marocain.
Au cours de la première exploration de l'Atlas que j'ai entreprise en 1913,
IOU8 1rs auspices de la Société de Géographie, j'avais été frappé de l'abon-
noi mi i I - m CORRESPONDANCE. 387
dance do débris offrant une analogie frappante avec des dépôts glaciaires.
débrifl ne se trouvent pas dans le centre du massif (où l'on ne remarque
rien de semblable) mais sur les bords, surtout dans la région située au Sud
et au Nord Ksi de Marrakech.
En bien dos endroits, surtout sur les rives des oueds, on observe des
dépôts de gros galets et de blocs qui frappent L'attention par leur impor-
tance : mais en ces endroits on peut attribuer ces dépôts à une origine allu-
viale, bien que le plus souvent, l'étroitesse des ravins soit un argument
contre l'existence de dépôts alluvionnaires à gros matériaux à une telle
altitude au-dessus du cours d'eau actuel, tandis que la présence de ces
traînées de blocs s'explique plus simplement par un dépôt latéral de maté-
riaux charriés par un glacier occupant la dépression.
Mais si, à cause de l'apparence, on peut attribuer dans ce cas la présence
de ces dépôts à une origine alluviale, il n'en est pas de môme pour les cas
suivants :
1° Entre le Koudiat el Islan et Tamellatb Djedid, à une quarantaine de
kilomètres au !Nord-Est de Marrakech, sur le versant sud du Koudiat bou
Kerkour on observe, sur le plateau et snr la pente aboutissant à la plaine, de
gros blocs de granit bien arrondis, et un peu plus loin, sur le même sentier,
on passe dans un col très pierreux dont l'extrême abondance d'énormes
galets rend ce passage très laborieux : or en cet endroit on débouche aussi
en plaine.
On ne peut donc dans ce cas attribuer à une origine fluviale la présence de
ces blocs sur les pentes d'une colline qui borde une plaine et non une vallée.
2° A Ourika, à une quarantaine de kilomètres au Sud-Est de Marrakech
les phénomènes glaciaires sont encore plus nombreux :
Sur le sommet de toutes les collines sont amoncelées des pierres roulées
dont certaines ont deux à trois mètres cubes. Ces blocs sont surtout abon-
dants vers les deux tiers de la hauteur de la colline et à 80 mètres au-dessus
du niveau de l'oued.
Sur les croupes les galets sont libres, sans substratum d'ancune sorte. 11
paraît difficile d'admettre que ces blocs ont pu être charriés par l'oued alors
que son débouché dans la plaine n'est qu'à un kilomètre à peine de ce
point.
Un peu au Sud de la kasba, sur la rive droite on aperçoit un escarpement
calcaire. Avant d'arriver à cet escarpement, on remarque un dépôt sans
stratification et où les galets sont plutôt verticaux qu'horizontaux. Ce dépôt,
qui passe au poudingue et est très peu terreux (ou boueux), comble une
ravine qui aboutit à l'oued.
D'autre part en arrivant à Ourika, du côté de Marrakech, le sentier passe
dans une oliveraie el longe un escarpement, qui, en cet endroit, borde une
plaine très étendue. Or contre cet escarpement sont plaqués des dépôts
boueux à petits éléments disposés comme l'indique la coupe ci-contre :
On ne peut évidemment attribuer ces dépôts à une origine alluvionnaire
quelconque puisqu'on ce point il n'y a pas de vallées : au bas de la colline,
la plaine s'étale jusqu'aux Djebilets sur 80 kilomètres d'étendue.
J'ajoute que je n'ai jamais constaté la présence du moindre fossile ter-
restre ou d'eau douce dans ces terrains.
388 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
L'observation de ces faits nous permet donc de conclure à l'existence de
dépôts attribuables à une origine glaciaire puisqu'une origine fluviale ne
saurait les expliquer.
A priori, l'existence de cimes atteignant et dépassant 4000 mètres semble
indiquer quo l'Atlas a dû être recouvert, durant la période glaciaire, par une
immense calotte de glace dont l'activité s'est manifestée à la périphérie,
Oued Qurikà
Coupe à l'entrée d'Ourika.
comme dans tous les massifs glaciaires. Actuellement encore les hivers y
sont très rudes et le centre du massif y est inabordable durant cette période
de l'année. La neige persiste sur les hauteurs jusqu'en juillet.
La présence de glaces dans le massif du grand Atlas explique l'absence de
documents de l'âge de la pierre et leur pauvreté sur la lisière septen-
trionale.
Je crois enfin devoir rappeler en terminant que l'existence d'une faune
inalacologique à caractères arctiques dans le nord du Sahara (1), indique
bien qu'il y a eu à l'époque pléistocène un régime de froid qui doit être en
concordance avec l'existence de glaciers dans le haut Atlas.
Paul PallÀry.
A propos du (( Danseur à tête d'ours » du Mas d'Azil.
Démobilisé récemment, je viens seulement de prendre connaissance de la
controverse entre MM. Breuil et Deonna sur les masques quaternaires, dans
laquelle l'un et l'autre ont fait allusion à ma « théorie » sur les-caractères
des figures humaines dans l'art paléolithique. Je n'invoquerai pas le droit
de réponse, n'ayant point oublié que c'est L'Anthropologie qui a accordé à
mes remarques sa bienveillante hospitalité ; mais comme les deux adver-
saires semblent s'être mis d'accord sur cette idée, fort judicieuse à mon sens,
que dans ce problème complexe tout est question d'espèce et que la même
explication ne peut pas être appliquée en bloc à toutes les figures, je
demande la permission de revenir un instant sur la représentation à
Laquelle, d'après M. Breuil, s'applique le plus mal mon interprétation, à
savoir La figure gravée sur un fragment de rondelle détachée d'une omo-
plate, découvert par Piette dans l'assise à contours découpés de la galerie
inférieure sur la rive droite de l'Arise, au Mas d'Azil (2).
(1) Sur le> Mollusques fossiles, terrestres, Quviat., el saum&tres de l'Algérie, 11)01,
page
Cl) 11 va sans dire que <e- remarques laissent intacte la question «1rs masques
paléolithiques, <lnui l'existence, hautement probable d'après l'ethnographie comparée,
semble maintenant établie par quelques exemples certains.
NOUVELLES ri CORRESPONDANCE. 38g
Je voyais, je continue a voir dans la tête de cet homme une tète humaine
mal dessinée. Pour qu'il fût nécessaire de la considérer comme un masque,
il faudrait que ce fût une tête d'animal bien dessinée, c'est-à-dire dont le
genre au moins fût reconnaissable sans doute possible, sans quoi la mala-
dresse du tracé dans l'hypothèse d'une tête d'animal pourrait être invoquée
avec une vraisemblance égale même supérieure dans l'hypothèse d'une tête
humaine. Laissons de côté, si l'on veut, l'opinion de Piette qui trouvait cette
tête simienne. M. Breuil y voit une tête d'Ours. Après avoir revu de près les
représentations d'ours de l'art paléolithique, cette détermination ne me
semble pas s'imposer. Praehistorici certant... Quelle bonne fortuna, si nous
pouvions citer comme expert, pour départager les préhistoriens, un préhis-
torique.
Le « danseur » dont on présente souvent la reproduction isolée, n'est pas
la seule figure qui se voie sur la rondelle du Mas d'Azil ; on y trouve notam-
ment, sur l'autre face, une autre représentation humaine qui me semble
bien incontestable et qui d'ailleurs n'a soulevé aucune observation. Cette
figure est très différente du « danseur » ; elle est représentée de face, tandis
qu'il est de profil ; malgré la profondeur du trait, ce n'est pas un travail
achevé. Tl est difficile d'affirmer que les deux figures sont du même auteur,
quoique je trouve une certaine ressemblance entre la seule jambe figurée
dans la figure de face et les jambes de la figure de profil R et entre le bras
droit de la figure de face et le bras gauche (le plus visible) de la figure de
profil, avec, au coude, une cavité curviligne surmontant un angle presque
rectiligne. et un bras de proportions très réduites par rapport à l'avant-
bras (1). Si les deux figures sont du même auteur, la figure de face pourrait
être une gravure qui aurait été abandonnée en cours d'exécution (ce que
confirmerait l'absence d'une jambe) et que l'auteur aurait recommencée avec
de notables différences sur l'autre face et poussée jusqu'à achèvement.
Quoiqu'il en soit, il semble bien que, par un phénomène de déterminisme
graphique dont les exemples sont nombreux dans les domaines les plus
variés de l'art primitif, l'idée du second dessin a été suggérée à son auteur
par la vue du premier : il n'est pas jusqu'au détail, où Ton peut voir avec
Piette un pied d'ours, qui ne se retrouve associé au bonhomme à la mêm*
place sur les deux faces de l'objet. Nous ne pouvons évidemment pas savoir
lequel des deux bonshommes a été tracé le premier et par suite quel est
celui dont la vue a suggéré le tracé de l'autre; mais si le dessin de profil a
été tracé le premier, il a été considéré comme représentant un homme par
(1) Je ne crois pas, pour le dire en passant, à l'attitude de la danse pour le
bonhomme de profil, pas plus que je n'admets, comme le fait Piette, que le
bonhomme de face « paraît a^sis » : Par sa représentation de face, ce dernier res-
semble plus que celui de profil à ces pantins articulés dont on fait mouvoir les
membres en tirant une ficelle ; mais, celui de profil a la même attitude « méca-
nique ». Dans les deux, la disposition des membres me semble correspondre à urne
phase du dessin intermédiaire entre la raideur et le manque d'articulations primrtifs
et le rendu exact des attitudes, phase où l'artiste voulant indiquer l'existence des
articulations, mais encore maladroit dans leur représentation, en exagère les
angles.
39O NOUVELLES ET CORRESPONDÀISCK.
l'autour du fécond, et s'il a été tracé le second, son auteur l'a considéré
comme un homme. Donc, dans un cas comme dans l'autre, le résultat est
le même: la figure de profil a élé considérée par un artiste paléolithique
comme représentant un homme, dont la 0 tète bestiale n'a nullement
embarrassé son jugement.
G. H. Luquet.
A 1» Société des Antiquaires d'Irlande.
Les archéologues irlandais protestent contre l'oubli dont les vieux monu-
ments de leur pays sont victimes de la part des pouvoirs publics. Le Président
de la Société des Antiquaires a formulé ces revendications. Les antiquités de
l'Irlande sont plus nombreuses et d'un intérêt aussi général que celles de la
Grande-Bretagne. Et leur destruction, sous l'influence de causes diverses,
s'accomplit tous les jours.
Des commissions officielles ont été nommées en 1908 pour étudier les
moyens de préserver les monuments de l'Angleterre, du pays de Galles et de
l'Ecosse. Et ces commissions ont déjà fourni d'importants résultats. Rien de
pareil n'a été fait en Irlande, malgré d'anciennes démarches de la Société des
Antiquaires et de la Société royale d'Irlande. Il faut espérer que satisfaction
sera bientôt donnée à la demande si raisonnable, et d'intérêt général, que
viennent de présenter de nouveau nos savants confrères irlandais.
M. B.
La mâchoire humaine de Foxhall.
C'est le pendant, en Angleterre, de notre mâchoire de Moulin-Quignon.
Trouvée en 1855 (d'après Reid Moir; Keith dit en 1863) dans une carrière de
sable à Foxhall, près d'Ipswich, Suflblk, elle fut décrite en 1867 par le
Dr Collyer dans YAnthropolo^ical Revièw. D'origine tout à fait douteuse, ce
document a été complètement perdu de vue par les anthropologistes, au
point que la plupart des ouvrages anglais d'anthropologie préhistorique ne le
mentionnent même pas.
Mais depuis on a'découvert les éolithes ou « rostro-carénés » du Crag du
Suffolk. Et les personnes qui croient à l'origine humaine de ces cailloux ne
seraient pas fâchées de posséder quelques restes du squelette de leurs fabri-
cants. On sait le sort final du squelette d'Ipswich, sur lequel Keith et Reid Moir
avaient fondé les plus beaux espoirs. On se rabattrait maintenant volontiers
sur l'humble mâchoire de Foxhall. Or personne ne sait ce qu'elle est devenue.
Il semble que le Dr Collyer ait émigré en Amérique en emportant la man-
dibule.
De là l'annonce que M. Hcid Moir a fait insérer dans Nature du 20 mars
1917 : « On demande des informations au sujet d'une mâchoire humaine
trouvée en 1855 dans une carrière, etc., et qu'on présume avoir été emportée
en Amérique y>.
Souhaitons que l'enquête aboutisse à un résultat positif.
\I. B.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 3<)T
Les pierres-figures en Angleterre.
II. Reid Moir a décrit, dans l'un dos derniers numéros du Man, un morceau
de craie, trouve* dans un parc du Suffolk el qu'il est porté h considérer
comme une figuration do Mammouth.
Ch. \\ . Andrews, le paléontologiste du British Muséum, vient d'écrire au
journal Nature que le morceau de craie en question n'est autre chose qu'une
empreinte imparfaite d'une chambre de la coquille d'une Ammonite. De tels
moulages naturels ne sont pas rares dans la région ; ils sont bien connus des
carriers qui 1rs désignent sous le nom de « pigs » (cochons).
M. Reid Moir ne se tien! pas pour battu ; il espère que le propriétaire de
l'objet voudra bien le présenter à quelque réunion de savants compétents où
il pourra être l'objet d'un nouvel examen. Jusqu'à présent, M. Reid Moir n'a
pas eu beaucoup de chance avec ses curieuses ou sensationnelles découvertes.
Espérons, sans trop y compter, qu'il sera plus heureux cette fois.
M. B.
Stonehenge, propriété nationale.
Le propriétaire de Stonehenge, M. Chubb, de Salisbury, ayant fait don à
la nation britannique du célèbre monument, la prise de possession par le
représentant du gouvernement s'est effectuée le 26 octobre dernier. Une des
pierres horizontales du centre constituait une belle plateforme avec, se déta-
chant à l'arrière-plan, le grand monolithe remis en place par le Professeur
Gowland {Nature du 31 octobre 1918).
M. Chubb a prononcé une allocution pour exprimer les motifs qui ont
inspiré son geste généreux et patriotique : un tel monument ne saurait
rester une propriété particulière. D'autres discours ont été faits par Sir Her-
cules Read, Sir Arthur Evans et par M. Ileward Bell représentant la Société
archéologique du Wiltshire.
Le don de M. Chubb comprend non seulement le monument mais encore
trente acres (environ 12 hectares) du terrain environnant, qui permettront à
l'administration compétente de prendre toutes mesures de protection.
M. B.
Pour l'archéologie égyptienne.
Au nom d'un comité constitué à cet effet, Sir Arthur Evans adresse, dans
le Timps du 4 mars dernier, un pressant appel aux pouvoirs publics des lies
Britanniques en faveur de la création au Caire d'un Institut impérial d'archéo-
logie. Les Anglais sont moins favorisés en Egypte, à ce point de vue, que les
Français ou les Allemands qui possèdent déjà des institutions de ce genre,
ou que Ii îs Américains qui ont beaucoup d'argent à leur disposition.
Jusqu'à présent, l'École britannique d'archéologie et YEgypt Exploration
Fund ont accompli d'admirables travaux, mais la guerre aura eu pour consé-
quence de réduire leurs ressources matérielles. Il faudrait, pour attirer de
jeunes archéologues, qu'un avenir leur soit assuré, ce qui n'a pas lieu
jusqu'à présent.
M. B.
3q2 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE
Les Rennes victimes de la guerre.
,11 paraît qu'à Toronto, certaines personnes ont eu l'idée de se servir
d'avions pour bombarder et tuer par centaines des bandes de Rennes préala-
blement rassemblés dans des parcs à cet effet. La viande aurait été con-
sommée au Canada ou exportée.
Le Times a vigoureusement protesté contre cette idée bai bare, indigne de
véritables chasseurs et il semble que le projet ait été abandonné. C'est fort
heureux pour le Renne, dont l'extermination eût été complète à brève
échéance et dont le sort eût ainsi rappelé celui des Bisons de l'Amérique du
Nord.
M. B.
Errata.
Deux erreurs se sont glissées dans l'article de M. Koumaris. Sur quelques
variations des os des crânes grecs anciens, publié dans le dernier fascicule de
V Anthropologie :
P. 31, lignes 15 et 16 :
Au lieu de : d'une part.... d'autre part, lire : d'un côté,., de deux côtés.
P. 33, avant-dernière ligne et p. 36 :
Remplacer partout : ptérion en I par ptérion en S .
Le Gérant : (). Porbb.
ANOEHS. IMPRIMERIE A. BURm*. — Y. OAL'LTIBK ET A. THÉiEHT, 8UCCESSBUHS,
MEMOIRES ORIGINAUX
FAUCILLE PRÉHISTORIQUE
DE SOLFÉRINO
ÉTUDE COMPARATIVE
PAR
André VAYSON
Description de la faucille.
Circonstances et lieu de la découverte. — L'objet fut trouvé, il y
a plusieurs années, en exploitant une tourbière au pied de la col-
line de Solférino, lieu de la bataille de 1859. Le propriétaire de la
tourbière recueillit la pièce presque intacte mais n'y attacha pas
d'importance et la fît sécher sur sa cheminée. Le bois en séchant
se tordit, se disloqua et les silex tombèrent. Le tout fut jeté dans
un coin de meuble d'où on le sortit pour me le remettre en 1918,
au cours d'une des nombreuses visites que je fis h cette époque
aux stations préhistoriques de la région où mon régiment était
au repos.
Milieu archéologique de la trouvaille. — Le Sud du lac de Garde
est comme encerclé de plusieurs zones de collines morainiques,
témoins de l'avance du glacier qui a creusé la cuvette aujourd'hui
remplie par les eaux du lac. — Après le recul des glaces il se
forma entre les moraines de nombreux petits lacs : leurs bassins
furent ensuite envahis et parfois comblés par la tourbe que l'on
exploite aujourd'hui.
Les trouvailles d'objets préhistoriques montrent que presque
l'anthropologie. — t. xxix. — 1918-1919. 26
•V*
M. A. VATSON.
tous ces petits lacs ont reçu des habitations sur pilotis; non point
de grands villages mais quelques huttes. Bien que la stratigraphie
ne soit guère possible, le fait de trouver réunis dans tous ces en-
droits des objets de mêmes genres autorise à considérer ces objets
comme formant un ensemble homogène et à rapporter les habi-
tations à une même phase.
Fig. 1. — Tourbière de Barche di Solferino.
Hache de cuivre, poignard de bronze, perles en stéatite. Gr. nat.
Cette phase, qui est bien connue dans l'Italie du Nord, est celle
des plus anciennes habitations sur palafittes dans cette région.
Elle se rapporte au début de l'âge des métaux. On y trouve en effet
les éléments caractéristiques de cette période : petites haches
plates et poignards triangulaires en cuivre ; flèches de silex très
parfaitement taillées; parfois des marteaux de pierre perforés.
FAUCILLE PRÉHtSTORIQl K DE SOLFÉAINO.
395
Enfin une poterie bien cuite, recouverte d'une mince couche
d'argile noire et lustrée. On trouve aussi quelquefois des objets de
bronze, petits poignards et faucilles mais de formes primitives,
montrant que l'occupation s'est prolongée pendant la première
partie de l'époque de ce métal.
Le plein âge du bronze, qui ne semble pas apparaître dans ces
petites stations, est au contraire représenté par les restes si beaux
et si nombreux que l'on a trouvés à l'endroit où le Mincio dé-
bouche du lac, à Peschiera. Le développement de cette grande
Fi<;. 2. — Reconstitution de la faucille de Solfûrino (env. : 1/3 gr. nat).
station, dont l'époque correspond à celle des « terramares », et
l'abandon des petits habitats des environs semblent contempo-
rains et sont peut-être corrélatifs.
Quoi qu'il en soit, la tourbière de Barche di Solferino, lieu de la
découverte, et les autres petites stations similaires et voisines
sont à rapporter à la phase du Cuivre début du Bronze (1). Pour
(1) Dans une autre partie de cette même tourbière, on a retrouvé depuis les restes
bien conservés d'habitations snr pilotis. Une lre fouille, que j'ai dirigée en septembre,
a déjà donné des résultats intéressants sur le mode de construction et sur les usten-
siles de bois (découverte de vases de grande taille en bois, d'un canot monoxyle, de
396 M. A. VATSON.
notre tourbière en particulier, il y a un indice spécial. On a trouvé
en profondeur avec des pointes de flèche en silex une hache plate
de cuivre (fig. 1) et dans la zone superficielle un petit poignard de
bronze (fig. 1). Ce qui confirme les dires des ouvriers relativement
à ces trouvailles, c'est la différence de patine : le métal de la
hache est à vif, rongé par l'acide de la tourbe; au contraire, le
poignard venant de la zone superficielle, aérée, a pris une patine
verte carbonatée.
L'objet de bois est donc à peu près contemporain de la hache
de cuivre et des pointes de flèche en silex, et antérieur au petit
poignard que sa forme simple permet de rapporter à la phase
ancienne du bronze.
Description de l'objet. — C'est une pièce de bois (Planche I),
munie d'une rangée de silex sertis dans une rainure avec un
mastic.
Le manche, taillé dans la pièce même, a été brisé et son extré-
mité est perdue.
Le corps de l'objet, légèrement endommagé sur son bord exté-
rieur par un coup de louchet, s'est cassé en deux en se desséchant :
les fibres du bois montrent que les deux parties se raccordent,
mais la dessiccation les a un peu déformées et rapetissées. Toute-
fois la forme d'ensemble est très nette et la denture de silex a per-
mis d'avoir pour la reconstitution (fig. 2) une base rigide, car
toutes les pièces en ont été conservées comme le montrent leurs
empreintes dans le mastic et la façon dont elles s'ajustent entre
elles.
L'objet a été taillé dans une pièce de bois noueuse, choisie de
sorte que les fibres soient dans le sens de la longueur aussi bien
pour le manche que pour la lame. Il a été travaillé avec soin et on
ne voit pas de traces de l'instrument tranchant qui a pu être em-
ployé, probablement parce que l'objet a été fini par un raclage.
Le soin mis à la recherche de la matière première et à son travail
nous autorise à ne pas considérer comme résultat du hasard
même les caractères de détail de la forme.
manches pour haches de métal plates ou à ailerons, etc.). Lorsque les travaux
seront achevés, l'été prochain, il sera rendu compte des résultats d'ensemble.
Je dois remercier à ce propos MM. Rosa et Casnici, propriétaires de la tourbière,
qui me laissent diriger cette fouille faite à leur compte aiusi que M. le professeur
Patroni, surintendant des Beaux-Arts à Pavie, et M. C. Gaudeuzio, inspecteur des
fouilles, qui ont autorisé et même encouragé mes recherches.
FAUCILLE PRÉHISTORIQUE DE SOLFERINO. 897
Or il y en a deux qui attirent l'attention par leur singularité ;
ce sont deux caractères de dissymétrie : une face du corps est à
peu près plane, l'autre assez bombée et le manche s'amorçait avec
une certaine inclinaison par rapport au plan moyen de la lame,
comme dans une faux.
Les silex (PL II), entièrement retouchés ou presque, témoignent
d'un travail précis et intelligemment raisonné; chacun est taillé
pour la place qu'il doit occuper et ajusté à ses voisins ; pour cela
ses petits côtés bien rectilignes ont été façonnés en biseaux qui
recouvrent les biseaux semblables des pièces voisines (fig. 3 A). Ce
travail d'ajustage à lui seul permet de retrouver avec une faible
ambiguïté la position des silex les uns par rapport aux autres;
on constate alors que la suite de leurs tranchants forme une
courbe parfaitement continue et à variation de courbure graduelle
qui a donc été soigneusement étudiée. On voit qu'il y a trois types
de pierres correspondant à l'armement de la pointe, de la partie
centrale et du talon de l'objet (fig. 3 B). L'ensemble de la lame de
silex ne dépassait hors du bois que d'une largeur allant de
0 à 12 millimètres. Les pièces étaient serties dans un mastic brun,
terreux qui devait être composé de terre fine et d'une résine plus
ou moins cuite, avec addition d'un corps gras pour éviter la fragi-
lité (mastic type). Il faut remarquer la minceur des parois de bois
de la rainure (2 à 4 millimètres avant la dessiccation), effilées pour
éviter un ressaut au point d'insertion des silex (fig. 3).
Qu'était l'objet ? — Remarques générales sur la façon de poser la
question et de la résoudre. — Lorsqu'en présence d'un objet préhis-
torique on se pose la question : « Qu'était cet objet? », on cherche
souvent à la résoudre par un seul mot, le nom d'un outil ou d'une
arme moderne. C'est une erreur de procéder ainsi car l'identité de
nom fait supposer une identité d'usage; or les industries rudi-
mentaires se proposaient des buts différents des nôtres et y parve-
naient avec des outils qui ne sont pas assimilables à ceux d'aujour-
d'hui ; ils ne leur sont même guère plus comparables en moyenne
que ne le sont la pierre et le métal. Souvent d'ailleurs un outil
primitif remplissait, mais incomplètement, les fonctions de plu-
sieurs de nos outils actuels et correspondait ainsi pour partie à
chacun d'eux. Quand on cherche à le caractériser avec un nom
moderne on est donc amené à des inexactitudes. Cette remarque
peut sembler superflue et cependant son oubli a été parfois la
cause de discussions oiseuses et regrettables.
398
M. A. V Aï SON.
Prenons par exemple le cas des « couteaux » des « scies » et des
« faucilles ». Actuellement ce sont des instruments nettement
définis. Un couteau est un tranchant simple, coupant par simple
pression. Une scie est une lame mince, armée sur un de ses bords
de dents aussi épaisses ou plus épaisses qu'elle, dont les tranchants
sont dans des plans perpendiculaires à la lame et fonctionnent
comme une série de petits rabots ou de burins placés les uns
derrière les autres. Une faucille est un tranchant courbe destiné à
couper de petites tiges ; parfois ce tranchant est denté ce qui lui
donne un profil analogue à celui de la scie; mais il en diffère
B
Fia. 3. — A. Ajustage en biseau des pièce* de faucilles.
B. Sclu'ma des formes de pièces de pointe, de milieu et de talon.
C. Coupe montrant l'insertion des silex dans le bois.
profondément car ses dents ont leurs tranchants dans le plan de
la lame et sont moins épaisses que celle-ci. Il serait donc inapte à
fonctionner comme scie car, dès que les dents se seraient enfoncées
dans l'objet à scier, leur action serait arrêtée par la lame plus
épaisse se coinçant dans la rainure. Au point de vue mécanique la
distinction est donc claire. Cependant dans l'esprit du public une
confusion peut s'établir entre les deux genres d'outils que l'on a
tendance à comparer à cause de cette analogie d'avoir des dents.
On pourra appeler « scier », le fait de couper avec un tranchant
denté. Ainsi M, Cartailhac me faisait voir un ouvrage toulousain
du xviii6 siècle destiné à corriger les expressions provinciales;
l'auteur y discutait la question de savoir s'il fallait dire « scier ou
FAUCILLE l'Iir.UlsrORIQUE DE SOLFEFINO.
399
couper les bleds ». Il concluait qu'il convenait d'employer l'un ou
l'autre terme selon que la faucille en usage était ou n'était pas
dentée (1).
Fig. 4. — Schéma montrant les caractères d'une lame de couteau, de scie,
de faucille dentée et d'une râpe actuelles avec, en regard, les éléments
comparables dans les industries du silex.
Que trouve-t on dans les outillages de silex d'assimilable au
couteau, à la scie et à la faucille?
(1) En italien les mots fa/ce, faciuola, sega désignent la faux, la faucille, la scie.
Lea verbes correspondants sont falciare et segare. Mais le verbe segare s'emploie
aussi bien pour dire faucher que pour dire scier ce qui indique une certaine assimi-
lation de l'emploi de la faucille et de celui de la scie.
^OO M. A. V AT SON.
Les éclats tranchants tels que les lames néolithiques types sont
analogues à des couteaux (fig. 4 a et à).
Si on encoche pour le denteler le tranchant d'une de ces lames,
il sera comparable à celui de la faucille (fig. 4 c et e').
Mais on ne trouve rien d'assimilable à la scie moderne qui ne
peut être pratiquement réalisée qu'en métal (fig. 4 à). Ce qui se
rapproche le plus au point de vue mécanique du principe de la
scie c'est le burin magdalénien, le « bec de perroquet » qui était
employé pour diviser les os et les cornes en y creusant de longues
rainures. C'est une scie réduite à une seule dent.
Des lames de silex entièrement retouchées, à section ovale ou
demi-ovale sont susceptibles d'agir mécaniquement comme une
râpe (fig. 4 d-d'). Les retouches qu'elles ont subies ont donné de
petites surfaces se recoupant à angles vifs qui fonctionneront
comme les aspérités de la râpe : toutefois c'est la partie voisine
du tranchant qui semble devoir jouer un rôle prépondérant
comme dans la râpe angulaire. Les Esquimaux modernes utilisent
des lames de ce genre (1) pour des usages domestiques où nous
emploierions un couteau ; mais, pour trancher avec une telle lame,
il faut un mouvement de va et vient. Ils se servent donc en guise
de couteau d'un outil qu'ils emploient comme une scie, mais qui,
au point de vue mécanique, est analogue à une râpe. Ils l'appellent
(( ulu )).
On a trouvé dans les palafittes suisses des outils analogues
emmanchés de même façon (fig. 7 b). Comment les appeler? On
ne voit pas de nom d'outil moderne qui convienne; c'est une sorte
de tranchant limeur. De façon générale, ce que l'on doit faire
c'est se rendre compte des usages possibles d'après l'examen de
l'outil lui-même et des usages probables d'après les comparaisons
que fournissent l'archéologie et l'ethnographie; dans ces compa-
raisons il faudra tenir compte de ce que l'on sait déjà sur le genre
de vie et les besoins des populations qui employaient l'outil à
étudier. Quant au mot par lequel on désignera l'objet ce n'est
qu'une question secondaire de commodité de langage et toute
difficulté disparaîtra quand l'on sera d'accord sur le sens parti-
culier à lui attribuer.
Discussion sur l'emploi de l'objet d'après sa forme. — Les carac-
tères que nous avons reconnus, en étudiant la façon dont l'objet a
(1) Voir Colinj, HuUetlin» di Paletnologiû italiana, 1896, p. 228.
FAUCILLE PRÉHISTORIQUE DE SOLFKRINO. 4<DI
été établi, doivent, sinon suffire à préciser son usage, du moins
permettre de délimiter le nombre des usages possibles, en élimi-
nant ceux auxquels l'outil est manifestement impropre.
Arme ou outil, l'objet devait travailler par ses silex : ceux-ci
constituent une lame ne garnissant pas la pointe qui est en bois nu
et fragile. Il s'agissait donc de trancher avec la lame sans que la
pointe ait à s'enfoncer, ce qui exclut toutes les armes du genre
hallebarde.
La fragilité résultant de la petitesse des silex et de la minceur
des parois où ils sont enchâssés indique qu'on ne pouvait employer
l'outil comme instrument de choc. D'ailleurs le manche faisant un
angle aigu avec le tranchant on ne pourrait frapper avec celui-ci
un objet placé devant soi.
Ce n'était pas non plus un couteau pour la même raison de la
position du manche.
Ce n'était pas une scie car les silex ne font saillie que de
0 à 12 millimètres; on ne pourrait donc creuser un trait de
quelque profondeur car le mastic et les parois de bois de l'outil
viendraient frotter la rainure ; la scie ne s'enfoncerait plus mais
se détériorerait elle-même. Et s'il ne s'agissait que d'amorcer un
trait de profondeur infime on n'aurait pas créé un tel instrument.
D'ailleurs la position du manche rabattu vers le tranchant inter-
dirait de manœuvrer l'objet comme une scie. Enfin les dissymé-
tries signalées, l'aplatissement d'une face et la déviation latérale
du manche ne se concevraient pas.
Nous sommes donc obligatoirement ramenés à la première
impression que l'on a en voyant l'objet : c'est une faucille, une
petite faux. Tout s'accorde à le confirmer : forme générale, cour-
bure du tranchant, position du manche, aplatissement d'une face
avec renforcement de l'autre, autant d'analogies caractéristiques
avec la faux typique.
Analogies archéologiques.
Italie. — Dans la région même de la trouvaille on a trouvé dans
la tourbière de la Polada (près de Desenzano) un outil de bois
garni de silex, et un autre semblable ayant perdu ses pierres-
Aï. Munro ayant publié cet outil (1) en le considérant comme une
(1) Munro, Les stations lacustres d'Europe (édition française), p. 228.
402
M. A. V Al SON.
scie, M. Spurrell dans un article sur « Les faucilles primitives » (1)
émit l'idée que c'était une faucille. Munro répliqua dans un article
sur les « scies et faucilles préhistoriques » (2) et maintint son
opinion qui fut admise par Colini (3) et récemment encore par
Peet (4). J'ai pu examiner de près et dessiner cet objet au musée
préhistorique de Rome, grâce à l'extrême obligeance du directeur,
M. le sénateur Pigorini.Lafigure5 me dispense d'une description.
Il diffère de la faucille de Solférino par la position du manche
Fig. 5. — Faucille de lajPolada (d'après Munro et d'après nature), 1/3 gr.
qui, vu de côté, est dans la même direction que le tranchant. A
part cela il présente avec elle une série frappante d'analogies :
mêmes silex, même sertissage, dimensions générales analogues et
surtout même aplatissement d'un côté et même déviation du
manche de l'autre. Aussi les arguments qui nous ont fait conclure
que l'outil de Solférino n'était ni une arme, ni une scie mais une
faucille restent applicables. Les plus concluants sont : la fragilité
du sertissage, la faible saillie des silex (2 centimètres dont 1 1/2
enfoui sous le mastic par endroits) l'aplatissement d'une face et la
(1) Archeoloqical Journal, vol XL1X, p. 53.
(2) Munho, Prekistoric Problems, p. 308.
(3) Rullelino di Paletnolor/ia ilaliana, 1896, p. 223.
(4) Pekt. The Slone and Broîize âges in liai y and Sicily, p. 302.
FAUCILLE PRÉHISTORIQUE DE SOLEÉRIXO.
/4o3
déviation latérale du manche. Même en saisissant, comme on Ta
supposé, l'objet à deux mains, tirer une scie par un manche qui
n'est pas dans le plan de la lame reste presque impossible ou au
moins illogique au premier chef. Or nous savons qu'en matière
d'outillage les solutions de nos aïeux si elles étaient simplistes
étaient toujours logiques.
Fig. 6. — Stations lacustres de la région sud du lac de Garde^(gr, nat.)
Au contraire, un tel instrument se prête fort bien à couper avec
la main droite une touffe d'herbes que l'on tient de la main gauche
et la position de son manche et l'aplatissement de la face
inférieure se comprennent alors. Les trois arguments de Munro
pour contester à cet outil le caractère de faucille sont : 1° le tran-
chant est droit au lieu d'être courbe ; 2° ce tranchant se termine
brusquement à ses deux extrémités au lieu de venir se relier au
manche de bois ; 3° le manche n'est pas dans le plan du corps
4o4
M. A. VAYSON.
mais dévié latéralement. Signalons tout d'abord que la lame de
silex est incomplète : il manque la dernière pierre [du côté du
manche. Ce détail était passé inaperçu et on n'avait figuré l'objet
que vu de côté de façon que cette dégradation ne fût pas appa-
rente. (Cependant, en examinant la photo reproduite dans Pre-
historic Problems, on peut voir que les traces de mastic de la
rainure se prolongent au delà des silex existants). La figure 5
montre en pointillé la forme probable de cette pierre manquante
et la courbe réelle des pierres existantes calquée sur la photo
même reproduite par Munro ; l'ensemble du tranchant devient
analogue à celui de la faucille de Solférino, sortant progressive-
ment du bois à l'extrémité qui doit attaquer la première et restant
en saillie à l'autre extrémité. Donc les deux premiers arguments
tombent. Quant au troisième, nous avons vu qu'il était précisé-
ment contre l'hypothèse de l'emploi comme scie. Toutefois cette
déviation latérale du manche crée une différence avec les faucilles
égyptiennes, dont nous parlerons plus loin. C'est un caractère de
faux et non de faucille; l'explication qui semble la plus plausible
c'est que les outils de Solférino et de la Polada, à manche dévié,
et face inférieure aplatie, étaient faits pour couper ras de terre (1)
de l'herbe probablement car les habitants des palafîttes élevaient
des animaux domestiques qui devaient manger du foin. Pour
moissonner les céréales il n'est pas nécessaire de couper ras,
donc on ne risque pas de se blesser la main au contact du sol et il
n'y a pas lieu de faire aux faucilles un manche parant à ce danger.
Comme autres particularités la faucille de la Polada présente un
trou d'attache à son sommet, ce qui se conçoit facilement et se
rencontre souvent dans les objets lacustres car leurs possesseurs
devaient craindre de les laisser tomber à l'eau. Mais on conçoit
moins la raison d'être de la terminaison en bouton tronconique et
de l'espèce d'épaulement que l'on remarque au dos : y avait-il
quelque chose de fixé en cet endroit?
Le bois du deuxième outil qui a perdu ses silex est identique.
A côté de ces deux objets, et provenant aussi de la Polada, il
y a dans la vitrine du musée de Rome, trois fragments de bois
brisés par la dessiccation. Dans l'un d'eux est enfoncé un silex qui
a été mis en place depuis le séchage. Quand on a vu la faucille de
Solférino on reconnaît dans ces fragments les débris d'objets ana-
(1) Cf. faucille de Stenild (fig. 15) où la main est protégée par un repli du manche.
FAUCILLE PRÉHISTORIQUE DE SOLFERINO. /jo5
logues et l'un d'eux montre nettement la partie la plus courbe de
la rainure à silex. La dislocation des outils de ce type s'explique
parce qu'ils étaient tailles dans des pièces de bois noueuses, sujettes
à se tourmenter tandis que ceux du type de la Polada se sont peu
déformés, taillés qu'ils étaient dans l'aubier à la jonction d'une
jeune branche qui fournissait le manche.
Les comparaisons que nous venons de faire nous ont donc
montre l'usage probable des outils de la Polada et de plus l'ana-
logie des dimensions principales de ceux-ci et de la faucille de
Solférino permet de supposer que cette dernière avait un manche
de longueur comparable aux autres et ainsi de la reconstituer
complètement (fîg. 2).
En dehors de ces outils ayant conservé leurs montures de bois,
on a trouvé en abondance, dans les stations lacustres et les terra-
mares italiennes, des pièces de silex identiquesà celles de la faucille
de Solférino (PI. II). On les a appelées des scies sans expliquer
leurs formes variées ; ces formes correspondent aux différentes
parties de la lame comme on l'a vu plus haut (fîg. 3).
Des pièces analogues à celle-ci (fig. 6) mais de dimensions plus
grandes, surtout comme largeur, et dont les extrémités ne sont pas
taillées pour se juxtaposer à d'autres silex, devaient être emman-
chées seules et sont à comparer aux outils suisses et esquimaux
dont il a été question précédemment.
Ces deux ensembles de silex taillés ont été appelés scies en Italie :
on considère que leurs caractères essentiels sont d'être travaillés
sur les deux faces et d'avoir le tranchant poli par la friction — Ce
dernier caractère se retrouve sur une autre catégorie, qu'on appelle
couteaux-scies et qui sont de petites lames allongées retouchées
sur une seule face et parfois dentelées (1).
Les pièces retouchées sur les deux faces semblent spéciales au
groupe des palafittes et des terramares, les autres sont répandues
dans toute l'Italie et représentent un travail industriel moins
avancé.
Nous venons de voir que les premières étaient parfois des pièces
de faucille, parfois des outils destinés à trancher par friction. Il
en est vraisemblablement de même des autres; en particulier les
silex, qui ont été utilisés sur leurs deux côtés longs et dont les
(1) V. Coliki, op. cit.
Ao6
M. A. VAYSON.
petits côtés sont manifestement inaptes à s'accoler à d'autres, ne
doivent pas être classés comme pièces de faucilles.
Quant au lustre donné au tranchant par la friction, c'est un
caractère qui n'est ni nécessaire, ni suffisant pour déterminer
l'usage d'un silex. Ainsi les dents de la faucille de Solférino n'ont
pas de brillant parce qu'elles ont pris une patine blanche qui l'a
détruit. D'autre part le sciage du bois polit le silex aussi bien que
le fauchage des céréales ou des herbes ; je l'ai expérimenté mais
c'est presqu'évident a priori puis-
que dans les deux cas on a des
frottements analogues sur des
fibres végétales analogues. Donc
le poli sera commun aux dents
de faucilles et à tous les silex
qui auront servi à couper par
friction du bois ou même sans
doute de l'os ou de la corne; mais
il ne sera pas un caractère obli-
gatoire de ces outils car il aura
pu disparaître à la suite du temps
sous des actions physiques ou
chimiques.
Quant au fait pour le tranchant
d'être retouché ou dentelé nous
avons vu que cela ne le rend pas
assimilable à une scie. On devait
préparer ainsi les tranchants des-
tinés à des usages où le fil naturel
du silex éclaté se serait trop vite
émoussé ou bien n'aurait pas
mordu. Le cas de la moisson n'est qu'un cas particulier.
Suisse. — Les stations lacustres de la Suisse sont voisines et
parentes de celles d'Italie. On y a trouvé d'assez nombreux outils
composés d'une pièce de silex sertie dans un manche de bois court
ou long (fig. 7). La faible longueur du tranchant et l'analogie
avec le « ulu » esquimau indiquent que ce devaient être des usten-
siles domestiques et non des faucilles.
Mais on a trouvé dans une station du lac de Bienne, à Fenil, un
outil analogue à celui de la Polada, sauf qu'il est garni de dents
pointues au lieu d'un tranchant continu de silex (fig. 8). On ne
Fig. 7. — a) Mooseedorf ^d'après de
Mortillet, Musée préhistorique).
b) Nussdorf (d'après J. Evans, Les
âges de la pierre).
FAUCILLE PREHISTORIQUE DE SOLFERINO.
407
peut le considérer comme une scie car si on avait voulu l'employer
comme tel, une fois les dents enfoncées, le manche serait venu
frotter à l'entrée de la rainure. Il y a plus ; on n'aurait même pas
pu amorcer le sciage d'un corps dur comme du bois avec de telles
dents car celles-ci sont trop grandes par rapport à leur puissance
tranchante et à leur solidité. Une scie doit avoir les dents d'autant
plus fines qu'elle doit attaquer un corps plus dur : les grandes
dents sont réservées à des instruments dont la puissance est grande
relativement à la dureté du corps attaqué.
C'est donc tout au plus si on pourrait conce-
voir l'outil de Fenil employé à dépecer de
la viande.
Par contre il semble très approprié à cou-
per de menues tiges, chaque dent accrochant
sans risquer de le laisser glisser un petit
faisceau qu'elle est de force à trancher.
L'analogie de forme avec l'outil de la Polada,
analogie qui se retrouve jusque dans l'épau-
lement que nous n'avons pas su expliquer,
vient confirmer cette interprétation. Les
deux cavités latérales, où l'on a voulu voir
l'emplacement des doigts, n'avaient certai-
nement pas un tel usage car si on avait
saisi le dos à pleine main c'est un seul loge-
ment pour le pouce ou quatre logements
ou une rainure pour les doigts qu'il eût
fallu et non pas deux cupules. On peut
donc admettre que l'outil de Fenil était une
faucille.
Les dents triangulaires sont une variante
très intéressante à noter des pièces que
nous avons trouvées en Italie.
Egypte. — Abandonnant la zone lacustre alpestre nous allons
chercher nos éléments de comparaison dans le vieux monde médi-
terranéen. L'Egypte est la partie qui semble la plus riche et la
mieux connue.
De fait les découvertes classiques de M. Pétrie (1) ont révélé
dans des stations de la XII'' et de la XVIIIe dynastie des faucilles
Fig. 8. — Fenil (lac de
Bienne).
(1) V. F. Pktrii:, IUakun, Kahun, and Gurob — Ten years digging in Egypl.
4o8
M. A. VATSON.
de bois armées de silex. La figure 9 montre la forme générale des
montures de bois avec manche rapporté ou taillé dans le bloc.
Les silex sont de petites lames finement dentées, semblables à
certains couteaux-scies italiens (PL IV, fig. 1 a).
De telles lames se rencontrent en grand nombre dans des
Fig 9. — Faucilles égyptiennes.
a) Kahun, XII' dynastie. — b) Kahun, XVII* dynastie.
(d'après Munro, Prehistoric Problems).
stations égyptiennes des premières dynasties mais semblent
manquer dans les stations purement néolithiques (1).
On en trouve dont la dentelure est très prononcée, d'autres où
elle est très fine, d'autres où elle se réduit aux seules irrégularités
provenant des retouches. Certaines ne sont retouchées qu'au
bord et sur une seule face, d'autres le sont entièrement sur les
(1) I)k Morgan, Ethnographie préhistorique et tombeau royal de Negadah, p« 94.
FAUCILLE PRÉHISTORIQUE DE SOLFERINO. £09
deux faces (PI. III). Nous retrouvons donc les mêmes cas qu'en
Italie. De même on reconnaît les trois variétés de pièces de pointe,
de milieu ou de talon (de gauche à droite sur la planche III).
Les caractères distinctifs de ces pièces sont surtout dans la taille
dos extrémités, qui permet de les juxtaposer les unes aux autres et
dans leur largeur relativement faible qui les désignent comme
faisant partie d'une garniture longue et étroite.
On notera l'obliquité très marquée des assemblages, analogues
à ceux d'une voûte. Fréquemment le tranchant a conservé le bril-
lant dû à l'usage.
Enfin il reste parfois des traces du mastic qui fixait les pierres
dans leur rainure.
D'autre part on trouve en Egypte des
silex triangulaires analogues à ceux qui
arment Toutil de Fenil, ce qui fait déjà
penser qu'ils avaient une destination si-
milaire. Cette façon de voir est corroborée
par le fait suivant. Dans une inscrip-
tion peinte de Meïdoum (IIIe dynastie)
un signe figurant une faucille montre une FlG 10 _ Sif?ne égyptien
pièce de bois d'où sortent des dents trian- représentant une faucille^
gulaires (fig. 10). Sans doute on n'a pas Meïdoum , m- dynastie). -
,',,., (D'apivs d(> Morgan : Recher-
attache d importance a ce détail car on chcs sur /es origines de
pouvait penser qu'il y avait là une styli- VEgypte, t, p. 133.)
sation exagérant la dentelure des pièces
rectangulaires connues. Mais le dessin est si précis, montre si
nettement une série de triangles émergeant du bois, qu'après
ce que nous venons de voir on ne peut guère le méconnaître.
Dans les pays voisins de l'Egypte et clans toutes les régions
méditerranéennes, on a signalé les lames denticulées comme celles
des faucilles de Kahun.
Ckaldêe. — J. de Morgan a signalé leur grande abondance; il
pense même que leur usage serait venu de là avec la culture des
céréales (1).
Afrique du Nord. — M. Boule m'a indiqué leur présence dans
diverses stations et je voyais récemment une de ces pièces pro-
venant de Mauritanie dans la collection L. Didon à Périgueux.
Dès 1892, M. Cartailhac, ayant vu à Londres les trouvailles de
(I) Db Mohoan, Les premières civittsalions, p. 211.
l'amhkopologie . — t. xxix. — 1918-1919. 27
4 10 M. A. VATSOlf.
Pétrie, signalait dans une communication à l'Académie des
sciences que des silex comme ceux des faucilles égyptiennes se
rencontraient sur le pourtour Nord de la Méditerranée depuis
l'Espagne jusqu'en Asie.
« De tels silex ont été recueillis en nombre aux environs
d'Alméria, province de Murcie en Espagne par MM. Siret ingé-
nieurs belges. Dans les ruines des bourgades antiques ils étaient
exclusivement dans les maisons des marchands de grains et des
meuniers, demeures faciles à distinguer aux vases remplis d'orge,
de farine et aux meules multipliées. On trouvait là de petits amas
de ces pierres, véritables provisions.
« Thérasia et Santorin, si bien étudiés et décrits par M. Fouqué,
en ont livré de semblables qui gisaient au niveau des villages
préhistoriques engloutis sous le tuf ponceux par une grande
éruption.
« La Grèce entière les possédait aussi. Ils avaient dès 1872
fixé l'attention du regretté A. Dumont et de M. E. Burnouf. Ce
dernier les avait considérés comme ayant servi à former les
dents de cette espèce de herse primitive encore en usage en Orient
et qui consiste en une grande et lourde planche dont la face
hérissée de petites pierres est promenée à la surface des sillons (1)
le « tribulum » et 1' « alonistra » des anciens, le donaki moderne.
Bien que ces silex soient toujours nombreux dans les lieux où il
y avait jadis des aires, Dumont refuse cette hypothèse qui ne rend
pas compte d'une série de détails.
« Schliemann a exhumé quantité de tels silex des ruines les plus
anciennes d'Uissarlik. Il les a décrits et figurés avec soin dans son
beau livre sur Ilios. Il note que les pierres des alonistras sont
plus épaisses, non dentées et ne présentent pas même un bord
tranchant. Pour lui ce sont des scies.
« Enfin les collections de l'Asie occidentale renferment presque
toutes de pareils exemplaires ». Après avoir parlé des trouvailles
de F. Pétrie à Kahun, Cartailhac concluait : « J'ai constaté l'iden-
tité parfaite des silex dentés de l'Egypte avec ceux des gisements
que j 'ai cités plus haut, — Tous ont eu évidemment la même des-
tination. — Ce sont les restes des faucilles. Leurs divers carac-
tères s'expliquent dès lors et ils ne s'expliquent pas autrement »
(1) Ou sur les gerbes pour dépiquer le blé.
I'U < HT,E PRÉHISTORIQUE DE SOLFERINO,
4M
Mais cette note, très brève, ne semble pas avoir été suffisam-
ment connue et comprise.
Depuis on a trouvé en Espagne k rAcébuchal dans la province
deSéville des silex dm t (;s qui armaient probal)Ienrent des faucilles
analogues aux exemplaires égyptiens. M. Ossorio a eu l'extrême
amabilité de me faire parvenir par l'intermédiaire de mon ami
Pierre Leseur deux photographies ((ig. 11) d'une telle faucille
Fig. 11. — Reconstitution d'une faucille de l'âge du cuivre en Espagne.
(D'après des pliotog. communiquées par MM. Ossorio et P. Leseur.)
reconstituée et je leur en exprime tous mes remerciements, ainsi
qu'à M. G. Bonsor qui a bien voulu nous faire savoir que ces
éléments de faucilles onfété trouvés surtout dans le voisinage de
fonds de cabanes de l'âge du Cuivre et doivent remonter à cette
époque (1) et apporter la correction indiquée par ce nouveau ren-
seignement. Les pièces de silex sont analogues à celles d'Egypte
et semblent avoir comme particularités, leur petite dimension,
leur dentelure très forte (il y a des pièces qui n'ont que deux dents)
et le peu de soin mis à façonner les petits côtés contrairement à
ce que nous avons constaté en Italie et en Egypte.
Au début du deuxième tome resté inachevé de Antigitrdadfi&
prehistoricas de Andalucia que me communique M. Cartailhac, de
Gongora donne la reproduction d'un « couteau de bois » avec
silex sertis dans une rainure, trouvé dans la Cueva de los Mur-
cielagos. Le dessin a été fait d'après les indications et sous les
(î) V. Bonsor : Les colonies agricoles pré-romaines de la vallée du Bétis. Revue
archéologique, 1899, II, p. 3S1.
4l2
M. A. VATSON.
yeux du Sr xManzuco qui avait assisté à la découverte (fig. 12).
Ce qui est intéressant à constater c'est que cet outil faiblement
coudé, garni de pièces triangulaires mais jointives, est une forme
intermédiaire entre l'instrument de Solférino et celui de Fenil.
Ses dents sont semblables à celles de la faucille figurée à Meï-
doum.
Il y aurait donc en Espagne les deux types de pièces de faucilles
que nous avons déjà notés. Dans l'un les
silex sont rectangulaires, sauf ceux des ex-
trémités et munis de dents plus ou moins
grosses; dans l'autre ils sont triangulaires.
11 faut remarquer que ce cas n'est que la
limite du premier quand la grosseur de la
dentelure augmente jusqu'à ce qu'une pièce
ne porte plus qu'une dent.
Franc*. — On n'y trouve pas que je sache
de silex de faucilles semblables aux types
de Kahun ou de Solférino. Il y a bien dans
des milieux néolithiques de petites lames
denticulées à bord brillant ex. : (PI. IV,
fig. 1 b) mais ces pièces restent douteuses,
ne présentant pas le caractère essentiel d'ac-
commodation des petits côtés pour l'ajus-
tage. Au surplus certaines au lieu d être
planes sont cintrées, d'autres ne sont denti-
culées que sur une fraction de leur longueur,
particularités qui excluent l'emploi comme
silex de faucilles. D'ailleurs ces lames sont
fort rares.
Par contre ce qu'on trouve en abondance (en particulier dans
les stations provençales de l'âge de pierre le plus récent) ce sont
des pièces triangulaires qu'on s'explique mal car si certaines,
pointues et isocèles, peuvent s'interpréter comme pointes de
flèches, d'autres, dont l'extrémité est peu aigûe ou qui sont com-
plètement dissymétriques, ne peuventse comprendreainsi (PL IV,
fig. 1 c). L'outil de Fénil celui de los Murcielagos et le dessin de
Meïdoum nous indiquent la destination probable de certaines de
ces pièces (1).
(1) Il y a en oatre, parmi ces silex, des instruments variés ainsi que je me propose
de le faire voir prochainement.
I- [G. 12. — Cueva de los
M ii ni cl;i
(d'après de Gongora).
l \l « Il l ! PRÉHISTORIQUE DE SOLFKKINO.
4i3
Europe centrale. — On a signalé près de Cracovie une pièce qui
semble identique à celles des faucilles italiennes (fig. 13").
Grande-Bretagne. — Il y a des silex ayant tous les caractères
sentîels de ceux qui garnissent la faucille de Solférino et qui par
conséquent doivent avoir eu le même usage (fig. 13 b). Par contre
d'autres (flg. 13 c), de petits couteaux avec les deux côtés denti-
culés et les bouts non préparés pour l'ajustage, étaient sans doute
des instruments pour trancher différentes choses qu'un tranchant
simple aurait moins bien attaqué.
Fig 13. — a) Pièce «le faucille. Pologne 'd'aprrs J. Zawinsky. Posz. Arch. 1871).
6, et c) Ecosse (d'après Munro, Prehistoric Prohlems) (gr. nat.).
Kn outre, j'ai vu, provenant du comté d'York, des pièces triangu-
laires semblables à celles dont il a été question plus haut.
Enfin, J. Evans (1 ), décrivant de grandes lames de silex courbes
trouvées en différents lieux d'Angleterre, arrivait à conclure que
très probablement c'étaient des faucilles car elles étaient de forme
analogue aux faucilles de bronze sauf pour le manche. En effet
cei laines d'entre elles au moins ne devaient pas être emmanchées
ain^i que l'atteste le talcn de cortex laissé du côté extérieur sur
l'exemplaire figuré (fig. 14 o)t
Pays Scandinaves. — On n'y trouve pas (ou à peu près pas), je
(1) Les rhjes de la pierre, p. 351.
4i4
M. A. VAYSOX.
crois, de pièces rectangulaires ou triangulaires pouvant s'inter-
préter comme ayant armé des faucilles.
On n'a guère signalé, comme instrument de ce genre, que
l'outil trouvé à Stenild près Hobro, Jutland (fig. 15). Cependant il
est difficile d'admettre que ces régions, où les instruments de silex
sont si nombreux et si parfaits, n'aient pas connu de faucille meil-
leure qu'un simple éclat fiché droit dans un manche.
De fait on y trouve en quantité de belles lames entièrement
retouchées, au bord rendu souvent luisant par la friction, et qu'on
désigne sous le nom de scies (PI. IV, fig. 2). M. Spurrell avait déjà
Fig. 14. — a) Yarmouth (d'après J Evans). Fig. 15. — Stenild près Hobro (Jutland)
b) Mondsee (d'après Munro). (d'après J. Déchelette, Manuel...).
supposé que c'étaient des faucilles, ce à quoi M. Munro répondait
qu'il ne voyait pas d'objection à cette hypothèse si ce n'est
l'absence de preuve directe.
Or il y a sinon de véritables preuves directes, au moins de
grandes présomptions en sa faveur. D'abord la variété de formes
de ces lames fait présumer une certaine variété dans leurs usages,
quoique toutes aient dû servir à trancher par un de leurs côtés
longs. Pour celles dont le côté tranchant est convexe ou recti-
ligne la spécialisation n'apparaît pas bien : elles pouvaient servir
en particulier à entailler du bois par friction c'est-à-dire, si l'on
KUCllil PRÉHISTORIQUE DE SOLFERINO.
'l « 5
veut parler ainsi, à le scier. Mais certaines ont un tranchant
concave (lui serait contre indiqué pour scier du bois, même une
pièce ronde comme une branche, car il y a intérêt surtout avec une
scie médiocre à attaquer l'objet sur une ligne aussi réduite que
possible et de plus la courbure aurait bloqué le mouvement
normal de va et vient, car l'objet s'emmanchait par une extré-
mité, comme l'atteste souvent la difïérence de taille du silex pour
la partie devant servir de soie (PI. IV, fig. 2, extrémité de droite). Au
contraire la forme cintrée est logique pour une faucille qui doit
rassembler et contenir les tiges à couper. Enfin cette forme est
identique à celle des plus anciennes faucilles de bronze en Europe
(fig. 16 h). Ce n'es! donc là qu'un nouvel exemple de l'identité de
Fig. 16. — Faucilles de bronze à bouton (d'après de Mortillet : Musée préhistorique).
Courbures variées. Région du Jura et dos AIpos françaises.
formes d'objets Scandinaves en silex et d'objets d'Europe centrale
ou méridionale en bronze, identité qui a été remarquée déjà dans
bien des cas. Il est même à noter que s'il y a une parenté visible
des faucilles de bronze avec les faucilles de pierre, elle est bien
plutôt avec les croissants Scandinaves et les pièces analogues
d'Angleterre ou des Alpes (fig. 14 />) qu'avec les faucilles de bois
garnies de menus silex
Enfin comme nous l'avons déjà dit si ce n'étaient pas là les
faucilles nordiques de la fin de l'âge de pierre, nous serions
réduits à constater leur absence, qui serait très anormale.
Résumé et Conclusions.
La petite étude précédente, par les comparaisons qu'elle a
amenées, conduit à la fois à des conclusions de détail sur les
4l6 M. A. VAYSON.
objets mis en question et à des remarques d'ordre plus général
relativement à l'ethnologie et à la méthode archéologique elle-
même.
a) Relativement aux faucilles de silex, nous sommes arrivés
d'abord à constater que les habitants des palafittes italiennes,
pendant ta période de transition entre l'âge de la pierre et celui
du bronze, se servaient de faucilles de bois dont le tranchant était
formé de petites pièces de silex. Nous avons trouvé deux variétés
de ces faucilles, l'une à profil courbe, l'autre à profil droit. Enfin
l'étude des caractères essentiels des silex armant ces faucilles
nous a permis d'identifier des pièces semblables provenant
d'autres palafittes et terramares plus récentes.
On doit en conclure que la faucille en bois à denture de silex a
été en usage dans le groupe palafittes-terramares depuis l'âge du
cuivre jusqu'à l'époque correspondant au Mycénien, c'est-à-dire
de la fin du troisième millénaire à la fin du deuxième.
En cherchant des éléments de comparaison, nous avons reconnu,
dans des milieux archéologiques de même époque en Suisse, en
Espagne et* en Egypte, des objets analogues, se présentant comme
de simples variétés des types trouvés en Italie. Une variété parti-
culièrement intéressante nous a montré l'emploi de silex triangu-
laires.
Avant étudié les'caractères des pierres qui arment les diverses
faucilles, nous avons retrouvé des silex semblables dans toute la
grande zone des pays méditerranéens et jusqu'en Europe Centrale
et en Angleterre.
En outre nous avons été amenés à reconnaître dans certaines
régions, essentiellement dans les pays nordiques mais aussi en
Angleterre et en Europe Centrale, l'emploi de faucilles d'une seule
pièce de silex analogues par la forme et la dimension aux faucilles
primitives de bronze.
En ne considérant que les pierres de l'armature, ce qui a un
intérêt particulier puisque ce sont les seules parties généralement
conservées, on trouve donc trois variétés bien distinctes ; mais elles
ne sont pas confinées chacune dans une zone, car parfois on en
rencontre plusieurs dans le même pays. Bien qu'appartenant
toutes à la fin de l'âge où l'on employait encore des outils et
armes de pierre, il se peut qu'elles ne soient pas exactement
contemporaines. Il faudrait donc déterminer l'ordre de leur appa-
FAUCILLE iMtKlIIsroKloiJK DE SOLFÉMNO.
417
rition et les lieux où elle s'est effectuée. Seules des études de
détail approfondies pourront y parvenir.
A priori les simples lames denticulées et les pièces triangulaires
semblent plus archaïques que les silex rectangulaires entièrement
retouchés et les grandes lames cintrées d'une seule pièce évoquent
un travail attardé et perfectionné de la pierre; mais cela reste à
vériGer et à préciser.
Enfin, en dehors de ces variétés, pour l'emploi desquelles nous
avons eu des éléments de preuve directe, il y en a probahlement
d'autres qui nous échappent. Bien des outils et fort simples ont
pu servir à couper les herbes et les premières plantes cultivées. La
lame brute de Stenild montée en faucille en est un exemple. La
difïérenciation entre le couteau et la faucille n'a pas dû être tou-
Fig. 17. — Brâcke. Dalslund Suède)
(d'après de Mortillet : Musée préhistorique).
jours très nette à l'origine et l'on peut voir encore à l'époque du
bronze des lames de faucilles à bouton qui sont à peu près iden-
tiques aux lames des couteaux de la même époque (ex. fîg. 16 a).
Puisque îa nécessité des comparaisons nous amène à jeter un
coup d'œil sur les outils de métal, remarquons en passant comme
Ta déjà fait Spurrell (1), l'abondance relative des faucilles et
l'extrême rareté des scies à l'âge du Bronze. Or celui-ci n'est que le
prolongement de la période néolithique avec substitution progres-
sive du métal à la pierre pour la fabrication de l'outillage qui à
cela près évolue peu. Ce que nous venons de constater, l'abon-
dance des faucilles de silex et l'inexistence de véritables scies en
pierre, cadre tout à fait avec cette règle générale. L'interprétation
ancienne est au contraire en contradiction avec celle-ci lorsqu'elle
pense trouver dans l'outillage en silex des quantités de scies et
peu ou point de faucilles.
Ajoutons, d'ailleurs, que parmi les scies de bronze que Ton a
(1) V. Ml-nho, loc. cit., p. 319-320.
4l8 M. A. V AT SON.
signalées il y en a qui certainement ne sont pas des scies et pro-
bablement sont des faucilles : telles ces lames arquées de Scandi-
navie (fig. 17), dont la seclion est renflée en son milieu ce qui
empêcherait l'outil de pénétrer si on voulait l'utiliser pour scier.
Ces lames devaient être enchâssées dans la rainure de faucilles
en bois du type de Kahun ou de Solférino. Les tenons qu'elles
portent au dos et le renflement de leur partie médiane assuraient
leur fixité.
En terminantcette revue des faucilles primitives, il n'estpas sans
intérêt de signaler une hypothèse qui a été faite sur l'origine du
type à silex sertis et à profil de faux, tels que les exemplaires égyp-
tiens et celui de Solférino. L'analogie avec une mâchoire d'animal
(un maxillaire inférieur de mouton ou de bœuf par exemple) est
assez frappante aussi bien par la silhouette générale que par le ser-
tissage des pièces de silex analogue à celui des dents. De plus Mas-
pero a fait remarquer que dans l'écriture égyptienne les mots signi-
fiant mâchoire désignaient une paire de faucilles (1) (V. fig. 10).
Ceci a fait penser que la mâchoire d'animal était l'ancêtre de la
faucille. L'idée est intéressante, mais aucune trouvaille archéolo-
gique ne la confirme On n'a pas découvert dans les mêmes strates
que les faucilles à silex ou dans des strates antérieurs de mâchoires
paraissant avoir été accommodées et utilisées pour un tel emploi.
Cela peut se trouver. Toutefois il faut noter qu'en archéologie
préhistorique et même en ethnographie les exemples de mâchoires
d'animaux ayant servi d'outils de quelque façon que ce soit sont
très rares.
D'ailleurs, les dents naturelles n'ont pas un tranchant assez vif
pour couper par simple pression ou friction et elles sont trop
('paisses. Ce qui reste le plus probable c'est que la mâchoire
d'animal bien que n'ayant pas été employée par l'homme comme
faucille lui a suggéré l'idée de la fabrication de celle-ci ou plutôt
d'une simple comparaison ultérieure.
C'est ainsi qu'actuellement nous disons un « pied » pour dési-
gner un support, un « bec », une « dent », une « mâchoire », etc.,
en termes d'outillage pour désigner certaines pièces. Il n'y a
cependant là qu'une comparaison et non le souvenir d'une origine.
b) Au point de eue ethnologique , il est intéressant de constater à
(1) DéGHElbttBj Age du Bronze, p. 267.
FAUCILLE PRÉHISTORIQUE DE SOLFÉRINO. 'l I()
travers tout l'ancien monde la présence d'outils si analogues entre
eux qu'on ne peut guère les expliquer que par la diffusion d'une
même idée chez tous les peuples de cette vaste zone. Des exemples
comme celui des faucilles que nous venons d'étudier sont déjà
précis et probants et il semble que plus nos connaissances pro-
gressent plus les relations anciennes des peuples méditerranéens
apparaissent étroites.
Cependant de grandes précautions s'imposent avant de conclure
à des relations entre peuples sur une simple analogie d'outillage.
Les mêmes besoins font naître les mêmes idées, amènent les
mêmes découvertes chez des peuples qui s'ignorent. Cela est
d'autant plus vrai que l'outillage est plus rudimentaire et qu'on
se contente de le considérer dans ses grandes lignes. Celles-ci en
etïet ne sont que l'expression du déterminisme qui conduit partiel-
lement l'industrie humaine. Si l'on s'en tient à elles, ce que l'on
est souvent tenté de faire sous couleur d idées générales ou par
difficulté d'études plus précises, on doit abandonner tout espoir
de faire la preuve d'une filiation. Pour montrer que deux indus-
tries sont parentes il ne suffit pas de prouver qu'elles sont les
mêmes dans la grande ligne ; il faut au contraire montrer qu'elles
ont en commun une série de particularités que le déterminisme
industriel ou le hasard n'ont pu faire naître deux fois. Il en est des
industries humaines comme des races ou des individus humains :
si l'on veut les comparer, les différencier, les grouper, il faut les
étudier dans leurs menus détails, arriver à distinguer ce qui fait
la physionomie propre de chacun. L'étude des caractères généraux
d'une industrie en vue d'en dégager les grandes lignes et les prin-
cipes correspondant à la physiologie, à l'anatomie, dont le but est
différent.
c) Au point de vue méthode archéologique, nous ne serons donc
autorisés à grouper et à considérer comme « frères » que des
objets présentant l'identité de tous leurs caractères intentionnels
même de détail.
Or, pour être certain qu'un caractère de détail est intentionnel et
systématique, il faudra le reconnaître sur de nombreux exemples.
C'est là une différence fondamentale avec la paléontologie où
quelques bons échantillons peuvent suffire à étudier un fossile. En
archéologie, il faut des séries nombreuses pour éliminer ce facteur
de liberté humaine qui s'introduit avec la fantaisie individuelle du
^20 M. A. YA1S0X.
fabricant. Dans le cas particulier qui nous occupe on trouve cette
identité de détails caractérisant les silex frères, sur de nombreuses
séries de pièces provenant des palafittes et des terramares. Même
identité entre eux pour les silex des groupes égyptiens.
Des études plus précises restent à faire dans les autres pays où
les découvertes ne forment qu'une trame un peu lâche pour établir
la preuve véritable de ce que nous avons signalé comme probable.
C'est seulement lorsque les groupes de « frères » seront bien cons-
titués que l'on pourra établir avec certitude par une chaîne géo-
graphiquement continue les relations de cousinage pressenties dès
maintenant.
Cela est à faire non-seulement pour les faucilles mais pour
toutes les parties de l'outillage qui ont été incomplètement
étudiées.
La trouvaille de Solférino peut encore servir à montrer quels
risques d'erreur on court en jugeant de la simplicité d'un outil-
lage d'après celle de ses pièces lithiques. Celles-ci peuvent être
très simples mais avoir fait partie d'ensembles très compliqués et
très parfaits. En voulant considérer chaque pierre prise isolément
comme un outil on se trompe de la même façon que si on voulait
considérer des os isolés comme étant chacun le squelette complet
d'un animal rudimentaire.
Enfin l'examen des pièces de faucilles nous fait voir un des
dangers de la typologie. Les trouvailles des palafittes italiennes et
suisses ont montré en place dans leurs manches des pièces de
faucilles et de silex utilisés isolément pour trancher par friction.
Les uns et les autres diffèrent par la dimension et par un carac-
tère de détail des extrémités mais plus ou moins net On trouve
sans leur manche des pièces identiques comme forme et dimen-
sions à celles que 1 on a vues emmanchées : on est en droit de les
leur assimiler. Mais la difficulté surgit quand on trouve des pièces
intermédiaires : or il en existe tant que l'on peut constituer des
séries typologiquement continues allant depuis les pièces de fau-
cilles jusqu'aux grosoes pièces à tranchant limeur.
On a donc une série continue de types mais constituée par au
moins deux ensembles dilïérents puisqu'il y avait au moins deux
fonctions distinctes. Ce n'est d'ailleurs là qu'un exemple d'un fait
plus général. Sans sortir d'Italie et sans sortir du Chalcolithique
nous trouvons un autre cas semblable dans la série allant des
pointes de flèches pédonculées aux poignards de silex en passant
FAUCILLE PREHISTORIQUE DE SOLFERINO. ^21
par les pointes de javelot : les formes sont identiques et toutes les
dimensions existent (Mitre les extrêmes. La série allant des plus
petits poignards de cuivre jusqu'aux hallebardes triangulaires est
un autre exemple. Un autre encore est fourni par la série des
noyaux de terre cuite dont certains tout petits sont des grains de
collier, d'autres des fusaïoles et d'autres pesant plusieurs livres
sont des poids de destination mal connue. On pourrait citer encore
le passage entre les petites perles de collier en pierre perforée
(lig. 1) et les casse-têtes ovoïdes typiques.
Faut-il donc renoncer à faire une distinction puisque toute cou-
pure semble arbitraire? Non : mais on doit se contenter de classer
les termes extrêmes dont on est sûr et avouer son ignorance pour
tous ies intermédiaires. Il faut faire la part du doute plutôt que de
lui laisser tout dévorer. D'ailleurs, si ce faisant, nous ne laissons
échapper aucune classe d'objets tout entière mais seulement des
échantillons particuliers cela n'a pas grande importance. Cepen-
dant on court le risque que toute une catégorie d'objets reste
inconnue, si elle est constituée précisément par les pièces à carac-
tères intermédiaires comme les javelots dans le cas de la série
flèches-poignards.
Peut-être en est-il ainsi pour les pièces indécises analogues aux
silex des faucilles.
Notre petite étude conduit donc une fois de plus à constater que
lorsqu'une lueur de vérité est projetée sur une question elle sert
surtout à nous en montrer la complexité et à éclairer les motifs
de doute et les risques d'erreur qui 1 environnent.
En terminant je tiens à remercier sincèrement ceux qui m'ont
aidé dans mes recherches et mon travail et dont je n'ai pas encore
parlé. Cefut d'abord M. Vigano le grand industriel milanais dont
j ai été l'hôte à Ponti sul Mincio et qui ma mis sur la voie des
recherches. Ce fut ensuite le savant professeur qui dirige le musée
préhistorique de Rome, M. le sénateur Pigorini, qui m'accorda le
meilleur accueil et toutes les facilités possibles dans son beau
musée. Enfin je dois une reconnaissance si particulière et si
grande que je ne saurais bien l'exprimer aux deux hommes émi-
nents que sont MM. Boule et Cartailhac, qui m ont accueilli à cœur
ouvert et ont mis à ma disposition leur temps précieux et leur
grand savoir pour faciliter mon étude.
l\22 M. A. VAYSOtf.
Il me tient aussi à cœur comme un devoir de remercier à l'oc-
casion de cette première petite publication le Maître auquel je dois
tant, M. Termier, dont l'enseignement à l'École des Mines a exercé
une influence décisive sur mon esprit, lorsqu'il a su nous montrer
à la fois les détails de la constitution du globe, et la majesté et la
poésie grandioses de ses traits.
CONTRIBUTION
A L'ÉTUDE DES CELTES
PAIi
Maurice PIROUTET
[Suite) fl).
CHAPITRE III
SUBDIVISION DU MONDE HALLSTATTIEN DANS SA PARTIE
OCCIDENTALE
A QUEL GROUPE REVIENT EN PROPRE LE NOM DE CELTES?
Parmi toutes ces populations que nous voyons ainsi désignées
sous le nom de Celtes à la fin du vie siècle, nous allons maintenant
essayer de déterminer à quelles peuplades cette appellation paraît
s'être appliquée plus particulièrement à l'origine et avoir tout
d'abord appartenu en propre.
Dans tout cet ensemble de populations qui, à la fin de la période
récente de Hallstatt, constitue ce qu'on pourrait appelerla natio-
nalité celtique, il existe, pendant cette phase, deux grands
groupements séparés par une ligne frontière que l'on peut, grosso
modo, indiquer comme constituée par la vallée de la Saône et les
Vosges. Il faut noter comme différences très nettes, à l'Ouest de
cette limite commune, l'extrême rareté des plaques de ceinture (2),
des pendeloques en bronze portées sur le torse qui paraissent
(i) V. L'Anthropologie, XXIX, p. 213.
(2) Le nombre des plaques de ceinture reconnues dans toute cette zone occidentale
ne paraît pas, jusqu'ici, dépasser la dizaine, si même toutefois il atteint ce chiffre,
tandis que j'en compte une cinquantaine dans le Jura salinois seul. A ma connais-
sance, il en a été reconnu 25 dans le seul quart S. -0. d'un cercle de 10 kilomètres de
rayon et ayant Salins comme centre; dans le Doubs, le seul canton d'Amancey,
limitrophe de celui de Salins, permet d'en relever à peu près le même chiffre.
l'anthropologib. — t. xxix. — 1918-1919.
/j2^ MAURICE PIROUTET.
même faire défaut, des épingles à cou de cygne, l'absence totale
du brassard en bronze mince, celle de la fibule serpentiforme et
des fibules typiques du début du Hallstattien récent, et enfin l'usage,
prolongé pendant cette dernière phase, de la grande épée de fer
hallstattienne à soie plate. De ce côté, dans la Côte-d'Or notamment,
les mobiliers funéraires se classant nettement et exclusivement à
la période récente de Hallstatt, antérieurement à la partie tout à
fait terminale de cette phase, sont excessivement rares; les
bracelets et torques creux, les très nombreux bracelets filiformes,
ainsi que les fibules paraissent bien plutôt appartenir tout à fait à
la fin du Hallstattien et aux tout premiers temps du Latène I.
La persistance de la grande épée de fer pistiliforme à soie plate
dans la partie tout à fait occidentale des contrées hallstattiennes
est attestée d'unemanière très nette parplusieursfaits. Tout d'abord
cette épée, dans le tumulus d'Apremont (Haute-Saône) situé tout
au voisinage de la Saône même, était associée à des types du
Hallstattien récent, tels par exemple les restes d'un char à boîtes
de moveux et enveloppes de rais en fer semblables aux débris
analogues de Sainte Colombe, un poignard certainement à
antennes (1), et du reste considéré comme tel par J. Déchelette,
Manuel d'Arch., t. II, p. 737, note 4), une coupe en or que la
présence de caractères d'écriture, paraissant se rattacher à ceux
des alphabets nord italiques et alpestres, ne permet guère de faire
remonter plus haut que le vie siècle, et enfin, un rasoir en fer,
qui, tout en dérivant des modèles hallstattiens, appartient à un
type spécial aux débuts du Marnien (et se retrouve notamment à
Heiltz TEvêque, Ciry-Salsogne, Saint-Etienne, au Temple, etc). —
Une autre grande épée hallstattienne en fer, celle de Créancey, a été
recueillie (Dict. arch. de la Gaule ; deux épées ont été découvertes
alors dans les tumulus de Créancey, celle trouvée avec le rasoir
et par suite dans la cella est bien celle du type de Hallstatt; voir
H. Corot, Nomenclature des épées du type de Hallstatt, des rasoirs
de bronze et de fer et des perles trouvées dans les tumulus de la
Côte-d'Or; Semur 1897), avec un rasoir en bronze, dans une cella
de 2m,03 de long sur lm,o0 de large, renfermant plusieurs corps
(1) Avec ce poignard en fer, à poignée et fourreau de bronze avec la boutcrolle
sphéroidalc caractéristique, le musée de Besançon a acquis quelques débris de char
de même provenance. La chambre, en madriers, renfermant la sépulture et mise au
jour par Perron qui attendait, pour l'ouvrir, l'arrivée de savants rapidement préve
nus par lui, avait été violée clandestinement dans l'intervalle.
iNTRIBUflON V L'ETUDE DÈS CELTES. 4a5
accompagnés d'un mobilier très nettement du Hallstatticn récent
Mitre autres 8 bracelets très reconnaissables pour des anneaux de
jambe très proches de ceux de certains tumulus franc-comtois).
Tous les corps ayant été ensevelis dans \a. même ce Ma, il en ressort
évidemment que, si Ton n'a pas affaire à des ensevelissements
simultanés, on se trouve en présence d'un caveau de famille et
que les sépultures qu'il renfermait ne peuvent remonter à des
dates bien éloignées les unes des autres; il est infiniment probable
que la tombelle n'atteignit sa taille définitive que lorsqu'il ne
demeura plus de place, dans le loculus, pour recevoir un nouveau
cadavre. Enfin je citerai encore un troisième cas, celui du tumulus
des Fourches, à Magny-Lambert, exploré par le Dr R. Brulard
[Les tumulus de Magny-Lambert, Dijon, 1909). Cette tombelle,
avec une grande épée hallstattienne en fer et un rasoir en bronze,
(A), a livré un bracelet et deux bagues dont Tune appartient au
type à chaton spiraliforme inconnu, jusqu'ici, au premier âge
du fer mais assez fréquent au Latène surtout, suivant J. Déche-
lette au Latène II. Ici, il parait bien évident que l'exemplaire
recueilli doit être attribué à une date un peu plus élevée que celle
de cette dernière phase ; l'on ne peut toutefois la faire remonter
bien haut dans leilallstattien, en admettant même que l'on puisse
la reculer jusque là. L'autre bague semble bien présager les bagues
et bracelets en méandre du Latène I. Tout, dans ce dernier cas,
nous ramène soit à la fin du Hallstattien soit tout au début de
l'époque marnienne. — En outre, on observe que certaines des
grandes épées hallstattiennes en fer de Meurthe-et-Moselle et de la
Marne (partie occidentale du département) sontployées, de même
que celle, très tardive, d'Apremont. Or ce rite du ploiement de
l'épée, exceptionnel au Hallstattien, est au contraire fréquent au
Latène, d'où il semble assez logique de conclure que les épées
hallstattiennes ployées doivent appartenir à une date bien
rapprochée du début du Latène, ce qui est confirmé pour celle
d'Apremont.
Il faut enfin remarquer que le département de la Côte-d'Or, dont
les sépultures ont donné jusqu'à présent 26 grandes épées
hallstattiennes en fer, à soie plate, et 17 épées de Latène (J. Déche-
lette, Manuel d'Arc/t., t. II, p. 1121), n'a encore livré que seulement
deux épées à antennes (1) et aucune épée hallstattienne en bronze»
(1) A ce propos, il est bon de faire observer que les deux épées à antennes de la
Côte-d'Or proviennent de tombclles édifiées par des peuplades qui se montrent forte
l'anthropologie. — r. xxix. — 18 18-191'J. 28
£26 MAURICE PIROUTET.
De môme la Meurthe-et-Moselle, à côté de ses 11 grandes épées
hallstattiennesen fer, à soie plate, n'en a encore livré aucune en
bronze et aucune à antennes. Il serait bien surprenant, si toutes
ces armes appartenaient sans exception à la première phase du
Hallstattien, que le modèle en bronze ne fut pas représenté dans
les tumulus delà môme région, car le remplacement de l'épée de
bronze par celle de fer n'a pas dû s'opérer si radicalement ni si
brusquement que cela. Au contraire, l'Ain ^2 épées de bronze et
une de fer), et le Jura (9 épées de bronze et au moins 6 en fer) ont
donné, dans une même région, simultanément les épées hallstat-
tiennes à soie plate en fer et en bronze; on est donc ici bien en
droit de considérer les épées à soie plate en fer de ces deux derniers
départements comme se classant à un stade de la culture hallstat-
tienne plus ancien que celles de la Côte d'Or et de Meurthe-et
Moselle; enfin la civilisation typique du Hallstattien récent étant
fort bien représentée (et même fort abondamment dans le premier)
dans le Jura et l'Ain, il n'est pas possible d'admettre qu'on se
trouve là en présence de peuplades retardataires.
Maintenant, examinons rapidement la répartition, en France,
des épées hallstattiennes à soie plate en fer et de celles en bronze
(ici je prends les chiffres donnés par J. Déchelette, mais en les
rectifiant pour le Jura et le Doubs). — La répartition des épées de
bronze permet de constater l'existence des provinces ou groupes
suivants :
1° Jura (9 épées, toutes découvertes sous tumulus dans la
vallée de l'Ain (B), Ain (3), Doubs (1).
2° Drôme (5), Vaucluse (3), Var (2).
3° Lot (5), Lozère (1), Gard (1).
4° Indre (4 dont 3 pour Saint-Aoutrille), Cher (3), Nièvre (1).
5° Seine (3), Seine et Oise (1), Seine-Inférieure (1).
6°Saône-et-Loire (2), Rhône (1).
tfleiri pénétrées d'influences étrangères. A Créanccy notamment, la présence de deux
plaquas de ceinture démontre que là vivait un petit groupe local où le port de la
plaque de ceinture métallique était fréquent, comme dans le Jura salinois (leur
ressemblance avec certaines plaques de cette dernière, région est. frappante, surtout
relie, rie l'une, d'elles avec une ceinture d'un tumulus du massif d'Alaise, aux IVtites-
Cnam de M} on . Quinl ;i répée de Blaisy-Bas st Hélier) découverte par KM. le
Dr Brulard el L. Coutil, elle a été Livrée par une sépulture à incinération contraire-
ment â tout ce qui s'est présenté jusqu'ici pour les autres sépultures bourguignonnes
à épées et à rasoirs.
I o\ i Kir.i i K>\ \ lin i>r DBâ CEI m-. f\>.-]
Enfin, il faut ajouter un exemplaire isolé livré par un départe-
ment, la Haute-Marne, et qu'il est difficile de rattacher à l'un des
groupements géographiques ci-dessus. Tout d'abord nous devons
éliminer les cinquième et sixième provinces dont les exemplaires
ont été découverts dans les lits de grands cours d'eau, la Seine,
la Saône et le Rhône, grandes voies commerciales naturelles. La
deuxième province se trouve en dehors du domaine delà civilisa-
tion hallstattienne; on peut se demander toutefois, en présence de
l'existence de tumulus dans cette région à l'âge du fer et de la
découverte de rasoirs dans certains d'entre eux, s'il n'y aurait pas
lieu de la rattacher au reste de la partie ouest de la province
hallstattienne occidentale. Cette subdivision pourrait être désignée
sous le nom de Salye ou de Celto-ligure.
Certains des exemplaires de la troisième province sortant de
sépultures tumulaires, et les mêmes contrées ayant livré des
rasoirs recueillis dans les mêmes conditions de gisement, il y a
peut-être lieu d'y attacher une certaine importance au point de
vue de cette étude. Quant aux provinces 1° et 4°, l'étude de la
grande épée en fer va nous y ramener.
Je me contenterai de dire ici pour la première province que
tous les exemplaires dont les circonstances de découvertes me
sont bien connues (c'est-à-dire toutes, sauf celle de Bourg et celle
du Doubs) proviennent de sépultures tumulaires et, chose remar-
quable, de la vallée même de l'Ain. Aucune n'a été rencontrée
associée au rasoir, bien que celui-ci se soit parfois, mais assez
rarement, montré dans des tombelles de la même région.
Si nous passons maintenant à la grande épée en fer à soie
plate, de la même époque, la répartition de celle-ci sur le sol
français nous amène aux résultats suivants :
1° Province franc comtoise, Ain (1), Jura (7 au moins) (C),
Doubs (4) (D), Haute-Saône (3 dont l'une, celle d'Apremont, ne
doit pas entrer ici en ligne de compte).
2° a) Côte-d'Or (2G).
b) Meurthe-et-Moselle (H).
c) Marne (3).
3* Chef (6), Nièvre (i), Vienne (t).
4° a) Cantal (3).
b) Lot (1), Lozère (1), Aveyron (1).
Enfin un exemplaire isolé, dans la Drôme.
La première province n'est certes pas celle où la grande épée
428 \i VURICE PIROUTEf ;
défera soie plate est jusqu'ici connue en plus grand nombre
d'exemplaires, mais c'est, du moins, là seulement que nous nous
trouvons en droit de considérer ceux-ci (à part l'épée d'Apremont)
comme se classant à une phase ancienne du premier âge du fer;
cette région présentant en effet, à la période récente de Hallstatt,
un développement de civilisation la rattachant très étroitement
aux contrées plus orientales dont l'étude a permis d'établir la sub-
division du premier âge du fer en deux grandes phases, la plus
ancienne caractérisée par l'épée pistiliforme à soie plate, d'abord
surtout en bronze puis plus souvent en fer, et la plus récente par
les poignards ou glaives à antennes. En outre la présence de l'épée
de bronze, du même type que les grandes épées en fer, sur les
mêmes points que bon nombre de ces dernières est un fait singu-
lièrement en faveur de la haute ancienneté des exemplaires en
question de celles-ci.
Dans cette dernière province, il y a lieu de remarquer que les
sépultures hallstattiennes anciennes à épées sont relativement
très denses dans la vallée même de l'Ain, surtout dans la région
dénommée Combe d'Ain où, du lac de Ghâlain à Vouglans, ne se
sont pas montrés moins de neuf tumulus à épées de bronze et six,
au moins, avec la grande épée de fer, plus encore un autre avec
l'épée à antennes. Contrairement à ce qui passe fréquemment en
Bourgogne, aucune de ces sépultures de guerriers n'a livré de
rasoir ; certaines ont donné une lance ou javelot en bronze ou en
fer. 11 faut aussi considérer que cette Combe d'Ain paraît avoir
été conquise tout à fait à la fin de l'Age du Bronze, à la veille du
Hallstatlien, sur une population possédant encore des habitations
lacustres et à laquelle semblent bien devoir être attribuées les
sépultures à incinération sous tumulus de la même région. Les tri-
bus conquérantes inhumaient sous tumulus et étaient originaires
peut-être des plateaux et de la basse montagne du Doubs, où elles
paraissent avoir été refoulées pendant l'Age du Bronze III, après
avoir possédé, au Bronze I et II et au début de la période III, une
beaucoup plus grande extension. 11 est, en effet, impossible d'attri-
buer à une tout autre période qu'à l'Age du Bronze, malgré
l'absence de mobilier, les grandes tombelles à incinération de la
Combe d'Ain. Du reste, les recherches de M. L.-A. Girardot ont
montré l'existence de tumulus à incinération, dès l'Énéolithique,
au voisinage quasi-immédiat des palafittes deChalain, àMenétrux-
en-Joux. — Ce refoulement des tribus incinérantes paraît avoir
CONTRIBUTION \ l'ÉTCPE PF.S CELTES. ^Q
ét(; précédé, assez antérieurement, de l'extension de leur influence,
pendant le cours de la période III de l'Age du Jîronze, vers le
Nord, jusque dans la région de Salins, et vers l'Ouest, sur le
plateau entre la chaîne de l'Euthe et le Vignoble, régions où l'on
trouve bien des sépultures tumulaires à incinération qui doivent
classer au Bronze l et II, mais où, à ces périodes là, l'inhuma-
tion est la règle dans les tumulus livrant des objets métalliques,
c'est-à-dire dans les tombes de l'élément prééminent.
A Cormoz, au début du llallstattien, la coexistence des deux
rites, la présence de l'épée dans des sépultures à incinération,
tandis que les autres pièces principales du mobilier funéraire
sont les mêmes que dans le Jura, semblent indiquer que, dans la
plaine basse du cours de l'Ain inférieur, la fusion paraît alors
avoir été opérée entre les deux groupes élevant des tumulus, l'un
incinérant, indigène dans la vallée de l'Ain, l'autre inhumant,
venu tout à la fin de l'Age du Bronze de la moyenne montagne
du Doubs.
Dans cette province, l'épée paraît, jusqu'ici, associée une seule
fois au rasoir (rasoir ajouré), à Épeugney (Doubs), mais il y avait
là aussi une sépulture féminine, ce qui nous éloigne du groupe
bourguignon. Enfin, il faut éliminer le tumulus d'Apremont, situé
au bord de la Saône, tandis que tous les autres sont situés soit
dans les collines du Vignoble, soit dans « la Montagne » ; ce
tumulus, par la présence du rasoir en fer, plein, en arc de cercle
et par ses roues de char à rayons enveloppés de tubes de fer, de
même que celles de Sainte-Colombe, doit être rattaché au groupe
bourguignon, mais il est beaucoup plus riche que la plupart de
ceux-ci ; il se rapproche de ceux de Sainte-Colombe par cela
même. — Dans le même département de la Haute-Saône, c'est
bien à la première phase du llallstattien qu'appartiennent les
épées de Bucey-les-Gy, l'une d'elles étant, en effet, accompagnée
d'un bracelet en fer très caractéristique dont le type ne se
retrouve pas dans les tombelles de la province se classant nette-
ment au Hallstattien récent. Les grandes épées de fer du Doubs
ne peuvent également se classer qu'au Hallstattien ancien, la
présence assez fréquente d'une courte arme en fer (E), épée ou
poignard, coutelas même parfois, à la période récente de Hallstatt
montre bien que la grande épée était alors démodée dans ces
contrées.
Quoique ce soit la seconde province qui ait, jusqu'à présent,
430 MAURICE PIROUTET.
fourni le plus grand nombre d'exemplaires de la grande épée de
fer à soie plate, il ne s'ensuit pas que ce soit là que les traces de la
période ancienne de Hallstatt fussent les plus évidentes, car, ainsi
que je l'ai montré plus haut, il est infiniment probable que la
plupart des grandes épées hallstattiennes en fer de cette zone
occidentale doivent être classées dans la deuxième moitié du
premier âge du fer. — Il est en outre à remarquer que cette pro-
vince n'a livré qu'une seule épée hallstattienne en bronze et
encore celle ci provient-elle d'un département, la Haute-Marne,
qui n'a encore donné aucun exemplaire du modèle en fer.
Il semble qu'à cette seconde province on doive rattacher la
troisième ; la présence de fépée de bronze est la seule raison
pour laquelle j'ai, toutefois, cru bon d'en faire ici un groupe à
part.
Enfin, la quatrième province offre deux grandes subdivi-
sions. Dans l'une, le Cantal, il ne paraît pas avoir été rencontré
encore d'épée de bronze hallstattienne, et les sépultures avec
l'épée de fer paraissent des incinérations tandis que, dans la
seconde, la même arme accompagnerait des inhumations.
Ainsi que je l'ai indiqué, une frontière constituée approxima-
tivement par la vallée de la Saône et les Vosges sépare, à l'époque
hallstattienne récente, un ensemble oriental très distinct d'une zone
périphérique occidentale ; celle-ci est encore de caractère hallstat-
tien, mais d'une manière bien moins intense que les contrées
situées plus à l'Est.
La partie française de l'ensemble oriental présente deux
grandes subdivisions, l'une alsacienne, l'autre franc-comtoise.
La première se distingue surtout par ses bracelets ouverts à tige
massive, plus larges dans la partie diamétralement opposée à
l'ouverture, et à extrémités terminées par de gros boutons,
soit plus ou moins sphéroïdaux soit fortement biconvexes.
Ce groupe n'est pas cantonné exclusivement en Alsace, mais
s'étend plus à l'Est. Les armes y paraissent assez rares.
Dans la subdivision franc-comtoise (F), deux groupes se
montrent à la période récente de Hallstatt L'un, celui qui oiïre
là la plus grande extension, le groupe des Moidons, est établi
dans le pays déjà à la période ancienne de Hallstatt ; il est carac-
térisé par les brassards en bronze mince gravés, le port excessive-
ment fréquent des pendeloques sur le torse (G) et la présence
de la trousse de toilette (et non pas seulement de pièces détachées
CONTRIBUTION A L ETUDE DES CELTES. 43 1
de celle-ci), toutes choses qui le rattachent à des groupes hallstat-
tiens plus orientaux, ainsi que par la coutume des anneaux pleins
à face interna plane (ou parfois, à une phase ancienne, très légè-
rement concave) portés au nombre de plusieurs au-dessus de
chaque cheville. Le second groupe, ou groupe d'Alaise, dont on
constate la présence sur une superficie beaucoup plus restreinte
et ne dépassant pas. avant la fin du llallstaltien (lors de sa fusion
complète avec le second), vers le Sud, les environs immédiats de
Si lins, est caractérisé par la présence fréquente de la plaque de
ceinture (H) et des fibules qui le rattachent aux contrées plus
orientales, ainsi que la présence fréquente d'épées courtes ou de
poignards, avec poignée munie d'antennes d'après ce que l'on
peut constater. Des anneaux en bronze creux portés au-dessus (et
peut-être parfois au-dessous) du genou, des bracelets plus massifs
que ceux ordinaires et, déplus, généralement toriques, portés sur
le gras des membres, lui paraissent spéciaux. En outre, les deux
groupes paraissent différer par les modes de construction des
tombelles et la disposition des corps dans celles-ci.
Dans le premier groupe les armes paraissent excessivement
rares au Ilallstattien récent, tandis qu'au Hallstattien ancien, sans
être communes, en général, elles ne font pas défaut; il faut toute-
fois noter alors leur abondance dans la vallée de l'Ain. Là, ce
groupe semble bien s'être installé en conquérant à la fin de l'âge
du bronze. Dans les deux groupes, l'inhumation est la règle et
l'incinération l'exception.
Le groupe d'Alaise, dont le mobilier funéraire est très étroite-
ment apparenté avec celui des tumulus du Wurtemberg, se rap-
proche encore des populations inhumées dans ceux-ci par le
mode de construction habituel de ses tombelles; en effet, dans cer-
tains des tertres funéraires de cette région de l'Allemagne méri-
dionale, les corps sont disposés en cercle autour du centre du
monument (1). Nous avons donc là des indices sérieux de la con-
trée d'où ce groupe d'Alaise est originaire. On pourrait supposer
que c'est à lui qu'appartenait d'abord en propre le nom de
Celte, mais pour certaines raisons que je vais exposer succincte-
ment la chose peut sembler douteuse.
La grande similitude de ses rites funéraires, relativement au
(1) H. von Hôldir, Uaterfuohu&gen ûber die Skolettfunde in den vorromischen
HUgelgrfcbertl Wurtembergs. Stuttgart, 18'Jo (Cf. Hevue de i Ecole (VAntlirop, de
Paris, 1896, p. 229, C.-r.,par G. Hervé).
432 MAURICE PIROUTET.
rôle insignifiant de la poterie dans le mobilier, aux pierres
brûlées, aux charbons, à la présence de quelques os ou dents
isolées d'animaux, avec ceux usités par les populations occupant
le pays depuis la fin du Néolithique ou le début de l'Age du Bronze,
témoigne d'une très notable influence indigène qui ne peut pro-
venir que d'un mélange des anciens habitants, en proportion
assez considérable, avec les nouveaux venus, et ceci dès l'appari-
tion même de ce groupe dans la contrée. Il en résulte en outre,
en dépit de son caractère plus nettement guerrier, que ce dernier
ne s'est pas établi là en conquérant mais en hôte pacifiquement
accueilli (1). Du reste les peuplades du groupe des Moidons, qui
coexistent juxtaposées avec lui, conservent leur caractère propre
et le nombre ainsi que la richesse des tumulus productifs qui leur
appartiennent ne permettent en aucune façon d'admettre qu'elles
aient rien perdu de leur prépondérance. Bien plus, les tombelles
du groupe d'Alaise sont en général beaucoup plus pauvres que
celles du groupe des Moidons et le nombre de celles productives
est beaucoup plus considérable dans le second que dans le
premier. Dans le groupe d'Alaise lui-môme, les tumulus de belles
dimensions et productifs se sont montrés groupés en nombre un
peu élevé seulement sur le plateau séparant les vallées de Salins
et d'Arbois, là où ces peuplades se trouvaient en contact immédiat
avec une portion très importante et très riche du groupe des
Moidons, la plus riche même, semble-t-il jusqu'à présent.
Aux environs de Gy, dans la Haute-Saône, quelques tumulus
où les corps présentent la disposition en couronne, à une distance
à peu près égale du bord et du centre, sont d'une extrême pau-
vreté (Gastan, Les préliminaires du siège d'Alésia, Soc. a' Km.
du Doubs, 180 'il.
On conçoit dans ces conditions qu'il puisse paraître douteux
que le groupe purement indigène, demeuré le plus important
comme richesse et n'ayant rien perdu de sa prépondérance, ait
adopté le nom particulier de l'élément nouveau venu, il est plus
probable que tous deux étaient englobés sous la même dénomina-
tion collective.
Entre les régions alsacienne et franc-comtoise, s'étend une
zone, le Nord du Doubs et de la Haute-Saône ainsi que le
(i) Cf. M. Pi Sur La coexistence de populations différentes en Franche-Comté
pendant les temps pré et prolohistoriques, in C. R. du Congres préhistorique de
France, session de Lons-le-Saunier, en 1913.
strïbutïoh \ l'étude des celtes. 433
Sundgau, largement ouverte par la trouée de Belfort et les
voies naturelles d'accès du Doubs (dans les environs de Mont-
béliard) au Rhin (et de là au Haut Danube) par Porrentruy et la
vallée de la Birse, en évitant les marécages de la partie basse de
la Haute-Alsace, qui a *ervi de passage à bien des populations
dont les traces, soit archéologiques soit ethniques, doivent
subsister dans cette zone séparant des régions se montrant, dès
l'âge du bronze, occupées par des populations dont les coutumes
funéraires et la civilisation étaient très semblables. Il faut toute-
fois remarquer que la Franche Comté, le Jura salinois tout au
moins, lequel paraît avoir été une contrée assez riche aux
périodes l et II de l'Age du Bronze, est bien loin d'égaler en
richesse, au Bronze III, celle que dénotent à cette époque les
tumulus de l'Alsace septentrionale. La cause en est peut être au
refoulement dans les montagnes du Doubs des constructeurs de
tumulus pratiquant surtout l'inhumation. Au Bronze IV- V les
constructeurs de tumulus de l'Alsace et ceux de la Franche-Comté
sont séparés par une zone à tombes plates à incinération. Dans
le Sud du Jura, il faut signaler la présence de quelques rasoirs
dans des sépultures hallstattiennes, mais toujours dans des
tombes sans armes; au Hallstattien ancien à Granges-de-Nom,
Boissia, Vaux-les-Saint-Claude, et au Hallstattien récent à Ville-
neuve sous-Pymont, et à Gevingey.
Si nous passons maintenant de l'autre côté de la ligne fron-
tière, constituée par la vallée de la Saône et les Vosges, que j'ai
indiquée plus haut, mais en demeurant au Nord du parallèle
passant par le confluent de la Saône et du Rhône, nous nous
trouvons dans un monde, en Bourgogne, Lorraine et Champagne
orientale, qui, bien qu'encore très fortement soumis à l'influence
hallstattienne, est tout différent. Si, dans ces dernières contrées,
nous voyons apparaître assez fréquemment les torques et brace-
lets en bronze creux martelé (types jamais bien communs, du
reste, dans la première moitié du Hallstattien récent), ainsi que,
parfois, quelques très rares exemplaires de ceintures en bronze
mince et épingles en cou de cygne, ce n'est que tout à fait à la fin
de la période récente de Hallstatt, ainsi que le fait voir leur asso-
ciation avec les nombreux bracelets filiformes formant garniture
de bras et les types des fibules (1). Les très rares épées à antennes
Cl; La filml? île Créancey, à ressort unilatéral et à talon droit, appartient à un
ni-»lèle italique qui a subsisté jusqu'à li un du ILill itattien. Une autre, à talon droit,
434 MA.URICH PIROUTET.
connues à l'Ouest de la limite ci-dessus indiquée (à part bien
entendu les exemplaires appartenant au type celto ibérique, le
plus souvent postérieurs au Hallstattien, et que l'on peut ici
qualifier d'Aquitains, ainsi que ceux des régions ligures chez
lesquels, par suile des caractères ethniques classiques, une
longueur plus considérable que dans les exemplaires celtiques
serait très surprenante), il est très remarquable que l'on constate
souvent une longueur de lame tout à fait inusitée dans les régions
plus orientales C'est ainsi que Ion observe les longueurs
suivantes : Saint-Hélier (Côte -d'Or), 52 centimètres d'après
MM. le Dr Brulard et L. Coutil; Créancey (Côte d'Or), 46 centi-
mètres pour la longueur des débris réunis, la longueur réelle
étant probablement de 70 à 80 centimètres d'après M. H. Corot;
Donges JLoire-inférieure), 95 centimètres; Mignaloux Beauvoir
(Vienne), 49 centimètres pour le tronçon restant, l'arme très
analogue à celle de Donges ayant mesuré au moins un tiers de
plus, en longueur (1), que la partie subsistante. En Saône-et-
Loire pourtant les tumulus d'igé montrent l'existence de tribus
se rattachant à celles du Jura, avec leurs anneaux de jambe, les
rouelles pendeloques ainsi que les gros bracelets de lignite ou de
jayet. Des débris d'épées ou de poignards en fer y ont été
signalés, malheureusement le type auquel appartiennent ces
armes n'a été indiqué par aucun des auteurs qui les mentionnent.
mais sans ressort conservé, du tumulus du Bois d'Ivry (Musée de Saint-Germain) pos-
sède sur l'arc une bossette conique, ce qui, malgré son porte agrafe rectiligne
indique un type tout à fait de la fin du Hallstattien; elle est du reste associée à une
autre fibule en arbalète à ressort allongé et également à bossette conique sur l'arc.
Du reste il existe des fibules en arbalète à ressort allongé avec talon rectiligne et
notamment avec timbale conique sur l'arc (voirj. Nale, L'époque de Hallstatt en
Bavière, Rev. arch., juillet-août 1895, fig. IX n° 77). Enfin, le camp de Chassey (Saône-
et-J Dire) a donné une fibule en arbalète que son ressort classerait comme une des
plus anciennes de ce type ce que confirme encore son talon rectiligne (voir .1. Dkcuk-
i-i.i tk, Manuel d'wch., t. II, p. 122, fig. 31 n° 18); il est probable qu'il s'agit là d'une
Importation, mais, d'un autre côté, il ne faut pas oublier que la partie occidentale de
Saôue-et-Loire était habitée par des tribus apparentées de très près à un de nos
groupes franc-comtois. Ce sout là, je crois, jusqu'ici les seules fibules bourgignonnes
qui pourraient, la dernière seule avec raison, et les deux autres à tort, surtout la
seconde, être Considérées comme antérieures à la fin de la période récente de
Hallstatl On avouera que c'est bien peu.
(1) \.n longueur de ces épéei à antennes indique une préférence très nette dans
ces régions pour les épées de grandes dimensions et c'est là une des raisons
auxquelles il faut attribuer la persistance là de l'usage de la grande épée ballslat-
tienne de fer, à soie plate.
CONTRIBUTION A l'&TUDI DES CELTES. ^35
Dans la Côte-d'Or, l'Influence du groupe aux multiples anneaux
de cheville se fait également assez fortement sentir. On peut citer
entre autres ceux, très reoonnaiggablcs, d'un tumulus de Créanoey
(au Musce île Saint-Germain en-Laye) et ceux découverts dans
une tombelle de Minot par M. 11. Corot (1) qui a parfaitement
note leur situation exacte autour des os des jambes. La sépulture
inférieure de cette dernière tombelle paraît devoir se classer à la
période ancienne de llallstatt, d'après le style de son bracelet de
bronze, et a présenté un mobilier dont tout le reste, agrafe,
appliques de bronze mince et gros bracelets de lignite est absolu-
ment identique à ce que rendent de très nombreuses sépultures
tumulaires du Jura. Par contre, les bracelets portés aux poignets
par les deux corps aux multiples anneaux de jambe de Minot
appartiennent à un modèle tout à fait inconnu en Franche-
Comté (2), celui des bracelets en turban, dont la présence semble
permettre de séparer un groupe spécial ayant vécu dans le Nord
de la Côte-d'Or et la Haute-Marne. Ces bracelets, dont les ana-
logues existent dans certaines régions de l'Allemagne du Sud,
semblent, d'après certains exemplaires, notamment ceux de
Chamesson (Côte-d'Or) et d'Attancourt (Haute-Marne) avoir
persisté en évoluant jusqu'au Latène I.
Plus au Nord, un groupe lorrain parait caractérisé par des
bracelets à tige volumineuse, ouverts, à oreilles.
Il y aurait lieu certainement de faire encore, dans les régions
plus septentrionales, des distinctions parmi les groupes franche-
ment hallstattiens dont les restes reposent sous les tertres
funéraires de ces régions; la nécropole d'Haulzy, entre autres,
explorée par M. Goury, avec ses rites funéraires si spéciaux, doit
faire partie d'un groupe à part, et les tumulus belges à inciné-
ration, avec grandes épées hallstattiennes en fer et en bronze
souvent brisées et tordues, avec rasoirs, paraissent aussi appar-
tenir à des peuplades retardataires également distinctes de celles
(1)H. Corot, Un tumulus hallstattien à Minot, Bull, arch., 1902.
(2) ("est tout à fait à tort que le regretté J. Déchelette a fait rentrer dans cette
catégorie les bracelets à charnière de mon tumulus n° 1 des Moidons Papillard.
Ceux-ci étaient en réalité des anneaux de jambe au nombre de cinq à chaque membre
(voir M. P. Sur la coexistence de populations différentes en Franche-Comté aux
temps pré et protohistoriques, Conyrès préhistorique de F>ance, IX* session, Lons-le-
Saunier). Ce qui a causé le rapprochement erroné est l'assemblage, des parties
séparées, à l'aide de goupilles comme dans le type découvert à Attancourt.
436 MAURICE PIROUTET.
de la Bourgogne, de la Lorraine et de la Champagne orien-
tale.
Par l'intermédiaire de la Nièvre, la région Cher-Indre se
trouve reliée à la Cote d'Or. Ici un groupe hallstattien important
se montre très nettement installé dès le début de l'Age du Fer
comme le fait voir la fréquence relative de l'épée de bronze
hallstattienne, si toutefois ce groupe, se trouvant tout à fait sur
le bord occidental de la culture hallstattienne, n'a pas conservé
plus longtemps l'usage du bronze pour la fabrication des armes.
Il semblerait néanmoins que la présence des poteries ornées de
grecques et de celles avec représentations de personnages
schématisés devrait permettre d'être suffisamment affirmatif,
mais on peut objecter que les grecques se retrouvent assez
fréquemment dans la décoralion des vases marniens et que les
palafîttes du lac du Bourget, ayant livré des tessons à personnages
du même style que ceux des fragments céramiques de Villement,
paraissent avoir été occupées depuis l'Age du Bronze jusqu'à une
date synchronique d'une période assez avancée du Hallstattien,
lequel n'estreprésenté dans les régions circonvoisines que tout à
fait à sa fin; toutefois, la présence à Saint-Aoutrille de l'épée de
bronze, à l'exclusion de celle de fer, rend le classement de ce cime-
tière aux débuts même du premier Age du Fer infiniment probable.
Avant de passer aux contrées plus méridionales j'ai quelques
remarques à présenter. — La région lorraine était déjà occupée
par des constructeurs de tumulus dès une période fort ancienne
de l'Age du Bronze, si l'on en juge d'après les tombelles de
Malzéville recouvertes de débris de cuisine, silex, os fendus,
et tessons de poterie, signalées par Bleicher et Barthélémy (1) et
en tout cas depuis au moins l'Age du Bronze III comme l'a montré
M. le O Beaupré (2), de sorte qu'il est infiniment probable que la
population hallstattienne et marnienne de cette région descend
en bonne partie au moins de celle déjà installée là à l'Age du
Bronze.
A la fin de cette dernière période, des constructeurs de tumulus
vivaient déjà dans la Haute-Marne, comme le démontre le
(1) Blbichbr et Baktiiéi.kmv, Les tumulus de la Lorraine, A. F. A. S. 1880. Les
poteries semblent bien appartenir à l'Age <lu Hronze. Cf. Matériaux, 186S.
i'mk, L'Age du bronze dans l'Est, Revue préhist. illustrée de l'Est,
iW.K
CONTRIBUTION A t/ktI'OE DES CELTES. 4^7
tumulus de Rolampont avec son épée du type de Mœringen (1).
Dès le Bronze II, semble-t-il, d'après la présence d'une hache à
bords droits dans un tumulus des Montoilles à Prauthoy (2), ces^
peuplades auraient déjà, sinon occupé définitivement le pays, au
moins poussé momentanément quelques-unes de leurs tribus sur
le territoire de ce département.
Dans la Cote-d'Or, certains tumulus auraient peut-être été
élevés au Néolithique même; toutefois la chose reste douteuse,
la posture repliée des corps n'étant pas un rite appartenant exclu-
sivement à cette époque, et les tombelles se classant nettement
au Bronze I et II faisant encore défaut dans ce département; de
plus un mobilier à aspect néolithique peut fort bien appartenir
aux premières phases de l'Age du Bronze. En outre la posture
repliée du corps, dans un loculus, se retrouve dans des tumulus
qui me paraissent avoir été construits par des peuplades difïé-
rentes des Protoceltes, quoique ayant peut-être subi un peu leur
influence.
Ce n'est qu'au Bronze III seulement que le tumulus de Combe-
Bernard, à Magny-Lambert, nous permet d'affirmer la présence
ou peut-être seulement l'arrivée en Bourgogne des constructeurs
de tumulus, et même d'affirmer leur parenté directe avec les
tribus contemporaines des environs de Haguenau et de l'Alle-
magne du Sud. Toutefois, ce n'est pas avant le Hallstattien que la
conquête totale de ces régions est complète. C'est ce que montre
l'existence des tombes plates de Veuxhaulles contemporaines, ou
plutôt un peu plus récentes que le tumulus de Combe-Bernard,
et la tombe plate, entourée d'un cromlech, de Pommard découverte
et fouillée par M. A. Moingeon (3). L'âge de celle-ci est très
nettement fixé à la fin de l'âge, du bronze, au Mœringien de
(1) J. ït ('. RoYHR, Le tumulus des Charmoiselles ; Bull. Soc. hist. nat. Langres,
1897, cf. J. Dbchelktïb, Manuel d'arch. t. 11.
(2) R. Bouillrhot, Les tumulus des Montoilles, des Gros Meurgers et de la t'orèt de
Champberceau, canton de Prauthoy (Haute-Marne), Revue préhistorique illustrée de
l'Est, 1908.
(3) A. KoiifoKON, Les tumulus de Pommard, Revue préhistorique de l'Est, 1908.
Deux tumulus, tout proches de2 cromlechs et explorés parle même archéologue»
se classent indubitablement au Latèn.i I comme le montrent les deux petites libuleg
en bronze d'un type.spécial au début du Latène I, mais encore de tradition halistal-
fienne, et les débris de lihules en fer, l'une portant sur sa face dorsale une rainure
longitudinale remplie d'une p;Ue, et une autre très typique arec un seul tour despire
de chaque côté, chose très fréquente dans les libules du modèle primitif du Latène l
dans le Jura.
\\< MAURICE Pifcoi Ti i .
M. E. Ghdiitre, par son bracelet très caractéristique et nullement
hallstattien, ainsi que par l'un de ses vases dont le décor égale-
ment typique est analogue à celui de fragments de la palafîtte de
Grésine. Au voisinage, les tumulus des Chaumes d'Auvenay sont
synchroniques ou plutôt, en partie au moins, un peu postérieurs ;
ils montrent, à l'aurore de l'apparition du métal fer, la présence
detribusde coutumes différentes ettrèsprobablementdescendantes
de celles qui ont élevé le tumulus de Combe-Bernard.
En Saône-et-Loire, le peuple des tumulus avait déjà envoyé des
grand'gardes dès l'Énéolithique, comme le montre la découverte
des débris d'un vase caliciforme sous une tombelle (cf. Dr G. Variot,
Résultats d'une fouille faite dans un tumulus sur la colline de
Vertempierre, territoire de Chagny, in Bull, et M cm. Soc.
d'A?ithrop. de Paris, 1912, p. 377). Dans l'Allier, le tumulus de
Saint-Menoux décrit par l'abbé Moreten 1900 (1), semble indiquer
qu'une fraction des constructeurs de tumulus était établie déjà au
Bronze II dans ces régions, en quelque sorte en pointe d'avant-
garde, alors que la nécropole à tombes plates de Dompierre
montre que, vers la fin de l'âge du bronze, ces peuplades n'étaient
pas encore maîtresses de la contrée, si même elles s'y étaient
maintenues autrement qu'en se fondant et se mêlant avec les
autres occupants qui les auraient alors assimilées.
Plus au Sud, ce n'est guère, en quelque sorte, que sporadi-
quement que nous retrouvons des traces de la culture hallstattienne
(à part, bien entendu, comme je l'ai déjà dit, la civilisation halls-
tattienne tardive celto-ibérique). 11 se pourrait que ce soit par
suite d'une influence par contact seulement que les populations
au stade launacien aient fait quelques emprunts dans le costume
et l'armement aux tribus hallstattiennes. Cela parait être le cas
fréquemment, sauf peut ctre certaines exceptions, et c'est à cette
cause que serait due la présence d'objets dont la découverte
permet de rapprocher les trouvailles de ces contrées de celles
où a fleuri la civilisation hallstattienne.
Le tumulus n'est pas, dans ces régions méridionales, un rite
(1) Cf. .!. I)h(.iiKi.KiiK, Manuel (Varch., t. Il, p. 147.
Il y aurait lieu de considérer la Nièvre comme déjà entamée par les Proto-Celtei
■à la lin de l'âge du bronze si les tumulus d'ÀrUrel appartenaient bien à cette époque,
ainsi que cela a été indiqué. En réalité les types d'objets qu'ils renferment i< s
nt nettement an Hallstattien. (Cf. Dr Iacquinot, Les tumulus d'Arthel, Nièvre,
in Matériaux, 1881).
. nvrniiti "I'ion v l/ÉTUDÈ i>ks CELTES. 4og
funéraire Importé à l'âge du fefr; à la fin du Néolithique, le dolmen
soua tumulua es( la règle dans certaine? d'entre elles, puis il cède
la place, sous une Influence étrangère très probablement, au
tumulus simple qu'on y observe par la suite et même dès l'Énéo-
lithique; de sorte qu'ici ce dernier mode de sépultures ne peut
être considéré comme Importé par les tribus hallstatiennes celtiques
ou seulement par des groupes détachés decelloci ; il est vrai que
dans toutes ces régions le tumulus du premier âge du fer diiïère
quelque peu, par ses modes de construction et de disposition des
corps ou des restes incinérés, de c*uix du Nord-Est. Enfin, certaines
de ces contrées riches en dolmens (groupe céhennien) étaient, dès
le début de l'ère des métaux, en relations commerciales avec
l'Europe centrale par l'intermédiaire de régions (telles que la
Franche Comté par exemple, comme le montrent les épingles
tréllées et les poinçons losangiques du Bronze I) déjà occupées par
les ancêtres d'une bonne partie, tout au moins, des tribus halls-
tattiennes celtiques, et il est fort probable que des relations du
même ordre ont persisté; peut-être même est-ce à elles que nous
devons l'introduction de quelques types d'objets et de quelques
coutumes provenant des populations de culture hallstattienne, de
même que c'est probablement aux relations lors du début de l'âge
du bronze, accompagnées peut-être par l'installation de quelques
éléments proto-celtiques dans ces contrées, que nous devons la
substitution du tumulus simple à la tombe mégalithique.
En Auvergne, le plateau deMons semble avoir servi de lieu de
sépulture à un groupe qui paraît bien se rattacher aux tribus
hallstattiennes. La fréquence relative de l'épée à soie plate rap-
pelle en effet la Bourgogne et la vallée de l'Ain; néanmoins
l'absence du rasoir éloigne de la première, tandis que le rite de
l'incinération rapproche des sépultures tumulaires à épées de
Cormoz dans la basse vallée de l'Ain; la présence de la pointe de
lance dans une des tombelles de Saint-Flour rappelle l'association
fréquente de la lance à l'épée dans les tumulus de la Combe d'Ain.
Ces tumulus de Mons ont livré également un type d'objet qui s'est
retrouvé dans un tumulus de la Corrèze, à Saint-Ybard, et qui, à
mon avis, est qualifié, bien à tort, de brassard. Chacun de ces soi-
disant brassards est constitué par une série de bracelets massifs
superposés et maintenus en contact rigide par une tige verticale
de bronze ; le type des bracelets de Saint Ybard est celui d'anneaux
de jambe du Jura et de l'Ain et, de plus, leurs dimensions excluent
Z,40 MAURICE PlROUTËT .
toute possibilité qu'ils aient jamais pu être portés au bras car ils
auraient glissé par dessus la main. — Il paraît donc infiniment
probable que des tribus détachées, pendant la période ancienne de
Hallstatt, de la partie avancée du gros des peuplades celtiques, sont
venues s'établir dans ces régions Cantal Corrèze. Par contre, la
sépulture de Moissat (Puy-de-Dôme), si, par la présence de
quatre bracelets à chaque jambe, elle indique l'influence de tribus
hallstattiennes, par son caractère de tombe plate et le type de ses
anneaux de jambe (creux et non pleins) elle fait voir que les
tribus launaciennes étaient, dans la deuxième moitié du premier
âge du fer, encore établies dans cette contrée.
Est-ce encore à une pénétration d'éléments nouveaux qu'il faut
attribuer la présence des quelques grandes épées hallstattiennes
en bronze ou en fer, ces dernières très rares, de la région des
Causses, au Sud du Plateau Central? La présence, dans les
tumulus des mêmes régions, de quelques rasoirs en bronze et
d'une double série chacune de sept bracelets, qui d'après leur
diamètre sont certainement des anneaux de jambe (collection
Prunières, au Muséum national d'Histoire naturelle), paraîtrait
l'indiquer. Malheureusement nos connaissances ne permettent
pas, actuellement du moins, de pousser les comparaisons plus
loin, aussi, à moins que les analogies ne soient dues à une
influence qui se serait plus fortement exercée par suite de la
présence des éléments établis dès le début de l'âge du bronze et
auxquels est attribuable la substitution du tumulus simple aux
modes de sépultures plus anciennement usités, éléments origi-
naires de la même souche que le fond des tribus hallstattiennes
du Nord-Est, il est présumable que cette pénétration très
probable (1 ) a dû être assez réduite au point de vue numérique. Le
(1) IrlM. A. Viré et F. Delisle (Dr F. Delisle kt A. Viré, Recherches de préhistoire
dans la Lozère, A. F. A. S. Boulogne, 1899) signalent sur le Causse Méjean, associés
à des tumulus véritables, d'âge hallstattien, dont l'un avec la grande épée de fer à
soie plate, des amas de pierres de plus petites dimensions, disposés presque réguliè-
rement en lignes parallèles , ils entoureraient parfois un amas plus volumineux et
l'ensemble serait limité par des murs d'enceinte. Ces archéologues considèrent les
petits amas comme n'ayant pas renfermé de sépultures, à cause de l'absence, dans
ceux-ci, il Une couche assez prononcée de lerre Une brun foncé qui se montre daus
1rs plus gros et y contient alors des sépultures. H peut fort bien n'y avoir là que le
résultat d'une construction beaucoup plus soignée des grosses tombelles, sépultures
d'une aristocratie] et où, ainsi que cela est fréquent ailleurs, les corps auraient été
recouverts de terre rapportée, tandis que les tombes du commun n'auraient pas été
l'objet de pareils .-oins lors de leur érection et auraient eu, par suite, infiniment peu
de chances de conserver quelques traces des corps qui leur auraient été conliés.
CONTKIBUTION A L ÉTUDE DÈS GÉLTËS. t\l\l
type de coupelle en bronze, accompagnant parfois la grande épée
en fer dans ces contrées, se retrouve dans les tumulus du Gard qui
me semblent bien devoir être rattachés au môme ensemble et ont
également livré quelques rasoirs. La coupelle en bronze du
tumulus d'Airolles étant identique à celle de la sépulture à grande
épée de fer à soie plate du dolmen du Genévrier, il en résulte que
cette dernière ne peut guère être considérée comme antérieure à
l'épée à antennes d'Airolles ; nous avons là une nouvelle preuve
de la persistance de l'usage de la grande épée de fer à soie plate
dans la région périphérique, occidentale ballstattienne. La fibule
accompagnant l'épée à antennes et la coupelle d'Airolles, si elle
se classe bien au premier âge du fer, offre un type qui n'a abso-
lument rien de celtique et indique que l'influence italique s'est
directement exercée dans cette direction.
Pas plus que ceux du Gard et des Causses, les rasoirs des
tumulus des Bouches-du-Rhone ne signifient l'établissement des
Celtes dans cette région au premier Age du fer, le rasoir étant
très rare dans les contrées indubitablement celtiques. Il en est de
môme de l'épée à antennes, associée au. rasoir, du tumulus de
Chabestan (Hautes-Alpes). Il faut observer néanmoins que les
tombes connues des peuplades du premier âge du fer de la région
subalpine française et de la région salyenne sont toutes tumu-
laires, tandis que dans les autres contrées ligures ce sont des
tombes plates et qu'il y a donc lieu d'envisager une coupure qui
parait correspondre à une différence entre les véritables Ligures
et les peuplades des régions précitées. Cette distinction semble
bien confirmée par l'examen des textes. En effet, d'après Strabon,
les Salyes, considérés d'abord par les Grecs comme Ligures, ont
été postérieurement dénommés Celto-Ligures.
Il est inadmissible que ce changement de nom se soit effectué
à la suite d'une fusion ou du mélange d'un élément ligure pré-
existant et d'un élément celtique nouveau venu. Dans ce cas, le
dernier qui n'était que la partie avancée d'une masse conquérante
n'aurait pas tardé à s'imposer comme prépondérant et n'aurait pu
consentira conserver pour nom celui d'une peuplade originaire-
Ces derniers caractères, joints à L'alignement des petites lombelles et à la pré-
sence de murs d'enceinte, rappellent singulièremenl certains de nos champs de
sépultures tumulaires de l'Est avec leurs murées et rendent ainsi très vraisemblable
l'hypothèse d'un établissement, dans h réîrton d*s Causses, de groupes de population
venus du Nord-Est.
l'an'ihkofolouik. — r. xxix. — 1918-1919. 29
4^2 MU 1UCE PIROLTET.
ment ennemie, ensuite subjuguée. ,De plus certaines peuplades
subalpines, les Voconces par exemple, paraissent être ligures pour
certains auteurs anciens et celtes pour d'autres. Il semble donc
qu'il y ait là constatation de la présence d'un élément établi
depuis très longtemps, depuis peut-être le Néolithique, et apparenté
d'assez près, aux ancêtres des Celtes, ou plutôt du moins aux
ancêtres des fondateurs delà culture celtique, si l'on peut s'expri-
mer ainsi. Les Grecs ne pouvant se douter de cette parenté alors
qu'ils ne connaissaient pas ou très peu les Celtes et ne pouvant,
par conséquent, que reconnaître des ressemblances avec les
Ligures, ne distinguèrent d'abord pas le véritable caractère de ces
populations (1). C'est là ce qui ressort du texte de Strabon lequel
n'autorise nullement l'hypothèse d'un mélange.
Pour terminer ce qui a rapport avec les peuplades du monde
hallstattien occidental parmi lesquelles nous devons chercher les
Celtes, il reste à jeter un rapide coup d'œil sur l'Allemagne du
Sud-Ouest et le plateau suisse.
Dans la première de ces contrées, nous voyons des populations
apparentées très étroitement avec celles que nous avons vues
établies en Franche Comté, notamment avec le groupe d'Alaise,
ainsi qu'avec celles qui occupaient l'Alsace. Plus à l'Est, la Haute-
Bavière et le Haut-Palatinat ont livré les tombes de tribus parais-
sant se rattacher par leur civilisation, d'une part avec la culture
si développée au Sud et au Sud-Est et que l'on peut appeler celto-
illyrienneenattendantune dénomination plus appropriée, si celle-ci
ne convient pas, et de l'autre avec le groupe hallstattien occidental
que je passe ici en revue, et dans lequel tout démontre que l'on
doit chercher les Celtes primitifs. Par l'usage de la tombe tumu-
laire, c'est même plutôt à ce dernier groupement que les tribus
hallstattiennes de la Haute-Bavière et du Haut-Palatinat ten-
draient surtout à se rattacher.
En Suisse, la sépulture tumulaire, très rare à l'Age du Bronze (2)
ne devient commune qu'à la période récente de Hallstatt seule-
ment, et encore les tombelles ne s'y montrent-elles que par petits
groupes, au lieu d'être réunies en nombre considérable comme en
(1) C'est très probablement à la venue en Espagne de tribus du groupe celto-ligure
et appelées d'abord ligures par les <irec-; qu'est due la présence, <lans la Péninsule,
pultures tumulalres antérieurement ;ï l'arrivée des Celtes dans cette contrée.
(2)1). Yioi.lieh, Essai sur les rites funéraires en Suisse, Paris, 1911; et Quelques
sépultures de l'âge du bronze eu Suisse.
CONTRIBUTION A L ÉTUDE DES CELTES. $43
Franche-Comté. Il semblerait que le peuple des tumulus, dont
quelques groupes seulement étaient cantonnés dans la partie
Nord-Èst du pays à l'Age du Bronze, n'ait pris possession totale
du Plateau Suisse que pendant le Hallstattien récent. Ici encore
les analogies sont grandes avec la Franche-Comté et l'Allemagne
du Sud ; fibules, brassards en bronze mince décorés de gravures,
plaques de ceintures estampées, brassards en lignite (ou jayet),
pendeloques sont les pièces caractéristiques du mobilier funé-
raire.
Dans la partie occidentale, c'est surtout avec notre groupe des
Moidons franc-comtois que sont les ressemblances (1) et celles-ci
sont frappantes ; la parure ventrale circulaire, découpée à jour et
entourée de cercles concentriques libres s'y retrouve. Il n'y a
qu'une seule note discordante, l'usage de l'incinération assez
fréquent et parfois même exclusif (comme à Siibingen (2) par
exemple). Les armes manquent aussi.
(1) D. Viollier, Un groupe de tumuli hallstattiens, in Indicateur d'antiquités
suisses, 1910.
M. Viollier sépare de ce groupe, pour en faire un autre à part, celui auxquels sont
dus les tumulus renfermant des chars ou parties de chars et des objets en or. Cette
distinction ne me semble guère justifiée, la présence des chars ou de l'or dans les
sépultures pouvant fort bien être seulement l'indice que l'on se trouve là en présence
des tombes de familles plus riches appartenant au même groupe. Le char n'est pas
absent dans notre groupe franc-comtois des Moidons ; M. J. de Morgan en a découveit
un dans la nécropole même des Moidons; il a également trouvé là un petit objet de
parure en or ainsi qu'un vase en bronze (et. au Musée de Saint-Germain); un autre
tumulus situé à la bordure même de la forêt des Moidons, quoique appartenant à
une fraction du groupe d'Alaise établi là, celui de Champ Peupin, fouillé par E. ïou-
biD, a également donné un petit objet en or.
(2) Ici la présence d'armes et d'outils en pierre n'est pas du tout, à mon avis, le
témoignage d'une survivance de l'outillage lithique. Je crois aussi qu'il faut renoncer
à voir là un rite religieux, ainsi qu'on le fait trop souvent. Il me paraît que l'expli-
cation est beaucoup plus simple la plupart du temps. Les matériaux de construction
d'une tombelle ont pu être très fréquemment empruntés à l'emplacement d'une
ancienne station néolitbique ou énéolithique ; de là la présence des haches polies
entières ou brisées et de silex taillés; l'absence d'os et de tessons provenant de débris
de cuisine ne surprendra personne, car il est bien rare d'en retrouver la moindre
trace dans les stations de surface. Eu outre, assez souveut on a utilisé, et parfois
remanié dans ce but, des tombelles beaucoup plus anciennes, soit en y ajoutant de
nouveaux matériaux pour augmenter les dimensions du tumulus, soit même en se
contentant des anciens et alors en remaniant le tertre primitif pour y creuser rem-
placement destiné à de nouveaux corps.
L'utilisation d'un outillage lithique me paraît avoir été abandonné dans nos contrées
des le Bronze IV, et la continuation de mes fouilles au camp de Chàteau-sur-Salins, qui
avaient d'abord paru témoigner en faveur d'une telle persistance, m'a donné la preuve
évidente que les haches polies et silex taillés, trouvés sur certains points dans les
\'A\ WW1UCE PIROUTEÎ.
Vers le N.-E., un autre groupe se distingue, incinérant sur-
tout. Ici, semble-t-il, pas de plaques de ceinture ni de brassards,
ou tout au moins extrême rareté de ceux-ci ; par contre, des
armes : coutelas à poignées parfois munies d'antennes et pointes
de lances ou de javelots ; un autre trait distinctif est l'abondance
des poteries, très semblables à celles de l'Allemagne du Sud, et
parmi lesquelles se remarquent des vases peints (1).
11 est fort possible que le groupe à affinités franc-comtoises
soit venu de l'autre côté du Jura et que le rite de l'incinération y
ait pris le grand développement qu'on y observe au contact des
incinérants venus de l'Est.
La plaine du Rhône et les rives du Léman ont montré des
tombes plates- renfermant un mobilier identique à celui des
tumulus de la région occidentale. Il semble qu'il s'agisse ici de
populations ayant adopté le costume de leurs voisins du Nord-
Ouest et assimilées à ceux-ci d'une manière très avancée (par suite
d'alliance, très probablement) bien qu'ayant conservé le rite
funéraire de leurs pères (2).
Parmi ces populations hallstattiennes que je viens de passer en
revue d'une façon très sommaire, quelles sont celles auxquelles
revient avec le plus de justesse le nom de Celtes ? Évidemment
aux plus puissantes et par suite à celles dont l'influence sur les
autres se faisait le plus vivement sentir au moment où le nom de
Celtes (ou de Celtique, ce qui revient au même) a dû apparaître,
c'est-à-dire peu avant la fin de la période récente de llallstatt.
foyers hallstattiens, provenaient uniquement de remaniements datant de 1 époque des
dit* foyers et, pas plus que les fossiles ealloviens ou même liasiques apportés là par
l'homme, ne pouvaient être datés comme de l'époque des foyers qui les renfermaient.
(1) I). Viollier et F. Blanc, Les tumulus hallstattiens de Ouningen (Zurich), et, des
mêmes, Un tumulus du premier âge du fer à Pïiederweningen (Zurich).
Dans la première de ces études, M. Viollier caractérise le groupe en question « par
l'abondance des poteries funéraires, parfois peintes ou gravées, et par la pauvreté du
mobilier métallique », et il le montre cantonné dans la Suisse orientale.
(2) Dans le cas d'alliance entre des populations d'origine différente, il en résulte
l'adoption de tout ou partie des pièces dUtinctives du costume spécial à chacune, par
l'autre,, de façon à établir ainsi une marque servant à la reconnaissance mutuelle et de
distinction avec les étranger* à la ligue ainsi constituée 11 est clair que lorsqu'un
groupe est incorporé dd cette même façon à un autre, on cherche à faire disparaître
ainsi, au moins en trè> grande partie, les distinctions extérieures el que c'esl alors
le plus faible en importance qui adopte les caractéristiques extérieures du plus fort
en nombre et.cn puissance. L'ethnographie nous montre de multiples exemp'es de
faits de ce genre, Les modifications des rites funéraires, sous une telle Influence,
s'opèrent avec beaucoup plus de difnoulti
NiuiiuiioN \ l'étude des celtes. 445
Or, précisément le grand groupement situé à l'Est de la Saône
et des Vosges montre alors une prépondérance marquée, et c'est
à ce mémo moment que nous voyons, de l'autre côté de la limite
ci-dessus, se montrer les types originaires de la région orientale
et spéciaux à la deuxième période de Hallstatt, tels que fibules
toutes de la fin du Hallstattien), bracelets filiformes portés en
grand nombre à chaque bras (caractéristiques également de la fin
de la période), plaques de ceinture en bronze mince, épingles en
cou de cygne, bracelets et torques en bronze mince roulé. En
mémo temps, sur la rive droite de la Saône, à Méloisey, le mode
de construction de certaines tombelles et la disposition des corps
dans celles-ci rappellent singulièrement ce que l'on observe dans
certains tumulus franc-comtois dès le début de la période récente
il*1 Hallstatt : « Autour de lui (du personnage principal), à un
mètre environ plus haut, sont couchés une série de squelettes
formant comme une couronne autour de la tombe princi-
pale » (Die t. archéol. de la Gaule).
Vu le rôle qu'il paraît avoir joué dans le mouvement d'expan-
sion et de conquête des Celtes, ainsi que je l'ai indiqué précédem-
ment, on pourrait être tenté de considérer comme ayant donné
son nom à tout l'ensemble le groupe Wûrtembergeois s'étendant
antérieurement, vers l'Ouest, jusque dans le Jura salinois où il
est représenté par les tombelles du type d'Alaise.
Cette manière de voir paraît douteuse lorsqu'on considère
la situation respective, dans cette dernière région, relativement
l'un à 1 autre, d'une part du groupe d'Alaise, et de l'autre
du groupe des Moidons, à cette époque même qui correspond
à la fin du Hallstattien et au début du Latène. Le groupe des
Moidons conserve toute son importance numérique et politique
et, si la plaque de ceinture en bronze mince s'y montre plus fré-
quemment, ce qui indique l'influence prise par le groupe d'Alaise,
le mode de construction typique des tombelles n'a nullement
subi de modifications ; en outre, parmi les plus considérables des
tumulus, il en est où tout le mobilier est absolument caractéris-
tique à l'exception de très rares pièces parfois uniques, fibule ou
bracelet, dénonçant sa date tardive. On conçoit, dans ces condi-
tions et pour les raison déjà exposées plus haut, qu'il puisse
paraître douteux que le groupe le plus anciennement établi,
demeuré le plus important au point de vue de la richesse et
n'ayant subi aucune diminution de sa prépondérance au moment
446 MAURICE riROUTET.
même du grand mouvement d'expansion des Celtes, ait alors
adopté le nom particulier de l'élément le plus récent dans la
contrée, bien moins riche, mais auquel son caractère essentielle-
ment guerrier a certainement valu une forte part d'influence,
élément guerrier qui paraît, à son arrivée, avoir été accueilli paci-
fiquement, à titre d'allié. Il en résulterait qu'une même appella-
tion collective les désignait alors, ainsi certainement que d'autres
tribus en même temps, englobant ainsi l'ensemble des peuplades
assez étroitement apparentées établies à l'Est de la vallée de la
Saône et des Vosges. Cette appellation ne peut avoir été que le
nom de Celtes, à moins que ce nom n'ait pris seulement nais-
sance à cette époque même comme désignation de tout l'ensemble
des peuplades qui paraissent alors avoir effectué leur union en
quelque sorte en une nationalité assez analogue à ce qu'a été au
temps de César la nationalité gauloise, ou même peut-être bien
en une seule et même confédération. — Toutefois il est fort pos-
sible qu'au moment justement d'un vaste mouvement d'expan-
sion, ce soit le nom de l'élément essentiellement militaire qui ait
prédominé dans les bandes guerrières et ait alors été adopté de
préférence par celles-ci. Par suite, si l'on veut que le nom des
Celtes soit antérieur à ce mouvement d'expansion et qu'il ait été
originairement celui d'un groupe restreint, il faut reconnaître
celui-ci dans le groupe Alaise-Wurtemberg.
Il est vrai que, déjà antérieurement, la parenté entre les tribus
des deux côtés des parties inférieure et moyenne du cours de la
Saône est mise en évidence par l'analogie des mobiliers des
tumulus d lgé avec ceux de nombre des tombelles de la Franche-
Comté et de l'Ain. De plus, entre autres raisons du même genre,
l'existence, en Bourgogne, de la coutume du port des anneaux
de jambe multiples, analogues à ceux de Franche-Comté, semble
indiquer des rapports étroits entre les populations de ces deux
provinces, antérieurement à la généralisation, dans la seconde,
du port des nombrejses pendeloques métalliques qui lui sont
spéciales et dont certaines, pourtant, se retrouvent en Saône-et-
Loire, à lgé. De même, on pourrait peut-être attribuer la présence
du rasoir dans quelques tombes tumulaires du Jura à 1 influence
du groupe bourguignon.
Il semblerait que la présence du brassard en bronze mince gravé,
d'une part, et celle du rasoir, de l'autre, soit, dans le Jura même,
un indice dénonçant quelle était la plus forte, dans une région
CONTRIBUTION \ l'n'IDF DF.S CELTES l^H
donnée, de l'influence occidentale ou de l'influence septentrionale.
Kn effet, tandis qu'à part le rasoir d'Fpeugney (Doubs) dans une
sépulture de la période ancienne de Hallstatt, les rasoirs hallstat-
tiens franc comtois .sauf peut-être un échantillon douteux en fer
de Lavans-Quingey) sortent tous du Sud du Jura, les brassards
en bronze mince gravé, qui se montrent dans la Haute-Saône
à Bucey-les-Gy), sont fréquents dans le Doubs (à Bannans,
Flagey, Lizine, Cademène, Pugey). et sont très communs dans le
Jura salinois (Chilly-sur-Salins, la Châtelaine, Mesnay, Arbois,
Salins alors que plus au Sud, à part ceux de la cachette de
Crançot, sur le premier plateau, au-dessus de Lons-le-Saunier, on
ne peut guère citer que les deux exemplaires d'un tumulus de
Hosay-sur-Cousance signalés et figurés jadis par Désiré Monnier.
Il paraîtrait donc, qu'avant la fin du Hallstattien ancien, il y a
eu séparation, ou schisme en quelque sorte, entre les populations
bourguignonnes et franc-comtoises, et que les relations n'aient
repris que vers la fin de la période récente de Hallstatt. Un
phénomène semblable et contemporain parait avoir eu lieu
entre les tribus lorraines d'une part et alsaciennes de l'autre; c'est
ce qui expliquerait la présence, des deux côtés des Vosges, de la
grande épée hallstattienne et de certains modèles de bracelets
dont les types sont d'origine certainement très ancienne dans le
premier Age du Fer, ainsi que l'absence en Lorraine, jusqu'à la
même date qu'en Bourgogne, des mêmes types industriels de la
période récente de Hallstatt. Il est donc infiniment probable que
c'est le même schisme qui a séparé momentanément les tribus de
la Côte-d'Or et de la Lorraine de l'ensemble de celles plus orien-
tales dont la Franche-Comté et l'Alsace constituaient la partie
occidentale. C'est donc le grand groupement, commençant à
l'Ouest par l'Alsace et la Franche-Comté, s'étendant sur l'Alle-
magne du Sud, et venant de conquérir tout le « plateau » suisse (I)
qui a le plus de droits primitivement au nom de Celtes. Une zone
plus occidentale, avec prolongements vers l'Ouest et vers le Sud,
a été occupée, dès le Hallstattien ancien, par des tribus étroite-
ment apparentées aux premières et, soit établies là depuis une date
fort ancienne de l'Age du Bronze ou parfois même depuis le Néo-
lithique, parfois d'une manière sporadique (Côte-d'Or), parfois en
groupe dense et étendu (Lorraine), et alors dans l'un ou l'autre
cas très probablement renforcés assez récemment (au début du
premier Age du Fer; par des éléments de même origine ou
448 MAURICE PIROUTET.
assimilés, ayant quitté depuis peu la souche demeurée en place,
soit de nouvelle venue dans ces régions. Ces peuplades, ainsi
renforcées, ou de fraîche installation, ont fait plus ou moins
sentir leur influence sur les populations étrangères voisines;
certaines de ces dernières leur étaient déjà plus ou moins appa-
rentées par infiltration plus ou moins ancienne d'éléments de
même origine, ou étaient en rapports avec le groupement souche
des précédentes depuis un temps assez long.
Par suite, si Ton n'a pas strictement le droit de désigner sous le
nom de Celtes avec son sens primitif, en admettant que ce nom
soit antérieur à la réunion de ces deux grandes subdivisions vers
la fin de l'époque récente de Hallstatt, les tribus qui dès le Halls-
tattien ancien sont et? blies en Lorraine, Bourgogne, Berry, etc. , car
nous ne pouvons guère admettre l'existence de cette dénomination
à cette phase reculée du premier âge du fer (elle n'aurait évidem-
ment pas survécu au schisme que nous avons constaté), il nous est
du moins permis de les désigner sous le nom de Proto-Celtes,
ainsi que leurs ancêtres de l'Age du bronze et les constructeurs
de tumulus du bronze de Franche-Comté, Alsace, Lorraine, Alle-
magne méridionale, Suisse du Nord-Est, de même que les groupes
contemporains de ceux-ci et apparentés que nous voyons installés
sporadiquement en France encore plus loin vers l'Ouest et le
Midi. Dans certaines de ces régions, comme la Franche-Comté
par exemple, nous pouvons, avec ces Proto-Celtes, remonter
jusqu'aux débuts de l'Age du bronze et même au Néolithique.
Il est assez probable que, même dans ce que nous sommes ainsi
amenés à considérer ici comme Celtes stricto sensu, se trouvent
amalgamés des descendants de populations quelque peu diffé-
rentes primitivement du gros de l'ensemble, mais de langues,
coutumes et civilisation identiques sauf modifications présentant
un caractère purement local.
Quelle était la limite orientale des Celtes? La chose est assez
malaisée à indiquer car dans cette direction ceux-ci se trouvaient
en contact avec des* populations de civilisation hallstattienne éga-
lement, et il est très probable qu'au voisinage de leur frontière
de ce côté vivaient des peuplades à caractères mixtes, en partie
celtiques d'une part, en partie germains, illvriens ou slaves de
l'autre, et très enchevêtrées. Il est néanmoins probable que
l'étude du mobilier amènerait quelques précisions; telle serait
entre autres le résultat de l'étude des types de certains objets
contribution \ l'étude des celtes. 449
et notamment du mode d'ornementation et de disposition du
décor dans les plaques de ceinture, ainsi que de celle des fibules;
il me semble que l'étude delà céramique, quoique ne devant
pas être négligée, doit passer ici un peu en seconde ligne. Dans
certaines régions les poteries jouent en effet un rôle absolument
nul dans le mobilier funéraire tandis qu'ailleurs, où les sépul-
tures fournissent de nombreux vases, il est très probable que
l'on se trouve là en présence non de la vaisselle usuelle et cou-
rante mais de poteries exclusivement funéraires tels qu'en Grèce
les grands vases du Dipylon). En outre, une peuplade accep-
tera plus facilement l'usage de céramique mieux faite ou plus
ornée que la sienne propre, et fabriquée par des tribus voisines
quoique de nationalité (autant que l'on puisse employer ici cette
expression) différente, bien plutôt qu'elle ne changera son cos-
tume national qui, malgré des différences locales permettant de
distinguer les unes des autres les subdivisions, présentera toujours
des caractères permettant de reconnaître la parenté ethnique
(non au sens anthropologique du mot) d'individus appartenant à
des fractions différentes d'un même groupement de tribus en
nationalité.
Éclaircissements du chapitre III.
A. — L'opinion suivant laquelle le rasoir ajouré serait spécial à la
période ancienne de Hallslalt parait basée seulement sur le fait qu'il
accompagne la grande épée à soie plate, celle-ci étant elle-même consi-
dérée comme se classant exclusivement à cette phase initiale du
premier âge du fer. Eu réalité on n'en connaît jusqu'ici aucun exem-
plaire en fer, ce qui peut toutefois n'avoir d'autre cause que la mauvaise
conservation habituelle des objets fabriqués avec ce métal ; en tout cas,
tandis que le rasoir plein, en arc de cercle, se retrouve dans des sépul-
tures datant franchement du Haltstattien récent et souvent, légèrement
modifié toutefois, au Latène I (type d'Apremont, Mantoche, Ciry-Sal-
sogne, Heiltz-l'Evêque, etc.). il n'en est pas de même de celui ajouré.
Néanmoins le modèle a un anneau de suspension médian et à jours
triangulaires séparés par des rayons réunissant l'arc à bord tranchant
au centre du cercle, se montre dans La sépulture centrale du tumulus
des Fourches, à Magny Lambert, qu'il est absolument impossible de
reculer bien liant dans le I lallslal lien vainsi que je l'ai fait voir plus
haut); il apparaît aussi dans le tumulus de Saint-Hélier douille par
MU. L. Coutil et le I) II. Brulard) associé à un glaive typique de la
période récente de Hallslalt. Il semble donc infiniment probable que
_'j ,")0 MURI CE V l RO l TET .
ce type, qui est celui du rasoir du Monceau Laurent, a dû persiste?
jusque vers le détml du Latène 1. Du reste, le même tumulus du Mon-
ceau Laurent a rendu une coupe en bronze du même type que celle du
tumulus des Favargettes, dans le canton de Ncufchatel (la similitude
du mode d'attache de l'anse est notamment frappante), lequel se classe
à la période récente de Hallstatt.
B. — Voici la statistique des épées ballstatlicnnes en bronze par
commune^ :
Barêzia. une épée (fouilles Le Mire).
Bissia, à Boissia, une épée et fragments de deux épées différentes
(fouilles Le Mire), plus trois épées différentes et signalées par E. Clerc
(au Musée de Besançon), soit six épées à Boissia.
Doucier (ou le Villars-sur-l'Àin) deux épées (au Musée de Saint-
Germain-en-Laye) .
Total : neuf épées ballstattiennes en bronze, toutes trouvées sous
tumulus et toutes dans la Combe d'Ain. 11 y aurait peut-être lieu d'y
ajouter une autre épée de bronze découverte dans les sables, à Clairvaux,
dans la même région, en février 1847 et signalée par E. Clerc qui la
donne comme « lapins belle, peut-être, qui existe en France « (E. Clerc,
La Francbe-Comté à l'époque romaine, représenté par ses ruines, 2P édi-
tion, Besançon, i853, p. 76).
G. — Voici l'énumération par communes :
Lect, à Vouglans, une épée (fouilles Delseriès, au Musée de Saint-
Germain en Lave .
Barézia, une très belle épée entière (fouilles Le Mire).
Doucier et le Villàrs-sur-VÂin, un bel exemplaire (fouilles Potard,
acquis par le Musée de Dole :
Débris de deux épées en fer à soie plaie (fouilles Le Mire).
Le même endroit en a encore livré au moins une, car M. L. A. Girar-
dot >fotes sur le plateau de Chatelneuf avanl le moyen âge. Soc. Emul.
Jura, isss mentionnant les fouilles de M. Berlier dans cette région,
après avoir parlé des deux épées en bronze découvertes par celui-ci,
ajoute que plusieurs des tumulus ouverts renfermaient des épées de fer.
Il faut donc compter quatre exemplaires, au moins, sur ce point.
\Sesnay. La partie centrale d'un tumulus du bois de Parançot m'a
livré une sépulture, bien plus profondément située que les autres à
mobilier de la même tombelle (lesquelles appartiennent à une phase
ancienne du rlallstattien récent, avec Les fibules à talon rectiligne sans
ressort distinct et La fibule serpenti forme] et non disposée, comme
celles-ci, sur des cendres et des charbons. Vu côté droil du corps se
trouvai! un tronçon d'épée en fer, en très mauvais état : celui-ci n'élail
conserva que parce qu'il s'était trouvé protégé par une grande pierre
CONTRIRUTIOX A l/ÉTUDE DES CELTES. /i5 T
plate laquelle, très probablement, placée deebamp primitivement, avait
versé décote. \ gauche, vers la tête, étaient des restes d'un objet en fer
donl un seul fragment présentant une forme reconnaissante me parait
provenir de ta douille d'unjavelot- A l'emplacement de l'une des mains
était une bague faite d'un fil de bronze enroulé en hélice. Le tronçon
d'épée offre encore une portion do poignée plate à rivets. Il faut remar-
quer que le fer se conserve très mal dans colle région, sauf le cas de
circonstances tout à fait particulières.
Enfin, d'après Désire Monnier (Annuaire du Jura, [855 on avait
découvert déjà, à Vouglans, les restes d'un guerrier inhumé avec une
épée en fer et une « épingle de tête ». Il s'agit là, très probablement
d'une épée du même type que celle trouvée au même lieu par M. Delse-
riés. et cela est d'autant plus probable que, dans la Combe d'Ain,
l'épingle de bronze, dite à l'époque « épingle de tête », s'est montrée
plusieurs fois avec i'épée de bronze ou de fer.
Le même auteur indique encore clans un de ses annuaires, à Rix-Tré-
bief, dans le Val de Mièges, un lumulus qui aurait livré de longues
épées de 1er. En somme, le chiffre de sept épées halls ta t tiennes, à soie
plate, en fer, nie parait bien un minimum et nul doute qu'elles n'aient
été en réalité très nombreuses dans les sépultures tumulairesdc la belle
et riche vallée de la Combe d'Ain, mais que, grâce à leur mauvais état
de conservation le plus fréquemment, elles ne soient passées souvent
inaperçues.
D. — i° Pontarlier. Le tumulus du champ de tir, au lieu dit « sur le
Mont », a livré les débris d'une énorme lame d'épée en fer très incon-
naissable pour la grande épée halls ta ttienne, quoique la poignée n'ait
pas été conservée.
2° Épeugaey Un lumulus de celte localité a rendu des débris, en très
mauvais état, d'une épée qui d'après l'épaisseur considérable, relative-
ment, de la lame en son milieu et la largeur qu elle devait avoir, appar-
tient au même type; du reste parmi les fragments il en est un qui
provient d'une poignée plate à rivets.
3n Liz'uxe. Un des tumulus explorés jadis par la Société d'Émulation
du Doubs, lois des débals sur la question d'Alesia, donna les débris
d'une énorme lame d'épée en fer qUe l'on reconnaît facilement pour
ayoir appartenu au type de la grande épée de Hallstatt. Castan, dans
son rapport, dit que la tombelle était à incinération mais indique pour-
tant un brassard de bronze mince passé autour d'os verdis par l'oxyde
donc provenant d'une inhumation et signale I'épée, de très grandes
dimensions et très large, comme gisant à la base même de la tombelle
à côté du crâne d'un personnage inhumé. Le mobilier de celte tombelle
• trouve, au Musée de Besançon, mélangé avec celui d'un lumulus voi-
sin, comme on peut s'en assurer par la lecture des rapports de Castan.
452 MAURICE PIROUTET.
4° Amancey. Le tumulus dit « Château Sarrazin » renfermait une épée
de fer détruite par l'oxyde, avec bouterolle à ailettes, ces dernières
ayant aussi été complètement détruites par L'oxydation (E. Clerc, Essai
sur l'Histoire de la Franche-Comté, t. I, première édition . Tous les
débris dont il s'agit ici sont au Muséede Besançon.
L'épée d'Épeugney était associée à un objet de bronze dont les débris
me paraissent être ceux d'un rasoir discoide ajouré et à des bracelets
qui me semblent bien caractéristiques de la période ancienne de Halls-
tatt dans la région et qui indiquent une sépulture féminine accompa-
gnant celle du guerrier. Il en est de même pour des bracelets du même
type du tumulus de Pontarlier, niais ici il parait y avoir eu une seconde
sépulture féminine à laquelle j'attribuerais les bracelets à bosselures
régulières sur la face extérieure, les brassards en lignite, les deux
rouelles et le grelot'?); celle-ci me semble un peu plus récente, mais
très peu, que celle indiquée par les premiers bracelets et qui devait
accompagner le guerrier; le grelot ? s'est montré associé à l'épée de
bronze à Bissia Jura); quant aux rouelles pendeloques elles apparaissent
déjà à l'Age du l)ronze, et enfin les bracelets à bosselures régulières sur
la face externe apparaissent à la fin de l'âge du bronze (notamment à
Vénat dans la cachette décrite par M. Cliauvet).
E. — Cinq poignards ou épées à antennes se sont montrés dans la
moitié occidentale seule du canton d'Àmaneey. Ce sont celles :
i° Du tumulus à char du Fourré, à Sarraz ;
2" Du tumulus de Combe Bernon, à Alaise; ces deux exemplaires
ont conservé leur poignée ; il faut y ajouter:
3" Un exemplaire d'un tumulus de Fertans, au lieu dit « les Rom-
pues )», très reconnaissante à sa garde;
4° Un exemplaire d'un tumulus de Déservillers dénoncé, par la bou-
terolle sphéroidale typique de son fourreau :
5° I n exemplaire du tumulus du Souillard à Sarraz, indiqué sans
hésitation possible par les débris de son fourreau de bronze à boute-
rolle caractéristique. En outre, de nombreux tumulus ont montré la
présence de débris d'armes courtes à un ou deux tranchants. 11 en est
de même dans la portion du Jura limitrophe de la partie ci-dessus du
Doubs ; le tumulus des Coudres, à Cluey, a donné des débris d'une
courir épée de fer; à la Grange-Perrey (Arbois), entre Arbois et Salins,
M. E. Boilley a égalemenl découvert une courte épée de fer effilée dont
malheureusement la poignée n'esl pas conservée, pas plus que celle
d'une arme analogue très effilée et munie jadis d'un fourreau en bois,
que j'ai récemmenl découverte à peu de distance de là. dans un tumu-
lus du bois de Parançol (Mesnay); les mobiliers de ces tom belles se
classent à la période récente de Hallstatt.
coNTRiâj i'K'N v l'étude dés cei rES. 'i.">3
p. — Outre par Kvs plaques de ceintures 1rs brassards, en bronze
mince, les trousses de toilette, 1rs épingles eu cou de cygne, les fibules
de types semblables (el même la fibule à tête d'oiseau lors de la
transition du 1 lallstal t ion au Latène I), elc, la région fratic-com toi se se
rattache encore par ses poteries peintes à L'Allemagne dû Sud. C'est ce
que montrent très nettement les vases peints dont les débris ont été
découverts par M. I,. Coutil à Baume-Ies-Messieurs (Le village lar-
naudien et hallstattien des abris de Baume-les-Messieurs (Jura , par
I.. Cm m. in C. R. de la (X: session du Congrès préhistorique de
France, à Lons-le-Saunier en 1913), les tessons, de vases polychromes
jaunâtre et rougeâtrè et ceux à rouverte de graphite du camp de
Cliàteau-sur-Salins (M. Piroutet, Sur la coexistence de populations
différentes en Franche-Comté pendant les temps pré et protohisto-
riques, IX* Congrès préhistorique de France, p. 6lo). Il est à remarquer
qu'en Franche-Comté toutes ces poteries pennies halls ta t tiennes
remontent à des dates assez, reculées, comme si la connaissance des
vases peints helléniques," bien supérieurs au point de vue artistique,
avail affiné le goût des populations et avait à peu près complètement
t'ait disparaître la fabrication locale de ces spécimens d'un art un peu
barbare en les remplaçant par les importations d'origine méditerra-
néenne. C'est probablement pour la même raison qu'aucune de nos
plaques de ceinture franc-comtoises ne présente de figuration d'animaux
ou de personnages, celles-ci paraissant grotesques à des populations
connaissant les figurations d'hommes et d'animaux ducs à l'art hellé-
nique, et par suite à même de faire la comparaison.
Enfin, la présence dans le Jura salinois, de traces de cultures en
talus allongés, les Hochacker des archéologues allemands, sur l'exis-
tence probable desquelles M. II. Hubert tout d'abord, puis J. Déche-
Ittte ensuite avaient bien voulu attirer mon attention et dont j'ai pu
constater en elïet la présence, vient encore confirmer la parenté de nos
peuplades franc-comtoises halls ta t tiennes avec celles contemporaines
de l'Allemagne du Sud.
C'est dans les prairies, défrichées à une date relativement récente,
situées entre Ivorj (Jura) au Nord et au Sud les Moidôns, forêt qui
forme là deux cornes vers le Nord, Parançot sur la commune de
Mesnay d'une part et le Sepoit (sur Chilly) de l'autre, ([n'en deux
points assez peu distants j'ai découvert deux groupes de ces Hochacker
d'assez grandes dimensions et très nets tout au voisinage, à quelques
centaines de mètresà peine, des tumulus de Parançot. I n autre groupe
de Hochacker, mais de petites dimensions existe ;'i Culnu, tout an
voisinage de la Grange-Perre\ à la limite des communes d'Arbois et
de Pretin (celle-ci canton de Salins où, avec M. E. Boilley, j'ai reconnu
son existence dan-- une région tout particulièrement riche en tumulus
du premier âge du fer el du début du Latène 1, et séparée de l'oppi-
VV, MAURICE P1R0UTET.
dum (le Château-sur-Salins par la vallée, étroite et profonde, de Pretin.
D'autres encore existent en un point du bord du plateau d'Ivory
dominant Salins, au voisinage immédiat du point où se faisait le pas-
sage du chemin menant de Salins aux Moidons (avant Ja rectification
paraissant dater de l'époque romaine et gagnant le plateau par une
brèche taillée de main d'homme, et désignée sous le nom de « chemin
des Enfants bleus ») et tout proche du chemin actuel montant directe-
ment à Ivorv depuis la Grange-Cavaroz.
Enfin d'autres de ces « talus de culture », mais de bien plus petites
dimensions, se montrent dans la même région en rapport avec des
tombelles bien antérieures au Hallstaltien, notamment sur la mon-
tagne de Tbésy. où l'une des tombelles voisinant avec eux appartenait
au Bronze III, et à la Chaux-sur-Grésil où un groupe de tumulus de la
même phase se trouve en contact immédiat, au point que l'un des tumulus
(de 4 à 5 mètres de diamètre, renfermant une inhumation avec seule-
ment un percuteur, quelques éclats de silex taillés et quelques tessons
d'aspect très archaïque) a été construit sur l'un d'entre eux-mème.
G. — Ces pendeloques sont des rouelles plates, de dimensions et à
nombre de rayons variables, avec anneau de suspension, des crotales,
des grelots (?) en forme de sphéroïdes ou d'ellipsoides de révolution
creux, à côtes alternativement pleines et vides, munis d'un anneau do
suspension. Généralement on trouve un crotale ou un grelot ?) entre
deux rouelles ; parfois mais plus rarement c'est une série de cro-
tales seuls. Quelquefois la pendeloque est composite; elles consiste
alors en une plaque de bronze rectangulaire, généralement ajourée, à
laquelle sont suspendus rouelles ou grelots, parfois rouelles en-dessous
de grelots, rattachés à la plaque soit par des séries d'anneaux soit par
l'intermédiaire de tubes d'apparence annelée et rappelant les tiges de
Millericrinus. Un autre type de pendeloque, car je crois qu'il faut,
comme l'a fort bien montré M. D. Viollier (D. Yiollier, Un groupe de
tumuli hallstattiens, in Indicateur ^antiquités suisses, 1910) considérer
l'objet (mi question comme tel, au moins primitivement, c'est la plaque
circulaire ajourée, à centre rentlé, entourée de cercles plats, concen-
triques, mobiles, décorés de chevrons gravés, et désigné parfois sous le
nom de « bouclier de pudeur ». Celui-ci, la chose est très nettement
démontrée par M. I). Viollier, dérive tout uniquement de la pende-
loque rouelle, d les types i ii I en i ié< I ia i res on t été livrés par les tom-
belles de Subingen (Soleure) et de Gurzelen Berne). Un tumulus de la
forêt des Moidons Papillard dans les environs de Salins), fouillé par
l'abbé Guichard (je tiens le renseignement de lui-même) lui avait livré
une pendeloque unique, une rouelle de dimensions tout-à-fail inusi-
tées ; c'était là un acheminement vers la grande pendeloque en ques-
tion C'est à tort, par conséquent, qu'on verrait dans celle-ci une
eOMUIlU TION A l/v: Il DE DÉS CELTES. /,5à
analogue de la plaque discoïde abdominale portée par les femmes
Scandinaves de la lin de l'âge tin bronze, et avec encore moins de raison
une imitation d'un objet considéré comme parure Féminine de l'Italie
cent nde.
D'abord, dans celle-ci. les cercles sont reliés les uns aux autres et
l'existence de la plaque centrale paraît quelque peu hypothétique ; de
plus, il sérail tout à l'ait illogique qu'un objet en 1er eut été imite en
bronze chez des populations connaissant parfaitement le fer; enfin il
n'est nullement prouvé ([ne les susdits cercles concentriques italiens
fussenl antérieurs à l'apparition de noire pendeloque lielvéto-comtoise.
En effet, dans plusieurs cas, celle-ci se montre en Suisse (à Assens et un
autre exemplaire du Musée de Lausanne) et en Franche-Comté (à
Flagey) associée à des fibules italiques que nous ne retrouvons dans
aucune des tombelles des mêmes régions se classant d'une manière
indubitable à la période récente de Ilallstatt.
Il est vrai, toutefois, que le versant adriatique de l'Italie centrale a
livré aussi des parures à pendeloques qui se rattachent au même type
général que certaines du groupe hallstattieu occidental, mais il serait
exagéré de vouloir en faire les prototypes de ces dernières. La civilisa-
tion hallstattienne est bien originaire de l'Europe centrale, et son
influence s'est vivement fait sentir dans l'Italie centrale, non surtout
par voie de terre, mais principalement par la voie maritime, par
l'Adriatique, et là est la clef des analogies constatées. L'Italie du centre
et du .Nord, comme modèles d'objets d'appartenant en propre à la
civilisation hallstattienne, en a certainement vu naître quelques-uns,
mais bien loin d'être le lieu d'origine de tous, elle en a reçu beaucoup
plus qu'elle n'en a donne. Pour toutes les pendeloques en question,
leur origine se trouve dans des types déjà répandus à l'Age du Bronze
et ceci rend compte des caractères tout particuliers et spéciaux que
présentent ces objets dans chaque groupe régional où ils se trouvent en
usage au premier Age du Fer.
H. — Ces plaques de ceinture rectangulaires ont toutes leurs analogues
comme décoration dans l'Alsace et l'Allemagne du Sud. L'ornementa-
tion consiste, assez rarement, en répétition des mêmes motifs en lignes
horizontales; le plus souvent la décoration géométrique est disposée en
métopes, avec sur le pourtour un encadrement soit simple soit plus ou
moins compliqué, ou mieux, occupant une surface plus ou moins
considérable; d'autres fois le milieu de la plaque est lisse et présente
soit la décoration géométrique vers les deux extrémités seulement, soit
quelques rangées verticales de bossetles ou pcrlures, en relief, aux
extrémités, -oit encore vers chaque extrémité une ligne verticale de
bossettes ou demi -sphères indépendantes et fixées chacune par un rivet
dont la tête forme une sorte de bouton en saillie au dehors sur le pôle
456 MAURICE PIROUTEÎ.
de la bossctte. Seule l'ornementation comportant des figurations
humaines ou animales est absente en Franche Comté, mais la raison
en est aux relations des peuplades comtoises avec les comptoirs
helléniques de la côte provençale, qui faisaient ressortir leur carac-
tère plutôt grotesque en présence des produits de l'art grec, ainsi que
je viens de l'expliquer dans une des notes précédentes. Enfin la plaque
de ceinture en fer qui se montre dans l'Allemagne du Sud (J. Naue,
Nouvelles trouvailles préhistoriques en Haute-Bavière, L'Anthropologie,
1897) apparaît également dans le Jura salinois VM. Piroutet, Nouvelles
fouilles de tumulus aux environs de Salins, L'Anthropologie, 1904).
A propos de ces plaques, je dois faire remarquer que c'est bien à tort
que certains crochets de nos tombelles franc comtoises ont été qualifiés
de crochets de ceinture; ils ne se sont jamais rencontrées avec celle-ci
et tontes les fois que leur position a pu être constatée avec certitude,
c'est au cou ou sur la partie supérieure de la poitrine qu'ils se trou-
vaient; ce sont des agrafes.
j _ Ce n'est que dans le N.-E. de la Suisse que se montrent des
tumulus à l'Age du Bronze (il faut toutefois noter la découverte d'un
poignard du Bronze II dans un tumulus de Bofllens, d'après de
Bonstetten; voir aussi Troltsch, Fundstatistik, p. 54); mais celui-ci doit
être rattaché aux peuplades jurassiennes; au début du premier Age du
Fer il n'existe encore aucune tombelle dans la plaine suisse, celles-ci
n'y apparaissent que pendant la période récente de Hallstatt, d'après
M. D. Viollier (voir notamment : D. Viollier, Étude sur les fibules de
l'Age du Fer trouvées en Suisse, 1908). 11 est pourtant probable que les
tribus franc-comtoises ont débordé un peu antérieurement sur le versant
suisse, comme déjà à l'Age du Bronze ainsi que le montre le poignard
de Bofflcns. La conquête de la Suisse par les Celtes a dû s'effectuer à la
fois par ceux du N.-E. qui incinéraient et par ceux de la Franche-Comté;
du mélange de ces deux groupes primordiaux a résulté la formation de
Douvelles subdivisions ou groupes secondaires. Toutefois (Voir :
J. Heierli, Tombeaux de l'époque de Hallstatt, à Schotz, Suisse;
Revue préhistorique illustrée de tEsi, 1912) des tombes plates de nié me
âge se rencontrénl sur le Plateau suisse;- ce sont certainement les
sépultures des descendants (\^< anciens occupants, car on ne saurait
admettre que La différence des modes de sépultures soit due à la facilité
plu-, grande de creuser nue fosse que de construire un tumulus (la
multitude de uos petites tombelles franc-comtoises en est une preuve).
En outre t.- tombes plates étaient déjà la règle dans la majeure partie
de la Suisse à L'Age du Bronze et \ étaient encore usitées à La période
ancienne de Hallstatt, >i L'on en juge par les sépultures de Cornaux près
(|(. \,.,jcliatei (voir : D. \ [Ollier, Quelques sépulturesde Y ige du Bronze
en Suisse, fi-. 10, dont Les bracelets pourraient peut-être bien être
>\TRIKUT10N A LETUDE DES CELTES. 4&7
classés à la phase ancienne du Hallstattien plutôt qu'à l'Age du Bronze.
C'est à un groupe étroitement apparenté à notre groupe des Moidons
franc-comtois qu'appartiennent les tumulus fouillés par M. J. Wiedmer
à Sûbingen (i), dans le Jura soleurois; mais ici, si les pièces du mobilier
provenant du costume montrent l'étroite parenté en question, l'usage
de L'incinération indique l'influence des populations hallstattiennes
vivant, en Suisse même, plus à l'Est. Dans la céramique, les deux
influences se retrouvent; les jarres décorées de cordons circulaires en
relief et dont le plus grand diamètre se trouve au haut de la panse se
retrouvent dans les camps hallstattiens du Jura (Ghâteau-sur-Salins et
Mont-Guérin) tandis que l'écuelle à peinture rouge et noire se rattache
au groupe oriental. Les outils en silex et la hache polie qui ont été
recueillis dans ces tombelles doivent provenir soit de ce que l'on a
réutilisé des tumulus plus anciens, chose extrêmement fréquente, soit
de ce que les tertres funéraires ont été construits avec des matériaux
empruntés à l'emplacement d'une ancienne station néolithique. Ce sont
là, à mon avis, les manières les plus plausibles d'expliquer de tels faits,
l'utilisation de semblable outillage en pierre étant absolument inad-
missible au Hallstattien.
(1) Wibdmbr. Die Grabhùgel bei Sûbingen, in Anzeiger cf. C. R., par H. Hubert,
dans L'Anthropologie, 1909, p. 402.
(A suivre.)
LAUTHROPOLOOIK. — T. XXIX. — 1918-1919. -JQ
CONTRIBUTION
A L'ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE DES POPULATIONS
DES RIVES DU RHIN
RECHERCHES SUR L'INDICE CÉPHALIQUE, LA TAILLE
ET LA COULEUR DES CHEVEUX'
PAU _
LE Dr MAURICE HUCK (Menton)
Ancien interne des Hôpitaux de Nancy.
Médecin-Major de 1" classe de complément.
(( Le Rhin est pour l'Europe comme l'Euphrate pour l'Asie, et
le Nil pour l'Afrique. Sur les rives historiques de ce fleuve, et au
pied des montagnes qui se reflètent dans ses eaux, bien des races
humaines, des peuples européens se sont heurtés; et il semble
que la domination ou au moins la prépondérance en Europe soit
attachée à la possession de cette limite » : ainsi s'exprime
Zeller (2) dans son traité sur les « Origines de l'Allemagne et de
l'Empire germanique ».
Pour la France, le Rhin fut, depuis l'origine de l'histoire, la bar-
rière naturelle contre les invasions germaniques, et son rôle
protecteur de la race celtique contre la pénétration germanique
est indéniable. C'est ce fait que nous nous proposons de mettre
en évidence, en étudiant certains caractères anthropologiques des
riverains actuels du fleuve, notamment l'indice céphalique, la
taille et la couleur des cheveux.
I
GÉNÉRALITÉS
Le crâne, de tous les organes, est celui qui se modifie le moins
chez un peuple et se transmet de la façon la plus immuable, de
(i) Les conclusions de cette étude ont été présentées à la société médico-chirurgi-
cale de la XVe région en février 1919.
(2) Zbller, Origines de l'Allemagne et de l'Empire germanique, Didier, 1876.
i/anthhopologik. — t. xxix. — 1918-1919.
46o Dr MAURICE HUCR.
génération en génération. La craniométrie est donc un excellent
moyen de déterminer le caractère d'une race et, parmi les diffé-
rentes mensurations crâniennes ou indices, l'indice céphalique
ou indice de largeur est de première importance, (1) car il
exprime la forme générale du crâne. Lorsqu'on examine un crâne
par sa face supérieure, on remarque que le contour en est toujours
plus ou moins ovale, plus long que large, plus large en arrière
qu'en avant : mais cet ovale est plus ou moins allongé. De là des
formes crâniennes très différentes dont le caractère général est
indiqué par le rapport centésimal du diamètre transverse
maximumaudiamètre longitudinal ou antéro-postérieur maximum.
D. trans. max. X 100 . ,. , , ,.
= indice cephahque.
D. longitud. max.
Rappelons également la nomenclature des crânes d'après Broca,
suivant leur indice céphalique.
_ .. . , , . ( Dolichocéphales vrais .... 75 et au-dessous
Dolichocéphales j SouB-doUchocéphaleg . . . 7Bf01 à 77,77
Mésaticéphales 77,18 à 80
Sous-brachycéphales .... 80, ul à 83,33
( Brachycéphales 83,34 et au dessu
La taille et la couleur des cheveux sont également deux carac-
tères anthropologiques importants.
Topinard (2) a établi pour la taille chez l'homme la nomen-
clature suivante :
1° Hautes tailles lm,70 et au-dessus
2° Tailles au-dessus de la moyenne lm,69 à Jm,65
3° Tailles au-dessous de la moyenne .... lm,65 à 1^,60
4' Petites tailles lm,60 et au-dessous
Nous citons également la classification de la couleur des
cheveux d'après Topinard (2) :
1° Cheveux noirs.
2° Cheveux bruns foncés.
3° Cheveux châtains clairs.
4° Cheveux blonds ou roux.
La race celtique ou race de l'Europe centrale présente les carac-
tères anthropologiques suivants : (3) brachycéphalie considérable,
grande capacité crânienne, taille moyenne, peu d'infirmités et de
(1) UovflLACQin Kl Hkkvé, Précis a" An tro polo g te, Delahaye et. Lecrosnier, 1837.
(2) P. Topinakij, Eléments d'Anthropologie générale, Paris, Delahaye, 1885.
(3) Dictionnaire des sciences anthropologiques de Iîkutillon. Octave Doin.
ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE DES POPULATIONS DES RIVES DU RHIN. /j6 \
myopie, menton large, teint frais et coloré, cheveux châtains,
bruns et droits, yeux à iris gris, système pileux très développé,
incurvation rachidienne peu prononcée. Ce sont ces crânes
celtiques, a forme globuleuse et aux temporaux sensiblement
gonflés, à face courte et large que l'art grec a popularisés jadis.
La race celtique s'étend dans les Iles Britanniques, la plus grande
partie de l'Armorique, de la France centrale (Berry, Bourbonnais),
de l'Auvergne, de la Savoie, du Piémont, des Alpes rhétiques et
noriques, de l'Allemagne méridionale, (1) de la Croatie, de la
Slavonie et de la Roumanie. Les représentants actuels les plus
typiques de cette race en France sont les Bas-Bretons (81,3), les
Auvergnats (84), les Savoyards (85,6) et, comme nous le mettrons
en évidence, les Alsaciens-Lorrains (82,86).
Les Celtes, venus primitivement de l'Est, représentent une
deuxième migration qui avait envahi le pays qui fut plus tard
la Gaule et avait refoulé et pénétré une première race dolichocé-
phale, les Ibères (type Basque espagnol).
La troisième race, la dernière arrivée de l'Europe occidentale,
est la race kymrique ou germanique. Cette race à indice dolicho-
céphale (73, 74, 75) se caractérise par la hauteur de sa taille, les
membres volumineux, la peau blanche, les dents de qualité
médiocre, les cheveux blonds et les yeux clairs, le visage allongé
et étroit, le nez leptorhinien et saillant, les orbites mégasèmes.
Les mœurs et coutumes des premiers habitants de la Gaule et
de la Germanie nous sont connus par les récits des auteurs
anciens, notamment par César, Tacite et Strabon.
Les Celtes étaient une population sédentaire, composée d'agri-
culteurs paisibles, aux mœurs démocratiques. Strabon (2) dit des
Gaulois : « Ils sont francs et de bon cœur. Confiants dans leur
force, ils se rassemblent pour combattre en masse et en désordre.
On les trompe aisément et Ton est sûr de les combattre où l'on
veut et quand on veut : car ils vont de front, ensemble, sans
s'inquiéter d'autre chose •: faciles à émouvoir, ils s'indignent
contre l'injustice et prennent le parti de leurs voisins opprimés ».
Les Germains, au contraire, étaient une race nomade et guerrière,
vivant du produit de la chasse, sacrifiant plus tôt à la boisson et à
(1) D'après Zbllbk, on retrouve en Allemagne les traces des Celles jusqu'aux
environs de Berlin.
(2) In Zelleh.
/j62 r>T M VTRICE TITCK.
la gloutonnerie qu'à la volupté. « Ils n'étaient pas agriculteurs »,
dit César (1). « Ils ne regardaient point comme une honte les bri-
gandages qu'ils exerçaient même entre eux, hors des limites de
leur propre territoire »
La première migration germanique eut lieu à une époque où le
métal n'était pas en usage en Europe (2). Puis ce furent successi-
vement les Galates, les Cimbres, les Belges, les Alamans, s'éta-
blissant dans l'Allemagne sud-occidentale, les Suèves, les Goths,
les Burgondes, les Lombards qui, venus du Danemark, enva-
hirent le Nord de l'Italie, les Francs, fondateurs de l'Union gallo-
franque, dont la puissance dura du sixième au huitième siècle,
les Saxons qui gagnèrent la Grande-Bretagne, le littoral de la mer
du Nord et de la Manche, enfin les Normands qui envahirent la
Basse-Seine et la Neustrie.
Un obstacle formidable se dressait devant cette poussée de l'Est
vers l'Ouest, c'était le Rhin. A ce point de vue, et nous aurons
à y revenir, il y a lieu de distinguer avec Battifol (3) le Rhin
dans sa partie alsacienne et dans sa portion correspondant aux
provinces rhénanes.
Dans sa partie alsacienne, le Rhin est un large torrent, à peine
navigable à partir de Strasbourg. Ses berges couvertes d'une
épaisse végétation forment des îlots changeant de place, suivant
ia crue du fleuve. Les ponts, jusqu'à l'époque moderne, étaient
rares. Aucune ville, aucun village ne se sont fondés sur les rives
alsaciennes du fleuve ; et c'est cette barrière naturelle, ainsi que
le démontre Battifol, qui préserva l'Alsace des grandes invasions
germaniques.
Il en est tout autrement de la partie du Rhin située au Nord
de l'Alsace. Le fleuve y est navigable et de puissantes cités se sont
fondées sur ses rives : c'est par Rastadt, Mayence, et Coblence,
à travers la Belgique, vers le nord de la France que passèrent les
grandes invasions germaniques, quand elles n'eurent pas lieu près
des sources du Rhin, par Baie et par Belfort.
Telles sont, très rapidement esquissées, les quelques considé-
rations générales d'anthropologie qu'il importait de rappeler
avant d'aborder l'étude particulière des différentes populations
des rives du Rhin.
(1) In Zbllbk.
(2) Hovelacque et Hehvk, Précis d'Anthropologie.
(3) Louis IUttifoi., Les anciennes Républiques alsaciennes, Flammarion, 1 y i 8 .
ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE DES POPULATIONS l>i;s RIVES DU RHIN. ^63
II
l'alsace ET LA LORRAINE (1).
L'Alsace, située sur les confins de deux civilisations antago-
nistes, est un bel exemple d'une population ayant conservé à
travers les siècles son type celtique, malgré les vicissitudes d'une
histoire particulièrement mouvementée.
Protégée contre les grandes migrations germaniques, comme
nous l'avons fait ressortir, à l'Est par le Rhin, difficilement fran-
chissable, à l'Ouest par les Vosges, aux rares défilés, l'Alsace fut
habitée primitivement par les Celtes. Les nombreux vestiges
archéologiques qu'on y trouve un peu partout, les dolmens, les
tumuli, les camps de refuge contre les barbares, tels le mur païen
autour du saint Odile qui date du ive siècle avant notre ère,
tous ces souvenirs du passé indiquent le caractère celtique des
premiers habitants. Les récits de César, de Dion Cassius, histo-
riens de l'an 200 de notre ère, confirment ces faits. L'anthropo-
métrie crânienne vient compléter cette démonstration.
Les mensurations de Blind (2) faites sur des crânes provenant
des tombes celtiques indiquent une brachycéphalie se rapprochant
du type qualifié, par Broca, d'Auvergnat de St-Nectaire (84,00).
Dans certaines tombes romaines, Beyer (3) a pu distinguer les
crânes nettement brachycéphales des indigènes, des crânes
dolichocéphales des mercenaires germains. Cet auteur en conclut
qu'à cette époque les croisements entre indigènes celtiques et
immigrés germaniques devaient être exceptionnels.
On ne peut donc admettre l'assertion de certains savants alle-
mands qui considèrent les Triboques, tribu germanique autorisée
par César à habiter la rive gauche du Rhin, comme les premiers
ancêtres des Alsaciens : ni les textes de César (4), ni ceux de
Tacite (5), ne confirment d'ailleurs cette hypothèse.
Après huit siècles de civilisation gallo-latine, l'Alsace, en
(1) L'absence d'Alsuciens-Lorrains dans notre service nous a empêché d'apporter
des recherches personnelles sur cette importante question.
(2) Blind, cité par Battifol, (voir L'Anthropologie, 1898).
(3) Beybr, Cité par Battifol.
(4) Césab, De bello gallico, IV, 10.
(5) Tacite, De moribus Germanorum, XXVIII (voir Battifol, p. 31 in Ane. Rtip. alsa-
ciennes).
464 Dr MAURICE HUCK.
violation du traité de Verdun, en 843, fut incorporée à la Ger-
manie, et pendant un siècle et demi, de 843 à 982, la France à
résisté à cet acte de violence. Les Français attaquèrent six fois la
Germanie, et trois fois l'Alsace resta entre leurs mains. Les Ger-
mains conservèrent finalement leur conquête, mais l'Alsace resta
autonome, sous l'autorité purement nominale des empereurs. La
constitution politique et sociale de la province au moyen âge,
ensemble de républiques indépendantes et de villes fermées à
toute immigration, ainsi que le fait ressortir Battifol, préserva
la race de la pénétration germanique.
L'examen des crânes, datant du moyen âge, nous donne des
renseignements très précieux à ce sujet.
Blind (1) a étudié 700 crânes provenant d'ossuaires datant du
xme, du xiv* et du xve siècle. Voici le tableau qui résume les
recherches de cet auteur au point de vue de l'indice céphalique.
lnd. céph. : 84,21
- 82,10
- 84,03
82,63
84,05
- 84,30
Ces crânes, on le voit, ont un indice brachycéphale très net :
ce sont les mêmes que ceux de l'époque celtique. Blind ne trouva
le type dolichocéphale que dans une proportion de 1,7 0/0. Les
Alsaciens ont donc conservé leur type celtique à travers tout le
moyen âge.
Le traité de Westphalie, en 1648, sous Louis XIV, consacra le
retour de la France à la politique gallo-romaine. L'Alsace, suivant
le désir de ses habitants, revint à la mère-patrie. Deux siècles se
passèrent pendant lesquels ce pays participa à la splendeur du
xvme siècle, à la grande émancipation de la Révolution française
et à la gloire de l'épopée napoléonienne. L'Alsace s'était confon-
due avec la France quand la catastrophe de 1870 et le traité de
Francfort la jeta sous le despotisme prussien.
Malgré cinquante années d'essais infructueux de germanisa-
tion, malgré l'immigration de plus de 300.000 Allemands, la race
alsacienne, si vivace, a résisté. L'Allemand est resté un corps
étranger dans le pays.
Le professeur allemand Schwalbe, (2) directeur de l'Institut ana-
(1) Blind, cité par Battifol, V Anthropologie, 1898.
(2) Sohwalbr, cité par Battifol.
Ossuaire de Saverne ....
254 crânes
— de Lupstein ....
66 -
— de Scharrachbergheim
145 -
— de Dambach ....
106 -
— Kaysersberg ....
121
— Ammerschweir . . .
5 -
ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE DES POPULATIONS DES RIVES DU RHIN. 465
tomiquede Strasbourg, s'est chargé de nous en donner la démons-
tration, en étudiant le crâne des alsaciens contemporains. Il
conclut à une brachycéphalie prononcée.
Frédéric (l)a examiné le crâne de 1.176 hommes et 969 femmes,
c'est-à-dire 2. 1 45 sujets. 11 trouva une moyenne de 82,67, comme
indice céphalique : 520/0 avaient un indice entre 80 et 84. Pour
les hommes, il trouva un indice de 82,86 et pour les femmes de
82,43. Les Strasbourgeois ont un indice de 81,95, Strasbourg-
campagne de 82,67. La moyenne pour la Basse-Alsace est de
83,01 pour 1.031 sujets; pour la Haute-Alsace, de 83,90 sur
140 sujets et, pour la Lorraine, de 84,04 sur 102 sujets.
Blind (2) a remarqué que l'indice des montagnards est plus
élevé que celui des habitants de la plaine, où l'indice descend à
82 et à 81 dans les villes.
Quant à la couleur des cheveux, Virchow (3) a trouvé en Alsace
le type blond dans une proportion de 18 0/0, ce qui est le pour-
centage le plus faible constaté en Allemagne.
En somme, ce qu'il importe de souligner, c'est que les Alsa-
ciens-Lorrains actuels sont des brachycéphales : par leur indice
céphalique, ils s'identifient avec nos Bas-Bretons (Basse-Alsace
83,01) et même avec nos Auvergnats (Haute-Alsace 83,90 et Lor-
raine 84,04), c'est-à-dire les types celtiques les plus caractérisés
en France.
Mais « ce qu'on appelle la race, a écrit Taine (4), ce sont des
dispositions innées et héréditaires que l'homme apporte avec lui
à la lumière et qui ordinairement sont jointes à des différences
marquées dans le tempérament et dans la structure du corps ».
Nous avons étudié la structure du corps, il nous reste à faire
ressortir le tempérament essentiellement celtique des Alsaciens,
qui ont été de tout temps des agriculteurs et des démocrates.
Les Alsaciens actuels ont résisté à l'assimilation germanique
en se retranchant derrière leur particularisme régional, comme
le firent leurs ancêtres, les fiers bourgeois des anciennes répu-
bliques alsaciennes, au temps du Saint-Empire. Ils opposèrent à
la culture de l'envahisseur leur antique dialecte celtique, leurs
coutumes et traditions gauloises, leur attachement à tout ce qui
(\) Frédéric, L'Anthropologie, 1908.
(2) Blind/ L'Anthropologie, 1898.
(3) VincHOW, Topinard, Éléments (VAnthropol. générale.
(4) Taine, cité par Battipol.
466 Dr MAURICE Ht'CK.
rappelait leur ancienne patrie: car trois grands faits (1). ont
maintenu le souvenir de la France en Alsace. Ce sont, d'abord,
la splendeur du xvïiie siècle dont les monuments, répandus un
peu partout dans la province, contrastent avec le mauvais goût
germanique ; puis la Révolution française qui avait satisfait les
vieux instincts démocratiques des Alsaciens ; enfin les guerres
de l'Empire, qui avaient donné carrière à leur humeur militaire.
Et c'est cet atavisme celtique que l'Alsace sut manifester en
1918, à Tétonnement du monde entier, lors de l'entrée de nos
troupes triomphales à Strasbourg.
III
LE GRAND-DUCHÉ DE BADE.
Le grand-duché de Bade appartient géologiquement au massif
montagneux qui, à l'époque des grands soulèvements alpins, se
sépara en deux crêtes, les Vosges à l'Ouest, et la Forêt Noire à
l'Est, créant ainsi la vallée du Rhin. C'est toute cette région que
les géographes du xvne siècle (2) appelaient « l'Alsace en général »,
en admettant toutefois que le Rhin a constitué une barrière telle
« que l'Alsace, prise plus précisément, n'est estimée que ce qui est
en deçà le fleuve ». Comme l'Alsace, la terre badoise est fertilisée
par les alluvions du Rhin, aussi ses habitants sont-ils restés à
travers les siècles des agriculteurs. La rive droite du Rhin fut
occupée primitivement par les Celtes : cette opinion est partagée
par Dion Cassius (3) qui affirme que « dans les temps les plus
reculés les habitants des deux Côtes du Rhin portaient le nom
de Celtes ». L'installation des Alamans dans cette région date
de 282 après J.-C. ; mais la domination romaine qui avait colonisé
la rive droite et établi ses Champs décumates (4), dès la fin du
premier siècle de notre ère, entre le Rhin et le Danube à travers le
pays de Bade, le Wurtemberg et la Bavière, contint longtemps les
barbares. Ce vaste territoire, de près de 300 milles, était colonisé par
d'anciens légionnaires moyennant une redevance égale au dixième
du revenu (décimus). Il était protégé par des travaux de défense,
(1) A truvers l'Alsace. André Hallays. Perrin et C".
(2) Battifol, Op. cit.
(3) Cité par Topinaho, Éléments a" Anthropologie générale.
(4) Voir notre carte n° 1 de la « (.khwanik romaine ».
ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE DES POPULATIONS DES RIVES DU RHIN. 4^7
dus surtout à Tibère et à Trajan ; lés ruines de ces retran-
chements sont encore visibles (Mur du Diable, Teufelsmauer ou
Pfahlgraben). De nombreuses routes stratégiques et commer-
ciales reliaient, à travers le pays de Bade, les possessions romaines
du Danube avec les provinces germaniques du bas-Rhin. Les
vestiges archéologiques datant de cette époque démontrent l'exis-
tence d'une puissante civilisation gallo-latine : ce sont notamment
les thermes romaines de Baden (Civitas aquensis), celles de
Badenwiller, dédiées à Diana abnoba.
Duché d'Alémanie sous la domination franque, le pays de
Bade fut rattaché définitivement à la Germanie à la suite du traité
de Verdun, en 843. L'unité politique de la province date du
xe siècle, où elle fut érigée en margraviat par Berthold de
Zaeringen.
En somme, depuis le partage de l'Empire de Charlemagne
l'histoire du pays de Bade, en général, a peu de rapport avec
celle de l'Alsace. Aussi quel changement d'aspect quand on
fiasse actuellement le pont de Kehl, près de Strasbourg : autre
dialecte, différence totale dans les mœurs et coutumes, différence
dans la construction des maisons, etc. On a véritablement l'im-
pression d'être en Allemagne. On doit cependant accorder aux
Badois, de par leur atavisme celtique, surtout aux populations
rurales, une certaine aménité qui contraste singulièrement avec
l'arrogance du Prussien, dont le nombre est d'ailleurs restreint
dans le pays. Comme l'Alsace, le pays a conservé son particula-
risme et l'immigration semble nulle dans les campagnes. Nous
avons recherché la vérification de ces faits de l'histoire en déter-
minant l'indice céphalique, la taille et la couleur des cheveux sur
une série de 75 prisonniers de guerre badois.
Voici les tableaux indiquant le résultat de nos recherches,
rédigés conformément aux instructions des anthropologistes (1).
(1) Nos mensurations représentent l'indice céphalométrique (crâne du vivant)
converti en indice céphalique (crâne du squelette) par la soustraction de deux
unités de chaque nombre (d'après Broca). Elles ont été prises avec le compas de
Bertillon et conformément aux « Instructions cranio logiques et craniomé triques de la
Soc. d'Anthrop. de Paris par Bkoca (Paris, Masson, 1875).
468
Dr MAURICE HUCK.
INDICE CÉPHALIQUE
1° Indice cépkaliqun des Badois
TABLEAU I
Indice N. de sujets Prop. cent.
73
74
15
76
77
78
79
80
81
1,33 0/0
1,33
4,00
4,00
12,00
9,33
9,33
6,66
6,66
idice
N. de sujets
Prop. cent.
82
15
20,00 0/0
83
8
10,66
84
1
1,33
85
5
6,66
86
4
5,33
87
0
0,00
88
0
0,00
89
1
1,33
75
Ind. max. — 89,00; Ind. min. — 73,89; Ind. moyen = 80,91
TABLEAU II
N. DE SUJETS PROP. CBNTÉS1M.
Dolichocéphales
Mésaticéphales.
Brachycéphales
Dolichocéphales . .
Sous-dolichocéphales.
Sous-brachycéphales.
Brachycéphales . .
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1
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1
13
16
26
19
75
1,33 0/0
17,33
21,33
34,66
25,33
ff]
î io n îu u n
Pig, 1. _ CoL'UUE DE L'INDICE CBPHALlQCE
drs Badois.
Pnr leur indice moyen de 80,91
les Badois sont des brachycé-
phales ou plus exactement des
sous-brachycéphales. C'est l'avis
de Topinardfl) qui « considère
l'Alsace et la Forêt Noire comme
une vaste nappe de brachycépha-
les, dans laquelle les indices
moyens ne varient que de quel-
ques unités. L'une et l'autre ont
été le refuge d'une même race,
celle qui existait avant le passage
des blonds à haute taille et qui a
survécu jusqu'à ce jour. Cette po-
pulation diffère des plaines alle-
mandes au Nord-Ouest ».
Ecker (2) (Crania meridionalis)
a étudié 7G crânes provenant d'A-
(t) Topinahd, Éléments d'Anthropologie générale.
(2) EcKBit, in Topivard.
ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE DES POPULATIONS DES RIVES DU RHIN. ^69
laiiuuis et de Francs qui passèrent à travers la Forêt Noire
vers la Gaule. C'étaient des dolichocéphales blonds qui enseve-
lissaient leurs corps en rangées (Reihengràber). Il leur trouva
74,9 comme indice moyen. L'étude de 100 crânes contemporains
donne, par contre, au même auteur un indice moyen sous-brachy-
céphale de 83,1, avec un minimum de 75 et un maximum de 92.
Ecker distingue dans le pays de Bade, comme Blind (1) en
Alsace, la race de la plaine de celle de la montagne : en elïet,
si l'on examine la disposition de la courbe de notre figure 1, on
constate une absence d'homogénéité qui semble indiquer la super-
position ou l'adossement de deux séries à indices différents.
Nous avons donc séparé nos 75 Badois en deux groupes, suivant
qu'ils sont de la plaine ou de la montagne.
2° Indices céphaliques des Badois de la Forêt Noire
et des Badois de la "plaine.
TABLEAU
m
BAI
>OIS
N.
DE LA FORÊT INOIKE
de sujets Prop. cent.
]
Indice
BADOIS DK LA
N. de sujets
PLAINE
adice
Prop. cent.
73
0
0,00 0/0
73
1
2,17 0/0
74
0
0,00
74
1
2.17
75
2
6,89
75
1
2,17
76
1
3,44
76
2
4,34
77
2
6,89
77
7
15,21
78
1
3,44
78
6
13,04
79
1
3,44
79
6
13,04
80
2
6,89
80
3
6,52
81
0
0,00
81
5
10,86
82
8
27,58
82
7
15,21
83
5
17,24
83
3
6,52
84
1
3,44
84
0
0,00
85
3
10,34
85
2
4,34
86
2
6,89
86
2
4,34
87
0
0,00
87
0
0,00
88
0
0,00
88
0
0,00
89
1
29
3,44
89
0
46
0,00
FORÊT
NOIHB
PLAINE
Indice minimum = 75,54
Indiee maximum — 89,00
Indice moyen = 82,14
Indice minimum =: 73,89
Indice maximum z= 86.64
Indice moyen — 80,13
(1) Blinl», L'Anthropologie, 1898.
h~o
D* MAURICE 1ILCK.
TABLEAU IV
FORÊT NOIRE
N. de suj. Prop. cent.
_ ,. - - - , ( Dolichocéphales
Dolichocéphales î _._ .. . ?. . .
( S/dolichocephales
Mésaticéphales .......
Brachvcéohales S S/brachycéphales
J r ( Brachycephales
12
10
29
0,00 0/0
13,79
10,34
41,36
34,80
PLAINE
N. de suj. Prop. cent.
1
9
13
14
9
46
2,P 0/0
19,55
28,22
30,40
19,55
8
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5&11 JCC
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Fig. 2. — CODRBR DE L'iNDICB CÉPHAL1QUK
DES BaDOIS Dg LA FORÊT NOIRB.
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Fig. 3. — Courbe de l'indice céphaliqle
DKd BaDOIS DE LA PLAINE.
Le résultat de nos mensurations confirme l'opinion émise par
Topinard. Nos 29 prisonniers de la Forêt Noire ont un indice plus
élevé (82,14) que nos 46 sujets de la plaine (.80,13). Les Celtes,
comme nous l'avons fait ressortir, se réfugiaient dans la montagne
lors des migrations germaniques qui passaient surtout par la
plaine : on conçoit très bien une pénétration kymrique plus
grande dans cette région (1).
(1) A noter le pourcentage de brachycephales qui prédomine dans la Furet nuire
(Tableau IV)
liii'i ANTHROPOLOGIQUE DES POPULATIONS DES RIVES Dt 1UILN. ^l
3° Etude de la taille des B A DOIS
TABLEAU V
Taille N. de sujets l'rop. cent.
Taille N. de sujets Prop. mut.
1,57
1
1,33 0/0
1,58
2
2,66
1,59
2
2,66
1,60
2
2,66
1,61
2
2,66
1,62
1
1,33
1,63
3
4,00
1,64
1
1,33
1,65
7
9,33
1,66
1
1,33
1,67
6
8,00
i,«8
7
9,33
1,69
2
2,66
1,70
13
17,33
1,71
2
2,66
1.72
7
9,33
1,73
1
1,33
1.74
1,75
1,76
1,77
1,78
1,79
1,80
1,81
1,82
1,83
1,84
1,85
1,86
1,87
1,88
1,89
1.90
3
4,00 0/0
4
5,33
2
2,66
0
0,00
2
2,66
1
1,33
1
1,33
0
0,00
0
0,00
0
0,00
0
0,00
0
0,00
0
0,00
1
1,33
0
0,00
0
0,00
1
1,33
75
Taille maxima = lm,90; Taille minima =: lm,57; Taille moyenne = lm,69
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Fig. 4. — Courbe de la taille des Badois.
ll-J2
Dr MAURICE HUCK.
4° Etude de la taille des B A DOIS de la Plaine et de la Forêt Noire
TABLEAU VI TABLEAU VII
PLAI.NB F0RTÏT NOIRE
Taille
N. de sujets
Prop. cent.
m.
1,57
1
2,17 0/0
1,58
0
0,00
1,59
2
4,34
1,60
2
4,34
1,61
0
0,00
1,62
0
0,00
1,63
2
4,34
1,64
1
2,17
1,65
6
13,04
1,66
1
2,17
1,67
5
10,86
1,68
5
10,86
1,69
0
0,00
1,70
8
17,58
1,71
0
0,00
1,72
3
6,52
1,73
0
0,00
1,74
2
4,34
1,75
1
2,17
1,76
1
2,17
1,77
0
0,00
1,78
2
4,34
1,79
1
2,17
1,80
1
2,17
1,81
0
0,00
1,82
0
0,00
1,83
0
0,00
1,84
0
0,00
1,85
0
0,00
1,86
0
0,00
1,87
1
2,17
1,88
0
0,00
1,89
0
0,00
1,90
1
46
2,17
Taille
N. de sujets
Prop. cnt
m.
1,58
2
6.89 0/0
1,59
0
0,00
1,60
0
0,00
1,61
2
6,89
1,62
1
3,44
1,63
1
3,44
1,64
0
0,00
1,65
1
3,44
1,66
0
0,00
1,67
1
3,44
1,68
2
6,89
1,69
2
6,89
1,70
5
17,24
1,71
2
6,89
1,72
4
13,79
1.73
1
3,44
1,74
l
3,44
1,75
3
10,34
1,76
1
3,44
29
PLAINE
Taille maxima = '.m,90
Taille minima = \Ipi51
Taille moyenne = lm,69
FORET NOIRE
Taille maxima z= lm,i6
Taille minima = lm,58
Taille moyenne = 1^68
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Fig. 5. — Courue de la taille dks Ha dois de la plaine
ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE DES POPULATtONS DES RIVES DU RHIN. /|73
En résumé, la taille moyenne des Badois est de tn\69 c'est-à-
dire une taille au-dessus de la moyenne d'après la nomenclature
de Topinard. Nous consta-
tons également que la taille
moyenne n'est que de lm,68
chez les Badois de la mon-
tagne alors qu'elle est de
l,n,69 chez les Badois de la
plaine. Ce fait est à l'appro-
cher de ce que nous avons
établi pour l'indice cépha-
lique qui est plus élevé dans
la montagne que dans la
plaine. En somme, taille
plus élevée et indice céphalique plus petit dans la plaine, taille
moins élevée et indice céphalique plus grand dans la montagne :
c'est-à-dire type Celtique plus accentué dans la montagne que
dans la plaine.
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Fig. 6. — Courbe i>e la taille des Badois
de la Forêt noihe.
4° Étude de la couleur des cheveux des BADOIS
TABLEAU VIII
N. de sujets Prop. cent.,
1° Cheveux noirs 1
2° Cheveux bruns foncés !3
3° Cheveux châtains clairs 34
40 Cheveux blonds ou roux 27
75
1,33 0/0
17,33
44,00
36,00
5° Étude de la couleur des cheveux des Badois de la Plaine
et de la Forêt Noire.
TABLEAU IX
B. DK LA PLA1NB
N. de S. Prop. cent.
1° Cheveux noirs. . . .
2° Cheveux bruns foncés .
3° Cheveux châtains clairs
4° Cheveux blonds roux .
1
9
18
18
46
2,17 0/0
19,56
39,13
39,13
B. DE LA FORÊT NOIRE
N. de S. Prop. cent.
0
3
17
9
29
0,00 0/0
10.34
58,62
31,03
D'après nos recherches, le nombre des blonds (3G 0/0 dans le
pays de Bade) est plus élevé qu'en Alsace, où il est de 18 0/0 d'après
L ANTHROPOLOGIE.
t. xxix. — 1918-1919.
31
^7^ È>r MAURICE fiuci.
Virchow. Il est plus élevé dans la plaine que dans la montagne *
dans la plaine, il se rencontre, comme nous l'avons démontré
avec les plus hautes tailles et les indices céphaliques les moins
élevés ; dans la montagne, le pourcentage des châtains clairs
domine celui des blonds.
En résumé, l'indice céphalique classe les Badois parmi les
brachycéphales, ou plus exactement les sous-brachycéphales.
L'indice céphalique, la taille et la couleur des cheveux indiquent
une légère accentuation du type celtique dans la Forêt noire.
IV
LES PROVINCES RHÉNANES.
Nous arrivons à la partie du Rhin située au-dessus de l'Alsace
et du grand-duché de Bade, celle qui correspond au passage des
grandes invasions germaniques, grâce à la navigabilité du fleuve
à ce niveau. Parmi les nombreuses tribus germaniques qui habi-
taient les rives du Rhin, citons d'abord les Ubiens, amis des
Romains, qu'Agrippa fît passer de la rive droite sur la rive gauche
pour la défendre (vers Cologne); les Usipètes, les Tenctères, les
Chamaves occupant la Westphalie actuelle ; les Sicambres, les
Cattes habitant la forêt Hercynienne, premiers occupants de la
Hesse actuelle; les Mattiaques, dans le Taunus, sur le Mein; au
Nord, les Amsibares; enfin les Frisons sur le Zuydersée La puis-
sance romaine déploya toute sa force et toute son habileté pour
contenir les barbares, lutte de quatre siècles où César, le premier,
mérita le titre de défenseur de la civilisation gallo-latine. Les
Romains placèrent leur première ligne bien au-delà de la rive
droite du Rhin qui, cependant, fut toujours considérée comme la
frontière militaire de la Gaule. La politique de Rome fut primi-
tivement d'étendre les frontières de l'Empire jusqu'à l'Elbe, de
façon à assurer définitivement la paix aux provinces situées sur
la rive gauche du Rhin, et à établir la liaison entre les provinces
germaniques et les possessions du Danube. La défaite des légions
de Varus, en 9 après J. C, fut le premier échec de cette politique.
En somme, la domination romaine s'est maintenue pendant
quatre siècles sur la rive gauche, pendant 450 années dans la
région de Trêves et de la Moselle : elle ne dura que 200 ans sur
Étude anthropologique des ron i ations tes rives du rhix. ^5
la rive droite, môme 100 ans seulement dans certaines régions de
ce côté du Rhin. Il existait, dès 90 après J. C, deux provinces
gallo-romaines sur les rives du Rhin (1) : la Germanie supérieure
3 — ÊXT 1 -^vv.
CHAMPS PECU/^Tgfe ^§^\
~^Jir^MZ^Zj ["Helvètes
Carte i. — Germanie Romaine et Champs Décumatbs, par Vidal-Lablache.
0
ou première, celle d'où dépendait l'Alsace actuelle, la Germanie
inférieure ou deuxième Germanie allant jusqu'à l'embouchure du
Rhin et correspondant aux provinces rhénanes actuelles de la
rive gauche ; les Champs décumates s'étendaient sur la rive
droite à partir de la région au nord de Coblentz, à travers le
(1; Voir notre carte n° 1 de la « Germanie romaine ».
i
h~$ Dr MAURICE HUCK.
grand-duché de Hesse, le grand-duché de Bade, le Wurtemberg,
la Bavière jusqu'au Danube.
Trêves, fondée sous Auguste, Augusta Treverorum, ville de
résidence impériale, centre des voies les plus importantes de
l'Empire, devint non seulement la capitale des deux Germanies,
mais de toute la Gallia belgica, où elle était d'ailleurs située : ce
fut la Borne gauloise. Une célèbre école latine répandait au loin
la culture classique parmi les intellectuels de l'époque ; et si les
riches parlaient le latin, le peuple parlait la langue celtique,
ainsi que l'affirme le Père de l'Église Jérôme (1), à la suite d'un
voyage à Trêves, au ive siècle.
La splendeur des ruines gallo-romaines qui subsistent actuelle-
ment à Trêves (Porta \igra) ainsi que sur toute la rive gauche,
démontre à quel point Borne avait assimilé les tribus germa-
niques qui étaient devenues ses alliées. La rive droite, zone
mouvementée des opérations militaires et soumise moins long-
temps à l'occupation romaine, bénéficia moins de cette brillante
civilisation ; et c'est sur la rive gauche que se constituèrent les
puissantes cités de Trêves, de Mayence, de Coblence, de Cologne,
qui conservèrent leur prédominance depuis la période romaine
jusqu'à travers le moyen âge. Ce n'est que de cette dernière
époque que datent les villes de la rive droite du Bhin. Dragen-
dorfï (2) affirme que cette différence de civilisation sur les deux
rives, entre la Germanie romaine et la Germanie libre, s'est
maintenue à travers les siècles : « et mille années d'histoire
allemande, dit cet auteur, n'ont pas réussi à effacer quelques
siècles d'époque romaine. Cette influence s'est fait sentir à tra-
vers le moyen âge jusqu'à l'époque actuelle ».
Le christianisme, qui fit son apparition dans les provinces
rhénanes vers le 11e siècle, contribua au maintien et à la diffusion
de la culture classique.
L'œuvre des Mérovingiens et des Carlovingiens fut romaine :
ce fut la lutte de la civilisation contre la barbarie. Charlemagne,
prince gallo-franc qui avait fait d'Aix-la-Chapelle le centre de son
Empire, défendit la Gaule sur le Bhin contre les Saxons. Il déna-
tionalisa les nations germaniques pour les soumettre à la nation
gallo-franque. C'est ainsi que pendant huit siècles, l'histoire des
(I) DftAOBNDOftFF, Wesldeutscldand zut R<>merzpit, 1912.
r2) Dragbkdohpf, Westdeutschland zur Bômeneit, 1912.
ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE DES POPULATIONS DES RIVES DU RHIN. ^77
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rives du Rhin, surtout celle de la rive gauche, se confond avec
celle de la Gaule.
louis XIV. la première République française qui prit toute la
rive gauche, le premier Empire
français qui passa sur la rive
droite, furent les continuateurs
de la politique de César ; et
lorsque, après 1815, la nouvelle
puissance prussienne reprit vio-
lemment presque tout le cours
du fleuve sur ses deux rives, elle
devint la plus formidable puis-
sance de l'Europe, qui acheva
son œuvre en 1870.
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Après avoir repoussé la der-
nière invasion germanique, celle
de 1914, qui, elle aussi, passa par
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Fig. 7 — CuUKBB DE L'lM)ICR CÉPHALIQUE
DE 519 SUJETS DE LA RIVE GAUCHE.
no ï£ U U y «û Uî'*U U$o9i
Fig. 8. — Courbe dk l'indice cépha ique
DE 252 SUJETS DE LA RIVE DROITE.
la Belgique et le Nord de la France, la troisième République et
ses alliés n'ont fait que reprendre l'ancienne politique ro-
£-8 Dr MAURICE HUCK.
maine, en rétablissant l'ancienne frontière militaire de la Gaule.
Tels sont les faits de l'histoire; qu'elle est leur concordance
avec les données de l'anthropométrie ? Nous avons examiné
771 prisonniers de guerre originaires du Palatinat, du grand-
duché de flesse et de la Province rhénane prussienne au point
de vue de l'indice céphalique, de la taille, et de la couleur des
cheveux.
INDICE CÉPHALIQUE
Nous basant sur les faits de l'histoire, nous avons séparé nos
771 sujets en deux groupes, 519 sujets de la rive gauche et 252
de la rive droite (1).
TABLEAU X
R1VB GAUCHE DU RHIN
Qdice
N. de S.
Prop, cent.
70
1
0,19 0/0
71
2
0,38
72
4
0,77
73
il
2,11
74
26
5,00
75
28
5,39
76
28
5,39
77
34
6,65
78
E9
11,36
79
63
12,13
80
46
8,86
81
48
9,24
82
45
8,67
83
33
6,35
8i
22
4,23
85
32
6,16
86
n
3,27
87
6
1,15
88
6
1,15
89
6
1,15
90
2
0.38
519
Indice
mininum
= 70,82
Indice
maximum
= 90,35
Indice
moyen
= 80,15
RIVE DROITE DU RHIN
idice
N. de S.
Prop. cent.
71
2
0,79 0/0
72
2
0,79
73
6
2,38
74
16
6,32
75
14
5,55
76
27
11,71
77
28
11,08
78
33
13,09
79
24
9,51
80
30
11,88
81
17
6,74
82
16
6,32
83
9
3,57
84
11.
4,35
85
9
3,57
86
4
1,58
87
2
0,79
88
1
0,39
89
0
0,00
90
0
0,00
91
1
0,39
252
Indice
minimum
= 71,54
Indice
maximum
= 91,05
Indice
moyen
= 79,29
(1) Carte n« 2.
ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE DES POPULATIONS DES RIVES DU RHIN. 479
We^tw
lVEt> X>U
■Vi S-vailuio cèbtoA^t^^teo
"FTÎ.A.N
Z&ilîe
Carte 2. — Lss Indices cbphaliqubs sor les deux rives du Rhin.
48o - Dr MAURICE HUCK.
TABLEAU XI
RIVE GAUCHE RIVE DROITE
N. de S. Prop. cent. N.deS. Prop cent.
, . , ( Dolichocéphales .
Dolichocéphales j S/doIicnocéphales
Mésaticéphales
_ . , . , ( S/brachycephales
Brachvcepbales ] ' . . - ,
( Brachycephales .
45 8,67 0/0 '/7 -10.11 0/0
60 15,41 64 25,40
132 25,43 62 24,61
145 27,93 64 25,40
111 22,54 35 13,85
519 252
D'après nos recherches, l'indice céphalique moyen classe les
prisonniers de la rive gauche parmi les sous-brachycéphales
(80,15), et ceux de la rive droite parmi les mésaticéphales
(79,29). La pénétration kymrique a été plus intense sur la rive
droite que sur la rive gauche : les données de l'anthropométrie,
on le voit, concordent avec les faits de l'histoire.
Nous avons divisé nos 519 sujets de la rive gauche et nos
252 sujets de la rive droite en six groupes, échelonnés à gauche,
et deux groupes, à droite du Rhin (1) ; ce sont :
Rive gauch< du Rhin Rive droite du Rhin
a) Palatinat. a) Région du Rhin supérieur
6) Région de la Saar. (au sud de la Lahn).
c) Région de Trêves et de la Moselle. b) Région du Rhin inférieur (au
d) Région de la Nahe et de Mayence. nord de la Lahn).
e) Région de Coblence, Bonn et de la
Hocbeifel.
f) Région de Cologne, d'Aix-la-Chapelle,
et du Bas-Rhin.
(Voir les tableaux indiquant les indices céphaliques de ces diffé-
rentes régions aux pages 482, 483, 484, 485, 486 et 487.)
L'étude de l'indice céphalique des six groupements de la rive
gauche du Rhin donne lieu aux conclusions suivantes :
1° L'indice céphalique, d'une manière générale, va en diminuant
à mesure que l'on se rapproche de l'embouchure du Rhin. Il reste
sous-brachvcéphale (type Bas-Breton), comme en Alsace dans le
Bas-Rhin, dans cinq de nos groupements : il devient mésaticé-
phale dans la région d'Aix-la-Chapelle, de Cologne et du Rhin
inférieur, c'est-à-dire la partie la plus septentrionale du fleuve.
C'est à ce niveau que la pénétration kymrique ou germanique a
(1) Voir notre carte n* 3.
ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE DES POPULATIONS DES RIVES DU RHIN. Z|8l
Carte 3. — Les Indices cbphaliqufs kéijaktis par onorpEMENTs,
SUK LES DEUX RIVES DU RllIM.
482
Dr MAURICE HUGK.
TABLEAU
N. de S.
Vil
Indice
Prop. cent.
75
2
5,12 0/0
76
1
2,56
77
3
7,69
78
3
7,69
79
4
10,23
80
6
15,38
81
5
12,82
82
4
10,25
83
3
7,69
84
2
5,12
85
4
10,25
86
0
0,00
87
1
2,56
88
1
39
2,56
Indice
minimum
= 75,72
Indice
maximum = 88,32
Indice
moyen
= 81,32
TABLEAU
XIV
Indice
N. de S.
Trop. cent.
72
1
3,03 0/0
73
0
0.00
74
1
3,03
75
0
0,00
76
1
3,03
77
0
0,00
78
3
9,09
79
8
24,24
80
1
3,03
81
1
3,03
82
5
I! 5,45
Si
1
3,03
84
5
15,15
85
4
12,12
8-i
1
3,03
87
0
0,00
s 8
0
0,00
89
1
3,03
33
Indice minimum = 72,75
lndii-<; maximum =89,15
Indice moyen = 81,57
Rive gauche du Rhin,
a) Palatinat.
TABLEAU XIII
N. de S. Prop. cent.
( Doliehocéph. .
Dolichocéphales } s/dolichocéph .
Mésaticéphales
. « i i { S/brachycéph. .
Brachvoephales ] J , , , ,
J ( Brachvcephales.
0
5
8
17
9
0,00 0/0
12,82
20,51
43,58
23,07
39
<0 It
" J\
l r£ \/p-
â~
1^1 —
M
]*> ]% u n ^ % tî
Fig. 9. — Courde de l'indice céphalique du Palatinat
b) Région de la Saar.
TABLEAU XV
N. de S. Prop. ceot
( Doliehocéph.
Dolichocéphales j s/dolichocéph
Mésaticéphales
( S/brachycéph.
Brachycéphales j Brachycéphales
2
1
11
7
12
6,06 0/0
3,03
33,33
21,21
36,36
7
3
S.
tt»
A
k
f
\
1
\
1
'l
l i
/
y
1
V
w
L-w-
Y
/
10. — COURBR l'K l/j.NDICE HE IA RÉGION DELA SaAR,
c) Région de Trêves et de la Moselle.
TABLEAU XVI
In.iice N. de S , Prop. cent.
73
74
75
76
77
78
79
80
81
82
83
84
85
86
87
88
89
90
•2
1
4
3
2
3
4
6
7
5
4
6
10
7
3
1
3
1
1?
2,77 0/0
1,38
5,55
4,16
8,71
4,16
5,55
8,33
9,72
6,95
5,55
8,33
13, 8S
9,72
4,16
1,38
4,16
1,38
1(3
9
î
1
6
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2
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M
i
7
w
6 f
« «
o «s. 8i* î6 m g
0
Fig.
H. — Courbe de l'indice de ThÈvH
ET DE LA MOSKLLE.
Indice minimum = 73,60: Indice maximum = 90,35; Indice moyen = 82,44.
Dolichoc.
Brachy.
TABLEAU XVII
N. de Sujets Prop. cent.
Dolicho . . 3 4.16 0/0
S/dolicho. 7 9,72
Mésaticéphales ... 10 13,88
d) Région de la Nahe et de Mayence.
TABLEAU XVIII TABLEAU XIX
N. de Sujets Prop. cent
S/Brachy. 19 26,38 0/0
Brachy . .
33
72
45,83
ndice
N. de S.
Prop. cent.
75
3
6,25 0/0
76
1
2,08
77
3
6,25
78
3
6,25
79
9
18,75
80
6
12,50
81
8
16,66
82
2
4.16
83
7
14,58
84
1
2,08
85
2
4.16
86
2
4,16
87
0
2,08
88
1
N. d« S. Prop. cent.
Dolichocéph. . 0
S/dolichocéph. 16
Mésaticéphales 13
16
ichycéphalcs. 13
Dolichocéphales
Mésaticéphales
t>„ u ' 1 1 ( S/brachycéph. .
Brachycephales ] ' . ' * .
( Brachycenhalrs.
0,00 0/0
12,50
27,08
3:*, 33
27,08
48
Indice minimum = 75,22
Indice maximum = 88,95
Indice moyen =81,00
9 . J
tf I-*-
=®t==
l =Bfc=
7 • ^ v 1
i \l ! L
f JL ifcC-
Fig. 12. — COiJRBE D8 l'indicb
DB LA RÉGION DE IA NaIIE ET DE MaYENCE.
484
Dr MAURICE HUCK.
été la plus accentuée. Cette région, située dans la plaine, corres-
pond à la partie la plus navigable du Rhin, et, comme nous
e) Région de Coblence, Bonn et de la Hocheifel.
r
r A BLE AU XX
Indice
N. de S.
Prop. cent*
73
2
2.66 0/0
74
4
5,33
75
.">
6,66
76
4
5,33
77
1
1,33
78
9
12.00
79
5
6,66
80
15
20.00
81
6
8.00
82
9
12,00
83
1
1,33
84
4
5.33
85
6
8,00
86
3
4,00
87
0
0,00
88
0
0,00
89
0
0,00
90
1
75
», 3
Indice
minimum = 73,25
Indice
maximum ^ 90, Oi
Indice
moyen
= 80,47
15
lit
15
12-
II
In
0
î
,
1
Ci
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5
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A
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I
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Fit?. 13.
% |6 jfl U Î5 % J6 ît %
— col'hbk de l'indice ok la région de coblence,
Bonn et de la Hocheifel
T\BLEAU XXI
N.deS.
Dolichocéphales j ^hocéphales . . . . . 6
( Sous-dolichoccphales ... 9
M saticéphales . . 15
„ . , . . I Sous-hrachycéphales ... 30
Brachycephales \ , * ■
f Brachycephales 15
~75~
Prop. cent.
8,00 0/0
12,00
20,00
40,00
2H,00
l'avons dit, au grand couloir des migrations germaniques: c'est
à Cologne et à Aix-la-Chapelle, rappelons-le également, que fut
le centre de la puissance franque.
2° C'est dans la région de Trêves que nous trouvons l'indice
moyen sous-brachycéphale (82,44) le plus élevé parmi les six
ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE DES POPULATIONS DES RIVES DU RHIN. £85
groupements : notre tableau XVII indique même un nombre de
brachyoéphales vrais de 45,830/0: c'est la proportion centési-
Cologne, Aix-la-Chapelle et du Bas-Rhin.
f) Région de
TABLEAU XXII
Indice
N. da S.
Pi op. cent.
70
1
0,39 0/0
71
g
0,79
72
3
1,19
7
2,77
74
20
7.93
73
14
5,55
76
18
7,14
77
25
9,92
78
38
15,07
79
3J
13,09
80
12
4,76
SI
21
8,33
82
20
7,93
83
17
6,74
84
4
1.58
85
6
2,38
86
4
4,58
. 7
2
0,79
88
3
1.19
89
2
232
0,79
Indice
minimum — 72, 8^
Indice
maximum - 89, 8'.)
Indice
moyen
= 78,83
^S
■'
\
%
^
i
\
tf
\
3*
S*
26
qh
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lu
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16
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il»
y
19
r
1
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G
ft
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A
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v
^
û
h
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-V-
Fig. 14. —
CODRBE DB L'INDICE DE LA REGION DE COLOGNE,
Aix-lv-Chapelle et du Bas-Rhin.
TABLEAU XXIII
N. de S. Prop. cent.
Dolichocéphales \ Dolichocéphales 34
( Sous-dolychocéphales. .... 52
Mésaticéphales ' m 75
Brachycéphales l Sous-brachycéphales 56
) Brachycéphales 35
252
13,49 0/0
20,63
29,76
22,22
13,88
maie la plus élevée dans les six groupements de la rive gauche (1).
(1) Houzi, (Revue d'Anthropologie, 1882) donne aux Luxembourgeois un indice
céphalique de 81,17. Ce sont donc également des sous-brachycéphales.
486
D' MA.URICE HICK.
Après ce que nous avons dit de Trêves, capitale de la Gallia-
belgica et des deux Germanies, il n'y a pas lieu de s'en étonner.
Rive droite du Rhin.
a) Région du Rhin supérieur, au sud de la Lahn.
tableau xxiv tableau xxv
Indice N. de S. Prop. cent.
11
2
1,62 0/0
12
0
0.00
13
0
0,00
14
5
4,05
15
1
0,81
16
10
8,13
11
12
9,15
18
18
14,63
19
14
11,38
80
16
13,00
81
10
8,13
82
6
4,81
83
5
4,06
84
9
1,31
85
1
5,68
86
4
3.25
87
2
1,62
88
1
0,81
89
0
0.00 '
90
0
0,00
91
1
123
0,81
Indice
minimum = 11,54
Indice
maximum =91,05
Indice
moyen
= 80,39
Dolichocéphales \
Mésaticéphales. .
Brachycéphales
N. de S.
Prop. cent.
Dolichocéph .
1
5,68 0/0
S/ dolichocéph
22
11,88
• • i '
33
26,34
S/brachycéph.
33
26,34
Brachycéph. .
28
22,12
123
\G
la
10
A
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1
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0*
1%
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G î
Ij
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*
Fig. 15. — Couhbb de l'indicb dk la région
du Rhin supérieur.
Nos observations concernant l'indice céphalique de la rive
droite, au nord du grand-duché de Bade, sont également très
concluantes :
1° La Lahn sépare deux régions, l'une mésaticéphale, au nord,
avec un indice moyen de 78,22 et l'autre sous-brachyeéphale, au
sud, avec un indice moyen de 80,39, qui se continue avec la
nappe sous-brachycéphale du grand-duché de Bade. Cette zone
mésaticéphale correspond, on le voit, à la portion la plus septen-
trionale du fleuve : l'indice y est un peu plus bas que dans la
zone mésaticéphale correspondante sur la rive gauche. Notre
tableau XXVII indique pour le Rhin inférieur la proportion
centésimale de 32,52 0/0 de sous-dolichocéphales, c'est-à-dire le
Étude iNTttROPOLôdiQUÈ dès populations des Iuves du hiiin. 487
chiffre le plus élevé que nous avons constaté. Cette pénétration
kymrique s'explique également par le passage des grandes inva-
sions germaniques à ce niveau du fleuve. C'est là que siégeaient
les puissantes tribus germaniques : les Tenctères, les Usipètes,
les Sicambres.
2° Les limites que constitue la Lahn entre la zone mésaticé-
b) Région du Rhin inférieur au nord de la Lahn.
TABLEAU XXVI
l« i
\u
\o
G
If
0
Indice
N. de S.
Trop, cent
72
2
1,55 0/0
73
6
4,65
74
H
8,52
75
13
10,07
76
17
13,17
77
16
12,40
78
15
11,62
79
10
7,75
80
14
10,85
81
7
5,42
82
10
7,75
83
4
3,10
84
2
1,55
85
2
129
1,55
1
1
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1 .
Y
\ .
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Y
\
\
A
1
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0 1
tfr 8G
Fie. 16.
CoURBE DK L'iNDICR DE LA RE ION
du Rhin inférieur
TABLEAU XX Vil
N. do S. Prop. cent.
n ,. , , . . ( Dolichocéphales ...... 20
Dolichocéphales \ T^ * ... 0
( Sous-Dolichocéphales .... 42
Mésaticépbales 29
Brachycéphales j Sous-Brachycu phales 31
( Brachycephales '
15,50 0/0
32,52
22.48
24,03
5,42
129
Indice minimum = 72,09 ; Indice maximum = 85,31 ; Indice moyen = 78,22.
phale et la zone sous-brachycéphale peuvent également trouver
leur explication par les faits de l'histoire. C'est à ce niveau, c'est-
à-dire dans les environs de Coblence, sur la rive droite, que com-
mençaient les retranchements (1) (Pfahlgraben) entourant les
Champs décumates. destinés à contenir les barbares. Ces travaux
de défense, nous l'avons dit, contournaient les pays de Hesse et
de Bade, le Wurtemberg et traversaient la Bavière jusqu'au
(1) Voir notre carte n° 1, de la 0 Germanie romaine ».
m
Dr MAURICE IIUCK.
Danube. L'élément brachycéphale primitif semble avoir été
protégé dans cette région contre la pénétration dolichocé-
phale (1).
TAILLE
2° Étude de la taille chez 519 sujets de la rive gauche
et 252 sujets de la rive droite.
TABLEAU XXVIII TABLEAU XXIX
Taille
N. do S.
Prop. cent,
m.
1,54
1
0,190/0
1,55
0
0.00
1,56
4
0,77
1,51
1
0,19
1,58
6
1,15
1,59
1
0.192
1,60
11
2,11
1.61
7
1,34
1,62
18
3,46
1,63
14
2,69
1,64
17
3,27
1,65
72
13,87
1,66
20
3,85
1,67
36
6,93
1,68
56
10,79
1,69
28
5,39
1,70
72
13,87
1,71
13
2,50
1,72
37
7,12
1,73
18
3,46
1,74
9
1,13
1,75
28
5,39
1,76
12
2,31
1,77
4
0,77
1,78
13
2,50
1,79
9
1,73
1,80
8
1,54
1,81
1
0,19
1,82
0
0,00
1,83
a
0.38
1,84
1
519
0,19
Taille
N. de S.
trop, cent,
m.
1,58
3
1,19 0/0
1,59
1
0,39
1,60
6
2,38
1,61
4
1,58
1,62
8
3.17
1,63
5
1,98
1,64
5
1,98
1,65
31
12,27
1,66
6
2,38
1,67
9
3,57
1,68
26
10,31
1,69
16
6,32
1,70
36
14,28
1,71
16
6,32
1,72
19
7,53
1,73
8
3,17
1,74
6
2,38
1,75
20
7,93
1,76
6
2,38
1,77
2
0,79
1,78
7
2,77
1,79
3
1,19
1,80
5
1,98
1,81
3
1,19
1,82
0
0,00
1,83
0
0,00
1,84
0
0,00
1,85
1
0,39
Taille minima = lm,'34
Taille maxima = lm,84
Taille moyenne = lra,69
252
Taille miuima = lm,58
Taille maxima = lm,85
Taille moyenne = lm,69
(1) Eckkr attribue un indice sous brachycéphale de 83,00 aux Allemands du Sud.
Ce même chiffre est indiqué pour les Wurtembergoois et les Bavarois (Rankc), in
T OPINA rd, Éléments d'Anthropologie générale.
ÉDUDE LNTHROPOLOGIQUE DES Poi'i'i.U'IONS DES RIVES DU RHIN. 4$9
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Fig. 17. — COURBB DES TAILLES DE LA RITE GAUCHE (529 SUJETS).
L ANTHROPOLOGIE. — T. XXIX. — 1918-1919.
32
k 90
D' MAURICE III CK.
L'étude de la taille sur la rive gauche et la rive droite du Rhin
nous indique une moyenne commune aux deux côtés du fleuve de
lm,69, c'est-à-dire une taille au-dessus de la moyenne, d'après la
nomenclature de Topinard. Notre chiffre correspond à la taille
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Fig. 18. — • CûUHBB Dfc, LA TAILLE DK LA RIVK DKOITK
moyenne des Allemands qui est de lm,69. (La taille moyenne des
Français est de lm,65).
Comme pour l'indice céphalique, nous avons divisé nos sujets
en six groupements sur la rive gauche et deux groupements sur la
rive droite (1).
L'étude de la taille dans les six groupements de la rive gauche
et les deux groupements de la rive droite du Rhin nous permet
d'établir les faits suivants :
(l) Voir notre carte n° 4.
ÉTUDE UlTHttOPOLOCîQUÏ DBS l'oiMi. v llONS DES IUVES DU RHIN. Zjyl
C.'irt'i 4. — KÉPAHTiTlOfl DKS TA1LLKS SUll LES DhTUX H1VKS DC Hill.N.
492
Dr MAURICE HICk.
Rive gauche du Rhin.
a) Palatinat.
r
rABLEAU
N. de S,
XXX
Taille
Prop. cent.
m.
1,62
3
7,69 0/0
1,63
2
5,12
A, 64
1
2,56
1,65
5
12,82
1,66
2
5,12
1,67
7
17,94
1,68
6
15,38
1,69
1
2,56
1,10
2
5,12
1,71
0
0,00
1,72
3
7,69
1,73
0
0,00
1,74
1
2,56
1,75
3
7,69
1,76
1
2,56
1,77
0
0,00
1,78
0
0,00
1,79
2
39
5,12
TABLEAU XXXI
Taille
N. de S.
Prop. cent.
m.
1,60
2
6,06 0/0
1,61
1
3,03
1,62
3
9,09 <
1,63
0
0,00
1,64
0
0,00
1,65
5
15,15
1,66
2
6.06
1,67
2
6,06
1,68
1
3,03
1,69
2
6,06
1,70
5
15,15
1,71
1
3,03
1,72
2
6,06
1,73
1
3,03
1,74
1
3,03
1,75
2
6,06
1,76
0
0,00
1,77
0
0,00
1,78
2
6,06
1,79
0
0,00
1,80
1
3,03
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Fig. 19. — COUBRE DK LA TAILLE DU PALAT1NAT.
Taille minima =rlm,62
Taille maxima = lm,79
Taille moyenne = lm,68
b) Région de la Saar.
^.(do (& 6k £6 Ç>i l^o
Fig. 20. — Courbe de la taille de la Région
de la Saab.
Taille minima = 1"\60
Taille maxima = l,ll,80
Taille moyenne = lm,68
33
ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE DES POPULATIONS DES R1VE0 1>U RHIN. 4^3
L° La taille moyenne de lm,68 se retrouve dans les cinq grou-
pements sous-brachycéphales de la rive gauche : elle est de ln,,69
c) Région de Trêves et de la Moselle.
TABLEAU XXII
Taille
N. de S.
Trop. cent.
m.
1,57
1
1,38 0/0
1,58
0
0,00
1,59
1
1,38
1,60
2
2,77
1,61
0
0,00
1,62
0
0,00
1,63
0
0,00
1,64
4
5.55
1,65
13
18,05
1,66
1
1,38
1,67
8
11,11
1,68
8
11,11
1,69
5
6,95
1,70
10
13,88
1,71
4
5,55
Taille
N. de S.
Prop. cent.
m.
1,72
4
5,55 0/0
1,73
5
6,95
1,74
0
0,00
1,75
3
4,16
1,76
0
0,00
1,77
0
0,00
1,78.
0
0,00
1,79
1
1,38
1,80
1
1,38
1,81
0
0,00
1,82
0
0,00
1,83
0
0,00
1,84
1
1,38
72
Taille minima = lm,57; Taille maxima = lm,84 ; Taille moyenne = lm,68.
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Pjg. 21. — COURBB DE LA TAILLIS DE LA RÉGION DE TaÈVES ET DE LA MOSELLE.
dans la région mésaticéphale, de Cologne et d'Aix-la-Chapelle;
de même que l'indice céphalique, la taille a subi l'impression
1
Dr MV.UMCE HUCK.
*9*
kymrique sur le passage des grandes migrations germaniques.
2e Sur la rive ;droite la taille est de lra,69dans le groupement
d) Région de la Nahe et de Mayence.
TABLEAU XXXIII
Taille
N. de S.
Prop. cent.
Taille
N. de S.
Prop. cent
m.
1,50
1
2,08 0/0
m.
1,70
8
16,66 0/0
1,57
0
0,00
1,71
2
4,t6
1,58
1
2.08
1,72
4
8,33
1,59
0
0,00
1,73
0
0,00
1,60
2
4,16
1,74
1
2,08
1,61
0
0,00
1,75
3
6,25
1,62
0
0,00
1,76
0
0,00
1,63
3
6,25
1,77
0
0,00
1,64
2
4,16
1,78
2
4,16
1,65
6
12,50
1,79
0
0,00
1,66
2
4,16
1,80
1
2,08
1,67
2
4,16
1,81
1
2.08
1,68
6
12,50
48
1,69
1
2,08
Taille minima = lm
,56 ; Taille maximaz
= l*,8i ;
Taille moyenne — lm,6
Fig. 22. — Courbe de la taille de la région de la Nahe et de Mayencb.
au Sud de Lahn, sous-brachycéphale, et de lm, 69 dans celui situé
au Nord de la Lahn, mésaticéphale.
En somme, la taille examinée dans les six groupements de la
ÉTUDE U?TH*OPOLOGIQUE DES POPULATIONS DES RIVES DU RHIN. V)->
rive gauche s'éjèye dans la direction de l'embouchure du Rhin en
raison inverse de l'indice céphalique. Dans les deux groupements
e) Région de Coblence, de Bonn et de la Hocheifel.
TABLEAU XXXIV
Taille
N. île S.
Prop. cent.
m.
1,56
1
1,33 0/0
1,51
0
0,00
1,58
1
1,33
1,59
0
0,00
1,60
2
2,66
1,61
0
0,00
1,62
3
4,00
1,63
3
4,00
1,64
4
5,33
1,65
10
13,33
1,66
5
6,66
1,67
3
4,00
1,68
9
12,00
1,69
5
6,66
Taille minimal lm
,56 ; Taille m
Taille
N. do S.
15
Trop. cent.
m.
1,70
8
10,66 0/0
1,71
1
1,33
1,72
4
5,33
1,73
3
4,00
1,74
4
5,33
1,75
3
4,00
1,76
1
1,33
1,77
1
1,33
1,78
1
1,33
1,79
2
2,66
1,80
1
1,33
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jrjg# 23. — Courbe db l'indice db la. région de Coblence,
Bonn et de la Hochripbl.
delà rive droite elle est plus élevée que dans les six groupements
de la rive gauche.
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Dr MAURICE III CK
f) Région de Cologne, Aix-la-Chapelle et du Bas-Rhin.
TABLEAU XXXV
Taille
N. de S.
Prop. cent.
Taille
N. de S.
Prop. cent.
m.
1,54
1
0,39 oyo
ni.
1,10
39
15,41 0/0
1,55
0
0,00
1,11
5
1,98
1,56
2
0,19
1.12
20
1,93
1,51
0
0,00
1,13
9
3,51
1,58
4
1,58
1,14
2
0,19
1,59
0
0,00
1,15
13
5,15
1,60
3
1,19
1,16
10
3,96
1,61
6
2,38
1.11
3
1,19
1,62
9
3.51
1,18
8
3,17
1,63
6
2,38
1,19
5
1,98
1,64
6
2,38
1,80
4
1,58
1.65
33
13,09
1,81
0
0,00
1,66
8
3,11
1,82
0
0,00
1,67
14
26
5,55
10,31
1,83
2
0,19
1,68
252
1,69
14
5,55
Taille minima— lm,54; Taille maxima= lm,83 ; Taille moyenne = tm, 69.
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Fig. 24. — Gourbi db la taille de la aèguow db Cologne,
Aix-la-Chapelle BT du Bas-Rhin.
ÉTUDE INTHROPOLOGIQUE DES POPULATIONS Mis RIVES Dl RHIN. 'i<)7
Rive droite du /Hun.
a) Région du Rhin supérieur (au sud de la Lahn).
TABLEAU XXXVI
Taille
N. de s.
Prop. cent.
1,58
2
1,62 0/0
1,59
0
0,00
1,60
1
0,81
1,61
2
1,62
1,69
5
4,06
1,63
5
4,06
1,64
2
1,62
1,65
13
13,56
1,66
3
2,43
1,61
4
3,25
1,68
15
12,20
1,69
11
8.94
1,70
16
13,00
Aille
N. de S.
Prop. cent.
Ml.
1,71
6
4,87 0/0
1,72
11
8,94
1,73
5
4,06
1,74
2
1,62
1,75
9
7,31
1,76
3
2,43
1,77
0
0,00
1,78
1
0,81
l-,79
2
1,62
1,80
4
3,25
1,81
1
0,81
123
Taille minima =: lw,58; Taille maximal lm,81 ; Taille moyenne ~im,69.
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Fig. 25. — Courbe de la taille de^la kégion du Rhin supkiukuk.
Dr MAURICE 7IUCK.
Taille
m.
1,58
1,59
1,60
1,61
1,62
1,63
1,64
1,65
1,66
1,67
1,68
1,69
1,70
1,71
1,72
b) Région du Rhin inférieur (au nord de la Lahn)
TABLEAU XXXVII
N.de S.
Prop. cent.
Taille
N. de S. Prop. cent.
1 0,77 0/0 1,73 3 2,32 0/0
1 0,77 1,74 4 3,10
5 3,88 1,75 11 8,52
2 1,55 1,76 3 2,32
3 2,32 1,17 2 1,55
0 0,00 1,78 6 4,65
3 2,32 1,79 1 0,77
18 13,95 1,80 1 0,77
3 2,32 1,81 2 1,55
5 3,88 1,82 0 0,00
11 8,52 1,83 0 0,00
5 3,88 1,84 0 0,00
20 15,50 1,85 1 0,17
10 7,75 ~
8 6,20
Taille minima = lm,58 ; Taille maxima = lm,85 ; Taille moyenne = lm,69.
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Ki£. 26. — CODRBB DK LA TAILLE DU Khin inikhikih
ETUDE LNTHR0POL0GIQUE DES POPULATIONS DES RIVES DO RHIN. liqq
COULEUR DES CHEVEUX
' l'Aude de la couleur des cheveux citez 5/9 sujets de la rive gauche
et '252 sujets de la rive droite du Rhin.
TABLEAU XXXVIII
R1VB
GAUCHK
RIVB
DROITE
N. de S.
Prop. cent.
N. de S.
l'rop. cent.
0
0,00 0/0
4
1,58 0/0
104
20,03
48
19,02
241
46,43
104
40,58
114
33,52
96
252
38,04
1° Cheveux noirs . . . .
2° Cheveux bruns foncés
3* Cheveux châtains clairs.
4° Cheveux blonds ou roux.
Nous constatons que le pourcentage des blonds est plus élevé
sur la rive droite que sur la rive gauche : le fait est en concor-
dance avec ce que nous avons établi pour l'indice céphalique. Là
encore, la pénétration germanique est plus marquée sur la rive
droite que sur la rive gauche.
Examinons les six groupements de la rive gauche et les deux
groupements de la rive droite (1).
Rive gauche du Rhin.
1° Cheveux noirs ....
2" Cheveux bruns foncés .
3° Cheveux châtains clairs.
4' Cheveux blonds ou roux.
1" Cheveux noirs . . . .
2' Cheveux bruns foncrs. .
3° Cheveux châtains clairs.
4" Cheveux blonds ou roux.
TABLEAU
XXXIX
a) PALAT1NAT
b) KÉGION
N. de S.
DE LA SAAR
N. de S.
Prop. cent.
Prop. cent.
0
11
21
7
0,00
28,20
53,84
n,94
0/0
0
5
20
8
0,00 0/0
15,15
60,60
24,24
39
33
TABLEAU XL
C) RÉGION DE TREVES ET
DK LA MOBELL8
N. de S.
Prop. cent.
(i) RÉGION DE LA NAHE
ET DE MAYKNCE
N. de S. Trop. cont.
0
0,00
0/0
0
0,00 0/0
16
22,22
10
20,83
37
51,38
18
37,50
19
26,38
20
41,66
ÏT
*8
(I Carte n* 5.
ooo
Dr MAURICE HUCK.
TABLEAU XL1
e) RÉGION DK COBLENCE, f) RÉGION DR COLOGNE.
BONN ET DE LA HOCUE1KEL A1X-LA-CRAPKLLE ET DU
BAS-RHIN
N.
d« S.
P rop. cent.
N. de S.
Prop. cent.
1' Cheveux noirs ....
0
0,00 0/0
0
0,00 0/0
2' Cheveux bruns foncés .
6
8,00
56
22,22
3' Cheveux châtains clairs .
37
49,33
108
42,85
4* Cheveux blonds ou roux.
32
42,66
88
34,92
75
252
Rive droite du Rhin.
r Cheveux noirs . . . .
2* Cheveux bruns foncés
3° Cheveux châtains clairs.
4* Cheveux blonds ou roux.
TABLEAU XLII
a) rhiin
(au sud
[ SUPÉRIEUR
DE LA LABN)
6) RHIN
(au NORD
INFÉRIEUR
DE LA LAHN)
N. de S.
Prop. cent.
N. de S.
Prop. cenj.
2
24
52
45
1,62 0/0
19,48
42,47
36,55
2
24
52
51
~Ï29
1,55 0/0
18,60
40,31
39,51
123
L'étude des six groupements de la rive gauche démontre que la
proportion centésimale des blonds est la plus élevée (42,66) dans
la région de Coblence et de Bonn, tout en étant inférieure au
pourcentage des blonds en Allemagne, où il est de 480/0 (1). C'est
dans le Palatinat, dans la région de Trêves et de la Sarre que le
pourcentage des châtains est le plus élevé et celui des blonds le
plus bas. Sur la rive droite, le pourcentage des blonds est plus
élevé au Nord de la Lahn, dans la région mésaticéphale, qu'au sud
de ce fleuve, dans la région sous-brachycéphale. Rappelons que
la limite de ces deux zones correspond à peu près à l'ancienne
enceinte qui contournait les Champs décumates.
(1) Tomnard (in L Anthropologie, Schleicherj cite la statistique suivante pour les
allemands : Blonds et roux 48 0/0; — Intermédiaires et châtains 22,6 0/0; — Bruns
23,8 0/0.
ÉTUDE ANTHROPOLOGIQUE DES POPULATIONS DBS RIVES OU IUIIN. 5oi
Carte 5. — Proportions centésimales drs blonds sur les deux rives du Unix
0O2 d1' MAiiuci: in <:iv.
CONCLUSIONS.
I
L'Alsace a été protégée contre les grandes migrations germa-
niques par les Vosges et le Rhin, difficilement franchissable dans
cette région, parce que non navigable.
Les Alsaciens et les Lorrains, dont les premiers ancêtres étaient
les Celtes ont conservé à travers les siècles, jusqu'à l'époque
actuelle, le type celtique. Ce fait est démontré par les recherches
des anthropologistes Alsaciens et Allemands (1). Par leur indice
céphalique, les Alsaciens-Lorrains actuels sont des brachycé-
phales; par leur indice sous-brachycéphale de 81,30, les habitants
de la Basse-Alsace se confondent avec nos Bas-Bretons ; par leur
indice brachycéphale, ceux de la Haute-Alsace (83,90) et de la
Lorraine (84,04) s'identifient avec nos Auvergnats, c'est-à-dire
avec les types celtiques les plus caractérisés en France.
Le nombre des blonds en Alsace-Lorraine n'est que de 18 0/0,
c'est-à-dire le chiffre le plus bas indiqué par Virchow pour les
différents États allemands.
L'hypothèse admise par les Allemands, suivant laquelle les
Alsaciens descendraient d'une tribu germanique, les Triboques,
installée par César sur la rive gauche du Rhin, n'a jamais pu
être démontrée. Elle n'est conforme ni aux textes de l'histoire, ni
aux données de l'anthropométrie qui classe aussi bien les Alsa-
ciens de l'antiquité et du moyen âge que ceux de l'époque actuelle,
dans la famille des défenseurs d'Alésia.
II
\jp grand-duché de Bade fut habité primitivement par les Celtes
et colonisé par les Romains qui y avaient établi les Champs
décumates.
D'après nos mensurations, faites sur 75 prisonniers de guerre
Badois, le pays de Bade, est peuplé de sous-brachycéphales, à
(1) Nous n-j relions de n'avoir pas pu ajouter des indications sur la taille en
Alsace -Lorraine. (Voir la note additionnelle à la lin du mémoire).
iiii'i w riint toi (h.ioi i DES POPULATIONS M.s RIVES DU iun\. joii
taille au dessus de la moyenne. Le nombre des blonds y est de
38 0 0, c'est-à-dire plus élevé qu'en Alsace. Les variations de
l'indice céphalique, de la taille et de la proportion centésimale
des blonds, dans la plaine et dans la montagne, indiquent un
type celtique plus accentué dans la Forêt noire que dans la plaine.
III
Les provinces rkénqnes, situées au Nord de l'Alsace et du
grand-duché de Bade, correspondent à la portion la plus navi-
gable du Rhin et, par suite, au passage des grandes migrations
germaniques.
La rive gauche fut pendant plus de quatre siècles le siège
d'une brillante civilisation gallo-romaine, dont Trêves fut le
centre. Les Champs décumates s'étendaient, sur la rive droite,
au Nord du grand duché de Bade, jusque vers Coblence et la Lahn.
L'étude comparative de l'indice céphalique, delà taille et de
la couleur des cheveux de 519 sujets de la rive gauche et de 252
sujets de la rive droite, démontre la prédominance du type cel-
tique sur la rive gauche.
Examinées dans leur ensemble, la rive gauche est habité: par
des sous-brachycéphales, alors que la rive droite est peuplée par
des mésaticéphales. La taille est la même des deux côtés, mais le
pourcentage des blonds prédomine à droite.
Nous avons séparé ces sujets en six groupements sur la rive
gauche et deux groupements sur la rive droite (1) ; des deux côtés,
l'indice céphalique va en diminuant à mesure que l'on se rap-
proche de l'embouchure du fleuve. Il est mésaticéphale dans la
région de la plaine, du côté d'Aix-la-Chapelle et de Cologne, à
gauche, et au nord de Coblence et de la Lahn, à droite. C'est à Aix-
la-Chapelle et à Cologne que fut le centre de la puissance franque ;
et c'est au Nord de la Lahn et de Coblence, (2) que passait
la ligne de retranchements (Pahlgraben) qui contournait les
Champs décumates; au Nord de cette ligne siégeaient les Tenc-
tères, les Sicambres, les Usipiens.
L'indice sous-brachycéphale. le plus élevé se trouve- dans la
région de Trêves, l'ancienne capitale de la Callia belgica.
(1) Carf<; n° ■',.
2] Carte n° 1.
5o4 D* MAURICE Hl' K.
La taille (1 ) est plus élevée dans la région mésaticéphale d'Aix-
la-Chapelle que dans les autres groupements sous-brachycéphales
de la rive gauche. A droite, elle est identique dans les deux grou-
pements.
C'est dans les régions du Palatinat, de Trêves et de la Sarre que
le pourcentage des blonds (2) est le plus bas. Sur la rive droite, le
pourcentage des blonds est plus bas dans la zone sous-brachycé-
phale que dans la zone mésaticéphale.
IV
Le Rhin, celtique par son nom (Rhénos = amas d'eau), adoré
par nos ancêtres comme un dieu, est resté à travers les siècles
un fleuve celtique sur la plus grande partie de sa rive gauche et
plus de la moitié de sa rive droite. De Baie jusqu'en Hollande,
le fleuve traverse une nappe de brachycéphales à indice plus
élevé à gauche qu'à droite, et décroissant jusqu'à la mésaticéphalie
dans sa partie la plus inférieure. Les variations de la taille et de
la proportion centésimale des blonds, en tant qu'elles indiquent la
pénétration kymrique ou germanique, concordent, en général,
avec les variations de l'indice céphalique (3).
(1) Carte n° 4.
(2) Carte n° 5.
(3) Note additionnelle. — Lors d'un voyage à Strasbourg, après la rédaction de ce
travail, nous avons eu l'occasion, grâce à l'amabilité de M. le Dr Fôrster, profes-
seur d'anatomie à la Faculté, de consulter la statistique de Brandt, concernant la
taille en Alsace-Lorraine. (Beitrâge zur Athropologie von Els. Lothringen, 189S). Cet
auteur a trouvé les tailles moyennes suivantes, observées chez des conscrits : Basse-
Alsace, lm.67 sur 41.919 sujets; Haute-Alsace, lm,66 sur 39.281 sujets; Lorraine.
1™,67 sur 24.361 sujets. Alsace-Lorraine, lm,66 2/3 sur 105.561 sujets. Les plus
petites tailles se trouvent dans la région montagneuse des Hautes- Vosges.
Ces recherches confirment nos conclusions : par la taille autant que par l'indice
céphalique et la couleur des cheveux, les Alsaciens-Lorrains, de tous les riverains du
l;liin, se rapprochent le plus de la race celtique.
ESSAI D'APPLICATION
DES MÉTHODES SÉUOLOGIQUES
AU PROBLÈME DES RACES
PAI\
Dr L- HIRSCHFELD
Privatdocenl de L'Université de Zurich, Médecin-Chef du Laboratoire de l'armée serbe.
KT
Mme H. HIRSCHFELD
Docteur en médecine.
La présente communication est la continuation d'une série de
travaux de Dungern et l'un de nous (L. ilirschfeld). L'opinion des
auteurs que l'étude des isoagglutinines pourrait contribuer à la
solution de certains problèmes biologiques, trouva sa première
application pratique dans leur travail sur l'hérédité des propriétés
du sang, définies par les isoagglutinines.
Le travail actuel est un essai d'application des mêmes méthodes
aux problèmes anthropologiques.
Dans la première partie, nous essaierons d'esquisser le dévelop-
pement des idées qui nous ont amenés à l'emploi des phénomènes
d'isoagglutination pour aborder les problèmes d'anthropologie.
La littérature sur ce sujet a été rassemblée en 1913 par Dungern
et Ilirschfeld pour l'ouvrage de Kraus et Levaditi intitule :
Teckni'jue des méthodes immunisa tri ces, ouvrage qui aurait dû
être publié avec collaboration internationale et dont la guerre a
empêché l'apparition. Nous mentionnons ce détail, n'étant pas
pour le moment en possession de la bibliographie nécessaire.
Pour la compréhension des problèmes en question, nous sommes
obligés de discuter les travaux mentionnés de Dungeru et Hirsch-
feld d'une façon un peu plus précise.
l'anthropologie. — t. xxix. — 1918-191') 33
5o6 Dr L. ET Mme II. HIRSCHFÉLD.
PARTIE GENERALE
On appelle antigène toute substance dont l'introduction dans
l'organisme est suivie de la formation dans le plasma sanguin
des corps réactifs, appelés anticorps : lvsines, précipitines ou
agglutinines, suivant leur action sur l'antigène.
Mais le sérum des animaux non immunisés peut aussi contenir
des anticorps en petite quantité.
Ce sont les anticorps normaux, tandis que les premiers pré-
sentent des anticorps immunisateurs .
Les anticorps sont dirigés en première ligne contre l'espèce,
employée pour l'immunisation : en injectant, par exemple, un
lapin avec le sang d'un mouton, on obtient des anticorps qui ne
réagissent qu'avec le sang des moutons, n'influençant nullement
le sang des autres espèces, le sang humain par exemple.
Quand on parle de la spécificité des anticorps il faut préciser. La
parenté biologique des espèces trouve aussi son expression séro-
logique : le sérum obtenu par l'immunisation contre le sérum
humain, précipite également le sérum des singes ; le sérum contre
le sang des chiens agglutinine également celui des loups, etc.
Donc la spécificité des anticorps est limitée .
Le sérum obtenu par l'injection du sang d'une espèce à un
animal d'une autre espèce influence plus ou moins le sang de
tous les représentants de l'espèce employée pour l'immunisation.
En injectant par exemple le sang d'un nègre à un lapin, on obtient
des anticorps caractéristiques pour l'espèce » homme », lesquels
ont le pouvoir d'agglutiner où d'hémolyser le sang d'individus
de n'importe quelle race humaine.
Ces hétéro-anticorps, obtenus par l'immunisation d'une autre
espèce, ne peuvent évidemment pas être employés pour la diffé-
renciation des races.
Pour aborder ce problème, il faut immuniser dans l'espèce
même et obtenir ainsi la production des iso-anticorps.
La connaissance de ces anticorps étant indispensable à la
compréhension des problèmes que nous nous sommes posés,
nous devons discuter leur nature et les lois de leur formation.
En immunisant d<:> chèvres avec le sang d autres chèvres,
Ehrlicb a réussi à obtenir des isohémolysines. Contrairement
aux hétéro-anticorps, ces iso-anticorps ne possédaient pas le pou-
vi'i'i ii \ i K'N PB§ Mirii'>hi-> M:ii(Hni;lni i<. 5ûfl
voir d'hémolyser le sang do toutes les chèvres, certains spécimens
du sang se montrant résistants aux isohémolysines. D'autre part,
l'injection du sang des chèvres aux autres chèvres n'était pas
suivie chaque fois de la production des iso-anticorps.
La théorie de la production des iso-anticorps, qui a expliqué
et interprété également les expériences d'Ehrlick, a été donnée par
ûungeru et Hirsohfeld.
En injectant le sang de chiens à d'autres chiens, les auteurs
ont réussi quelquefois à obtenir des isohémogglutinines.
L'analyse de l'agglutinabilité des globules rouges des différents
chiens par les agglutinines obtenues, a démontré qu il s'agissait
des deux propriétés agglutinables du sang que les auteurs ont
nommées X et V. Quelques spécimens du sang ne montrèrent
aucune Qgglutinabilité (sang 0) ; d'autres ont été agglutinés par
tous les anticorps obtenus (sans XY). Il était donc démontré que
(es anticorps n'agglul niaient pas de la même façon te sang de tous
les individus de l'espèce et qu'ainsi la possibilité est donnée de
différencier se ro logiquement les individualités sanguines dans là
même espèce.
Contrairement à la spécificité de l'espèce, il s'agit de la spéci-
ficité des groupes pour les anticorps en question.
Les expériences suivantes montreront pourquoi les hétéro-anti-
corps révèlent la spécificité de l'espèce, les iso-anticorps celle
des groupes. En injectant le sang X à un chien ayant également
le sang X, nous n étions pas en état de provoquer la production
des iso agglutinines. Il en est de même en injectant le sang Y au
chien du même groupe sanguin Y. L'injection du sang non agglu-
tinable 0 est également toujours inefficace.
Au contraire, en injectant le sang X au chien du groupe Y, ou
le sang du groupe 0 au chien Y, ou bien encore le sang Y au chien
X ou 0, nous obtenons toujours des iso-agglutinines. Celles-ci
réagissent non-seulement avec le sang employé pour l'injec-
tion, mais avec chaque sang qui lui est semblable (anti X;
anti Y).
Nous avons constaté alors que pour que les iso-anticorps
puissent être obtenus, le sang du chien, employé pour l'injection,
ne doit pas ressembler au sang du chien injecté, qu'il doit posséder
en plus des propriétés antigènes. Les iso anticorps obtenus se
dirigent contre ce surplus.
La production des iso-anticorps est donc liée à la différencia-
5o8 Dr L. ET Mme H. HIRSCHFELD.
tion biochimique du sang au sein de l'espèce. Si le sang d'un
individu de l'espèce diffère chimiquement du sang des autres
individus de la même espèce, cette différence peut-être définie
sérologiquement par l'immunisation.
Au contraire, si une espèce animale, tout en étant apte à pro-
duire des hétéro-anticorps, ne produit pas des iso-anticorps, on
peut conclure que le sang de cette espèce animale n'est pas diffé-
rencié biochimiquement.
Une telle espèce animale ne possède qu'une seule propriété
antigène dans le sang.
La possibilité de production des iso-anticorps est donc l'expres-
sion de la différenciation biochimique du sang dans l'espèce.
Nous démontrerons ultérieurement que ces structures anti-
gènes possèdent des propriétés caractéristiques ; elles semblent
être constantes chez les individus, ne pas dépendre des caractères
anatomiques, elles s'héritent d'après la loi de Mendel, etc.
Elles sont donc propres à caractériser l'individualité sérolo-
gique dans l'espèce. Nous pouvons distinguer à l'aide de ces
propriétés sanguines des races biochimiques.
C'est à souligner que les races biochimiques et anatomiques ne
correspondent pas les unes aux autres : les chiens de races
anatomiques différentes peuvent être de la même race biochi-
mique et, vice versa, la même race anatomique peut contenir des
individus de races biochimiques différentes (nos, chiens n'étaient
pas de races tout à fait pures). Les auteurs anglais ont réussi à
différencier plusieurs groupes sanguins chez les bœufs.
Chez les lapins, nous n'avons pas été en état de provoquer la for-
mation des anticorps. D'après ce que nous venons de dire, on
peut admettre que les globules rouges des différents lapins ne se
distinguent pas les uns des autres. On voit que les expériences à
ce sujet sont peu nombreuses. Il serait important d'expérimenter
avec d'autres espèces animales pour découvrir, outre les pro-
priétés visibles, les caractères biochimiques du sang des diffé-
rentes races.
Pouvons-nous différencier à l'aide des iso-anticorps des races
biochimiques dans l'espèce humaine ? L'immunisation des êtres
humains avec le sang humain serait liée à de grandes difficultés,
si les isoagglutinines ne se trouvaient normalement dans le
sérum humain.
En faisant réagir le sérum humain sur les globules rouges
APPLICATION DES MÉTHODES SÉROLOGIQ1 ES.
.)(»()
d'individus différents, on voit quelquefois L'agglutination appa-
raître. On attribuait ce phénomène à certaines maladies jusqu'à la
découverte de sa vraie signification par Landsteiner.
Il s'agit, chez les êtres humains, des isoagglutinines norma-
lement préformées. Comme chez les chiens, on peut trouver chez
les hommes deux propriétés sanguines à l'aide d'agglutination.
On ne trouve jamais dans le sérum les agglutinines du propre
groupe, toujours, au contraire, les propriétés qui manquent dans le
sang.
Comme les deux propriétés existent isolément ou hien asso-
ciées, les auteurs ont distingué quatre groupes dans le sang
humain.
La connaissance de ces groupes est d'une grande importance
pour la chirurgie de guerre, pour la transfusion du sang, dont on
se sert actuellement si souvent dans les cas de sholk après hémor-
ragie; il est absolument nécessaire que le receveur n'agglutine
aucunement les érythrocytes du donneur.
Le schéma sous-jacent sert à démontrer les relations réciproques
des groupes et des sérums.
Tableau I
Sérum c
u groupe
1
II
111
IV
A
I
—
_-
c }
ta /
H
+
—
+
—
3 1
0
II)
-h
+
—
—
-° f
c/5 F
IV
+
+
+
Dungeru et Hirschfeld emploient une autre nomenclature
qui nous paraît expliquer mieux les relations existantes. Tout
en ayant quatre groupes, ils n'admette que deux propriétés agglu-
tinahles.
Ils appellent celle des deux qui est la plus fréquente en
Europe Centrale, propriété A, celle qui est plus rare, propriété B.
Jin
DT L. ET UT
II. HIUSCHFELD.
Sar le s^hémi (fig. 1) les érythrocytes dugrojp3 A sont indiqué
par des hachures, ceux du groupe B sont figurés en noir. D'après
/■,
■s
1
B
0
i^ AB
<&-. n
Gr-IJI
Gr.IV
Cr. Y
ylG i_ Schéma montranl les quatre groupes du sang humain (Les cercles figure n
les érylhrocytes et les flèches, le? agglutinihes '.
la règle de Landsteiner le sérum contient toujours des aggluti-
nines contre les propriétés qui manquent aux globules rouges.
Dans le sérum de l'individu dont les globules rouges appartiennent
au groupe A, se trouvent des agglutinines Anti-B et vice versa.
Sur notre schéma, les agglutinines sont représentées par des
flèches, dont la couleur correspond aux propriétés agglutinables
des érythrocytes : donc les Anti-A sont des flèches hachées, hs
Anti-B, des flèches noires. On voit dans le premier carré du schéma
les érythrocytes rayés A, entourés des agglutinines Anti-B du
sérum. Dans le deuxième carré, les érythrocytes noirs B sont entou-
rés d'agglutinines rayées Anti-A; dans le troisième carré, se
trouvent les globules rouges non agglutinables par aucun sérum,
qui ne possèdent donc la propriété ni A, ni B. C'est le groupe 0 de
Dungeru etllirschfeld. D'après la règle de Landsteiner, nous voyons
dans ce carré les deux agglutinines : Anti-A et Anti B. Enfin les
érythrocytes du quatrième carré possèdent les deux propriétés
agglutinables A et B; donc le sérum de ce groupe est dépourvu
d'agglutinines; c'est le groupe AB de Dungeru et Hirschfeld. Au
dessous de notre définition se trouve celle des auteurs anglais et
américains. Leur groupe I correspond à notre AB (voy . note) ; II au
groupe A; III au B: IV au groupe 0.
Contrairement à Mosse, nous devons souligner que le groupe 1
(notre AB) ne présente aucune individualité. Comme les expé-
(ij Le groupe AB porte, par erreur, lin li;itijfl {> • V; <• m I • i.r I des auteurs
anglais.
LPPLK Mln\ DES METHODES SÉROtOGlQUES, 5ll
riences d'absorption le démontrent, il n'est que l'association des
deux propriétés A et B.
Pour la différenciation des groupes, au lieu des trois sérums,
deux suffisent complètement.
Quelle est la signification de cette différenciation biologique
si essentielle dans l'espèce humaine? Comment s'héritent ces
caractères de race biochimiques?
DuDgeru et Hirschfeld ont constaté tout d'abord chez les chiens
que les propriétés biochimiques du sang se transmettaient quel-
quefois aux enfants, mais qu'elles pouvaient également disparaître.
L'hérédité des propriétés biochimiques et celle des caractères
anatomiques sont entièrement indépendantes l'une de l'autre. Les
jeunes chiens, tout en possédant la structure des os et la couleur
des poils de la mère, sont du groupe sanguin du père, etc.
L'examen de l'hérédité des groupes biochimiques dans l'espèce
humaine, permit à Dungeruet Hirschfeldde faire des constatations
importantes, concernant l'essence de ces propriétés.
Ils ont pu prouver que les groupes À et B sont héréditaires
dans la plupart des cas, mais qu'ils peuvent quelquefois ne pas
se transmettre aux enfants; dans ce cas, on trouve chez les enfants
le groupe 0.
Au contraire, il n'arrive jamais que les enfants aient les groupes
A ou B, s'ils manquent chez les parents. Cette observation peut
avoir sa signification en médecine légale : elle peut aider à
trouver, dans les cas douteux, le vrai père de l'enfant. Car si l'en-
fant possède le r/roune A ou //, pendant qu'il manque chez la mère,
il doit se trouver chez le véritable père.
L'analyse des statistiques obtenues fit constater aux auteurs que
la grande loi biologique de Mendel pouvait être appliquée à l'héré-
dité des propriétés biochimiques A et B.
Comme A et B peuvent disparaître dans la progéniture, sans
pouvoir réapparaître spontanément, on peut les considérer, d'après
Mendel, comme des propriétés qui, une fois présentes dans le
plasma, doivent se manifester extérieurement, ce sont elles qui
donnent la marque extérieure à l'espèce — ce sont les propriétés
dominantes. Par contre, la propriété 0, qui peut se manifester chez
les enfants sans être apparente chez les parents — est la pro
priété latente ou récessive, D'après la nomenclature de Mendel,
nous pouvons parler de non A el non-B, dont la combinaison donne
le groupe 0.
5l3 Dr L. ET M*" H. HIRSCHFELD.
Dans un deuxième travail, Dungeru et Hirschfeld ont poussé
plus loin l'analyse et trouvé que la fréquence de A et B en Europe
Centrale pourrait correspondre à la loi de Mendelj»Ils considèrent
le groupe A et B, comme propriétés dominantes, le non-A et
non-B, dont la combinaison forme le groupe 0, comme propriété
récessive. A et non-A, B et non-B s'influencent mutuellement dans
le sens de Mendel.
Quelles sont les lois auxquelles le groupe combiné AB est
soumis?
L'analyse démontre que la fréquence du groupe AB corres-
pond simplement au calcul des probabilités d'après lequel A et
B doivent se rencontrer, s'ils ne s'influencent pas mutuelle-
ment.
Si, par exemple le groupe A se trouve dans la moitié des cas,
le groupe B dans 1/10, nous trouverons le groupe AB dans 1/20
des cas, c'est-à-dire dans la proportion de 5 0/0.
L'expérience démontre qu'en réalité la fréquence du groupe
AB s'éloigne très peu de ce nombre.
En considérant la règle de Landsteiner au point de vue de la
biologie, nous pouvons la présenter ainsi : il // a dans l'espèce
humaine quatre propriétés du sang : A, B, non-A et non-B.
A et non-A ; B et non-B s'influencent mutuellement dans Je sens
de Mendel, tandis que A et B, non-A et non-B ne s'influencent
nullement.
Dungern et Hirsshfeld constatèrent au cours de leurs recherches
que l'hérédité des propriétés biochimiques dans l'espèce humaine
ne correspond nullement à l'hérédité des propriétés anatomiques
(ressemblance, sexe, etc.); ce sont donc des propriétés héréditaires
indépendantes.
Les propriétés agglutinables apparaissent déjà dans la vie
embryonnaire. Dungeru et Hirschfeld les ont constatées chez un
embryon de 6 mois. Dans le sang placentaire, ils ont pu les trou-
ver souvent, même si elles manquaient chez la mère; les isoag-
glutinines, par contre, n'apparaissent que pendant la deuxième
année de la vie.
Nous avons vu que la différenciation biochimique du sang est
possible dans l'espèce humaine et chez quelques espèces animales.
Pourquoi chez les êtres humains les isoanticorps sont-ils pré-
formés, tandis que chez les animaux ils n'apparaissent qu'après
l'immunisation? cela reste inexpliqué. Les groupes X et Y des
LPPLICA.TIOÎS DES MÉTHODES SÉROLOGIQUES. 5l3
chiens n'ont aucun rapport avec les groupes A et R chez les
hommes. Il s'agit de propriétés sanguines dilïérentes.
Une corrélation étroite existe entre les structures A et B des
globules rouges et le Ariti-A et Anti-B du sérum. Nous ne savons
pas, comment cette corrélation remarquable a pris naissance. Mais
du fait que le sérum possède les agglutinines Anti-A et Anti-B,
nous pouvons conclure que les glohules rouges contiennent les
propriétés agglutinables B et A. Cette conclusion a son impor-
tance pour l'observation suivante :
La plupart des sérums d'animaux contiennent normalement
des agglutinines contre le sang humain.
Ainsi par exemple le sérum d'une chèvre (sans aucune prépa-
ration préalable) agglutine à un degré différent le sang de n'im-
porte quel être humain. Ce sérum "contient donc une agglutinine
générale contre le sang humain.
On peut absorber facilement cette agglutinine contre l'espèce,
en mélangeant le sérum de la chèvre avec le sang humain et en
centrifugeant ensuite le sang.
En employant pour ce mélange le sang humain du groupe 0,
lequel ne peut absorber que l'agglutinine générale, le sérum,
après l'absorption, se comportera pareillement au sérum humain,
c'est-à-dire qu'il n'agglutinera que A ou B ou les deux ensemble
(les hétéro-agglutinines ne s'accordant pas tout à fait avec les
iso-agglutinines). Donc les Ami- A et les Anti-B existent aussi chez
les animaux, mais ris sont masqués par les agglutinines spécifiques
contre l'espèce. Et si, de l'existence des Anti-A et Anti-B, nous pou-
vons conclure à l'existence des propriétés A et B, nous devons
admettre que ces structures existent également chez les animaux.
Dungern et Hirschfeld ont trouvé que la plupart des sangs ani-
maux retiennent l'Anti-B du sérum humain, qu'ils possèdent ainsi
des structures qui ressemblent au groupe B. // en résulte que la
différenciation a 'après les groupes, s'étend dans le règne animal.
Il serait nécessaire que les zoologistes prêtent attention à ces
observations.
Les groupes A et B sont-ils constants chez les individus? Nous
conservons tous les deux, depuis 8 ans, le même groupe d'érythro-
cytes et, (f agglutinines, malgré que l'un de nous ait eu la fièvre
typhoïde et souffre à présent, depuis près de deux ans, de palu-
•»l'l Dr L. ET M" H. IIIRSCHFELD.
disme chronique. Des examens systématiques sur un grand
nombre d'individus n'ont pas été faits jusqu'à présent.
En tous cas, nos constatations sur l'hérédité des groupes et nos
résultats statistiques actuels, concernant les différentes races,
semblent démontrer qu'il ne s'agit pas d'un phénomène acciden-
tel et transitoire. Si, dans des cas singuliers, un changement dans
le groupe était constaté, cela nous semblerait comparable au phé-
nomène du changement du pigment : un enfant blond peut deve-
nir châtain au cours des années. De tels cas exceptionnels ne
pourraient aucunement peser sur les différences considérables que
nous avons trouvées dans les différentes races humaines.
Pareillement à Landsteiner, nous n'avons pu constater d'in-
fluence des états morbides sur les groupes.
La proportion des groupes A et B chez les soldats sains et
malades est la même.
On a décrit une auto-agglutination du sang dans la maladie du
sommeil.
Un de nous (L. Hirschfeld) a pu la constater également dans le
paludisme et démontrer qu'il ne s'agit pas d'uni anto-aggluti-
nation, le phénomène n'étant qu'un signe d'anémie. Les globules
rouges prennent la forme de granules dans le plasma chaque fois
que leur nombre est si réduit qu'ils ne peuvent plus se soutenir
réciproquement.
Si une auto-agglutination existe, c'est un phénomène très rare
et pathologique dons le sang humain. Notre statistique plaide éga-
lement contre l'influence des maladies.
Les individus que nous avons examinés sont pour la plupart des
soldats qui vivant en Macédoine, dans le même climat, souffrent
des mêmes maladies, supportent les mêmes fatigues, sont
pareillement nourris là l'exception des Indiens qui sont pour la
plupart des végétariens). 11 nous paraît impossible que les diffé-
rences considérables constatées entre les races dépendent de fac-
teurs extérieurs.
Dans l'état actuel de la science, nous sommes en droit de
considérer les propriétés biochimiques dans le sens précédem-
ment exposé.
APPLICATION ni - MÉTHODES SÉROLOGCQUES, 5l5
PARTIE SPÉCIALE
Technique,
On recueille quelques gouttes de sang, pris au doigt, dans
I centimètre cube de la solution suivante :
Chlorure de sodium à 0,85 0/0, 9 parties; citrate de sodium à
2,50/0, I partie. Une séparation du plasma pas plus qu'un lavage
desglobules rouges ne sont nécessaires. L'expérience doit être faite
le jour même de la prise; nous avons l'impression que pendant
les grandes chaleurs L'agglutinabilité du sang diminue, si l'on le
laisse trop longtemps avant de l'examiner. Il faut rejeter le sang
à la moindre hémolyse.
Pour l'examen d'un grand nombre d'individus, il est préférable
de se servir d'une boîte fermée, contenant 200 petits tubes de la
solution citratée, destinés à recueillir le sang.
Pour l'expérience même, on prépare dans un porte tube deux
petits tubes en verre pour chaque individu ; on met une goutte de
la solution du sang dans chaque tube, on ajoute, dans le premier,
une goutte du sérum B (anti.-A), dans le deuxième, une goutte du
sérum A (Anti-B). On remue un peu le contenu des tubes et on
les laisse 20 à 30 minutes à la température ordinaire. Il ne faut
pas enregistrer les résultats trop tôt, car le sang du groupe B
(2e tube) n'est agglutiné que lentement.
Si au bout d'une demi-heure l'agglutination apparaît dans le
premier tube, le sang examiné appartient au groupe A ; si c'est le
second tube qui démontre l'agglutination, il s'agit du sang du
groupe B. Dans le cas où il y a agglutination dans les deux tubes,
on a affaire au sang du groupe AB ; si l'agglutination manque
dans les deux tubes le sang appartient au groupe 0.
Pour obtenir les sérums agglutinants A (Anti-B) et B (Anti-A)
on procède de la façon suivante : chez 10 à 20 personnes on
pratique une ponction veineuse et on sépare le sérum ; d'autre part
on dilue quelques gouttes de leur sang dans le sérum physiolo-
gique citrate (d'après la formule donnée plus haut). On mélange
une goutte de chaque sérum avec une goutte de la solution de
chaque sang, on laisse le mélange de 20 à 30 minutes, après quoi
on prend le protocole suivant qui constitue un de nos premiers
protocoles.
5 1 0
Dr L. ET Mm' H. HTRSCHFELD.
Tablkau 11
SÉRUM
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
1
I
+
+
+
+
+
II
+
—
+
—
+
+
—
+
+
+
m
—
+
—
—
—
+
+
—
+
+
IV
4-
+
+
—
+
+
+
+
+
+
B
ï.
V
J YI
—
+
—
—
—
+
+
—
+
4-
VII
+
—
+
—
+
4-
—
+
+
+
VIII
IV
—
+
—
—
—
+
+
—
+
+
x
-f- agglulinalion.
— pas d'agglutination
L'analyse de ce protocole démontre tout de suite la règle de
Landseiner.
Le sang VI, IX, X ne sont agglutinés par aucun sérum; au
contraire, les sérums correspondant à ces spécimens du sang
agglutinent tous les autres (à l'exception du sang du même
groupe et des sangs analogues : VI, IX, X).
Il s'agit donc du groupe 0: les corpuscules rouges ne con-
tiennent pas de propriétés agglutinables et le sérum contient
les agglutinines contre les deux propriétés qui manquent aux
globules rouges.
Le sang IV est agglutiné par tous les autres sérums (sauf son
sérum propre); au contraire, son sérum n'agglutine aucun des
sangs examinés. C'est le contraire du précédent. Il s'agit du
groupe AB. Les deux propriétés agglutinables A et B se trouvent
dans les corpuscules rouges, donc, dans le sérum, les agglutinines
manquent.
Les sangs I, III, V, VIII sont agglutinés par les sérums, 2, 6,
APPLICATION DES METHODES SKHOLOGIQIÎES. 617
7. 9, 10. Leurs sérums agglutinent les globules rouges des
sangs II, IV, VII.
Les sangs II et VII sont agglutinés par les sérums 1, 3, 5, G, 8,
9, 10. Leurs sérums agglutinent les sangs I, III, IV, V, VIII.
Nous voyons une réciprocité entre les sangs I, III, V, VIII, ainsi
qu'entre leurs sérums, avec le sang II et Vil et les sérums corres-
pondants.
Le sang le plus fréquemment agglutiné correspond en Europe
au groupe A. Dans ce cas, ce sera le sang I, III, V, VIII tandis que
II et VII agglutinés plus rarement correspondent au groupe B.
Ainsi l'examen des 10 personnes nous a permis de déceler :
4 A (I, III, V, VIII).
2 H (II et VU).
1 AB (IV)
3 0 (VI, IX, X).
Nous emploierons les sérums du groupe A comme Anti-B et le
sérum B comme Anti-A.
A l'aide de ces deux sérums on peut classifier le sang de tout
in ividtt. Par contre, on ne se sert ni du sérum du groupe 0, car
il contient les d^ux agglutinines, ni de celui du groupe AB qui
n'en contient aucune.
En voulant conserver le sérum pour plusieurs expériences, on
ajoute à 10 cm3 du sérum 1 cm3 d'acide phénique à 5 0/0. Le sérum
se conserve ainsi des semaines entières, mais son efficacité doit-
ètre contrôlée avant chaque expérience avec le sang A et B connu.
Il arrive quelquefois que le sérum contient des isohémolysines
à côté des isoagglutinines.
On le laisse reposer quelques jours, car la plupart des vieux
sérums n'hémolysent plus. Si pourtant la faculté d'hémolyser ne
se perd pas, le sérum doit être rejeté. Lorsque de telles expériences
sont dirigées d'un endroit central, il est préférable de distribuer
aux expérimentateurs, comme point de départ, des sérums connus
A et B, à l'aide desquels tous les autres seront facilement trouvés.
Quant à l'identité de tous les sérums Anti-A et Anti-B il est à sou-
ligner que quelques Anti-A (sérum B) font découvrir plus d'A que
les autres.
On a parlé du grand A et du petit a. La différence entre les deux
ne dépasse pas 4 à 5 0/0. Donc, pour le groupe A, il faut considérer
les différences de statistique de 4 à ê> 0/0 comme source d'erreur
inhérente à la méthode.
5i8
Dr T.. ET M.T II. IIIHSCIIFELD.
Pour les sérums A (Anti-B) nous n'avons pas trouvé de telles
di (1er en ces. Lorsqu'il s'est agi de peuples européens, nous n'avons
trouvé que de petites différences dans le pourcentage du groupe
B, qui nous paraissent cependant correspondre à une certaine loi.
Nous avons maintes fois examiné à ce point de vue une centaine
d'Européens (Anglais, Serbes) avecseptanti-B différents. Les résul-
tats ont été absolument identiques quant au nombre des B décèles,
ne laissant reconnaître qu'une légère différence dans l'intensité
d'agglutination. Pour éviter des erreurs tenant à une agglutination
trop faible, il faut toujours se convaincre, avant l'expérience, que
les sérums agglutininent assez fortement.
Quelle différence dans le pourcentage de A et B doit elle être
considérée comme caractéristique d'un peuple ou d'une race? Nos
résultats démontrent qu'en examinant 500 individus, la différence
entre le chiffre moyen et celui de la centaine qui en diffère le plus
varie de 2 à 60 0 pour le groupe B. Une nouvelle centaine, avec
un pourcentage exceptionnellement élevé, ferait varier la moyenne
de 1 0/0. C'est pourquoi nous croyons que chez les Européens,
les différences de 3 0/0 pour le groupe B sont déjà caractéristiques.
Cette différence ne suffit pourtant pas quand on examine, au
lieu de militaires, des familles, surtout avec des enfants
nombreux. Ainsi notre statistique des Juifs (familles de réfugiés
de Monastir) montre des différences allant jusqu'à 11 0/0 entre
la moyenne et les centaines qui s'en éloignent le plus.
Pour le groupe A, la différence entre le chiffre moven et celui
d'une centaine peut atteindre 11 0/0. En examinant 500 personnes,
une centaine donne une moyen d'environ 2 0/0. C'est pourquoi,
pour le groupe A, nous ne prenons en considération que les diffé-
rences de 4 à 5 0 0.
Le meilleur procédé consiste à examiner chaque race avec plu-
sieurs sérums anti-A et anti-B. Il est recommandable, d'autre
part, d'examiner les différentes races avec le même sérum. En
procédant ainsi, les différences entre les sérums se neutralisent.
Nous avons essayé, dans la présente étude, de faire des isoag-
glutinines de Landsteiner un critérium anthropologique.
Xous avons examiné de chacune des différentes nationalités et
races de l'armée d'Orient, 500 à 1.000 individus à l'exeption des
Malgaches dont nous n'avons pu prendre que fcOO). Xous donnons
les résultats de chaque centaine examinée pour que [e lecteur
puisse se former une idée de l'exactitude de la statistique. Les
U'i'i i<:\ I ion Dl» MÉTHODES SÉROLOGIQUEâ
.»!,,
chiffres obtenus pour les subdivisions reposent pour la plupart
sur défi nombres trop faibles d'individus. Si donc les anthropo-
logis tes voulaient avoir des données précises, il faudrait élargir
ces recherches et les faire porter, aidant que possible, sur plus
de 500 sujets de chaque groupe.
Anglais.
Les premiers 150 Anglais examinés étaient des personnes bien
portantes : médecins, infirmières et infirmiers d'un hôpital mili-
taire: les 150 suivants, des soldats malades d'un hôpital ; les 200
derniers étaient également des malades d'un hôpital militaire
(pour la plupart convalescents de paludisme). Nous donnons ces
détails pour démontrer la certitude des résultats, les recherches
ayant été faites dans des temps aiiïérents, avec des sérums variés.
Aucune différence entre les bien portants et les malades n'a été
constatée.
En général, notre pourcentage de 13 est moindre que celui men-
tionné dans la littérature anglaise. En examinant une centaine
de sujets avec sept sérums anti-B différents, nous avons obtenu
des résultats parfaitement identiques. Les Hindous ont été très
souvent examinés avec les mômes sérums que les Anglais.
Tablkau III
i
ii
m
IV
V
TOTAL
PI OI'OHTIO.N
chs rés.
A
41
46
49
42
39
217
43,4
B
8
8
9
5
6
36
7,2
AB
0
3
5
5
2
15
3
0
51
43
37
48
o3
232
46,4
La plupart des individus examinés étaient des Anglais propre-
ment dits, c'est pourquoi les résultats touchant les différentes
(i) Dans ce tableau et les suivants, chacune des colonnes indiquées par les chiffres
romains I, H, III, IV, V, donne, pour 100 sujels examinés, le nombre de ceux qui
rentrent dans les groupes A, JJ, AU et O.
020
Dr L. ET M"1" II. HIRSCHFELD.
III a
Anglais.
Gallois .
Écossais
Irlandais
TOT A L
180
11
21
5
44,6
B
TOTAL
31
3
2
1,1
AB
TOTAL
12
3
TOTAL
180
12
29
11
44,6
NOMBKB
TOTAL
403
29
52
16
Châtains
Blonds .
Bruns .
107
"72
38
42,6
43,4
45,8
19
14
3
7,6
8,4
3,6
3,6
2,4
2,4
116
76
40
46,2
45,8
48,2
251
166
83
parties de la Grande-Bretagne ne peuvent pas être concluants.
Ainsi que nous le verrons ultérieurement, nous devons admettre
le Sud-Est comme origine du groupe B. Comme nous n'avons pas
eu la possibilité de faire des mensurations craniométriques paral-
lèles, nous nous sommes bornés à noter la couleur des cheveux et
des yeux. Une fréquence plus grande du groupe B chez les indi-
vidus bruns ne semble pas exister.
Français.
Les 120 premiers étaient. des médecins, des infirmières et des
Tableau IV
i
ii
m
IV
V
TOTAL
%
A
39
40
4i
45
213
42,6
B
9
14
14
10
9
56
41.2
AB
3
1
1
5
5
15
3
O
43
46
45
41
41
216
43,2
APPLICATION DES MÉTHODES SÉROLOGIQUES.
IV a
521
TOTAL
Châtains .
Blonds . .
Remis . .
118
41
54
U,5
45
43,2
B
TOTA L
33
8
15
11,6
8,8
12
AR
TOTAL
2,4
2,2
4,8
TOTAL
26
40
50
q
44,5
44
40
NOMBRE
TOTAL
284
91
125
infirmiers d'un hôpital militaire; les 180 suivants, des officiers el
soldats d'un camp d'aviation ; les 200 derniers, des malades d'un
hôpital. Aucune différence entre les bien portants et les malades
n'a été constatée. La différenciation d'après la pigmentation de
la peau et la couleur des cheveux ne donne pas de résultats
positifs. La statistique d'après les provinces repose sur des chiffres
trop faibles, c'est pourquoi nous ne la citons pas.
Italiens.
Nous avons examiné 300 malades d'un hôpital militaire en
mai 1918 et 200 autres en juillet. Comparé au type du Sud, celui
du Nord montre 5 0/0 en plus de A et 4 0/0 en moins de B.
Nous verrons ultérieurement que les peuples du Nord ont plus
de Â, ceux du Sud plus de B. Si la différence se trouve confir-
mée sur un très grand nombre d'individus, il sera démontré
que le sang d'un peuple peut être différent au point de vue
sérologique.
Tableau V
i
ii
m
IV
V
TOTAL
/o
A
36
42
29
39
44
190
38
B
10
12
12
11
10
55
11
AR
3
i
5
3
4
19
3,8
0
1
51
42
54
47
42
236
47,2
l'anthropologie. — t. xxix. — 1918-1H9.
34
522
Dr L. ET Mm* II. HIRSCHFELD.
V a
\
î
Ali
o
^
— — -
—
-
— ~~
- ""«~~
t-
Total
%
Total
/o
Total
%
Total
/o
1
Piémont, Lombar-
NORD <
(
de, Emilie, Véni-
Toscane, Marches
8i
41,8
20
9,9
7
3,5
90
41,8
201
CENTRE ■
l
0 m brie, Rome,
Abruzzes. . . .
Campanie, Ap ul ie,
27
34,3
4
5
5
6,3
43
54,4
79
s un -
Calabre, Sicile,
Basicate . . . .
79
36.0
31
14
7
3,2
103
i
46,8
220
Allemands.
Nous n'avons pas eu la possibilité d'examiner des militaires.
Nous donnons ici la statistique des familles, faite à Heidelberg
par Dungeru et Hirschfeld.
Les travaux correspondants n'étant pas pour le moment en
notre possession, nous ne pouvons pas donner des tableaux
détaillés; nous ne citons que les moyennes.
A =43%.
B =12%.
AB = 5%.
O =40%.
Autrichiens.
Statistique viennoise de Landsteiner.
A =40%.
B =10%.
AB = 8 %.
O =42%.
Serbes.
Personnel et malades d'un hôpital militaire.
La différenciation d'après les provinces serait sans grande
valeur, car tous les peuples balkaniques examinés (sauf les Turcs
de Macédoine) montrent une structure sanguine semblable.
vri'i i<: vi ion DÈS METHODES BERO LOGIQUES.
Tait/ah VI
1)2.
i
m
m
IV
v
T"TW,
%
A
40
16
31
51
3 .'i
209
41,8
B
18
13
16
13
1!)
78
15,6
\i:
3
5
4
6
5
23
4,6
0
12
34
n
30
41
190
38
Grecs.
Los 120 premiers étaient des officiers et des soldats d'une école
d'aviation; les 2,'iO suivants des réfugiés de Thrace et d'Asie-
Tableau VII
1
i
n
m
:v
V
TOTAL
%
A
36
36
4')
5L
36
208
41,6,
H
16
14
14
16
21
81
16,2
ai:
4
8
4
2
2
20
4
0
44
42
33
31
41
191
38,2
VII a
Asie Mineure .
Vieille Grèce .
Tlirace . . .
Iles de l'Archipel
Ile de Crète .
Maeédoine • •
Kpire ....
Nombre
de suivis
71
55
2i
25
20
10
3
47
47,2
Nombre
de sujets
26
21
12
8
6
6
9
17 ,
16,6
AB
Nombre
de sujets
Nombre
[de sujets
50
35
26
15
M
3
31,8
38,5
151
130
77
60
42
31
9
524
D' L. ET !M",e H. HUlSdlFELD.
Mineure; les 130 derniers, des malades d'un hôpital militaire.
Les chiffres moyens correspondent entièrement à ceux trouvés
chez les Serbes. Les différences sont insignifiantes entre les
Grecs de l'Asie-Mineure et ceux de la vieille Grèce. Ce résultat
a son importance : les Turcs de la Macédoine ont plus de B que
les Grecs de l'Asie-Mineure. Ce serait une preuve que les propriétés
biochimiques du sang dépendent de l'origine d'une race et
aucunement du climat.
Bulgares.
Nous avons examiné 500 prisonniers bien portants; les résultats
ont été absolument identiques à ceux fournis par les Grecs et ies
Serbes. On considère les Bulgares comme fortement mélangés de
Mongols. Comme nous le démontrerons, les peuples asiatiques
ont plus de B. On se serait attendu à ce qu'on pût le constater
dans le type sanguin, mais nous n'avons pas trouvé que les
Bulgares aient plus de sang asiatique que les autres peuples
balkaniques.
En examinant les provinces des environs de Varna et le littoral
de la Mer Noire, on y trouverait peut-être plus d'individus du
type B.
Tablkau VIII
î
il
ill
IV
V
TOTAL
%
A
42
47
39
39
36
203
40,6
B
14
12
14
16
15
71
14.2
AB
4
10
4
7
6
31
6,2
0
40
31
43
38
43
19)
39
Russes.
Les 1.000 soldats examinés étaient des hommes bien portants.
L'observation démontre qu'ils ont moins de A et plus de H que
las peuples de l'Europe Centrale et Occidentale. Nous avons
détaillé la statistique d'après les provinces suivantes : Russie
Centrale ou Grande Russie (le plus pur type russe), Petite Russie
IMPLICATION DES MÉTHODES SÉROLOGIQUES,
:>■>:>
ou Ukraine, Sibérie, (colonisateurs, provenant de la Grande et de
Petite Russie; nous n'avons pas eu l'occasion d'examiner les
peuples indigènes de Sibérie), les provinces de la -Volga avec
forte immigration des Mongols.
Les Grands Russes, tout en ayant moins de A et plus de B que
les autres Européens, se rapprochent quand môme le plus de
1 Europe. Les Petits-Russes de l'Ukraine font reconnaître dans
leur sang le type asiatico-africain. L'Ukraine fut de tout temps
exposée aux invasions nomades, venant de l'Asie centrale et
se dirigeant vers l'Ouest, le long du littoral de la Mer Noire.
Les Sibériens se placent entre les deux, comme on pouvait s'y
attendre.
Tablkau IX
1
n
m
IV
V
VI
vu
VI il
IX
X
!
■TOTAL
%
A
32
38
26
29
25
33
37
30
32
30
312
31,2
B
28
15
22
29
23
21
18
13
25
18
218
21,8
A P.
3
4
5
2
9
6
9
14
6
5
63
6,3
0
37
43
41
40
43
34
36
43
37
47
407
40.7
IX a
Grande Russie (Russie Cen-
trale)
Ukraine (Petite Russie) . .
Sibérie
Volga (Astrakhan, Kazan,
etc.)
Provinces baltiques . . .
Wintka, ArJthangel. Volog-
du, etc. (Nord-Est)
Lithuanie(Volbynie, Kamie-
nie, Podolsk, etc.j .
A
i
5
Nombre
de sujets
0/
/o
N'ombre
de sujets
/o
134
33,6
85
21,2
28
25,2
26
23,4
98
30,5
74
23
43
3
2
2
25
28,5
22
26, :>
12
6
AB
Nombre
de sujets
16
4
11
9,9
20
6
4
7
8,3
5
Nombre
de ujets
165
46
130 40,3
17
3
29
17
41,4
37
41,2 400
111
322
37
7
83
40
f)26
Dr L. ET Mme H. IITRSCHFELD.
Juifs
Familles de réfugiés de Monastir, venus 400 ans auparavant
d'Espagne. Les centaines diffèrent plus entre elles que celles qui
portent sur des militaires et sont moins concluantes. Les moyennes
démontrent moins de A et plus de B que chez les Européens.
Tableau X
i
il
m
IV
V
TOTAL
%
A
26
28
34
33
44
165
33
B
34
21
20
23
18
116
23,2
AB
5
4
7
5
4
25
5
0
35
47
33
39
34
194
38,8
Turcs
Les premiers examinés sont 150 enfants d'une école turque à
Salonique, les 150 suivants sont des travailleurs civils à Micra, les
200 derniers également des travailleurs civils de la population
musulmane en Macédoine. Ils se sont sûrement très mélangés avec
les Slaves de la Macédoine.
Nous trouvons plus de B que chez la population chrétienne des
Balkans. Nous nous attendons à ce que l'examen des Turcs en
A<ie Mineure donne une formule encore plus différente de celle
du type européen.
Tableau XI
î
il
m
49
IV
Y
36
TOTAL
0/
7a
A
'm;
28
42
190
38
B
13
21
23
16
20
93
18,6
AB
S
9
6
3
7
33
6,6
0
44
42
22
39
37
184
36,8
iPPLICA Tio\ DES MÉTHODES SÉROLOGIQUES,
527
Araiîes
Ce sont des soldats I)ien portants de Tunisie et Algérie. Le pour-
centage du groupe B est plus fort qu'en Europe (égal en Tunisie
et Algérie), celui du groupe A moins élevé (moindre en Tunisie
qu'en Algérie). Il sera très intéressant de contrôler ces derniers
résultats sur un nombre plus grand d'individus.
Tableau XII
1
11
111
IV
V
TOTAL
%
A
34
37
37
27
27
162
32,4
B
21
21
18
17
18
95
19
AB
9
1
5
2
8
25
5
0
36
41
40
54
47
218
43,6
XII a
Tunisie
Algérie
Nombre
de sujeis
50
112
37,0
Nombre
de sujets
39
56
19,5
18,6
Sombre
de sujets
11
14
5,b
4,6
Nombre
île sujets
190
US
50
39
TOTAL
200
300
528
Dr L. ET Mme II. IIIRSCIIFELD.
Malgaches
Il s'agit de soldats bien portants, pour la plupart de race Hova;
pour les autres tribus nos chiffres sont trop faibles, de sorte que
notre statistique se réfère principalement aux caractères des Hovas.
Nous trouvons presque le même pourcentage de. A et de B.
Tableau XIII
1
II
m
IV
TOTAL
%
A
30
20
30
25
105
26,5
B
25
24
25
21
95
23,7
AB
6
3
3
6
18
4,5
0
39
53
42
48
182
45,5
XIII a
Hovas . . .
Comoriens .
Betsiléos . .
Betsimisaraka
Sakalaves .
Antemoro . .
Sombre
de sujets
73
21,5
Nombre
de sujets
61
9
5
9
22,5
AB
Nombre
de sujets
12
1
1
0/
/o
4,5
Nombre
Jde sujets
120
12
2
12
12
6
Î5,5
266
30
10
14
22
NÈGRES
Pour la plupart, soldats du Sénégal.
Hecherches faites en trois séries.
Le pourcentage de H dépasse celui de A,
APPLICATION DES MÉTHODES SÉROLOGIQ1 ES.
Tableau \IV
529
1
11
ni
IV
V
TOTAL
/o
A
. -)
■21
22
23
19
113
22,6
li
24
24
32
36
30
146
292
AU
4
6
2
7
G
25
5,0
0
50
43
i.
34
43
216
43,2
XIV a
Sénégal (Ruflsque, Saint-Louis,
Dakar, Gorée)
Ile de la Réunion .
Nouvelle-Calédonie
Guadeloupe . . .
Martinique . . .
Guyane ....
Haïti (île océanique)
Soudan
Côte d'Ivoire. . .
Guinée
Bambaras. . . .
Ouolofs ....
Haoussas (Dahomey)
Saraeolés ....
Malinkés ....
Toucouleurs . . .
Djoumas ....
Mossis
Baoulés ....
Congos
Nombre
de
sujets
50
3
1
3
1
1
7
1
4
20
3
4
4
7
2
/o
21
24.1
Nombre
de
sujets
71
1
3
2
1
1
5
4
6
26
3
7
1
12
1
29,7
M 2
Nombre
de
sujets
2,9
7,4
No m lire
de
sujets
110 46,2
2
2
4
5
3
1
6
5
29
6
6
7
1
15
1
3
1
2
35,8
228
7
2
8
10
5
3
18
12
17
81
10
12
19
8
35
2
6
1
3
53o
Dr L. ET M'"e H. HIUSCHFELD.
Indo-Chinois
500 soldats bien portants, pour la plupart des Tonkinois, exa-
minés en quatre séries.
Prédominance du type B sur le type A.
Taiîlfau XV
1
!
i
il
m
IV
V
T 0 r A L
/o
A
28
21
22
13
28
112
22,4
B
26
23
31
41
21
142
28,4
AB
9
5
5
17
36
7,2
0
46
47
42
41
34
210
42
XV a
Tonkinois . .
Annamites . .
Cambodgiens .
Cocliinchinois .
Nombre
de sujets
86
15
5
6
Nu m bre
ce sujets
21,6 108
16
7
11
28
Nombre
de srnjets
30
3
2
1
7,6
Nombre
de sujets
173
15
42,8
397
49
22
32
Hindous (Indes Britanniques)
Nous avons étudié d'abord 160 malades d'un hôpital militaire,
puis 70 travailleurs bien portants, puis 200 soldats du front et
70 malades d'un hôpital militaire. Noies trouvons un pourcentage
remarquablement bm du groupe A, à côté d'un pourcentage très
élevé du groupe B.
Pour exclure tout hasard, en examinant les Hindous, nous
avons fait toujours des contrôles avec les Européens. Un sérum
qui décela 50 0/0 de B chez les Hindous, n'en révéla que 8 0/0 chez
APPLICATIONS DBS MÉTHODES si-iiOLOCIQUES.
53i
les Anglais. Une seconde série de 500 soldats bien portants
a été examinée en un seul jour, au mois de juillet. N'étant pas en
mesure de faire les expériences le jour môme, nous ne les avons
faites que le lendemain. Nous avons trouvé un nombre moindre
de B, quoique dépassant de beaucoup les autres peuples.
Puisque les premiers 500 ont été examinés à des intervalles et
avec des sérums différents et ont donné toujours des résultats
presque identiques, nous inclinons à croire que l'agglutinabilité
du sang de la deuxième série a souiïert par suite des facteurs
extérieurs (chaleur). Nous donnons séparément les résultats de
la première et de la seconde série.
Les différences entre les provinces ne sont pas considérables.
La différenciation d'après les religions ne donne non plus de
résultats; nous l'avons faite, car les mahométans semblent avoir
reçu une infusion de sang perse.
Tablkau XVI
i
n
m
IV
V
TOTAL
%
A
12
13
26
18
25
94
18,8
B
52
55
41
49
39
236
47,2
A 15
15
14
6
5
14
54
10,8
0
21
18
27
8
22
116
23,2
Yl
vu
VIII
IX
X
TOTAL
0/
/O
7o
A
15
15
26
11
29
96
19,2
19,0
B
36
31
32
47
30
176
35,2
41,2
AB
5
5
7
5
9
31
6,2
85
0
i
44
49
35
37
32
197
3 «f4
31,3
Le premier point important à signaler est que les deux groupes
A et B s'' trouvent chez toutes les nations et clans toutes les races.
Le tableau XVIII nous montre le pourcentage de chaque groupe
chez tous les peuples examinés. Nous voyons que ce pourcentage
53q
LV L. ET MmP II HIRSCHFELD.
est différent chez les divers peuples. A partir des Anglais, le
groupe A diminue pendant que le groupe B augmente.
XVI a
Provinces unies.
>> centrales
Pendjab . . .
Népal ....
Madras . . .
Bombay . . .
Autres provinces
Provinces unies.
— centrales
Pendjab . . .
Népal. . . .
Madras . . .
Nombre
de sujets
18
4
41
2
14
5
10
41
43
11
17,4
15,6
16,2
24
19
Nombre
de sujets
52
15
121
4
23
9
12
91
62
20
2
1
50,5
46,1
36
34,6
34,4
Nombre
de sujets
10,0
1
37
1
1
2
2
23
7
1
3
9,7
14,1
9
3,9
1,4
Nombre
de sujets
23,0
6
63
3
13
1
7
67
26
22,3
24
38,7
37,4
44.5
103
26
262
31
253
179
58
t-
5
Table XV b
Hindous . . .
Mahoméfans .
i
B
Horaire
de sujets
%
Nombre
de sujets
/o
132
18,5
275
40,9
59
19,8
128
42 2
Nombre
de sujets
59
27
8,7
7,6
Nombre
de sujets
228
76
31,8
30,3
694
292
Pour commenter les chiffres obtenus, nous devons considérer
tout d'abord les données développées par Dunderu et Hirschfeld
dans leur deuxième communication. Ils n'ont vu, dans les
groupes AB, qu'une combinaison accidentelle des groupes A et B,
comme le groupe O Test pour non-A et non-B. Si nous analy-
APPLICATION DES METHODES SEROLOOlQUÊS.
:»;;;;
sons notre statistique à ce point de vue, nous obtenons le
calcul suivant :
Chez les Anglais, le groupe A se trouve dans 43,4 0/0 des cas,
Le groupe B dans 7,2 0/0; pour faire le calcul de probabilité, il
faut multiplier 43,4/100 par 7,2 100, ce qui nous donne 301/10.000
Taslkau XVI 1
Anglais . .
F nuirai s
Italiens . .
Allemands.
Autrichiens
Bulgares .
Serbes . .
Grecs . .
Arabes . .
Turcs . .
[lusses . .
Juifs . . .
Malgaches .
Sénégalais .
Indo-Chinois
Indiens . .
43 4
42.6
3S,0
43,0
40,0
40 6
41.8
41,6
32,4
38,0
31,2
33,0
26,2
22,4
22.4
19,0
i',2
11,0
12,0
10,0
14,2
15,6
16,2
19,0
18,6
21,8
23,2
23,7
29 2
£8,4
41,2
AU
En réalité
3,1
3,0
3,8
5,0
8,0
6,2
4,6
4,0
5,0
6,6
6,3
5,0
4,5
5,0
V2
8,5
3,1
4,1
4,1
5,1
4 0
5,7
6,5
6,7
6,1
7,0
6,8
7,6
6,2
6,5
6,4
7,8
En réalité
46,3
43,2
47,2
40,0
42,0
39
38,0
38 2
43,6
36.8
40,7
38,8
45,3
43,2
4?,0
31,3
41,9
46,6
49,5
43,1
42,6
42.3
42,7
43,4
47,5
39,9
44,9
44,5
40,5
47,6
45,3
43,7
Nombre
total
d'examinés
£00
500
500
500
500
500
500
£00
1 OO
500
400
500
500
10OO
= 3 0/0. En réalité, on trouve 3,1 0/0. Si A se trouve dans 43,4
des cas, AH dans 3,1 0/0, le groupe A se trouve ensemble dans
46,5 0/0; le non-A se trouve dans 53,5 0/0 des cas. Le même
calcul nous donne pour non-B 89,7 0/0. Le calcul de proba-
bilités nous donne pour le groupe O 53,5 0/0 X 89,7/100
— 4903/10.000 = 49 0/0.
En réalité nons avons trouvé 46,4 0/0. Nous avons fait ce
calcul pour chaque race examinée. Le tableau XV11 nous montre
ç-u-r»£>«(
VWfavCÇ
Vpg
V.C
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<vi
<T«-nV>
y?ïr»o
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O
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0
M
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O
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O
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u
■5
id
U
u
c
O
c
_J
•■*
0
5
=
C«
-
:c
CO
LPPLÎCÀTION DES METHODES S^ROLOGIQUÈS. 535
qu'il n'y a que de petites différences entre le calcul et la réalité,
le calcul donnant quelquefois îles chiffres plus hauts.
En basant notre opinion sur notre matériel entier, qui se
compose d'environ S. 000 ras, nous ne considérons le groupe AB
que comme une combinaison accidentelle de A et \\. Si nous
voulons connaître les pourcentages exacts des groupes A et B,
nous devons décomposer le groupe AB, en l'additionnant aux
groupes A et B. Au lieu de 43,4 0/0 A, 7,2 0 0 B, 3 0/0 AH, ce
serait pour les Anglais 46,4 0/0 A et 10,2 0/0 B.
La figure 2 montre sous forme d'un diagramme, les résultats
obtenus, le groupe A étant représenté par les lignes rayées, le
groupe B par les lignes noires. On voit que la prédominance du
groupe A est caractéristique seulement des nations européennes.
La plupart n'en a pas moins de 45 0/0, seuls les Italiens en ont
41 0/0. La diminution de ce groupe vers l'Asie et l'Afrique est
manifeste ; chez les Malgaches, on ne trouve que 30 0/0, chez les
Nègres 27, chez les Indochinois 29 et chez les Hindous 27 0/0.
Les peuples qui se trouvent entre l'Asie et l'Europe centrale,
à l'exception des Turcs de Macédoine, présentent un type inter-
médiaire. On trouve chez les Arabes 37 0/0, chez les Russes 37 0/0
et chez les Juifs 38 0/0 A. La fréquence du groupe A diminue
ainsi constamment, en allant vers le Sud et vers l'Est.
En considérant le groupe B, nous trouvons juste le contraire :
Les Anglais nous donnent 100/0, les Français et les Italiens 14 0/0
les Allemands et les Autrichiens 17 à 18 0/0. Dans les Balkans, on
trouve chez les Serbes, Grecs et Bulgares 20 0/0. Mais on constate,
au contraire, pour l'Afrique et l'Asie, que le groupe B, qui est
numériquement bas en Europe, atteint 28 0/0 chez les Malgaches,
340/0 chez les Nègres, 35 0/0 chez les Indochinois et, enfin, comme
maximum, 49 0/0 chez les Hindous. Les peuples du bassin médi-
terranéen et les Russes présentent un type intermédiaire, les
Arabes 24 0/0, les Turcs 23 0/0, les Russes et les Juifs 28 0/0 de B.
// est remarquable que la distribution et' A et B correspond exac-
tement à la situation (jéoyraphique. Plus on est près de l'Europe
centrale et occidentale, plus on trouve d'A et moins de B. Plus on
est près de l'Afrique et de l'Asie, spécialement des Indes, moins on
trouve d'A et plus de B.
Les peuples entre l'Europe, d'un côté, et l'Asie et l'Afrique, de
l'autre, c'est-à-dire les peuples du bassin méditerranéen et les
Russes nous montrent les types intermédiaires. Pour désigner
536 l>r L- ET Mmè II. HIRSGHFELD.
ces relations, nous appelons la proportion d'A au B l'indice biochi-
mique des races. Cet indice, chez les Européens, varie entre 4,6 et
2,5; il est. pour les types intermédiaires, entre 2 et 1 ; il tombe,
chez les Asiatico-Africains, à 1 ou à moins de 1 . Le fait remar-
quable que A et B soient représentés dans des proportions diffé-
rentes peut être interprété de différentes façons. Ainsi on peut
imaginer qu'auparavant A et B étaient représentés partout dans la
même proportion Les différences que nous trouvons maintenant,
tiendraient à ce que, pour des raisons inconnues, le type A avait
plus de résistance dans le climat tempéré, tandis que le B serait
plus adapté au climat chaud. L'hypothèse n'est pas vraisemblable.
Nous voyons que les Russes en Sibérie ont le même pourcen-
tage de B que les Malgaches. Les Juifs, qui ont vécu pendant
quatre siècles dans les Balkans, ont le sang différent des autres
peuples balkaniques; les Turcs de Macédoine ont plus de B que
les Grecs de l'Asie Mineure. On voit donc que ce ne sont pas les
conditions climatériques, mais seulement la provenance, qui
puissent influencer la fréquence d'A et de B. Il est difficile de
s'imaginer un point unique d'origine de la race humaine en
présence de notre statistique. Comment expliquer la diminution
d'A de l'ouest vers le sud, tandis que B augmente dans le même
sens? Les résultats s'expliquent mieux si l'on admet un double
point d'origine pour les types A et B. L'infiltration de ces deux
races biochimiques serait la cause des proportions différentes.
Puisque la plus grande fréquence de B a été trouvée aux Indes,
nous pouvons considérer les Indes comme le berceau d'une partie de
l'humanité de la race biochimique B (1). Vers l'Est (Indo-Chine),
ainsi que vers l'Ouest (vers l'Afrique), se dirigea un grand courant
d'Hindous diminuant graduellement et atteignant les coins les plus
occidentaux de l'Europe. Comme les nations asiatiques et afri-
caines sont toutes pauvres en A, nous pouvons admettre hypothéti-
quement que A a son origine au Nord ou dans l'Europe centrale.
Un examen détaillé des races du Nord pourrait nous mener à des
conclusions importantes et inattendues.
Il est étonnant que les résultats obtenus par nos recherches
diffèrent des opinions anthropologiques courantes. Notre indice
biochimique ne correspond nullement à la race au sens habituel du
mot. L'indice hindou 0,0 diffère le plus de l'indice européen, pen-
(1) Nous ne donnon* celte hypothèse qu'à titre provisoire, car elle a besoin d'être
confirmée par de nouvelles recherches portant surtout sur les peuples de l'Asie centrale.
IPPLICA.ÏIOS DES METHODES SEROLOGIQUES. 537
dant qu'on considère les deux peuples comme les plus proches. Les
Russes et les Juifs, tellement différents dans l'extérieur et le tempé-
rament, ont les mêmes indices. Parmi des Slaves, les Serbes et les
Bulgares se trouvent, avec leur 20 0/0 B,à la limite extrême du type
européen, tandis que les Russes, représentant la majorité des Slaves,
nous conduisent, avec leur 25,33 00 B, en plein type Asiatico-
africain. Les données de l'anthropologie et de l'ethnologie sur
l'origine des ditTérents peuples ont-elles besoin d'une correction?
Ou bien la différenciation et le mélange des races anatomiques
et biochimiques correspondent-elles à deux périodes différentes?
Peut-être notre statistique dénote-t-elle des émigrations et des
mélanges préhistoriques, antérieurs aux différenciations anato-
miques des races. Une carte exacte et détaillée de la répartition des
groupes devrait être faite. A côté des races préhistoriques, les
singes antrhopoïdes devraient être examinés (Dunderu et Hirschfeld
ont examiné les sérums des deux chimpanzés; ces deux sérums
contenaient Anti-B). Il est superflu d'insister sur les conséquences
considérables qu'auraient de telles recherches faites sur une grande
échelle.
Nous voyons qu'une analyse objective des chiffres obtenus nous
mène à des résultats surprenants et qu'un des problèmes les plus
saisissants, celui de l'origine double de l'humanité, peut-être dis-
cuté à laide de la sérologie. Nous espérons ainsi avoir prouvé la
nécessité d'introduire des méthodes sérologiques dans l'anthro-
pologie. Au cours de nos recherches, nous avons été soutenus et
aidés par un grand nombre d'officiers et médecins de l'armée
d'Orient. Les chefs des Services de Santé, français, anglais, serbes
et italiens nous ont facilité le travail, en nous munissant des perA
missions nécessaires et en montrant toujours un intérêt bien,
veillant pour notre travail. A tous ceux qui nous ont aidés nous
exprimons nos profonds remerciements.
LAtrrftitppOLoefc. — t. xxix. — 191ft i!)r.t. 35
VARIÉTÉS
Notes sur V Asie préhistorique.
Il y a. à n'en point douter, un monde de superstitions et de croyances
qui se retrouvent essentiellement les mêmes en des temps divers et
chez des peuples différents, sans qu'on puisse déduire de leurs ressem-
blances un rapport de dépendance ou de dérivation. Elles ue sont pas,
comme les produits supérieurs de la raison, quelque chose de réfléchi,
où apparaisse la personnalité du penseur qui les a formées, ou les
caractéristiques du temps où elles naquirent, ou de la société où elles
se répandirent, et qui peuvent être facilement accueillis et élaborés à
nouveau, selon des tendances nouvelles en des temps et des lieux diffé-
rents ; au contraire, toutes les différentes superstitions et croyances ne
sont que le résultat des impressions directes, immédiates, spontanées
que l'homme éprouve en face de faits ou de phénomènes déterminés,
d'où il tire toujours les mêmes relations, ou les mêmes rapports de
causalité, et c'est pour cela qu'ils peuvent surgir indépendamment en
des temps et des endroits divers.
( m ne sera donc pas surpris si en Chine, parmi tant d'autres croyances,
nous en trouvons une qui est des plus répandues dans notre peuple.
Tous ceux: qui s'occupent de « folklore » savent que les armes ou les
pierres taillées préhistoriques sont encore dans plusieurs endroits consi-
dérées et employées comme des amulettes et qu'on leur attribue une
origine extra humaine comme le prouvent les noms qui les désignent:
hachettes de la foudre, pointes de la foudre, flèches de la foudre, etc. —
Bien des personnes voient encore, dans ces premiers produits de l'in-
dustrie de l'homme, la trace Visible que la foudre éclatée laisse en
pénétrant dans l< sol. Cette croyance est vivante encore de nos jours;
non seulement elle fut répandue aussi en (>\ice, où selon le direde
Porphyre, ces objets ('(aient appelés Bpcvtefo c xspaovia ou chez les
Latins (i), mais elle fut aussi accueillie par les savants d'occident,
(1) Sur les traditions populaires v. Belhjcc] Arnuletti Italici. Pérouse p. 11 et ss.
Fétichisme in Italia, Pérou*e,p. 17 et p. 11.— Pour la <irèce,v. Isidokus, Orig. ehap. 16»
Puni N. H. XWVII § 1 cfr. Baudoin et Bonnemùhe, in Revue Anthropologique) 1914,
P. 496.
54o VARIÉTÉ?.
jusqu'à ce que notre Mercati découvrit la vérité. Or, une superstition
tout à fait semblable se rencontre en Chine, au Japon en Birmanie, etc.
Bornons nous pour aujourd'hui à la Chine.
La notice la plus détaillée est donnée par Li She-chin, un érudit ou
naturaliste du xvi° (1J70-1620) siècle, lequel, après 35 ans de travail
environ, composa un recueil, intitulé Peu tsao Kau mu qui répartit,
en différentes sections, pierres, herbes, métaux, plantes, etc., et décrit
les différents produits naturels qu'on peut employer comme médica-
ments; l'œuvre pour la compilation de laquelle Li She-chin se servit de
800 auteurs, est une vraie mine de renseignements intéressants à bien
des égards, soit comme recueil de traditions, soit comme observations
naturelles. Voilà un passage qui nous intéresse (1).
Pierre de la foudre. Tsan-k'i (2) raconte que de tels objets se trouvent
en général en creusant de trois pieds sous la terre dans les endroits où
la foudre est tombée : leur forme est variable, il en est qui ressemblent
à des hachettes, d'autres à des haches; il y en a qui sont porcés de
deux trous. Selon quelques opinions on les trouve à Leichou (littérale-
ment : la province de la foudre), et dans Ho-tunr/, entre les montagnes
et les lacs après les orages accompagués de foudre et de tonnerre;
plusieurs seraient semblables à des hachettes, de couleur verdâtre,
avec une marbrure sombre et dure comme le jade. D'autres sou-
tiennent que ces objets sont des produits de l'industrie de l'homme
offerts aux dieux : Quant à moi je ne peux pas assurer la vérité de la
chose. She ching dit : « Lei-sha (livre de la foudre j rapporte, que les
hachettes dites de la foudre ressemblent aux hachettes faites de cuivre
et de fer et que les « chenn » (3) de la foudre sont idetitiques aux
a chenn » communs et de pierre; ils sont de couleur rouge ou sombre;
les marteaux de la foudre sont lourds de quelques livres et des scalpels
de la foudre sont longs à peu près d'un pied et ressemblent à ceux de
métal : le Dieu du tonnerre se sert de ces derniers pour fendre et
frapper. Les anneaux de la foudre ressemblent aux anneaux de jade et
ne sont autre chose que les ornements de la ceinture du dieu du ton-
nerre précipités du ciel. Les perles de la foudre sont abandonnées à
leur poids par le dragon céleste ; pendant la nuit elles éclairent toutes
choses ».
En outre il est dit dans Po-wu-chi (4) : « parmi le peuple on voit
souvent des pierres minces, qui ressemblent par leur forme à de petites
hachettes, généralement appelées « hachettes de la foudre », ou encore
(1) Section des pierres, ehap. 10, § dernier.
(2) Ecrivain ayant vécu au vin» siècle.
1 e chenn est vraiment une piefre où l'on hit et lave les draps : lapis fullo nicuii
(4) Œuvre du m" siècle.
v uuri i -
5A t
a coins de la foudre, » Hiuen-chung (i) aussi nous rapporte que dans
une région à l'occident de la Porte de Jade fyu-men; Kau-su) il y a sur
une montagne un temple, où ces gens-là offrent tous les ans à la foudre
des scalpels pour se la rendre propice; cependant ce n'est pas une
chose avérée,
La foudre dérive de deux énergies: de Vinget de Vang (a) : c'est pour
cela que le son en est faible et fort en même temps <•! produit en réalité
des objets immatériels d'où dérivent les cires différents, qui sont mani-
festations s i s i 1 ) 1 e s dos espèces invisibles; et précisément, la hache, les
chenn, les scalpels, les marteaux sont tous des objets réels. S'il est
vrai ([ue les types se déterminent clans le ciel et que les formes se
spécifient sur la terre, il en résulte que comme les étoiles qui, tombant
du ciel, deviennent des masses de pierre, ainsi métaux, pierres, millet,
grain, poil, sang ou autres substances, tombant comme la pluie,
acquièrent une telle forme seulement sur la terre. C'est dans l'Ether
que se constituent les objets immatériels.
Pendant la dynastie Ch'ên (557-558 apr. J.-G.) Su Sbao posséda des
marteaux de la foudre du poids de neuf livres et pendant les Sung
(960-1278 apr. J.-C). Shénko, après l'orage, trouva sous un arbre un
coin de la foudre semblable à une hache mais qui n'était foré d'aucun
trou. Cependant les lois surnaturelles sont mystérieuses et par consé-
quent ne peuvent être parfaitement connues. Ainsi s'exprime Li She-
chin et puisqu'il parle de la découverte de Shen-ko il ne sera peut-être
pas hors de propos de reproduire ce que ce non moins fameux natura-
liste lui-même avait écrit. Shen-ko qui vécut au xr* siècle, est l'auteur
d'une vaste encyclopédie, intitulée Mêng-ch'i-pi-t'an dans laquelle, au
chapitre 20, on lit : « On dit en général que la découverte des hachettes
de la foudre ou des coins de la foudre provient de ce que le dieu de la
foudre laisse tomber ces objets et à l'ordinaire ceux-ci se trouvent après
les orages accompagnés de foudre et de tonnerre. Quant à moi pourtant
je ne les ai jamais vus, sinon que pendant la période Yuen-fung (1078-
1096) habitant Suei-chou durant l'été il me fut donné de trouver, après
un grand orage, sous un arbre cassé, un coin, comme le veut la tradi-
tion commune. Généralement les hachettes de la foudre sont en métal ;
(1) Œuvre du ve siècle.
(2) Li She-chin veut donner à présent l'explication de telles découvertes et
recourt à la théorie bien connue de Ving et de Vang les deux différentes modalité do,
l'énergie cosmiqup, l'une principe féminin l'autre principe masculin qui s'al ornent
continuellement en donnant origines aux êtres différents : dans le ciel ou dans L'Ether
(le grand vide) se forment tant de types immatériels, lesquels peuvent se spécifier
et se matérialiser seulement en descendant sur la terre : c'est pour cela que des
objets pareils, haches scalpels etc. de la foudre ne sont autre chose que produits
des énergies supérieures qui acquièrent leur forme réelle tombant par terre.
» »
5/j3 VARIÉTÉS.
les coins au contraire sont en pierre, et ressemblent aux hachettes,
mais ils n'ont point de trou ».
En résumé, les différents objets que les Chinois croient produits par
la foudre, selon les deux sexes cités seraient : i° les hachettes de la
foudre [Lei-fu o P'i-U-fu); 2° les marteaux de la f. (Lci-cJïuci) ; 3° les
chenn de la f. (Lci-chenn) ; 4° les coins de la f. /.ei-sie ou pils-sie ; 5° les
scalpels de la f. (Lei-tgyuan)\ 0° les anneaux de la f. (Lei huan); 70 les
perles delà f. (Lei-chu).
Tous peuvent être réellement produits par l'industrie humaine sauf
les derniers dits : perles de la foudre, qui, probablement, ne sont autre
chose que des bolides ou aérolithes (1).
De sorte que les deux passages traduits de Pen-ls'ao et de Mêng-ch'i
pi-t'an ont de l'importance non seulement pour les connaissances qu'ils
donnent concernant les superstitions qui vivent et qui ont vécu en
Extrême-Orient et les croyances diffuses et communes aussi parmi
nous, mais encore parce qu'ils témoignent de la découverte d'objets
qui vraisemblablement appartiennent à l'âge préhistorique en Chine
même. Du reste ce ne sont pas là les deux seules sources de renseigne-
ments sur cette question. Quoique les Chinois se soient occupés d'une
manière spéciale d'archéologie classique comme nous aurions droit de
la nommer, portant surtout leur attention et leurs recherches vers les
monuments écrits et d'un immédiat intérêt historique, pourtant il ne
manque pas d'indications dans leur immense littérature, même acciden-
telles, qui puissent intéresser l'archéologie préhistorique proprement
dite. Ainsi, par exemple, dans Shu-king, un des livres classiques des
Chinois généralement connu, quoique improprement, sous le nom de
« Livre des annales », dans la section Yi'i-hung, ou tribut de Vii (empe-
reur semilégendaire qui régna selon la tradition de 32o5 à 2198 avant
J.-Ch.) nous trouvons les noms de quelques personnes qui lui avaient
présenté en hommage des pierres pour faire des pointes des flèches (2).
D'autres indications concernant la découverte des objets en pierre taillée
se peuvent tirer d'ouvrages d'archéologie comme le Ku-yi'i-t'u p'u
(xir" siècle après J.-C.) ou le Kin-shih-so (publié dans la première
moitié du xix" siècle).
De plus, dans ces dernières années ont été mis au jour, sur le sol
chinois quoique en nombre restreint, quelques restes lithiques dont les
savants d'occident se sont occupés en partie, et qui en quelque sorte-
appuient des documents des indications fournies par les écrivains
(t) Le mémo. Slion-ko, l'autour de Men^-chin-pi-t'an nous n décrit la chute d'un
aéiolithe : le passage a été publié et traduit par le prof. (,. Vacca dans les « Notes
Chinoises 11. La chute d'un aérolithe dans Rivisla di Studi Ovientali. Vol. VI 1913,
page 133.
(2) Shu-king éd. Legge Qiinrse Classies. Hong-Kong, 1861-95, vol. III p. 1 page 121.
» p
VARIÉTÉS. 543
indigènes. Un recueil de toute la littérature a été l'ail par Laufer (1)
lequel pourtant, à propos d'un âge préhistorique de la Chine, arrive à
des conclusions absolument négatives. [1 croit que si l'on peut parler
d'un âge de pierre, dans la Chine entendue dans le sens géographique,
on ne peut pas dire la même chose des Chinois comme groupe ethnique
en soi ; les objets découverts appartiendraient à ces nombreuses
tribus, que les Chinois trouvèrenl déjà maîtresses du sol sur lequel
ils se répandirent ensuite, el pour lesquelles l'usage des ustensiles et
spécialement îles armes de pierre peut être appuyé de documents
jusqu'à des époques relativement voisines de nous. Celte théorie de
Laufer peut sembler en réalité bien étrange. Il est vrai que la décou-
verte des objets préhistoriques, dont on a des indications est bien limi-
tée, et la description qu'on en a ne possède pas toujours la clarté cl la
précision que nous délirerions. Mais n'est-il pas hasardeux d'admettre
qu'un peuple soit parvenu à la phase de la civilisation, qu'on convient
de nommer civilisation du bronze, sans avoir passé par une pbaso
antérieure, de la pierre, qui précède partout celle-là? De plus si beau-
coup de découvertes eurent lieu dans des régions relativement éloignées
de l'habitat primitif du peuple chinois, qui s'étendit d'abord sur les
rives fertiles de Huang-ho, pourtant c'est un fait que certains objets
décrits par Laufer (parmi lesquels le très beau marteau de jade repro-
duit dans la planche HT) proviennent des enviions deSi-ngan-fu dans le
Shen-si : à présent c'est un fait presque vérifié (pie les races chinoises
avancèrent et se répandirent lentement de l'Ouest vers l'Est, eu s'élen-
dant en même temps vers le Nord et le Sud des rives du fleuve Jaune,
et il faut noter que quelques unes des plus antiques traditions chinoises
sont localisées proprement dans cette région ; ainsi p. ex. Hua-su, mère
de Fu-hi, un des premiers empereurs mythiques chinois (28G2-2738
avant J.-C. selon la tradition) naquit à Lanl'ien pays voisin du SUngan-
fn (a) actuel. De plus, les princes de Chou, qui devinrent plus tard les
(!) Les objets connus jusqu'à présent proviendraient du Shen-si : (Gioliom, « I/t'Ià
délia pietra in Cina colla descrizione di alcuni esemplari nella mia collezione, in
Archivio per'l'Antropologia. ed Efnografia. Vol. XXV1I1, 1898 page 874 sgg. ». — Laufrr
Jade a study in Chinese Archeology and religion. Publication 154 of Field Muséum
of natural Hiitory Antrop. Séries. Chicago, 1912, pp. 35 et suiv ) : du Yun-nan
(Andkrson, A. report on the expédition to western Vun-nan via lUiamo, Calcutta,
1871 pp. 410 et suiv.— Brbwn, Stone implements from tbe Teng-Yùeb District Yunnan
Province, Western China, in Journal and Prof-eedinys of the Asiatic Society of Bengal
(vol. Y, 1910 pp. 299 et suiv.) ; du Se-ch'uan (P.aber, Travels and Researches in Western
China in Supplementary papers of Royal Geographical Society 1886, pp. 129 et suiv. ;
du Yi'i-Chou (Hdkinb, Stone Hatchets in China in Nature vol. XXX, 1894, pp. 515 et
suiv.,; du Shan-tung (Laufer, op. cit., pp. 46 et suiv.)
(2) Hirth, Ancient History of China New York, 1911, page 8 ; selon les autres tradi-
tions Hua-su serait le nom d'un pays voisin de Si-ngan-fu, v. Piuni, Le origini délia
civilta, secondo la tradizione a la storia dell'Estremo Oriente. Firenze, 1891 p. 31, n* 3.
.Vj'i VARIÉTÉS.
fondateurs de la dynastie Chou (i i 12-249 avant J.-C.) étaient originaires
du petit État de Pinj, précisémeet voisin de Si-ngan-fu et tout près de
cette ville, il y avait ce bourg de H au (i) que, selon un livre d'antiques
annales, connues généralement sous le nom des « Annalesdc bambou »,
Wen-wang fit construire pour son fils Wu-wang.
De plus il est notoire que ce sont les coutumes et les cérémonies
religieuses qui rmJntiennent, en les cristallisant presque, non seule-
ment les pratiques et les habitudes les plus antiques, mais même les
objets du culte qui se transmettent de siècle en siècle invariées et inva-
riables par un respect sacré. A présent de même qu'à Rome, où comme
le dit la phrase même inter saxum et sacra, on faisait usage du culter de
pierre aux temps historiques dans les sacrifices, qu'en Egypte, où selon
les recherches de Morgan, les ustensiles de pierre se maintinrent dans
les pratiques du culte bien longtemps après que l'âge de la pierre,
proprement dit, fut terminé (2), en Chine nous trouvons comme de
pures survivances, les haches de jade employées pour plusieurs cérémo-
nies soit comme moyen d'exorcisme pour chasser les esprits malins,
soit pendant les danses au temple des ancêtres. Enfin un autre argu-
ment, qui — selon moi — contredit Laufer peut se tirer de la langue
chinoise elle-même. On sait que la langue chinoise est une langue
idéographique dont les idées sont exprimées par des caractères spéciaux;
une partie de ces caractères est dite générique et exprime en général
l'idée fondamentale, l'autre phonétique qui sert à déterminer le son
même du caractère. Or, il est certainement remarquable que beaucoup
de caractères signifiant flèche, épée, couper, retrancher, marteau et
semblables se trouvent sous la classification des pierres. Mais je préfère
laisser la parole au prof. Puini, qui, pour autant que je sache, a été le
premier à noter le fait : « L'usage très antique 'de la pierre parmi les
peuples de la Chine, non seulement pour la fabrication des armes, mais
aussi des objets de genres différents, est témoigné clairement par beau-
coup de mots de la langue chinoise même. Les idées de couper, fendre,
piquer, percer, racler, battre, rompre, déchirer, tuer sont fréquemment
exprimés par les idéogrammes, où l'on trouve partout un élément
commun qui on soi signifie « pierre ». Aussi dans certains mots qui
veulent exprimer, bracelet, anneau, collier, tessère, tablette, sceptre,
comme aussi dans les noms des différents instruments musicaux on
trouve de même un élément commun, qui indique celte pierre dure
que les Chinois appellent yu (jadéi tes, pagadite, ou néphrites) » (3).
(i) Shu-Kinq et Lbggb cité ci-dessus. Prolegomena, page 140; la traduction est
reproduite par Hirth, œuvre citée, page 54.
(2) Chez les Hébreux les couteaux de pierre furent employas pour la circoncision
jusqu'à un âge relative ment Jrécent.
(3) PuiHl, op. cit. p, 163.
VARIÉTÉS 545
En conclusion, s il est vrai qu'il \ a peu d'objets préhistoriques
découverts en Chine, sûrement connus et si les indications des écrivains
chinois à cet égard sont imparfaites et incertaines, pourtant l'hypothèse
de Laufer -- selon moi — est ou prématurée ou au moins hasardée. Du
reste les Chinois eux-mêmes virent peut-être bien clair dans l'évolution
de leur histoire, qui est d'ailleurs commune à tous les peuples. « Les
armes de pierre furent fabriquées pendant le gouvernement de Shen-
aung (2737-2705 avant J.-C), celles faites d'une pierre dure et par
conséquent plus difficile à façonner (pierre yu) furent fabriquées et
mises en usage sous le gouvernement de Huang-Ti (2704-2695 avant
J.-C). On doit l'art de fondre le métal pour fabriquer les armes à Ch'i-
)u » (1). Or donc, puisque chacun de ces empereurs mythiques person-
nifie une période de l'humanité, les différentes phases du progrès
humain décrites déjà par le génie divin de Lucrezio Guro sont expri-
mées dans le passage ci-dessus cité.
Giuseppe Fucci.
(Traduit de l'italien par Stefania Kalingwska).
(1) Puim, op. cit. p. 163, traduction d'un \ assage du Vai-peh-yin-Kivg.
YARrÉTÉS, ,V,~
Le Musée d* Etluwgrapliie du Trocadcro.
Lors do la discussion récente du budget de 1 (> 1 9, un ex-député,
M. Jean Bon, a proféré de violentes attaques contre, le Musée d'Ethno-
graphie, .l'ai la prétention d'être en mesure d'apprécier la valeur de ces
critiques, puisque j'ai l'honneur d'être, depuis 1907, le Conservateur
« chargé du classement scientifique et de l'installation des collections »
de ce Musée, d ont je connais les défauts que j'ai maintes fois signalés
à l'Administration supérieure. Pour permettre au lecteur de juger à
qui incombe la responsabilité d'une situation que je n'ai cessé de
déplorer, il me suffira de l'exposer simplement et en toute sincérité (1),
#
Le Musée d'Ethnographie a été particulièrement éprouvé pendant la
guerre : à l'exception du Conservateur-administrateur, tout son per-
sonnel avait été mobilisé, et l'unique gardien temporaire désigné pour
assurer le service ne pouvait, malgré son bon vouloir, suffire aux
multiples besognes qui lui incombaient. Aussi n'est-il pas surprenant
qu'un certain nombre de pièces qui exigent un entretien constant,
telles que des étoffes de laine et des vêtements en peau, aient été
détruits. — Je n'ai pas besoin d'ajouter que les arrivages ont été entiè-
rement nuls durant cette période.
À la cessation des hostilités, la vie a repris avec uno intensité
nouvelle. Les dons affluentet, chaque jour, des objets d'un haut intérêt
viennent s'ajouter aux richesses qui, depuis 39 ans, se sont accumulées
dans les locaux du Palais du Trocadéro affectés au Musée d'Ethnographje.
Lors de sa créaction, en 1880, ce Musée possédait 6.000 pièces; il en
compte aujourd'hui plus de 100.000, que nous devons presque toutes à
la générosité de nos correspondants. Le total des objets acquis se
chiffre par un nombre infime, et la raison en est fort simple : le Crédit
alloué pour achat de collections cl étiquettes n'a pas dépassé, jusqu'à une
époque récente, la somme de 200 francs par an. Qu'on s'étonne, après
cela, que des pièces uniques soient allées à l'étranger et que l'étiquetage
soit défectueux. Une année, cependant, j'ai pu acquérir une pièce rare,
hautement appréciée de tous les spécialistes : il s'agissait d'une de ces
(1) Mon prédécesseur, le Dr Hamy, g publié, dans la Revue d'Ethnographie (t. VIII,
1889, pp. 304 608), un intéressant travail sur Les origines du Mutée d'Ethnographie.
La présente note en est, eu quelque sorte, la suite, puisqu'elle résume la situation
actuelle de l'établissement et qu'elle montre que les obstacles qu'il a fallu vaincre
pour aboutir à sa création s'opposent aujourd'hui a son développement.
V VRIKTKS.
amulettes en jade de la Nouvelle-Zélande désignées sous le nom d'étéiki.
Le Musée du Trocadéro en possédait, il est vrai, trois spécimens, mais
les trois n'étaient que de vulgaires moulages en plâtre. Un original
venait d'être vendu 6.000 francs à Londres, et je me suis laissé tenter
parle bas prix qui m'était demandé (25o francs). Cette année-là, il m'a
fallu renoncer à l'étiquetage. A la suite de mes instances réitérées, le
crédit affectéa l'« achat de collections etétiquettes » a été porté à 5oo francs
par an. Que peut-on faire avec cette somme au point de vue de l'étique-
tage ? Une foule de pièces ont dû être laissées avec un simple numéro
de catalogue et les étiquettes générales, qui fourniraient au public
d'utiles indications, brillent partout parleur absence. Les numéros de
catalogue eux-mêmes n'existent plus sur tous les objets. On avait eu
fâcheuse idée, dans les débuts, de les imprimer, àla l'aide d'un com-
posteur, sur de minuscules rectangles de papier qui étaient fixés plus
ou moins solidement au moyen de gomme; beaucoup se sont décollés
et ont disparu. Pour identifier les pièces qui en manquent, un long
travail de révision a été entrepris, qui est actuellement interrompu,
faute de personnel.
Personnel. — Avant la guerre, le nombre des employés était notoirement
insuffisant. A l'origine, alors que toutes les collections auraient pu
facilement tenir dans une salle unique, le personnel comprenait deux
conservateurs (un chargé du classement scientifique et de l'installation
des collections, l'autre sans attributions déterminées), un sculpteur-
modeleur, un brigadier des gardiens et deux gardiens, auxquels furent
bientôt adjoints un troisième gardien et un menuisier. Le deuxième
conservateur a été chargé plus tard de l'administration; le sculpteur-
modeleur, en récompense des services qu'il avait rendus, a rec;u le
titre d'inspecteur.
Actuellement, l'effectif comprend le même personnel, avec une
simple modification : le menuisier, qui était payé à la journée, a été
remplacé par un gardien titulaire. Toutefois, lorsque la collection de
poupées qui existait au Musée pédagogique a été transférée au Trocadéro,
malgré ma protestation, la vénérable dame qui avait patiemment
constituéeette collection, a figuré, au titre d'employée, sur la liste du
personne] du Musée d'Ethnographie, En raison des services qu'elle a
pu rendre au cours de sa longue existence, il était légitime de lui
octroyer une rente viagère, mais il semble un peu excessif de la consi-
dérer comme faisant partie du personnel et de prélever son indemnité
sur !<• trop modeste budget de l'établissement.
Unsi, les collections avaient beau s'accroître dans des proportions
inespérées à L'origine, ce qui entraînait nécessairement L'installation de
nouvelles salles et avait pour conséquence d'augmenter singulièrement
VARIÉTÉS» 549
le travail. L'effectif du personnel n'a pas clé modifie depuis nombre
d'années. Aujourd'hui, par suite de la guerre, cet effectif est loin d'être
complet; à La démobilisation, Le personnel des gardiens s'est trouvé
réduit au gardien-chef et à un simple gardien. Pour ouvrir au public
une petite partie dû Musée, il a fallu avoir recours à un gardien tempo-
raire. Tout récemment, un brave mutilé, amputé du bras droit et privé
d'un œil, a été nommé, maison ne saurait exiger de ce bon serviteur
de La patrie certains travaux [qui réclament quelque déploiement de
force ou de l'habileté manuelle. Deux emplois de gardiens restent
encore sans titulaires et, lorsqu'ils seront nommés, il sera toujours
impossible d'assurer la surveillance des div vaste» salles et paliers où
sont entassées les collections, d'entretenir convenablement ces collec-
tions et les locaux, et d'exécuter les multiples travaux qui incombent à
celle catégorie d'employés.
Locaux. — En présence de l'accroissement rapide des richesses du
Musée indiqué plus haut, il a fallu s'ingénier à les loger. L'arrêté
ministériel du i'\ novembre 1879, avait affecté « à la conservation des
collections ethnographiques du Ministère de l'Instruction publique et
aux services qui en dépendent » les « salles, péristyles, galeries et
dépendances occupant le premier étage du palais du ïrocadéro, les
combles et les magasins situés au-dessus desdites salles et le pavillon
annexe, placé à l'entrée du Trocadéro, du côté de Passy ». Le palais
n'avait pas été construit en vue d'y installer un Musée, et Viollct-le-Duc,
qui avait été chargé d'étudier « l'appropriation d'un local pour le Musée
ethnographique », l'avait nettement éliminé, parce que ses « galeries
longues, relativement étroites, sans annexes, se prêteraient fort mal au
' classement que tout ethnographe sera entraîné à adopter ». Il aurait
pu ajouter que, dans plusieurs d'entre elles, l'éclairage est très défec-
tueux. L'éminent architecte avait également prévu que, pour empêcher
l'altération des objets par le froid et l'humidité, il serait nécessaire de
chauffer suffisamment les locaux. Les sages avis d'un homme aussi
compétent n'ayant pas été écoutés, il ne restait qu'à utiliser pour le
mieux l'emplacement concédé. Bientôt les galeries furent emeombrées
et il devint nécessaire d'installer des collections sur les vastes paliers
où la lumière parvient à peine. Cela ne suffit pas : la belle galerie
circulaire, située en avant de la salle des Fêtes et où la lumière pénètre
à flots, reçut à son tour les collections d'Asie ; mais ses larges baies
n'étant pas vitrées, les objets ne tardèrent pas à se détériorer sous
l'action des agents atmosphériques. Aussi, en 1890, le ministre de
l'Instruction publique ordonna-t-il leur transfert au Musée Guimet,
d'où ils ont été répartis entre divers établissements deprovince. Depuis,
il n'existe plus de collections ethnographiques d'Asie dans la capitale,
à part quelques collections bien spéciales.
>0O V.VHIETES.
Malgré La suppression des collections asiatiques, la place continua a
manquer, la galerie rendue libre ne pouvant être occupée tant que ses
baies n seraient pas closes par des fenêtres vitrées. Pourquoi n'a-t-on
pas songé à aménager cette salle, qui aurait été la plus belle, la mieux
éclairée du Musée? J'en connais les raisons, qui ne sont peut-être pas
de celles qu'on aime à proclamer. A cette époque, la dépense n'eut pas
été très élevée, et la preuve en a été fournie dix ans plus tard, lorsque,
pour l'Exposition universelle de njoo, une des extrémités de cette
galerie a été close pour recevoir les collections de la Sous-Commission
des Monuments mégalithiques, de la Société et de l'École d'Anthropo-
logie : l'entrepreneur qui avait fourni les fenêtres en location, les a
ensuite cédées à l'État pour une somme relativement minime. Cette
partie de la galerie circulaire a été restituée au Musée d'Ethnographie
qui a pu y installer sommairement quelques collections d'Europe.
L'extrémité opposée a été vitrée aux frais de MM. de Créqui-Monfort
et Sénégal de la Grange, qui en avaient obtenu la jouissance pour quatre
ans, afin de pouvoir y exposer les merveilleuses collections provenant de
la mission organisée par eux en Bolivie. Quant au reste de la galerie,
qui en constitue de beaucoup la partie la plus importante, il m'a encore
été impossible, en dépit de mes persévérantes démarches, d'en obtenir
la restitution au Musée d'Ethnographie. Je me suis heurté à une
opposition systématique de la Commission supérieure des Théâtres
qui, sous prétexte de ne pas apporter d'entraves, en cas de panique ou
de sinistre, au dégagement de la salle des Fêtes, s'est refusée à rendre
la dite galerie à la destination qui lui avait été assignée par l'arrêté
ministériel du 24 novembre 1879. Peut-être faudrait-il chercher un
autre motif à son opposition, car le projet d'aménagement, accompagné
d'un plan, que j'avais soumis au Ministère de l'Instruction publique,
au Sous-Secrétariat d'État des Beaux-Arts, à la Commission supé-
rieure des Théâtres, à la Commission des Incendies, démontrait
amplemenl que, loiu de constituer une gêne pour l'évacuation éventuelle
de la salle dis Fêtes, l'installation prévue était une garantie de sécurité
pour le public; c'est ce qu'avaient reconnu le Colonel Cordier, Com-
mandant des sapeurs-pompiers, et diverses personnalités compétentes,
dépoun ues de parti-pris.
II fallait cependant trouver une solution à une situation qui menaçait
de devenir cri tiqne. C'est alors que le service de l'Architecture conçut
le projet de construire dans les combles deux grandes salles, l'une au-
dessus <!<■ celle affectée aux collections d' Afrique, l'autre au-dessus de la
salle de France, el de les relier par une vaste galerie comportant la
démolition de di\<T> cabinets qui servaient de magasins pour les
nombreux objets qu'il était impossible de loger dans les vitrines. Ce
pi. m .1 reçu un commencement d'exécution; la salle projetée au-dessus
v\mi m - 55 1
de la salle d'Afrique a été construite et aménagée; elle a reçu les col-
lections d'Océanie. En iqi3, j'ai obtenu des Beaux-arts la démolition
des cabinets ci-dessus mentionnés el leur remplacement par une galerie
(|ui n. -m certes pas luxueuse, mais qui esl suffisamment éclairée et donl
les dimensions permettraient d'v classer une quantité appréciable de
pièces en souffrance; mais elle attend toujours le mobilier indispen-
sable et, pendant la mobilisation, elle a été encombrée de collections
qu'on y a entassées en désordre. Tout ce fouillis, nous ayons maintenant
à le débrouiller.
En résumé, quoique les collections ethnographiques se soient enrichies
d'une façon merveilleuse, que le nombre des objets soit passé de 6.000
à plus de 100 000 et ne cesse de s'accroître, l'emplacement destiné à
les recevoir a diminué au lieu d'augmenter. Si, en effet, une salle a été
construite et aménagée pour l'Océanie, le Musée ne dispose plus de la
grande galerie circulaire, et le « pavillon annexe, placé à l'entrée du
Trocadéro, du coté de Passy » est maintenant occupé par le concierge
du Palais. Le vaste sous-sol dont le Musée d'Ethnographie avait la
jouissance et qui lui aurait servi de magasin vient d'être affecté,
presque totalement, au Musée de sculpture comparée ; or, nos magasins
ne -11 flis.nt plus à loger les collections qui arrivent sans cesse.
Les vitrines des salles ouvertes au public sont encombrées à tel point
qu'il est souvent difficile de distinguer les objets et impossible de les
classer avec -méthode. Ce classement, en effet, exigerait une place qui
fait défaut, et ou se demande où il serait possible de caser les objets
qu'on serait obligé de retirer des vitrines. Tout récemment, l'interca-
lation d'une fort belle collection d'Abyssinie, offerte par le Président
de la République et Madame R. Poincaré, a exigé le remaniement
complet de huit vitrines ; pour les réinstaller avec plus de méthode, il
a été nécessaire d'en éliminer de nombreuses pièces qui sont allées
rejoindre celles déjà déposées dans nos réserves. Les importantes col-
lections rapportées de Bolivie par MM. de Créqui-Montfort et Sénéchal
de La Grange, de l'Equateur par le Dr Rivet, du Dahomey par
M. Waterlot, du Congo, de l'Oubangui, du Tchad par feu le Dr
Poutrin et d'autres explorateurs, les innombrables séries d'objets préhis-
toriques en pierre arrivés de tous les points de l'Afrique, la collection
ethnographique du Musée de l'Armée; venue des Invalides, etc, etc.
attendent de la place et des vitrines. Les donateurs ne se lassent pas
d'enrichir L'établissement, même quand ils savent qu'il sera difficile,
sinon impossible, d'exposer actuellement les pièces qu'ils offrent : ainsi
le Baron Gouyat d'Empeaux, prévenu de ces difficultés, n'a pas hésité
à envoyer une fort intéressante série (h; 255 instruments en pierre,
parmi lesquels se trouvent des types nouveaux, recueillie dans le Hodh
552 VARIÉTÉS
mauritanien. Cent spécimiens de poteries anciennes de l' Arizona, qui
n'étaient pas encore représentées dans nos salles, ont été offerts par
un ami de la France, M. Edgard L. Iïewett, et arriveront prochainement.
Un Français, né au Mexique, où il continue à vivre, et qui n'oublie ni
.la mère-patrie ni le Musée d'Ethnographie du ïrocadéro, auquel il a
déjà fait des envois importants, M. Génin, offre une collection comptant
un millier d'objets, presque tous précolombiens. Connaissant l'état pré-
caire de notre budget, il offre même de mettre à ma disposition l'argent
nécessaire pour acquérir les vitrines destinées à loger sa collection.
Avons-nous le droit de repousser des offres aussi généreuses, et aussi
séduisantes? Et, cependant, la question des locaux se pose ici d'une
façon angoissante ; où mettrons-nous toutes ces richesses nouvelles? Le
problème ne semble pourtant pas insoluble et j'indiquerai plus loin
le moyen de le résoudre.
Mobilier-, Chauffage. — Lorsque des savants étrangers viennent visiter
le Musée d'Ethnographie du ïrocadéro, on rougit, non de la pauvreté
de nos collections, car elles sont universellement appréciées, mais de
l'aspect misérable des meubles où sont empilées nos richesses, Une
des salles américaines et une partie de la salle océanienne possèdent
seules des vitrines convenables. En présence de l'affluence des dons, mon
prédécesseur, le professeur Hamy, a dû se résigner, faute de res-
sources, à utiliser jusqu'aux planches des caisses dans lesquelles arri-
vaient les objets pour improviser des meubles ; un badigeonnage noir
en cache plus ou moins les défauts. Pour les mêmes motifs, j'ai suivi
l'exemple du véritable fondateur du Musée. Mais on n'a pas toujours
des planches de caisses capables de fournir les éléments d'une vitrine,
si peu exigeant qu'on soit. Et quand il s'agit de meubler une salle de
75 mètres de longueur, comme celle qui a été préparée par les Beaux
Arts en igi3, on est bien obligé de renoncer à cet expédient. Force est
donc de faire appel aux pouvoirs publics, qui, en thèse générale,
se désintéressent du Musée d'Ethnographie, parce qu'ils ne le con-
naissent pas, qu'ils ignorent la popularité dont il jouit et les services
qu'il rend.
\ iollet-le-Duc, à qui l'importance du chauffage n'avait pas échappé,
avait étudié soigneusement la question et, dans son rapport, il estimait
que pour chauffer la galerie des Machines du Champ de Mars (c'était
le local que proposait la Conmmission), « la dépense annuelle ne s'élè-
verait pas à 25.000 francs ». Au Trocadéro, la question ne semble
même pas avoir été envisagée; et, cependant, il règne, dans les salles
une température fraîche pendant l'été, glaciale durant l'hiver. Pour
combattre le froid, on a installé un poêle dans La salle de France, un
dans la salle d'Afrique el an troisième qui doit, à lui seul, chauffer les.
VAR] in - 553
galeries américaines, Longues chacune de 7"» mètres, el c'est tout. Inutile
de dire que, dans ces vastes salles, très élevées de plafond, à 10 mètres
des poêles, on nVn senl plus la chaleur. Si le public se plaint de cette
situation, lr personnel du Musée, dont la santé esl mise à une rude
épreuve durant la saison froide, est bien obligé de reconnaître que le
public n'a pas tort.
11 esl >* rai qu'avec ce système, on ne dépense pas a5.ooo francs par an
pour le chauffage. La dotation du Musée d'Ethnographie n'aurait guère
permis, d'ailleurs, un tel Luxe, connue on le verra ci-dessous. Le crédit
inscrit à L'article chauffage n'a jamais dépasse (too francs. Au prix où est,
actuellement le combustible, on peut juger de la perspective qui s'offre
celte année aux fonctionnaires de l'établissement.
Bibliothèque. — Je ne dirai que deux mots de la bibliothèque. La
pièce dans Laquelle elle est installée est une des rares salles qui convien-
nent à leur destination. Bien éclairée, elle est suffisamment vaste pour
qu'on puisse \ installer de nouveaux meubles au fur et à mesure des
besoins. Comme dans les autres locaux, il est difficile d'y travailler pen-
dant L'hiver par suite du froid qui s'y fait encore plus sentir qu'ailleurs,
en raison de sa situation sous les toits. Elle est bien pourvue d'un
poêle, mais la pénurie de combustible ne permet guère de L'allumer.
La bibliothèque possède un fonds de livres intéressants, parmi les-
quels se trouvent des ouvrages rares que les travailleurs rencontrent
difficilement dans d'autres établissements. Néanmoins, beaucoup de
séries sont incomplètes et l'ensemble n'est pas ce qu'il de\ rait être; c'est
qu'aucun crédit spécial n'est affecté à ce service et qu'aucun fonction-
naire ne peut être pris dans le personnel trop restreint du Musée pour
en assurer la marche régulière. Depuis l'origine, un bibliothécaire béné-
vole, non rétribué, sans attache officielle avec l'établissement, a offert
son concours; mais dans ces conditions, on ne pouvait en exiger un
travail assidu, et il a fini par se désintéresser entièrement de sa besogne
ingrate.
Budget, — Le 29 juin 1880, le Ministre de l'Instruction publique et
des Beaux-Arts déposait, à la chambre 'des Députés, une demande
de ciédils pour le Musée d'Ethnographie; le crédit demandé, pour le
second semestre seulement, s'élevait à i2.a5o francs, car, d'après le devis
fourni, la somme nécessaire pour faire face au traitement du personnel
et ;m\ dépenses matérielles était évaluée, dès cette époque, à 24.5oofr.
par an. La chambre et le Sénat accordèrenl 1 i'.o5o francs pour si\ mois,
représentant 22.100 francs [«air une année entière. Voyons la marche
qu'à suivie, depuis 1880, le budget du Musée, dont les besoins ont été
sans cesse en augmentant en raison du développement qu'il a pris.
l'antukoholooik. — t. xxix. — 191 8 1919. 36
554 VARIÉTÉS
Jusqu'en 1908, les crédits primitifs anl&\é. réduits à 22. 000 francs. Emu
de la situation lamentable dos gardiens, <[ui recevaient un traitement
de début de 1.200 francs, soit, après défalcation de la retenue pour la
caisse des retraites et des timbres, une somme mensuelle inférieure à
90 lianes, j'ai vivement insisté auprès du Ministre qui était alors à la
tète du Département de l'In-truction publique pour que cette situation
fût améliorée. Je lui ai représenté que le sculpteur-modeleur qui
comptait 18 années de services et qui avait été, en réalité, la cheville
ouvrière du Musée, n'avait obtenu depuis longtemps aucun relèvement
de traitement; au lieu d'augmenter ses appointements, on avait simple-
ment changé son titre en celui d'inspecteur. J'ai ajouté, enfin, que les
augmentations sollicitées étaient possibles puisqu'une économie avait
été réalisée sur mon propre traitement de Conservateur, qui, de
4.000 francs alloués à mon prédécesseur, avait été réduit à 2. 5oo francs.
Le Ministre a bien voulu serendreàmes raisons et relever le traitement
des gardiens et de l'inspecteur. Quant au mien, il ne devait être porté
à 3.ooo francs que beaucoup plus tard.
Mais il restait une question de la plus haute importance à résoudre,
dont la solution dépendait du Parlement: celle des crédits affectés aux
dépenses matérielles. En 1880, Jules Ferry avait demandé aux Chambres
de fixer ce chapitre à 8.200 francs et il en avait obtenu cette somme.
Or, en 1907, lors de ma nomination, les crédits pour le Matériel étaient
réduits à 3.58o francs, se décomposant de la façon suivante :
Chauffage et éclairage 600 francs
Dépenses diverses et blanchissage 400 —
Frais de bureau 300 —
Habillement des gardiens 500 —
Camionnage 100 —
Achat de collections et <'ti<| nettes 200 (!)
Entretien du bâtiment et des collections . 1.480 —
Total 3.580 francs
A force d'insistance de ma part, ces crédits ont été portésà 453o francs
en 1909, 1910 et 1911, et à ()-'So francs de 191 2 à 1914 inclusivement.
Les étrangers, dont les Musées sont largement dotés, restaient stupéfaits
011 présence de ces chiffres dérisoires. Que diraient-ils maintenant s'ils
apprenaient que, malgré le développement qu'à pris le Musée du Troca-
déro en dépit des difficultés de toutes sortes au milieu desquelles il a
toujours eu à se débattre, et malgré L'énorme renchérissement de toutes
les denrées, le crédit VOté par les Chambres pour les dépenses maté-
rielles en 1919 esl tombé à 4000 lianes.1 Au taux actuel, L'habillement
des gardiens réclamerait, à lui seul une somme de 2633 francs d'après
h- devis fourni par la maison centrale de Melun, à laquelle, adminis-
trativement, il est nécessaire de s'adresser.
\ uiii i 555
Les plus forts crédits alloués au Musée d'Ethnographie pour la totalité
de ses dépenses Personnel et Matériel) n'onl jamais dépassé 35.760 fV.
L'administration n'ignore pas ses besoins qui lui ont été exposés en
maints rapports, I.e 10 lévrier 1910, à L'inauguration du buste du
iv llaui\ ei de la salle d'Océanie, en présence de parlementaires et
d'invités, j'ai renouvelé mes doléances à M. Bayet, Directeur de l'Ensei"
gnemenl supérieur, qui représentait te Ministre de l'Instruction publique.
Il déclara que le Gouvernemenl ne se désintéressail pas du Musée, mais
que L'élasticité du budgel de L'Étal avait des limites. Il ajouta qu'il avait
pleine confiance dans le nouveau Conservateur qui, s'inspirant de
l'exemple de sou prédécesseur, était déjà parvenu à l'aire beaucoup
avec Les modiques ressources dont il disposait Et, après avoir parcouru
la salle d'Océanie, M. 15a vot prononça celte phrase qui s'est gravée
dans ma mémoire : * Mon cher directeur (il se plaisait à me donner ce
litre . vous avez peut-être tort de faire de si belles choses avec rien :
on pensera que vous êtes un magicien qui n'a pas besoin d'argent. »
Cette opinion s'esl sans doute ancrée dans l'esprit de l'Administration,
car. depuis cette époque, le budgel du Musée d'Kthnographie est resté
immuable. Hélas, le temps des magiciens est passé, et aucunjMusée ne
peut prospérer s'il n'a des ressources pécuniaires.
Si l'on se rapporte à un compte rendu de la cérémonie du 10 février
1910 qu'a publié L'Anthropologie, on y lit (t. XXI, p. 2/|5) : a II
(M. Bayet) a la certitude que M. Verneau saura imprimer un nouvel
sor à l'établissement auquel il porte tant d'intérêt et que le Musée
d'Ethnographie du Trocadéro pourra soutenir avantageusement la com-
paraison avec les établissements similaires les mieux dotés de l'Étran-
ger. 0 ("était là évidemment un espoir chimérique puisqu'un ex-député,
M. Jean Bon, a affirmé tout récemment du haut de la tribune de la
Chambre des Députés, (pie notre Musée était une honte pour la
France, et que si oti voulait savoir ce que doit être un Musée d'Ethno-
graphie, il fallait aller à Berlin. Ce qu'il n'a pas dit, c'est que, à Berlin,
les collections ethnographiques sont logées dans un vaste palais cons-
truit et aménagé pour permettre un classement méthodique des objets ;
qu'un nombreux personnel estatlaché à l'établissement, dont le budget
annuel s'élevait, avant la guerre, à i(j5.ooo marks (206,260 francs*, soit
près de dix l'ois la somme affectée à celui du Trocadéro. Et en dehors
de ce budget fixe, le \|u>ée d'Kthnographie de Berlin disposait pour
ses achats de ressources importantes. I n autre député français qui,
lui, fait toujours partie du Parlement, m'a appris qu'au cours de ses
voyages en Sibérie <-L en Asie centrale, il avait souvent rencontré des
émissaires du Musée de Berlin qui achetaient des collections sans
compter, parce qu'ils étaieul nantis de sommes prélevées sur la cas-
sette particulière de l'ex-empereur. Qu 'auraient-ils pu acquérir s'ils
556 \ VRIÉTES
avaient eu à leur disposition les 200 francs, voire les 5oo francs attii"
bues depuis ro,ii, non-seulement à l'achat de collections, mais aussi à
la confection d'étiquettes ')
Les Allemands savent fort bien à quoi tient la supériorité de leur
Musée, tant vantée par M. Jean Bon, et l'infériorité relative du noire.
En 1902, un ethnographe allemand, A. B. Meyer, Directeur du Musée
zoologique, anthropologique et ethnographique de Dresde, en avait par-
faitement discerné les raisons qu'il énuméra dans un rapport officiel
publié en allemand et en anglais II venait de visiter le Musée d'Ethno-
graphie du Trocadéro, qu'il avait vu déjà trois ans auparavant, et il
avait constaté que ses collections s'étaient considérablement accrues
dans l'intervalle de ses deux voyages. Cet accroissement avait eu pour
conséquence l'entassement des objets dans des panoplies fixées aux
murs ou dans des vitrines d'une facture des plus primitives, les locaux
étant trop réduits pour qu'il fût possible de les exposer convenable-
menl el de les classer avec méthode. \. B. Meyer avait constaté aussi,
non sans étonnement, que le nombre des fonctionnaires de notre
Musée n'avait pas été augmenté et n'était nullement en rapport avec
ses besoins, Mais ce qui le frappa le plus, ce fut l'incroyable modicité
des crédits alloués à l'établissement, et, dans son rapport, on lit cette
phrase : « Quelle surprise n'a-t-on pas de voir le Gouvernement si
éclairé de la France être si parcimonieux en ce cas particulier ! »
Un autre Allemand, qui ne manque pas non plus de compétence,
puisqu'il a été l'un des conservateurs du Musée d'Ethnographie de
Berlin, Karl von den Stcinen, écrivait en 1908, « 22.000 francs pour le
Trocadéro! on dirait vraiment une mauvaise plaisanterie. » Sa stupé-
faction s'explique, car dans la même lettre, il avait cité les soin mes
dont disposai! le Musée auquel il avait été attaché : 5o,ooo | marks pour
achat de collections, i5.ooo marks pour le matériel, 100.000 marks
pour le personnel.
Telles sont, en effet, les raisons qui empêchent le Musée d'Ethno-'
graphie, du Trocadéro d'occuper le rang auquel lui donnent, droit ses
richesses scientifiques : manque d'argent; défaut de place, état de la
plupart des vitrines el insuffisance du personnel.
Services que rend h' Musée d Ethnographie. — Malgré ses imperfections,
que je suis le premier à reconnaître, cou une on peut en juger par ce qui
précède, el que j'ai souvent signalées dans mes rapports avec l'espoir
qu'on me fournirait les moyens d'\ remédier, le Musée d'Ethnographie
du Trocadéro jouit d'une grande vogue auprès du public i 1 1 et rend de
(i) il n'est pas rare, pendant la belle saison, qu'il reçoive 0.000 visiteurs, et môme
davantage, dans une seule journée.
\ LRIÉTÉS 55-
précieux services. Au cours de la cérémonie à laquelle j'ai fail allusion,
M. Bayel voulul bien reconnaître qu'il est, pour 1rs savants, une mine
inépuisable de recherches el qu'il permel au public de s'instruire sans
la moindre fatigue.
Ce n.' son! pas les seuls ethnographes qui \ trouvent de précieux docu-
ments, les historiens peuvenl \ puiser des renseignements du plus
haul intérêt. C'est, en effet, l'histoire du inonde entier — à pari, cequi
esl fort regrettable, celle de l'Asie —qui s'étale dans ses vitrines. Parfois,
cette histoire nous reporte fort loin dans le passé, à i\cs époques sur
lesquelles on no possède ni données écrites*, ni traditions; tel esl le cas,
notamment pour l'Afrique, don I on pourra suivre l'évolution lorsque
l'emplacement aura permis de classer les abondantes collections archéo-
logiques recueillies dans le continent noir.
Que d'enseignements ressortenl pour les sociologues de la compa-
raison de l'ethnographie de populations qui occupenl ions les éche-
lons de la civilisation ! Les artistes qui traitent des sujets exotiquesne
sauraient se passer'des documents réunis au Trocadéro, pasplus que les
commerçants exportateurs qui désirent entrer en relations avec des popu-
lations dont ils ont besoin de connaître les goûts. Je pourrais, à ce
propos, citer des exemples bien frappants de négociants qui ontéprouvé
de gros déboires faute d'être venus se renseigner dans notre Musée
national. Les industriels eux-mêmes peuvent puiser des inspirations
dans nos salles el même y trouver de beaux modèles d'objets qu'il leur
suffirait de copier.
lime serait facile d'allonger celle énumération des ser\ iees qu'est
appelé à rendre un Musée d'Ethnographie. Je me bornerai à en citer un
dernier exemple, assez inattendu. Il paraît que la mdde est actuellement
à l'exotisme; aussi, tout récemment, un grand magasin de Taris a-t-il
demandé L'autorisation de faire photographier, par son sen îce artistique,
des étoffes de nos collections. I ne demande semblable vient de nous
être adressée par une couturière renommée des Champs-Elysées qui
désire s'inspirer des costumes dont nous possédons des spécimens.
\ quoi bon, d'ailleurs, insister sur l'utilité des Musées d'Ethnogra-
phie? Elle est universellement reconnue, et la preuve nous en est four-
nie par le fait que, de toutes parts, on s'efforce d'en créer de nouveaux.
Réformesà réaliser. — J'ai signalé en toute sincérité les défectuosités
du Musée d'Ethnographie du Trocadéro ; il s'ensuit qu'il serait néces-
saire de procéder à sa réorganisation pour qu'il répondît entièrement à
son but. J'ai, depuis longtemps, élaboré un projet que j'ai exposé à
plusieurs des Ministres qui se sont succédés rue de Grenelle et
qui a reçu leur approbation; eu voici l'économie dans ses grandes
lignes.
558 VARIETES
i° Dégager les vitrines trop encombrées et procéder à un classement
méthodique dos objets. Tout en respectant l'ordre géographique
imposé, disposer toutes les pièces d'une région par catégories se succé-
dant partout dans le môme ordre, de façon à rendre extrêmement
facile les rèchercheset les comparaisons. Celui qui s'intéresserait, par
exemple, à la parure saurait où trouver immédiatement ce qui fait
l'objet de sos éludes.
a Constituer des séries comparatives permettant de suivre l'évolution
des civilisations.
3° A côté des produits de l'industrie humaine, placer des photo-
graphies montrant Le milieu dans lequel évoluent les artisans et le type
de ces artisans eux-mêmes, quand ils ne sont pas représentés par des
bustes ou des manequins.
4° Multiplier les étiquettes de façon à ce qu'aucune pièce n'en soit
dépourvue. Outre ces étiquettes particulières, rédiger quelques notices
explicatives forcément sommaires, mais néanmoins suffisantes pour
donner au public une idée du genre de vie et du degré de civilisation
de chaque population.
5° Au fur et à mesure du classement, publier un catalogue et de petits
guides, dont la nécessité se fait vivement sentir.
Telle est, en quelques mots, l'économie générale du projet que j'ai
conçu. Un des Ministres à qui je l'ai soumis m'a vivement engagé à le
mettre à exécution. Il me fallait l'aide de son Département pour
obtenir des locaux, des meubles convenables, un personnel suffisant et
des crédits. La question ne pouvait, évidemment, être tranchée en der-
nier ressort que par le Parlement, puisqu'elle comportait avant tout un
supplément budgétaire.
Mes demandes ont sans doute paru à l'Administration impossibles à
satisfaire, car aucune suite ne leur a été donnée. Mon projet était-il
irréalisable.1 c'est ce que je vais examiner brièvement, en manière de
conclusion.
Conclusions
Les cau>cs du mal étant connues, il convient de chercher les moyens
de les combattre. Cette recherche ne nous demandera pas beaucoup de
temps, car les remèdes consistent essentiellement à trouver des locaux
<i à augmenter les ressources budgétaires du Musée d'Ethnographie.
La question des locaux a une importance aussi grande que la question
financière. Assurément, comme Ledisail avec tant de raison Viollet-le-
Duc, !<• palais du Trocadéro ne pourra jamais permettre d'installer
convenablement des collections ethnographiques et de les classer avec
une méthode rigoureuse; mais c'est, affirme-t-on, le seul édifice qui
VAMITIS 559
soit (ir/ur/lrmrnl disponible dans la capitale. Or. selon moi, on no sau-
rai! Songer a transférer hors de Paris un musée de tié pmre si l'on
\eu\ qu'il contribué efticaeement à l'instruction du grand publie et qu'il
vende aux travailleurs brJUS les services qu'ils sont en droit d'en attendre.
Il s'agit donc de tirer présentement le meilleur parti possible ,|u palais
et de l'aménager do façon à ce (pi'il suffise au v besoins les plus essentiels
durant une période d'une certaine durée.
.l'ai dit (pic deux grandes galeries pourraient, à tirs brè\e échéance,
recevoir dôS Collections : celle que le ser\ice dé l'Arcbilcclurc a
construite sons les combles en iqi3 et qui n'attend «pie son mobilier,
et la belle galerie circulaire du ie' étage que 1b Musée a occupée jusqu'en
191Ô. Je conserve la conviction (pie si le projet d'aménagement de celte
galerie que j'ai pro|)<>sé naguère était étudié à fond et sans pn 1 1 i pris,
on reconnaîtrait que, loin de constituer un danger, il offre une garantie
de sécurité pour le public de la salle des Fêtes, en cas de panique ou de
sinistre.
A ces deux salles, on aurail la ressource d'en ajouter plus lard' une
troisième qui sciait construite au-dessus de la salle de France et ferait
pendant à celle aujourd'hui occupée par les collections océaniennes. Je
rappelle ici que la construction de cette troisième salle est prévue dans
le plan élaboré autrefois par le service de l'Architecture. Elle aurait
un double avantage : elle augmenterait sensiblement l'espace attribué
au Musée et elle faciliterait d'une façon notable, les jours d'aflluence,
la circulation du public, qui pénétrerait par le grand escalier situé du
coté de Paris et sortirait par l'escalier qui existe du coté de Passy, sans
être obligé de revenir sur ses pas et de se heurter aux nouveauv arri-
vants,
Voilà ce qu'il est possible de faire au point de vue des locaux. On
pourrait même, lorsque le besoin s'en ferait sentir, aménager une
quatrième salle, qui sert aujourd'hui de magasin et qui deviendrait
libre lorsque les objets qu'elle contient auraient pris place dans les
galeries dont l'installation s'impose avec une extrême urgence. Elle
offre les mêmes dimensions que la bibliothèque, en face de laquelle
elle est située.
Ainsi serait assuré, pour un bon nombre d'années, l'avenir du
Musée.
La question des vitrines, celle du personnel et toutes les autres sont
de nature purement budgétaire. Certes les conditions économiques
actuelles ne permettent pas d'engager des dépenses sompluaires; mais
quel est celui qui oserait laver de gaspillage les sommes consacrées à
sauver du naufrage des richesses qui sont la propriété de la nation et
qui sont appelées à rendre de si précieux services? D'ailleurs, la réor-
56o
VARIETES
ganisation qui s'impose demanderait du temps et les crédits indispen-
sables s'échelonneraient sur un certain nombre d'exercices. L'Adminis-
tration peut-elle hésiter à solliciter du Parlement l'argent stricte-
ment nécessaire pour entreprendre une semblable réforme? Et les
Chambres, mieux éclairées, se refuseraient-elles à voter les crédits
destinés à faire du Musée d'Ethnographie du ïrocadéro un établisse-
ment digne de la France? Je ne le pense pas. Tel est l'avis, je puis le
dire, des membres de la Société des Amis du Musée d'Ethnographie,
qui s'est constituée quelque mois avant la déclaration de guerre et qui
comprend des spécialistes, des amateurs simplement épris de science
et des parlementaires. Fort de leur appui, j'ai cru de mon devoir de
pousser le cri d'alarme et de mettre sincèrement nos lecteurs au cou-
rant de la situation.
En attendant la solution que j'espère, je vais tenter de faire mieux
connaître notre institution en organisant des conférences et des exposi-
tions temporaires des collections nouvelles. Des collaborateurs désinté-
ressés ne me feront pas défaut, j'en ai dès maintenant l'assurance. Pour
la réalisation de ce projet, j'ai encore besoin de l'aide de l'Administra-
tion, car un local est nécessaire. Or, il existe au rez-de-chaussée dn
palais une salle qui n'est utilisée qu'exceptionnellement et qui se prête-
rait admirablement au but poursuivi, J'ai la conviction de ne pas
rencontrer d'opposition de la part du nouveau Directeur des Beaux-
Arts, dont je connais les idées larges et la bienveillance. Si mon projet
peut être mis à exécution, les lecteurs de L'Anthropologie en seront les
premiers informés.
R. Verneau.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE
l.u (Richard Swann). Organic Evolution (L'évolution organique). Un vol. in 8 de
729 p . '2X\ Ûg. et 30 planches. New York, The Macmillan company, 1917. Prix :
9 dollars.
Ce! ouvrage résume, en an format commode el sous un aspect
agréable, 1rs principales acquisitions de la science moderne sur l'évo-
lution du monde organique. M. Lull, qui aétudié surtout les fossiles, a
donné au point de vue paléontologique une importance plus grande
que ue l'ont t'ait la plupart des auteurs d'ouvrages du même genre.
Son livre es I 1<* fruil de longues années d'enseignement à l'Université
d'Yale. Il doit êtresignaléa l'attention de tous 1rs amis des sciences
naturelles; les anthropologistes eux-mêmes devront de plus en plus
évoluer dans le sen^ de l'histoire naturelle, de l'anatomie comparée,
de l'embryologie, de la paléontologie s'ils veulent taire de nouveaux
progrès dans la connaissance de l'Homme. Jusqu'à présent la plupart
des anthropologistes ont en effet, beaucoup trop négligé la biologie
générale, pour diriger tous leurs efforts d'après des méthodes
archaïques; ils se sont trop limités à certaines opérations peu fruc-
tueuses et les résultats acquis dans cette direction sont si minces, si
obscurs et si peu décisifs qu'on a pu parler, sans soulever trop de pro-
testations, de la faillite de ces méthodes ou de ces pratiques. Aussi
est il arrivé que les savants qui, dans ces dernières années ont éclairé
de quelques lueurs nouvelles les graves questions de l'origine de
l'Homme et de sa place dans la Nature, ce qui constitue le vrai pro-
blème anthropologique, ne sont pas des anthropologistes professionnels
ou spécialistes, mais des chercheurs aux disciplines plus vastes, plus
compréhensives, o'est-à-dire de véritables naturalistes.
Le livre de M. Ilull se divise en quatre parties : i° une introduction,
qui traite de l'histoire de l'évolution, de la classification des êtres orga-
nisés, de leur distribution géographiqne el géologique.
La deuxième partie expose le mécanisme de l'évolution : Sélection
naturelle, sélection sexuelle el artificielle, variations et mutations, héré-
dité en général, hérédité des caractères acquis, orthogénèse et kiné-
togénèse.
La troisième partie es! intitulée : Preuves de l'évolution. Elle se di\is<-
(.n trois sections : ontogénie, morphologie et adaptations, paléonthogie.
tte dernière comprend près de 3oo pages; elle se termine par des
562 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
chapitres sur l'évolution de l'Homme, les seuls sur lesquels nous
puissions nous arrêter ici. En voici le résumé.
Un premier chapitre a trait à l'ontogênie et la morphologie de
l'Homme. Celui-ci est un Primate : ses plus proches parents sont les
Simiidœfpu Singes anthropomorphes), ce qui ne veut pas dire' qu'il des-
cend d'une forme actuelle ou qu'une forme actuelle puisse jamais se
transformer en un homme. Chaque type d'Anthropoïde actuel est étudié.
Le Gibbon est le plus primitif par son crâne et sa dentition, mais il est
le plus spécialisé par la longueur de ses bras et par d'autres adaptations
extrêmes à une vie arboricole. On observe dans son cerveau un dévelop-
pement particulier des contres de la vue. du toucher, de l'audition. Le
(iihbona conservéainsi les caractéristiques du type ancestralde l'Homme
« Isborn)... La famille des ffoftiinidae a gardé l'empreinte de sa parenté
avec les Simiid;v, mais elle en diffère principalement par son adaptation
à la vie terrestre, c'est-à-dire par son attitude droite, par le développe-
ment du cerveau et par d'autres caractères subordonnés aux premiers.
L'auteur passe en revue les principaux traits anatomiques de l'onto-
gértie humaine. Les membres présentent des caractères primitifs; le
pied a conservé la position plantigrade des Mammifères les plus
archaïques. La clavicule, l'omoplate, l'atlas, le sacrum, ont conservé
certains caractères reptiliens. Les dents sont aussi fort primitives, etc.
A côté de cela, il y a les spécialisations, l'attitude droite, la forme du
bassin, la diminution de longueur des membres supérieurs, la forme
arquée du pied et la perte de l'opposition du premier doigt, qui se
développe tandis que le cinquième doigt se réduit. Une autre spéciali-
sation est la perte des poils provoquée par l'usage des vêtements. Dans
la dentition, il faut noter surtout la réduction des canines et la dispa-
rition des diastèmes correspondants, qui entraînent une différence dans
le mode de mouvement de la mâchoire inférieure. Un changement
important est celui des proportions de la lace et du crâne; il se traduit
par l'angle facial. A tout cela, il faut ajouter le développement du cer-
\imii et le langage articulé, ce dernier caractère étant de beaucoup le
plus important.
L'auteur récapitule ce qu'on sait des organes rudimentaires si nom-
hi'-u \ (180 d'après Wiedersheiin) et dont les uns disparaissent avant
la naissance, étant simplement ontogéniques, tandis que les autres |><t-
sistent durant toute la vie (direction des poils, appendice \Vr mi-
forme, etc. .
Le second chapitre esl paléoUtologique. Il débute par l'exposé dé n<>s
connaissances actuelles sur l'origine des Primates doul le stock primitif
pâlit être caractérisé par un cerveau relativement volumineux, une vie
arboricole, une dentition Insectivore ci une mentalité progressive. Ce
stock apparaît dès là l>;^<- de l'Eoeène ;i la fois en Europe cl en Aîné-
moi \ TMIM' SCïENTÎtTQl E.
563
rique du Nord, <\'o\i il a rayonné vers l»1 Sud dans tous tes continents.
Pour l'auteur, suivant Gregory, le groupe duquel l'Hommes'est détaché
était quelque anthropoïde muni d'un énorme cerveau, apparenté prin-
cipalement avec le groupe Chimpanzé-Gorille. Le lieu de départ doit
être l'Asie centrale (par diverses raisons dont la moins h. .nue est cellç
qui ^\i j > | >n i <" sur la haute antiquité de la civilisation chinoise !..). La
cause géologique du phénomèneest la surélévation continentale et par
suite l'aridité croissante du climat des régions au Nord de l'Himalaya,
ce qui réduisit le domaine forestier. Cette diminution des forêts con-
traignit l'Anthropoïde humain à s'adaptera une vie et une locomotion
terrestres. Tandis que les autres Anthropoïdes, ayant gagné les forêts
tropicales, ont pu) continuer leur existence arboricole, lr Gibbon est
celui qui a conservé le plus de caractères primitifs. L'Homme est celui
qui a le plus évolué. L'époque de cette transformation ne saurait être
plus ancienne que le Miocène ni plus récente que le Pliocène ancien.
L'auteur passe en revue 1rs principaux facteurs de cette évolution :
i. acquisition de la station droite; â, libération des mains qui aban-
donnent leurs fonctions locomotrices pour devenir des instruments
de la pensée; 3, perte de la nourriture végétale des forêts tropicales
avant nécessité la recherche d'une autre nourriture à la rois végétale et
animale et ayant fait de l'Homme un chasseur; \, nécessité de se vêtir
à cause des intempéries surtout hybernales; 5, libération des restric-
tions climatériques résultant des deux facteurs précédents et, par suite,
facilités de dispersion; 6, développement de la vie en commun rendue
possible par l'habitai terrestre. Les changements corrélatifs sont : une
attitude plus droite; des bras plus courts: la perfection du pouce oppo-
sable; la réduction de la face et des dents; la perte de puissance des
mâchoires; le développement du menton ; l'augmentation de la capacité
crânienne: la diminution des arcades sourcilières : l'affaiblissement de
l'arcade zygomatique; l'accroissement et la complexité du cerveau,
spécialement des lobes frontaux; le développement du langage articulé.
Le chapitre se termine par un examen rapide des principales décou-
vertes de la paléontologie humaine en Amérique, en Afrique, en Asie,
en Europe. Pour ce dernier continent de beaucoup le plus important,
les divers documents sont classés d'après Osborn et l'âge (\r> divers
fossiles évalués en années. Le texte est accompagné de ces reconstitu-
tions plastiques que j'ai déjà eu l'occasion de critiquer el qui déparent,
par leur caractère fantaisiste, la tenue scientifique de l'ouvrage. Je n'ai
ii-'n de particulier à signaler dans ces résumés relatifs au* divers
Hommes fossiles. L'auteur adopte l'opinion que j'ai été un des pre»
miers à émettre, qui a été reprise e1 développée par Miller et qui Neut
que la mandibule de PiltdotVn soil une mandibule de Chimpanzé.
Le livre de M. Lull esl un livre bien fait, habilement composé et
5"4 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
écrit. Il rendra de grands services. Pourquoi faut-il que la bibliographie
soil si peu soignée el surtout si exclusive! On n'y voit guère que des
citations d'ouvrages américains ou anglais. Veut-on savoir quelles sont
les références du chapitre sur l'évolution de l'Homme et la Paléonto-
logie humaine? Voici les noms des auteurs : Clarke, Gregory, Lull,
Matthew, Osborn, Sellards, Williston. Un point, c'est tout. Et c'est
trop ou trop peu. C'est surtout injuste! M. B.
Woodward (Smith). Fourth note on the Piltdown gravel, with* évidence of a second
skull of Eoanthropus Dawsoni (Ouatrième note sur le gravier de Piltdown et sur un
second crâne d' Eoanlkropus Dawsoni), avec un appendice par (i. Eluot Smith.
{Quart. Journ. of Geolog. Society of London, vol. LXX1II, 1917, pp. 1-70. Londres,
avril 1918).
Les nouvelles fouilles pratiquées à Piltdown, dans le courant de l'été
1916, ont confirmé M. Smith Woodward dans l'opinion déjà émise par
le regretté Charles Daw son que le gravier de Piltdown est un dépôt
simple, indivisible, d'Age unique, ayant pu se produire dans un laps de
temps relativement court.
Ces fouilles n'ont rien donné en fait d'ossements, mais on a trouvé
un nodule de silex éclaté et choqué; d'après l'auteur ce caillou pourrait
représenter un marteau, un percuteur.
Dans le courant de l'hiver de 191 5, Dawson, explorant un champ
labouré situé à 2 milles environ de Piltdown, recueillit deux morceau \
de crâne et une molaire qui font l'objet principal du nouveau mémoire
de M. Smith Woodward.
Le fragment osseux le plus important correspond à une partie de la
région sus-orbitaire d'un frontal droit. Il offre les mêmes caractères de
fossilisation, d'épaisseur, de texture que les pièces originales de YEoan-
thropus. L'arcade sourcilière est petite et peu saillante ; les sinus
aériens sont petits.
Le second fragment correspond à la partie moyenne d'un occipital ; ij
a été roulé. Malgré sa robustesse, il est moins épais que l'occipital de
Piltdown. Il eii diffère encore par une asymétrie moins prononcée, la crête
occipitale interne étantbien quelque peu déplacée vers la droite, niais les
-iiius Latéraux se tenant au même niveau et les fosses cérébelleuses étanl
à peu près symétriques. Tout ceci est purement individuel. I ne diffé-
rence plus importante est qu'ici l'inion externe est au-dessus des sinus
Latéraux tandis qu'il est au même niveau sur l'échantillon de Piltdown,
comme sur L'Homme moderne. Les muscles du cou s'étendaient ici
plus haut, comme chez L'Homme de Néanderthal. Il \ a peut-être là un
caractère sexuel et, dans ce cas. il n'\ aurait pas de raison pour ne pas
rapporter ce nouveau fragment à ['Eoanthropus, qui serait ainsi repré-
senté par deij\ indi\ idus au moins.
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE. 5G5
La dent trouvée par DawsoD est une première arrière-molaire infé-
rieure gauche très semblable à celle du spécimen original mais usée par
la mastication d'une manière an peu oblique. M. S. Wbodward com-
pare cette denl avec Les dents correspondantes d'un Mélanésien el d'un
Chimpanzé el cette comparaison montre bien sa nature humaine par la
hauteur île la couronne et le passage graduel de la racine à la couronne.
I i ci, dit L'auteur, pour répondre aux objections <pii ontété présentées à
propos de La mandibule de Piltdown, mais il est facile de répliquera
mon a\i^ du moins : L'opinion des ailleurs qui ont voulu voir dans la
mandibule de Piltdown une mandibule de Chimpanzé, et j'ai exprimé
cette opinion un des premiers, cette opinion dis-je, s'appuie bien
plus sur La morphologie de La mandibule que sur la morphologie des
dents. La mandibule de Piltdown est une chose et la dent décrite
aujourd'hui par M. S. VVoodward est une autre chose.
Des faits nouveaux apportés ici, dit l'auteur en terminant, il paraît
raisonnable de conclure que V Eoanthropus Dawsoni est bien une forme
distincte el définie d'Homme ancien, car la trouvaille, dans des Localités
différentes, d'un même type de frontal et d'un même type de molaire
inférieure ajoute à la probabilité que tous ces débris appartiennent à
une seule et même espèce.
L'appendice, rédigé par M, Elliot Smith, a trait à la forme du pôle
limitai du moulage endocranien de Y Eoanthropus Dawsoni. Malgré sa
petitesse (5 centimètres sur 3), la surface moulée montre de grandes
analogies avec les parties correspondantes des moulages inïracraniens
de l'Homme de Vanderlhal et un développement encore moins consi-
dérable de la partie latérale de l'aréa préfontale. Il y aurait là les carac-
tères les plus primitifs et les plus simiens qu'on ait obsenés jusqu'à ce
jour sur un membre quelconque de la famille humaine.
Ces communications furent sui\ ies d'une discussion à Laquelle prirent
part MM. Pycraft, Keilh et Sir Ray Lankesler. M. Pycraft a présenté une
mandibule de Chimpanzé qui lui avail été communiquée par M. Miller.
Les molaires sont usées en surface plane comme celles de la mâchoire
'de Piltdown. M. Pycraft considère que ce mode d'usure est ici accidentel
et tient à la position anormale de la première prémolaire, beaucoup
trop saillante. Dans aucun des autres Chimpanzés examinés par
M. Pycraft, on. n'observe une telle usure en surface plane; les cuspides
externes disparaissent avant que les cuspides internes soient érodées.
L'échantillon de M. Miller ne prouve donc pas ce que L'auteur veut lui
faire dire.
Sii Ray Lankesler insiste sur |(. fail que la trouvaille de Piltdown
n'est plus un fait isolé. Les fragments osseux déjà trouvés ont appartenu
•î deux individus au moins, et peut-être à trois ou quatre individus.
M. B.
566 MfHYKMKVr SCIENTIFIQUE.
Milieu (Gerril S.). The Piltdown jaw (La mâchoire de Piildawn). A meric in Journal of
physiçal anlhropoloqy, vol. I, n° 1. 1918, pp. 2.VÔ2. avec 4 pi.
M. Miller a publié, lin 191"). sur la mâchoire de Piltdown, un
mémoire que nous avons présenté à nos lecteurs (V. L'Antkr., \\\ III,
p. 433. Au début de 1917, dans un article publié par Science Progress
I. 11, pp. 389-409), M. Pycraft critiqua les conclusions de M. Miller
et chercha à prouver que la mâchoire fossile ne saurait être d'un Singe.
Le nouveau mémoire de M. Miller est une réplique à l'assertion de
M. Pyçraft.
'L'auteur reprend l'historique de la question et il veut bien cette fois
— mais en reléguant sa remarque dans une note bibliographique —
rappeler mon opinion conformée la sienne el antérieurement exprimée.
Cet historique est connu de nos lecteurs. M. Miller fait remarquer
de nouveau que les restes osseux de Piltdown sont bien incomplets et
qu'il ne faut pas se départir, dans leur étude, de la méthode tirée de
l'association des caractères. A cet égard, tout le monde est d'accord
pour admettre la nature humaine des os du crâne. Si toutes les parties
de la mandibule exhibent des caractères ne se retrouvant que sui-
des mâchoires simiennes, la méthode paléontologique ordinaire veut
qu'on considère cette mandibule comme celle d'un Singe, surtout si,
comme dans le cas actuel, il s'agit de caractères particuliers à un genre
déterminé d'Anthropoïdes et en l'absence de tous traits diagnostiques
humains.
M. Miller reprend un à un pour les'combattre, les arguments de
M. Pycraft. Ils sont au nombre de 8.
1 . Les molaire- de h mâchoire de Pilldown, sont plus hypsodontes que
celle- des Chimpanzés. — M. Miller montre, par un tableau de mesures
pri-e> -ur des dents de Chimpanzés, d'Orangs et d'Hommes, que si
l'hypsodontie des molaires inférieures chez l'Homme est ordinairement
inférieure à celle des Singes, il \ ,1 des exceptions; ce caractère est si
variable qu'on ne -aurait lui accorder une valeur décisive.
2. Les dentiriiles externes des molaires (protoconîde, niétaronide,
li\|>oronulide), de Pilldown sont netteinenl plus forts que ceux des
plu- grosses déni- de Chimpanaés. Les sillons qui les séparent sont
plu- marques el plus longs dans le Chimpanzé que dans les dents
liumaim -, \ compris celles de Pilldown. Des photographie? de coii-
rosmes de dents de Chimpanzé, ramenées à la même échelle que la pho-
tographie des couronnes de Piltdown, montrent que les différences
ci-dessus invoquées n'existenl pas.
.). Chez Le Chimpanzé l.i partie la plus large de la couronne se trouve
immédi.ileinenl ;m de&SUS de- racines el la surface triturante est plus
étroite. Chez l'Homme, \ compris Piltdown, la couronne se relie insen-
siblement aux racines; ses dimensions sont à peu près Les mêmes à sa
moi \f.\ii \ i s< un riFIQl i • $67
(vase et à sa surface. — Par nue série d'exemples photographies et com-
posant La planche I de soq mémoire, M. Miller montre que ce caractère
est insuffisant pour un diagnostic certain.
't. Les radiographies des molaires de Piltdown montrent < 1 1 r< 1 1 *-
B it du type « taurodonte » de Keith el diffèrent ainsi de celles du
Chimpanzé et des autres grands Singes. — Des photographies compa-
ratiyes, reproduites sur la même planche, réduisent encore à néani ce
caractère.
:». Les dents usées de Chimpanzés diffèrent de celles de Piltdown et
de celles des Hommes actuels par l'extrême minceur de rémail. — Des
exemples cités el figurés montrent que ce nouveau caractère es I (oui à
fait insuffisant.
(i. La mâchoire de IMlldown ressemble plus à celle d'un Caire qu'à
celle d'un Chimpanzé. — M. Miller n'a pas de peineà réfuter cette
étrange assertion, qui ne résiste pas à un examen comparatif de quelques
minutes, surtout en ce qui concerne la branche horizontale.
- I... septième poinl a irait à une conformation de la surface interne
du corps de la mandibule qu'il sérail trop long de décrire ici mais qui,
d'après Pycraft, empêcherait de confondre l'échantillon de Piltdown
ou toute aulre mandibule humaine avec une mandibule de Chim-
panzé. — M. Miller répond une fois de plus par l'exibition de prépa-
rations qui annihilent cet argument.
8. Le dernier caractère serait le plus convaincant. Si. dans une
mâchoire de Chimpanzé, on tire d'une part une ligne Suivant le milieu
de la rangée dentaire, depuis la canine jusqu'à la dernière molaire,
et, d'autre part, une ligne joignant le bord postérieur delà brandie
montante à son bord antérieur, on observe que les deux lignes con-
vergent en avant de la canine. Ces lignes convergent, chez l'Homme
en arrière du cond\le articulaire de la mâchoire ou sont, tout au plus
parallèles. La mandibule de Piltdown, rentre dans cette dernière ca*é-
gorie. Le caractère humain du fossile, établi d'après ce caractère, serait
incontestable. — Il est pourtant contesté par Miller qui, tirant les lignes
avec plus de soin el par un procédé plus précis que celui employé par
Pycraft, montre que le caractère en question n'a aucune généralité. Au
b<»ul. d'une heure de recherches, l'auteur a trouvé six mandibules
humaines où ta convergence s'établit comme chez les grands Singes,
quoique à un degré moindre (pie chez les individus de ces (huniers
possesseurs de fortes canines t*es convergences ou divergences extrêmes
peuvent bien être considérées comme pouvant servir à différencier
Les Hommes des Singes. Mai- il \ a une grande marge de chevauche-
ment et les épnanes reproduites par Miller montrent que la mâchoire
de Piltdown tombe précisément dm- celle marge. Les lignes sont ici
sensiblement parallèles.
568 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
En somme, aucun des caractères invoquésn'a l'importance qu'on lui
a attribuée pour un diagnostic certain. Que certaines particularités de la
mandibule fossile, six sur huit, puissent être retrouvées sur quelques
mandibules humaines, on ne saurait le nier; mais il n'est pas moins
vrai que ces mêmes caractères se retrouvent aux mâchoires de Singes
anthropoïdes. Dès lors ils ne sauraient entrer en balance avec les carac-
tères exclusivement simiens du fossile.
En terminant, M. Miller adopte sans difficulté le terme d'Eoanthro-
pus pour l'appliquer au crâne et au crâne seulement; il désigne la
mâchoire sous le nom de Pan vêtus, s'appliquant, dans une note
bibliographique, à rejeter le terme déjà proposé par moi de Troglo-
dytes Dawsoni et qui a l'antériorité. Cette question de priorité m'est
parfaitement indifférente. Il n'en reste pas moins que j'ai été un des
premiers, sinon le premier, à faire ressortir la ressemblance frappante,
(jui saute aux yeux, de la mandibule de Piltdown avec la mandibule
d'un Chimpanzé actuel. Toutes les discussions analytiques publiées
depuis n'ont guère ajouté, en ce qui me concerne, à l'impression pre-
mière résultant d'un examen morphologique comparatif. Et je suis
de plus en plus convaincu que la mâchoire et le crâne de Piltdown
sont deux choses très différentes. Mais je voudrais dire à M. Miller qu'il
n'est pas logique jusqu'au bout. Evidemment ce sont les caractères de
la mandibule, qui ont valu à l'ensemble des trouvailles de Piltdown,
l'appellation d'Eoanlhropus. Si l'on supprime cette mâchoire, on reste
en présence d'un crâne humain, véritablement humain, de l'avis même
de M. Miller, d'un véritable H omme et nullement d'un être représentant
l'aurore des Hominiens. Puisque M. Miller s'applique à soigner ses
travaux de nomenclature et qu'il attache à son verbalisme une très
grande importance, je ne m'explique pas qu'il se soit arrêté à moitié
chemin <t qu'après avoir créé l'expension. de Pau relus pour la mandi-
bule, il n'ait pas tordu le cou à Y Eoanthropus , un terme fâcheux à tous
égard, comme j'ai essayé de le démontrer il y a quatre ans (L'Anlhrop.,
XXVI, p. 66).
M. B.
Sbra (G. L.). La pieghettatura dello smalto nei denti di antropomorfi (Le plissement
de rémail des dents des Anthropomorphe-) Extr. du Monitore zoologicoilalia.no,
\\\ II. 1916, pp. 208-215.
Selenka a montré qu'il \ a une relation entre le plissement de l'émail
des molaires des Singes anthropomorphes et la hauteur de leurs
denticules. Il a établi la série suivante, des plus plissés aux moins
plissés: Orang, Chimpanzé, Gibbon, Dryopithèque, Homme, Gorille. Il
a donné du phénomène une explication puremenl géométrique. M. Sera
se demande s'il ae faul pas > voir plutol un phénomène biologique en
MoruMF.NT sdiÉNîîlFQUÊ. 56q
rapport avec dos changements dans les Ponctions de autrition ou de
mastication.
Deux hypothèses sonl possibles; ils'agil d'une acquisition immédiate
et directe, observable sur des formes primitives à cuspides basses, ou
bien d'une acquisition secondairede formes à cuspides élevées. L'auteur
dit que les faits sonl en faveur de la seconde de ces h\ pothèses.
Il signale le plissement compliqué de la dernière molaire ou tuber-
culeuse de l'Ours blanc tout à l'ait comparable au plissement des
molaires d'Orang. Or, chez le Carnassier en question, il est clair que le
plissement es! une conséqnence secondaire de la réduction des cuspides.
Il en est de même chez Ursus spelœus. La production des plis est donc
_ nétiquement connexe de la réduction des cuspides.
\lbeil (iaudrv el l'auteur de ce compte rendu ont montré depuis
longtemps que, dans la série évolutive des Ours, le plissement de
l'émail des tuberculeuses augmente par dédoublements multipliés des
denticules primitifs, et pour passer d'un régime Carnivore à un régime
de plus en plus omnivore.
Les espèces de Dryopithèques des Sivaliks sont d'autant plus plissées
qu'elles sont plus jeunes. Le plissement de l'émail, qui se rencontre
chez divers groupes, est donc un caractère de convergence, ne pouvant
servir à établir les affinités ou les liens génétiques des animaux qui le
présentent, contrairement à l'opinion deSchlosser, qui s'en est servi pour
considérer Dryopithecus comme un ancêtre de l'Orang et l'éloigner des
Gibbons, ce qui est en opposition avec l'ensemble des caractères de ces
Singes anthropoïdes. L'auteur se réserve de développer ces considé-
rations et leur application à la phylogénie des Antropomorphcs dans
un travail plus général et plus détaillé.
M. B.
Sera (G. L.). È la forma dell' orecchio Jumano antica o récente? (La forme de l'oreille
humaine est-elle ancienne ou récente?) Extr. du Giornale per L'i Morfologia delC
Uomo e dti Primati, 1" année, fasc. II, 1917.
Le fameux tubercule de Darwin et son interprétation ont fait l'objet
de nombreux travaux, depuis la publication de « La descendance de
l'Homme ». L'auteur rappelle ceux de Meyer, de Langer, de Schwalbe et
en fait la critique.
Dé son côté, il a examiné diverses espèces du genre Tupaia et montré
que chez ces Insectivores d'un groupe tout à fait particulier, aux habi-
tudes arboricoles l'oreille est exactement conformée comme chez
l'Homme. Boas avait déjà l'ait la même observation, il faut noter
surtout ici la présence du tronc de i'anthélix qui s'observe également
chez les fœtus humains de 3 ou f\ mois où le tubercule de Darwin
serait fréquent d'après certains auteurs, absent d'après d'autres; cette
l'amtiikoi'olooik. — t. xxix. — 1^18-1919. 37
5-0 . MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
divergence d'opinion pouvant être purement nominale. La présence,
dans la région correspondante du cartilage de l'oreille, d'une forme
angulaire s'explique pour M. Sera par une raison purement mécanique;
il s'agit simplement d'une doublure de soutien rendant le bord plus
robuste. Chez les Singes, le tubercule de Darwin n'a pas la fréquence
qui serait nécessaire pour confirmer la thèse de Schwalbe. Il en est de
même chez les races humaines où il s'observe plutôt chez les Européens
que chez les races dites inférieures.
II résulte des dissertations de l'auteur, dans le détail desquelles je ne
saurais entrer, qu'il y a d'excellentes raisons de considérer la forme de
l'oreille humaine, avec hélix plié et sans tubercule, comme une forme
très ancienne et primitive. D'après cette opinion, l'oreille ;Vhélix non
plié et avec tubercule de Darwin doit être interprétée comme un
simple arrêt de développement, sans signification phylogénélique.
M. B.
Stehlin (H. 0.). Ueber einen Ovibosfund aus dem spaten Pleistocan des Schweizerischen
Mittellandes (Sur une trouvaille de Bœuf musqué dans le Pléistocène tardif de la
Suisse centrale). Extr. de Yei handlungen der Naturforsckenden Gesell>c in Bastl
Bd XWII, 1916, pp. 93-99.
La présence de restes à'Ovibos avait déjà été signalée dans le Pléisto-
cène suisse, notamment au Kesslerloch, près de Thaingen. La nouvelle
trouvaille consiste en un atlas retiré d'une sablière des environs d'Olten.
L'auteur figure et décrit ce document. La faune qui l'accompagnait
comprend : Capra ibex, Rangifcr tarandus, Cervus cf. Canadcnsis, Bos
urimigenius (peut-être Bison priscus) Equus caballus, Equus cf. kemio->
nus, Rhinocéros tichorhinus, Elephas primigenius , Felis cf. spelwa.
Les graviers (luviatiles d'Olten Hammer, qui renferment cette faune
constituent une basse terrasse <!<• L'Aar, se rattachant au maximum
de la dernière extension glaciaire dans le sens du système Penck-
Bnickner. »■ »«
Jeahnex (Alphonse). Une date de chronologie quaternaire : La station préhistorique du
Scè près de Villeneuve (Extr. de Jahrgang 61 {1916 , du Vierle/jahrsschrift der Nulur-
forschenden Gesells. in Zurich, pp. 634-G43, 1916.
hindi topographique et géologique de la station paléolithique du Scé
''étudiée par H. de Saussure dès 1870) et de ses abords. Voici La princi-
pale conclusion de l'an leur.
« Par une série de déductions basées sur les faits, nous arrivons donc
;i démontrer l'âge postbuhlien <l<i La station magdalénienne du Scé près
Villeneuve. Nous pouvons même prouver qu'elle ne peul avoir été
occupée qu'après le dépôt de La terrasse lacustre dite de 3o m., au pins
i,M. Ces résultats confirment les conclusions auxquelles est arriva
1101 \ I Ml N I M.II.N I lllOl I. 571
II. Montandon pour la station contemporaine de Veyrier au pied du
àalève. Celle-ci est, d'après cel auteur, franchement post-glaciaire, nette-
ment postérieure au maximum du stade de Bùbl. »
Voilà qui n'étonnera guère 1rs préhistoriens français, qui savent depuis
Longtemps que Le(Magdalénien esl nettement post-glaciaire, M. Jeannet
déclare que la preuve n'avâil pas encore été faite « pour nos régions du
moins i). .Iii me permel liai de lui faire observer que si par « nos régions »
il entend la Suisse, il \ a bien Longtemps que j'ai fourni cette preuve
au Schweizersbild, contre Penck et son école, qui faisaient remonter ce
gisement à une époque interglaciaire. Le supplément d'information qui
nous est apporté aujourd'hui n'en est pas moins Le bienvenu.
M. B.
M>\ivMi>\ (Raoul). Bibliographie générale des travaux palethnologiques et archéolo-
giques. Canton de Genève et régions voisines. Mr. in-8 de 33 p. Genève, 1917.
Id. Coup d'œil sur les époques préhistorique, oeltique et romaine dans le canion de
Genève et les régions limitrophes. Hr. in 8 de 51 p. Genève, 1917.
La première de ces brochures est un répertoire appelé à prendre
place à côté des bibliographies palethnologiques et archéologiques des
départements français entreprises par l'auteur (Yoy. L'Anthr. XXVIII,
p. 474)« Le chapitre I est consacré au\ travaux archéologiques et anthro-
pologiques; le chapitre II, au* travaux géologiques et paléontologiques.
Le concours de disciplines scientifiques, paraissant si opposées est ce-
pendant obligatoire, proclame M. Montandon, non seulement dans des
questions purement palethnologiques, mais encore pour la solution des
problèmes historiques.
Le second travail est un exposé clair, agréablement écrit, de haute
vulgarisation, de l'état actuel de nos connaissances sur les époques
préhistorique, celtique et romaine dans le canton de Genève et les
régions limitrophes. Le texte principal s'accompagne de nombreuses
références bibliographiques et de précieuses notes infrapaginalcs. La
brochure est élégante, parfaitement imprimée. Elle sollicite le lecteur
par cette apparence extérieure et le fonds en est excellent.
M. B.
Mu.r.Tr (H. H.) The site, fauna, and industry of La Cotte de Saint-Brelade, Jersey. (Le
gisement, la faune et l'industrie de La Cotte de Saint-Brelade, h Jersey. (K\tr.
tïArchxologia, vol. LXVII, 1916, pp. 7(1-118.
Nos Lecteurs connaissent déjà la grotte dite la Cotte de Sainl-Brelade
(Voir i:\nlhrop., I. XXII, p. 674).
M. Marett nous raconte aujourd'hui les nouvelles fouilles qu'il a
pratiquées dans ce gisement en ujil\ et kji3, grâce à des subventions
O72 MOUVEMKXT SCIENTIFIQUE.
de 1* Association britannique et de la Société royale. Il nous donne un
plan el une coupe de la grotte avec L'indication des emplacements où
ont été effectuées les diverses recherches, que des écoulements ont par-
fois gênées et même rendues périlleuses.
Les opérations de 1910 ont permis de récolter plus de 5. 000 silex et
autant d'ossements. Environ 1200 pieds carrés du sol paléolithique
sont maintenant explorés.
On n'a presque rien trouvé en fait de débris humains et la présence
de Y Homo Neanderthalensis ne repose encore que sur les treize dents
précédemment exhumées. Quelques fragments d'un crâne humain ont
été cependant recueillis dans le talus extérieur. D'après M. Keith. ils
auraient appartenu à un enfant et pourraient provenir d'une sépulture
à crémation, d'àfje relativement récent.
Les découvertes relatives à la faune se sont par contre beaucoup
accrues. On compte maintenant 19 espèces de Mammifères et 9 espèces
d'( oiseaux. Les Mammifères les plus communs sont : le Renne, le Cheval,
le Bos primigenius et le Lemming à collier. Tous les ossements d'ani-
maux ont été trouvés associés avec des silex moustiériens. Leur répar-
tition stratigraphique, difficile à établir par suite de leur mauvais état
de conservation, ne permet pas de se faire une idée des changements de
climat qui ont pu survenir pendant la durée de l'occupation mous-
tiérienne. Mention spéciale doit être faite d'une dent d'Eléphant, déter-
minée comme Élephas trogontherii et qui a été trouvée tout à fait à la
base du dépôt, à 10 pieds au-dessous du niveau du Mammouth et du
Rhinocéros à narines cloisonnées, dont les débris se rencontrent, eux,
au sommel du même dépôt. D'autre part on peut affirmer que l'occu-
pation humaine de la caverne a pris fin avec L'âge du Mammouth.
Les ossements de Lemmings et de Microtus ratticeps, formes essen-
tiellement boréales, se sont rencontrés en plusieurs amas localisés au
sommet ou près du sommet du dépôt archéologique. II semble que l'a r-
rivée de ers Rongeurs ail coïncidé avec la fin de la période de l'occupa-
tion lin mairie. %
Quelques ossements portent la trace d'un travail intentionnel,
d'ailleurs très rudimentaire. Et même ce travail nie paraît douteux
pour une sorte de poinçon ou d'alêne figurée par l'auteur.
\l. Marett s'étend longuement sur l'industrie du silex. Il a tenu à
tout recueillir: 15070 morceaux de silex et 854 fragments d'autres
roches, ton- introduits par l'Homme dans la ca\crne (creusée dans le
granité). Il a cherché à diviser cette énorme collection en groupes
naturels pour en établir les proportions aumériques. Du tableau statis-
tique dressé à cet effet, il résulte qu'une pièce sur trois environ a été
inutilisée. Parmi les rebuts, il n'\ a guère qu'une pièce de grande
dimension sur cinq, les quatre autres ne sont que <!«• simples éclats ou
MOUVEMENT SCIENTIFIQUE, 573
déchets. Ceci serait donc d'après L'auteur, une preuve de L'économie et
de L'intelligence de l'Homme moustiérien.
Tous ces déchets éliminés, il fiiui encore séparer les pièces amorphes,
simplement usagées, ou instruments de fortune, <l<vs pièces bien tra-
vaillées el de formes bien définies. Les deux lois sont à peu pics égaux.
Enfin, dans Le Loi à formes intentionnelles, comprenant 4468 pièces,
il y a Lieu de faire encore trois groupes. Dans la première « qualité»
n'entrent que des types parfaits de L'industrie moustiérienne. Elle ne
comprend que iââ objets, ce qui ne représente i o/o de la totalité des
i. ")o-o silex recueillis. La seconde catégorie englobe des pièces plus gros-
sières mais rentrant encore dans les types classiques et comprend
2678 pièces. Le dernier groupe, représenté par 713 unités, est d'ordre
plus inférieur, de nature parfois douteuse.
11 m'est impossible de suivre l'auteur dans ses descriptions d'instru-
ments de première ou de seconde « qualité », descriptions accompa-
gnées de bons dessins. Il n'a été trouvé qu'un seul silex amygdaloïde.
L'ensemble esl bien nettement moustiérien.
L'industrie lithique, autre que celle du silex, comprend surtout plu-
sieurs centaines de marteaux et broyeurs en roches granitiques ou
diabasiques. Beaucoup d'autres cailloux sont des galets dépourvus de
toutes traces d'utilisation. Leur abondance, en un point ou gisaient
beaucoup d'os brûlés, semble indiquer que ces cailloux étaient
employés pour faire bouillir de L'eau ou cuire des aliments. Certaines
de ces pierres, polies sur dc> portions de leur surface, ont du être
employées comme broyeurs ou molettes, peut être pour la préparation
de racines ou de graines comestibles.
Le mémoire se termine par un paragraphe intitulé: Stratigraphy .
L'auteur indique les précautions prises pour repérer la provenance
exacte de chaque objet, dans le sens horizontal et dans le sens vertical.
Vers la paroi orientale de la grotte, le dépôt archéologique avait
10 pieds d'épaisseur. Une coupe synthétique représente Les divers
éléments de cette formation qu'une mince couche gréseuse, blanche,
Stérile, divise en deux parties. La partie; inférieure serait du Mous-
tiérien moyen, el la partie supérieure du Moustiérien supérieur. La
petite bande limite représenterait un ancien sol resté à l'air pendant
une longue période d'inoccupation de la grotte. Mais l'industrie supé-
rieure et inférieure ne sauraient guère être distinguées l'une de L'autre.
11 semble toutefois que la dernière soit un peu plus grossière (pie la
première, et que dans celle-ci. les instruments soient, d'une manière
générale, de forme plus allongée; annonçant l'Aurignacien. L'élude des
patines de silex anciens, retouchés plus lard, conduit M. Marett à
évaluer à 5ooo ans environ La durée de l'occupation de La grotte par les
Hommes moustiériens. Il termine en déclarant que La Cotte de^Saint-
5-^ MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Brelade est un gisement purement moustiérien, aussi riche et aussi
caractéristique qu'aucun autre en Europe.
M. B.
Hern.vndez-Pycheco (E ). Estudio de arte Prehistorico. I. Prospection de las Pinturas
rupestres de Morella la Vella. II. Evolution de las Ideas madrés de la Pintura Rupestres.
(Étude d'art préhistorique, I Prospection des peintures rupestres de Morella la Vella.
II. Évolution des idées mères des peintures rupestres.) « Revisla de la HeaL Acade-
mia de ciencias exactas, fisicas y nalurules de Madrid », tome XVI, 1" numéro de
la 2e série. — 24 pages, 3 planches et 10 figures de texte.
Dans cette brochure, le Prof. Pacheco décrit les premiers résultats
acquis par lui dans l'étude d'une nouvelle station de peintures, rupestres
du style de l'Espagne orientale, située près de Morella (Cas tel Ion). Elles
furent signalées par M. José Senant Ibafiez le 17 octobre 1917 dans un
journal de Valence « La Provincia ». Morella est à 66 kilomètres de
Vinaroz, gare la plus voisine; une diligence automobile parcourt ce
trajet. La région est constituée par des massifs calcaires escarpés; l'un
d'eux, meseta occupée par une ville antique, Morella la Vieja, est à
7 kilomètres de la ville actuelle. Dans les falaises du sud, des corniches
peu profondes forment abri, voisines d'une plus vaste cavité, et non
loin d'une belle source; leur accès est assez difficile ; trois présentent
des vestiges de peinture : La première « galeria alta de la Masia », ne
pourra être étudiée exactement qu'après construction d'échafaudage ;
beaucoup de figures onl été écaillées, mais il en reste encore de nom-
breuses, par exemple, un homme très simplement dessiné, suivant
une piste composée de deux séries parallèles de paires de taches allon-
gées; il y existe aussi des archers, des lignes ondulées et zigzaguées, une
trie de Bouquetin. La seconde, « galeria <lel Roble » est d'une étude
moins difficile; l'auteur en figure un archer tirant sur un Bouquetin
des flèches empennées, parfois à une seule barbe récurrente; un chasseur
au repos, debout à coté d'un cerf à ramure abondante et fantaisiste ; un
Bouquetin mâle, fuyant blessé, en laissant derrière lui une trace que
L'auteur pense être du sang; des dessins humains schématiques, néoli-
tiques ; La plus remarquable scène est une lutte entre 7 hommes armés
d'arcs et de flèches, aux attitudes très violentes, une jambe très ployée,
l'autre rejetée droite en arrière. L'une des figures est recouverte de
concrétions calcaires ; deux des hommes sont blessés par des llèehes.
La troisième roche ne contient qu'une figure schématique de Bouque-
tin, néolithique apparemment,
L'auteur, malgré L'absence de superposition entre les divers groupes
de figures, en distingue quatre groupes ; !<■ premier est constitué par
<\i-> animaux mieux faits, et des hommes à tracé linéaire, tête globu-
leux', peu détaillés. Le second présente des hommes mieux traités,
moins linéaires ; mais les animaux, sont assez mal faits. Le troisième et
moi 'vr.MVvr scirrrmorE. ^5
le quatrième sont de plus en plus schématique*, La parenté de ces
figures avec celles uY Tirig (Caslellon) est évidente. La seconde partie
du travail traite il»1 La pari que les idées de magie, de commémoration
dt> faits réels el de signification funéraire ont en dans l'ait rupestra
des diverses époques el (les divers groupes géographiques.
II. Dreuil.
Cwwu A.6UIL0 (Juan). Las pinturas rupestres de Aldeaqueinada. (Les peintures rupestres
de Udeaquemadu). Comision de Investigaciones, etc.. Memoria, n° 14. Madrid,
1917.
Simple catalogue illustré de dessins et photographies de 21 roches
peintes des environs d'Aldeaquemada (Jaen). Sept d'entre elles avaient
été découvertes par mon prospecteur en 191^, et étudiées par moi en
1 9 1 3. J'avais emmené M. Cabré dans ce voyage à titre de photographe,
M. Cabré les figure néanmoins en y joignant celles qui sont dues à des
recherches ultérieures. Plusieurs sont assez Intéressantes, car il s'y
trouve, dans les figures schématiques, des représentations d'animaux
non stylisés, peut-être paléolithiques ; ce sont les roches de la Tabla de
Pochico, du Prado del Azoguc et de la Garganta de la IIoz; les autres
sont extrêmement banales, excepté la fig. 2 ; elle est reproduite sans
citation d'origine d'après un dessin inédit de moi que j'avais laissé
copier à M. Cabré ; celui-ci n'a pu recopier l'original postérieurement à
notre commune visite, puisque malheureusement cette figure a été
détruite peu après. Elles appartiennent à l'ensemble le plus schéma-
tique, d'Age néolithique et énéolithique, si abondant à travers toutes les
sierras quartzitiques de l'Espagne centrale et méridionale.
H. B.
Aro Monoz (Luis de). Descubrimiento do Pinturas rupestres en el Barranco deValltorta
(Castellon). (Découverte de peintures rupestres dans la falaise de Valltorta), Bole-
tin de la Real Academia de la llUtona, 1917, 2a semestre, p. 5-17, avec 15 planches
hors texte de dessins et photographies.
C'est au milieu de mars lui 7 que furent signalés les abris peints du
Valle de Valltorta, gorge d'une trentaine de kilomètres dans la Sierra
de Valdancha, entre les localités de Tirig et de Albocacer (Castellon).
Les abris rocheux s'y trouvent sur une longueur de 6 kilomètres, à
des hauteurs au-dessus du cours d'eau variant entre 10 et 5o mètres ;
la plupart de ceux qui ont été décoré, se trouvent sur la rive gauche,
sur h- territoires des communes de Tirig, Ubocacer et Guevas de Vin-
romà. Elles soni au nombre de i'i, jusqu'à présent toutes du style
paléolithi [ue naturaliste de L'Est de l'Espagne, déjà célèbre, depuis les
découveri ■:» de Cretas, Cogul et Alpera.
Les figures de chasseurs sont très nombreuses. On retrouve les
•-
576 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
plumes de tête, les jarretières, les anneaux de bras, signalés en d'autres
localités classiques, de même que de nombreux arcs et des flèches à
une barbelure, et des lances ou sagaies à pointe parfois foliacée. La
faune figurée est principalement composée de Cerfs ou Biches et de
Taureaux, mais il existe aussi des Bouquetins, un Sanglier, peut-être
un Bison. La seule couleur usitée est le brun rouge foncé, à l'exception
de trois figures noires. La liste des abris peint est la suivante : Cueva
de los Caballos, plus de 70 figures; les quatre cuevas del Civil, conte-
nant environ 5o,2, 1 et 2 figures ; la Cueva ciels Tolls, 1 figure ; la Cueva
Rull, 2 ou 3 figures; la Cueva del Arco, très peu de figures; la
Cueva del Mas d'en Josep, quelques figures ; la Cueva del Leidoné, peu
de figures, moins belles, de grands chasseurs et des Bouquetins ; la
Cueva del Punlal, la seule de la rive droite, peu de figure, mais gise-
ment de silex et d'os cassés ; Cueva del Sait, nombreuses et belles
figures d'animaux, surtout du cerf, mais presque pas d'hommes ;
Cuevas Estarôy Quiteria, dans un ravin tributaire, celui de Matamoros,
pauvres en figures, mais dont la première présente un gisement à silex
taillés et os cassés de Cerf, Cheval et Bouquetin.
Cet ensemble de fait très intéressant, mais trop sommairement
décrit et figuré d'une, manière insuffisante, laisse la place à d'autres
descriptions que des savants espagnol plus exigeants et plus complète-
ment documentés, ne tarderont pas à nous fournir avec tout le soin
voulu.
H. B.
Lvntier (Raymond). El Santuario ibérico de Castellar de Santtsiebar. (Le sanctuaire
ibérique de Castellar de Santisteban), avec le concours de M. J. Cabré Aguilo, et una
préface de M. P. Paris 1 brocb. in-4° de 127 pages, avec 35 planehes, 12 lig Mémoire
n° 15 de la Com/sion de Iiivestiyaciones paleontoiogicas y preliisioricas. Madrid,
1917.
Cette belle publication nous révèle l'existence d'un lieu sacré de
l'ancienne Ibérie, qui a fourni un grand nombre d'objets d'époques
diverses, mais présentant tous un air de famille, malgré des influences
étrangères très nettes. Situé aux confins de la Tarraconnaise et de la
Bétique, dans une région pleine de gisements métallifères exploités
depuis une haute antiquité, et traversée par la grande voie commer-
ciale unissant les colonies grecques de la cote orientale aux établisse-
ments puniques du Sud, le sanctuaire de Castellar nous montre une
industrie où, sur le fond ibère, se mélangent les influences de la Grèce
et de l'Orient. Le mobilier qu'on y a trouvé se présente dans un inextri-
cable fouillis, tant à cause des bouleversements dûs aux chercheurs de
trésors, que parce qu'il a été rejeté au dehors de l'enceinte sacrée
sans doute pour l'en débarasser lorsqu'elle était encombrée. Tous
Moi \ I.M1M SGIENTIFIQ1 !.. 677
ces objets sont îles ex-votos déposés dans cet endroit sacré par la
piété iK's indigènes, bergers, laboureurs, mineurs aussi probablement.
On ignore malheureusement à quelle divinité s'adressaient leurs
offrandes. On ignore également à quelles époques il faut les rapporter :
tout ce que l'on peut dire, c'est que le gisement ne remonte pas au delà
du ve siècle av. J.-C. et s'étend jusqu'au Bas Empire. Il faut noter que
l'ait qui nous révèle se différencie nettement de celui de la Tène : il est
proprement ibérique, malgré L'influence de la Grèce archaïque; celle-ci
se comprend aisément puisqu'à partir du vi" siècle av. J.-G. des colonies
grecques s'étaient établies en Espagne. Aux m8 et iv" siècles cet art était
à son apogée, car les guerres puniques amenèrent dans le bassin de la
Méditerranée de grands mouvements et mirent en contact des civili-
sations très différentes.
Quant aux objets trouvés, à part des fibules, des épingles, des armes,
ils consistent surtout en une série très vaste de figurines de bronze qui
oe sont autres que les images des dévots implorant la faveur de la divi-
nité du lieu. Il semble qu'elles soient toutes plus ou moins une modifi-
cation du type bien connu de Yorant. Au point de vue technique, les
unes sont en bronze coulées, les autres obtenues en martelant une
baguette de bronze; quelques-unes sont des silhouettes découpées dans
une mince feuille de bronze. Les deux sexes sont représentés. Le
costume est indiqué souvent avec exactitude et donne une idée satisfai-
sante du vêtement ibérique de cette époque ; d'autres fois les sujets sont
nus, sujets masculin seulement [M. P., dans son résumé, n'est pas de
cet avis, qui me parait fondé quand on examine les planches IV, V, VI,
VIII, IX]. Ces curieuses figurines se répartissent en trois groupes, qui ne
correspondent pas à des divisions chronologiques. Le premier est carac-
térisé par la position des bras retombant le long du corps, légèrement
écartés, les mains ouvertes, la paume en avant : ces mains sont souvent
énormes, et il semble que l'artiste ait tenu à attirer l'attention sur elles.
Dans le second groupe se placent les statuettes dont les bras sont
ramenés sur le devant du corps. [Je suis étonné de ne pas voir le type
qui porte un vase dans ses deux mains, commun au Cerro de los
Santos]. Le troisième groupe comprend les sujets dont les bras sont
complètement cachés sous le manteau; souvent ils ne sont indiqués
que par un renflement ou un sillon : d'autres fois ils disparaissent
complètement et la figurine a l'aspect d'un xoanon. De là à la schéma-
tisation complète il n'y avait qu'un pas et on a fini par représenter
économiquement l'impétrant par un fil de bronze étiré.
Les analogies sont grandes avec les bronzes archaïques grecs, italiens
celtes, etc., mais M. K. Lantier conclut sagement à une ressemblance et
non à une filiation : le type humain dans le bassin de la Méditerranée
était conçu d'une façon très uniforme, due probablement à une
SyS MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
technique ru limon taire el identique partout. Au point de vue chrono-
logique, on peut admettre que les figurines les plus réalistes sout les
plus anciennes; certaines d'entre elles ont beaucoup d'expression, le
n 3 de la pi. XVII par exemple. Los tèles masculines sont traitées avec
vigueur et ressemblent à ces té les courtes et frisées du Cerro de los
Santos. C'est probablement, avec les détails du costume, ce qu'il y a de
proprement ibérique dans cette série, et il faut féliciter M. Lantier du
soin qu'il a mis à la décrire et à la figurer. Quand les chercheurs espa-
gnols seront arrivés à trouver la chronologie certaine de ces intéressants
documents, on pourra se former une idée d'ensemble sur l'art ibérique,
qui, malgré bien des emprunts qu'il serait bon de préciser, a un style
simple et vigoureux qui lui est propre.
Fr. de Zeltner.
Calyo (D. Ignacio et Cabri (D. Juan). Excavaciones en la Cueva y Collado de los Jar-
dines (Santa Elena, Jaen) (Fouilles à la grotte et au col de los Jardines). Mémoire
des travaux: exécutés en 1916, publiés par la Junta Superior de Exqavaciones y ante-
yuidalis. Madrid, 1917, 4."> pages, XXI planches.
Le défilé de Despeiiaperros, qui permet de passer facilement de la
Manche dans le bassin du Guadalquivir et l'Andalousie, coupe la
Sierra Morena dans sa région orientale, en entaillant ses chaînons de
quartzite (et non calcaire, comme le disent les autours) et de schiste.
C'a été de tout temps un passage très important. La grotte de los Jar-
dines, simple abri sous roche, domine une partie de la gorge du coté
oriental; une source et des niveaux d'eau importants, peut-être de qua-
lité médicinale y existent. Des travaux antérieurs-, dûs aux explora-
lions de diverses personnes, spécialement de M. Horace Sandars qui a
publié une belle monographie de ses découvertes, avaient mis à jour
de nombreuses figurines de bronze, guerriers, cavaliers, femmes, etc.
Ces anciennes explorations avaient eu lieu au pied do l'abri, sur
7 X IO mètres. La nouvelle campagne eut lieu en traçant doux diago-
nales sur la pente sur un terrain do 90 x 70 mètres; mais il reste
environ '1.000 mètres carrés à explorer utilement. Le sol arcbéolo-
gique est Formé des rejets désordonnés laits du haut de la pente, où se
trouvent des vestigi ■> importants d'un édifice on pierre sèche, mis à
jour par les fouilles. La couche présente par endroits jusqu'à \ mètres
d'épaisseur, el comprend cinq assises superposées au sol vierge. La
plus profonde a fourni des armes ibériques; la quatrième, beaucoup de
figurines de bronze el des fibules; la troisième contenait nombre de
monnaies romaines. La récolte faite comprend quelques milliers
d'objets, fragments d'armes, épées, poignards, couteaux, falca as,
éperons, sceptre, bagues à chaton ou simples, pinces et oui llérs de toi-
lette, fragments de diadème d'enfanl avec ligures de femmes gravées,
moimmim' sc.n-NTii'ini 1 1. m 579
richemenl vêtues et tenant une sorte d'éventail; Les fibules ont la plu-
part le type hispanique annulaire; il en est aussi se rapportant à la
Tène 1, II. III. et même Romaines; la céramique est médiocrement
représentée : les monnaies sont du 1" siècle V. G. jusqu'à Théodose.
Mais Le pi us. grand nombre des objets récoltés sont des figurines de
bronze, analogues à celles du sanctuaire de Gastellar de Santisteban,
récemment publiées par M. Lantier. Il s'agit d'ex-votos et non d'idoles,
on \ voit des figures de guerriers, dont plusieurs sont armés de «j'alca-
tas », de poignards triangulaire, parfois à pommeau à double sphéroïde;
un certain nombre sont velus, la taille serrée dans un ceinturon et por-
tant le casque et le bouclier rond. Les cavaliers sonl nombreux et égale-
ment armés; certaines Ligures féminines portent un oiseau à la main,
OU des fruits; elles ont parfois les cheveux divisés en tresses et oui un
collier au cou. Les ex-votos d'animaux représentent exclusivement des
chevaux, parfois assez bien traités. D'autres figurent des parties de
corps humains, jambes, pieds, mains, et maxillaires souvent très styli-
sés el à peine reconnaissantes.
Les auteurs concluent des Objets découverts <|uc le sanctuaire fut
fréquenté dès le v9 siècle, mais que son apogée fut le ivft et le
111e siècle.
Ce ne sont pas les plus anciens vestiges de la gorge; lés néolithiques
y ont exécuté des peintures rupestres ; la roche a del Retamoso » étudiée
par nous et découverte par mes chercheurs, est décrite sommairement,
mais non figurée. Celle « del Santo » est signalée pour la première fois,
et présente une frise de iG mètres de largeur ; on y lit une figure de
chèvre relativement naturaliste, des hommes stylisés très simplifiés,
des figures rami formes, et des groupes de ponctuations et de lignes ; la
plupart des figures sont rouges de divers tons, quelques-unes, interca-
lées entre deux séries rouges, sont blanches, ce qui est assez rare dans
les peintures rupestres. Enfin, il existe une inscription ibérique en
noir, bien postérieure.
Les auteurs mentionnent en outre une station paléolithique ancienne
à quartzites taillés non Loin de Las Correderas, localité située au sud
du défilé.
Nous ne suivrons pas les auteurs dans les considérations historico-
sociales de leur paragraphe VI, dont une partie semble assez risquée,
et comprend de larges considérations sur les Ibères, leur caractère origi-
nal en matière d'art, l'autorité dans ce peuple, les sacrifices, l'organi-
sation militaire, la religion. Ce qui est dit du vêtement et de l'arme-
menl esl naturellement plus objectif et fondé sur une documentation
moins indéterminée.
IL Breuil.
580 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
Rellim (Ugo). La caverna di Latrônico e il culto dell acque salutari nell' età del bronzo
(La caverne de Latrùnieo et le culte aux eaux curatives pendant l'âge du bronze).
1 -x t r. de Monumenli Antichi fiub/icali dalla K. Accad. d. Lincei, vol. XXIV, 1916.
Latrônico est une petite ville de la Basilicate, dans la vallée supé-
rieure du Sinni, tributaire du golfe de Tarante. La caverne est située
près d'une source d'eaux sulfureuses très estimées; elle fut signalée par
M. Di Cicco, directeur du Musée de Potenza, M. Rellini la considère
comme une caverne sacrée.
Elle a livré seulement de la poterie, mais en très grande quantité,
comme dans les dépôts votifs aponenses, très connus, de Battaglia
(Padoue ', qui gisaient dans un ancien petit lac formé par des eaux ther-
males. Il y avait surtout des « capeduncolae » ou tasses à boire, et des
pots degrandes dimensions. Certains étaient encore remplis d'offrandes ;
on y trouvait toujours associés les mêmes fruits (pommes sauvages,
prunelles, sorbes, blé). Ces fruits et ces grains, surtout le blé, s'échap-
paient en grande quantité des pots brisés. Les conditions du gisement
révélaient netîement, spécialement sur deux points, que les vases
avaient été placés entiers intentionnellement. Il n'y avait ni débris de
repas, ni armes, ni rebuts de travail.
A l'extérieur de la caverne au contraire, on a reconnu des restes de
huttes avec des débris de repas, des outils, et surtout des polissoirs.
La caverne est de l'âge du bronze, comme le montrent les élégantes
« capeduncolae » avec manche surélevé « a nastro piatto » troué, qui,
dans l'Italie méridionale, sont tout à fait caractéristiques de cet Age.
Au dessous de la caverne principale, de petites grottes naturelles
avaient été utilisées comme sépultures; les squelettes étaient couchés
sur le dos. Il s'agit pourtant d'un niveau particulier de la fin de l'âge
du bronze, que M. Colini avait déjà reconnu en Italie.
A remarquer une céramique noire et lustrée, gravée. Le style de la
décoration est celui que M. Peet a nommé « de Pertosa », variété du
punctured band wôrk, dont l'élément le plus significatif est la spirale
conjuguée et la grecque. Mais sur aucun point de la presqu'île italienne,
on n'avait recueilli, jusqu'à présent, un matériel si abondant et si inté-
ressant, vases entiers et pas seulement des fragments comme à
Latrônico où d'ailleurs le décor à spirales est toujours répété, quelque-
fois très élégant, mais sans grecques.
M. Rellini a fait de nombreuses comparaisons d'où il a tiré la con-
clusion, avec MM. Pigorini, Peet, Gervasio, qu'il est impossible de
relier, au moins à présent, les vases à décor du style « Pertosa Latrô-
nico » avec ceux des \ raies assises néoli I lii<|iies italiennes, OÙ le décor
esl « imprimé » indifféremment Sur toute la surface du vase, tandis
que la décoration gravée à t'aide d'un ébauclioir est rare; le pointillé
IftOl \ imin i' 8CIËW ni'ioi B. 58i
Libre même est rare, el èo tous ras il n'est jamais contenu entre des
lignes gravées.
M. Rellini insiste sur la différence entre la technique et le style de
L'ornementation. D'après les observations de M. Orsi, il distingue entre
Le vrai i< pointillé imprimé » et Lès bandes gravées et ponctuées. V ce
propos il distribue la céramique primitive italienne eu cinq classes, et
il dresse un catalogue île toutes Les localités où les spécimens de la
décoration gravée sont apparus jusqu'à présent.
Le style Le plus remarquable, parmi ces classes, est celui de Latrô-
nico-Pertosa, auquel on peut associer Le matériel de la Murgia Timone
dans Le Materano, de Coppanedigata (Pouille)etc., et même le matériel
très intéressant d'un village du bronze découvert à Ripabianca. dans
les Marches.
On ne saurait nier que le style de Latrônico-Perlosa est très sem-
blable à celui de Butmir (Serajevo), mais les archéologues les plus
autorisés demeurent encore en désaccord sur cetts station. M. Rellini
préfère la comparer aux assises thessales où les fouilles de MM. Wace
et Thompson démontrent la succession de la céramique noire et lustrée
à la céramique peinte de Dimini.
M. Rellini accepte les conclusions de MM. Hubert. Pcet, et du
regretté M. Antoine Jatta, le plus avisé des spécialistes de l'Énéolithique
de L'Italie méridionale, et il pense aussi que les assises thessales où
demeure la céramique peinte et gravée correspondante à des spécimens
italiens sont énéolithiques. En Thessalie, les deux techniques se sont
développées simultanément s'influençant l'une l'autre, mais inspirées
toujours par des conceptions géométriques. Pendant Ll'âge du bronze, la
céramique peinte disparut aussi des Balkans comme en Italie, tandis
qu'en Crète, au plein Age de la civilisation minoenne (M. M. 1 II ; le
décor peint à sujets naturalistiques étouffait l'inspiration géométrique
et le décor gravé.
Il n'y a pas lieu d'admettre qu'on importa directement en Italie les
vases de Pertosa-Latrônico.
Pendant l'Age énéolithique. des relations commerciales, s'établirent
peut-être à travers la mer Adriatique, entre l'Italie et la Balkanie. Ce
fut alors que les premiers essais du style géométrique gravé se répan-
dirent en Italie, où ils se développèrent et se poursuivirent chez les
descendants des ^néolithiques, Jusqu'aux civilisations italiques du
vne siècle.
M. Rellini compare la caverne de Latronique à d'autres cavernes
d'Italie, dont le caractère sacré avait été déjà reconnu par quelques
paletnologues. On sait (pic dans la caverne de la Perlosa (Salerne) et
dans celle de Prasassi Fabriane) le culte se pratique même à présent.
Mais la signification de ces cavernes devient plus évidente lorsqu'on les
5$2 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
compare entre elles. M. Rellini, qui les a visitées, qui a étudié dans
les Musées le matériel livré par elles, qui a fait aussi quelques nou-
velles fouilles, est à même de donner de nouveaux détails.
On doit surtout remarquer la publication du matériel inédit du
dépôt sacré des eaux de Pertosa, qui a été envoyé au Musée Préhisto-
rique de Rome. M. Garuc^i découvrit ce dépôt, après la première explo-
ratron de la caverne à l'extérieur de celle-ci, sur un petit coin près des
eaux qui jaillissent très abondantes et en cascade. Les offrandes votives
forment une longue chaîne de matériel qui, sans interruption, descend
de l'âge du bronze à des monnaies du ve siècle av. J. C. A retenir,
parmi le matériel du bronze, un type de « ciseau à épaule » très rare,
que l'auteur, après les observations de M. Orsi, reconnaît seulement
dans l'Europe méridionale et dans les îles, en le rapprochant toutefois
d'un type oriental.
M. Rellini, en se basant sur des circonstances spéciales, croit que
dans ces cavernes on rendait un culte aux eaux. Ce culte a été certaine-
ment pratiqué dans l'Italie préhistorique. Il donne toutes les notions
qu'on a, à ce propos, pour l'Italie, complétant ainsi le cadre intéres-
sant qu'on doit à ce sujet, pour l'Europe, à M. Déchelette (Manuel, II).
A M. Pigorini revient le mérite d'avoir démontré que le culte des
eaux thermales de la Panighina (Forli) était pratiqué par les terrama-
ricoles. Dans un résumé substantiel, (ch. VIII), M. Rellini meta profil
toutes les données qui, à son avis, permettent d'attribuer aux terrama-
ricoles les cultes des eaux en Italie, plutôt qu'aux peuplades néoli-
thiques.
Cet important mémoire est bien illustré.
M. B.
BiiNÉDiTE (Georges). Le couteau de Gabel el-Arak (Extr. des Monuments et Mémoires,
publiés par l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. 1er fasc. dut. XXII, 1910).
Les beaux couteaux de pierre de l'Egypte préhistorique sont des
objets très rares. Le nouvel exemplaire que décrit M. Bénédite est une
pièce magnifique, munie de son manche en ivoire. Il a été acquis par le
Louvre d'un marchand qui lui donne comme provenance Gebel el-Arak,
en face de Nag Hamadi.
La lame de cet instrument est, comme toujours, polie sur une face,
admirablement taillée sur l'autre face, par longues esquilles parallèles et
normales aux bords. Le bord tranchant, convexe, est finement crénelé.
Le manche, taillé dans une dent d'hippopotame, doit être placé a au
premier rang des antiquités actuellement connues » à cause des repré-
sentations qui décorent les deux laces. Il ne s'agit plus ici de simples
rangées d'animaux, comme dans le manche de Brooklyn, mais de deux
Itbleaua représentant, l'un, une scène de guerre, l'autre, une scène de
MOI \ IMI.N I St ll.M M'IQIM.. f)No
châsse dans Le désert, « symbolisant, l'une et l'antre, les actes violents
de la vie primitive où le silex tranchant jouait son FÔle ».
L'auteur décrit chacune < i < ^ ces scènes en détail. « La question <|ui se
pose au sujet de L'usage de ce couteau a sa réponse dans La représenta-
tion guerrière où nous Le retrouvons aux mains de deux combattants.
C'est une arme de guerre et, il \a sans direi de chasse, qui se portait
suspendue à La ceinture, et en Laquelle nous pouvons voir la forme
ancestrale du poignard à Lame de métal, bien que toutes Les raisons
nous portenl à La considérer comme restée en usage en un temps où la
métallurgie du cuivre était déjà répandue dans la liasse vallée du Nil ».
D'après rauicur. ce précieux objet remet en question tout Le classement
des monuments figurés de la période prédynastique, A la suite de
toute une s'rie de comparaisons avec les palettes de schiste, les tètes de
massues et les ivoires gravés, il faut conclure que « notre couteau nous
transporte en plein âge nagadien, c'est-à-dire en un moment à déter-
miner des temps qui ont précédé les rois thinites. Ce qUe nous avons là,
c'est le premier chapitre de l'histoire de l'Egypte rempli par les conflits
de marnais voisinage et les guerres de razzias de tribus à tribus, de
petits royaumes à petits royaumes comme il s'en taisait encore récem-
ment dans L'Afrique centrale. Je serais tenté de commenter la scène
guerrière de la façon suivante: une tribu, représentée par les guerriers
au crâne rasé, en guerre avec une autre tribu portant la tresse à la
manière libyque, rencontre sa Ho tille sur le Nil (les bateaux du registre
inférieur) et après un combat sur eau, qui ne s'achève pas sans la mort
et la noyade des combattants des deux parts (les quatre cadavres ren-
versés symétriquement, c'est-à-dire deux pour un camp, deux pour
l'autre), envahit son territoire et attaque de haute lutte ses défenseurs ».
Le fait le plus important à signaler est l'air de parenté très prononcé
que l'ivoire égyptien présente avec certains bas-reliefs de la Mésopo-
tamie. Le principal personnage de la scène de chasse est tout à fait
remarquable à cet égard. De sorte que la parenté de l'art primitif de
l'Egypte avec celui de la plus anciene civilisation mésopotamienne ne
s'est jamais révélée d'une façon aussi tangible ».
Le mémoire de M. Bénédite est parfaitement illustré.
M. 13.
Porphyre. L'Antre des nymphes traduit u grec en français, par M. Joseph Trarucco,
suivi d'un Essai sur les grottes dans l*>s cuties mugico-religieux et La symbolique
primitive, par M. P. Saistyves. 1 vol. in-12 de 262 pp. Paris, Nourry, 1918.
Comme beaucoup d'autres chercheurs, M. S. a été frappé du rôle
prédominant que joue la grotte dans tontes les manifestations magiques
et religieuses de l'humanité. Et il a eu L'idée excellente de grouper
dans un livre facile à manier les principaux faits ayant trait à cette
584 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
question, depuis les cavernes préhistoriques jusqu'aux grottes chré-
tiennes de Palestine, en montrant la continuité de doctrine qui, sous
des formes diverses les a faits adopter comme lieu d'élection des
phénomènes religieux. En ce qui touche aux cavernes préhistoriques,
M. 8. admet que les peintures et sculptures qui les décorent ont un
caractère rituel et il se sépare de l'opinion de M. Salomon Reinach, qui
veut qu'elles aient été faites pour faire croître et multiplier les animaux
utiles à 1 homme. Cette théorie ne rend pas compte de tous les cas qui
se produisent, vu que certains animaux représentés ne sont pas dési-
rables pour l'homme. De plus, elle aboutit à ce résultat singulier que
chaque clan travaillerait à faire reproduire une espèce qui ne lui serait
d'aucune utilité, puisqu'il ne la mange pas. Les autres clans seraient
seuls, par conséquent, à en pro fiter. L'hypothèse que présente M. S.
explique mieux l'ensemble des faits : les représentations rupestres sont
faites pour faire descendre sur la terre la force bienfaisante qui est
dans les deux. Et voici comment il fonde son système :
Les primitifs, tant modernes qu anciens, admettent tous un principe
intelligent et impersonnel qui explique toutes les énergies de l'univers,
notamment le renouvellement des saisons, les pluies, la chaleur et par
conséquent la vie des végétaux, des animaux et des hommes. Comme le
soleil, la lune, les étoiles sont abondamment pourvus de ce fluide (ou
mana), il faut le faire descendre du ciel sur la terre. Pour atteindre ce but,
il est nécessaire de savoir qu'à chaque division du ciel correspond une
division de la terre, et les minéraux, les végétaux, les animaux et
les hommes qui demeurent dans celle-ci ont des relations avec les
étoiles; quand ils sont mieux pourvus de fluide c'est qu'ils ont une
parenté plus étroite avec les astres : on les nomme alors totems. En
les représentant sur la terre, on attire sur cette partie du sol le fluide,
surtout aux époques où il surabonde dans les deux. Les gravures et
peintures sur rochers sont donc des procédés pour assurer la prospérité
collective des habitants d'un certain territoire. Ici je ferai une simple
objection à M. S. : dans les cas de tribus nomades, ayant un grand
territoire de parcours, souvent enchevêtré avec celui d'autres tribus,
comment cette hypothèse joue-t-elle?
Quoiqu'il en soit, voilà les primitifs à même d'attirer le fluide bien-
faisant sur leur petite patrie.
Pour le faire avec plus d'ampleur et de précision, ils ont conçu la
grotte comme un abrégé dû cosmos : chacune de ses parties représente
une portion du ciel, comme les anciennes cases chez les Ilovas. C'est
en même temps un condensateur de mana. Dans ses lianes naissent le
monde et les hommes, le soleil, la lune, les étoiles ; il en sort une force
qui développe la végétation, lait reproduire les animaux et prospérer
les hommes, Pour la répandre sur le territoire du clan, des cérémonies
moi \ imia i SCIES Ï1FIQ1 I 585
religieuses on! été créées : à des époques régulières, des processions
sortent de la caverne el vont disséminer au dehors le fluide bienfaisant.
Bien entendu, un enseignement était joint à cette religion : exoié-
rique pour la foule à qui les symboles étaient présentés comme des
faits réels, ésotérique p< >in- les Initiés à qui los sarerdotes en expli-
quaient le scn> caché. La grotte eu effel donnait la vie matérielle', mais
plus encore la vie intellectuelle. De là, les rites initiatiques qui assu-
raient la transmission el le secret de la doctrine; de là les mystères
réservés aux initiés : de là les oracles, les sources miraculeuses, les
arbres prophétiques; de là les collèges de, prêtres el de prêtresses qui
veillaient à la transmission de la doctrine el à l'exécution des rites.
Ce sérail sortir de notre cadre que de suivre avec M. S. le développe-
ment de cette idée à travers le monde antique. Nous la verrions se per-
pétuer avec des symbolismes divers dans les cavernes de Déméter, de
Dionysos, de Mithra, de Cybèje et d'Assis, d'Adonis, et dans les grottes
chrétiennes de Palestine. ^Je suis surpris de ne pas voir mentionner le
temple-caverne du Cynthe à Délos et la grotte de Lourdes]. 11 est
intéressant aussi de voir les croyances qui en sont sorties se continuer
dans la philosophie ionienne et dans le christianisme, à travers des
modifications de pure forme.
Toutefois, il est un point sur lequel je tiens à attirer l'attention de
L'auteur. Il me semhle pas avoir tenu compte du rôle considérable (pie
jouent chez les primitifs les âmes des ancêtres et des héros. Les mânes
ont certainement été considérées comme des puissances redoutables
dont il fallait s'assurer le concours. Si les primitifs les inhumaient
dans les grottes, comme ils le font aujourd'hui encore dans les cases,
c'est pareequ'il les considèrent comme faisant toujours partie de la
communauté. S'ils ont recours à leurs bons offices, s'ils leur demandent
conseil, c'est qu'ils leur attribuent un pouvoir surnaturel, par consé-
quent une quantité de fluide considérable.
M. S, n'en a pas moins le mérite d'avoir mis sur pied une œuvre
intéressante qui nous donne à la lois une vue d'ensemble sur l'utilisa-
tion des grottes, et une vue personnelle et nouvelle sur la question des
peintures et sculptures rupestres. La traduction de l'œuvre de Porphyre
-m l'antre des nymphes lui sert en quelque sorte d'introduction.
Fr. de Zeltner.
Hawkbs (Ernest William). Squeletal measurements and observations of the Point BarroW
Eskimo with comparisons with other Eskimo Groups. (Mensuni lions <>i observations
ostélogiques des Esquimaux de la Pointe do Harrow et comparaison avec d'autres
groupes d'Esquimaux) American Anlhropoloyist. Vol. 18 n° 2 avril-juin 1916. pp,
'JU3-244, et huit planches.
Ce mémoire esl consacré aux Esquimaux du détroit de Behring, de
la rivière Youkon.de l'Alaska, du Labrador et de kl haie d'Ifudson. Les
l'amhuuI'oi.oi.ik. — r. xxix — 1918-1919 38
VOr\T.\IENT SCIENTIFIQUE.
recherches se sonj trouvées complétées par l'étude des collections
ostéplogiques provenant de Point Barrow. dans l'Alaska, et qui se
trouvent au uWistar Institute of Anatomy» de Philadelphie.
Les Esquimaux de Point Barrow possèdent la civilisation warctique»
la plus primitive. Jusqu'à maintenant ils n'ont pas subi l'influence des
coutumes p] dos mythologies indiennes ainsi que c'est le cas pour les.
tribus esquimaudes habitant les régions plus méridionales de l'Alaska.
Leur isolement a assuré la conservation de leurs caractères ethniques.
Les seules, influences auxquelles ils auraientpu être soumis seraient celles
des tribus Athabasea de l'intérieur avec lesquelles ils ne -mit entrés
qu'accidentellement en contact, et celles des pécheurs de haleines. Mais
- Contacts ont été de trop courte durée et trop sporadiques pour que
leur type primitif ait pu s'en trouver affecté. Ils n'ont pas subi davan-
tage l'inflence des coutumes russes qu'on constate dans le Youkon, ni
directement la forte influence sibérienne qui s'est exercée dans le détroit
de Behring.
Les Esquimaux de l'Alaska sont de taille plus élevée que leurs frères
de> districts du centre et de l'est. Il n'est pas rare de rencontrer, dans un
même village, plusieurs hommes dont la taille n'est pas inférieure à
i"\8o. et présentant une constitution physique bien proportionnée. La
taille moyenne, cependant, est de i,n.68, supérieure de m cm. à celle
de- Esquimaux du centre (im.C>2 d'après Hrdlicka). La taille moyenne
des femmes es] de im.58, ce qui se rapp roche de celle des hommes dans
la région de la baie d'Hudson Boas). Ces variations dans le type
physique sont-elles dues au milieu, ou bien doit-on les imputer à un
mélange avec des tribus indiennes ou asiatiques? La question reste
ouverte. L'auteur, qui a visitéces régions et a pu comparer non seulement
Ips fliflférents types, niais aussi étudier les conditions du milieu — rneiL
leure alimentation, meilleurs vêlements pt habitations — attribue à ces
éléments la supériorité physique deces esquimaux. Il ne croit pasdevnir
faire intervenir, comme élément de \ariation. un mélange a\ee les tribus
indiennes. Il invoque, à ce sujet, l'inimitié profonde qui a toujours
existé entre Esquimau,* et Indiens. L'étude des conditions géographiques
autoriserait à admettre des contacts avec l'Asie. Néanmoins les métis-
- qui ont pu se produire n'ont pu être suffisants pour modifier,
d'une manière profonde, les traits fondamentaux du type primitif.
L'étude des pièces ostéologiques recueillies a permis de faire quelques
constatations intéressantes. L'auteur cite, à ce propos, L'influence de
l'action des muscles temporaux sur la forme du crâne'. Dans les crânes
masculins la crête temporale esl fortement marquée el très élevée. Elle
esl moins saillante chez les femmes el les enfants. Les différences
sexuelles sonl ponsidérablps dans les caractères ostéo}ogiques. C'est un
point qui oe semble pas avojr attiré suffisamment ^'attention denombreu-x
MOI VFMF.Vr SC.IENT1IK.M I 087
observateurs. Nous ne pouvons nous éteqdre sur tous ces faits traités en
détail, accompagnés de tepleaus des mesures qui onl été prises. Ce qu'il
es! intéressant de signaler c'esj la présence dans l'un des squelettes d'une
vertèbre dorsale supplémentaire. Ce faitavail été signalé déjà parTùrner
dans le* Challenger Reports à propos de deux Australiens et d'une femme
esquimaude étudiés par lui, U présence d'une vertèbre supplémentaire
esl un caractère sîmiesquequi se rencontre cbezdes races très primitives.
L.'auteur en attribue l'origine, chez les Esquimaux, à la manœuvre du
fcayac qui entraînerai! des mouvements particuliers de flexion et de rota-
tion du corps. Leur colonne yertébrale présente d'ailleurs une incurvation
particulière qu'on ne rencontre pas chez les Groenlandajs quj ne manœu-
vrenl pas le kayac avec la même aisance. P'autres anomalies méritent
d'être mentionnées: la persistance, jusqu'à un âge avancé, d'une suture
sagitale incomplète. Dansnombredecrânesdesdeuxsexeslasoudureméto-
pique n'esl pas réalisée dans la région de la glabelle. D'autres anomalies
curieuses se rencontrent encore dans la forme, 1rs dimensions et l'usure
drs dents, etc. Un caractère important, signalé déjà par Duclworlh et
Pain, ce. s.ml les traits d'inl'anlilisme qui apparaissent dans diverses
partiel du crâne des Esquimaux. L'auteura résumé dans diverses tables
les variations, individuelles que présentent les trois branches principales
des Esquimaux : orientale, centrale et occidentale. Les indices
permettent de déterminer les affinités ethniques de ces tribus. D'une
manière générale, les différences qu'elles présentent entre elles trouve-
raient leur explication dans les variations de L'influence du milieu, bien
que ces variations soient très graduées d'un groupe à l'autre, et que le
type physique, aussi bien que la civilisation et le langage, aient été
dominés partout par les mêmes traits essentiels. Nous ne pouvons pour
toutes ces questions, que renvoyer le lecteur au Mémoire de Ilawkes. Il
y trouvera des indications nombreuses sur tous ces points, ainsi que
l'expnsé des hypothèses, invoquées par l'auteur, pour expliquer les
causes déterminantes de toutes ces variations, physiques. Huit planches
représentent les formes du crâne et de la mandibule.
J. Nippgex.
Spfx* (Franck fi.). Remains oî the Machapunga Indians of North Carolina. (Vestiges
desindiens Macb%funga de la Caroline du Nord). American AnthrepohgM. Vol 18.
1 Vvril-Jiim 1<)1(>, [»[>. '271 — 276.
Dans l'île de Koanoke et dans quelques unes des îles sablonneuses
voisines, de. rgême que dans les comtés de Dare cl de Hyde, sur la côte
de la Caroline du nord, on rencontre un certain nombre de métis qui
,i les descendants des tribus indiennes locales. D'après Les renseigne-
ments rapportés par l'expédition de Ralcigh, la région située entre
Albermarle et le détroit de Palmico lut la patrie des Indiens Secotan. A
588 MOUVEMENT SCIENT FIQUE.
en juger par un vocabulaire que nous a laissé Lawson, en 171 A, ils
auraient — linguistiquement tout au moins, fait partie des Algonquins.
Après l'expulsion des Tus-carora du Nord de la Caroline, les tribus
côtières semblent avoir disparu de la scène de l'histoire et ne sont pas
mentionnées, d'une manière définie, au xix siècle. Des recherches
poursuivies dans leur ancienne patrie ont fait connaître l'existence d'un
petit nombre d'individus, descendants des Indiens qui vinrent autrefois
de la rivière Pungo, près du lac Mattamuskect, dans le comté de Hyde.
Ce sont vraisemblablement les descendants de la tribu des Machapunga
qui ont donné leur nom à la rivière Pungo. L'auteur a pu suivre la
généalogie d'un de leurs représentants. Actuellement, les populations à
peau foncée, qui vivent à Koanoke, à Hatteras et dans les îles voisines,
portent des noms anglais. Elles sont fortement imprégnées de sang noir
et, tout au moins en apparence, se diférencient considérablement du
type indien caractéristique. Aucun des représentants de ce peuple ne
connaît un seul mot de la langue indienne, ni aucune coutume indienne
définie. Us ignorent même le nom de leur tribu. Cependant ils ont
inconsciemment conservé dans leur vie économique moderne quelques
éléments de la civilisation indienne. Ceci s'explique par les conditions
du milieu. L'un de ceux-ci est la pèche. Mais ils la pratiquent d'après les
méthodes ordinaires des populations blanches actuelles. Les Macha-
punga étaient mentionnés en 1713 comme étant d'habiles bateliers.
Les naturels construisent eux-mêmes leurs filets. Les instruments qu'ils
emploient dans ce but ressemblent à ceux en usage chez les populations
blanches et les Indiens de la Côte de l'Atlantique. Ils se livrent à la
chasse et quelques-uns s'occupent d'agriculture. Tout a disparu de leurs
arts industriels primitifs. Il y a peu de temps encore ils confec-
tionnaient des objets de vannerie d'après les techniques des Iroquois et
des Algonkins orientaux. Malheureusement toute trace de cette civili-
sation primitive s'est effacée chez leurs descendants. Seules, quelques
coutumes de chasse semblent avoir survécu. De môme, quelques
vestiges de leur folk-lore trahissent une origine primitive.
Néanmoins, en dépit du peu d'informations qu'il est possible de
recueillir, l'auteur pense pouvoir tirer quelques conclusions.
Les Indiens Machapunga, Pamlico, Chawan et probablement les
Indiens Neuse ont constitué, au point de vue ethnique, une branche du
groupe Powhatan. Leur domaine s'étendait au sud, le long de la cote,
jusqu'aux territoires des Iroquois et des Sioux orientaux, populations
avec Lesquelles dès le début, ils furent en inimitié. Leur faible nombre
numérique esl un l'ail établi par des renseignements historiques.
L'auteur émit pouvoir en in 1ère r «pie les Algonkins de la Caroline ont été.
dans La contrée, des envahisseurs relativemenl récents. Ils formeraient
l.i dernière vague du mouvement général des Ugonkins \i'i^ le sud. I.'
Moi VIMI'\ r SGIENTIFIQ1 r. 58g
long des côtes de l'Atlantique. La migration se sciait poursuivie
postérieurement jusqu'à ce que le mouvement d'expansion se fut, en
quelque sorte, épuisé. Le courant dans la direction du sud del'Atlanti"
que, que montre 1»* groupe de la Caroline, correspond à une tendance
migratrice générale des Ugonkins, tendance que l'auteur a signalé déjà
chez les Micmacs, les Ojibwé el les Naskapi.
J. N.
Akiu.v Matsumdra. Contributions to tho Ethnography of Micronésia (Contribution à
l'Ethnographie de la Micronésie). Journal of the Collège o) 'Science. Impérial Uni-
versity of Tokyo, vol XL, «'7.7, li)18. Tirage à part. 170 pages, 'M\ planches, 72 fig.
dans le texte. Tokyo. 1 y 1 8 .
Dans ce mémoire L'auteur relaie les résultats d'un voyage effectué en
1 9 1 5. à bord du « Kaga Maru », vapeur au service de la marine impé-
riale japonaise. Au cours de cette croisière, l'auteur a visilé les groupes
des îles Mariannes, Garolines et Marshall.
Les populations étudiées sont classées en quatre races : i° les Papous,
a0 les Samoans, 3° les Cbamorros, et 4° les insulaires des îles Marshall.
I. Iles Caroline* orientales. — Pour ces populations vivant au milieu
d'une nature qui, sans grands efforts, leur fournit des ressources
alimentaires abondantes, la parure est une des occupations essentielles.
L'ornementation du corps comprend deux genres : la peinture du corps
et le tatouage. Le premier s'effectue à l'aide d'un pigment (taik) orangé,
préparé à l'aide des racines de Curcuma longa employé tel quel ou dilué
dans de l'huile de noix de coco. Les motifs d'ornementation sont consti-
tués par des bandes, simples ou croisées. Cette coutume est pratiquée,
non seulement en Micronésie, mais dans toutes les îles de la Mer du
Sud. Dans le même but, ils se servent également d'autres colorants :
rouge (argile), blanc (coquilles calcinées, argile), noir (noix de coco
calcinées, manganèse) et jaune (argile). Le pigment jaune, appliqué sur
le corps des défunts, sert à en consoler l'esprit. Deux procédés de
tatouage sont employés par ces populations : i" par incision de la peau
(cicatrice); 2° par injection de pigment laissant une coloration à peu
près indélébile. Le tatouage proprement dites! général parmi ces popu-
lations. Celui du visage constitue, en quelque sorte, un symbole du
rang social el est réservé seulement aux chefs. Les femmes se tatouent
également, sans distinction d'âge. Pour procéder à cette opération, ils
emploient des arêtes de poisson, des éclats d'ossements humains (Ponapé,
Samoa) ou d'oiseaux aquatiques. Comme pigment, ils se servent de noir
de fumée délayé dans l'eau.
Les Micronésiens, sans distinction desexc, portent des boucles suspen-
dues aux diverses parties de l'oreille, le plus fréquemment au lobe. Ces
5yO MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
parures pendent parfoisjusqu'à l'épaule. Elles son! confectionnées èîi noi\
de coco, en coquilles parfois gravées. La coutume de porter des anneaux
suspendus au nez existe également, mais, selon l'auteur, ne serait pas
générale. Parmi d'autres parures, il faut citer les peignes et des guir-
landes de fleurs, ces dernières employées également comme colliers.
Aujourd'hui, seuls quelques natifs des îles de Truck portent des colliers
de fabrication indigène. La plupart se parent de colliers importés, con-
fectionnés en verre ou en perles de Chine. Les colliers indigènes se
composentde disques en coquilles assemblés à l'aide d'un fil en fibre de
noix de coco, ornés parfois d'un pendant en matière dure : écaille où
coquille marine. On rencontre aussi, quoique assez rarement, des col-
liers constitués par des dents de mammifères (chiens ou porcs). Le col-
lier, de dimension assez grande, s'étale sur la poitrine.
Ces populations ont été à tel point « européannisées » qu'elles
portent, en général, des chemises et des pantalons. La matière première
servant à leur confection est constiuée par des fibres de bananiers ou
d'arbres hibiscus. Ces vêtements revêtent parfois les formes les plus
rudimenlaires. C'est le cas pour les insulaires de Truk qui se con-
tentent de prendre une pièce d'étoffe triangulaire et, après y avoir
pratiqué, au milieu, une ouverture pour le passage de la tète, la
laissent pendre par devant et par derrière.
Aujourd'hui, d'ailleurs, la plupart des naturels portent des vêtements
de coton importé, colorés en rouge, en bleu ou en vert foncé. L'art du
tissage est très répandu dans ces îles, où des étoiles, fabriquées avec
des libres de bananiers, sont teintes â l'aide de colorants végétaux. Les
deux sexes portenl des bracelets, mais cette coutume tend a disparaître.
Ce sdnt, en général, des lames d'écaillé, larges de 35 à l\\ millimètres,
enroulées de façon à leur donner la forme requise.
Nourriture. — Elle est végétarienne et constituée surtout par les
fruits de l'arbre à pain ( irtocarpus incisa) et *.\r> palmes de cocotier
(cocos Qucifera). Ces aliments sont soit rôtis, soit cuits au four. La
première de ces préparations mérite une mention. On allume un l'en
dans un lion el on y jette un certain i bre de pierres. Lorsqu'elles
sont rougies â blanc, on place entre elles les fruits de l'arbre à pain,
enveloppés dans des feuilles. Pour la cuisson au four, qui est plus
compliquée, ies naturels procedenl ainsi qu'il suit. Un trou de r'.âo
de diamètre el de âo à 5o centimètres de profondeur est creusé dans le
sol, (t., p. pare de pierres. Le feu est allumé. On jette d'autres pierres
sur ies matières en combustion. Elles sont enlevées lorsqu'elles sont
chauffées à blanc. Sur ces plefres on place une couche de 20 centimètres
de feuilles vertus, sur lesquelles sont accumules les fruits. Le tout est
recouvert de feuilles. Un lion avant été percé an sommet, on \ verse de
l'eau. C'est la vapeur dégagée qui provoque la cuisson des fruits. Ce
Moi \ EMENT SCIENTIFIQUE. 5(jl
procédé, commun aux Càrôlines orientales ei aux fies Marshall, se
trouve également très répandu en t'oljnésie éi en Mélanésie.
La nourriture animale eëi constituée par l<s poissons, ies oiseaux
ei autre gibier, mais c'ësl le poisson qui occupe la place la plus
important
Gomme ustensiles de cuisine, on trouve des pilons en corail ou en
pierre, de dimensions variées ; des râcloirs en coquilles ; des couteaux
en bois ou en? coquilles ; des espèces de bols en bois, de grande dimen-
sion. L'eau es! la boisson ordinaire Vu\ îles Marshall, constituées en
grande partie par dès atolls, tes naturels boiveni de l'eau de pluie qu'ils
conservent dans des coquilles de noix de coco. 1 ne boisson dès rafraî-
chissante et très estimée esi fabriquée avec les noix de coco. Ces
populations fumenf le tabac et consomment divers genres de liqueurs,
le Kava en particulier, fabriqué avec des racines du Piper melhys-
ticum,
Habitations et ustensiles de ménage. — Il n'y a pas d'uniformité
dans la construction" des habitations aux Carolines orientales ei aux
îles Marshall. Celle des Insulaires de Truk sont les plus primitives.
Elles sont construites en bois dÏÀrlocarpus, et le toit est recouvert de
feuilles de Coùlococcus carolinensis. L'habi talion, qui se compose
d'une seule pièce, abrite parfois plusieurs familles. Aujourd'hui, à
Truk, les habitants s'éclairent au pétrole et à l'huile qu'ils brûlent
dans des lampes d'importation étrangère. Ils employaient jadis — cl
cette coutume se retrouvé en Polynésie — des lampes en noix de
coco, dans lesquelles ils brûlaient de l'huile du même fruit, les fibres
de ce dernier constituant la mèche.
La préparation des aliments, lorsqu'elle se fait en grand, a lieu hors
de l'habitation, dans une cabane construite sur le môme plan que tes
habitations. 11 faut également mentionner des abris pour les canots,
van! aussi de lieux de réunion pour les jeunes gens. Ces construc-
tions sont souvent communales.
Navigation. — Les canots construits par les insulaires sont de
dimensions variant avec les besoins. Les canots de pêche sont plutôt
de petite dimension, tandis que tes canots de guerre, pouvant contenir
plusieurs douzaines de personnes, sont de construction solide et de
dimensions considérables. Leur formes varient selon le., légions, niais
!<■ plan général de construction est identique. Les parois en son! peints
en rouge, eu noir ou en d'autres couleurs. Ces embarcations sont géné-
ralemenl munies de sortes de plateformes latérales, destinées à leur
assurer une plus grande stabilité. La construction de ces canots exige
un temps liés long, dépassant douze mois pour certains types d'un
travail soigné La proue el la poupe en sont ornés d'ornements sculptés,
appliqués, diversement colorés. Ces ornements sont constitués par des
00)2 MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
oiseaux o stylisés », une espèce probablement apparentée au hoche-
queue javanais. L'auteur pense que ces ornementations constituent des
charmes contre les naufrages. Ces populations de navigateurs ont su
dresser des cartes d'un caractère spécial, mais dont la construction a
été peu étudiée. Ce sont des sortes de treillages faits de pétioles de
palmes de cocotier.
Pèche. — La pèche esl pratiquée à l'aide de filets de formes variées,
de harpons, de lignes munies d'un hameçon en coquille d'huître per-
lière. Ces questions sont rapidement effleurées par l'auteur.
Instruments et armes. — Les instruments en fer sont actuellement
importés. Autrefois la pierre, mais surtout les coquilles étaient
employées. A Palau, on a découvert des haches, ou mieux des ciseaux
en pierre, rappelant nos instruments néolithiques. Des haches, fabri-
quées avec des coquilles sont si blanches et si brillantes, qu'on les
distingue à peine des haches de pierre. Les armes sont constituées par
des lances en bois, à léte d'acier ou d'os, et dont la hampe atteint
2"\qo ; des massues, des frondes, à pierres de la grosseur d'un œuf de
poule, et dont l'emploi prédomine à Yap (Carolines occidentales).
Ornementation. — Les décorations ainsi que les motifs des tatouages
consistent en lignes parallèles ou en modèles géométriques. Jamais on
n'a rencontré de modèles empruntés aux règnes animal ou végétal. Les
sujets géométriques sont constitués (Carolines orientales, Marshall) par
des triangles, des carrés, des losanges et des croix de Saint-André, géné-
ralement employés en séries. Dans les sculptures sur bois, les sujets
sont généralement peints afin de les rendre plus saillants. Los tissus
de jonc, qui sont les meilleures productions artistiques de ces régions,
présentent des modèles brillamment colorés en rouge, en brun, en
noir, etc.
Des productions similaires se rencontrent aux Carolines occidentales.
Tci, cependant, apparaissent en outre des représentations « stylisées »
géométriquement de la figure humaine ou d'oiseaux.
Castration. — Cette opération constitue l'une des coutumes les plus
extraordinaires des Carolines orientales. A Ponapé, on procède à
l'enlèvement du testicule droit lorsque les garçon> oni atteint la iG' ou
la 17e année. L'opération, accomplie secrètement par des vieillards,
exige de grandes précautions pour que les suites n'en soient pas perni-
cieuses, même mortelles.
Les ba us froids sont en usage. Mais en raison du faible nombre
d'eaux courantes, les naturels se baignent volontiers dans des mares
vaseusi
II. Iles Carolines occidentales. — (Palau, Yap et quelques îles plus
petites). Bien qu'il existe, à divers point de vues, des différences
MOI \ I \|| M SI il S ! M l<" l i}0^
ootables entre les naturels dos deux groupes d'îles, leur étude peut
néammoins être réunie sous un même titre.
Ornementation du corps. — Los naturels de «-es îl-s se peignent
également le corps à l'aide d'un pigment jaune ou orangé, tiré du
curcuma, mais cette peinture n'est pas aussi remarquable qu'a Truk.
V \ap ce pigment porte le nom de « reng »,qui signifie « jaune ». Ce
produit est employé non seulement dans un but ornemental; il
préserverait le corps contre les variations de température et, par son
odeur, contre les moustiques. Les femmes de Palau s'en servent
également, dissous dans l'huile de coco. Une autre coutume consiste à
se noircir les dents soit à l'aide d'une pâte, à base de produits de
nature bitûmeusc et ammoniacale, soit à l'aide de sucs végétaux. Le
même résultat est atteint par la mastication de feuilles de bétel.
L'ornementation à l'aide de cicatrices est également en usage dans ce
groupe d'iles. On y trouve aussi le tatouage, bien que cette cou-
tume tombe en désuétude A Vap, cette coutume, permise aux hommes
libres, serait interdite aux esclaves Ce serait donc, en somme, un
procédé de distinction sociale. Les femmes se tatouent également. En
raison des modèles choisis, tout particulièrement des Nr/ol, représen-
tations du requin, l'auteur incline à considérer ces ornements comme
des charmes. La représentation du requin étant commune à une
grande partie des îles océanniennes, peut être il y aurait-il là, d'une
manière générale, un caractère totémique?
La technique du tatouage est à peu près la même que celle rapportée
pour les Carolines orientales. Il faut signaler, en particulier, le
tatouage des organes génitaux chez les femmes. Les natifs de Yap
pratiquent également la déformation du nez par écrasement chez les
nouveaux-nés.
Parure.— Comme ceux du groupe oriental, les naturels du groupe occi-
dental ont recours, en guise d'ornementation, à des mutilations partielles
et au port d'objets attachés au corps, notamment au nez et aux oreilles
(boucles d'oreilles, fleurs insérées dans le lobe percé de l'oreille). La
coutume de porter un anneau au nez est générale, et revêt un caractère
religieux. Les tribus Motu, de la Nouvelle-Guinée, par exemple,
prétendent que -ans cette mutilation elles ne pourraient pas aller au
ciel. On retrouve la même croyance chez les naturels de la baie de
Geelvink (Nouvelle-Guinée hollandaise).
Les hommes de Vap, contrairement aux habitants des Carolines
orientales, laissent pousser- leurs cheveux longs. Les femmes dressent
les leurs comme celles de Truk, par exemple, avec cette différence
que les peignes qu'elles emploient ont les dents plus nombreuses, plus
longues el disposées en éventail.
Le système des clans est rigoureusement observé à Yap où le port
5 « ) r| MOUVEMENT SCIENTIFIQUE.
de parvins a'est pas accordé à tous Le port dos peignes est interdit
aux esclaves sous peine de châtiments sévères, et la dimension de ces
objets varie selon le rang social de celui qui les porte Même observa-
tion pour Je tatouage. Les naturels de Yap portent, comme colliers, des
anneaux en forme de disques, en noix de coco, reliés entre eux par un
anneau en coquille blanche, de même dimension. Les colliers, ainsi
que les boucles d'oreilles, faits de coquilles rouge clair, sont fort
estimés Les femmes de Yap portent une conte faite de l'écorce de
l'arbre hibiscus, qui pend sur la poitrine et le dos, et qui semble
indiquer que celle qui en est parée a atteint l'âge de la puberté. Cette
simple corde, par évolution et amplification ultérieures, semble s'être
transformée en un vêtement complet, analogue aux chemises portées
par les naturels de Truk.
Les naturels des Carolines occidentales ne portent, comme vêtement,
qu'une espèce de ceinture lombaire pour les hommes, et un grossier
jupon pour les femmes, confectionnés en feuilles de bananier ou avec
l'écorce de l'hibiscus, souvent teints en rouge, Les jupons sont fails à
l'aide de tiges â'Eteachris plantaginea découpées en rubans et teintes
en rouge, noir, jaune, bleu, etc.
Les deux sexes portent des bracelets. Il y en a trois espèces: 1' en
coquilles, 2° en coque de noix de coco, 3" en écaille. Des bracelets en
os, portés par les nommes, sont des symboles de distinction sociale.
Ils ne sont portés que par des chefs et d'autres hommes importants.
Noiirritare. — L'arbre à pain ne croît pas si abondamment à Yap et
à Palan que dans les Carolines orientales. Le taro semble être la nour-
riture courante des naturels, que complètent la noix de coco, la
pomme de terre, l'igname, le fruit de l'arbre à pain, les poissons, les
mollusques, les oiseaux. Un végétal appelé vol (Inocarpus edulis),
fournil un fruit comestible, qUi est un élément nutritif important.
L'eau ne l'ail pas défaut aux Carolines orientales, à Palau, en parti-
culier, où on trouve (U-> puits.
Lis aliments sont rôtis, cuits au four ou bouillis. Le jus de la noix
de coco, réduit par cuisson, fournil un sirop appelé mârasis.
Les ustensiles de cuisine sont constitués par des \as(>s en terre,
hémisphériques, de couleur ocrée, >;ms ornementation. I n point à
signaler, c'esl que l'art de la poterie, inconnu aux Carolines orientales,
est pratiqué aux Carolines occidentales. C'est l'une des différences
importantes entre ces deux groupes d'îles. Des Ustensiles en écaille :
plats, cuillères de formes et de dimensions variées, mais présentant
tous une belle forme ovdlè, servent à manger le poisson ou le taro
dans certaines circonstances spéciales.
\ Yap el à Palan, de même que dans tes Carolines orientales, les
naturel- se servent d'alumettes Importées, autrefois ils employaient
moi \ r.Mi \ r S< 11 \ in tQt i ",)•>
la méthode par f'rollenienl. Le silex 6st é-aleineii I en usi-c. LeS
insulaire de des îles l'umenl le tabac .pi'ils COUpCUt et roulent en
lilîes avaùt de l'employer. Ils conservent lé tabac, le silex et les
allumettes dans de petits sacs faits de feuille d.> noix de coco, qui
servent également polir têâ noix de bétel qu'ils chiquent : coutume
très répandue et pratiquée par les deux sexes. L'usagé de ce végétal a
polir conséquences de noircît progressivement les dents. Celte coutume
si inbleèire Vende de certaines parties dé la Mélanésie Iles de r amirauté
Vanelle-Cuinée et Ile- Salnmmi i d'oi'i elle Se -'-rail répandue aux Caro"
lines occidentales.
Habitations, ustensiles de tnênagé. — .v ïap et à Palan les habitations,
en générai, sont plus spacieuses et d'une architecture plu- avancée que
celles des Carolines orieidales. Elles comprennent pltiSÎeUrs types.
A Yap l'habitation se di\ise ainsi : la maison d'habitation proprement
dite, la euisine. la c< maternité », l'habitation réser\ée aux loiiincs au
(•airs de leurs menstrues, la maison de réunion et le hangar à bateaux.
Ce --ni autant de bâtiments séparés, dont le pltls grartd est la maison
de réunion. Les dimensions de la maison d'habitation varient depuis
Celle des petites Imites jusqu'aux grandes habitations propriétés
d'hommes influents. Lu général elles sont construites sur une plale-
i'orme en pierre Stif laquelle se dressent les piliers. Les poutres Sottt
Semblées pat di~> liens en cordé de cocotier. Ce sont des bâtiments
d'une COttâlrUCtion Soignée, C-Ul contrastent avec les habitations
grossière- des Cantines orientales.
Il y a une OU deux maisons de réunion (appelées fe-bdt], par les
indigènes) dans chaque village. Elles s'éiè\ent généralement au bord
de la nier, et sauf leurs di menions plus grandes, leur structure est
analogue à celle des maisons d'habitation. C'est une propriété commu-
nale où se tiennent les assemblées du village. Deux on trois tilles,
portant le nom de Mespil ouMogol, sont attachées à ces bâtiments. Ces
Mespil, qui sont en quelque Sorte des prostituées à l'usagé <\r> jeunes
gens, -ont (es seules femmes qui aient accès à ces maisons Les
habitations de Palan diffèrent un peu de celles qui \iennenl d'être
mentionnées, l n trait caractéristique, dans la vie domestique de cette
île, c'est l'emploi de lampes en terre cuite. On ne les rencontre nulle
part ailleurs en Micronésie. Quelques-unes représentent des figures
humaines.
l. - hangars à bateaux sont construits sur la plage.
trtstrUmerils et armes. — A ¥âp et à Palau, l'instrument principal est
la hachette, de petite taille, à manche recourbé, servant également de
couteau, et que les naturels portent gui l'épaule. Comme armes, ils ont
des tances, des dards, des épées et do poignards en bois de palmier
d'arec. La lance est pointue et barbelée à l'une des extrémités. Les
5^ MOI VICIENT SCIENTIFIQUE.
sabres sont faits en bois très dur et incrustés de nacre. Ils ont égale-
ment des poignards, confectionnés avec des arêtes de poissons main-
tenues dans des tiges de bambous, et sur la poignée desquels est
gravé fréquemment une figure humaine.
Décoration. — Sauf quelques détails, elle ne présente pas de différences
notables avec celle de l'autre groupe des Carolines.
Monnaie. — Tandis qu'aux Carolines orientales ce sont des perles
faites de coquilles de noix de coco ou des bracelets d'écaillé qui
tiennent lieu de monnaie, aux Carolines occidentales existent, par contre,
des formes spéciales de monnaie.
La monnaie de Palau, celle qui est plus estimée et dont le cours est
le plus élevé, est constituée par des perles de verres, de porcelaine,
d'agate, et peut-être de jaspe. Ces perles sont percées et peuvent former
des colliers. Leur valeur varie selon l'espèce de matière dont elles sont
faites. On ignore quand et par qui ce genre de monnaie a été
introduit à Palau. A Yap, ce sont des roues en pierres qui constituent
la monnaie. Ces « pièces », en pierre calcaire jaune pale, sont
percées au centre d'un trou dans lequel les naturels passent un bâton
pour les transporter. De dimensions variables, elles ont ordinairement
un diamètre de 3o à 5o centimètres, qui pour quelques-unes peut
s'élever de om,QO à i'",20. Dans quelques cas rares elles atteignent 3m,5o.
Le calcaire dont elles sont faites se trouve à Palau, mais non pas à Yap.
La fabrication et le transport de ces roues ne se font pas sans de
multiples difficultés. La valeur de la pièce est donc proportionnelle à
sa dimension, laquelle est elle-même, en quelque sorte, « fonction » de
son transport. La finesse de la matière, la beauté de sa couleur, la
régularité de la forme sont également des éléments appréciables de la
valeur de la pièce. Ces pièces, dont la valeur fiduciaire n'est pas fixe,
sont moins employées aujourd'hui. Elles sont remplacées par d'autres
objets de valeur : bijoux, plumes d'ornement, vêtements, grains, sel,
bétail et même par des esclaves. A Yap, des monnaies en coquille sont
également en circulation. Fait intéressant à signaler : lorsque meurt
un indigène de marque, deux pièces de monnaies sont placées sur le
corps. Selon la croyance primitive elles doivent permettre au défunt
d'acheter de la nourriture au cours de son voyage au Ciel. Des colliers
faits de coquilles rouge clair et de fruits de l'arbre hibiscus servent
également de moyens d'échange.
Il semblerait vraisemblable que l'introduction de coutumes euro-
péennes dans le groupe oriental des Carolines el dans les îles Marshall
en eûl modifié les mœurs, alors que les Carolines occidentales sont
restées à un degré de civilisation plus inférieur. Il n'en esl rien, ainsi
que le montrent les faits exposés. L'art de la poterie, inconnu au groupe
orienta] est développé dans le groupe occidental. Au poinl de vue
moi \ imini si un riFiQi i 597
anthropologique les habitants des Garolines orientales sont dolicho-
céphales Il> ont le visage étroil el sonl de stature moyenne. Ceux du
groupe occidental sonl mesocéphales, parfois même brachycéphales.
Ils ont une face large el leur taille esl plus élevée. En résumé, à de
nombreux points de vue, 1rs insulaires des Garolines présentent de
nombreux traits communs aux autres tribus polynésiennes, mélané-
siennes el malaises. Toutes ces races semblent avoir subi, plus ou moins
Fortement, L'influence du milieu ethnique, variable selon la position
géographique. L'auteur croit pouvoir en conclure que les Micronésiens
sont le produit de mélanges des diverses tribus voisines, mais doivent
aujourd'hui être considérés cumme une race distincte, plutôt, qu'une
branche se rattachant à une autre race.
J. N.
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE
Le XXe Congrès international des America nistes
Le 20 juin 1920 s'ouvrira, à Rio-do-Janeiro, la 20e session du Congres inter-
national des Américanistes. Il se sera écoulé cinq années depuis la précédente
session, qui s'est tenue, en 1915, à Washington. Il faut espérer que le Congrès
va pouvoir reprendre sa marche normale et qu'il lui sera possible de siéger
alternativement dans l'Ancien et le Nouveau Monde, selon le vœu qui avait
été inscrit à l'article 2 des statuts votés à Paris, en 1900.
Quoi qu'il en soit, la 20e session ne peut manquer d'offrir un très grand
intérêt en raison des multiples problèmes qui se rattachent au passé et au
présent du Brésil. Combien d'archéologues, d'anthropologistes, d'ethno-
graphes, de linguistes, seraient heureux de pouvoir se rendre à Rio-dc-Janciro,
prendre part aux excursions que les organisateurs préparent, sans aucun
doute, à l'intérieur du pays et étudier sur place une foule de questions pour
la solution desquelles le concours de compétences variées est indispensable.
Il est à craindre, malheureusement, que les conditions économiques engen-
drées par la guerre n'empêchent beaucoup de savants européens de satisfaire
leur désir et d'aller se documenter de visu. Le voyage coûtera fort cher, car,
si l'on doit ajouter foi à des renseignements qui me paraissent émaner de
bonne source, il faut évaluer la dépense à 10.000 francs au moins.
Si la somme est un peu élevée pour de simples particuliers que la science
n'a pas enrichis, on pouvait espérer que les Gouvernements des nations civi-
lisées s'imposeraient un petit sacrifice pour permetre à quelques spécialistes
de représenter dignement leur pays au-delà de l'Atlantique. J'ignore ce qui
sera décidé, à cet égard, en dehors de nos frontières, mais ce que je sais, c'est
qu'en France il ne faut compter sur aucune aide de l'État. Le Ministre de
l'Instruction publique, en effet, a écrit au Directeur du Muséum national
d'Histoire naturelle pour lui demander de lui faire connaître les noms des
Professeurs de cet établissement qui seraient disposés à représenter son
Département à la réunion de Rio-de-Janeiro. Le Grand Maître des Universités
françaises ajoute qu'aucune indemnité de voyage ou de séjour ne pourra être
allouée.
Certes, malgré la victoire qu'elle doit à l'héroïsme de ses soldats et au con-
cours de ses alliés, la France a de lourdes charges à l'heure actuelle et de
nombreuses ruines à réparer d'urgence; mais à qui viendrait l'idée de taxer
de dépense somptuaire l'octroi de quelques billets de banque à des savants
qui iraient prouver au monde que si notre pays est toujours épris de justice
et d'humanité, il ne l'csl pas moins de science et de lumière?
Qu'on n'aille pas supposer un seul instant que je lasse un plaidoyer pro
domo. Avec ou sans subvention, je suis, m mon 1res vit regret, dans l'impos-
sibilité de nie rendre ;iu Rrésil au mois de juin 192(1. .le n'en suis que plus ,
\nr\ ii i ES ET CORRESPONDAN OQQ
l'aise pour déplorer la décision ministérielle. Je persiste à croire qu'il est des
dépenses moins utiles, sur lesquelles on eul pu prélever quelque argent pour
maintenir à l'étranger le bon renom scientifique de la France qui, dans Les
précédents Congrès internationaux d'Américanistes, a toujours tenu un rang
des plus honorables. J'ose espérer, toutefois, que le Ministre de l'Instruction
publique trouvera des savants qualifiés, assez désintéressés pour accepter
L'honneur de représenter son Département aux prochaines assises de Rio-dc-
Janeiro dans les conditions qu'il a spécifiées. L'abstention officielle de notre
pa>s ne manquerait pas, en effet, d'être commentée d'une façon lâcheuse
pour notre amour-propre national: et, s'il Importe de songer au relèvement
rapide de notre situation économique, il importe également de prouver au
monde que nous entendons persister dans nos vieilles traditions scientifiques,
qui ont tant contribué à nous mériter L'estime des peuples avides de progrès.
A nos amis du Brésil, j'adresse de bien sincères félicitations. Ils n'ont pas
cru que les événements qui oi>t endeuillé L'Humanité durant de longs mois
dussent arrêter sa marche en avant. Malgré les difficultés de l'heure présente,
ils n'ont pas hésité à convier les savants à se remettre sans tarder à l'étude.
Je forme des vieux pour qu'un plein succès couronne leurs efforts et que le
Congrès de Ilio-de-Janeiro imprime un nouvel essor aux études ainéricanislcs.
R. Y.
Congrès de « Rhodania », à Pertuis.
Nous recevons de M. Ch . Cotte le petit article suivant que nous nous faisons nti
plaisir d'insérer.
Le premier Congrès de Rhodania, association des préhistoriens et archéo-
logues classiques du bassin du Rhône, s'est tenu à Pertuis du 5 au 6 septembre ;
le G a eu lieu la visite d'Aix. L'abondance des communications a contraint à
diviser le Congrès en deux sections ; celle d'archéologie préhistorique inté-
resse plus spécialement nos lecteurs.
M. Ambavrac a étudié les terrasses du Var.
M. La/ahd a recueilli une belle industrie nions té rienne, à pièces très fortement
patinées, dans les stations néolithiques, à silex non palinés, à la limite des
champs cultivés et des coteaux formant la bordure sur des monts de Vaucluse
(Gargas, Roussillon, Saint-Pantaléon, etc.; spécialement station de Tricassat
entre le Villars et les Jean-Jean) ;
M. Albekt a présenté de pseudo perles préhistoriques provenant de la carrière
de Manfières, près d'Amiens, qui ont été, pour la majeure partie, des fossiles,
dont certains ont pu être utilisés.
M le I)r Maiuonan fait connaître une station à faciès préchelléen trouvée
près de Draguignan, au bois de ïiganières, présentant des analogies avec les
industries notées dans les vallées du Lanzon, du Largue, de la Basse-
Vidourle, etc. Les coups de poing grossiers la caractérisent.
M M'iihknc a exposé une très belle industrie d'une station de la vallée du
Calavon H'usaïoles, perles, coquilles marines, etc ).
M. Lazard, dans les vitrines voisines, avait quelques cartons de pointes de
flèches et d'outils des riches stations des Claparedes, sur lesquelles il a fait
une communication.
6oo NOUVELLES ET CORRESPONDANCE
M. Mistral avait envoyé des silex de diverses stations, spécialement de
Aiens (quartiers des Fournas, de l'Ovun, de l'Arconade, des Vennes, des
Barraques :
M Souvestre montrait le résultat de fouilles dans les grottes d'Eygalieres
(vase caréné à col très haut, présentant des analogies avec le type caliciformc,
mais à décor différent).
M. Col présentait une belle série de percoirs.
M. G. Cotte, les principaux objets de la Caverne de VAdaouste (palette polie;
anse asciforme; poterie peinte: ivoire; obsidienne; silex du Grand-Prcssigny ;
sagaies; retouchoirs; blé; etc.).
M. de Géhin-Ricard a étudié les gisements énéolithiqnes da Pays du sel (envi-
rons de Rognac) ; il suffit de rappeler l'anse multiforée et la hache bombée,
en cuivre, qu'a fournies la station de Ganourgue, pour en montrer l'intérêt.
M. Carias, au sujet d'un Maillet en serpentine de Murs, a indiqué la décou-
verte, à quelques kilomètres, des gisements du calcaire rosé qui servit à faire
la majeure partie des maillets de ce célèbre atelier.
M. le Dr Jacqukme a fait L'historique de la station des Vachons, où des
sépultures néolithiques coexistaient avec le seul atelier de haches connu en
Provence.
M. Plat constate que, près d'Orprerie, les gisements préhistoriques n'ont
été conservés que sur les mamelons rougeâtres respectés par 1 érosion.
M. Chiris étudie une trépanation préhistorique provenant du tumulus de la
Colette d'Escragnoles. Le pariétal a été creusé du côté du cerveau, donc après
fracture ou désarticulation du crâne.
M. Lazard présentait une épée en bronze et des pointes de flèches en bronze
de la région de Buoux.
M. Piiilippot avait adressé uneportiou de coupe, en terre grise, à ornements
excisés, découverte par lui sur les flancs d'un tumulus (?) de Sérignan.
Des fouilles de M. Arago, à Ruscino (milieu gallo-romain) provenait un
curieux andouiller de cerf, orné de points et de lignes en creux, ayant à sa
base une cavité fermée par un petit couvercle retenu par une feuillure (vase
à parfum ?) que M. le Dr Guélhard doit étudier prochainement.
M. Ch. Cotte a rappelé les principales découvertes faites dans la région de
Pertuis (grande hache polie non loin d'un menhir, vases grecs protocorin-
lliiens dans des tumulus hallstattiens, etc.).
M. deGérin-Ricard a montré des fragments de vitrification, avec empreintes
ligueuses, d'un oppidum du Muy, et signalé en dessous un atelier de meules
antiques en porphyre.
M Col a présenté des objets provenant de ses fouilles sur la montagne des
Frais-Châteaux, à Pont-cn-Royans;
M Ambatrac donne à la société une hache en météorite, que portait sur
lui un chef nègre congolais.
M. \ . Cotte fait une révision de nos connaissances *ur V Agriculture néoli-
thique en Proven
M Caiklan étudie les Origines de la Syrie; M. Bbrtbahd, une pierre musicale.
M Mùlleb entretient la réunion de la fabrication des haches en roches dures
et présente des pièces à l'appui. Le même montre ensuite l'importance du
NOUVEL) ES ET CORRESPONDANCE. 6oi
commerce préhistorique dans lo ba&sin du Rhône (obsidienne, Ci rand- Pressi-
on), silex Eonés, etc.).
Une motion élogieuse est votée à M. le Professeur J. Cotte pour sa note sur
les Méthodes d'analyses de résidus organiques préhistoriques.
Tel est le résumé bien suceinct des travaux d'une section du 1er Congrès de
Uhodama. Fin août 1920, se réunira à (irenoblc le 21" Congrès. M Millier est
président de l'Association, M. Cotte, secrétaire général.
Accroissement des collections du Musée d Ethnographie.
Depuis la cessation des hostilités, les dons au Musée d'Ethnographie, com-
plètement suspendus pendant la guerre, affluent de nouveau; je me bornerai
à mentionner quelques-uns des plus importants.
Le Pr< sident de la République et M[n° R. Poincaré ont offert une série de
vêtements, d'objets de parure et des armes de grands personnages abyssins;
toutes ces pièces sont d'une très grande richesse. Un pantalon de velours vert,
orné en bas de perles de verre et de métal aurait appart nu à la reine (?)
(peut-être la fameuse impératrice Taïtou), de même qu'une couronne dorée
surmontée d'une croix, avec pendentifs en argent
Un costume complet de grand chef comprend un pantalon de velours
violet, sans ornements; un manteau en forme de chasuble, également en
velours violet, doublé de soie, brodé d'argent et portant, en guise de col, une
épaisse crinière de lion; une toque en velours violet ornée de métal doré;
enfin, un diadème, fait d'une crinière de lion, d'où pendent, de chaque côté,
des rubans de soie rouge, jaune et verte. Seuls, les chefs d'un rang élevé ont
le privilège de se ceindre le front de la crinière de lion.
C'est sans doute au môme chef qu'ont appartenu un sabre dont le fourreau,
recouvert de velours violet, est agrémenté de métal doré, et un merveilleux
bouclier ornementé de la même façon que le fourreau, mais avec une profu-
sion de métal qui forme un décor fort artistique.
En dehors du brassard finement gravé, orné de pierreries et des bracelets
en or avec pendentifs en argent, dont le Musée possédait déjà des jpccimf ns, il
existe dans la collection un objet de parure des plus curieux : c'est une longue
et épaisse barre d'argent massif, toute droite, surmontée de motifs en
argent, et d'où pendent de longues ch.iînettes qui tombent devant la figure,
car malgré sa forme rectiligne, cet ornement se porte sur le front. Deux
courroies en cuir servent à le fixer sur la tète.
Au Baron Doujat d Empeaux. le Musée est redevable d'une importante
collection archéologique recueillie en Mauritanie, dans le Hodh Elle se com-
pose d'un vase globulaire en terre, dont l'argile a été poussée dans une
vannerie fc'est le premier vase ancien des régions sahariennes qui nous par-
vienne entier; et de 254 instruments et objets de parure en pierre, qui com-
prennent des pièces d'un haut intérêt J'ai présenté à l'Institut français
d'Anthropologie les plus curieuses de ces pièces qui ont vivement appelé
l'attention. Comme je me propose de décrire cette collection dans un prochain
numéro de L'Anthropologie, je me borne à la mentionner ici sans entrer dans
des détails.
l'a.nthropologik. — t. xxix. — 1918-1919. 39
602 NOUVELLES ET CORRESPONDANCE.
M. Waterlot. durant son séjour au Dahomey, a estampé les bas-reliefs des
palais des rois II en a tiré des épreuves qu'il achève de patiner. En dehors
d'importantes séries d'objets vulgaires, d'objets rituels et de sculptures, nous
possédions les pertes du palais, que nous devions au Général Dodds, de même
que le trône de Behanzin et celui de son père Glé-Glé, et les statues allégo-
riques des trois derniers rois. Les bas-reliefs de M. Waterlot compléteront cet
ensemble de la façon la plus heureuse.
Le Musée de l'Armée, qui avait besoin de place pour installer un Musée de
la dernière guerre, nous a offert toute la collection de mannequins, avec
leurs costumes et leurs armes, que le regretté Colonel Leclerc avait constituée
avec tant de soin et de conscience pour donner une idée de l'armement dans
les divers pays du globe.
Une généreuse anonyme a fait don de nombreux objets provenant de l'Ancien
et du Nouveau Monde.
Mr. Edgar L. Hewet a expédié, a l'adresse du Musée d'Ethnographie du
Trocadéro, 100 vases anciens de l'Arizona. qui arriveront prochainement. La
céramique précolombienne de cette région nous faisait absolument défaut.
If. Auguste Génin, qui n'en est pas à son premier don, offre toute sa collec-
tion ethnographique du Mexique, qui compte un millier de pièces, dont la
plupart sont antérieures à la conquête Connaissant l'état lamentable de
notre budget, il pousse la générosité jusqu'à prendre à sa charge les frais
qu'occasionnera la confection des vitrines qui recevront sa collection.
Je pourrais mentionner beaucoup d'objets isolés, tels qu'un grand vase en
basalte de Taïti, un vase en terre décoré au champlevé, trouvé auprès d'un des
palais d'Lxmal, etc.
Ce ne sont pas les richesses qui manquent au Musée d'Ethnographie, qui
s'est ouvert en 1880 avec 6.000 objets et qui en compte aujourd'hui plus de
100 000; ce qui lui fait défaut, c'est la place, le personnel et les ressources
financières. Le lecteur qui voudra bien parcourir l'article que je consacre dans
ce fascicule à notre établissement national verra à quel point il est délaissé
par les pouvoirs publics.
R. V.
Une momie d'Ànthropopithèque
Un marchand d'antiquités de Tokio. se disant appartenir h une famille
d'archéologues, a adressé à « Son Excellence, le Directeur général du Musée
du Louvre » qui me les a transmises, quatre grandes photographies d'une
momie qui a vivement excité l'attention des professeurs de la Faculté de
Médecine de la capitale du Japon. Cette momie provient d'un temple boud-
dhique et daterait, suivant un des savants professeurs, de 1.000 à 3.000 ans.
Selon un autre professeur, l'animal momifié serait un Pithécanthrope Sur
ce- deux points, le marchand d'antiquités serait heureux d'avoir l'avis de nos
savants et. pour s'éclairer lui-même, il fait appel aux a lumières de la grande
I tance. » Win de permettre aux spécialistes de se prononcer, il a joint aux
photographies le> inen>urali«»n> de sa momie
D<- I examen des photographie- et de* mesures, il résulte nettement que les
proportions de l'animal ne sont ni humaines, ni anthropoïdes. Le pied est
mm nii m» i:r correspondance. 6o3
humain, La main est simienne. Mais ce qui est plus extraordinaire encore,
c'est que les canines sont des canines de carnassier. Do ces caractères contra-
dictoires, on ne pcul s'empocher de conclure qu'on se trouve en présence
d'une pièce traquée. Telle a été l'opinion unanime des membres de L'Institut
français d'anthropologie à qui j'ai présenté Les épreuves photographiques.
Étant donné que la momie provient d'une pagode, M. Dussaud se demande
s'il ne s'agit pas d'un truquage pratiqué dans un but rituel.
Eu tout cas, l'espoir (pic nous avion* de connaître enfin les traits de
l'ancêtre de l'Humanité s'est évanoui. Il nous faut attendre des documents
plus sérieux.
II. V.
Hérodote et la source du Danube.
Hérodote (liv. II, ch. 33) écrit que l'Mer ou Danube prend sa source dans
le pays des Celtes, auprès de la ville de Pyrène et traverse l'Europe par le
milieu. « Certains, dit M. Piroutct (1), veulent voir là une double erreur, le
nom d'une chaîne de montagnes pris pour celui d'une ville et, consécutive-
ment, une indication erronée de H situation des sources du Danube, que le
Père de l'Histoire ferait ainsi naî're dans les Pyrénées ».
Aristotc, qui puise dans les auteurs antérieurs, écrit : « de Pyrène (Pyrène
est une montagne située au couchant cquinoxial dans la Celtique), coulent
lister et le Tartessos (2) ».
De son côté, M, G. de Mortillct (dans son livre « Formation de ia nation
française, chap. vu), écrit : « Dans la seconde moitié du vc siècle avant notre
ère, Hérodote, mort en 406, parle aussi deux fois des Celtes. Mais les erreurs
géographiques grossières dont il entoure la citation de ce nom, montrent
bien que le Père de l'histoire ne connaissait ni le Sud de l'Afrique, ni l'Eu-
rope occidentale » Il n'est pas possible de parler plus superficiellement ; à en
croire M. G. de Moitillct, Hérodote mériterait plutôt le nom de Père du men-
songe historique !
Avec raison M. Piroutct (s'insurge contre cette insulte gratuite faite à Hé-
rodote, Au ve siècle, les montagnes des Pyrénées étaient parfaitement connues
des Grecs. A plus forte raison, au siècle suivant, au temps d'Aristotc. Aussi
ce dernier n'ose plus parler d'une ville de Pyrèuc, et c'est lui qui le premier
commet la confusion grossière entre les montagnes des Pyrénées et la ville
de Pyrène citée par Hérodo'e, Naïvement il place les sources de lister dans
es montagnes des Pyrénées et il croit avoir ainsi corrigé le Père de l'histoire.
Comme le remarque judicieusement M. Piroulet, Hérodote n'a pas dû se
tromper. Une ville du nom de Pyrène a pu exister dans la région des sources
du Danube, et après avoir existé clic a pu disparaître, comme bien d'autres
localités ou colonies.
En tout cas, sur les trois données fournies par Hérodote relativement à
J'bler, deux sont absolument exacte» : Pister prend sa source dans le pays
des Celtes, — et on p^ut ajouter au beau milieu ; en second lieu, il traverse
l'Europe par le milieu ; pas nécessaire pour cela qu'il commence aux Pyrc-
(1) Contribution à L'étude des Celtes L'Anlhrof>o/of/ie, XXIX, n3 3-4.
(2) Aristote, Météorologie, I, ch. XII.
6o/| NOUVELLES ET CORRESPONDANCE,
nées. Donc il y a toute probabilité que la troisième donnée soit également
exacte.
C'est au vie siècle avant J.-G , d'après l'opinion généralement admise, que
lea Celles ont fait irrupiion sur le sol français, et ce n est que peu à peu
qu'ils en ont compénétré les parties plus éloignées. Le pays des Pyrénées
était toujours le pays des Ligures, des Ibères, des Basques et ce n'est que
plus tard qu'il est question des Celtibères. Par conséquent Hérodote ne son-
geait nullement aux Pyrén-es, quand il plaçait Pyrènc dans le pays des
Celtes, et cette colonie ou agglomération celtique doit être cherchée ailleurs,
en plein pays des Celtes, ce qui nous amène justement au milieu de l'Europe
du côté des sources du Danube.
Il ne suffît donc pas de compiler tous les auteurs grecs ou autres qui ont
pu citer l'Ister et le nom de la ville ou des montagnes de Pyrène, il faut tout
d abord rechercher ce nom dans le terroir même ou il a du naitre.
Hérodote en rst au Danube : il le désigne par son premier nom, le p'us
ancien. l'Ister, qui se rapporte au cours inférieur du fleuve, seul connu des
anciens Grecs. On ne connaissait donc guère ou vaguement le cours supé-
rieur. Mais Hérodote n est pas historien et géographe pour rien, il veut en
savoir un peu plus : il s'informe, auprès de qui ? Inévitablement auprès d'un
indigène en relation avec les Grecs, ou plutôt auprès de quelque Grec voya-
geur et commerçant qui lui cite les noms tels qu'il les a entendus, C est donc
le pays lui-même qu'il faut consulter.
Or en remontant vers les sources du Danube, nous rencontrons une loca-
lité, qui nest pis importante au point de vue moderne, comme d'autres
petites villes de la région, mais qui est importante au seul point de vue qui
nous intéresse, l'antiquité. C'est Beuron, prononcez Béurenn ou Beurènc à
la française (la dernière syllabe étant brève) célèbre par son abbaye des
Augustins et par son antique pèlerinage très fréquenté. Or on sait que les
vieux sanctuaires de pèlerinage ont très souvent remplacé d'anciens sanc-
tuaires païens, et en ce cas Beuron aurait certainement joui d'une grande
notoriété dans le pays des sources du Danube.
Mais il y a plus; Beuron se trouve pas loin de l'embouchure d'une petite
rivière appelée Bâra, qui traverse la vallée du Bàrenthal et on peut se de-
mander si Ben on (Béuréun) ne vient pas de Baren, ours Instinctivement on
pense à l'Ours des cavernes et à ses congénères successifs . en tout cas ce nom
caractéristique de vallée des ours sent rudement la plus haute antiquité, et
s'il y avait un sanctuaire païen, rien d'étonnant, p ucc qu'on cherchait pro-
tection contre le» terribles fauves.
Bàrén, Beuron. Biïron, prononcez Biirenn, c'est bien le Pyrcnn (Pyrène à
la française; d'Hérodote, le P au lieu de B ne jouant aucun rôle Encore au-
jourd'hui, si aux indigènes de l'Alsace ou de la Souabc vous p iriez de poche,
ils comprendront boche ou vice-versa, comme a pu le constater un de nos
poilus la semaine dernière à Mulhouse.
La chose devient encore bie.i plus claire et compréhensible, si au lieu de
l'allemand moderne Bàr.Bâren, marqué sur les cartes géographiquesactuelles,
nou^ adoptons la prononciation en usage dans L'antiquité et encore en usage
de DOS Jours dans le patois allemand de Sicrek-Luxembourg, Bir, pluriel
Btren. Le village de Beuron (Beurenn) se trouvant sur le Danube à côté du
NOUVELLES ET CORRESPONDANCE. 6o5
Biren-Ahal. la relation entre les deux saule aux yeux. Quoiqu'il en soil, ce
qui caractérisait la contrée au temps d'Hérodole et lui donnait son nom,
e'élait la présence des ours, (tes Btren (prononcez Blrenn) et c'est évidemment
cette expression qui a dû frapper le plus dans la désignation du pays des
sources du Danube. Hérodote pouvait-il faire mieux que marquer ces sources
situées près d'une colonie, d'une localité appelée Bireun, ou Pircun.ou Pyrène
à la française? le mot ville étant impropre et exagéré.
Sans doute Beuron et le Biirenthal sont assez loin des sources du Danube :
mais y eut-il 100 kilomètres qu'est-ce que cela pour le v* siècle avant J.-G. et
vis-à-vis d'un fleuve qui a 2. 800 kilomètres de parcours. On ne saurai I
demander »à Hérodote l'exactitude exigie d'un géographe moderne, à savoir
que leDinube prend sa source à 1.000 mètres d'altitude sur le versant oriental
delà Forêt noire pir deux rivières, la Breg etja Brigach, qui se réunissent
en desssous de Donaueschingen. La première mention de cette ville date de
889, où l'empereur Arnoulf en fit don à l'abbaye de Ileichenau. D'où l'on
peut déduire que cette ville ne remonte pas à une si haute antiquité, étant
située dans une plaine marécageuse, qui n'était cîrtainemcnl pas habitée1, ni
même habitable par les Celtes du ve siècle avant notre ère
Le pays de Pyrène ou Birënn mentionné par Hérodote devait donc se
trouver plus en aval, à l'abri des inondations plus fréquentes à celte époque ;
c'est le cas pour les pentes du Baren'hal ou Birenthal et des hauteurs de
Beuron, dont les habitants, ayant à lutter constamment contre les fauves,
appelèrent leur pays « pays des ours », ce qui constitue le meilleur certificat
de haute amiquité.
Pour finir et donner un caractère plus complet à cette petite discussion,
rappelons que déjà avant Hérodote il était question de l'Ister. Les Argonautes
instruits par Argos « firent voile vers le fleuve Istcr, dont les sources mur-
murent au loin dans les montagnes Rhipéennes »... Revenant de leur expé-
dition et devancés par les Colchidiens, ils débarquent à la hâte dans une ile
du fleuve...
Ailleurs, au troisième des dix travaux d'Hercule, il est dit que ce héros,
poursuivant pendant toute une année la biche Cérgnitis, qu'il devait prendre
vivante, arriva jusque dans le pays des Hypcrboréens et aux sources de
l'Ister.
Ce sont là des légendes contenant un fonds de vérité, que les Rhapsodes se
transmettaient les uns aux autres et qui finirent par être écrites Les faits
légendaires remontent au xuie siècle avant notre ère et môme au-delà, mais
leur rédaction n: doit pas dépasser le temps d Homère, vm-ixe siècle.
On voit par là que I Ister, fleuve énorme devant lequel les rivières de la
Grèce n étaient que des pygmées, avait vivement frappé les imaginations
helléniques. Les sources se perdaient dans 1 inconnu hyperboréen. dans les
montagnes Rhipéennes. sous lequel nom on se représentait les montagnes
les plus septentrionales. En tout cas, il n'est question nulle part des Pyré-
nées et il faut supposer qu Hérode. mieux informé que les vieux rhapsodes,
était au moins aussi intelligent qu'eux. On a ainsi la certitude qu il n a pas
commis les erreurs qu'on lui attribue.
J. P. SCHERRER.
Lauréat de l'Académie de Metz.
TABLE DES MATIERES
DU TOME VINGT-NEUVIÈME DE L'ANTHROPOLOGIE
MEMOIRES ORIGINAUX
Pages,
Breuil (Abbé H.). — Les peintures rupestres de la Péninsule Ibérique. i
IX. La vallée peinte des Batuecas (Salamanca) i
X. Roches peintes de Garcibuey (Salamanca) . •. 25
— L'âge du bronze dans le bassin de Paris. — VI. Ornements de corps,
accessoires de vêtement, d'équipement et de harnachement du bassin
de la Somme 25i
Constantin (Cl André). — Contribution à l'étude des corrélations phy-
siques et psycho sociologiques de la cii conférence céphalique . . . 2iï5
Hikschfeld (Dr L.) et Hirschfeld (Mn,e H.). — Essai d'application des
méthodes sérologiques au problème des races 5o5
Huck(D' Maurice). — Contribution à l'étude anthropologique des popu-
lations des rives du Rhin. Recherches sur l'indice céphalique, la taille
et la couleur des cheveux 4^9
Kou.ma.ris (Dr H. Jean G.). — Sur quelques variations des os des crânes
grecs auciens 3o
Neuville (H ). De l'extinction du Mammouth io,3
Paksons (Dr E.-G.). — Vitance 289
Piroutet (Maurice). — Contribution à l'étude des Celtes .... 21 3, 4^3
Poupon (A.). — Étude ethnographique de la tribu Kouyou. — I. Sociétés
secrètes 53, 297
Prouteaux (M.). — Sur certains rites magico-religieux de la Haute-Côte
d'Ivoire. Les Gbons 37
— Une éclipse de lune chez les Dioulas de Bondoukou 337
— Un enterrement chez les Koulangos de Bouna 341
Vayson (André). — Faucille préhistorique de Soifériuo. Etude compa-
rative • 393
LISTE DES FIGURES, CARTES ET PLANCHES
1
FIGURES DANS LE TEXTE
Pages.
i. Rocher peint de Los Cabras Pintadas, vallée des Batuecas
(Salamanca) , , 3
2. Bouquetins peints en brun foncé sur la roche « Las Cabras
Pintadas »... 4
3. Bouquetins en rouge brun de « Las Cabras Piniadas »... 5
4. Bouquetins et autres animaux peints en brun foncé à « Las
Cabras Pintadas » 5
5. Bouquetins peints en rouge vif sur la roche « Las Cabras
Pintadas » (î
6. Bonquetin noir superposé à d'autres blancs qui oblitèrent
des barres en rouge vif. En bas, un Canidé. « Las Cabras
Pintadas » j
7. Poissons peints en blanc de « Las Cabras Pintadas » super-
posés à un signe rouge vif 8
8. Cerfs et personnages humains peints en blanc, superposés à
des signes rouges, et cerf en rouge vif. « Las Cabras Pin-
tadas » Q
9 i4. Divers animaux en brun et en rouge des Canchales de la
Pizarra et de Mahoma 10
i5. Animal peint eu rouge au Canchal de la Pizarra 12
16. Figure humaine schématique du Canchal del Cristo .... 12
17-22. D.vers panneaux de signes de la vallée des Batuecas .... 12
23, Figures noires, oblitérées par des signes rouges, d'une des
grottes de Zarzalon j%
24. Panneau de barres alignées. Majada de Las Torres i3
25-27. Signes peints en rouge du Canchal de Mahoma (deux groupes
de ces signes sont superposés à des traits jaunes). ... 14
28. Panneau principal de la Cueva del Cristo 21
29-31. Divers panneaux de signes rouges de la Cueva del Cristo . . 22
32-44. Groupes des signes et ponctuations du Canchal de Mahoma
et de la Pizarra 23
45-53. Panneaux de signes rouges de La Majada de las Torres, du
Risco del Ciervo et del Aguila 23
54-6^. Panneaux de signes rouges vifs des Canchales de la Villita . 24
65-67. Barres rouges et arceau à contours ponctués de blanc d'un
Canchal de la Villita et de la grotte de Garcibuey .... 26
68. Figures et signes peints de la grotte de Garcibuey 26
69. Type de Kouyou 5^
608 LISTE DES FIGURES, CARTES ET PLANCHES
Pages.
70. Les sept tams-tams dans les Fêtes de la Panthère 63
71. Coiffure des danseuses pour le tsengui ou danse de la Pan-
thère 85
72. Portrait de Joseph Deniker i54
73. Coupe dans la peau d'une jambe antérieure d'Éléphant de
l'Inde , . 2o3
74. Objets de l'âge du bronze provenant de la cachette de Yillers-
sur-Authie 2^2
70-79. Torque de bronze, anneaux et cylindres de la cachette de Vil-
lers-sur-Authie 253
80-84. Epingles et'poignards de la cachette de Villers-sur-Authie . 255
85-90. Bracelets circulaires du Villers-sur-Authie 257
91-97. Bracelets divers de Villers-sur-Authie 2.59
98. Places occupées par les quatre classes de personnages
Kouyous dans la cérémonie du djo ou serpent 298
99. Les écuyers vont se placer en un coin au début de la cérémonie
du serpent 3oi
100. L'éouya tourne 3o3
toi. L'éouya se repose • 3o3
Ç 102. Ebotita et Djokou 3o5
io3. Couteau du danseur du djo 3oG
io4. Le danseur du djo 307
io5. Le pengué du djo , 3o8
106. Ebougo, statuette symbolisant le djo ou serpent 309
107. Balai, insigne des initiés à la société des ottotés 3i6
108. Rondes des femmes Kouyou tenant des houes à la main. . . 328
109. Ambre de parenté de Mohoko 333
110-114. Coupes, place et perspective d'une tombe chez les Koulangos
de Bouna 343
ii5. Coupe géologique montrant des dépôts d'origine vraisembla-
blement glaciaire dans l'Atlas marocain 388
116. Hache de cuivre, poignard de bronze et perles en stéalite de
la tourbière de Barche di Solférino 3g4
117, Reconstitution d'une faucille préhistorique de Solférino. . . 3g5
118,119. Ajustage en biseau des pièces de faucille et schéma de ces
pièces 398
120-127. Caractères schématiques de la lame de couteau, de la scie,
de la faucille dentée et de la râpe actuelle comparés à ceux
des instruments similaires en silex 399
128,129. Faucille de la Polad.i (fuce et profil) t\oi
i3o. Instruments en pierre d'une station lacustre de la région sud
du lac de Garde ^o3
i3i, i32. Silex de stations lacustres de la Suisse sertis dans des
manches de bois 4o6
i33. Dents serties dans un manche en bois. Station du lac de
Bienne /107
i34.i35. Faucilles égyptiennes de la XIIe et de la XVII» dynastie . . . 408
LISTE 1>KS FIGURES, CARTES ET PLANCHES 609
Pages .
i3(>. Signe égyptien représentant une faucille (III* dynastie) . . . 409
137. Reconstitution d'uue faucille de l'âge du cuivre en Espagne . /jii
i38. Couteau de bois avec silex sertis dans une rainure, de la
Cueva de Los Murcéélagos (Andalousie) l\ii
i3y- 142. Pièces de faucille en pierre trouvées en Pologne et eu Ecosse. 4'3
l43,i44 Grandes lames courbes de silex, sans doute des faucilles,
trouvées en Grande-Bretagne 4i4
1 p. Faucille en pierre du Jutland ^i4
l'ili-i^ç). Faucilles de bronze à bouton du Jura et des Alpes françaises. 4 15
i5o. Lance de bronze arquée (scie ou'faucille) de Suède 417
i5i. Courbe de l'indice céphalique des Badois 468
i5-i,i53. Courbes de l'indice céphalique des Badois de la Forêt Noire
et des Badois de la Plaine 470
j 54 - Courbe de la taille des Badois 47*
i55. Courbe de la taille des Badois de la Plaine 472
1 56 . Courbe de la taille des Badois de la Forêt Noire 473
1 57, 168. Courbes de l'indice céphalique sur la rive gauche et sur la
rive droite du Khin 477
159, 160. Courbes de l'indice céphalique dans le Palatinat et dans la
région de la Saar 482
161, 162. Courbes de l'indice céphalique dans la région de Trêves et de
la Moselle et dans la région de la Nahe et de Mayence . . 483
i63. Courbe de l'indice céphalique dans la région de Coblence,
Bonn et la Hocheifel 484
164. Courbe de l'indice céphalique dans la région de Cologne, Aix-
la-Chapelle et du Bas- Khin 485
i65. Courbe de l'indice céphalique dans la région du Khin supé-
rieur 486
166. Courbe de l'indice céphalique dans la région du Khin inférieur 487
167. Courbe de la taille sur la rive gauche du Khin 489
168. Courbe de la taille sur la rive droite du Rhin. 490
169, 170. Courbes de la taille dans le Palatinat et la région de la Saar. 492
171. Courbe de la taille dans la région de Trêves et de la Moselle. 493
172. Courbe de la taille dans la région de la Nahe et de Mayence. [\y\
173. Courbe de la taille daos la région de Coblence, de Bonn et de
la Hocheifel *..... 4°,^
17$. Courbe de la taille dans la régiou de Cologne, Aix-la-Cha-
pelle et du Bas-Rhin 496
175. Courbe de la taille dans la région du Rhin supérieur 4q7
176. Courbe de la taille dans la région du Khin inférieur 4«,8
177. Schéma montrant les quatre groupes du sang humain. . . . 5io
178. Diagramme indiquant les proportions du sang du groupe A
et du sang du groupe B dans les races humaines .... 534
6lO LISTE DES FIGURES, CARTES ET PLANCHES
CARTES
Pages.
I. Carte du territoire de la tribu Kouyou 55
II. Carte de la Germanie romaine et des Champs Décumates .... 4?^
III. Carte de la répartition des indices céphaliques sur les deux rives
du Rhin 479
IV. Carte de la répartition par groupements des indices céphaliques
sur les deux rives du Rhin 48i
V. Carte de la répartition des tailles sur les deux rives du Rhin . . . 49l
VI. Carte de la répartition des blonds sur les deux rives du Rhin. . . 5oi
PLANCHES DANS LE TEXTE
Le Gbon de Bya l\i
Masques du Gbon 4^
Habillage du Gbon 49
Fragment de peau de Mammouth avec son revêtement pileux 197
Fragment de peau d'une jambe antérieure d'Eléphant de l'Inde .... 201
PLANCHES HORS TEXTE
I. Faucille en bois armée de silex de Barche de Sollerino.
II. Pièces de silex de la faucille de Solterino.
III. Pièces de faucilles égyptiennes.
IV. Pièces de faucilles diverses.
TABLE ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE
(«)
Abri sous roche, nouvelle* fouilles dans Y — de Veyrier, 348.
Abyssinie, costumes, arme9 et bijoux de grands chefs d' —, 600.
Acheuléen, V — daus le Maroc, 92, 1' — ne se distingue pas en Afrique du Chelléen
et du Moustérien, 122.
Afrique, l'art et l'industrie préhistoriques en —, 122; faucilles de 1' — du Nord
girnies de silex, 409.
Age des peintures rupestres des B&tuecas, Espagne, 20.
Age du bronze, Voy. Bronze.
Age du fer, Voy. Fer.
Age de la pierre, Voy. Pierre, Silex, Néolithique, Paléolilique.
Akira Matsumlra. Contribution à l'ethQographie de la Micronésie, 588.
Aliment ition des Malgaches, 378; 1' — en Micronésie, 590, 594.
Allemands, caractéristiques sérologiques du sang des —, 522.
Alsace, indice céphaliqne, taille et couleur des cheveux en —, 463.
Amérique, mammifères du Pléistocène de l' — du Nord, 115 ; rôle de la civilisation
de l'Egypte ancienne en — , 129; archéologie de f — , cealrale et des Indes occi-
dentales, 142.
Anglais, caractéristiques sérologiques du sang des — , 519.
Anneaux de jambe en bronze découverts en France, 434, 439.
Anthropopithèque, une prétendue momie d' — , 602.
Arabes, caractéristiques sérologiques du sang des — , 527.
Akamzadi (Telesforo de). De l'Anthropologie de l'Espagne, 369.
Archéologie de l'Amérique centrale et des Indes occidentales, 142; des savants
anglais demandent la création d'un Institut impérial d' — égyptienne, 391.
Archéologues, groupement amical des — du bassin du Rhône, 386.
Arco MuXoz (Luis de). Découverte depeiutures rupestres dans le ravin de Valltorta,
574.
Argilite, instruments en — d'une station du New- Jersey antérieure aux Lénapes, 365.
Armes, les — en Micronésie, 592, 595.
Art, représentations d'ancêtres dans 1' — paléolithique, 117; 1' — préhistorique en
Afrique, 122; 1' — préhistorique en Portugal, 138 ; 1' — rupestre magdalénien en
Espagne, 352; — de style naturaliste daus l'Est de l'Espagne, 353. — Voy. Gra-
vure et Peinture.
Asie, notes sur 1' — préhistorique, 539.
Ateliers préhistoriques du Maroc oriental, 90: — néolithiques du littoral algérien, lOf.
Aubtn (Ernest). La butte ou « tombelle » du château de Lavardin, près Montoire
(Loir-et-Cher), 363. Instrument en pierre taillée trouvé à Lavardin (Loir-et-Cher);
363.
Australie, grands instruments en pierre d' — , 186.
Autrichiens, caractéristiques sérologiques du sang des — , 5 22.
(1) Les n>ms d'auteurs sont en PRTirKS cipitalbs; ceux de peuples et les noms géogra-
phiques, en égyptien-lot ; les sujets Irailés, en italiques.
6l2 TABLE ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE
Aztèques, le culte de la lune chez les — et ses rapports avec le culte de la conque
dans TlDde, 129.
Bade (Grand Duché' de , iûdice céphalique dans le —, 470 ; la taille dans le — , 471 ; la
couleur des cheveux dans le — , 473.
Batr (Dorolhea M A.). Sur une petite collection d'ossements de Vertébrés de la
caverne Har Dalam, île de Malte, 355.
Batuecas, peintures rupestres de la vallée des — (Salamauca), 1.
Bayet (Charles), mort de — , 166.
Behrens (G.) divise eu trois périodes l'âge du bronze dans l'Allemagne du Sud, 349.
Bel (Alfred). Coup d'oeil sur l'Islam en Berbérie, 146. Les industries de la Céramique
à Fès, 373.
Bénedite (Georges). Le routeau de Gebel el-Arak, 581.
Béraud (Léoû-IIenri-Louis), mort de — , 170.
Berbérie, l'Islam en —, 146.
Blayac (J.). Contribution à l'étude du sol des Landes de Gascogne, 115.
Bœuf musqué du Pléistocène de la Suisse centrale, 570.
Bonarklli (Dr. Guido). La mandibule humaine de Bariolas. 108.
Boschiman, le — considéré comme un Homme paléolithique, 121.
Boucles d'oreille eu bronze du bassin de la Somme, 262.
Bouquelins peints sur les roches de la vallée des Batuecas, Espagne, 15 ; la couleur des
— peints varie suivant les époques, 15.
Bouriily (J.). Recherch s préhistoriques dans la régiou de Safsafat, 91.
B(vidés peints sur les parois de grottes de la vallée des Batuecas, Espagne, 17.
Bracelets en bronze de S'illers-sur-Authie, 254 ; — en brouze du bassin de la Somme,
263; - de bronze incrusté de fer découvert à Zu'ich, 350; les types de — eu
bronze du N.-E. de la France, 430.
Bretagne (Grand* ), faucilles préhistoriques de la — garnies de silex, 413.
Bkeuil (Abbé H.). Les peintures rupestres de la Péninsule ibérique. IX. La vallée
peiute des Batuecas, 1 ; X. Boches peintes de Garcibuey, 25. L'âge du bronze
dans le bassin de Paris. — VI. Ornements de corps, accessoires de vêtements,
d'équipement et de harnachement du bassin de la Somme, 231.
British Muséum, le — change de directeur, 386.
Bronze, objets en — de la nécropole de Taza, Maroc, 96; œnoché en — trouvé en
Portugal, 141 ; rasoir de l'âge du — et rasoir abyssiu, 183; le — et l'étain des
Cornouailles, 183 ; l'âge du — dans le bassin de Paris, 251 ; objets en — de la
cachette de Villers-sur-Authie, 252; poignards en — du bassin de la Sommf, 252;
flbules en — du bassiu de la Somme, 254 ; épingles en — du bassin de la Somme,
257; torques en — du bassin de la Somme, 262 ; boucles d'oreille en — du bassin
de la Somme, 262; division en trois périodes de l'âge du — dans l'Allemagne du
Sud, 349 ; hache de — d'un nouveau type découverte dan3 le Valais, 350 ; bracelet
de— iucrusté de fer, 350 ; l'âge du — dans l'Italie méridionale, 357; l'ornemen-
tation spiraliforme à l'âge du —, 358 ; moule pour faucilles en — trouvé en Por-
tugal, 359; catalogue de la collection de l'âge du — du Musée historique de
Finlande. 360 ; objets de l'âge du — dans une tourbière à Solfériuo, 393 ; faucilles
garnies de pierres de l'âge du bronze, 393; faucilles en —, 415; vas» s ea —
d'origine hellénique dans des tumulus de l'Europe centrale et eu Bourgogne, 216,
229; repartition, en France, des épées eu —, 426; tumulus à incinération de l'âge
du —, 429 ; bracelets en — de l'Est de la France, 430 ; les constructeurs de
tumulus à I âge d i —, 436 ; pendeloques en —, 454 ; figures de — d'une grotte
espagnole, 579; le culte des eaux curativcs peu lant l'à^e du —, 580.
Bulgares, caractéristiques sérologiques du sang des — , 524.
Cabré Aooilo (Juan). Les peintures rupestres de Aldeaquemada, 574.
Cauhy (l). Juan), voy. Calvo (D. Ignacio).
TABLE ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE 6l3
Cahiers d'Orient, 175.
Cailloux à facéties, 182.
Ca/cul rapide chez l'Homme et les animaux, U6.
Californie, compo^itiou des mounds coquillers de —, 366.
Calvo (D. Ignacio) et Cabri (D. Juau). Fouillesà la grotte et au col de Los Jardines, 577.
Camp*r»ou (Ll), les fouilles du — dans la grotte et la uécropole de Taza, Maroc, 94.
Canada, folk-lore du — français, 153.
Caroline, vestiges des Indiens Machapunga de la — du Nord, 587.
Caktikh (A.)., fouilles de M. — dans l'abri de Veyrier, 348.
Castration, la — eu Microuésie, 592.
Caverne de l'âge du bronze eu Italie, 580. — Voy. Grotte.
Celtes, les — eu Ecosse, 126 : premières relations des Grecs avec les — , 2i3 ; à quelles
peuplades s'appliquait primitivement le nom de — , 213 ; les — d'Hécatée de
Millet et les relations commerciales, au vi" siècle, entre les Grecs et les peuplades
du groupe hallstattieu occidental, 215 ; Hérodote et la présence des — aux sources
du Dauube aiusi que dans la Péninsule Ibérique, 224 ; les tribus des cimetières
de la Marne sont originairement distinctes des —, 238 ; groupe du monde halls-
tattien occidental auquel revieut le nom de —, 423 ; les — dans le S.-O. de l'Alle-
magne et en Suisse, 442 ; les — formaient uu graud groupement à l'Est de la
Saône et des Vosges, 4i5 ; limite orientale des — , 448 ; les — de l'Espagne, 371 ;
les — des rives du Rhin, 460-504.
Celtique, l'époque — dans le canlou de Genève, 571.
Céramique de la nécropole de Taza, Maroc, 96 ; — du type de Ciempozuelos trouvée
daus une grotte préhistorique du N.-E. de l'Espague, 140 ; — - préhistorique de la
région de Salonique, 174 ; — hellénique découverte à la montagne du Roussillon,
218 ; - ligure dans le bassin de la Saône, 222 ; les industries de la — à Fès, 373 ;
— italienne de l'âge du bronze, 580.
Cérémonie à la naissance de jumeaux chez les Kouyou, 323 ; — à l'époque de la
fructification chez les Kouyou, 327.
Chaldée, faucilles de la — garnies de silex, 4' 9.
Chelléen, le — daus l'Italie méridionale, 356
Chevaux fossiles de l'Amérique du Nord, 115.
Cheveux (Couleur des) en Alsace, 465 ; — daus le Grand-Duché de Bade, 473 ; —
sur les deux rives du Rhin, 499-501.
Chibcha, antiquités en or des — , 152.
Chine, croyances aux « pierres de foudre » en —, 540.
Circonférence céfhalique, corrélations physiques et psycho-sociologiques de la — ,
265; — des diverses catégories d'officiers, 268; — des sous-officiers, 271, 276;
— des hommes de troupe, 271 ; — des engagés et rengagés, 275: — suivant les
classes sociales, 277; comparaison de la — chez les blonds et les bruns, 279;
rapport de la — à la ta lie, 280; corrélations eutre la — et l'intelligence, 286.
Cités autiques de l'ibérie, 139.
Classification des Hominiens, d'après Bonarelli, 108; — des types humains fossiles
de la Méditerranée, d'après GiuH'rida-Ruggeri, 113.
Climats, les — quaternaires aux environs de Cambridge, 179.
Closbmadkux (Dr G. de), mort du —, 169.
Cochons, les — préhistoriques de l'Irlande, 183.
Columharia de la nécropole de Taza, Maroc, 96.
Commo>t (V.). Sépultures gauloises et puits funéraire gallo-romain du nouveau
Boulevard à Amiens, 363. — Mort de —, 162.
Condyle, fréquence relative du troisième — de l'occipital sur des crânes grecs an-
ciens, 30.
Congrès international des Américanisas, 20« session, 598.
6 1 4 TABLE A.LPHABÉTIQDE ET ANALYTIQUE
Congres de « Rhociania » à Perluis. 599.
Constantin (André). Contribution à l'étude des corrélations physiques et psycho-
sociologiques de la circonférence céphal'que, 263.
Corkeia Vergilio). Lisbonue préhistorique. La station néolithique de VilaPouca, 136.
Les poils de tisserand, 136. Les huttes d'Assafarja, canton de Coïmbra, 136.
Idoles préhistoriques portugaises tatouées, 136. L'art préhistorique : I. Peintures
rupesties découvertes en Portugal au xvui8 siècle; II. Peintures rupestres de
Notre-Dame d'Esperaoça. Arrondies, 136.
Côte d'Ivoire, rites magico-religieux de la Haute — , 37.
Couteau de pierre à manches d'ivoire de l'Egypte préhistorique, 582.
Coutil (Léon). L'ornemeDtation spiraliforme. Périodes paléolithique et néolithique;
âges du bronze et du fer, 358.
Crânes, quelques variations des os des — grecs anciens, 29 ; — fossile de l'Olmo,
109; quatre — préhistoriques de l'Italie méridionale, 112; recherches chronologi-
ques sur une série de — du Groenland oriental, 149 ; un nouveau — d'Eoanthro-
pus Davsoni découvert à Piltdown, 564 ; — des Esquimaux, 586.
Cromlechs en Perse, 186.
Croyances surnaturelles de l'Homme préhistorique, 120.
Culte de la lune chez les Aztèques et de la conque dans l'Inde, 129 ; — du serpent
chez les Kouyou, 297.
Culture, distribution géographique de la — en terrassent de l'irrigation, 129; fête
des — chez les Kouyou, 327.
Dahomey, estampages des bas-reliefs du palais des rois du —, 601.
Danses rituelles à la Haute Côte d'Ivoire, 40 ; — de la panthère chez les Kouyou, 63;
— de la pagaie chez les Kouyou, 73 ; — de la panthère par les femmes Kouyou
initiées, 84; le Mondo, — du serpent des Djénaboandi, 86; — du serpent chez les
Kouyou, 299.
Danseur à tète d'ours, à propos du — du Mas d'Azil, 388.
Danube, Hérodote et la source du —, 603.
Dbnikek (J.), mort de — , 154.
Denis, caractères des -- des graviers de Piltdown, 565, 566; le plissement de l'émail
des — des Anthropomorphes, 568.
Divination, la — à Madagascar, 319.
Dioulas, superstitions des — de Bondoukou au sujet des éclipses de lune, 337.
Dubois (Aug.J^Koy. Stehlin (H. G.).
Eaton (Georges F.). La collection ostéologique de Machu Picchu (Pérou), 143.
Éclipse, une — de lune chez les Dioulas de Bondoukou, 337.
École libre d'Anthropologie de Liège, 385.
Ecosse, préhistorique et ethnologie de 1—, 124.
Egypte, silex rostro carénés d'— , 185 ; dessins des vases préhistoriques de 1'—, 363;
faucilles garnies de silex de l'ancienne —, 407 ; couteau de pierre à manche
d'ivoire de l'— préhistorique, 582.
Egyptiens, affiuités des — prèdynastiques, 127 ; influence de la civilisation des an-
ciens — en Orient et en Amérique, 129.
Enclume de pierre pour la taille du silex dans une'station préhistorique du Maroc
oriental, 90.
Enterrement, uu — chez les Koulangos de Bouna, 341.
Eoanthropus, nouveau cràue d' — Dawwîii découvert dans le gravier de Piltdown,
564 ; 1' — serait un Chimpanzé, 568.
Èpéts, répartition, en France, des — eu fer à soie plate et des — en bronze, 426, 433,
439, 440, 450.
Épingle eu bronze de Villers-sur-Autliie, 253 ; — en bronze du bassin de la Somme,
257.
TABLE LLPHABETIQUE ET A1ÎALÎ TinTÉ 6l5
Équipement, accessoires d' — de l'âge du brouze du bassin de la Somme, 251.
Errata, 302.
Escargotières du Magreb, 90 ; rareté des ossements daus les —, 99; tombes iudigèues
sur les — , 101; existence de deux races humaines daus les — , 102.
Espagne, peiutures rupestres de V — , 1 ; peiutures humaines schématiques des
roches de I' — , 118; ruines de cités antiques de 1' — , 139; céramique du type de
Ciempozuelos trouvée dans uue grotte préhistorique du N.-E. de 1' —, 140; gise-
ment moustérien près de Madrid, 351 ; caverne néolithique du Couejar (Caceres),
352; les gravures de la grotte de Penches, 352; faits nouveaux pour la chronologie
de l'art rupestre de style naturaliste daus l'Est de 1' — , 353; de l'Anthropologie
de 1' — , 369 ; faucilles préhistoriques d' — garnies de silex, 410 ; peintures rupestres
de Morella la Vella, en —, 574; les peiutures rupestres de Aldeaquemada, en — ,
515; peintures rupestres de Valltorta, eu — , 575; le sanctuaire ibérique de
Sautisteban, en —, 576; fouilles à la grotte de los Jardines, en —, 577.
Esquimaux, caractères céphaliques des — , 150; les — et la guerre, 190; caractères
physiques des —, 585.
Étain, le bronze et V — des Coruouailles, 183.
Ethnographie de la tribu Kouyou, 53, 297; — de Madagascar, 375; contribution à
V — de la Mécrouésie, 589.
Évolution, V — orgauique, 561.
Exogamie chez les Djénaboandi de l'Afrique équatoriale française, 78.
Faucille préhistorique de Solférino, 393; la — de Solférino est garnie d'une rangée
de silex sertis daas une pièce de bois, 396; une autre — italienne, 401 ; — de
Suisse, 406; — de l'ancienne Egypte armées de silex, 407 ; — garnies de silex de
la Chaldée, 409; — de l'Afrique du Nord,|409; — d'Espague, 410; — de l'Europe
centrale, 413 ; — de la Grande-Bretagne, 413 ; — eu bronze, 415.
Faune mammalogique du Pléistocène nord-américaiu, 115; — paléolithique de
l'Afrique du Sud, 176; — jurassienne de la grotte de Cotencher, canton de Neuchàtel,
351 ; additions à la — pléistocène italienne, 355 ; — fossile d'une caverne de l'île de
Malle, 355; — quaternaire de la Cotte de Saiut-Brelade, à Jersey, 572.
Femme, coudition de la — à Madagascar, 376.
Fer, l'âge du — dans l'Italie méridionale, 357; l'ornementation spiraliforme à l'âge
du —, 358.
Fbuton (Com1). Une station néolithique à Djidjelli, 103.
Fêtes de la Panthère chez les Kouyou de l'Afrique équatoriale française, 53.
Fétiches des Malgaches, 378; — des Kouyou symbolisant le serpent, 309.
Fétichisme, concours sur le —, 189.
Fibules ibériques à l'est de la Saône et des Vosges, 227 ; origine indigène de la — de
Latène dans le groupe hallstatien occidental, 243; — en bronze du bassin de la
Somme, 254.
Figures humaines peintes dans des grottes de la vallée des Batuecas, Espagne, 18, 19,
— préhistoriques de l'Est de l'Espague, 353. — Voy. Peinture.
Finlande, collection de l'âge du bronze au Musée historique de —, 360.
Folk-lore des Canadiens français, 153.
Fontanelle médio-frontale sur un crâne grec ancien, 33.
Fohtes (Joachim). Une œnochoé en bronze rencontré à Rio-Maior (Portugal), 141.
Instruments paléolithiques daus la collection du Service géologique (de Portugal),
354. La station de S. Juliâj, aux environs de Caldellas, 359. Sur un moule pour
faucilles de broûze provenant du Casai de Rocannes, 359.
Foudre, croyances et superstitions relatives aux « pierres de — », en Chine, 539.
Français, caractéristiques sérologiques du sang des —, 520.
Fucci (Giuseppe). Notes sur l'Asie préhistorique, 539.
Galets coloriés aziliens et magdaléniens, 118.
6l6 TABLE ALPHABÉTIQUE ET A>ALÏTIQUE
Galettes, cuissons des — prébistoriqut s, 348.
Gallo-romain, puits funéraire — à Amiens, 363.
Gauloises, sépultures — à Amiens, 363.
Gaz nocifs employés par les Indiens de l'Amérique du Sud, 382.
Gb ns, les — sont des masques magique* que portent certains initiés dans les
eéiémonies de la Haute Côle d'Ivoire, :j9.
Gétulie, les anciennes populatious de la — étaient surtout nomades, 97.
Gifford (Edward Winlow). Composition des mounds coquillers de Californie, 366.
Gisement préhistorique (paléo et néoliihique) près de Madrid, 351.
Gilkfbida Rugoerl Quatre crânes préhistoriques de l'Italie méridionale, et l'origine
des Méditerranéens, 112. Les Egyptiens pré-dynastiques étaient-ils Libyens ou
Éthiopiens? 127.
Glaciaires, dépôts — du grand Atlas marocain, 386.
Granuidier (\lf. et Guil.). Histoire physique, naturelle et politique de Ma lagascar.
Vo'. IV. Ethuographie de Madagascar, t. III, 375.
Gravures rupestres eu Afrique, 123; — paléolithiques près de Burgos, Espagne, 3">2.
Grecs, variations des os des cràues chez les — anciens, 29: caractéristiques sérolo-
giques du sang des —, 523.
Groenland, tombes et cràues du — oriental, 149.
Grottes à peiutur«s de la vallée des Raluecis, Espague, 17 ; — de Taza, (Maroc), 94 ;
— sépulcrales de la nécropole de Tazi, Maroc, 96; — à assise moustérieone de
Cntencber; canton de Neu< hàtel, 350; — préhistorique de Los Jardines, Espagne,
518 ; rôle joué par la — dans les manifestations magiques et religieuses de l'huma-
nité, 5S3.
Glimet (Einile-Étienne), mort de — 167.
Habitations, les — eu Microoésie, 591, 59").
Haches, les — en pierre au xvie siècle, 187; — de bronze d'un type nouveau, 350;
— de cuivre d'uue tourbière de Solférino, 396.
Ila/lstattien, relations commerciales des Grecs avec le groupe — occidental, 215; les
fibules du groupe — occidental sont indigèues, 243; subdivision du monde — dans
sa partie occidentale, 423.
Harnachement, accessoires de — de l'âge du bronze du bassin de la Somme, 251.
Hawke-î, (Ernest W.) Mensurations et observations ostéologiques des Esquimaux de
la Pointe, de Barrow et comparaison avec d'autres groupes d'Esquimaux, 584.
Hawkes (E. W.) et Linton (Raph ). Uue station antérieure aux Lénipes dans le New-
Jersey, 364.
Hay .Olivier P.). Contribution à la connaissance des Mammifères du Pléistocène
uord -américain, 1 15.
Hélix, abondance des — dans une station oéolitique du Maroc oriental, 90.
Hkron m? Vn.i.EFossE, mort de — 383.
Hindous, caractéristiques sérologique? du sang des — 5.0.
Hirshfbu) (l)r L.) et Hirschfeld ; M m' H.). Essai d'application des méthodes sérélo-
giquesau problème des races 505.
Hokssly (Dr H.). Recherches chronologiques sur une série de crânes du Groenland
orieuta', '.49.
ll>miniïhs, classification des — d'après Bonarelli, 108.
Homme fossile de l'Olmo, 109; origine de 1' —, 563.
HhnucKA (D' AIps ). Les plus anciens restes squelettiqurs de PHomme, 107.
HlICI (Or Maurice) Contribution a l'étude antropologique des populations des rives
du Khin. Recherches sur l'indice céphalique, la taille et la couleur des cheveux,
459.
Idoles préhistoriques tatouées de Poilugal, 137.
Indice céphalique eu Alsace, 463; — dans le Grand-Duché de Bade, 410; — sur la
i vr.u: ALPHABETIQUE ET ANALYTIQUE C17
rive gauche du Rhiu, 417,478, 482-485; — sur la rive droite du Rhiu, 477, 478, 482-
485.
Indo-Chinois, caractéristiques sérologiques du saug des —, 530.
nstitut français d'Anlropologie, V — repreud ses séances, 385.
Instruments en pierre de type paléolithique de l'Afrique du sud, 175; — eu argilite
du New-Jersey, 365.
Irlande, les cochous préhistoriques de 1' —, 183.
hlam, V — eu Berbérie, 146.
Italie, quatre crânes humaius préhistoriques de 1' — méri liouale, 112 ; faune pléistocône
d' — , 355 ; découvertes paléolithiques, de l'âge du bronze et de 1 âge du fer dans
1' — méridionuale, 356; faucilles préhistoriques d' —, 393, 401.
Italiens, caractéristiques sérologiques du saug des — , 521.
Jackson (J. W ). Le culte de la lune chez les Aztèques et ses rapports avec le culte de
la conque dans l'Inde, 129. La distribution géographique de l'industrie de la pour-
pre, 129.
Jeannet (A.), Fouilles dans une station magdalénienne du canton de Vaud, 3i8.
Une date de chronologie quaternaire : la station préhistorique du Scé, près de
Villeneuve, 569.
Jersey, faune et industrie de la Cotte de Saiut-Brelale, à — , 571 «
Jeux et divertissement à Madagascar, 377.
Johnson (J. P.), mort de —, 384.
Joleaud (Capne). Considérations géologiques et géographiques sur la station préhis-
torique de Mechta Chàteaudun, 97.
Journal of American Folk-lore, 153.
Joycb (Thomas A.). Archéologie de l'Amérique centrale et de3 Indes occidentales,
142.
Juifs, caractéristiques sérologiques du sang des — , 526.
Katk (Dr H. Tbn). Addenda et corrigenda aux Mélanges anthropologiques publiés
dans r Anthropologie, 190.
Korwar de la Nouvelle-Guinée. 119.
Koumaris (Dr lied. Jean G.). Sur quelques variations des os des crânes grecs anoiens,
29.
Roulant os, rites funéraires des — de Bouna, 341.
Kouyou, ethnographie des — de l'Afrique équatoriale française, 53, 297.
Kinikb (Dr Hugo). Antiquités en or des Chibcha, 152.
Landes, géologie des — de Gascogne, 114.
Lantier (Raymond). Le sanctuaire ibérique de Sanlisteban, 575.
Lei.banc (Paul), mort de —, 170.
Légendes relatives aux peintures rupestres en Espagne, 4.
Licouma ou cérémonie de la panthère chez les Kouyou, 53.
Lin. l'origine du — , 173.
Longpérier, une erreur préhistorique attribuée à —, 172.
Loyalty (Iles), l'outillage des — envisagé au point de vue de la préhistoire, 150.
Lull (Richard Svann). L'évolution organique, 560.
Madagascar, la sorcellerie à —, 187.
Maedbr (J). découvre des silex moustériens dans une palafilte du lac de Neuchàtel,
349.
Magdalénien, station suisse du — récent, 348.
Magreb, recherches préhistoriques dans le — pendant les années 1914-1917,89.
Main, les sésamoïdes de la — humaine, 367 ; proportions de la — de quelques
siuges, 368; articulations métarcarpo-phalangiennes de que'ques singes, 368.
Maisons malgaches, 377.
Malacologie quaternaire, 180.
l anthropologie, —t. xxix. — 1918-1919. 40
6i8
TABLE ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE
Malgaches, ethnographie des —, 375 ; caractéristiques sérologiques du sang des —,
528.
Malte, l'homme de Néauderthal à —, 180; les « ornières » de —, 181 ; collection
d'ossements de Vertébrés de la caverne Har Dalam, à —, 355.
Mammifères du Pléistocène nord-américain, 115.
Mammouth, de l'extinction du —, 193, caractères de la peau du —, 196; l'épiderme
du — est lisse, 199 ; absence de glandes cutanées chez le —, 200 ; les défenses
du —, 205; soles plantaires du —, 206; causes de la disparition du —, 209.
Mandibule, la humaine de Bariolas reproduit les caractères de celle de Mauer, 108;
transformation phylogénétique de la — humaine depuis l'époque tertiaire, 111 ; la
— humaine de Foxhall a disparu, 390; la — de Piltdowu, 566.
Marett [K. R.). Le gisement, la faune et l'industrie de la Cotte de Saint-Brelade, à
Jersey, 570.
Marne, les tribus des cimetières de la — sont originairement distinctes des Celtes,
238 ; mobilier funéraire des tombes de la —, 240.
Maroc, recherches préhistoriques dans le — en 1914-1917, 89; ateliers et chantiers
préhistoriques de Goutitir, — orieutal, 90 ; dépôts glaciaires du —, dans le grand
Atlas, 386.
Masques magiques de la Haute Côte d'Ivoire, 37.
Massue de chêne trouvée à Thayngen, 347.
Mauritanie, collection d'instruments en pierre de — , 601.
Maurizio, idées de — sur la première manière d'apprêter les céréales dans les
temps préhistoriques, 348.
Mechta Chateaudun, fouilles du Capitaine Joleaud à —, 97; nouvelles fouilles de
M. Debruge à —, 101 .
Méditerranéens, origine des —, 112.
Mégalithes, distribution des — , 131.
Métopisme, fréquence du — sur les crânes grecs anciens, 32.
Mexique, service officiel d'études archéologiques et ethnographies au —, 177.
Micronésie, ethnographie de la —, 589.
Millek (Gerrit S.). La mâchoire de Piltdown, 565.
Monnaie, la — en Micwmésie, 596.
Monogénisme, critiques de G. Sergi au —, 106.
Moistandois (Raoul). Bibliographie générale des travaux palethnologiques et archéolo-
giques. Canton de Genève et régions voisines, 570. Coup d'œil sur les époques
préhistorique, celtique et romaine dans le canton de Genève et les régions limi-
trophes, 570.
Mounds, composition des — coquillers de Californie, 366.
Moustcrien, le — dans le Maroc, 92, 95 ; découverte de silex — dans une nouvelle
palaûtte du lac de Neuchâtel, 349; instruments— de la grotte de Cotencher,
canton de Neuchâtel, 351 ; gisement — près de Madrid 351 ; le — dans l'Italie
méridionale, 357; le — à Jersey, 573.
Musée d'Ethnographie, le —du Trocadéro; ses richesses; son délaissement par les
pouvoirs publics, 547; les nouveaux dons au — , 601.
Musée de Saint-Germain, nouveau catalogue du — , 171.
Musique, instruments de — employés dans les cérémonies du Gbon à la Haute
Côte d'Ivoire, 44 .
Navigation, la — eu Micronésie, 591.
Naville (Edouard). Les dessins des vases préhistoriques égyptiens, 363.
Néanderthal, l'Homme de — à Malte, 180.
Nécrologie: Deniker (Joseph), 154; Poutrin (D<- Léon). 157; Thévenin (Armand),
160; Commont (Victor), 162 ; Pozzi (Samuel), 164 : Bayet (Charles), 166 ; Vidai
de la Blache, 106; Guimet (Émile-Étienne), 167; Sébillot (Paul), 168; Clos-
TABLE ALPHABÉTIQUE 11 ANALYTIQUE (> I f)
madeuc (Dr G. de), 169; Leblanc (Paul), 110; Bérard (Léon-Henri-Louis), 170;
Pauw (Louis de), 171 ; Prie* (Feruaud), 383; Sturob (Allen), 383; Héron de Ville-
fosse, 3S3; Stirli.no (E. C), 3S4 ; Johnson (J. P ), 384.
Nègres, caractéristiques sérologiques du sang des — , 528.
Nelson (N. C). Chronologie des ruines de Tauo, Nouveau-Mexique, 379.
Néo- Calédoniens, l'oulilage des — envisagé au point de vue de la préhistoire euro-
péeuue, 150.
Néolithique, le— aucien dans le Maroc oriental, 91 ; le — dans la station de Safsafat,
92 ; le — dans la grotte de Taza, 95 ; le — en Mauritanie et dans le Sahara, 100 ;
l'industrie — dans la station du Kef el Mazoui, 102 ; la station — de l»jidjelli, 103;
le — en Portugal, 136; caverne — près de Caceres. 352 ; le — daus le sud delà
Basilicate, 357 ; l'ornementation spiraliforme à la période — , 358 ; tombelle — du
Loir-et-Cher, 363.
Neuville (H ). De l'extinction du Mammouth, 193. — Yoy. Réitérer (Ed.).
Nomades, les anciennes populations de la Gétulie étaient surtout —, 97.
NoRnENSKjdLD (Erlaod). Retranchements et gaz nocifs chez les Iudiens de l'Amé-
rique du Sud, 381.
Or, antiquité eu — des Chibcha, 152.
Obekmaier (H.). Gisement préhistorique des Caroliues (près de Madrid), 351.
Olmo, l'Homme fossile de 1' —, 109.
Œnoché en bronze trouvée en Portugal, 141.
Oreille, la forme de 1' — humaine est-elle ancienne ou récente ? 569.
Origine des espèces, 105; — de l'Homme, 106,563; — des Méditerranéens, 112; —
africaine de l'Homme primitif, 121 ; — des Primates, 562.
Ornières, les — de Malte, 181.
Os bregmalique sur des crânes grecs anciens, 32.
Os épactal, fréquence de 1' — sur les cràues grecs anciens, 31.
Os inter pariétal sur un crâne grec ancien, 30.
Os plérique, fréquence de V —sur les crânes grec3 anciens, 34.
Pacheco (E. Hernandez). Les gravures de la grotte de Penches, 352. Etude d'art pré
historique. I. Prospection des peintures rupestresde Morella la Vella. II. Evolulion
des idées mères des peintures rupestres, 573.
Palafittes de la tourbière de Barche, à Solférino, 395 ; les diverses civilisations des
— 438; origine des —, 4-J8'; nouvelle — découverte à Thayngen, 349; nouvelle —
à silex moustériens du lac de Neuchàtel, 349.
Paléolitique, le — daus le Magreb, 94, 95; représentations d'ancêtres dans l'art —
1 17 ; croyances surnaturelles de l'Homme —, 120 ; le Boschiman considéré comme
un Homme —, 121 ; le — dans l'Afrique du Sud, 175; le — en Suisse, 178; les
bases de la classification du — , 347; instruments — de Portugal, 354; l'ornemen-
tation spiraliforme à la période —, 358.
Paléontologie humaine, 107; découvertes relatives à la — humaine en Amérique, en
Afrique, en Asie et en Europe, 563.
Palet hnologie, bibliographie des travaux de — relatifs au canton de Genève el
régions voisines, 571.
Pan (Ismaeldel). Exploration de li caverne préhistorique du Conejar (Caceres), 352.
Parenté des chefs Kouyou avec la panthère, 54, 56; — du caïman et des chefs
Ombouma, 72; — des Djénaboandi et du chien, 76; la — chez les Kouyou, 332.
Parure, la — en Micronésie, 589, 593.
Parsons (Dr E. C). Vitancft, 289.
Pauw (Louis de), mort de —, 171.
Peau, caractères de la — du Mammouth, 196.
Peintures rupestres de la Péninsule ibérique, 1; classification chronologique des —
rupestres de la vallée de3 Batuecas d'après la couleur, 15 ; — humaines schématiques
620 TABLE ALPHABÉTIQUE ET ANALYTIQUE
des roches espagnoles, 118 ; —, et gravures rupestres en Afrique, 123 ; — rupestres
de Portugal, 138; — des cavernes de l'Afrique du Sud, 175; —rupestres de Morella
la Vella, Espagne, 574; les — de Aldeaqueuiada, 575; les - du ravin de Valltorta,
575 ; — néolithiques de grottes espagnoles, 579 ; caractère rituel des —, 584 ; la —
corporelle dans les Garoliues orientales, 589, 593.
Pendeloques en bronze des tuinulus hallstattiens, 454.
Pékinguey (Dr. L.). Le Boschiman cousidéré comme un Homme paléolithique, 121.
Périodique, nouveau - anthropologique américain, 176.
Perles en stéatite d'une tourbière de Solférino, 393.
Pérou, collection d'ossements d'une antique cité du —, 143.
Perry (W. J.) Sur la distribution géographique de la culture en terrasse et de l'irri-
gation, 129. Rapports existant entre la distribution géographique des monuments
mégalithiques et les anciennes mines, 129.
Perse, cercles de pierres en — , 186.
Pbtit vCapn*). Note sur la station de Goutitir (Maroc oriental), 89.
Pierre, grands instruments en — d'Australie, 186; cercles de — eu Perse, 186; les
haches en — au xvi* siècle, 187.
Pierres figures, les - en Angleterre, 390.
Pileux, système — du Mammouth, 199.
Piltdown, un nouveau crâne d'Eoanthropus Dawsoni découvert dans le gravier de
— , 564; la mâchoire de —, 5fi6.
Pirol'tet (Maurice). Contribution à l'étude des Celtes, 213, 423.
Pléislocène, mammifères du — nord-américain, 115; additions à la fanue — ita-
lienne, 355.
Poignard à antennes, répartition du— 227, 235, 452; — en bronze de Villers-sur-
Authie, 252; — de bronze d'une tourbière de Solférino, 396.
Pointesde flèches eu silex du Maroc oriental, 91.
Porphyre. L'antre des Nymphes, 582.
Portugal, Lisbonne préhistorique, 136; station néolithique en — 136; poids de tis-
serand néolithiques de —, 136 ; huttes primitives de — , 137 ; idoles préhistoriques
tatouées de —, 138 ; l'art préhistorique en — , 138 ; peintures rupestres du —, 138 î
une œaochoé en bronze trouvé en — , 141 ; instruments paléolithiques de —, 354 ;
station préhistorique de S. Juliào, en —, 359; moule pour faucilles en bronze
de—, 359.
Poteries, les différents types de — du Nouveau Mexique, 380.
Poupon (A.) Étude ethnographique de la tribu Kouyou, 53, 297.
Pourpre, distribution géographique de la—, 129.
Pootkin (Dr. Léon), mort de —, 157.
Pozzi (Prof. Samuelj, mort du —, 164.
Préhistorique, revue Maghrébine, 89; l'industrie et l'art — en Afrique, 122; le —
en Ecosse, 124; Lisbonne —, 136; statiou — de Portugal, 136; poids de tisserand
— de Portugal, 136 ; idoles — tatouées de Portugal ; 137 ; l'art — en Portugal, 13S ;
céramique — du type de Giempozuelos trouvée dans une grotte du N.-E. de Pris-
pagne, 140; les cochons — de l'Irlande, 183; les sites— de la région de Salo-
nique, 173; le — de la Suisse, 178 ; gisement — près de Madrid, 351; caverne —
près de Gaceres, 352; gravures — de la grotte de Penches, 352; chronologie de
l'art — dans l'Ett de l'Espagne, 353 ; dessins des vases — égyptiens, 363 ; notes sur
l'Asie —, 539; le— dans le canton de Genève, 571.
Prif.m (Fernand), mort de —, 383.
Primates, origine des — , 562.
Proceedings of the Society of Antiquaries of Scotlan.l, 124.
Prouteaux (M.). Notes sur certains rites magico-religieux de la Haute Côte d'Ivoire, 37.
Une éclipse de lune chez les Dioulas de Bondoukou, 337. Un enterrement chez les
Koulangos de Bouna, 341.
TABLE ALPHABÉTIQUE ET u\i u'iiiuh: Cm
Ptérion, variations du — sur les crânes grecs anciens, 33.
Puits funéraires de la nécropole de Taza, Maroc, 96; gallo-romain à Amiens, 373.
Quaternaire, le — dans le Magret), 92; multiplicité des types humains eu Europe
durautle —, 110; les climats - auv environs de Cambridge, 179 ; malacologie — ,
ISO; statiou — de la Suisse, 570.
Raso'r <ie l'âge du bronze et rasoir abyssin, 183; âge du — ajouré et du — plein, 449.
Rei.li.m (Ugo). Additious à la faune pléiétocène italienne, 335. Découvertes et pro-
blème» palethuologiques en Lucanie occideutile, 356. La caverne de Latrôuico et
le culte des eaux curatives peudaot l'âge du broDze, 579.
Rennes, les - victimes de la guerre, 392.
Retranchements des Indiens de l'Amérique du Sud, 381.
Kutibiiek (El.). Des sésamoï les de la main humaine, 367.
Rettbkek (Ed.) et Nkuvillb (II.). Des proportions de la main de quelques Singes, 368.
Des articulations inétacarpo-phalangienues de quelques Singes, 368.
Reygassb. Études de palethnologie magrébiue, 102.
Rhin, étude anthropologique des populations des rives du —, 459.
Rites funéraires de l'ancien Pérou, 144; — des Koulangos de Bouna,34l ; — daus les
tumulus de i'E. de la France, 431.
Rites magico-religieux de la Haute Côte d'Ivoire, 37; — de la Panthère chez les
Kouyou, 53 ; — du Caïman chez les Kouyou, 72.
Roches peintes de la vallée des Batuecas, 15 ; — peintes de Gaicibuey (Salamanca), 25.
Romaine, l'époque — dans le canton de Genève, 571.
Round-barrows, les constructeurs des — en Ecosse, 126.
RoYpn (Clé-vibncb), un monument à —, 385.
Rupestres, peintures -- d'Espagne, 1. — Voy. Art, Gravure et Peinture.
Russes, caractéristiques sérologiques du sang des — , 524.
Saintyves(P.). Essai sur les grottes dans les cultes magico-rdigieux et la symbolique
primitive, 583.
Sanctuaire, le — ibérique de Santisteban, 516.
Sang, les phénomènes d'agglutination permettent de distinguer des groupes de —
chez les animaux, 509 ; on distingue quatre groupes dans le — humain, 510 ; étude
sérologique du — dans les races humaines, 519-537.
Sarasix (Fritz). L'oi.tillage des Néo-Calédouieus et des lies Loyalty envisagé au point
de vue de la préhistoire européenne, 150.
Sarasi.n (Paul). Le calcul rapide chez l'Homme et les animaux, 146.
Schumacher, opinion de — sur la civilisation des palafittes, 348.
Scies, caractères des — préhistoriques en silex, 398, 402, 405.
Sébillot (Paul), mort de —, 168.
Sera (G. L.). Le plissement de l'émail de3 dents des Anthropomorphes, 567. La forme
de l'oreille humaine est-elle ancienne ou récente? 568.
Serbes, caractéristiques sérologiques du sang des — , 522.
Sergi (G ). Problèmes de science contemporaine, 105. Sir l'Homme fossile de l'Olrao,
109
Séro'ogiques, application des méthodes — à l'étude des races humaines, 505.
Serpent, culte du — chez les Kouyou, 297 ; accessoires de la danse du —, 306, 308;
fétiche symbo'isant le — chez les Kouyou, 309.
Sésamoïdes, les — de la main hu naine, 367.
Signes peints sur les parois des grottes de la vallée des Batuecas, 18, 21.
Silex taillés du Maroc oriental, 90; instruments en — de Safsafat, 92; — rostro
carénés d'Egypte, 185; — garnissant une faucille préhistorique trouvée dans une
tourbière, à Solfériuo, 396 ; faucilles armées de — de l'ancienne Egypte, 407; ins-
truments quaternaires en — de Jersey, 572.
Smith (G. Elliot). Les vues du Professeur Giuffrida-Ruggeri sur les affinités des
b'22 TABLE ALPHABETIQUE ET ANALYTIQUE
Égyptiens, 127. Sur le rôle joué par la civilisation de l'Egypte aucienne eu Orieut
et en Amérique, 129.
Société des Antiquaires d'Irlande, la — demande que les antiquités du pays soient
préservées de U destruction, 390.
Sociétés secrètes à la Haute Côte d'Ivoire, 37; — chez les Kouyou de l'Afrique équa-
toriale française, 52, 298, 314; — de femmes chez les Kouyou, 81.
Solférino. découverte d'uue faucille préhistorique dans une tourbière à —, 393.
Somme, l'âge du bronze dans le bassin de la — , 251.
Sorcelle/ie à Madagascar, 187.
Spkck (Franck G.). Vestiges des Indiens Machapunga de la Caroline du Nord, 586.
Station du New-Jersey antérieure aux Lénapes, 364.
Stehlin (H. G.). Sur une trouvaille de Bœuf musqué dans le Pléistocèue tardif de la
Suisse centrale, 569.
Stehlin (H. G.) et Dubois (Aug.). Note préliminaire sur les fouilles entreprises dans
la grotte de Cotencher, canton de Neuchâtel, 350.
Stirling (E. G.), mort de —, 384.
Stonehenge, le célèbre monument de — a été donné à la nation britannique par son
propriétaire, 391,
Stckub (Allen), mort de —, 383.
Suisse, la plus ancienne demeure de l'Homme en — , 177; préhistoire, protohistoire
delà — , 347;faucilles préhisloriques de — , 406; bœuf musqué du Pléistocèue de
la—, 570; station préhistorique du Se, en — , 570; bibliographie générale des
travaux palethnologiques et archéologiques de la — , 571 ; les époques préhistorique,
celtique et romaine en —, 571.
Sulzberger découvre une riche palaûtte à Thayngen, 349.
Taille, la — dins le Grand-Duché de Bade, 471 ; la — sur les deux rives du Bhin,
488-498; — des Esquimaux, 586.
Talismans, les — chez les Islamites de Berbérie, 148.
Tallgren (A. M.). Collection Zaoussaïlov au Musée historique de Fiulande à
Helsingfors. I. Catalogue raisonné de l'âge du bronze, 360.
Tams-tams, rôle des — dans les fêtes de la pauthère chez les Kouyou, 62.
Tatouage, le — en Microuésie, 589, 593.
Taza, grotte sépulcrale de —, 94; nécropole de —, 96.
TscnuMi (Dr), origine des'palafittes, d'après —, 3 48.
Thévemn (Armand), mort de —, 160.
Ti^sag», le — à l'époque préhistorique eu Portugal, 136.
Tombelle néolithique du Loir-et-Cher, 363.
Tombes plates de la nécropole de Tazi, Maroc, 96 ; — des Koulangos de Bouua, 344.
Torque eu bronze d-e Villers-sur-Authie, 252; — en bronze du bassin de la Somme,
262.
Tourbière, découverte d'objets de l'âge du bronze dans uue — à Solférino, 393.
Trépanation, la — en Nouvelle-Calédonie, 151.
Tsengui, société secrète de femmes chez les Kouyou, 81.
Tumuli de la région de Salonique, 174; — à incinération de l'âge du bronze en
France, 429; les constructeurs de —à l'âge du bronze, 436 ; — de l'âge du bronze
eu Suisse, 456.
Turcs, caractériel lues sérologiques du sang des — . 526.
Tuhnek (sir William). Contribution à la crauiologie du peuple écossais, 2' partie,
préhistorique, descriptive et ethnographique, 124.
Variations des os des crânes grecs anciens, 29.
Vayson (André). Faucille préhistorique de Solférino, 393.
Vbkineau (R.). Le Musée d'Elhn>graphie du Trocadéro, 546.
.Vertèbre dorsale surnuméraire chez uu Esquimau, 587.
l\i;ii: ALPHABETIQUE El" INALYTÎQUÊ 62S
Vêtement, accessoires de— de làge du bronze du bassin de la Sorame, 251; le —
eu Microuésie, 590, 594.
Vidal (Luis Mariauo). Céramique du type de Cieinpozuelos trouvée daus uue
grotte préhistorique du N.-E. de l'Espagne, 140.
Vidal db la Blachb, mort de — , 166.
)'ilance, coutume qu'ont les membres d'un même groupe de parents de s'éviter,
289.
WalkhofI (Dr)- Transformation phylogéuélaire de la mâchoire humaine depuis
l'époque tertiaire et sa siguiûoation pour la pathologie dentaire, 111.
Wkkneht (Paul) Représentations d'ancêtres daus l'art paléolithique, 117. Faits nou-
veaux pour la chronologie de l'art rupestre de style naturaliste dans l'Est de
l'Espagne, 353.
Wkrth. A propos de la classification du Paléolithique, 341.
Woodward (Smith). Quatrième note sur le gravier de Piltdown et sur un second
crâne d'Eoauthropus Dawsoui, 563.
Zuazo y Palacios (Julian). Contribution à l'étude des cités ibériques, 139.
Le Gérant : 0. Porék.
A.NGERS. IMPRIMERIE A. BURDir*. — F. GAULTIER ET A. TIIÉBE.T, SUCCESSEURS,
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L'Anthropologie
T. XXIX , PI. IV.
a, pièces de faucilles égyptiennes ; b, lames denticulées/Revest-des-Brousses
( Basses-Alpes); c, pièces triangulaires scalènes, Murs (Vaucluse). (Gr. nat.)
Faucilles de silex de la Suède. (2/3 Gr. nat.)
GN Anthropologie
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