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Full text of "Franciscus, esques a capite galeato, 1753-1814, un initié des société secrètes supérieures : portraits et documents inédits : nombreuses reproductions en photogravures"

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Un    Initié 
des  Sociétés  Secrètes  supérieures 

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EQUES  A  CAPITE  GALEATO  " 

1753*1814 


Portrait   et   Documents   inédits 
Nombreuses    reproductions    en    Photogravure 

PRÉFACE 
de   COPIN'  ALBANCELL1 


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3,  rue  de  Solférino,  3 


1913 


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PREFACE 


V auteur  du  livre  que  nous  présentons  au  public  a 
écrit  cette  phrase  : 

«  Une  longue  et  sérieuse  et  impartiale  étude,  faite  sur 
plusieurs  milliers  de  documents  originaux,  nous  a  convaincu 
que  toute  l'organisation  maçonnique  est  fondée  sur  la  fraude, 
la  tromperie,  la  fourberie,  en  un  mot  sur  le  mensonge  élevé 
à  la  hauteur  d'une  institution.  » 

La  Franc-Maçonnerie  est  admirablement  peinte  en 
ces  quelques  mots. 

Les  ((  documents  originaux  »  dont  il  y  est  question 
sont  de  la  plus  grande  importance.  Ils  émanent  de  l'un 
des  hauts  initiés  qui  s'adonnèrent  aux  besognes  souter- 
raines dans  les  années  qui  précédèrent  la  Révolution  et. 
ensuite,  pendant  le  Premier  Empire.  C'est  la  correspon- 
dance qu'entretint  ce  personnage  qualifié  du  monde  oc- 
culte avec  d'autres  habitués  des  Sociétés  secrètes  con- 
nus comme  ayant  exercé  une  grande  influence  dans 
les  Loges  maçonniques. 

M.  Benjamin  Fabre  ne  désigne  ce  haut  initié  que  par 
son  prénom  :  Francisais,  François,  et  par  le  surnom 
sous  lequel  il  était  connu  dans  certains  cercles  occultes': 
Eques  a  capite  galeato,  le  chevalier  à  la  tête  casquée. 
Son  nom  -véritable  est  celui  d'une  vieille  et  noble  fa- 
mille  dont   les   descendants   existent   encore.   Et   c'est 


1 


VIII 


pourquoi  l'auteur  auquel  ees  documents  ont  été  remis 
pour  qu'ils  servent  à  l'instruction  de  nos  contempo- 
rains et  pour  que  soit  ainsi  réparé,  dans  la  mesure  du 
possible,  le  mal  fait  jadis,  considère  que  ce  n'est  pas  à 
lui  à  prononcer  ce  nom.  S'il  le  faisait,  il  n'ajouterait 
du  reste  rien  à  la  valeur  de  sa  démonstration.  Et  c'est 
pourquoi,  ayant  eu  moi-même  un  grand  nombre  de 
ces  pièces  authentiques  entre  les  mains,  j'imite  sa  ré- 
serve, eu  remerciant. sans  les  nommer. ceux  qui  donnent 
une  si  grande  preuve  de  la  haute  compréhension  qu'ils 
ont  de  leurs  devoirs  civiques.  Il  existe  certainement 
dans  plus  d'une  famille  des  archives  qui  permettraient 
de  jeter  enfin  une  pleine  lumière  sur  la  Franc-Maçon- 
nerie, de  montrer  les  liens  qui  l'unissent  aux  autres 
Sociétés  secrètes  et  de  faire  comprendre  par  toute  l'é- 
lite de  la  nation  l'espèce  particulière  de  dangers  aux- 
quels les  peuples  modernes  sont  exposés.  Les  familles 
nobles  ont  été  les  premières  à  se  laisser  prendre  au  piège 
maçonnique.  Il  appartient  à  leurs  représentants  ac- 
tuels de  réparer  cette  faute  souvent  inconsciente  en 
fournissant  aux  générations  d'aujourd'hui  les  rensei- 
gnements qui  peuvent  les  aider  à  échapper  aux  consé- 
quences créées.  Les  services  qu'ils  rendraient  ainsi  se- 
raient certainement  précieux.  Ou  ne  saurait  douter  en 
effet  que  les  Puissances  occultes  ne  prennent  toutes 
les  mesures  possibles  pour  faire  disparaître  des  archi- 
ves publiques  tout  ce  que  les  chercheurs  y  trouveraient 
eu  documents  vraiment  révélateurs  sur  le  mécanisme 
des  Sociétés  secrètes.  C'est  pourquoi  nous  devons  être 
d'autant  plus  reconnaissants  aux  hommes  de  grand 
cœur  et  de  haute  intelligence    qui  veulent  bien   ouvrir 

aux  spécialistes  le  trésor  de  leurs  archives  familiales. 


1 


—    IX 


L'origine  des  pièces  publiées  par  l'auteur  est,  à  elle 
seule,  une  raison  suffisante  pour  que  s'y  intéressent  les 
anti-maçons  érudits  et  même  les  simples  curieux.   En 
voici  une  seconde  qui  devra  solliciter  plus  encore  l'at- 
tention des  uns  et  des  autres;  c'est  qu'un  grand  nombre 

de  ces  documents  datent  de  l'époque  du  Premier  Em- 

t 
pire. 

Quoi  !  Au  moment  où  Napoléon  le  Grand  tenait  la 
France  courbée  sous  sa  puissante  volonté,  se  peut-il  que 
tout  un  monde  s'agitât  secrètement  sans  qu'il  s'en  aper- 
çût ?  On  s'imaginait  que  l'Empereur  tenait  les  Loges 
—  c'est-à-dire  toute  la  Maçonnerie,  pensc-t-on  —  par 
le  seul  fait  qu'un  si  grand  nombre  de  ses  officiers  en 
faisaient  partie.  Est-ce  donc  là  une  erreur?  Napoléon, 
en  dépit  d'un  génie  servi  par  une  volonté  si  vigoureuse, 
était-il  donc  trompé  ?  Il  l'était  en  effet.  L'Initiation  à 
laquelle  avaient  été  admis  les  compagnons  d'armes  de 
cet  Empereur  qui  croyait  être  seul  maître  eu  France, 
n'était  qu'une  fausse  initiation,  celle  qui  est  réservée 
aux  maçons  de  trois,  cinq  et  sept  ans.  Bien  plus  !  la 
lecture  de  quelques-unes  des  lettres  reçues  par  Eques 
a  capite  galeato  ou  écrites  par  lui,  prouve  que  l'un  des 
principaux  collaborateurs  de  l'Empereur,  l'archiclian- 
celier  Cambacércs,  était  eu  rapports  fréquents  avec  ce 
monde  occulte  supérieur  à  celui  des  Loges.  Servait-il 
deux  pensées  à  la  fois,  celle  du  maître  visible  et  celle 
des  maîtres  invisibles  f  Ou  bien  n'en  servait-il  qu'une  ? 
Et  alors  laquelle  des  deux  trahissait-il  ?  Rien  n'obligeait 
les  membres  de  ce  monde  occulte  supérieur  à  entretenir 
des  rapports  avec  Cambacérès.  S'ils  le  faisaient,  mal- 
gré la  situation  qu'il  occupait,  c'est  ou  bien  qu'ils 
avaient  les  preuves  de  son   dévouement  à  leur  cause. 


X 


ou  bien  qu'ils  considéraient  que  le  plus  sûr  moyen  de 
jouer  de  ce  haut  personnage  et  de  tromper  l'Empereur 
était  de  faire  figure  de  subordonnés.  Cela  seul  nous 
permet  de  mesurer  l'erreur  où  tombent  certains  défen- 
seurs de  la  cause  catholique  et  conservatrice  lorsqu'ils 
s'imaginent  qu'ils  auraient  chance  de  vaincre  leurs  ad- 
versaires eu  retournant  contre  eux  la  méthode  de  la 
Société  secrète.  Il  leur  arriverait  ce  qui  est  arrivé  à 
Napoléon.  Celui-ci  était  franc-maçon,  ainsi  que  le  prou- 
vent certains  des  documents  de  M.  Benjamin  Fabre. 
Il  croyait  tenir  les  Sociétés  secrètes  sous  sa  dépendance. 
Il  avait  le  pouvoir  ;  il  était  initié  ;  il  s'appelait  Xapo- 
léon;  et  c'est  lui  qui  était  tenu,  sans  qu'il  pût  s'en 
douter! 

Il  s'imaginait  vraiment  avoir  domestiqué  les  forces 
occultes  et  il  représentait  la  Révolution  couronnée... 
Cela  n'empêche  pas  qu'il  faut  compter  parmi  les  raisons 
de  sa  chute  l'action  d'une  certaine  partie  de  la  Franc- 
Maçonnerie  supérieure  dont  il  ignorait  peut-être  jus- 
qu'à l'existence,  bien  qu'il  eût  été  aidé  par  elle  au  début 
de  sa  prodigieuse  carrière.  C'est  là  une  leçon  d'une  sin- 
gulière portée,  que  les  catholiques  et  les  hommes  poli- 
tiques de  droite  qui  sont  partisans  de  l'emploi  de  la 
Société  secrète  ne  sauraient  trop  in  éditer. 

Bien  d'autres  enseignements  peu-vent  résulter  pour 
nous  de  l'étude  attentive  des  documents  qui  so)it  livrés 
au  public  par  M.  Benjamin  Fabre. 

Tout  d'abord,  ils  prouvent  clairement  que  nous  nous 
exposons  à  nous  tromper  gravement,  si  nous  nous  obs- 
tinons à  n'envisager  l'organisme  maçonnique  que  dans 
les  quelques  grades  où  l'on  s'est  complu  à  le  regarder 
jusqu'ici.  L'ensemble  de  ces  grades  ne  forme  pas  un 


1 


—   XI   — 

tout  complet.  Il  est  seulement  l'une  des  parties  d'un 
autre  ensemble  beaucoup  plus  vaste.  Nous  sommes  donc 
condamnés  à  ne  jamais  le  bien  comprendre,  si  nous  ne 
le  considérons  qu'en  lui-même,  si  nous  l'isolons  de  ce 
à  quoi  il  est  attaché  et  dont  il  dépend  comme  la  main 
est  attachée  au  corps  et  dépend  de  lui. 

Le  lecteur  pourra  se  rendre  pleinement  compte  de 
cette  vérité  en  constatant  que  les  chefs  du  Grand  Orient 
de  France,  sous  le  Premier  Empire,  témoignaient  les 
plus  respectueux  égards  à  des  initiés  dont  ils  ne  pou- 
vaient déchiffrer  les  brevets,  parce  qu'ils  n'en  possé- 
daient pas  la  clef.  Ces  chefs  du  Grand  Orient  savaient 
donc  qu'il  existait  des  sphères  occultes  supérieures  à 
celles  dans  lesquelles  ils  avaient  accès. 

D'autre  part,  en  étudiant  certaines  parties  de  la  cor- 
respondance cTEques  a  capite  galeato,  on  a  l'impression 
très  nette  que  tous  ces  initiés  supérieurs  cherchaient  à 
se  surprendre  les  uns  les  autres,  à  s'en  conter,  à  se  faire 
accepter  pour  ce  qu'Us  n'étaient  peut-être  pas.  C'est 
assez  pour  nous  faire  comprendre  que  nous  ne  devons 
pas  donner  à  l'expression  «  Pouvoir  occulte  »  le  sens 
absolu  que  veulent  y  voir  quelques-uns,  peut-être  tout 
simplement  pour  la  déconsidérer  en  en  exagérant  la  si- 
gnification. 

Lorsque  je  publiai  en  1908  et  1909  mes  deux  ou- 
vrages: Le  Pouvoir  occulte  contre  la  France  et  L,a 
Conjuration  juive  contre  le  monde  chrétien,  j'avais 
pour  but  de  prouver  qu'il  est  possible  à  un  pouvoir  de 
s'exercer  dans  l'ordre  politique,  moral  ou  religieux, 
tout  en  demeurant  invisible  et  je  voulais  montrer  que 
l'organisme     maçonnique     permettait     précisément     le 


—   XII 


fonctionnement  d'un  pareil  Pouvoir.  On  commença  a 
résister  à  cette  idée  à  laquelle  j'avais  pourtant  préparé 
un  sort  en  lançant,  dés  1902,  une  brochure  intitulée  : 
Le  Pouvoir  occulte,  qui  fut  répandue  à  un  nombre  con- 
sidérable d'exemplaires. 

En  fait,  cette  notion  du  Pouvoir  Occulte  ouvrait  une 
brèche  dans  l'édifice  de  fausses  apparences  sous  les- 
quelles sont  cachés  les  vrais  secrets  maçonniques.  Elle 
devait  donc  être  combattue  par  l'ennemi  inconnu  au- 
quel je  m'en  prenais.  Mais  elle  ne  pouvait  l'être  que 
sourdement  et  par  des  moyens  tortueux.  Puisque 
ennemi  se  refuse  à  se  montrer,  à  dire  son  nom,  il  est 
en  effet  réduit  à  ne  pouvoir  agir  qu'indirectement  et 
par  le  moyen  «  d'influences  individuelles  soigneuse- 
ment couvertes.  »  Pour  contrebalancer  l'effet  de  ma 
brochure,  ces  ((  influences  »  firent  circuler  l'idée  qu'un 
Pouvoir,  quel  qu'il  fût,  ne  pouvait  s'imposer  sans  don- 
ner d'ordres;  qu'en  donnant  des  ordres,  il  se  manifes- 
tait forcément;  qu'il  cessait  par  là  même  d'être  occulte 
et  qu'en  conséquence,  l'expression  «  Pouvoir  occulte  » 
était  un  non  sois. 

Il  fallait  une  démonstration  pour  prouver  que  ce  qui 
nous  semblait  impossible  et  ce  qui  l'était,  en  effet,  dans 
l'ordre  ordinaire  des  choses,  pouvait  devenir  possible, 
grâce  à  un  mécanisme  imaginé  et  combiné  tout  spécia- 
lement dans  ce  but.  C'est  en  vue  de  cette  démonstration 
que  furent  écrits  nies  livres.  Je  montrai  que  le  méca- 
nisme nécessaire  au  fonctionnement  d'un  Pouvoir  oc- 
culte existait  et  que  c'était  celui  des  Sociétés  secrètes 
superposées  comme  le  sont  les  Sociétés  maçonniques; 
que,  d'autre  part,  l'œuvre  accomplie  par  ces  dernières 
depuis  deux  siècles,  ne  pouvait  s'expliquer,  si  l'on  u'ad- 


... 


—  XIII   — 

mettait  un  plan  concerté  par  des  chefs  im/isibles;  et,  en 
troisième  lieu,  que  les  procédés  employés  dans  les  mi- 
lieux maçonniques,  étaient  précisément  ceux  qui  cor- 
respondaient aux  deux  données  du  problème:  l'œuvre 
accomplie,  et  l'incognito  gardé  jusqu'ici  par  ceux  qui 
sont  parvenus  à  la  réaliser. 

Après  cette  démonstration,  et  grâce  aux  travaux  de 
tous  les  antimaçons  depuis  plus  d'un  siècle,  l'antima- 
çonnisme  était  désormais  en  possession  de  trois  données 
importantes  qui  étaient  comme  autant  de  positions  pri- 
ses sur  l'ennemi:  i°  la  connaissance  de  l'œuvre  accom- 
plie par  celui-ci;  2°  la  connaissance  du  mécanisme  des 
Sociétés  tantôt  superposées,  tantôt  enchevêtrées  de  ma- 
nière à  tromper  le  public  et  les  initiés  eux-mêmes  ;  30  la 
connaissance  des  procédés  si  bien  en  rapport  avec  l'œu- 
vre et  le  mécanisme.  J'aboutissais  ainsi  à  la  conclu- 
sion qu'un  Pouvoir  occulte  existe.  J'allais  même  plus 
loin,  puisque  je  le  désignais  en  dénonçant  la  Puissance 
juive  avec,  pour  collaboratrice,  la  Puissance  protestante. 

Mais  j'indiquais  eu  même  temps  que  ce  Pouvoir  oc- 
culte, évidemment  très  puissant  parce  qu'il  n'avait  guère 
trouvé  de  résistance  en  raison  de  son  invisibilité,  ne  pou- 
vait cependant  agir  qu'avec  une  extrême  lenteur,  en 
raison  du  mécanisme  et  des  procédés  auxquels  il  était 
obligé  d'avoir  recours  et  qu'en  outre,  en  raison  de  ce 
mécanisme  et  de  ces  procédés,  il  était  fatalement  destiné 
à  se  heurter  à  des  résistances  rencontrées  par  lui  au  sein 
même  de  l'organisation  des  Sociétés  secrètes,  telle  qu'il 
l'avait  conçue. 

Le  livre  que  M.  Benjamin  Fabre  offre  au  public  jette 
des  lumières  abondantes  sur  ce  côté  de  la  question.  Il 


—  xrv 


nous  montre  que  dans  le  monde  occulte  connue  dans 
le  monde  visible,  des  passions  et  des  intérêts  individuels 
ou  collectifs,  peuvent  se  trouver  en  opposition  avec  le 
Pouvoir  occulte  initiateur  et  aboutir  à  la  création  d'au- 
tres Pouvoirs  occultes  pouvant  un  jour  lutter  contre  lui. 

Il  est  vraiment  curieux  de  voir  à  quel  point  certains 
hauts  initiés  dont  il  est  question  dans  ce  volume,  cher- 
chent à  pénétrer  les  secrets  des  organisations  occultes 
qu'ils  ignorent,  tandis  que  d'autres  s'efforcent  au  con- 
traire de  faire  prévaloir  ce  qu'ils  appellent  leur  rit.  Ce 
serait  incompréhensible  si  Von  admettait  qu'il  n'y  a 
qu'une  seule  tête  au  sommet  de  la  mystérieuse  cons- 
truction. Il  y  en  avait  évidemment  plusieurs  à  l'épo- 
que dont  il  s'agit  et  il  y  avait  aussi,  manifestement,  des 
tronçons  d'organisations  éparses  qui,  désasscmblées, 
comme  les  Loges  pendant  la  formidable  tempête  rê 
lutionnaire  qu'elles  avaient  préparée '_,  cherchaient  à  se 
rejoindre,  mais  en  tâtonnant,  parce  qu'elles  dépendaient 
sans  s'en  douter,  les  unes  du  Pouvoir  occulte  initiateur, 
les  autres  des  Pouvoirs  occultes  nés  du  fonctionnement 
même  du  mécanisme  secret.  Ceci  demande  quelque  ex- 
plication. 

Que  la  Puissance  juive  soit,  en  dernière  analyse,  res- 
ponsable de  l'introduction  de  la  Société  secrète  dans  le 
monde  chrétien,  qu'elle  ait  rêvé  et  préparé  cette  intro- 
duction, tout  en  la  faisant  exécuter  par  des  intermé- 
diaires, aucun  doute  ne  peut  subsister  sur  cette  ques- 
tion. Un  pareil  système  correspond  trop  bien  aux  apti- 
tudes du  peuple  juif,  èi  son  caractère,  à  sa  situation,  ù 
ses  rancunes  jamais  assouvies  et  au  contraire  toujours 
provoquées,  ne  serait-ce  qu'en  raison  de  sa  situation 
jnême.  Et  d'ailleurs,  ce  peuple  juif  est  le  seul  qui  ait 


—    XV 


suivi  le  Christianisme,  depuis  ses  débuts  jusqu'à  nos 
jours;  le  seul  qui  se  soit  attaché  à  lui  comme  notre  om- 
bre s'attache  à  notre  corps  ;  le  seul  par  conséquent  qui 
ait  pu  inspirer  la  création  de  ces  Sociétés  secrètes  que 
l'on  aperçoit  derrière  toutes  les  hérésies  au  moment  de 
la  gestation  de  celles-ci  ;  Sociétés  secrètes  constituées 
sur  le  type  si  particulier  que  nous  retrouvons  dans  la 
Franc-Maçonnerie,  c'est-à-dire  par  groupements  super- 
posés de  manière  à  ce  que  les  supérieurs  se  recrutent 
da}is  les  inférieurs,  grâce  aux  suggestions  préparatoires 
qu'ils  peuvent  jeter  dans  ceux-ci,  sans  que  les  sugges- 
tionnés puissent  s'apercevoir  de  l'opération. 

Mais  précisément  parce  que  l'invisibilité  était  de  ri- 
gueur pour  la  Puissance  juive  initiatrice,  l'action  des 
«  influences  individuelles  {ou  collectives)  soigneuse- 
ment couvertes  y>  fut  toujours  indispensable.  Indispen- 
sable fut  aussi  chez  les  intermédiaires  représentant  ces 
«  influences  ))  la  conviction  qu'ils  travaillaient  pour 
■eux-mêmes,  et  non  pour  d'autres. 

De  ces  Jicccssités  qui  s'imposaient  à  la  Puissance  pré- 
tendant au  rôle  de  Pouvoir  occulte,  devait  naître  inévi- 
tablement, en  de  certaines  circonstances,  des  oppositions 
d'intérêts  entre  elle  et  les  intermédiaires  qu'elle  sugges- 
tionnait  sans  se  laisser  apercevoir. 

Ces  considérations  peuvent  )ious  aider  à  comprendre 
ce  qui  dut  se  passer  sous  le  Premier  Empire. 

Des  forces  occultes  avaient  été  organisées  avant  la 
Révolution,  d'un  côté,  par  la  Puissance  initiatrice  juive 
et,  d'autre  part,  par  la  Puissance  protestante  qui  s'ima- 
cjinait  n'agir  que  pour  son  compte  personnel.  Ces  forces 
occultes,  après  avoir  été  dirigées  et  lancées,  furent  lâ- 
chées et  abandonnées  à  elles-mêmes  pendant  la   tour- 


M 


XVI 


moi  te  révolutionnaire,  parce  qu'il  était  impossible  qu'il 
en  fût  autrement.  Piqueurs  protestants  et  chasseurs 
juifs  savaient  d'ailleurs  bien  que  le  gibier  étranglé  par 
leurs  meutes  le  serait  à  leur  profit.  Mais  une  fois  l'hal- 
lali terminé,  il  fallut  ressaisir  les  meutes.  Protestants 
anglais,  protestants  allemands,  Juifs  de  tous  les  pa\s, 
durent  s'y  employer,  chacuus  pour  leur  compte.  Ceux 
des  grands  chefs  de  groupes  qui  avaient  travaillé  à  la 
préparation  de  la  Révolution  d'une  façon  plus  ou 
moins  consciente  et  qui  avaient  survécu  tandis  que  les 
principaux  acteurs  avaient  péri,  durent  aussi  essayer  de 
reconstruire,  peut-être  au  profit  de  passions  ou  d'inté- 
rêts purement  personnels,  des  groupements  analogues  à 
ceux  qu'ils  avaient  fait  manœuvrer  quinze  ans  plus  tôt. 
Ils  désirèrent  jouir  de  nouveau  des  honneurs  et  des 
titres  si  ronflants  qui  leur  avaient  été  décernés  dans  le 
monde  occulte,  disloqué  tout  connue  l'autre  dans  la 
terrible  tempête,  et  pour  cela,  ils  s'appliquèrent  à  le  réor- 
ganiser. De  la,  sans  doute,  le  rassemblement  de  plusieurs 
des  hauts  initiés  d'avant  1789  que  nous  retrouvons  dans 
la  correspondance  de  Franciscus,  Eques  a  capite  ga- 
lcato.  De  là  leur  physionomie  si  étrange  et  cette  attitude 
de  gens  qui,  appartenant  au  même  monde,  mais  ayant 
pénétré  dans  des  arcanes  plus  ou  moins  profondes,  se 
regardent  avec  autant  d'apparente  considération  que  de 
défiance  et  semblent  -vouloir  constituer  des  Pouvoirs 
occultes  qu'une  haine  commune  peut  rassembler,  mais 
qu'éloignent  des  intérêts  divergents. 

Tandis  que  Barrucl  et  Crctiueau-Joly  nous  ont  mon- 
tré ces  impressionnantes  concentrations  de  puissance 
occulte,  le  premier  dans  l'Illuminisme  de  JVcishaupt  et 
le  second  dans  la   Haute-Vente,   M.   Benjamin   Fabre 


XVII    — 


nous  fait  toucher  du  doigt,  par  la  correspondance  si 
précieuse  qu'il  met  sous  nos  yeux,  une  anarchie  passagère, 
dans  les  hautes  sphères  occultes.  Il  semble  que  les  Puis- 
sances secrètes  se  soient  blessées  elles-mêmes  en  ébran- 
lant connue  elles  l'ont  fait  les  bases  de  l'ordre  social. 
Il  n'en  pouvait  être  autrement.  Xe  voyons-nous  pas, 
dans  l'un  des  documents  qui  nous  ont  été  fournis  par 
Crétineau-Ioly,  que  les  membres  de  la  Haute-Vente  re- 
doutaient pour  eux-mêmes  les  conséquences  des  cata- 
clysmes qu'ils  préparaient  f... 

Le  livre  de  M.  Benjamin  Fabre  vient  donc  combler 
une  lacune  entre  les  <x  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire 
du  Jacobinisme  ))  de  Barruel  et  «  l'Eglise  Romaine  en 
face  de  la  Révolution  »,  de  Crétineau-Ioly.  On  s  ima- 
ginait qu'entre  l'Illuminisme  et  la  Haute-Vente,  il  n'y 
avait  eu  dans  le  monde  occulte,  après  la  mise  en  som- 
meil des  Loges  pendant  la  période  révolutionnaire,  que 
la  Franc-Maçonnerie  militaire  du  Premier  Empire.  Les 
documents  que  nous  apporte  l'auteur  de  Franciscus, 
Eques  a  capite  galeato,  nous  font  assister  à  l'effort 
fait  par  les  membres  des  arrière-Loges,  les  uns  sug- 
gestionnés, les  autres  agissant  probablement  pour  leur 
propre  intérêt,  en  vue  d'une  réorganisation  des  groupe- 
ments secrets  supérieurs.  On  s'imaginait  aussi  qu'entre 
Weishaupt  et  la  Haute-Vente,  il  ne  pouvait  exister  au- 
cun lien.  Or,  nous  apercevons,  à  la  lecture  de  quelques- 
uns  des  documents  de  M.  Benjamin  Fabre,  que  Weis- 
haupt avait  tout  au  moins  voix  consultative  dans  les 
groupes  secrets  supérieurs  sous  l'Empire.  Faisait-il 
partie  de  ces  «  Supérieurs  Majeurs  »  dont  l'existence 
est  confessée,  particulièrement  dans  une  lettre  de  d'Har- 
mensen  à  Eques?... 


XVIII    — 


Si  les  documents  de  M.  Benjamin  Fabrc  sont  pré- 
cieux à  consulter  pour  démêler  Vhisfoire  secrète  dit 
Premier  Empire,  combien  ils  sont  révélateurs  aussi  en 
ce  qui  concerne  la  période  de  préparation  maçonnique 
de  la  Révolution  française!  Depuis  Barruel,  personne 
n'a  rien  publié,  des  archives  des  Sociétés  secrètes  anté- 
rieures à  1789.  qui  soit  comparable  aux  fiches  remises 
par  le  F.  \  Savalettc  de  Langes  à  Eques  a  capite  ga- 
leato,   fin   1781,,  en  vue  du  Couvent  de  JVilhelmsbad. 

Bst-cc  en  Allemagne,  après  le  Couvent,  que  Eques  a 
été  en  contact  avec  des  «  Supérieurs  Majeurs  »  ? 
Mystère.  En  tout  cas,  il  lutte  d'astuce  avec  ses  frères 
pour  s'imposer  à  eux. 

Leur  est-il  vraiment  supérieur  ?  Cela  ne  nous  est 
pas  absolument  prouvé.  Mais  ce  qui  est  indiscutable- 
ment démontré,  c'est  l'avantage  que  l'atmosphère  de  la 
Société  secrète  assure  à  la  fourberie.  Combien  la 
deviendrait  insupportable,  si  un  tel  régime  finissait  par 
y  prévaloir!  Tout  est  bon  ((  pour  les  bêtes  »,  pour  <(  les 
buses  »,  c'est-à-dire  pour  les  frères  des  Loges  blanches 
ou  bleues,  dit  Eques,  tout,  sauf  le  fin  mot.  la 

Il  nous  prévient,  à  propos  d'un  travail  rédigé  pour 
les  hauts  initiés: 


«  Qu'on  a  dû  s'attacher  à  n'y  compromettre  aucun  des  se- 
crets qui  sont  de  Y  essence  de  l'Art  Royal.  C'est  dans  cette 
vue  que  les  phrases  les  plus  clairement  énoncées,  les  plus 
scientifiques  en  apparence,  ne  veulent  à  peu  près  rien  dire, 
tandis  que  les  Frères  instruits  retrouveront  peut-être  les  do- 
cuments   les  plus   curieux,    toute   la  u    Rit   primitif, 

dans  les  expressions  les  plus  simples,  les  plus  insignifia 
et  jusque  dans  les  locutions  les  plus  défeetue:. 


—    XIX   — 

Le  Philosophe  inconnu,  Saint-Martin,  chef  des  Ma- 
çons juddisants  de  Lyon,  écrivait  de  son  côté: 

«  Quoique  la  lumière  soit  faite  pour  tous  les  yeux,  il  est 
encore  plus  certain  que  tous  les  yeux  ne  sont  pas  faits  pour 
la  voir  dans  son  éclat;  et  le  petit  nombre  de  ceux  qui  sont 
dépositaires  des  vérités  que  j'annonce,  est  voué  à  la  prudence 
et  à  la  discrétion,  par  les  engagements  les  plus  formels. 
Aussi,  me  suis-je  permis  d'user  de  beaucoup  de  réserve  dans 
cet  écrit,  et  de  m'y  envelopper  souvent  d'un  voile,  que  les 
yeux  les  moins  ordinaires  ne  pourront  pas  toujours  percer, 
d'autant  que  j"y  parle  quelquefois  de  tout  autre  chose  que 
de  ce  dont  je  parais  traiter.  » 

Quel  bel  idéal  de  vie  sociale-,  si  un  tel  système  se 
généralisait! 

On  sait  que  les  membres  de  la  Haute-Vente  nourris- 
saient ï espoir  de  faire  un  jour  un  Pape  ((  selon  leurs 
besoins  ».  M.  Benjamin  Pabre  nous  met  entre  les  mains 
la  preuve  que  ce  rêve  était  caressé  aussi  par  les  hauts 
initiés  de  1809,  puisqu'il  produit  une  lettre  du  P.  .  \  Py- 
ton  à  Eques,  dans  laquelle  on  peut  lire  ce  passage: 

«  Nous  venons  d'établir  à  Naples  un  Suprême  Conseil 
du  33e  degré  et  un  Grand  Consistoire.  Ils  doivent  s'installer 
au  moment  où  je  vous  en  parle,  et  le  Rit  Ancien  accepté  va 
se  promener  dans  les  Etats.  Vous  voyez  qu'il  prospère.  Je 
ne  désespère  pas  de  faire  maç.  \  le  Saint- Père,  car  j'ai  envoyé 
des  instructions  dogmatiques  à  Rome,  et  un  33e  degré  qui 
y   est   dans   le   moment,    en    espère    beaucoup.  » 

Nos  hauts  maçons  ne  doutent  de  rien,  on  le  voit. 
Mais  aussi,  pourquoi  douteraient-ils,  alors  qu'ils  ne 
reculent  devant  aucune  perfidie  ?  N' 'est-elle  pas  prodi- 
gieuse à  ce  point  de  vue,  cette  lettre  par  laquelle  Eques 
demande  au  F.  \  d' Aigre  feuille  d'insister  auprès  d'un 


—    XX 


certain  abbé  d'Alès.  èx-vicaire  général  d'un  diocèse  et 
en  même  temps  haut  initié,  afin  que  celui-ci  veuille  bien 
préparer  un  rapport  dans  le  but  de  tromper  les  catholi- 
ques sur  les  bulles  lancées  par  les  Souverains  Pontifes 

contre  la  Franc-Maçonnerie. 

«  Ceux  de  mes  frères,  écrit  «  Eques  a  capite  galeato  », 
qui  sont  allés  en  Espagne  ou  ont  lu  ces  ouvrages  (où  sont 
citées  et  commentées  les  bulles),  ne  veulent  plus  entendre 
parler  de  la  Loge  et  de  la  Maçonnerie.  Si  donc  tous  les 
hommes  timorés,  qui,  au  bout  du  compte,  sont  pourtant  les 
plus  honnêtes  gens,  nous  quittent,  serons-nous  bien  flattés, 
vous  et  moi,  de  n'être  en  société  qu'avec  ceux  qui  n'ont  ni 
foi  ni  loif  » 


De  tels  documents  n'offrent  pas  seulement  un  inté- 
rêt historique.  Ils  sont  d'une  utilité  essentielle  au  point 
de  vue  de  la  lutte  que  les  catholiques  français  ont  à  sou- 
tenir s'ils  ne  veulent  pas  voir  le  Catholicisme  chassé  de 
leur  pays.  Et  c'est  par  là  que  l'ouvrage  de  M.  Benjamin 
Fabre  présente   un    intérêt   de  premier   ordre. 

La  France  est  en  pleine  guerre  religieuse,  comme  au 
seizième  siècle.  La  seule  différence  entre  les  deux  épo- 
ques consiste  en  ce  qu'il  y  a  quatre  siècles,  catholiques 
et  protestants  se  battaient  à  coups  d'arquebuse,  tandis 
que.  depuis  cent  soixante  ans.  la  guerre  faite  au  Catho- 
licisme est  conduite  sous  le  couvert  des  Sociétés  secrètes 
et  c'est  ce  qui  crée  le  vrai  danger  de  la  situation.  Les 
assaillants  anticatholiques  ont  imaginé  de  constituer  des 
'dations  dans  lesquelles  ils  préparent  leurs  attaques 
sans  que  le  public  s'en  aperçoive.  Ils  attirent  pourtant 
ces  catholiques  dans  ces  associations  et  cela  semble,  au 
premier    abord,    incompréhensible.    Car,    s'ils    ouvrent 


XXI 


leurs  groupements}  maçonniques  ou  autres,  aux  Catho- 
liques,   comment    peut-on    dire    qu'ils    se    cachent    de 

ceux-ci  /... 

Il  faut  savoir  comment  les  choses  se  passent  pour 
comprendre  la  fourberie  de  la  manœuvre  ainsi  opérée. 

Les  Sociétés  secrètes  anti-catholiques  comprennent, 
en  effet,  des  compartiments  différents  et  les  catholi- 
ques ne  sont  attirés  que  dans  ceux  de  ces  comparti- 
ments où  l'on  se  garde  de  manifester  aucun  anti-ca- 
tholicisme. On  leur  ferme  soigneusement  la  porte  des 
autres  dont  ils  ignorent  jusqu'à  l'existence.  Ils  servent 
ainsi  à  protéger  leurs  hypocrites  ennemis;  car,  s'il 
arrive  que  quelqu'un  accuse  les  Sociétés  secrètes  de  pré- 
parer la  ruine  du  Catholicisme,  les  initiateurs  de  cette 
infâme  guerre  occulte  ont  une  réponse  toute  prête: 
((  Ceux  qui  nous  suspectent  sont  fous,  disent-ils. 
Nos  Sociétés  secrètes  ne  sont  nullement  anticatholiques. 
La  preuve,  c'est  que  Messieurs  X,  Y,  Z,  braves  gens, 
hommes  d'ordre,  voire  même  catholiques  connus  comme 
tels,  en  font  partie.  »  Et  le  public  qui  ne  sait  pas,  le 
public  qui  ne  peut  juger  que  sur  les  apparences,  est 
convaincu  que  les  accusateurs  des  Sociétés  secrètes  en 
général,  et  de  la  Franc-Maçonnerie  en  particulier,  sont 
des  menteurs  ou  des  hallucinés.  Le  même  esprit  de  four- 
berie caractérise  toutes  les  autres  manœuvres  opérées 
dans  les  Sociétés  secrètes.  La  conséquoice  d'un  pareil 
état  de  choses,  c'est  que  le  Catholicisme  est  enveloppé 
silencieusement  et  de  telle  manière  que  le  jour  où  un 
assaut  lui  est  donné  sur  un  point  quelconque,  la  ba- 
taille est  perdue  d'avance  pour  lui.  C'est  ainsi  qu'il  a 
été  chassé  de  tant  de  positions  eu  France  depuis  an 
siècle  et  demi. 


Nous  sommes  arrivés  à  une  heure  excessivement 
grave  pour  lui.  Il  s'agit,  en  effet,  de  savoir  si  les  catho- 
liques français  vont  continuer  de  se  laisser  duper  com- 
me ils  l'ont  fait  jusqu'ici. 

Pour  qu'ils  puissent  échapper  aux  pièges  qui  leur 
sont  journellement  tendus,  il  faut  qu'ils  soient  rensei- 
gnés sur  l'espèce  de  guerre  qui  leur  est  faite.  Là  est 
la  première  des  conditions  pour  qu'ils  puissent  vaincre 
A  ce  point  de  vue  comme  au  point  de  vue  historique, 
l'ouvrage  de  M.  Benjamin  Fabre,  fortement  pensé  et 
supérieurement  conduit,  doit  prendre  place  à  côté  de 
ceux  de  Barruel  et  de  Crétineau-Joly.  C'est  le  plus 
bel  éloge  qu'on  en  puisse  faire. 


Copin-Albancelli. 


LE  RIT  PRIMITIF 


■h 


LE  RIT  PRIMITIF 


Xous  publions,  en  les  accompagnant  de  commentaires 
destinés  à  les  éclairer,  des  documents  précieux  pour  l'his- 
toire. Les  lecteurs,  bien  informés,  verront  avec  plaisir 
que  la  plupart  de  ces  pièces  sont  inédites.  Un  grave  motif 
nous  a  déterminé  à  livrer  nos  recherches  au  public  :  nous 
sommes  convaincu  que  l'on  ne  saurait  assez  étudier  la 
Secte  Maçonnique,  aujourd*hui  maîtresse  du  monde  et 
partout  triomphante.  Son  insolente  puissance  tient,  sous 
un  joug  de  fer,  les  peuples  et  les  rois.  Nous  pourrions 
même  dire  qu'il  n'y  a  plus  de  peuples,  ni  de  rois.  Il  n'y 
a  plus  qu'elle.  Que  savons-nous  d'elle  ?  —  Au  fond,  peu 
de  chose.  Xous  connaissons  ses  rituels,  ses  anciens  mots 
de  passe,  ses  innombrables  symboles,  ses  cérémonies 
bouffonnes  ou  infâmes  ;  mais  de  ses  origines,  presque 
rien,  du  moins  avec  quelque  certitude.  Durant  plusieurs 
siècles,  les  profanes  ont  ignoré  son  but,  son  vrai  but,  le 
but  que  les  Hauts  Initiés  rappellent  sans  cesse,  mais 
avec  mystère.  Il  s'est  enfin  rencontré  un  homme  d'une 
rare  perspicacité,  M.  Copin  Albancelli,  qui,  s'appuyant 


2  LE    RIT    PRIMITIF 

sur  Barruel  et  Deschamps,  et  ajoutant  ses  démonstra- 
tions à  leurs  observations,  nous  a  dévoilé  les  desseins 
de  la  Secte.  Sa  puissante  logique  nous  a  montré  et  nous 
a  fait  toucher  du  doigt  le  Pouvoir  Occulte  qui  est  l'âme 
de  la  Maçonnerie  Universelle.  Les  études  profondes  de 
ce  maître,  les  conférences  qu'il  multiplie  dans  toutes  les 
grandes  villes,  sans  se  lasser,  ont  forcé  enfin  l'attention. 

Les  historiens,  les  penseurs,  les  hommes  politiques,  les 
vrais  Français,  tous  ceux  qui  voient  avec  désespoir  notre 
patrie  se  consumer  lentement,  d'un  mal  étrange  et  mys- 
térieux, ont  enfin  ouvert  et  prêté  l'oreille.  Il  fut  un  temps 
où,  pour  notre  malheur,  on  regardait  comme  un  illu- 
miné, et,  si  j'ose  dire,  comme  un  fou,  tout  homme  qui 
prononçait  le  seul  nom  de  Maçon,  de  Société  secrète,  de 
Pouvoir  occulte.  C'est  la  Secte  elle-même  qui  nous  avait 
fait  cette  mentalité.  Dieu  merci  !  ces  temps  ne  sont  plus. 
Puissions-nous  ne  plus  les  revoir  ! 

On  ne  saurait  aimer  ce  que  l'on  ne  connaît  pas  ;  et 
donc,  on  ne  peut  haïr,  d'une  haine  éternelle  et  sainte,  le 
mal  dont  l'existence  même  n'est  pas  soupçonnée.  Or,  le 
mal,  le  grand  mal  des  temps  modernes,  c'est  la  Société 
secrète,  tant  de  fois  condamnée  par  les  Papes.  Que  la 
France,  si  elle  veut  guérir  et  revivre,  et  rentrer  dans  sa 
tradition  séculaire,  apprenne  à  la  connaître.  Heureux  de 
l'y  aider,  pour  notre  faible  part,  nous  apportons,  aux 
fortes  études  des  maîtres,  cette  contribution. 

Nous  laisserons  le  plus  souvent  les  documents  parler. 
Les  figures  se  dresseront,  comme  d'elles-mêmes,  devant 
nous.  Nous  considérerons,  non  sans  stupeur,  les  grands 
ancêtres  de  nos  modernes  maçons,  tels  qu'ils  se  sont 
peints  eux-mêmes  ou  tels  que  les  ont  crayonnés  leurs 
frères  et  leurs  amis. 


1 


CHAPITRE  PREMIER 

L'Eques  a  Capite  Galeato, 
sa  famille,  ses  grades. 


Nos  documents  ont  appartenu  à  l'un  des  Maçons  des 
sphères  supérieures,  au  xvuie  siècle.  Nous  le  désigne- 
rons sous  le  nom  caractéristique  d'Equcs  a  Capite  Ga- 
leato, qu'il  portait  dans  le  régime  de  la  Stricte  Obser- 
vance. Le  lecteur  chercherait  en  vain  son  nom  profane 
dans  l'œuvre  de  Michelet  ou  de  Taine,  dans  l'histoire 
de  Thiers  ou  d'Henri  Martin. 

Taine  paraît  avoir  tout  ignoré  de  sa  vie,  de  son  rôle. 
Deux  ou  trois  auteurs,  qui  ont  écrit  des  ouvrages  spé- 
ciaux sur  les  Sociétés  Secrètes,  lui  consacrent  à  peine 
quelques  lignes.  Barruel,  Clavel  et  Deschamps  passent  à 
côté  de  lui,  sans  même  soupçonner  son  autorité,  sa  prodi- 
gieuse activité  et  sa  présence  dans  les  conseils  des  Hauts 
Initiés.  Il  fut  l'un  des  membres  les  plus  actifs  des  princi- 
paux Couvents,  dont  les  résolutions  hâtèrent  l'effroyable 
catastrophe  qui  fit  crouler  un  monde.  Il  fut  l'ami  des 
Talleyrand,  des  Mirabeau,  des  Dietrich,  des  Bode,  sur- 
tout du  chef  des  Philalcthes :Savalctte  de  Langes,Garde 


' 


TK    RIT    PRIMITIF 


du  Trésor  Royal.  Il  fut  plus  que  leur  ami.  Sa  correspon- 
dance nous  le  montre  leur  conseiller  et,  parfois  même, 
leur  directeur.  La  Société  Secrète  reconnut  et  ne  cessa 
d'aimer  en  lui  un  adepte  digne  d'être  proposé  comme  un 
modèle  :  un  ouvrier  acharné  à  son  labeur  ;  un  initié 
circonspect,  discret,  ennemi  du  bruit,  fuyant  la  lumière, 
travaillant  dans  l'ombre  et  le  mystère,  mais  avant  tout 
désintéressé.  Il  ne  rechercha  les  grades  de  tous  les  Régi- 
mes et  de  tous  les  Rites  connus  à  son  époque,  et  ne  les 
obtint,  que  pour  rendre  à  la  Maçonnerie  de  plus  grands 
services.  Il  n'ambitionna  point  les  honneurs.  Très  atta- 
ché aux  domaines  considérables  que  ses  pères  lui  avait 
légués,  âpre  et  tenace  à  en  défendre,  contre  de  nombreux 
envieux,  les  malheureux  restes  que  la  Révolution  lui  en 
avait  laissés,  il  ne  songea  point  à  se  prévaloir  de  ses 
Hauts  Grades  maçonniques,  ni  à  rappeler  les  quarante 
années  consacrées  par  lui  au  Grand  Œuvre,  ni  à  mettre 
en  avant  son  influence,  qui  fut  grande,  pour  se  pousser 
aux  premiers  rangs  et  s'enrichir.  Tandis  que  Tatteyrand, 
Touché,  Cambacérès,  Fontanes  ;  son  cousin,  Charles 
d'Aigre  feuille,  les  Ségur,  Rœttiers  de  Montaleau  —  ses 
anciens  amis  du  Régime  des  Philalèthes  et  de  la  Loge  des 
Amis-Réunis  —  et  d'autres  venus  plus  tard,  et  qu'il  avait 
éclairés  —  trônaient  à  Paris  ou  dans  toutes  les  cours  de 
l'Europe,  il  se  contentait,  héros  modeste;  d'occuper  un 
siège  au  conseil  municipal  d'une  ville  du  Midi. 

Nous  n'imprimerons  point  son  nom  véritable,  consi- 
dérant cette  discrétion  comme  un  égard  dû  à  ceux  par 
qui  les  documents  publiés  ci-après  nous  sont  venus  en- 
tre les  mains,  d'une  manière  toute  providentielle. 

UHques  a  Capite  Galeato  était  issu  d'une  très  an- 
cienne et  très  noble  famille  de  Bretagne,  venue  en 
France,  dit-on,  à  la  suite  de  la  reine  Anne,  fille  du  duc 
François  II,  et  femme  ùt  Charles  VIII,  puis  de  Louis 
XII.  Ses  aïeux  avaient  vaillamment  guerroyé  dans  les 
armées  du  roi.  L'un  d'entre  eux,  Messire  Charles  /er, 
reçut,  à  Cérisoles,  vingt-sept  blessures.  Le  fils  de  Charles 


m 


LE    RIT  .PRIMITIF  5 

Ier,  noble  René  P1',  en  reçut  vingt-huit,  en  combattant 
contre  quatre,  racontent  les  chroniqueurs. 

A  l'exemple  de  ses  aïeux,  lui-même  avait  embrassé  la 
carrière  des  armes.  Dans  Je  tableau  du  Régime  qu'il  avait 
fondé,  il  rappelle,  à  la  suite  de  son  nom,  ses  principaux 
titres  :  «  Le  marquis  de  C...  d'A...  {né  en  1753),  cheva- 
«  lier  de  Malte,  colonel  de  chasseurs  au  service  de 
«  Mai/te,  ex-maître  du  Grand-Orient,  conseiller 
«  d'honneur  du  Directoire  Ecossais  de  Septimanie, 
«  et  son  député  au  Convent  de  Lyon  en  1778  ;  repré- 
«  sentant  de  la  3e  Province  de  la  Stricte-Obser- 
«  vance  au  Convent  général  de  Wilhelmsbad,  en 
«  1782;  de  la  12e  Classe  des  Amis-Réunis  de  Paris  ; 
«  commissaire  aux  Archives  du  Régime  des  Philalè- 
«  thés  ;  membre  du  Convent  de  Paris  en  1785,  etc.  » 

La  Franc-Maçonnerie  lui  prit  le  meilleur  de  son 
temps.  Son  père,  le  Vicomte  de  C...  d'A...,  chef  de  divi- 
sion des  canonniers  garde-côtes,  et  l'un  de  ses  oncles  y 
avaient  été  affiliés.  Le  Vicomte  avait  connu  «  quelques 
((  maçons  Allemands,  avec  lesquels  il  avait  toujours  en- 
((  tretenu  des  relations.  Il  avait  fait  leur  connaissance 
«  autrefois,  lorsque  ayant  été  blessé  et  fait  prisonnier 
((  au  siege  de  Prague,  il  leur  avait  été  recommandé  par 
«  son  frère  qui,  depuis,  fut  tué  d'un  boulet  de  canon,  au 
«  combat  de  Rosbach.  » 

Quant  à  lui,  ses  maîtres  l'avaient  affilié,  à  Malte,  dès 
sa  jeunesse.  Il  avait  fallu,  pour  l'introduire  dans  les 
Loges,  demander  pour  lui,  aux  Supérieurs,  la  dispense 
d'âge.  Ses  progrès  furent  rapides.  Il  devint  bientôt  l'un 
des  adeptes  les  plus  zélés,  et  fut  rangé  parmi  les  plus 
intelligents.  En  1779,  les  Chefs  lui  donnent  mission 
d'écrire  une  prétendue  histoire  de  la  Franc- Maçonnerie, 
qui  est  imprimée  à  Xi  mes  et  te  des  colporteurs  vendent 
en  Allemagne,  dans  les  foires  de  Leipsick  et  de  Franc- 
fort. Il  se  reposait  ainsi,  dans  le  silence  de  l'étude,  des 
rudes  travaux  du  Convent  des  Gaules,  qui  s'était  assem- 
blé, l'année  précédente,  à  Lyon,  et  dont  il  avait  suivi  les 


6  LE    RIT    PRIMITIF 

séances  du  14  novembre  465  au  29  novembre  465  (ère 
nouvelle).  Il  a  pu  y  entrevoir  un  homme,  alors  jeune, 
brillant,  actif,  comme  lui,  mais  appelé  à  de  bien  autres 
destinées  :  l'illustre  Joseph  de  Maistrc. 

Alors  déjà,  YBques  a  Capite  Galeato  compte  parmi  les 
plus  hauts  dignitaires  :  il  est  grand  inquisiteur,  visiteur 
général  du  Premier,  Second  et  Troisième  Temple  ;  ma- 
çon illustré  des  quatre-vingt-un  grades  du  Rite  Fran- 
çais et  des  Grades  de  la  Stricte  Observance.  Il  y  a 
plus.  Nous  avons  relevé,  dans  sa  correspondance,  un  pas- 
sage d'une  lettre  qu'il  écrivit,  le  23  janvier  1807,  à  son 
cousin  Charles  d'Aigre  feuille,  33e  degré  du  Grand- 
Orient  de  France  :  «  Je  vous  envoie,  sur-le-champ,  une 
((  empreinte  pour  vous  et  le  frère  Pyron,  d'un  sceau 
«  d'ordre  que  j'ai  depuis  l'année  1774  {l'Bques  avait 
«  alors  environ  vingt  et  un  ans),  où  je  fus  investi  d'un 
«  grade  maçonnique  fort  merveilleux,  époque  où  j'étais 
((  certainement  du  très  petit  nombre,  et  où,  tout  aussi 
((  certainement,  personne  n'avait  imaginé,  soit  dit  entre 
a  nous,  tous  ces  grades,  qualifications  et  prétentions, 
«  plus  mirlifiquES  les  unes  que  les  autres,  que  l'on  fait 
((  sonner  aujourd'hui.  Transeat.  Au  reste,  mon  sceau  ne 
((  saurait  être  taxé  de  plagiat  ;  du  moins,  il  y  a  plus  de 
((  trente  ans  que  j'en  ai  scellé  des  titres  qui  sont  entre 
«  les  mains  des  diverses  Loges,  avec  lesquelles,  je  n'ai, 
((  depuis  nombre  d'années,  aucun  rapport.  » 

Au  sujet  du  fameux  sceau,  il  écrivait  le  20  avril  de 
cette  même  année  1807,  au  frère  Pyron,  représentant 
à  Paris  du  Grand-Orient  d'Italie  :  ((  Sans  autre- 
((  ir.enl  i:i' expliquer  sur  la  nature  de  mes  lumières,  rela- 
«  iivement  à  divers  Régimes,  que  je  respecte,  je  dois 
'(  d celai  er  que  mon  sceau,  ou  caractéristique,  et  les  con- 
(i  naissances  quelconques,  que  je  puis  avoir  des  deux 
((  montants,  dont  vous  jugez  qu'ils  ne  me  sont  poini 
((  étrangers,  me  sont  advenus  d'un  Rit  que  je  ne  dois 
a  jamais  nommer,  et  qui  n'a  d'ailleurs  rien  à  démêler 
«  avec  le  Rit  Primitif,  Réformé.  Rectifié,  et  autres 


IvE    RIT    PRIMITIF  7 

<(  auxquels  je  m'honore  de  tenir  par  quelque  endroit.  » 
Mais,  enfin,  quel  était  donc  ce  sceau  mystérieux  ?  — 
Le  marquis,  Bques  a  Capite  Galeato,  nous  l'apprend  lui- 
même  dans  une  lettre,  écrite  à  son  cher  cousin,  le  Très 
Illustre  frère  d'Aigre  feuille  : 

«  Mon  sceau  ressemble,  par  tant  d'attributs,  à  celui  qui  ter- 
«  mine  la  planche  du  Très-Illustre  Frère  Pyron,  que  si  j'avais 
«  tardé  à  l'envoyer,  l'on  aurait  pu,  sans  me  faire  injure,  soup- 
«  çonner  que  je  l'avais  calqué,  ce  qu'il  n'est  pas  possible 
«  d'admettre,  à  raison  de  la  rapidité  de  mon  envoi.  Au  reste, 
«  le  mien  se  rapproche,  peut-être  plus  que  le  sien,  de  celui 
«  qu'on  attribuait,  autrefois  du  moins,  à  un  grade  chevaleres- 
«  que,  dont  on  prétendait  légèrement,  un  peu  légèrement,  que 
«  le  roi  de  Prusse,  Frédéric  II,  était  le  chef.  Mon  sceau,  dans 
«  les  lettres  initiales,  etc.,  porte  confusément  :  Liberté  de 
«  Passage.  —  Ncc  plus  ultra.  —  Obiit,  sed  Re  sur  g  et.   » 

Les  lettres  initiales  sont  :  «  L.  N.  O.  P.  S.  U.  R.  )) 
qu'il  faut  lire  comme  suit  :  ((  L.  P.  :  Liberté  de  pas- 
sage. —  N.  P.  U.  :  Nec  plus  ultra.  —  O.  S.  R.  :  Obiit 
sed  resurget  ».  Quant  au  sceau  lui-même,  c'était  celui  de 
Commandeur  ad  vitam.  Le  marquis  avait,  quoique  fort 
jeune,  obtenu  ce  grade,  après  le  grand  Frédéric  et  le 
frère  de  Grassc-Tilly. 

Voilà  bien  des  titres,  ((  très  saints  et  très  sublimes  ))  — ■ 
pour  emprunter  les  propres  expressions  du  marquis  — 
posés  sur  la  tête  d'un  jeune  homme  de  vingt-et-un  ans. 

Après  avoir  pris  part  aux  travaux,  menés  à  bonne  fin 
par  le  Convent  des  Gaules,  YBques  a  Capite  Galeato  fit, 
pour  les  intérêts  de  la  Maçonnerie,  un  voyage  en  Espa- 
gne et  visita  Madrid.  A  l'aller  et  au  retour,  il  s'arrêta 
quelques  jours  dans  sa  ville  natale,  édifia  ses  concitoyens 
par  sa  piété,  revit  sa  famille  et  goûta  le  bonheur  imprévu 
de  trouver  ses  cinq  frères  —  que  les  hasards  et  les  néces- 
sités de  la  vie  avaient  dispersés  —  réunis  autour  du 
Vicomte,  leur  père. 


CHAPITRE  II 


Une  loge  en  famille.  —  Le  Rit  Primitif. 
Une  esquisse  d'architecture  maçonnique. 


Le  jeune  chevalier  de  Malte  voulut  profiter  de  cette 
rencontre  qu'il  déclare,  quelque  part,  providentielle, 
pour  réaliser  un  projet  étrange,  qui  le  hantait  depuis 
son  séjour  auprès  des  frères  de  Lyon.  L'audacieux 
adepte  avait  rêvé  de  fonder  un  Régime  Maçonnique  nou- 
veau, uniquement  composé  d'initiés  très  sûrs,  ou  de 
Grands-Officiers  des  divers  Etablissements  Maçonni- 
ques, alors  existants,  et  de  l'abriter  dans  l'enceinte 
même  du  foyer  paternel.  Dans  l'histoire  manuscrite  de 
son  Rit,  il  renvoie  tout  l'honneur  de  cette  création  à  son 
père,  Messire  François  VII  Anne  de  C...  d'A...  Exem- 
ple assurément  rare,  peut-être  même  unique  dans  les 


10 


LE    RIT    PRIMITIF 


Fastes  de  la  Maçonnerie  :  le  chef  de  cette  noble  et  illus- 
tre famille  aurait  conçu  et  réalisé  l'extraordinaire  des- 
sein de  fonder  une  Loge,  dont  lui-même  et  ses  six  fils 
seraient  les  premiers  membres,  une  Loge  en  famille,  qui, 
au  besoin,  se  suffirait  en  quelque  sorte  à  elle-même,  en 
attendant  qu'elle  pût  devenir  comme  un  centre  de  rallie- 
ment pour  les  vrais,  les  purs,  les  plus  fidèles  adeptes  de 
la  Secte. 

Mais  des  preuves,  aussi  nombreuses  que  solides  et 
convaincantes,  nous  autorisent  à  reporter  la  gloire  de 
cette  œuvre  au  fils  aîné  de  cette  famille,  au  frère  A  Ca- 
pite  Galeato.  Rituels,  insignes,  emblèmes,  instructions, 
cahiers  historiques  :  tout  a  gardé  son  empreinte  per- 
sonnelle. Quelques  jours  lui  suffirent  pour  décider  tous 
les  siens.  Même  en  supposant  que  quelques-uns  de  ses 
frères  aient  été  déjà  gagnés  aux  idées  et  aux  pratiques 
maçonniques,  on  ne  saurait,  en  présence  d'un  tel  résul- 
tat, dénier  au  prosélytisme  du  marquis  une  ardeur;  à 
l'ascendant,  qu'il  exerçait,  une  puissance  ;  à  son  zèle  une 
activité  ;  à  sa  parole  une  force  de  conviction,  qui  légi- 
timaient la  respectueuse  admiration  avec  laquelle  les 
chefs  du  Grand-Orient,  initiés  inférieurs,  accueillirent 
ses  communications. 


«  Ce  fut,  écrit-il.  le  19°  jour  du  mois  d'avril,  de  l'année  1780. 
«  jour  à  jamais  mémorable  pour  la  Révérende  Loge,  qu'il  fut 
«  procédé  solennellement  à  l'inauguration  de  la  Très  Révé- 
«  rende  Loge  de  Saint-Jean...  Première  Loge  des  Frcc  and 
a  Acceptée  Musons  du  Rit  Primitif,  en  France,  et  de  tous  les 
«  Ateliers.  Collèges,  Chapitres  y  annexés,  dans  les  trois 
»  Classes,  et  toutes  les  Sections  du  Rit  Primitif,  selon  les 
«  rites  et  les  formes  d'usage.  » 


En  l'année  1790,  le  marquis  fondateur  traça  et  fit  im- 
primer, dans  le  but  de  propager  parmi  les  plus  hauts 
initiés    la  connaissance  de  son  Régime,  ce  que.  dans  le 


IvE    RIT    PRIMITIF  II 

bizarre  jargon  maçonnique,  on  appelle  une  planche  d'ar- 
chitecture. C'est,  en  quelques  pages,  l'explication  histo- 
rique, scientifique,  symbolique,  hermétique,  des  divers 
grades  auxquels  les  adeptes  du  Rit  Primitif  pouvaient 
aspirer,  et  le  résumé  —  mais  en  termes  voilés  —  des 
sublimes  connaissances  qu'un  véritable  ami  de  la  vérité 
pouvait  acquérir  dans  les  trois  classes. 

Il  nous  serait  absolument  impossible  de  donner  une 
idée  de  ce  genre,  inconnu  dans  notre  littérature  fran- 
çaise, et  si  opposé  à  notre  génie  national,  avant  tout 
amoureux  de  lumière  et  de  clarté.  Les  mots,  les  phrases., 
les  périodes,  les  figures  n'ont,  le  plus  souvent,  aucun 
sens  littéral  raisonnable.  Les  termes  pompeux,  magni- 
fiques abondent  et  produisent  l'effet  d'oripeaux  dont  un 
homme,  au  maintien  grave  et  à  la  démarche  solennelle, 
s'affublerait  pour  se  déguiser,  un  jour  de  mardi-gras. 
Une  note,  insérée  en  tête  de  cette  esquisse,  nous  prévient 
d'ailleurs,  non  sans  quelque  franchise, 


«  qu'on  a  dû  s'attacher  à  ne  compromettre  aucun  des  secrets 
«  qui  sont  de  l'essence  de  l'Art  Royal.  C'est  (Tans  cette  vue 
«  que  les  phrases,  les  plus  clairement  énoncées,  les  plus  scien- 
«  tifiques  en  apparence,  ne  veulent  à  peu  près  rien  dire,  tandis 
«  que  les  Frères  instruits  retrouveront  peut-être  les  docu- 
«  ments  les  plus  curieux,  toute  la  pensée  du  Rit  Primitif,  dans 
«  les  expressions  les  plus  simples,  les  plus  insignifiantes,  et 
«  jusque  dans  les  locutions  les  plus  défectueuses.  » 


La  Libre-Pensée  n'aurait  ni  assez  de  railleries,  ni  assez 
de  sarcasmes,  si  un  écrivain  catholique,  sous  le  prétexte 
de  ne  point  divulguer  les  dogmes  et  les  mystères,  se  per- 
mettait de  telles  libertés  avec  la  grammaire,  la  langue  et 
le  bon  sens.  Elle  dénoncerait  au  monde  ce  fanatisme 
étroit,  qui  déforme  les  cerveaux  et  voile  les  intelligences. 
Elle  réclamerait  au  nom  de  l'art,  ou,  plus  simplement,  au 
nom  du  bon  goût. 


12  LE    RIT    PRIMI  IF 

Le  style  et  la  manière  du  marquis  ne  sont  pas  un  acci- 
dent isolé  :  ils  sont  dans  les  usages  et  dans  la  tradition 
de  la  Maçonnerie.  Il  suffit,  pour  en  être  convaincu,  de 
parcourir  quelques  discours  prononcés  dans  les  Loges  et 
les  Couvents,  ou  de  lire  —  quand  on  a  le  rare  bonheur 
d'en  découvrir  quelques-unes  —  les  pièces  de  la  corres- 
pondance échangée  entre  les  Hauts  Initiés.  Le  livre 
de  Saint-Martin,  intitulé  Des  Erreurs  et  de  la  Vérité, 
nous  paraît  être  le  chef-d'œuvre,  fort  admiré  du  reste, 
de  ce  genre,  incompatible  avec  notre  génie  français.  Le 
Philosophe  inconnu,  le  chef  des  Maçons  Judaïsants 
de  Lyon,  a  pris,  d'ailleurs,  les  mêmes  précautions  que 
notre  Bques  a  Capite  Galeato. 


«  C'est  pour  avoir  oublié,  écrivait  Saint-Martin,  les  prin- 
«  cipes  dont  je  traite,  que  toutes  les  erreurs  dévorent  la  terre, 
«  et  que  les  hommes  ont  embrassé  une  variété  universelle  de 
«  dogmes  et  de  systèmes...  Cependant,  quoique  la  lumière  soit 
«  faite  pour  tous  les  yeux,  il  est  encore  plus  certain  que  tous 
a  les  yeux  ne  sont  pas  faits  pour  la  voir  dans  son  éclat  ;  et 
«  le  petit  nombre  de  ceux  qui  sont  dépositaires  des  vérités 
«  que  j'annonce,  est  vouée  à  la  prudence  et  à  la  discrétion,  par 
«  les  engagements  les  plus  formels.  Aussi,  me  suis-je  permis 
«  d'user  de  beaucoup  de  réserve  dans  cet  écrit,  et  de  m'y  enve- 
«  lopper  souvent  d'un  voile,  que  les  yeux  les  moins  ordi- 
«  naires  ne  pourront  pas  toujours  percer,  d'autant  que  j'y 
«  parle  quelquefois  de  tout  autre  chose  que  de  ce  dont  je 
«  parais  traiter.  » 


UEqucs  a  Capite  Galeato,  qui  avait  été  quelque  temps 
à.  l'école  de  Claude  de  Saint-Martin,  écrit  —  mais  avec 
moins  de  perfection  —  dans  la  manière  de  son  maître. 
Pour  que  chacun  puisse,  par  quelques  exemples,  se  faire 
une  idée  de  ce  style,  éminemment  maçonnique,  nous 
citerons  queques  fragments  de  cette  Esquisse  d'Archi- 
tecture, ((  tracée  »  par  le  marquis.  Comme  tous  les  fon- 


nHnHM^K^BEBHB 


LE    RIT    PRIMITIF  13 

dateurs  des  Régimes  Maçonniques,  si  nombreux  au 
XVIIIe  siècle,  I'Eques  a  Capite  Galeato  a  voulu  donner 
au  sien  l'antiquité  la  plus  vénérable  et  la  plus  reculée. 
Il  parle,  en  ternies  émus,  des  Anciens  Frères  du  Rit  Pri- 
mitif —  lesquels  n'ont  jamais  existé  —  attendu  que  ce 
Rit  eut  pour  père,  entre  1785  et  1789,  un  chevalier  qui 
avait  à  peine  atteint  l'âge  de  trente  ans.  En  faisant 
l'éloge  de  ces  illustres  et  sages  ancêtres,  c'est  de  lui- 
même,  et  de  son  père  et  de  ses  frères,  qu'il  entend  parler. 
Il  écrit  : 


«  Liés  l'un  à  l'autre  par  une  confiance  réciproque,  et  par 
«  un  zèle  à  toute  épreuve,  pour  les  progrès  de  l'Art-Royal,  ils 
«  ont  saisi  toutes  les  circonstances  heureuses,  qui  les  ont  mis 
«  en  mesure  d'explorer  les  ateliers  les  plus  illustres  du  monde 
«  connu.  Ées  principaux  Orients  de  France,  d'Angleterre, 
«  d'Allemagne,  d'Espagne,  d'Italie  ;  ceux  de  la  côte  de  Syrie 
«  et  des  établissements  Européens  dans  les  deux  Indes,  ont 
«  été  visités  par  quelques-uns  de  ces  Frères.  On  les  a  admis 
«  avec  urbanité  dans  les  ateliers  peu  connus,  qui  existent  en 
«  Chypre,  en  Hollande,  en  Suède,  dans  la  partie  occidentale 
«  de  l'Ecosse,  et  dans  les  cercles  mystérieux  tracés  au  pied 
«  des  montagnes  bleues.  A  une  grande  distance  des  sources 
«  contestées  du  Nil,  père  des  eaux,  ils  ont  vu  de  très  près  le 
<(  prétendu  Grand-Cophte,  enseveli  sous  son  grand  voile  noir. 
«  Près  des  bords  couronnés  de  laurier,  ils  ont  pénétré  dans  la 
«  Crypte  auguste  où  P.  R.  R.  présente  aux  regards  et  à  la 
«  réflexion  des  mortels  étonnés,  les  trois  clefs,  en  faisceau. 
«  qui  lui  ont  été  confiées.  Enfin,  non  loin  des  rives  fortunées 
«  du  fleuve  des  délices,  existe  à  jamais  pour  eux  l'Orient  de 
«  tous  les  Orients  de  la  terre,  berceau  originel  de  l'institut 
«   fondamental  et  primitif  de  toute  Franche-Maçonnerie... 

«  Quoi  qu'il  en  soit,  il  est  certain  que  les  Frères  anciens  du 
«  Rit  Primitif  n'ont  rien  négligé  pour  pénétrer  dans  le  dédale 
«  des  connaissances  dites  maçonniques.  Mais  quelque  succès 
«  qu'ils  aient  eu  dans  leurs  recherches,  ils  auraient  savouré 
«  avec  peu  de  douceur  les  fruits  qu'ils  ont  recueillis,  si,  pour 
«  prix  de  leurs  soins,  de  leurs  travaux,  de  leurs  sacrifices, 


14 


LE    RIT    PRIMITIF 


((  ils  n'avaient  pas  acquis  le  droit,  ou  plutôt,  contracté  le 
a  devoir  de  sauver  leurs  fils,  leurs  neveux,  leurs  parents,  leurs 
«  amis,  du  danger  où  ils  étaient  exposés  de  parcourir  la  même 
«  route  d'une  manière  tout  aussi  pénible,  tout  aussi  dispen- 
«  dieuse,  et,  peut-être,  sans  parvenir  jamais  aux  mêmes  résul- 
«  tats. 

«  C'est  pourquoi  les  Frères  anciens  n'ont  pas  dû  hésiter  à 
«  professer  d'un  franc  courage,  que  l'ordre  ou  société  des 
a  Francs-Maçons  du  Rit  Primitif  avoue  et  reconnaît  pour 
«  base  de  sa  réunion  et  de  sa  propagation,  l'esprit  de  socia- 
«  bilité,  exprimé  par  l'adage:  Homo  sum;  nihil  humani  a  me 
a  alienum  puto;  qui  tend  à  faire  de  tous  les  hommes  un  peuple 
((  de  frères  ;  et  pour  seconde  base,  l'esprit  d'humanité  et  de 
«  secours  mutuel,  qui  découle  du  même  principe,  et  revendique 
u  le  même  adage  pour  son  expression...  » 


Un  peu  plus  loin,  l'auteur  expose  l'économie  du  Rit 
Primitif,  a  cultivé  »  dans  sa  Loge  de  Saint- Jean  :  sa 
division  en  Trois  Classes,  en  Dix  Degrés  —  ses  quatre 
sublimes  Chapitres. 

Après  avoir  traité  de  la  première  classe,  composée  de 
sept  degrés  ou  échelons  de  connaissances;  de  la  seconde 
classe  qui  ne  comprend  que  deux  échelons,  il  s'attache  à 
faire  connaître,  admirer  et  révérer  la  troisième  classe, 
la  plus  élevée,  la  plus  mystérieuse  de  son  Rit. 


<f  La  troisième  grande  division,  composée  d'un  seul  échelon, 
«  le  dizième  et  le  complément  de  tout  le  système,  indique  la. 
n  haute  importance  ce  son  objet,  par  le  caractère  même  de  son 
a  titre  En  effet,  c'est  là  le  Modeste  Chapitre  des  Disciples 
«  du  Grand-Rosaire,  amateurs  de  la  Vérité,  Frères  Rose- 
ut  Croix  de  la  Table  du  Banquet  des  Sages,  Mages,  Théoso- 
«  phes.  On  sent  que  toute  définition,  toute  analyse  serait  dépla- 
ce cée ;  le  titre  en  dit  assez:  Oui  habet  aures  audiendi.  audiat. 
«  Ce  serait  en  vain  qu'on  en  dirait  davantage  aux  autres. 

«  Probablement  on  ne  commettra  point  la  méprise  de  ne  voir, 


LE    RIT    PRIMITIF 


i; 


«  dans   ce  mode   d'enregistrement,  que  trois   classes,   ou  que 

«  dix  degrés,  pour  conclure  de  là  que  les  Régimes  ou  Rit  s, 

«  qui  comptent  les  classes,  grades  ou  degrés,  par  douzaines. 

«  ont  donc  des   connaissances   fort   supérieures   à   celles   des 

«  Frères  du  Rit  Primitif. 

«  Les  Maçons  instruits  et  observateurs  discerneront  très 
«  bien,  que  les  titres  des  classes  ou  degrés  ne  sont  pas  des 
«  désignations  de  tel  ou  tel  grade,  mais  qu'ils  sont  des  déno- 
«  minations  de  collections  qu'il  suffirait  de  dérouler,  autant 
«  qu'elles  en  sont  susceptibles,  pour  en  faire  jaillir  un  nombre 
«  presque  infini  de  grades  intéressants. 

«  Ils  ne  méconnaîtront  point  le  motif  du  choix  préfixe  de  dix 
«  degrés,  puisqu'ils  n'ignorent  point  que  le  nombre  philoso- 
«  phique  10  est  le  tableau  des  merveilles  de  l'univers  ;  que 
«  le  premier  dénaire  générateur  enveloppe  le  germe  plasti- 
<(  que  de  tous  ses  multiples  sans  exception  ;  que  si,  en  coho- 
«  bant  tous  les  zéros  dont  l'imagination  humaine  peut  conce- 
u  voir  la  série,  le  résultat  définitif  les  réunit  tous  dans  un 
«  seul  zéro,  second  nombre  du  dénaire,  on  peut  aussi,  par 
«  l'acte  inverse,  en  développant  et  dédoublant  à  l'infini  cet 
«  unique  zéro,  le  prototype,  la  matrice  et  le  véhicule  de  tous 
«  les  zéros  possibles,  rétablir  dans  toute  son  étendue,  et  même 
«  au  delà,  la  file  sans  fin  de  ooo  ooo  ooo  qui  avait  été  le 
«  sujet  de  la  première  opération  :  et  ceci  leur  sert  d'exem- 
«  pie  ou  d'explication  du  système  successif,  et  à  volonté  de 
«  concentration  ou  de  déroulement  des  cahiers  maçonniques 
a  que  le  Rit  Primitif  a  joints  aux  deux  bases  primordiales 
«  de   la    Fraxche-Maçoxxerie. 

<(  D'ailleurs,  tous  les  Maçons  remarqueront'  sans  doute,  que, 
«  en  outre  des  six  premiers  degrés,  dont  les  collections  sont 
«  très  nombreuses,  le  Premier  Chapitre  de  Rose-Croix  pos- 
«  sède  les  connaissances  qui,  dans  quelques  Régimes,  fixent 
«  le  culte  maçonnique,  et  la  vénération  d'une  foule  de  respec- 
«  tables  Frères. 

«  Le  Secoxd  Chapitre  de  Rose-Croix  est  dépositaire  de 
«  documents  historiques  très  curieux  par  leur  espèce,  leur 
«  rapprochement  et  leur  variété. 

«  Le  Troisième  Chapitre  de  Rose-Croix  s'occupe  de  toutes 
«  les  cor^aissances  maçonniques,  physiques  et  philosophiques, 


i6 


LE    RIT    PRIMITIF 


«  dont  les  produits  peuvent  influer  sur  le  bonheur  et  le  bien- 
ce  être  matériel  et  moral  de  l'homme  temporel. 

«  L,e  Quatrième  et  dernier  Chapitre  des  Frères-Rose-Croix 
ce  du  Grand-Rosaire  fait  son  étude  assidue  de  connaissan- 
ce ces  particulières  d'ontologie,  de  psychologie,  de  pneumato- 
cc  logie  ;  en  un  mot,  de  toutes  les  parties  des  sciences  que  l'on 
ce  nomme  occultes  ou  secrètes,  parce  que,  au-dessus  de  la  por- 
cc  tée  de  la  multitude,  elles  sont  même  étrangères  au  vulgaire 
ce  des  gens  instruits;  leur  objet  spécial  étant  la  réhabilitation 
ee  et  réintégration  de  i/homme  INTELLECTUEL,  dans  son  rang 
ce  et  ses  droits  primitifs. 

ce  II  n'y  a  donc  pas  lieu  de  douter  que  les  Maçons  d'un  cer- 
ce  tain  ordre  concevront  à  merveille  la  fertilité  de  ce  système 
ce  d'instruction,  et  que  tous  les  grades  maçonniques  possibles, 
ce  faits  ou  à  faire,  sont  censés  lui  appartenir  ;  puisqu'ils 
ce  doivent  nécessairement  et  naturellement  s'encadrer  dans 
ce  quelqu'une  de  ses  subdivisions.  En  effet,  l'échelle  dénaire 
ce  élémentaire  d'investigations  du  Rit  Primitif  présente,  dans 
ce  ses  formes,  un  nombre  presque  indéterminé  d'échelons  ou 
ce  degrés  d'étude,  dont  la  classification  permet  de  les  contrac- 
ce  ter  à  volonté,  ou  de  les  dérouler  presque  à  l'infini, 
ce  sans  en  déranger  la  série,  et  dont  la  coordination 
ce  magnifique  invite  d'en  adopter  un  à  chacun  des  jours 
ce  de  l'année  solaire;  d'en  réserver  de  plus  marquants 
ce  pour  le  jour  intercalaire  du  système  Gelaluddaulé-Melicxa; 
ce  quelques  autres  pour  la  grande  période  dyonisienne  et  les 
ce  autres  grands  cycles  du  temps,  sans  perdre  jamais  de  vue 
ee  qu'il  restera  toujours  un  échelon  ineffable  à  monter  en  ce 
ce  jour  auguste  et  solennel,  où  la  matière  ayant  fini  son  temps, 
ce  et  l'homme  terminé  son  épreuve,  les  deux  seront  ébranlés, 
ee  la  mer  franchira  ses  limites,  les  planètes  se  froisseront 
ce  dans  une  conjonction  désordonnée,  les  éléments,  brouillés 
ce  et  confondus,  rentreront  pour  toujours  dans  la  nuit  du 
ce  cahos.  la  parole  de  celui  ql*i  est  retentira  encore  une 
«  fois  dans  les  voûtes  incommensurables  de  l'abîme,  et  l'uni- 
e<  vers  temporel,  consumé  par  un  déluge  de  feu.  s'évanouira 
«  dans  le  sein  de  I'immensité.  » 


Pour  le  fond   ces  déclamations  pleines  d'enflure,  n'ont 


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LE    RIT    PRIMITIF 


rien  de  bien  extraordinaire.  Elles  n'ont  pas  même  le  mé- 
rite d'être  originales.  Le  marquis  rappelle,  à  mots  cou- 
verts, quelques  dogmes,  empruntés  au  système  Kabbalis- 
tique  du  Juif  don  Martinez  de  Pasquaus,  arrangé  par 
■d'Hauterive,  Savalette  de  Langes,  Duchanteau  et  Saint- 
Martin.  Quant  à  la  forme,  nous  avons  ici  un  horrible 
pastiche  de  Saint-Martin,  déjà  nommé,  de  quelques  frag- 
ments écrits  par  un  vieux  fol,  le  colonel  polonais  de 
Thoux  de  Salverte,  et  de  plusieurs  versets  d'une  épitre 
de  l'Apôtre  saint  Pierre  ;  le  tout  est  largement  assai- 
sonné d'humeur  gasconne. 

Quoi  qu'il  en  soit,  le  Très  Illustre  frère  Pyron,  souve- 
rain grand  inspecteur  général  du  Grand-Orient  de 
France,  et  l'un  des  fondateurs  du  Grand- Orient  d'Italie, 
écrivait  à  l'auteur,  dans  les  premières  années  de  l'Em- 
pire : 

«  J'ai  donné  la  plus  grande  attention  au  dernier  paragra- 
phe de  la  page  46  (l'un  de  ceux  que  nous  avons  cités),  et  je 
n  oublierai  jamais  que  c'est  à  vous,  Très  Illustre  Frère,  que  je 
dois  d'avoir  monté  l'échelon  de  la  troisième  Division,  dont  la 
science  fut  souvent  mon  étude  particulière...  La  notion  géné- 
rale qui,  pour  tout  autre,  pouvait  être  une  science  occulte,  m'a 
fait  recueillir,  avec  respect,  votre  précepte:  «  Qui  aurcs  habet 
audiendi,  audiat.   » 

Un  des  maçons  les  plus  savants,  le  plus  savant,  peut- 
être,  à  cette  époque,  de  l'Europe  et  du  Nouveau-Monde, 
le  Très  Illustre  Frère  Bacon  de  la  Chevalerie,  à  peu  près 
à  la  même  date,  écrivait  au  marquis  : 

«  L'exemplaire  (esquisse  d'architecture  du  Rit  Primitif)  qui 
est  dans  nos  mains,  était  destiné  au  cher  frère  de  Bondy,  qui 
•se  trouvait  absent...  Je  me  suis  enfin  déterminé  à  garder  le 
trésor  que  je  possédais.  Je  l'ai  médité  plusieurs  fois  et  j'y  suis 
toujours  revenu  avec  plaisir.  J'ai  vu  que  dans  les  développe- 
ments graduels  que  produit  cet  écrit,  il  ne  laisse  rien  à  désirer 
au  Maçon  instruit,  et  néanmoins  ne  compromet  point  les  mys- 


LE    RIT    PRIMITIF  10/ 

tères  les  plus  graves  et  les  plus  importants.  J'en  ai  porté  cer- 
tains traits  sur  mes  lèvres  avec  respect.  J'ai  vu,  enfin,  avec 
délices,  dominer  dans  ce  précieux  ouvrage,  le  principe  vulgaire. 
et  sacré  de  l'amour  des  hommes,  duquel  dérive  la  bienfaisance 
obligatoire,  en  faveur  de  l'humanité,  en  général,  et  de  la  fra- 
ternité, particulièrement J'attache  un  prix  infini  à  ce  dis- 
cours... Il  n'a  pas  peu  contribué  à  corroborer  mon  zèle  maçon- 
nique, auquel  on  porte  de  vigoureuses  atteintes.  Mais  il  entre 
du  contrepoids  dans  la  balance.  Je  le  sens.  » 

Le  marquis  ne  se  laissait  pas  enivrer  par  ces  louanges. 
Nous  dirons  bientôt  l'opinion  qu'il  professait  au  sujet 
de  tous  les  RitSj  de  tous  les  Régimes,  de  tous  les  buts 
apparents  de  la  Maçonnerie.  Tout  bas,  et  comme  sub 
rosâj  il  convenait  —  et  cet  aveu  ne  lui  coûtait  pas  beau- 
coup —  qu'en  soi  son  Rit  Primitif,  selon  le  mot  de  son 
cousin,  le  Très  Illustre  Frère  d'Aigrefeuille,  «  était 
moins  que  rien  )).  Volontiers,  car  il  n'était  pas  dupe  de 
son  propre  enthousiasme,  il  eût  appliqué  à  son  œuvre  le 
mot  du  fabuliste  : 

De  loin  c'est  quelque  chose,  et  de  près  ce  n'est  rien. 

Mais,  comme  il  savait  à  fond  son  Esquisse,  il  eût  pu, 
tout  aussi  bien,  s'appliquer  à  lui-même  le  mot  d'un  an- 
cien: Timeo  hominem  unius  libri.  Son  œuvre  était  tout 
entière  dans  sa  tête.  Il  en  citait  ou  en  débitait  les  mysté- 
rieuses tirades,  dans  ses  lettres,  dans  ses  discours.  Il 
constate,  maintes  fois,  —  avec  un  plaisir  non  dissimulé 
et  sans  cesse  renouvelé  —  que  ses  étranges  élucubrations 
obtiennent  toujours  le  succès  le  plus  vif. 

A  cette  Esquisse  d'architecture  maçonnique  est 
annexée  une  pièce  importante  :  le  Tableau  de  la  Loge 
Saint-Jean,  c'est-à-dire,  la  liste  des  adeptes  qui  la  com- 
posent. Ce  Tableau  est  divisé  en  deux  parties  :  dans  la 
première  sont  inscrits  les  noms  des  membres  Fondateurs 
de  la  Loge,  et  du  Rit  qu'elle  abrite  ;  dans  la  seconde, 
sont  rangés,  par  ordre  d'ancienneté,  les  membres  initiés 
directement  ou  associés  à  ce  Régime. 


/ 


CHAPITRE  III 


Composition  de  la  Révérende  Loge. 


Voici  les  noms  et  les  qualités  des  Membres  Fonda- 
teurs : 

Sous  le  n°  i  :  Le  vicomte  de  C...  d'A...,  chevalier  de 
Saint-Louis,  chef  de  division  des  canonniers  garde- 
côtes...,  conservateur  du  Régime.  C'est  le  père. 

Sous  le  n°  2  :  Le  marquis  de  C...  d' A...,  chevalier  de 
Malte,  colonel  de  chasseurs  au  service  de  Malte...  Le 
vrai  fondateur.  C'est  notre  Eques  a  Capite  Galeato, 
l'aîné  de  la  famille. 

Sous  le  n°  3  :  le  chevalier  Marie-Paul  de  C...  d'A... 
major  en  Amérique... 

Sous  le  n°  4  :  Le  baron  Paul-Serge- Anne  de  C... 
d'A...,  chevalier  de  Malte,  capitaine  d'infanterie  au  régi- 
ment d'Anjou,  fondateur  de  plusieurs  Loges  du  Rit 
Français,  de  la  12e  classe  des  Amis-Rénnis  de  Paris  ; 
convoqué  au  Convent  de  Paris,  en  1785. 

Sous  le  n°   5  :  Noble  François  VII,  René    de  C... 


22 


LE    RIT    PRIMITIF 


d'A...,  ancien  page  du  Grand-Maître  de  Malte,  prêtre 
gradué,  chanoine  de  la  cathédrale  de... 

Sous  le  n°  6:  Noble  François  VIII,  Guillaume  de  C... 
d'A...,  chevalier  de  Malte,  lieutenant  des  vaisseaux  du 
Roi,  fondateur  et  membre  de  Loges  de  divers  Régimes. 

Sous  le  n°  7  :  Le  chevalier  Gabriel  de  C...  d'A...,  che- 
valier de  Malte,  sous-lieutenant  d'infanterie  au  régiment 
d'Anjou. 


En  tête  des  brevets,  délivrés  par  la  Révérende  Loge, 
était  représentée  une  couronne  de  myrthe,  ornée  de  sept 
grenades  ;  au-dessus,  un  ruban  portait  la  devise  :  ((  Co- 
roiiam  ne  vellito  ».  Or,  un  des  adeptes  les  plus  chers  à 
la  secte,  le  jeune  chevalier  suédois  à'Harmensen,  était 
venu  chercher  à  Paris  un  asile,  sous  le  Premier  Empire. 
Le  Grand-Orient  accueillit  le  jeune  adepte  avec  une 
faveur  marquée.  h'Eques  a  Capite  Galcato  était,  à  cette 
époque,  en  lutte  ouverte  avec  cette  grande  Autorité  Ma- 
çonnique, dont  l'ambition  et  la  tyrannie  prétendaient 
absorber  tous  les  autres  Régimes.  La  discussion  demeu- 
rait courtoise,  quoique  très  vive.  D'ailleurs,  le  Grand- 
Orient  finit  par  s'incliner  et  reconnut  qu'il  avait  trouvé 


LE    RIT    PRIMITIF  23 

son  maître.  Quelques  incidents  de  cette  querelle  mirent 
en  relation  le  redoutable  fondateur  du  Rit  Primitif  et 
le  jeune  chevalier  suédois.  Leur  correspondance  com- 
poserait un  curieux  chapitre  de  l'histoire  de  la  Haute- 
Maçonnerie  au  commencement  du  xixe  siècle.  Le  mar- 
quis conçut  pour  ce  jeune  adepte,  déjà  reçu  dans  les  plus 
hauts  grades,  la  sympathie  la  plus  vive,  et  une  estime 
voisine  de  l'admiration.  Il  lui  ouvrit  les  bras  et  l'admit 
dans  son  Rit.  D'Harmensen  lui  ayant  demandé  quelques 
éclaircissements  sur  la  signification  du  timbre  qui  ornait 
son  diplôme,  le  marquis  répondit,  le  22  novembre  1806  : 

«  Le  timbre  qui  décore  le  haut  de  votre  brevet  est  le  timbre 
«  général  de  toutes  les  planches  émanées  de  la  Révérende  Loge 
«  du  Rit  Primitif.  Votre  O.  P.  H.  jeté  presque  impercepti- 
u  blement  entre  les  lignes,  et  comme  un  trait  de  plume  insi- 
«  gnifiant,  ne  m'est  point  échappé.  Permettez-moi  de  vous 
«  dire  que  c'est  sans  doute  comme  pontife  zodiacal  que,  pre- 
«  nant  intérêt  à  la  couronne,  vous  voudriez  qu'elle  fût  escor- 
«  tée  de  la  constellation  que  vous  nommez  guitare,  et  que  nous 
«  appelons  lyre.  Notre  Rit  n'est  ni  ophique,  ni  orphique,  et 
«  notre  couronne  n'est  point  celle  d'Ariadne;  le  nombre  des 
«  étoiles  de  la  couronne  boréale,  différent  de  celui  des  gre- 
«  nades,  qui  décorent  la  nôtre,  démontre  cette  vérité. 

«  En  un  mot,  notre  couronne  n'est  point  du  tout  scienti- 
«  fïque  ;  elle  est  purement  sentimentale  :  le  myrthe  et  les  gre- 
«  nades  ont  de  tout  temps  été  l'emblème  de  l'union  sociale  et 
«  fraternelle  des  membres  de  l'Ordre,  ou  de  ceux  d'une  Loge  ; 
«  et  le  nombre  de  Sept,  en  outre  de  ce  qu'il  est  en  soi  maçon- 
«  nique,  se  réfère  spécialement  à  mon  respectable  père  et  ses 
«  six  fils,  premiers  fondateurs  de  la  Loge,  et  formant  ainsi 
«  une  Loge  juste  et  parfaite,  bien  intéressante  aux  yeux  de 
«  tous  les  maçons  sensibles.  Croyez,  Très  Cher  Frère,  que  je 
«  vous  rends  la  justice  de  croire  qu'elle  le  sera  aux  vôtres,  et 
.«  que,  désormais,  vous  estimerez  notre  couronne  autant  que 
«  si  elle  était  environnée  de  toutes  les  lyres  et  de  tous  les 
«  serpents  de  l'univers.  » 

Parmi  les  membres,  initiés  directement  par  la  Loge,  ou 


24 


LK    RIT    PRIMITIF 


affiliés  et  associés  à  son  Régime,  nous  relevons  les  noms 
suivants  : 

Sous  le  n°  15  :  L'abbé  Léonard,  prêtre  conducher  de 
la  Primaliale.  Initié  le  22  février  1781. 

Sous  le  n°  17  :  L'abbé  de  Vernon,  prêtre,  chanoine  de 
la  Primatiale. 

Sous  le  n°  23  :  Savalette  de  Langes,  garde  du  Trésor 
Royal,  né  à  Tours,  résidant  à  Paris  ;  Grand-Officier 
d'honneur  au  Grand-Orient  de  France;  fondateur  des 
Amis-Réunis  de  Paris  ;  instituteur  et  commissaire  aux 
archives  du  Régime  des  Philalcthes  ;  membre  du  Con- 
vent  de  Paris,  en  1785. 

Sous  le  n°  24  :  Le  comte  d'Aguilar,  capitaine  de  cava- 
lerie au  régiment  de  Royal-Pologne,  né  et  domicilié  à 
Perpignan.  Associé  le  22  juin  1783. 

Sous  le  n°  25  :  Le  docteuc  Giraud,  médecin  consul- 
tant du  roi  de  Sardaigne,  né  à  Pignerol,  domicilié  à 
Turin.  Associé  le  18  décembre  1785. 

Sous  le  n°  2y  :  Taillepied  de  Bondi,  receveur-général 
des  finances,  né  et  domicilié  à  Paris.  Associé  le  17  décem- 
bre 1785  ;  de  la  xne  classe  des  Amis-Réunis  de  Paris,  et 
commissaire  aux  Archives  du  Régime  des  Phtlalèthes  ; 
membre  du  Convent  de  Paris,  1785. 

Sous  le  n°  28  :  Dutrousset  d'Héricourt,  président  au 
Parlement  de  Paris.  Associé  le  18  décembre  1785  ;  de  la 
xne  classe  des  Amis-Réunis  de  Paris,  commissaire  aux 
Archives  des  Philalèthes  ;  membre  du  Convent  de  Pa- 
ris, 1785. 

Sous  le  n°  29  :  Mesmer,  inventeur  de  la  doctrine  du 
magnétisme  universel,  et  du  magnétisme  animal.  Né  à 
Zell,  en  Suabe  (sic),  résidant  à  Paris.  Associé  le  18  dé- 
cembre 1785. 

Sous  le  n°  32  :  Le  comte  de  Szapary,  chambellan  de 
l'Empereur,  né  à  Podhragy,  domicilié  à  Presbourg.  en 
Hongrie.  Associé  le  18  décembre  1785;  représentant  de 
la  7e  province  de  la  Stricte  Observance  au  Convent  géné- 
ral de  Wilhelmsbad,  1782. 


LE    RIT    PRIMITIF 


25 


Sous  le  n°  33  :  Le  marquis  de  Lezay-Marncsia,  cheva- 
lier de  Saint-Louis  et  de  Saint-Georges,  né  à  Metz,  do- 
micilié au  château  de  Saint-Julien,  en  Franche-Comté. 
Associé  le  ly  décembre  1785. 

Sous  le  n°  34  :  Roi  in  de  la  Farge,  de  l'Académie  de 
marine,  né  à  Metz,  domicilié  à  Brest.  Associé  le  18  dé* 
cembre  1785. 

Sous  le  n°  35  :  Le  comte  de  Ros,  chevalier  de  Malte, 
capitaine  chef  d'escadron  de  dragons  au  régiment  du 
Roi,  né  et  domicilié  à  Perpignan.  Associé  le  23  avril 
1786.  Fondateur  et  Ex-Maître  de  la  Révérende  Loge  du 
Rit  Français,  la  Sociabilité,  Orient  de  Perpignan. 

Sous  le  n°  44.  Le  chevalier  Jacques  de  Çagar,  cheva- 
lier de  Malte,  lieutenant  d'infanterie  au  régiment  de 
Malte,  né  à  Perpignan,  résidant  à  Malte.  Associé  le 
5  avril  1789. 

Désormais,  l'histoire  de  YEqucs  se  confond  avec  celle 
des  Régimes  dont  il  fut  ou  le  fondateur  ou  l'un  des  chefs. 
Dans  les  tableaux  fort  variés  qui  vont  se  succéder  sous 
ses  yeux,  le  lecteur  apercevra,  souvent  au  premier  plan, . 
quelquefois  au  second,  d'autres  fois  encore,  perdu  clans 
un  coin,  et  comme  enveloppé  d'ombre,  l'Eques  a  Capite 
■Galcato.  Mais  pour  que  nous  puissions  mieux  compren- 
dre son  œuvre,  et  mieux  en  mesurer  la  portée,  il  nous 
faut  connaître  le  fond  même  de  sa  pensée  et  pénétrer  son 
âme;  il  nous  faut  démêler  les  intentions,  connaître  les 
principes  de  cet  émule  des  Grands-Maçons  du  XVIIIe 
siècle. 


) 


CHAPITRE  IV 
Portrait  de  VEques  a  Capite  Galeato. 

Au  physique,  le  marquis  se  peint  lui-même.  De  «  taille 
courte,  trapue  et  lourde  »,  il  jouit  d'une  santé  robuste. 
Il  est  d'une  activité  prodigieuse.  Il  peut  franchir  d'énor- 
mes distances  à  marches  forcées  ;  tenir  conseil  au  dé- 
botté; travailler,  écrire,  suivre  les  négociations  les  plus 
longues,  les  plus  épineuses  ;  passer  de  la  salle,  où  il  cons- 
pire, dans  les  lieux  de  plaisir  où  se  réunit  la  plus  bril- 
lante compagnie,  sans  en  éprouver  de  fatigue.  Il  a  l'es- 
prit orné,  le  goût  cultivé,  l'imagination  peu  vive,  mais  la 
mémoire  très  fidèle.  Vif,  emporté,  violent  même,  il  sait 
dominer  ses  passions  et  maîtriser  son  bouillant  carac- 
tère, lorsque  la  colère  et  l'impatience  pourraient  com- 
promettre ses  entreprises.  Il  a  dans  les  idées  une  clarté 
merveilleuse.  Il  est  souple,  tenace,  rancunier.  Dès  l'âge 
de  vingt  ans,  il  sait  juger  les  hommes,  les  servir  et  se 
servir  d'eux.  Il  est  ami  sûr,  généreux,  discret.  Ne  lui 
parlez  ni  Maçonnerie,  ni  Régimes  maçonniques,  ni  Scien- 
ces occultes  :  vous  le  trouverez  franc,  loyal,  juste,  hon- 
nête homme,  dans  la  belle  acception  du  mot.  Bon  époux, 


- 


■ 


28 


LE    RIT    PRIMITIF 


bon  père,  mais  sans  tendresse  ;  fort  attaché  à  ses  frères, 
mais  plus  encore  par  les  liens  de  la  maçonnerie  que  par 
ceux  de  la  famille.  Il  est  débarrassé  de  toute  ambition, 
sauf  d'une  espèce  d'ambition  particulière  :  celle  de  con- 
naître tous  les  Régimes  maçonniques,  d'en  posséder  tous 
les  grades,  de  servir  la  Société  occulte,  de  faire  aboutir 

le  GRAND  ŒUVRE. 

Est-il  spiritualiste,  positiviste,  matérialiste,  pyrrho- 
nièn,  épicurien,  stoïcien  ?  Est-il  catholique,  calviniste, 
luthérien,  boudhiste,  judaïsant,  kabbaliste,  mage,  théo- 
sophe,  astrologue  ?  —  Il  est  tout  cela,  et  il  n'est  rien  de 
tout  cela.  Il  est  maçon,  et  c'est  assez.  La  Maçonnerie  est 
sa  religion,  son  église,  sa  patrie,  sa  famille,  sa  vie  même. 
Il  ne  respire,  il  ne  vit  que  pour  elle.  La  Société  secrète 
.l'a  pris  tout  entier. 

La  France  expirante,  blessée  à  mort  par  la  Révolu- 
tion, ne  lui  arrache  pas  un  cri  de  pitié.  Il  n'est  pas  citoyen 
français  ;  il  est  le  citoyen  de  l'univers.  Les  hommes, 
qu'il  se  flatte  souvent  d'aimer,  sont  faits  pour  la  Maçon- 
nerie, et  la  Maçonnerie  est  trop  auguste,  trop  sainte,  pour 
être  faite  pour  les  hommes.  Le  mortel,  qui*  parcourt,  ici- 
bas,  sa  carrière  temporelle,  n'est  maintenant  qu'un 
instrument  pour  hâter  le  règne  de  la  Maçonnerie  univer- 
selle :  plus  tard,  encore,  il  ne  sera  qu'un  instrument, 
pour  maintenir  la  domination  de  la  Maçonnerie.  Que 
l'homme  ne  songe  pas  à  se  plaindre  :  s'il  est  fait  pour  la 
Maçonnerie,  la  Maçonnerie  est  faite  pour  assurer  le 
bonheur  et  la  régénération  de  l'homme  temporel. 

Il  n'y  a  point  de  peuples,  séparés  par  des  frontières. 
Si  la  nature  physique  a  élevé  des  frontières,  si  l'igno- 
rance, les  intérêts,  les  préjugés  les  ont  fait  adopter,  il 
faut  abattre  ces  frontières.  S'il  y  a  des  peuples,  des  natio- 
nalités, des  races,  il  faut  les  rapprocher,  les  mêler,  pour 
qu'il  n'y  ait  plus  que  des  frères.  Il  écrit,  vers  1785  : 


«   L~n  bien   réel,  et  que,  peut-être,  l'on   n'avait  pas  prévu, 
«  mais   qui.   certainement   est   résulté   de   l'Institut   Maçonni- 


LE    RIT    PRIMITIF  29 

«  que,  c'est  qu'ayant  occasionné  le  rapprochement  des  indi- 
«  vidus  et  des  nations,  il  a  merveilleusement  concouru  à 
«  propager  les  lumières  et  la  raison,  et  à  affaiblir  les  haines, 
«  les  préventions,  les  préjugés  qui  divisaient  les  hommes  et 
«  les  peuples.  »  (Texte  résumé  d'après  YEqucs.  Voir  le  texte 
complet,  p.  143.) 

Devançant  cette  ère  bienheureuse,  où  tous  les  peuples 
ne  formeront  plus  qu'un  seul  peuple,  il  n'y  a  plus  pour 
lui  ni  France,  ni  Allemagne,  ni  Espagne;  il  écrit  :  la 
france,  l'allemagne,  l'espagne.  Il  supprime  tout  ce  qu'il 
v  a  de  propre  dans  ces  dénominations,  en  attendant  que 
le  progrès  maçonnique  les  anéantisse.  U  parle  de  cette 
Révolution  formidable,  qui  a  été  le  plus  grand  événement 
des  temps  modernes,  comme  d'un  bouleversement  cosmi- 
que, contre  lequel  les  hommes  ne  peuvent  absolument 
rien,  et  dont  ils  n'ont  pas  le  droit  de  se  plaindre.  Voici 
un  extrait  des  Annales  de  sa  Révérende  Loge,  la  pre- 
mière du  Rit  Primitif,  en  France,  écrites  par  lui-même. 
Nous  avons  copié  le  texte  dans  le  Livre  d'Or  du  Régime: 

«  ANNEES  1787- 1788- 1789. 

«  L,es  années  suivantes  (ces  trois  années),  s'écoulèrent 
«  doucement,  sans  événements  dignes  de  remarque.  Il  ne  faut 
«  cependant  point  passer  sous  silence  que  la  Révérende  Loge, 
«  rendant  hommage  à  '  l'administration  éclairée  et  sage  de 
«  l'hospice  de  mendicité  de  cette  ville,  en  vertu  d'une  décision 
«  du  Vénérable  Conseil  du  Ier  avril  1789,  fît  délivrer  la  somme 
«  de  120  francs  (cent  vingt),  au  Révérend  Frère  N°  8,  pour 
«  la  remettre,  au  nom  de  la  Révérende  Loge,  à  l'Hospice  de  la 
«  Caisse   de   mendicité   et  en   retirer   un   reçu. 

«  Les  Frères  continuèrent  de  goûter  ainsi,  en  paix  et  sans 
«  fracas,  tout  l'agrément  de  leur  réunion,  faisant  de  temps 
«  en  temps,  d'heureuses  acquisitions,  toujours  assorties  au 
«  module  de  la  composition  primitive  de  la  Révérende  Loge. 

«  ANNEES   1790-1791. 
«  Quelque  innocent  et  paisible  que  fût  l'objet  des  nos  As- 


3Q 


LE    RIT    PRIMITIF 


•«  semblées,  l'explosion  délétère  de  cette  Révolution  sans  exem- 
«  pie  dont  nous  nous  prescrirons  de  ne  dire  que  ce  qui  sera 
«  indispensable  pour  la  liaison  et  l'intelligence  du  discours,  la 
u  Révolution  vint  altérer  la  sécurité  franche,  qui  donnait  un 
«  attrait  de  plus  à  la  réunion  des  frères.  Les  séances  devin- 
ce  rent  moins  fréquentes,  moins  nombreuses  ;  les  épanchements 
«  mutuels  de  l'amitié  ne  se  firent  plus  avec  la  même  effusion. 
•«  Enfin,  en  dépit  de  la  parenté,  de  l'habitude,  de  l'estime  et 
«  de  la  confiance  réciproques,  l'esprit  et  l'expression  de  la  fra- 
«  ternité  étaient  comme  comprimés  par  des  mains  invisibles; 
«  les  frères  se  rapprochèrent  donc  moins  souvent,  et  avec  une 
«.  sorte  de  réserve. 

AXXEE  1792. 

«  Mais  lorsque  dans  la  nuit  du  5  au  6  août  1792,  on  fut  par- 

«  venu  par  d'audacieuses   effractions,   dont   les   Frères   senti- 

«.  rent   très    bien    qu'ils    ne    devaient    faire    entendre    aucune 

«  plainte,  l'en  fut  parvenu  à  enlever  le  Titre  Constitutif,  les 

«  principaux  registres,  portefeuilles,  cartons,  etc.,  de  la  Révé- 

«  rende  Loge,  il  fut  dès  lors  bien  décidément  reconnu  que  la 

«  plus   grande   circonspection   devenait   nécessaire  ;   que,   sans 

«  doute,  on  n'avait  enlevé  nos  livres  et  nos  papiers  que  pour 

«  y  chercher  des  torts  à  nous  imputer,  pour  nous  perdre,  et 

«  que   comme   on  n'y  pouvait   rien   trouver   de   répréhensible, 

«  l'on  ne  manquerait  pas  d'épier  nos  réunions  pour  les  quali- 

«  fier  de  conciliabules,    ou    de    quelque    autre    dénomination 

«  odieuse,  qu'il  fallait  donc  se  plier,  de  bonne  grâce,  aux  cir- 

«.  constances. 

«  En  conséquence,  il  fut  résolu  :  i°  De  supprimer  les  As- 
«  semblées  générales  ;  20  de  ne  plus  faire  d'admission  ;  30  de 
«  ne  faire  les  travaux  que  par  petits  pelotons,  variant,  d'une 
«  assemblée  à  l'autre,  et  l'assortiment  des  frères  et  le  lieu  de 
a  leur  séance  ;  40  de  ne  rétablir  ni  archives,  ni  registres,  de 
«  ne  procéder  aux  élections  et  aux  promotions  que  de  vive 
<(  voix,  en  retenant  des  notes  insignifiantes  et  fort  rapides 
«  pour  conserver  le  souvenir  des  faits  essentiels:  50  de  ne  per- 
ce dre  jamais  de  vue  la  nécessité  indispensable,  où  nous  nous 
«  trouvions,  de  prendre  toujours  les  précautions  les  plus  mi- 
<(  nutieuses. 

«  C'est  ainsi  que  les  Révérends  Frères  ont  traversé  pénible- 


LE    RIT    PRIMITIF  31 

«  ment,  mais  sans  faire  tout  à  fait  naufrage,  les  époques  les 
«  plus  orageuses.  C'est  ainsi  peut-être,  que,  par  habitude,  au- 
«  tant  que  par  découragement,  ils  auraient  continué  de  jouir 
«  d'une  existence  douce  et  peu  marquante,  et  que  la  Révérende 
«  Loge,  sans  éprouver  ni  trouble,  ni  secousse,  se  serait  enfin. 
«  laissé  couler  dans  le  vague  du  néant,  lorsqu'au  mois  d'avril 
'<  1805,  elle  eut  connaissance  de  l'union  solennelle  qui  s'étaif 
«  opérée  entre  le  Grand-Orient  de  France  et  le  Rit  Ecossais 
«  Ancien  Accepté,  à  l'occasion  de  laquelle  le  Grand-Orient  de 
«  France  déclare  qu'il  s'unit  à  tous  les  Frères,  de  quelque  Rite 
«  qu'ils  soient.  » 

On  éprouve,  en  lisant  ces  lignes,  une  tristesse  poi- 
gnante. Je  ne  sais  quel  sentiment  pénible  étreint  le  cœur 
et  met  des  larmes  clans  les  yeux.  Eh  !  quoi  !  h'Eques  a 
Capite  Galeato  fait  le  récit  de  ces  convulsions  effrayan- 
tes, en  choisissant  ses  mots  !  Les  gens  de  bien  partout 
traqués  ;  les  sanctuaires  profanés  ;  les  ministres  d'une 
Eglise,  qui  avait  civilisé  le  monde,  réduits  à  se  cacher  on 
à  s'exiler,  ou  condamnés  à  périr  ;  un  glorieux  régime 
qui  s'évanouit,  tandis  que  la  luxure  et  le  brigandage 
triomphent  ;  la  société  française,  qui  expire  ;  la  patrie, 
qui  agonise  :  aucune  de  ces  grandes  images  d'un  passé 
qui  s'effondre,  ne  lui  arrache  un  cri  de  douleur,  une 
parole  de  regret  ! 

Le  gentilhomme  maçon  ne  plaint  ni  le  roi  à  qui  son 
ami  Savalette  de  Langes  l'a  plusieurs  fois  présenté,  ce  roi 
si  faible,  mais  si  bon,  dont  l'imprévoyance  et  la  faiblesse 
lui  ont  rendu  si  facile  son  œuvre  de  démolition  maçonni- 
que, ni  cette  charmante  princesse  de  Lamballc  qu'il  avait 
introduite  plusieurs  fois  dans  la  Loge  des  Amis-Rénnis, 
ni  ces  infortunés  Girondins,  qu'il  avait  initiés  aux  mys- 
tères de  Y  Art  Royal,  ni  cette  noblesse  vaillante,  géné- 
reuse, gaie,  crédule  dont  il  fait  partie,  ni  sa  famille,  qu'il 
aime  pourtant,  et  que  l'affreuse  tempête  a  dispersée. 

Non,  il  ne  se  plaint  de  rien,  et  il  ne  plaint  personne. 
Tandis  qu'un  monde  s'écroule,  l'Annaliste  enregistre,, 
pour  que   ses   frères,   tard  venus  dans   le  Régime,   ne 


32 


LE    RIT    PRIMITIF 


l'ignorent  pas,  que  la  Révérende  Loge  a  fait  à  l'Hospice 
de  la  caisse  de  mendicité  de  sa  ville,  le  don  princier  de 
120  francs  (cent  vingt),  dont  le  Frère  w°8a  retiré  un 
reçu.  Tandis  que  ses  frères  cadets  fuient  au  delà  des 
frontières,  la  destinée  lui  permet  encore  de  faire  d'heu- 
reuses acquisitions,  toujours  assorties  au  module  de  la 
composition  primitive  de  la  Révérende  Loge.  Il  lui  con- 
vient de  se  présenter  en  victime  de  l'explosion  délétère. 
Mais  si  l'Annaliste  ment,  il  ment  dans  l'intérêt  de  sa 
cause.  Il  ment  pour  tromper  ses  vénérables  Frères,  pour 
berner  le  Grand-Orient,  pour  éviter  de  produire  l'Acte 
Constitutif  de  son  Régime.  Il  était  trop  fin,  trop  avisé, 
trop  prudent,  pour  laisser  ses  précieuses  archives  à  la 
merci  d'un  coup  de  main.  Et  sa  Loge,  d'ailleurs,  ne  fut 
jamais  envahie,  ou  ne  fut  envahie  que  par  des  compli- 
ces. Après  la  Révolution,  ses  papiers  étaient  dans  l'or- 
dre le  plus  admirable.  Nous  les  avons  trouvés  minutieu- 
sement rangés  et  catalogués,  et  dans  un  état  parfait  de 
conservation,  après  ces  audacieuses  effractions,  dont 
il  se  proclame  la  victime  muette  et  résignée. 

Nous  l'avons  accusé  de  mensonge.  L'imputation  est 
grave;  l'expression  elle-même  pourrait  à  quelques-uns 
paraître  violente  et  peu  parlementaire.  Mais,  il  faut  en 
prendre  son  parti  et  dire  avec  Boileau  : 

J'appelle  un  chat  un  chat,  et  Rollet,  un  fripon. 

Une  longue  et  sérieuse  et  impartiale  étude,  faite 
.sur  plusieurs  milliers  de  documents  originaux,  nous  a 
•convaincu  que  toute  l'organisation  maçonnique  est  fon- 
dée sur  la  fraude,  la  tromperie,  la  fourberie,  en  un  mot 
.sur  le  mensonge  élevé  à  la  hauteur  d'une  institution. 
De  cette  assertion  qui,  d'ailleurs,  n'est  pas  nouvelle, 
mais  que  les  panégyristes  patentés  et  les  historiens  offi- 
ciels des  Loges  ont  toujours  ardemment  contestée, 
nous  fournirons,  dans  la  suite  de  ce  travail,  des  preuves 
nombreuses.  Quant  au  marquis,  il  est  juste  de  lui 
reconnaître,    et    nous    l'avons    fait,    une    nature    rude, 


LE    RIT    PRIMITIF  33 

franche,  impérieuse.  Mais,  en  lui,  le  maçon  est  con- 
stamment obligé  de  voiler  sa  pensée,  de  s'envelopper  de 
nuages.  Pour  l'avoir  pratiqué  dès  sa  jeunesse,  il  est 
passé  maître  dans  l'art  d'employer  des  formules  vagues, 
quelquefois  pompeuses,  toujours  obscures,  qui  parais- 
sent tout  dire,  et  ne  disent  rien  ou  visent  à  faire  enten- 
dre le  contraire  de  ce  qui  est  affirmé.  Ecrit-il  aux  adep- 
tes des  grades  inférieurs  ;  compose-t-il,  à  leur  usage, 
quelque  instruction  sur  l'origine,  l'existence  ou  le  vrai 
but  de  la  Maçonnerie  ;  on  peut  tenir  pour  certain  que 
YEques  a  Capite  Galeato  trompera  ses  crédules  disci- 
ples. Il  a  pour  principe  courant  que  tout  est  bon  ((  pour 
les  bêtes  »  ou  ((  les  buses  »  ;  —  c'est-à-dire,  pour  les 
Frères  des  Loges  blanches  ou  bleues  —  tout,  sauf  le 
fin  mot,  la  vérité.  Il  trompera  de  même  les  frères  des 
plus  hauts  grades  qui  ne  sont  pas,  malgré  leurs  titres 
éclatants  et  leurs  pompeuses  décorations,  de  vrais  initiés. 
Le  lecteur  désirerait,  sans  doute,  pouvoir  juger  par 
lui-même,  d'après  quelques  exemples.  Les  exemples 
abondent. 


" 


I 


CHAPITRE  V 


Ruses  et  Fourberies. 

UEques  aux  prises  avec  le  Grand-Orient. 

Les  "  Actes  Constitutifs  " 


Le  marquis  ne  cessait  de  répéter,  par  écrit  et  de  vive 
voix,  aux  apprentis,  aux  compagnons,  aux  maîtres 
mêmes  de  sa  Loge  Blanche,  ou  Loge  d'initiation,  que  la 
Franc-Maçonnerie  est  une  coterie  ou  société  de  bien- 
faisance, entièrement  dévouée  à  la  Religion  Catholi- 
que et  Romaine;  fort  attachée  à  ses  dogmes  sublimes, 
révélés  par  un  Dieu,  à  son  culte  plein  de  magnificence  ; 
ardente  à  pratiquer  et  à  faire  aimer  sa  morale  incon- 
nue des  sages  de  l'Antiquité.  Il  déplore  que  la  cour  de 
Rome  ait  condamné  cette  association,  si  digne  d'inté- 
rêt, sans  même  la  connaître.  Il  a  la  ferme  confiance 
que  les  Papes,  revenus  de  leurs  préventions  —  que 
l'ignorance  peut  seule  expliquer  —  casseront  leur  sen- 
tence d'anathème  et  donneront  à  la  Maçonnerie,  leur 
plus  puissante  auxiliaire,  sa  place  dans  l'Eglise.  Il 
annonce  —  toute  modestie  mise  à  part  —  que  cette 


36 


LE    RIT    PRIMITIF 


place  sera  la  première.  Ailleurs,  quelques  imprudents, 
quelques  malintentionnés,  dans  le  but  de  compromettre 
une  institution  si  sainte,  ont  peut-être  —  il  ne  sait  — 
justifié  les  sévérités  de  Rome.  Mais  il  se  flatte  que  tous 
les  Evêques  et  tous  les  inquisiteurs  de  la  terre,  rassem- 
blés pour  fouiller  ses  archives,  pour  examiner  ses  rituels 
et  ses  cahiers  d'instruction,  n'y  trouveront  rien,  abso- 
lument rien,  qui  ne  soit  de  la  plus  pure  orthodoxie.  En 
effet,  ses  cahiers,  ses  instructions,  ses  discours  écrits 
ne  sont  que  des  homélies  sur  l'amour  des  hommes,  sur 
la  bienfaisance,  sur  la  sublimité  de  la  Science  —  cen- 
tons  de  l'Ecriture  —  pots-pourris  laborieusement  com- 
posés à  l'aide  de  citations  empruntées  au  Nouveau  Tes- 
tament et,  plus  particulièrement,  aux  Epitres  de  saint 
Paul. 

Mais  déroulons  une  admirable  pièce  dont  l'authenti- 
cité ne  souffre  aucun  doute.  Elle  est  demeurée  pendant 
plus  de  cent  ans  enfermée  dans  un  modeste  cylindre  en 
fer  blanc.  Une  note  manuscrite,  où  nous  avons  reconnu 
l'écriture  du  fils  cadet  de  YBques  a  Capite  Galeato, 
était  roulée  autour  du  vénérable  parchemin  ;  nous  la 
reproduisons  : 


«  La  Pièce  maçonnique  sur  parchemin,  qui  est  dans  le 
u  cylindre  de  fer  blanc,  est  extrêmement  curieuse.  J'engage 
a  mon  héritier  à'  ne  pas  s'en  défaire  facilement.  Elle  intrigua 
«  beaucoup,  dans  le  temps,  les  Officiers  du  Grand-Orient, 
«  mais  ils  furent  obligés  de  baisser  leur  pavillon.  On  trouve- 
«  rait  à  cet  égard,  chez  mon  neveu  François,  une  correspon- 
«  dance  intéressante  entre  mon  père  et  les  Officiers  du  Grand 
«  Orient.  On  y  trouverait  également  le  tableau,  au  moyen  du- 
ce quel  on  peut  déchiffrer  les  deux  pièces  chiffrées.  Ce  tableau 
«  est  une  combinaison  des  lettres  de  l'alphabet,  établies  verti- 
«  calement  et  horizontalement,  dans  le  genre  de  la  table  de 
«  multiplication.  Et  dans  la  case  à  laquelle  on  arrive  en  fai- 
«  sant  cadrer  la  première  lettre  avec  celle  d'un  mot  connu  des 
«  initiés  on  trouve  une  lettre  ou  un  nombre  que  l'on  écrit. 


LE    RIT    PRIMITIF  37 

<c  Si  l'on  trouvait  ce  tableau  à  N...,  je  crois  que  pour  la  pre- 

1 

«  mière   colonne,   le   mot   est   Cœli   enarrant  gloriam   Dei,  et, 
«  pour  la   seconde  :   Corpus  quod,  etc.   » 

Nous  avons  eu  le  bonheur  de  retrouver  cette  corres- 
pondance. Ces  documents  précieux  nous  permettront 
de  sonder  en  ce  chapitre  d'étonnantes  profondeurs  de 
de  ruse  et  de  fourberie. 

Nous  savons,  pour  l'avoir  lu  dans  un  extrait  des 
Annales,  rédigées  par  YEques  lui-même  pour  le  Livre 
d'Or  de  son  Régime,  «  qu'au  mois  d'avril  1805,  la 
Révérende  Loge,  Première  en  France  du  Rit  Primitif \ 
eut  connaissance  de  l'union  qui  s'était  opérée  entre  le 
Grand-Orient  de  France  et  le  Rit  Ecossais,  Ancien- 
Accepté,  à  l'occasion  de  laquelle  le  Grand-Orient  de 
France  déclare  qu'il  s'unit  à  tous  les  Frères  de  quelque 
Rit  qu'ils  soient  ». 

Cette  union  avait  été  imposée  aux  Sociétés  Secrètes 
par  l'Empereur. 

L'Empereur,  qui  avait  appris  à  connaître  la  redouta- 
ble influence  de  la  Maçonnerie,  voulait  mettre  la  main 
sur  la  Secte,  comme  il  l'avait  mise  sur  tout  ce  qui  pou- 
vait, en  France,  gêner  ses  vues  ambitieuses  et  son  pou- 
voir absolu.  L'union  s'était  faite,  au  profit  du  Grand- 
Orient. 

Pour  n'être  point  signalé  au  terrible  Maître  qu'adu- 
lait la  France  et  devant  qui  tremblait  l'Europe  entière, 
comme  un  maçon  schismatique,  comme  un  rebelle  et 
un  conspirateur,  dès  le  28  avril  1805  l'Eques  a  Capite 
Galcato  adressa  deux  lettres  individuelles,  l'une  au 
Révérend  Frère  Bacon  de  la  Chevalerie,  Grand-Offi- 
cier d'Honneur  honoraire  au  Grand-Orient  de  France, 
l'autre  au  Très-Révérend  Frère  de  Montaleau,  Repré- 
sentant particulier  du  Grand-Maître  au  Grand-Orient 
de  France  ;  l'un  et  l'autre  ayant  coopéré  à  l'union  du 
Rit  Français  avec  le  Rit  Ecossais  Ancien- Accepté.  Il 


38 


LE    RIT    PRIMITIF 


réclamait  les  bons  offices  du  premier,  ((  en  qualité  cle 
collègue  dans  le  Rit  de  la  Stricte  Observance,  et  à 
d'autres  titres  encore  plus  intéressants  ))  ;  il  faisait  valoir 
auprès  du  second  la  qualité  ((  de  membres  da  Rit  des 
PhilalètheSj  qui  les  rapprochait  ».  Il  joignit  à  sa  dépê- 
che une  «  planche  »  rédigée  au  nom  de  la  Révérende 
Loge  du  Rit  Primitif,  «  coarctant  »  l'offre  de  frater- 
niser et  de  recevoir  des  lettres  d'agrégation  au  Grand- 
Orient.  Le  paquet  renfermait  en  outre  le  tableau  des 
Frères  Fondateurs  de  la  Révérende  Loge. 

Ce  premier  envoi  resta  sans  réponse.  Le  marquis  en 
fit  un  second,  par  duplicata  du  premier,  vers  la  fin  de 
juin  de  cette  même  année  1805. 

En  présence  de  toute  demande  de  cette  nature,  les 
Règlements  du  Grand-Orient  étaient  formels.  Ses  Sta- 
tuts n'étaient  pas  encore  imprimés  ;  ils  ne  le  furent 
que  l'année  suivante  ;  mais  ils  étaient  déjà  rédigés, 
approuvés,  et  avaient  force  de  loi.  On  lit  à  la  Section 
III,  qui  a  pour  titre  :  ((  De  l'admission  des  Rites,  des 
Demandes  en  Constitutions  et  Lettres  Capitnlaires.   » 

Article  I 

a  Les  ateliers  pratiquant  un  Rite  non  encore  reconnu  par  le 
«  Grand-Orient,  qui  solliciteront  leur  agrégation  ou  l'admis- 
«  sion  de  leur  Rit,  adresseront  au  Grand-Orient  une  délibéra- 
«  tion  ad  hoc,  dans  les  formes  prescrites  par  l'Article  1  de 
«  la  Section  IV  du  présent  Chapitre. 


Article  II 

Ils  y  joindront  l'original  ou  une  copie  authentique  de  leurs 
titres,  et  les  instructions  relatives  au  but  et  à  la  moralité  du 
Rite. 

Article  III 

Le  tout  sera  envoyé  au  Grand-Directoire  qui  nommera  une 
Commission  de  trois  membres,  au  plus,  pour  examiner  secrète- 
ment les   instructions,   et,   sur   son   rapport,  donnera   son   avis 


le;  rit  primitif  39 

au  Grand-Orient,  qui  prononcera  l'admission  ou  le  rejet  de  la 
demande. 

Au  mois  de  février  1806,  YEques  reçut  du  Grand- 
Orient,  par  l'intermédiaire  du  Représentant  particu- 
lier du  Grand-Maître,  le  Très  Illustre  Frère  Rœttiers 
de  M  ont  aie  au >  une  réponse  conforme  aux  Articles  ci- 
dessus.  On  demandait  à  YEques  ((  une  communication 
des  Actes  Constitutifs  de  son  Régime  ».  Mais  ces  piè- 
ces, connues  des  seuls  Hauts-Supérieurs,  étaient  et 
devaient  toujours  demeurer  secrètes.  UEques  répondit 
qu'il  ne  pouvait  rien  envoyer,  puisqu'il  ne  possédait 
rien.  Des  perturbateurs  ayant  envahi  le  siège  de  la  Loge 
et  les  Archives  du  Régime,  et,  par  d'audacieuses  effrac- 
tions, ayant  enlevé  et  fait  disparaître  les  Actes  Consti- 
tutifs, le  Livre  d'Or,  les  rituels  et  les  cahiers  d'instruc- 
tions, les  Frères  n'avaient  aucun  document  à  pré- 
senter. 

Ces  réponses,  faites  avec  une  sorte  de  bonhomie 
naïve,  convainquirent  les  Officiers  du  Grand-Orient 
de  France  que  le  Chef  du  Rit  Primitif  n'était  qu'un 
petit  gentilhomme  de  province,  un  mince  personnage, 
avec  qui  l'on  pouvait  se  permettre  certaines  libertés. 

C'est  ainsi  que  le  Grand-Orient,  trouvant  ((  fort 
jolie  »  cette  appellation  de  ((  Rit  Primitif  »,  qu'il  igno- 
rait et  que  la  correspondance  du  marquis  lui  avait  révé- 
lée, crut  bon  de  s'en  emparer  pour  la  substituer  à  celle 
de  son  propre  Régime,  désigné  jusqu'alors  sous  le  titre, 
d'ailleurs  très  inexact,  de  Rit  Français. 

Une  note  curieuse,  inscrite  dans  le  calendrier  du 
Grand-Orient,  pour  l'année  1806,  mit  YEques  a  Capite 
Galeato  sur  la  voie.  Cette  note,  que  l'on  retrouve  à  la 
page  I/5  de  cet  opuscule,  portait  :  «  Nota  :  Il  existe  à 
l'Orient  de  Paris,  un  Chapitre  Métropolitain  du  Rit  Pri- 
mitif, dont  les  travaux  remontent  au  21  mars  5721 
(1721),  et  confirmé  par  le  Grand-Orient,  à  la  date  du 


40 


LE    RIT    PRIMITIF 


vingt-neuvième  jour  du  onzième  mois  5787  (,1787;  ; 
lequel  Chapitre  est  composé  de  7  Chapitres  fondateurs 
et  de  plusieurs  frères,  chevaliers  de  la  même  vallée.  » 

A  la  découverte  de  ces  lignes,  YEqucs  non  moins  sur- 
pris qu'intéressé,  s'assura  que  dans  le  Calendrier  de 
1805,  imprimé  en  mars,  c'est-à-dire  avant  les  premiè- 
res ouvertures,  faites  par  lui  au  Grand-Orient  de 
France,  le  28  avril  1805,  et  à  la  page  175,  la  note  por- 
tait :  ((  //  y  at  à  Paris,  un  Chapitre  Métropolitain  dont 
les  travaux  remontent  à  l'année  S2/1  U72IJ-  H  csi 
composé  de  sept  Chapitres  fondateurs  et  de  plusieurs 
frères  de  /'Orient  de  Paris.  » 

h'Eques  a  C  a  pi  te  Galeato  avait  partout  des  amis  et 
des  affiliés.  Il  en  comptait  plusieurs  parmi  les  Grands- 
Officiers  du  Grand-Orient  de  Paris.  Une  enquête,  rapi- 
dement menée,,  lui  permit  d'apprendre  que  l'on  avait 
changé  les  cuivres  des  brefs,  au  Grand-Orient  de 
France,  pour  y  insérer  les  mots  de  Rit  Primitif,  et  que 
quelques  frères  du  Rit  Français  avaient  même  reçu 
récemment  des  brefs  expédiés  au  Grand  Chapitre 
Général  du  Grand-Orient  de  France,  avec  cette  qualifi- 
cation. L'auteur  de  ce  pieux  larcin  maçonnique  n'était 
autre  que  le  Très  Illustre  Frère  Rœttiers  de  Montaleau. 
Représentant  particulier  du  Grand  Maître  (1). 

En  même  temps  qu'il  spoliait  le  marquis.  Rœttiers  de 
Montaleau,  sJ appuyant  encore  une  fois  sur  les  Articles 
de  la  Section  IIP  des  Statuts,  le  mettait  en  demeure 
d'envoyer  au  Grand-Directoire  les  Actes  Constitutifs 
du  Régime  et  les  cahiers  d'instruction.  h'Eques  se  crut 
en  droit  de  douter  de  la  délicatesse  de  son  correspon- 
dant et  crut  comprendre  qu'après  avoir  dépouillé  son 
Régime  du  titre  qu'il  avait  porté  jusqu'alors,  le  Grand- 
Orient  brûlait  d'envie  de  posséder  les  Constitutions  et 


1 1  »  Nous  donnons  ci-contre  la  hn  d'une  des  lettres  du  F.  \  de 
Montaleau  à  YEques. 


. 


4-' 


I.K    RIT    PRIMITIF 


les  instructions  secret  es  du  Rit  Primitif,  pour  enrichir 
de  ces  dépouilles  le  fameux  Chapitre  Métropolitain. 

Mais  ni  les  Grands-Officiers  du  Grand-Directoire,  les 
TJwry,  les  d'Aigre  feuille,  les  Bacon  de  la  Chevalerie, 
les  Pajotj  les  de  Beaumont,  les  D.  Poissy,  les  de  Joly, 
les  Dubin,  les  Rœttiers  de  M  ont  al  eau,  ni  le  Grand- 
Orient  tout  entier  n'était  capable  de  lutter  avec  un 
tel  vétéran  de  la  Maçonnerie,  avec  un  Maître  qui,  depuis 
plus  de  trente  ans  avait  été  initié  à  tous  les  secrets  de  la 
Secte.  Le  fondateur  du  Rit  Primitif  s'appliquait  à  lui- 
même,  non  sans  un  sentiment  de  fierté,  qu'il  trouvait 
légitime,  le  vers  du  poète  : 

Nourri  dans  le  sérail  j'en  connais  les  détours. 

Il  fit  partir  pour  Paris  une  dépêche  <(  très  minutée  ». 
Il  racontait  d'abord  au  Très  Illustre  Frère  de  Mon- 
taleau  l'histoire  des  origines  du  Rit  professé  par  sa 
Très  Révérende  Loge.  Son  récit  est  assez  bien  imaginé 
pour  ne  pas.  blesser  la  vraisemblance.  Tout  y  est  com- 
biné pour  tromper  le  Grand-Orient  sur  les  origines  d'un 
Régime  que  ses  Grands-Officiers  ne  pouvaient  et  ne 
devaient  jamais  connaître.  Voici  le  résumé  très  fidèle  de 
cette  histoire  imaginée  par  YEques  : 

Son  père,  le  vicomte  C...  d' A...,  chevalier  de  l'Ordre 
royal  et  militaire  de  Saint-Louis,  commandant  de  divi- 
sion des  canonniers  garde-côtes,  vit  se  réunir  autour 
de  lui  ses  nombreux  enfants,  dont  la  plupart  servaient 
dans  diverses  armes,  et  qui,  tous,  étaient  devenus  ma- 
çons. Cette  réunion,  aussi  singulière  qu'heureuse, 
réchauffa  son  zèle,  et  lui  inspira  l'idée  d'organiser  une 
Loge  en  famille.  Il  informa  de  ses  vues  quelques 
Maçons  allemands  de  qualité,  avec  lesquels  il  avait  tou- 
jours entretenu  des  relations.  Il  avait  fait  leur  connais- 
sance autrefois,  lorsque,  ayant  été  blessé  et  fait  pri- 
sonnier au  siège  de  Prague,  il  leur  avait  été  recom- 
mandé par  son  frère  qui.  depuis,    fut  tué  d'un  boulet 


/ 


LE    RIT    PRIMITIF  43 

de  canon,  à  la  tête  des  grenadiers  de  Piémont,  au  com- 
bat de  Rosbach.  Ces  Frères,  qui  avaient  conservé  pour 
lui  une  estime  et  une  amitié  très  distinguées,  détermi- 
nés par  ces  .sentiments,  lui  offrirent  de  l'adjoindre  avec 
sa  Loge  à  un  Rit  «  peu  connu  »,  quoiqu'il  fût  ((  ré- 
pandu un  peu  partout  »,  et  «  où  l'on  s'attachait  plus  au 
choix  qu'au  nombre  de  ses  membres  »..  Ils  lui  donnèrent 
un  aperçu  des  obligations  et  des  avantages,  ainsi  que 
les  principales  formes  à  remplir,  pour  parvenir  à  la 
réunion  de  la  Loge  au  Rit. 

((  Les  Frères  n'hésitèrent  pas  un  moment  à  adopter 
«  un  Rit,  où  chaque  Loge,  si  elle  le  veut,  possède  et 
((  propage  l'ensemble  et  la  totalité  des  connaissances 
((  qui  constituent  le  Rit  ;  où  la  Franc-Maçonnerie  rap- 
«  prochée  des  principes  Primitifs  de  son  institution 
«  est  :  i°  un  délassement  honnête  autant  qu'agréable  ; 
((2°  une  association  bienfaisante;  30  une  occasion  de 
((  perfectionnement  moral,  de  ses  membres,  tant  à  rai- 
«  son  de  leur  fréquentation  réciproque,  qu'à  raison  de 
«  la  régularité  des  formes  et  d'emploi  des  outils  sym- 
((  boliques  et  expressifs  qui  servent  à  leurs  études  et 
((  à  leurs  méditations  ;  où  40 ,  à  l'exception  du  premier 
«  hommage,  versé  à  l'occasion  du  Titre  constitutif,  et 
((  une  quotité  très  légère,  très  rare,  et  volontaire,  pour 
((  les  frais  de  chancellerie,  l'ensemble  et  Ta  totalité  des 
«  perceptions  métalliques  restent  à  l'usage  et  à  la 
«  disposition  de  chaque  Loge;  où,  enfin,  l'influence  pa- 
•  ((  ternelle  et  douce,  et  presque  inaperçue  de  l'Ordre, 
((  ne  se  fait  presque  jamais  sentir  que  par  des  marques 
((  de  bienveillance. 

((  Tout  ayant  été  éclairci,  préparé,  convenu  d'avance, 
((  entre  les  Chefs  du  Rit,  d'une  part,  et  le  Frère  vi- 
((  comte  de  C...  d'A...,  au  nom  de  la  Loge,  de  l'autre, 
((  l'élection  et  l'installation  provisoire  des  dignitaires 
((  et  officiers  de  la  Loge  eurent  lieu  le  27  novembre 
((  1779.  Un  mois  après,  la  demande,  requête,  ou  sup- 
((  plique,  fut  signée  et  expédiée  séance  tenante,  le  2j 


44 


LE    RIT    PRIMITIF 


((  décembre  de  la  même  année  1779.  On  rédigea  et  on 

«  arrêta  le  tableau,  avec  le  Numéro  attribué  à  chaque 

«  frère.   Le  mémoire  dogmatique,  qui  avait  été  com- 

«  posé  à  loisir,  par  des  commissaires,  au  nom  de  la 

«  Loge,  fut  approuvé  et  signé. 

((  Toutes  les  pièces  furent  adressées  aux  Chefs,  par 
((  voies  qu'ils  avaient  indiquées  au  Frère  N.  i°,  (le 
<(  père  du  marquis)  ;  et,  en  attendant  les  titres  et  do- 
((  cuments  du  Rit,  la  Log'e  se  réunit,  de  temps  en  temps, 
((  suivant  les  formes  les  plus  simples  et  les  plus  géné- 
((  ralement  pratiquées. 

«  Dans  le  courant  du  mois  de  mars  de  l'année  1780, 
<(  la  Révérende  Loge  eut  avis  qu'un  commissaire  vien- 
«  drait  incessamment  lui  remettre  les  titres  et  procéder 
«  à  son  installation.  En  effet,  ce  commissaire  ne  tarda 
«  pas  à  se  présenter;  après  quelques  jours,  pendant  les- 
«  quels  il  reçut  des  Frères  de  la  Loge  l'accueil  frater- 
((  nel  et  agréable  qui  lui  était  dû  à  tous  égards,  et 
((  qu'il  employa  aussi  à  conférer  avec  eux  sur  toutes 
((  les  parties  du  Rit  Primitif.  Ce  fut  le  dix-neuvième 
«  jour  du  mois  d'Avril  1780,  jour  à  jamais  mémora- 
«  bie  pour  la  Révérende  Loge,  Première  Loge  de 
«  l'Orient  des  Frce  and  Acceptée  Masons  du  Rit  Pri- 
((  mitif,  en  France,  et  de  tous  les  Ateliers,  Collèges, 
«  Chapitres,  selon  les  rites  et  les  formes  d'usage... 
((  Ayant  confié  au  Révérend  Frère  Numéro  I,  en  sa 
«  qualité  de  .Conservateur,  le  Titre  Constitutif,  les  Ri- 
«  tuels,  et  autres  documents,  il  clôtura  l'acte  d'inau- 
«  guration,  à  la  satisfaction  générale.  Il  n'accorda  que 
((  peu  de  jours  aux  invitations  empressées  des  Frères 
«  et  les  laissa  pénétrés  des  plus  justes  sentiments  de 
((  l'estime.  » 

Après  avoir  fait  l'historique  de  la  Fondation  de  la 
Vénérable  et  Sublime  Lor/e,  dont  il  était  présentement 
le  Conservateur,  VBques  a  Capite  Galeato  répétait,  une 
fois  encore,  qu'il  ne  pouvait  rien  transmettre  au  Grand- 


TE    RIT    PRIMITIF  45 

Orient  de  France,  «  les  Archives  du  Régime  ayant  été 
anéanties  dans  une  affreuse  nuit  du  mois  d'août  de 
l'année  1792  ». 

Le  marquis  procédant  par  interrogations  et  de  la  ma- 
nière la  plus  habile,  rappelait  au  Très  Illustre  Frère  de 
Montaleau,  qui  paraissait  les  avoir  profondément  ou- 
bliées, quelques-unes  de  ses  hautes  qualités  maçonni- 
ques. C'est  ainsi  qu'il  lui  demandait  s'il  n'était  pas  ce 
même  Frère  de  Montaleau  qu'il  avait  jadis  connu, 
avant  la  Révolution,  à  la  xne  Classe  des  Amis-Réunis 
de  Paris,  et  qu'il  avait  convoqué,  en  vertu  de  pouvoirs 
extraordinaires,  au  Grand  Couvent  de  1785  (1). 

Enfin,  faisant  allusion  à  la  dénomination  de  Rit  Pri- 
mitif, dont  le  Grand  Orient  de  France  prétendait  spo- 
lier la  Révérende  Loge,  Première,  il  concluait  fine- 
ment  : 

«  Que  quelque  Maçon,  peu  délicat,  en  possession  d'intriguer 
«  clans  les  bureaux  du  Grand-Orient  de  France,  avait  trouvé 
«  p'quante  et  remarquable  la  dénomination  de  son  Rit;  qu'elle 
«  lui  avait  paru  fort  bonne  à  mettre  à  rencontre  des  préten- 
<(  tions  que  l'espèce  de  renaissance  qu'éprouve  la  Maçonnerie 
«  en  France,  fait  comme  jaillir  de  toutes  parts,  et  sous  toutes 
«  sortes  de  dénominations;  que,  surtout,  il  avait  regardé 
«  comme  insignifiant  et  facile  à  dépouiller  de  sa  dénomination 
«  caractéristique,  un  Etablissement  dont  l'existence  était  pro- 
«  blématique,  sous  certains  rapports,  et  dont  le  petit  nombre 
«  de  membres  apparents  ne  s'exprimait  qu'avec  modération 
«  et  urbanité;  que  les  Chefs  du  Grand-Orient  de  France,  dis- 
«  traits  et  occupés  de  mille  affaires  qui  se  succèdent  sans 
«  interruption,  ne  prendraient  probablement  pas  garde  à  ce 
«  petit  tour  de  souplesse,  pour  ne  pas  dire  mieux,  et  qu'en  fin 
•«  de  cause,  sans  doute,  ils  feraient  grâce  aux  moyens,  en  fa- 
ce veur  de  l'avantage  qui  devait  en  résulter  pour  le  Rit  factice 
«  du  Grand-Orient  de  France.   » 


(1)  Nous  reproduisons  ci-contre  le  brouillon  d'une  des  lettres 
de  VBques  à  Montaleau. 


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LE    RIT    PRIMITIF  47 

Le  ton  de  cette  longue  dépêche,  je  ne  sais  quel  mé- 
lange d'urbanité,  de  bonhomie,  d'emportement  contenu, 
de  fierté  dans  l'accent,  d'autorité  dans  l'expression, 
d'allusions  voilées  pour  les  profanes,  mais  suffi- 
samment claires  pour  des  initiés,  déconcertèrent  le 
Représentant  particulier  du  Grand  Maître. 

Le  Frère  Bacon  de  la  Chevalerie  et  plusieurs  autres 
officiers  du  Grand  Orient  de  France,  notamment  Py- 
ron,  l'un  des  fondateurs  du  Grand  Orient  d'Italie, 
Charles  d'Aigre  feuille,  cousin  de  YEques  a  Capite  Ga~ 
leato,  Thory,  l'aîné,  grand  trésorier  de  YOrdre  Ecos- 
sais Philosophique,  le  Frère  d'Alès,  ci-devant  comte  de 
Vienne  et  vicaire-général  de  Bayeux,  s'interposèrent, 
convinrent  que  le  Très-Illustre  Frère  de  Montaleau 
avait  commis  une  faute  grave  en  tentant  de  spolier  un 
Régime  vénérable  de  sa  dénomination  caractéristique, 
et  promirent  de  faire  disparaître  le  titre  de  Rit  Pri- 
mitif des  cuivres  du  Grand  Orient.  Mais  tous,  d'une 
seule  voix,  suppliaient  le  marquis  de  faire  parvenir  au 
plus  tôt  les  pièces  originales  des  Actes  constitutifs  de 
sa  Loge  et  de  ses  Chapitres,  ou  à  leur  défaut  un  ré- 
sumé, un  sommaire  quelconque  des  instructions  sym- 
boliques ,  un  aperçu  des  connaissances  et  des  Sciences 
particulières  à  son  Rit.  Ces  correspondants  lui  révé- 
laient que  cette  affaire  commençait  à  s'ébruiter  dans  les 
Loges  de  la  Capitale  et  que,  tôt  ou  tard,  le  Grand-Maî- 
tre Cambacérès  et  YEmpereur  en  seraient  instruits. 

La  mise  en  demeure  était  formelle.  Pour  se  dérober 
à  ces  instances,  YEques  a  Capite  Galeato  ne  pouvait 
prétendre  qu'il  ignorait  absolument  tout  d'un  Régime 
dont  il  était,  depuis  1780,  l'un  des  membres  fondateurs 
et,  depuis  1792,  le  Conservateur  titulaire. 

Avec  beaucoup  d'habileté,  le  marquis  répliqua  :  qu'il 
ne  pouvait  rien  envoyer,  attendu  que  lui-même  et  les 
frères  de  sa  Révérende  Loge  n'étaient  que  les  déposi- 
taires de  secrets  et  de  hautes  connaissances,  dont  les 
Constituteurs  du  Régime  étaient  les  véritables  posses- 


mm 


48 


LE    RIT    PRIMITIF 


seurs.  Quels  étaient  ces  Constituteurs  ?  Il  était  sur  ce 
point  dans  l'ignorance  la  plus  absolue.  Son  père,  le 
premier  Conservateur  de  la  Loge  et  de  ses  quatre  Cha- 
pitres, avait  seul  correspondu  avec  eux.  Seul  il  avait 
leurs  noms  et  possédait  leurs  adresses.  Seul  il  eût  pu 
les  retrouver  peut-être,  après  les  bouleversements  sans 
exemple  dont  la  France,  l'Europe,  l'Ancien  et  le  Nou- 
veau Monde  avaient  été  le  théâtre.  Mais  son  père 
n'était  plus.  Il  avait  emporté  son  secret  dans  la  tombe. 
Quant  à  lui-même,  élu  comme  Conservateur,  il  avait 
parcouru  plusieurs  contrées  à  la  recherche  des  Supé- 
rieurs inconnus  :  vaines  démarches,  inutiles  tentatives, 
infructueux  efforts.  De  supérieurs,  de  constituteurs, 
nulle  trace.  Ce  projet  de  réunion  auquel  le  Grand-Di- 
rectoire mettait,  comme  à  plaisir,  tant  d'obstacles,  au- 
rait peut-être  (si,  enfin,  il  pouvait  aboutir),  ce  résultat 
inespéré,  grâce  à  l'immense  publicité  dont  disposait 
ce  puissant  Etablissement  Maçonnique,  de  signaler 
cette  Loge,  depuis  si  longtemps  orpheline,  ou  plutôt 
cette  fille  inébranlablement  fidèle,  laissée  par  ses  Pères 
dans  le  plus  affreux  abandon. 

D'ailleurs  ni  lui-même,  ni  ses  Collègues  de  la  Loge  et 
des  Chapitres  n'étaient  en  France  les  seuls  survivants 
de  ce  Régime.  Le  Grand  Orient  de  France  en  comp- 
tait plusieurs  dans  son  sein.  Rien  n'empêchait  qu'on  les 
interrogeât.  Ils  répondraient,  si,  toutefois,  le  serment 
de  discrétion  leur  permettait  de  parler. 

Des  membres  du  Grand  Directoire  avaient  autrefois 
fait  partie  du  Régime  à  jamais  fameux  des  Philalè- 
thes.  Si  leur  mémoire  était  fidèle,  ils  pourraient  se  sou- 
venir qu'entre  les  années  1 784-1 785,  les  deux  Régi- 
mes, celui  des  Philalcthes  et  celui  du  Rit  Primitif \ 
s'étaient  unis,  comme  visant  au  même  but,  par  un  so- 
lennel Concordat,  longuement  et  mûrement  discuté  de 
part  et  d'autre. 

Oue  demandait   le   Conservateur    de    la    Révérende 


m 


LE    RIT    PRIMITIF  49 

Loge  ?  L'affiliation  au  Grand  Orient  de  France  et  la 
faculté  de  correspondre.  Qu'exigeait  ce  corps  Maçon- 
nique ?  Que  l'impétrant  se  soumît  aux  Règlements. 
Mais  au-dessus,  bien  au-dessus,  à  une  distance  infinie 
des  Statuts  arrêtés  et  promulgués  par  une  Autorité 
déléguée,  si  puissante  fût-elle,  un  véritable  adepte  pou- 
vait et  devait  placer  les  Lois  fondamentales  et  les  deux 
Articles  de  la  Charte  Maçonnique,  qui  peuvent  se  for- 
muler ainsi  : 

Ier  Article  :  Nulle  puissance  au  monde  n'a  LE 
pouvoir  de  délivrer  un  adepte  de  son  serment 
de  discrétion; 

2e  Article  :  Ce  n'est  jamais  aux  sujets  que  l'on 

PEUT  DEMANDER  DES  SECRETS,  DES  INSTRUCTIONS,  DES 
.CONNAISSANCES,    'MAIS     A    L'AUTORITÉ     LÉGITIME     QUI 

\  4 

LES   EN   A   CONSTITUÉS   LES    FIDÈLES    DÉPOSITAIRES    (i). 

Les  Grands-Officiers,  chargés  de  cette  affaire  par  le 
Grand-Directoire,  convinrent  entre  eux  qu'ils  avaient 
trouvé  leur  maître.  Ne  sachant  plus  que  répliquer,  ils 
résolurent  d'en  référer  à  une  Assemblée  plénière  des 
Grands-Officiers.  L'affaire  fut  présentée  le  27  juillet 
1806.  Le  Très-Illustre  frère  Thory  s'était  chargé  de 
soutenir  et  de  faire  triompher  la  thèse  du  mystérieux 
Bques  a  Capite  Galeato.  Les  débats  furent  passionnés. 

La  plupart  des  officiers,  fiers  de  leurs  titres,  de 
leurs  décorations,  de  leurs  bijoux,  de  leurs  éblouissants 
costumes,  s'imaginaient  naïvement  être  devenus  de 
sublimes  mages,  de  puissants  potentats.  Créatures  de 
l'Empereur,  ils  étaient  persuadés  que  le  culte  bruyant, 
triomphant,  exclusif  du  héros  devait  être  le  but,  le 
vrai,  l'unique  but  des  Maçons  régénérés.  Les  assem- 
blées en  Loges,  les  réunions  en  Chapitres,  les  Fêtes  de 


(1)   Voir  à  ce  sujet  l'opinion  de  Thory  ci-après.  —  et  les 
lettres  de  l'Eques  et  d'Harmensen  à  la  fin  du  volume. 


50  LE    RIT    PRIMITIF 

Y  Ordre  étaient,  à  leurs  yeux,  uniquement  destinées  à 
réchauffer  le  zèle  des  adorateurs  de  ce  nouveau  Dieu. 
De  la  Maçonnerie,  de  ses  lois  fondamentales,  de  ses 
traditions,  de  ses  sublimes  doctrines,  de  ses  deux  mon- 
tants,, ils  ne  savaient  rien  ou  à  peu  près. 

Il  suffisait  aux  vaillants  maréchaux,  aux  brillants 
généraux,  aux  pétulants  colonels,  au  comte  Cyrus  de 
Valence,  au  comte  Serrurier,  au  Très  Illustre  et  Révé- 
rend Rouyer,  Trésorier  de  la  neuvième  cohorte  de  la 
Légion  d'honneur,  général  de  brigade,  au  Très  Illustre 
comte  de  Ségur,  Grand-Maître  des  cérémonies  de  Sa 
Majesté  Impériale  et  Royale,  au  Très  Illustre  Merle 
de  la  Gorce,  général  de  brigade,  au  Très  Illustre  Frère 
Général  comte  d'Harville,  au  Très  Illustre  et  très  in- 
trépide général  de  Lassalle,  au  maréchal  Masséna,  au 
sénateur  Beurnonville,  au  préfet  de  police  Dubois,  au 
président  du  Tribunat  Fabre  de  V Aude,  au  conseiller 
d'Etat  Joubert,  il  suffisait,  dis-je,  à  ces  Très  Illustres, 
Très  Révérends  et  non  moins  Sublimes  Maçons,  de 
posséder  un  court  résumé  de  leurs  rituels,  de  faire 
correctement  les  gestes  et  attouchements  hiératiques, 
et  d'exécuter  avec  ensemble,  dans  les  banquets,  les  bat- 
teries et  les  salves  d'allégresse.  Ce  dernier  art,  acces- 
sible à  ces  valeureux  capitaines  et  à  ces  manœuvriers 
consommés,  était  fort  apprécié  :  ((  La  santé  du  Séré- 
«.nissime  Grand-Maître,  écrivait  en  cette  même  année 
((  1806,  le  Secrétaire-Général  du  Grand  Orient,  G.  de 
«  Beaumont,  a  été  portée  avec  l'enthousiasme  que  pro- 
«  duit  toujours  sa  présence;  mais  le  vénérable  frère 
«  Pajot  aîné,  premier  surveillant,  semole  s'être  sur- 
«  passé  par  la  fermeté  du  commandement,  et  tous  les 
«  Frères,  par  F  ensemble  et  la  précision  de  leurs  feux.  )) 

Ces  merveilleuses  connaissances  maçonniques  étaient, 
on  l'avouera  sans  peine,  tout  à  fait  insuffisantes  pour 
discuter  la  thèse,  habile  et  subtile,  de  YBques  a  Capite 
Galeato,  l'un  des  plus  purs  et  des  plus  savants  initiés 
de  cette  époque,  et  le  frère  Thory  pouvait  lui  écrire  ces 


LE    RIT    PRIMITIF 


51 


lignes  attristées  :  «  77  est  certain  qu'il  n'existe  peut- 
être  pas  vingt-cinq  maçons  parmi  les  deux  cent  mille 
qui  couvrent  aujourd'hui  le  sol  de  la  France.  » 

Et  donc  les  débats  furent  orageux  et  confus.  Enfin, 
le  même  frère  Thory  réclama  la  parole,  il  émit  son 
opinion  en  ces  termes  : 

«  La  discussion  qui  vient  de  s'engager,  les  observations 
«  lumineusecs  des  membres  du  Grand-Directoire  des  Rits, 
«  l'importance  de  l'objet  qui  nous  occupe,  tout  me  fait  un 
«  devoir  de  prendre  aussi  la  parole  dans  cette  circonstance. 

«  Une  loge  du  Rit  Primitif  se  présente  au  Grand-Orient  de 
«  France  et  demande  son  agrégation  au  Centre  commun  des 
«  lumières  maçonniques.  Je  pense  que  le  Grand-Orient  doit 
«  l'accueillir  avec  distinction  et  lui  accorder  l'objet  de  ses 
«  désirs. 

«  La  Loge...  en  sollicitant  cette  faveur,  a  répondu  à  l'appel 
«  solennel  que  le  Grand-Orient  a  fait  à  tous  les  Rits,  comme 
«  à  tous  les  cultes  maçonniques;  vous  apercevrez  dans  cette 
«  démarche  des  Maçons  qui  rendent  justice  à  la  philosophie, 
«  à  l'esprit  de  tolérance  du  Grand  Orient  de  France,  et  qui 
«  professant  un  Rit  secret,  inconnu  à  la  plupart  d'entre  nous, 
«  offrent  de  confondre  leurs  lumières  et  leurs  affections. 

«  Je  répondrai  à  quelques-unes  des  objections  qui  ont  été 
«  faites,  et  je  crois  pouvoir  vous  démontrer  que  cette  réu- 
«  nion  entre  dans  les  intérêts  du  Grand-Orient. 

«  On  a  dit  dans  la  discussion  :  Quel  est  le  Rit  ?  quelles  en 
«  sont  les  bases,  les  principes  ?  Quels  grades  professent-ils  ? 
«  Leurs  cahiers  sont-il  au  Grand-Orient  ? 

«  Remarquez  bien,  mes  Frères,  que  ce  n'est  point  le  corps 
«  constituant  du  Rit  Primitif  qui  se  présente  à  vous.  C'est  un 
«  atelier,  c'est  un  chapitre  constitué  qui  vous  dit  :  Vous  ap- 
«  pelez  à  vous  tous  les  Rits  ?  Nous  nous  empressons  de  nous 
«  rendre  sous  vos  bannières. 

«  Dans  cette  circonstance,  les  Frères  de  la  Loge  du  Rit  Pri- 
«  mitif  peuvent-ils,  doivent-ils  vous  donner  connaissance  de 
«  leur  doctrine  ?  Non,  sans  doute,  ils  n'en  sont  que  déposi- 
«  taires  :  le  dogme  appartient  à  leurs  maîtres;  eux  seuls  peu- 
ce  vent  en  unir  le  Rit  au  Grand-Orient. 


^^fl 


52 


LE    RIT    PRIMITIF 


«  Quant  àses  bases  et  à  ses  principes,  il  ne  nous  est  pas 
«  permis  sur  ce  point  de  les  interroger,  il  nous  suffit  de  con- 
«  naître  la  composition  du  Chapitre  impétrant,  et,  sous  ce 
<c  rapport  le  Grand-Directoire  n'a  rien  à  désirer. 

«  Une  famille  Illustre,  d'anciens  magistrats,  de  braves  mi- 
<(  litaires,  d'hommes  intègres,  enfin,  forme,  à  elle  seule,  la 
«  Loge  et  le  Chapitre...  Mais,  a-t-on  dit,  ce  Chapitre  est  cora- 
a  posé  de  la  seule  famille  des  C...  d'A...,  tous  frères  ou  pa- 
rt rents.  Le  Grand-Orient  ne  peut  connaître  des  lumières,  qui 
«  sont  une  espèce  d'hérédité  pour  les  membres  d'une  même 
«  famille...  Eh  bien  !  ce  qui  vous  paraîtra  une  singularité,  je 
«  le  regarde,  moi,  comme  un  acte  de  prudence,  malheureuse- 
«  ment  trop  rare  en  Maçonnerie.  Je  n'examine  pas  si  tous 
«  les  membres  impétrants  portant  le  nom  de  C...  d'A...  Il  me 
«  paraît  évident  que  les  Frères  ont  voulu  conserver  le  secret  de 
«  leurs  grades,  en  se  réduisant  à  un  très  petit  nombre  ;  il  est 
«  évident  que  ces  grades  ne  sont  point  de  nature  à  devenir 
<(  l'apanage  de  la  multitude  et  que,  bien  différents  de  tous  les 
«  autres,  connus,  copiés,  imprimés,  ceux  des  impétrants  ont 
x(  le  mérite  peu  commun  de  n'avoir  point  encore  été  divul- 
«  gués. 

«  Au  surplus,  je  n'ai  point  l'honneur  d'appartenir  à  ce  Rit, 
«  mais  je  puis  assurer  au  Grand  Directoire  des  Rits,  que  plu- 
«  sieurs  membres  du  Grand-Orient  de  France  appartiennent 
«  à  son  Association;  qu'il  en  existait  un  en  atelier  (sic)  à 
«  Paris,  avant  la  Révolution,  sons  le  titre  d'Amis  Réunis,  pré- 
a  sidé  par  le  frère  Savalette  de  Sange  (sic)  ;  enfin,  que  par  la 
«.  correspondance  que  j'ai  encore  maintenant  avec  un  des 
«  Chefs  les  plus  distingués  du  Rit  Primitif,  je  suis  convaincu 
«  que  le  but  et  les  travaux  particuliers  de  la  Loge  et  du  Cha- 
«  pitre  du  Rit  Primitif,  tendent  à  la  perfection  des  mœurs  et, 
«  peut-être,  à  des  connaissances  particulières  auxquelles  il 
«  n'est  pas  permis  à  tous  les  hommes   d'atteindre. 

«  Il  est  temps,  mes  Frères,  de  sortir  du  cercle  des  petites 
«  vues  et  des  petits  intérêts  de  rivalité;  il  faut  que  le  Grand- 
«  Orient  soit  Grand,  en  effet  ;  il  faut  qu'il  soit  convaincu 
«  qu'il  apprécie  la  démarche  éclatante  de  ces  Frères;  il  faut 
«  qu'il  soit  convaincu  qu'il  ne  sera  vraiment  fort,  j'ose  dire 
«  vraiment  digne  de  la  protection  du  gouvernement  que  lors- 
-<(  qu'il  aura  su  tout  appeler  à  lui,  et  que  les  talents  et  l'es- 


le;  rit  primitif  53 

«  prit  de  tolérance  de  ses  officiers  auront  enfin  employé  tous 
«  leurs  moyens  pour  faire  flotter  dans  cette  enceinte  les  éten- 
«  dards  de  tous  les  Rits. 

«  J'appuie  de  tout  mon  pouvoir  la  demande  des  Frères  du 
«  Rit  Primitif,  je  conclus  à  ce  que  la  correspondance  du 
«  Grand-Orient  lui  soit  accordée;  à  ce  que,  conformément 
«  au  traité  d'union  de  tous  les  Rits,  le  titre  qui  l'établit,  ou 
a  une  copie  certifiée  par  les  membres  du  Chapitre  soit  visée 
«  par  le  Grand-Directoire  des  Rits,  et  que  cet  Atelier  de 
«  Hauts  Grades  soit  porté  sur  les  états  du  Grand-Orient, 
«  comme  un  Chapitre  régulier,  avec  la  date  de  son  établisse- 
«  ment  et  la  dénomination  de  Chapitre  de  Rit  Primitif.  » 


Ainsi,  le  Frère  Thory  avait  appuyé  la  thèse  de  YEques 
a  Capite  Galcato  sur  tous  les  points,  sauf  sur  un  seul  : 
le  non-envoi  des  Patentes  Constitutives.  La  tournure 
qu'avaient  prise  les  débats  lui  avait  fait  comprendre 
que  le  Grand  Directoire  n'admettrait  jamais  une  pa- 
reille exception  en  faveur  d'une  Loge  ou  d'un  Régime 
quelconque.  N'était-ce  pas  assez  que  les  Grands-Offi- 
ciers consentissent  à  n'exiger  ni  les  cahiers  du  Rit,  ni 
un  sommaire  des  instructions  ? 

Le  Conseil,  faisant  siennes  les  conclusions  de  Thory, 
arrêta  : 

((  Le  Directoire  verra  avec  plaisir  l'aggrégation  du 
Rit  Primitif;  mais  il  ajourne  la  demande  jusqu'à  ce 
que  la  copie  promise,  du  Titre  Constitutif  lui  ait  été 
transmise.  Il  nomme  commissaires,  à  l'objet  de  lui  en 
faire  un  rapport,  les  Frères  de  Montaleau,  Pajot  et 
Thory.  » 

Malgré  sa  prodigieuse  habileté,  YEques  a  Capite  Ga- 
leato  se  trouvait  réduit  à  l'alternative  cruelle  ou  de 
refuser  la  représentation  du  Titre  Constitutif,  ou  de 
voir  sa  demande  de  réunion  définitivement  repoussée. 

Les  Grands-Officiers  du  Grand  Orient  ne  doutaient 
pas  qu'il  se  résoudrait  enfin  à  prendre  le  premier  parti. 
Ses  amis  eux-mêmes  soupçonnaient  quelque  piège.  Son 


54 


LE    RIT    PRIMITIF 


attitude  avait  fait  croire  que  le  Titre  existait  réelle- 
ment, mais  qu'il  était,  probablement,  peu  en  règle,  et 
ne  résisterait  pas  à  la  critique  sévère  qu'on  lui  pré- 
parait. 

En  attendant,  YBqucs  a  Capite  Galeato 


«  crut  s'apercevoir,  écrit-il  dans  les  Annales  de  son  Ré~ 
«  gime,  qu'on  lui  avait  lancé  un  Frère  très  instruit,  très  ac- 
«  tif,  et  très  fin,  dans  la  vue  de  le  scruter.  Ht  comme  ce  Frère, 
«  très  jeune  encore,  avait  beaucoup  voyagé,  et  été  initié 
«  partout  aux  mystères  les  plus  secrets,  qu'en  conséquence 
«  de  ses  lumières  rares,  on  l'avait  accueilli  à  bras  ouverts 
«  dans  les  Loges  les  plus  merveilleuses  de  la  Capitale  et  dans 
«  les  établissements  scientifiques  les  plus  prétentieux,  on  ne 
«  douta  point  qu'il  ne  fût  très  en  mesure  d'apprécier  les  lu- 
«  mières  et  les  titres  de  la  Révérende  Première  Loge,  et  de 
«  fixer  le  degré  de  considération  qu'on  devait  accorder  aux 
«  uns  et  aux  autres.  » 


Faisant  donc  une  prompte  volte-face,  il  écrivit  à  son 
cousin  Charles  d'Aigre  feuille,  qu'il  avait  une  bonne 
nouvelle  à  lui  annoncer.  Par  le  plus  grand  des  hasards, 
ou,  pour  mieux  dire,  j(  par  une  providentielle  rencon- 
tre »,  les  Actes  Constitutifs,  que  l'on  pouvait  croire  à 
jamais  perdus,  venaient  d'être  retrouvés. 

UBques  faisait  complaisamment  le  récit  de  cette 
bienheureuse  trouvaille.  Toute  l'histoire,  qu'on  va  lire, 
n'est  d'ailleurs  que  pure  invention. 


«  La  même,  nuit  où  l'on  arrêta  les  chanoines  de  Saint- Just 
«  et  autres  prêtres,  un  particulier  se  portant  sur  le  rempart 
«  de  derrière  les  Cordeliers,  avec  sa  lanterne,  selon  la  cou- 
rt tume  de  tous  les  jours,  avait  trouvé  au  pied  de  la  monti- 
«  cule,  du  côté  du  marin,  un  paquet  enveloppé  dans  une  pièce 
«  d'étoffe.  S'étant  hâté  de  satisfaire  au  premier  but  de  sa  pro~  j 
«  menade,  il  avait  emporté  le  paquet  en  question  chez  lui. 
«  L'ayant  déployé,  il  y  avait  vu  plusieurs  grands  livres  dont 


LE    RIT    PRIMITIF  55 

<(  un  snrdoré,  un  tuyau  en  fer  blanc  renfermant  un  parche- 
«  min  écrit,  beaucoup  de  papiers.  Il  pensa  tout  de  suite  que 
«  cela  appartenait  au  Chapitre,  et  il  cherchait  dans  sa  tête 
«  comment  il  devait  s'y  prendre  pour  le  lui  rendre.  Mais  la 
«  peur  l'ayant  saisi,  il  avait  cru  prudent  de  bien  cacher  sa 
«  trouvaille,  et  de  n'en  faire  confidence  à  qui  que  ce  fût,  jus- 
<(  qu'à  ce  qu'il  n'y  eût  plus  rien  à  craindre.  Les  années  s'étaient 
«  ainsi  succédées  l'une  à  l'autre,  et  il  ne  songeait  presque  plus 
«  à  son  aventure,  lorsqu'il  avait  entendu  par  hasard,  dans  un 
«  cabaret,  deux  hommes  qui  s'entretenaient  des  recherches 
<c  que  les  Francs-Maçons  faisaient  pour  retrouver  des  regis- 
«  très  et  papiers  qu'on  leur  avait  pris,  dans  les  premières 
«  années  de  la  Révolution.  Présumant  alors  que  le  paquet 
«  trouvé  pouvait  être  ce  qu'on  cherchait,  et  connaissant  la 
<(  probité  et  la  générosité  de  ces  Messieurs,  il  s'était  hasardé 
«  à  leur  faire  part  de  ces  faits. 

«  Il  fut  unanimement  déterminé  par  les  Membres  de  la 
«  Révérende  Première  Loge  que  les  Révérends  Frères  Conser- 
«  vateurs  et  Grand  Trésorier  traiteraient  définitivement  et 
«  selon  qu'il  leur  paraîtrait  bonêtre  (sic)   avec  l'individu. 

«  Vingt-quatre  heures  après  cette  mission,  les  Révérends 
«  Frères  se  hâtèrent  d'informer  le  Vénérable  Conseil  qu'im- 
«  médiatement  au  sortir  de  la  séance  de  la  veille,  ils  s'étaient 
«  ménagé  une  entrevue  avec  le  profane...  que  réduisant  leur 
«  conférence  à  ce  qu'il  y  a  d'essentiel,  il  suffisait  de  dire  qu'il 
«  espérait  premièrement  de  leur  bonté  qu'ils  jureraient  (il  se 
«  contenta  de  leur  parole  d'honneur)  de  ne  le  nommer  ni 
«  donner  à  connaître  dans  aucun  temps,  ni  à  qui  que  ce  soit  : 
«  2°  de  lui  payer  tout  de  suite,  avant  d'enlever  le  paquet,  cin- 
«  quante  louis  d'or,  si  le  paquet  leur  appartient  ;  30  s'il  n'est 
«  pas  à  eux,  de  lui  dire  avec  vérité  à  qui  il  appartient,  sans 
«  en  rien  dire  eux-mêmes  aux  personnes  que  cela  pourra 
«  regarder. 

«  Le  tout  ainsi  respectivement  arrêté  et  convenu,  le  parti- 
ce  culier,  après  avoir  été  chez  lui,  pour  éloigner  son  monde, 
«  vint  reprendre  les  Révérends-Frères,  et  les  conduisit  dans 
«  son  petit  jardin,  où,  au  pied  d'un  figuier  touffu,  quelques 
«  coups  de  bêche  suffirent  pour  exhumer  nos  infortunées 
«  dépouilles.  La  vue  de  divers  registres,  du  prétendu  livre  sur- 
et doré,  qui  n'est  autre  chose  que  le  Livre  d'Or,  et  surtout  du 


m> 


56 


LE    RIT    PRIMITIF 


«  cylindre  du  Titre  Constitutif,  ne  laissa  pas  le  temps  aux 
«  Frères  de  douter  de  leur  droit  de  revendication  sur  ces 
«  objets. 

«  Fidèles  avec  raison  à  la  convention,  ils  payèrent  les  cin- 
«  quante  louis  ;  et  le  particulier  porta  le  paquet  chez  eux, 
a  enveloppé  dans  un  de  ses  draps  de  lit,  attendu  que  la  pre- 
a  mière  enveloppe  était  entièrement  pourrie  et  tombée  en 
«  loques.  » 


h'Eques  a  Capite  Galeato  finissait  en  assurant  son 
cousin  que  le  Grand-Orient  pourrait  enfin  examiner  les 
Patentes  authentiques  de  la  Révérende  Première  Loge. 

Mais  le  marquis  ne  se  pressa  point  de  les  envoyer. 

Sa  correspondance  avec  ce  jeune  adepte,  le  Cheva- 
lier (ÏHarmcnsen,  que  le  Grand  Orient  venait  de  lui 
opposer,  avait  promptement  tourné  à  l'aigre.  Le  Véné- 
rable Conseil  de  la  Révérende  Loge  du  Rit  Primitif 
avait  reconnu  ((  qu'il  fallait  jouer,  comme  on  dit,  jeu 
serré  ». 

En  tacticien  expérimenté,  YEqncs  avait  dressé  un 
plan  de  campagne  contre  le  Grand  Orient,  ses  officiers.. 
et  ses  auxiliaires  venus  de  Suède,  d'Allemagne  ou  d'ail- 
leurs. 

Lui-même  va  nous  en  développer  les  grandes  lignes. 
A  l'exemple  de  César,  dans  ses  Commentaires,  il  parle 
de  lui-même  à  la  troisième  personne  : 


«  Pour  bien  saisir  tout  le  mérite  de  son  travail  (écrit-il  dans 
«  les  Annales  de  son  Régime),  il  faudrait  réunir  une  foule  de 
a  petits  détails,  trop  fugitifs  pour  être  enregistrés  ;  il  fau- 
«  cirait  surtout  lire  l'ensemble  de  la  correspondance.  Il  suffit 
((  de  dire  ici  que  son  art  consista  :  1°  à  témoigner  aux  princi- 
«  paux  interlocuteurs,  que  la  plupart  des  Frères  fatigués  et 
«  dégoûtés  des  lenteurs  et  des  difficultés  qu'on  leur  avait  fait 
«  éprouver,  ne  mettaient  plus  d'intérêt  à  l'aggrégation  ;  que 
«  néanmoins  on  enverrait  incessamment  les  Copies  des  Titres, 
«  par  égard  pour  eux,  en  ce  qu'il  serait  inconvenant  qu'une 


LE    RIT    PRIMITIF  57 

«  négociation  entamée  par  des  députés  aussi  distingués,  res- 
«  tât  indécise,  et  sans  résultat  ;  2°  à  improviser,  comme 
«  d'abondance,  par  une  autre  dépêche,  toutes  les  plus  fortes 
«  objections  qu'il  était  possible  de  faire  contre  les  titres,  de 
«  manière  à  enchérir  sur  l'idée  défavorable  qu'il  paraissait 
«  qu'on  avait  à  Paris;  et,  annonçant  toujours  l'envoi  des 
«  titres  comme  très  prochain  ;  30  à  débattre  et  résoudre 
«  quelque  temps  après,  et  comme  en  se  ravisant,  toutes  ces 
«  objections  d'une  manière  aussi  rapide  que  négligée,  mais 
«  cependant  par  des  solutions  tellement  imprévues  et  tran- 
«  chantes  que  l'on  trouverait  ridicule  d'y  répliquer  ;  40  enfin, 
«  à  envoyer  immédiatement,  par  le  courrier  suivant,  les 
«  Copies,  tant  réclamées,  tant  attendues  ;  les  livrant,  comme 
«  de  guerre  lasse,  sans  observation,  sans  préambule,  disant  : 
«  Bcce  ;  examines,  juges  ;  pousses  ou  renvoyés  »  ;  ajoutant  : 
«  Xous  n'avons  plus  d'explications,  interprétations,  rensei- 
«  gnements  quelconques  à  donner.  Nous  comptons  donc  sur 
«  votre  zèle,  pour  faire  décider  l'affaire  in  statu  quo.  »  Au 
«  Post-Scriptum,  il  est  dit  :  Il  peut  s'être  glissé  quelque 
«  méprise  dans  les  passages  d?s  langues  étrangères  que  nous 
«  ne  possédons  pas,  et  dans  les  colonnes  secrètes  que  nous 
«  entendons  tout  aussi  peu.  » 

1 

L'exécution  de  ce  plan,  si  merveilleusement  étudié, 
valut  à  YBques  a  .Capitc  Galeato  le  triomphe  le  plus 
éclatant. 


«  La  marche  de  la  Révérende  Première  Loge,  ajoute-t-il, 
<(  avait  été  calculée  avec  tant  de  mesure  et  de  justesse,  que  les 
«  divers  personnages,  qui  devaient  prendre  connaissance  des 
«  Titres,  chacun  avec  des  dispositions  particulières  quant  à 
«  l'accueil  qu'on  leur  ferait,  tous  également  imbus  de  l'idée 
«  qu'ils  étaient  ou  défectueux,  ou  insignifiants,  à  leur  aspect, 
«  restèrent  Tous  muets  d'admiration,  ou  de  surprise.  De 
«  toutes  parts,  l'étonnement  était  sans  bornes,  et  les  plus 
«  instruits,  surtout,  ambitionnèrent  d'être  affiliés  à  un  éta- 
«  blissement  aperçu  sous  des  formes  aussi  extraordinaires, 
«  aussi  inattendues.  De  sorte  que  désormais  la  décision  de 
«  l'affiliation  ne  fut  susceptible  d'aucune  objection.  » 


^8 


LE    RIT    PRIMITIF 


En  étudiant  la  volumineuse  correspondance  du  mar- 
quis, nous  avons  pu  nous  convaincre  que  ces  dernières 
lignes  écrites  par  lui,  dans  les  Annales,  ne  contiennent 
pas  un  seul  mot  d'exagération. 

Le  4  septembre,  son  cousin,  le  Très  Illustre  Frère 
6!  Aigre  feuille  lui  mandait,  dans  une  lettre  confiden- 
tielle : 


«  Lorsque  je  vous  ai  écrit  que  votre  Titre  Constitutif  ne 
me  paraissait  pas  être  le  Pérou,  j'étais  loin  de  penser  qu'il 
fût  tel  qu'il  se  trouve.  Malgré  mes  faibles  lumières,  et  sans 
avoir  recours  aux  sublimes  connaissances  du  Frère  d'Harmen- 
sen,  ni  lui  faire  des  questions  auxquelles  il  n'aurait  peut-être 
pas  voulu  répondre,  je  n'ai  pas  balancé  à  penser  qu'il  émanait 
de  la  meilleure  source,  et  de  l'autorité  la  plus  légitime  ;  qu'il 
ne  pouvait  sous  aucun  rapport  être  contesté  et  qu'il  serait 
adopté  avec  empressement  par  le  Directoire  des  Rits  près  le 
Grand-Orient.  » 


Mais  la  lettre  la  plus  étonnante  est  celle  qu'écrivit,  à 
la  même  date,  le  Très  Illustre  Frère  à'Harmensen,  ce 
jeune  adepte  suédois  qui  avait  visité  les  ateliers  les  plus- 
mystérieux  de  l'Europe  et,  sans  doute,  servait  d'inter- 
médiaire entre  les  hauts  Maçons  des  pays  du  Xord  et 
ceux  du  Midi.  En  prenant  fait  et  cause  pour  le  Grand 
Orient  de  France,  il  ne  s'était  pas  douté  qu'il  allait  atta- 
quer l'un  des  hauts  Initiés  les  plus  respectés  de  la 
Maçonnerie  Internationale.  Comme  les  bouillants 
héros  de  l'Antique  Grèce,  il  s'était  exposé  au  déplo- 
rable malheur  de  blesser  un  dieu  de  l'Olympe,  caché 
sous  l'armure  d'un  simple  guerrier.  L'aspect  du  Titre 
Constitutif  lui  dessilla  les  yeux.  Comme  tous  les  Offi- 
ciers du  Grand  Orient  à  qui  on  l'avait  montré,  il  avait 
dû  se  déclarer  impuissant  à  le  déchiffrer.  Les  deux  co- 
lonnes de  hiéroglyphes,  dressées  à  droite  et  à  gauche  du 
texte  des  Patentes  écrit  en  clair,  aussi  bien  pour  lui  que 
pour  les  plus  habiles,  étaient  restées  muettes.  Mais  tel 


LE    RIT    PRIMITIF  59 

•et  tel  mot,  tel  et  tel  chiffre,  tel  et  tel  symbole,  l'avaient 
comme  terrassé  de  surprise,  de  stupeur  et  d'admira- 
tion. 

Pour  réparer  le  mal  que,  dans  son  ignorance,  il  avait 
pu  causer  à  l'un  de  ses  Chefs,  il  prit  le  parti  de  lui 
écrire  comme  une  longue  confession.  Et  donc,  il  dé- 
couvrit à  YEqi*t's  les  machinations  ourdies  contre  la 
Rc:\'rcvde  Première  Loge,  les  conseils  qu'il  avait  lui- 
même  donnés  et  les  mesures  hostiles  qu  il  avait  pro- 
posées. Il  suppliait  son  Très  Illustre  et  Très  Vénérable 
Supérieur  de  lui  pardonner  tous  ses  torts  et  de  les  ou- 
blier. Le  chevalier  d'Harmensen  finissait  en  conjurant 
le  Sublime  Conservateur  de  l'affilier  à  son  Régime. 

h'Eques  a  Capite  Galeato  daigna  se  montrer  satisfait 
de  ces  explications  complètes  et  de  ces  humbles  ex- 
cuses. Il  gourmanda  doucement  le  jeune  adepte  et  lui 
donna  quelques  conseils  de  prudence.  Pour  mieux  prou- 
ver que  son  cœur  ne  gardait  aucune  amertume,  il  se 
hâta  d'expédier  un  diplôme  d'agrégation.  Le  Très  Il- 
lustre Frère  d'Harmensen,  devenu  Souverain  Prince 
•de  la  Table  d'Hérodon,  chevalier  de  la  Table-Ronde 
du  roi  Arthur,  membre  du  Sublime  et  Magnifique  Cha- 
pitre de  la  Confraternité  Rose  et  Or,  des  Rose-Croix 
de  la  Table  d'Emeraude,  du  T.  S.  T.  P.  et  T.  S.  Her- 
mès Trismégiste,  disciple  du  Modeste  Chapitre  du 
Grand  Rosaire,  Amateur  de  la  Vérité,  Frère  Rose- 
Croix  de  la  Table  du  Banquet  des  Sages,  Mages,  Théo- 
sophes,  le  Très  Illustre  Frère,  disons-nous,  répondit  à 
son  initiateur  par  une  longue  lettre  de  remerciements 
écrite  sur  le  ton  lyrique.  Cet  homme  du  Nord,  ce  diplo- 
mate si  fin,  si  froid,  si  réservé,  devient  aussi  exubérant 
«qu'un  Méridional  de  Toulouse  ou  de  Marseille.  Voici  les 
passages  les  plus  saillants  de  cette  longue  dépêche,  (i), 


(i)  Le  texte  intégral  est  reproduit  à  la  fin  du  présent  ouvrage. 


6o  LE    RIT    PRIMITIF 

Le  lecteur  saura  lui-même  eu  souligner  l'importance. 


Paris,  ce  4  septembre   r8o6. 

Le   Frère    d'Harmensen   au   Très-Dévoué,   Très   Révérend, 
Très  Illustre  Frère  de  C... 

«  Lorsque  l'on  s'est  servi  d'expressions  tortes  pour  expri- 
«  mer  un  désir  ardent,  il  est  pénible  de  n'en  point  trouver 
a  qui  suffisent  aux  sentiments  de  gratitude  et  de  reconnais- 
«  sance  que  l'on  ressent  ;  il  est  doublement  malheureux  de 
«  ne  pouvoir  les  peindre,  lorsqu'on  les  éprouve  avec  ardeur. 
«  En  comblant  la  mesure,  en  m'accordant  plus  que  je  ne 
«  demandais,  vous  avez  usé  de  votre  puissance  de  bonté,  vous 
«  avez  voulu  suivre  l'exemple  du  Grand  Eternel,  qui  nous 
«  dispense  plus  de  biens  que  nous  ne  méritons,  afin  de  nous 
a  mettre  à  même  d'être  plus  tôt  digne  de  ceux  qu'il  nous 
«  réserve.  Depuis  longtemps,  je  m'empressai»  de  vous  chérir, 
«  de  vous  honorer,  Très  Digne  Frère.  Mais  aujourd'hui,  il  me 
«  faut  joindre  à  ces  sentiments  ceux  de  la  gratitude;  ils  ne 
«  gâteront  rien,  j'espère,  à  ce  qui  était...  Quand  (le  duc  de 
«  Sudermanie)  m'aurait  donné,  de  sa  propre  main,  un  Bref, 
«  portant  tout  ce  qu'il  aurait  voulu  y  mettre  de  chimérique  et 
«  d'admirable,  une  seule  ligne  de  votre  précieux  et  à  jamais 
a  cher  diplôme  d'aggrégation  à  la  R.  Première  Loge  du  Rit 
«  Primitif,  m'aurait  mieux  servi,  et,  surtout,  plus  honoré.  . 
«  Qu'il  me  scit  permis,  à  cette  occasion,  Très  Sublime  et  Très 
«  Digne  Frère,  de  vous  dire  une  vérité,  que  je  n'aurais  jamais 
<(  pu  connaître,  et  découvrir,  sans  l'envoi  de  la  Copie  de  votre 
«  Titre  d'Installation;  tant  il  est  vrai  que,  de  loin,  et  par 
«  écrit,  il  est  difficile  de  se  bien  approfondir,  surtout  lorsque 
«  la  sagesse  dicte  une  juste  retenue  envers  des  personnes  que 
«  l'on  ne  connaît  pas  assez,  et  vous  étiez  dans  ce  cas  vis-à-vis 
«  de  moi,  non  point  que  vos  lumières  ne  l'emportent  de  beau- 
ce  coup  sur  les  miennes,  puisque  je  me  fais  gloire  de  vous 
«  rendre  foi  et  hommage,  mais  encore  pour  le  peu  que  je 
«  sais,  ne  l'aurais-je  pas  dit. 

«  D'abord,  mon  Très  Digne  Frère,  votre  Révérende  Pre- 
«  mière  Loge  est  la  seule,  en  France,  régulièrement  consti- 
((  tuée.  Marseille,  Strasbourg,  et  autres,  ne  seront  probable- 


LE    RIT    PRIMITIF  6l 

a  ment  que  de  bien  petites-filles,  alors  que  vous  serez  grand'- 
«  mère.  Il  est  même  étonnant  pour  moi  d'avoir  vu  un  pareil 
«  titre,  qui  réunit  toute  la  puissance  constitutive,  tandis  que 
«  les  autres  n'ont  reçu  l'existence  que  d'une  émanation  dont  le 
«  droit   est   trop   petit  pour   régulariser   rien. 

«  Mon  Maître  (i)  en  a  été  frappé  et  m'a  dit:  J'en  ai  vu  plu- 
«  sieurs  en  France,  mais  jamais  d'aussi  entier.  Au  surplus 
«  cette  perle  va  être  enfouie  (au  G. -Orient)  dans  un  fumier, 
«  et  vous  savez  comme  moi  que  les  pourceaux  qui  se  vautrent 
«  sur  le  fumier  ne  sont  point  des  lapidaires,  et  que  par  consé- 
«  quent  la  perle  sera  plus  en  sûreté  que  ne  le  serait  un  crottin 
«  de  cheval. 

«  Par  conséquent  aussi,  la  faveur  que  vous  m'avez  accor- 
«  dée  est  si  précieuse  et  si  importante  que  je  ne  saurais  assez 
«  vous  en  remercier. 

«  ...  Au  surplus,  accablé  d'affaires  civiles,  je  n'ai  que  le 
«  temps  de  griffonner  cet  informe  brouillon  maçonnique  ;  mes 
«  idées  affaiblies  par  la  fièvre  et  distraites  par  des  intérêts 
«  majeurs  et  pressants  ne  sont  pas  trop  concordantes,  ni  en 
«  ordre.  Pardonnez-moi  donc  ce  difforme  imbroglio. 

«  Je  le  ferme,  cependant,  avant  de  le  remettre  au  frère  d'Ai- 
a  grefeuille,  car,  depuis  que  j'ai  vu  ce  Titre  Constitutif  et  que 
«  j'ai  résolu  de  vous  en  dire  mon  avis,  je  n'ai  pas  cru  et  ne 
«  crois  pas  pouvoir  lui  laisser  parcourir  ce  bavardage,  tout 
«  insignifiant  qu'il  est,  et  cela  pour  m'épargner  des  questions 
«  auxquelles  je  ne  puis,  ni  ne  dois  répondre,  malgré  ma  sin- 
«  cère  et  véritable  amitié  pour  lui,  dont  les  fruits  me  sont  si 
«  précieux,  puisque  c'est  à  lui  que  je  dois  vos  bontés  et 
«  votre  connaissance. 

«  Veuillez  bien  aussi  me  répondre  sous  couvert,  parce  que 
«  probablement  je  serai  parti  et  qu'alors  c'est  le  seul  moyen 
«  de  ne  pas  laisser  courir  à  vos  pensées  les  chances  que,  par- 
«  fois,  la  négligence  pardonnable  d'un  instant  peut  occa- 
«  sionner. 

«  A  vous  à  jamais,  et  à  jamais  éternelle  gratitude. 

«  D'HarmensEn.  » 


(i)   Son   «  Maître  »  ?  Qui  ?  Encore  un  Supérieur  inconnu. 
(N.  de  l'A.). 


02 


LE    RIT    PRIMITIF 


Le  Grand  Orient  était  enfin  en  possession  d'une  co- 
pie de  ce  fameux  Titre  Constitutif.  Cette  pièce  rare 
était  pour  tous  le  sujet  de  l'admiration  la  plus  vive. 
Mais  la  majorité  des  Grands-Officiers  exigeait  que  les 
deux  colonnes  de  signes  conventionnels,  placées  à  droite 
et  à  gauche,  fussent  déchiffrées.  C'était  le  conseil  donné 
par  le  célèbre  Weishanpt,  consulté  par  les  Officiers  du 
Grand  Orient  (i).  L'Equcs  a  Capitc  Galcato  répondit  à 
cette  prétention,  en  reproduisant  le  fond  et  même  la 
forme  des  dépêches  qu'il  avait  expédiées  à  son  cousin 
d'Aigrefeuille  : 

«  Il'est  très  probable,  expliquait  le  marquis,  que  le  premier 
Conservateur  de  la  Révérende  Première  Loge,  qui  avait  reçu 
immédiatement  les  Titres  Constitutifs  des  mains  du  Commis- 
saire installateur,  et  qui,  seul,  entretenait  la  correspondance, 
avait  sur  tout  ce  qui  concerne  le  Rit,  une  infinité  de  données  ; 
elles  sont  perdues  pour  la  Révérende  Loge  Primitive,  parce 
que  ce  frère  est  mort  dans  les  temps  orageux,  et  où  la  plupart 
des  membres  étaient  dispersés.  Soit  qu'il  eût  brûlé  les  papiers, 
soit,  ce  qui  est  plus  vraisemblable,  que  l'on  ait  spolié,  soit  en 
partie  l'un  et  l'autre,  nous  n'avons  rien  trouvé. 

Je  ne  dois  pas  négliger  de  vous  dire  que  le  commissaire 
installateur  que  nous  avons  vu  dans  le  temps,  n'a  pas  signé 
d'un  nom  de  guerre,  mais  du  nom  de  Pen,  étant  parent  du 
fameux  législateur  de  la  Pensylvanie.  Il  était  par  conséquent 
Anglais  de  naissance,  ou  du  moins  d'origine.  Mais  quoi  qu'il 
parlât  très  bien  le  français,  un  petit  accent  peu  sensible  pouvait 
facilement  le  faire  prendre  pour  un  Allemand,  d'autant  plus 
qu'il  parlait  souvent  des  villes  d'Allemagne,  et  jamais  de 
l'Angleterre.  Du  reste,  il  était  très  poli,  très  doux,  très 
instruit  :  en  un  mot,  tel  que  je  me  figure  que  serait  le  Frère 
d'Harmensen,  dans  les  mêmes  circonstances. 

Quant  aux  deux  colonnes  de  caractères,  l'une  en  chiffres,  et 


(i)  Voir  à  la  fin  du  présent  livre  les  extraits  de  la  correspondance 
•du   F.".  Pyron,  pages  362  à  367. 


LE    RIT    PRIMITIF  65 

l'autre  en  lettres  sans  suite,  qui  sont  peut-être  un  fait  exprès 
insignifiant,  destiné  à  embarrasser  les  curieux,  j'ai  avancé  cela 
un  peu  légèrement,  et  je  ne  dois  faire  aucune  difficulté  de  vous 
dire,  comme  on  nous  l'a  donné,  que  ces  colonnes  servent  à  cer- 
tains grands-officiers  à  se  reconnaître  entre  eux,  lorsqu'ils 
se  rencontrent  à  portée  d'une  de  nos  Loges,  attendu  qu'ils 
ne  portent  d'ailleurs  aucun  certificat,  ni  indice  de  leur  qua- 
lité. Demandez  à  tous  les  Frères  de  la  Révérende  Première 
Loge,  l'un  après  l'autre,  le  comment  ou  le  pourquoi  ;  fouil- 
lez-les plutôt,  car  ils  n'en  savent  rien.  Voilà  mes  contes,  ou 
plutôt  ne  les  voilà  pas...,  car  depuis  longtemps,  l'incendie  en  a 
fait  justice.  » 


Le  Grand  Orient  de  France  s'inclina.  Les  lettres 
d'agrégation  furent  expédiées  sur  parchemin.  Elles 
portaient  la  signature  de  Cambacérès,  Grand-Maître,. 
de  Rœttiers  de  Montalcau,  Représentant  particulier  du 
Grand-Maître }  de  Bacon  de  la  Chevalerie,  grand-offi- 
cier d'honneur  honoraire,  du  marquis  <ï  Aigre  feuille  y 
grand-officier  d'honneur. 

Ainsi  le  Grand  Orient,  trompé  par  l'habile  Bques  a 
Capitc  Galeato,  n'a  jamais  pu  percer  le  mystère  de  ces 
fameux  Actes  Constitutifs.  Plus  heureux  que  lui,  nous 
pourrons  en  parcourir  le  texte  sans  la  moindre  diffi- 
culté. Nous  laisserons  au  lecteur  lui-même  le  soin  de 
décider  si  la  doctrine  de  ce  chef  maçonnique  était,, 
comme  il  s'en  vantait  lui-même  très  haut,  conforme  à 
la  plus  pure  orthodoxie  catholique. 

Les  Actes  Cojistitutifs  sont  écrits  sur  une  feuille  de 
parchemin  large  de  54  centimètres  sur  une  hauteur  de 
34  centimètres  et  demi.  Cette  feuille  est  divisée  en  trois 
parties  ou  colonnes.  La  colonne  du  milieu,  près  de  deux 
fois  et  demie  plus  large  que  les  colonnes  latérales,  a. 
été  réservée  aux  Patentes  qui  sont  rédigées  en  clair. 
Elle  est  surmontée  du  Timbre  de  la  Révérende  Pre- 
mière Loge  et  de  ses  quatre  sublimes  Chapitres.  Dans 
un  cercle,  est  représenté  un  écu  sur  lequel  est  gravé  le 


64 


LE    RIT    PRIMITIF 


triangle  radieux  accompagné  du  tétragramme  sacré. 
Au-dessous  de  l'écu,  séparé  par  une  ligne  horizontale, 
le  chiffre  mystérieux  du  Régime,  M  IV  16.  Au-dessus 
du  bouclier  ou  de  l'écu,  sur  un  ruban  qui  flotte,  on  lit 
les  lettres  suivantes:  I.P.  I.PR.  O.PH. 

Le  titre  général  des  Actes  Constitutifs  est  composé 
de  cinq  lignes  distribuées  comme  suit  :  La  première 
ligne  prend  toute  la  largeur  de  la  colonne  centrale  et 
domine  le  timbre.  Les  quatre  autres  lignes  encadrent 
■ce  timbre,  qui  les  partage  également  par  le  milieu.  Voici 
le  texte  : 

«  Sous  l'espérance  de  la  protection  des  Souverains  respec- 
te tifs,  et  sous  les  auspices  de  la  Tolérance  expresse,  ou  tacite 
«  des  Magistrats  locaux,  Au  Nom  des  Supérieurs  généraux, 
«  majeurs  et  mineurs  de  l'O.  des  Free  and  accepted  Masons  du 
«  Rit  Primitif,  F.  de  la  Lance  d'Or,  des  M.  P.  et  par  la  bien- 
«  veillance  de  nos  FF.  généraux  et  majeurs,  le  premier  d'entre 
«  les  mineurs,  du  premier  cercle  de  la  première  province  du 
«  Saint  Ordre  et  Rit  Primitif.   » 

Immédiatement  au-dessous  du  Timbre,  on  peut  lire 
ensuite  : 


«    A   Tous   qui    verront   les    présentes,   Salut, 

«  Ubi  enim  sunt  duo  vel  très  congregati  in  nomine  meo  ibi  sum 

«  in    medio    eorum.    Vu    la    demande    harmonique    et    régulière, 

«  qui  nous  a  été  présentée  au   nom  des  frères,  qui  composent, 

«  subsperati,     la    juste    et     parfaite     Loge     de     Saint-Jean,     à 

«  l'Orient  de   N...,  au   royaume   de   France,   ladite   demande,   en 

c  date  du  27e  jour  du  mois  de  décembre  dernier,  vu  le  tableau 

«  de  ladite  Loge,  et  vu  le  mémoire  dont  il  y  a  lieu  d'augurer 

«  la   concordance    de   cette    Loge   avec   celles   de    notre   Rit    et 

«  Régime,    qui    embrassent   tous    les    rayons    du    grand    cercle, 

«  depuis  la  circonférence  jusqu'au  centre.  Voulant  traiter  favo- 

«  rablement  lesdits  frères  dans  leurs  vues  louables,  usant  quant 

«  à  ce,  de  notre  puissance  et  autorité  maçonnique,  nous  créons, 

<  érigeons,   constituons,   et,   en   conséquence,   nous   avons   créé, 


LE    RIT    PRIMITIF  65 

«  érigé   et  constitué  à   présent  et   pour  toujours,  à  l'Orient  de 

«  N...,    France,    la    Première    Loge    de    Saint-Jean,    réunie    sous 

«  le  Rit  Primitif  audit  pays  de  France,   pour,   par   ladite   Loge, 

«  porter  désormais   la  dénomination   et   titre  distinctif  des   P..., 

«  et  prendre  rang  entre  les   Loges  du  Rit  Primitif,   notamment 

«  en   ce  qui   concerne   les  deux   bases   fondamentales   et   primi- 

«  tives,    qui    sont    reconnues,    avouées    et    professées,    comme 

«  constitutives  de   l'essence  de   l'Ordre  et  Rit  Primitif. 

«   A  ces  causes,   il   sera   incessamment   pourvu,   par   un   corn- 

«  missaire   par   nous   délégué   à    l'inauguration   de    la   Loge   des 

«  P.   Orient   de    N...    et   à    l'installation   définitive   de   ses    Offi- 

«  ciers. 

«  Et,  pour  dispenser  cette  Loge  des  P.  et  les  Frères,  qui  la 
«  composent,  de  l'encombrement  indéfini  de  chartes  et  diplô- 
<(  mes,  il  est  raisonnable,  juste,  et  nous  ordonnons  que  les  pré- 
ce  sentes  lettres  patentes  leur  tiennent  lieu  de  tous  autres 
«  actes  et  titres  d'autorisation  que  puisse  être,  notamment  des 
c  Lettres  de  constitution  des  grades  de  Entered  prentica,  feilow- 
«  craft  and  Master-Mason  de  la  Grande-Loge  de  Londres,  ou 
a  de  la  Grande  et  Parfaite  Loge  d'Ecosse  ;  de  titres  capitu- 
«  laires  des  Hauts-Grades,  y  compris,  les  Maître-Parfait, 
«  Ecossais,  Chevalier  d'Orient,  C.  S.  P.  D.  R.  C.  (Chevalier 
«  Souverain  Prince  de  Rose  Croix),  et  leurs  analogues,  les- 
«  dits  Titres  datés  de  l'Orient  de  l'Univers  et  autres  lieux  res- 
«  pectifs,  enfin  des  diplômes  capitulaires  de  R.  G.  de  la  T.  R. 
«  (Rose-Croix  de  la  Table  Ronde),  de  R.  G.  de  la  T.  d'E.  (Rose- 
«  Croix  de  la  Table  d'Emeraude),  et  de  R.  4-  du  G.  R.s.r. 
«  (Rose-Croix  du  Grand-Rosaire),  émanés  immédiatement  ez 
«   chancelleries   des   Chefs   d'Ordre   de   ces   Chapitres. 

«  Nous  entendons  de  même  que  les  présentes  opèrent  en  rem- 

«  placement,  un  remplacement  pareil,  quant  aux  titres  et  diplô- 

«  mes  spéciaux  des  degrés  et  réunions  d'Adoption,   de   Philan- 

«  thropie   et  de    Musique,    invitant    et   en   tant   que   de    besoin, 

«  priant  les  chefs  et  les  membres  des  Rits  et  Régimes  Maçon- 

«  niques,    qui    veulent    bien    favoriser    le    Rit    Primitif    de    leur 

«  correspondance    fraternelle,    d'avoir    pour    agréables    les    dis- 

«  positions     ci-dessus,     et     en     conséquence     d'accueillir     nos 

«  Frères,  en  raison  des  degrés  auxquels  ils  auront  été  admis  ; 

«  leur  offrant   notre   bienveillance   fraternelle   et   toute   récipro- 

«  cité.  Nous  ne  négligerons  pas  de  rappeler  à  nos  Frères  que 


66 


TE    RIT    PRIMITIF 


«  toute  puissance  établie  vient  de  Dieu  ;  que,  conséquemment, 
«  ils  sont  sans  qualité,  pour  s'ériger  en  juges  des  volontés  de 
«  ceux  à  qui  l'exercice  de  la  puissance  est  déféré  ;  et,  s'il  arri- 
«  vait,  ce  qu'à  Dieu  ne  plaise,  que  les  dépositaires  de  l'autorité 
«  voulussent  prohiber  les  assemblées  et  réunions  de  Maçons 
«  du  Rit  Primitif,  nous  enjoignons  à  nos  Frères  d'obéir,  sans 
«  hésiter  et  sans  murmurer  :  Aux  grands  jours,  il  leur  sera 
«  tenu  compte  de  leur  adhésion  passive,  et  même  de  leur 
«  silence.  En  attendant,  ils  cultiveront,  individuellement,  en 
«  paix  et  sans  trouble,  les  deux  bases  fondamentales  et  primi- 
«   tives,   comme   font   les   profanes   bien    nés. 

«  Ainsi  prononcé  et  expédié  ;  scellé  du  sceau  de  l'Ordre,  signé 
«  par  nous,  et  contresigné  par  le  Chancelier  :  A.  l'O.  (l'Orient) 
«  concentré  de  tous  les  O.  (Orients)  concentriques  du  p.  c.  d.  I. 
«  p.  p.  (Premier  Chapitre  de  la  Première  Province)  de  l'O. 
«  (l'Ordre)  des  Free  and  Accepted  Masons,  Rit  Primitif,  par 
«  les  20°  (degrés)  et  plus  de  longitude,  et  les  40  (degrés)  et 
«    plus   de    latitude    septentrionale:    dat.   ap.   Heb.   primit.    (dat. 

apud  Hebraeos  primitiv.),  le  soleil  étant  dans  le  quatrième 
«  degré  du  signe  du  Bélier,  le  seizième  jour  du  mois  Ve  Adar, 
«  l'an  5540  de  l'Ere  Hébraïque,  le  23  mars  1780  de  l'Ere 
«   chrétienne.    » 

«    Le  Chevalier  de  la  LANCE  D'OR. 
<*    Le  Chevalier  de  la  CUIRASSE   D'OR. 


«  Le  Chevalier  PEN,  G.  O.  (Grand-Officier)  de  l'Ordre  des 
«  Free  and  Accepted  Masons  du  Rit  Primitif,  à  tous  les  Frères 
«  présents  et  à  venir  :  Salut.  Savoir  faisons  que,  en  vertu  de 
«  la  commission  qui  nous  a  été  conférée  par  son  E.  Monsei- 
«  gneur  le  Chevalier  de  la  Lance  d'Or,  chef  des  Supérieurs 
«  Mineurs  du  présent  cercle  Maçonnique,  et  en  développe- 
«  ment  de  nos  instructions,  Nous  avons  procédé  aujourd'hui, 
«  19  avril  1750,  après-midi,  à  l'inauguration  de  la  Révérende 
«  Log^  de  Saint-Jean,  surnommée  des  P.  Orienl  de  N...,  et  à 
«  l'installation  définitive  de  ses  officiers,  selon  les  us  et  cou- 
«  tûmes  du  Rit,  et,  successivement  de  degré  en  degré,  nous 
«  avons  inauguré  de  même  les  divers  Chapitres,  atteliers,  sec- 
ce  tions,  réunions,  et  installé  les  dignitaires  et  officiers  res- 
«    pectifs. 

«    Après   quoi    le   F.   Conservateur   de    la   Révérende    Première 


wr 


68 


LE    RIT    PRIMITIF 


«  Loge,  ayant   préalablement   prononcé  en   nos   mains   l'engage- 

«  ment  en  tel  cas  requis,  Nous  avons  remis  et  confié  à  sa  garde 

«  et  vigilance,  le  Titre  Constitutif  de  la  Révérende  Loge  des  P. 

«  et  des  Chapitres  y  annexés,  après  avoir  fait  coucher   au   dos 

«  dudit  Titre,   notre   présente   lettre   d'attache   que   nous   avons 

«  signée    de    notre    seing    p.    a.,    et   fait    contresigner    par    ledit 

«  Conservateur. 

«  A  l'Orient  des  Ph.  de  N....  les  jours,  mois  et  an  que  dessus. 

«   Le  Chevalier  PEN,  Commissaire. 

«    Le   Vicomte   de   C.   d'A.,   Conservateur.    » 


Tel  est  le  texte  de  ces  fameuses  Pa  toi  tes  qui  frap- 
pèrent de  surprise  et  d'admiration  les  membres  les  plus 
remarquables  du  Grand  Orient.  Xous  avons  dit  que  ce 
texte  est  flanqué,  à  droite  et  à  gauche,  de  deux  colon- 
nes, de  caractères  hiéroglyphiques,  selon  l'expression 
du  marquis  lui-même. 

La  colonne,  qui  s'offre  à  notre  gauche,  présente  des 
lettres  disposées  de  la  manière  qui  suit  :  ExiflmrumA. 
etc..  En  tête  de  cette  colonne  qui  compte  trente-quatre 
lignes,  est  écrite,  en  beaux  caractères  grecs,  la  célèbre 
maxime  de  Pythagore  :  FvuiOi  txsauTo»  (Connais-toi  toi- 
même).  Voici  le  texte  authentiquement  déchiffré  par 
YBques  a  Capite  Galeato  : 


«  Chercheur,  homme  de  désir,  Amateur  de  la  Vérité,  quelle 
«  est  ton  inconséquence  !  Tu  veux  soumettre  à  tes  recher- 
«  ches,  à  tes  procédés  analytiques,  tous  les  règnes,  toutes  les 
«  familles,  tous  les  individus  de  la  nature,  et  ils  sont  hors  de 
«  toi,  et  tu  ignores  toi-même  [sic]  .  qui  la  touches  par  tant  de 
«    points  ! 

«  Tu  t'élances  d'un  vol  téméraire,  pour  fouiller  dans  le  laby- 
«  rinthe  immense  des  cieux,  et  tu  ne  vois  pas  immédiatement 
«  devant  toi  la  fosse  prête  à  t'engloutir  î  Tu  veux  savoir,  tu 
«  veux  connaître  tout  ce  qui  est  au  delà  de  la  couche  légère 
«  d'atmosphère  qui  t'environne,  et  tu  ne  sais  pas  encore  ce 
«    que  c'est  que  ton  corps,  ton   âme,  ton   esprit,  d'où   tu    viens, 


■■ 


le;  rit  primitif 


69 


«  qui  tu  es,  où  tu  vas  !  Non  in  depravatis,  sed  in  iis  qui  bene 
c  secundum  Naluram  se  agunt,  de  Hominum  naturâ  conside- 
«  randum   est.    » 

«  Etudie  essentiellement  Dieu,  médite  secondairement  sur  toi- 
«  même,  contemple  et  apprécie  tes  vrais  rapports  avec  l'Etre 
«  des  Etres,  et  toutes  les  merveilles  de  l'Univers  visible  et 
«  Invisible  se  dévoileront  sans  effort  aux  yeux  de  ton  intelli- 
«  gence,  pour  rendre  hommage,  honneur,  et  gloire  Immuable 
«   de  toutes  choses.   Cœli   ennarrant   gloriam  Dei.    » 

Enfin,  la  colonne  de  droite  est  formée  d'une  série  de 
chiffres:  6jy  j/,  86,  çô,  25,  etc..  En  tête  deux  mots 
hébreux,  empruntés  au  Livre  des  Psaumes,  sont  écrits 
en  caractères  carrés  et  sans  points  voyelles  ;  ils  signifient  : 

((  Vous  êtes  des  dieux.  » 

Voici  la  traduction  en  clair  de  cette  colonne  de  droite, 
telle  que  nous  l'avons  trouvée  dans  les  archives  de  la 
Révérende  Loge.  (Le  fac-similé  est  à  la  p.  70.) 

«  Pur  souffle  de  l'Eternel,  embarrassé  dans  des  organes  heté- 
c  rogènes  à  ta  nature  primitive,  égaré  de  ta  voie  par  l'usage 
c  erroné  de  ta  volonté,  fournis  avec  résignation  la  carrière  tem- 
«  porelle  qu'il  t'est  donné  de  parcourir  ;  subis  sans  murmurer 
«  ton  épreuve  expiatoire.  Mais  ne  perds  jamais  de  vue  ton 
«  origine  céleste  :  Corpus  quod  corrumpitur  aggravât  animam. 
«  Prête  une  oreille  attentive  aux  conseils  salutaires  qui  ne 
«   t'abandonnent  jamais  ! 

«  Image  et  Lieutenant  de  l'Eternel  dans  ce  vaste  univers, 
«  manifeste  en  tout  temps,  autant  qu'il  est  en  toi,  par  tes 
«  œuvres  et  par  tes  paroles,  que  tu  es  l'instrument  et  l'Or- 
ly gane  de  la  divinité,  jusqu'à  ce  qu'ayant  accompli  ta  loi  tem- 
«  porelle,  rétabli  dans  ta  voie  première  et  tes  droits  Priml- 
«  tifs,  tu  puisses  de  nouveau  te  dire  Fils  de  Dieu,  purifié,  pur 
«  et  parfait,  et  te  confondre  sans  obstacle  dans  le  sein  ineffa- 
«   ble  d'où  tu  es  émané.   » 


Ici,    quelques    mots     allemands,   probablement   mal 
écrits,  dont  YBqucs  a  donné  cette  traduction  : 


* 


,  W,,-   i: 


,K/0^n.^J-^uj^ny  occupe.  ^aftynod^Arù Xc*~c<xx**y 


y^s^ojeSï/  -s****1***/  ** 


/J><XJ±C4fi*AexM-ï    (/ 


^T^ff 


<jdJZo  LM  aJ 


/yfi 


&-e\jixa—X*>7V  o 


âjérX  ^ 


,r 


^<=u^&t^    px^Jg^foji,  //hJxxjuLfr* 

^<**J^t^/  J^^^1^^^  ^^^TiJOVtVQjMJUL- 


EE    RIT    PRIMITIF  71 

«  Dieu  est  esprit,  et  ceux  qui  le  prient  doivent  l'in- 
«  roquer  en  esprit  et  en  vérité.  » 

Xous  trouvons  dans  ces  phrases  mystérieuses,  qui 
i  voudraient  atteindre  à  la  majesté  du  style  de  Bossuet, 
mais  ne  sont  qu'amphigouriques  et  creuses,  un  écho  à 
peine  adouci  de  la  doctrine  émanatiste  et  kabbalistique 
du  Juif  don  Martine:  de  Pasqualis.  Ce  titre  consti- 
tutif n'est  ni  Allemand,  ni  Anglais,  ni  Français  d'ori- 
gine. Il  vient  directement  de  l'occultisme  judaïque. 
Comme  tous  les  Titres  Constitutifs  des  hauts 
|  Régimes  fondés  sur  ee  conseie  et  avec  e'appui 
d'un  Pouvoir  qui  se  dérobe  à  nos  recherches,  celui-ci 
È  n'est  qu'un  faux.  Il  est  antidaté.  Ce  n'est  pas  en  1780 
,  que  YBques  a  Capite  Galeato  rédigea  cette  pièce  vrai- 
ment extraordinaire,  mais  entre  1785  et  1789,  c'est- 
à-dire,  après  le  Grand  Convent  de  Paris  dont  Sava- 
lettc  de  Langes  fut  l'âme,  et  lui-même  l'organisateur  le 
plus  actif.  Ce  Chevalier  de  la  Lance  d'Or,  c'est  lui;  ce 
Chevalier  de  la  Cuirasse  d'Or,  c'est  encore  lui.  Ce  com- 
'missaire  Pen,  attendu  impatiemment  par  la  famille  du 
vicomte  de  C...  d'A..  pour  la  constituer  en  juste  et  par- 
faite Loge,  n'est  pas,  comme  YBques  nous  l'affirme, 
un  adepte  d'origine  anglaise.  Ce  prétendu  parent  du  lé- 
gislateur de  la  Pensylvanie,  ce  jeune  homme  au  carac- 
tère plein  de  douceur,  aux  manières  affables  et  polies, 
x'est  lui,  toujours  lui.  Si  le  jeune  Commissaire  s'expri- 
mait fort  bien  en  français  avec  un  léger  accent  alle- 
mand, s'il  parlait  beaucoup  plus  des  villes  d'Allemagne 
que  des  villes  d'Angleterre,  quoi  d'étonnant  ?  En  1780, 
notre  jeune  officier  était  en  garnison  à  Strasbourg,  de- 
puis quelques  années,  et  faisait  de  fréquents  voyages 
dans  les  pays  du  Nord,  pour  les  intérêts  de  la  Secte.  Ce 
nom  de  Pen  dont  il  signait  comme  Commissaire  des 
Très  Illustres  Chevaliers  de  la  Lance  d'Or  et  de  la 
Cuirasse  d'Or,  n'est  pas  un  pseudonyme.  UBqnes  a 
Capite  Galeato  s'est  uniquement  contenté  de  reprendre 


7- 


LE    RIT    PRIMITIF 


la  première  syllabe,  ou  la  première  moitié  du  nom  bre- 
ton qu'avaient  porté  jadis  ses  ancêtres,,  avant  de  venir 
en  France  à  la  suite  de  leur  compatriote,  la  reine  Anne. 
Cet  épisode  dont  nous  nous  sommes  plu  à  raconter 
les  moindres  incidents,  parce  que  tous  les  détails  sont 
caractéristiques,  n'éclaire-t-il  pas  d'une  vive  lumière 
l'âme  complexe  de  VBques  a  Capitc  Galcato  ?  Voilà  un 
des  plus  hauts,  un  des  plus  conscients  Initiés  de  la  Secte 
antichrétienne,  qui  multiplie  ses  protestations  d'invio- 
lable fidélité  à  l'Eglise,  à  sa  divine  constitution,  à  ses 
dogmes,  à  ses  lois,  à  sa  moralité,  et  le  Régime  dont 
il  est  le  fondateur  et  le  Grand-Maître,  professe  l'éma- 
natisme,  le  panthéisme  et  la  Kabbale.  Voilà  un  allié  du 
Grand  Orient,  qui.  à  tous  moments,  proclame  sa  fran- 
chise, sa  bonne  foi,  son  absolu  dévouement,  et  qui  ne 
lui  écrit  pas  une  page,  une  seule  page,  où  nous  ne  puis- 
sions relever,  par  un  patient  contrôle,  plusieurs  men- 
songes formels,  longuement  étudiés  et  savamment  pré- 
sentés. Pourquoi  toutes  ces  hypocrisies?  Qui  a  pu  si 
complètement  transformer  en  maître  fourbe  un  loyal 
ofhcier  français  et  en  judaïsant  Kabbaliste  un  descen- 
dant d'illustres  preux  catholiques?  C'est  ce  qui  va  être 
examiné   maintenant. 


CHAPITRE  VI 

L'Eques   a   Capite    Galeato, 

le  F.*.   Marquis  Savalette  de  Langes, 
et...   Falc  "   Chef  de  tous  les  Juifs  " 


Ici  nous  touchons  peut-être  à  l'arcane  des  arcanes.  En 
effet,  les  documents  d'un  intérêt  passionnant  que  nous 
possédons,  nous  incitent  avec  force  à  cette  conclusion  : 
Ce  serait  d'un  Juif  —  du  mystérieux  Falc  —  que 
YBqucs  a  Capite  Galeato  tiendrait  et  ses  pouvoirs 
suréminents  et  ses  Titres  Constitutifs  qui  rendirent 
«  muets  d'admiration  et  de  surprise  »  les  plus  «  Illus- 
tres »  Frères  du  Grand-Orient.  Sans  doute  virent-ils  en 
lui  un  des  chefs,  un  de  ces  Supérieurs  Inconnus  qui  se 
cachent  derrière  de  si  épaisses  ténèbres. 

Comment  pourrait-on  nier  l'existence  de  Puissances 
oceultes  superposées  aux  Puissances  maçonniques  or- 
dinaires, quand  on  touche  du  doigt  les  manuscrits 
secrets  où  apparaît  le  nom  du  Juif  que  nous  venons 
de  dire  et  qui,  entre  1770  et  1790,  passait  pour  être 
((  le  chef  de  tous  les  Juifs  »  !  Dans  la  série  d'ouvrages 
qui,  s'il  plaît  à  Dieu,  suivront  le  présent  livre,  nous 
étudierons  en  détail  cette  question  :  Qui  fut  le  suprême 


'4 


TE    RIT    PRIMITIF 


initiateur  de  l'Eques  ?  Le  Juif  Falc  ou  d'autres  ?  Mais 
en  attendant,  notre  étude  actuelle  serait  incomplète  à 
nos  yeux,  si  nous  ne  soulevions  pas  dès  aujourd'hui 
un  coin  du  voile  qui  enveloppe  le  Juif  Falc  «  Chef  de 
tous   les  Juifs.    » 

On  a  vu  plus  haut  (p.  5).  qu'en  1782  YEqucs  fut 
((  Représentant  de  la  3e  Province  de  la  Stricte  Obser- 
u  vance  au  Couvent  général  de  YYilhemsbad  ».  C'est 
pour  guider  YEqucs  dans  le  voyage  qu'il  lit  en  Alle- 
magne, lors  du  Couvent  de  \Yilhemsbad  et  des  grandes 
réunions  maçonniques  qui  se  tinrent  à  Francfort  à  la 
même  époque,  que  lui  furent  confiées  certaines  fiches 
secrètes.  Ces  fiches  —  dont  nous  n'avons  pas  besoin  de 
souligner  l'importance  —  sont  de  la  main  d'un  des  plus 
dangereux  conspirateurs  du  xvine  siècle,  le  F.  \  mar- 
quis S  a-cal  et  te  de  Langes  qui  manifesta  de  prime  abord 
à  YEqucs  l'amitié  la  plus  vive,  sans  doute  parce  qu'il  lui 
savait  les  rares  qualités  nécessaires  à  un  adepte  appelé 
à  pénétrer  dans  les  plus  hautes  sphères  des  Sociétés 
secrètes. 

Voici  le  foc  si  mile  intégral  de  ces  fiches  —  écrites  à 
la  fin  de  17S1  —  avec  leur  texte  imprimé  en  regard, 
pour  que  la  lecture  en  soit  plus  facile.  Xous  mettons 
en  capitales  ce  qui  a  trait  au  Juif  FALC,  et  à  certains 
personnages  qui  paraissent  avoir  joué  un  rôle  analogue 
au  sien. 


REPRODUCTION  INTÉGRALE 

EN    PHOTOGRAVURES 
ET   EN    CARACTÈRES    D'IMPRIMERIE 


DU 


CAHIER  DE  FICHES  MANUSCRITES 


REMIS    PAR 


LE    F.\    MARQUIS    SAVALETTE    DE    LANGES 


L'EQUES  A  CAP1TE  GALEATO 

à  la  veille 
du    Couvent    de    Wilhelmsbad 


ht 


76 


LE    RIT    PRIMITIF 


Pour  le  f. '.  Marquis  de  C... 


La  manière  singulière  dont  s'est  formée,  liée  et  resserrée 
notre  connaissance,  mon  cher  ami,  m'étonne  moins  encore 
que  l'extrême  confiance  que  vous  m'avez  presque  subitement 
inspiré.  Malgré  la  vive  impulsion  qui  m'y  forçait  pour  ainsi 
dire,  je  suis  trop  franc  pour  ne  pas  convenir,  au  moment  où 
vous  me  quittez,  que  c'est  malgré  moi  que  je  m'y  suis  livré, 
tant  elle  est  contraire  au  plan  de  réserve  que  je  m'étais  promis 
de  suivre.  Ma  crainte  n'est  pas  que  vous  en  abusiez;  je  ne  puis 
à  ce  point  m'être  trompé  sur  votre  compte.  Mais  elle  peut  me 
faire  tort  dans  votre  esprit,  et  j'en  serais  sincèrement  fâché  ; 
cependant  l'objet  qui  m'anime  occupe  tellement  toutes  les 
facultés  de  mon  âme,  que  je  n'aurai  pas  de  regret  au  tort  que 
j'aurai  pu  me  faire,,  si  je  n'en  ai  pas  fait  au  succès  des  Vues 
qui,  dans  ce  moment  réunies  à  mon  impétuosité  naturelle,  à 
ma  confiance  dans  mes  semblables,  dont  rien  n'a  pu  me  cor- 
riger, peuvent  seules  justifier  la  promptitude,  l'abondance 
avec  laquelle  je  vous  ai  depuis  huit  jours  accablé  de  commu- 
nications de  tout  genre  :  si  vous  ne  voyez  dans  ma  conduite 
avec  vous,  que  de  l'imprudence,  vous  me  jugez  mal  ;  mais  si 
vous  en  profitez  pour  vous  et  pour  moi,  comme  je  l'espère,  je 
m'en  console.  Dans  toutes  les  suppositions  possibles,  je  n'ai 
regret  à  rien  et  je  recommencerais  encore  si  j'avais  à  le  faire. 
Vous  avez  assez  d'esprit  et  de  sens  froid  pour  faire  un  usage 
prudent  de  tout  ce  que  je  vous  ai  dit,  fait  lire  et  écrit.  Vous 
devez  penser  que  je  n'ai  pu  prévoir  toutes  les  conséquences, 
ni  prévenir  tous  les  inconvénients  de  communications  aussi 
variées  et  faites  a\ec  autant  de  précipitation.  Vous  en  ferez 
usage  plus  à  loisir  que  je  ne  les  ai  rassemblées,  je  m'en  rap- 
porte   à    votre    prudence. 

A  un  peu  d'orgueil  près.  Tiéman  est  absolument  tel 
que  je  le  peins  à  son  article,  mais  ce  que  je  n'ai  pu 
vous  dire  et  ce  qu'il  faut  que  vous  sachiez,  c'est  qu'il 
a     beaucoup     d'analogies     avec     Saint-Martin 


(f7(jicu(±pt    JAlanxjuû  Becs 

&  to^n<x**£  Stuxudî&uz-  Dvut-fe^fëùicez  lie*.  -et-uUi&vLZe 
VurCvz umMxn  littiuxi-   u<un*  elle*' camaa / %u'*Ztfuu&  tuxriu*  &cumsi^ 

h*U>!Zj£.   vuultfue.  '[uuuac    tuufidAiinc  c/u.(  imu  uru*rvt  ijvui/  etutl* 
Oite/e  Uu4  Viy  ffiiuL.    Uwii>u&~tjuj  eciu&uu/  du  uwtaj^Lct^tn^^nnuxM-^ 
UdLcfultOtéî  c/iuz  ceci-  tuiduta Hun ' c(uQ-J*  ha'u  laii   Lun*  lâuTeMsi^ 
eiHuufîui'i*.  ctM^Auu  ^e  2&l&u>e  tf^-J*  i&'-etaiï'Jjunua  Se  kutna—. 

H»'<$vi  fruruuje  Uu/  tnrÇïë,  cotujjtë: .  vuuû  eZte petct*  vue  pW^Covt^lujX^ 
Uiffàï.  glajiW  -er  feu  uwusit  UtuJk^^ujexMS-féuluz  cc^ouôtuct-  (  vfyohycu 
ki'cauiua.  crtcufn*2- t&lcctuBuf  ùrutùù  i^^ûjuiÂfiET  fie  Uuru  euuc  c/ uct£. 
ft'ctiotcd  uud  &QJL&M i&t~ cuCtvït-  ty olc  jeLuflJiti  Ptt  uc&Jcuicl  U'j-eu'eu-tu. 

jJUifiûi-  CUcUUlX4-  &d(S€uJZl   QuS  SctUtt  LSL  UUrU4J2uJ-~Q&XA4UJÈJ  O.   1M.trkL— 

Licu^tkolxlci   naXû^teMjB.  cl  h*u  uru/rcuuje.   niAtfïÂUQfe»^  d-ounL  14l&x*- 

fajn<ruif4tCu.$4£    i  CeÀwtBtttccCL  Cure*.  Ue.  C{t4  otle^JjQ  tstnu  u  Stefjut*  U*ctJ~ 
J<rwyi  ûxcut-tsu  fit  UrU44Mj-iM+ codants   &e  tcàU-  Cf£4tsia- .  'Wi/wu  mjc  mxÀA— 

^cucà  uut,  évu&iulfe  couct  uvn*J    CfUjeS^  l 'puifU^Cuxc  vmet  hcè  futfe* 
Uu*I  tAuit*   iS  fous  eicjjurftïits   Lnrucr  inrusi  -€/  uvuv  Hcca   coumujz-  J*l    — — 

U  eu  ifutuihu  ic2u  QfJ0  IfzuriictuxujUJt/un^  eMxtrus-  Uaaunru  cuje-jca  t*. 

Q^ttrujrccjc/HjeiQ  isvu*  eu  {hJrfctït  Cote  ■ct^^trvet-.  tnru4  &&.*& p-tcU&s  c^ujllq 
i4**vuA*&4A+eu/L   B-^  OnusiAuuAA \ctxXurtu   cuUaj  C/ttn<jG-es  Jz./~JtuJ2Je»  Cc&e*. — 


78 


LE    RIT    PRIMITIF 


et  Willermoz.  Son  style  dans  ses  lettres,  depuis  qu'il  a  vu 
Willermoz,  vous  l'annonce  assez.  Je  vous  recommande  d'ou- 
blier avec  lui  que  je  vous  ai  confié  sa  vision,  ses  lettres  et 
celles  de  Willermoz  sur  la  vision.  Je  vous  en  ai  parlé  vague- 
ment, mais  sans  prononcer  même  le  mot  de  vision,  mais  seu- 
lement en  vous  conseillant  de  tâcher  de  vous  faire  conter 
un  trait  intéressant  par  lui,  qui  vous  confirmerait  dans  l'opi- 
nion où  vous  êtes  de  la  possibilité  des  communications  des 
esprits.  Sur  les  lettres,  (dites  seulement)  que  je  vous  en  ai 
montré  des   fragments. 

Mais  à  cela  près,  c'est  un  excellent  homme  et  dont  vous 
serez  content. 

Pour  le  baron  (i),  sur  les  lettres,  comme  avec  Tieman,  il 
faut  un  peu  le  chauffer  et  lui  donner  avec  précaution  des 
preuves  que  vous  avez  eu  ma  confiance  entière.  Elle  excitera 
la  sienne.  Il  est  inutile  de  vous  dire  de  n'apprendre  à  per- 
sonne  en    combien   peu   de   temps. 

Je  joins  quelques  noms  sur  lesquels  je  n'ai  point  de  rensei- 
gnements ou  que  je  ne  crois  pas  nécessaire  durant  ce  moment. 
Us  seront  sans  ordre  et  tels  qu'ils  me  viendront.  Si  vous 
relisez  quelquefois  ceci,  souvenez-vous  que  de  bonne  foi  mon 
cœur,  malgré  ma  raison,  m'a  plus  porté  que  les  circonstances 
à  l'excès  d'ouverture  que  j'ai  eu  vis-à-vis  de  vous,  et  quel- 
qu'imprudent  qu'il  ait  été,  je  n'en  ai  d'honneur  ni  regrets  ni 
inquiétude. 


(i)  De  Gleichen,  probablement.  (N.  de  l'A.) 


Ca'iruntt  LruxLu_jz.v4J&£cï~ït4jU*i  VtiudL -  iJUnnyuc****-  4td&ux.  L*. — 

ùtrUcuiLù:  &Q4  -CtmvuvLUA*, ' <**Junc4  &€<  -exjsuJ*  .     %xo  Lqa*. — - 
[&tuZi  ytuLjjc^-  cnmiJZu    Cet uutuXÏjl  <9er  fuufaùeut . 

lxx&.  CcrUCëUC". 

Jjinuf  L&  vCtruru.    -iMArXG^/LeZitct   Ccrucut  cu>e*    h  &icceu±    cl  Tcûct 

ffl&tw-e*  ({vut  mnu.  taxi  *Uc  iuzcXvuJlïiuju^  jeutc&vie-  -e/6€_ 

%&/wu4   CfLu/ijuu  tunuJtr  UiArÛA-uitcM    J~c  u  ut  istruU^L*- 

Ot  uurUAJZuJb.  Ut  IVUrvU  UtuA  VïJU    U  CJ<  y  u  (Ut  Vux  (A-UeJun+r- 

i&<  Cc'TjtxftciiuuLu  Ce     [feuLçs  ÛLnuAeyi&Jï*    Cf  ux^ feùu -Gcl 
VU  curû  cX^Lrvtoi  JCj^tfUjiMju  tuUrtu^CttJ^uu  £/ *«4~-t£c~~~ 


u^. 


8o 


LE    RIT    PRIMITIF 


En  tête  de  cette  page,  sont  des  signes  que  nous  rem- 
plaçons dans  le  texte  imprimé,  par  le  sens  qu'ils  expri- 
ment. Les  signes  indiquent  les  «  Choens  ))  (ou  Cohens] 
du  F.  \  juif  Martinès  de  Pasqually  et  du  F.  \  de  Saint- 
Martin,  c'est-à-dire  les  Martinistes  ;  les  ((  Directoires  » 
(de  la  Stricte  Observance)  ;  les  ((  Théosophes  ))  ;  les 
«  Hermétiques  »,  et  enfin  l'imbécile  ((  Maçonnerie  or- 
dinaire »,  tout  aussi  imbécile  alors  qu'aujourd'hui. 

De    Grainville,    Rose    Croix,    Officier    d'infanterie.    Est    à 
Lyon   ou    en    Dauphiné. 

Champoléon  —  id.  —  Je  ne  sais  où. 


Comte  de  Luzienan 


id. 


à   Paris.   Xe   s'en  mêle   plus. 


Abbé  Fournier.  A  Bordeaux.  Il  est  chargé  de  l'éducation 
du  fils  de  Pasqualis. 

Abbé  Bulet,  Rose  Croix.  A  chaviré  depuis  et  travaillé 
dans   la   magie.    Il    était  aumônier    du  régiment    de  Foix  (i). 

Léman,  ELEVE  DE  FALC,  depuis  avec  le  chevalier  de 
Luxembourg. 

Bauer  un  des  témoins  des  apparitions  de  Schraepfer.  Est 
en  Angleterre.   Bon  allemand  mais  sans  aucunes  lettres. 

Zuirleim  à  Westlard,  un  des  écoliers  de  Schraepfer. 

Eccleff,  suédois,  maître  de  Zinnendorf.  C'est  Scherer  de 
Strasbourg  qui  peut  en  donner  des  renseignements. 

YVeiler  était  un  des  assistans  du  baron  de  Hund.  C'est  lui 
qui  a  fondé  les  Directoires  de  Lyon  et  de  Bordeaux. 

Schemeteau,  tenant  du  schisme  de  Zinnendorf.  dont  il  a 
tâché  de  fonder  une  loge  à  Paris,  qui  est  tombée.  Officier  au 
service  de  Prusse. 

Baron  de  Triest,  autre  tenant  de  Zinnendorff.  Il  est  le 
chambellan  d'un  prince  de  Limbourg  qui  est  à  Paris,  perdu  de 
dettes  et  de  débauches. 


(i)  Dont  Saint-Martin  était  Lieutenant-Colonel  (N.  de  l'A.) 


(eum*f.      &ÙUH  £c  fu/c  Jefruti    a*su  fc  C^t  "  £&  lu4f  Ctoc&My  . 

,  0 

'fiUuca  LtZt/iiL .  vint  a/ùB4xce€44j9— uuxcu  leuci  ccuxx*uc<j  Ic/cïu 

< 

MClf*    UueJvu    'Utccotb  ifif  f  ttuceicthn/  <  <^t^~lc{cÊ^c^<. 

*afcïtu^/i>u^(^    n  Coffrons  yu/e^Gnufa  . 


82 


LE    RIT    PRIMITIF 


Notice  de  noms  de   ff.  •.   instruits 
dans  différents  genres 

Bauer  allemand  (i). 

BEYERLÉ 

Cons01'  au  parlement  de  Nancy.  Chef  des  Loges  rectifiées 
■de  Lorraine.  Il  a  la  réputation  d'un  maçon  instruit  et  zélé. 
Un  des  Amis-Réunis  xnc  degré  qui  a  eu  quelques  conversa- 
tions avec  lui  le  soupçonne  d'avoir  adopté  pour  but  l'alchi- 
mie, surtout  la  médecine  spagirique.  Il  a  quelques  relations 
avec  l'ami  de  Langes  (2),  mais  peu  suivies  jusques  à  ce  mo- 
ment. 

BIRGEM 

Il  est  de  Westlard  (c'est-à-dire  Wetzlar),  ou  du  moins  il  y 
.a  longtemps  habité.  Son  nom  seul  nous  est  connu.  C'est  un 
des  trois  élèves  du  Rose  Croix  Srhcder,  collègue  de  Waken- 
felds.  C'est  le  Prince  Frédéric  de  Hesse-Darmstadt  qui  a 
donné  son  nom. 

Brooks,   Caerni,  Abbé  Bidet,  Bodleyenne  à   Oxford   (1). 

CAGLIOSTRO 

Yovez   le   cahier   d'Instructions. 

PRINCE    DE    CAROLATH 

Ce  jeune  seigneur  prussien  dans  son  voyage  en  france 
a  été  porté  dans  l'intérieur  des  Directoires.  Il  a  rencontré 
les  chefs  de  Montpellier,  ceux  de  Lyon  et  même  il  a  par  là 
lié  connaissance  avec  les  membres  des  Cohens  qui  avoient 
assez  intéressé  M.  d'Hauterive  pour  lui  pour  qu'il  l'ait  adressé 
à  St-Martin.  Ce  dernier  l'a  trouvé  trop  jeune  pour  se  livrer. 
D'ailleurs    il    n'aime    pas    à    s'ouvrir    avec    des    sujets    qu'il 

Castillan  de  Berlin  et  Castillon  de  Montpellier.  Champo- 
léon  (1). 


(1)  Noms  ajoutés  par  l'Eques.  (N.  de  l'A.) 

(2)  Savalette    de    Langes    parle    de    lui-même  à    la  y  pers 
<N.  de  l'A.) 


i<ct*~ 


"fltrUis^  fie  purrmt  £tpp.  fajîiïuti 

lect     &&    V&€-yM*iAS~  cru  oh*  touJUt*   cl  y  Ce    Ù^i^èuZyj    hj*lri£^ 
Ou  tusu*  Ce^U    mm*  etfurU4v*±    Ct4,(tc<4.  S^é*  fcuïu  &c&o+~<j~    c^u. 

zU-ù.  P.  ftZtl&vciM    #e    Ctzlc*  -  2) aS2sU**ùi£-  #u*  'c^thnmu. 


(^Zouc^l  &e  OusiJttttï 


£  etë~  LnntT&tUuL  Lûdtsu&u/  face  (EP  via  i&uunrfôT  l&*  ûù^frr 

uàu  tutâtelu*    £(4/ '• 0  [tetulâù^  invu/  tu*  visu*  cp*  cl  '  tu*, 
'tfùlu  ce  ff  tiucn<tu4.    UcQevuLuri'a  faru4te~'tbsy]j&u^cnrz£+'  l&- 


84 


LE    RIT    PRIMITIF 


ne  peut  suivre.  Cette  liaison  a  eu  peu  de  suite.  Il  avoit 
entendu  parler  de  l'ami  de  Langes,  car  l'ayant  rencontré  dar.s 
une  loge,  il  a  fait  toutes  les  avances  et  a  mis  le  plus  grar.d 
empressement  à  lier  connoissance.  Sa  candeur,  son  zèle  et 
surtout  la  pureté  de  ses  principes  moraux  et  de  la  nature 
de  ses  désirs  en  fait  de  connoissances  maçonniques  ont  inté- 
ressé ce  dernier  qui  lui  a  communiqué  plusieurs  choses  inté- 
ressantes. S'il  est  au  Convent,  les  députés  peuvent  compter 
qu'il  sera  favorable  aux  Amis-Réunis  dont  il  a  pris  la  meil- 
leure   idée. 

Dournay.   Egglcff,    suédois    (i). 


Docteur   FALC,   en   Angleterre. 

Ce  docteur  FALC  est  connu  de  beaucoup  d'allemands. 
C'est  un  homme  à  tous  égards  très  extraordinaire.  Les  uns 
le  croient  LE  CHEF  DE  TOUS  LES  JUIFS  et  attribuent 
à  des  projets  purement  politiques  tout  le  merveilleux  et  le 
singulier  de  sa  conduite  et  de  sa  vie.  Il  en  est  question 
d'une  manière  très  singulière  et  comme  d'un  Rose  Croix  (2) 
dans  les  mémoires  du  chevalier  de  Rampsow.  Il  a  eu  des 
aventures  avec  le  maréchal  de  Richelieu,  grand  chercheur 
de  pierre  philosophale.  Il  a  eu  avec  le  prince  (de  Rohan) 
Guéménée  et  le  chevalier  de  Luxembourg  une  histoire  singu- 
lière relative  à  Louis  XV  dont  il  a  prédit  la  mort.  Il  est  pres- 
que inabordable.  Dans  toutes  les  sectes  de  savans  en  sciences 
secrètes,  il  passe  pour  un  homme  supérieur.  Il  est  à  présent 
en  Angleterre.  Le  baron  de  Gleichen  en  peut  donner  de  bons 
renseignements.  Tâcher  d'en  obtenir  de  nouveaux  à  Franc- 
fort. 


Florence 


Abbé  Foumicr  (1) 


(1)  Noms  ajoutés  par  l'Eques.  (N.  de  Y\.\ 

(2)  Ceci   cadre  bien   avec  les   affinités  juives   de  la   Rose- 
Croix.  (N.  de  l'A.) 


9 eût  H^duÂÂ.  Je  Le*  S^u^uc  euïrfuc^&e^ctszj^toTjit&tte*  et** 

/  '  '  '  s 

^oujLrjLy  .  — ■ yo<    •*  y x/ 


le  {hn£zû*s feue  eU^ccm^t44.  Stç^frettuztnufj  ^u^ceu^ccu^h  c&d — 

UU   kcrHtfUJ^  C4^~ttïïcJ  &UUAéS>     PtCé  e*C$Ûccn<h  /C4t«  £«-_  l&  tt+ta   Oz— 

^k  oit  ?&€■   A  utufrtxMJlr.    Ua  *n  &e<  cc*jtuZIua^4  Uc*e<  U~   tù    .£e. 

karcc4*4  &**■  lutteur    Isuft^tH  U  Lrtt&cyw+ts  t4c±  éuntmui  lufs&vi&eKs- 
âiruicujr  QeCrvui  ri&ujjztu  uq  ut*/*<Jt.     ^tuHu^r  £etc  cr&eûus  &€. — ■— 

/^^^OJ_  "/t    y     fi" 


dilj* 


iLUU^jT 


J 


86 


LE    RIT    PRIMITIF 


DUCHANTEAU 

Prévenu  comme  vous  l'êtes  sur  cet  homme,  votre  opinion 
doit  être  décidée  sur  son  compte.  Il  est  convaincu  d'avoir 
des  vices  les  plus  bas  et  les  plus  honteux.  Quant  à  moi,  je 
lui  verrois  ressusciter  un  mort,  qu'il  ne  seroit  pas  mon  pro- 
phète. Il  faut  faire  parler  sur  son  compte  Salzmann  (i). 
Si  vous  voyez  Gleichen,  lui  dire  ce  que  j'en  pense  mais 
l'assurer  qu'à  son  retour  à  Paris,  il  trouvera  son  histoire 
dans  le  plus  grand  détail,  et  que  je  ne  le  perds  pas  de  vue  ; 
qu'au   surplus   il   est   devenu   tout   Théosophe. 

FRÉDERICSTEIX 

C'est  un  château  dépendant  du  comte  de  Neuvied  que  des 
maçons  la  plupart  négocians  et  banquiers  ont  acheté  dans 
l'intention,  disent-ils,  d'y  établir  une  république  maçonne. 
La  loge  qui  a  fait  cet  établissement  avoit  pour  titre  la 
Vraie  Espérance.  Mais  le  prospectus  de  l'établissement  étoit 
accompagné  de  deux  prospectus  fiscaux,  l'un  d'une  caisse 
de  viduité,  l'autre  d'une  banque  de  fortune  dont  les  bénéfices 
en  apparence  très  modérés  dévoient  fournir  aux  premiers  frais 
de  l'établissement.  Cette  loge  avoit  pour  député  un  baron 
de  Staal  qui  a  pris  en  arrivant  deux  adjoints  inutiles  à  nom- 
mer, mais  qui  n'ont  pas  augmenté  son  crédit,  et  je  crois  que 
faute  de  souscripteurs,  les  députés  du  moins  le  baron  ont 
disparu  de  Paris  et  même  on  prétend  qu'il  y  a  laissé  des 
dettes.  Comme  le  baron  depuis  longtemps  ami  du  f.  \  de 
Chaumont,  secrétaire  du  duc  de  Chartres,  avoit  engagé  ce  f.  \ 
à  le  protéger  auprès  de  ce  prince  auquel  on  avoit  présenté  le 
diplôme  de  protection  du  comte  de  Xeuvied  en  faveur  de 
la  Société  de  Frédericstein  et  même  une  lettre  de  ce  souverain 
directement  adressée  au  prince,  ce  dernier  avoit  aveuglement 
signé    ce    que    lui    avoit    présenté    Chaumont.    secrétaire 

mandements   maçonniques.   Ils   cnt    fait   imprimer  le   tout 


(i)    C'était    l'un    des    principaux    Lieutenants    de    Willermoz. 
(N.   de  l'A.) 


* 


fie  fiôuy /su*f**££   fiiettnr  fu44ÏM~e  <*"k~  **  ^ 

Puuc  Gvuc^ux  tefrJZu*^   <W  tes  fr^u&fîau  eu  ayyiJi&M**  tcëT 

U&e    O  uvult  Lnnur  $*fruXk    ufrun^i  Uu  £»**»*    &tjfcmff***  •» 
uuÀ  tu  ct>YU4Stujt~  Sex**f>  <t4>iiri4A,tï  tAUttcl*  £c  u*n<4ét<v  §<u^cj  yu*  u  otct~ 
fnn  uu4j  u^autci  Un<.  esie+HA-  e/Z£  €**n«  y^c  fouUc   &*  fa&t  e»<frtJz***- 

ffittÂÙJ  yu'Utftt  iuUœ  $>&  £efs&7 .  couu**e  (*  (*****<  &<fnw  ùnyuusy* 
tutu  du(j.&è  etuuautnJ-  hztrz&tcu  zxl  th<  <?Uc  &e  ctujtxjtct  i/vuô  Luul- 
noitrfaaJl  cunnt  ^Ulut^lc  1*  /Z~  née  L/iïïE&Ci/    a+ifniA  &e  1*  incéu*  e*£±- 

1*G*«njLD  e*t(uôëâ</  9e  luUyœfe  £<2  fije/l&uclXjzÙA   el iujuujB  U4±*&& 
<te<&Mnc*&i4uu    &m&ifefj, £>ff  f-<rf>?  e-Utc   eut  isucccc   Ce  &eJUotex/  <ljnrit~ 
Vaa  c^aice,  ùtt'*<stn uueljezxtïr  cltet*ciu,\rïtjt-  LetJLofaxJu 
ut&uxV  <€ucté*U4'*4U4  U*  iruf- /ouf  mua*  tue*/ CtJxÂtt 


et- U 


A. 


88 


LE    RIT    PRIMITIF 


et  'en  ont  distribué  des  exemplaires  avec  assez  de  profusion, 
mais  malgré  le  diplôme  du  comte  de  Xeuvied,  le  visa  même 
de  la  recommandation  du  duc  de  Chartres,  le  G.-.  O.  \  a 
refusé  net  son  approbation  et  même  a  fait  imprimer  son 
refus,  et  l'a  adressé  à  toutes  les  loges  de  sa  correspondance. 

Si   dans   ses   courses   le   f.  \   de   C approchoit  de   Fréde- 

ricstein  et  qu'il  pût  aller  voir  sur  les  lieux  ce  que  c'est  au 
vrai  que  cet  établissement,  il  obligeroit  les  Amis-Réunis 
12e  degré  de   lui   en   adresser   des   renseignements. 

Frôlich    (i). 

BARON    DE    GLEICHEX 

Ce  digne  f.  \  est  membre  de  la  Société  des  Amis-Réunis 
12e  degré,  et  a  été  reçu  par  St-Martin  dans  les  Cohens,  dans 
les  premiers  grades.  Il  est  curieux,  érudit  et  instruit.  Il  a 
toujours  témoigné  de  la  confiance  et  de  l'amitié  au  f .  \  de 
Langes.  C'est  de  tous  les  correspondants  étrangers  de  la 
Société  des  Amis-Réunis   12e  degré  celui  dont  elle  a  le  plus 

à   se   louer.    Le    f.  \   marquis   de   C a   pu   juger,   par  les 

parties  de  ses  correspondances  que  le  f.  \  de  Langes  lui  a 
pu  communiquer,  de  son  zèle  et  de  ses  lumières.  Son  domi- 
cile paroît  fixé  maintenant  à  Ratisbonne.  Il  est  douteux  qu'il 
aille  à  Francfort  parce  qu'il  n'est  pas  des  Directoires  (Stricte 
Observance)  et  n'a  pas  voulu  prendre  de  nouveaux  engage- 
ments. Il  est  en  liaison  intime  avec  JFcctcr  et  YVakenfeldt. 
Voyez  leurs  articles.  IL  COXXOIT  FALC,  le  prince  de 
X assa u  Usingen.  C'est  en  un  mot  un  de  nos  amis  le  plus 
instruit.  Il  est  froid,  peu  communicatif,  mais  quand  il  con- 
çoit et  qu'il  aime,  il  devient  tout  autre.  Avant  son  départ 
de  Paris,  il  paraissoit  plus  occupé  d'Hermétique  et  de  pana- 
cée que  de  spirituel,  mais  il  a  changé,  du  moins  à  en  juger 
par  sa  correspondance.  Il  a  des  renseignements  aussi  sur  les 
Rose   Croix   autres   que   ceux   (du   rite   des)    Cohens   (2). 


(1)  Nom  ajouté  par  l'Eques.  (X.  de  l'A.) 

121  Voir  la  note  (2)  a  l'article  du  Juif  Falc.  Il  est  une  fois  de 
plus  manifeste  que,  pour  Savalette,  il  y  a  de  grandes  affinités  entre 
le  Juif,  la  Rose-Croix  et  les  Cohens  ou  Martinistes.  (N.  de  l'A.» 


y 


jUtUtftM  Ce  ih  LfùrHéJ^  thi  Cxruit£~  c9c  irU2.turve.a-    te.-<si4cx.rAJJ?itJLc     U*-~ ■ 

<lXUAji4AVUMA4J)-u£uru    cru,  chex  &e  ctutrifitcû    l&  H  U  £XZ~>.  clszjçXcU^  'y.  *  ■ 
fou  turyurifutun*   -SJ(~u<X2u4je  m^tau^  itufjuiujzv  i*Ji^'2^t<i4  .  ei-ï  c* — - 

qukt  irut"  ulcev  tsvus   W  /e*  Lunuf  m  cpuje  c-eu*~xtu^crveu  H/uc  C£^~ 


/lCulCtque4M£tcA. 


T 


f-lD 


'âd. 


US  Cousu  fre     LiJèieluZAA. 


te  Qïuujz.  A  CU-  iujuuMc  /5e  >1.*4<  R  et-  u.  -eXë.  letu*  Lrtw  iA~ 
tuuxXïu  âruuff.  SKT  âruxUÂAt  isueui+t.***  attvte*  U &*t~  cusu&tuf 
du^ut-  eA— vuasÇÛiW  Xnru  crClj&usuZëxur  Uau~hu<nu4  ù&ûun  oiut  — 
OeCuwuAiciUA  et  fe^t'uiuiùk  Cut^  *\  jb*J'fffffft/  c&il  &e4tnû  Ùu 
CcviJUjj%m&ucL4,\  &$L*ALeL.çsiJL  &C  J\x,ûR,  œ/ux  thn<t clic /t  La. 
JJLu  et  Le  Cjjujw  (&/;*  PU  **  Se  &  ce  «ju  eïccv*<s  irtaJ  Uu 
fsiofOJzx  fret*-*-  ôayt^cjjtn^âtauje^  <f(e^e  ù-  fl\  tQe^uctyLts    uu  ci  hr%<- 

eu  Llc  a.  PûU^u.  fcKc-  Lru4r c&.u u  aA.  I4*ecl  Lnc*    &<.  *Jf  *A~  u.'c4~  plu*- 
innUcL  jsu^ïie,  $c  uxru<>ezvuAf>  JxuuUAALeu^exu^.  ■  U-ect-e^  UuUamm- 

jAuruuuAt pâle  U  Lrz«i<e  £e  l<Ut4Uuc  VUtuf*^.   t'<ut eu  cm»  cam^- 
uu  £e  uunt  ccuma  L&ljUvi  tu+CïuJr,  U&dfund  /***.  urtu*umUu*L 

tMuù*    Uuuufr  UunuUnt  ef~  cju  vl  <U<m^    U  &&SI£mC   faut-  UutïÂ. 
Cur&ut-  lou.  c9eprun£-  /2-e  vusuj  <A  LTUSHn  Hitit'    uiunrtcuÂ>e    t^€   ri 


ço 


LE    RIT    PRIMITIF 


GARNÏR 

J'ignore  si  cet  homme  étoit  maçon.  Il  étoit  curé  catholi- 
que en  Souabe.  Je  n'ai  sur  lui  que  des  renseignements  très 
imparfaits.  Il  attiroit  il  y  a  quelques  années  les  yeux  de  l'Al- 
lemagne par  des  guérisons  miraculeuses  qu'il  opéroit  par  des 
prières,  des  exorcismes  et  l'imposition  des  mains.  Il  seroit  bon 
d'avoir  sur  lui  des  renseignements  plus  précis,  s'il  est  possible 
de  s'en  procurer. 

Grattnann    (i). 


PRINCE    LOUIS    HÉRÉDITAIRE    D  HARMSTAD 

Ce  f .  \  est  aussi  membre  de  (la  société  des)  Amis  Réunis 
12e  degré  et  dans  les  charges  des  Directoires.  Il  a  travaillé 
dans  sa  jeunesse  avec  UN  JUIF  QU'IL  CROIT  ELEVE 
DE  FALC.  Il  prétend  même  avoir  opéré  (2),  mais  il  a  tout 
à  fait  abandonné  cette  partie.  Il  croit  aux  esprits  bons  et 
mauvais  et  même  aux  esprits  des  morts.  Il  a  témoigné  beau- 
coup d'amitié  au  f.  \  de  Langes.  Il  est  moins  instruit  et 
moins  zélé  que  le  baron  de  Gleichen,  mais  il  est  honnête, 
aimable.  S'il  est  au  Convent,  sûrement  il  sera  pour  (la  soc. 
des)  Amis  Réunis  12e  degré.  Il  a  fait  des  promesses  à  (la 
soc.  des)  Amis  Réunis  12e  degré,  notamment  d'un  Robert 
Fludd  (3),  mais  j'ai  peur  que  Duchanteau,  dans  son  dernier 
voyage  d'Allemagne,  ne  l'ait  rengagé  dans  ses  filets  dont  je 
l'avois  sorti,  car  il  a  rapporté  d'Allemagne  ce  livre  et  plu- 
sieurs autres  qu'il  nous  avoit  promis,  et  depuis  ce  temps 
nous  n'avons  pas  entendu  parler  de  lui.  Cela  paroit  d'autant 
plus  apparent  que  nous  ignorons  où  s'est  passé  le  voyage  de 
Duchanteau,  et  que  le  comte  de  Schoenbourg  qui  étoit  son 
protecteur  connoît  beaucoup  le  prince  louis.  C'est  une  chose 
intéressante    à    éclaircir. 


(1)  Nom  ajouté  par  l'Eques.  (X.  de  l'A.) 

(2)  Terme   consacré  pour  désigner  les  opérations  magiques  des 
Martinistes  Kabbalistes.   (X.  de  l'A.) 

(3)  Célèbre  Rose-Croix  anglais  du  17e  siècle.  (N.  de  l'A.) 


C  uS-yuu^. 


fouubhtJisiutbe  J-&  i*  'ga  Uurùû  tj/Luz  &<u  'Tj^ul^c^^tjcujuJZMJt  fus 

â*e<  putcLi  d    U  l&4<sit-6vi4,  ïïeunxvir  Uw    (ta   &Gt  -IGutxu'i&a&luAt**-- 

g  uz/ïma*i*i. 

V   .,  /viuj  ^le&z  ih'fxu'tt.  o1  ytartu*UïuJ 

•fr  via.  OvucfttUla  iktuu&Ue  Zctt+ceLLa.    c\uA4lM*>*&z&   e*t&uLt— 
Ln+WL  <*cul/  Uu  ÙjkJ- u-fUcf  £c(rU4Lâ[ruAu&    ùcUùx LswUôl  «V  cjunt-cuuf, 

&JSlUi    CrtruS  C/- HUxuxf^cLé     Cl"  UaJUUM    Ct4X*f  GtlTutT  &€*   i-UtnÙ~ 

du  Uu<un'ai^e  (te*icLi*>uf>  &LU4AAZÛÏ  cctc^;.  <%e£cM*Y*s  ci  &*  -v*"™**     — 

J^EHR,  Uc^'a**-  S^-cyunujzMje*     u.   J±**$\_  v^rCcvut^uj^xcr- Ou**— 

(iunni  Unù-ett*,  UuJUtf^vUZ    ^cUù^^u£L  _x»  Ccm*    cl  uiuXau^ 

f-*" *4*X&tt£i*4  fsunlxw  &&ltU.    t*Uc^ iMcnvlr  Ocuxàûétr  trUu  ê^dOffil^id 
l(UJ2.  U4TU4  ty£urv4n<4    OU.    j'*U~  lsu{U  C&  tnstfCtAf^    3 cUùZltctxjtf  l*-€    tXc 


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92 


LE    RIT    PRIMITIF 


FREDERICK    PRINCE    DE    HESSE 
DARMSTAT 

Second  frère  du  premier.  Il  est  aussi  membre  de  (la  Soc. 
des)  Amis  Réunis  12'  degré.  Le  £.-.  de  Langes  l'a  même 
connu  le  premier  à  l'occasion  de  Duchanteau  et  c'est  par 
lui  qu'il  a  fait  ensuite  connoissance  avec  l'aîné.  Les  cir- 
constances ent  décidé  son  admission  dans  (la  soc.  des)  Amis 
Réunis  12e  degré  que  sa  jeunesse  et  la  légèreté  de  son 
caractère  auroient  éloigné  d'abord.  Il  a  témoigné  le  plus 
grand  zèle.  Nous  lui  devons  même  plusieurs  ouvrages  alle- 
mands qu'il  a  donnés  à  la  bibliothèque  et  qui  sont  très  inté- 
ressants. Mais  ensuite  il  a  paru  totalement  nous  avoir  ou- 
bliés. L'ami  de  Langes  a  même  lieu  de  soupçonner  que  ce 
Jeune  homme  a  parlé  plus  que  légèrement  du  régime  parti- 
culier de  (la  soc.  des)  Amis  Réunis  12"  degré,  mais  il  n'en 
est    pas    assez    instruit    pour    en    avoir    abusé.    Si    le    marquis 

de   C le   rencontre,   il   nous    fera   plaisir   de  l'observer   et 

de  nous  rendre  compte  de  ses  dispositions.  Il  était,  lors  de 
son  passage  à  Paris,  mal  noté  dans  les  Directoires  à  cause 
de  quelques  étourderies,  mais  plutôt  des  enfances  (sic)  que 
des   torts   graves. 


CHRÉTIEN,    PRINCE    DE     HESSE    DARMSTAT 

Nous  ne  connoissons  ce  dernier  que  de  réputation.  Il  est 
comme  ses  deux  frères  dans  les  Directoires.  Tous  les  deux 
m'ont  fait  l'éloge  de  sa  douceur,  de  ses  ma  -  de  son 
esprit,  surtout  l'aîné  qui  l'aime  tendrement.  Il  faudroit  savoir 
de  lui  ce  que  les  deux  autres  lui  auront  dit  de  (la  soc.  des) 
Amis  Réunis    12°  degré,  et  s'ils  ont   revu  Duchanteau. 


I 

fitWMH    IMJZiMJt       iStullGufcl     VUSVU*tjrH     uA-*MA~U4Cih     £j "  U U  &TUU** 

tctuCvblurÙu/ax    CiêéiA4  U>u4~  M**    JPU€é'leSU4us<r   fUM^T  ^*<lux^U 
Uuuwu*  ~fsrfc<t8<HAtt/~  -U^Ui  Ucnsu/  iSi*lr(ou    1  CHU*  fie^UCuj&d u. 

//-e&^A  icnu  Ae  Un± irujùtpe.  u:Lric>>u  -frutS  turfu  $&auI   £Cc*~ 

Cvuu*jl£*4  &tu*f  fwuz*  Sou*  ko,    Sr*  fruste** &&u*f 
luw%C>  &eMu  cm^j^  U*  &*ay?  uufut   ùm  '  ac+'u'uS- *\£ J^  AzllR 


94 


LE    RIT    PRIMITIF 


d'heckh  (le  professeur) 

Ce  maçon  a  été  l'élève  de  Srepher  (V.  son  article)  et  c'est 
.celui  qui  passe  pour  le  plus  instruit.  Il  est  professeur  à  l'uni- 
versité de  Leipsick.  Je  n'ai  su  son  nom  que  par  le  f.  \  Otto 
qui  est  secrétaire  de  l'envoyé  de  Saxe  en  France  et  qui  lui- 
même    étoit    un    des    élèves    de    Srepher. 

Hcscltinc,  Hohcnlohc,  Hotchan,  Kings  Chapcl  (i) 


KCERNER    (DOCTEUR) 

Ce  jeune  homme  est  de  Leipsick.  Il  voyageoit  cet  hiver 
.avec  un  jeune  prince  allemand,  le  comte  de  Schoenbourg. 
{V.  son  article).  Il  arrivoit  de  Suisse  où  il  avoit  beaucoup 
vu  les  ff.  '.  Lawater  dont  l'un  est  un  des  correspondants  du 
f .  \  de  Langes.  Il  lui  fut  adressé  :  débuta  par  la  plus  entière 
et  la  plus  vive  confiance.  Il  avoit  quelques  principes  analo- 
gues à  (Cohens)  et  venoit  d'être  reçu  à  Zurich  dans  l'inté- 
rieur des  (Directoires).  Il  visita  les  travaux  de  (Amis- 
Réunis)  dans  les  8  premières  classes  et  le  f.  \  de  Langes 
l'ayant  pris  en  amitié,  l'avoit  déjà  présenté  comme  un  cor- 
respondant intéressant  peur  Leipsick  où  (Amis-Réunis)  n'en 
avoit  point.  Le  oomte  ayant  rencontré  le  f.  ■  Duchanteau, 
le  fit  connaître  à  son  ami  Koerner  qui,  malgré  tout  ce  que 
(Amis-Réunis  12e  degré)  ont  pu  lui  dire  de  ce  faux  prophète, 
s'y  est  tellement  livré  qu'il  a  tout  quitté  pour  lui,  l'a  conduit 
en  rentrant  à  Zurich  pour  éclairer  Lawater  et  est  parti  de 
•ce  pays  persuadé  du  moins  en  apparence,  que  cet  homme  lui 
avoit  donné  la  vérité.  Nous  n'avons  plus  entendu,  parler  de 
lui,  mais  à  le  juger  par  sa  conduite  à  Paris,  c'est  un  fou. 

KUKUMUR    OU    CUCUMUR 

Nous  n'avons  pas  encore  sur  cet  homme  des  renseignements 
l)ien  clairs.  Il  a  joué  quelque  temps  un  rôle  brillant  dans  la 


(1   Noms  ajoutés  par  l'Eques.  (N.  de  l'A.) 


L 


r2J/  ketkh>  (Uyiopiuz^^ 

V*$9*i*tiui*   &    le*u~»*'JefccY>*  e^fuu^    c+f^fc  ïu*U~~-~ 
'use*  eu*  %tU4*M-*  fju'**A  uliQ«Atmt>~ie-  <*su<Z*£^ff>li*chttUrtruJiy. 
Uusiswe   Uruficuidk      U c\"rlf  tyuzZuuJiJ  }JUH4u'f>&  UUjuMnJ#jïi  C^ 

dun*uuj£  Lu  cunAf  dxncccu.  Lu.  tsQicth,   Vujxot  u  'tu****  irtoy  QuluuJtu 

'SUAÛZt/  {H&Ûu    -Plutôt  cela  %UJ*V  jjuc  U*-  CcuJhc<£fc  &^fj1Lnc<    Cerf — 

-/ — 
iM.JUic 

(fil    Mit  PUUAT.      Wt     C(JClCvltl4uZ tu*^ 

1<nu  i*  a**/***  ztw*     -GaousUL  Ums-  CJ2Jt~  Uo*U4At<£^  fit*  /I^e^ttcu4tr 


96 


LE    RIT    PRIMITIF 


maçonnerie  allemande  et  prétendoit  avoir  obtenu  dans  un 
voyage  fait  par  lui  dans  l'Italie  pour  cet  objet  un  des  rensei- 
gnements qui  existent  en  Allemagne  des  connoissances  par- 
ticulières et  qui  lui  donnoit  le  moyen  d'opérer  des  choses 
extraordinaires.  Mais  il  paroît  par  le  récit  de  ncs  corres- 
pondants qu'après  avoir  beaucoup  excité  l'attention,  rassem- 
blé beaucoup  de  disciples,  les  effets  n'ont  pas  répondu  aux 
paroles,  et  il  a  perdu  son  crédit.  Il  est  à  présent  ou  mort 
ou  au  moins  ignoré.  L'on  dit  pourtant  qu'il  a  de  l'esprit, 
qu'il  ne  manque  point  de  connoissances.  Tâchez  de  savoir 
au   juste    son   histoire   et    ce   qu'il    est   devenu. 


LAWATER    (LE    DOCTEUR) 

Ce  f.  •.  est  à  la  tête  des  maçons  de  (Directoires)  de  Suisse 
ou  tout  au  moins  de  Zurich.  Il  est  ardent  pour  les  connois- 
sances et  connu  pour  son  zèle.  Il  est  probable  qu'il  sera  au 
Convent.  La  liaison  avec  (Amis-Réunis  12e  degré)  n'a  jamais 
existé  que  par  lettre  et  il  ne  peut  connoître  son  régime  que 
par  ouï  dire.  Il  est  entré,  du  moins  le  f.  \  de  Langes  a  lieu 
de  le  soupçonner,  dans  (Cohens).  Cependant  il  est  possible 
que  les  indices  qu'il  en  a  trouvés  dans  sa  correspondance 
viennent  des  cahiers  (des  Directoires)  du  Convent  de  Lyon. 
Koerner  et  Duchanteau,  dans  leur  voyage,  avoient  un  peu 
détourné  ce  f.  \  du  f.  \  de  Langes,  mais  Tiéman  depuis  a 
tout  reparé,  comme  le  prouvent  des  lettres  postérieures 
du  f.  \  Lawater.  Son  frère  le  Théologien  n'est  pas 
maçon.  Du  moins  il  ne  s'avoue  pas  pour  tel  :  mais  il 
est      naturellement      philalèthe.      Il      est      célèbre      par      un 


««T^^r^  *»^  rùzu  //VU4/  t^^SJ-eaS 

CtuUé ' ('*&IkZt*m    7x*4a24u£&^ 6*eu*un*c>  &^t>itC*irOn  Ce*  *$~éZT 
gA C*J^vyi&l£6*2-~îf*'  1tL*r*JTiJH'  fatsouxsi***    'Ufitu/iM-s    kTn^&iJt — 
ÙVUumiUK&i***  .  Xut&u~s  &eAu*nrus  Cet*.  /UaXîi    Un*  ft+iMrï~L* ■- 

»-^ — — — ■«■■■  ■■     ■  ■— ■■     l9,*»mmmmm^ 

•  * 

^L<cncvu^  Lnm*.'  Un*.  ?*<&  tf  -Geâ  2rur6t&lrC^  ljêf/-cl  Lester  Caa*_^ 

t?iu  â?'te.  tAec/^cccUu  ih<*ctAJi*A*   ~Cçsf*x  fie  uuvupMj  ««-  CtszAt. 
9&ù  Uru<in*ru*utv'  êhzccdL-    fi/V    ce^Qto^ouO^-  tJ  'e^ AnïtuJbb. 

tyUs(&.    tM4hC&4     Ci**  'l4  %U*L  "turÛ^^t     -&B4Ccl  tu.   CtntAUf*tnU\^ 

U*  /HZto  &€&u>9Uji    C*-fi  fhc/cT  &Jt&vuju+1  MvuÂa  Tcz  AaaUa**^ 
*-m . .'.    *■_  £r^~-*'  <•_  ._ r   _  _  _       m      T>  »  .    /"—■frr- — 


fie. 


Uyiv%us&c*f-  &€* 


/xnt&w&usu*   pi€  A  Cc<AJtytt£c^\    lvu.ft&u.lt  Qtue*r&yuL<~  u eu 


MAA— 


98 


LE    RIT    PRIMITIF 


ouvrage  immense  sur  la  physionomique  et  par  des  écrits 
polémiques  sur  les  miracles  de  Garner  et  les  apparitions  de 
Srepher. 

Léman,  DISCIPLE  DE  FALC.  —  Cte  de  Luzignan  (i). 


lioi,  de  napeEs 

Il  seroit  possible  que  ce  célèbre  deffenseur  des  maçons 
de  Naples,  toujours  exilé  de  sa  patrie,  et  qui  a,  je  crois, 
acquis  des  loges  aux  Directoires  en  Italie,  fut  député  par 
elles  au  Couvent.  Il  est  membre  honoraire  des  Amis-Réunis, 
mais  il  n'en  connoît  rien  par  delà  la  (cinquième  classe  des 
Amis-Réunis).  Il  a  de  l'esprit,  des  connoissances  temporelles, 
mais  il  est  vif,  ardent,  enthousiaste,  Italien  au  superlatif. 
Il  faut  avec  lui  se  tenir  en  garde.  Mais  on  en  pourroit  tirer 
un  précis  historique  de  la  révolution,  de  Naples  qui  nous 
manque  et  des   renseignements   sur  la  maçonnerie   en   Italie. 


Lcwenhœck  (i). 


LEUWENSTEIN    (BARON    DE) 

Ancien  colonel  au  service  de  Wurtemberg  dont  il  porte- 
la  croix  militaire,  il  est  dans  l'intérieur  de  (Directoires).! 
Mais  je  crois  qu'il  y  a  été  reçu  comme  le  prince  de  Carlath 
avec  lequel  il  voyageoit.  Le  f.  \  de  Langes  n'a  pas  pu  le 
juger  parce  qu'il  est  peu  communicatif.  C'est  un  homme  qui 
a  été  subjugué  par  des  malheurs  et  des  revers  de  fortune 
de  tout  genre  qui  l'ont  même  accablé  et  presque  absorbé. 
Il  a  la  ferme  persuasion  du  rapport  des  êtres  intermé- 
diaires avec  les  hommes,  et  croit  surtout  que  ses 
songes  lui  sont  donnés  pour  le  prévenir  sur  des  événe- 
mens     intéressans.     Il     en     a     conté     réellement     des     plus 


(i)  Noms  ajoutés  par  l'Eques.  (N.  de  l'A.) 


^ 


''M^OL^f 


/<    > 

A.  1  (fi*    tWyt 

UeU-  nd&uJbu   U*nAArvu*'i-*r  £Lc*    s*L      K.    tA*^it  cJ  t*  '***- 
^ouHuJioU'euiÙr    facUcui    ctu,U€+*s*6uJtf.  U  fcutT  A*n*.  ici* 

U***-   Lnt/VL**4i+  '<Â-cJh~jy&K,  Co%o*4mjuuvU  vuJUf  .    c  hc/  U*l*  ùuAtAU** 
~i(uê%*L£.  fr&TvuJr  Càj&i<KM-'   lf<**    (ir»*f~  fUAAUJt.     Clcou£/Cl*1  -*v£~ 

*4Le<  Uca  UruU-  PirvutA*   /-nsu*s£&  /A/iG*»-eu*v  (ma/  &Cct  'Vtn^,- 


IOO  LE    RIT    PRIMITIF 

singuliers  par  leur  rapport  avec  ce  qui  lui  est  arrivé.  Du 
reste  il  est  doux,  honnête,  et  de  très  bonnes  mœurs,  ayant 
de  la  piété,  ne  désirant  que  la  tranquillité  physique  et  spiri- 
tuelle pour  se  livrer  tranquillement  aux  esprits  dont  il  se 
croit  entouré  pour  obtenir  par  leur  communication  toutes 
les    vérités    utiles    à    son   bonheur    temporel    et    spirituel. 

Cte  de  Manteufel  (i) 

MOSSEDER    (DOCTEUR) 

Voyez  son  article  dans  les   Instructions. 
Mietau  (i). 

NASSAU    USINGEN     (PRINCE    DE) 

Ce  prince  habite  le  château  de  Briberich.  Mais  j'ignore 
où  est  ce  château.  Je  sais  seulement  qu'il  n'est  pas  loin  de 
Strasbourg.  Nous  ne  connoissons  de  lui  que  sa  correspon- 
dance que  vou  avez  vue.  Le  baron  de  Gleichen  a  mandé 
qu'il  étoit  lié  très  intimement  avec  Wakenfeld  :  nouvelles 
présomptions  que  les  Rose  Croix  de  Westlard  ont  la  plus 
grande  analogie  avec  les  (Cohens).  Il  seroit  fort  intéressant 
de  connoître  où  il  en  est  et  ce  qu'il  sait.  Il  jouit  d'ailleurs 
à    tous    égards    de    la    meilleure    réputation.    La    mission    du 

f.  \  mls  de  C ,  s'il  voyoit  ce  prince,  seroit  de  reconnoître 

s'il  est  réellement  plus  avancé  dans  les  connoissances  spiri- 
tuelles que  le  f.  \  de  Langes,  et  s'il  y  a  des  rapports  réels 
entre   (les   Cohens),   son  affaire   et   celle   de   Westlard. 


(i)  Noms  ajoutés  par  l'Eques.  (N.  de  l'A.) 


Q»U-U  4JtOuÀ4-  tUZOûnjt 'jjxm*  trfrCïïU-'  ^ru+rCt***^ — 

—  ■  •  -~~~~~~~ 


/ru. 


ÙfAA- 


**-  ***  **■  étude**  Je  Uni*  LJuUjttujsMjh-  cf*vl  u  e</  uui  uni, 
£  pvUt4 Ovusui .    vunu.  Hx  cvu*unU*u*    &&  Ceci    tfK-fU* 

V*lJtiyv*l&U*LLC    Cf(A*Wl*1  CUM*     1A4UUK     Ce  fauter»  P^   Cce/c^LÉ^ 
te  inutu  •*   </«c /:    fit  "  tOe  cJ  1'U  insusxJ-  Cjï- fJisKwus 

1*4 e*k4i<si Htuccoé   UriffvUu&lut  t/^ù  fc  fld. (aujfJttX ,  çj~i  Uy 


102 


LL    RIT    PRIMITIF 


OTTO 

Il  est  secrétaire  de  l'envoyé  de  Saxe.  C'est  une  très  nou- 
velle connoissance.  Il  étoit  témoin  oculaire  des  apparitions 
de  Srepher.  Son  nom  n'est  icy  que  pour  en  parler  à  ses  col- 
lègues  ,et   prendre    en    Saxe,    si   le    f.  \    de    C y    va,   des 

renseignemens   sur  lui.   De   même   à   Leipsick  où   demeure   le 
professeur    D'Heckh,    dont    il    est    intime    ami. 

-V.    de   Rosskampf  Riga    (i). 

DE    ROSCHAMPH 

Conseiller  privé  de  M.  le   i"r  Bourgmestre  à  Heilbrioui   (i). 

Je  ne  sais  ni  qui  il  est  ni  où  il  habite.  Il  est  membre  de 
(Directoires).  Son  nom  de  chev.  est  ab  équité  vehicolo  (?). 
J'ai  son  nom  et  sen  surnom  par  le  prince  frederich  de  Hesse 
Darmstat.  Il  est  un  des  élèves  de  Shereder,  le  maître  de 
Westlard   (c.à.d.  :    Wetzlar). 

Savalete,   Salsmann   (i). 

SRHEPHER 

Célèbre  par  ses  prestiges,  apparitions,  etc.,  et  par  sa  fin 
tragique  dans  un  jardih  près  Leipsick.  Il  y  a  un  livre  en 
deux  volumes  écrit  en  allemand  sur  lui,  plus  un  ouvrage 
d'un  docteur  sur  lui  et  sur  les  miracles  de  Garner. 

Xous    en    savons    assez    pour    n'avoir    pas    besoin    d'en    faire 
plus    longue    mention. 

SHEREDDER 

Autre  chef  non  moins  fameux  que  l'on  confond  souvent 
avec  l'autre  quoique  très  différent.  Il  est  mort  jeune.  Il 
étoit  le  maître  de  plusieurs  maçons  que  l'on  croit  Rose  Croix. 
Le  principal  de  ses  élèves  est  Wakenfeld.  Sa  science,  à 
en    juger    par    ce    qu  e   nous    en    pouvons    connoître    a    du 


(i)   De  la  main  de  l'Eques.  (N.  de  l'A.) 


jutTudZ  CUAU- 


Uotouru*  yu^Ci, hrUA44Jt,  ItJZ&VU^U  &£  LuUct  êhcnu^tÙCT  t>l 


ouo*U&—  CD       f 

Zj&€u*S>  xnr^Mlu^  -txSi>JL^*i^  cesO-tZAtuiMS}  lu*/  IMJ  ■     %fU*si  pVi*  crut/ld^Ac 
l€ti  fît*  Vt  tfiui    Un*U<*-&     VuM^^Zioxi.  . 


JhÀAUfnU  &~ç  bu  esLuxst  itf—    \V:iÙ{qu.  fictive ,  l^lu'cu^.  c* — 


104 


L£    RIT    PRIMITIF 


rapport  avec  (les  Cohens).  Il  avoit  eu  pour  maître  UN 
VIEILLARD  DE  SOUABE  dont  Wakenfeld  a  conté  l'his- 
toire au  F.  \  Tiéman.  Il  est  mort  très  jeune  surtout  pour  un 
sage  et  sa.  mémoire  est  honorée  non  seulement  de  ses  élèves 
mais  même  de  tous  ceux  dont  il  étoit  connu.  Les  princes 
d'Harmstat  le  connoissoient  ainsi  que  ses  élèves  qu'ils  appel- 
lent les   Rose   Croix  de   YVestlard. 

schérer 

Maître  de  langues  et  je  crois  interprète  à  Strasbourg. 
Il  a  beaucoup  voyagé  dans  le  nord  et  se  prétend  très  savant 
en  maçonnerie.  Il  tient  au  schisme  de  Zinnendorf.  Il  est 
fondateur  à  Strasbourg  de  la  Loge  d'Isis  dont  est  membre 
le  docteur  Wurtz  qui  maintenant  est  à  Paris  chargé  des 
pouvoirs  de  la  Loge  d'Isis  pour  l'affilier  à  quelque  loge 
de  Paris.  Xous  avons  plus  d'une  raison  de  le  croire  un 
charlatan,  mais  s'il  pouvoit  nous  donner  de  bons  mémoires 
sur  les  loges  de   Suède,  il  ne  seroit  point  à  négliger. 

Comte  Schœnbourg,  Comte  de  Sehmetau  (i). 

S  pence  Schuing  (?). 

STAAL    (BARON    DE) 

V.  \  frederiestein.  C'étoit  l'agent  de  cette  loge  et  le  dé- 
puté. Grand  charlatan  mais  trop  facile  à  connoître.  Très 
ignorant  en  maçonnerie  mais  fort  savant  dans  la  science 
des  nombres  en  fait  de  calculs  d'intérêts  et  de  loterie  ;  en 
tout   homme   à   projets. 

Stamph  (i). 


ii)  De  la  main  de  l'Eques.  (X.  de  l'A). 


fit  Ccr*cut<z  ^vHrllh^Ue^Atih  CcustufSte~  ï  fiu^4^xxi<^/^, 

fi€  ÎâU  <&ÙU>>€s  î*Uiù   U4&U4J2-    &e  Cêu*  tJZ&<£>  £un/^if 

ÏH<ûttM-  &e/tiU4âUJ*s  c*-2ê.ot*Î4    HU&tfJxe/ir  &  tfuli {nn*ri£J . 
Uu(jxuccouA*si*f%rC*tAijé  <heu*At(m.  tt<fy&~<rf-^ yz&tïZtJ  fïït l&df€u±t~- 
tot  U^±**suj&Iaj*  U  tti*r  Cut  fei*Jl4Uj*.    fi±  ^i  944U£M&Ulf<: 
UQit-psu&coŒcur    ce  tÙUnCtwzAS  &4    C3  DÏJaU.  fitn<jt6<jr- 

CfUt/cfiuL  EJ  fiopunù.  Hoka  itvmti  Âfùu  ^u^^'Ut/t**^***- 
fie  Ginn  tuejuiHitu  (**r  IZjS*.  tujzAe.  Uhj£1&ua4-  itujU- 

1/*  ptefitAÂcitxzïu   cjzIôù-  tuuxiiU-  £ec&ÛX  CD  -e/  dL 
fc  Uf4xrhcu&~&t  tttuxvujtfM    t**€*4  fëc  U*<rau4f-&£u±i 

fic/v&tÔU    tu£nZ?~ lwt*UUr*lpU&*4 *' 


rr- 


IOÔ  LE    RIT    PRIMITIF 

STEUBEN    (BARON    DE) 

Officier  autrefois  dans  les  trouppes  du  roy  de  prusse, 
maintenant  officier  général  au  service  des  Insurgens.  Il  étoit 
dans  la  (Stricte  Observance)  du  temps  du  baron  de  Hunt  et 
a  même  été  prieur  d'une  province  en  allemagne,  mais  il 
avoit  cessé  de  s'en  occuper  parce  qu'on  lui  avoit  promis 
une  pension  de  3000  1.  qui  n'est  pas  venue.  Il  a  donné  les 
premiers  renseignements  de  la  (Stricte  Observance)  au 
f.  •.  de  Langes  ou  plutôt  a  confirmé  ceux  qu'il  avoit  tiré  de 
pétersbourg.  Il  n'est  pas  en  Europe  et  plus  longue  notice 
sur  son   compte   seroit  absolument  inutile. 

Touzai  du  Chantcau  (1). 

DE    TOUX    DE    SALVERTES 

C'est  un  savant  français  autrefois  maître  de  loge  du  bon 
pasteur  tenant  à  l'ancienne  grande  loge  de  france  et  a  été 
toujours  mystique  cabalistique  et  hermétique.  C'est  lui  qui 
a  été  le  Ier  maître  de  Duchanteau.  Il  y  a  dans  la  baze  de 
son  sistème  des  ressemblance  avec  (Cohens).  Il  est  depuis 
longtemps  à  Varsovie  où  il  a  je  ne  sais  comment,  obtenu 
le  rang  de  colonel  et  vivote  des  secours  de  quelques  seigneurs 
maçons,  à  peu  près  comme  faisait  Bauchesne  à  Paris.  Quand 
Cagliostro  fut  en  Pologne,  il  étoit,  dit-on,  à  la  mort  et  ce 
savant  spagyrique  l'a  ressuscité.  Il  entretient  ses  disciples 
de  l'espérance  d'un  grand  événement  qui  va  toujours  arri- 
ver mais  jamais  n'arrive.  Son  style  ressemble  beaucoup  à 
celui  d'Ezéchiel  et  de  l'Apocalpyse.  Il  passe  en  Pologne 
pour  un  vieux  fou,  mais  il  a  quelques  disciples  qui  ont 
confiance  en  lui.  Je  le  crois  un  fou  fort  gueux  et  un  peu 
fripon,  mais  il  a  dans  ses  idées,  dans  sa  manière  de  voir  et 
dans   son   style   des   choses   singulières. 


(1)   X'om  ajouté  par  l'Eques.  (N.  de  l'A.) 


m 


<ryiUA*r  U44.{Ccfci;   frcu±U  Les  tUn*frpe,   th^  1<n/  Je    truUU 

defnt  &CU4U  tu  *£*   Ju  Lztufsi  f^ic  (tuavh  Se  UinJh-efiuAUj&tuM-^ 
tôt  yueuv  Q uuj*-  irunrutÂ*  C*±  ccÙJRUttufo*-  vu-ct&f' d uvrrt  coXc*- 

fit  i  CU  tr&ciJse+s    LruSVlA-XfU^liru.  Lui    t**nrlt    ÉSUrUus   <<UA*  Lh*aM*A* 

CUnrU  ÙJU  fa    i^C&h+ùvuAy    (Âu^t  frUcj&tM  CxzA+rtjG.  4££fttUJL  hnuy«_ 
(urCu.  Uw  Urw  cwuytE~  UUcit"  ù&Lr(u4UQtit~~  lUuttUt . 

(Ad nu  luircuLÎ-   /uut^cjui  ctufU  ftù     iUCetfU  Ae CU   âu-tnn^. 
eÙTCJui*nu?  lUtUi  ftcA    uctruJlt  UT^ujC  -CT~  li&Uuati  aux.  C*x4^~ 

ùu  eftu  c*  tXà  Cz  t*?  tAÂtùXCt  fie  jfrn tlutuL^tu  tX</u  &tcu4Â^l** —  - 

luuAfWïun  te  VunUrvii   l*<  MeJ^ux  Uû*  toUuccocct- 0&C&uù>.  £- 
Utuo  te  urùncxU  UiAwti    Pec  Uuvw  9e  cfut/yu*  ^Ww^ 
iuatvu*  CopetcfFx,   uruuxM.  fia  lAt-  AcuetÂM^ae  c^punL  tfecueâ- 
Caju^bmfaï fifr  eu  LstrÛAoucÊ.  U  elc\t  &U  tn*.  ccZu.  êUdU" **~ '*-*- 

A^/  &<JJ€/Uuuj£   &UU.  ttUutP  JZ4M*uC>U4  9*<r~(fU*  lM*Umfi/Hu  CeWuse*^ 

Uuui pauculi    ^Wt^  U*  fôù  teMe/«6&  Ox*uauujj  ^teJuA.' 

9-e/)tAlud  e.i  fie  lu<vvcccLj>U   tÀfruUc  eu  Lntùnui^iu    mitta^cua 
Hsuty  p£  iM£c<i  Utfutlquti  thheytu ^u*^nU-tdt^Ut4Ut.-e^(^ 

k<*$eÀt  (kicui  tu  {Kjtti«Aiu  &^<sua*  cLthuu  fou  ptitc    ^tc^e^ù^- 


n 


I08  TE    RIT    PRIMITIF 

TIÉMAN 

Il  est  saxon,  âgé  d'environ  38  ans.  Il  voyage  depuis  5  ans 
comme  ami  et  tuteur  d'un  jeune  seigneur  livonien  de  la 
plus  haute  espérance  et  qui  est  un  des  (plus)  aimables  et 
singuliers  jeunes  hommes  que  je  connaisse.  Il  aime  tendre- 
ment son  mentor  et  chacun  dans  son  genre  est  vraiment 
aimable. 

Tiéman  a  éprouvé  des  chose»  singulières  et  intéressantes 
dans  le  genre  dont  s'occupe  (Amis  Réunis  12e  degré).  Il  a 
d'ailleurs  un  zèle  ardent  mais  pur  et  éclairé.  C'est  un  de 
nos  meilleurs  correspondants  et  un  de  ceux  sur  lesquels 
(Amis  Réunis  12e  degré)  a  le  plus  de  raison  de  compter. 
Il  a  reçu  les  mêmes  instructions  ou  à  peu  près  que  le   f.  \ 

mls  de   C Il   est  au  même  point  que  le   f.  \   de  Langes 

dans  (Cohens)  et  à  la  porte  de  l'intérieur  dans  (Directoires). 
Il  est  plein  de  connoissances,  possède  outre  le  grec,  le  latin 
et  un  peu  d'hébreu  presque  toutes  les  langues  de  l'Europe. 
Nous  avons  lieu  d'espérer,  s'il  se  trouve  au  Convent  de 
Francfort,   qu'il   se   réunira   de   bon   cœur   à   nos   députés.    Si 

le   f.  \   C peut  le  joindre,   je   les   recommande   vivement 

l'un  à  l'autre.  Ils  sont  faits  tous  deux  pour  se  connoître  et 
s'apprécier  et  ont  en  moi  un  ami  commun,  qu'ils  aiment 
sûrement  et  dont  ils  sont  tendrement  aimés.  Je  les  exhorte 
mutuellement  à  la  confiance.  Ils  y  gagneront  tous  les  deux 
des  encouragements  mutuels  pour  suivre  leur  carrière  dans 
laquelle  je  me  félicite  de  les  avoir  affermis  l'un  et  l'autre, 
ce  qu'ils  m'ont  bien  rendu  Je  suis  respectivement  leur  cau- 
tion entre  eux  qu'ils  n'auront  nul  regret  de  s'être  ouverts 
et  qu'ils  s'aimeront  bientôt  autant  que  je  les  aime. 

Tirnau.  Baron  de  Tri  est.  Turckheim  (1). 


(1)  Noms  ajoutés  par  l'Eques.  (N.  de  l'A.) 


eu 


eauttf. 


0«A  ***».'«*;***&*,  ^/e^t*vjl  gjT^  ^ 

ÏJXMv*  a  efA4nunr&e<  chuia  Ut€iuUc*fu<  &-cluZ**Juu<£,  fau* 
ta&4*nt.  foiU~f'thau*fj4'  A55R  .    Ua  D  cuJt^^t    vu^-^1*  usi&ecjh— 
Htcuî  /jtw  &f*  e^tut'zc  c  éi/-cut  Pe  tus*  ru&Jhezm  uryiJic^jtru^zcu^ 
r/*u  9e cGUAf  k^crtcc  ytce/i  A*îlK  (xlt^rLu  fie  z^tcru  &£—_ 

(C[£    /Il  "  A     6  cJ td  UU    U<^4*-   JLTUTcef    e/tit  (±  /j  £& 

UCU04X  &cucd    ŒK    ct~t*  ùu.Lnn£r&&  l'utl&ït£su>   ^uuH    Jp 

UuftfUcD  ko&ifHc  iruUfVLe  tvû&u  Ut  kucajies  fie  / 'detn^jKa- 

f*in«  curvtu  Ue£*   Décf+iwJZs    f'Ub?  Cïcu&e    &&.  einu*Quf~  A2 

fUuiefeïA   au  'U  te  2Q£uurtu  $&6ou  c4Uus-  &  (un  &ezj-u>£ês'.  îi  '& 

\!*  0  i>eu/~ô  jfimtûte  Le  U<  ZimnuuumuAc  v>'t*&u<£ui 

'('(m, &4'ctu4bi6  Cou/  /&4  £*/  ûLetty?  fa**/ te  Ctntéun'fu  <*f— 
(&4inJ24i&s  4J  (/**{  €a  Hun  tue  Cuuj  Ccnct+uxu*.  uu  'tM  cc/ulOuà 
iun&cu&ut  -çJ—PinJ  d*  Jbuf~-Êëût%je***je£ct~ &*';uxi4 .  £c  fe*  ou£uri&~~ 

fie*  zutvuntctfeuxcuyf    HuxXlolL  isiru+s  lUun*  ÙQiut  c&A4iA*c*  fiin 
uupLct/tçdc  pu^  fetLuù,    fie C&t  &tnn*  c^ffësuuu   (  Hu-eA- f  &**&  c*~ 

Çufa  eiuf=>  CfLuti  h'tuwnut-t'uUvtyUf    &€  f  eJÛ~iriut€*Cï  -Cf1^ 
CfUtM  UUuayuAtt*-  6zeâfct~  OcctuulF1 'ya^yfe-ùt-  cu-rtuj^. 


110 


LE    RIT    PRIMITIF 


Baron  de  U'aldcnfelds  (i). 

WALDENFELDS     A     WESTXARD 

Il  est  assesseur  où  je  ne  sais  pas  le  titre,  membre  de  la 
Chambre  Impériale  de  Westlard.  C'est  celui  des  élèves  de 
Shereder  qui  jouit  de  la  meilleure  réputation  à  tous  égards 
et  qui  passe  pour  le  plus  instruit.  -Je  n'ai  en  nulle  relation 
directe  avec  lui,  mais  si  j'avois  le  temps  et  l'argent,  surtout 
le  temps,  je  ferois  le  voyage  de  Francfort  où  il  sera  très 
vraisemblablement  pendant  la  foire,  uniquement  pour  avoir  sa 
connoissance.  C'est  d'après  tout  ce  que  j'en  sais  par  le 
baron  de  Gleichen,  les  princes  de  Darmstat,  Tiéman  et  quel- 
ques autres,  l'homme  le  plus  intéressant  à  connoître  pour 
vous  et  moi.  Si  "nous  faisions  sa  connoissance,  il  peut  nous 
donner  sur  tous  les  objets  les  plus  intéressants  de  ces  instruc- 
tions les  meilleurs  renseignements.  IL  COXXOIT  FALC 
et  YVecter.  Il  est  lié  d'amitié  avec  le  baron  de  Gleichen  et 
le  prince  de  Nassau  Usingen.  Je  crois  même  que  c'est  à  lui 
que  le  prince  doit  toutes  ses  instructions  et  cela  me  confir- 
meroit  l'opinion  où  je  suis  depuis  longtemps  que  les  Rose- 
Croix  et  (les  Cohens)  sont  frères  (2),  et  nous  aurions  dans 
ce  cas  ensemble  les  plus  grands  rapports.  De  tous  les  hom- 
mes que  vous  pouvez  voir,  c'est  un  de  ceux  qui  peuvent  nous 
être  le  plus  réellement  utile,  si  j'en  juge  par  tout  ce  que  l'on 
m'a  dit  de  lui. 

Zuîrleim.  Valencey  (1). 


(1)  De  la  main  de  l'Eques.  (N.  de  l'A.) 

(2)  Et  frères  en  Kabbale  juive,  ajouterons-nous.  (X.  de  l'A.) 


fia'  UA6*S    B^tu.  uc&*&ettAJt~  'TJZfru/ttZu/u-i    U^tïrûj  Qtl^m^êt  ±t—csu^ 

*  t&âun  Jjzfoiou  avyi&t  Q  vuu***a^  &£ ftcujjt^r ohaI  1&u+— 

vomi;  Ut  eouMA^\i£uujz  .  c  ad  Vousu*  éruh  e^c/t**   f'ju*  La*}  ituJ-Cg- 

4U£/tftctt  uu£u4     C  IuthsUujZ-  Ct^rCtct   U4t&rue44£cuJF  C<-  CtrtuunJO: 

S'Jzif-tëf  que   iue   1 r au*unt4JÊxtf~-  tous  £e/*y?  £huJhi/ eJ<&utu 
f'klvint^eU^inrCu&O   fie  Ul&U&^  £e  uwiïil>vu£uua&  ccoc<   Cui 
Anna.  uuzt-QXct  £e  LJÛa   crUcuJ^~yJÙa  U*  &{  ozÂBAïnisie  cunJ  uu. 
fûé~6zru  fïeut  &&4?t/tie    £AJu*t£J*     Jjvtcc  tnnu  jçJ—lcun    U    UOiut*__ 
fculum*    Î&  ocruA4*A  Pleure .   tstff&ttt  tun+t  iPvhacjZ"  Uu/  :Cj^  &* 
l/Cn^lr^Cct tjtus  ruM^eZUiccé    fie  ce*  Jfotfû*  e&ot**  £c  tcut*  b&u. 

V trwtuXcë  tut*  0  &&AXSK  fie  tyuzt  C* e*<   c^ùtrucu*  8~e  ùuUuc 

IticUM^U  .  JjZùlcsvt   Ht&U*  fy*£    cettf-UCi      &U4^(jL  1TVUU*   PlSl*— 

foufiâ  le<  JtuAutct&u*  qJc&ù*  e*c£  czncft  ïcujtAcnf / 'vij/fiUAn* 
Vu/j&Uui  fiefsuc*  (cruasùiicax  esjc&  Ce*  /X  -#■  cT~  ISC  lesuf 
fïtJUf  ef-funct  eu+ncmcé  fiuuxjtct.  c*e4  £toC&a£6&  Le^/jCu* 
frluuJl  t&ApnfUt.  $esÛ7Ù*  7n  iunuéiUyf  &a*  vint* /stru*Cr  wz</  &e+ 

&U1L       ^i^4^~— 


WBP 


112 


LE    RIT    PRIMITIF 


(En  caractères  allemands)  :  Waeckter  (i). 

WECTER 

Vous  avez  dû  voir  par  plusieurs  passages  des  correspon- 
dances du  baron  de  Gleichen  et  de  Tieman  que  je  vous  ai 
fait  lire  chez  moi  que  c'est  un  homme  qui  maçonniquement 
attire  sur  lui  l'attention  de  toute  l'allemagne.  Il  étoit  avocat 
à  Stuttgard,  peu  riche  mais  pourtant  ne  manquant  pas  du 
nécessaire,  instruit  dans  la  maçonnerie  à  ce  qu'on  dit  par 
UN  VIEILLARD  DE  SOUABE  (ceci  ressemble  à  Schere- 
der).  Il  tint  tête  à  Kukumur  dans  une  grande  assemblée  où 
celui-cy  réussit  si  mal,  et  partit  pour  l'Italie  sur  des  renseigne- 
ments qui  l'ont  conduit,  dit-on-,  à  rencontrer  à  Florence  ou 
dans  les  environs  UN  HOMME  QUI  N'EST  PAS  EU- 
ROPEEN et  qui  l'a  parfaitement  instruit.  Il  est  revenu  dans 
son  pays,  a  reçu  dans  la  maçonnerie  (à  ce  qu'il  dit  par  ordre 
exprès  de  ses  supérieurs)  trois  princes  allemands  dont  un 
est  le  prince  ferdinand  de  brunswick,  et  depuis  ce  moment 
a  fait  un  très  riche  mariage,  a  reçu  l'ordre  de  Danemark,. 
est  envové  de  cette  cour  à  celle  de  Souabe  et  nage  dans 
les  honneurs  et  s'entoure  même  d'opulence.  Tout  cela  ressemble 
plus  à  Caliostro  qu'au  sage  que  nous  cherchons,  mais  Tie- 
man d'après  Willermoz,  Gleichen  d'après  les  informations 
nous  disent  de  suspendre  notre  jugement.  C'est  donc  un 
homme  à  suivre  avec  attention  et  si  vous  lui  trouvez  de  bons 
principes,  tâchez  de  l'intéresser  à  (Amis  Réunis  12e  degré) 
et  même  parlez  comme  député.  Nous  vous  enverrons  s'il 
nécessaire  mission  expresse  et  demande  en  règle.  Mais  il 
faut  attendre  l'événement  du  Convent  où  sans  doute  il  doit 
jouer  un  çrand  rôle. 


(1)  De  la  main  de  l'Eques.  (N.  de  l'A.) 


fa  Ou/um&t  ctZtifa  o#  ct~  9<  %jzuceu4   c^zsjç  trvnij  cet  fë**'  ^^ 
Uiu  tu*h  C/ujt  c^U  tue Uu/-u+u<jt  <f  h*     Puxitxru*  **Kjezt*jzcc£-  uZûï.  Ut*, 


UlcLr  &GT*-  *kt±(6u4u*ur  Peseta  tu**,  /pzttcJte  ec&eitdHjiA^vt*.-. 


F      js  ' '  * 


tarurv-Q-ÇM.,  eiifUA  (a  jsuA/ûiûSUu&ctf~  u^fucof-  cCec&Zjetreiux  Pau** 

9^l&ltU><s>OLun+*l     fU/U  JJUAUCi    £t/L2m&4K?>    £t/IU^CUV^cJ 

Lfnx^/é^fKCUi^  RefatuUAnbA..  *tJfyu*i  ce  tawusuS- 

UCCuirtrUs  &CC&&T  4wt   e^  Çe/ç^  <&r  Uxu*c*k  et  futas  fitetec  6lo^~ 
(uncaJU^H  e/~CuUacLt    tujzuu     itrjsrUztU* .  louT'£&/u  It/ceué/rte^ 

&es{utfyQuA*  tu>U4  fuuxu«£>£cf- tut fous  4&, fcrtfi4*<^  d.  faiU*  u^u. 

ufizëctwu  -£r~&'  vmec  Ciu  lûnc&eé<r-Qe  Omu  pluictfKs  tuïùu  Jte. 

Wwe^/ft  x\ZHR.  -es  -ujjitcce.  JJuAA4^iusu44i<^^£efn<35~  Z**>~u* 

klZt/Jt  Uau*  U  feuT  UÛ&tcoLc    KcciOtcetajeceP^ thfX<n^t>&e<^c>u4é&«44r 


/ 


.■ 


114 


LE    RIT    PRIMITIF 


ELEVE  DE  FALC...,  IL  CONNAIT  FALC..., 
ces  mots-chefs  dominent  les  autres  dans  les  fiches  du 
Haut  Initié  Savalette  de  Langes.  Que  de  pensées  ils 
évoquent!  En  outre,  une  légende  martiniste  affirme 
qu'en  Angleterre,  avant  la  Révolution,  Falc  ((  le  célèbre 
grand  rabbin  Falck-Schelck  »  avait  donné  au  duc  d'Or- 
léans, Grand-Maître  du  Grand-Orient  de  France,  un 
talisman  qui  devait  le  faire  arriver  au  trône  (i). 

Le  Juif  Falc  suggérant  l'usurpation  du  trône  au  prince 
Gr.  ■;  M.  ".  du  Gr.  \  Or.  \  de  France  !  Le  Juif  Léman, 
«  élève  de  Falc  »,  «  AVEC  »  le  F.  \  chevalier  de 
Luxembourg!  Et  ces  «  vieillards  de  Souabe  »,  et  cet 
homme  «  qui  n'est  pas  européen  »  instruisant  Wec- 
ter  (2)  lequel  ((  reçut  dans  la  Maçonnerie  (à  ce  qu'il 
((  dit  par  ordre  exprès  de  ses  Supérieurs)  »  le  prince 
de  Brunswick  !  Que  d'êtres  mystérieux  auprès  des  chefs 
apparents  (les  têtes  postiches  !)  des  Maçonneries  fran- 
çaise et  allemande  ! 

Si  l'on  doute  encore  que  les  FF.  \  désignés  ci- 
dessus  à  Y  B  que  s  par  Savalette  fussent  du  nombre  des 
((  Supérieurs  Inconnus  »,  on  ne  doutera  plus  quand  on 
retrouvera  plus  loin  (p.  398)  les  plus  importants  d'en- 
tre eux  signalés  cette  fois  par  YEques  au  haut  initié 
d'Harmensen,  dans  une  lettre  évocatrice  du  21  août 
1806. 

Remarquons  en  outre  qii  un  lien  étroit  réunit  tous 
ces  liants  initiés  :  l'occultisme  judaïque  et  kabbalisti- 
quC;  qu'il  leur  vienne  des  Cohens  Martinistes  du  Juif 
Martinès  ou  des  ((  Rose  Croix  de  Wetzlar  »  —  Wetz- 
lar  dont  la  célèbre  Loge,  étroitement  liée  à  la  Log*e  de 
Francfort,  avait  à  sa  tête  en  1782  le  F.  \  Abel.  Or,  le 


(1)  Fréd.  Bulau,  Personnages  énignutiques,   1861,   t.  I.  p. 

(2)  Le  F.*,  baron  de  Wiechter.  Voir  plus  haut,  p.  112. 


le;  rit  primitif 


US 


F.  '.  Abel  était  l'arrière-grand-père  de  réminent  pré- 
dicateur viennois,  le  P.  Abel,  S.  J.  dont  on  connaît 
la  révélation  si  émouvante  publiée  par  M.  Gall  dans 
Y  Intermédiaire  des  Chercheurs  et  des  Curieux  du  30 
mai  191 2:  ce  F.'.  Abel,  dans  un  congrès  maçonnique  à 
Francfort,  avait  proposé  «  l'assassinat  de  tous  les  mo- 
narques conservateurs  de  l'Europe  !  »  Mais  si  le  F.  \ 
Abel  était  le  chef  apparent  des  FF.  \  de  Wetzlar,  — 
«  le  plus  instruit  »  d'entre  eux,  «  l'homme  le  plus 
intéressant  »  aux  yeux  de  Savalette,  c'était  à  Wetzlar 
le  F.  \  baron  de  Waldenf eld,  celui  qui  ((  CONNAIT 
FALC  ))  !  Et  nous  voici  ramenés  à  l'idée  qui  transpire 
à  travers  toutes  les  pages  de  notre  étude  :  derrière  les 
maçons  les  plus  en  vue,  coupables  parfois  des  pires 
actions,  mais  suggestionnés,  poussés,  parfois  à  demi 
inconscients,  —  il  y  a...  les  vrais  initiés. 


CHAPITRE    VII 


Kabbale,   Martinisme  et  Anarchie 


Nous  avons  déjà  dit  que  ïBques  a  Capite  Galeato 
n'est,  au  fond,  ni  un  protestant,  ni  un  musulman,  ni  un 
catholique  ;  il  est,  uniquement,  un  pur  adepte  de  la 
Maçonnerie.  Mais  son  Rit  Primitif  ne  professe-t-il  pas 
les  dogmes  Martinistes  ?  Sans  doute,  car  tout  Régime 
Maçonnique  doit  professer  une  doctrine  philosophique 
et  religieuse,  quelle  qu'elle  soit.  C'est  au  xvme  siècle 
la  loi  fondamentale  de  toutes  les  Sectes  que  nous  avons 
étudiées.  Extérieurement  donc,  et  bien  qu'il  soit  athée, 
le  marquis  professe,  enseigne,  défend  la  doctrine  Mar- 
tiniste  dans  les  Loges  des  hauts  initiés.  Mais  les  dog- 
mes du  Juif  Martinez,  exposés  par  d'Hauterive,  et  bril- 
lamment expliqués  par  L.  CL  de  Saint-Martin,  ne  sont 
point  faits  pour  gêner  les  conceptions  du  marquis.  Ils 
viennent  au  contraire  appuyer  ses  idées  les  plus  subver- 
sives. En  quelques  brèves  formules,  que  nous  lui  em- 
pruntons, voici  le  résumé  de  ce  que  nous  n'osons  appeler 
son  système  religieux  et  philosophique  :  Dieu  est  un  et 


n8 


LE    RIT    PRIMITIF 


tri/ne  :   intelligence,   force,   volonté  ;  père,   fils,   esprit. 
L'Eternel  est  un  centre.  La  création  est  sa  circonfé- 
rence. L'Eternel  émana  V Homme  ou  Adam,  ou  le  Mi- 
neur.  Adam,   ou   Homme   roux   ou   Réaux,   signifie  : 
Etre  rehaussé  ex  GLOIRE  SPIRITUELLE  divine.  L'Eter- 
nel émana  Adam  dans  un  corps  de  gloire  incorruptible, 
qui  n'était  assujetti  à  aucune  influence  de  la  partie  élé- 
mentaire.   Immatériel,   Y  Homme  n'avait   aucun  besoin 
d'un  aliment  matériel,  toute  sa  forme  étant  purement 
spirituelle.   En  Yémanant,  Dieu  lui   avait  donné  pour 
mission  d'attaquer,  de  combattre,  de  réduire  les  esprits 
pervers,  et  d'opérer  ainsi  leur  réconciliation.  L'Homme 
se  serait  perpétué  par  son  VERBE,  en  opérant  une  forme 
de  gloire,  semblable  à  la  sienne,  dans  laquelle  Dieu  au- 
rait   fait    descendre    un    esprit.    Quelle    fut    la    faute 
d'Adam  ?  Pur  souffle  de  l'Eternel,  il  osa,  malgré  Dieu, 
prétendre  lire  dans  l'infinité  de  Dieu,  et  mérita  d'être 
opprimé   par  la   majesté   divine.    Les   esprits   pervers, 
qu'il  avait  mission  de  combattre   et  de   réduire,   pour 
opérer  leur  réconciliation,  eurent  bientôt  conscience  du 
grave  attentat  commis  par  Y  Homme  contre  Y  Eternel 
Ces  esprits  démoniaques  firent  dévier  la  pensée  d'Adam. 
\J Homme  convoita  les  plaisirs  sensibles;  sa  convoitise 
donna  l'existence  à  /'objet  et  à  la  compagne  de  son 
malheur  :  la  femme.  Si  YHommc  n'eût  jamais  péché, 
la  femme  n'eût  jamais  été. 

Précipités  par  la  justice  de  l'Eternel  du  centre  des 
régions  célestes,  Y  Homme  et  sa  compagne  furent  con- 
traints d'aller  se  revêtir  dans  les  abîmes  de  la  terre 
d'une  forme  semblable  à  celle  que  nous  avons.  Le  couple 
humain  devint  sombre  et  ténébreux,  par  le  crime  de 
YHomme  et  par  la  nudité  où  il  se  trouva.  L'Etemel  dé- 
pouilla Adam  de  son  corps  de  gloire-  ainsi  que  l'Ecri- 
ture le  raconte  d'une  manière  emblématique,  en  disant 
que  Dieu  leur  fit  des  habits.  Or  Yhabit,  qu'il  leur  fit, 
n'est  autre  chose  que  la   forme   matérielle,  qui    couvre 


LE   RIT    PRIMITIF 


II9 


notre  être  spirituel.  L'Homme  parcourra  désormais 
sa  carrière  temporelle,  pour  parvenir  à  sa  réintégration. 
C'est  par  la  pensée  active  et  par  la  pensée  seule  qu'il 
pourra  se  purifier,  et  s'unir  directement  à  YEternel. 

Ce  que  nous  appelons  le  corps  n'étant  qu'une  enve- 
loppe éphémère,  un  élément  hétérogène,  une  sorte 
d'entrave,  une  logette  obscure,  où  l'âme  est  comme  en- 
fermée in  carcere  duro,  V esprit  immatériel  et  pensant 
n'a  pas  à  se  préoccuper  de  ce  qui  se  passe  dans  ce  corps 
matériel-temporel.  Les  souillures  de  ce  fantôme  téné- 
breux, les  actions  les  plus  abominables  de  cet  odieux 
étranger  ne  sauraient  pénétrer  jusqu'à  la  forme  spiri- 
tuelle et  doivent  la  laisser  indifférente.  L'Esprit  purifié 
par  la  pensée,  remontera  un  à  un,  grâce  aux  esprits  de- 
meurés bons,  et  malgré  les  esprits  diaboliques,  les  de- 
grés de  cette  échelle  du  haut  de  laquelle  son  orgueil  le 
précipita.  Parvenu  au  terme,  dépouillé  enfin  de  son 
enveloppe  mortelle,  par  ce  que  nous  appelons  très  im- 
proprement la  mort,  et  que  nous  devrions  nommer  la 
réintégration,  il  rentrera  pour  toujours  dans  le  sein  qui 
4'avait  émané. 

Fils  de  Dieu,  Dieu  lui-même,  il  ne  saurait  trouver 
dans  ses  semblables  un  être  supérieur  à  lui.  Il  est  l'égal 
de  tous  les  autres  esprits  et  tous  les  autres  esprits  sont 
ses  égaux.  Tous  les  êtres  matériels,  qui  nous  entourent, 
cette  nature  visible,  ces  mondes  qui  roulent  au-dessus 
de  nous,  ne  sont  que  le  prolongement  de  notre  corps,  et 
donc,  ne  sont  pour  Y  esprit  qu'une  prison  agrandie.  Tem- 
porelles, caduques,  faites  pour  retourner  au  néant, 
ces  choses  doivent  être  pour  nous  comme  si  elles 
n'étaient  pas. 

Tel  est  en  résumé  le  système  de  YEques.  Ce  n'est  pas 
autre  chose,  redisons-le,  que  du  Martinisme,  c'est-à-dire 
au  fond,  de  la  Kabbale  juive.  / 

On  entrevoit  déjà  les  conséquences  de  pareils  prin- 
cipes :  Point  d'autonte,  et,  donc,  point  de  gouverne- 
ment; point  de  lois,  et,  donc,  point  de  législateur;  point 


120 


IvE    RIT    PRIMITIF 


de  famille;  point  de  société;  plus  de  nationalités;  plus 
de  frontières;  plus  de  patries.  La  Religion  naturelle 
n'est  qu'un  vain  mot.  Et  donc,  c'est  l'athéisme  pratique 
le  plus  affreux;  c'est  le  plus  abject  matérialisme;  c'est 
le  nihilisme  le  plus  absolu. 

Nous  laissons  de  côté  les  combinaisons  et  les  consi- 
dérations mystiques,  fondées  sur  les  nombres  et  les 
Rites  pratiqués  par  les  adeptes,  et  les  évocations,  les 
conjurations  en  honneur  parmi  eux... 

Voilà  donc  le  système  théosophique  de  YEques  a  Ca- 
pite  Galeato.  Qu'on  relise  attentivement  le  texte  entier 
des  Actes  Constitutifs  de  son  Régime.  Qu'on  relise  en 
particulier  ces  déclarations  :  «  Nous  ne  négligerons 
«  pas  de  rappeler  à  nos  Frères  que  toute  puissance  éta- 
((  blie  vient  de  Dieu,  que...  etc.  »  Cette  pièce  unique, 
admirée  par  les  Grands-Officiers  du  Grand  Orient  de 
France,  et  par  les  Maîtres  les  plus  savants  de  cette  épo- 
que, ne  nous  apparaît-elle  pas  comme  un  monument 
de  la  plus  insigne  mauvaise  foi  ?  N'est-elle  pas  bien 
faite  pour  éclairer  les  aveugles  volontaires,  et  pour 
forcer  la  conviction  des  plus  incrédules  ? 

Or,  cette  pièce  est  pour  nous  peu  de  chose.  Pour  pé- 
nétrer l'âme  de  YEques  a  Capite  Galeato,  il  faut  lire  ce 
qu'il  a  écrit,  il  faut  entendre  l'écho  fidèle  de  ce  qu'il  a 
dit.  En  lisant  ce  qui  va  suivre,  le  lecteur  doit  avoir 
constamment  présents  à  la  pensée,  la  doctrine  histo- 
rique, politique,  religieuse,  philosophique  et  morale  du 
créateur  du  Rit  Primitif,  et  le  but  où  il  tend,  c'est-à- 
dire  l'anéantissement  de  toute  autorité  et  de  la  Religion 
catholique. 


CHAPITRE     VIII 


Comment  "   l'Eques  "  écrit  l'Histoire. 

Nous  citerons  d'abord,  en  les  commentant,  quelques 
pages  d'histoire,  écrites,  en  forme  d'Annales,  pour  les 
adeptes  de  sa  Loge  bleue.  Il  ne  faut  pas  oublier  que 
cette  Loge  est  composée  de  simples  apprentis,  compa- 
gnons et  vénérables  Maîtres,  c'est-à-dire  «  de  bêtes  et 
de  buses  »,  selon  les  expressions  chères  au  marquis. 
L'Eques  raconte  à  ses  disciples  l'histoire  de  la  Loge 
Ancienne  qu'il  restaura,  en  1779,  pour  y  abriter  le  Rit 
Primitif  : 

«  La  Franche-Maçonnerie,  introduite  en  France  par  quel- 
ce  ques  Anglais,  il  y  a  environ  cinquante  années  (1720-1725),  y 
«  fut  accueillie  avec  empressement  et  s'y  propagea  même  avec 
«  plus  de  sécurité  que  partout  ailleurs.  » 

Telle  est  donc  pour  YBques  a  Capite  Galeato  l'on- 


122 


LE    RIT    PRTMITIF 


gine  de  la  Franc-Maçonnerie.   Elle  est  née  en  Angle- 
terre et  nous  est  venue  d'au-delà  du  détroit. 

Seule  la  Secte,  si  elle  l'eût  voulu,  eût  pu  écrire  sa 
véridique  histoire.  Elle  ne  l'a  pas  fait.  Nous  pouvons 
hardiment  avancer  qu'elle  ne  le  fera  jamais  : 

Cet  oracle  est  plus  sûr  que  celui  de  Calchas. 

Comme  le  serpent,  pris  pour  symbole  dans  quel- 
ques-uns de  ses  systèmes,  elle  tient  sa  tête  soigneuse- 
ment cachée.  Ses  lointaines  origines  seront-elles  jamais 
connues  ?  Les  chercheurs  tenaces,  les  explorateurs  pa- 
tients nous  apporteront-ils  jamais  des  preuves  sans  ré- 
plique ?  Il  ne  faut  point  désespérer.  Cette  passionnante 
étude  provoque  de  toutes  parts  les  efforts  les  plus  mé- 
ritoires et  les  plus  constants. 

Mais  la  Société  secrète  fera  tout  pour  égarer  nos 
recherches.  Elle  a  créé  et  entretenu  une  perpétuelle  con- 
fusion entre  elle-même  et  la  Franc-Maçonnerie.  Elle 
nous  apprit  à  raisonner  ainsi  :  ((  La  Franc-Maçonne- 
rie a  paru  à  telle  époque,  à  telle  heure,  et  l'on  est  con- 
venu de  l'appeler  une  Société  secrète.  Donc  aucune  So- 
ciété secrète  n'a  existé  avant  elle.  » 

Argument  vraiment  puéril  !  Apprenons  enfin  à  dé- 
gager la  vérité  historique  de  l'ombre,  où  tant  d'astuce 
et  de  si  savantes  manœuvres  ont  réussi  à  la  retenir. 

Et  d'abord,  observons  qu'elle  nous  trompe,  au  mo- 
ment même  où  elle  semble  nous  apporter  volontiers  son 
acte  de  naissance.  La  Maçonnerie  fut  introduite  en 
France  par  quelques  Anglais.  Mais  qui  l'avait  enfan- 
tée ?  Le  marquis  voudrait-il  nous  rappeler  le  vers  du 
poète  : 

Natatn  sine  semine  prolcm  ? 

Sous  un  nom  nouveau,  celui  de  F ranthe -Maçonne- 
rie, la  Société  Secrète  poursuivait  avec  ardeur  le  but 
des  Associations  antérieures.  Elle  est  plus  ancienne 
que  l'Eglise.  Dès  les  premiers  jours  elle  se  dressa  con- 


I.E    RIT    PRIMITIF 


123 


tré  cette  Epouse  du  Christ.  L'histoire  des  peuples  chré- 
tiens est,  en  partie,  à  refaire.  Une  donnée  inconnue,  et 
pourtant  nécessaire  à  la  solution  des  plus  hauts  pro- 
blèmes, a  toujours  échappé  aux  regards  de  l'historien, 
du  critique,  du  penseur.  La  cause  éloignée  des  événe- 
ments est  demeurée  cachée.  Quelles  pages  eussent  écrit 
Bossuet,  de  Maistre,  Veuillot,  si  Barruel,  Deschamps. 
Cl.  Jannet,  Delassus  leur  eussent  révélé  et  surtout  si 
G  pin-Albancelli  leur  eût  expliqué  ces  mystères  d'ini- 
quité que  le  grand  Evêque  de  Meaux  ignora,  que  les 
deux  autres  illustres  écrivains  ont  à  peine  soupçonnés. 
Leurs  cris  puissants,  leurs  clameurs  d'alarme  eussent 
peut-être  réveillé  le  monde  catholique. 

Vainement  plusieurs  Papes  élevèrent  leur  voix.  Ni 
les  rois,  ni  les  peuples  ne  surent  l'entendre.  Quelques 
rares  Evêques  seulement  s'en  firent  l'écho.  Jusqu'en 
1789,  et  même  plus  tard,  on  écrivait  :  «  L'Enfer  à 
telle  époque  déchaîne  sa  fureur  contre  l'Eglise.  » 
Cela  fut  et  demeure  vrai.  Mais  l'Enfer  s'était  forgé 
un  instrument  terrible  :  la  Société  Secrète. 

On  surprend  la  main  de  ses  adeptes  dans  toutes  les 
hérésies  qui  ont  déchiré  le  sein  de  l'Eglise,  de  Marcion 
à  Loisy,  et  des  Judaïsants  aux  modernistes;  dans  tou- 
tes les  révolutions  qui  ont  ébranlé  le  monde.  Quelques 
imbéciles  officiers  du  Grand  Orient  l'avouent  et  le  pro- 
clament insolemment  aujourd'hui,  parce  que  leur  in- 
fluence triomphante  se  croit  assez  forte  pour  s'afficher 
au  grand  jour.  Mais  ce  langage  inconsidéré  n'est  pas 
dans  la  tradition  de  la  secte.  «  Il  faut  tenir  cachées 
les  lointaines  origines  »  :  voilà  le  mot  d'ordre. 
Si  des  secrets  ont  été  surpris  :  qu'on  les  divulgue  ;  mais 
en  mêlant  le  faux  et  le  vrai,  qu'on  fasse  si  bien  que  les 
plus  avisés  et  les  plus  sagaces  eux-mêmes  ne  puissent 
démêler  l'écheveau. 

C'était  la  bonne  méthode,  celle  qu'avait  apprise  et 
que  ne  cessait  de  préconiser  le  Marquis,  vrai  géant  de 


124  LE    RIT    PRIMITIF 

la  Maçonnerie,  auprès  duquel  nos  chétifs  Lafferre,  Co- 
culctj  Guyot  et  Bouffandeau  ne  sont  que  des  pygmées. 
En  1784,  il  écrivait  aux  Philalèthes  : 

«  Dans  ma  notice  sur  les  Compagnons  du  devoir,  on  a  vu 
«  mon  opinion  sur  l'histoire  de  la  Maçonnerie.  Le  Livre  des 
«  Constitutions,  imprimé  par  les  soins  de  la  Grande-Loge  de 
«  Londres,  mes  recherches  continuelles  depuis  quinze  ans,  et 
«  la  conversation  des  plus  zélés  maçons  des  différentes  par- 
«  ties  de  l'Europe,  m'ont  forcé  de  renoncer  à  l'opinion  que 
«  je  nourrissais  avec  fanatisme  sur  l'antiquité  prodigieuse  de 
«  la  Maçonnerie.  Enfin,  j'ai  dû  voir  le  vide  des  illusions  dont 
«  je  m'étais  bercé  à  cet  égard,  et  aujourd'hui,  je  suis  intime- 
«  ment,  et  de  bonne  foi,  convaincu  que  l'Ordre  des  Francs- 
«  Maçons  est  d'institution  très  moderne.  » 


Or,  ce  revirement  d'opinion  coïncide  avec  l'élévation 
du  Marquis  aux  plus  hauts  grades.  Désormais  il  ne 
souffrira  pas  que  l'on  discute  sérieusement  cette  ques- 
tion redoutable. 

En  1782,  à  l'occasion  du  fameux  Convent  de  Wil- 
helmsbad,  les  agents  du  Pouvoir  occulte  furent  quelque 
temps  comme  débordés.  La  Maçonnerie  universelle 
était  extrêmement  agitée  par  cette  double  question, 
à  laquelle,  pensait-on,  les  Députés  donneraient  enfin 
une  réponse  définitive  :  Quels  sont  les  Supérieurs  ? 
Quelle  est  l'origine  vraie  de  la  Maçonnerie  ?  Quelques 
adeptes  fort  instruits,  fort  estimés,  mais  imprudents, 
multiplièrent  les  recherches  pour  démontrer  que  les 
Maçons  étaient  les  successeurs  légitimes  des  Chevaliers 
du  Temple,  héritiers  eux-mêmes  de  quelque  Associa- 
tion secrète  antérieure.  Beyerlé,  Willermoz  et  les  frères 
de  Lyon,  le  prince  Charles  de  H  esse  Cassel  et  le  baron 
de  Gleichen  étaient  parmi  les  plus  zélés.  L'Illuminé 
Bodc  soutenait  même,  dans  un  but  que  nous  révélerons 
plus  tard,  que  les  Bénédictins  ou  les  Dominicains  d'An- 
gleterre avaient  servi  comme  d'intermédiaires  entre 
les  Templiers  et  les  Maçons  du  XVIIIe  siècle. 


LE    RIT    PRIMITIF  125 

UBques  a  Capite  Galeato  prend  la  plume  et  les  ré- 
fute : 

«  Je  n'entre  pas,  écrit-il,  dans  la  discussion  de  la  foule  des 
«  médailles,  chartes  et  monuments  tronqués  et  supposés,  par 
«  lesquels  on  prétend  étayer  la  fable  de  l'antiquité  de  l'Ordre 
«  des  Francs-Maçons.  La  réunion  de  quelques  mots  ou  de 
«  quelques  symboles  que  le  hasard  ou  le  caprice  d'un  artiste 
a  a  rassemblés,  suffît  à  la  plupart  des  Frères,  pour  en  déduire 
«  une  analogie,  un  rapport,  une  filiation.  Laissons  ces  hochets 
«  à  ceux  qui  sont  susceptibles  de  s'en  amuser,  et  puisque  nous 
«  aimons  et  cherchons  la  vérité,  soyons  soigneux  à  observer 
«  les  caractères  qui  la  constituent  en  toute  chose.  » 

Après  une  si  noble  et  si  belle  déclaration,  deux  cher- 
mantes  anecdotes  :  • 

«  Pour  nous  donner  quelque  méfiance  sur  l'authenticité  et 
«  l'importance  des  prétendus  monuments  maçonniques,  rap- 
«  pelons-nous  l'aventure  du  Révérend-Frère  de  Langes.  II 
((  voyageait  en  Picardie  ;  il  entra  dans  la  maison  d'une  com- 
«  manderie  de  Malte  ;  il  apprit  qu'elle  avait  appartenu  aux 
«  Templiers.  Imbu  des  contes  que  font  beaucoup  de  gens,  des 
«  rapports  qu'il  y  a  entre  les  Templiers  et  les  Francs-Maçons, 
«  ainsi  que  des  traces  qu'on  prétend  en  avoir  trouvées  en 
«  quelque  mausolée,  il  recherche  et  visite  tout  avec  la  plus 
«  grande  attention. 

«  Il  fut  dans  les  transports  de  joie,  lorsque,  dans  une  cui- 
«  sine  et  sur  le  vaste  chambranle  d'une  cheminée,  il  découvrit 
«  trois  gros  maillets  sculptés  en  relief.  Le  Frère  Radel  était 
«  avec  lui  et  fut,  à  l'instant,  prié  de  tracer  le  croquis  de  la  che- 
«  minée,  et,  surtout,  des  sacrés  maillets. 

«  Le  Frère  de  Langes  se  proposa  de  dresser  lui-même  le 
«  procès-verbal  de  cette  découverte  précieuse,  et,  bientôt,  ce 
«  monument  incontestable,  vérifié  par  un  maçon  aussi  éclairé 
«  que  zélé,  et  qui  jouissait  de  la  plus  grande  considération, 
«  allait  rendre  pour  jamais  inexpugnable  la  liaison  des  Tem- 
«  pliers  avec  une  des  trois  lumières  d'une  Loge  de  Francs- 
«  Maçons. 

«  Mais  heureusement,  ou  malheureusement,  un  commandeur 


126 


LE    RIT    PRIMITIF 


«  qui  était  au  fait  de  l'historique  de  son  local,  vint  dissiper 
«  l'illusion,  et  apprit  à  nos  Frères  que  la  maison  avait  été 
a  restaurée  anciennement  par  un  commandeur  du  nom  de 
«  Mailly,  dont  on  avait  mis  les  pièces  d'armoiries  sur  cette 
«  cheminée,  aussi  bien  qu'en  d'autres  endroits  qui  s'étaient 
«  moins  conservés. 

«  Si  l'on  examine  attentivement  cette  anecdote,  et  que  l'on 
«  apprécie  tous  les  autres  monuments  maçonniques,  d'après 
«  l'événement  de  celui-ci,  on  ne  pourra  se  dispenser  de  con- 
«  venir,  que  d'après  les  préventions  établies  en  faveur  du 
«  système  des  Maçons-Templiers,  les  trois  maillets  étaient 
«  plus  propres  que  toute  autre  chose  à  faire  illusion  à  un 
«  maçon,    quelque  éclairé  et  réfléchi  qu'il  puisse  être.  » 

L'aventure  est  curieuse  et  le  récit  qu'en  fait  YEqucs 
ne  manque  pas  de  piquant.  Notre  conteur  mis  en  verve 
se  fera  surprendre  en  flagrant  délit  de  mensonge.  C'est 
sciemment  qu'il  altérera  la  vérité  : 

«  Rappelons  encore  une  aventure  de  Turin,  qui  tend  à  prou- 
«  ver  également  les  effets  de  la  prévention.  En  1779-1780, 
«  le  cardinal  des  Lances  abusa  de  la  confiance  du  roi  de  Bar- 
ce  daigne  et  l'engagea  à  persécuter  les  Francs-Maçons.  Il  fut 
«  informé  qu'un  graveur  de  Turin  faisait  des  bijoux  maçon- 
ce  niques.  On  fit  une  descente  chez  le  pauvre  graveur  ;  on 
«  saisit  ;  on  verbalisa.  Pendant  rénumération  des  pièces,  le 
■«  graveur  fait  ses  représentations  sur  une  plaque  en  taille- 
«  douce,  qu'il  avait  gravée,  pour  Monsieur  le  docteur  Giraud. 
a  On  lui  objecte  le  serpent  qui  entoure  le  nom. 

«  Il  a  beau  répondre  que  Monsieur  le  docteur  Giraud  est 

«  médecin,  et  que  le  cartouche  de  ses  billets  de  visite  est  ana- 

«  logue   à    sa  profession,   dont  le    serpent   est   un   emblème, 

«  reconnu    par    toutes   les    iconologies  ;   l'inquisiteur    obstiné 

«  prescrit  au  "greffier  d'écrire  et  s'écrie,  avec  emportement  : 

a  Mo,  no;  qitcsto  e  Maçonico !   Qucsto  e  Maço-nico !  » 

Le  marquis  conclut  : 

«  Ces  deux  exemples,  l'un,  d'un  maçon;  l'autre,  d'un  pro- 
«  fane,  doivent  nous  rendre  circonspects  dans  notre  confiance 
«  aux  prétendus  monuments,  ainsi  qu'aux  relations,  même 
«  revêtues  de  formalités  et  d'actes  juridiques.  » 


LE    RIT    PRIMITIF 


I27 


Ce  récit,  qui  représente  le  cardinal  des  Lances  et  l'In- 
quisiteur dans  une  attitude  encore  plus  odieuse  que  ri- 
dicule, serait  très  plaisant  si  nous  ne  savions  trois  cho- 
ses, que  le  marquis  oublie  de  faire  connaître  à  ses 
Frères  et  à  ses  futurs  lecteurs  :  i°  Il  est  vrai  de  dire 
que  le  serpent  est  l'emblème  de  la  profession  médicale;, 
mais  il  n'est  pas  moins  vrai  d'affirmer  qu'il  est  un  des 
symboles  de  la  Maçonnerie;  20  Ce  docteur  Giraud,  mé- 
decin consultant  du  roi  de  Sardaigne,  était  un  adepte,, 
et  des  plus  hauts  grades.  Il  assiste  au  Convent  Général 
de  Wilhelmsbad  en  1782;  il  avait  assisté  au  Convent 
des  Gaules,  tenu  à  Lyon  en  1778.  Savalette  de  Langes 
et  YBques  a  Capitc  Galeato  le  convoqueront  en  1784. 
au  Grand  Convent  de  Paris.  30  C'est  à  Wilhelmsbad, 
et  de  la  bouche  même  de  «  Monsieur  le  docteur  Gi- 
raud »  que  VEques  avait  appris  le  récit  de  cette  aven- 
ture, qui  faillit  tourner  fort  mal  pour  le  médecin  con- 
sultant de  Sa  Majesté  Sarde. 

Et,  donc,  le  Révérendissime  Frère  Eques  a  Capite 
Galeato  —  s'il  eût  été  sincère  —  eût  pu  nous  dire  si  le 
serpent  du  docteur  Giraud  était  un  emblème  profes- 
sionnel ou  un  attribut  maçonnique,  ou  l'une  et  l'autre 
chose  à  la  fois. 

Il  savait  donc  —  on  le  voit  —  même  quand  il  pro- 
mettait la  vérité,  toute  la  vérité  à  ses  Frères,  mêler  sa- 
vamment le  vrai  et  le  faux.  Nous  avons  retrouvé,  dans 
ses  papiers,  cinq  «  disquisitions  »  différentes,  et  toutes 
écrites  de  sa  main,  sur  les  origines  et  le  but  de  la 
((  Franche-Maçonnerie  ».  L'une  d'entre  elles  est  une 
sorte  d'histoire  abrégée,  de  cette  «  Sainte  et  Vénéra- 
ble Institution  »,  destinée  à  être  répandue  dans  le  peu- 
ple, à  circuler  partout,  dans  la  boîte  et  sur  le  dos  des 
colporteurs  et  à  paraître  dans  les  foires,  sur  la  table  des 
petits  étalagistes.  Deux  ou  trois  de  ces  disquisitions 
étaient  jointes,  comme  instructions  historiques,  aux 
cahiers  mis  aux  mains  des  adeptes  du  Rit  Primitif.  Les 
variations,  les  contradictions  que  nous  y  avons  relevées 


128 


LE    RIT    PRIMITIF 


sont  assez  notables  pour  nous  faire  croire  que  YEques 
tenait  à  tromper  tout  le  monde.  S'il  enseigne  au  peuple 
que  ['Illustre  association  des  Francs-Maçons  est  une 
institution  toute  moderne,  vouée  au  culte  de  la  Bien- 
faisance, très  attachée  aux  gouvernements  établis,  in- 
vinciblement fidèle  à  la  plus  sainte  des  religions,  il  ne 
craint  pas  de  révéler  aux  membres  de  sa  Loge  bleue 
que  son  origine  est  antique  comme  l'homme  et  que,  par 
Jésus-Christ,  Platon,  Pythagore,  les  Egyptiens,  Moïse, 
Abraham,  Xoé,  les  patriarches,  elle  se  rattache  à  sept 
fils  d'Adam,  notre  premier  père. 

Ce  serait  donc  relativement  assez  tard  que  la  Fran- 
che-Maçonnerie aurait  été  introduite  en  France.  Et  en 
effet,  la  renaissance  des  Sociétés  Secrètes  date  du  pre- 
mier quart  du  XVIIIe  siècle.  Ce  fut  par  des  Anglais 
que  les  premières  Loges  furent  établies  dans  notre  pa- 
trie. L'envahissement  semble  avoir  commencé  par  les 
villes  qui  étaient  en  relations  commerciales  plus  suivies 
avec  la  grande  île,  notre  voisine.  Dunkerque  eut  sa  loge 
en  1721  ;  Paris,  en  1735,  d'après  quelques  auteurs,  no- 
tamment Deschamps  ;  Bordeaux,  Valenciennes.  Le 
Havre    suivirent    à    peu    d'années    d'intervalle  :    1732, 

1733,  i/39- 

Dans  une  disquisition  mise  en  tête  du  huitième  de- 
gré de  son  Rit  Primitif,  le  marquis  nous  fournit,  sur 
l'apparition  du  Rit  Anglais,  quelques  détails  précieux  à 
conserver  : 

«  Si  comme  toutes  les  familles,  les  nations,  les  associa- 
«  tions,  celle  des  Francs-Maçons  s'est  donné  une  origine  aussi 
«  reculée  que  romanesque,  on  doit  convenir  cependant  qu'elle 
«  a  eu  la  bonne  foi  de  ne  point  dissimuler  ses  commence- 
«  ments  modestes,  en  quelque  sorte  marqués  au  coin  de  l'hési- 
«  tation  et  du  tâtonnement.  » 

Admirons,  en  passant,  la  prodigieuse  habileté,  l'as- 
tuce consommée  dont  YEques  a  Capite  Galeato  fait  ici 
preuve.  Il  parle,  comme  en  souriant  et  avec  une  char- 


.- 


LE    RIT    PRIMITIF 


129 


mante  bonhomie,  de  cette  manie  innocente  qu'ont  tou- 
tes les  sociétés  de  se  vieillir,  de  se  donner  d'illustres 
ancêtres.  La  Franche-Maçonnerie  n'en  fut  pas  exempte. 
Mais,  semble-t-il  dire,  avec  Juvénal  : 

Stcmmata  quid  faciuntf 

Du  même  coup,  il  fait  honneur  à  cette  société  nou- 
velle a  de  la  bonne  foi  qu'elle  a  eue  de  ne  pas  dissi- 
muler ses  commencements  modestes  ».  Mais  VBques 
s'est  laissé  tomber  dans  une  contradiction  qui  nous 
étonne  :  l'innocente  manie  de  se  donner  une  origine  re- 
culée et  d'illustres  ancêtres  est-elle  conciliable  avec  la 
bonne  foi  «  de  ne  point  dissimuler  ses  modestes  com- 
mencements »  ? 

Le  marquis  parle  de  ((  bonne  foi  ».  C'est  la  bonne 
foi  du  serpent  qui  cache  sa  tête. 
.  Le  marquis  poursuit  : 

«  Dans  quelques  éditions  du  Livre  des  Constitutions,  im- 
primé par  les  ordres  de  la  Grande-Loge,  de  Londres,  on  voit 
que  le  n°  1,  de  la  Série  des  Grands-Maîtres,  est  placé  à  la 
marge,  vis-à-vis  du  nom  de  sa  grâce  le  duc  de  M  ont  aigu,  élu 
et  installé  Grand-Maître  en  1721.  En  effet,  c'est  alors  que  cette 
coterie  ayant  pris  un  caractère  plus  décent  et  plus  agréable  par 
les  soins  du  docteur  Théophile  Désagiilicrs,  du  mathématicien 
Andcrson,  et  autres  gens  de  lettres,  sortit  naturellement  et  se 
sépara  toujours  davantage  de  la  fraternité  des  ouvriers  méca- 
niques, tout  en  conservant  une  partie  des  formes  et  du  ton  de 
couleur  qu'elle  y  avait  puisés.  )> 

Ruinons  cette  nouvelle  légende,  inventée  de  toutes 
pièces  et  répandue  par  la  Secte.  Cette  Institution  se 
serait  confondue,  à  l'origine,  avec  la  corporation  des 
architectes  et  des  ouvriers,  es  pierres  vives,  qui  élevè- 
rent nos  merveilleuses  cathédrales  et  bâtirent  ces  palais 
que  notre  génération  peut  encore  admirer. 

Il  n'en  est  rien.  UBques  en  recourant  à  cette  lé- 
gende,  obéit   au  mot   d'ordre  qu'il   avait   reçu  et  qu'il 


130 


LE    RIT    PRIMITIF 


passait  lui-même  à  ses  successeurs.  En  réalité,  la  Fran- 
che-Maçonnerie prit  à  la  corporation  des  maçons  bâtis- 
seurs ses  emblèmes,  ses  insignes,  ses  symboles,  comme 
les  Rose-Croix  empruntèrent  aux  premiers  alchimistes 
leurs  bizarres  formules,  comme  ïBqucs  a  Capitc  Ga- 
leato  lui-même  trouva,  pour  les  «  Modestes  et  Magni- 
fiques Chapitres  de  son  Rit  Primitif  »,  dans  les  Chan- 
sons de  Geste  et  jusque  dans  les  institutions  de  l'Eglise, 
les  titres,  «  Majestueux  et  Sublimes  »,  de  Chevaliers 
d'Arthur  et  de  la  Table-Ronde,  et  de  Disciples  du 
Grand-Rosaire  : 

Faux   masques  poses  sur  de   znlains   visages. 


Ce  qui  suit  n'est  pas  moins  intéressant.  On  y  décou- 
vre !e  même  art  de  mêler  le  vrai  et  le  faux,  les  don- 
nées historiques  et  la  légende.  Mais  le  lecteur  averti 
saura  tout  débrouiller. 

((  C'est  en  1724  que  le  Grand-Maître,  lord  Delkeit. 
«  proposa  à  cette  Assemblée  de  pur  agrémtent  de  se 
((  donner  en  même  temps  un  but  utile  par  des  actes  de 
((  bienfaisance  Ce  ne  fut  qu'en  1729  que  le  Comité 
((  de  Charité,  quoique  applaudi  et  goûté,  dès  le  pre- 
((  mier  moment,  reçut  sa  sanction  et  fut  mis  en  acti- 
«  vite.  A  peu  près  à  la  même  époque,  on  voit  naître  et 
«  s'organiser  les  différentes  charges,  offices  et  fonc- 
((  tions  ;  alors  aussi  cette  association,  devenue  intéres- 
«  santé  par  les  manières  et  le  choix  des  personnes, 
«  dont  elle  était  composée,  prit  un  accroissement  pres- 
«  que  incroyable,  et  forma  des  colonies  à  peu  près 
«  dans  toutes  les  villes  bien  habitées  du  monde  en- 
((  tier.   » 

L'habileté  du  narrateur  consiste  ici  à  nous  persuader 
que  la  «  coterie  »  des  Francs-Maçons  fut,  dès  son  ori- 
gine, une  institution  fort  peu  mystérieuse  et  tout  à  fait 
inoffensive  :  elle  ne  fut  d'abord  qu'une  association  de 
pur  agrément.  Ses  membres  sentirent  bientôt  le  noble 


LE)    RIT    PRIMITIF 


131 


besoin  de  se  donner  un  but  plus  élevé.  Tout  en  se  réu- 
nissant pour  goûter  les  charmes  de  la  conversation  et 
de  la  bonne  compagnie,  ils  n'oublièrent  point  le  reste 
des  hommes,  ni,  surtout,  les  infortunés.  Et  donc,  ils 
résolurent  de  se  consacrer  à  l'exercice  de  la  bienfai- 
sance :  pensée  très  belle,  résolution  généreuse,  qui  exi- 
gea plusieurs  années  de  réflexion  pour  se  préciser  et  se 
traduire  en  actes.  Enfin  le  Comité  de  Charité  fut  mis 
en  activité.  Ce  besoin  nouveau  créa  de  nouveaux  or- 
ganes. On  vit  dès  lors  naître  ces  différentes  charges, 
ces  offices,  ces  fonctions,  ces  grades  qui  depuis  ont 
paru  si  bizarres  et  si  redoutables.  La  Maçonnerie  se 
montra  comme  ceinte  d'une  auréole.  Quoi  de  plus  noble 
que  de  se  vouer  ensemble  au  soulagement  des  misères 
dont  l'humanité  est  accablée  !  Les  siècles  passés 
n'avaient  jamais  rien  soupçonné  de  pareil  î  Les  adeptes 
accoururent  en  foule;  c'étaient  des  adeptes  choisis,  des 
hommes  que  distinguaient  le  rang,  la  fortune,  le  talent, 
le  génie. 

En  vérité,  comment  se  défier  d'un  historien  qui  ra- 
conte, avec  une  simplicité  si  touchante,  les  humbles  ori- 
gines d'une  Institution  fondée  uniquement  pour  le  per- 
fectionnement de  ses  membres  et  le  bonheur  du 
monde  ! 

En  1735,  une  députation  des  Loges  de  Paris  vint 
à  Londres  postuler  un  diplôme  de  Loge  Centrale.  Cette 
demande  ne  fut  agréée  qu'en  1743.  La  Loge  Centrale 
de  Paris  eut  pour  premiers  Grand-Maîtres  deux  An- 
glais :  lord  Derwent-Waters  et  lord  d'Harnouester. 
Leur  successeur,  troisième  Grand-Maître,  fut  le  duc 
û'Antin,  élu  en  1738;  le  comte  de  Clermont  prit  sa 
place  en  1743. 

Dès  cette  année,  les  Loges  se  multiplièrent  avec  une 
étonnante  rapidité.  La  France  en  est  semée.  Les  Rites 
les  plus  étranges,  les  Régimes  les  plus  variés,  foison- 
nent   jusqu'à   la   veille    de   la    Révolution.    Parmi    ces 


13-  LE    RIT    PRIMITIF 

innombrables  établissements  destinés  à  satisfaire  tous 
les  goûts,  à  utiliser  toutes  les  aptitudes,  on  distingue  le 
Grand- Orient,  la  Mère-Loge  ou  Grande  Loge  Anglaise, 
la  Grande-Loge  Ecossaise  du  Comtat-Yenaissin  la 
Grande  Loge  du  Rit  Philosophique  Ecossais,  à  Pain  ; 
les  Quatre  Directoires  Ecossais  de  l'Ordre  du  Temple  ; 
le  Conseil  des  Empereurs  d'Orient  et  d'Occident  :  la 
Mère  Loge  du  Rit  Egyptien,  à  Lyon  ;  le  Grand-Cha- 
pitre Général  de  France  ;  le  Grand-Chapitre  de  Hérédom 
de  Kihvinning,  à  Rouen;  le  Chapitre  de  Clermont  et 
celui  d'Ivry,  à  Paris. 

L'Equcs  constate  —  non  sans  une  visible  satisfaction 
—  que  la  Franche-Maçonnerie  se  propagea  chez  nous 
avec  plus  de  sécurité  que  partout  ailleurs. 

Ni  l'Eglise  de  France,  ni  la  Monarchie  ne  s'émurent 
de  cet  envahissement  rapide.  Pas  une  voix  autorisée  ne 
s'éleva  pour  donner  l'éveil  et  prévenir  la  société,  si  dan- 
gereusement menacée.  Le  marquis  écrit  :  «  Les  gens 
((  du  m  onde  les  plus  distingués,  à  la  cour,  dans  la  capi- 
«  taie  et  dans  les  provinces  goûtèrent  à  l'envi  ce  nou- 
((  veau  mode  d'association  et  de  réunion.  » 

Les  nobles  furent  les  premiers  complices.  C'est  appelée 
et  initiée  par  eux  que  leur  perfide  rivale,  la  bourgeoi- 
sie, pénétra  dans  les  Loges.  La  légèreté  proverbiale  de  la 
noblesse  française,  ses  mœurs  de  jour  en  jour  plus  relâ- 
chées, son  incrédulité  raisonneuse  la  firent  donner,  tête 
baissée,  dans  le  piège  qui  lui  était  tendu.  Elle  ne  vit  dans 
ce  nouveau  mode  d'association  qu'un  moyen  de  plus 
d'orner  son  existence.  Cette  noblesse  charmante  et  fière. 
spirituelle  et  brave,  généreuse  et  frondeuse,  que  les  histo- 
riens patentés  et  les  panégyristes  intéressés  de  la  Révo- 
lution s'obstinent  à  nous  peindre  sous  les  plus  noires 
couleurs  :  jalouse  de  ses  droits,  pleine  de  morgue,  enti- 
chée de  ses  titres,  murée  dans  sa  caste,  accepta,  comme 
dit  le  marquis,  avec  enthousiasme,  ce  dogme  que  tous 
les  hommes  sont  égaux,  pourvu  qu'ils  soient  aimables, 
sceptiques,  sensibles,  de  bonne  compagnie,  assez  riches 


LE    RIT    PRIMITIF  133 

des  biens  de  la  fortune  pour  payer,  argent  comptant, 
leurs  grades,  leurs  cordons,  leurs  décorations  et  leur 
part  de  dépense, 

Surtout,  dans  les  temps  de  frerie  (sic), 
Temps  auquel  l'aimable  Cornus, 
Suivi  de  Bacchus,  de  Cythère, 
Ordonne  de  la  bonne  chère 
En  maître  d'hôtel  de  Montas. 

Ainsi  la  barrière  élevée  entre  la  noblesse  et  la  bour- 
geoisie était  jetée  à  terre.  Un  peu  plus  tard,  au  moment 
propice,  la  Secte  ouvrira  les  portes  au  peuple,  non  pas  au 
peuple  laborieux,  mais  à  la  lie  des  villes  et  à  l'écume  des 
campagnes.  La  nuit  du  4  août  avait  été  longuement  pré- 
parée, sinon  même  devancée,  au  sein  des  Loges. 

Mais  d'autres  barrières  furent  renversées.  L'autorité 
paternelle  s'effaça.  Dans  un  atelier  maçonnique,  le  père, 
le  fils,  devenaient  des  frères  ;  et,  dans  les  Loges  d'Adop- 
tion (le  plus  grand  nombre,  sinon  toutes  furent  fondées 
pour  le  plaisir),  la  fille  devait  donner  le  nom  de  sœur  à  sa 
mère.  Un  droit  nouveau,  le  droit  maçonnique,  se  super- 
posait à  tous  les  droits,  et  les  absorbait  tous,  même  le 
|  droit  naturel.  Un  nouveau  dogme  était  proclamé  ;  une 
société  nouvelle  s'organisait. 

La  noblesse  n'y  prit  pas  garde.  Mais  une  partie  du 
Clergé,  et  non  la  moins  distinguée,  fut  peut-être  plus 
coupable  que  l'ensemble  de  la  noblesse.  Pour  entrer  dans 
un  atelier  maçonnique,  il  fallait  renoncer  par  intermit- 
tence, et  tout  le  temps  que  durait  la  tenue  des  travaux, 
aux  droits  sacrés,  aux  privilèges  inaliénables  que  confère 
la  dignité  sacerdotale.  Le  prêtre  maçon  n'est  qu'un 
frère  parmi  des  frères.  Son  caractère  divin  s'éclipse 
devant  le  caractère  maçonnique. 

Certes  !  que  l'on  ne  crie  pas  à  l'exagération  ni  au 
paradoxe.  Que  l'on  ne  dise  point  :  Tirer  de  pareilles  con- 
séquences de  réunions  où  la  fleur  de  la  société  Française, 


i 


134 


LE    RIT    PRIMITIF 


insouciante,  amie  du  badinage,  légère  sans  doute,  mais 
point  méchante,  nullement  anti-religieuse,  ne  songeait 
qu'à  se  divertir,  c'est  chose  excessive. 

Nous  répondons  d'abord  que  tous  les  amusements  ne 
sont  pas  inoffensifs,  qu'il  y  a  des  jeux  et  des  amuse- 
ments très  dangereux.  Nous  ajouterons  que  nous  savons 
trop  à  quoi  nous  en  tenir  sur  les  innocents  badinages 
auxquels  se  livraient  les  adeptes,  dans  le  mystère  des 
arrières-loges,  et  sous  le  sceau  du  secret. 

Ce  qui  est  évident,  c'est  que  la  Franc-Maçonnerie, 
sous  une  forme  badine  et  apparemment  inoffensive,  se 
substituait,  d'un  seul  coup,  à  l'ancien  ordre  social  tout 
entier.  Elle  courbait  tous  ses  disciples  sous  le  niveau 
symbolique.  Elle  arrachait  à  l'Eglise  et  à  l'Etat  leur 
double  magistère. 

Comment  de  pareilles  conséquences  qui  sapaient  les 
bases  de  la  société  domestique,  religieuse,  sociale,  ne 
s'imposèrent-elles  pas  à  l'attention  des  premiers  adep- 
tes, recueillis  par  la  Maçonnerie  parmi  les  nobles  et 
les  hommes  d'Eglise? 

Quelques  historiens  et  des  moralistes  indulgents,  plai- 
dant en  faveur  de  la  noblesse  et  du  clergé  les  circonstan- 
ces atténuantes,  répètent  à  l'envi  que  de  très  honnêtes 
gens,  des  âmes  loyales,  d'excellents  chrétiens,  des  prê- 
tres intelligents,  sérieux,  vraiment  vertueux,  sincèrement 
pieux,  n'entrevirent,  ni  ne  soupçonnèrent  jamais  le  but 
pervers,  abominable,  satanique,  que  se  proposaient  les 
fondateurs  et  les  initiés  les  plus  avancés. 

On  peut,  on  doit  même  en  convenir.  Mais  ces  réunions 
dans  le  mystère  ;  mais  cet  amour  de  l'ombre  :  mais  ces 
initiations,  scellées  par  le  serment  solennel  de  ne  rien 
révéler  aux  profanes  ;  mais  l'indifférence  religieuse  éri- 
gée en  principe,  puisque  les  hommes  professant  les  reli- 
gions les  plus  diverses,  ou  même  les  repoussant  toutes, 
étaient  accueillis  avec  la  même  faveur  ;  mais  la  supério- 
rité, au  moins  tacitement  enseignée,  pratiquement 
admise,  de  tout  ce  qui  est  maçonnique  sur  tout  ce  qui  est 


LE    RIT    PRIMITIF  I35 

étranger  à  la  «  coterie  »  :  tout  cet  ensemble  de  prati- 
ques immorales,  de  maximes  anti-sociales,  déjà  con- 
damné par  le  Pape,  soigneusement  caché  à  l'Eglise  et  à 
l'Etat,  eût  dû  frapper  les  esprits  les  plus  distraits  et 
alarmer  les  consciences  de  ces  hommes  intelligents,  de 
ces  ecclésiastiques  vertueux. 

Le  marquis  poursuit,  sur  le  même  ton  de  bonhomie 
souriante  et  de  candeur  naïve  : 

«  Nos  grands-pères  qui,  à  raison  de  leur  naissance  et  de 
«  leurs  alliances,  se  trouvèrent  en  relation  avec  tout  ce  qu'il 
«  y  avait  de  grand  dans  le  Royaume,  ne  tardèrent  pas  à  suivre 
«  le  torrent,  et  la  Loge  de  N...  fut  composée  de  tout  ce  qu'il 
«  y  avait  de  mieux  dans  la  ville  et  dans  les  environs.  La 
«  noblesse,  qui  en  formait  la  majeure  partie,  vit  avrec  joie  se 
«  réunir  plus  intimement  à  elle,  à  titre  de  maçons,  tous  les 
«  hommes  nés  dans  une  bourgeoisie,  aussi  honorable  qu'an- 
«  cienne,  et  que  leur  éducation,  leurs  manières,  leurs  senti- 
«  ments  avaient  déjà  fait  admettre,  sans  aucune  difficulté, 
«  dans  la  bonne  compagnie. 

«  A  cette  époque,  les  Frères,  étrangers  à  toutes  ces  Maçon- 
«  neries,  compliquées  et  scientifiques,  dont,  s'il  est  permis  de 
«  parler  ainsi,  on  a,  comme  inondé  l'Association,  ne  connais- 
«  saient  dans  l'hiérarchie  (sic)  des  grades,  que  l'Apprenti,  le 
«  Compagnon,  et  le  sublime  Grade  de  Maître. 

«  Le  but  de  cette  société,  s'il  était  un  secret  aux  yeux  des 
«  profanes,  ne  l'était  pas,  du  moins,  pour  les  Maçons  même 
«  Apprentis.  Alors,  et  c'était  l'Age  d'Or  de  la  Maçonnerie,  on 
«   fraternisait  avec  franchise  et  gaieté. 

«  Les  réunions  avaient  lieu  partout  où  l'on  se  flattait  d'être 
«  commodément  et  agréablement.  La  fête  de  Saint-Jean  était 
«  surtout  marquée  par  le  rassemblement  de  tous  les  Frères. 
«  Bonnement,  c'est-à-dire,  par  un  principe  et  une  habitude  de 
«  piété,  simple,  sans  affectation,  comme  sans  hypocrisie,  les 
«  Frères  allaient  ensemble  entendre  la  messe,  qu'ils  faisaient 
«  dire  aux  Capucins. 

«  Ensuite,  ils  élisaient  les  officiers,  faisaient  des  récep- 
«  tions  de  leurs  parents  ou  de  leurs  amis,  en  se  permettant  à 
«  titre  d'épreuves,  quelques  niches  innocentes. 

«  Le  banquet  copieux  et  gai,  qui  couronnait  la  journée,  et 


136 


LE    RIT    PRIMITIF 


«  qui  était  le  véritable  dénouement  de  tous  ces  préludes,  pou- 
«  vait  faire  comprendre  aux  observateurs  que  le  léger  tissu 
«  mystérieux  dont  les  Francs-Maçons  feignaient  de  s'enve- 
«  lopper,  n'avait  pour  objet  que  de  provoquer  la  curiosité  des 
«  prosélytes,  et  de  rire,  en  même  temps,  des  vaines  conjec- 
«  tures  du  public. 

«  Il  ne  faut  pas  négliger  de  dire  que,  en  s'occupant  ainsi 
«  de  leur  plaisir,  et,  tout  en  cherchant,  sous  les  formes 
«  Maçonniques,  un  délassement  à  la  fois  piquant  et  honnête, 
«  à  la  suite  de  leurs  occupations  essentielles  et  sérieuses,  ils 
«  n'oubliaient  pas  d'exercer,  en  commun,  et  en  qualité  de 
«  maçons,  les  actes  de  bienfaisance  et  de  libéralité  qui  leur 
«  étaient  déjà  familiers  comme  hommes  sensibles  et  bim 
«  élevés.  » 


Tel  est  le  tableau  charmant  que  YEqucs  a  Capite 
Galcato  nous  fait  des  premières  années  de  la  ((  Franche- 
Maçonnerie.  »  C'était,  dit-il.  I'age  d'or. 

Ces  ravissantes  couleurs  sont  d'un  peintre  passé  maî- 
tre, dans  l'art  de  créer  des  illusions.  Elles  pourraient 
aujourd'hui  séduire  quelque  naïf  apprenti.  Mais,  les  ini- 
tiés ne  seraient  point  dupes.  En  réalité,  dès  les  premiers 
jours,  la  Secte  maçonnique  attira  ses  crédules  et  frivoles 
adeptes  par  l'appât  des  dignités,  des  grades,  des  décora- 
tions, des  secrets  et  des  mystères.  Elle  a  toujours  été  de 
l'avis  de  La  Bruyère  :  a  II  faut  aux  enfants  les  verges 
((  et  la  férule  ;  il  faut  aux  hommes  faits  une  couronne, 
((  un  sceptre,  un  mortier,  des  fourrures,  des  faisceaux. 
((   des  timbales,  des  hoquetons.  » 

Que  l'Ancienne  Loge  de  X....  la  Loge  proprement 
dite,  n'ait  été  composée  que  des  trois  degrés  d'apprenti, 
de  compagnon,  de  maître,  nous  l'admettons  sans  peine. 
Partout,  il  en  est  encore  ainsi.  Mais  la  Loge  blanche 
ou  bleue }  n'est  que  le  vestibule  du  Temple.  Au  delà 
est  le  saint  des  saints  ;  au  delà  sont  les  chambres  du 
milieu,  les  chambres  du  fond  :  repaires  ténébreux,  aussi 
jalousement  fermés  aux  adeptes  mineurs  qu'aux  pro- 
fanes. 


I,E    RIT    PRIMITIF  137 

Il  y  eut,  donc,  dès  l'origine,  une  superposition  de 
grades  et  de  dignités,  de  secrets  et  de  mystères,  que 
VËques  semble  ici  proscrire,  et  dont  on  pourrait  croire 
qu'il  déplore  l'introduction  dans  la  «  Franche-Maçon- 
nerie )),  si  intéressante  et  si  belle,  à  son  AGE  d'or. 

Mais,  pour  bien  l'entendre,  il  faut  connaître  le  fond 
de  sa  pensée.  Or,  quiconque  aurait,  comme  nous, 
dépouillé  sa  vaste  correspondance,  et  noté  les  aveux 
qu'il  doit  nécessairement  laisser  échapper  —  l'homme  le 
plus  fourbe  et  le  plus  hypocrite  étant  obligé,  par  la  force, 
même  des  choses,  à  dire  quelquefois  ce  qu'il  pense  — 
serait  promptement  persuadé  que  ce  Maître  brusque, 
impérieux,  décidé  à  tout,  livré  corps  et  âme  à  la  Secte, 
mais  d'une  rare  prudence,  a  toujours  présent  le  but,  le 
vrai  but,  le  «  fin  mot  »,  vers  lequel  tend  l'Institution. 

En  quelques  formules  concises,  voici  le  résumé  de  sa 
doctrine  : 

La  Franc-Maçonnerie  est  une. 

Les  multiples  Rameaux  Maçonniques  ne  sont  que  des 
rameaux  issus  du  même  tronc. 

Une  même  fin,  poursuivie  par  des  moyens  différents, 
et  quelquefois  même  opposés  entre  eux  —  en  apparence 
—  est  commune  à  tous  les  Rits. 

L'idéal  —  mais  sera-t-il  jamais  accessible  à  des  hom- 
mes qui  ne  seront  toujours  que  des  enfants?  —  serait  de 
n'avoir  nul  besoin  de  leur  proposer  des  grades,  des  déco- 
rations, des  hochets.  Un  petit  nombre  cîe  supérieurs 
inconnus  ;  la  masse  des  adeptes  dégagés  de  tous  les  anti- 
ques préjugés  ;  le  secret  le  plus  profond  ;  point  d'écrits  : 
telle  devrait  être  la  constitution  maçonnique. 

Mais  les  Rites  sont  diversifiés  à  l'infini,  et,  malheu- 
reusement, doivent  l'être,  ((  afin  d'attirer  et  de  captiver 
les  divers  tempéraments.  » 

Toutefois,  les  rituels,  les  cérémonies,  les  cahiers  d'ins- 
truction, les  emblèmes,  les  discours  d'initiation,  «  ne 
sont  qu'une  ccorcc  )). 


I38  LE    RIT    PRIMITIF 

Les  grades  ne  sont  rien  par  eux-mêmes.  Ils  sont  plus 
ou  moins  pompeux,  selon  les  temps,  les  lieux,  les  cir- 
constances. Ils  sont  conférés  à  des  intervalles,  plus  ou 
moins  éloignés,  pour  permettre  aux  Supérieurs  d'opérer 
une  intelligente  sélection  ;  de  faire  de  leurs  disciples  des 
hommes  nom-eaux  ;  de  les  débarrasser  des  préjugés  phi- 
losophiques, religieux,  politiques  ;  de  les  rendre  dociles 
à  toutes  les  impulsions  venues  d'en  haut  ;  de  les  con- 
duire, comme  par  la  main,  jusqu'au  sanctuaire,  où  le 
vrai  but,  enfin,  se  révèle,  sans  que  l'initié  s'en  étonne,  ou 
que  sa  conscience,  depuis  longtemps  cautérisée,  en  soit 
alarmée. 

Il  y  a  des  «  mortels  heureux  »,  qui,  sans  avoir  jamais 
été  initiés,  sans  avoir  fréquenté  les  Loges,  sont  arrivés, 
par  la  seule  force  de  leur  génie,  à  penser,  à  sentir,  à  agir 
en  vrais  Francs-Maçons.  Sans  appartenir  au  corps  de 
la  Maçonnerie,  ils  appartiennent  à  son  amc. 

Se  complaire  aux  dignités,  aux  grades,  aux  cordons, 
aux  sciences  mêmes  d'un  Régime,  c'est  a  embrasser  des 
écorces  »,  c'est  faire  «  sa  fin,  de  ce  qui  n'est  qu'un 
moyen  ». 

Pour  YBqncs  a  Capite  Galeato  un  vrai  Maçon  serait 
celui  qui  consentirait  à  demeurer  toute  sa  vie,  jusqu'au 
dernier  souffle,  un  apprenti,  c'est-à-dire  un  adepte  vivant 
sous  la  suggestion  incessante  du  Maître  ;  toujours  pen- 
ché sur  les  doctrines  mystérieuses,  pour  en  découvrir  le 
vrai  sens  ;  l'œil  toujours  fixé  sur  les  hiéroglyphes,  pour 
démêler  leur  signification  réelle,  que  le  véritable  adepte 
sait  fort  bien  être  contraire  an  sens  littéral  qu'ils  pré- 
sentent de  prime  abord. 

Rappelons  ici  ce  que  nous  avons  cité,  pages  1 1  et  12. 
de  YEques  et  de  L.  CL  de  Saint-Martin.  Les  Initié?  des 
Sociétés   Secrètes  supérieures  emploient  ce  procédé 
Tartufes  quand  il  s'agit  pour  eux  de  tromper  les  du] 
des  Loges  inférieures,  0  les  buses  ))  et  «  les  bêtes  ï). 

Dans  son  Esquisse  du  Rit  Primitif,  qu'il  attribue  aux 


LE    RIT    PRIMITIF  139 

Fondateurs    lointains    et    demeurés    inconnus    de    son 
Régime,  bien  qu'il  en  soit  l'unique  rédacteur,  il  écrit  : 

«  L'intérêt  bien  entendu  des  Frères  les  plus  empressés  de 
s'instruire,  exige  que  l'en  retrace  ici  ce  passage,  extrait  des 
Règlements  Généraux,  Ch.  IV,  Tit.  1,  Parag.  6.  :  «  Le  grade 
«  d'apprenti  est  celui  qui  convient  le  mieux  à  l'homme  dans 
«  sa  situation  présente,  c'est  celui  qu'il  doit  prendre  habituel- 
«  lement  pour  texte  de  ses  méditations  maçonniques;  c'est 
«  enfin  celui  dont  les  instructions,  les  emblèmes  et  les  allégo- 
u  ries  sont  les  plus  propres  à  lui  rappeler  les  moyens  de  sa 
<(   réintégration. 

«  11  serait  bien  à  désirer  que  les  Frères  ne  connussent  pen- 
«  dant  longtemps  que  le  grade  d'apprenti  ;  ils  le  méditeraient 
«  avec  réflexion,  et  sous  toutes  ses  faces  ;  ils  saisiraient 
«  ainsi  les  vérités  qu'il  cache,  et  celles  qu'il  présente  sans 
«  voiles  ;  ils  deviendraient  Maîtres  sans  s"<m  apercevoir,  et 
(<  leur  avancement  maçonnique  serait  d'autant  plus  avanta- 
«  geux  pour,  eux,  et  d'autant  plus  solide,  qu'ils  ne  le  devraient 
«  qu'à  leur  propre   travail.   » 

Dans  une  dépêche  au  Très  Illustre  Frère  Pyron,  33e 
degré  du  Grand-Orient  de  France  et  Fondateur  du 
Grand-Orient  d'Italie,  il  félicite  son  Sublime  correspon- 
dant d'avoir  sous  sa  direction  le  Frère  Salfi,  maçon 
aussi  savant  que  zélé,  dont  la  Loge  de  Livourne  a  cou- 
ronné l'ouvrage  Délia  Utilita  délia  F.  '.  Massoneria  sotto 
il  rapporto  filantropico  e  morale.  UBques  écrit: 

«  L'ouvrage  du  Frère  Salfi  est  toujours  digne  de  la  répu- 
«  tation  de  ce  bien  Révérend  Frère.  Quoique  je  n'aie  fait  que 
«  parcourir  le  tout  avec  autant  de  rapidité  que  d'avidité,  j'y 
«  ai  remarqué  avec  une  sorte  de  joie  des  opinions  semblables 
«  à  celles  que  nous  professons  au  Rit  Primitif,  notamment 
«  au  paragraphe  de  la  page  69.  » 

Voici  la  traduction  de  ce  passage  du  F.  -,  Salfi,  si- 
gnalé par  YBques: 


1/j.O 


LE    RIT    PRIMITIF 


«  Après  les  considérations  déjà  faites,  nous  devrions  dès 
«  maintenant  conclure  que  le  secret,  si  fréquemment  et  si 
«  fortement  recommandé  par  la  Maçonnerie,  lui  confère  plus 
«  de  puissance,  pour  atteindre  -son  but.  Très  utile  est  donc 
«  l'absolue  obligation  qu'elle  impose  à  ses  disciples  de  ne  rien 
«  communiquer  au  vulgaire  profane,  ni  non  plus  aux  néophy- 
«  tes  qui  ne  seraient  pas  capables  de  supporter  un  degré  de 
«  lumière  supérieur  à  leur  talent. 

«  De  là  procède  l'origine  et  la  méthode  progressive  des 
«  grades  qu'elle  confère  de  temps  en  temps,  et  qui  sont,  pour 
«  celui  qui  en  comprend  l'usage  et  la  valeur,  des  espèces  de 
«  connaissances  grandissantes,  lesquelles  supposent  des  apti- 
<(  tudes  convenables  et  un  développement  nécessaire  en  celui 
«  qui    voudrait   les    recevoir    utilement. 

«  Ainsi,  prudente  et  rude,  pour  un  temps,  par  le  travail 
«  qu'elle  exige,  la  Maçonnerie  prend  l'homme  des  mains  de 
«  l'ignorance,  pour  l'élever  insensiblement  à  un  état  meilleur, 
«  et  le  conduit  pas  à  pas  à  la  connaissance  de  cette  vérité  et 
«  à  la  pratique  de  cette  vertu,  que,  sans  cet  efficace  magis- 
<(  tère,  ou  il  n'aurait  pas  vraiment  comprises,  ou  qu'il  aurait 
«  peut-être  prises  en  dégoût.   » 


Il  convient  donc  de  se  mettre  en  garde  contre  les 
dires  hypocrites  du  marquis  annaliste.  Il  faut  accepter, 
sous  bénéfice  d'inventaire,  des  affirmations  aussi  tran- 
chantes que  celle-ci  :  «  Le  but  de  cette  Association,  s'il 
était  un  secret  aux  yeux  des  profanes,  ne  l'était  pas  du 
moins  pour  le  maçon  même  apprenti.  » 

Tout  ce  qui  suit  est  encore  moins  fait  pour  nous  inspi- 
rer confiance.  UBqucs  a  Capitc  Galeato  aurait  beau  jeu 
si  nous  étions  tentés  de  contrôler  son  récit.  —  A  quelle 
date  précise  fut  érigée  l'Ancienne  Loge  ?  —  Quel  Rit 
abritait-elle  ?  —  De  quelle  autorité  légitime  tenait-elle 
son  investiture  ?  —  Qui  l'inaugura  ?  —  Les  noms  de 
ses  fondateurs,  de  ses  membres,  de  ses  correspondar 

L'historien-annaliste,  qui  écrivait  pour  ses  disciples 
présents  et  futurs,  les  supposait  bien  peu  curieux.  Aucun 
de  ces  points  essentiels  ne  lui  a  paru  digne  d'être  relaté 
et  conservé.  Mais  YEqucs  est  un  homme  prudent.  La 


LE    RIT    PRIMITIF  I4I 

seule  indication  du  Régime,  auquel  la  Loge  Ancienne 
était  soumise,  nous  révélerait  la  doctrine  philosophique, 
religieuse  et  morale  qui  y  était  professée.  —  Les  noms 
des  Loges  qui  correspondaient  avec  elle  nous  mettraient 
sur  la  voie  de  ses  relations,  et  donc,  de  ses  tendances  : 
<(  Dis-moi  qui  tu  hantes,  je  te  dirai  qui  tu  es.  »  Il  n'est 
pas  possible  que,  durant  les  quarante  années  de  son  exis- 
tence paisible,  l'Ancienne  Loge  «  fondée,  administrée; 
maintenue  florissante  »  par  des  hommes,  qui,  ((  à  raison 
de  leur  naissance  et  de  leurs  alliances  se  trouvèrent  en 
relation  avec  tout  ce  qu'il  y  avait  de  grand  dans  le 
Royaume  »,  n'ait  reçu  quelques  visiteurs  de  marque.  Il 
suffirait  de  les  connaître,  pour  être  en  mesure  de  faire 
quelques  conjectures.  Mais  le  marquis  a  pris  toutes  ses 
précautions.  Pas  un  seul  mot  de  son  récit  ne  laisse  filtrer 
un  indiscret  rayon  de  lumière. 

Pourquoi  ces  réticences  ?  —  Pourquoi  cette  histoire 
insignifiante,  sans  caractère,  sans  couleur,  sans  vie,  d'une 
Loge  qui,  pendant  près  d'un  demi-siècle,  groupa  les  prin- 
cipaux représentants  de  la  noblesse  et  les  membres  les 
plus  qualifiés  de  la  bourgeoisie  ?  —  L'Ancienne  Loge  de 
X...  vit  se  rassembler,  à  la  faveur  du  mystère,  les  jeunes 
officiers  de  la  garnison,  les  vieux  serviteurs  du  roi,  des 
magistrats,  des  ecclésiastiques,  des  bourgeois,  de  gra- 
cieuses dames,  de  brillantes  demoiselles.  Les  réunions 
animées,  les  conversations  aimables  de  cette  compagnie, 
frivole  et  charmante,  insouciante  et  spirituelle,  amie  des 
banquets,  des  ris  et  des  plaisirs,  dominée  par  un  tableau 
superbe,  représentant  un  amour  qui  vient  de  souffler 
dans  un  chalumeau  et  regarde  en  souriant  monter  des 
bulles  de  savon,  symbole  de  notre  vie  si  fragile,  étaient 
dignes  de  tenter  la  plume  d'un  historien.  UEqucs  a 
Capitc  Galeato  était  un  observateur  avisé.  Rien  n'échap- 
pait à  son  regard  aigu.  Il  avait  fréquenté  et*  connais- 
sait admirablement  les  hommes  de  son  temps.  Il  savait 
ce  que  pensaient  les  autres  ;  bien  peu  d'adeptes  surent 


142 


LK    RIT    PRIMITIF 


ce  qu'il  pensait  lui-même.  Il  savait  vers  quel  but,  non 
plus  lointain,  mais  très  proche,  Y  Occulte  Pouvoir  dont 
l'àme  était  passée  dans  la  «  Franche-Maçonnerie  » 
entraînait  la  France  et  le  monde. 

Mais  il  a  rédigé  ses  Annales  entre  les  années  1806  et 
1808.  Il  s'est  proposé,  en  écrivant  :  1"  de  tracer  une 
esquisse  destinée  à  tranquiliser  les  honnêtes  gens  qui, 
depuis  la  grande  et  terrible  Révolution  ne  veulent  plus 
entendre  parler  de  Sociétés  Secrètes;  20  de  ne  rien 
révéler  de  l'histoire  vraie  de  la  Maçonnerie  ;  30  de  ne 
rien  laisser  échapper  qui  pût  permettre  aux  plus  habiles 
eux-mêmes  de  soupçonner  que  l'histoire,  telle  qu'il  la 
compose,  n'est  qu'un  hypocrite  récit,  une  odieuse  falsi- 
fication. 

Il  voulait  tranquilliser  et  comme  endormir  les  braves 
gens,  nobles,  bourgeois,  et,  surtout,  curés  et  chanoines, 
terrifiés  par  les  abominables  excès  de  la  Révolution  où 
l'on  soupçonnait  la  main  de  la  Maçonnerie.  Il  voulait, 
d'une  manière  indirecte,  sans  en  avoir  l'air,  sans  trop 
appuyer,  combattre  l'effet  des  foudroyantes  révélations 
contenues  dans  les  Mémoires  pour  servir  à  l'Histoire  du 
Jacobinisme  de  l'abbé  Barruel,  fort  répandus,  avide- 
ment lus,  passionnément  commentés  à  cette  époque.  Les 
ouvrages  du  probe  et  savant  abbé;  les  condamnations 
portées  par  Rome  contre  la  Franc-Maçonnerie,  étaient 
le  cauchemar  de  YBques  a  Capite  Galeato.  Non,  cei 
qu'il  s'en  préoccupât  le  moins  du  monde  pour  lui-même, 
mais  il  cherchait,  sans  parvenir  à  le  trouver,  le  moyen 
d'en  neutraliser  sinon  d'en  anéantir  l'influence  dans 
l'esprit  de  ceux,  écrivait-il,  <x  qu'il  faut  appeler,  comme 
feu  Monsieur  de  Voltaire,  les  honnêtes  gens  ».  Il  vou- 
lait, enfin,  donner  aux  adeptes,  destinés  à  parvenir  aux 
plus  hauts  grades,  l'exemple  de  la  discrétion  et  de  la 
prudence  la  plus  consommée.  L'histoire  effravante  et  les 
aventures  —  divulguées  par  l'abbé  Barruel  —  de  la 
Secte   des   Illuminés,    dont   les   archives   et   les   papi 


rwmm^mam 


T.K    RIT    PRIMITIF  I43 

secrets  avaient  été  saisis  par  l'Electeur  de  Bavière,  en 
1786,  lui  avaient  fait  prendre  la  résolution  ferme  de  ne 
rien  abandonner  au  hasard,  de  ne  transmettre  qu'orale- 
ment les  vraies  connaissances  historiques,  morales,  théo- 
sophiques  de  l'Art  Royal.  Il  dit  et  redit,  avec  complai- 
sance, à  ses  correspondants,  et,  notamment,  à  son  cou- 
sin d'Aigre  feuille,  qu'en  vain  l'on  fouillerait  les  cartons, 
de  ses  archives  :  tous  les  Evêques  du  monde,  le  Grand 
Inquisiteur  en  tête,  ne  trouveraient  rien,  ne  relèveraient 
rien,  ni  dans  ses  lettres,  ni  dans  ses  cahiers,  qui  fût 
contraire  à  la  plus  pure  orthodoxie.  Nous  avons  vu  que 
YEques,  plus  au  courant  des  choses  Maçonniques,  du 
Martinisme  et  de  la  Kabbale,  que  des  doctrines  catholi- 
ques, se  faisait  étrangement  illusion. 

Quoi  qu'il  en  soit,  c'est  à  ces  multiples  préoccupations, 
dont  l'aveu  perce  fréquemment  dans  sa  correspondance, 
que  nous  devons  ce  tableau  trompeur  d'une  Société 
secrète,  uniquement  avide  de  fêtes,  d'aimables  réunions, 
de  doctes  entretiens,  de  découvertes  scientifiques,  d'ef- 
forts généreux  vers  la  réintégration  des  êtres,  et  enfin 
ce  dernier  trait  destiné  à  faire  valoir  tout  l'ensemble  : 
ces  pieux  frères  qui  vont  en  corps  à  la  messe  «  tout 
bonnement  »,  c'est-à-dire  «  par  un  principe  et  une  habi- 
tude de  piété,  simple,  sans  affectation,  comme  sans 
hypocrisie  ». 

Durant  sa  longue  vie  d'adepte,  VBques  a  refait  cent 
fois  l'apologie  de  l'Institution  Maçonnique.  On  retrou- 
verait ses  disquisitions  un  peu  partout.  A  la  manière 
dont  écrivent  et  parlent  encore  aujourd'hui  les  représen- 
tants les  plus  perfides  du  Grand-Orient  de  Paris,  il  n'y 
a  pas  à  douter  que  ce  centre  de  la  Secte  ait  hérité  des 
procédés  des  Philalèthes,  dont  VBques  fut  un  des  chefs 
les  plus  féconds  et  les  plus  actifs.  Que  l'on  nous  per- 
mette encore  quelques  citations   : 

«  Un  bien  réel,  écrit-il,  que  peut-être  l'on  n'avait  pas  prévu, 
«  mais  qui  est  certainement  résulté  de  l'Institut  Maçonnique, 


144 


LE    RIT    PRIMITIF 


«  c'est  qu'ayant  servi  de  motif  et  d'occasion  au  rapproche- 
((  men  des  nations  et  des  individus,  il  a  contribué  plus  que 
«  toute  autre  chose  à  la  propagation  des  lumières,  des 
«  connaissances,  et  de  la  saine  raison  ;  les  langues  ont  été  plus 
ce  cultivées,  et  les  Français,  principalement,  ont  commencé 
«  à  se  familiariser  davantage  qu'auparavant  avec  la  langue 
a  anglaise,  à  la  même  époque  où  ils  ont  commencé  à  connaître 
u  ce  nouvel  Institut. 

«  Par  l'esprit  d'union  et  de  fraternité  qu'il  a  introduit  entre 
«  tous  les  hommes  de  diverses  nations  et  de  diverses  condi- 
tions, il  a  affaibli  et  détruit  en  grande  partie  les  préven- 
tions d'état,  les  préjugés,  et  les  haines  nationales  qui  divi- 
saient les  hommes  et  les  peuples  ;  enfin,  après  les  avoir 
accoutumés  à  se  considérer  comme  membres  d'une  même 
confrérie,  il  a  été  facile  de  leur  faire  oublier  les  distances 
variées  qui  les  séparent,  de  les  faire  prendre  intérêt  au 
bonheur  et  au  bien-être  les  uns  des  autres,  de  les  lier 
«  par  le  sentiment  noble  autant  que  doux  d'une  bienveillance 
«  mutuelle  et  générale,  et  de  leur  rappeler  enfin  qu'ils  sont 
((   tous  membres  d'une  même  famille. 

«  Il  y  a  plus  :  par  un  bienfait  du  Grand  Architecte  de  l'Uni- 
u  vers,  les  égarements  des  Maçons,  et  leurs  tentatives  titani- 
«  ques.  s'il  est  permis  de  parler  ainsi,  n'ont  pas  été  sans 
u  fruit  pour  eux.  Nous  avons  vu,  en  effet,  la  Maçonnerie  s'éle- 
«  ver  au  sein  de  la  confusion,  de  l'incertitude  et  des  préten- 
«  tions  contradictoires,  profiter  des  emblèmes,  des  lois,  des 
((  usages,  qu'une  foule  de  hasards  a  rapprochés,  et  attirer  par 
«  là  nos  regards  sur  quelques  éléments  d'une  doctrine  satis- 
«  faisante  dans  son  application,  autant  que  sublime  dans  sa 
«   théorie. 

«  Après  avoir  fait  parcourir  au  Maçon,  à  ïa  vente  d'une 
((  manière  bien  irrégulière,  le  cercle  immense  des  connais- 
<(   sauces  physiques,  on  l'a  enfin  rappelé  à  ces  hautes  conr. 

nccs,  qui  fixent  sa  pensée  sur  ce  qu'il  a  été.  ce  qu'il  est, 
a  ce  qu'il  sera  :  sur  son  origine,  sur  ses  devoirs  actuels,  et 
«  sur  sa  destination,  lui  indiquant  ainsi,  d'une  manière  très 
«  précise,  la  marche  qu'il  doit  suivre,  pour  jouir  d'un  bonheur 
«   complet  et  éternel. 

On  le  conduit,  ou  l'on  le  ramène,  progressivement,  à  étu- 
«   dier  et  à  reconnaître  sa  propre  nature  et  celle  de  tous  les 


LE    RIT    PRIMITIF  145 

«  êtres  ;  on  l'invite  à  prévoir  et  même  à  goûter,  par  antici- 
«  pation,  la  douceur  de  ses  hautes  destinées,  à  faire  un  exer- 
ce cice  continuel  et  régulier  des  facultés  dont  il  est  doué,  à 
«  s'avancer  toujours  davantage  vers  la  perfection,  à  s'assurer 
tu  enfin  par  la  jouissance  non  interrompue  de  la  vraie  félicité, 
«  qui  est  à  sa  disposition,  un  droit  imprescriptible  et  juste  à 
«  la  félicité  sans  bornes,  qui  sera  son  apanage  à  la  fin  des 
«  temps. 

«  Mais,  c'est  assez  pour  la  Maçonnerie  d'avoir  su  fixer  nos 
«  regards  sur  ce  magnifique  et  sublime  tableau  :  le  vrai 
«  bonheur  est  le  but  placé  au  bout  de  la  carrière  qu'il  nous  est 
«  donné  de  parcourir  ;  la  voie  qui  y  conduit  est  étroite  et 
«  mobile  entre  deux  abîmes  effrayants  :  l'impiété  et  la 
«  superstition.  Comme  hommes  religieux  et  comme  citoyens 
«  nous  avons  des  guides  légitimes  et  avoués  ;  et  ce  n'est  que 
a  par  une  coupable  audace  que  quelques  thaumaturges  insen- 
«  ses  voudraient,  à  l'abri  du  mécanisme  de  la  Maçonnerie, 
«  régenter  nos  opinions  et  diriger  nos  démarches.  S'ils  abu- 
«  sent  des  bornes  de  nos  lumières,  s'ils  abusent  de  notre  cré- 
«  dule  confiance,  pour  nous  débiter  leurs  doctrines  hétéro- 
«  doxes,  d'un  style  ampoulé,  diffus,  inintelligible  ;  s'ils 
«  affectent  d'alimenter  la  curiosité,  qu'ils  ont  eu  l'adresse  de 
«  nous  inspirer  eux-mêmes,  et  si  les  explications  qu'ils  nous 
«  donnent  de  leurs  allégories  et  de  leurs  emblèmes  ne  sont 
«  que  des  énigmes,  présentées  sous  une  autre  face  ;  si  tout 
«  ce  qui  nous  vient  de  leur  part  a  besoin  de  commentaire  : 
«  loin  de  nous  égarer  avec  eux,  nous  leur  dirons,  avec  le 
«  Président  d'Aurillac  : 

Mon  ami,  chasse  bien  loin 
Cette   noire   rhétorique. 
Tes  ouvrages  ont  besoin 
D'un  devin  qui  les  explique  : 
Si   ton    esprit  veut   cacher 
Les  belles  choses  qu'il  pense. 
Dis-moi,  qui  peut  t' empêcher 
De  te  servir  du  silence  ? 

«  Pour  ce  qui  nous  concerne,  Mes  Frères,  nous  nous  plai- 
«  rons  uniquement  à  justifier  le  titre  distinctif  que  les  institu- 
«  teurs   de  notre   Régime   ont   adopté  :   Nous   ramènerons  la 


146  LE    RIT    PRIMITIF 

<c  Maçonnerie,  autant  qu'il  dépendra  de  nous,  aux  errements 
«  primitifs  de  son  institution  ;  nous  la  considérerons  comme 
ce  un  délassement  décent  et  agréable  ;  nous  laisserons  à  nos 
«  plaisirs  le  voile  léger  qui  semble  les  dérober  aux  yeux  du 
ce  vulgaire,  et  les  rendre  par  là  plus  piquants  ;  nous  nous  livre- 
ce  rons  avec  joie  aux  actes  de  bienfaisance,  qui  nous  sont 
ce  prescrits  comme  Maçons,  et  qui  étaient  déjà  au  nombre  de 
«  nos  devoirs,  comme  hommes. 

«  Quant  à  l'art  de  devenir  bon  et  parfait,  il  n'est  pas  dou- 
ce teux  que  tout  le  monde  doit  désirer  de  le  connaître  ;  mais  il 
ce  est  moins  douteux  encore  qu'il  y  aurait  de  la  folie  et  de 
ce  l'impiété  à  le  chercher  péniblement,  avec  incertitude,  au  tra- 
ce vers  des  ombres  fantastiques  de  la  Maçonnerie,  tandis  que 
ce  nous  devons  le  chercher  et  nous  pouvons  le  trouver  avec 
«c  autant  de  certitude  que  de  facilité  dans  les  enseignements  de 
ce  notre  Sainte  Religion,  et  en  suivant  exclusivement  les  voies 
ce  que  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  lui-même  nous  a  tracées  : 
<e  Venite  ad  me  omnes  qui  onerati  estis  et  ego  reficiam  vos.  — 
ce  Jugum  meum  suave  est,  et  omis  meum  levé,  ce  (Math.  xi. 
ce  28-30.) 

ce  Sans  cesser  de  regarder  tous  les  hommes,  comme  nos 
ce  frères,  nous  nous  lierons  plus  étroitement  avec  ceux  à  qui 
ce  le  goût  des  mêmes  vertus  inspirera  la  même  manière  de  les 
ce  manifester.  Xous  nous  encouragerons  les  uns  les  autres  à 
ce  notre  amélioration,  par  la  réciprocité  de  Texemple  et  par 
ce  le  souvenir  de  quelques  maximes  choisies.  Une  correspon- 
ce  dance  confiante  et  régulière  portera  la  circonférence  de 
ce  notre  union  fraternelle  jusqu'aux  confins  de'  l'univers  ;  et 
<e  les  sentiments  vertueux  dont  nous  aurons  contracté  l'heù- 
ce  reuse  habitude,  peints  dans  la  sérénité  de  nos  regards,  et 
ec  dans  le  jeu  de  notre  physionomie,  montreront  à  tous  les 
ce  yeux  que  nous  ne  sommes  point  indignes  de  la  protection 
ce  du  ciel  et  de  la  bienveillance  des  hommes.  » 

Xous  recommandons  ces  pages  à  tous  ceux  qui  ont 
parfois  désiré  connaître  l'âme  d'un  véritable  Initié  des 
Sociétés  Secrètes.  En  voici  un,  et  voilà  ce  qu'il  a  écrit 
au  lendemain  d'une  sanglante  Révolution.  Ces  pa 
méritent  d'être  conservées  comme  un  monument  de  la 
fourberie  la  plus  insigne.  Xous  tenons  comme  sous  notre 


IvE    RIT    PRIMITIF  .  I47 

main  et  sous  notre  regard  un  homme  qui  accumule  tous 
les  genres  de  trahison  :  Protestation  de  soumission  aux 
puissances  légitimes,  de  fidélité  aux  enseignements  de 
l'Eglise  ;  le  salut  et  le  baiser  de  Judas  donné  par  ce  che- 
valier de  Malte  à  Notre-Seigneur  Jésus-Christ.  Pour- 
quoi prétend-on  que  les  loups  ne  se  dévorent  pas  entre 
eux?  Voici  notre  Bques  a  Capite  Galcato,  qui  prend  la 
houlette  et  l'habit  du  berger,  et  marche  d'un  pas  vail- 
lant contre  quelques  thaumaturges  insensés,  assez  auda- 
cieux pour  prêcher  de  nouveaux  dogmes.  Mais  en  même 
temps,  à  mots  couverts,  ce  vengeur  de  l'orthodoxie,  sûr 
d'être  compris  ((  dé  cens  dont  l'esprit  est  monté  an  même 
diapason  que  le  sien  »  rappelle  et  magnifie  l'hérétique 
doctrine  de  la  Réintégration,  que  nous  avons  exposée  et 
qui  lui  est  si  chère. 

Vraiment  !  nous  aimerions  à  savoir  si  la  Révérende 
Loge  de  X...  allait  en  corps  aux  Capucins,  bannière 
déployée  ;  si  les  frères  arboraient  tabliers  et  cordons  ;  si 
les  dames  et  les  demoiselles  de  la  Loge  d'Adoption  por- 
taient leurs  gants  et  leurs  bijoux.  Nous  aimerions  sur- 
tout à  savoir  si  les  frères  fredonnaient  tout  bas  soit  à 
l'aller,  soit  au  retour,  les  étranges  couplets  que  cette 
noble  compagnie  entonnait,  après  avoir  tiré  à  table  de 
nombreuses  salves  d'artillerie. 

Faut-il  craindre,  pourrait-on  nous  blâmer  de  repro- 
duire les  strophes  ignominieuses  que  nous  trouvons 
dans  les  papiers  de  la  Colonne  d'Harmonie  de  la  Révé- 
rende Loge,'  et  qui  contribuaient  sans  doute  à  ces  délas- 
sements décents  et  agréables,  tant  vantés  par  YEqnes: 

Il  faut  ch...,  c'est  la  loi  de  nature. 
Ck....  amis,  c'est  le  plaisir  des  dieux. 
~De  cette  loi  vainement  on  murmure  ; 
Et  comme  nous  les  grands  sont  des  ...eux. 

Xous  n'avons  point  le  courage  de  transcrire  le  reste. 
Cela  était  chanté  sur  l'air:  «  77  faut  aimer,  c'est  la  loi 


r 


148 


IvE    RIT    PRIMITIF 


de  Cythère.  »  Le  marquis  avait  raison  d'écrire  :  ((  Xou 
<(  laisserons  à  nos  plaisirs  le  voile  léger,  qui  semble  le 
«  dérober  aux  yeux  du  vulgaire,  et  les  rendre  par  U 
<(  plus  piquants  à  nos  yeux.  » 

C'est  par  de  tels  divertissements  que  les  ancêtres  véné- 
rables de  la  Loge,  dont  YBqucs  a  rédigé  les  Annales 
préludaient  à  leurs  actes  de  bienfaisance  et  s'exhortaien 
à  parcourir  leur  «  carrière  temporelle  »  en  purifian 
«  leur  forme  spirituelle  »,  et  en  pratiquant  les  ((  plus 
sublimes  vertus  ».  C'est  ainsi  qu'ils  s'élançaient  à  la  con 
quête  «  dit  vrai  bonheur  »,  n'oubliant  pas  que  la  voie  qu 
y  conduit,  a  étroite  et  mobile,  est  entre  deux  abîme, 
effrayants  :  Y  impiété  et  la  superstition  ». 

Que  faisaient  «  de  leurs  guides  légitimes  et  avoués  » 
ces  hommes  religieux,  ces  bons  citoyens  ?  Ces  <x  guides  » 
n'étaient  pas  plus  respectés  que  la  décence  et  la  morale. 


CHAPITRE    IX 

L'Ennemi  de  la  Religion  et  de  la   Monarchie, 
des  prêtres  et  des  rois. 


Le  21  août  1782,  à  Wilhelmsbad,  comme  le  prince 
Ferdinand  de  Brunswick,  comme  le  prince  Charles  de 
Hessc-Cassel,  comme  les  barons  de  Wachter  et  die 
Dittfurtj  comme  Bode  et  le  comte  de  Haugwits,  comme 
tous  ses  collègues  du  Rit  de  la  Stricte  Observance  réunis 
en  Convent-Général,  YEqnes  a  Capite  Galeato  avait  pro- 
noncé ce  serment  d'une  prodigieuse  hypocrisie,  rédigé 
par  WiixErmoz  .' 

«  Nous  avons  résolu  de  déclarer  comme  nous  déclarons  et 
«  protestons...  que  l'unique  but  de  notre  Association  est  de  la 
«  rendre,  ainsi  que  chacun  de  ses  membres,  recommandable 
«  et  utile  à  l'humanité,  par  l'amour  et  l'étude  de  la  vérité,  par 
«  l'attachement  le  plus  sincère  aux  dogmes,  devoirs  et  prati- 
«  ques  de  Notre  Sainte  Religion  chrétienne,  par  notre  sou- 
«  mission  et  obéissance  aux  Souverains  et  aux  lois  de  nos 
«  patries  respectives,  par  une  bienfaisance  éclairée  et  univer- 


150 


LE    RIT    PRIMITIF 


«  selle,  dans  le  sens  le  plus  étendu,  enfin,  par  une  pratique 
«  constante  de  toutes  les  vertus  religieuses,  morales,  patrio- 
«  tiques  et  sociales.  » 

A  son  retour  du  fameux  Cornent,  YBques  a  Capite 
Gai ca to  écrivait,  pour  ses  bien-aimés  Philalèthes  de 
Paris,  une  sorte  de  pieuse  méditation  dont  nous  avons 
retrouvé  les  deux  fragments  suivants  : 


JESUS-CHRIST 

a  J'exhorte  mes  Frères  à  lire  les  observations  du  R.  F.  Court 
«  de  Gébclin,  qu'ils  trouveront  à  l'article  Jésus-Christ,  des 
«  Extraits  de  la  Correspondance. 

a  Qu'il  nous  soit  permis  de  rappeler  à  cette  occasion  que  la 
«  lecture  des  Livres  Saints,  et,  surtout,  du  Nouveau-Testa- 
«  ment,  non  seulement  n'est  point  étrangère  aux  Maçons,  mais 
«  même  leur  est  absolument  nécessaire. 

«  Il  n'est  point  indifférent  pour  eux  d'avoir  ou  de  n'avoir 
«  pas  une  opinion  arrêtée  sur  cet  être  surnaturel,  connu  sous 
«  le  nom  de  Jésus-Christ. 

«  La  lecture  fréquente  et  réfléchie  des  Livres  Saints,  et  des 
«  méditations  faites  dans  le  silence  des  passions  et  des  pré- 
«  jugés  frivoles,  mettront  à  portée  d'apprécier  l'homme-dieu 
«  et  sa  doctrine  sublime. 

«  L'approbation  que  l'on  ne  pourra  s'empêcher  d'accorder 
«  à  ses  préceptes,  donnera  peu  à  peu  le  désir  et  le  goût  de 
«  les  pratiquer  ;  par  un  heureux  retour,  cette  sainte  pratique 
«  réactionnera  et  étendra  le  goût  avec  les  lumières  ;  et,  par 
«  là,  on  parviendra,  sans  incertitude  et  sans  obstacles,  à  la 
«  perfection,  au  bonheur  et  à  la  science  divine,  qui  sont  le 
«  but  sublime,  où  tendent  tous  les  travaux  des  vrais  et  légi- 
«  times  frères-maçons.  » 

Lt'Bques  a  Capite  Galcato  riait  volontiers  des  «  capu- 
cinades  emportées,  grotesques  et  fanatiques  )),  de  ses 
frères,  les  Martinistes  Lyonnais.  Mais,  quand  il  veut 
imiter  leur  genre,  il  demeure,  faute  d'habitude,  bien 
!nférieur  à  ses  émules.  Claude  de  Saint-Martin.  Witter- 


Iv£    RIT    PRIMITIF  151 

mo2  et  leurs  disciples  ont  une  certaine  onction.  Au  con- 
traire, le  style,  le  ton,  l'accent,  tout  est  détestable  dans 
ce  prêche  d'un  soldat,  mieux  fait  pour  manier  le  sabre  et 
le  mousquet  que  le  rameau  de  buis  bénit,  ou  le  goupillon. 
Quant  à  la  sincérité,  aux  sentiments  intimes  du  prê- 
cheur, on  pourra  mieux  en  juger,  après  avoir  lu  le  second 
fragment  ;  c'est  une  fière  prosopopée.  Le  morceau  pour- 
rait porter  pour  titre  :  «  Rome  ». 

ROME 

«  Ville  altière  et  superbe  qui  dominais  d'un  pôle  à  l'autre, 
«  qui  donnais  des  lois  à  tout  l'univers,  qu'est  devenu  ton 
«  pouvoir  ?  A  quoi  tes  triomphes  t'ont-ils  servi  ?  Le  souvenir 
«  de  ta  gloire  s'est  conservé  ;  ton  nom  subsiste  encore  ;  mais 
«  il  existe  seul,  et  toi,  tu  n'es  plus. 

«  Cette  autorité  redoutée,  qui  faisait  trembler  tous  les  mor- 
«  tels,  s'est  évanouie,  et  tu  ne  règnes  plus  que  sur  les  êtres 
«  imbéciles  qui  ne  savent  pas  apprécier  l'infamie  de  leurs  fers, 
«  et  sur  les  êtres  pusillanimes  et  plus  vils  encore,  qui  ne  les 
«  rejettent  pas. 

«  De  quel  droit  voudrais-tu  encore  conserver  l'Empire  ?  — 
«  La  bassesse  et  l'ignorance  sont  ton  apanage  ;  quelques  plai- 
«  sirs  sensuels  et  bornés  font  toutes  tes  délices  et  sont  l'unique 
«  objet  de  ton  ambition.  Renonce  donc  à  une  suprématie  qui 
«  est  hétérogène  à  l'état  de  ton  âme,  et,  puisque  par  une  révo- 
'a  lution  continuelle,  autant  qu'universelle,  tout  change  dans  le 
«  physique,  dans  le  moral,  dans  l'intellectuel,  ne  sois  point 
«  étonnée  de  voir  l'empire,  la  noblesse,  l'activité,  l'intelli- 
«  gence,  passer  sous  d'autres  climats;  rends-toi  justice,  et 
«  ploie,  de  bonne  grâce,  en  attendant  que  la  série  des  Révo- 
«  lutions  te  rende  la  faculté  de  sentir  avec  énergie,  de  penser 
«  avec  sublimité,  et  de  commander  à  juste  titre.  » 

Voilà  «  le  fin  mot  »  de  ce  que  YBques  pensait  de  la 
Ville  Eternelle  devenue  le  siège  des  Papes  et  la  maîtresse 
du  monde.  Le  dédaigneux  prêcheur  ne  s'abaisse  pas  à 
nommer  ces  Pontifes,  ces  Rois,  ces  Pères,  qui  du  haut  de 
leur  trône  dix-huit  fois  séculaire,  veillent  sur  les  desti- 


152  LE    RIT    PRIMITIF 

nées  de  l'humanité.  C'est  à  l'antique  reine  du  monde  qu'il 
s'adresse  : 

Rome,  l'unique  objet  de  mon  ressentiment  ! 

h'Bques  a  Capite  Galeato  fait  un  pénible  effort  pour 
se  hausser  jusqu'au  ton  des  imprécations  cornéliennes. 
Sa  fureur  maçonnique  le  laisse  bien  loin  du  grand  tra- 
gique. Mais  ces  déclamations  emportées  auront  bientôt 
de  puissants  échos,  en  deçà  et  au  delà  des  Alpes.  Les 
Piccolo  Tigre,  les  NubiuSj  les  Mazzini,  les  Cavour,  les 
Gavazzi,  tous  les  chefs,  tous  les  complices  de  la  Haute- 
Vente  et  du  Carbonarisme  pourront  compter  au  nombre 
de  leurs  précurseurs  le  mystérieux  Ëques  a  Capite 
Galeato.  Tandis  que  soutenu  et  guidé  par  ce  maître 
expérimenté,  le  Grand-Orient  d'Italie  s'organisait  puis- 
samment vers  1806,  1807.  YBques  préparait  un  livre 
qui  devait  être  comme  le  testament  d'un  maçon  dont  la 
vie  avait  été  consacrée  tout  entière  au  triomphe  de  la 
sainte  cause  et  qui  «  jusqu'au  dernier  souffle  avait  tra- 
vaillé pour  elle,  à  toute  éreixte  ))    (sic). 

Ce  livre  n'a  pas  été  publié,  la  mort  ayant  été  plus 
prompte  que  la  main  de  cet  ouvrier  infatigable.  Mais 
YBques  a  Capite  Galeato  avait  déjà  minutieusement 
décrit,  pour  inspirer  et  guider  le  graveur,  l'ensemble  et 
les  détails  de  l'estampe  qui  devait  orner  le  frontispice 
de  son  ouvrage  : 


FRONTISPICE. 

<(  Le  frontispice  présentera  un  cadre  fort  simple,  dont  la 
<(  moitié  supérieure  sera  entièrement  remplie  par  un  grand 
«  voile  noir  (en  hachures  croisées"),  parsemé  d'étoiles  blan- 
«  ches  (à  vuide  sur  le  noirL  et  le  mot  Mystère,  en  gros  carac- 
0  tères  blancs,  au  milieu  du  rideau.  Deux  corcîons  paraîtront 
«    enlever  ce  voile,  comme  on  lève  les  toiles  du  théâtre. 

«  Quatre  génies,  placés  au  bas  du  Tableau  et  sur  les  côtés. 


LE    RIT    PRIMITIF 


153 


<(  tireront  avec  eftort  les  deux  cordons  ;  mais  ils  auront  la 

«  tête  tournée    vers  leurs  trois  camarades. 

«  La  partie  inférieure  laissera  voir  l'intérieur  d'une  loge  de 

«  francs-maÇons,   principalement  le   tapis   maçonnique,   et  le 

«  trône  du  vénérable.  Sur  les  marches  du  trône,  il  y  aura  trois 

«  génies,  qui  paraîtront  parler  aux  quatre  autres,  et  en  même 

«  temps  rejeter  avec  le  pied,  de  dessus  les  marches  du  trône, 

«  un  tas  de  rubans  de  toutes  couleurs,  au  bout  desquels  sont 

<(.  divers  ornements,  tels  que  des  croix  épiscopaîes,  croix  de 

«  chevalerie,  étoiles,  épées,   soleil,  lune,  pélican,  aigle,  globe 

«  impérial,    clefs,   etc. 

«  Au-dessous  du  frontispice,  on  lit  ces  mots  :  Montrons  a 

«  tous  les  yeux  que  nous  ne  sommes  point  indignes  de  la  pro- 

«  tection  du  ciel  et  de  la  bienveillance  des  hommes.  » 


Ainsi  VBques  a  Capitc  Galcato  mourra  fidèle  à  son 
idéal  Maçonnique  :  Point  de  prêtres  ;  point  de  rois  ; 
point  de  lois  ;  point  de  peuples  ;  point  de  frontières  ; 
point  de  ces  fastueux  grades  dont  les  Sociétés  secrètes 
sont  comme  inondées.  Pour  commander,  quelques  chefs  ; 
pour  obéir,  tous  les  hommes  devenus  maçons,  vivant 
pour  la  Sainte  Maçonnerie,  et,  par  elle  rendus 
bienheureux. 


LA   FRANC-MACONN ERIK 


ET    LA    ROYAUTÉ 


CHAPITRE    PREMTER 

Les  Origines  de  la  Grande  Loge. 

Les  trois  premiers  Grands-Maîtres, 


Le  Grand  Orient  de  France  est  le  fils  de  la  Grande 
Loge  de  France.  Mais  ce  fut  un  fils  révolté;  longtemps 
en  guerre  avec  sa  mère,  il  ne  s'est  réconcilié  avec  elle 
que  fort  tard  (en  1799). 

Voici  quelles  furent  les  origines  de  la  Grande-Loge 
d'où  le  Grand-Orient  de  France  est  sorti.  Vers  l'an- 
née 1725,  un  Anglais  jacobite,  lord  Derwent-Water} 
remplissait  pour  la  France  les  fonctions  de  Grand- 
Maître,  bien  que  le  titre  ne  lui  en  eût  pas  été  officielle- 
ment reconnu.  Paris  comptait  alors  environ  six  Loges, 
émanées  de  la  Grande-Loge  d'Angleterre.  En  1736,  le 
lord  jacobite  repassa  le  détroit  et  regagna  sa  patrie. 
Plusieurs  années  après,  saisi,  convaincu  de  conspirer 
contre  la  dynastie  régnante,  condamné  à  mort  par  les 


iç8 


I.A   FRANC-MAÇONNERIE 


juges  du  roi  Georges,  lord  Derwent-Water  fut  exécuté. 
Après  son  départ,  les  Loges  de  Paris  tinrent  une 
assemblée  générale  pour  lui  donner  un  successeur.  Un 
maçon  fameux,  dont  les  avatars  furent  singuliers. 
Ramsai.  fut  nommé  orateur  et  prit  la  parole  au  nom 
des*  députés.  Un  autre  réfugié  anglais,  lord  cYHanwues- 
ter,  fut  élu.  On  lit  à  son  sujet  dans  Y  Acacia,  Revue 
mensuelle  d'Etudes  Maçonniques,  juin  191 2.  p.  420, 
une  note  ainsi  conçue  : 

«  Il    semble    établi    que    ce    lord    Harnouester    n'a    jamais 

«  existé.  Est-ce  une  corruption  de  Derwent-Water?  Les  ren- 

«  seignements   de   Lalande   à   ce   sujet   ont  été  contestés.   Le 

«  nom   de   lord   Harnouester    a    été   supprimé   en    1910   dans 

«  l'Annuaire  du  G.  \  O.  \  D.  \  F.  \  et  l'Acacia,  dans  son  nu- 

«  méro  d'avril  1910,  a  apporté  le  texte  de  la  rectification  his- 

«  torique  publiée  dans  cet  annuaire.  » 

Le  Grand-Orient  est  d'accord  avec  Henri  Martin. 
Henri  Martin  !  Très  mince  autorité  !  Henri  Martin 
ignore  ou  veut  ignorer  tant  de  choses!  A  la  page  118  de 
son  Histoire  Pittoresque  de  la  Franc-Maçonnerie,  Cla- 
vel  rapporte  ces  mêmes  faits  sans  indiquer  ses  sources. 

Or.  nous  avons  trouvé  les  noms  des  deux  lords  jaco-  I 
bites  dans  les  notes  de  YEques  a  Capite  Galeato.  Xous 
maintenons  par  suite  ces  détails.  Il  ne  faut  pas  oublier  j 
que  les  écrivains  officiels  de  la  Maçonnerie  retracent 
l'histoire  en  général  et,  en  particulier,  celle  de  leur 
Ordre,  en  dénaturant  les  faits  et  en  les  pliant  à  leur 
système. 

Il  est  indiscutable  par  ailleurs  que  Denvent-AYater, 
Harnouester,  le  chevalier  Maskeline,  d'Héguerty,  Ram- 
sai, le  fameux  disciple  du  pieux  archevêque  de  Cambrai, 
Ramsai,  à  qui  la  Franc-Maçonnerie  doit  tant,  et  Stuart 
le  Prétendant,  qui  portait  le  titre  de  Grand-Maître,  n'ont 
jamais  été  regardés,  par  les  z-rais  chefs,  que  comme  ces 
((  bêtes  et  ces  buses  »  aristocratiques  dont  la  Secte  a 
toujours  su  tirer  un  merveilleux  parti.  La  Maçonnerie, 


ET   LA   ROYAUTE  159 

qui  se  sert  de  ces  pauvres  dupes,  se  réserve  le  droit  de 
Les  désavouer  et  de  les  rejeter  hors  de  son  sein,  selon 
les  circonstances. 

Il  est  encore  indiscutable  que  le  Régime  maçonnique 
des  deux  lords  jacobites  ne  fut  jamais  considéré  comme 
un  établissement  émane  d'une  autorité  «  légitime  ». 

C'est  de  cette  piètre  source  qu'est  sorti  le  Grand- 
Orient  de  France. 

A  la  fin  de  l'année  1737,  le  Grand-Maître  Harnouester 
retourna  lui-même  dans  sa  patrie.  Un  moment,  les 
frères  de  Paris  furent  effrayés  des  menaces  du  roi 
Louis  XV.  Fort  mécontent  des  complots  politiques 
ourdis  à  l'ombre  des  Loges  par  les  Anglais  réfugiés  ou 
vivant  à  Paris,  ce  monarque  avait  annoncé  qu'il  ferait 
saisir  et  mettre  à  la  Bastille  le  Grand-Maître  que  les 
Maçons  se  proposaient  de  nommer,  si  l'élu  était  un  de 
ses  sujets.  Le  duc  d'An  tin  fut  néanmoins  nommé  et 
proclamé  à  la  grande  fête  de  la  Saint- Jean,  le  24  juin 

1738. 

Les  foudres  royales  n'avaient  point  empêché  les 
frères  de  se  réunir,  ni  le  grand-seigneur  élu,  d'accepter 
la  Grande-Maîtrise  qui  lui  était  offerte.  Louis  XV, 
d'ailleurs,  ne  songea  plus  à  sévir. 

L'historien  Henri  Martin,  au  tome  XV  de  son  His- 
toire de  France,  d'une  manière  fantaisiste,  c'est-à-dire 
parfaitement  maçonnique,  résume  les  faits  que  nous 
venons  de  raconter. 


«  En  1738...  les  Loges  Maçonniques  se  donnèrent  pour 
«  Grand-Maître  un  grand  seigneur  français,  le  duc  d'Antin, 
«  puis  un  prince  du  sang,  le  comte  de  Clermont  (1743).  Ce 
«  haut  patronage  ne  les  préserva  pas  des  tracasseries  de  la 
«  police.  Le  cardinal  de  Fleuri,  ennemi  de  toute  nouveauté, 
«  fit  fermer  les  loges  des  maçons,  comme  il  avait  fait  fermer 
«  le  club  de  l'Entre-sol.  Après  la  mort  de  Fleuri,  le  Châtelet 
«  continua  de  rendre  sentence  sur  sentence  contre  les  francs- 


i6c 


LA   FRANC-MAÇOXXERIE 


«  maçons  qui  ne  s'en  multiplièrent  que  davantage  ei  qui  se 
«   répandirent  de  Paris  dans  les  provinces.  »  (Tom.  xv,  p.  400J. 

L'historien  renvoie  ses  lecteurs  à  l'ouvrage  de  Cla- 
vel  :  Histoire  pittoresque  de  la  Franc-Maçonnerie.  Or 
voici  tout  ce  que  cet  auteur  peu  suspect  a  trouvé  à  con- 
ter sur  les  persécutions  dont  la  Maçonnerie  fut  victime, 
à  cette  époque,  dans  la  capitale  : 

«  Vers  la  même  époque,  les  réunions  maçonniques  éveil- 
ce  laient  en  France  la  sollicitude  des  magistrats.  Le  10  sep- 
«  tembre  1737,  le  commissaire  de  police  (1)  instruit  qu'il  de- 
ce  vait  se  tenir  une  assemblée  très  nombreuse  de  freys-ma- 
«  sons  chez  Chapelot,  marchand  de  vins,  à  la  Râpée,  à  l'en- 
«  seigne  de  Saint-Bonnet,  s'y  transporta,  accompagné  de 
«  Vierzet,  exempt  de  robe  courte,  et  de  quelques  soldats, 
«  dans  l'intention  de  dissoudre  l'assemblée.  Arrivé  sur  les 
«  neuf  heures  et  demie  du  soir,  il  y  vit,  suivant  les  termes 
«  de  son  rapport,  «  un  très  grand  nombre  de  personnes,  la 
«  plupart  desquelles  avaient  toutes  un  tablier  de  peau  blanche 
«  devant  eux  et  un  cordon  de  soie  bleue  qui  passait  dans  le 
«  col,  au  bout  duquel  il  y  avait  attaché,  aux  uns,  une  équerre  ; 
«  aux  autres,  une  truelle  ;  à  d'autres,  un  compas,  et  autres  ou- 
«  tils  servant  à  la  maçonnerie.  Les  avenues  étaient  occu- 
«  pées  par  un  très  grand  nombre  de  laquais  et  de  carrosses, 
«  tant  bourgeois,  de  remise,  que  de  louage. 

«  Soit  que  les  dispositions  qu'il  apportait  ne  fussent  pas 
<(  bien  hostiles,  soit  que  l'affluence  qu'il  aperçut  lui  inspirât 
«  quelques  craintes  sur  les  suites  de  la  rigueur  qu'il  pou- 
ce vait  déployer,  Lespinay  ne  pénétra  pas  dans  le  salon  où 
«  les  frères  étaient  réunis,  et  il  remarqua  de  loin  seulement 
«  qu'une  table  y  était  dressée  et  qu'il  y  avait  une  grande 
«  quantité  de  couverts.  Cependant  il  crut  de  son  devoir  de 
«  représenter  du  moins  aux  personnes  qui  lui  semblaient 
«   faire  partie  de  la  société  «  que  de  telles  assemblées  étaient 


(1)  Jean  de   Lespinay 


ET   LA    ROYAUTÉ  l6l 

«  prohibées  par  les  dispositions  générales  des  ordonnances 
«  du  royaume  et  des  arrêts  des  Parlements  ». 

a  La  plupart  de  ceux  à  qui  il  s'adressa  se  retranchèrent 
«  dans  l'ignorance  où  ils  étaient  du  texte  de  la  loi,  et  pro- 
<(  testèrent  qu'en  se  réunissant  ainsi,  «  ils  ne  soupçonnaient 
«   pas  qu'ils  fissent  rien  de  répréhensible.   » 

«  Mais  les  réponses  que  reçut  le  commissaire  ne  furent 
■«  pas  toutes  aussi  modérées  :  le  duc  cYAntin,  qui  survint,  le 
<(  rudoya  violemment  et  lui  ordonna  de  se  retirer. 

«  Quelques  considérations  que  pût  faire  valoir  ensuite,  pour 
«  sa  justification,  le  cabaretier  Chapelot,  il  fut  assigné  à 
<(  l'audience  de  la  Chambre  de  police  du  Châtelet  du  14  du 
«  même  mois,  où,  n'ayant  pas  comparu,  il  fut  condamné 
a  par  Hérault,  lieutenant  de  police,  à  mille  livres  d'amende. 
«  En  outre,  son  cabaret  fut  muré  et  demeura  fermé  pendant 
<c  six  mois. 

«  Toutefois,  les  maçons  n'en  continuèrent  pas  moins  leurs 
a  assemblées.  Hérault  se  crut  alors  obligé  de  sévir  contre 
«  eux-mêmes.  Le  27  décembre  1738,  il  se  rendit  en  personne 
<(  à  l'hôtel  de  Soissons,  rue  des  Deux-Ecus,  s'empara  de  plu- 
«  sieurs  frères,  parmi  un  plus  grand  nombre  qui  célébraient 
«  la  fête  de  l'Ordre,  et  les  fit  enfermer  dans  les  prisons  de 
«  For-1'Evêque. 

«  Ces  mesures  ayant  été  sans  effet,  la  chambre  de  police 
<(  du  Châtelet  rendit,  le  5  juin  1744,  une  sentence  renouve- 
«  lant  les  défenses  faitee  aux  francs-maçons  de  se  former  en 
«  loges,  et  interdisant  aux  propriétaires  de  maisons  et  aux 
«  cabaretiers  de  les  recevoir,  à  peine  de  trois  mille  francs 
«  d'amende.  En  exécution  de  cette  sentence,  le  commissaire 
«  Lavergée  se  transporta,  le  9  juin  1745,  à  l'hôtel  de  Sois- 
<(  sons,  où  des  frères  étaient  occupés  à  faire  une  réception. 
«  dispersa  les  membres  et  saisit  les  meubles  et  les  ustensiles 
«  de  la  loge.  L'hôtelier,  nommé  Le  Roy,  fut  condamné  quel- 
ce  ques  jours  après  à  une  amende  de  trois  mille  livres.   » 

Toute  l'histoire  des  vexations  et  des  persécutions 
dont  la  Franc-Maçonnerie  aurait  été  victime  se  réduit 
à  ces  incidents  qu'Henri  Martin  n'a  même  pas  tenté  de 
reproduire  ou  de  résumer,  tant  ils  lui  ont  dû  paraître 


IÔ2 


LA   FRANC-MAÇONNERIE 


insignifiants.  Bien  mieux  que  lui  YEqucs  a  Capitc  Ga- 
Icato  avait  su  donner  la  note  juste,  lorsqu  il  écrivit  ces 
lignes,  que  nous  avons  déjà  citées  : 

((  La  Franc-Maçonnerie,  introduite  en  France  par 
((  quelques  Anglais,  il  y  a  environ  cinquante  années,  y 
((  futf  accueillie  avec  empressement  et  s'y  propagea 
((  même  avec  plus  de  sécurité  que  partout  ailleurs.  » 

Le  duc  d'Antiu  remplit  les  fonctions  de  Grand-Maî- 
tre jusqu'à  sa  mort,  en  1743. 


I 


CHAPITRE  II 


La  Grande-Maîtrise  du  comte  de  Clermont 


Le  nouveau   Grand-Maître. 


Trois  concurrents  se  disputèrent  la  charge  et  se  pré- 
sentèrent* aux  suffrages  de  leurs  frères  :  le  comte  de 
Clermont,  le  prince  de  Conti  et  le  maréchal  de  Saxe. 

Clermont  fut  élu.  Frère  cadet  de  ce  prince  qu'on 
nommait  Monsieur  le  Duc,  petit-collet  de  sang  royal, 
Clermont  était  abbé  commendataire  de  l'illustre  abbaye 
de  Saint-Germain-des-Prés.  Ces  deux  tristes  descen- 
dants de  la  maison  du  grand  Condé  faisaient  mépriser 
en  leur  personne  l'un  des  noms  les  plus  glorieux  et  les 
plus  révérés  de  notre  histoire  nationale.  La  Franc-Ma- 
çonnerie cherchait  et  trouvait  la  grandeur  unie  au  vice  : 
la  grandeur  pour  s'en  servir  comme  d'un  rempart  ;  le 


164  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

vice,  pour  que  la  grandeur  ne  rougît  point  de  venir  jus- 
qu'à elle. 

Clermont  ne  prit  jamais  au  sérieux  son  titre  de  Sé- 
rénissime  et  ne  daigna  jamais  s'occuper  activement  des 
intérêts  de  l'Ordre  maçonnique.  Il  s'était  contenté,  dès 
les  premiers  jours,  de  se  donner  un  substitut,  le  ban- 
quier Baurc,  qui  gouvernait  et  administrait  la  société 
en  son  nom.  A  son  tour,  ce  banquier  véreux  s'inquié- 
tait peu  des  doctrines  et  des  sublimes  secrets  de  l'Art 
Royal.  On  l'accusait  même  de  trafiquer,  pour  accroî- 
tre sa  fortune,  de  l'influence  que  lui  procurait  son  titre. 


2°  Le  desordre  et  l'anarchie. 

Le  désordre  et  l'anarchie  s'introduisirent  dans  les 
Loges.  Les  aigrefins,  les  fripons,  les  marchands  de 
cordons  accoururent.  Les  personnes  de  distinction  qui 
jusqu'alors  avaient  fréquenté  les  ateliers,  les  désertè- 
rent en  masse,  ou  s'afilièrent  à  d'autres  Régimes.  Les 
vénérables  et  les  officiers  furent  en  majorité  recrutés 
parmi  les  membres  de  la  petite  bourgeoisie  et  jusque 
dans  la  boutique  des  simples  artisans.  On  dit  que  les 
séances  étaient  néanmoins  tenues  fort  régulièrement  et 
que  le  Conseil  de  la  Grande-Loge  tentait  de  ramener 
partout  l'ordre  et  la  discipline.  Mais  son  prestige  était 
nul  et  son  autorité  fort  peu  respectée. 

Les  vénérables  maîtres  des  Loges  parisiennes,  sous 
un  Sérénissime  Grand-Maître  qui  rappelait  le  gouver- 
nement des  rois  fainéants,  imitèrent  les  grands  vassaux 
d'autrefois.  Ils  se  rendirent  peu  à  peu  indépendants  et 
s'attribuèrent  le  droit  de  constituer  de  nouveaux  ate- 
liers, soit  a  Paris,  soit  dans  les  provinces.  On  achetait 
les  titres,  les  grades,  les  diplômes,  les  lettres  patentes, 
argent  comptant.  Les  ateliers  nouvellement  constitués 
en  établissaient  d'autres.  Plus  la  maçonnerie  élargissait 


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ET   LA   ROYAUTE 


^5 


ses  cadres,  plus  se  relâchaient  les  liens  qui  rattachaient 
ses  divers  établissements  au  centre  administratif. 


3°  Les  Mères  Loges. 

En  1755,  la  Grande-Loge  débordée,  imagina  pour 
arrêter  le  désordre  et  conjurer  un  affreux  désastre,  de 
créer  des  Mères-Loges,  destinées  à  surveiller  dans  les 
provinces  les  petits  ateliers  turbulents  et  indisciplinés. 
La  mesure,  en  soi,  était  excellente.  Mais  en  l'état  des 
choses,  elle  ne  fit  qu'augmenter  le  désordre.  Bientôt, 
ces  Mères-Loges,  secouant  le  joug  de  la  Grande-Loge, 
s'organisèrent  en  autant  d'autorités  indépendantes,  ou 
se  firent  affilier  à  d'autres  Régimes.  La  plupart  laissè- 
rent tomber  leur  correspondance.  Et  donc,  un  vent  im- 
pétueux d'indépendance  soufflait  sur  la  Franc-Maçon- 
nerie. 


40  Rupture  avec  la  Grande-Loge  d'Angleterre. 


En  1758,  la  Grande-Loge,  impuissante  à  faire  res- 
pecter son  autorité  par  ses  indociles  sujets,  espéra  re- 
conquérir tout  le  prestige  qu'elle  avait  perdu,  en  s'in- 
surgeant  elle-même  contre  l'autorité  légitime,  dont  elle 
était  l'émanation.  Elle  se  déclara  indépendante  de  la 
Grande-Loge  de  Londres  et  à  son  titre  primitif  de 
Grandc-Loge-auglaise,  substitua  le  nouveau  titre  de 
Grande-Loge  de  France.  Elle  modifia  se  constitution  et 
arrêta  de  nouveaux  statuts. 

Les  Maîtres  de  Paris  étaient  déclarés  inamovibles. 
On  donnait  ce  nom  à  tous  les  vénérables  qui  présidaient, 
dans  la  capitale,  une  Loge  régulièrement  établie. 

Les  Maîtres  de  Paris,  à  l'exclusion  de  tous  les  Maî- 
tres présidant  les  Loges  de  Province,  avaient  la  direc- 
tion et  le  gouvernement  de  l'Ordre. 


i66 


LA   FRANC-MAÇONNERIE 


Le  pouvoir  de  juridiction,  au  premier  degré,  était  re- 
mis à  un  conseil  composé  de  dix-huit  membres,  neuf 
officiers  et  neuf  maîtres,  formant  ensemble  l'Assem- 
blée du  Conseil. 

Au-dessus  était  la  Loge  de  communication  de  quar- 
tier. Cette  Assemblée,  dont  les  membres  étaient  élus  au 
scrutin  et  renouvelés  tous  les  trois  ans,  était  comme 
une  cour  d'appel  investie  du  pouvoir  d'approuver  ou  de 
réformer  les  décisions  de  la  chambre  précédente. 

Ces  deux  Assemblées  composaient  la  Grande-Loge 
qui  comptait  ainsi  dix-huit  membres  de  Y  Assemblée 
du  Conseil,  trente  membres  de  la  Loge  de  communica- 
tion de  quartier,  le  substitut  du  Grand-Maître  et,  enfin, 
le  Grand-Maître  lui-même,  soit,  au  total  quarante 
membres,  autant  que  l'Académie  Française. 

Pour  les  besoins  de  la  correspondance,  et  en  vue  des 
informations  à  recueillir,  sur  la  vie,  les  aptitudes  et  la 
moralité  des  frères,  on  créa  une  Chambre  des  Dépê- 
ches (bureau  des  fiches).  Elle  se  composait  de  quinze 
membres  :  neuf  officiers  et  six  vénérables  Maîtres. 

La  Grande-Loge  connaissait  de  l'appel  de  tous  les  ju- 
gements rendus  par  les  ateliers  inférieurs,  et  percevait 
un  tribut  annuel  sur  toutes  les  Loges  et  autres  établis- 
sements qui  relevaient  de  sa  juridiction. 

Remarquons  que  les  officiers,  sans  exception,  étaient 
tenus  de  solder  par  une  cotisation  annuelle  l'excédent 
des  frais  exigés  par  l'administration  générale  du  Ré- 
gime. Cette  cotisation  devint  extrêmement  onéreuse. 
L'un  des  plus  anciens  officiers  du  Grand-Orient,  Ba- 
con de  la  Chevalerie,  avouait  avoir  dépensé  120  mille 
livres  pour  soutenir  cette  vaste  machine,  aussi  coûteuse 
que  fragile. 

On  ne  voit  pas  que  l'indolent  Grand-Maître  ait 
beaucoup  contribué  à  l'établissement  de  toutes  ces  ré- 
formes,  ni   que  le  pouvoir  royal,   maigre  les   dires  de 


'.,1!.W 


et   LA  ROYAUTE 


167 


l'historien    Henri    Martin,    ait    sérieusement    menacé 
l'avenir  de  la  Maçonnerie. 

50  Le  Substitut  Lacorne. 


Le  vrai  danger  n'était  ni  à  la  cour,  ni  au  Châtelet.  Il 
était  à  l'intérieur  :  plus  le  nombre  des  Frères  et  des 
Loges  allait  croissant,  plus  le  désordre  grandissait.  En 
1761,  la  Grande-Loge,  découragée,  épuisée  par  ses  vains 
efforts,  constatant  son  impuissance  absolue  à  ramener  à 
elle  les  dissidents,  fatiguée  des  scandaleux  marchan- 
dages de  Battre,  substitut  du  Grand-Maître,  pria  le 
comte  de  Cl  er  m  ont  de  désigner  un  autre  représentant. 
Cl e  nu  ont  était  aussi  incapable  de  redonner  un  peu  de 
lustre  à  son  Ordre  que  de  mener  nos  troupes  à  la  vic- 
toire. Choisi  par  la  favorite  pour  remplacer  Richelieu 
à  la  tête  de  nos  armées  d'outre-Rhin,  Clermont,  brave 
officier  mais  piètre  général,  plus  au  courant  des  intri- 
gues de  boudoirs  que  des  secrets  de  la  stratégie,  avait 
obtenu  du  Saint-Siège  de  porter  les  armes,  sans  avoir 
à  renoncer  à  ses  riches  bénéfices. 


Le  Grand-Maître  de   Paris   fut  battu   honteusement 


par 


le   futur  Grand-Maître  du  Régime  Rectifié  de  la 


Stricte-Observance,  le  duc  de  Brunswick,  Hques  a  Vic- 
toria. Le  14  mars  1758,  Clermont  perdit  cinq  mille  hom- 
mes, assiégés  dans  Minden,  abandonna  la  Westphalie 
sans  combat,  repassa  le  Rhin  à  Wesel,  le  3  avril,  et  laissa 
onze  mille  hommes,  malades  ou  prisonniers,  entre  les 
mains  de  l'ennemi.  Avec  des  forces  supérieures  en 
nombre,  le  prince-abbé  perdit,  le  23  juin,  la  bataille  de 
Crevelt,  qui  ouvrait  aux  armées  prussiennes  la  route 
de  Bruxelles. 

Cédant  la  place  au  marquis  de  Contades,  Clermont 
revint  à  Paris.  Après  avoir  rendu  grâces  au  Grand- 
Architecte  de  l'Univers,  qui  avait  daigné  conserver  le 
Sérénissime  et  Très  Illustre  Grand-Maître  à  leur  ten- 


l68  LA   FRAXC-MAÇOXXERIE 

dresse,  les  Frères,  pour  célébrer  son  heureux  retour, 
tirèrent  à  table  de  bruyantes  salves  d'artillerie  :  «  Feu. 
feu  en  l'honneur  du  Scrcnissiine  Frère,  notre  très  illus- 
tre Grand-Maître,  Monseigneur  le  comte  de  Clernwnt.  » 

Le  vaincu  de  Crevelt,  remis  de  ses  émotions  guer- 
rières, traita  les  intérêts  de  la  Maçonnerie  aussi  légère- 
ment que  ceux  de  la  France.  Peut-être  par  dérision, 
peut-être  par  caprice,  le  comte  de  Clermont  se  choisit 
pour  substitut,  à  la  place  du  banquier  Baure,  un  homme 
que  la  voix  publique  désignait  comme  le  pourvoyeur  de 
ses  amours  clandestins,  le  maître  de  danse  Lacorne. 

Les  officiers  et  les  Maîtres  de  Paris,  qui  composaient 
la  Grande-Loge,  froissés  et  furieux  d'un  choix  qui  les 
couvrait  de  ridicule,  se  regimbèrent.  Ils  refusèrent  una- 
nimement de  se  rendre  aux  convocations.  Le  substitut 
Lacorne,  profondément  humilié  et  fort  dépité  de  cet 
accueil,  se  tourna  d'un  autre  côté.  Il  recruta  de  plus 
dociles  adeptes  dans  les  cabarets  et  les  tripots  ;  choisit 
parmi  eux  ses  officiers,  et  afficha  la  prétention  d'edicter 
de  nouvelles  constitutions. 


6°  La  faction  Lacorne.  Les  deux  Grandes  Loges  rivales. 

Il  y  avait  donc  deux  Grandes-Loges  de  France.  Les 
deux  rivales  s'excommunièrent  mutuellement.  Les  fou- 
dres, lancées  avec  fureur  de  part  et  d'autre,  ne  blessè- 
rent personne.  Les  belligérants  couchaient  sur  leurs 
positions.  Le  public  s'amusait  fort  de  cette  guerre  intes- 
tine. Quant  au  comte  de  Clermont,  il  paraissait  abso- 
lument étranger  aux  querelles  de  ses  pupilles  indisci- 
plinés. 

Cependant,  l'année  d'après,  ému  des  remontrant 

lui  faites,  par  les  vrais  membres  de  la  Grande-Loge,  il 
consentit  à  révoquer  les  pouvoirs  du  maître  de  dai 
Lacorne.  et  lui  donna  pour  successeur  un  digne  fri 
Chaillon   de  Jonville.    Les   deux    factions   parurent    un 


ET   LA    ROYAUTÉ  IÔÇ 

moment  s'être  réconciliées.  Mais  entre  elles  aucune  en- 
tente durable  n'était  possible.  Le  premier  parti  était 
celui  des  nobles,  des  bourgeois  influents.  Les  adeptes 
recrutés  par  Lac  orne,  qui  formaient  le  second  parti, 
étaient  des  gens  grossiers,  des  hommes  obscurs,  la  lie 
de  la  plèbe  parisienne.  Par  leurs  manières  rustiques  ils 
froissaient  leurs  frères,  parfaits  hommes  du  monde,  et 
gens  de  cour  pleins  de  distinction.  Les  querelles  étaient 
fréquentes,  car  tous  ces  vilains  étaient  fort  agressifs. 

Enfin,  pris  de  dégoût,  les  membres  du  premier  parti  se 
concertèrent,  et,  aux  élections  triennales  du  22  juin 
1765,  éliminèrent,  de  tous  les  emplois  et  de  toutes  les 
charges  d'officiers,  ces  intrus  égarés  dans  les  ateliers 
de  la  Maçonnerie  très  noble  et  très  sainte.  Leurs  victi- 
mes crièrent,  protestèrent,  se  séparèrent  de  la  Grande- 
Loge  et  écrivirent  contre  elle  des  mémoires  injurieux 
qu'ils  répandirent  à  profusion  dans  le  public.  La  Grande- 
Loge  les  accusa  d'avoir  manqué  au  serment  de  discré- 
tion, et  les  excommunia.  De  nouveaux  libelles,  plus  vio- 
lents encore,  répondirent  à  cet  acte.  Les  exclus  ne  se 
contentèrent  point  de  protestations  verbales  ou  écrites. 
Le  4  février  1767,  faisant  irruption  dans  la  salle  où  les 
membres  de  la  Grande-Loge  célébraient  la  fête  de  l'Or- 
dre, ils  injurièrent  les  assistants  et  se  portèrent  même 
contre  eux  aux  voies  de  fait  les  plus  graves.  Le  lieute- 
nant de  police  dut  intervenir  pour  faire  cesser  le  scan- 
dale ;  peu  de  jours  après,  il  publia  une  ordonnance  qui 
interdisait  les  réunions  de  la  Grande-Loge. 

Les  membres  de  la  faction  Lac  orne  n'étaient  pas  hom- 
mes à  s'embarrasser  de  scrupules.  Mettant  à  profit  le 
silence  et  l'inactivité,  auxquels  leurs  adversaires,  moins 
audacieux,  se  trouvaient  condamnés,  ils  tinrent  les  réu- 
nions à  l'insu  du  gouvernement,  et  s'empressèrent  de 
faire  savoir  aux  Loges  des  provinces  qu'à  la  suite  de 
l'ordonnance  du  lieutenant  de  police,  la  Grande-Loge 
avait  nommé  trois  délégués,  munis  de  pleins  pouvoirs 
pour  correspondre,  ériger  de  nouveaux  ateliers,  déli- 
vrer des  diplômes,   faire,  en  un  mot,  durant  l'intérim, 


tt 


I70 


LA  FRANC-MAÇONNERIE 


tous  actes  de  juridiction.  Ces  trois  délégués  étaient, 
disait-on  dans  la  lettre  circulaire,  les  Frères  Peny,  Duret 
et  Lév exilé. 

Il  y  eut  des  dupes  en  grand  nombre.  Des  particuliers 
sollicitèrent  des  diplômes  et  les  payèrent  un  bon  prix. 
Mais  quelques  Loges,  trouvant,  au  bas  des  circulaires, 
des  noms  de  frères  qu'on  leur  avait  précédemment 
dénoncés  comme  excommuniés,  avant  les  incidents  de 
1767,  conçurent  des  doutes  sur  la  sincérité  des  «  décla- 
rations contenues  en  icelles  ».  Elles  demandèrent  des 
explications  à  Paris.  Le  frère  Chaillon  de  Jonvillc  se 
chargea  de  répondre  lui-même  et  publia,  une  nouvelle 
fois,  la  liste  de  tous  les  frères  excommuniés  par  l'auto- 
rité légitime. 

Ces  derniers,  plus  furieux  que  jamais,  continuèrent 
de  se  réunir  et  poursuivirent  leurs  menées  occultes.  Les 
Chapitres  de  Paris  et  de  nombreuses  Loges  prirent 
même  fait  et  cause  pour  eux  et  accusèrent  la  Grande- 
Loge  d'intolérance.  Hors  d'haleine,  réduite  à  l'impuis- 
sance, la  Grande-Loge  essaya  d'attendrir  le  lieutenant 
de  police  et  lui  demanda  l'autorisation  de  se  réunir.  Elle 
n'obtint,  hélas  !  qu'un  refus  mortifiant.  Elle  convoqua 
néanmoins  ses  membres  pour  une  réunion  générale, 
fixée  au  28  février  1770.  La  majorité  s'étant  abstenue 
d'y  paraître,  les  membres  présents  furent  contraints, 
après  avoir  beaucoup  gémi,  de  se  séparer  sans  avoir 
délibéré. 

Tout  semblait  perdu,  lorsque  la  Grande-Loge  apprit 
une  nouvelle  qui  lui  fit  prendre  décemment  le  deuil, 
mais  la  combla  de  joie  :  le  comte  de  Clcrmont,  son 
Sérénissime  Grand-Maître,  était  mort  (16  juin  1771). 


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CHAPITRE  III 


La  Paix  est  rétablie. 


i°  Le  Duc  de  Chartres 


Toujours  féconds  en  ressources,  les  membres  de  la 
faction  Lac  orne  préparèrent  un  merveilleux  plan  de 
restauration  et  eurent  l'incroyable  bonheur  de  le  réali- 
ser. Grâce  aux  bons  offices  du  duc  de  Luxembourg,  ils 
purent  parvenir  jusqu'au  duc  de  Chartres,  lui  offrirent 
la  Grande-Maîtrise  de  l'Ordre  et  le  conjurèrent  d'ac- 
cepter cette  charge,  pour  le  salut  de  la  Maçonnerie  expi- 
rante. Ce  prince,  dont  la  réputation  était  déplorable, 
qu'on  disait  à  la  cour  fort  poltron,  que  la  voix  publi- 
que accusait,  mais,  peut-être,  à  tort,  de  s'être  caché  à 
fond  de  cale,  tant  qu'avait  duré  le  combat  d'Ouessant, 
commençait  à  cette  époque  à  ressentir  pour  Louis  XVI 
cette  haine  fatale  qui  devait  le  conduire,  un  jour,  jus- 
qu'au Régicide.  Le  roi  venait  de  lui  conférer  le  titre  de 
colonel  des  hussards,  à  la  place  de  celui  de  grand-ami- 


1^2  LA   FRAXC-MAÇOXXERIE 

rai  auquel  Chartres  prétendait  avoir  droit,  comme  beau- 
fils  du  duc  de  Penthièvre,  qui  en  était  possesseur. 

Le  duc  de  Chartres  accepta  l'offre  qui  lui  était  faite. 
Il  se  donna  pour  substitut  le  duc  de  Luxembourg. 

2°  Réconciliation. 

Fiers  d'avoir  à  leur  tête  un  prince  du  sang  aussi 
dégagé  qu'eux  de  tout  scrupule,  les  frères  exclus  pour- 
suivirent, avec  une  activité  fiévreuse,  la  réalisation  de 
leur  plan.  L'acceptation  écrite  du  duc  leur  parvient  le 
16  juin  (1771):  ils  convoquent,  pour  le  24,  non  seu- 
lement leurs  amis,  mais  encore  leurs  rivaux,  c'est-à-dire 
les  membres  de  la  vraie  Grande-Loge. 

A  l'Assemblée  générale,  qui  se  réunit,  en  effet,  ce 
jour-là,  ils  annoncèrent,  au  bruit  des  batteries  d'allé- 
gresse, le  complet  succès  de  leurs  démarches,  firent 
entrevoir  les  heureuses  conséquences  qu'elles  pou- 
vaient avoir  pour  tous  les  Maçons,  et  devenus  magna- 
nimes dans  leur  triomphe  même,  demandèrent  à  leurs 
adversaires  d'oublier  le  passé,  de  retirer  les  excommu- 
nications lancées,  et  de  les  recevoir  dans  la  Grande- 
Loge.  La  paix  fut  conclue. 

30  Préparation  d'une  Loge  Nationale. 

Dès  ce  jour,  le  travail  de  réorganisation  fut  mené 
rapidement.  Les  circonstances  exigeaient  impérieuse- 
ment une  nouvelle  forme  dans  l'administration  de 
l'Ordre.  Vainqueurs  enfin,  grâce  à  leur  ténacité,  les 
anciens  exclus  se  sentirent  d'autant  plus  forts  que  leurs 
nobles  adversaires  de  la  veille  se  montraient  plus  surpris 
de  ce  brusque  revirement  de  la  fortune.  A  l'instigation 
des  partisans  de  Lacorne,  les  Chapitres,  qui  avaient 
pris  parti  pour  les  excommuniés,  sommèrent  la  Grande- 
Loge  de  les  reconnaître,  promettant  d'ailleurs  de  n'avoir 
point  d'autre  chef,  à  l'avenir,  que  le  Sérénissime  Grandi 
Maître,  Mgr  le  duc  de  Chartres.  Leur  réclamation,  pré* 


ET   LA   ROYAUTE 


l7Z 


sentée  et  appuyée  par  le  duc  de  Luxembourg,  fut 
agréée.  Un  membre  proposa  de  s'occuper  de  la  réforme 
des  abus  et  d'appeler  toutes  les  Loges  du  Régime  à  con- 
courir aux  futures  délibérations.  Après  des  débats  fort 
animés  et  même  tumultueux,  la  motion  fut  votée.  Huit- 
commissaires  furent  désignés  pour  s'occuper  de  ce  dif- 
ficile travail.  Ils  appartenaient  en  majorité  à  l'ancien 
parti  des  exclus. 

Pendant  six  mois,  les  huit  commissaires  examinè- 
rent divers  projets,  élaborèrent  de  nouveaux  Statuts, 
préparèrent,  en  un  mot,  toutes  les  questions  sur  les- 
quelles la  future  Assemblée  serait  invitée  à  délibérer. 
Ils  lancèrent  en  même  temps  d'éloquentes  circulaires, 
où  ils  conjuraient  toutes  les  Loges,  qui  dépendaient  du 
Régime,  de  venir  au  secours  de  la  Maçonnerie  en  danger 
et  d'envoyer  des  députés  pour  concourir  aux  opérations 
de  la  Grande-Loge  nationale,  conjointement  avec  ses 
officiers. 

4°  Les  Députés  à  Paris. 


Près  de  quatre-vingts  députés  arrivèrent  à  Paris  ;  ils 
représentaient  trois  ou  quatre  cents  loges.  Parmi  eux. 
nous  distinguons  de  Bouclas,  du  régiment  de  Vivarais  : 
le  comte  de  Buzançois,  du  régiment  d'Hainaut  ;  le  che- 
valier de  Champeaux,  représentant  Sedan,  Régiment 
Dauphin  et  Dragons  :  le  marquis  de  Clermcnt-Ton- 
nerre,  représentant  Besançon,  Dôle,  Grey,  Lons-le-Saul- 
nier,  Luxeuil,  Poligny,  Salin;  Datessen,  du  régiment  de 
Waldener  ;  le  chevalier  Destours,  du  régiment  d'Hai- 
nault  ;  le  comte  d'Ossuu,  représentant  Carcassonne  ;  le 
marquis  de  Fit::-James  ;  le  chevalier  de  Plexenvïlle,  du 
régiment  d'Hainault  ;  Guillotin.  représentant  Angou- 
lême,  Alontauban,  Toulouse  ;  l'abbé  Jossot,  représentant 
Carcassonne  ;  Labady,  député  de  vingt-sept  loges,  parmi 
lesquelles  quatre  de  Perpignan  ou  du  Roussillon,  An- 
gers, Clermont-Ferrant  (sic),  Guadaloupe  (sic),  Poi- 
tiers, Romans,  Rouen,  Thiers  et  réoiment  de  YYalde- 


I74 


EA  FRANC-MAÇONNERIE 


ner  ;  La  Croix,  du  régiment  de  Lyonnais  ;  Lamavque 
V Américain,  député  des  loges  de  Saint-Domingue  ;  le 
duc  de  Lauzun  ;  Le  Lorrain  ;  l'abbé  Lucas  de  Boulain- 
villiers  ;  le  chevalier  de  Luxembourg  ;  de  Narboud,  de 
Saint-Domingue  ;  le  comte  de  Pcrigny  ;  le  prince  de 
Pignatclli  ;  Pingre,  chanoine  et  bibliothécaire  de  Sainte- 
Geneviève,  chancelier  de  l'Université  de  Paris,  de  l'Aca- 
démie des  Sciences,  vénérable  de  la  Loge  de  l'Etoile 
polaire  de  l'Orient  de  Paris  et  député  des  Loges  de 
l'Heureuse  Rencontre,  de  Brest,4  et  de  Saint-Louis,  du 
régiment  de  Guyenne  ;  Prost  de  Larry,  de  Saint-Domin- 
gue; l'abbé  Raymond,  député  de  Valence,  en  Dau- 
phiné  ;  le  prince  de  Rohan-Gucineuce  ;  le  baron  de 
Ros,  capitaine  de  dragons  au  régiment  de  Custine, 
député  de  Perpignan  ;  l'abbé  Rosier,  chanoine  de 
l'Eglise  de  Lyon,  de  l'Académie  Royale  des  Sciences, 
Beaux-Arts  et  Belles-Lettres  de  Lyon,  de  Villefranche, 
de  Dijon,  de  Marseille,  de  la  Société  Impériale  de  phy- 
sique et  de  botanique  de  Florence,  de  la  Société  Econo- 
mique de  Rome,  des  Brfreaux  d'Agriculture  de  Lyon, 
de  Limoges,  d'Orléans,  ancien  Directeur  de  l'Ecole 
Royale  de  Médecine  Vétérinaire,  député  de  Loges  de 
Bordeaux,  de  Lyon,  de  Metz,  de  Montauban  et  de 
Reims  ;  Savalette  de  Langes  ;  le  marquis  de  Seigncley  ; 
le  marquis  de  Saisseval  ;  le  comte  de  Stroganoff,  repré- 
sentant de  toutes  les  Loges  de  la  Franche-Comté  ;  le 
marquis  de  la  Toitr-du-Pin-Montauban,  député  de  Car- 
cassonne  ;  le  baron  de  Toussainet  ;  le  chevalier  de  Tou- 
zart,  député  du  Corps  du  Génie  de  Mézières  ;  le  duc  de 
la  Trémoille;  Varennc  de  Béost;  Wiïïermoz,  de  Lyon. 
Ce  fut  un  véritable  Couvent.  Les  députés  des  pro- 
vinces se  firent  connaître,  montrèrent  leurs  pouvoirs  et 
se  mirer,!  au  travail.  Les  réunions  se  tinrent  à  l'hôtel  de 
Chaulnes,  sous  le  maillet  du  duc  de  Luxembourg.  Du 
5  mars  au  26  juin  1773,  nous  comptons  quinze  Assem- 
blées solennelles,  dont  nous  rendrons  un  compte  assez 
rapide,  bien  que  fort  exact,  d'après  les  procès-verbaux 
que  nous  avons  sous  les  veux. 


CHAPITRE  IV 
Les  Séances  de  la  Loge  Nationale.   • 

PREMIÈRE  SÉANCE,  LE   5    MARS. 

Lecture  fut  faite  aux  représentants  des  provinces 
d'un  projet  de  deux  premiers  chapitres  de  nouveaux 
Statuts,  arrêtés  par  l'es  huit  Commissaires  nommés  par 
les  Maîtres  de  Paris. 


DEUXIÈME    SÉANCE,    LE    8    MARS. 

Assemblés,  pour  la  seconde  fois,  le  8  mars,  les  repré- 
sentants des  provinces  confirmèrent,  par  acclamation, 
la  nomination  faite,  le  24  juin  1771,  par  les  Maîtres 
de  Paris,  du  Sêrénissime  Frère  Duc  de  Chartres,  pour 
Grand-Maître,  et  du  Très  Illustre  Frère,  Duc  de  Luxem- 
bourg, pour  Administrateur-Général. 


, 


176 


LA   FRANC-MAÇONNERIE 


Au  cours  de  cette  séance,  les  représentants  nomma- 
ient trois  députés,  ((  pour  se  joindre  à  cens  qui  seraient 
<(  nommés  de  la  part  des  Maîtres  de  Paris,  pour  faire 
«  part  à  ees  respectables  Chefs  de  leurs  confirmations, 
((  et  les  prier  d'accepter  les  fonctions  de  leurs  charges 
((  respectives  )).  Ils  arrêtèrent  ensuite  de  s'occuper, 
conjointement  avec  les  Frères  de  Paris,  du  bien  géné- 
ral de  l'Ordre. 


TROISIÈME    SEAXCE,    LE   9    MARS. 


Le  lendemain,  9  mars,  le  corps  des  Députés  des  pro- 
vinces se  réunit,  sous  le  maillet  du  Duc  de  Luxembourg 
aux  Commissaires  nommés  par  les  Maitres  de  Paris. 

Et  d'abord,  l'Assemblée  se  proclame  seul  et  unique 
Tribunal  de  l'Ordre,  sous  le  titre  distinctif  de  Graxde- 
Loge  Nationale  de  France,  en  laquelle  se  réunissait, 
en  ce  moment,  la  plénitude  des  pouvoirs  dans  l'Ordre. 

Il  fut  ensuite  arrêté  de  députer  sept  Commissaires, 
présidés  par  AI.  le  duc  de  Luxembourg,  pour  faire  part 
au  Sérénissimc  Frère  Duc  de  Chartres  de  son  élection 
et  lui  demander  son  acceptation.  Voici  les  noms  de  ces 
députés  :  Le  Très  Illustre  Frère.  Duc  de  Luxembourg 
le  comte  de  Buzançois,  Bacon  de  la  Chevalerie.  Ricard 
de  Bcgnicourt,  Baron  de  Toussainct,  de  la  Lande,  Bru- 
ne te  au. 

Enfin,  les  membres  de  l'Assemblée  arrêtèrent  le  pro- 
jet de  deux  premiers  chapitres  de  nouveaux  Statuts, 
sous  la  réserve  de  l'interprétation  à  faire  par  des  règle- 
ments, et  nommèrent  neuf  Commissaires  pour  ladite 
interprétation.  Voici  les  noms  de  ces  respectables  Com- 


missaires 
1 


Comte  de  Buzançois,  Bacon  de  la  Chevalerie,  Che- 
valier de  Champeaux.  Ricard  de  Bcgnicourt,  de  Ban- 
das, Marin,  Baron  de  Toussainct,  de  la  Lande.  Brune- 
teau.  —  Au  mois  de  juin  (le  2),  on  leur  adjoignit  trois 


ET   LA   ROYAUTE 


l77 


autres  Commissaires  :  Marquis  de  Tonnerre,  Varenne 
de  Béost,  Leroy. 

QUATRIÈME  SÉANCE,  LE  7  AVRIL. 

Une  grande  agitation  régnait  parmi  un  certain  nom- 
bre de  Maîtres  de  Paris.  L'Assemblée  avait  porté  la 
main  sur  leurs  privilèges  les  plus  chers.  Le  projet  de 
deux  premiers  chapitres  de  nouveaux  Statuts,  qui  avait 
été  renvoyé  à  l'examen  des  neuf  Commissaires,  suppri- 
mait purement  et  simplement  l'inamovibilité  des  véné- 
rables .Maîtres.  Quelques  députés  avaient  porté  contre 
eux  les  accusations  les  plus  graves.  Les  récentes  haine? 
étaient  encore  mal  éteintes.  Les  orateurs,  préludant  à 
cette  phraséologie  creuse,  mensongère,  mais  retentis- 
sante, qui  devait  avoir  en  France  de  si  heureuses  desti- 
nées, avaient  soutenu  que  la  Sainte  Assemblée,  réunie 
sous  le  maillet  du  Très  Illustre  Frère  le  duc  de  Luxem- 
bourg, tenait  ses  pouvoirs  de  la  nation  elle-même,  qui  les 
avait  choisis,  pour  extirper  les  abus  et  faire  régner 
l'égalité. 

Dans  l'intervalle  des  deux  séances,  du  9  mars  au 
7  avril,  on  disputa  et  l'on  intrigua  ferme.  Les  Maîtres 
de  Paris,  formant  cinq  divisions,  exigèrent  que  l'As- 
semblée reçut  dans  son  sein  quatorze  députés,  nommés 
par  eux  et  chargés  de  leurs  pouvoirs,  pour  les  repré- 
senter à  la  Grande-Loge  Nationale.  Nous  avons  retrouvé 
le  tableau  des  cinq  Divisions  et  les  noms  des  députés  ; 

Première  Division. 

Vingt  vénérables  Maîtres  :  trois  députés  :  De  Mery- 
Darcy,  Leroy,  Mangean. 

Deu  sic  me  Division. 


Quinze  vénérables  Maîtres  ;  deux  députés  :  Regnard. 
Gouillard. 


■ 


i78 


LA   FRAXC-MAÇOXXERIE 


Troisième  D  h  ision . 


Onze  vénérables  Maîtres  ;  trois  députés  :  Richard. 
Joubert  de  la  Bourdinière,  le  comte  de  Jagny. 

Quatrième  Division. 

Quatorze  vénérables  Maîtres  ;  3  députés  :  Hérault, 
Packault,  Théolon. 

Cinquième  Division. 

Vingt  vénérables  Maîtres  ;  trois  députés  :  Gerbier, 
Martin.  Caseuil,  le  jeune. 

Le  Frère  Baron  de  Toussainct  fut  nommé  Secrétaire 
Général  d'Office  de  la  Grande  Loge  Nationale. 


CINQUIEME  SEANCE,  LE   14  AVRIL. 

Les  Vénérables  de  Paris  exigent  que  la  Grande  Loge 
Nationale  s'adjoigne  les  trois  députés  élus  par  les  Maî- 
tres formant  la  cinquième  division. 

SIXIÈME  SÉANCE,  LE  17  AVRIL. 

Lecture  du  premier  Chapitre  des  Statuts,  réformé  par 
les  Commissaires  ;  acclamation  de  cette  réforme. 

SEPTIÈME   SEANCE,   LE  22   AVRIL. 


Lecture  du  second  Chapitre  des  Statuts,  approuvé  en 
partie. 

((  Une  forme  toute  nouvelle  d'administration  exigeait 
((  une  nouvelle  nomination  d'Officiers  ;  cette  opération 
«  aurait  pu  devenir  l'écueil  de  l'harmonie  et  exciter  des 


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ET   IvA   ROYAUTE 


179 


«  mécontentements  ;  la  Grande  Loge  Nationale  crut 
((  trouver  dans  la  prudence  et  la  sagesse  de  son  Très 
«  Illustre  Administrateur  Général,  le  duc  de  Luxem- 
«  bourg,  le  moyen  sûr  d'éviter  ce  danger  »  ;  elle  lui 
déféra  donc,  pour  cette  fois,  la  nomination  de  la  tota- 
lité des  Officiers. 


HUITIEME    SEANCE,    EE    24    MAI. 

Le  Frère  Savalette  de  Langes,  de  la  Loge  des  Amis- 
Réunis,  prononça  un  discours.  Il  apprit  à  l'Assemblée 
que  le  Frère  Chaillon  de  Jonville,  ancien  substitut  géné- 
ral du  Sérénissime  Grand-Maître,  jeu  le  Comte  de  Cler- 
mont,  l'avait  chargé  de  faire  savoir  qu'il  reconnaissait 
le  duc  d?  Chartres  pour  Grand-Maître  et  le  duc  de 
Luxembourg  pour  Administrateur  Général,  et  qu'il 
offrait  sa  démission,  sous  condition  d'obtenir  des  lettres 
de  substitut  honoraire. 

Le  procès-verbal  se  tait  sur  les  suites  données  par 
l'Assemblée  à  cette  communication  officielle.  Nous 
croyons  que  les  représentants  passèrent  purement  et 
simplement  à  l'ordre  du  jour. 

En  conséquence  on  donna  lecture  du  premier  Cha- 
pitre des  Statuts,  qui  fut  définitivement  arrêté  par 
acclamation. 


NEUVIÈME  SÉANCE.  LE  28  MAI 


Cette  réunion  fut  une  des  plus  solennelles,  des  plus 
gaies  et  des  plus  bruyantes.  La  Grande-Loge  Natio- 
nale procéda,  par  la  voie  du  scrutin,  à  l'élection  de  son 
Grand-Conservateur.  Le  Très  respectable,  Très  véné- 
rable et  Très  cher  Frère  Paul-Etienne-Auguste  de  Beau- 
villicrs,  Comte'  de  Buzançois,  Grand  d'Espagne  de  la 
première  classe,  colonel  d'infanterie,  orateur  de  la  Loge 


i8o 


LA  FRAXC-MAÇONNERIE 


de  Saint-Jean  de  Montmorency-Luxembourg,   fut  élu, 
proclamé  et  mille  fois  acclamé. 

Cette  élection  fut  suivie  de  la  nomination  et  de  la 
proclamation  des  quinze  Officiers  d'Honneur,  choisis 
par  le  duc  de  Luxembourg.  Il  est  intéressant  de  connaî- 
tre tous  ces  personnages.  Tous  sont  décorés  du  titre  de 
Très  respectables. 

i°  Représentant  du  Grand-Maître  : 

Frère  le  Prince  de  Rohan-Gucmcnée,  capitaine-com- 
mandant de  la  Compagnie  des  gens  d'armes  du  Roi, 
Mestre-de-Camp  de  Cavalerie,  second  surveillant  de  la 
Loge    Saint-Jean   de    Montmorency-Luxembourg. 

2°   Premier  Grand-Surveillant  : 

Frère  Anne-Paul-Emmanuel  de  Montmorency,  Che- 
valier de  Luxembourg,  capitaine  des  Gardes-du-Corps 
de  Sa  Majesté,  Mestre-de-camp  de  cavalerie,  premier 
surveillant  de  la  Loge  de  Saint-Jean  de  Montmorency- 
Luxembourg. 

3°   Deuxième  Grand-Surveillant  : 

Frère  le  duc  de  Lauzun,  colonel  d'infanterie,  capi- 
taine aux  Gardes-Françaises,  secrétaire  de  la  Loge  de 
Saint-Jean  de  Montmorency-Luxembourg. 

4°   Grand-Orateur  : 

Frère  Jean- Jacques  Bacon  de  la  Chevalerie,  colonel 
d'infanterie,  Ex-Maître  de  la  Loge  Militaire  Saint-Jean 
de  Lyon. 


-  o 


Grand  Secrétaire 


Frère  Louis-Jean-Baptiste,  marquis  de  Scigneley, 
Brigadier  des  Armées  du  Roi,  colonel  du  Régiment  de 
Champagne,  Maître  des  cérémonies  de  la  Loge  de  Saint- 
Jean  de  Montmorency-Luxembourg. 


igmm 


£T  i*a  royauté  181 

6°  Grand- Roi  d'Armes  : 

Frère  Jean-Bretagne,  duc  de  la  Trémoille  et  de 
ThouarSj  prince  de  Tarent  a,  pair  de  France,  maréchal 
des  camps  et  armées  du  Roi,  membre  de  la  Loge  Saint- 
Jean  de  Montmorency-Luxembourg. 

y0  Grand  Expert  : 

Frère  le  Prince  de  Pignatelli,  Grand  d'Espagne,  de 
première  classe,  Mestre  de  camp  de  Dragons. 

8°  Grand  Garde  des  Sceaux  : 

Frère  Anne-Emélie-Jean-Baptiste,  vicomte  de 
Ronairft,  colonel  d'infanterie,  membre  de  la  Loge  de 
Saint-Jean  de  Montmorency-Luxembourg. 

9°  Grand  Trésorier  : 

Frère  Pierre-Catherine  Giraud  Destours,  chevalier  de 
l'Ordre  Royal  et  militaire  de  Saint-Louis,  lieutenant- 
colonel  d'infanterie,  Trésorier  de  la  Loge  de  Saint- 
Jean  de  Montmorency-Luxembourg. 

io°  Grand  Garde  des  Archives  : 

Frère  Adrien-Jeân-Charles,  chevalier  de  Launey,  co- 
lonel d'infanterie,  officier  major  des  Gardes-Françaises, 
Maître  d'Hôtel  de  la  Loge  de  Saint-Jean  de  Montmo- 
rency-Luxembourg.  • 

1 1  °   Grand  Architecte  : 

Frère  le  comte  d'Ossun,  Grand  d'Espagne,  de  la  pre- 
mière classe,  colonel  d'infanterie. 

12°  Grand  Introducteur  : 

Frère  le  Marquis  de  Clermont-T onnerrc ,  Mestre-de- 
Camjp  de  cavalerie. 

130   Grand-Maître   des    Cérémonies  : 

Frère  le  marquis  de  Fitz-Jctmcs,  brigadier  des  armées 


182 


LA   FRANC-MAÇONNERIE 


du  Roi,  colonel  d'infanterie,  Grand-Expert  de  la  Loge 
de  Saint-Jean  de  Montmorency. 

140   Grand-Hospitalier  : 

Frère  comte  de  Périgny,  membre  de  la  Loge  de  Saint- 
Jean  de  Montmorency. 

150  Grand- Aumônier  : 

Frère  Marquis  de  Bréqueville,  maréchal  des  camps 
et  armées  du  Roi. 

On  remarquera  que  1* Administrateur-Général,  duc  de 
Luxembourg,  choisit  la  plupart  de  ses  Officiers  d'Hon- 
neur parmi  les  membres  de  la  Loge  qu'il  avait  fondée 
lui-même,  et  qui  portait  son  nom.  Tous  ces  maçons, 
épris  d'égalité,  se  montrèrent  ravis  de  ce  choix  ;  le 
Grand-Orient,  à  son  origine,  tenait  à  se  parer  des  plus 
beaux  noms  de  France,  pour  attirer  à  lui  un  plus  grand 
nombre  d'adeptes. 

DIXIÈME  SEANCE,  LE  2  JUIN. 

Confirmation  de  la  nomination  des  Officiers,  déférée 
au  Très  Illustre  Administrateur-Général. 

Lecture  du  second  Chapitre  des  Statuts,  définitive- 
ment arrêté. 

ONZIÈME    SÉANCE,    LE   7   JUIN. 

Confirmation  authentique  des  premiers  Chapitres  des- 
Statuts,  arrêtés  définitivement  dans  les  Assemblées  des 
24  mai  et  2  juin. 


DOUZIÈME    SÉANCE,    LE    14   JUTX. 

En  vue  d'apaiser  les  Maîtres  de  Paris,  furieux  de  se 
voir   privés   de   leurs   ancienires   prérogatives   et   de   ce 


ET   LA   ROYAUTÉ  183 

titre  de  Présidents  inamovibles,  qu'ils  avaient  payé  à 
beaux  deniers  comptants,  et  dont  ils  retiraient  des  pro- 
fits, considérés  comme  légitimes  jusqu'à  ce  jour,  les 
membres  du  Convent  cherchèrent  du  moins  à  panser  les 
cruelles  blessures  faites  à  l'amour-propre  de  ces  respec- 
tables maîtres  et  présidents.  C'est  à  trouver  le  baume 
que  fut  consacrée  la  majeure  partie  de  la  séance  du 
14  juin.  Nous  citons,  presque  in-cxtcuso,  l'extrait  du 
procès-verbal  de  l'Assemblée  de  ce  jour  : 

«  Cejourd'hui,  quatorzième  jour  du  quatrième  mois 
((  de  l'an  de  la  vraie  lumière  sept-cinq-mil  cent-soixante- 
«  treize  (sic)  (5773),  ^a  Grande-Loge  Nationale,  régu- 
«  lièrement  convoquée  et  ouverte,  etc.,  sur  les  repré- 
«  sentations  faites  par  les  Maîtres,  auxquels  jusqu'à  ce 
((  jour  ont  été  délivrées  des  constitutions  personnelles, 
«  en  ce  qui  concerne  l'Article  IV  de  la  Section  Ire,  du 
«  premier  Chapitre  des  Statuts,  déroge  auxdites  consti- 
<(  tutions  personnelles,  et  rend  aux  Loges  l'exercice  du 
((  droit  de  se  choisir,  aux  époques  qui  seront  fixées  par 
((  les  règlements,  chacune  un  autre  Maître,  il  a  été,  par 
<(  la  Loge  Nationale,  statué  que  ledit  Article  sera  exé- 
«  cuté  selon  sa  forme  et  teneur  ;  et  cependant,  pour 
<(  conserver  auxdits  Maîtres  porteurs  des  constitutions 
<(  personnelles  des  marques  qui  les  distinguent  de  la 
<(  classe  ordinaire  des  Maçons,  dans  laquelle  l'amovi; 
<(  bilité  de  la  Maîtrise  de  leurs  Loges  peut  les  faire  ren- 
«  trer,  a  été  arrêté  que  le  pourvu  de  Constitutions  per- 
«  sonnelles  qui  a  actuellement  une  Loge  formée,  pourra 
«  y  conserver  le  titre  d'ancien  Maître  et  Fondateur,  s'il 
<(  l'est,  en  effet,  après  néanmoins  qu'elle  aura  été 
<(  réconstituée  (sic)  inamovible,  et  qu'elle  aura  rem» 
«bourse  à  son  Maître  ce  qui  pourrait  lui  être  dû,  tant 
((  pour  le  prix  des  Constitutions  à  lui  personnelles,  dont 
((  il  lui  cédera  le  titre  distinctif  et  le  rang  d'ancien- 
<(  neté,  que  pour  les  dépenses  qu'il  aurait  pu  faire 
<(  pour  les  meubles  et  bijoux  de  la  Loge  :  et  le  titre 
<(  d'ancien  Maître  et   Fondateur  de  ladite   Loge   sera 


i84 


LA   FRAXC-MACOXXERIE 


((  mentionné  dans  les  nouvelles  Lettres  qui  lui  seront 
«  accordées  sous  le  même  titre,  et  à  la  même  date  que 
a  les  constitutions  personnelles. 

«  Qu'il  pourra  être  promu  à  l'Office  de  Maître  amo- 
«  vible  de  ladite  Loge,  sans  qu'on  puisse  l'y  charger 
((   d'aucun  autre  Office,  que  de  son  consentement. 

«  Que  dans  le  cas  où  il  ne  sera  pas  élu  Maître,  il  aura 
«  constamment  la  séance  immédiatement  après  le  Mai- 
«  tre  en  exercice  :  et.  dans  le  cas  d'absence  dudit  Mai- 
ce  tre  en  exercice,  il  présidera  la  Loge  par  préférence  à 
«  tous  autres,  même  aux  Ex-Maîtres  et  Surveillants. 

«  Qu'il  pourra  porter  sur  la  bavette  de  son  tablier  le 
((  bijou  de  Maître,  brodé 

u   Que  le  pourvu  de  Constitutions  personnelles,  qui 

((  n'a  pas  de  Loge   formée,   sera  tenu  de  s'agréger  à 

((  une  Loge  pourvue  de  constitutions  nouvelles,   dans 

((  laquelle  il  jouira  des  privilèges  ci-dessus,  même  de 

«  celui  de  pouvoir  y  être  élu  Maître  :  à  la  réserve  qu'il 

((  ne  pourra  y  présider  qu'en  leur  absence,  et  même  en 

((  celle  de   Surveillants,   à  moins  que  par  délibération 

«  particulière,  la  Loge  ne  lui  confère  le  privilège  d'y 

«  présider  les  Surveillants. 

«  A  statué  que  tout  pourvu  de  Constitutions  person- 

«  nelles  qui.  sans  avoir  de  Loge,  ne  s'agrégera  à  au- 

((  cune.  sera  réputé  abdiquer  la  qualité  de  Maître  ;  et, 

a  comme  tel,  l'Assemblée  le  déclare  Maître  irrégulier. 

((  inadmissible,  comme  Visiteur,  en  cette  qualité  dans 

((  aucune  Loge, régulière  :  pourra  cependant  être  ré] 

((  bilité,   par   son  agrégation  a  une  Loge   régulière. 

«  celle  agrégation  s'opère  dans  les  trois  années  de  ce 

o    jour » 


La  matière  ayant  été  mise  en  délibération  et   p: 
au  scrutin,  l'amovibilité  fut  prononcée  sur  le  concours 
de  vingt-sept  voix  contre  six. 


■■■■■■^^■B 


ET   LA   ROYAUTÉ  185 

TREIZIÈME  SÉANCE,   LE  21   JUIN. 

Le  Secrétaire  Général,  frère  le  baron  de  Toussainct, 
est  chargé  de  faire  imprimer  les  trois  premiers  Chapi- 
tres des  Statuts,  dont  le  troisième  a  été  définitivement 
arrêté  dans  cette  Assemblée. 

QUATORZIÈME    SÉANCE,    LE    24    JUIN. 

Après  plusieurs  mois  de  persévérants  efforts,  la  Grande 
Loge  Nationale  de  France  touchait  presque  le  but  et 
arrivait,  enfin,  au  terme  de  ses  importants  travaux.  La 
Grande  Fête  d'été  de  l'Ordre  Maçonnique  allait  lui  per- 
mettre de  porter  jusqu'aux  cieux  et  le  succès  de  ses  opé- 
rations et  le  zèle  de  son  Très  Illustre  Administrateur 
Général.  Elle  tint,  ce  jour-là,  une  Assemblée  de  table. 
Voici  en  quels  tenues,  remplis  d'émotion,  le  Baron  de 
Toussainct,  secrétaire  général  du  Grand-Orient,  fit  part 
aux  Frères  de  Paris,  des  provinces  et  des  îles,  des  splen- 
deurs et  des  réjouissances  de  cette  solennité  : 

«  Cette  Fête  fut  donnée,  par  le  Très-Illustre  Administra' 
«  teur  Général  à  toute  la  Grande-Loge  Nationale,  le  24,  jour 
«  de  la  Saint-Jean,  fête  générale  de  l'Ordre,  qui  jamais 
«  n'avait  été  célébrée  avec  tant  de  pompe,  de  magnificence  et 
<(  d'éclat.  Il  s'y  trouva,  par  un  hasard  singulier,  mais  d'un 
«  augure  favorable  pour  la  Maçonnerie,  QUATRE- VINGT- 
<(  UN    Maçons. 

«  C'est  aujourd'hui,  dit  le  Frère  Orateur,  le  jour  qu'un 
«  usage  ancien  et  respectable  a  consacré  dans  notre  Ordre 
«  pour  la  réunion  la  plus  générale  et  la  plus  solennelle  des 
«  Maçons  de  chaque  Orient  particulier;  mais  la  Fête  qui 
«  nous  rassemble,  est  la  première  où  l'on  ait  vu  tous  les  Ma- 
<(  çons  de  France  représentés  par  des  députés  de  toutes  les 
«  parties  de  ce  vaste  Royaume,  et  même  du  Nouveau-Monde. 
«  Celui  à  qui  nous  devons  cette  satisfaction,  après  avoir  été 


i86 


LA  FRAXC-MAÇOXXERIE 


a  le  restaurateur  de  nos  travaux,  la  source  de  notre  gloire, 
«  le  protecteur  et  le  guide  de  nos  opérations,  a  voulu  être 
«  encore  l'auteur  de  nos  plaisirs.  Il  donne  à  notre  réunion 
«  tous  les  agréments  que  produit  la  magnificence,  la  géné- 
«  rosité  et  le  goût,  tout  l'éclat  qui  accompagne  le  rang  le 
«  plus  illustre,  toute  la  joie  qu'inspire  le  triomphe  des  plus 
«  puissants  obstacles,  toute  la  confiance  d'une  fraternité  dont 
«  il  est  le  lien. 

«  Nos  frères  des  Provinces  avaient  été  convoqués  pour  la 

«  cérémonie    la    plus    brillante    de    notre    Ordre    (sans    doute 

«  l'installation  du  Grand-Maître)  ;  ils  auront  assisté  du  moins 

«  à  celle  qui  était  la  plus  propre  à  en  donner  une  juste  idée; 

«  ils  auront  vu  tout  ce  que  la  Maçonnerie  présente   de  plus 

«  éclairé,  de  plus  actif,  des  Frères  distingués  par  leur  nais- 

«  sance,  par  leur  réputation  dans  les  séances  ou  par  les  ser- 

«  vices    militaires,    rassemblés    autour   d'un    Chef   qui    réunit 

«  lui-même  tous  ces  titres  de  gloire,  avec  tous  les  droits  qu'il 

«  a  acquis  sur  nos  cœurs... 

«  Dans  ce  jour,  ou  plutôt  dans  ce  moment  même,  où  cent 
«  mille  Maçons,  répandus  sur  les  deux  hémisphères,  réunis- 
«  sent  leurs  voix  et  leurs  acclamations  pour  former  des 
«  vœux  en  notre  faveur,  nous  allons  leur  répondre  par  les 
«  signes  les  moins  équivoques  de  notre  joie;  et  nous  leur 
«  apprendrons  bientôt  quel  est  le  digne  Chef  à  qui  nous  rap- 
«  portons  et  la  source  de  notre  bonheur  et  Fhommage  de 
«  notre  reconnaissante. 

«  Ce  fut  dans  ces  dispositions  de  joie  et  de  fraternité  que 
«  l'on  tira  ,  au  son  des  instruments,  et  au  bruit  des  décharges 
«  multipliées,  la  santé  du  Roi,  celle  du  Sérénissime  Grand- 
«  Maître,  du  Très-Illustre  Administrateur-Général,  de  la 
«  Grande-Lcge,  de  tous  les  Maîtres  de  Loges  du  Royaume, 
«  et  de  vous  tousv  nos  Très  chers  Frères,  que  nous  suppo- 
«  sons  animés  du  même  zèle,  et  dont  l'attachement  pour 
«  l'Ordre  qui  nous  unit  augmentait  la  tendre  effusion  avec 
«  laquelle  chacun  de  nous  se  livrait  à  de  si  délicieux  senti- 
«  ments. 

«  Plusieurs  discours,  qui  furent  prononcés  dans  ce  Ban- 
«  quet,  annoncèrent  les   dispositions  de  tous   ceux   qui 


ET   LA   ROYAUTÉ 


187 


«  taient  à  cette  Fête,  et  la  prolongèrent  fort  avant  dans  la 
«  nuit.  » 


QUINZIÈME  ET   DERNIÈRE   SÉANCE,   LE   20  JUIN. 


Lecture  fut  donnée  du  quatrième  Chapitre  des  Sta- 
tuts, qui  fut  définitivement  arrêté  ;  et  son  impression 
ordonnée. 


■H» 


CHAPITRE  V 


La     Constitution     du     Grand-Orient     de     France. 


i°  Le  Titre  des  Statuts. 


Il  sera  non  moins  instructif  qu'intéressant,  d'étu- 
dier les  ressorts  et  les  rouages  compliqués  de  cette 
grande  machine  qui  fonctionna  jusqu'à  la  Révolution. 
La  Grande  Loge  était  complètement  restaurée  et  comme 
remise  à  neuf.  L'Ordre  était  constitué  sur  des  bases 
toutes  nouvelles.  Pour  mieux  comprendre  son  organi- 
sation, prenons  en  mains  les  Statuts  arrêtés  par  le 
Convent. 

En  tête,  un  titre  fabuleux  :  Statuts  de  l'Ordre. 
Royal  de  ta  Franc-Maçonnerie  en  France. 

Ce  titre  pompeux  tendait  à  créer  une  équivoque.  Les 
rédacteurs  semblaient  vouloir  faire  entendre  qu'il  n'y 
avait  en  France  qu'un  seul  Corps  Maçonnique  légitime 
et  que  cette   Institution   était   présidée   par   la   Grande 


igo 


LA  FRANC-MAÇONNERIE 


Loge  Nationale  de  France  au  Grand-Orient.  Les  pro- 
fanes s'y  trompent,  et  bien  des  historiens  même  s'y  sont 
laissés  prendre.  Le  supposer  après  eux  serait  ignorer  la 
vraie  histoire.  Nous  verrons  que  le  Grand-Orient  eut 
toujours  à  compter  avec  des  Régimes  rivaux,  et  surtout 
avec  des  Puissances  maçonniques  bien  plus  fortes  que 
lui,  et  auprès  desquelles  il  fut  toujours  bien  peu  de 
chose. 


2°  Division  des  Statuts. 

Ces  fameux  Statuts,  comme  nous  l'avons  appris  déjà 
par  la  lecture  des  procès-verbaux,  sont  partagés  en 
quatre  Chapitres  : 

Chap.  Ior  :  De  la  Constitution  de  l'Ordre  ; 

Chap.  II  :  Des  Elections  et  Nominations  des  Officiers  de 
la  Grande-Loge  de  France; 

Chap.  III  :  Des  Assemblées  de  l'Ordre; 

Chap.   IV  :   Des   fonctions  des  Officiers. 


3°  Le  Chapitre  premier 

Le  Chapitre  premier  :  De  la  Constitution  de  l'Ordre, 
•est  de  beaucoup  le  plus  important.  Il  comptait  huit  sec- 
tions : 

Première   Section.    —    Du    Corps    Maçonnique    ex    France. 


i°    Le    Corps   de   l'Ordre    Royal    de   la    Franc-Maçonnerie, 

sous  le  titre  de  Corps  Maçonnique  de  France,   sera   com] 
des  seuls  Maçons  Réguliers,  reconnus  pour  tels  par  le  Grand- 
Orient. 


ET   LA  ROYAUTE 


ICI 


2°  Le  Grand-Orient  de  France  ne  reconnaîtra  désormais,, 
pour  Maçons  Réguliers,  que  les  seuls  membres  des  Loges 
Régulières. 

30  Le  Grand-Orient  ne  reconnaîtra  désormais  pour  Loges 
Régulières  que  celles  qui  seront  pourvues  de  Constitutions 
accordées  ou  renouvelées  par  lui  ;  et  il  aura  seul  le  droit  d'en 
délibérer  ; 

40  Le  Grand-Orient  de  Franee  ne  reconnaîtra  désormais, 
pour  Vénérable  de  Loge  que  le  Maître  élevé  à  cette  dignité 
par  le  choix  libre  des  membres  de  sa  Loge. 

50  Le  Corps  Maçonnique  de  France  sera  représenté  au 
Grand-Orient  par  tous  les  Vénérables  en  exercice  ou  Députés 
des  Loges. 


IIe  Section. 


Du   Grand-Orient  de  France. 


i°  Sa  composition  :  Le  Grand-Orient  sera  composé  de  la. 
Grande-Loge  et  de  tous  les  Vénérables  en  exercice,  ou  Dé- 
purés des  Loges,  tant  de  Paris,  que  des  Provinces,  qui  pour- 
raient s'y  trouver  lors    de  ses  Assemblées. 

2°  Son  siège  :  Le  Grand-Orient  de  France  sera  toujours 
invariablement  fixé  à  Paris. 

30  Droit  de  législation  :  Le  Grand-Orient  aura  seul  le  droit 
de  législation  dans  l'Ordre. 


IIIe  Section.  —  De  la  Grande-Loge  de  France. 


1   Sa  composition  :   La   Grande-Loge  sera  composée  de  yy 
membres.  Savoir  : 


Trois  Grands  Officiers, 
Quinze  Officiers  d'Honneur, 
Quarante-cinq  Officiers  en  exercice, 


IÇ2  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

Sept  Vénérables  en  exercice  et  sept  Députés  des  Loges 
des  Provinces,  et  de  tous  les  Officiers  Honoraires 
du  Grand-Orient. 

20)   Grands-Officiers  : 

Le  Ier  :  le  Grand-Maître, 

Le  2°  :  l' Administrateur-Général, 

Le  31'  :   Le   Grand-Conservateur. 

30)  Officiers  d'Honneur  :  ceux  que  nous  avons  déjà  fait 
connaître  plus  haut  :  le  Représentant  du  Grand- 
Maître,  le  premier  Grand-Surveillant,  etc. 

40)   Quarante-cinq  Officiers  en  exercice  : 

Trois    Présidents, 

Trois  Premiers   Surveillants, 

Trois   Orateurs, 

Un  Vérificateur  général, 

Un  Secrétaire  général, 

Deux    Secrétaires   particuliers, 

LTn  Garde  des   Sceaux, 

L~n  Garde  des  Archives, 

Trois    Maîtres    des    Cérémonies, 

L'n  Architecte,  vérificateur  de  la  Caisse, 

Un  Trésorier, 

Vingt-deux  Experts. 

50)  Objet  de  ses  Assemblées  :  Il  sera  rendu  compte  à  la 
Grande-Loge  de  France,  par  les  Orateurs,  des  opérations  res- 
pectives de  leurs  Chambres. 


IV  Section.  —  De  la  Loge  de  Conseil. 


i°  Sa  composition  :  La  Loge  de  Conseil  sera  composée  de 
trente-six   Officiers.    Savoir  : 

Les  trois  Grands-Officiers; 

Six    Officiers    d'Honneur,    à    tour    de    rôle,    suivant    l'ordre 
■du  Tableau; 


■HBBHMN1 


ET   LA   ROYAUTE  193 

Les  sept  premiers  Officiers  en  exercice  de  la  Chambre 
d'Administration  ; 

Deux  des  autres  Officiers  de  la  même  Chambre,  à  tour  de 
rôle,  suivant  l'ordre  du  Tableau. 

Les  Présidents,  Orateurs  et  Secrétaires  des  deux  autres 
Chambres  ; 

Enfin,  six  autres  Officiers  de  chacune  des  dites  Chambres, 
à  tour  de  rôle,  suivant  l'ordre  des  Tableaux; 

Et  Ae  tous  les  Officiers  Honoraires  du  Grand-Orient. 

2°  Sa  juridiction:  La  Loge  du  Conseil  connaîtra,  en  der- 
nier ressort,  des  décisions  qu'aura  rendues  chacune  des  trois 
Chambres. 


Ve  Section.  —  Du  Gouvernement  de  l'Ordre. 

Le    Gouvernement    de    l'Ordre    sera    administré    par    trois 
Chambres. 

Savoir  : 

La  première,  la  Chambre  d'Administration  ; 

La  seconde,  la  Chambre  de  Paris  ; 

La  troisième,  la  Chambre  des  Provinces. 

Pour  rompre  la  monotonie  de  cette  analyse,  il  nous 
a  paru  intéressant  de  joindre  ici,  au  texte  des  Statuts, 
les  noms  des  Frères  qui  furent  les  premiers  titulaires 
de  ces  emplois.  Ce  sont  des  renseignements  fort  pré- 
:ieux  pour  l'histoire  générale.  Il  n'est  pas  sans  utilité 
jtie  nos  lecteurs  les  trouvent  ci-dessous  commodément 
"assemblés. 

VF  Section  :  De  la  chambre  d'administration 

i°  Sa    composition:    La    Chambre    d'Administration    sera 
omposée  de  vingt-un  officiers,  savoir: 


194  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

Les  trois  Grands  Officiers  et  trois  officiers  d'honneur,  à 
tour  de  rôle.  Nous  connaissons  déjà  leurs  noms. 

Un    Président.    Jean-François    de    Mery-Darcy,    Directeur 
de  la  Compagnie  des  Indes,  vénérable  de  la  Loge  de  la  Paix 
de  l'Orient  de  Paris,  nommé  le   14  juin   1773. 

Un  Premier  Surveillant  :  Auguste-Louis-Fidèle-Armand, 
comte  de  Lespinasse-Lan  jeae,  cclonel  d'infanterie,  nommé  le 
12  juillet  1773,  député  de  la  Loge  de  la  Parfaite  Union  du 
Puy,   en   Velay. 

L'n  second  Surveillant:  Joseph- Alphonse  Daubcrtin.  con- 
seiller du  Roy,  greffier-commis  en  chef  du  Conseil  d'Etat 
Privé,  et  caissier  de  l'artillerie  et  du  génie,  nommé  le  12 
juillet   1773. 

Un  Orateur  :  Jérôme  de  la  Lande,  de  l'Académie  Royale  des 
Sciences,  Avocat  au  Parlement  de  Paris.  Lecteur  royal  en 
Mathématiques,  Censeur  Royal,  Membre  de  l'Académie  de 
Londres,  de  Pétersbourg,  de  Berlin,  de  Stockholm,  de  Rome, 
de  Florence,  etc.,  vénérable  de  la  Loge  des  Sciences,  de 
l'Orient  de  Paris,  nommé  le  14  juin  1773. 

LTn  Vérificateur  général:  Claude-Marc-Antoine  Varenne  de 
Bcost,  Receveur  général  de  la  Province  de  Bretagne,  corres- 
pondant de  l'Académie  Royale  des  Sciences  de  Paris  et  mem- 
bre de  celle  de  Clermont-Ferrand,  membre  de  la  Loge  de 
Saint-Jean  de  Montmorency,  nommé  le  14  juin  1773. 

Un  Secrétaire  général  :  Joseph-Félix  de  Toussainct,  libre 
baron  du  Saint-Empire,  conseiller  des  Finances,  docteur  es- 
droits.  Avocat  au  Parlement  de  Paris,  nommé  le  14  juin  1773. 
vénérable  et  Garde  des  Sceaux  de  la  Loge  Saint-Jean  de  la 
Vraie  Lumière,  de  l'Orient  de  Paris,  député  de  la  Loge  du 
Puy   en   Velay.  , 

Un  Maître  des  Cérémonies,  Charîes-Pierre-Paul  Savalette 
de  Langes,  Chevalier,  Conseiller  du  Roi  en  ses  conseils. 
Garde  du  Trésor-Royal,  vénérable  de  la  Loge  des  Amis  Réu- 
nis, de  l'Orient  de  Paris,  nommé  le  21  juin  1773. 

Un  Garde  des  Sceaux,  Louis  Hue  de  Brêval,  commis 
Finances,  vénérable  de  la  Loge  de  la  Sympathie,  de  l'O- 
de Paris,  nommé  le  12  juillet   1773. 

Un   garde   des   Archives 


ET   LA   ROYAUTE 


195 


Un  Architecte  vérificateur  de  la  Caisse  :  Pierre  Poucet,  En- 
trepreneur des  Bâtiments  du  Roi,  député  des  Loges  de  !a 
Province  de  Bourgogne,  nommé  le  21  juin   1773. 

Un  trésorier:  Lazare  Philibert  Bruneteau,  Directeur  d'une 
Maison  d'éducation  militaire  pour  la  jeune  noblesse,  vénérable 
de  la  Loge  de  Saint-Lazare,  de  l'Orient  de  Paris,  nommé  le 
21  juin   1773. 

Un  premier  expert:  Alexandre,  comte  de  Stroganoff,  Con- 
seiller privé,  Chambellan  actuel  de  l'Impératrice  de  Russie, 
Chevalier  des  Ordres  de  l'Aigle  blanc,  de  Sainte-Anne  et  de 
Saint-Stanislas,  des  Amis  Réunis,  nommé  le  20  juillet   1773. 

Un  second  expert:  François  Richard,  Licencié  ès-Lois, 
Négociant,  vénérable  de  la  Loge  de  la  Concorde  Fraternelle, 
de  l'Orient  de  Paris,  nommé  le  21  juin   1773. 

Un  troisième  expert  :  Humbert  Gerbier  de  Wcrschanip, 
Docteur  en  médecine,  membre  de  l'Université  de  Paris,  nommé 
le  21  juin  1773,  vénérable  de  la  Loge  de  la  Parfaite  Unité, 
de   l'Orient   de    Paris. 

Un  quatrième  expert:  Joseph-Jacques  Gardauc,  Docteur 
Régent  des  Facultés  de  Médecine  de  Paris  et  de  Montpellier 
censeur  royal,  membre  de  plusieurs  Académies,  membre  de 
la  Loge  du  Très  Sérénissime  Grand-Maître  ;  député  de  celle 
de  Jeanne  d'Arc,  à  Orléans,  nommé  le  21  juin   1773. 

20  Sa  juridiction:  La  Chambre  d'Administration  connaî- 
tra de  l'emploi   des   fonds  du   Grand-Orient. 

Elle  expédiera  tous  les  Actes  qui  émaneront  du  Grand- 
Orient. 

Elle  fera  le  renvoi  des  demandes  et  des  affaires  contentieu- 
ses  aux  Chambres  qu'elles  concerneront,  et  tiendra  les 
Sceaux.  Ses  jugements  seront  exécutoires,  sauf  appel  à  la 
Loge  du  Conseil. 


VIP  Section  :  De  la  Chambre  de  Paris. 


i°  Sa  composition:  La  Chambre  de  Paris  sera  composée  de 
vingt-un  Officiers,  savoir,  outre  les  trois  Grands  Officiers  et 
trois   Officiers   d'Honneur   à   tour   de   rôle  : 


I96  LA   FRAXC-MAÇOXNERIE 

i°  Un  Président:  Gabriel-Henri  de  Bandas,  ancien  Lieute- 
nant général  des  Maréchaux  de  France  et  Procureur-Générai 
d'un  Bureau  du  Conseil  de  Sa  Majesté,  vénérable  de  la 
Loge  Saint-Henri,  de  l'Orient  de  France,  et  député  de  celle 
du  Régiment  de  Vivarais,  nommé  le  14  juin  1773. 

20  Un  Premier  Surveillant  :  De  Champeaux,  de  l'Ordre 
Royal  et  Militaire  de  Saint-Louis,  Capitaine  de  Dragons  Dau- 
phin, nommé  le  21  juin  1773. 

30  Un  second  surveillant:  X... 

40  Un  Orateur  :  Louis-François  Leroy,  Avocat  au  Parle- 
ment, vénérable  de  la  Loge  des  Cœurs  Simples,  de  l'Orient  de 
Paris,  nommé  le  21  juin  1773. 

50  Un  Secrétaire:  Charles-Pierre  Mor'xn,  employé  à  l'Ecole 
Militaire,  premier  surveillant  et  trésorier  de  la  Loge  de  la 
Vraie  Lumière,  de  l'Orient  de  Paris,  et  député  de  celle  de 
Saint-Pierre  de  Castres,  nommé  le  21  juin  1773. 

6°  Un  Maître  des  cérémonies  :  Chevalier  Dufay,  Mousque- 
taire de  la  Compagnie  du  Roi,  député  de  la  Parfaite  Union 
et  de  la  Parfaite  Vérité,  réunies,  de  l'Orient  de  Carcassonne, 
nommé  le  21  juin  1773. 

70  Un  premier  expert:  Guillaume  Mariette,  ancien  officier 
de  Marine,  député  de  la  Loge  de  la  Bonne  Union  de  Valen-' 
ciennes,  nemmé  le  21   juin   1773. 

8°  Un  second  expert  :  Pierre-Jean  Mangean,  bourgeois  de 
Paris,  vénérable  de  la  Loge  de  Saint-Pierre  des  vrais  Frères, 
de  l'Orient  de  Paris,  nommé  le  21  juin  1773. 

9.  Un  troisième  expert:  Jacques  de  la  Bourdinière,  dessina- 
teur et  décorateur,  nommé  le  21  juin  1773,  Vénérable  de  la 
Loge   de    Saint-Rémy,   Orient   de   Paris. 

10.  Un   quatrième   expert:   Jean   Guainard,   citoyen   de   Ge- 
nève, Vénérable  de  la  Loge  de  Saint-Jean  des  Frères'  clic 
Orient  de  Paris,  nommé  le  21  juin  1773. 

11.  Un  cinquième  expert:  Baron  de  Salis,  nommé  le  12 
juillet    1773. 

12.  Un    sixième    expert:    Bernard   Mazère,    membre    de   la 


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ET   LA   ROYAUTE  IÇ7 

Loge  de  Saint-Jean  de  Jérusalem,  du  Cap  Français,  nommé  le 
12  juillet   1773. 

13.  Un  septième  expert:  Jean-Etienne  Thêaulon,  négociant 
Vénérable  de  la  Loge  de  Henri  IV,  Orient  de  Paris,  nommé 
le  12  juillet  1773. 

14.  Un  huitième  expert:  Charles  Génin,  avocat,  Vénérable 
de  la  Loge  de  l'Amitié,  Orient  de  Paris,  nommé  le   12  juillet 

1773- 

15.  Un  neuvième  expert:  Pierre-Louis  Gonillard,  ancien 
avocat  au  Parlement,  et  docteur  agrégé  de  la  Faculté  des 
Droits  en  l'Université  de  Paris,  Vénérable  de  la  Loge  de 
Sainte-Sophie,  Orient  de  Paris,  nommé  le  20  juillet  1773. 

2°  Sa  Juridiction  :  La  Chambre  de  Paris  connaîtra  de 
toutes  les  affaires  contentieuses  qui  pourraient  naître  dans 
les  différentes  Loges  de  l'Orient  de  Paris,  des  demandes  faites 
au  Grand-Orient,  à  fin  de  constitutions  de  Loges  et  de  certi- 
ficats pour  l'Orient  de  Paris.  Ses  jugements  seront  exécutoi- 
res, sauf  l'appel  à  la  Loge  du  Conseil. 


VHP  Section  :  De  la  Chambre  des  Provinces 


i°  Sa  composition:  Composée,  comme  les  deux  Chambres 
ci-dessus,  de  vingt-un  Officiers,  savoir  :  Les  trois  Grands- 
Officiers,  et  trois  Officiers  d'Honneur  à  tour  de  rôle. 

1.  Un  Président:  Abbé  Jean-Baptiste  Rosier,  chanoine  de 
l'Eglise  de  Lyon,  etc.,  ex-maître  des  deux  Loges  réunies  de 
Lyon  et  Député  des  Loges  de  Bordeaux,  Metz,  Montauban  et 
Toulouse,  et  des  Loges  réunies  sous  la  dénomination  de  Grande 
Loge  de  Lyon,  nommé  le  14  juin  1773. 

2.  Un  premier  surveillant  :  Baron  de  Ros}  capitaine  de 
Dragons  au  Régiment  de  Custine,  nommé  le  21  juin  1773. 

3.  Un  scond  surveillant  :  l'Abbé  Alexandre-Guy  Pingre, 
chanoine  et  bibliothécaire  de  Sainte-Geneviève,  etc.,  vénéra- 
ble de  la  Loge  de  l'Etoile  Polaire,  Orient  de  Paris,  etc.. 


I98  LA   FRAXC-MAÇOXXERIE 

4.  Un  orateur:  Joseph-Ignace  Guillotin,  docteur-régent  de 
la  Faculté  de  Médecine  en  l'Université  de  Paris,  orateur  de 
la  Loge  de  la  Concorde  Fraternelle,  Orient  de  Paris,  député 
des  Loges  de  la  Parfaite  Union  d'Angoulême,  de  Saint-Jean 
d'Ecosse   de   Toulouse   et   de   Montauban,   nommé  le   21   juin 

5.  Un  secrétaire:  Jean-Baptiste-Pierre-Julien  Pyron,  avo- 
cat en  Parlement,  député  de  la  Loge  de  Saint-Jean  de  Thémis 
de  Caen,  nommé  le  21  juin  1773. 

6.  Maître  des  cérémonies  :  Marquis  de  Saisseval,  capitaine 
de  Dragons,  nommé  le  21  juin  1773. 

7.  Un  premier  expert:  Edme  Charles-Sévère  Ducoitdray, 
chevalier  de  l'Ordre  Royal  et  Militaire  de  Saint-Louis,  an- 
cien Brigadier  des  Gardes  du  Corps,  ex-maître  de  la  Loge  de 
la  Parfaite  Cordialité  du  Grand- Andely,  député  de  cette  Loge 
et  de  celle  de  Yernon.  nommé  le  21  juin  1773. 

8.  Un  second  expert:  Antoine  Lucadou,  docteur  en  méde- 
cine de  la  Faculté  de  Montpellier,  membre  et  député  de  la 
Loge  de  la  Parfaite  Union  et  de  la  Parfaite  Vérité,  qui  doit 
prendre  le  nom  de   Saint-Jean  de  Castres,  nommé  le  21   juin 

^771- 

9.  Un  troisième  expert;  Jacques-Henri  de  Franger,  che- 
valier, seigneur  d'Igneaucourt,  membre  de  la  Loge  du  Bon 
Zèle,  Orient  de  Paris,  nommé  le  21  juin  1773. 


10.  Un  quatrième  expert  :  Jean-Baptiste  Jossot,  prêtre, 
membre  de  la  Lcge  de  Valence,  en  Dauphiné,  et  député  de 
celle  des  Commandeurs  du  Temple  de  Carcassonne,  nommé 
le  21  juin  1773. 

11.  Un  cinquième  expert  :  Basile-Chrysestôme-So>thène 
de  Saint-Furcy.  député  de  la  Loge  de  la  Parfaite  Union  de 
Quimper.  nommé  le  21  juin   1773. 

12.  LTn  sixième  expert:  Antoine-Félix  de  Saint,  négociant, 
député  de  la  Loge  de  Saint-Quentin,  nommé  le  21  juin  17- 

13.  Un  septième  expert:  Baron  des  Clauzel,  Mousquetaire 
de  la  Compagnie  du  Roi.  vénérable  de  la  Loge  militaire  de 
Saint- Alexandre.   Orient  de   Paris,  nommé  le    12  juillet    1773. 


ET    LA   ROYAUTÉ  I99 

14.  Un  huitième  expert:  François  La  Marque,  Y  Américain, 
négociant  de  Saint-Domingue,  ancien  vénérable  de  la  Loge 
des  Frères  Réunis  des  Cayes,  membre  des  Loges  de  la  Par- 
faite Union  du  Port-au-Prince,  de  la  Concorde  de  Saint- 
Marc,  et  de  l'Amitié  Indissoluble  de  Léogane,  et  député  de 
ces  Loges  au  Grand-Orient  de   France,  nommé  le    12  juillet 

15.  Un  neuvième  expert:  Philippe-Charles  de  Philippe,. 
chevalier  de  Bcaumont,  vénérable  de  la  Loge  de  Saint-Phi- 
lippe de  la  Concorde  de  Lizieux,  et  son  député  au  Grand- 
Orient,  nommé  le  20  juillet  1773. 


40   Le  Chapitre  deuxième 

Le  Chapitre  II,  intitulé  :  «  Des  Elections  et  Xo muta- 
tion des  Officiers  de  la  Grande  Loge  »,  était  divisé  en 
cinq  sections  :  Du  Grand-Maître,  de  V Administrateur- 
Général,  du  Grand  Conservateur,  des  Officiers  d'Hon- 
neur, des  Officiers  en   exercice. 

Dans  une  série  d'articles,  la  Grande  Loge  Nationale 
de  France  arrêtait  le  mode  d'élection  ou  de  nomination 
des  Dignitaires  de  l'Ordre,  et  fixait  la  durée  de  leur 
mandat. 

Le  Grand  Maître  est  déclaré  inamovible.  Il  est  élu  par  le 
Grand-Orient,  à  l'Assemblée  du  27  décembre,  qui  suivra  le 
décès  de   celui  qui  était  titulaire  de  la   Grande-Maîtrise. 

L'Administrateur-général,  comme  le  Grand-Maître,  est 
toujours  inamovible.  Il  est  élu  par  le  Grand-Orient,  dans  la 
même  forme  et  aux  époques  indiquées  pour  l'élection  du 
Grand-Maître. 

Le  Grand  Conservateur  est  inamovible.  Il  est  élu  par  le 
Grand-Orient,  à  la  première  de  ses  Assemblées  qui  suivra  le 
décès   du   titulaire. 

Le  Grand-Maître  nomme  ses  quinze  Officiers  d'Honneur. 
L'exercice  de  ces  dignitaires  dure  jusqu'à  l'installation  du 
nouveau    Grand-Maître   inclusivement. 


200 


LA   FRANC-MAÇONNERIE 


Le  Grand-Orient  '  nomme  les  quarante-cinq  officiers  en 
exercice.  Ils  sont  renouvelés  par  tiers,  tous  les  ans,  clans  l'As- 
semblée du  2j  décembre,  à  raison  de  cinq  par  chaque  Cham- 
bre.   Ils   sont   indéfiniment   rééligibles. 


5°   Le  Chapitre   troisième 

Ce  Chapitre  se  divise  en  quatre  sections  :  i°  Des 
Assemblées  du  Grand-Orient  ;  2°  des  Assemblées  de  la 
Grande-Loge  ;  30  des  Assemblées  de  la  L,oge  du  Con- 
seil :  40  des  Assemblées  des  Trots-Chambres. 

Le  Grand-Orient  de  France  a.  chaque  année,  trois 
Assemblées  générales  d'obligation  : 

La  première,  le  24  juin,  jour  de  la  Saint-Jean  d'Eté  : 
La  deuxième,  le  2^  du  même  mois  ; 
La  troisième,  le  zy  décembre,  jour  de  la  Saint-Jean 
d'Hiver. 


A  l'Assemblée  du  24  juin,  l'on  procède  aux  élections  pour 
les  offices  vacants,  depuis  la  dernière  Assemblée,  et  l'Orateur 
y  rend  compte  de  toutes  les  opérations  depuis  la  dernière 
Assemblée. 

A  l'Assemblée  du  2^  juin,  les  orateurs  de  chaque  Chambre 
prononceront  des  discours  relatifs  à  l'Ordre,  et  les  éloges  des 
Frères  vertueux,  décédés  pendant  le   courant  de  l'année. 

A  l'Assemblée  du  27  décembre,  il  est  procédé  aux  élections 
fixée?   à    cette   époque. 

La  Grande-Loge  de  France  a.  chaque  année,  quatre  Assem- 
blées de  quartier,  le  troisième  dimanche  de  chacun  des  mois 
de   mars.   juin,   septembre   et  décembre. 

La  Loge  du  Grand-Orient  s'assemble   régulièrement  le 
cond    dimanche    de    chaque    mois. 

Enfin,  les  trois  Chambres  s'assemblent  régulièrement,  savoir: 

La   Chambre   d'administration,   tous  les  lundis; 

Celle  de   Paris,  tous  les  jeudis: 

Celle  des  Provinces,  tous  les  samedis  de  l'année. 


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ET   LA   ROYAUTE  201 

Le  Grand-Orient,  la  Grande-Loge  et  la  Loge  du  Conseil 
ne  peuvent  être  extraordinairement  convoqués  que  sur  un 
mandat  du  Grand-Maître  ou  de  l'Administrateur  général,  ou 
en  vertu  de  la  délibération  de  la  Grande-Loge,  munie  de 
l'agrément  de  l'Administrateur  général. 


6°  Le  Chapitre  quatrième 

Ce  Chapitre  se  divise  en  dix-sept  Sections.  Il  règle 
les  prérogatives  et  les  obligations  des  Dignitaires. 

Le  Grand-Maître  est  le  premier  Officier  de  l'Ordre.  En  cette 
qualité,  il  nomme  ses  quinze  Officiers  d'Honneur  et  peut  se 
présenter  et  présider  à  toutes  les  Assemblées  de  l'Ordre. 

Les  Constitutions  des  Loges,  les  provisions  de  tous  ceux 
qui  sont  élus  par  le  Grand-Orient,  les  lettres  des  Officiers 
Honoraires,  sont  scellées  de  son  sceau;  tous  les  Actes  du 
Grand-Orient  sont  expédiés    sous  ses  auspices  et  en  son  nom. 

Le  Grand-Maître  ne  pouvant  se  livrer  au  détail  de  l'Admi- 
nistration, peut  s'en  décharger  sur  l'Administrateur  général. 

L'Administrateur  général  est  le  second  Officier  de  l'Ordre. 
Il  fait  installer,  en  so.n  nom,  ou  installe  lui-même  tous  les 
Officiers  de  l'Ordre,   sans  exception. 

Il  peut  se  présenter  à  toutes  les  Assemblées  de  l'Ordre  et  y 
présider,  à  moins  que  le  Grand-Maître  lui-même  n'y  préside. 

Il  fait  convoquer  toutes  les  Assemblées  extraordinaires  au 
Grand-Orient. 

Il  signe  et  paraphe  la  première  et  la  dernière  page  du  Livre 
d'Or  et  de  tous  les  registres  du  Grand-Orient,  les  procès- 
verbaux  des  Assemblées  auxquelles  il  aura  présidé,  ainsi  que 
tous  les   Actes   qui   émaneront   du   Grand-Orient. 

Le  Grand  Conservateur  est  le  troisième  officier  de  l'Ordre. 

Il  est  le  dépositaire  du  Glaive  de  l'Ordre,  et  veille  particu- 
lièrement à  l'observation  des  statuts  et  règlements. 

Il  remplit  les  fonctions  de  l'Administrateur  général,  dans 
les  cas  d'absence  ou  d'empêchement,  par  décès  ou  démission 
de  l'Administrateur  général. 

Il  peut  se  présenter  dans  toutes  les  Assemblées  de  l'Ordre, 


202  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

sans  exception,  et  y  présider,  en  l'absence  du  Grand-Maître 
et  de  l'Administrateur  général. 

Les  quinze  Officiers  d'Honneur,  sous  la  présidence  des  trois 
Grands  Officiers,  seront  juges  du  point  d'honneur  dans 
l'Ordre. 

Ils  seront  invités  pour  toutes  les  Assemblées  où  l'on  sera 
prévenu  que  le  Grand-Maître  aura  l'intention  de  se  rendre, 
afin  de  raccompagner,  et  de  lui  rendre  les  honneurs  qui  lui 
sont   dûs. 

Les  Présidents  sont  chargés  de  maintenir  la  paix,  l'har- 
monie et  la  régularité  entre  les  membres  de  leurs  Chambres. 

Dans  les  affaires  contentieuses,  lorsque  les  avis  seront  par- 
tagés,  celui   du   Président   prévaudra   toujours. 

Ils  distribuent  les  rapports  des  affaires  contentieuses  aux 
membres  de  leurs  Chambres. 

Les  Surveillants  maintiennent  la  décence  et  le  silence,  sur 
leurs  colonnes  respectives. 

Les  Orateurs  demandent  directement  la  parole  au  Président 
et  l'obtiendront  de  préférence.  Lors  de  l'installation  d'un 
Grand-Maître,  d'un  Administrateur  général,  d'un  Grand  Con- 
servateur, ou  d'un  Officier  d'Honneur,  les  Orateurs  les  com- 
plimentent au  nom  de  leurs  Chambres  dans  l'Assemblée 
générale. 

Ils  sont  chargés  de  rendre  les  comptes.  Ils  doivent  être 
attentifs  à  tous  les  objets  de  délibérations,  à  l'effet  de  résu- 
mer les  avantages  et  les  désavantages  des  différentes  opinions 
qui  auront  été  proposées,  et  de  présenter  sommairement  d'une 
manière  claire,  distincte  et  précise,  les  objets  qui  devront  être 
décidés  par  scrutin. 

Il  ne  sera  prononcé  aucun  discours,  qu'il  n'ait  été  préala- 
blement communiqué  à  l'Orateur. 

Le  Garde  des  Sceaux.  —  Il  y  a  au  Grand-Orient,  trois 
Sceaux,   savoir  : 

Le  premier,  celui  du  Grand-Orient,  qui  sera  désormais  inva- 
riable ; 

Le  deuxième,  celui  du  Grand  Maître: 

Le  troisième,  celui  de  l'Administrateur  général.  Ces  deux 
derniers  changent  autant  que  ceux  dont  ils  portent  les  armes. 

Il  n'y  a  qu'un  seul  timbre,  dont  seront  nécessairement  mar- 
qués tous  les  parchemins  et  papiers  qui  seront  employés  pour 
h  S    expéditions. 


i^mmmmÊÊmmBmamammmMKtumiMaMmmBmmmummmMmiaËmm^mmBBŒwmmmBn^ 


ET   LA   ROYAUTE 


203 


Les  Sceaux  et  le  Timbre  sont  renfermés  dans  une  cassette 
sous  trois  clefs,  qui  sont  confiées,  la  première  au  Garde  des 
Sceaux  ;  la  deuxième  au  Secrétaire  Général  ;  la  troisième  à 
l'Architecte  Vérificateur. 

La  cassette  n'est  jamais  ouverte  qu'en  présence  du  Vérifi- 
cateur, du  Secrétaire  Général  et  de  l'Architecte  Vérificateur, 
qui  doivent  eux-mêmes  ouvrir  les  serrures  et  enregistrer  toutes 
les  appositions  qui  ne  peuvent  être  faites  par  le  Garde  des 
Sceaux    qu'en   leur   présence. 

Le  Garde  des  Archives  tient  deux  registres:  le  journal  et 
le  registre  des  Archives.  Il  est  tenu  de  travailler  à  l'Histoire 
de  l'Ordre,  année  par  année,  conformément  aux  pièces  qui 
sont  et  seront  déposées  aux  Archives.  Son  travail  sera  soumis 
à  l'examen  du  Vérificateur  Général   et  du  Grand-Orient. 


Tels  sont  ces  fameux  Statuts  qui  ont  régi  le  Grand- 
Orient  jusqu'à  l'année  1799  —  dans  leur  esprit  au 
moins  —  car  la  Révolution  disloqua  les  ressorts  de  cette 
importante  machine.  Ils  furent  l'œuvre  de  maçons 
instruits,  versés  clans  les  matières  d'administration,  et 
doués  de  beaucoup  d'intelligence.  Le  triomphe  du  Grand- 
Orient,  dans  sa  lutte  pleine  de  péripéties  contre  l' An- 
cienne Grande  Loge,  est  la  victoire  du  Tiers-Etat  contre 
la  noblesse  maçonne. 


■^■H^^HBH^HHmmflHflmHB^HBHUMMMB^^nBBnBiaifi 


CHAPITRE  VI 


Nouveau  Schisme. 


Le  Grand-Orient  était  fier  de  son  œuvre.  Mais,  au 
lendemain  du  24  juin  1773,  après  les  brillantes  fêtes  du 
Vauxhall  de  Torré,  l'avenir,  aux  yeux  des  plus  clair- 
voyants, se  montrait  encore  bien  incertain  et  chargé  de 
gros  nuages.  Un  grand  nombre  de  Maîtres  de  Paris 
s'étaient  insurgés  contre  les  décisions  du  Couvent  qui, 
en  décidant  l'amovibilité  des  vénérables,  les  avait  spo- 
liés de  la  propriété  de  leurs  Loges. 

((  Les  discussions  et  les  scissions,  écrit  YBqucs  a 
<(  Capite  Galcato,  auxquelles  les  deux  factions  rivales 
((  s!étaient  livrées,  les  anathèmes  réciproquement  lan- 
<(  ces  entre  elles,  et  les  indécentes  diatribes,  prodiguées 
«  de  part  et  d'autre,  étaient  plus  que  suffisants  pour 
«  imposer  de  l'éloignement  pour  l'un  et  l'autre  parti. 
<(  La  plupart  des  vrais  Maçons  espéraient  trouver  ail- 
•«  leurs  plus  de  mesure  et  d'aplomb.  )) 


20Ô 


LA  FRANC-MAÇONNERIE 


i°  Le  Grand-Orient  excommunié. 

Et  la  lutte  continua.  Le  scandale  s'étendit.  U An- 
cienne Grande-Loge,  en  face  de  ce  pouvoir  illégitime, 
de  cette  Institution  révolutionnaire  qui  s'était  arbitrai- 
rement constituée,  en  dehors  d'elle,  au-dessus  d'elle  et 
contre  elle,  releva  le  gant  et  revendiqua  les  droits  acquis. 
Elle  s'était  réunie,  dès  le  17  juin  1773,  et,  après  une 
séance  tumultueuse,  avait  anathématisé  les  huit  Com- 
missaires qu'elle  avait  députés  pour  assister  aux  réu- 
nions de  l'Hôtel  de  Chaulnes,  participer  aux  travaux  et 
lui  en  faire  le  rapport,  et  qui  avaient  trahi  sa  confiance. 
Elle  déclara  le  nouveau  corps,  désigné  sous  le  titre  de 
Grand-Orient,  subreptice,  schismatique  et  factieux 
Elle  excommunia,  dégrada,  rejeta  dans  le  monde  pro- 
fane tous  ceux  qui  avaient  reconnu  ce  pouvoir  illégi- 
time; défendit  à  ses  Loges  de  les  recevoir,  sous  peine 
d'encourir  son  indignation  et,  enfin,  se  proclama  seule 
unique  et  auguste  détentrice  de  l'Autorité  Maçonnique 
en  France. 


20  Le  Grand-Orient  et  le  duc  de  Chartres. 


Le  Grand-Orient  méprisa  tous  ces  anathèmes  et  fei- 
gnit même  de  les  ignorer.  Dans  tous  ses  Actes  offi- 
ciels, l'Ancienne  Loge  est  pour  lui  comme  si  elle  n'exis 
tait  pas.  Mais  pour  achever  de  ruiner  sa  rivale,  il  eut 
recours  au  bon  vouloir  de  cette  police,  que  l'historien 
Henri  Martin  nous  montre  acharnée  à  la  ruine  de  la 
Maçonnerie.  Le  27  juillet  de  cette  année  1773,  un  libelle 
diffamatoire  ayant  été  publié  contre  lui.  il  déclara  que 
les  auteurs  en  seraient  recherchés  et  punis.  Passant  n 
l'offensive,  il  décide,  le  Ier  septembre,  que  «  tout  déten- 
te teur  des  Archives  de  la  ci-devant  Grande  Loge  de 


ET   LA   ROYAUTÉ  207 

<(  France  devra  les  rapporter  au  centre  maçonnique, 
a  sous  peine  d'être  rayé  des  tableaux  ».  Peu  après,  il 
obtint,  par  surprise,  un  ordre  du  lieutenant  de  police  et 
rit  jeter  en  prison  le  garde  des  Archives  et  plusieurs 
Officiers  de  la  «  ci-devant  Grande  Loge  de  France  », 
sous  prétexte  qu'ils  détenaient  des  papiers,  des  docu- 
ments, des  meubles  et  autres  objets,  qui  étaient  deve- 
nus sa  propriété. 

Cependant,  de  pareils  coups  de  force  n'étaient  point 
faits  pour  accroître  son  prestige.  Le  duc  de  Chartres 
était  l'enjeu  du  combat  que  se  livraient  les  deux  faction? 
rivales.  Le  Grand-Orient  n'était  pas  sans  inquiétude 
Les  espérances  très  douces,  dont  ses  fondateurs  s'étaient 
longtemps  bercés,  de  procéder  à  l'installation  du  prince 
comme  Grand-Maître,  en  la  Fête  solennelle  du  24  juin, 
ne  s'étaient  point  réalisées.  La  désillusion  fut  grande  et 
le  regret  fut  amer.  L'orateur  fit  une  allusion  discrète 
à  cet  échec,  qu'on  ne  pouvait  taire  absolument  : 

((  Nos  Frères,  des  Provinces,  avaient  été  convoqués 
<(  pour  la  cérémonie  la  plus  brillante  de  notre  Ordre  : 
«  ils  auront  assisté  du  moins  à  celle  qui  était  la  plus 
«  propre  à  en  donner  une  juste  idée.  » 

Le  9  mars  1773,  dès  le  début  de  la  séance  qui  avait 
lieu  ce  jour-là,  il  avait  été  d'abord  arrêté,  écrit  le  baron 
de  Toussainct,  secrétaire  général,  de  députer  sept  Com- 
missaires présidés  par  l'Illustre  Administrateur-Géné- 
ral, pour  faire  part  au  Scrcnissinic  Frère  Duc  de  Char- 
tres, de  son  élection  et  lui  demander  son  acceptation  : 
((  ce  qui  fut  exécuté  à  la  plus  grande  satisfaction  de 
l'Ordre  ».  Nous  savons  que  la  députation  ne  fut  point 
reçue  par  le  prince,  et  nous  doutons  fort,  quoi  qu'en 
dise  le  baron  de  Toussainct,  que  ce  mortifiant  refus  ait 
donné  à  l'Illustre  Compagnie  la  plus  grande  satisfaction, 
Quelques  mois  plus  tard,  le  30  août,  le  Grand-Orient 
-députa  de  nouveau  plusieurs  Frères  pour  soumettre  au 


2o8  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

Duc  le  résumé  de  ses  opérations.  Les  Députés  déclarè- 
rent dans  leur  rapport  «  qu'ils  n'avaient  pu  s'acquitter 
de  leur  commission  comme  ils  l'auraient  désiré  ». 
Croyons-les  sur  parole,  car  ils  avaient  été  éconduits. 

Le  Duc  hésitait-il?  Craignait-il  de  se  compromettre? 
Obéissait-il  à  un  caprice,  puisqu'il  avait,  par  écrit, 
accepté  la  Grande-Maîtrise  ?  Voulait-il  se  faire  .prier? 
Ou  bien  sa  conscience,  déjà  fort  chargée,  faisait-elle 
entendre  une  dernière  protestation  ?  Entre  les  deux 
factions  rivales  refusait-il  de  se  prononcer  ? 

Quoi  qu'il  en  soit,  ce  fut  le  jour  même  de  la  nais- 
sance du  duc  de  Valois,  plus  tard  Louis-Philippe,  roi 
des  Français,  qu'il  consentit  enfin  à  recevoir  les  homma- 
ges, les  félicitations  et  les  vœux  des  Députés.  Il  les 
admit  en  sa  présence,  écouta  la  lecture  des  Statuts. 
approuva  les  nobles  travaux  de  l'Assemblée,  dont  il 
loua  beaucoup  la  sagesse,  et,  à  la  grande  joie  de  ses  visi- 
teurs, daigna  fixer  son  installation  à  une  date  rappro- 
chée. 

u  Cette  installation,  raconte  Clavel,  eut  lieu,  en  effet,  le 
«  22  du  mois  d'octobre,  dans  la  petite  maison  du  prince,  ap- 
a  pelée  la  Folie-Titon,  où  plus  tard  s'accomplirent  les  mys- 
«  tères  des  chevaliers  et  des  nymphes  de  la  rose.  L'Assem- 
«  blée  se  tînt  dans  une  vaste  salle  tendue  de  rouge,  dont  la 
«  voûte  azurée  était  parsemée  d'étoiles.  Trente-et-un  frères 
«  étaient  présents.  Le  grand-maître,  introduit,  prêta  son 
((  obligation  entre  les  mains  du  duc  de  Luxembourg,  qui 
((  l'ayant  reçue,  lui  donna  le  baiser  de  paix,  l'installa  dans 
«  dignité,  lui  remit  le  maillet  de  direction,  et  prêta  ensuite 
«  entre  ses  mains  sa  propre  obligation.  Le  banquet  suivit 
«  l'installation;  le  Grand  Maître  n'y  assista  point;  il  fut  pré- 
«  side  par  le  duc  de  Luxembourg.  C'est  dans  cette  Assemblée 
((  que  le  mot  de  reconnaissance,  appelé  mot  de  semestre,  fut 
«   donné  pour  la  première   fois.   » 

Sous  unv  si  puissante  égide,  le  Grand-Orient  se  crut 
désormais    invulnérable    et    invincible.    C'est    lui    i 
YBqucs  a  Capitc  Galcato  désigne,  à  mots  couverts,  d; 


HT    LA   ROYAUTE  209 

ses  Annales,  lorsqu'il  parle  —  assez  dédaigneusement 
—  de  «  ce  noyau  qui,  d'une  manière  ou  d'une  autre, 
«  avait  su  obtenir  ou  feignait  d'avoir  obtenu  l'autori- 
((   sation  plus  ou  moins  marquée  du  gouvernement  ». 

Cependant  Chartres,  dès  les  premiers  jours,  parut 
vouloir  prendre  son  rôle  plus  au  sérieux  que  ce  petit 
collet  de  sang  royal,  son  prédécesseur,  le  comte  de  Clcr- 
111  ont.  Dans  le  voyage  qu'il  fit,  en  1776,  à  travers  les 
Provinces  du  Midi,  et  qui  fut  officiellement  annoncé 
aux  .Loges,  le  nouveau  Sérénissime  reçut  partout,  sur 
son  passage,  les  hommages  et  les  vœux  des  Frères. 
Toutes  les  Loges  lui  envoyèrent  des  députations.  Il 
visita  la  Loge  de  La  Vraie  Lumière,  cà  Poitiers  ;  posa 
la  première  pierre  de  l'édifice  qui  devait  abriter  les  tra- 
vaux de  la  Loge  La  Française,  à  Bordeaux,  et,  à  Tou- 
louse, concilia  les  différends  qui  divisaient  les  diverses 
Loges  de  cette  ville,  une  des  plus  chères,  dès  cette  épo- 
que, à  la  Maçonnerie. 

Cette  protection  déclarée  d'un  prince  du  sang,  habile- 
ment exploitée  par  le  Grand-Orient,  fit  peu  à  peu  tom- 
ber les  anciennes  préventions  et  lui  amena  un  grand 
nombre  d'établissements  jusqu'alors  demeurés  fidèles  à 
la  ci-devant  Grande-Loge  de  France.  Les  nouvelles  Lo- 
ges qui  se  fondèrent  se  tournèrent  vers  ce  soleil  levant 
et  les  Régimes  rivaux,  feignant  de  se  soumettre  eux- 
mêmes,  finirent  par  solliciter  des  lettres  d'agrégation, 
qui  ne  gênaient  en  rien  d'ailleurs  leur  liberté  respec- 
tive. 


30  Décadence  de  l'Ancienne  Grande-Loge. 

Quant  à  la  ci-devant  Grande-Loge,  elle  semblait 
avoir  été  frappée  d'une  sorte  d'impuissance  et  d'im- 
bécillité qui  étonne.  Incapable  —  dirait-on  —  d'avoir 
une  pensée,  de  former  un  dessein,  de  concevoir  un  plan 
d'attaque  ou  de  défense,  d'agir  par  elle-même,  elle  se 


2IO  LA   FRANC-MAÇONNERIE 

contentait  d'imiter  son  infatigable  rivale.  La  nouvelle 
Grande-Loge  Nationale  s'étant  donné  le  titre  de  Grand- 
Orient,  l'ancienne  prend  ce  titre  à  son  compte  et  se 
proclame  :  Seul  et  unique  Grand-Orient  de  France.  Le 
Grand-Orient  avait  nommé  Chartres  comme  Grand- 
Maître,  et  Chartres  avait  accepté  de  présider  ce  corps 
maçonnique  en  révolte.  En  1777.  la  ci-devant  Grande- 
Loge  nomme  trois  représentants  du  Grand-Maître  et 
trente  officiers  qui  furent  installés  en  1778  au  nom  et 
.sous  les  auspices  de  qui  ?  Du  duc  de  Chartres,  devenu 
ainsi,  malgré  lui,  son  Grand-Maître. 

Nous  ne  comptons  plus  que  les  sursauts,  les  gémis- 
sements et  les  vains  appels  d'une  Société  jadis  puis- 
sante et  qui  se  sent  mourir.  Pour  atteindre  son  ennemi 
triomphant  elle  multiplie  les  décrets  de  proscription 
Elle  dénonce  «  des  grades  dangereux,  factices  ou  illu- 
(c  soires,  qui  se  sont  introduits  dans  la  Maçonnerie,  soit 
a  par  l'ambition,  l'ignorance  ou  la  cupidité  des  Nova- 
«  teurs.  ))  C'est  ainsi  «  que  l'an  de  G.-L.  sept  mille  sept 
((  cent  quatre-vingt,  vingt-troisième  jour  de  la  lune  de 
«  Nisan,  neuvième  jour  du  premier  mois  de  l'année 
((  maçonnique,  cinq  mille  sept  cent  quatre-vingt  et  de 
((  la  Naissance  du  Messie,  mil  sept  cent  quatre-vingt  », 
elle  condamne  «  le  Petit-Elu,  l'Elu  des  Neuf  ou  de 
«  Pérignan.  l'élu  des  Quinze,  le  Maître  Illustre,  le  che- 
«  valier  de  l'Ancre  ou  de  l'Espérance  v>.  déclarant  que 
ces  Grades  ne  sont  que  ((  les  échelons  d'une  morale  ré- 
«  préhensible  qui  conduit  au  grade  affreux  de 
«  G.  I.  G.  E.  ou  Chevalier  Kados.  ou  Chevalier  Elu 
((  ou  Chevalier  de  l'Aigle-Noir,  surmonté  de  comman- 
((  deries  illusoires  et  parasites  dans  celui  de  Souverains 
u   Commandeurs    du   Temple.   » 

Elle   jette   l'anathème   sur  le    Grade   d'Eccossais   de 
Saint-André   d'Ecosse.    «    imaginé   et   apporté   à   Pa 
(<    en   1766,  par  le  feu  baron  de  T....  qui  se  reproduit 
<(   aujourd'hui  dans  les  Directoires  Ecossais  de  Dres 
«   adaptés  à  Lyon,  Strasbourg  et  Bordeaux.,    qui  d'un 


ET   IvA  ROYAUTE  211 

((  peuple   de   sages   en   (sicj    ferait   un  peuple   d'assas- 

a  skis.  ))  (i). 

Elle  arrête  :  «  Que  le  soi-disant  Grade  de  Rose- 
Ci  Croix  et  adhérents,  présente  des  absurdités,  qui 
((  pourraient  être  autrement  qualifiées,  si  le  masque  de 
((  la  Maçonnerie,  dont  il  se  couvre,  n'arrêtait  nos  cx- 
«  pressions  ;  Que  celui  de  Chevalier.  d'Orient,  sur- 
«  monté  des  Commandeurs  d'Orient,  production 
«  niaise  et  bâtarde,  sans  principes,  comme  sans  utilité 
«  ne  présente  qu'un  faux  développement  de  la  Lettre 
((  [Maçonnique,  sans  pouvoir  s'adapter  à  son  esprit 
«  etc.,  etc.,  etc.   » 

En  même  temps  qu'elle  brandissait,  contre  les  intrus 
et  les  hérétiques,  le  glaive  sacré  de  l'Ordre,  la  ci-devant 
Grande-Loge  multipliait  ses  touchantes  protestations 
d'attachement,  de  soumission  et  de  fidélité  à  la  Reli- 
gion et  à  la  [Monarchie  : 

«  Ceux,  disait-elle,  qui  n'ont  du  Maçon  qu'une  écorce  gros-' 

<  sière,  nous  accuseront,  peut-être,  de  dévoiler  les  plus  hauts 

<  [Mystères  de  Y  Art-Royal  \  mais  nous  leur  répondrons  qu'il 
(  est  plus  avantageux  au  Vrai  Maçon  d'être  connu  de  l'Eglise 
i  et  du  Magistrat,  en  se  montrant  à  découvert,  que  de  con- 
c  server  les  abus  qui  ont  régné  depuis  décembre   1765,   jus- 

<  qu'en  décembre  1771,  et  depuis   1773  jusqu'à  ce  jour,  dans 

<  ces   repaires   qui   arrêtent   la   vigilance   des   Puissances,   en 

<  couvrant  d'un  voile  épais  les  opérations  qui  s'y  trament. 

«  Xous  leur  dirons  encore  qu'en  1773,  la  Souveraine  Grande 
(  Loge   sollicita   la   présence   d'un   Officier   public,   qui   aurait 

<  été  nommé  par  le  [Magistrat,  afin  de  lui  rendre  compte  de 
(  toutes  les  opérations  de  la  Souveraine  Grande  Loge,  dont 
1  il  aurait  été  le  témoin.  Les  maux  que  cette  présence  aurait 

<  obviés,  les  biens  qui  en  auraient  suivi,  et  la  gloire  que  le 
(  nom  de  [Maçon  aurait  acquis,  sont  bien  à  regretter,  et  nous 

<  les  regrettons  bien  sincèrement  ! 


(1)  Ici,  l'infortunée  Grande-Loge  n'a-t-elle    point    prophétisé  ? 
(N.  de  l'A.) 


2\2 


LA   FRANC-MAÇONNERIE 


((  C'est    peu    dire,    que    les    Maçons    eussent    constamment 

«  trouvé  les  secours  dont  ils  auraient  eu  besoin;  que  l'huma- 

«  nité  eut  été  soulagée  ;  que  la  vertu  eut  été  honorée  !  Trois 

«  vaisseaux  offerts  à  Sa  Majesté,  et,  si  elle  l'eût  voulu  per- 

«  mettre,  montés  par  des  Maçons,  auraient  appris  à  l'univers, 

«  ce  que  des  hommes,  que  la  soif  de  la  vertu  et  l'amour  de  son 

«  Roi  inspirent,  sont  capables  de  faire.  Nous  devons  ici  un 

«  hommage    public    au    Cher    Frère    Chevalier    de    la   Louric 

«.  (alors  1772),  Enseigne  des  Vaisseaux  de  Sa  Majesté.  Son 

«  zèle  a  pressenti  le  nôtre,  et  à  ce  titre,  il  eût  mérité  d'en 

«  commander  un. 

«  Telle  a  été  la  quiétude  de  la  Souveraine  Grande  Loge, 
«  depuis  1771  jusqu'en  1773.  Elle  cherchait  à  mériter  la  pro- 
«  tection  du  Gouvernement  :  elle  l'eût  sans  doute  obtenue. 
«  L'harmonie  qui  régnait  dans  toutes  les  Provinces  du 
«  Royaume,  à  l'exception  de  trois  ou  quatre  Loges,  la  vénè- 
re ration  que  nos  rivaux  eux-mêmes  avaient  pour  la  Maçon- 
«  nerie  Française,  assuraient  cet  espoir  !  Par  quelle  fatalité 
¥.  faut-il  que  cette  Maçonnerie  Française  ait  été  sacrifiée  à 
«  l'orgueil  insatiable  de  ces  trois  ou  quatre  Loges  !  » 


Les  excommunications  solennelles,  les  plaintes  à  de- 
mi-étouffées,  les  tendres  appels,  les  retours  vers  le 
passé,  laissèrent  insensibles  les  frères  dissidents. 

L'infortunée  Grande-Loge,  emportée  par  le  courant, 
essayait  en  vain  de  se  raccrocher  à  quelque  chose  de 
solide.  Elle  s'était  unie  à  la  Mère-Loge  Ecossaise  du 
Grand-Globe  Français  :  «  J'ai  reçu,  écrivait  à  Sœ:'a- 
((  lette  de  Langes,  le  marquis  de  Gages,  une  lettre  des 
a  frères  Bruneteau  et  de  ...  qui  prennent  le  titre  de 
((  Grande-Loge  Ecossaise.  Ils  ont  adressé  pareille  let- 
((  tre  circulaire  à  d'anciens  maçons  de  cette  ville,  dont 
((  quelques-uns  ne  sont  plus  membres  et  d'autres  ne 
<(  sont  plus  admis.  Leurs  lettres  ont  couru  les  «  Caf- 
«  fés  »  (sic)  et  ont  occasionné  différentes  plaisanteries 
((  parmi  les  profanes.   » 

En  1780,  la  Mère-Loge  Ecossaise,  réunie  dès  [772  à 
la  ci-devant  Grande-Loge,  était  devenue  le  Souverain 
Conseil  Sublime  de  la  Mère-Loge  des  Excellents.  Mais 


ET   LA   ROYAUTE  213 

elle  avait  beau  changer  d'enseigne,  la  clientèle  ne  ve- 
nait pas. 

En  1782  un  découragement  profond  semble  s'être 
emparé  des  principaux  chefs.  Nous  en  trouvons  une 
preuve  certaine  dans  les  deux  lettres  suivantes,  écrites 
à  Savalette  de  Langes,  et  retrouvées  par  nous  dans  les 
papiers  de  YBques  a  Capite  Galeato  : 

«  Frère  Labady,  du  Grand  Globe  Français,  dixième  jour 
«  de  la  lune  de  Tanès  7782,  dix-neuvième  jour  du  quatrième 
«  mois  de  l'an  Maçonnique,  5782,  au  Frère  de  Langes  : 

«  J'ai  pensé  de  vous  offrir  de  réunir  le  Souverain  Conseil 
«  à  votre  Conseil  des  Echarpcs  Blanches,  de  déposer  en  votre 
«  Loge,  non  seulement  les  archives  du  Souverain  Conseil, 
«  mais  encore  celles  de  la  Très  Révérende  Grande  Loge,  qui 
«  ne  sont  pas  en  petit  volume  et  qui  sont  en  ma  possession. 
«  Par  là  votre  Loge  réunira  en  elle  l'antiquité,  les  droits,  les 
«  instructions  de  cette  ancienne  Mère  Loge  Ecossaise,  dont 
<(  la  Très  Révérende  Mère  Loge  elle-même  a  reconnu  la  su- 
«  périorité,  dès  le  24  janvier  1764.  Et  ma  retraite  n'étant  plus 
«  un  objet  de  rivalité  ou  d'envie  pour  les  arcs-boutants  de 
«  la  Loge  Nationale,  aujourd'hui  Grand-Orient,  vous  réta- 
«  blirez  le  calme,  l'ordre  et  la  paix,  en  vous  unissant  à  lui, 
«  et  vous  parviendrez  facilement  à  réprimer  la  rivalité  des 
<(  Directoires  Ecossais,  des  Ecossais  du  Contrat  Social,  et 
«  d'une  foule  de  tribunaux  prêts  à  éclore,  qui  ne  sont  faits 
<(  que  peur  la  destruction  de  la  vraie  Maçonnerie,  en  donnant 
«  au  Sérénissime  Grand  Maître,  et  aux  Révérends  Frères  que 
«  vous  choisirez,  le  grade  de  Vénérable  Maître  Régulier  de 
«  Loge,  arrêté  en   1773.   » 


«   Frère  Labady. 


Paris,  19  février  1783. 


«  En  faisant  à  votre  Révérende  Loge  le  dépôt  de  la  majeure 
«  partie  des  archives  de  la  Grande  Loge,  et  me  proposant  d'y 
<(  joindre  ensuite  celles  {sic?)  du  Souverain  Conseil,  autre- 
<(  fois  Mère  Loge  Ecossaise,  qui   sont  en  ma  possession,  je 


214 


LA   FRANC-MAÇONNERIE 


«  n'ai  eu  pour  but  que  de  mériter  votre  estime,  en  mettant 
«  votre  Révérende  Loge  à  portée  de  représenter  ce  grand 
«  corps,  qui  seul  a  droit  à  la  vénération  des  Maçons.  » 


4°  Dernier  coup  porté  à  l'Ancienne  Grande-Loge. 


En  1786,  le  Grand-Orient  parvint  enfin  à  porter  à 
sa  rivale  un  coup  si  terrible  qu'elle  ne  put  s'en  relever. 
L'épisode,  que  nous  allons  brièvement  raconter,  nous 
conduira  —  par  une  transition  toute  naturelle  —  à 
préciser  le  véritable  caractère,  et  à  définir  la  situation 
du  Grand-Orient  de  France,  au  vrai  point  de  vue  Ma- 
çonnique. 

Vers  1870,  il  s'était  formé,  à  Paris,  un  Chapitre  des 
Hauts  Grades,  présidé  par  un  des  Anciens  Maîtres,  le 
frère  Poilet.  Cet  établissement  s'intitulait  :  Grand 
Chapitre  Général  de  France.  Un  bon  nombre  de  Loges 
dépendaient  de  lui  ;  et  lui-même  n'avait  pas  cessé  de  re- 
connaître la  ci-devant  Grande-Loge  de  France.  Le 
Grand-Orient,  vers  1786,  entama  des  négociations  pour 
attirer  à  lui  ce  grand  corps  et  l'enlever  à  son  ennemie. 
Les  pourparlers  allaient  aboutir.  Alors  survint  un  fa- 
meux Fr.  \-Maç.  •.,  le  docteur  Gerbier  de  Werschamp, 
Ancien  Maître  de  Paris  et  membre  de  l'Université.  Il 
pria  le  Grand-Orient  de  France  de  l'admettre  aux  con- 
férences. Sa  demande  fut  agréée.  Une  fois  admis,  le 
docteur  Gerbier  produisit  des  pièces  qui  le  constituaient 
président  d'un  Chapitre  de  Rose-Croix.  Ses  patentes, 
à  l'entendre,  lui  conféraient  la  suprématie  aussi  bien 
sur  le  Grand-Chapitre  Général  de  France  que  sur  les 
Chapitres  de  Hauts  Grades  établis  dans  toute  l'étendue 
du  Royaume,  attendu  que  ses  lettres  constitutives  étaient 
de  beaucoup  antérieures  à  celles  qu'on  pouvait  lui  oppo- 
ser, puisqu'elles  avaient  été  délivrées  dès  l'année  i;_ 
au  Duc  d'Antin,  pair  de  France,  par  la  Grande-L 
d'Edimbourg.  Gerbier  montrait  des  documents  qui  Péta- 


ET   l, A   ROYAUTE 


215 


blissaient  Très  Sage  et  Président,  comme  second  suo 
cesseur  du  Sérénissime  Grand-Maître,  le  Duc  cYAntin. 
Le  Grand-Orient  s'empressa  de  reconnaître,  comme 
authentiques,  toutes  ces  pièces  suspectes  ;  il  réunit  à  lui 
ce  Chapitre  et  le  Grand  Chapitre  Général  de  France,  fit 
remonter  leurs  travaux  à  l'année  1721  et  contraignit 
tous  les  Régimes  rivaux  à  s'incliner  devant  sa  juridic- 
tion suprême.  Les  Loges,  bannières  déployées,  suivirent 
docilement  le  Grand-Chapitre  Général  de  France.  La 
ci-devant  Grande  Loge  de  France  ne  mena  plus  qu'une 
vie  languissante. 


HHHi 


CHAPITRE  VII 

Rang  occupé  par  le  G.-O.  de   France 
dans  la  Hiérarchie  des  Régimes  Maçonniques. 

i°   Orgueil  et  Prétentions  du  G.-O. 


Dans  toutes  les  circonstances  à  temps  et  à  contre- 
temps, comme  tous  les  autres  Régimes,  d'ailleurs,  le 
Grand-Orient  a  exalté  les  hautes,  sublimes  et  inacces- 
sibles connaissances  de  ses  Grands  Chapitres.  Or,  les 
Grands  Chapitres  et  le  Grand-Orient  lui-même 
n'étaient  rien  ou  si  peu  de  chose.  Le  Grand-Orient  ? 
Un  régime  bâtard.  La  Société  secrète  prit  ce  bâtard  à 
son  service,  mais  elle  ne  le  légitima  jamais.  Chartres 
se  vit  offrir  le  titre  de  Sérénissime  Grand-Maître.  En 
réalité,  le  duc  ne  fut  jamais  l'un  des  Hauts-Supérieurs 
de  la  Secte  ;  pas  plus  d'ailleurs  que  le  duc  de  Bruns- 
wick, Grand-Maître  du  Régime  Rectifié  de  la  Stricte- 


vuÊÊummÊ^ÊÊmÊUsa 


2l8  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

Observance,  ni  que  le  duc  de  Sudermanie.  C'est  à  pro- 
pos de  ce  dernier  que  le  chevalier  d'Harmensen,  écri- 
vant à  VËques  a  C  a  pi  te  Galcato,  nous  donne  ce  rensei- 
gnement précieux  :  <x  Vous  savez  d'ailleurs  qu'aucune 
«  rectification  u'admet  de  Grand-Maître,  et,  quand 
«  même  celui  dont  je  parle  (1)  m'aurait  donné  de  sa 
((  propre  main  un  bref  portant  tout  ce  qu'il  aurait  voulu 
<(  y  mettre  de  chimérique  et  d'admirable,  une  seule 
«  ligne  de  votre  précieux  et  à  jamais  cher  diplôme 
((  d'agrégation,  à  la  Révérende  Loge  Première  du  Rit 
((  Primitif,  m'aurait  mieux  servi  et  surtout  plus  ho- 
((  noré.  » 

Quant  à  ses  Sublimes  Chapitres,  le  Grand-Orient  s'en 
montrait  fier  et  portait  leur  gloire  jusqu'aux  nues. 

En  1806,  le  Frère  Rœttiers  de  Montaleau,  représen- 
tant du  Grand-Maître  Gambaccrcs,  en  parlait  ainsi  à 
ïBqucs  a  Capitc  Galcato,  qu'il  prenait  d'abord  pour 
un  petit  maître  de  Loge,  aussi  ignorant  et  crédule  que 
tous  les  Frères  provinciaux  : 

«  Vous  savez  comment  la  Maçonnerie  a  été  restaurée  en 
«  France  ;  c'est  à  l'époque  où  les  Loges  prenaient  de  la 
«  vigueur  à  Londres,  au  moment  de  la  promulgation  (sic)  de 
«  l'ouvrage  d'Addison  :  The  Constitution,  etc.,  que  l'on  attri- 
«  bue  aussi  au  Grand-Maître  Désaglicr  (sic)  ;  que  milord 
«  Dcrzvcn-W  citer  (sic)  et  d'autres  Anglais  ont  constitué 
«  une  Loge  à  Paris,  et  lui  ont  remis  les  documents  Maçon- 
ce  niques   en    1725. 

«  Dès  1721,  il  existait  des  constitutions  de  Chapitre  accor- 
«  dées  au  Duc  d'Antin,  pair  de  France.  Ces  constitutions  don- 
«  nent  la  faculté  de  constituer  des  Chapitres  de  Rose-Croix, 
«  dans  toute  l'étendue  des  Gaules,  et  qualifient  ce  Chapitre  de 
«  Magnum   Capitulum   R.   C.   apud   Gallos. 

«  Ce  Chapitre,  en  vertu  de  ses  pouvoirs,  a  donné  des  Cons- 
«  titutions,  quand  il  l'a  jugé  convenable.  Il  avait  dans  son 
«   arrondissement  un  très  grand  nombre  de  chapitres,  tant  en 


(1)  Le  F.-,  duc  de  Sudeniianie.  (N.  de  VA.) 


HT   LA   ROYAUTÉ  2IQ, 

<(  France  que  hors  de  France,  lorsqu'il  a  fait,  hommage  au 
<(  Grand-Orient  de  ses  titres  et  documents,  à  la  date  de  fé- 
a  vrier  1786.  Il  s'en  est  suivi  un  concordat,  dont  l'effet  a  été 
«  la  création  d'un  chapitre  Métropolitain  dont  les  travaux 
«  remontent  à  5721  (1721),  avec  autorisation  de  continuer  à 
«  suivre  son  Rit. 

«  Ainsi,  point  de  doute,  que  tels  (sic)  soient  les  connais- 
«  sances  du  Chapitre  Métropolitain,  figurant  au  lieu  et  place 
«  du  Grand  Chapitre  général  de  France.  Son  Rit  est  le  plus 
<(  ancien  pratiqué  dans  la  domination  Française,  soit  en 
«   France,  soit  aux  Iles,  soit  aux  Indes. 

((  Le  premier  dépositaire  a  été  le  Duc  d'Antin  ;  le  second 
«  a  été  le  marquis  de  Fallins,  représentant  du  Grand  Maître, 
<(  le  comte  de  Clcrmonî,  pour  la  partie  des  Hauts  Grades;  le 
<(  troisième,  le  docteur  Gerbier;  le  quatrième,  le  Frère  Rœt- 
«  tiers  de  Montaleau,  qui  en  a  fait  la  remise  aux  archives 
u   secrets    (sic)    du    Grand-Orient. 

«  J'ai  remarqué  que  la  Lcge  des  Amis  Réunis  s'était  adres- 
«  sée  au  Grand  Chapitre,  et  en  avait  obtenu  des  capitulaires. 

«  Le  Grand  Chapitre  de  France  (aujourd'hui  le  Chapitre 
a  Métropolitain)  a  toutes  ses  connaissances  divisés  (sic)  en 
«  cinq  Ordres,  lesquels  ont  des  classements  de  9  en  9,  et  se 
«  terminent  à  81  : 

«  Le  premier  Ordre  termine  ses  travaux  à  l'Ecocisme,  ex- 
«  clusivement  ; 

«   Le  deuxième  Ordre  renferme  l'Ecocisme; 

«  Le  troisième  Ordre  s'occupe  de  la  Chevalerie  qui  traite 
«  de  la  réédification  ; 

«  Le     quatrième  Ordre  professe  la  Rose-Croix  ; 

«  Le  cinquième  Ordre  admet  les  diverses  Chevaleries  et  les 
«  Sciences  Occultes,  considérées  physiquement  ou  théosophi- 
«  quement. 

«  Il  existe,  dans  ce  cinquième  Ordre,  un  Conseil  de  neuf 
«  membres.  Ces  neuf  Chevaliers  ne  peuvent  admettre  à  leurs 
«  connaissances  que  très  rarement,  et  avec  la  plus  grande 
«  réserve.    » 

2°  L'opinion  des  Maîtres. 

Rœttiers  de  Montaleau  écrivait  ainsi  comme  un  chef 
«dont  la  conscience  est  bien  tranquille.  Il  ajoutait  même  : 


220 


LA   FRANC-MAÇONNERIE 


«  Le  Grand-Orient  dit  les  choses  comme  elles  sont.  )> 
"L/'Bques  a  Capite  Galcato  n'avait  plus,  dans  ses  archi- 
ves, ni  la  copie  authentique  des  Constitutions,  dites  du 
duc  d'Antin,  ni  le  texte  des  protestations  solennelle- 
ment élevées  par  Edimbourg  contre  ce  titre  supposé. 
Mais  il  savait  qu'une  copie  authentique  des  originaux 
se  retrouverait  aisément  aux  Archives  du  Souverain 
Tribunal  des  Grands  Inspecteurs  Commandeurs  atta- 
chés à  la  Révérende  Mère-Loge  Ecossaise  de  France,  à 
l'Orient  de  Paris.  Il  fit  un  signe  à  Thory,  grand-offi- 
cier de  l'Ordre  Ecossais  Philosophique  et  conservateur 
ad  vitamde  l'Ordre,  en  même  temps  que  33e  degré  au 
Grand-Orient.  Il  le  pria  de  lui  procurer  les  duplicata  de 
toutes  ces  pièces.  Manifesté  par  un  tel  Maître,  ce  désir 
était  un  ordre.  Thory  copia  lui-même  ces  documents,  et 
se  hâta  de  les  expédier,  en  joignant  à  son  envoi  une 
«  planche  »  explicative. 

Nous  publions  cette  intéressante  correspondance.  Il 
est  utile  de  posséder  des  pièces  sur  lesquelles  le 
Grand-Orient  n'est  pas  fort  aise  que  les  profanes  por- 
tent un  regard  indiscret.  L'on  verra  quel  amour  tendre 
avaient  les  uns  pour  les  autres,  même  après  leur  réu- 
nion au  centre,  ces  membres  de  Régimes  rivaux:  II 
est  nécessaire  de  faire  remarquer  que  Thory  écrit  sa 
lettre  et  annonce  les  divers  documents  comme  s'il  pré- 
venait un  désir  de  son  Très  Illustre  Correspondant  : 


Paris,  le   19  février   1807. 


Très  digne  et  très  Révérend  Frère, 

«  Je  profite  de  l'occasion  de  l'envoi  de  quatre  exemplaires 
«  du  tableau  de  notre  Révérende  Mère  Loge,  pour  vous 
«  donner  un  renseignement  précieux  sur  l'un  des  articles  de 
«  votre  correspondance  avec  notre  cher  et  révérend  Frère 
«  (YAigrefeuille.  Les  diverses  questions  que  vous  lui  faites 
«  sur  les  motifs  qui  ont  pu  déterminer  le   Grand  Orient  de 


ET   LA   ROYAUTE  221 

c  France,  ou  plutôt  son  Grand  Chapitre,  à  usurper,  depuis 
(  deux  ans,  le  Titre  de  Rit  Primitif,  m'ont  donné  l'occasion  de  , 

<  faire  une   recherche   dans  les  archives  générales  de   notre 

<  Rit,  dont  je  suis  le  conservateur  ad  vitam. 

«  J'y  ai  trouvé  une  copie  figurée  de  Y  Acte  Constitutif  de  ce 
(  Chapitre.  Il  est  en  latin,  et  revêtu  du  sceau  de  la  Grande 
(  Loge  du  duc  d'Antin.  Je  vous  en  fais  passer  une  expédition, 

<  ainsi  que  de  la  traduction.  J'y  ai  joint  deux  pièces  éma- 

<  nées  d'Edimbourg,  relatives  à  ce  titre,  et  dans  lesquelles  il 
(  est  gravement  contesté.  D'après  l'intention,  que  vous  avez 

<  manifestée  à  notre  cher  Collègue  à' Aigre  feuille,  d'écrire 
(  sur  l'origine  de  la  Maçonnerie  et  sur  les  divers  Etablisse- 
(  ments  Maçonniques,  j'ai  cru  qu'il  vous  serait  agréable 
(  d'avoir  ces  copies.  Je  vous  invite  à  y  avoir  entière  con- 
(  fiance,  j'en  ai  vu  souvent  les  originaux. 

«  Vous  avez  jugé  comme  nous,  Très  Digne  Frère,  que  ce 
n'est  que  depuis  votre  correspondance  avec  le  frère  iV0  50 
(Rœt tiers  de  Montaleau),  qu'il  a  imaginé  de  prendre  ou  de 
faire  prendre  le  titre  de  Rit  Primitif.  Il  a  cru  —  avec  rai- 
son —  que  tout  ce  qui  vient  de  vous  doit  avoir  quelque 
importance,  et  comme  au  Grand-Orient  on  ne  saurait  trop 
prendre,  il  a  usurpé  le  titre  dé  la  Loge  de  X...,  et  il  a  même 
poussé  le  zèle,  jusqu'à  faire  elianger  les  cuivres  des  Brefs, 
de  manière  qu'il  y  a,  selon  lui,  autant  de  membres  du  Rit 
Primitif  {celui  de  l'Equcs)  que  de  Rose-Croix  de  Judée, 
dans  la  France. 

«  Sans  doute,  cela  n'est  point  inquiétant  pour  les  vrais  sec- 
taires du  Rit  Primitif,  qui  sauront  toujours  bien  reconnaî- 
tre l'ivraie;  cependant  ce  rare  et  sublime  effort  de  l'imagi- 
nation du  N"  50  entraîne  une  sorte  de  confusion  assez 
désagréable  pour  notre  Rit  (Thory  y  avait  été  Associé  par 
YEques),  d'autant  plus  qu'il  ne  s'est  point  restreint  à  donner 
cette  qualification  aux  membres  du  Grand  Chapitre  de 
France,  mais  qu'il  la  fait  donner  par  le  Grand-Orient  au  pre- 
mier venu  qui  demande  un  bref,  pourvu  qu'il  donne  sept 
francs. 

«■  Est-ce  envie,  est-ce  le  désir  d'avilir,  ou  de  s'amalg-amer 
pour  s'ennoblir?...  Je  ne  saurais  le  deviner;  ce  qui  est  cer- 
tain, c'est  que  j'ai  vivement  réclamé  contre  cette  nouveauté, 
qui  date  de  moins  de  deux  ans,  au  Grand  Chapitre  général,, 
mais  toujours  en  vain.  . 


?^>  2 


LA    I-RAN'C-MAÇOXXERIK 


((  Me  serait-il  permis,  Très  Digne  Frère,  de  vous  proposer 

«  un  moyen,  que  je   regarderais   comme   infaillible,  pour   dé- 

«  jouer  tous  ces  amateurs  du  nom  de  Rit  Primitif  ?  Le  voici  : 

«  Que  la  Loge  de  X ...  et  le  Conseil  adressent  une  circulaire 

a  à   tous   les   membres   et   ateliers   du   Rit   pour   les   prévenir 

«  contre    cet   envahissement   de    titre,   en   leur   déclarant   que 

«  tous  porteurs  de  brefs  du  Grand-Orient  de  France  avec  la 

«  qualification  de  Rit  Primitif  n'appartiennent  point  à  ce  Rit. 

«  mais  au  Grand-Orient  de  France  et  à  son  Grand  Chapitre, 

u  lesquels   depus    1806,   seulement,  ont  cru  devoir  ajouter   ce 

«  titre   à   ceux   qu'ils   avaient   déjà.   Cette   circulaire    contien- 

«  drait  les  noms  des   frères  qui  tiennent  véritablement  à   ce 

«.  Rit   et   annulerait   de   fait   tous   ces   brefs.   J'abandonne   ce 

«  moyen,    ou    cette    rêverie   à   vos    lumières  ;    les   miennes   ne 

«  sont  pas  suffisantes  pour  décider  si  \me  pareille  circulaire 

«  serait   du   goût   de   nos    Supérieurs...    (1). 

«  Je  me  suis  dispensé  de  toute  réflexion  sur  les  pièces  dont 
«  je  vous  envoie  copie;  mais  vous  verrez  qu'il  est  évident 
«  qu'Edimbourg  n'a  jamais  écrit  en  latin,  et  que  tout  ce  qui 
«  en  sort  est  écrit  en  langue  nationale.  Il  circule  ici  des 
«  on-dit  sur  ce  titre,  desquels  il  résulterait  qu'il  est  de  fabri- 
«  que.  On  dit  qu'il  a  été  fabriqué  au  cabaret,  il  y  a  une  tren- 
te taine  d'années  par  défunt  le  Frère  Gerbier.  qu'à  l'occasion 
a  des  mots  Discipuli  Sak'atoris  qui  sont  renversés,  il  y  a  eu 
«  altercation  ;  que  la  bouteille  est  tombée  sur  le  titre  et  l'a 
«  taché  de  vin  :  en  effet,  l'original  en  est  couvert.  L'un  des 
«  entrepreneurs  a  depuis  divulgué  le  secret,  dit-on  encore  : 
«  mais   sur   tout   cela   je   n'ai   aucune   certitude...    »  (2). 

Ainsi  que  nous  l'avons  dit,  cette  lettre  accompagnait 
les  trois  pièces  suivantes  :  i°  La  copie  du  Texte  Cons- 
titutif; 20  un  extrait  d'une  lettre  écrite  par  le  Frère 
Murdoch  ;  30  un  extrait  des  Archives  du  Souverain 
Tribunal  des  Grands  Inspecteurs.  Voici  ces  docu- 
ments : 


(1)  Quels  étaient  ces  «  Supérieurs  »  ?  Mystère  (N.  de  l'A). 

(2)  Tout  ce  pot  aux  roses  et  aux  faux  mac.',  a  été,  depuis,  entiè- 
rement découvert  (X.  de  l'A.) 


ET   LA   ROYAUTE  22$ 

1°    Traduction   du    Texte   Latin    du    Titre   Constitutif. 

«  De  l'Orient  du  Monde  et  Sanctuaire  d'Edimbourg, 
((  où  régnent  la  Foi,  l'Espérance  et  la  Charité,  dans  la 
((  paix,  l'unanimité  et  l'égalité.  Le  21e  jour  du  Ier  mois 
u  d'Hiram  57.21.,  et,  d'après  l'hiéroglyphe  posthume  du 
a  Sauveur,  1688. 

((  Salut,  salut,  salut. 

«   Nous,  Soussignés,  disciples  du  Sauveur,  à  tous  ceux  qui 

«  ont   ou   pourront  y   avoir   intérêt,   savoir   faisons   que   nous 

«  avons  créé,  en  faveur  des  Français,  un  Grand-Chapitre  de 

«  la   Rcse-Croix,   dont  le   siège   suprême,   au   nom   et   sous   la 

«  pleine    puissance    et   l'autorité   de    notre    Frère    Duc    d'An- 

«  tin,  pair  de  France,  d'une  réputation  digne  de  ce  rang,  ou 

«  de  quelqu'un  du  Frère  Chevalier,  accompli  en  tous  points. 

«  qui  devra  être  muni,  par  le  Chapitre  ou  par  la  Loge  du  Rit, 

«  de  lettres  authentiques,  résidera  à  perpétuité  à  Paris,  pour 

ce  y   jouir   des   privilèges    de   propagation   et   de    constitution, 

«  seulement  dans  l'intérieur  de  la  France.  A  ces  conditions, 

«  nous  consentons,  par  ces  présentes  munies  de  notre   sceau 

«  et   de   notre   signature,   que   ledit   Chapitre   suive   librement 

if  son  génie  naturel.  En  conséquence,  qu'il  soit  béni,  honoré,. 

«  et  que  foi  lui  soit  ajoutée.  » 

Donné  à  l'Orient  du  Monde,  la  33°  année  de  notre  règne. 

De  Haees,  JeayEme,   Barboux,   Barlay,  etc.. 
Brunet,  secrétaire. 


2°  Extrait  d'une  Lettre  écrite  par  le  Frère  Murdoch,. 
Grand  Sociétaire  de  la  Grande  Loge  royale  de 
H.  R.  D.  M.  (Hérodom),  à  Edimbourg  au  F.  Matheus, 
Grand-Maître  Provincial  dudit  Ordre,  en  France,  à 
l'Orient  de  Rouen. 

Le    14    octobre    5786. 

«  La  Grande  Loge  Royale  d'Hérodom,  ou  de  Saint-André,. 
«  sise  à  Edimbourg,  en  Ecosse,  y  existe  de  temps  ïmmé- 
«  morial. 


224 


LA   FRANC-MAÇONNERIE 


«  Elle  a  pris  le  titre  de  Loge  Royale,  parce  que  les  Rois 
«.  d'Ecosse  l'ont  anciennement  présidée  en  personne,  et  qu'elle 
«  a  continué  de  regarder  comme  son  Grand  Maître  le  roi 
«  d'Ecosse,    maintenant    roi    de   la    Grande-Bretagne. 

((  Bien  avant  1720  et  1721,  des  circonstances  fâcheuses  ont 
<(  forcé  la  Maçonnerie  de  demeurer  dans  l'obscurité,  et  la 
((  Grande-Loge  Royale  est  restée  très  longtemps  ensevelie 
<(  dans  un  profond  sommeil. 

«  En  1736,  le  Frère  Sainclair  de  Roslin,  qui  n'était  que 
ce  Maître,  établit  à  Edimbourg  une  Grande-Loge  de  l'Ordre 
«  de  Saint- Jean,  à  laquelle  il  transmit  l'autorité  qui  avait  été 
((  donnée  autrefois  à  quelques  frères  de  sa  famille  pour  rem- 
<(  plir  la  place  de  Grand-Maître  de  l'Ordre  de  Saint-Jean. 
«  Cette  Grande  Loge  ne  s'occupa  jamais  que  de  la  Maçonne- 
ce  rie  Symbolique.  Elle  a  aujourd'hui  pour  Grand-Maître 
«  milord  Hadde,  dont  le  substitut  est  le  frère  Hay. 

«  Ce  ne  fut  que  quelques  années  après  1736  que  la  Grande- 
«  Loge  Royale  sortit  du  nuage  qui  la  tenait  depuis  long- 
ce  temps  enveloppée.  Ses  travaux  reprirent  alors  vigueur,  et 
«  elle  ne  s'occupa  plus  que  de  ce  qui  concernait  la  Haute- 
ce  Maçonnerie,  laissant  la  connaissance  de  la  Maçonnerie 
ce  Symbolique  à  la  Loge  Saint-Jean,  dont  les  membres  passent 
ce  ensuite  à  la  Grande-Loge  Royale  pour  y  être  reçus  aux 
<(   Grades  Supérieurs. 

ce  Ainsi  la  Grande-Loge  Saint-Jean  reçoit  les  Maçons  aux 
«  trois  premiers  grades,  et  la  Grande-Loge  Royale  ne  reçoit 
ce  aucun  membre  s'il  n'est  Maître  ;  elle  les  avance  dans  les 
<c  Hauts  Grades.  C'est  ainsi  qu'elle  a  avancé  plusieurs  Grands- 
ce  Maîtres  de  l'Ordre  de  Saint-Jean,  tels  que  les  comtes  de 
ce  de  Levin  et  de  Melville,  le  chevalier  Adolphe  Oughton. 
ce  généralissime  de  l'armée  en  Ecosse,  milord  Wèsthall,  l'un 
ce  des  juges  supérieurs  du  Royaume,  et  le  chevalier  Georj 
ce   Bonnout. 

ce  La  Grande-Loge  Royale  m'a  donc  commandé  de  vous 
ce  instruire  de  tout  ceci,  et  de  vous  assurer  qu'elle  n'a 
ce  jamais  donné  à  aucune  Loge  de  France,  ni  à  aucun  Maçon 
ce  français  en  particulier,  aucune  patente  de  quelque  nature 
ce  que  ce  soit,  et  encore  moins  dans  les  années  1720  ou  [7 
ce  où  longtemps  axant  et  longtemps  après  elle  ne  s'est  per- 
cc  mise    {sic)    aucune    fonction  ;    que    ce    n'a    jamais    été    son 


ET  LA   ROYAUTÉ  225 

«  usage  d'écrire  en  latin  les  patentes  qu'elle  donne,  attendu 
«  que  son  Ordre  étant  écossais,  elle  ne  peut  se  servir  à  cet 
«  égard  que  de  la  langue  nationale  ; 

«  Que  si  les  patentes,  dont  quelques  Frères  se  prévalent, 
«  sont  de  la  Grande-Loge  Saint-Jean  d'Edimbourg,  qui  se 
«  permet  d'écrire  en  toutes  langues,  elles  ne  peuvent  avoir 
«  une  date  antérieure  à  1736,  époque  de  son  origine,  et  les 
«  pouvoirs  ne  peuvent  s'étendre  au  delà  des  trois  grades 
«  symboliques  ; 

«  Qu'enfin  la  Grande-Loge  Royale,  qui  s'est  réservée  (sic) 
«  le  droit  exclusif  de  donner  des  patentes  constitutives  pour 
«  les  Hauts  Grades,  n'en  accordera  en  France  que  sur  la 
«  demande  qui  lui  en  sera  faite  par  son  Grand-Maître  Pro- 
ie vincial.  » 

30  Extrait  des  Archives  du  Grand,  Suprême  et  Souve- 
rain Tribunal  des  Grands-Inspecteurs  Commandeurs, 
attachés  à  la  Révérende  Mère-Loge  Ecossaise  de 
France,  à  l'Orient  de  Paris.  N°  328. 

«  Nous  chevalier  William  W-s-d-m  (Wisdom),  Président 
«  des  Juges  et  Conseil  du  Grand  Sanhédrin,  Député  Grand- 
«  Maître  et  Gouverneur  du  Sublime  et  Honorable  Ordre  de 
«  Hérodom  de  Kilwinning,  en  Ecosse  ;  Chevalier  William 
«  S-t-r-e-n-g-t-h  (Strcnggth),  premier  Grand-Surveillant,  et 
«  autres  Chevaliers,  compagnons  de  l'Ordre  Royal  de  R.  \ 
«  C.\    X.\    (Rose-Croix),    assemblés    en    Grande    Loge, 

«  Certifions,     déclarons    et    affirmons     qu'aucune     Charte. 

«  Patente  ou  Constitution,  de  quelque  espèce  qu'elle  soit,  n'a 

(  été   accordée   par   notre    Grande   Loge   à   aucune   Loge   ou 

(  Société   de    Francs-Maçons   en   France,   antérieure   à   celle 

-  donnée   par   nous   au   Très   Révérend   Chevalier   Jean  Ma- 

■  theus,    notre    Grand    Maître    Provincial,    pour    tenir    une 

:  Grande  Loge  et  Grand  Chapitre  à  Rouen,  en  Normandie. 

et  une  autre   au  Très   Révérend  Frère   Chevalier    Nicolas 

Chabouillc,  pour  tenir  le   Chapitre  du  Choix  à   Paris  ;   et 

nous  déclarons  aussi  que  la  Patente,  que  l'on  dit  avoir  été 

obtenue   de   notre   Grande   Loge,   en    1720  ou   1721,   et  que 

l'on  prétend  être  actuellement  entre  les  mains  de  certains 

Francs-Maçons    en    France,    n'est    point    émanée    de    notre 


226  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

«  autorité,  ni  de  celle  de  nos  prédécesseurs,  la  Maçonnerie 
«  ayant  été  alors  dormante  dans  le  Royaume,  et  jusqu'en 
«  1736,  époque  à  laquelle  la  Grande  Loge  de  l'Ordre  de 
«  Saint-Jean  a  repris  ses  travaux,  et  celle  de  notre  Royal 
«  Ordre  n'est  entrée  en  vigueur  que  plusieurs  années  après  : 

«  C'est  pourquoi  cette  prétendue  patente,  qui  nous  paraît 
«  être  une  usurpation  de  notre  nom  et  autorité,  ne  peut  for- 
ce mer  aucun  titre  valable.  Nous  déclarons  en  outre  que  nous 
«  ne  reconnaissons  pas  d'autres  Loges  en  France,  qui  aient 
«  été  constituées  par  notre  Grande  Loge,  et  que  nous  ne 
«  connaîtrons  d'autres  Constitutions  que  celles  mentionnées 
«  ci-dessus,  et  accordées  par  nous  à  Xos  Très  Chers  Révé- 
«  rends  Frères  Jean  Mathcus  et  Xicolas  Chabouillc,  ainsi  que 
«  celles  que  nous  donnerons  à  l'avenir  aux  Chapitres  dans 
«  le  Royaume,  sur  la  demande  spéciale  de  notre  Grande  Loge 
«  de  Rouen,  en  Normandie. 

«  Donné  sous  nos  mains  et  sceaux  de  l'Ordre,  à  Bditn- 
«  bourg,  le  11  décembre,  étant  le  jour  de  Saint- André  et  de 
«  la  Maçonnerie  5785. 

«   Signé  : 

u  William  Wisdom  (en  français  :  Force),  Député  Grand- 
ce  Maître  et  Gouverneur  ; 

«  William  Strcnght  (en  français  :  Sagesse),  Premier  Grand 
«   Surveillant  ; 

«  Jean  Beauty  (en  français  :  Beauté),  Deuxième  Grand 
Surveillant  ; 

<(  Jean  Sobriety  (en  français  :  Sobriété),  Grand  Secré- 
«   taire.  » 

Ces  pièces  irréfutables,  ces  témoignages  écrasants 
étaient  bien  connus  de  Rœtticrs  de  Montaleau.  Mais  le 
Représentant  particulier  du  Grand-Maître  Cambacérèt 
avait  écrit  et  argumenté  comme  si  rien  n'en  avait 
jamais  existé.  Armé  de  ces  documents  redoutables, 
YEqucs  a  Capitc  G  aie  ai  0  lui  répondit  assez  durement  : 

—  Qui  êtes-vous?  Vous  n'êtes  que  le  néant.  Le  néant 
ne  peut  enfanter  que  le  néant.  Avez-vous  jin  nom  ? 
Etes-vous  Anglais  ?  Etes-vous  Ecossais,  ou  peut  cire 
Français  ?  Le  Chapitre  Métropolitain,  l'auguste  et  gé- 


ET   U   ROYAUTÉ  22J 

oéreux  distributeur  de  Hauts  Grades,  n'est  rien  de 
tout  cela  sans  doute,  puisqu'il  cherche  encore  sa  qua- 
lité. Las  de  chercher,  il  a  fini  par  prendre  à  mon  Ré- 
gime ce  titre  de  Rit  Primitif  que  les  oreilles  parisiennes 
doivent  trouver  fort  joli.  Vos  grades  sublimes,  vos 
quatre-vingt-un,  ou  quatre-vingt-dix-sept  degrés,  ne 
sont  que  de  la  crème  fouettée.  Vos  constitutions  sont 
apocryphes.  Les  prétendues  sciences  enseignées  clans  v<  >s 
ateliers  ne  sont  qu'un  amalgame  de  connaissances, 
pillées  à  tous  les  Rits,  mal  digérées,  un  amas  indigeste, 
un  vrai  chaos,  un  dédale  où  se  perdraient  vos  disciples 
infortunés,  si  une  Providence  secourable  ne  leur  mettait 
dans  la  main  le  fil  conducteur. 

La  réponse  était  cruelle.  Le  représentant  particulier 
du  Grand-Maître  se  garda  bien  de  la  relever.  Cette  sé- 
vère condamnation  n'était  que  l'écho  d'un  jugement 
porté  depuis  bien  des  années  sur  le  Grand-Orient  par 
l'intime  ami  de  VBques  a  Capite  Galcato,  le  marquis 
Savalette  de  Langes. 

C'était  en  1782.  L'Eques  était  alors  en  garnison  à 
Strasbourg  et  se  disposait  à  partir  pour  JJ'ilIielinsbad; 
où  un  Grand  Couvent  devait  tenir  ses  assises.  Savalette 
de  Langes  écrivait  à  son  ami  : 

De  Langes,  Paris,   13  juillet   1782. 

«  Le  Grand-Orient  est  près  de  se  dissoudre  par  deux 
«  motifs  :  l'un,  qu'il  manque  de  fonds,  et  qu'il  n'a  con- 
«  fiance,  ni  crédit  d'aucune  sorte  sur  les  Loges  bien  compo- 
«  sées  ;  l'autre,  qu'il  veut  entreprendre  une  réforme  sur  les 
«  Hauts  Grades,  entreprise  pour  laquelle  il  n'est  que  trop 
«  connu,  qu'il  manque  de  lumières,  et  qui  peut  d'autant  moins 
«  réussir  que  les  rédacteurs  sont  des  hommes  très  ordi- 
«  naires,  qui  n'ont  aucune  espèce  de  titre  à  la  confiance  du 
«  public  maçon,  qui,  dans  ce  pays,  comme  dans  les  autres,  a 
<(  de  grandes  prétentions  à  la  science  et  peu  de  dispositions 
«  à  se  laisser  conduire.  » 


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CHAPITRE    VIII 


L'utilité  du  G.-O. 


i°  Comment  la  Société  Secrète  a  su  s'en  servir. 

Telle  est  l'opinion  des  adeptes  les  plus  avancés.  Mais 
comme  nous  l'avons  déjà  dit,  la  Société  Secrète  a  su 
merveilleusement  tirer  parti  de  ce  Régime.  Une  insti- 
tution Maçonnique,  présidée  par  un  prince  du  sang, 
fréquentée  par  toute  la  noblesse  française  :  conçoit-on 
une  meilleure  enseigne  pour  attirer  et  retenir  ces 
((  honnêtes  gens  »  que  la  Secte  veut  et  doit  avoir  pour 
elle  ;  «  ces  bêtes,  ces  buses  »  de  haut  rang,  qui  ai- 
ment les  rubans,  les  médailles,  les  titres  pompeux, 
que  le  mystère  attire,  qu'amusent  les  galantes  aventures 
des  Loges  d'adoption  ? 

Que  sont  les  connaissances  plus  ou  moins  sublimes, 
promises  à  leurs  adeptes  par  des  Régimes  plus  ((  régu- 


230  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

liers  ))  ?  Au  fond,  tous  ces  mystères  ne  sont  rien,  ou  ne 
sont  qu'une  écorce.  Ceux  qui  aiment  à  «  embrasser  ces 
écorces  »  trouveront  ailleurs  à  se  satisfaire.  Le  Phi- 
lalèthe,  le  Martiniste,  le  Rose-Croix,  en  un  mot 
l'adepte  qui  fuit  le  bruit  des  fêtes,  trouvera  des  loges  re- 
culées, ténébreuses,  solitaires,  et  pourra  s'y  livrer  à  ses 
méditations  profondes.  Mais  la  Société  Secrète,  par 
des  routes  diverses  mène  au  même  but  le  Rose-Croix, 
le  Martiniste,  le  Philalèthe  et  le  galant  gentilhomme, 
Le  baquet  Mesmérien,  où  l'on  expérimente  le  magné- 
tisme animal;  le  tableau,  chargé  d'hiéroglyphes,  de  l'al- 
chimiste ;  le  banquet  où  ((  l'on  démolit  les  matériaux  au 
bruit  des  salves  d'artillerie'  »,  servent,  d'une  manière 
également  efficace,  les  desseins  de  la  Secte.  Les  Loges 
luxueuses,  brillantes,  charmantes,  bruyantes  du  Grand- 
Orient  sont  des  salles  d'observation  et  comme  des  ma- 
nèges de  dressage.  Combien  s'y  amuseront  et  y  feront 
mille  folies,  jusqu'au  jour  où  la  Révolution,  mettant 
sur  eux  sa  main  brutale,  les  chassera  du  sol  de  leur 
patrie  ou  leur  fera  gravir  les  marches  de  l'échafaud  ! 
Guillotin,  l'orateur  de  la  Chambre  des  Provinces,  com- 
bine peut-être  déjà  le  plan  de  la  hideuse  machine.  Et 
les  yeux  ne  seront  point  dessillés.  Après,  comme  avant 
((  l'explosion  délétère  »,  pour  parler  le  langage  de 
YBques  a  Capitc  Galeato,  tous  ces  nobles  seront  «  les 
buses  et  les  bêtes  »,  c'est-à-dire,  les  dupes  éternelles 
dont  la  Société  Secrète  s'entourera  pour  cacher  son  but 
et  faire  de  nouvelles  victimes. 


20  Le  rôle  des  adeptes  plus  avancés. 

De  vrais  Initiés  se  sont  glissés  dans  cette  institu- 
tion irrégulière.  Ils  y  occupent  la  seconde  place.  OU 
quelquefois  même  la  place  la  plus  modeste.  Bacon  de  la 
Chevalerie   s'y   contente   de   son   titre   d'Orateur,   bien 


: 


ET   LA   ROYAUTÉ  23 1 

» 

qu'il  soit  l'un  des  chefs  du  Martinisme.  Savaîette  de 
Langes  y  est  simple  Maître  des  Cérémonies,  mais  il  est 
aussi  le  premier  des  Philalèthes.  Willermoz  n'est  qu'un 
modeste  Vénérable  de  province;  mais  il  est  le  premier 
disciple  de  Saint-Martin  et  l'un  des  pontifes  de  la 
Stricte-Observance.  UBques  a  Capite  Galeato  passe  à 
peu  près  inaperçu,  mais  il  connaît  tous  les  Rits,  ap- 
partient à  tous  les  Régimes,  et  multiplie  partout  les 
prosélytes. 

Ces  Maîtres  forment  des  disciples.  Sans  quitter  le 
Grand-Orient,  ces  disciples  agrégés  à  des  Régimes  su- 
périeurs montent  vers  la  lumière,  entendent  ((  le  fin 
mot  »,  et  apprennent  sans  frémir  les  secrets  les  plus 
terribles. 

Entre  les  naïfs,  ((  les.bnses  et  les  bêtes  )),  et  ces  vrais 
Initiés,  s'agite  l'immense  multitude  de  ceux  que  la 
Maçonnerie  soumet  à  sa  discipline  et  dont  elle  dé- 
forme les  idées  par  une  lente  mais  sûre  méthode  de  per- 
version. 

En  tant  que  Corps  Maçonnique,  le  Grand-Orient 
n'eut  aucune  influence  au  sein  de  ces  réunions  solen- 
nelles,' ou  Convents,  qui  précédèrent  la  Révolution  et, 
sans  doute,  la  préparèrent.  Il  ne  fut  pour  rien  dans  les 
délibérations  du  Grand  Convent  des  Gaules  qui  fut 
assemblé  à  Lyon,  en   1778. 

Ni  le  prince  Ferdinand  de  Brunswick,  YBques  a 
Victoria,  ni  le  prince  Charles  de  Hesse-Cassel} 
YBques  a  Leone  Résurgente  ;  ni  Willermoz,  YBques  ab 
Eremo,  'n'acceptèrent  que  le  Grand-Orient  envoyât  des 
députés  au  fameux  Convent  Général,  tenu,  en  1782,  à 
Wilhelmsbad.  A  ce  sujet,  nous  avons  retrouvé  une  inté- 
ressante dépêche  de  Savaîette  de  Langes  à  YBques  n 
Capite  Galeato  : 

19    août    1782. 

«  Le  commis  du  Grand-Orient  m'a  écrit  que  le  Grand- 
«  Orient    aurait    arrêté    que    trois    commissaires,    le    duc    de 


232  LA   FRAXC-MAÇONNERIE 

«  Luxembourg,  le  comte  de  la  Rochefoucault  et  moi,  écri- 
«  raient  une  lettre  au  prince  Ferdinand,  pour  lui  demander 
«  des  éclaircissements  sur  le  Convent,  et  que  j'étais  chargé 
«  de  la  rédaction  de  cette  lettre.  J'ai  répondu  que  toute 
«  démarche  de  cette  nature  étant  contre  mon  avis,  je  ne  me 
«  chargeais  pas  de  rédiger  la  lettre,  que,  puisque  l'on  voulait 
«  en  envoyer  une,  il  fallait  prendre  celle  qu'avait  rédigée  le 
«  Frère  de  la  Chevalerie  ;  que,  puisque  j'étais  nommé,  je  la 
«  signerais,  comme  commissaire  du  Grand-Orient,  mais  qu'en 
«  même  temps  je  la  désavouerais,  quant  à  moi,  par  une  lettre 
«  particulière.  » 

Savalette  de  Langes,  au  courant  des  dispositions  des 
députés  réunis  à  Wilhelmsbad,  ne  se  faisait  aucune  illu- 
sion sur  le  prestige  et  l'autorité  dont  jouissait  le  Grand- 
Orient  et  refusait  de  prêter  son  concours.  Ce  Maître 
très  fin  ne  se  souciait  pas  de  courir  au-devant  d'un 
échec  certain,  ni  d'enregistrer  un  refus  humiliant.  La 
lettre  ne  fut  pas  écrite. 

Quant  au  célèbre  Convent  de  1784,  auquel  Savalette 
de  Langes  lui-même  et  YBques  a  Capite  Galcato  convo- 
quèrent les  députés  de  tous  les  Rits  et  de  tous  les  Ré- 
gimes alors  existants,  le  Grand-Orient  affectant  une  at- 
titude boudeuse  refusa  d'y  participer.  Les  philalèthes 
n'en  furent  que  médiocrement  affligés.  Ainsi  les  cho- 
ses importantes  se  faisaient  en  dehors  du  Grand-Orient, 
souvent  malgré  lui,  quelquefois  contre  lui. 

La  Révolution  approchait.  «  Ayons  de  vrais  Maî- 
tres ;  formons  de  sûrs  apprentis  :  le  moment  venu,  il 
nous  sera  facile  d'avoir  le  nombre,  le  peuple,  la  force  ))  : 
c'est  dans  cette  formule  concise  que  YBques  a  Capite 
Galeato  résumait  toute  la  tactique  de  la  Maçonnerie. 
Les  terribles  secousses  qui  ébranlèrent  jusque  dans  ses 
bases  l'antique  société  française  obligèrent  les  Loges  à 
suspendre  leurs  travaux  réguliers.  Les  ateliers  se  fer- 
mèrent, mais  l'esprit  maçonnique  fut  soudainement 
partout  à  la  fois  :  dans  les  villes  et  à  l'année,  dans  les 


ET  LA  ROYAUTÉ  233 

campagnes,  dans  les  clubs,  les  cercles,  les  cafés  et  les 
tripots.  Les  initiateurs  cédèrent  le  pas  aux  hommes 
d'action  :  Saint-Martin,  Willermoz,  Bacon  de  la  Che- 
valerie, UEques  a  Capite  Galeato,  Thory,  Pyron,  Du- 
bin,  Beyerlé,  d'Héricourt,  de  Bondi  se  tiennent  dans 
l'ombre,  contemplent  «  la  catastrophe  »,  et  traversent 
les  mauvais  jours  sans  être  sérieusement  inquiétés. 


CHAPITRE   IX 


Le  demi-sommeil  du  G.-O. 


i°  La  Démission  du  Grand-Maître. 

Nous  savons  cependant  que  quelques  Loges  conti- 
nuèrent à  s'assembler,  que  ce  qui  restait  du  Grand- 
Orient  expédia,  le  20  décembre  1792,  des  Constitutions 
à  la  Loge  la  Bonne  Amitié,  de  Marmande.  L'historien 
Clavel  assure  que  «  trois  Loges  de  Paris  ne  cessèrent 
«  pas  de  se  réunir  au  fort  même  de  la  Terreur  : 
((  c'étaient  les  Amis  de  la  Liberté  (depuis  le  Point  Par- 
((  fait),  la  Martinique  des  Frères  Réunis  et  le  Centre 
0  des  Amis  ». 

«  Entre  autres  assemblées,  qu'avait  eues  le  Grand-Orient, 
«  il  faut  citer  particulièrement  celle  du  13  mai  1793.  Ce 
«  jour-là,  le  président  donna  lecture  d'une  lettre  du  duc  de 


236  LA   FRANC-MAÇONNERIE 

«  Chartres  (alors  duc  cTOrléans),  insérée  le  22  février,  dans 
«  le  Journal  de  Paris,  et  signée  Egalité.  Cette  lettre  était  ainsi 
«  conçue  :  «  Voici  mon  histoire  maçonnique.  Dans  un  temps 
«  où  assurément  personne  ne  prévoyait  notre  Révolution,  je 
«  m'étais  attaché  à  la  Franc-Maçonnerie,  qui  offrait  une 
«  sorte  d'image  d'égalité,  comme  je  m'étais  attaché  au  Par- 
ie lement,  qui  offrait  une  sorte  d'image  de  liberté.  J'ai  depuis 
«  quitté  le  fantôme  pour  la  réalité.  Au  mois  de  décembre 
«  dernier,  le  secrétaire  du  Grand-Orient  s' étant  adressé  à  la 
«  personne  qui  remplissait  près  de  moi  les  fonctions  de  secré- 
«  taire  du  Grand-Maître,  pour  me  faire  parvenir  une  demande 
«  relative  aux  travaux  de  cette  société,  je  répondis  à 
«  celui-ci,  sous  la  date  du  5  janvier  :  «  Comme  je  ne  connais 
«  pas  la  manière  dont  le  Grand-Orient  est  composé,  et  que. 
a  d'ailleurs,  je  pense  qu'il  ne  doit  y  avoir  aucun  mystère  ni 
«  aucune  assemblée  secrète  dans  une  république,  surtout  au 
«  commencement  de  son  établissement,  je  ne  veux  me  mêler 
<(  en  rien  du  Grand-Orient  ni  des  assemblées  des  Francs- 
«  Maçons.  » 

«  Cette  lettre  fut  entendue  en  silence.  Le  président  provo- 
<(  qua  les  observations,  et  le  silence  continua  de  régner.  Sur 
«  les  conclusions  du  frère  orateur,  tendant  à  ce  que  le  duc 
«  d'Orléans  fût  déclaré  démissionnaire,  non  seulement  de  son 
«  titre  de  grand-maître,  mais  encore  de  celui  de  député  de 
a  Loge,  les  frères  donnèrent  une  adhésion  muette.  Alors  le 
«  président  (1)  se  leva  lentement,  saisit  l'épée  de  l'Ordre,  la 
a  brisa  sur  son  genou  et  en  jeta  les  fragments  au  milieu  de 
«  l'assemblée.  Tous  les  frères  tirèrent  une  batterie  de  deuil 
«   et  se  séparèrent.   » 

2°  Le  Grand-Maître  fantôme. 

Nous  avons  déjà  dit  ce  qu'il  faut,  à  notre  avis,  pen- 
ser de  la  Grande-Maîtrise  du  duc  de  Chartres.  Ce 
prince  qui  n'avait  vu,  dans  les  Loges,   «  qu'une  sorte 


(1)  Nous   croyons    que  ce  président  n'était  autre  que  Rattitrs 
de  Montaleau  (N.  de  l'A.) 


^. 


ET   h  A   ROYAUTÉ  237 

d'image  d'égalité  »,  ne  fut  jamais  lui-même  qu'une  sorte 
a  d'image  »,  qu'un  fantôme  de  Grand-Maître.  Perdu  de 
mœurs,  peu  embarrassé  de  scrupules,  ambitieux  et  vain, 
il  avait,  jusqu'au  dernier  moment,  espéré  que  la  Franc- 
Maçonnerie  lui  ouvrirait  l'accès  du  pouvoir  et  le  -por- 
terait au  trône.  Il  s'était  flatté  de  dominer  la  Secte  et 
de  faire  d'elle  son  docile  instrument.  Il  s'aperçut  trop 
tard  que  la  Secte  était  le  plus  tyrannique  des  souve- 
rains et  qu'il  n'était  lui-même  que  le  plus  méprisé  de 
ses  sujets.  Depuis  longtemps  Savalette  de  Langes  et 
YBqucs  a  Capite  Gaîcato  en  France,  Bode  et  les  Illumi- 
nes de  Bavière  en  Allemagne,  se  moquaient  de  son  au- 
guste titre  de  Sérénissime,  uniquement  destiné  à  tenir 
voilés  les  vrais  chefs,  à  couvrir  les  desseins  perfides,  à 
garantir  les  Loges  des  censures  de  l'Eglise  et  des  sé- 
vérités du  Pouvoir  et  à  répandre,  enfin,  sur  la  Maçon- 
nerie universelle  un  peu  de  cet  éclat  qui  suivait  partout 
un  prince  de  la  maison  de  France. 


30  L'cchafaitd. 

Le  duc  d'Orléans,  devenu  régicide,  parut  accepter  la 
République  avec  enthousiasme.  Mais  il  était  déçu,  le 
dépit  le  rendit  imprudent.  En  signant  sa  lettre  de  dé- 
mission de  Grand-Maître,  il  signait  son  propre  arrêt 
de  mort.  Qu'on  se  rappelle  les  dates.  Leur  seul  rappro- 
chement est  éloquent.  Cette  lettre  fameuse  est  publiée 
le  22  février  1793.  Ce  qui  reste  encore  du  Grand-Orient 
s'assemble  le  13  mai.  Le  6  novembre  suivant,  Philippe- 
Egalité  posait  sa  tête  sur  le  billot  de  la  hideuse  ma- 
chine à  laquelle  le  premier  orateur  de  la  Chambre  des 
Provinces,  Guillotin,  avait  donné  son  nom.  Avant  de 
mourir,  le  malheureux  prince  revint  à  Dieu.  Il  recon- 
nut et  déplora  ses  erreurs.  Celui  que  l'opinion  publique 
accusait  de  poltronnerie  sut  affronter  l'échafaud  avec 


238  IvA  FRANC-MAÇONNERIE 

courage.  Les  hommes  des  faubourgs,  les  escarpes,  les 
amis  des  tricoteuses,  les  clubistes,  les  émeutiers,  les  me- 
neurs, tous  les  sans-culottes,  les  innombrables  courti- 
sans de  la  veille,  dont  il  avait  flatté  les  vils  instincts, 
poursuivaient  le  condamné  de  leurs  outrages.  Le  prince 
dédaigna  ces  basses  insultes  et  se  contenta  de  murmu- 
rer :  Ils  m'applaudirent. 

Les  Loges  étaient  fermées.  Le  Grand-Orient  n'avait 
plus  de  Grand-Maître. 

Cependant  les  principes  de  ïBques  a  Capite  Galeato, 
de  ses  maîtres,  de  ses  collègues,  ces  merveilleux  prin- 
cipes qui  pouvaient  se  résumer  en  quelques  brèves  for- 
mules :  plus  de  lois;  plus  de  gouvernements;  plus  de 
religion;  plus  de  prêtres;  plus  de  frontières;  plus  de 
peuples,  mais  des  maçons,  venaient  d'avoir  des  consé- 
quences tout  à  fait  imprévues.  L'immense  et  patient 
effort  avait  abouti  à  quoi  ?  a  à  la  catastrophe  »  ;  «  à 
l'explosion  délétère  ».  Les  admirables  projets  de  la 
Haute-Maçonnerie,  bien  loin  de  charmer  le  monde, 
l'avaient  rempli  d'épouvante  et  d'horreur.  Leur  exécu- 
tion soulevait  d'insurmontables  difficultés.  La  Révolu- 
tion s'avouait  incapable  de  refaire  une  société  nouvelle. 
L'Esprit  humain  n'était  pas  encore  mûr.  Les  prêtres 
savaient  mourir;  les  fidèles  s'obstinaient  à  prier  et 
l'Eglise  prouvait  qu'elle  avait  la  vie  dure.  La  France 
attendait  avec  impatience  le  retour  de  l'ordre.  L'ordre 
ne  devait  se  rétablir  ni  en  dehors  des  Sociétés  Secrètes, 
ni,  surtout,  contre  elles. 


^r 


CHAPITRE    X 


Le  Réveil. 


i°  Rœttiers  de  Montaleau. 


Dès  l'année  1795,  un  ancien  membre  de  la  xne  Classe 
des  Amis  Réunis,  le  Philalèthe  Rœttiers  de  Montaleau. 
résolut  de  tirer  la  Maçonnerie  Française  de  sa  léthar- 
gie. Ce  nom,  presque  inconnu  des  profanes,  est  béni  au 
Grand-Orient.  La  mort  de  ce  restaurateur  de  l'Art 
Royal  répandit  le  deuil  dans  les  Loges  des  bords  de  la 
Seine  jusqu'aux  rivages  du  Nouveau-Monde,  et  fit,  par 
métaphore,  couler  bien  des  larmes.  Les  archives  de 
VEques  a  Capite  Galeato  nous  ont  conservé  l'oraison 
funèbre  de  ce  grand  Maçon  prononcée,  en  présence  du 
Sérénissime  Cambacérès,  par  le  vénérable  Frère  Mau- 
geret,  orateur  titulaire  de  la  Grande  Loge  Symbolique. 


24O  LA   FRAXC-MAÇOXXERIE 

Les  passages  suivants  nous  permettront  de  connaître 
les  œuvres  et  les  mérites  de  ce  personnage  : 


a  Depuis  longtemps,  l'horizon  maçonnique  offrait  à  nos 
«  regards  satisfaits  un  ciel  pur  et  sans  orages. 

«  Depuis  longtemps,  la  Diète  des  Maçons  inscrivait  dans 
«  ses  fastes  les  rapides  progrès  de  l'Art-Royal,  et  comptait 
«  des  jours  heureux  et  sans  nuages. 

«  Depuis  longtemps,  notre  attention  se  portait  vers  cet 
«  auguste  sanctuaire  ;  nous  y  voyions  briller  les  astres  pro- 
«  tecteurs  du  peuple  Maçon,  et  leur  présence  faisait  rejaillir 
«  sur    l'Ordre    entier    un    bonheur    sans    amertume. 

«  Nous  allions  oublier  peut-être,  au  milieu  de  tant  de 
«  jouissances,  que  l'homme  est  né  pour  la  douleur,  et  qu'il 
«  s'égare,  s'il  marche  trop  longtemps  dans  la  route  trom- 
«  peuse  d'une  prospérité  non  interrompue. 

«  Mais  le  Maître  des  Maîtres  a  voulu  nous  rappeler  à 
<(  cette  vérité  terrible,  sa  main  s'est  appesantie  sur  la  famille 
<(  des  enfants  d'Hiram  ;  elle  l'a  plongée  dans  un  océan  de 
«  regrets  ;  la  tombe  s'est  ouverte  et  ne  s'est  refermée  qu'après 
«  avoir  englouti  l'un  des  plus  précieux  ornements  de  l'Ordre. 
«  l'un  de  ses  plus  estimables  membres,  l'une  de  ses  plus  fortes 
«  colonnes,  le  Vénérable  Frère  Rœtticrs  de  Montalcau  père. 
«  Représentant  Particulier  du  Grand-Maître,  ex-Directeur 
(f  de  la  Monnaie  de  Paris,  candidat  au  Corps  Législatif.  Xos 
«  regards  comme  nos  cœurs  se  tournent  vers  ce  fauteuil,  où 
«  tant  de  fois  il  défendit  la  Maçonnerie  contre  ses  ennemis  ; 
«  il  en  fit  observer  les  lois  ;  il  en  éloigna  les  dissensions  ;  il 
«  y  cimenta  la  paix  ;  il  y  donna  l'exemple  de  toutes  les  ver- 
«  tus  qui  conviennent  au  Chef  d'un  Ordre  aussi  illustre. 

<c  C'est  en  vain,  mes  Frères,  que  vous  l'y  cherchez  ;  il  en 
«  est  disparu  pour  jamais  ;  une  urne  funéraire  vous  présente 
«  la  triste  image  de  ce  qui  nous  reste  de  sa  dépouille  mor- 
<(  telle.  Xos  larmes  couleront  longtemps  sur  sa  cendre  cher 
a  rie  ;  son  souvenir,  cher  à  l'immense  famille  dont  il  fut  ta 
«  père,  passera  d'âge  en  âge  ;  les  générations  transmettront 
«  sa  mémoire  aux  générations  suivantes,  et  la  propageront 
<(  ainsi  jusqu'au  terme  et  au  temple  de  l'immortalité. 
((   Ombre  à   jamais  vénérée  !   entends  la  voix   de  la   1 


ET   LA   ROYAUTE  24 1 

«  naissance   s'unir  à   celle   de  la   douleur,   pour   célébrer   à  la 
«   fois  tes  vertus  et  nos  regrets. 

«  O  combien  sa  perte  déchire  nos  cœurs  !  Combien  nous 
«  sommes  dominés  par  le  sentiment  profond  de  notre  dou- 
«  leur  !  puisque  dans  ce  jour,  où  nous  jouissons  de  la  pré- 
«  sence  du  Sérénissime  Prince,  objet  constant  de  notre  véné- 
«  ration  et  de  notre  amour,  nos  premiers  chants  n'ont  pas  été 
«  des  chants  d'allégresse. 

«  Daignez,  illustre  protecteur  des  Maçons,  excuser  cette 
«  innovation  ;  elle  ne  change  rien  aux  affections  profondes  de 
«  notre  respectueux  dévouement  :  pleurer  devant  vous  celui 
«  qui  vous  représentait  si  dignement  en  votre  absence,  c'est 
«  vous  avoir  montré  combien  nous  savons  aimer  ;  c'est  vous 
«  avoir  fait  lire  jusqu'au  fond  de  nos  cœurs  ;  c'est  vous 
«  avoir  fait  parcourir  notre  domaine  dans  toute  son  étendue. 
«  Et  ne  croyez  pas  que  ce  soit  ici  le  langage  rampant  de 
u  l'adulation  qui  retrace,  à  cette  illustre  Assemblée,  les  sen- 
«  timents  dont  chacun  de  ses  membres  est  pénétré.  C'est  une 
«  reconnaissance  profondément  sentie,  dont  les  expressions 
«  peuvent  retentir  sur  l'autel  de  la  Vérité. 

«  Qui  ne  sait  les  services  rendus  à  l'Ordre  par  le  Frère 
«  que  la  mort  nous  a  ravi  ?  Quel  est  celui  qui  conserva  le 
«  feu  sacré  pendant  la  tourmente  révolutionnaire  ?  Quel  est 
«  celui  qui  osa  soustraire  au  vandalisme  destructeur  (?)  les 
«  archives  de  nos  Ateliers  ?  Quel  est  celui  qui  sut  dérober 
«  aux  perquisitions  (?)  les  outils  destinés  à  la  reconstruction 
«  du  Temple,  pour  en  armer  un  jour  la  main  des  ouvriers 
«  anciens  et  des  nouveaux  prosélytes  ? 

«  Quel  est  celui  sous  les  auspices  duquel  quelques  Maîtres 
«  zélés  se  réunirent  au  milieu  des  dangers  (?),  pour  se  livrer 
«  à  l'étude  de  la  sagesse,  et  nous  conserver  intact  le  dépôt 
«  sacré  de  la  parole  innominée  (sic)  ?  Quel  est  celui  dont 
«  la  voix  se  fit  entendre,  après  les  jours  de  deuil,  pour  rappe- 
«  1er  les  enfants  de  la  Veuve  aux  travaux  de  leurs  Ate- 
((  liers  ? 

«  Quel  est  celui  qui  le  premier  posa  les  bases  de  ce  Con- 
«  cordât  heureux,  qui  nous  réunit  à  nos  Frères  de  Clermont. 
«  pour  ne  faire  plus  qu'une  famille  unie  de  deux  familles 
«  divisées  ? 

«  Quel  est  celui  qui  amena  dans  cette  enceinte  ces  Grands- 


2<\2  LA   FRANC-MAÇONNERIE 

<(  Dignitaires,  l'honneur  et  l'éclat  de  l'Ordre,  qui  ne  dédai- 
<(  gnent  pas  de  venir  orner  ce  Temple  par  l'éclat  de  la 
«  pourpre  et  la  gloire  des  lauriers  ? 

«  Quel  est  celui  qui,  par  une  douce  réunion,  éteignit  un 
«  nouveau  schisme  dont  la  Maçonnerie  était  menacée,  et 
«  confondit  dans  un  seul  faisceau,  et  des  Rits  divergents,  et 
«  des  Frères  dissidents,  et  des  haines  qui  auraient  fini  par 
•((  jeter  sur  tous  les  partis  tous  les  maux  que  la  discorde 
•<(  enfante  et  traîne  à  sa  suite  ? 

«  Quel  est  enfin  celui  qui  apporta  dans  les  discussions  rela- 
<(  tives  à  la  législation  de  l'Ordre  les  lumières  qui  ont  fait. 
<(  sinon  un  Code  parfait,  au  moins  un  Règlement  utile,  et 
«  dont  le  temps  et  l'expérience  amèneront  graduellement  la 
«  perfection  ? 

«  A  toutes  ces  questions  vos  cœurs  ont  répondu  sans  peine  ; 
«  le  même  nom  était  sur  vos  lèvres,  et  chacun  de  vous 
«  aurait  dit  :  l'auteur  de  tant  de  biens  et  de  travaux  était  le 
<(.  frère  Rœttiers  de  Montaleau. 

«  Ombre  à  jamais  vénérée,  entends  la  voix  de  la  recon- 
«  naissance  s'unir  à  celle  de  la  douleur,  pour  célébrer  à  la 
«   fois  et  tes  vertus  et  nos  regrets.  » 

Le  secrétaire-général,  G.  de  Beaumont,  fait  suivre  ce  dis- 
cours des  réflexions  suivantes  : 

«  Ce  discours,  aussi  éloquent  que  pathétique,  rouvre  une 
«  blessure  encore  fraîche  ;  tous  les  yeux  sont  humides  ;  c'est 
«  le  tribut  de  l'amitié  ;  mais  bientôt,  sur  le  signal  du  Séré- 
«  nissime  Grand-Maître,  celui  de  la  reconnaissance  éclate, 
<(  et  ce  discours  est  applaudi  à  l'égal  de  la  douce  émotion  dont 
u  tous  les  cœurs  sont  pénétrés.  Le  vénérable  frère  Maugeret 
«  remercie  par  les  batteries  usitées,  lesquelles  sont  couvertes 
«  avec  les  marques  de  la  plus  franche  cordialité.  » 


L'orateur  du  Grand-Orient  a  résumé  avec  assez  de 
bonheur,  tout  en  l'embellissant  et  en  dissimulant  les 
échecs  et  les  fautes  mêmes,  l'œuvre  accomplie  par  le 
restaurateur  de  l'Ordre,  à  Paris  et  dans  le  reste  de  la 
France.  Mais  l'histoire  exige  plus  de  précision  que  l'élo- 
quence et  surtout  que  l'éloquence  maçonnique  montée 
à  de  telles  hauteurs. 


HT   LA   ROYAUTÉ  2/j.J 

Alexandre-Louis  Rœttiers  de  M  ont  aie  au  naquit  à 
Paris.  Il  était,  avant  la  Révolution,  conseiller-maître 
en  la  Chambre  des  Comptes.  Dans  une  lettre,  écrite  à 
YEques  a  Capitc  Galeato  et  datée  du  24  décembre  1806, 
il  fait  lui-même  connaître  ses  titres,  grades  et  qualités  : 
((  Décoré  de  tous  les  grades  de  divers  Rites,  ancien  vé~ 
((  nérable,  et  membre  de  la  xne  Classe  des  Amis  Réu- 
«  nis  de  Paris,  membre  du  Convent  de  Paris  (1784), 
((  Rose-Croix  de  Kilwinning,  fondateur  de  plusieurs 
«  Loges,  ancien  Grand-Maître  du  Grand-Chapitre  de 
«  France;  ancien  Grand- Vénérable  du  Grand-Orient 
«  de  France  ;  grand-inspecteur  du  33e  degré  ;  Repré- 
«  sentant  Particulier  du  Grand-Maître  au  Grand- 
ce  Orient  de  France.  )) 

Malgré  tous  ces  titres,  aussi  nombreux  que  pom- 
peux, Rœttiers  de  Montaleau  n'est,  au  vrai  point  de  vue- 
maçonnique,  qu'un  petit  personnage,  une  sorte  de  grand 
dignitaire  administratif.  En  1795,  et  depuis,  jusqu'à  sa 
mort,  nous  avons  la  conviction  qu'il  n'agit  qu'en  sous- 
ordre.  Qui  le  pousse,  le  conseille,  le  soutient  et,  au  be- 
soin, le  défend  ?  Nous  n'avons  pu  découvrir  l'homme, 
ou  la  Société,  qui  le  met  en  avant  et  se  cache  derrière 
le  nuage. 


20  Reprise  des  travaux. 

Quoi  qu'il  en  soit,  vers  1795,  Louis  Rœttiers  de  Mon- 
taleau rédigea  une  circulaire  pressante  et  l'adressa  dis- 
crètement à  tous  les  anciens  Maîtres  de  Paris.  Il  les 
suppliait  de  ranimer  leur  pieux  zèle,  de  réveiller  la 
((  Sainte  Maçonnerie  »,  de  reconstruire  son  «  Temple 
auguste  »  au  milieu  des  ruines  accumulées  ((  par  la  ca- 
tastrophe ».  Il  les  exhortait  à  rouvrir  les  ((  Ateliers  », 
à  nommer  des  députés,  à  reprendre  avec  une  nouvelle 
ardeur    les  travaux  trop  longtemps   interrompus.    Ce 


244 


I.A    FRANC-MAÇONNERIE 


premier  appel  trouva  les  maçons   inquiets  et,   surtout, 
méfiants.   Les  adhésions  furent  d'abord  peu  nombreu- 
ses.   Néanmoins,    quelques    Loges    se    reconstituèrent. 
Bientôt  après,  Rœttiers  de  Montaleau  se  vit  offrir  la 
Grande-Maîtrise  de  l'Ordre.  Il  la  refusa  et  se  contenta 
de  prendre  le  titre  plus  modeste  de  Grand- Vénérable. 
Homme  d'un   esprit  borné,   rempli   ou,   pour   mieux 
dire,  farci  de  secrets  merveilleux,  de  connaissances  her- 
métiques, théosophiques  et  kabbalistiques,  mais  incapa- 
ble de  les  comprendre  ;  né  pour  l'action  plutôt  que  pour 
l'étude   et   la   réflexion;   très    entreprenant,    patient   et 
ferme,  prudent  et  obstiné;  nullement  inquiété  par  les 
ombrageux  pouvoirs  qui  se  succédèrent  en  France,  le 
Grand- Vénérable  poursuivit  son  but  :  Faire  du  Grand- 
Orient  le  centre  de  la  Maçonnerie  Française.  Stimulées 
par  lui,  les  Anciennes  Loges  reprenaient  vigueur.   De 
fervents  prosélytes  en  fondaient  de  nouvelles.  Comme 
l'antique   Phénix,   le   Grand-Orient    renaissait    de    ses 
cendres. 


Réconciliation, 


A  côté  de  lui,  les  autres  Régimes  sortaient  de  leur 
léthargie  et  s'agitaient.  La  ci-devant  Grande-Loge  sen- 
tit se  réveiller  sa  vieille  ardeur  et  se  montra  prête  à  re- 
commencer les  hostilités  contre  celui  qu'elle  appelait  un 
fils  révolté.  Le  Grand  Vénérable  multiplia  les  démar- 
ches, les  prières  et  les  appels  les  plus  touchants  à  l'union 
fraternelle.  Il  fut-  assez  heureux  pour  gagner  à  sa  cause., 
et  faire  entrer  dans  ses  vues,  les  membres  les  plus  in- 
fluents de  ce  corps,  affaibli  sans  doute  par  les  épreuves 
anciennes  et  les  malheurs  récents,  mais  encore  redou- 
table. Le  2i  mai  1799,  la  ci-devant  Grande-Loge  de 
France  et  le  Grand-Orient  conclurent  un  traité  d'un 
dont    la   clause  principale   était   l'amovibilité  des   Mal- 


ET  LA  ROYAUTÉ 


245 


très  ou  Vénérables.  C'était  _  „OUs  l'avons  vu  -  fa 
question  essentielle,  et  sur  laquelle  la  Gra„de-lJe 
n  avait  jamais  voulu  transiger  Désormais  ff  »  f 
Montaleau  se  crut  assez  fort  pour    éZ   '  !  *  *' 

bres  de  tous  les  autres  Régime  '  ^  ^ 


LA    FRANC-MAÇONNERIE 


ET   L'EMPIRE 


CHAPITRE  PREMIER 


Napoléon  Bonaparte  et  le  Grand-Orient. 


i°  Les  Régimes  Ecossais. 

Il  y  avait  à  Paris  la  Mère-Loge  du  Rit  Ecossais  Phi- 
losophique, et,  à  Rouen,  la  Loge  Provinciale  d'Hérodom 
de  Kihvinning  ;  Marseille  possédait  un  établissement  de 
ce  Régime,  sous  le  nom  de  Mère-Loge.  Il  y  avait  en  ou- 
tre des  Chapitres  isolés,  présidés  par  des  hommes  tarés, 
notamment  par  un  juif  du  nom  d'Abraham,  qui  se  li- 
vrait au  trafic,  honteux  mais  lucratif,  des  Hauts  Grades 
Maçonniques.  Un  autre  aventurier,  le  fameux  comte  de 
Grasse-Tilly,  de  la  noble  famillle  des  Guzman,  à  peine 
sorti  des  prisons  d'Angleterre,  était  venu  porter  à  Pa- 
ris la  série  des  33  Grades  du  Rit  Ancien  Ecossais. 

Tous  ces  Frères  se  reconnaissaient  membres  d'une 
même  famille.  Ils  résolurent  de  s'organiser  en  dehors  du 


250  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

Grand -Orient,  et  même  contre  lui.  Entre  les  Français  et 
les  Ecossais  les  hostilités  commencèrent.  Dès  le  début,  la 
lutte  fut  assez  vive  pour  permettre  d'augurer  qu'elle  se- 
rait longue,  opiniâtre  et,  peut-être,  mortelle  pour  l'un 
des  deux  rivaux.  Cependant  la  querelle  s'apaisa  tout-à- 
coup.  Les  deux  factions  s'embrassèrent.  L'union  parut 
faite,  mais  l'accord  n'était  qu'apparent. 


20  Un  point  d'histoire  fort  obscur. 


Bien  peu  d'historiens  ont  tenté  d'éclairer  ce  point  ob- 
scur de  la  vaste  question  Maçonnique.  Tous  se  contentent 
de  rapporter  des  faits  recueillis  çà  et  là.  La  raison  des 
choses  leur  échappe.  La  lumière  ?  Inutile  de  la  deman- 
der à  quiconque  tient  ou  de  près  ou  de  loin  aux  Sociétés 
Secrètes.  Cependant,  l'examen  patient,  l'étude  attentive 
et  prolongée  de  la  Correspondance  très  variée  de  YEques 
a  Capitc  Galeato  nous  a,  peut-être,  livré  la  clef  du  mys- 
tère. (Voir  plus  loin,  p.  2$j.  lettre  de  Pyron.) 

La  question  est  encore  plus  complexe  qu'on  ne  pour- 
rait d'abord  le  supposer.  Il  est  sûr  que  Bonaparte  était 
Maçon.  Pyron,  un  vrai  chef  de  la  Maçonnerie,  l'affirme 
ou  plutôt  le  rappelle,  en  passant.  Il  ne  prétend  annoncer 
rien  de  bien  nouveau,  rien  surtout  qui  puisse  surprendre 
YEques  a  Capite  Galeato,  son  correspondant.  L'Empe- 
reur avait  été  autrefois  admis  clans  un  Régime  Ecossais, 
En  quel  lieu  et  quand  ?  Bonaparte  aurait  été  initié  à 
Malte,  après  la  prise  de  cette  île.  L'historien  Clavel  a 
recueilli  cette  tradition.  Et  donc  les  Frères  du  Régime 
Ecossais  étaient  les  Frères  de  sa  Majesté  I'Empereur. 
Néanmoins,  l'Empereur  exigea  que  les  adeptes  de  TEcos- 
sisme  se  soumissent  au  Graud-One)it,  et  en  agissant 
ainsi.   l'Empereur  trahissait   ses  FF.-.   Ecossais. 

Le  mot  n'est  pas  trop  fort.  L'Empereur  méconnais- 


ET  1/ EMPIRE  251 

sait,  humiliait,  énervait  le  Régime  qui  l'avait  initié  et 
qui,  en  retour,  avait  reçu  ses  serments. 

En  manifestant  ses  préférences  pour  le  Grand-Orient. 
l'Empereur  violait  les  lois  fondamentales  de  la  Sainte 
Maçonnerie,  puisqu'un  Régime  régulier  ne  peut  jamais 
être  soumis  à  un  Régime  illégitime,  un  Rit  supérieur  à 
un  Rit  inférieur. 

L'Empereur  ignorait-il  ces  règles  essentielles  ?  Cette 
ignorance  nous  surprendrait.  Les  avait-il  oubliées  ?  Quoi 
qu'il  en  soit,  le  puissant  Empereur  passa  outre.  Le 
Grand-Orient  reçut  officiellement  son  patronage.  Par  ce 
patronage  l'Empereur  donnait  force  de  loi  aux  Constitu- 
tions de  ce  Régime  et,  notamment,  aux  Articles  sui- 
vants : 

Article  premier. 

«  L'Ordre  Maçonnique  en  France  n'est  composé  que  de 
«  Maçons  reconnus  pour  tels,  réunis  en  Ateliers  régulière- 
«  ment  constitués,  à  quelque  Rit  que  ce  soit. 

Article  TI. 

«  Chaque  Loge,  chaque  Chapitre  a  un  Représentant  ;  et 
<(.  les  Représentants  réunis  forment  la  Diète  Maçonnique,  sous 
«  la  dénomination   de   Grand-Orient   de   France. 

Article  III. 

«  Le  Grand-Orient  est  le  Législateur  de  l'Ordre  ;  il  en  a 
«.  aussi  le  Gouvernement  ;  il  réunit  tous  les  pouvoirs  ;  il 
«  est  invariablement  fixé  à  l'Orient  de  Paris. 

Article  IV. 

«  Au  Grand-Orient  seul  appartient  de  constituer  des  Loges 
«  et  des  Chapitres  et  de  leur  faire  expédier  des  Chartes 
«  constitutionnelles  et  capitulaires. 


25-2  LA   FRANC-MAÇONNERIE 

Article  V. 

«  Il  ne  reconnaît  pour  Chartes  régulières  que  celles  éma- 
«  nées  de  lui  ou  revêtues  de  son  visa  ? 

Article  VI. 

«  Il  ne  reconnaît  pour  Vénérables  des  Loges,  pour  Prési- 
«  dents  des  Chapitres  et  pour  Représentants  élus,  que  ceux 
a  nommés  par  le  choix  libre  des  Membres  qui  composent  les 
a  Loges  et  les  Chapitres.  » 

Ainsi,  parmi  tous  les  Régimes,  le  Grand-Orient  est 
préféré.  La  raison  de  cette  préférence  n'est  pas  malaisée 
à  entrevoir,  si,  d'un  côté,  Ton  étudie  la  Constitution  du 
Grand-Orient,  et  si,  de  l'autre,  on  veut  bien  se  rappeler 
quelle  fut  la  grande  pensée  impériale. 

Et  d'abord  le  Grand-Orient  avait  son  siège  ((  invaria- 
blement fixé  »  à  Paris.  Il  avait  vu  le  jour  dans  cette 
Grande-Loge  de  France  qui,  secouant  le  joug  étranger, 
avait  jadis  rompu  tout  rapport  avec  la  Grande-Loge  de 
Londres,  sa  fondatrice.  Il  proclamait  qu'il  n'était  ni  An- 
glais, ni  Ecossais,  ni  Prussien,  ni  Bavarois,  ni  Suédois., 
ni  Egyptien:  il  se  déclarait  Français.  ïEqucs  a  Capite 
Galcato  lui  avant  interdit  de  s'intituler  Primitif.  Il  vou- 
lait amener  par  la  douceur,  par  la  ruse,  au  besoin  même 
par  la  force,  tous  les  Rits  professés  et  connus  en  France, 
les  Ecossais,  les  Anglais,  les  Illuminés,  les  Martinistes, 
les  Philalèthes,  les  Directoires,  les  partisans  du  Régime 
Rectifié  de  Wilhelmsbad.  les  Egyptiens,  à  s'unir  à  lui.  à 
lui  présenter  leurs  Constitutions  plus  ou  moins  secrètes, 
leurs  buts  plus  ou  moins  mystérieux.  Enfin,  par  tradi- 
tion, le  Grand-Orient  ne  voulait  avoir  à  sa  tête  qu'un 
personnage  rapproché  le  plus  possible  du  Pouvoir  :  par 
suite,  le  Grand-Maître  devait  être  Français. 

Comment  Xapoléon  n'eût-il  pas  opté  en  faveur  de  ce 
Régime  ?  Jeter  en  moule  ses  idées  et  marquer  toutes  les 


ET    L  EMPIRE  253 

institutions  de  son  empreinte,  n'était-ce  pas  la  pensée  do- 
minante de  l'Empereur  ?  Or,  le  moule  Maçonnique  exis- 
tait. Que  l'on  nous  permette  un  rapprochement  singu- 
lier, mais  intéressant,  et  qui  n'a  rien  d'odieux  pour  le 
terme  auguste  de  notre  comparaison  :  ayant  à  choisir 
parmi  les  sociétés  religieuses  qui  s'offraient  à  lui,  Napo- 
léon n'hésita  pas  :  il  opta  pour  l'Eglise  Catholique,  Apos- 
tolique et  Romaine.  Ainsi,  parmi  les  multiples  Régimes 
Maçonniques,  le  Grand-Orient  mérita  ses  préférences. 
L  Empereur  imposa  l'objet  de  son  choix.  Il  comptait 
noyer  les  Loges  dans  le  flot  de  ses  fonctionnaires,  de  ses 
créatures,  de  ses  compagnons  d'armes,  de  ses  admira- 
teurs passionnés.  Il  comptait  mettre  au  service  de  son 
ambition  cette  force  qu'il  jugeait  considérable  mais 
inférieure  à  celle  de  ses  armées.  Il  comptait  la  réduire  et 
l'attacher  au  char  de  sa  fortune.  Depuis  qu'il  y  avait  au 
monde  des  Sociétés  Secrètes  et  un  Pouvoir  occulte,  ja- 
mais mortel  eut-il  l'espoir  plus  fondé  de  réussir  ?  Napo- 
léon échoua.  L'immense  machine,  la  Maçonnerie  cosmo- 
polite, broya  l'invincible  Empereur.  Malheur  aux  ar- 
rières-neveux qui  tenteraient  d'imiter  le  grand  homme  î 

Où  le  père  a  passé,  passera  bien  l'enfant. 

Alfred  de  Musset. 

Régimes  Ecossais,  Chapitres  Ecossais,  Loges  Ecos- 
saises, Frères  Ecossais  se  soumirent,  ou,  plutôt,  rirent 
semblant  de  se  soumettre.  Ils  portèrent  au  Grand-Orient 
leurs  constitutions,  leurs  rituels,  la  série  de  leurs  Hauts- 
Grades,  quelques  cahiers  d'instructions,  c'est-à-dire  des- 
écorces,  au  fond  :  rien,  le  néant. 

Ces  frères  Ecossais  avaient  la  prétention  d'être  des 
vrais  fils  de  lumière.  Ils  aimaient  à  se  dire  les  légitimes 
successeurs  des  grands  ouvriers  d'autrefois.  Possé- 
daient-ils la  vraie  doctrine  ?  Les  emblèmes,  les  symboles 
sacrés,  les  devises,  sont  susceptibles  de  mille  interpré- 


-?54 


LA   FRANC-MAÇONNERIE 


tarions.  —  Entrevoyaient-ils  la  véritable?  Connaissaient- 
ils  le  vrai  but  ?  Avaient-ils  entendu  et  compris,  et  pou- 
vaient-ils répéter  ((  le  rin  mot  »  ? 

L/Bques  a  C  a  pi  te  Galcato  les  traitait  en  enfants.  Il 
gourmande  Thory?  d'Aigre  feuille,  l'abbé  d'Ales  et  Pyron 
lui-même;  il  leur  reproche  d'ambitionner  des  grades,  des 
cordons,  de  vains  titres,  de  n'embrasser  que  des  fantô- 
mes. Il  se  plaint  que  ses  correspondants  laissent  passer, 
sans  les  apercevoir,  les  petits  mots  voilés,  jetés  çà  et  là, 
comme  négligemment,  dans  ses  lettres.  Il  les  juge  et  les 
déclare  incapables  de  se  mettre  au  diapazon  I  sic  .  Cepen- 
dant il  les  honore  comme  de  vrais  disciples,  tandis  qu'il 
affecte  d'ignorer  les  adeptes  du  Grand-Orient.  Il  loue 
leur  bonne  volonté,  seconde  leurs  efforts,  les  associe  \ 
son  Régime,  et  les  excite  à  courir  dans  la  carrière  qui 
leur  est  ouverte. 

Ces  considérations  répandront  une  vive  lumière  sur 
les  faits  que  nous  devons  raconter. 


CHAPITRE  II 


Les  Régimes  Ecossais  et  le  Grand. Orient. 


i°  Une  levée- de  boucliers  Maçonniques. 

Vers  1795.  les  Loges  Ecossaises,  imitant  l'exemple  du" 
Grand-Orient,  reprirent  leurs  travaux  et  se  cachèrent,, 
pour  y  tenir  leurs  Assemblées,  dans  un  souterrain, 
boulevard  Poissonnière.  Le  Grand-Orient,  abusant  de 
son  pouvoir,  leur  avait  fait  interdire  tous  les  locaux  ma- 
çonniques de  la  Capitale  et  de  la  banlieue.  En  1804,  le 
22  décembre,  raconte  Clavel.  de  Grasse-Tilly  a  institua 
«  un  Suprême  Conseil,  et  l'installa  dans  le  local  de  la 
•  rue  Xeuve-des-Petits-Champs,  connu  depuis  sous  le 
«  nom  de  Galerie  de  Pompéi.  Cette  nouveauté  eut  bien- 
((  tôt  de  nombreux  partisans,  qui  firent  cause  commune 
((  avec  les  autres  Ecossais.  Tous  résolurent  de  constituer 
((  une  Grand-Loge  Générale  Ecossaise,  qui  serait  divisée 


2^6 


LA   FRANC-MAÇONNERIE 


<(  en  autant  de  sections  qu'il  y  avait  de  systèmes  dans 
«  l'Ecossisme.  La  Mère-Loge  du  Rit  Philosophique 
((  prêta  son  local,  situé  rue  Coq-Héron,  pour  l'assem- 
<(  blée  où  cette  organisation  fut  discutée  et  arrêtée.  Le 
«  22  octobre,  la  Grande-Loge  fut  proclamée;  elle  pro- 
«  céda  a  l'élection  de  ses  officiers;  et  elle  obtint  l'adhé- 
«  sion  de  toutes  les  Loges  Ecossaises.  » 

Le  Grand-Orient  prit  l'alarme.  L'historien  déj.\  cité 
ajoute  :  «  Cette  levée  de  boucliers  était  formidable...  Le 
<(  Frère  Rœttiers  de  Montaleau  entra  en  pourparlers 
«  avec  le  Frère  Pyron,  secrétaire  de  la  Grande-Logv  et 
<(  le  plus  influent  de  tous  ses  membres,  à  l'effet  d'opérer 
«   la  réunion  des  deux  corps.  » 


2°  Accord  et  desaccord.  —  Récit  du  Frère  Pyron. 

Le  Frère  Pyron  écrivit  lui-même  tous  les  détails  de 
cette  négociation  à  ïEqucs  a  Capite  Gaîeato.  On  ne  lira 
pas  sans  intérêt  le  récit  de  ce  témoin  : 


«  Le  Grand-Orient  persécutait  depuis  longtemps,  non  seu- 
«  lement  le  Rit  Ecossais,  mais  tout  ce  qui  n'était  pas  Rose- 
«  Croix  de  Judée,  habillé  à  sa  manière,  qui  n'est  ni  la  vôtre. 
«  ni  la  mienne,  ni  de  ceux  (sic)  auxquels  il  est  permis  de 
«  s'asseoir  sur  les  hautes  bases.  Plusieurs  maçons  zélés 
<(  et  possesseurs  du  Rit  Ancien-Accepté,  divisé  en  cinq 
«  classes,  subdivisées  en  33  degrés,  au  lieu  de  se  réfugier  à 
«  Hcrodom,  vinrent  s'unir  aux  Ecossais  —  démolis  d'inten- 
«  tior,  et  non  pas  de  fait,  par  les  chevaliers  de  la  Judée 
«  moderne. 

a  Nous  assemblâmes  les  Princes  Maçons  dans  la  Loge  de 
«  Saint-Alexandre  d'Ecosse,  ainsi  que  les  Vénérables  et 
«  Présidents  des  Loges  et  Chapitres,  et  nous  érigeâmes  une 
a  Grande-Loge  Générale  de  France  du  Rit  Ecossais  Ancien 
«  et  Accepté.  J'en  fus  le  Grand-Orateur.  Les  Ecossais  en 
xi  général    sont    brutaux,    et    nous    devenions    pour    la    Judée 


ET  i/kmpire  257 

«  moderne  une  puissance  formidable,  parce  que  notre  Rit  se 
«  propageait  avec  une  rapidité  étonnante. 

a  Le  Grand-Orient  chercha  à  sortir  de  sa  léthargie,  nomma 
<(  un  Grand-Maître,  des  grands  officiers  d'honneur  ;  nous  en 
«  fîmes  autant.  Il  prit  des  nôtres  ;  nous  prîmes  des  siens. 
<(  Et  nos  batteries  étaient  en  présence,  lorsque  Sa  Majesté 
«  l'Empereur   et    Roy,   membre   de   notre   Rit,    désira    la 

((    RÉUNION     DE     CES     DEUX     RlTS     EN     UN     SEUL    CORPS     MaÇON- 
«    NIQUE. 

«  L'ouverture  en  fut  faite  par  son  Altesse  le  Prince  Archi- 
«  chancelier  de  l'Empire  au  maréchal  Kclicrman,  au  Grand- 
«  Commandeur  de  Grassc-Tilly,  et  à  moi.  Nous  fûmes  nom- 
«  mes,  par  la  Grande-Loge  Générale,  ses  Commissaires,  pour 
«  cette  grande  œuvre.  Le  Grand-Orient  en  nomma  neuf  de 
«  son  côté. 

«  Et  le  résultat  de  nos  opérations  fut,  à  la  fin  de  l'une  de 
«  nos  séances  en  Grande-Loge  Générale,  et  d'accord  avec 
»<  quelques  chefs  du  Grand-Orient,  d'envoyer  chercher,  à 
«  minuit  plein,  une  vingtaine  de  voitures  de  place.  Nous  y 
«  mîmes  notre  Bannière,  et  j'allai  à  la  tête  des  officiers  et 
«  des  membres  de  la  Grande-Loge  Générale  de  France,  plan- 
«  ter  à  l'est  du  Grand-Orient  la  Bannière  du  Rit  A.ncien- 
«  Accepté.  » 

Les  deux  Régimes  signèrent  un  concordat  en  vertu 
duquel  le  corps  Maçonnique,  en  France,  reconnaissait 
désormais  comme  Grand-Maître,  Sa  Majesté  le  Roi  de 
Xaples,  Joseph  Bonaparte,  frère  de  Sa  Majesté  l'Em- 
pereur et  Roy,  et  pour  Grand-Maître  Adjoint,  Son  Al- 
tesse le  Prince  Archi-Chancelier  Cambacérès.  Deux  Re- 
présentants particuliers  suppléaient  le  Grand-Maître  Ad- 
joint :  le  Grand-Commandeur  de  Grassc-Tilly,  pour  le 
Rit  Ancien  et  Accepté,  et  Rœttiers  de  Montalcau,  pour 
le  Grand-Orient.  Ce  traité  d'union  est  daté  du  3  décem- 
bre 1804.  Quoi  qu'en  aient  dit  les  historiens,  Napoléon 
ratifia  sans  difficulté  cet  accord.   Il  l'avait  désiré.  Un 
désir  impérial  était  un  ordre.  Les  deux  Représentants 
particuliers    du   Grand-Maître    furent   maintenus    dans 
:ette  dignité  par  Arrêté  du  5  vendémiaire,  an  14. 


258  LA   FRAXC-MAÇOXXERIE 

La  Maçonnerie  Française  paraissait  enfin  marcher 
l'égale  de  l'Eglise,  de  l'Université  :  elle  était  une  insti- 
tution reconnue  par  l'Etat.  Mais  l'accord  dura  peu.  En 
vain  le  Frère  Maugeret  exaltait  ((  cette  douce  réunion 
a  qui  éteignit  un  nouveau  schisme,  dont  la  Maçonnerie 
«,  était  menacée,  et  confondit  dans  un  seul  faisceau  et 
((  des  Rits  divergents  et  des  frères  dissidents.  )) 

Les  alliés  se  séparèrent.  L'historien  CUw'el,  favorable 
au  Grand-Orient,  est  très  sévère  pour  le  frère  Pyron, 
qu'il  dénonce  comme  «  un  brandon  de  discorde  ». 

((  Ce  frère  vain  et  tracassier,  dit-il,  qui  avait  été  ha- 
«  bitué  à  dominer  dans  toutes  les  Loges  Ecossaises, 
«  avant  le  concordat,  ne  pouvait  se  résigner  au  rôle 
«  secondaire  que  le  nouvel  ordre  de  choses  lui  avait  assi- 
((  gné,  etc..  ))  Clavel  est  ici  l'écho  du  Grand-Orient. 
Mais  dans  ses  lettres  à  YEqucs  a  Capitc  Galeato,  l'accusé 
se  défend  avec  beaucoup  d'énergie.  Voici  quelques 
extraits  fort  intéressants  de  son  apologie  : 

«  Cette  expédition  nocturne  (voir  plus  haut,  p.  257)  ne  plai- 
«  sait  pas  à  tout  le  monde  :  «Manebat  altâ  moite  repos- 
«  tuin.  »  Les  chevaliers  de  la  Moderne  Judée  furent  accusés 
«  de  conspirer  dans  le  secret  contre  nous,  d'avoir  des  comités 
«  nocturnes  d'insurrection,  dans  lesquels  on  fabriquait  des 
u  adresses  au  nom  des  Loges  et  Chapitres  des  départements, 
a  et  qu'on  envoyait,  pour  être  renvoyées  au  Grand-Orient) 
«  comme  actes  de  protestation  contre  l'union  du  Rit  Ancien 
«  au  Grand-Orient. 

«  La  dénonciation  en  fut  faite  dans  le  Grand-Chapitre  Gé- 
«  néral  dont  j'étais  jadis  Grand-Orateur  titulaire.  Les  faits 
a  étaient  si  graves.  Vénérable  Maître,  les  documents  et  les 
«  preuves  écrites,  si  nombreux,  mais  administrés  sous  le 
«  sceau  du  secret  maçonnique,  que  la  Grande-Loge  arrêta 
«  que  tous  ces  renseignements  seraient  remis  de  confiance  à 
«  son  Orateur,  pour  en  faire  le  rapport  dans  une  séance 
(f   traordinaire. 

«  Je  rïs  ce  rapport  appuyé  de  pièces.  Neuf  des  premiers 
«  membres  du  Grand-Orient  furent  reconnus  chefs  du  com- 
c   plot.   Le   Grand-Chapitre   rendit   contre   eux   une   plainte  et 


1 


ET   L  EMPIRE  259 

«  envoya  le  tout  au  Suprême  Conseil  du  33e  degré,  pour  juger 
«  dans  les  formes  maçonniques,  après  avoir  fait  entendre  les 
«  témoins,  et  faire  les  informations  par  les  Grands-Inspec- 
«  teurs-Inquisiteurs,  31e  degré  du  Rit  Ancien. 

«  Le  Grand-Orient  s'assembla.  Les  inculpés  manœuvrè- 
«  rent  en  tout  sens,  et  Ton  exigea  de  moi,  séance  tenante,  de 
«  représenter  les  pièces  qui  avaient  servi  de  base  au  rapport 
«  et  de  nommer  ceux  qui  avaient  donné  les  documents.  Je 
«  m'y  refusai.  Nouvel  ordre  d'y  satisfaire,  à  peine  d'être  ré- 
«  puté  calomniateur,  et  auteur  de  la  dénonciation,  qui  ce- 
«  pendant  avait  été  faite  en  Grand-Chapitre  Général,  par  le 
«  Vénérable  et  les  Lumières  et  Dignitaires  de  la  Loge  des 
«  Etrangers,  précédemment  fulminé  par  le  Grand-Orient 
«  comme  Loge  Ecossaise. 

«  Le  Grand-Chapitre  s'assembla,  prit  une  délibération  dans 
<(  laquelle  il  déclara  qu'il  prenait  mon  fait  et  cause,  que  je 
h  n'avais  parlé  qu'en  son  nom,  et  comme  son  orateur  ;  qu'il 
«  était  lui-même  le  dénonciateur  de  la  conspiration,  qu'au 
<•  surplus,  pour  le  bien  de  la  paix  il  retirait  sa  dénonciation. 
«  l'annulait,  et  qu'il  défendait  de  reproduire  cette  affaire, 
«  sous  aucun  prétexte  quelconque. 

«  Le  Grand-Orient  s'assembla  de  nouveau,  ordonna  de 
«  rechef  que,  malgré  la  révocation,  faite  par  le  Grand-Cha- 
«  pitre-Général,  de  sa  dénonciation,  je  produirais  les  pièces 
«  et  nommerais  les  dénonciateurs,  à  peine  d'être  déchu  de 
«  mon  office.  J'observai  qu'il  n'était  pas  de  mon  pouvoir  d'al- 
«  1er  contre  les  délibérations  du  Grand-Chapitre-Général, 
«  dont  j'étais  l'Orateur,  ni  de  produire  une  dénonciation  qu'il 
«  avait  retirée,  encore  moins  de  nommer  des  personnes,  qui 
«  s'étaient  présentées  de  confiance,  et  sur  la  promesse  du  se- 
rt cret. 

«  Je  fus  déclaré  déchu  de  mon  office,  et  non  démoli,  ce 
(  qui  n'était  ni  dans  leur  volonté,  ni  dans  leur  puissance  de 
(  faire.  J'ai  porté  l'appel  de  cet  Arrêté  du  Grand-Orient, 
:  fondé,   i°  : 

«  Sur  ce  que  la  dénonciation  étant  l'ouvrage  du  Grand- 
Chapitre,  qui  l'avait  retirée,  je  n'étais  point  garant,  ni  pre- 
nable de  ses  opérations;  20  : 

«  Sur  ce  que  l'Arrêté  du  Grand-Orient  était  une  violation 


2ÔO  LA   FRAXC-MAÇOXXKRIE 

((  de  tous  les  principes,  qui  n'est  point  un  tribunal  maçon- 
ce  nique,  judiciaire,  mais  un  corps  Législatif  et  Administra- 
a  tif;  que  l'on  avait  encore  violé  les  formes  et  formalités 
«  prescrites,  par  les  Constitutions,  pour  les  procédures  Ma- 
«  çonniques    emportant    peine    et    punition;    30  : 

«  Sur  ce  que  je  n'avais  pu  être  jugé  par  des  degrés  de 
«  la  nature  de  ceux  dont  je  suis  pourvu,  et  non  par  des  de- 
ce  grés  inférieurs  et  des  Maîtres  Symboliques. 

«  J'ai  dédaigné  de  donner  suite  à  cet  appel,  et  j'ai  pris  cet 
((  Arrêté  pour  ce  qu'il  vaut,  quoiqu'il  dépende  de  moi  de  re- 
«  prendre  cette  affaire.  Mais  je  suis  bien  dédommagé  de  cette 
u  infamie  par  les  bontés  qu'a  pour  moi  son  Altesse  Mgr  le 
«  Prince  Archi-Chancelier,  Chef-Suprême  du  Rit  Ancien- 
«  Accepté;  par  l'amitié,  la  liaison,  et  l'intimité  qui  régnent 
«  entre  une  grande  partie  des  Grands-Officiers  d'Honneur  et 
a  moi  ;  par  le  bon  accueil  que  me  font  beaucoup  d'officiers 
u  du  Grand-Orient;  par  les  premiers  rangs  dans  la  Société, 
«  et,  je  puis  le  dire,  par  la  considération  dont  je  suis  en  pos- 
((  session  dans  les  premières  Loges  des  deux  Rites,  et  qui 
<(  toutes  gémissent  sur  cette  violation  des  constitutions  et  sur 
a  une  usurpation  d'autorité  que  rien  ne  peut  réprimer,  attendu 
a  que  le  Grand-Maître  n'a  point  de  juridiction,  et  qu'il  n'y 
«  a  point  d'autorité  Maçonnique  appelée  à  rectifier  les  actes 
«  du  despotisme  du   Grand-OriEnt  de  France.   » 

A  la  suite  de  ces  démêlés,  les  deux  Régimes  se  séparè- 
rent. Mais  le  divorce  ne  fut  point  prononcé,  ni  le  Traité 
d'union  dénoncé.  Les  deux  factions  rivales  continuèrent 
à  reconnaître  comme  Grand-Maître  Son  Altesse  le 
Prince  Archi-Chancelier,  Cambacércs. 


CHAPITRE  III 


Cambacérès. 


i°  La  famille. 

Arrêtons-nous  un  instant  devant  ce  personnage  on- 
doyant, avisé,  prompt  aux  volte-face,  qui  traversa,  sans 
trop  souffrir,  les  plus  violents  orages,  et,  au  milieu  des 
ruines  accumulées  autour  de  lui,  sut  asseoir  les  bases  de 
la  plus  haute  fortune. 

Jean-Jacques  Régis  de  Cambacérès  naquit  à  Mont- 
pellier le  15  octobre  1753,  d'une  ancienne  famille  de 
robe,  noble  mais  pauvre,  qui  avait  donné  à  la  France 
d'éminents  magistrats.  Il  était  neveu  du  célèbre  prédi- 
:ateur  de  ce  nom  et  frère  du  cardinal-archevêque  de 
Rouen. 


2Ô2  LA   FRANC-MAÇONNERIE 

2°  La  ville  natale. 

Montpellier,  sa  cité  natale,  était  une  des  villes  du 
royaume  les  plus  attachées  aux  Sociétés  Secrètes  et  les 
plus  chères  à  la  Maçonnerie.  Dès  l'année  1723,  Monsieur 
de  Roquelaure  y  découvrit  une  secte  très  curieuse,  dite 
des  Multipliants,  et  apprit  que  les  membres  de  cette  as- 
sociation tenaient  leurs  assemblées  dans  une  maison 
((  dite  de  la  Verchariïd,  dans  la  rue  qui  va  de  la  Triperie, 
((  droit  au  Puits  du  Temple.  » 

On  s'empara  des  principaux  sectaires  et  on  saisit  leurs 
papiers. 

«  Le  catalogue  de  ceux  de  leur  secte,  raconte  l'historien  de 
«  Montpellier,  d'Aigrefeuille,  est  daté  du  6  juin  1722.  Il  a 
»  pour  titre  :  Original  des  ncms  et  surnoms  des  Enfants  de 
ce  Sion.  Leur  nombre  montait  alors  à  deux  cents  trente-deux 
<c  personnes,  des  différents  lieux  des  Cévennes  et  des  envi- 
«  rons  de  Lunel. 

Les  membres  de  la  secte  étaient  tous  des  artisans  et 
de  pauvres  gens  du  peuple. 

ce  On  eut  des  preuves  convaincantes  par  leurs  propres 
ce  écrits,  qu'ils  faisaient  la  cène,  et  que  Jean  Yesson,  en  qua- 
cc  lité  de  ministre,  l'avait  souvent  administrée.  On  trouva 
ce  l'acte  par  lequel  il  avait  été  élevé  à  cette  charge,  de  simple 
«  tonnelier  qu'il  était  auparavant,  par  l'imposition  des  mains 
«  de  toute  l'assemblée. 

«•Le  grand  nombre  de  visions,  de  prophéties  et  de  sermons, 
ce  qui  se  trouva  parmi  leurs  papiers,  donna  bien  de  l'exer- 
ce cice  aux  commissaires,  tant  par  la  longueur  des  lectu 
«  que  par  les  folies  qu'ils  y  trouvèrent.  En  voici  quelques 
«  échantillons  :  «  Dieu  m'a  fait  voir,  dit  Anne-Robert,  (c'est 
«  la  même  que  la  Verchand),  la  parole  magnifique,  en  pré- 
ce  sence  de  quatre  témoins  :  j'ai  vu  une  clarté  et  une  étoile 
ce  et  le  fil  d'or,  et,  dans  une  autre  plus  grande  clarté,  j'ai  vu 
ce  une  corde  d'or,  et  une  eolombe  de  l'esprit  de  vie.  Pierre 
ce  Félis,  Pierre  Portalez,  Suzanne  Guérine,  sont  témoins  que 


ET    i/EMPIRE  263 

«  j'ai  vu  le  palais  de  gloire,  le  8  septembre  1722;  Signé  : 
«  Anne  Robert. 

«  Une  de  leurs  prêcheuses,  parlant  de  l'arbre  de  vie,  dont 
«  ils  avaient  la  représentation  dans  leur  résidu  (c'est  ainsi 
«  qu'ils  nomment  leur  lieu  de  réunion)  s'explique  en  ces 
«  termes  :  Je  vous  parlerai  du  premier  homme,  nommé 
«  Adam,  et  d'Eve,  sortie  de  son  côté,  dont  mon  premier 
«  point  sera  sur  l'arbre;  le  second,  sur  le  diable,  en  forme 
«  de  serpent,  et  le  troisième,  sur  l'homme  et  la  femme. 

«  Jacob,  dans  un  sermon  prophétique,  du  22  décembre 
«   1722,  dit  ces  paroles  honorables  pour  l'Eglise  Romaine  : 

«  Dieu  a  béni  et  sacré  du  plus  haut  des  cieux,  les  trois 
«  sacrificateurs  par  le  sel  et  l'huile  de  la  grâce  ;  il  a  choisi 
«  la  Veuve  (c'est  la  Verchand)  pour  représenter  son  Eglise, 
«  qu'il  veut  faire  fleurir  et  triompher  sur  la  terre  ;  la  dite 
«  Eglise  Romaine  ayant  demeuré  veuve  jusqu'à  présent  et 
«  asservie  au  bergant  de  l'Eglise  Romaine;  mais  il  faut 
«  qu'elle  soit  abattue  avec  les  bergants,  et  que  sa  honte  se 
«  montre  à  la  face  de  tout  le  monde,  après  avoir  été  cachée 
«  aux  Rois  et  aux  princes  par  science  humaine.  » 

«  Le  reste  de  leurs  écrits  contenait  mille  extravagances 
«  dont  ils  faisaient  auteur  le  Saint-Esprit.  On  trouve  pres- 
«  que  partout  :  Voici  ce  que  dit  l'Esprit-Saint  ;  voici  ce  que 
«  le  Saint-Esprit  m'ordonne  de  vous  dire.  Ils  l'employaient 
«  jusque  dans  la  marque  des  chaises,  qui  était  dans  le  résidu, 
«  et  qui  avaient  toutes  une  inscription  pareille  à  celle-ci  : 
«  Chaise  marquée  par  le  Saint-Esprit  pour  Jeanne  Mazau- 
«  rigue,  le  2  janvier  1723.  » 

Le  même  historien  d'Aigrefeuille  nous  fait  connaître 
l'issue  de  cette  singulière  affaire  : 

«  Enfin  leur  procès  se  trouva  pleinement  instruit  vers  la 
«  fin  du  mois  d'avril  par  les  soins  et  la  diligence  du  sieur 
«  Jérôme  Loys,  sub-délégué  de  M.  de  Bernage,  intendant, 
«  qui  avait  eu,  depuis  le  commencement  de  cette  affaire,  un 
«  arrêt  d'attribution  pour  les  juges  avec  les  officiers  du  pré- 
ce  sidial  de  Montpellier.  Le  grand  nombre  de  coupables  sauva 
«  la  vie  à  plusieurs  :  Pierre  Cros  et  Marguerite  Verchand 
«  furent  mis  hors  de  cause  et  de  procès  ;  Victoire  Bourlette, 


264  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

«  Françoise  Delort  et  Suzanne  Delort,  Louise  et  Philippe 
«  Comte,  renvoyés  à  un  plus  amplement  anquis;  trois  femmes, 
«  savoir  :  Anne  Robert,  dite  la  Verchand,  Jeanne  Mazaurigue, 
«  et  Suzanne  Loubière,  furent  condamnées  à  être  rasées  et 
«  enfermées  pour  le  reste  de  leur  vie  dans  une  prison;  cinq 
«  hommes,  savoir  :  Jacques  Bourrely,  dit  Paul,  sacrificateur. 
«  âgé  seulement  de  seize  ans,  Pierre  Figarut,  André  Comte 
«  et  François  Baumes,  furent  envoyés  aux  galères  ;  Jean 
a  Yesson,  comme  ministre,  Jacques  Bonicel,  dit  Galantini,  le 
«  premier  des  sacrificateurs,  et  Antoine  Comte,  dit  Moïse, 
«  son  collègue,  furent  condamnés,  comme  atteints  et  convain- 
«  eus  d'avoir  tenu  des  assemblées  illicites,  et  contrevenu  aux 
«  ordres  de  Sa  Majesté  sur  la  Religion,  à  faire  amende  ho- 
«  norable  devant  la  porte  de  la  citadelle,  et  ensuite  à  être 
«  pendus  sur  l'esplanade,  avec  Marie  Blaine,  dite  Marie- 
«  Marguerite,  convaincue  d'avoir  fanatisé,  et  d'être  la  prin- 
«  cipale  motrice  de  ces  assemblées.  Leur  sentence,  qui  est 
«  datée  du  vingt-deuxième  avril,  fut  exécutée  le  même  jour; 
a  et  peu  de  temps  après,  on  rasa,  jusqu'aux  fondements, 
«  la  maison  où  ils  avaient  tenu  leurs  assemblées,  selon  un 
«  des  articles  de  la  sentence  qui  porte  qu'elle  ne  pourra  plus 
«  être   réédifiée.    » 

Xous  avons  retrouvé  ces  notes  curieuses  dans  les  pa- 
piers de  VBqucs  a  Capitc  Galeato.  Ce  savant  Maître  dans 
les  Sciences  occultes  recueillait  avec  soin  tout  ce  qui,  de 
près  ou  de  loin,  lui  paraissait  appartenir  à  l'histoire  des 
Sociétés  Secrètes  et  de  la  Maçonnerie.  Dans  une  de  ses 
((  Disquisitions  »,  il  a  écrit  sur  cette  même  Secte  des 
Multipliants  cette  page  à  remarquer  : 

((  Ce  ne  sera  pas  sans  surprise  que  nous  reconnaîtrons  dans 
«  cette  Secte  la  source  et  le  modelé  de  plusieurs  usages,  déeo- 
<c  rations,  expressions  et  principes,  qu'on  retrouve  dans  eer- 
«  tains  grades   de   quelques   Régimes   Maçonniques. 

«  Les  Multipliants  n'étaient  eux-mêmes  que  les  imitateurs, 
«  les  successeurs  ou  les  diseiples  de  cette  chaîne  de  nova- 
«  teurs,  toujours  brisée  et  toujours  renaissante,  et  qui.  sans 
«  cesse,  a  fatigué  TFglise,  sous  le  nom  de  Gnostiques,  Basi- 


ET  l'Empire  265 

«  lidiens,  Manichéens,  Ariens,  Cathares,  Vaudois,  etc....  (1). 

«  Revenons  aux  Multipliants.  Madame  la  comtesse  de 
«  Bénévent,  qui  dans  ses  premières  années  a  vu  les  chefs 
«  des  Multipliants,  le  jour  même  où  ils  ont  été  arrêtés,  nous 
«  les  a  dépeints  comme  de  jeunes  hommes  de  bonne  mine, 
«  bien  frisas,  revêtus  d'aubes  blanches,  et  coiffés  de  bonnets 
«  rouges.  Elle  a  ajouté  qu'une  chaire,  dont  ces  sectaires  fai- 
«  saient  usage,  a  été  donnée  à  l'église  de  Sainte-Catherine 
«  de  Montpellier. 

«  Chacun  de  nous  pourra  reconnaître,  dans  l'histoire  de 
«  ces  infortunés,  l'origine  de  certaines  couleurs,  de  certaines 
«  expressions,  et  des  instructions  allégoriques,  dont  quelques 
«  francs-maçons  semblent  avoir  hérité.  » 

Les  ((  Enfants  de  Sion  »  ou  Multipliants  datent  de 
1722-1723. 

Quelques  années  plus  tard,  Montpellier  se  couvrit  de 
Loges  fréquentées  par  les  officiers,  les  magistrats,  les 
professeurs  et  les  étudiants  de  l'Université.  Cette  ville 
devint  même  le  siège  du  Directoire  de  la  3e  Province  du 
Rit  de  la  Stricte-Observance,  celle  de  Septimanie,  dont 
YBques  a  Capite  Galcato  fut  l'unique  représentant  au 
Convent  Général  de  Wilhelmsbad. 


30  La  carrière  civile  et  politique. 

Jean-Jacques  Régis  de  Cambacérès  grandit  dans  un 
milieu  maçonnique  et  parmi  des  magistrats  affiliés  à  la 
Secte.  Il  embrassa  la  carrière  d'avocat  et  se  fit  bientôt 
remarquer  par  son  talent  brillant  et  souple,  par  sa  verve 
abondante  et  facile. 


(1)  Notons  que  cette  opinion  de  YEques  est  la  même  qu'ont 
soutenue  depuis  nombre  d'antimaçons.  Lire  à  ce  sujet  Les  Sociétés 
secrètes  et  les  Juifs,  brochure  magistrale  de  M.  Louis  Dasté 
Librairie  de  la  Renaissance  Française).  (N.  de  l'A.) 


266  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

En  1771,  il  était  conseiller  à  la  Cour  des  Comptes. 
Choisi  comme  électeur  de  la  noblesse,  il  fut  nommé  ré- 
dacteur des  séances  tenues  en  vue  de  régler  les  cahiers  et 
de  nommer  les  députés  aux  Etats-Généraux. 

En  1792,  élu  lui-même  député  à  la  Convention,  il  s'y 
occupa  beaucoup,  mais  dans  les  comités,  et,  particulière- 
ment, des  questions  administratives  et  judiciaires. 

Appelé  à  opiner  dans  le  procès  du  Roi,  Cambacérès 
vota  coupable.  Voici  en  quels  termes  il  motiva  son  vote 
sur  cette  troisième  question  :  —  Quelle  peine  sera  infli- 
gée à  Louis  ?  —  dans  la  séance  permanente  des  16  et 
17  janvier  1793  : 

«   Citoyens  », 

a  Si  Louis  eût  été  conduit  devant  le  tribunal  que  je  pr< 
«  dais,  j'aurais  ouvert  le  code  pénal,  et  je  l'aurais  condamné 
a  aux  peines  établies  par  la  loi  contre  les  conspirateurs; 
«  mais  ici  j'ai  d'autres  devoirs  à  remplir.  L'intérêt  de  la 
«  France,  l'intérêt  des  nations,  ont  déterminé  la  Convention 
«  à  ne  pas  renvoyer  Louis  aux  juges  ordinaires,  et  à  ne 
«  point  assujettir  son  procès  aux  formes  prescrites. 

«  Pourquoi  cette  distinction  ?  C'est  qu'il  a  paru  nécessaire 
«  de  décider  de  son  sort  par  un  grand  acte  de  justice  natio- 
«  nale;  c'est  que  les  considérations  politiques  ont  dû  préva- 
u  loir  dans  cette  cause  sur  les  règles  de  l'ordre  judiciaire; 
«  c'est  qu'on  a  reconnu  qu'il  ne  fallait  pas  s'attacher  servile- 
«  ment  à  l'application  de  la  loi,  mais  chercher  la  mesure  qui 
«  paraissait  la  plus  utile  au  peuple. 

«  La   mort   de   Louis   ne   nous   présenterait   aucun   de    ces 
«  avantages  ;  la  prolongation  de  son  existence  peut  au  con- 
«  traire  nous  servir;   il  y   aurait   de   l'imprudence  à   se  des- 
u   saisir  d'un  otage  qui  doit  contenir  les  ennemis  intérieur- 
a  extérieurs. 

a    D'après    ces    considérations   j'estime    que   la    Conventi 
u  nationale    doit    décréter    que    Louis    a    (^icouru    les    peines 
«  établies  contre  les  conspirateurs  par  le  code  pénal;  qu'elle 
«  doit    suspendre   l'exécution   du   décret   jusqu'à   la   c< 
«  des  hostilités,  époque  à  laquelle  il  sera  définitivement  pro- 


ET  l'empire  267 

«  nonce  par  la  Convention  ou  par  le  Corps  législatif  sur  le 
«  sort  de  Louis,  qui  demeurera  jusqu'alors  en  état  de  déten- 
«  tion;  et,  néanmoins,  en  cas  d'invasion  du  territoire  fran- 
«  çais  par  les  ennemis  de  la  République,  le  décret  sera  mis  à 
«  exécution.  » 

Après  la  condamnation  du  roi,  dans  la  séance  du  sa- 
medi 19  janvier,  qui  ne  fut  levée  qu'à  trois  heures  après 
minuit,  20  janvier  1793,  Cambacérès  demanda  la  pa- 
role : 

«  Citoyens,  dit-il,  en  prononçant  la  mort  du  dernier  roi 
«  des  Français,  vous  avez  fait  un  acte  dont  la  mémoire  ne 
«  passera  point,  et  qui  sera  gravé  par  le  burin  de  l'immor- 
«  talité,  dans  les   fastes  des  nations. 

«  Le  salut  public  a  pu  seul  vous  prescrire  cet  important 
«  décret;  aujourd'hui  qu'il  est  rendu,  je  viens  au  nom  de 
«  l'humanité  appeler  votre  attention  sur  celui  qu'il  va  frap- 
«  per.  Ménageons-lui  des  consolations,  et  prenons  des  mesu- 
«  res  propres  à  empêcher  que  l'exécution  de  la  volonté  natio- 
«  nale  ne  soit  entachée  d'aucune  souillure.  Je  fais  en  consé- 
a  quence   les   propositions   suivantes  : 

Cambacérès  lut  alors  un  projet  de  décret  qui,  avec 
quelques  amendements  de  rédaction,  fut  adopté  en  ces 
termes  : 

«  Il  sera  envoyé  à  l'instant  au  conseil  exécutif  une  expé- 
a  dition  du  décret  qui  prononce  contre  Louis  la  peine  de 
«  mort. 

«  Le  conseil  exécutif  sera  chargé  de  notifier  dans  le  jour 
«  le  décret  à  Louis,  et  le  faire  exécuter  dans  les  vingt-quatre 
«  heures  de  la  notification,  de  prendre  pour  cette  exécution 
«  toutes  les  mesures  de  sûreté  et  de  police  qui  lui  paraîtront 
«  nécessaires.  Il  rendra  compte  de  ses  diligences  à  la  Con- 
«  vention. 

«  Il  sera  enjoint  aux  maires  et  officiers  municipaux  de 
«  Paris  de  laisser  à  Louis  la  liberté  de  communiquer  avec 
«  sa  famille,  et  d'appeler  auprès  de  sa  personne  les  ministres 


268  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

«  du   culte   qu'il   indiquera   pour  l'assister   dans   ses   derniers 
«  moments.  » 


4°  Frère  Jean-Jacques  Régis  Ordre. 

Quelques  historiens  ont  fait  honneur  à  Jean-Jacques 
Régis  de  Catnbacérès  de  ses  sentiments  libéraux,  tandis 
que  se  jouait  ce  drame  terrible  qui  épouvanta  la  France 
et  consterna  le  monde.  C'est  faire  injure  au  Maçon,  qui 
portait,  dans  le  Régime  Ecossais,  le  nom  couvrant  de 
Jean-Jacques  Régis  Ordre.  C'est  méconnaître  les  mobiles 
secrets  qui  déterminèrent  l'habile  conduite  du  Conven- 
tionnel. 

Récapitulons  ses  actes  durant  ces  journées  à  jamais 
déplorables  : 

A  la  séance  du  15  janvier,  la  Convention  procéda  au 
premier  appel  nominal.  A  cette  première  question  :  — 
Louis  Capet  est-il  coupable  de  conspiration  contre  la 
liberté  de  la  nation,  et  d'attentats  contre  la  sûreté  géné- 
rale de  l'Etat?  —  Six  cent  quatre-vingt-trois  membres, 
sur  sept  cent  quarante-neuf,  répondirent  oui.  Catnbacé- 
rès fut  des  six  cent  quatre-vingt  trois. 

A  la  seconde  question  :  —  Le  jugement  de  la  Conven- 
tion Nationale  contre  Louis  Capet  sera-t-il  soumis  à  la 
ratification  du  peuple  ?  —  Cambacércs  répond  non  et 
donne  de  son  vote  l'explication  h  plus  étrange  :  «  Nous 
((  devions  aussi  renvoyer  à  la  sanction  du  peuple  le  dé- 
(<  crci  par  lequel  nous  nous  sommes  constitués  juges  de 
((  Louis;  nous  ne  l'avons  pas  fait;  je  dis  non.  » 

Le  savant  jurisconsulte  raisonnait  ainsi  :  Nous  avons 
cru  bon  de  violer  une  première  fois  la  Constitution  ; 
soyons  hardiment  logiques  :  ne  craignons  pas  de  la  violer 
une  seconde  fois.  Désormais  l'issue  du  procès  ne  parais- 
sait plus  douteuse.  L'habile  légiste  va  nous  présenter  un 
visage  plus  humain. 


ET  l'empire  269 

A  la  troisième  question  :  —  Quelle  peine  sera  infligée 
à  Louis  ?  —  Cambacérès  répond,  mais  sa  réponse  est 
oblique.  Son  vote  est  très  étudié.  Cet  épicurien  est  maître 
de  ses  nerfs.  Le  trouble  qui  règne  autour  de  lui,  dans  la 
salle,  ne  lui  a  rien  enlevé  de  son  sang-froid.  Nous  avons 
lu  dans  les  historiens  —  et  dans  le  dictionnaire  de  Feller 
—  que  Cambacérès  eut  le  méritoire  courage  de  contester 
à  la  Convention  le  droit  de  juger  le  monarque  infortuné. 
Qu'on  relise  sa  courte  harangue.  Le  préopinant  s'appli- 
que à  prouver  que  l'Assemblée,  expression  de  la  volonté 
nationale,  n'a  point  à  s'assujettir  aux  formes  prescrites. 
Il  semble  s'attacher  à  calmer  les  consciences,  et,  devan- 
çant le  poète,  n'hésite  pas,  lui  le  jurisconsulte  réputé,  lui 
dont  l'opinion  fait  loi,  à  dire  à  chacun  des  Convention- 
nels : 

Tu  peux  tuer  cet  homme  avec  tranquillité. 

Sans  doute  il  ne  dit  pas  :  Je  vote  la  mort;  je  tue;  tu 
peux  tuer.  Cambacérès  a  beaucoup  fréquenté  les  Marti- 
nistes  —  qui  sont  les  ultrà-Tartufes  de  la  Maçon- 
nerie. Un  Tartufe  est  un  habile  homme,  et  un  homme 
même  trop  habile.  Et  donc,  parlant  en  jurisconsulte, 
Cambacérès  déclare  que  la  Convention  Nationale  doit 
décréter  que  Louis  a  encouru  les  peines  établies  par  le 
code  pénal  contre  les  conspirateurs. 

Ainsi,  ce  n'est  pas  Cambacérès  qui  parle,  c'est  la  loi, 
c'est  l'inflexible  justice.  —  Or,  ((  la  peine  contre  les  cons- 
pirateurs est  la  mort  »,  dira  le  marquis  de  Condorcet. 
Quelle  peine  a  donc  votée  Cambacérès  ? 

Au  quatrième  appel,  il  vote  le  sursis,  mais  l'exécution 
immédiate  de  l'arrêt,  si  la  France  est  envahie. 

Après  la  condamnation  il  remonte  à  la  tribune  et  y 
présente  cette  fameuse  motion  que  l'Assemblée  adopte 
avec  quelques  légères  modifications.  De  la  courte  haran- 
gue qu'il  prononça,  et  qui,  malgré  les  sourds  murmures 


27O  IvA   FRANC-MAÇONNERIE 

des  Montagnards,  rallia  la  majorité,  la  première  phrase 
mérite  d'être  lue,  relue,  et  attentivement  méditée  : 

a  Citoyens,  en  prononçant  la  mort  du  dernier  roi  des 
((  Français,  vous  avez  fait  un  acte  dont  la  mémoire  ne 
((  passera  point,  et  qui  sera  gravé  par  le  burin  de  l'im- 
«  mortalité,  dans  les  fastes  de  la  nation.  » 

Dirons-nous  que  ce  sont  là  les  expressions  du  style  ré- 
volutionnaire ?  Ce  ne  serait  pas  assez  dire.  Nous  recon- 
naissons ici  le  langage  voilé,  compris  des  plus  hauts  ini- 
tiés. Qu'on  se  rappelle  les  conséquences  de  la  doctrine 
Martiniste  professée  par  les  vrais  Maîtres,  et,  notam- 
ment par  YEques  a  Capite  Galcato,  l'ami  de  Cambaccrcs: 
plus  de  dogmes,  plus  de  prêtres,  plus  de  lois,  plus  de  rois, 
plus  de  frontières,  plus  de  peuples.  La  Secte  croyait  tou- 
cher le  but.  Louis  sera  le  dernier  roi  des  Français.  La 
chute  de  son  trône  présage  celle  de  tous  les  trônes  ;  et  la 
libération  de  la  France,  la  libération  du  monde.  La 
France  n'est  qu'une  des  provinces  de  la  Maçonnerie.  Les 
nations  ne  formeront  plus  qu'un  peuple  :  le  peuple  ma- 
çonnique. La  date  du  20  janvier  sera  gravée,  par  le  burin 
de  l'Immortalité,  dans  les  fastes  des  nations  soumises  à 
la  Maçonnerie. 

Le  reste  de  la  harangue  n'est  qu'artifice.  Le  maçon 
jurisconsulte  parle  au  nom  de  l'humanité.  Après  avoir 
exalté  les  bourreaux,  l'avocat  s'attendrit  sur  la  victime. 
Il  veut  donner  au  crime  le  plus  atroce  les  apparences  de 
la  plus  impartiale  justice.  Il  importe  que  tout  se  passe 
décemment  dans  le  sein  de  l'Assemblée.  Il  ne  faut  pas 
que  le  régicide  soit,  ou  puisse  être  considéré,  par  la 
France,  par  l' Europe,  par  la  postérité,  comme  un  lâche 
tssinat,  comme  un  parricide,  ni  que  l'exécution  de  la 
volonté  nationale  —  une  autre  expression  du  lang; 
maçonnique  —  soit  entachée  d'aucune  souillure.  Robes- 
pierre, Danton.  Barbaroux,  Marat  et  leurs  émules,  fu- 
rent les  exécuteurs  du  plan  monstrueux  qui  aboutit  au 
plus  monstrueux  des  attentats.  Le  doux  Cambacérès,  le 
libéral,  le  juste  Cambaccrcs,  se  fait  le  panégyriste  qui 


ET  i/empire  271 

couvre  le  crime  accompli  par  la  Convention  du  voile  de 
la  Loi,  de  la  pourpre  de  la  jurisprudence,  des  fleurs  de  sa 
rhétorique.  Frère  Jean-Jacques  Régis  Ordre  devient  la 
pleureuse  officielle  qui  mène  le  deuil,  au  nom  de  l'hu- 
manité. Le  bon  frère  Ecossais  met  en  pratique  ce  pré- 
cepte que  nous  avons  retrouvé  dans  les  papiers  de 
VBques  a  Capite  Galeato  :  «  In  cœmeterio  threnos  pro 
«  f retire  canta,  quem  nierito  trucidasti.  »  (1). 

A  la  séance  du  10  mars  1793,  Cambacêrès  demande 
que  la  Convention  décrète  l'organisation  du  tribunal 
révolutionnaire.  Il  est  élu  membre  du  Comité  de  Salut 
Public  le  15  brumaire  de  l'an  III.  Son  concours  est  fort 
apprécié.  Il  est  réélu  le  15  frimjaire,  le  15  nivôse,  le  15 
pluviôse,  le  15  germinal,  le  15  floréal,  le  15  prairial,  le 
15  messidor,  le  15  fructidor  et  enfin  le  15  vendémiaire, 
an  IV. 

Il  préside  la  Convention,  du  17  vendémiaire,  an  III, 
au  2  brumaire. 

Au  mois  de  janvier  1795,  il  y  avait  à  peu  près  six  ans 
que  la  Révolution  était  commencée.  Elle  n'avait  été 
«  qu'une  catastrophe.  »  Ses  excès,  en  épouvantant  la 
nation,  avaient  dévoré  ses  meilleurs  partisans.  Les  pre- 
miers meneurs,  les.  plus  fanatiques^-  avaient  disparu. 
Les  survivants  étaient  las  et  désemparés.  Il  restait,  mal- 
gré les  proscriptions,  cette  partie  du  peuple,  pacifique, 
laborieuse  et  saine  qui  demandait  au  gouvernement, 
quel  qu'il  pût  être,  deux  choses  :  l'ordre  et  la  sécurité. 
Sieyès  rentrait  en  scène  et  se  présentait  lui-même  à  la 
France  dans  une  brochure  fameuse.  Il  fallait  ressaisir 
l'opinion  et  préparer  l'avenir.  Les  Loges  sortaient  de 
leur  sommeil  et  reprenaient  leurs  travaux.  Cambacêrès 
demeura  le  jurisconsulte  de  la  Maçonnerie.  Toutes  les 
fois  qu'il  s'agit  des  Bourbons,  il  reparaît  sur  la  scène. 


(1)    «  Au  cimetière,   chante  des  hymnes  funèbres  en  l'honneur 
du  frère  que  tu  as  tué  comme  il  le  méritait.  » 


2/2  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

Il  est  le  vrai  détenteur  de  la  doctrine  de  la  Secte.  Le  22 
janvier  1795  (3  pluviôse),  il  lit  à  la  tribune  «  un  rap- 
port à  l'égard  des  individus  de  la  famille  Capet,  actuel- 
lement en  France.  Il  dit  qu'il  serait  impolitique,  pen- 
dant la  guerre,  de  mettre  en  liberté  les  membres  de 
cette  famille,  et  propose  de  passer  à  V ordre  du  jour. 
{Adopté.)  » 

Un  moment  on  vit  pâlir  l'étoile  de  cet  homme  heu- 
reux. Le  grand  jurisconsulte,  le  Conventionnel  avisé  se 
trouva  tout  à  coup  compromis  dans  la  correspondance 
qui  fut  saisie  chez  Lemaître,  ancien  secrétaire  des  finan- 
ces. Parmi  les  hommes  jugés  comme  utiles  à  un  plan 
de  restauration  monarchique,  les  correspondants  de 
Lemaître  nommaient  La  harpe,  Lacretelle,  Richer- 
Sérizy,  et  parmi  nombre  d'autres  personnages,  Camba- 
cérès  et  Gam on.  Cambacérès  se  défendit  publiquement 
avec  beaucoup  de  véhémence,  et  en  faisant  un  grand 
étalage  des  plus  purs  sentiments  révolutionnaires.  Mais 
nous  croyons  qu'en  comité  secret  il  donna  des  expli- 
cations plus  convaincantes.  Glisser  des  adeptes  dans  tous 
les  partis,  pour  les  trahir  tous  plus  sûrement,  n'est-ce 
pas  dans  la  tradition  maçonnique  ? 

Qu'on  réfléchisse  d'ailleurs  à  la  situation  difficile, 
pour  ne  pas  dire  inextricable,  dans  laquelle  se  trou- 
vaient les  vrais  chefs  de  la  Secte.  Leurs  vastes  desseins 
n'avaient  abouti  qu'à  ((  une  catastrophe  »,  selon  l'expres- 
sion de  Rcettiers  de  Montaleau,  qu'à  ((  une  explosion 
délétère  »,  écrivait  YBqucs  a  Capitc  Galeato.  Le  Pou- 
voir occulte  avait  été  débordé  et  comme  emporté  par 
le  torrent  des  passions  qu'il  avait  soulevées.  Il  fallait 
rétablir  un  certain  ordre,  constituer  un  gouvernement 
assurer  les  conquêtes  et  se  remettre  à  la  tâche,  mais 
avec  pins  de  prudence. 

A  qui  confierait-on  les  rênes  de  l'Etat  ?  Quelle  serait 
la   forme  définitive  du  Gouvernement  ?  Nommerail 
des  Directeurs,  des  Consuls  ?  Choisirait-on  un  homme 
nouveau  ?    Appellerait-on    un    prince    étranger  ?    Mon- 


HT   L'EMPIRE  273: 

sieur,  frère  du  Roi,  était  un  Bourbon  ;  mais  son  esprit 
voltairien,  son  tempérament  d'épicurien,  son  caractère 
enclin  aux  tractations,  paraissaient  offrir  des  garanties. 
Au  moment  où  les  Loges  se  réorganisaient  de  toutes 
parts,  nous  sommes  convaincus  que  les  chefs  de  la 
[Maçonnerie  agitaient  ces  graves  problèmes.  Sur  toutes 
ces  questions,  il  leur  était  difficile  de  s'entendre  ;  il 
leur  était  plus  difficile  encore  de  se  faire  écouter  et 
comprendre,  à  demi-mot,  des  adeptes  inférieurs. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Cambacérès  était  compromis.  Mais 
l'orage,  qui  avait  quelques  heures  menacé  sa  tête,  se 
dissipa  comme  de  lui-même.  L'ancien  avocat  languedo- 
cien va  prendre  son  vol.  L'enfant  du  Midi  ne  s'arrêtera 
que  sur  les  plus  hauts  sommets. 

50  Cambacérès  et  Bonaparte. 

Il  est  nommé  aux  Cinq-Cents.  Il  entre  à  l'Institut 
National,  dans  la  classe  des  sciences  sociales  et  législa- 
tives, pour  passer  bientôt  dans  celle  des  lettres.  Il  obtient 
de  Siéyès,  devenu  Directeur,  le  ministère  de  la  Justice. 

Après  le  18  brumaire,  Cambacérès  glorifie  le  vain- 
queur. Le  jurisconsulte  sait  trouver  d'éloquentes  for- 
mules pour  légitimer  le  nouvel  ordre  de  choses  : 

«  Depuis  longtemps,  citoyens,  la  voix  publique  appelait  des 
«  changements  dans  les  dispositions  organiques  de  notre 
«  pacte   social. 

«  Ces  changements  se  feront. 

«  On  va  préparer  dans  le  calme  de  la  méditation  et  discuter 
((  avec  sagesse  des  codes  établis  sur  les  bases  immuables  de 
((  la  liberté,  de  l'égalité  des  droits  et  du  respect  dû  à  la  pro- 
«  priété. 

«  Alors,  tous  les  cœurs  se  rattacheront  au  système  repré- 
«  sentatif,  et  la  République  recevra  de  la  législation  un  éclat 
«  non  moins  brillant  que  celui  qu'elle  tient  des  triomphes  de 
a  ses  défenseurs. 

«  C'est  afin  de  parvenir  à  ce  but  si  désirable  que  les  re- 


2^4  ^A  FRANC-MAÇONNERIE 

«  présentants  de  la  nation  ont  décrété  les  mesures  consa- 
«  crées  dans  la  loi  du  19  de  ce  mois,  que  je  vous  transmets 
«  avec  cette  lettre. 

«  Recevez  cette  loi  comme  un  bienfait,  et  secondez  de  tous 
«  vos  moyens  les  efforts  généreux  des  consuls,  qui  travail- 
u  leront  sans  relâche  à  donner  à  la  patrie  des  jours  de  paix 
«  et  de  prospérité. 

«  Je  recommande  aux  administrations  centrales  de  pro- 
«  céder  avec  pompe  à  la  publication  ordonnée,  et  de  veiller  à 
«  ce  que  des  exemplaires  du  placard  de  la  loi  soient  affichés 
«  sur  les  lieux  accoutumés... 

Salut  et  fraternité.  Signé  :  Cambacérès. 

Bonaparte  est  proclamé  premier  Consul.  Cambacé- 
rès, son  frère  en  Maçonnerie  dans  le  Régime  Ecossais, 
travaille  activement,  en  sa  qualité  de  second  Consul,  à 
consolider  la  fortune  inespérée  du  général.  L'habile 
légiste  apprend  à  son  puissant  collègue  à  fausser  la 
constitution  sans  la  déchirer. 

Enfin  l'Empire  est  offert  à  Bonaparte.  Le  frère 
Fonché,  le  frère  Lacépède,  le  frère  Tallcyrand,  beau- 
coup d'anciens  Terroristes,  pour  barrer  la  route  du 
pouvoir  aux  Bourbons,  résolurent  le  rétablissement  de 
la  monarchie  sur  la  tête  du  premier  Consul.  Les  corps 
électoraux,  provoqués  par  ces  meneurs,  aidés  des  Loges, 
présentèrent  des  adresses  demandant  à  Bonaparte  de 
se  sacrifier  au  bonheur  de  la  patrie  et  d'accepter  le 
fardeau. 

Henri  Martin,  parmi  les  historiens  dévoués  à  la 
Secte,  explique  fort  superficiellement  le  rôle  de  Camba- 
cérès  dans  ces  graves  circonstances.  Nous  pensons  qu'il 
est  intéressant  de  faire  une  remarque.  La  Maçonnerie 
était  devenue  sous  l'Empire  une  institution  d'Etat 
Henri  Martin,  initié  à  ses  dogmes  et  à  ses  m/stères,  se 
crut  sans  doute  astreint  par  son  serment  de  discret  ion 
à  la  passer  sous  silence.  Dans  les  huit  volumes  de  son 
Histoire  de  France  de  1789  à  nos  jours,  pas  un  mot  de 
la  Secte. 


ET  h  EMPIRE  275. 

Il  écrit  : 

a  II  fallait  maintenant  mettre  en  mouvement  le  Sénat,  qui 
«  se  laissait  habituellement  conduire  par  Cambacérès.  Cam- 
«  bacérès  résista,  ainsi  qu'il  l'avait  fait  dans  l'affaire  du  duc 
«  d'Enghien  :  c'était  un  homme  sans  caractère,  mais  de  beau- 
ce  coup  de  jugement  et  de  pénétration.  Il  remontra  au  Pre- 
«  mier  Consul  qu'un  changement  de  titre  lui  créerait  de  nou- 
«  velles  difficultés,  et  de  nouveaux  dangers,  sans  rien  ajou- 
«  ter  à  son  pouvoir,  qui  n'avait  en  réalité,  aucunes  bornes; 
«  qu'il  était  habile  et  prudent  de  garder  le  nom  de  la  Répu- 
«  blique,  après  avoir  supprimé  la  chose. 

«   Bonaparte  avait  son  parti  pris.   La  vanité  et  l'imagina- 

«  tion  l'emportaient  chez  lui   sur  les  intérêts  positifs.   Cam- 

«  bacérès,   en  le  quittant,   dit  au  troisième   Consul   Lebrun  : 

«  C'en  est  fait,  la  monarchie  est  rétablie;  mais  j'ai  le  pres- 

«  sentiment  que   ce   qu'on  édifie   ne   sera  pas   durable.   Nous 

«  avons  fait  la  guerre  à  l'Europe  pour  lui  donner  des  Répu- 

a  bliques,  filles  de  la  République   Française  ;  nous  la   ferons 

«  maintenant  pour  lui   donner  des  monarques  fils  ou   frères 

«  du  nôtre,  et  la  France  épuisée  finira  par  succomber  dans 

«  ces  folles  entreprises.  » 

Ces  paroles,  prononcées  en  manière  de  prophétie, 
nous  paraissent  avoir  été  arrangées  après  coup.  Les 
hésitations  de  Cambacérès  s'expliquent  moins  par  les 
prétendues  raisons  avancées  par  Henri  Martin,  et  sur- 
tout par  les  paroles  qu'il  lui  prête  (des  monarques  fils 
ou  frères  du  nôtre),  que  par  la  situation  pleine  d'embar- 
ras où  se  trouvaient  les  fauteurs  de  la  Révolution  et 
les  Chefs  secrets  de  la  Maçonnerie. 

Bien  que  reconstituées  depuis  près  de  dix  ans,  les 
Loges  étaient  dans  le  désarroi.  On  comprend  que  les 
délégués  des  Hauts  Initiés,  contraints  de  se  tenir  voi- 
lés, ne  pouvaient  —  et  n'ont  pu,  à  toutes  les  époques,  — 
diriger  leurs  adeptes  que  par  des  influences  couvertes, 
par  des  suggestions,  par  des  insinuations  plutôt  que  par 
des  commandements. 


2j6 


LA   PRAXOMAÇONNERIE 


Certains  Maçons,  Martinistes,  Ecossais,  Illuminés, 
Philalèthes,  Philadelphes,  avaient  connu  le  vrai  but  : 
L'univers  tout  entier  vivant  par  la  Maçonnerie  et  pour 
elle.  Inutile  et  dangereux  même  de  parler  à  ces  adeptes 
de  rois,  d'empereurs,  de  monarchies  héréditaires.  On 
n'avait  longtemps  travaillé  dans  l'ombre,  on  n'avait  lutté 
et  souffert,  beaucoup  de  frères  n'étaient  morts,  que  pour 
renverser  les  trônes  et  les  tyrans,  que  pour  briser  toutes 
les  entraves,  que  pour  effacer  les  vestiges  d'un  odieux 
passé. 

Proclamer  Bonaparte  Empereur,  souffrir  que  le 
pouvoir  devint  héréditaire  dans  sa  famille,  c'était  renon- 
cer à  l'idéal  maçonnique.  A  ce  renoncement  les  adeptes 
inférieurs,  mais  fanatiques,  ne  voulaient  à  aucun  prix 
consentir.  C'est  ce  qui  explique  l'opposition  irréduc- 
tible que  l'Empereur  rencontrera  parmi  quelques-uns  de 
ses  frères  en  maçonnerie. 

C'est  ce  qui  explique  l'attitude  embarrassée  de  Cam- 
bacérès.  Mais  la  Secte  est  souple,  ondoyante,  perfide.  Le 
serpent  est  l'un  de  ses  emblèmes.  Elle  en  a  la  pru- 
dence. Avant  tout  elle  vise  à  sauver  sa  tête.  Le  Pre- 
mier Consul  s'était  soudainement  dressé  devant  elle. 
Bonaparte  avait  pour  lui  l'armée,  peuplée  de  maçon?,  et 
les  grandes  masses  populaires.  Il  avait  une  formidable 
ambition,  et,  au  service  de  cette  ambition,  un  incom- 
parable génie.  La  Secte  comprit  qu'il  faudrait  com- 
poser avec  lui. 

D'autre  part,  la  France  avide  d'ordre  et  de  tranquil- 
lité, demandait  un  Maître.  Il  se  trouvait  que  ce  futur 
Maître  était  un  fils  de  la  Révolution  et  un  initié  de  la 
Maçonnerie.  La  Maçonnerie  pourrait  avec  lui  fixer  à 
jamais  le  passé,  c'est-à-dire  assurer  et  recueillir  le  fruit 
des  conquêtes  de  la  Révolution,  et  préparer  l'avenir, 
c'est-à-dire  multiplier  les  adeptes  et  les  mener  avec  pru- 
dence, d'un  pas  lent  mais  sûr,  au  vrai  but  assigné  aux 
ouvriers  de  l'Art-Royal. 


ET    L  EMPIRE  2JJ 

Si  le  Premier  Consul,  enflammé  d'un  saint  zèle  pour 
l'auguste  cause  de  la  sublime  Maçonnerie  et  renonçant 
à  ses  vues  ambitieuses,  eût  daigné  être  pour  elle  ce  que 
Charlemagne  fut  jadis  pour  la  Papauté,  pour  Rome, 
pour  l'Eglise  catholique  !  Instrument  docile  des  ((  Princes 
Maçons  »,  le  Premier  Consul,  entouré  de  ministres 
maçons,  eût,  au  nom  et  sous  les  auspices  de  la  Maçon- 
nerie, gouverné  la  France  très  chrétienne  devenue  un 
peuple  de  maçons.  Partant  avec  elle  pour  une  croisade 
à  rebours,  il  eût  peut-être  jeté  le  monde  dans  les  bras 
de  la  Maçonnerie. 

Rêve  superbe  !  Rêve  caressé  par  YBqucs  a  Capite 
Galcato  !  Rêve  qui  s'évanouissait  !  Ce  qui  avait  manqué 
à  la  Maçonnerie,  initiatrice  du  mouvement  révolution- 
naire, c'était  un  gouvernement.  Le  tribun  Carnot 
l'avouait,  non  sans  amertume,  dans  le  fameux  discours 
qu'il  prononça  le  Ier  mai  1804  (11  floréal  an  XII  : 
«  Nous  n'avons  pas  pu  établir  parmi  nous  le  régime 
«  républicain,  quoique  nous  l'ayons  essayé  sous  diverses 
«  formes  plus  ou  moins  démocratiques.  »  L'orateur 
plaide  les  circonstances  atténuantes  :  «  Mais  il  faut 
«  observer  que  de  toutes  les  constitutions  qui  ont  été 
«  successivement  éprouvées  sans  succès,  il  n'en  est  au- 
'iinc  qui  ne  fût  l'ouvrage  de  circonstances  aussi  iin- 
«  péricuses  que  fugitives  :  voilà  pourquoi  toutes  ont 
((  été  vicieuses.  »  Après  tant  d'avortements  aussi  humi- 
liants que  douloureux,  la  Révolution  avait  enfin  enfanté 
un  gouvernement  fort.  ((  Mais  depuis  le  18  brumaire, 
((  ajoutait  Carnot,  il  s'est  trouvé  une  époque,  unique 
«  peut-être  dans  les  annales  du  monde,  pour  méditer 
«  à  l'abri  des  orages,  pour  fonder  la  liberté  sur  des 
((  bases  solides,  avouées  par  l'expérience  et  la  raison.  » 

Carnot  parlait  en  véritable  adepte.  Mais  la  lassitude, 
l'ambition,  les  intérêts  personnels,  la  nécessité  avaient 
fermé  les  oreilles.  L'appel  suprême  du  tribun  demeura 
sans  écho.  La  Franc-Maçonnerie  accepta  l'Empire  et  se 
promit  d'en  tirer  le  meilleur  parti  possible. 


278  LA   FRANC-MAÇONNERIE, 

6°  Les  Grands-Corps  de  l'Etat  et  Cambacêres. 

Le  Sénat,  qui  était  aux  ordres  de  Cambacêres,  son 
président,  prit  l'initiative.  Le  Conseil  d'Etat  se  montra 
moins  empressé.  Il  ne  consacra  pas  moins  de  quatre 
séances  à  discuter  la  question  de  l'hérédité  du  pouvoir. 
Sur  vingt-sept  conseillers,  sept  opinèrent  pour  l'ajour- 
nement de  la  mesure.  Les  francs-maçons  Berlier, 
Treilhard,  Boulay  de  la  Meurthe,  parlèrent  contre  l'hé- 
rédité. Berlier  osa  même  dire  que  «  c'était  un  pas  rétro- 
((  grade j  que  c'était  manquer  le  but  de  la  révolution  ». 
Le  25  avril  1804  (3  floréal),  le  Tribunat  suivit  l'exem- 
ple du  Sénat.  Un  tribun  obseur,  du  nom  de  Curéer 
déposa  sur  le  bureau  «  une  motion  d'ordre  tendant  à 
((  ce  que  Napoléon  Bonaparte,  actuellement  Premier 
«  Consul,  fût  déclaré  Empereur  des  Français  et  à  ce 
((  que  la  dignité  impériale  fût  déclarée  héréditaire  dans 
((  sa  famille  ».  Cette  motion  fut  mise  à  l'ordre  du  jour 
du  10  floréal,  en  séance  extraordinaire. 

Au  jour  fixé,  le  Tribunat  s'assembla.  Curée  monta  à 
la  tribune.  Citons  la  péroraison  de  son  discours.  Ce  sont 
des  accents  que  nous  entendrons  bientôt  retentir  dans 
les  Loges  : 

«  Hâtons-nous,  mes  collègues  (plus  de  citoyens  !)  de  de- 
ce  mander  l'hérédité  de  la  suprême  magistrature  ;  car  en  vo- 
ce tant  l'hérédité  d'un  chef,  comme  disait  Pline  à  Trajan. 
a  nous  empêcherons  le  retour  d'un  maître. 

«  Mais  en  même  temps  donnons  un  grand  nom  à  un  grand 
«  pouvoir;  concilions  à  la  suprême  magistrature  du  premier 
0   Kmpire  du  monde  le  respect  d'une  dénomination  sublime. 

«  Choisissons  celle  qui,  en  même  temps  qu'elle  donnera 
«  l'idée  des  premières  fonctions  civiles,  rappellera  de  glo- 
«  rieux  souvenirs,  et  ne  portera  aucune  atteinte  à  la  souve- 
«  raineté  du  peuple. 

«  Je  ne  vois  pour  le  chef  du  pouvoir  national  aucun  titre 
<(  plus  digne  de  la  splendeur  d'une  nation  que  le  titre  d'Em- 
«   pereur. 


ET  i/empire  279 

a  S'il  signifie  consul  victorieux,  qui  mérita  mieux-  de  le 
<(  porter  ?  Quel  peuple,  quelles  armées  furent  plus  dignes 
«  d'exiger  qu'il  fût  celui  de  leur  chef  ? 

«  Je  demande  donc  que  nous  reportions  au  Sénat  un  vœu 
((  qui  est  celui  de  toute  la  nation,  et  qui  a  pour  objet  : 

«  1"  Que  Napoléon  Bonaparte,  actuellement  Premier  Con- 
<c  sul,  soit  déclaré  Empereur  et,  en  cette  qualité,  demeure 
<(  chargé  du  gouvernement  de  la  République  Française; 

«  2"  Que  la  dignité  impériale  soit  déclarée  héréditaire  dans 
<t  sa  famille  ; 

((  3"  Que  celles  de  nos  institutions  qui  ne  sont  que  tracées 
«  soient  définitivement  arrêtées.  » 

Pressez  un  peu  cette  emphatique  harangue,  toute  gon- 
flée d'expressions  maçonniques  ;  il  n'en  sortira  que  l'hy- 
pocrisie et  l'adulation. 

Ce  fut  comme  une  ruée  vers  la  servitude.  Vingt-qua- 
tre tribuns  demandèrent  aussitôt  la  parole,  pour  appuyer 
la  motion.  Voici  leurs  noms  que  nous  avons  retrouvés, 
pour  la  plupart,  dans  les  tableaux  des  Loges  :  Arnould, 
Albisson,  Cari  ou- Avisas,  Carrot,  Chabaud-Latour,  Cha- 
bot, Costas,  CJiallan,  Chassiron,  Dclaitre,  Dclpierre, 
Duveyrier,  Duvidal,  Favard,  Faure,  Frêville,  Gallois, 
Gillct,  Grenier,  Jaubert,  Koch,  Perrin,  Sahuc,  Siméon. 
Tous  lurent  des  discours,  préparés  à  l'avance,  en  faveur 
de  l'hérédité. 

Seule,  une  voix  s'éleva  pour  protester,  la  voix  de 
Camot.  Du  discours  très  étudié  qu'il  prononça  nous 
avons  déjà  cité  des  extraits.  Quatre  tribuns  montèrent  à 
la  tribune  pour  le  réfuter.  Grenier  rappela  durement  au 
Conventionnel  qu'il  avait  fait  partie  du  Comité  du  Salut 
Public,  et  ses  collègues  s'étonnèrent  «  qu'il  osât  ne 
pas  laisser  l'oublier  ».  Mais  Cambacérès  aussi  fut  du 
Comité  du  Salut  Public,  et  qui  donc  eût  osé  ne  pas 
l'oublier  ? 

Le  13  floréal  (3  mai  1804),  au  nom  d'une  commis- 
sion où  nous  retrouvons  les  noms  des  mêmes  comparses, 


280  LA   FRAXC-MAÇOXXERIE 

]e  tribun  Jard-Panvilliers  fit  son  rapport  sur  la  motion 

de  Curer  et  en  proposa  l'adoption. 

Voici  le  projet  d'arrêté  dont  le  rapporteur  lit  lecture 
au  Tribunat.  Les  fauteurs  du  mouvement  révolution- 
naire exécutent  un  tête-à-queue  déconcertant  : 

«  Le  Tribunat,  considérant  qu'à  l'époque  de  la  Révolution 
a  où  la  volonté  nationale  put  se  manifester  avec  le  plus  de 
«  liberté,  le  vœu  général  se  prononça  pour  l'unité  individuelle 
«  dans  le  pouvoir  suprême,  et  pour  l'hérédité  de  ce  pou- 
ce voir  ; 

«  Que  la  famille  des  Bourbons,  ayant  par  sa  conduite 
<i  rendu  le  gouvernement  héréditaire  odieux  au  peuple,  en 
«  fît  oublier  les  avantages,  et  força  la  Nation  à  chercher 
«  une  destinée  plus  heureuse  dans  le  gouvernement  démo- 
ce   cratique  ; 

«  Que  la  France  ayant  éprouvé  les  divers  modes  de  ce 
«  gouvernement,  ne  recueillit  de  ces  essais  que  les  fléaux 
«  de   l'anarchie  : 

«  Que  l'Etat  était  dans  le  plus  grand  péril  lorsque  Bona- 
«  parte,  ramené  par  la  Providence,  parut  tout-à-coup  pour 
«  le  sauver  ; 

«  Que  sous  le  gouvernement  d'un  seul,  la  France  a  recou- 
o  vré,  au  dedans,  la  tranquillité,  et  acquis,  au  dehors,  le  plus 
«  haut  degré  de  considération  et  de  gloire  ; 

«  Que  les  complots  formés  par  la  maison  de  Bourbon,  de 
a  concert  avec  un  ministère,  implacable  ennemi  de  la  France. 
«  l'ont  avertie  du  danger  qui  la  menace,  si  venant  à  perdre 
«  Bonaparte,  elle  restait  exposée  aux  agitations  inséparables 
«   d'une  élection  : 

«  Que  le  Consulat  à  vie.  et  le  droit  accordé  au  Premier 
«  Consul  de  désigner  son  successeur,  ne  sont  pas  suffisants 
((  pour  prévenir  les  intrigues  intérieures  et  étrangères  qui 
«  ne  manqueraient  pas  de  se  former  lors  de  la  vacance  de  la 
«   magistrature    suprême:  » 

<(    Qu'en    déclarant   l'hérédité   de    cette    magistrature    or. 
«   conforme  à  la  fois  à  l'exemple  de  tous  les  grands  Etats  an- 
«   ciens   et   modernes,   et   au   premier   vœu   que   la   nation   ex- 
u   prima   en    178  r. 


ET   i/kmpirK  281 

«  Qu'éclairée  par  l'expérience,  elle  revient  à  ce  vœu  plus 
<(  fortement  que  jamais,  et  le  fait  éclater  de  toutes  parts; 

«  Qu'on  a  toujours  vu,  dans  toutes  les  mutations  politi- 
«  ques,  les  peuples  placer  le  pouvoir  suprême  dans  la  famille 
«  de   ceux  auxquels  ils  devaient  leur  salut; 

((  Que  la  France  conservera  tous  les  avantages  de  la  Révo- 
«  lution  par  le  choix  d'une  dynastie  aussi  intéressée  à  les 
«  maintenir  que  l'ancienne  le  serait  à  les  détruire  ; 

«  Que  la  France  doit  attendre  de  la  famille  de  Bonaparte 
«  plus  que  d'aucune  autre,  le  maintien  des  droits  et  de  la 
«  liberté  du  peuple  qui  la  choisit,  et  de  toutes  les  institutions 
«  propres  à  les  garantir  ; 

«  Qu'enfin  il  n'est  point  de  titre  plus  convenable,  à  la  gloire 
«  de  Bonaparte  et  à  la  dignité  du  chef  suprême  de  la  nation 
«   française,    que   le    titre    d'empereur  ; 

«  Le  Tribunat,  exerçant  le  droit  qui  lui  est  attribué  par 
«  l'article  29  de  la  Constitution,  émet  le  vœu  : 

«  i"  Que  Napoléon  Bonaparte,  premier  consul,  soit  pro- 
«  clamé  Empereur  des  Français,  et  en  cette  qualité  chargé 
«  du  gouvernement  de  la   République   Française  ; 

«  20  Que  le  titre  d'Empereur  et  le  pouvoir  impérial  soient 
<(  héréditaires  dans  sa  famille  de  mâle  en  mâle,  et  par  ordre 
«  de    primogéniture  ; 

«  30  Que,  faisant  dans  l'organisation  des  autorités  consti- 
«  tuées  les  modifications  que  pourra  exiger  l'établissement 
«  du  pouvoir  héréditaire,  l'égalité,  la  liberté,  les  droits  du 
«  peuple  soient  conservés  dans  leur  intégrité. 

«  Le  présent  vœu  sera  présenté  au  Sénat  par  six  orateurs, 
«  qui  demeurent  chargés  d'exposer  les  motifs  du  vœu  du 
«  Tribunat.   » 

Nous  ferons  ramarquer,  en  passant,  cette  dernière, 
mais  bien  timide  protestation  en  faveur  de  l'égalité,  de 
la  liberté  (expressions  toutes  maçonniques)  et  des  droits 
du  peuple,  dont  le  Premier  Consul  depuis  quatre  ans 
avait  fait  litière.  Le  Sénat  la  réitéra  d'une  manière 
plus  expresse,  mais  avec  aussi  peu  de  conviction. 

C'était  comme  le  cri  étouffé  de  la  Maçonnerie  vain- 


282  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

eue,  contrainte  de  transiger  avec  un  de  ses  fils.  Elle 
cédait,  les  bras  levés  vers  l'image  que  lui  avait  montrée 
son  rêve  merveilleux,  désormais  évanoui. 

Le  Tribunat,  son  président  Fabre  de  l'Aude  en  tête, 
signa  le  vœu  qui  venait  d'être  proclamé.  Les  tribuns 
Albisson,  Challan,  Goupil  de  Préfeln,  Lahary,  Sahuc, 
Jard-Pranvilliers,  nommés  pour  porter  ce  vœu  au  Sénat, 
s'y  rendirent  le  lendemain  14  floréal  (4  mai).  Jard- 
Pranvilliers  porta  la  parole. 

Un  franc-maçon,  ancien  membre  du  Directoire,  Fran- 
çois de  Ncufchâtcau,  vice-président  du  Sénat,  félicita 
le  Tribunat,  en  la  personne  des  six  orateurs,  d'avoir  si 
bien  usé  de  cette  initiative  populaire  et  républicaine  que 
leur  avaient  déléguée  les  lois  fondamentales.  Comme 
vous,  ajouta-t-il,  nous  voulons  élever  une  nouvelle 
dynastie;  comme  vous,  nous  voulons  que  l'égalité,  la 
liberté,  les  lumières,  ne  puissent  plus  rétrograder. 

Le  Sénat  n'attendait  que  cette  solennelle  démarche 
pour  se  mettre  lui-même  en  mouvement.  Sans  désempa- 
rer, il  rédigea  sa  réponse  au  message  du  5  floréal.  Il  est 
inutile  de  citer  tout  au  long  cet  emphatique  document. 
L'œuvre  de  François  de  Nenfehâteau  ne  brille  ni  par  la 
concision  du  style,  ni  par  la  sincérité  de  l'accent. 

On  y  lit  : 

«  La  gloire,  la  reconnaissance,  l'amour,  la  raison,  l'inté- 
«  rêt  de  l'Etat,  tout  proclame  Napoléon  Empereur  hérédi- 
«  taire.  .  Le  gouvernement  Impérial  deit  être  inébranlable... 
«  Il  faut  que  la  liberté  et  l'égalité  soient  sacrées;  que  le  pacte 
«  social  ne  puisse  pas  être  violé;  que  la  souveraineté  du  peu- 
ce  pie  ne  soit  jamais  méconnue,  et  que,  dans  les  temps  les 
((  plus  reculés,  la  nation  ne  soit  jamais  forcée  de  ressaisir 
«  sa  puissance  et  de  venger  sa  majesté  outragée.   » 

Ainsi  parlaient  ces  rhéteurs  et  ces  sophistes  à  l'homme 
qui  avait  faussé  la  Constitution,  fait  taire  toutes  les 
oppositions  et  confisqué  à  son  profit  toutes  les  libertés 
publiques. 


ET    L'EMPIRE  283 

On  y  lit  encore  : 

«  L'amour  des  Français  pour  votre  personne,  transmis 
<<  à  vos  successeurs  avec  la  gloire  immortelle  de  votre  nom, 
<<■  liera  à  jamais  les  droits  de  la  nation  à  la  puissance  du 
«  prince. 

«  Le  pacte  social  actuel  bravera  les  temps. 

«  La  République,  immuable  comme  son  vaste  territoire, 
«  verrait  en  vain  s'élever  autour  d'elle  les  tempêtes  politi- 
«  ques. 

«  Pour  l'ébranler  il  faudrait  ébranler  le  monde  ;  et  la  pos- 
«  térité,  en  rappelant  les  prodiges  enfantés  par  votre  génie, 
a  verra  toujours  debout  cet  immense  monument  de  tout  ce 
<(  que  vous  devra  la  patrie.  » 

Ces  froides  et  ridicules  déclamations  étaient  signées 
<ie  François  de  Neuf  château,  vice-président,  de  Morard- 
de-Galles  et  Joseph  Cornndet,  secrétaires.  ; 

A  cette  réponse  était  joint  un  mémoire  secret  dans 
lequel  le  Sénat  «  développe  les  dispositions  qui  lui  parais-  ■ 
((  sent  les  plus  propres  à  donner  à  nos  institutions  la 
((  force  nécessaire  pour  garantir  à  la  nation  ses  droits 
((  les  plus  chers...  ».  Mais  ces  citoyens,  épris  de  liberté 
et  d'égalité,  ces  courageux  défenseurs  vies  droits  de  la 
nation,  ne  s'oubliaient  pas  eux-mêmes.  Ils  rendaient  un 
service.  Ils  voulaient  un  salaire.  Ils  ne  rougirent  pas  de 
le  demander.  Les  sénateurs  concluaient  leur  mémoire 
par  cinq  demandes  : 

i°   Que  la  dignité  de  sénateur  fût  héréditaire  ; 

20  Que  les  sénateurs  ne  pussent  être  jugés  que  par 
leurs  pairs    ; 

30  Que  le  Sénat  eut  l'initiative  des  lois  ou  au  moins 
le  veto  ; 

4°  Que  le  Conseil  d'Etat  ne  pût  interpréter  les  séna- 
tus-consulte  ; 

5°  Que  deux  commissions  fussent  instituées  dans  le 


284 


LA   FRANC-MAÇONNERIE 


sein  du  Sénat,  l'une  pour  protéger  la  liberté  de  la  presse  ; 
l'autre  pour  garantir  la  sûreté  individuelle. 

C'était  un  suprême  effort  tenté  par  les  fauteurs  de  la 
Révolution,  et  les  vrais  adeptes  de  la  Maçonnerie,  pour 
obtenir  le  partage  du  pouvoir  et  une  sorte  de  gouver- 
nement constitutionnel.  Mais  les  hommes,  employés  par 
eux  comme  instruments,  leur  glissaient  dans  la  main. 
Le  Premier  Consul  déclara  ces  demandes  monstrueuses. 
Pour  réduire  les  dernières  oppositions,  il  se  contenta 
d'appeler  l'un  après  l'autre  les  hommes  les  plus  influents. 
Ces  citoyens  vertueux  se  vendirent.  Désormais  le  Sénat 
s'inclina  devant  toutes  les  volontés  de  son  futur  Maître. 

Cependant  les  membres  du  Corps  Législatif  étaient 
dans  la  plus  profonde  désolation.  Ce  corps  n'était  point 
en  session.  Les  Législateurs,  moins  heureux  que  leurs 
collègues  du  Sénat  et  du  Tribunat,  ne  savaient  comment 
manifester  leur  enthousiasme  et  leur  zèle.  Fontanes,  leur 
président,  en  réunit  le  plus  grand  nombre  possible  et 
leur  fit  délibérer  une  adresse.  Ensuite,  à  la  tête  d'une 
députation,  il  alla  saluer  le  Premier  Consul  et  l'assura 
que  le  Corps  Législatif  était  animé  envers  lui  des 
mêmes  sentiments  que  le  Sénat  et  le  Tribunat. 


70  Discours  de  Cambacérès  au  Sénat. 

Toutes  les  routes  étaient  ouvertes.  Ce  fut  dans  la 
séance  du  26  floréal  an  XII,  présidée  par  Cambacérès, 
qu'eut  lieu  au  Sénat  la  proposition  directe  de  l'institu- 
tion impériale  et  d'un  sénatus-consulte  organique.  A 
l'ouverture  de  la  séance,  Cambacérès  prononça  le  dis- 
cours suivant  : 


«    Citoyens    sénateurs,    c'est    un    beau    spectacle  que    celui 

«   d'une    gTande    nation    qui    a    peine    sortie    de   la  révolution 

«  la   plus   terrible,   vient,   dans   le    silence   de   tous  les   partis 

«  et  dans  le  calme  de  toutes  les  passions,  choisir  elle-même 


ET  l'empire  285 

((  les  institutions  les  plus   convenables  à  sa  gloire  et  à   son 
«  bonheur. 

a  Citoyens  sénateurs,  vous  avez  communiqué  au  Premier 
«  Consul  votre  pensée  sur  la  nécessité  de  donner  un  principe 
«  de  permanence  à  l'ordre  actuel,  et  vous  l'avez  éclairé  sur 
«  les  circonstances  qui  déterminent  l'urgence  et  l'opportunité 
«  de  cette  disposition. 

«  Avec  un  peu  de  réflexion,  l'esprit  occupé  d'un  but  aussi 
«  important  ne  voit,  pour  l'atteindre,  que  l'établissement  d'un 
«  gouvernement  héréditaire. 

«  Votre  prudence  a  pressenti  le  vœu  de  la  nation;  elle  vous 
«  a  fait  connaître  que  l'opinion  était  mûre  pour  le  retour 
«  d'une  institution  dont  la  conservation  nous  parut  néces- 
«  saire,  lorsque  l'effervescence  des  passions  n'avait  point  en- 
«  core  confondu  toutes  les  idées,  et  vers  laquelle  tout  nous 
«  ramène  depuis  que  les  faits  ont  détruit  les  illusions  ins- 
«  pirées  par  le  zèle  bien  plus  que  par  la  prévoyance. 

«  Aussi  le  bruit  de  votre  démarche  s'est  à  peine  répandu 
«  que  des  milliers  de  voix  ont  réclamé  un  chef  héréditaire 
«  sous  un  titre  qui  fût  tout  à  la  fois  digne  de  la  grandeur  de 
«  la  nation,  et  compatible  avec  les  exigences  de  nos  lois 
«  constitutionnelles  (  !) 

«  Toutes  ont  déféré  à  Napoléon  Bonaparte,  ce  témoignage 
«  de  la  confiance  la  plus  signalée,  et  de  la  reconnaissance  la 
«  plus  universellement  sentie. 

«  Les  adresses  des  tribunaux,  des  administrations,  des  mu- 
«  nicipalités,  celles  des  armées,  le  cri  de  tous  les  bons  ci- 
ce  toyens,  ont  annoncé  un  élan  dont  le  gouvernement  n'a  pu 
((  ni  méconnaître,  ni  négliger  l'expression,  et  que  votre  sa- 
«  gesse,  de  concert  avec  lui,  est  appelée  à  diriger. 

«  Citoyens,  le  projet  de  sénatus-consulte  organique,  soumis- 
ce  à  \otre  délibération  est  fondé  sur  cette  grande  base  de 
h  l'organisation  sociale  : 

p  11  confie  le  soin  de  régir  la  France  au  héros  qui  l'a  retirée 
«  de  l'abîme; 

1'  ]1  le  transmet  héréditairement  à  sa  descendance,  et  au 
«  défaut  de  celle-ci  à  des  souches  de  sa  ligne  collatérale  ; 

«  Il  sanctionne  les  acclamations  du  peuple  entier. 

«  Ce  peuple  demande  au  ciel  que  le  sauveur  de  la  Repu- 


286  LA   FRAXC-MAÇQNNERIE 

«  blique  puisse  être  longtemps  le  sauveur  de  sa  gloire,  et  que 
«  des  rejetons  de  sa  race,  imitateurs  de  ses  vertus,  puissent 
«  étendre  jusqu'à  nos  derniers  neveux  le  bonheur  que  nous 
«  lui  devons. 

«  Sénateurs,  lorsque  vous  avez  provoqué  la  grande  dispo- 
se sition  qui  nous  occupe,  vous  avez  senti  que  tout  ce  qui  pou- 
«  vait  exister  avait  besoin  d'être  mis  en  harmonie  avec 
«  elle. 

«  Cette  indication  a  été  suivie,  et,  en  resserrant  le  principe 
«  et  l'action  du  gouvernement,  toutes  les  institutions  ont  été 
«  conservées  et  n'ont  suivi  que  des  modifications  comman- 
«  dées  par  le  nouvel   ordre  de   choses. 

«  Vous  le  savez,  le  grand  art  du  législateur  consiste  à  ré- 
«  générer  les  Etats  sur  les  bases  existantes,  et  sa  tâche  est  de 
«  subvenir  aux  circonstances  avec  les  matériaux  qu'il  a  sous 
«  la  main. 

«  Vos  yeux  exercés  reconnaîtront,  dans  le  projet  que  l'on 
«  vous  présente,  l'empreinte  du  génie  qui  l'a  tracé. 

a  Si  ce  projet  n'a  pas  atteint  toute  la  perfection  dont  une 
«  imagination  hardie  conçoit  la  possibilité,  il  renferme  du 
«  moins  les  éléments  qui  peuvent  l'y  conduire. 

«  Les  améliorations  durables  sont  toujours  l'ouvrage  de 
«   l'expérience  et  du  temps. 

«  Vous  y  trouverez  d'ailleurs  des  garanties  contre  les  écarts 
«  de  l'ambition,  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  assurer  l'in- 
«  dépendance  et  la  dignité  des  grands  corps,  et  la  création 
«  des  premières  places  dont  les  fonctions  seront  souvent  uti- 
«  les  et  toujours  nécessaires  pour  ajouter  à  la  pompe  qui 
a  doit  environner  le  chef  de  l'Etat,  dans  les  actes  éclatants 
«  cle  la  puissance  publique. 

«  Il  est  glorieux  pour  vous,  sénateurs,  d'être  dans  une  épo- 
«  que  aussi  mémorable,  les  interprêtes  et  les  arbitres  d'une 
«  grande  nation,  et  de  concourir  a  assurer  sa  prospérité  sur 
«   des  bases  inébranlables. 

«  S'il  était  permis  de  mêler  le  langage  des  affections  per- 
«  sonnelles  à  la  pensée  des  plus  grands  intérêts,  je  vous  dirais 
•«  qu'en  terminant  la  carrière  à  laquelle  la  confiance  du  Pre- 
«  mier  Consul  et  le  suffrage  de  la  patrie  m'avaient  appelé, 
«  il  est  doux  pour  moi  de  déposer  dans  votre  sein  Fexpr 
■<(   sion  de  mon  admiration,  de  ma   reconnaissance,  et  de  mon 


ET  i/EmpirK  281 

«  respectueux  dévouement  pour   celui   que   nous   ncmmons   à 
«  juste  titre  le  père  et  le  chef  du  peuple  français.  » 


8°  Projet  de  Sénatus-Consulte. 

Nous  ne  nous  attarderons  pas  à  relever,  encore  moins 
à  commenter  les  formules  étudiées  mais  menteuses  que 
le  légiste  perfide  emploie,  comme  un  somptueux  man- 
teau, pour  couvrir  l'ambition  effrénée  de  son  Maître 
despotique.  Les  sénateurs,  ses  collègues  et  ses  compli- 
ces, n'étaient  pas  dupes.  Le  peuple,  toujours  aveugle, 
s'y  laissa  tromper.  Dans  cet  art,  Cambacérès  était  passé 
maître.  Ses  travaux  dans  les  Ateliers  Maçonniques 
avaient  contribué  à  développer  un  talent  qui  lui  était 
naturel.  Nous  avons  cité  le  texte  complet  de  cette  haran- 
gue sénatoriale  pour  que  le  lecteur  puisse,  grâce  à  des 
documents  aussi  nombreux  que  variés,  étudier  l'âme 
de  cet  adepte.  Pour  nous,  qui  nous  plaçons  au  seul  vrai 
point  de  vue  de  l'histoire,  nous  avons  ici  l'impression 
bien  nette  que  le  Frère  Ecossais  Jean- Jacques  Régis- 
Ordre,  Frère.  \  du  F.  \  Ecossais  Napoléon  Bonaparte, 
se  sent  le  cœur  bien  tranquille.  Il  n'hésite  plus.  Il  est 
désormais  soutenu  et  couvert  par  ses  Hauts-Supérieurs, 
Ses  discours  respirent  sinon  la  franchise,  du  moins  le 
calme  d'un  orateur  maître  de  lui-même. 

Après  la  harangue  très  applaudie  du  second  Consul, 
le  conseiller  d'Etat  Portalis,  prenant  la  parole,  exposa 
les  motifs  du  projet  de  sénatus-consulte  organique. 

A  oici  les  grandes  lignes  de  ce  fameux  projet,  rédigé 
avec  l'aide  de  Cambacérès,  sous  l'inspiration  du  Pre- 
mier Consul.  Les  «  yeux  exercés  »  des  Sénateurs  y 
devaient  reconnaître  ((  l'empreinte  du  génie  »  qui  l'avait 
((  tracé  ». 

Le  Gouvernement  de  la  République  est  confié  à  un 
Empereur  (le  titre  de  Roi  était  odieux  à  Napoléon). 


288  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

Bonaparte,  Premier  Consul  actuel  de  la  République, 
prend  le  titre  d'Empereur  des  Français. 

La  dignité  impériale  est  héréditaire  dans  la  descen- 
dance directe,  naturelle  et  légitime  de  Napoléon  Bona- 
parte, de  mâle  en  mâle,  et  à  l'exclusion  des  femmes  et 
de  leur  descendance.  Napoléon  peut  adopter  les  enfants 
de  ses  frères,  pourvu  qu'ils  aient  atteint  l'âge  de  dix- 
huit  ans  accomplis,  et  que  lui-même  n'ait  point  d'enfants 
mâles  au  moment  de  l'adoption. 

A  défaut  d'héritiers  naturels  ou  adoptifs,  la  dignité 
impériale  était  dévolue  et  déférée  à  Joseph  Bonaparte  et 
à  ses  descendants  naturels  et  légitimes;  à  défaut  d'eux, 
elle  revenait  à  Louis  Bonaparte.  Les  deux  autres  frères 
de  Napoléon  n'étaient  point  nommés  et,  donc,  se  trou- 
vaient exclus.  ((  Lucien  et  Jérôme  étaient  exclus,  écrit 
Henri  Martin,  pour  avoir  contracté  des  mariages  contre 
le  gré  de  Napoléon.  »  Nous  ferons  cependant  remar- 
quer que  le  futur  Empereur  s'était  réservé  le  droit,  en 
vertu  du  sénatus-consulte  lui-même,  d'adopter  «  les 
enfants  ou  petits-enfants  de  ses  frères,  sans  distinc- 
tion ». 

Les  titres  suivants  du  projet  traitent  de  la  famille 
impériale,  de  la  régence,  des  grandes  dignités  de  l'Em- 
pire, des  Grands-Officiers,  du  Sénat,  du  Conseil  d'Etat, 
du  Corps  législatif,  du  Tribunat,  des  Collèges  électo- 
raux, de  la  Haute-Cour  Impériale,  de  l'ordre  judiciaire. 
Enfin  le  Titre  NYIe  et  dernier  portait  :  «  La  pro- 
position suivante  sera  présentée  â  l'acceptation  du  peu- 
ple, dans  les  formes  déterminées  par  l'arrêté  du  20  flo- 
réal, an  X  : 

«  Le  peuple  vent  l'hérédité  de  la  dignité  impériale  dans  la 
u  descendance  directe,  naturelle,  légitime  et  adoptive  de  Xa- 
((  poléon  Bonaparte,  et  dans  la  descendance  directe,  natu- 
u  relie  et  légitime  de  Joseph  Bonaparte  et  de  Louis  Bona- 
<(  parte,  ainsi  qu'il  est  réglé  par  le  sénatus-consult< 
«  nique.  » 


ET   iv  EMPIRE  289 

En  relisant  ce  projet  nous  avons  été  frappé  de  l'al- 
lure du  style,  et  du  ton  et  des  expressions.  Nous  avions 
déjà  trouvé  tout  cela.  —  Où  ?  —  Dans  les  documents 
Maçonniques.  Nous  prions  nos  lecteurs  de  lire  attenti- 
vement les  deux  titres  du  projet  du  sénatus-consulte 
organique  :  Des  Grandes  Dignités  de  l'Empire 
(Titre  V),  et  Des  Grands  Officiers  de  l'Empire 
(Titre  VI).  Qu'ils  prennent  ensuite  en  main  les  Statuts 
du  Grand-Orient  arrêtés  en  1773,  et  refondus  en  1804. 
L'épreuve  sera  pour  eux  intéressante  et  sans  réplique. 
Les  Grandes  Dignités,  la  longue  série  des  Grands-Offi- 
ciers, leurs  titres  pompeux,  fastueux,  excitent  la  verve 
de  l'historien  Henri  Martin.  «  Le  nouveau  trône  fut 
«  entouré  de  grands  dignitaires  affublés  de  titres  pom- 
<(  peux  et  somptueusement  rétribués.  Il  y  eut  un  grand 
<(  électeur  qui  fut  ((  le  prince  »  Joseph  Bonaparte  ;  un 
«  archichancelier  d'Empire,  qui  fut  Cambacérès...  ;  un 
<(  archichancelier  d'Etat,  un  connétable...  ;  un  grand 
((  amiral.  A  côté  de  ces  grandes  charges  politiques  et 
<(  militaires  reparaissent  des  charges  de  cour  cà  la  façon 
8  de  l'ancien  régime  :  un  grand  aumônier,  un  grand- 
ce  chambellan,  un  grand  veneur...,  un  grarid-écuver,  un 
((  grand-maître  des  cérémonies,  un  grand-maréchal  du 
«  palais...  »  Ces  titres  fastueux  rappellent  moins  l'An- 
cien Régime  que  les  Régimes  Maçonniques  du  Grand- 
Orient  et  du  Rit  Ecossais. 

Le  sénatus-consulte,  lu  au  Sénat,  fut  présenté  au 
Conseil  d'Etat  et  fut  accepté.  Un  franc-maçon,  Lacé- 
pède,  lut  sur  ce  projet  un  rapport,  au  nom  de  la  com- 
mission spéciale  composée  de  dix  membres,  tous  francs- 
maçons.  Voici  leurs  1101115  :  François  de  Neufchâteau, 
Fauché,  Rœderer,  hecoulteux-Canteleu,  Boissy-d' 'An- 
glas,  Vernier,  Lacépéde,  Vaubois,  Laplace,  Far  gués. 

A  la  suite  de  ce  rapport,  le  projet  de  sénatus-consulte 
organique  fut  voté  à  l'unanimité,  moins  trois  voix  : 
celles  (dit-on)  de  Grégoire,  de  Garât  et  de  Lanjuinais. 

En  même   temps   qu'il   adoptait   le   projet,    le   Sénat 


10 


2ÇO  LA   FRANC-MAÇONNERIE 

décrétait  qu'il  présenterait  en  corps,  immédiatement 
après  la  séance,  le  sénatus-consulte  de  ce  jour  à  Napo- 
léon Bonaparte,  Empereur  des  Français. 


90  Au  Château  de  Saint-Cloud. 


C'était  le  28  floréal,  an  XII.  «  Les  Sénateurs,  écrit 
Henri  Martin,  coururent  à  Saint-Cloud.  »  Le  F.  \  histo- 
rien veut  faire  de  l'ironie.  Mais  si  le  mot  n'est  pas  bien 
méchant,  il  est  encore  moins  exact.  Tout  se  fit  décem- 
ment, sans  hâte,  avec  une  gravité  majestueuse,  et  so- 
lennelle. Les  scènes  tumultueuses  de  la  Révolution 
n'étaient  plus  de  mise.  Le  Sénat  se  formant  en  corps 
prit  la  route  de  Saint-Cloud  où  l'attendait  le  Premier 
Consul.  Le  cortège  était  précédé,  suivi  et  comme  en- 
veloppé de  brillants  escadrons  de  cavalerie.  Le  temps 
était  merveilleusement  beau.  Pas  un  nuage  au  ciel.  Le 
clair  soleil  de  floréal  mettait  la  nature  et  les  hommes  en 
rumeur  et  en  fête.  Les  Parisiens  aiment  le  soleil  et  les 
spectacles  rares.  Ils  s'étaient  massés  en  curieux  sur  le 
•passage  du  cortège.  La  foule  se  montrait  les  deux  con- 
suls, Cambacérès  et  Lebrun.  Dès  que  l'approche  du 
Sénat  lui  eût  été  annoncée,  Napoléon  Bonaparte,  accom- 
pagné de  Joséphine,  quitta  ses  appartements  pour 
se  rendre  dans  la  grande  salle  du  château.  A  son  arrivée 
le  Sénat  fut  admis  â  l'audience. 

Bien  que  tous  les  détails  eussent  été  réglés  d'avance, 
comme  pour  une  représentation  scénique,  tous  les  ac- 
teurs étaient  émus. 

Napoléon  était  debout  dans  une  attitude  grave  jus- 
qu'à la  raideur.  Près  de  lui,  sa  femme  était  assise,  toute 
pale  et  les  yeux  mouillés  de  larmes.  Derrière  le  groupe 
impérial,  les  membres  de  la  famille  et  les  officiers  de  la 
maison  militaire. 

anbaeérès  s'avança  vers  Bonaparte,  lui  remit  le  - 
natus-consulte  organique  et  prit  la  parole.  On  dit  que 


ET   L  EMPIRE  291 

l'orateur  ne  put  maîtriser  son  émotion,  et  qu'il  commença 
d'une  voix  tremblante  : 


«  Sire, 

«  Le  décret  que  le  Sénat  vient  de  rendre,  et  qu'il  s'empresse 
«  de  présenter  à  Votre  Majesté  Impériale,  n'est  que  Texpres- 
«  sion  authentique  d'une  volonté  déjà  manifestée  par  la  na- 
«  tion. 

«  Ce  décret,  qui  vous  défère  un  nouveau  titre,  et  qui  après 
«  vous  en  assure  l'hérédité  à  votre  race,  n'ajoute  rien  à  vos 
«  droits. 

«  L'amour  et  la  reconnaissance  du  peuple  Français  ont  de- 
«  puis  quatre  années  confié  à  Votre  Majesté  les  rênes  du 
«  gouvernement,  et  les  constitutions  de  l'Etat  se  reposaient 
«  déjà  sur  vous  du  choix  d'un  successeur. 

«  La  dénomination  plus  imposante  qui  vous  est  décernée 
«  n'est  donc  qu'un  tribut  que  la  nation  paie  à  sa  propre  di- 
eu gnité,  et  au  besoin  qu'elle  sent  de  vous  donner  chaque 
«  jour  des  témoignages  d'un  respect  et  d'un  attachement  que 
«  chaque  jour  voit  augmenter. 

«  Eh  !  comment  le  peuple  Français  pourrait-il  trouver  des 
«  bornes  pour  sa  reconnaissance,  lorsque  vous  n'en  mettez 
«  aucune  à  vos  soins  et  à  votre  sollicitude  pour  lui  ! 

«  Comment  pourrait-il,  conservant  le  souvenir  des  maux 
«  qu'il  a  souffert  lorsqu'il  fut  livré  à  lui-même,  penser  sans 
<(  enthousiasme  au  bonheur  qu'il  éprouve  depuis  que  la  Pro- 
«  vidence  lui  a  inspiré  de  se  jeter  dans  vos  bras  ? 

«  Les  armées  étaient  vaincues,  les  finances  en  désordre,  le 
«  crédit  public  anéanti  ;  les  factions  se  disputaient  les  restes 
«.  de  notre  antique  splendeur;  les  idées  de  religion  et  même 
«  de  morale  s'étaient  obscurcies;  l'habitude  de  donner  et  de 
«  reprendre  le  pouvoir  laissait  les  magistrats  sans  considéra- 
«  tion,  et  même  avait  rendu  odieuse  toute  espèce  d'autorité. 

«  Votre  Majesté  a  paru...  La  Religion  a  vu  relever  ses 
<(  autels...  Enfin,  et  c'est  là  sans  doute  le  plus  grand  des  mi- 
«  racles  opérés  par  votre  génie,  ce  peupk,  que  l'efïenescence 
«  civile  avait  rendu  indocile  à  toute  contrainte,  ennemi  de 
«  toute  autorité,  vous   avez   su  lui   faire   chérir  et   respecter 


292  LA   FRANC-MAÇONNERIK 

«  un   pouvoir    qui    ne    s'exerçait    que    pour    sa   gloire    et    son 
a  repos. 

«  Le  peuple  Français  ne  prétend  point  s'ériger  en  juge  des 
«  constitutions  des  autres  Etats. 

«  Il  n'a  point  de  critiques  à  faire,  point  d'exemples  à  sui- 
«  vre  ;  l'expérience  désormais  devient  sa  leçon. 

«  Il  a,  pendant  des  siècles,  goûté  les  avantages  attachés  à 
«  l'hérédité   du   pouvoir. 

«  Il  a  fait  une  épreuve  courte,  mais  pénible,  du  système 
«  contraire. 

«  Il  rentre,  par  l'effet  d'une  délibération  libre  et  réfléchie, 
u  dans  un  sentier  conforme  à  son  génie. 

«  Il  use  librement  de  ses  droits  pour  déléguer  à  Votre  Ma- 
c  jesté  Impériale  une  puissance  que  son  intérêt  lui  défend 
«  d'exercer  par  lui-même. 

<(  Il  stipule  pour  les'  générations  à  venir,  et,  par  un  pacte 
a  solennel,  il  confie  le  bonheur  de  ses  neveux  à  des  rejetons 
«  de  votre   race. 

a  Ceux-ci  imiteront  vos  vertus. 

«  Ceux-là  hériteront  de  notre  amour   et  de  notre   fidélité. 

«  Heureuse  la  nation  qui,  après  tant  de  troubles  et  d'in- 
«  certitudes,  trouve  dans  son  sein  un  homme  digne  d'apaiser 
«  la  tempête  des  passions,  de  concilier  tous  les  intérêts,  et  de 
«  réunir  toutes  les  voix  ! 

«  Heureux  le  prince  qui  tient  son  pouvoir  de  la  volonté,  de 
«  la  confiance  et  de  l'affection  des  citoyens  ! 

«  S'il  est  dans  le  principe  de  notre  constitution,  et  déjà 
«  plusieurs  exemples  semblables  ont  été  donnés,  de  soumet- 
«  tre  à  la  sanction  du  peuple  la  partie  du  décret  qui  concerne 
«  rétablissement  d'un  gouvernement  héréditaire,  le  Sénat  a 
a  pensé  qu'il  devait  supplier  Votre  Majesté  Impériale 
«  d'agréer  que  les  dispositions  organiques  reçussent  immé- 
«  diatement  leur  exécution,  et,  pour  la  gloire  comme  ; 
«  le  bonheur  de  la  République,  il  proclame  à  l'instant  même 
«  Napoléon  Empereur  des  Français.  » 

Les  applaudissements  éclatèrent  et  couvrirent  les  der- 
niers mois  de  la  harangue  sénatoriale.  Une  joie  bruyante 
succéda  pendant  quelques  minutes  à  l'émotion  qui 
étreignait  les  cœurs.  Après  une  pause,  Napoléon  fît  une 


ET   L  EMPIRE  293 

courte  réponse.  Il  admirait,  aimait  et  savait  pratiquer, 
dans  les  circonstances  solennelles,  cette  imper atoria  bre- 
vitas  si  vantée  par  les  vieux  Romains,  qu'il  avait  pris 
pour  modèles.  . 

L'Empereur  répondit  en  ces  termes  : 

a  Tout  ce  qui  peut  contribuer  au  bien  de  la  patrie  est  essen- 
ce tiellement  lié  à  mon  bonheur. 

a  J'accepte  le  titre  que  vous  croyez  utile  à  la  gloire  de  la 
«  nation. 

«  Je  soumets  à  la  sanction  du  peuple  la  loi  de  l'hérédité. 
«  J'espère  que  la  France  ne  se  repentira  jamais  des  honneurs 
«  dont  elle  environnera   ma  famille. 

«  Dans  tous  les  cas,  mon  esprit  ne  sera  plus  avec  ma  pos- 
«  térité  le  jour  où  elle  cesserait  de  mériter  l'amour  et  la 
«  confiance  de  la  grande  nation.  » 

Le  Sénat  fut  ensuite  admis  à  l'audience  de  Sa  Ma- 
jesté l'Impératrice.  Cambacérès  prit  encore  la  parole  et 
prononça  le  discours  suivant  : 


«    Madame, 

«  Nous  venons  de  présenter  à  votre  auguste  époux  le  dé- 
<(  cret  qui  lui  donne  le  titre  d'Empereur,  et  qui,  établissant 
«  dans  sa  famille  le  gouvernement  héréditaire,  associe  les 
«  races  futures  au  bonheur  de  la   génération  présente. 

«  Il  reste  au  Sénat  un  devoir  bien  doux  à  remplir,  celui 
«  d'offrir  à  Votre  Majesté  Impériale  l'hommage  de  son  res- 
«  pect,  et  l'expression  de  la  gratitude  des  Français. 

«  Oui,  Madame,  la  renommée  publie  le  bien  que  vous  ne 
«  cessez  de  faire;  elle  dit  que  toujours  accessible  aux  mal- 
«  heureux,  vous  n'usez  de  votre  crédit  auprès  du  chef  de 
«  l'Etat  que  pour  soulager  leur  infortune,  et  qu'au  plaisir 
«  d'obliger  Votre  Majesté  ajoute  cette  délicatesse  aimable, 
'«  qui  rend  la  reconnaissance  plus  douce  et  le  bienfait  plus 
(  précieux. 

«  Cette  disposition  présage  que  le  nom  de  l'Impératrice 
(  Joséphine  sera  le  signal  de  la  consolation  et  de  l'espérance; 


294  ^A  FRANC-MAÇONNKRIE 

«  et  que,  comme  les  vertus  de  Napoléon  serviront  toujours 

«  d'exemple  à  ses  successeurs,  pour  leur  apprendre  l'art  de 

«  gouverner  les  nations,  la  mémoire  vivante  de  votre  bonté 

«  apprendra  à  leurs  augustes  compagnes  que  le  soin  de  se-* 

«  cher  leurs  larmes  est  le  moyen  le  plus  sûr  de  régner  sur 

«  tous  les  cœurs. 

«  Le  Sénat  se  félicite  de  saluer  le  premier  Votre  Majesté 

«  Impériale;  et  celui  qui  a  l'honneur  d'être  son  organe  ose 

«  espérer  que  vous  daignerez  le  compter  au  nombre  de  vos 

a  plus  fidèles  serviteurs.  » 

Un  nouveau  Régime  était  fondé.  Beaucoup  de  ces 
hommes  qui  acclameront  la  Restauration,  comme  ils  ac- 
clament aujourd'hui  l'Empire,  se  vantèrent  d'avoir 
rendu  à  jamais  impossible  le  retour  des  Bourbons.  Très 
ners  de  leur  œuvre  et  d'eux-mêmes,  les  Sénateurs  se  re- 
tirèrent par  groupes.  L'ex-consul  Cambacérès  fut  re- 
tenu au  château,  et  reçut  ce  jour  même  le  prix  de  ses 
bons  et  constants  services.  Sa  Majesté  l'Empereur  lui 
remit  la  lettre  suivante  : 

«  Citoyen  consul  Cambacérès,  votre  titre  va  changer,  vos 
«  fonctions  et  ma  confiance  resteront  les  mêmes.  Dans  la 
«  haute  dignité  d'Archi-Chancelier  de  l'Empire  dont  vous 
«  allez  être  revêtu,  vous  manifesterez,  comme  vous  l'avez 
«  fait  dans  celle  de  consul,  la  sagesse  de  vos  conseils  et  les 
«  talents  distingués  qui  vous  ont  acquis  une  part  aussi  im- 
«  portante  dans  tout  ce  que  je  puis  avoir  fait  de  bien. 

u  Je  n'ai  donc  rien  à  désirer  de  vous  que  la  continuation 
«  des  mêmes  sentiments  pour  l'Etat  et  pour  moi.  » 

Archi-Chancelier,  prince  de  Panne,  Frère  Jean-Jac- 
ques Régis  Ordre  fut  encore  nommé  par  l'Empereur, 
qui  ne  se  fiait  qu'à  \ui,Grand-Surveillant  de  la  Maçon- 
nerie Française.  C'est  à  ce  dernier  titre  qu'il  nous  ap- 
partient. 


CHAPITRE  IV 

Le    Sérénissime    Grand-Maître    Cambacérès 
et   le   Grand-Orient 

i°  Zèle  du  Grand-Maître. 

Le  prince  Archi-Chancelier,  que  les  documents  dés;  • 
gnent  toujours  sous  le  titre  de  Sérénissime  Grand-Maî- 
tre, n'était,  nous  l'avons  déjà  dit,  que  le  Grand-Maître 
Adjoint.  La  Grande-Maîtrise  avait  été  déférée  et  dé- 
volue au  frère  de  Sa  Majesté,  Joseph  Bonaparte.  Nous 
n'avons  cependant  trouvé  nulle  part,  dans  les  archives 
de  YEqucs  a  Capitc  Gaîeato,  que  le  frère  aîné  de  l'Em- 
pereur ait  jamais  présidé  les  tenues  solennelles  du 
Grand-Orient.  Le  frère  Cambacérès  exerçait  en  réalité 
toutes  les  fonctions  et  remplissait  toutes  les  obligations 
de  cette  «  sublime  »  dignité. 


296  LA    FRAXC-MAÇOXXERIE 

Sans  doute,  au  Régime  du  Grand-Orient  il  préférait 
le  Régime  Ecossais;  puisqu'il  appartenait  à  ce  dernier 
Régime,  l'aimer  était  pour  lui  un  droit,  et  le  préférer, 
un  devoir.  Néanmoins,  il  mit  tout  en  œuvre  pour  rendre 
le  Grand-Orient  chaque  jour  plus  prospère.  Dès  l'an- 
née 1806,  les  nouveaux  Statuts  du  Régime  furent  im- 
primés et  envoyés  à  toutes  les  Loges  régulièrement 
constituées.  Comme  la  constitution  politique  de  la 
France,  la  Constitution  du  Grand-Orient  n'avait  été 
modifiée  que  dans  les  détails.  Toutes  les  innovations 
étaient  impérieusement  réclamées  par  les  circonstances 
et  par  les  étonnants  progrès  que  faisait  le  Régime.  La 
direction  des  travaux  était  confiée  à  des  Officiers,  dont 
le  nombre  était  porté  à  169,  nombre  symbolique  : 
1  plus  6  plus  9  égale  16,  c'est-à-dire,  le  carré  du  nombre 
4,  le  nombre  ((  parfait  »  aux  yeux  des  Maçons. 

Avant  la  «  catastrophe  »,  le  Grand-Orient  possédait 
trois  Chambres.  Après  la  Révolution,  il  eut  six  Ate- 
liers : 

i°  Une  Grande-Loge  d'Administration; 

20   Une  Grande-Loge  Symbolique; 

30   Ln  Grand-Chapitre  ; 

4°   Une  Grande-Loge  de  Conseil  et  d'Appel; 

5°  Une  Grande-Loge  des  Grands-Experts; 

6°  Un  Grand-Directoire  des  Rits. 

Après  la  réunion  du  Rit  Ecossais  au  Grand-Orient, 
la  Maçonnerie  Française  eut,  à  son  sommet,  le  33e  de- 
gré. <(  création  politique  »,  ainsi  que  l'avouent  les  cor- 
respondants de  YEques  a  Capite  Galeato. 

Cambacêrès,  le  Sérénissime  Grand-Maître,  était  le 
maçon  le  mieux  désigné  pour  présider  le  Régime,  et  lui 
conférer  ce  prestige  et  cet  éclat  qui  attirent  les  pauvres 
dupes  et  les  retiennent.  Intrépide  convive,  il  aimait  le 
faste,les  banquets,  les  fêtes,  les  spectacles,  les  magni- 
fiques  réceptions.    Tl   s'acquittait   avec   plaisir   de   « 


ET  l'empire  297 

augustes  fonctions  ».  Il  apportait,  dans  les  tenues  so- 
lennelles, la  bonne  grâce,  la  dignité,  le  grand  air,  la  dis- 
tinction aisée,  l'exquise  politesse  du  gentilhomme.  S'il 
abandonnait  à  d'autres  les  écrasants  détails  de  l'admi- 
nistration, il  suivait  d'un  œil  attentif  les  progrès  de  la 
propagande  Maçonnique.  Plus  de  douze  cents  Loges 
se  fondèrent  sous  sa  Grande-Maîtrise. 


20  Un  voyage  dans  le  Midi. 

En  1807,  il  ht  un  voyage  dans  le  Midi,  pour  aller  pré- 
sider à  Bordeaux  les  opérations  du  Corps  Electoral. 
Plusieurs  maçons  hdèles  lui  préparèrent  les  voies.  Le 
Grand-Maître  n'oublia  pas  de  visiter  Montpellier,  sa 
ville  natale  ;  Toulouse,  la  grande  cité  Maçonnique  ;  Nar- 
bonne,  dont  une  des  Loges  lui  expédiait  ces  fameux 
perdreaux  de  la  Clappe,  préférés  à  tous  autres.  Un  cour- 
rier, traversant  la  France,  et  courant  à  franc-étrier,  lui 
apportait  à  Paris  ce  gibier  succulent. 

Le  compte-rendu  de  la  Fête  de  l'Ordre,  présidée  par 
lui,  le  28e  jour  du  dixième  mois  de  l'année  1807,  ren- 
ferme quelques  détails  intéressants  sur  ce  voyage  élec- 
toral et  Maçonnique  : 

«  Le  Sérénissime  Grand-Maître  annonce  que  Tordre  des 
«  travaux  appelle  le  compte  de  semestre  à  rendre  par  le 
«  Frère  Delahaye,  Orateur  du  Grand-Chapitre  ;  mais 
«  qu'avant  de  lui  accorder  la  parole,  il  se  plaît  à  rendre  lui- 
«  même  compte  au  Grand-Orient  des  hommages  qu'il  a  reçus 
«  de  tous  les  Ateliers  réguliers,  dans  le  voyage  qu'il  vient  de 
«  terminer  :  le  Sérénissime  Grand-Maître  daigne  entrer  dans 
«  plusieurs  détails,  pour  prouver,  dit-il,  l'excellent  esprit 
«  dans  lequel  le  Grand-Orient  de  France  entretient  les  Ate- 

<  liers  de  son  Gouvernement  :  le  Sérénissime  Grand-Maître 

<  ajoute,  avec  son  aménité  et  son  affabilité  ordinaires,  qu'il 

<  relent  une  véritable  satisfaction  de  rendre,  en  ce  jour  de 

<  solennité,  cette  justice  éclatante  aux  soins,  à  la  sollicitude 


298  IvA  FRANC-MAÇONNERIE 

«  et  aux  principes  qui  dirigent  constamment  le  Grand-Orient 
«  de  France,  pour  la  plus  grande  gloire  de  l'Ordre  et  le 
«  bonheur  de  l'humanité. 

«  Le  Sérénissime  Grand-Maître  annonce,  en  terminant, 
«  qu'il  a  reçu  des  députations  de  tous  les  Ateliers,  que  la 
«  brièveté  de  son  séjour  dans  les  divers  Orients  ne  lui  a  pas 
a  permis  de  présider,  et  que  partout  il  a  trouvé  amour  et 
«  fidélité  à  sa  personne,  et  dévouement  sans  bornes  au  Grand- 
«  Orient  de  France. 

«  Le  Respectable  Représentant  Rœttiers  de  Montai  eau 
«  obtient  la  parole  pour  régulariser  les  applaudissements  que 
«  chacun  était  impatient  de  donner  au  Sérénissime  Grand- 
«  Maître  ;  et,  sur  la  proposition  de  son  Représentant  et  les 
«  conclusions  du  Frère  Orateur,  le  Grand-Orient  arrête  qu'il 
«  sera  écrit,  tant  aux  Ateliers  qui  ont  envoyé  des  députa- 
«  tions  au  Sérénissime  Grand-Maître,  qu'à  ceux  qui  ont  eu  la 
a  faveur  d'être  présidés  par  lui,  pour  les  féliciter,  et  charge 
«  la  Grande-Loge  d'Administration  de  l'exécution.   » 


CHAPITRE  V 


Essai    de    reconstitution    historique    des    Grandes 
Fêtes  de  POrdre. 


Nous  venons  de  faire  entendre  au  lecteur  un  écho  des 
fêtes  du  Grand-Orient  de  France.  Peut-être  aimerait-on 
à  jeter  un  regard  à  l'intérieur  du  Temple,  à  revoir 
un  moment  ces  solennités  fameuses,  ces  splendides  réu- 
nions qui  réunissaient  la  Diète  Maçonnique,  aux  deux 
grandes  fêtes  de  l'Ordre.  On  y  voyait  accourir  et  s'y 
presser  toutes  les  illustrations  de  l'Empire  :  les  maré- 
chaux, les  généraux,  les  hommes  d'Etat,  les  magistrats, 
les  hommes  de  lettres,  les  artistes,  les  comédiens,  toute 
la  nouvelle  noblesse,  de  nombreux  représentants  de 
l'ancienne,  et  même  des  hommes  d'Eglise. 

Prenons  en  main  les  bulletins  du  Grand-Orient.  Ces 


300  LA   FRAXC-MAÇOXXERIE 

brochures,  aux  couvertures  rouges,  sortaient  des  pres- 
ses de  l'Ordre,  rue  de  la  Poterie,  ou  de  l'imprimerie 
du  franc-maçon  Poulet,  quai  des  Augustins. 

Pour  que  notre  essai  de  reconstitution  historique 
soit  aussi  exact  que  possible,  nous  veillerons  à  n'em- 
ployer que  les  expressions  mêmes  des  Compte-rendus. 
A  partir  de  1806,  un  frère,  qui  portait  un  des  beaux 
noms  de  France,  exerce  les  fonctions  de  Secrétaire- 
Général.  C'est  G.  de  Bcaumont.  Il  ne  passe  aux  yeux 
de  ses  ((  vénérables  »,  ((  respectables  »,  ou  ((  illustres  )) 
frères,  ni  pour  un  savant  adepte,  ni  pour  un  profond 
philosophe.  Il  ne  fut  pas  non  plus,  le  lecteur  pourra 
s'en  convaincre,  un  maître  écrivain. 

«  Le  vingt-quatrième  jour  du  quatrième  mois  (24 
juin,  l'année  Maçonnique  commence  au  mois  de  mars) 
ou  ((  le  vingt-huitième  jour  du  dixième  mois  (28  dé- 
<(  cembre),  le  Grand-Orient  »  formant  la  Diète  Natio- 
nale ((  régulièrement  convoquée,  se  réunit  fraternelle- 
((  ment  sous  le  point  géométrique,  connu  des  seuls 
((  vrais  frères,  dans  .un  lieu  très  éclairé,  très  régulier  et 
((  très  fort,  où  résident  le  silence,  la  paix  et  l'équité, 
((  midi  plein.  » 

Cette  dernière  expression  ne  doit  pas  être  prise  à  la 
lettre.  A  sept  heures  du  soir,  à  neuf  heures,  à  minuit 
moins  quelques  minutes,  à  quelque  heure  que  les  frères 
se  réunissent,  il  est  pour  eux  midi  plein,  lorsque  leurs 
travaux  commencent;  il  est  toujours  minuit,  lorsqu'ils 
cessent. 

Le  Représentant  particulier  du  Sérénissime  Grand- 
Maître,  le  ((  Respectable  Frère  »  Rœttiers  de  Monta- 
leau,  est  à  son  fauteuil.  Les  Grands-Orateurs  des  di- 
vers Ateliers  siègent  à  leurs  places  respectives.  ((  Les 
Présidents  des  trois  grands  Ateliers  et  officiers  hono- 
raires décorent  l'Orient.  Les  frères  de  Paris  et  les  dé- 
putés des  Loges  de  Province  ornent  leurs  colonnes,  n 
Tous  ont  revêtu  leurs  insignes,  suspendu  à  leur  cou  leur 


ET    I,  EMPIRA  3OI 

cordon  et  ceint  leur  tablier.  «  Le  Président  annonce 
qu'il  a  ouvert  les  travaux  pour  mettre  le  Grand-Orient 
è.  portée  de  faire  les  préparatifs  pour  l'introduction  du 
Sérénissime  Grand-Maître.  »  On  procède  à  la  nomina- 
tion des  frères  qui  doivent  composer  la  députation  ((  à 
l'effet  de  recevoir  à  son  arrivée  et  conduire  au  local 
accoutumé  le  Sérénissime  Grand-Maître.   » 

Silencieuse  et,  parfois,  longue  attente.  La  députa- 
tion s'est  rendue  à  son  poste.  Le  roulement  d'une  voi- 
ture. «  Des  sons  harmonieux,  symbole  de  l'hilarité  gé- 
«  né  raie  (sic)  qu'inspire  toujours  cet  illustre  Chef, 
<(   sont  le  signal  de  l'arrivée  du  Grand-Maître.  » 

Enfin  ((  au  grand  désir  de  tous  les  Frères,  le  Séré- 
u  nissime  Grand-Maître  est  annoncé  et  introduit  avec 
ce  les  honneurs  dûs  à  sa  Suprême  Dignité.  »  Les 
«  Grands-Officiers  en  exercice  composent  sa  brillante 
«  escorte.  A  la  fête  de  la  St-Jean  d'Hiver  5807  (1807) 
((  il  est  accompagné  des  Très  Illustres  et  Très  Révé- 
«  rends  Frères,  le  maréchal  Masscna,  Grand-Conser- 
<(  vateuiy  et  le  sénateur  Valence,  son  Grand-Repré- 
«  sentant  ;  suivent  les  Très  Illustres  Frères  de  Lacé- 
<(  pède,  Grand-Chancelier  de  la  Légion  d'honneur; 
«  Beurnonville,  sénateur;  Davous,  sénateur,  l'un  des 
«  commandants  de  la  Légion  d'honneur;  Clément  de 
«  Ris  préteur  du  Sénat  ;  d'Aigre  feuille,  administra- 
«  teur  du  dépôt  littéraire;  Duvidal,  législateur,  offi- 
<(  cier  de  la  Légion  d'honneur;  Chasset,  sénateur,  et 
«  Serrurier,  maréchal  de  l'Empire.  » 

Parfois,  d'illustres  personnages  se  joignaient  aux 
Grands-Officiers  :  les  princes  cYIsembourg,  le  prince 
Askéri-Khan.  ambassadeur  de  Perse  à  Paris;  le  prince 
de  Saxe-JJzcimar,  Horace  Vineentini,  fondateur  de  la 
Loge  la  Vertu  Triomphante  (Sa  Majesté  l'Empereur) 
à  Rome,  le  comte  Miollis,  général  de  division,  gouver- 
neur-général de  Rome,  protecteur  de  la  Loge  sus-nom- 
mée ;  Camille  Borgia,  «  digne  rejeton  de  cette  illustre 


302  LA   FRANC-MAÇONNERIE 

((  famille,  dont  le  nom  est  fameux  dans  l'histoire  d'Es- 
((  pagne  et  d'Italie.  » 

((  Le  Sérénissime  Grand-Maître  parvient  au  trône 
((  sous  la  voûte  d'acier,  et  reçoit  de  son  Représentant 
((  particulier,  Rœttiers  de  Montalcau,  le  premier  mail- 
ce  let  de  l'Ordre.  »  «  Il  est  placé  lui-même  au  trône 
«  ayant  (1807)  à  sa  droite  le  Grand-Conservateur  ma- 
«  réchal  Masséna,  et  à  sa  gauche  son  Grand-Représen- 
((  tant  le  sénateur  général  Valence.  »  Un  triple  vivat 
retentit  en  son  honneur. 

Dans  le  Temple,  superbement  décoré  d'après  les  in- 
dications des  Petit-Radel,  des  Lemot,  des  Sauvage,  des 
P  nid  lion,  des  Caries,  des  Poussin,  c'est  un  éblouisse- 
ment  de  costumes  et  d'habits  chamarrés  de  dentelles, 
de  galons,  de  revers  de  velours.  C'est  un  ruissellement 
de  perles  et  de  pierres  fines.  Les  bijoux  d'or,  les  nacres, 
tes  brocards,  les  bandes  d'argent  étincellent.  Les  dia- 
mants jettent  mille  feux.  Les  dentelles,  les  blondes  éta- 
lent leur  richesse.  Des  cordons  de  toutes  largeurs,  de 
toutes  couleurs  ravissent  les  yeux.  Des  fleurs  rares 
embaument  l'air.  Les  mains  frôlent  des  porcelaines 
de  Sèvres.  Les  pieds  foulent  des  tapis  de  Sallandrouze. 
Tous  ces  ((  Illustres  »  enfants  de  ((  la  Veuve  »  tien- 
nent à  faire  honneur  à  leur  «  auguste  »  mère,  de  ses 
magnificences-,  qu'ils  tiennent  un  peu  d'elle. 

Le  plus  profond  silence  règne  dans  le  Temple.  Tous 
les  yeux  sont  fixés  sur  le  Grand-Maître. 

«  Le  Révérend  frère  Rœttiers  de  M  ont  al  eau  lui  rend  compte 
«  que  les  Travaux  viennent  d'être  ouverts,  en  la  forme  ordi- 
«  naire,  et  que  le  Secrétaire  attend  ses  ordres  pour  la  lecture 
«  de  la  Planche  des  derniers  Travaux. 

«  Cette  lecture  étant  faite,  sur  l'ordre  du  Sérénissime 
«   Grand-Maître,  la  planche  reçoit  la  sanction  d'usage.  » 

Lorsque,  durant  le  cours  du  semestre  écoulé,  des  va- 
cances se  sont  produites,  ou  à  l'expiration  de  leur  exer- 
cice triennal, 


ET  i/empirk  303 

«  le  Grand-Maître  annonce  que  l'ordre  du  jour  appelle 
<(  la  proclamation  des  Officiers  Dignitaires  élus  ou  réélus 
«  par  la  Grande-Loge  du  Conseil,  sur  la  présentation  des  trois 
«  Grands-Ateliers.  En  conséquence,  il  invite  les  frères  Pre- 
k  mier  et  Second  Surveillants  à  proclamer  les  noms  sur  leurs 
«  colonnes  respectives,  comme  il  les  proclame  lui-même. 

«  Sur  le  signal  du  Sérénissime  Grand-Maître,  les  applau- 
a  dissements  les  plus  unanimes  sanctionnent  le  choix  de  la 
«  Grande-Loge  du  Conseil.  » 

Les  frères  élus  pour  la  première  fois,  ou  élevés  à  une 
dignité  supérieure,  sont  invités  à  se  joindre  aux  dépu- 
tés des  Loges  des  Provinces,  admis  à  la  séance, 

«  pour  prêter  avec  eux  l'obligation  voulue.  En  consé- 
«  quence,  sur  Tordre  du  Sérénissime  Grand-Maître,  les  frères 
«.  Maîtres  des  Cérémonies  les  conduisent  au  trône. 

«  Tous  ces  frères,  après  avoir  prêté  leur  obligation  entre 
«  les  mains  du  Sérénissime  Grand-Maître,  sont  proclamés 
«  par  lui,  reconnus  et  applaudis  dans  leurs  qualités  respec- 
«  tives.  Ces  frères  remercient  par  les  mêmes  batteries,  qui 
«  sont   couvertes   avec   la   plus   grande   cordialité. 

«  Le  Sérénissime  Grand-Maître  annonce  que  l'ordre  des 
a  Travaux  appelle  le  compte  de  semestre  à  rendre  » 

par  les  orateurs  des  divers  Ateliers. 

La  série  des  lectures  et  des  discours  commence.  Les 
orateurs  se  succèdent  à  la  tribune.  Lorsque  chacun 
d'eux  a  fini  de  parler,  le  Sérénissime  Grand-Maître 
donne  le  signal  des  applaudissements. 

L'ordre  des  Travaux  étant  épuisé, 

«  les  portes  du  Temple  s'ouvrent.  Les  Frères  Bertin,  Lafo- 
«  rêt,  Lcfcvre,  FasqucI,  et  autres  artistes  distingués,  s'avan- 
ce cent  au  milieu  de  l'enceinte.  C'est  le  signal  des  chants  de 
((  victoire  et  d'allégresse  ;  la  symphonie  la  plus  noble  et  la 
«  plus  majestueuse  est  le  prélude  des  hymnes  en  l'honneur 
«  du  Héros  Pacificateur. 

«  Les  chants  les  plus  mâles  et  les  plus  harmonieux  célèbrent 
«  ses  hauts  faits.  Des  accents  guerriers  retentissent  en  l'hon- 
■«  neur  du  Héros  de  la  France,  et  des  prodiges  opérés  par  son 


i 


304  LA   FRANC-MAÇOXNERIE 

«  génie,  son  courage  et  la  valeur  des  braves,  qu'il  conduit 
«  de  victoire  en  victoire.  • 

«  Ce  concert  de  louanges,  ou  plutôt  ce  récit  de  faits  si  glo- 
«  rieux  pour  la  France,  excite  un  enthousiasme  général,  et, 
«  sur  le  signal,  donné  par  le  Sérénissime  Grand-Maître,  reçoit 
«  les   applaudissements   unanimes. 

«  Les  frères  Lajorët,  Fasqucl  et  autres  artistes,  qui  se  sont 
«  surpassé  en  cette  circonstance  solennelle,  se  -joignent  au 
«  frère  Bertin,  qui  avait  demandé  et  obtenu  la  parole  pour 
«  remercier,  et  qui  dirige  leurs  batteries,  lesquelles  sont  cou- 
a  vertes  avec  les  marques  du  plaisir  qu'ils  viennent  de  faire 
«  éprouver. 

«  Le  concert  est  fini,  que  chacun  des  frères  répète  encore 
«  le  refrain  chéri  : 

Vive  Napoléon,  nouveau  Mars  des  Français; 
Honneur   aux   Compagnons   de   ses   brillants   succès. 

«  Le  Sérénissime  Grand-Maître  annonce  qu'il  va  donner  le 
<(  mot  de  semestre  ;  tous  les  membres  du  Grand-Orient  for- 
«  ment  la  chaîne.  «  Le  mot  circule,  et,  ayant  été  reporté 
«  dans  toute  sa  pureté  au  Grand-Maître,  par  le  frère  Maître 
«  des  Cérémonies,  la  Planche  qui  le  contenait  est  brûlée. 
«  Tous  les  frères  prêtent  le  serment  ordinaire  entre  les 
<c  mains  du  Sérénissime  Grand-Maître,  qui  les  invite  à  repren- 
«  dre  leurs  places. 

«  Le  tronc  de  bienfaisance  ayant  circulé,  le  Sérénissime 
«  Grand-Maître  annonce  que  les  travaux  sont  suspendus 
«  pour  passer  dans  l'ordre  ordinaire  au  Banquet. 

«  Les  matérieux  sont  consciencieusement  démolis...  »  «  La 
«  santé  de  l'Empereur  et  Roi,  de  son  auguste  Epouse,  de 
«  toute  la  famille  Impériale  a  été  commandée  par  le  Séré- 
a  nissime  Grand-Maître,  et  exécutée  par  le  triple  feu  de 
«  Marengo,  d'Austerlitz  et  d'Iéna,  c'est-à-dire  par  le  feu 
«  français,  au  son  d'une  harmonie  d'autant  plus  délicieuse 
a   qu'elle  exécutait  l'air  analogue  :   Vive  Henri  IV. 

«    La    seconde   santé,   celle   de    Sa    Majesté   le   Roi   Joseph 
«   Bonaparte,    est    commandée   de   même   et   exécutée    ave 
«   zèle   et  le    respect  ordinaires.   Une   symphonie   majestueuse 
«  et  douce  exprime  ces  sentiments  des  Maçons  français  pour 
<(   leur  Chef  Suprême. 

«  Le  Sérénissime  Grand-Maître  ayant  annoncé  que  les  tra- 


ET   L  EMPIRE  305 

«  vaux  étaient  suspendus,  invite  les  Frères  à  reprendre  leurs 
«  places  en  reprenant  lui-même  la  sienne. 

«  Après  quelques  instants  donné  aux  doux  plaisirs  de  la 
«  réunion  fraternelle,  un  coup  de  maillet  se  fait  entendre  à 
«  l'Occident,  et  le  Sérénissime  Grand-Maître,  en  répondant 
«  par  un  autre  coup,  annonce  que  les  travaux  suspendus 
h  reprennent  vigueur.  Tous  les  frères  se  lèvent  sponta- 
«  némcnt  pour  la  santé  du  Sérénissime  Grand-Maître, 
«  laquelle  a  été  annoncée  dans  les  formes  ordinaires  par 
«  les  Frères  premier  et  deuxième  Surveillants.  Le  Très  Révé- 
«  rend  Frère  Regnaud  de  S aint-J ean-d' Ang ely ,  Grand-Ora- 
«  teur  d'honneur  du  Grand-Orient,  en  annonçant  de  même 
«  cette  précieuse  santé,  exprime  avec  l'éloquence  qui  le  carac- 
«  térise,  les  sentiments  de  tous  les  Maçons  Français,  pour  le 
«  Sérénissime  Grand-Maître. 

«  Les  feux  les  plus  vifs  et  les  plus  réguliers,  les  batteries 
«  les  plus  éclatantes  et  les  plus  unanimes,  célèbrent,  en  ce 
«  jour  solennel,  la  santé  de  l'Illustre  Chef  de  l'Ordre,  pour 
«  l'intérêt  et  la  splendeur  duquel  il  donne  tous  les  jours  les 
«  preuves  les  moins  équivoques  de  sa  puissante  protection. 

«  L'orchestre  exécute  l'air  chéri  des  Maçons  :  Où  peut-on 
«  être  mieux  ?   » 

En  la  Fête  de  la  Saint-Jean  d'Hiver  5812  (1812) 
le  Grand-Maître  trouva  des  accents  ((  sublimes  ».  II 
dit  : 

«  Si  la  France  était  en  danger,  j'appellerais  autour  de  ma 
«  personne  tous  les  enfants  de  la  Veuve  ;  et,  avec  ce  batail- 
«  Ion  sacré,  en  marchant  aux  factieux,  je  prouverais  au 
«  monde  entier  que  l'Empereur  n'a  pas  de  plus  fidèles  sujets 
«  que  les  Maçons  Français.  »  —  «  Les  acclamations  géné- 
«  raies  et  les  applaudissements  sans  nombre  ont  sanctionné 
«  et  gravé  ces  paroles  dans  le  cœur  de  tous  les  frères.  » 

Quelquefois,  les  frères  AHzan-Chaset,  de  hagarde,  Préfet 
du  département  de  Seine-et-Marne,  de  YBspiney,  Directeur 
de  la  Monnaie,  Lelièvre-VUlcttc,  Maître  des  Cérémonies  de 
la  Grande-Loge  d'Administration,  Emmanuel  Dupaty,  le  géné- 
ral Lassalîe,  et  d'autres  favoris  des  muses,  «  embellissent  de 
leurs  compositions  ces  séances  mémorables.   » 


i 


ï 


306  IA   FRANC-MAÇONNERIE 

Mais  les  jours  les  plus  beaux  sont  aussi  les  plus  courts. 
«  L'aurore  vient  surprendre  les  heureux  convives.  »  Le 
Grand-Maître  annonce  qu'il  est  minuit.  «  Les  refrains  de 
«  clôture  ont  retenti,  et  le  Sérénissime  Grand-Maître  a  fermé 
«  les  Travaux  du  Grand-Orient  de  France  en  la  manière 
ce  accoutumée.  La  députation  ordinaire  a  reconduit  jusqu'à  sa 
a  voiture  le  Sérénissime  Grand-Maître  avec  les  honneurs 
«  suprêmes  qui  lui  sont  dûs  ;  et  chacun  s'est  retiré  en  paix.  » 


Notre    essai    de    reconstitution    demeurerait    incom- 

i 

plet  si  nous  ne  faisions  entendre  un  écho  des  harangues 
enflammées  qui  retentirent  sous  les  voûtes  du  grand 
((  Temple  »  Maçonnique.  »  Nous  regretterions  aussi 
d'avoir  laissé  de  côté  ces  Epitres,  ces  Odes,  ces  allégo- 
ries, ces  boutades,  ces  bouts-rimés,  qu'inspire  une  muse 
ignorée  du  Parnasse  antique,  la  muse  Maçonnique.  Nos 
extraits  permettront  aux  admirateurs  du  Grand-Orient 
Impérial,  s'il  en  est  encore,  et  en  tout  cas,  aux  lecteurs 
curieux,  de  se  faire  une  idée  exacte  de  ce  genre  d'élo- 
quence, qui  n'a  pas  encore  trouvé  sa  place  dans  nos 
manuels  de  rhétorique.  L'éloquence  Parlementaire  était 
muette.  L'éloquence  Maçonnique  la  remplaça.  Les  Con- 
ventionnels et  les  révolutionnaires  convertis,  et  riche- 
ment nantis,  retrouvèrent  une  tribune.  Leur  enthou- 
siasme est  aussi  fervent,  mais  il  n'a  plus  le  même  objet. 

Les  frères  de  Beaure  paire,  de  Joly.  Régnaud 
Saint-Jean  d'Angély,  Manger  et,  de  Beanmont,  Houe! 
DeJahaye,  dont  les  noms  sont  pour  la  plupart  tombés 
dans  un  oubli  aussi  juste  que  profond,  ont  laissé  à 
nos  modernes  louveteaux^  leurs  futurs  émules,  des  mo- 
dèles de  tous  les  genres  d'éloquence,  depuis  le  compli- 
ment, écrit  dans  le  style  le  plus  fleuri,  jusqu'à  l'oraiï 
funèbre. 

Mais  la  prose  n'a  pas  suffi   à  ces   ouvriers   ((   subli- 
-    ».    qui   travaillèrent   sous   la   Grande-Maîtrise   du 

Sérénissime  frère  Jean-Jacques  Régis  Ordre,  prince    le 

Panne    T  a  noésie  leur  prêta  ^cs  ailes. 


IBBHDBKuaaBaBtata 


i;t  empire  307 

Trop   modestes,    vraiment,    les   panégyristes    et    les 
chantres  du  «  Héros  de  la  France  »,  du  ((  Nouveau 
Mars  »,  de  «  ses  braves  Compagnons  »,  ne  furent  ja- 
mais tentés  de  réunir  ces  choses  ((  charmantes,  spiri- 
tuelles »,  pour  en  composer  une  Anthologie. 

Xous  ne  prétendons  point  garder  pour  nous  seuls  ces 
richesses  littéraires.  Xous  sommes  un  profane.  Xous 
craindrions  que  quelque  adepte,  pour  qui  tout  ce  qui 
est  maçonnique  est  sacré,  l'œil  courroucé,  et  la  lèvre  dé- 
daigneuse, nous  lançât  le  méprisant  :  Barbants  lias  se- 
getes.  Aux  admirateurs  des  grands  ancêtres  nous  avons 
voulu  donner  cette  Anthologie. 

Cependant  une  considération  —  plus  haute  —  anime 
et  soutient*  notre  zèle.  Nos  extraits  n'offriront  pas  un 
simple  intérêt  de  curiosité.  Ils  semblent  avoir  une  cer- 
taine importance  au  point  de  vue  historique.  Xous  ver- 
rons dans  quelle  mesure  les  adeptes  de  la  Maçonnerie 
possèdent  ce  tact,  cette  délicatesse,  cette  dignité,  cette 
élévation  que  nous  admirons  dans  les  belles  pages  de 
Bossuet,  de  Fénélon,  de  Bourdaloue. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  convient  de  suivre  un  ordre. 
Xous  donnons  le  premier  rang  à  la  prose.  Nous  ran- 
geons nos  extraits  sous  les  titres  suivants  :  Compli- 
ments au  Grand-Maître.  —  Panégyriques  de  l'Empe- 
reur. —  Apologie  de  la  Maçonnerie.  —  Eloges  funè- 
bres. —  Le  Roi  Joseph. 


îk1KttrtMy*fflttftfitthi 


CHAPITRE  VI 

Anthologie  Maçonnique. 

PREMIERE  SECTION.  —  PROSE. 

Compliments  au  Grand-Maître. 

Du  frère  Regnaud  de  Saint-Jean-d'Angély,  28  dé- 
cembre 1807. 

«  Qui  mieux  que  vous,  Sérénissime  Grand-Maître,  peut 
«  être  l'organe  des  sentiments,  des  cœurs  vraiment  français 
«  et    vraiment    Maçons  ? 

«  Vous  venez  de  parcourir  une  des  plus  belles  parties  de 
«  cet  Empire,  heureux  en  même  temps  des  bienfaits  qu'il  a 
«  reçus  et  des  bienfaits  qu'il  attend  encore  de  son  Souve- 
«  rain. 

«  On  a  fait  autour  de  vous  retentir  dans  les  cités,  dans  les 
«  villages  les  noms  glorieux  de  Napoléon,  et  l'écho  des  hym- 
«  nés  d'amour  que  les  Maçons  ont  fait  entendre  dans  leurs 


3IO  LA   FRAXC-MAÇOXXKRIE 

«  religieux  et  civiques  concerts,  semble  résonner  jusque  dans 
«   ce    Temple. 

«  Elle  est  mémorable  aussi  pour  les  Représentants  des 
«  Révérendes  Loges  de  France,  la  Fête  où  ils  reçoivent  leur 
«  Grand-Maître  à  peine  de  retour  dans  la  capitale. 

u  En  allant  remplir  une  des  plus  importantes  fonctions  de 
«  l'ordre  politique,  vous  avez  porté  l'espérance  au  sein  des 
«  plus  riches  provinces,  des  plus  importantes  cités. 

«  Depuis  de  longues  années,  vous  aviez  semé  dans  ces 
«  belles  contrées,  les  bienfaits,  les  consolations  ;  tant  de  villes 
a  vous  doivent  de  bons  magistrats  ;  tant  de  familles  vous 
«  doivent  leur  père  ou  leur  appui  ;  tant  de  citoyens,  un  patro- 
«  nage  généreux  ;  les  villes,  les  familles,  les  citoyens  ont 
«  essayé  de  s'acquitter,  et  l'émotion  dont  vous  n'avez  pu 
«  essayer  de  vous  défendre  a  prouvé  que  son  cœur  les  avait 
«  entendus.  Quand  l'idiome  profane  a  manqué  d'expressions 
«  peur  peindre  les  sentiments  qu'on  voulait  nous  transmettre, 
«  les  Maçons  ont  fait  parler  la  langue  sacrée,  et  ses  termes 
«  mystérieux,  ses  symboliques  allégories  ont  servi  à  mieux 
«  peindre  la  reconnaissance  des  peuples  envers  leur  Souve- 
a  rain  et  envers  le  premier  des  dépositaires  civils  de  sa 
«  confiance. 

«  Le  Grand-Orient  de  France,  Sérénissime  Grand-Maître, 
«  s'unit  aux  sentiments  qui  vous  ont  été  exprimés,  et  s'il 
«  pouvait  les  rendre  avec  plus  d'énergie  et  de  vérité,  c'est 
«  que  ses  membres  approchant  plus  souvent  de  votre  per- 
«  sonne,  ont  plus  d'occasions  d'en  apprécier  la  justice.  » 

((  Ce  morceau  d'architecture,  écrivait  le  frère  G.  de  Beau- 
ce  mont,  Secrétaire-Général,  si  conforme  aux  sentiments  de 
«  l'Assemblée,  reçoit,  sur  Tordre  et  le  signal  du  Grand- 
ce  Maître,  les  applaudissements  les  plus  unanimes.   » 

Discours  du  Frère  Delahaye,  prononcé  à  la  même  date. 

a  La  solennité  qui  nous  rassemble  ne  peut  que  nous  être 
«  bien  agréable,  puisqu'elle  est  l'heureuse  époque  h  laquelle 
<(  nous  voyons  réunie  la  grande  majorité  des  Représentants 
«   du  Graml-<  Vient. 

((   Ce  qui  lui  donne  un  avantage  de  plus  à  nos  yeux,  c'est 


ET  i/Empirk  311 

«  que  c'est  presque  la  seule  à  laquelle  nous  puissions  jouir 
<(  de  la  faveur  de  posséder  dans  notre  sein  les  Grands-Offi- 
«  ciers   d'Honneur   du   Grand-Orient. 

«  Mais  ce  qui  nous  rend  cette  solennité  si  belle,  si  pré- 
«  cieuse,  c'est  qu'elle  es.t  la  seule  qui  nous  procure  le  bonheur 
<(  de  voir  le  Grand-Orient  éclairé  de  la  présence  infiniment 
<(  chère  du  Sérénissime  Grand-Maître. 

«  C'est  quand  nous  avons  la  faveur  de  travailler  sous 
«  votre  maillet,  Sérénissime  Grand-Maître,  que  nous  pouvons 
<(  dire,  que  nous  disons  réellement  :  «  C'est  aujourd'hui  pour 
«  nous  un  jour  de  fête.   » 

«  Si  nous  n'avons  pas  souvent  cet  avantage,  nous  n'osons 
«  pas  nous  en  plaindre  :  les  hautes  fonctions  auxquelles  vous 
«  appellent  et  vos  lumières,  et  le  choix  du  Souverain,  vous 
u  imposent  des  obligations  dont  nous  ne  pouvons  pas  désirer 
«  de  vous  distraire,  puisqu'elles  contribuent  au  bonheur  géné- 
«  rai  ;  mais  dans  ces  moments  trop  courts  que  vous  voulez 
«  bien  nous  accorder,  voyez  quel  accord,  quelle  union  régnent 
«  parmi   nous. 

«  Composé  de  Maçons  qui  obéissent  à  des  Rits  différents, 
«  le  Grand-Orient  n'a  cependant  qu'une  volonté,  qu'une 
<(  âme. 

«  Divisés  d'opinions  sur  le  cérémonial  de  nos  rits,  nous 
«  cessons  de  l'être. au  moment  où  il  s'agit  de  chercher  ensem- 
«  ble  la  vérité. 

«  Et  si  nous  avons  l'air  de  suivre  un  chemin  différent,  nous 
«  ne  tendons,  nous  n'arrivons  pas  moins  ensemble  au  même 
«  but. 

«  Semblables  à  deux  fleuves  qui  promenant  dans  le  même 
a  lit,  sans  les  confondre,  leurs  ondes  calmes  et  paisibles,  les 
«  conduisent  ainsi  jusqu'à  l'océan,  où,  sans  bruit,  sans  fracas, 
«  elles  se  mêlent  à  l'immensité  des  mers,  et  ne  laissent  pas 
«  même  l'idée  de  leur  désunion  antérieure  ; 

«  Les  différents  rits  qu'a  reconnus  1e  Grand-Orient  de 
«  France,  suivant  chacun  séparément  leurs  cérémonies  parti- 
«  culières,  viennent  se  confondre  dans  le  centre  commun  des 
«  lumières  de  la  Maçonnerie,  et  ne  laissent  pas  même  soup- 
«  çonner  qu'il  est  un  point  de  vue  sous  lequel  ils  diffèrent 
«  l'un  de  l'autre. 

«  Et  cette  concordance  parfaite  d'opinions  que  vous  remar- 


312  LA   FRANC-MAÇONNERIE 

«  quez  dans  le  Grand-Orient,  croyez,  Sérénissime  Grand- 
ce  Maître,  qu'elle  est  la  même  dans  chacun  de  ses  Ateliers. 

«  Les  discussions  peuvent  y  être  graves,  sérieuses,  proton- 
ce  des,  mais  elles  n'y  sont  jamais  animées  par  l'esprit  de 
«  parti. 

a  Xous  cherchons  la  vérité,  et  nos  discussions  n'ont  d'au- 
u  tre  but  que  celui  de  la  trouver. 

«  -Tros  Ruiulusve  fuat,   nullo   discrimine   habebo. 

«  Virg.  Aeneid.  Lib.  x. 

«  Xous  devons  être  justes  ; 
«   Xous   voulons   l'être  ; 
«  Xous  le  sommes. 

«  Xous  pouvons  nous  tromper  ;  mais  si  l'erreur  nous  abat. 
«  jamais  la  passion  ne  nous  aveugle. 

«  C'est  vous,  Sérénissime  Grand-Maître,  que  nous  pre- 
«  nons  pour  modèle. 

«  Xous  ne  voulons  pas  être  indignes  du  chef  qui  veut 
«  bien  nous  donner  l'exemple.   » 


Discours  du  Frère  Houcl,  26  juin  1809. 

«  Fidèles  au  but,  fidèles  aux  emblèmes  de  notre  Ordre, 
«  c'est  surtout  en  ce  jour  que  nous  aimons  à  nous  considérer 
«  comme  des  ouvriers  exécutant  avec  zèle  les  ordres  d'un 
«  architecte  habile,  lui  rendant  compte  de  nos  travaux  et  sol- 
ce  licitant   de   nouvelles   instructions. 

«  C'est  sous  ce  rapport;  Sérénissime  Grand-Maître,  que 
«  nous  sommes  tentés  de  nous  féliciter  de  ce  que  vos  impor- 
«  tantes  occupations,  votre  haut  rang  dans  l'Etat,  ne  vous 
«  permettent  pas  de  présider  nos  séances  ordinaires  ;  quel- 
«  que  avantage  que  l'Art-Royal  en  retirât,  quelque  bonheur 
«  qui  en  résultât  pour  tous  les  Membres  du  Grand-Orient. 
«  nous  y  perdrions,  je  ne  crains  pas  de  le  dire,  nous  cesse- 
«  rions  d'avoir  cette  crainte  régulatrice  qui  préside  â  toutes 
u  nos  délibérations,  tout  se  ferait  de  confiance,  et  sûrs  de  ne 
«  pas  nous  égarer  en  suivant  notre  voie,  nous  n'aurions  plus 
»  devant  les  yeux  le  désir,  le  besoin  de  justifier  votre  indui- 
te   gence,  nous  serions  dispensés  de  nous  dire  â  chacune  de  nos 


._ 


ET   L'EMPIRE  313 

«  délibérations,  qu'elles   doivent  toutes   être  dignes  de   notre 
«  Chef  :  sint  Consnle  dignœ. 

«  Ce  désir  a  toujours  été  présent  à  notre  pensée  depuis  que 
«  le  soleil  remonte  vers  l'équateur,  comme  dans  ses  phases 
«  antérieures  ;  puisse  le  compte  auquel  vous  daignez  prêter 
«  attention,  vous  en  offrir  la  preuve.  » 


Discours  du  Frère  de  Beaurepcrire,  26  juillet  (?)  1809. 

«  Tel,  l'astre  radieux  de  lumière,  répandant  ses  plus  dou- 
«  ces  influences  et  ses  bienfaits  sur  toute  la  nature,  l'éclairé, 
«  l'anime,  et  l'échauffé  en  tempérant  ses  feux  ; 

«  Tel,  Sérénissime  Grand-Maître,  vous  répandez  sur  nous, 
«  sans  intermédiaire,  vos  faveurs  les  pLus  chères,  et,  sur 
«  tous  les  Maçons,  votre  protection  et  vos  plus  doux  bien- 
a   faits,  en  les  animant  du  feu  le  plus  pur  de  la  sainte  amitié. 

«  L'éclat  et  la  majesté  que  vous  donnez  en  cet  instant  au 
«  Sénat  Maçonnique  assemblé  ; 

«  Le  cortège  imposant  des  Illustres  Frères  Grands-Offi- 
«  ciers  dignitaires  qui  vous  entourent,  et  dont  les  talents 
«  comme  les  vertus  sont  en  harmonie  avec  l'Orient  qu'ils 
<c  décorent,  en  faisant  une  illusion  bien  douce  à  nos  cœurs 
«  et  à  nos  yeux,  nous  représentent  en  ce  jour  de  fête,  les 
«  richesses  éblouissantes  du  céleste  séjour,  et  le  bonheur  de 
«  l'Empyrée. 

a  Recevez,  avec  nos  vœux,  l'hommage  que  nous  devons  à 
«  vos  vertus  et  à  vos  bienfaits. 

a  Pardon,  Mes  Très  Révérends-Frères,  si  j'ai  osé  mêler 
«  ma  voix  aux  accents  mélodieux  de  l'orateur  (frère  Houel) 
«  qui  m'a  précédé  ; 

«  Je  sens  mon  insuffisance  et  je  redescends  à  ma  place...  » 


Discours  du  F.  G.  de  Beauuiout,  25  juin  1812. 

«  C'est  un  hommage  que  nous  vous  devons,  Sérénissime 
«  Grand-Maître,  et  que  nous  nous  plaisons  à  vous  rendre 
«  dans  ces  jours  solennels,  où  nous  célébrons  sous  vos 
«  yeux  la  fête  de  l'Ordre  !  Les  lumières  que  vous  répandez 


314  J.A   FRANC-MAÇONNERIE 

<(  sur  nous,  votre  candeur  (  !),  la  grâce  avec  laquelle  vous  pré- 
«  sidez  nos  sublimes  travaux,  font  disparaître  l'homme 
«  d'Etat,  pour  ne  nous  montrer  que  le  parfait  Maçon  ;  vous 
«  embrasez  nos  cœurs  de  ce  feu  brûlant  qui  vivifie,  et  le 
«  sentiment  que  votre  sagesse  y  fait  naître  ne  peut  se 
«  payer  que  par  le  tribut  de  la  plus  tendre  reconnaissance 
«  que  nous  vous  vouons  à  jamais. 

«  Le  jour  précieux  de  votre  naissance,  vous  reçûtes  le  nom 
«  de  Jean,  qui  est  aussi  le  patron  des  Maçons  ;  on  prévoyait 
a  déjà  que  vous  seriez  la  colonne  de  l'Ordre  Maçonnique. 

«  Rien  ne  se  fait  au  hasard  ;  vous  avez  rempli  vos  des- 
«  tins. 

«  Qu'il  nous  soit  donc  permis,  Sérénissime  Grand-Maître, 
«  de  joindre  à  la  solennité  de  ce  jour  l'expression  du  senti- 
«  ment  qui  nous  anime  :  c'est  l'hommage  de  notre  respect, 
«  de  rattachement  le  plus  inviolable,  que  nous  vous  offrons 
«  pour  bouquet. 

«  Je  laisse  au  Frère  Grand-Orateur  à  développer  avec 
«  cette  sensibilité  qui  le  caractérise,  le  sentiment  que  je  ne 
«  fais  qu'esquisser.   » 


Discours  du  Frère  Houcl,  même  date. 


«  Vos  cœurs  s'élancent  vers  le  trône,  Mes  Frères  ;  vous 
«  attendez  impatiemment  la  fin  de  mon  discours,  parce  que 
«  vous  espérez  présenter  vos  vœux  annuels  au  Sérénissime 
«  Grand-Maître,  en  ce  jour  qu'une  douce  habitude  vous  fait 
«  regarder  comme  celui  de  sa  fête  patronale. 

«  Vous  brûlez  de  lui  témoigner  combien,  suivant  l'expres- 
«  sion  d'un  poète  latin,  il  est  doux,  lorsque  tant  d'hommes 
«  s'égarent  dans  les  routes  incertaines  d'une  vie  agitée,  de 
«  tenir  étroitement  embrassée  une  des  colonnes  du  temple  où 
«   il  prononce  les  oracles  de  la  sagesse  : 

«  Nil  dulcius  est.  bene  quant  munita  tenere 
Edita  doctrinâ  sapientum   Templa  screnâ. 

«  Peu  s'en  est  fallu.  Mes  Frères,  (pie  vos  espérances  ne 
u   fussent  tr<  mpées  <  u  au  moins  retardées.  On  a  douté  si  le 


ET   L'EMPIRE  315 

•«  Prince  qui  nous  gouverne  a  pour  patron  saint  Jean  l'évan- 
<(  yélistc,  ou  saint  Jean  l'apôtre  (sic). 

«  Entre  le  sage  du  désert  et  le  patriarche  de  la  charité, 
«  entre  le  précurseur  du  Christ  et  son  disciple  bien-aimé, 
«  nulle  raison  ne  semblait  devoir  faire  pencher  la  balance  ;  ils 
«  sont  l'un  et  l'autre  les  protecteurs  de  l'Ordre  (  !)  ;  ils  sont 
«  l'un  et  l'autre  les  modèles  de  son  Chef. 

«  Mais  il  faut  de  puissants  motifs  pour  retarder  les  plaisirs 
«  du  cœur,  et  nous  avons  senti  que  nous  serions  mal  accueil- 
ce  lis  en  vous  proposant  de  les  différer.  Rassurez-vous  donc, 
■«  Mes  Frères,  et  que  l'Orateur  qui  me  succédera  à  la  pro- 
«  chaine  fête  de  l'Ordre  se  console  ;  il  saura  donner  un  nou- 
«  vel  éclat  aux  fleurs  que  nous  présentons  aujourd'hui,  et 
«  ranimer  l'expression  de  sentiments  toujours  renaissants  ; 
«  il  aura  encore  des  bienfaits  à  célébrer.  Les  grands  desseins 
«  de  Napoléon  accomplis...  peut-être  son  retour...  celui  de  son 
«  auguste  compagne,  lui  fourniront  une  ample  matière  pour 
réclamer   votre   attention   sans   crainte   de   la    fatiguer. 

a  De  grands  souvenirs,  de  prochaines  espérances,  voilà  ce 
«  que  nous  devons  au  héros  dont  la  destinée  est  de  tracer  la 
«  limite  de  son  Empire.  Cultivons  soigneusement  pour  lui 
«  les  lauriers  et  l'olivier  ;  mais  épuisons  en  ce  jour  les  roses 
•«  pour  l'homme  de  son  choix.   » 


//.  —  ELOGE  DE  SA  MAJESTE  L'EMPEREUR. 

Discours  prononce  par  le  Très  Cher  Frère  de  Joly, 
•avocat  au  Conseil  d'Etat  et  en  la  Cour  de  Cassation, 
Orateur  du  Grand-Orient  en  sa  Grande-Loge  d'Admi- 
nistration. 

«  Mes  Frères,  la  paix  règne  parmi  le  peuple  Maçon  :  il 
«  peut  se  livrer  sans  inquiétude  et  sans  trouble  à  cette  mis- 
«  sion  sainte  de  vivifier  toutes  les  affections,  d'éclairer,  de 
<(  diriger  toutes  les  passions  douces  si  bienfaisantes,  qui  font 
«  le  bonheur  de  l'humanité  ou  la  consolent,  dans  ses  afflic- 
«  tions. 

«  Mais  !  qui  donc  a  placé  ce  mur  d'airain   entre   nous  et 


316  LA   FRANC-MAÇOXNERIE 

«  ces  effroyables  tempêtes  qui  ravagent  les  contrées  lointai- 
«  nés  ?  Quel  génie  tutélaire  a  préservé  l'arche  sacrée  de  cette 
«  désolation  commune  ? 

«  Ah  !  mes  Frères  !  je  porte  mes  regards  dans  cette 
«  enceinte,  naguère  resplendissante  des  rayons  de  gloire  de 
«  tant  de  valeureux  guerriers  ;  je  cherche  les  généraux 
«  d'Alexandre,  ils  l'ont  suivi  ;  hier  encore  ils  s'associaient 
a  à  nos  paisibles  travaux...  ;  et  déjà  l'empire  de  Darius  est 
«  détruit,  le  trône  de  Sidon  relevé.  Mais  plus  sage  que  le 
«  rils  de  Philippe,  leur  auguste  Chef  saura  mettre  des  bornes 
«  même  à  sa  fortune. 

a  Quel  tableau  que  celui  de  ses  grandes  actions  !  La  France 
«  arrachée  à  l'anarchie  ;  les  ressorts  usés  de  l'antique  Monar- 
«  chic,  retrempés  par  son  génie  ;  les  horreurs  de  la  révo- 
«  lution  oubliées,  ses  bienfaits  conservés  :  l'Europe  forcée 
«  d'être   aussi   heureuse   que   la   France. 

«  Oh  !  Henri  IV,  on  admira  longtemps  comme  un  beau 
«  rêve  le  projet  qui  occupa  tes  dernières  années,  et  ce  tom- 
«  beau  que  tu  voulais  aller  creuser  à  l'ambition  autrichienne. 
«  au  sein  même  de  la  Germanie  :  le  plus  digne  de  tes  succes- 
«  seurs  vient  de  le  réaliser.  Que  dis-je  ?  il  l'a  agrandi,  et 
«  toutes  les   ambitions   ont  disparu   devant  lui. 

u  II  a  délivré  pour  jamais  les  peuples  du  Midi  de  la  crainte 
«  des  barbares  du  Nord  ;  crainte  invétérée  que  quatorze  siè- 
«  clés  d'une  supériorité  toujours  croissante  n'avait  pu 
«  détruire  ;  crainte  qui  était  devenue  une  espèce  de  supersti- 
a  tion,  une  vérité  politique  fondée  sur  les  monuments  de 
«  l'histoire. 

«  Par  lui  le  génie  de  la  France  plane  sur  les  bords  de  la 
«  Yistule  et  de  la  Néwa.  Qu'on  ne  dise  pas  que  celui  de 
«  Pierre  l'avait  devancé  ;  nous  avons  vu  avec  Swarow,  les 
«  Russes  dégénérés  de  ce  Pierre,  l'enfant  gâté  de  la  renom- 
ce  mée  ! 

«   Napoléon  sera  le  vrai  législateur  du  Nord  :  nouvel  Odin 
((   il    va    vivifier    ces    âmes    fortes  :    et   les    idées   libérales    du 
«  xix"  siècle,  du   Siècle  du  Grand  Napoléon,  vont  germer 
«   dans   ces    contrées   barbares,   OU   des      Princes   assassins  ou 
«  massacrés  ont  été  nos  contemporains. 

«   Heureuses  ces  régions  lointaines  si,  connue  l'Italie,  elles 


2?  i/e;mpire  317 

«  voient  leurs  nouvelles  destinées  confiées  à  un  Prince  de 
«  son  sang,  compagnon  de  ses  victoires. 

«  C'est  là,  c'est  dans  la  Grande-Grèce,  c'est  dans  le  Sam- 
«  niutn  qu'il  a  envoyé  le  Titus  de  sa  famille,  ce  prince  aima- 
«  ble  dont  la  gloire  et  les  vertus  rejaillissent  sur  le  Grand- 
«  Orient  de  France,  tout  orgueilleux,  non  des  couronnes. 
«  mais  des  qualités  vraiment  royales  de  son  Chef. 

«  Que  d'autres  essaient  d'achever  ce  tableau,  et  d'élever 
«  leurs  chants  à  la  hauteur  du  sujet  :   efforts  impuissants  ! 

«  Napoléon  a  vaincu  la  renommée  ;  son  nom  seul  traversera 
«  les  siècles,  quand  tous  les  monuments  de  sa  gloire  auront 
«  subi   la  loi   du   temps. 

«  Et  vous,  Sérénïssime  Grand-Maître  !  dépositaire  de  la 
«  pensée  et  du  pouvoir  du  Héros  ;  vous  qu'il  a  cru  assez 
«  grand,  assez  sage  pour  lui  confier  la  tranquillité  de  ce  vaste 
«  Empire,  sans  le  secours  d'une  force  publique  ;  vous  qui, 
«  seul  et  sans  le  prestige  des  armes,  faites  jouir  cette  seconde 
«  Rome  de  toutes  les  douceurs  de  la  paix,  votre  nom  sera 
«  dans  tous  les  siècles  associé  à  son  grand  nom  :  et  s'il 
«  nous  rappelle  Auguste  et  Henri  IV,  vous  nous  rappelez  à 
«  la  fois  Mécène,  Agrippa  et  Sully.  » 

Le  Secrétaire-Général  écrit  : 

«  Cette  péroraison,  comme  l'éclair  électrique,  fait  passer 
«  dans  tous  les  cœurs  les  mêmes  sentiments  d'admiration  et 
«  de  reconnaissance  ;  toutes  les  mains  sont  levées,  et  atten- 
«  dent  avec  impatience  le  signal  des  applaudissements. 

«  Mais  le  Sérénissime  Grand-Maître,  prenant  la  parole, 
«  dit  avec  la  douceur  et  l'aménité  qui  le  caractérisent  : 
«  J'aurais  déjà  provoqué  l'applaudissement  si  unanimement 
«  désiré,  sans  les  choses  flatteuses  qui  me  sont  péronnelles 
c  dans  le  discours  vraiment  digne  de  Maçons  français,  que 
«  vient  de  prononcer  le  frère  De  Joly.  Mon  Représentant 
«  particulier  va  me  suppléer  en  cette  circonstance.  » 

Discours  du  F.  de  Joly  {Saint-Jean  d'Bté,  1807). 


«  Alexandre  étonna  le  monde  par  la  rapidité  de  ses  con- 
«  quêtes  ;  mais  Alexandre  laissa  perdre  le  nom  de  ses  braves 


3i8 


LA    FRAXC-MAÇOXXERIE 


«  Macédoniens  ;  ce  Héros  ne  vit  à  sa  mort  que  des  Perses  ou 
«  des  Grecs,  et  sa  patrie  n'existait  déjà  plus. 

«  Plus  heureux  que  ce  peuple  oublié,  la  France  voit  le 
«  nom  de  la  Grande  Nation  s'étendre  avec  la  gloire  et  la 
«  puissance  de  son  Chef  ;  et,  grâce  à  son  génie,  la  posté- 
«  rite,  dans  ses  fastes,  distinguera  l'époque  de  l'Univers 
«  Français  comme  elle  a  signalé  celle  de  YL'nizcrs  Romain. 

«  A  ce  nom,  l'âme  s'élève...  Le  cœur  s'enflamme  encore  au 
«  souvenir  de  ce  Sénat,  dont  la  profonde  sagesse  le  rendit, 
«  au  bout  de  cinq  siècles,  le  maitre  du  monde...  Mais  cora- 
«  bien  Napoléon  a  plus  fait  en  moins  d'années,  et  quelle 
«  supériorité  dans  sa  politique  ! 

«  Il  régénère,  et  Rome  opprimait  ;  il  fonde  des  royaumes, 
«  et  Rome  réduisait  les  empires  en  provinces.  Rome  ne  cher- 
ce  chait  qu'à  s'agrandir  :  les  conquêtes  du  Héros  français  ne 
«  sont  pour  lui  que  des  remparts  éloignés  de  la  Grande- 
ce  Nation,  les  gages  de  notre  sûreté,  la  récompense  de  la 
«  bravoure,  le  prix  héroïque  du  courage  et  de  la  vertu. 

«  C'est  ainsi  que,  fidèle  à  sa  généreuse  et  sage  politique. 
«  nous  avens  vu  naguère  son  génie  s'élancer  aux  rives  du 
a  Bosphore,  soutenir  les  antiques  murailles  de  Byzance.  ren- 
a  dre  à  l'indépendance  les  descendants  de  Mahomet...  Et  cette 
a  Asie  où  vint  s'anéantir  la  puissance  romaine,  devenir  pour 
<c   Napoléon  un  nouveau  théâtre  de  grandeur  et  de  gloire. 

«  Parcourons  l'ère  moderne.  Ce  n'est  qu'après  trente-deux 
«  campagnes  sanglantes  que  nous  voyons  Chavlcmagnc  sub- 
■«  juguer  les  peuplades  du  Nord.  Une  seule  marche  porte 
«  son  successeur  aux  bords  de  la  Yistule.  —  Et  dans  cette 
«  courte  période,  le  trône  de  Frédéric  a  disparu.  —  Et  peut- 
«  être  l'empire  du  Czar  n'a  dû  son  salut  qu'à  cette  multitude 
«  d'obstacles  que  la  nature  et  le  climat  ont  accumulés,  et 
«  centre  lesquels  le  courage  et  le  génie  sont  impuissants. 

«  Forcé  de  suspendre  un  moment  le  cours  de  ses  exploits; 
«  condamné,  pour  la  première  fois,  à  goûter  le  repos,  le  temps 
«  n'a  pas  été  perdu  pour  la  gloire  :  il  n'a  servi  qu'à  préparer 
((  des  triomphes  nouveaux. 

u  Les  frimas  ont  à  peine  disparu,  que  les  murs  de  Dant- 
<c  zick  retentissent  de  nos  chants  de  victoires  ;  et  que  du  haut 
«  de  ses  tours  où  il  plane  fièrement,  l'aigle  français  jette  la 
«   confusion  et  la  terreur  dans  les  rangs  ennemis. 


ET    L'EMPIRE  319 

((  Puisse  ce  dernier  prodige  de  ses  armes  !  puisse  celui  qui 
«  vient  tout  récemment  de  s'opérer  aux  combats  de  Spandau, 
«  sous  les  murs,  dans  les  plaines  de  Heilsberg  :  prodige  plus 
«  éclatant  encore  que  tous  ceux  dont  nous  avons  à  nous  glo- 
«  rifier  :  puissent-ils  enfin  dissiper  l'esprit  de  vertige  qui 
«  s'est  emparé  de  ces  nouveaux  Philistins,  et  mettre  un 
«  terme  aux  sanglantes  catastrophes  qui  désolent  la  terre  !" 

«  Et  s'il  faut  de  nouveaux  combats,  si  l'humanité  est  encore 
«  condamnée  à  gémir,  puissent  nos  vœux,  veillant  sans  cesse 
«  sur  les  destinées  du  Héros,  obtenir  du  Grand-Etre,  qu'il 
«  étende  une  main  protectrice  sur  son  Auguste  Personne  ! 
«  puisse  enfin  Napoléon,  après  avoir  couronné,  par  une 
«  paix  durable,  ses  immortels  travaux,  jouir  longtemps  du 
«  bonheur  de  son  peuple  et  de  ses  bénédictions. 

«  Illustre  et  Sérénissime  Grand-Maître,  soyez  le  déposi- 
«  taire  de  nos  vœux  et  l'interprète  de  nos  sentiments  :  vous, 
«  dont  l'administration  sage  et  sévère  justifie  si  dignement  la 
«  confiance  du  Prince  ;  vous  dont  la  magistrature  rappelle 
«  sans  cesse  le  glorieux  consulat  de  Cicéron,  de  cet  homme 
«  étonnant  qui,  loin  de  la  carrière  des  armes,  sut,  ainsi  que 
«  Votre  Altesse,  s'immortaliser  et  se  fonder,  dans  la  recon- 
<<  naissance  de  ses  concitoyens,  une  renommée  d'autant  plus 
«  durable  qu'elle  est  dégagée  de  tous  les  prestiges,  de  toutes 
«  les  illusions.  » 


Discours  du  Très  Révérend  Frère  Régnaud  de  Saint- 
Jcan-d'Angély.  (Saint-Jean  d'Hiver,  1807). 

a  La  fête  qui  nous  rassemble,  toujours  chère  aux  cœurs 
«  éclairés  de  la  vraie  lumière,  doit  recevoir,  des  circonstances 
u  qui  l'ont  précédée,  un  intérêt  plus  vif,  un  éclat  plus  impo- 
«  sant,  une  solennité  plus  auguste.  Je  ne  sais  quel  senti- 
ce  ment  de  crainte  se  mêlait,  il  y  a  un  an,  à  la  joie  de  cette 
«   réunion. 

«  Nous  formions  alors,  dans  cette  enceinte,  des  vœux  dont 
«  le  Grand  Architecte  de  l'Univers  a  confié  l'accomplisse- 
«  ment  au  Héros  de  la  France,  au  génie  qu'il  a  créé  dans  sa 


^.'^lv^^.'g■ 


320 


LA   FRAXC-MAÇOXNERIE 


«  bienfaisante  sagesse,  pour  être  le  Régulateur  de  l'Europe, 
«  le  Bienfaiteur  du  monde,  l'Organe  du  Destin. 

«  Il  était  alors  éloigné  de  ses  enfants,  le  père  de  la  patrie  ; 
<(  il  bravait,  efltouré  de  ses  guerriers,  les  fatigues  des  mar- 
«  ches  forcées,  la  rigueur  des  saisons,  les  dangers  des 
«  batailles. 

«  Alors  il  combattait  pour  la  Paix,  et  aujourd'hui  la  Paix 
«  continentale,  conquise  par  la  victoire,  jurée  par  la  bonne 
«  foi,  affermie  par  une  ligue  sainte,  laisse  respirer  la  terre, 
«  console   l'humanité  et  permet  l'espoir  à  l'Univers. 

<(  Que  nos  premières  paroles  soient  donc,  mes  Frères,  un 
«  concert  de  bénédictions,  de  reconnaissance  et  d'amour 
«  envers  Xapoléox. 

«  Que  le  Sérénissime  Maître,  qui  nous  préside,  recueille 
«  à  cet  Orient  et  porte  aux  pieds  de  son  trône  cet  hommage 
«  que  nous  lui  rendons  au  nom  de  tous  les  Maçons  français. 

«  Que  les  aînés  des  guerriers,  que  tous  les  chefs  donnés 
«  par  le  premier  des  Monarques  à  la  première  des  armées, 
a  reçoivent  et  transmettent  à  leurs  compagnons  de  gloire. 
«  les  témoignages  éclatants  de  notre  vive  allégresse  de  leur 
«  retour,  de  notre  fraternelle  affection,  de  notre  immortelle 
«  gratitude...    » 


Discours  du  Vénérable  Frère  Delahaye  (même  datc^. 

«  ...  Je  cherche  en  vain  le  mot  qui  doit  rendre  mon  idée... 
«  Xos  pères  n'ont  jamais  rien  vu  qui  leur  ait  pu  donner  celle 
«  qu'inspire  Xapoléox,  ils  n'ont  pas  eu  besoin  d'un  mot  pour 
«   exprimer   ce   dont  ils  n'avaient  pas   même   l'idée. 

«  O  vous  que  Napoléon  daigne  honorer  de  sa  confiance. 
«  veuillez  être  auprès  de  lui  l'organe  de  notre  amour  :  por- 
«  tez  au  pied  du  trône  le  sentiment  de  tout  le  peuple  Maçon. 

«  Nous  jurons  dans  vos  mains,  pour  nous,  pour  tous  ceux 
«  qui  sont  dignes  du  nom  Maçon,  et  dont  nous  sommes  les 
«  garants,  nous  jurons  tous  à   l'Empereur  : 

((   Amour,   obéissance,    fidélité. 

'ni    mieux    que    lui    mérite,    en    effet,    notre    hommage. 
<(  notre   Adoration...  ? 

«  Qu'ai- je  dit  ?  Adoration  : 


ET.  L  EMPIRE  321 

«  Elle  n'est  due  qu'au  Grand-Architecte  de  l'Univers,  à 
«  Y  Etre  Eternel  ; 

«  Eh  !  s'il  est  vrai  que  le  nom,  que  la  gloire  de  Napo- 
tt  léox   sont  immortels...  ; 

u  S'il  est  vrai  que  le  nom,  que  la  gloire  de  Napoléon  ne 
«  périront  jamais  ; 

«  Si  notre  amour,  si  l'enthousiasme,  qu'il  nous  inspire,  nous 
«  le   font  regarder   comme   une   divinité. 

«  Les  vives  inquiétudes  que  nous  éprouvons  continuellement 
«  sur  son  sort, 

a  Les  vœux  ardents,  que  sans  cesse  nous  adressons  au 
<(  ciel  pour  sa  conservation,  ne  nous  prouvent  que  trop  que 
«  Xapoléox,  pour  être  le  chef-d'œuvre  de  la  Nature,  n'en  est 
«  pas  moins  que  nous,  hélas  !  sujet  à  la  commune  loi,  et 
«  qu'au  sein  même  de  sa  gloire  un  coup  fatal... 

«  Dieu  détourne  de  nous  ce  malheur  affreux  !...  L'idée 
«  seule  nous  glace  d'effroi. 

,  «  Assez  longtemps,  tu  as  abandonné  la  France  à  elle- 
«  même  ;  mais  puisque  tu  nous  a  montré  le  Héros  qui  doit 
«  rendre  à  notre  patrie  le  calme  et  la  tranquillité,  laisse-lui 
«  le  temps   de   consommer   son  ouvrage. 

a  Lorsqu'il  aura  rempli  ses  hautes  destinées... 

a  Lorsque,  couvert  de  lauriers,  il  viendra  jouir  au  milieu 
«  de  ses  peuples  du  fruit  de  ses  travaux,  et  recueillir  les 
«  élans  de  l'amour  et  de  la  reconnaissance, 

«  Donne  le  bonheur  et  la  paix  au  Héros  qui  a  tout  fait 
«  pour  donner  à  son  peuple  la  paix  et  le  bonheur. 

«  Et  pour  preuve  du  bonheur  mutuel  du  Souverain  et  de 
«  ses  peuples,  puissions-nous,  dans  de  longues  années,  réité- 
«  rer  avec  la  même  effusion  de  cœur  ce  vœu,  l'expression 
«  unanime  des  sentiments  de  la  France  entière  : 

«   Vive  !   Vive  l'Empereur  !  » 


Discours  prononce   par   le    Vénérable   Frère   de   Joly, 
{Fête  d'Hiver,   1808). 

«  Mes  Frères,  je  vous  ai  entretenus  de  l'état  de  la  Maçon- 
«  nerie  dans  ces  derniers  temps  ;  l'avenir  ne  se  présente  pas 

1 1 


3-22  LA   FRAXC-MAÇOXXERIE 

«  à  nous  sous  un  aspect  moins  satisfaisant.  Us  sont  loin  de 
«  nous  ces  moments  de  désastre,  où  nous  combattions  moins 
«  pour  notre  prospérité  que  pour  notre  existence. 

«  Assise  sur  ses  antiques  bases,  la  Maçonnerie  brille  d'un 
a  éclat,  dont  ses  Annales,  dans  les  plus  beaux  âges,  n'offrent 
«  pas    d'exemple. 

«  Eh  !  à  quelles  époques,  en  effet,  dans  quels  lieux  a-t-elle 
«  réuni  tant  de  moyens  de  prospérité  et  de  gloire  ?  Quand 
«  a-t-elle  reçu  une  protection  plus  éclatante  des  Souverains 
a  qui  commandent  aux  nations  ? 

«  Et  quel  Souverain  est  le  nôtre  !  N'est-ce  pas  déjà  un 
a  bienfait  de  la  Providence  d'appartenir  au  siècle  de  Napo- 
«  léon  ? 

<(  Quand  a-t-elle  compté  de  plus  fermes  appuis  ?  Et,  si 
«  j'ose  le  dire,  quand  a-t-elle  vu  plus  de  grandeurs  humaines 
a  se  confondre  sous  cette  règle  inflexible  qui  nivelle  tous  les 
«  hommes  et  ne  laisse  en  éminence  que  leurs  vertus  ? 

«  Nous  avons  vu  siéger  parmi  ncus  la  plupart  des  héros 
a  que  le  Monarque  associe  à  ses  périls,  et  plusieurs  des  hom- 
a  mes  d'Etat  dont  il  interroge  la  sagesse  dans  ses  Conseils. 

«  L'Europe  entière  est  couverte  de  nos  innombrables  tri- 
u  bus  :  et,  si  j'en  crois  mes  secrets  pressentiments,  l'Asie 
«  elle-même  sera  désormais  une  terre  hospitalière  pour  les 
a  enfants  d'Hiram.  Jeu  ai  pour  garant  l'initiation  à  nos 
«  mystères  du  Ministre  qui  représente  auprès  du  Grand 
«  Napoléon  le  plus  puissant  des  Souverains  dans  cette 
«  partie  du  globe  :  Askeri-Khan,  Ambassadeur  de  Perse, 
«  présent  à  la  séance.  Et  la  présence  de  cet  illustre  néophyte 
«  à  \r.  solennité  de  ce  jour,  est  un  hcmmage  public  aux  prin- 
ce cipes,  à  la  morale  qui  sont  tout  à  la  fois  le  bien  et  la 
«   force  de  notre  confédération. 

«  Sérénissime  Grand-Maître,  grâces  vous  soient  rendues 
«  de  nos  brillantes  destinées  ;  elles  sont  l'ouvrage  de  votre 
~^e,  qui,  comme  la  Providence,  embrasse  tout  ce  qui 
«  peut  contribuer  au  bonheur  de  l'humanité. 

«  Que  votre  sollicitude  daigne  continuer  à  veiller  sur 
((  nous.  Assis  sur  les  premières  marches  du  trône,  soyez 
u  auprès  du  Monarque  l'interprète  de  nos  vœux  pour  l'accom- 
«  plissement  de  ses  grands  desseins... 


ET   V EMPIRE  323 

III.   —  APOLOGIE    DE    LA    SAINTE-MAÇONNERIE. 

Discours  prononce  par  Son  Excellence  le  ministre 
d'Etat,  Frère  Comte  Régnaud  de  Saint-J ean-d' Angély. 

Monseigneur, 

«  Sous  vos  auspices,  Sérénissime  Grand-Maître,  l'antique 
«  famille  des  Maçons  a  repris  en  Europe  sa  place  sociale  :  le 
«  lien  protecteur  de  tous  les  enfants  de  la  Veuve,  dont  le 
«  premier  anneau  est  soudé  au  pied  du  trône  où  vous  êtes 
«  assis,  s'étend  sur  toutes  les  parties  de  l'Europe,  se  rattache 
«  à  tous  les  Empires,  se  subdivise  entre  toutes  les  Cités. 

«  Il  offre  partout  un  appui  tutélaire,  un  secours  bienfai- 
«  teur  au  voyageur  errant,  au  naufragé  sans  ressource,  au 
«  pauvre  sans  consolateur,  à  l'infortuné  sans  support. 

«  Mais  ce  n'était  pas  assez  pour  la  gloire  de  la  Maçonnerie, 
((  pour  la  renommée  de  ses  Chefs,  pour  l'avantage  de  l'huma- 
«  ni  té. 

«  Il  semble  que  tel  est  le  sort  des  institutions  françaises, 
<c  nouvelles  ou  régénérées,  non  seulement  de  s'élancer  hors  des 
a  limites  de  l'Empire,  mais  de  franchir  l'enceinte  de  l'Eu- 
«  rope,  et  d'aller  enrichir  le  monde  de  ses  bienfaits. 

«  Un  auguste  et  puissant  Monarque  a  envoyé  en  France, 
«  du  fond  de  l'Asie,  un  de  ses  plus  nobles  sujets,  un  de  ses 
«  ministres  les  plus  éclairés,  un  de  ses  guerriers  les  plus 
«  distingués. 

u  Son  Ambassadeur  est  venu  admirer  de  plus  près  le  Chef 
«  glorieux  de  notre  Empire,  et  porter  aux  pieds  de  son  trône 
«  des  paroles  d'amitié  et  de  paix,  au  nom  du  Sophi,  son 
<(  maître. 

«  Pendant  son  séjour  en  cette  capitale,  il  recueille  avec 
e  l'attention  d'un  politique,  l'habileté  d'un  sage,  la  bonté 
«  d'un  homme,  tout  ce  qui  peut  être  honorable  pour  son 
«  pays,  avantageux  à  sa  nation,  utile  à  ses  semblables. 

u  II  a  été  admis  dans  nos  mystères.  Il  lui  a  été  donné  de  voir 
-«  briller  ces  rayons  consolateurs,  qui  ont  traversé  l'immen- 
«  site  des  espaces  et  des  temps,  pour  venir  du  fond  de  l'Orient 
«  éclairer  les  hommes  justes  et  bienfaisants. 


324 


LA   FRAXC-MAÇOXXERIE 


«  Par  lui  cette  pure  lumière  retournera  vers  son  antique 
«  berceau  :  l'Asie  recouvrera  la  pieuse  et  utile  institution  dont 
«  elle  a  enrichi  nos  climats. 

«  Un  nouveau  lien  unira  les  hommes,  une  clarté  morale, 
«  commune,  éclairera  toutes  leurs  âmes,  comme  un  soleil 
«  unique   éclaire   tous  leurs  yeux. 

«  L'acacia  refleurira  sur  les  rives  de  l'Euphrate,  non  loin 
«  des  lieux  où  surgirent  ses  premiers  rameaux. 

«  Ses  rejetons  transplantés  sur  leur  terre  native  prêteront 
«  leur  abri,  ses  cultivateurs  Néophytes  offriront  leurs  secours 
«  au  voyageur  européen,  au  sein  de  la  Perse  immense,  dans 
a  ses  cités  célèbres,  dans  ses  villages  ignorés,  dans  ses  peu- 
ce  plades  lointaines,  et  jusque  dans  ses  déserts. 

«  Ces  bienfaits.  Monseigneur,  le  Maçon  reconnaissant  qui 
«  en  jouira  dans  d'autres  climats,  en  fera  hommage  à  Votre 
«   Altesse,  et  à  l'Art  Royal  qui  fleurit  sous  vos  auspices. 

«  Votre  nom  uni  aux  noms  sacrés,  gravés  dans  l'arche 
«  Maçonnique,  sera  béni  dans  les  pays  où  l'adepte  Persan 
«  va  bientôt  les   faire   connaître   ensemble.    » 

Le  Secrétaire-Général  écrit  : 

«  Le  Sérénissime  Grand-Maître,  joignant  ses  félicitations 
«  à  celles  du  Grand-Orateur  d'Honneur,  remet  au  Très-Cher 
«  Frère  Askeri-Khan  un  exemplaire  relié  avec  soin,  tant  du 
«  Tableau-Général   que   des    Statuts   de   l'Ordre.    » 


Discours  du   Vénérable  Frère  Houcl 

(Soi ut- Jean  d'Eté  1809). 


«  Lorsqu'un   Orateur,   fort  de  votre  indulgente  bonté,  qu'il 
«  a  plusieurs   fois  éprouvée,  encouragé  par  des  succès  dont 
u  il   conserve   un  honorable   souvenir,   se  présente   pour   \ 
«   rendre  compte  de  nos  travaux,  il  paraît  à.  la  tribune  avec 
«  une  noble  et  respectueuse  confiance. 

<(  11  n'en  est  pas  ainsi  aujourd'hui.  Un  Orateur  nom  eau 
«  se  trouve  placé  entre  la  Diète  Maçonnique  et  son  Chef; 
«  tiré,    depuis   peu   de    temps,   des    colonnes   de   ce    temple,   il 


ET   1/  EMPIRE 


325 


a  rcmpt  avec  effroi  un  silence  que  tant  de  motifs  auraient 
«  dû  lui  faire  garder.  Permettez-lui  de  se  rassurer  en  se 
((  rappelant  qu'il  parle,  au  nom  de  tous  les  Maçons  Français. 
«  à  leur  protecteur,  à  leur  père  commun  ;  qu'il  n'est  que  dé- 
«  positaire  de  la  couronne  qu'il  doit  présenter;  mais  que  les 
u  fleurs  dont  elle  se  compose  ont  été  recueillies  et  tressées 
«  par  des  mains  plus  habiles,  après  avoir  été  cultivées  avec 
«  soin  dans  toutes  les  vallées  de  l'Empire. 

«  Oui,  Sérénissime  Grand-Maître,  c'est  la  Maçonnerie 
«  de  France  toute  entière  que  vous  présidez  en  ce  jour.  Votre 
«  présence  vivifiante,  votre  approbation  rémunératrice  s'éten- 
«  dent  d'ici  sur  vingt  mille  des  Français  les  plus  attachés  à 
«  leur  Souverain,  j'ai  presque  dit,  et  en  parcourant  les  co- 
te lonnes  de  ce  temple,  je  crois  pouvoir  dire,  sur  vingt  mille 
«  des  Français  les  plus  éclairés  et  les  plus  vertueux. 

«  Quelle  est  grande  l'institution  qui  met  ainsi  les  leçons  et 
«  les  exemples  en  commun,  qui  tire  l'homme  privé  de  l'isole- 
«  ment,  qui  replace,  pour  un  moment,  l'homme  public  dans 
«  les  rangs  ordinaires.  Ici  le  fort  touche  la  limite  de  sa  puis- 
ce  sance,  ici  le  faible  voit  ses  meyens  se  décupler  ;  la  gran- 
it deur  même  ne  nous  donne  que  des  frères  aînés.  La  chaîne 
«  qui  unit  les  Maçons  est  électrique,  tout  ce  qui  la  touche  re- 
«  çoit  ou  communique  l'étincelle  brillante  du  génie  ou  le  feu 
«  sacré  de  la  vertu... 

«  Vous  avez,  en  accordant  un  pension  viagère  de  1.200 
«  francs  au  Frère  Defournelle,  âgé  de  119  ans,  créé  un  avenir 
«  pour  ce  respectable  vieillard;  vous  avez  fait  tout  ce  qui  était 
«  en  vous  pour  que  rien  ne  troublât  sa  fin,  qu'elle  fût  le  soir 
«  d'un  beau  jour. 

«  Xe  craignez  donc  plus  de  vivre.  Vénérable  Frère  De- 
u  foumelle;  restez  longtemps,  sans  inquiétude,  le  cinquan- 
te tième  anneau  d'une  chaîne  qui  touche  au  berceau  du  monde 
«  et  le  lien  d'union  entre  le  siècle  des  lettres,  le  siècle  des 
«  sciences  et  le  siècle  de  la  gloire.  Trois  fois  salut,  patriarche 
«  des  Maçons,  puissent  vos  derniers  regards  se  porter  sur  des 
«  hommes  qui  ressemblent  à  ceux  qui  ont  illustré  l'époque  de 
«  votre  naissance;  puissiez-vous,  lorsque  le  Grand-Architecte 
«  de  l'Univers  vous  accordera  le  repos  des  hommes  vertueux. 
«  annoncer  aux  Fénélon,  aux  Bossuet,  aux  La  Fontaine,  aux 


326  LA    FRAXC-MAÇOXXKR1E 

«  Racine,   aux    Boileau,   aux    Fléchier   qu'ils   ont   des   succes- 
«  seurs  dans  leur  patrie. 

«  Vous  direz  du  moins  au  chancelier  d'Aguesseau  que  ses 
«  vertus  et  son  talent  nous  ont  été  rendus;  vous  direz  aux 
«  Condé,  aux  Turenne.  aux  Villars  qu'ils  ont  des  héritiers 
«  de  leur  gloire.  » 


Harangue  du  Vénérable  Frère  M ercadier,  Hospitalier- 
Aumônier  {même  date). 

«  S'il  m'était  permis.  Aies  Frères,  de  vous  retracer  ici  le 
«  tableau  des  malheureux  Maçons  que  vous  assistez,  votre 
«  sensibilité  serait  vivement  affectée...  Mais  vous  éprouverez 
«  du  moins  une  sorte  de  consolation  en  apprenant  sur  qui 
«  votre  Hospitalité  et  votre  Commission  de  bienfaisance  ver- 
ce  sent  des  bienfaits;-  ici  ce  sont  des  vieillards  infirmes  et 
«  plus  que  septuagénaires  dont  vous  prolongez  l'existence; 
«  des  veuves  de  Maçons  que  leurs  époux  ont  laissées  dans  une 
a  vertueuse  indigence.  Là.  des  mères  de  famille,  des  femmes 
«  en  couche,  qui,  par  vos  seins  généreux,  recouvreront  la 
«  santé  et  conservèrent  leurs  enfants,  dont  vous  acquittez 
«  une  partie  des  mois  de  nourrice. 

«  Des  aveugles  dont  vous  adoucissez  la  triste  existence; 
«  des  voyageurs  qui  retrouvent  une  terre  hospitalière  et  les 
«  moyens  de  parvenir  au  terme  de  leurs  courses. 

«  Vous  le  dirai-je  enfin,  Mes  Frères,  plusieurs  Maçons 
«  qui.  après  avoir  rempli  avec  zèle  et  intelligence  dans  les 
a  Ateliers  de  cet  Orient,  les  fonctions  honorables  qu'ils  de- 
ce  vaient  à  la  confiance  de  leurs  frères,  sont  devenus  tout  à 
«  coup  victiriH  -  -  malheurs  du  temps,  et  par  conséquent, 
«  dignes  de  tout  votre  intérêt. 

ce  Je  vous  rappellerai,  en  même  temps,  mes  Frère-,  cet 
«  orphelin  âgé  de  quinze  ans.  louveton  d'un  militaire,  mort 
«  au  champ  de  l'honneur,  dans  les  premières  campagnes  de 
ce  la  Révolution,  à  l'éducation  duquel  vous  contribuez  an- 
ce  nueflement;  déjà  vous  recueillez  la  récompense  d.e  cette 
«  bonne  action,  puisqu'il  se  montre  de  plus  en  plus  digr 
«   de  votre  amitié,  et  de  la  préférence  qu'il  a  obtenue. 


l»w 


ET    L  EMPIRE  327 

«  Chaque  jour,  les  enfants  de  la  veuve,  que  vous  soulagez, 
«  forment  un  concert  de  bénédictions  en  faveur  de  leurs  gé- 
«  néreux  protecteurs;  chaque  jour  ils  font  éclater  les  senti- 
«  ments  de  reconnaissance  dont  ils  sont  pénétrés;  je  les  dé- 
«  pose  aujourd'hui  dans  votre  sein,  Mes  Frères,  comme  un 
«  bien  qui  vous  appartient,  et  je  demande  pour  nos  infor- 
«  tunés  la  continuation  de  vos  bienfaits. 

«  Ici,  Mes  Frères,  vos  regards  comme  les  miens  se  repor- 
«  tent  involontairement  sur  ce  vieillard,  le  frère  Defournclle, 
«  âgé  de  119  ans,  dont  la  présence  dans  cette  enceinte  sacrée, 
«  provoque  votre   attendrissement  et  votre   admiration. 

«  L'arrêté  que  vous  venez  de  prendre  en  sa  faveur,  est  un 
«  monument  durable  du  respect  que  vous  portez  au  mal- 
ce  heur  et  à  la  vieillesse.  Sa  langue  que  les  ans  entassés  sur 
«  sa  tête  n'ont  point  glacée,  vous  a  articulé  les  mots  d'atta- 
«  chement  et  de  reconnaissance. 

«  Permettez-moi  encore  d'être  son  interprète,  en  vous  pré- 
ce  sentant  l'expression  de  la  reconnaissance  qu'un  Maçon 
«  presque  octogénaire,  aussi  peu  favorisé  de  la  fortune, 
«  m'adresse  en  ce  moment  : 

LA  CESSATION  DU  MALHEUR 

Première  des  vertus,  céleste  humanité  ! 

L'égoïsme  se  borrte  à  faire  ton  éloge 

Au  sein  de  l'union  et  de  l'égalité  ; 

Où  te  voit-on  régner  ?  Hélas  !  ce  n'est  qu'en  Loge. 

Du  sort,  qui  m'accablait  de  toute  sa  rigueur, 

Je  cherchais  vainement  à  me  rendre  vainqueur  ; 

On  me  renouvelait  promesse  sur  promesse, 

On  nourrissait  de  vent  ma  crédule  vieillesse  ; 

Des  Frères  en  silence  agissent  pour  mon  bien, 

Et  le  Grand-Orient  par  eux  est  mon  soutien  ! 

Muse    reconnaissante    embouche    la    trompette  ; 

Il  y  va  de  ta  gloire  à  n'être  point  muette.  m 

Vivant,  vivant,  et  semper  vivant  ! 

Le  Secrétaire-Général  écrit  : 

«  Le  rapport  du  Vénérable  Frère  Mercadier,  et  cet  hom- 


328 


LA   FRANC-MAÇOÏsNERlE 


«  mage  d'un  Maçon  infortuné  et  reconnaissant,  qui  le  ter- 
«  mine,  ont  été  reçus  avec  la  sensibilité  qui  caractérise  les 
«  décisions  du  Grand-Orient  pour  les  Actes  de  bienfai- 
«  sance.  » 

NOTA.  —  Le  Grand-Orient  accordait  annuellement 
pour  les  aumônes  5.000  francs  au  plus,  4.000  francs 
au  moins!! 


Discours  du  Vénérable  Frère  De  Joly, 
(Saint- Je  an  d'Hiver,  181 2). 


«    Monseigneur, 

«  L'Art  Maçonnique  est  parvenu,  de  nos  jours,  à  un  de- 
«  gré  de  splendeur  que  n'obtinrent  pas  nos  devanciers,  dans 
«  leurs  plus  beaux  moments  de  ferveur  et  de  gloire. 

«  Cette  prospérité,  cet  éclat,  ne  cherchons  pas  à  nous  le 
«  dissimuler,  nous  les  devons  à  la  protection  bienveillante 
«  dont  nous  couvre  l'autorité  publique  ;  —  nous  les  devons 
«  au  Sérénissime  Prince,  au  Frère  Illustre  et  choisi  de  nous 
«  tous,  qui,  dépouillant  pour  nous  les  dignités  politiques,  ne 
a  reste  grand  dans  cette  enceinte  que  par  ses  vertus,  et  vent 
«  bien  n'y  recevoir  d'hommages  que  de  notre  amour  et  de 
«  notre  reconnaissance  ;  —  nous  les  devons  à  ce  concours 
«  glorieux  de  magistrats,  de  guerriers,  l'honneur  et  l'appui 
«  du  trône,  qui  daignant  s'associer  à  nos  travaux,  se  sont 
<c  rendus  ainsi  les  garants  de  la  pureté  de  nos  intentions  et 
«  de  nos  vues;  —  nous  les  devons  à  cet  empressement  hono- 
«  rable  qui,  sans  cesse,  conduit  auprès  de  nous  les  hommes 
«  célèbres,  les  sages,  les  savants,  qui  viennent  dans  la  capi- 
«  taie  pour  s'instruire,  pour  connaître  tout  ce  qui  paraît  di- 
u  gne  de  fixer  leurs  regards. 

«  Tel  en  ce  moment  solennel,  le  prince  de  Saxe-Wevmar. 
«  qui,  couvert  de  lauriers  que  jeune  encore,  et  sous  les  yeux 
«  du  Grand  Napoléon,  il  cueillit  aux  champs  à  jamais  célè- 
«  bres  de  Wagram  et  d'Essling,  parcourt  modestement,  pour 
«   s'instruire,  la  terre  des  sciences  et  des  arts;  vient,  plus  mo- 


ET    E  EMPIRE  329 

«  destement  encore,  prendre  place  sur  nos  colonnes,  parta- 
«  ger  nos  travaux,  s'éclairer  des  lumières  dont  brille  le 
«  Grand-Orient,  pour  les  reporter  ensuite  et  les  fixer  un  jour 
«  dans  ses  Etats. 

«  Mais,  mes  Frères,  que  deviendraient  ces  titres  à  la  pro- 
«  tection  des  Lois,  à  la  bienveillance  de  ses  dépositaires,  si 
«  nous  nous  montrions  divisés,  si  nous  donnions  à  la  société 
«  le  spectacle  affligeant  d'une  désunion  qui  ne  fut  jamais 
«  dans  nos  cœurs,  que  pourrait  peut-être  opérer  l'égarement 
«  de  nos  esprits  ? 

«  Sous  prétexte  de  quelques  imperfections,  des  voix,  dans 
«  les  rits  divers,  se  sont  élevées,  les  unes  pour  étendre,  les 
«  autres  pour  restreindre,  toutes  pour  réclamer  des  droits. 
«  pour  revendiquer  des  prérogatives. 

«  Des  droits...  !  dans  une  association  qui  ne  doit  exister,  s'il 
«  m'est  permis  de  le  dire,  que  par  abstraction,  et  qui  n'existe 
«  réellement  que  par  l'effet  d'une  noble  et  généreuse  tolé- 
«  rance. 

«  Des  Prérogatives...  !  parmi  des  hommes  qui  ne  sont  que 
1  de  simples  missionnaires  de  paix,  de  morale,  et  de  fra- 
«  ternité;  qui,  dès  lors  qu'ils  sortiraient  de  leur  paisible  obs- 
«  curité  pour  prendre  une  existence  positive,  franchiraient 
«  leurs  limites  et  présenteraient  l'image  d'une  espèce  d'état 
«  indépendant  dans  le  sein  de  l'Etat  lui-même. 

«  Imprudents  !  de  mettre  ainsi  en  péril  le  peu  de  bien  qu'il 
«  nous  est  donné  de  faire...  !  imprudents  !  qui  ne  craignent 
«  pas  de  mettre  dans  la  nécessité  douloureuse  de  nous  délais- 
«  ser,  la  main  qui  nous  sert  d'égide,  et,  privés  de  son  appui 
«  tutélaire,  de  retomber  dans  l'affreux  néant  où  naguère  nous 
«  gémissions  !  !  !... 

«  Ah  !  mes  Frères,  que  le  passé  se  réveille  pour  nous 
«  comme  une  lueur  salutaire  !...  étouffons,  je  vous  en  con- 
te jure,  dans  leur  germe,  des  ferments  de  discorde  et  de  riva- 
«  lité  qui  ne  peuvent  engendrer  que  des  maux  ;  rappelons- 
«  nous  la  foi  promise  d'une  union  inaltérable  pour  l'achè- 
te vement  du  grand-œuvre  ;  —  foi  promise,  que  blesse  de  part 
«  et  d'autre,  je  le  dis  également  pour  Benjamin  et  pour  Juda. 
«  toutes  les  prétentions  individuelles  ;  qui  ne  se  maintient 
«  pure  que  par  l'abnégation  de  tous  les  intérêts  personnels.  » 


33<D  LA    FRAXC-MAÇOXXKRIE 

//-.  _  ELOGES  FUNEBRES. 


Les  Frères  de  Luynes,  de  la  Lande,  Carrel,  et  la  femme 
de  Scbastiani.  (Discours  de  De  Joly,  Saint-Jean  d'Eté, 

1807). 

«  Trois  de  nos  Frères,  le  Grand-Orateur  d'Honneur,  le 
«  Grand-Aumônier  d'Honneur,  un  de  nos  Officiers  hono- 
u  raires,  ont  quitté  leur  dépouille  mortelle.  L'ombre  du  Ré- 
cc  vérend  Frère  de  Luynes,  celle  du  Frère  de  la  Lande,  l'om- 
it bre  du  Cher  Frère  Carrel,  errent  dans  cette  enceinte  et 
a  nous  leur  devons  le  tribut  mérité  de  nos  regrets,  de  notre 
a  attachement. 

«  Carrel,  d'abord  premier  Surveillant  d'un  de  vos  Ateliers 
a  et  depuis  l'an  1802,  Officier  honoraire,  modeste  et  simple, 
«  ami  franc,  Maçon  zélé.  Pendant  vingt-deux  années  consé- 
«  sécutives,  il  donna  souvent,  et  toujours  il  suivit  l'exemple 
«  de  toutes  les   vertus. 

«  De  Luynes,  dont  les  qualités  civiles,  même  au  milieu  de 
«  nos  troubles  politiques,  s'embellirent  toujours  de  la  prati- 
«  que   des   vertus   maçonniques. 

«  De  la  Lande,  que  les  sciences  regrettent  autant  que  l'ami- 
«  tié;  si  quelques  nuages  ont  obscurci  les  derniers  jours  de 
«  cette  belle  vie,  fort  de  sa  propre  conscience  (et  si  l'expres- 
((  sion  peut  nous  être  permise),  pareil  aux  astres  dont  il  111e- 
«  surait  si  bien  l'immensité,  il  ne  répondit  aux  clameurs  île 
«  l'envie  qu'en  versant  des  torrents  de  lumière,  même  sur 
d  ses  plus  obscurs  détracteurs. 

«  Pardonnez,  Illustre  et  Sérénissime  Grand-Maître. 
«  vous  tous,  Aies  Frères,  si  dans  cette  auguste  enceinte,  au 
«  centre  de  la  régularité  Maçonnique,  le  nom  d'une  femme 
a  vient  se  mêler  à  ceux  dent  j'ai  été  forcé  de  vous  entretenir. 
<(  Mais  ce  nom,  devenu  désormais  célèbre  par  les  vertus,  par 
«  la  dignit  lui  qui  l'honore,  ce  nom  s'allie  pour  jamais 

u  au   nom   glorieux  de  la   ville   de   Constantin  :    Sébastiani  a 
m   soutenu    h»    antiques    murailles;    mais    presque    au    n\ 
«   instant,    ses    laurier  nt    changés    en    cyprès,    et.    pour 

son   âme   sensible,   Constantinople   n'est   plus   le  théâtre 
es  haul  mais  le  tombeau  d'une  épouse  adorée,  lob- 


ET   L  EMPIRE  331 

«  jet  des  regrets  de  tous  ceux  qui  ont  eu  le  bonheur  de  la 
«  voir  et  de  l'apprécier. 


Eloge  funèbre  du  Maréchal,  duc  de  Montcbello,  par 
le  Vénérable  Frère  Houel,  {Saint-Jean  d'Eté,  1809). 

«  Les  pertes  que  le  Grand-Orient  a  faites  pendant  ce  se- 
«  mestre  sont  grandes,  sans  être  nombreuses;  que  dis-je,  les 
«  pertes  du  Grand-Orient,  elles  sont  celles  de  toute  la  France, 
«  et  je  ne  viens  que  rouvrir  vos  plaies,  renouveler  vos  dou- 
«  leurs,  en  vous  rappelant  que  l'Empereur  a  perdu  un  de 
«  ses  plus  fidèles  compagnons  d'armes,  l'Etat  un  de  ses  plus 
«  fermes  appuis,  la  Victoire  un  de  ses  plus  chers  favoris,  la 
«  Maçonnerie  un  de  ses  plus  glorieux  adeptes;  il  est  nommé. 
«  mes  Frères,  déjà  vos  regards  se  tournent  vers  la  blessure 
«  mortelle,  déjà  vos  pleurs  arrosent  la  cendre  du  Frère 
a  Maréchal  Duc  de  Montebello,  Grand-Aigle  de  la  Légion 
«  d'honneur,  Colonel  général  des  Suisses,  et  l'un  des  Grands- 
ce  Administrateurs  d'honneur  du  Grand-Orient  de  France. 

«  Il  a  versé  son  sang  pour  son  Prince  et  pour  sa  Patrie. 
«  Mêlons  quelques  branches  d'acacia  aux  lauriers  qui  vont 
«  couvrir  sa  tombe  ;  que  les  enfants  de  la  Veuve  pleurent 
«  aves  les  fils  de  Mars;  qu'ils  pleurent...  ou  plutôt  que  leurs 
«  regrets  pour  un  héros  se  changent  en  espérances  pour  les 
«  jeunes  héritiers  de  sa  gloire  et  de  ses  vertus,  et  que  la 
«  douleur  n'étouffe  pas  les  actions  de  grâce  que  nous  devons 
«  au  Grand-Archtecte  de  l'Univers,  pour  la  conservation  de 
«  ceux  de  nos  Grands-Officiers  dont  les  palmes  ne  sont  pas 
«  changées  en  cyprès.   » 


V.  —  SA  MAJESTE  LE  ROI  JOSEPH. 

Discours  du  Vénérable  Frère  de  Joly 

(Saint-Jean    d'Hiver,    1812). 

«  Mes  Frères,  je  tromperais  votre  attente,  si  je  descendais 
«  de   cette   tribune   sans   avoir   rappelé  à   vos  hommages   un 


332 


LA   FRAXC-MAÇOXXERIE 


«  nom  chéri  autant  que  révéré,  l'auguste  nom  du  chef  de  la 
«  Maçonnerie  en  France,  Sa  Majesté   Joseph  Napoléon. 

«  S'il  fut  un  moment  où,  trop  promptes  à  s'alarmer,  nos 
«  âmes  furent  inquiètes  sur  sa  fortune,  bientôt  nous  l'avons 
«  vu,  supérieur  aux  événements  comme  un  nouveau  Gédéon. 
«  marcher  aux  Philistins,  les  disperser,  voler  avec  la  rapi- 
«  dite  de  l'éclair  à  sa  capitale,  y  rentrer  moins  en  conqué- 
«  rant  qu'en  père,  au  milieu  des  acclamations  des  habitants, 
«  doublement  heureux  de  posséder  leur  Roi,  et  d'avoir 
u  échappé  encore  une  fois  au  joug  de  leurs  odieux  oppres- 
se seurs. 

«  Laissons  le  profane  vulgaire  ne  voir,  dans  cette  succes- 
«  sion  rapide  d'événements,  qu'un  jeu  de  la  fortune,  un 
.<   exemple  des  chances  journalières  de  la  guerre. 

«  Quant  à  nous,  Mes  Frères,  sachons  y  reconnaître  la  main 
«  ^oute  puissante  de  la  Providence,  qui,  toujours  admirable 
<(  dans  ses  décrets,  n'a  semblé  s'éloigner  un  moment  que  pour 
«  nous  montrer  le  Monarque  dans  tout  l'éclat  de  sa  vertu  ; 
«  supérieur  aux  coups  de  la  fortune  et  toujours  plus  digne 
«  de  commander  à  un  grand  peuple.  » 


DEUXIEME    SECTION 


LA  POESIB  AU  GRAND-ORIBXT. 


L'Empereur. 


a  Le  Vénérable  Frère  Général  de  Lasalle.  après  avoir  de- 
mandé et  obtenu  la  parole,  a  dit  : 

«    Sérénissime   Grand-Maître,   Mes   Frères. 

«  Après  mon  Lpitrc  à  la  haine,  qui  a  si  bien  servi  les 
«  hautes  conceptions  de  notre  Auguste  Monarque,  je  viens 
«  d'en  faire  une  à  V Amour  :  veuillez  m'accorder  votre  indul- 
«    çence   et    votre   attention.    » 

((  Le  Vénérable  Frère  de  Lasalle  fait  lecture  de  la  pièce 
suivante  : 


ET   h  EMPIRE  333 

EPITRE  A  L'AMOUR 

Amour,  fruit  noble  et  pur  de  l'admiration, 
Tu  soumets  l'univers  au  Grand  Napoléon. 
La  haine  Britannique  a  bien  servi  sa  gloire, 
Le  forçant  de  courir  de  victoire  en  victoire, 
Et  quand  son  front  voulait  se  ceindre  d'olivier, 
Xe  laissant  sous  sa  main  que  palmes  et  laurier  ; 
Mais  c'est  toi  dont  la  flamme  embrasant  son  armée 
Par  mille  exploits  nouveaux,  surpris  la  renommée, 
Donnant  l'air  de  la   fable  à  l'authenticité, 
Et  fis  qu'à  peine  on  croit  à  la  véracité. 

Par  toi  nos  fiers  guerriers  surmontant  tous  obstacles 
Entassent  en  sept  jours  miracles,  sur  miracles  ; 
Du  Wéser  à  l'Oder  poussant  les  ennemis, 
Marchent  comme  un  torrent;  bientôt  tout  est  soumis. 
Joachim,  Lasnes,   Soult,  Bernadotte,  Berthier, 
Et  mille   autres   marchant   dans   un   pareil   sentier, 
Par  leur  humanité,  comme  par  leur  vaillance, 
Font  bénir  le  Héros,  Dieu  Donné  de  la  France, 
Et  même  les  vaincus,  admirant  sa  bonté, 
Célèbrent  comme  nous  le   Grand  Bonaparte   (sic). 

Les  Saxons  subjugués  par  son  vaste  génie, 
Lui  demandent  la  paix  pour  sauver  leur  patrie  ; 
Et  son  cœur  généreux,  ouvert  à  la  pitié, 
L'accorde  en  y  joignant  sa  puissante  amitié. 
Le  Polonais  courbé  sous  l'affreux  despotisme, 
Sent,  au  bruit  de  son  nom,  renaître  son  civisme  :    , 
Pour  reprendre  son  rang  il  a  recours  à  lui. 
Certain  de  son  triomphe,  s'il  obtient  son  appui. 

«  Un  partage  odieux  vous  ôta  l'existence  ; 

«  Mais  il  ne   fut  jamais  reconnu  par  la  France  : 

«  Dit  le   sage   Héros  ;   veuillez  briser   vos    fers, 

u  Et  vers  la  liberté  les  chemins  sont  ouverts. 

«  Un  grand  peuple  est  toujours  libre  quand  il  veut  l'être; 

«  C'est  par  vos  actions  que  je  pourrai  connaître 

«  Vos  talents,  votre  force  et  votre  volonté  ; 

«  Alors,  comptez  sur  moi  pour  votre  liberté.   » 


334 


LA   FRANC-MAÇONNERIE 


Ces  braves  opprimés,  fiers  de  cette  assurance, 
Le  cœur  rempli  d'amour  et  de  reconnaissance, 
De  leurs  concitoyens  vont  ranimer  l'ardeur; 
Ils  s'arment,  bénissant  leur  puissant  protecteur. 
Des  rives  de  l'Oder  aux  bords  de  la  Vistule 
Retentit  le  grand  nom  de  ce  nouvel  Hercule  ; 
Tout  s'unit  et  quittant  leurs  malheureux  foyers, 
Sur  les  pas  du  Héros  accourant  par  milliers, 
Les    hardis    Polonais    respirent    la    vengeance, 
Viennent  se  rassembler  sous  l'aigle  de  la  France. 
Leur  zèle  pour  son  chef  redoublant  leur  valeur, 
Ils  vont  se  dérober  au  joug  de  l'oppresseur. 

D  un  saint  amour  pour  lui  c'est  en  ce  lieu  le  temple, 
Et  notre  Illustre  Maître  à  tous  donne  l'exemple 
Du  zèle  le  plus  pur,  de  l'admiration  : 
Répétons  avec  lui  :    «   Vive   Napoléon  !    » 

Saint-Jean-d'Hiver,    1806. 


NAPOLEON  ET  LES  POLONAIS  EN  1807. 

Stances,  par  le    Vénérable  Frère  G.   de  Beaumont, 
petit-fils  de  Charlotte  Sobicska,  Duchesse  de  Beaumont. 

Sors  enfin  de  ta  léthargie, 
Peuple   Sarmate,  enfant  du  Nord, 
Et  tu  verras  ta  patrie 
Renaître  du  sein  de  la  mort  ! 
Suis  aux  combats  un  Dieu  terrible  ; 
Il  peut  reconquérir  tes  droits 
Celui   dont  le  bras   invincible 
A  la  terre  dicte  des  lois. 

Alexandre  en  vain  te  menace. 
11  en  est  temps,  brise  tes  fers  ! 
Rappelle  ton  antique  audaee. 
Reprends  ton  rang  dans  l'Univers. 


1 


ET   Iv  EMPIRE  335 


Napoléon,  clans  sa  sagesse, 
Va  fixer  un  terme  à  tes  maux  ; 
Mais  confiant  dans  ta  promesse, 
Viens  triompher  sous  ses  drapeaux. 

Modèle1toi  sur  tes  ancêtres  ! 
Cazimir  et  Sobieski, 
Eussent-ils  reçu  des  Maîtres 
Comme  fit  Poniatowski  ? 
Ces  deux  grands  noms,  de  la  Patrie 
Furent  les  généreux  soutiens, 
Ce  dernier,  clans  l'ignominie, 
Porta  le  poids  de  tes  liens. 

Saisissez  le  moment  propice, 

La  gloire  embellit  l'horizon; 

Baisez  la  main  libératrice 

De  l'immortel  Napoléon. 

Près  de  nos  cohortes  guerrières, 

Braves  Polonais,  rangez-vous, 

Si  vous  marchez  sous  nos  bannières," 

Qui  peut  résister  à  vos  coups  ? 

Déjà  les  bords  de  la  Vistule 
Ont  vu  nos  valeureux  soldats, 
Tels  que  les  compagnons  d'Hercule 
Agrandir  ses  vastes  Etats. 
Peuples,  sortez  de  l'esclavage 
Et  venez  combattre  avec  eux, 
Pour  vos  femmes,  votre  héritage, 
Pour  vos  enfants  et  pour  vos  Dieux. 

Divinité,  dont  je  respecte 
Et  le  courroux  et  les  bienfaits, 
De  l'Univers    Grand-Architecte, 
Ecoute  les  vœux  que  je  fais  ! 
Dans  la  Pologne  décimée, 
Protège  le  héros  Français  ; 
Ordonne...  et  sa  fidèle  armée 
Remplira,  tes  justes  décrets. 


336  LA  FRANC-MAÇONNERIE 

Envoi 

Descendant  du  roi  magnanime 
Qui  jadis  reçut  ton  encens, 
Je  cède  à  l'ardeur  magnanime 
En  t'inspirant  ce  que  je  sens. 
Le  Polonais  brisant  sa  chaîne, 
Saura  relever  ses  remparts, 
Du  Czar  il  bravera  la  haine, 
Aidé  du  premier  des  Césars. 


«  Le  Vénérable  Frère  de  Lagarde,  Préfet  du  Département 
«  de  Seine-et-Marne,  ayant  obtenu  la  parole,  chante  les  cou- 
a  plets  suivants  de  sa  composition.  »  (Saint-Jean-d'Hiver 
«   1806). 

CANTIQUE 

Quel  joug  s'est  appesanti  t 
Sur  ma  malheureuse   patrie  ! 
Tout  le  globe  avait  ressenti 
Les  secousses  de  l'anarchie. 
Un  héros  s'élance  des  lieux 
Que  le  Nil  arrose  et  féconde  : 
Peuples,  c'est  l'envoyé  des  deux, 
C'est  le  Libérateur  du  monde. 

Que  son  cœur  sensible  est  touché. 
IX  s  maux  enfantés  par  le  crime  ! 

1  lui  tarde  d'avoir  séché 
Les   larmes   de   chaque   victime. 
Wec  quel  art  il  sait  guérir 
La   blessure  la  plus  profonde  ' 
Qui  pourrait  ne  pas  le  chérir  ? 
st   le   Consolateur   du   monde 


ET   I,  EMPIRE 


337 


Jaloux  de  ce  bonheur  naissant, 
L/ Anglais   ose   tout   entreprendre, 
Des  Rois  à  ce  peuple  marchand 
Ne  rougissent  pas  de  se  vendre. 
Napoléon  rit  des  projets 
Où  leur  coupable  espoir  se  fonde. 
Lâches  !  expiez  vos  forfaits  : 
Tremblez,  c'est  le  Vengeur  du  monde. 

Mais   au  prix  de   sanglants   succès, 
La  gloire   à   ses  yeux   est  trop   chère; 
Dans  la  victoire  c'est  la  paix, 
La  paix  seule  qu'il  considère. 
S'il   combat,  c'est  pour  l'obtenir  ; 
Ei  si  la  foudre  encore  gronde, 
C'est  qu'il  veut  enfin  devenir 
Le  Pacificateur  du  monde. 

Dans  ses  pacifiques  desseins, 
Admirez  quelle  prévoyance, 
Voyez  comment  ses  sages  mains 
Des  Etats  règlent  la  balance. 
Pour   assurer  notre   repos, 
Il  rajeunit  la  Mappemonde; 
C'est,   au   sein   d'un   autre   chaos, 
Un  autre  Créateur  du  monde.  » 


LES  TRIPLES  VŒUX 

«  L'Architecte  des  cieux  a  droit  à  notre  hommage  : 
Honorons  après  lui  son  plus  parfait  ouvrage, 
Un  roi  cher  à  nos  cœurs,  objet  de  tous  nos  vœux  ; 
Il  prouve  que  son  but  est  de  nous  rendre  heureux... 
C'est  lui  qui,  ranimant  mille  débris  épars. 
Sur  leur  base  ébranlée  a  raffermi  les  arts  ; 
Lui  qui,  rajeunissant  la  vieille  monarchie. 
Pour  nous  donner  des  lois,  détrôna  l'anarchie  ; 
Lui  qui  restitua,  par  ses  dons  paternels, 
Aux  Français  leur  pays,  aux  chrétiens  leurs  autels... 


V 


338 


LA   FRANC-MAÇONNERIE 


Ah  !  puisse  ce  héros,  pour  l'honneur  de  notre  âge, 
Finir  et  voir  longtemps  son  immortel  ouvrage  ! 
Il  l'a  trop  mérité  ;  car  le  prix  des  bienfaits 
Est  dans  le  doux  aspect  des  heureux  qu'on  a  faits  ! 
Que  puisse  aussi  le  ciel,  toujours  bon,  toujours  juste, 
Veiller  avec  amour  sur  sa  compagne  auguste  ! 
Pour  elle  ses  sujets  offrent  partout  leurs  vœux  ; 
La  vertu  couronnée  est  l'image  des  dieux. 
Puisse  cet  Enfant-Roi,  cher  à  notre  tendresse, 
D'un  avenir  brillant  acquitter  la  promesse  ! 
Puisse-t-il  sous  les  yeux  du  grand  Napoléon, 
Hériter  de  son  âme  ainsi  que  de  son  nom  ! 
Que  sa  valeur,  fidèle  à  sa  noble  origine, 
D'un  voisin  orgueilleux  consomme  la  ruine  ; 
Que  sa  race  aux  Français  épargnant  bien  des  maux 
De  l'arbre  monarchique  étende  les  rameaux  ; 
Mais  qu'il  soit,  puisqu'au  trône  un  jour  il  doit  prétendre, 
Tardif  pour  y  monter,  tardif  pour  en  descendre.  » 

Par  le  frère  Alissan  de  Chazet. 

AU  SERENISSIME  GRAND-MAITRE 

Je  vous  propose  la  santé 

Des  vrais  talents,  de  la  prudence, 

De  la  noblesse  sans  fierté, 

Et  de  la  douce  bienfaisance. 

Mais  déjà  vous  me  comprenez  : 

L'allégresse  devient  commune, 

Sans  peine  vous  le  devinez, 

Ces  quatre  santés  n'en  font  qu'une. 

AU  GRAND-ORIENT 
Boutade  Maçonnique. 


<  )n   m'a   conté  que   Diogène, 
Philosophe  un  peu  trop  hardi, 
Cherchait  un  homme  dans  Athène 
Lanterne  en  main,  en  plein  midi. 


ET   I,  EMPIRE  339 

Nous  sommes  l'Athène  moderne  : 
Chez  nous  il  devrait  s'installer  ; 
Et  le  porteur  de  la  lanterne 
Serait  forcé  de  la  souffler... 

Dans  tous  les  temps  aux  vrais  Maçons 
Cette  Loge  à  bon  droit  fut  chère  ; 
Du  culte  que  nous  professons 
C'est  le  chef-lieu  que  l'on  révère. 
Y  trouver  plus  d'un  nom  marquant, 
Franchement  ne  m'étonne  guère  ; 
On  sait  que  c'est  de  l'Orient 
Que  nous  arrive  la  lumière. 


CHAPITRE  VII 

Cambacérès  et  les  Régimes  Indépendants. 

i°  Les  Supérieurs  occultes. 

Tandis  que  le  Grand-Orient  expédiait  des  Constitu- 
tions à  plus  de  douze  cents  Loges  et  recrutait  partout 
des  adeptes  ;  tandis  que  la  JVfaçonnene  officielle  multi- 
pliait les  protestations  d'attachement  à  l'Empire  ;  tan- 
dis que  sa  Diète  Nationale  vouait  au  ((  Héros  Pacifi- 
cateur »,  au  ((  Dieu  Donné  pour  la  Erance  »,  au  ((  nou- 
veau Créateur  du  monde  »,  un  culte  d'adoration,  les 
Maçons  initiés  aux  Régimes  ((  plus  avancés  »,  faisaient 
renaître  de  ses  cendres  ((  l'antique  Judée  ». 

L'  ((  antique  Judée  »,  c'est  la  vraie  Maçonnerie;  c'est 
la  dépositaire  fidèle  des  secrets  du  Pouvoir  occulte; 
c'est  la  gardienne  et  l'interprète  autorisée  de  ((  sa  dog- 
matique »  ;  c'est  la  mère  de  la  Révolution. 

La  correspondance  de  YBques  a  Capite  Gaîeato  avec 


■-ii1;  iiV  ..i 


34-' 


LA    FRAXC-MAÇOXXERIE 


les  dignitaires  des  divers  Kites  Ecossais  et  les  Grands 
Officiers  du  Grand-Orient,  est  extrêmement  précieuse. 
Ces  pages,  trop  longtemps  ensevelies  dans  i  omore,  pro- 
jettent un  rayon  de  lumière  sur  l'histoire  du  Premier 
Empire,  que  nous  croyons  bien  connaître  et  que  nous 
connaissons,  hélas  !  si  imparfaitement. 

Les  Historiens  officiels  croient  pouvoir  expliquer  par 
le  prodigieux  génie  de  Napoléon,  son  incroyable  for- 
tune et  le  foudroyant  succès  de  ses  armes,  comme  ils 
tentent  d'expliquer,  par  la  disproportion  du  nombre, 
ses  revers  et  sa  chute  définitive.  Ils  détournent  obstiné- 
ment les  yeux  du  Temple  Maçonnique.  A  l'exemple  de 
Henri  Martin,  ils  ne  nous  permettent  pas  de  soupçonner 
que  la  Secte  ait  alors  existé,  qu'elle  se  soit  développée, 
qu'elle  ait  couvert  l'Empire  de  ses  établissements, 
qu'elle  soit  parvenue,  à  cette  époque,  à  un  degré  de 
puissance  et  d'éclat  qu'elle  n'avait  jamais  atteint  ((  de- 
puis 5809  ans  ».  Quel  fut  son  rôle  ? 

Dans  cette  correspondance  nous  découvrons  la  trace 
de  Hauts-Supérieurs  en  relations  étroites  et  constantes 
avec  leurs  fidèles  adeptes  de  Paris.  Les  auteurs  dé- 
voués à  la  Maçonnerie  paraissent  croire  et  répètent  à 
Fenvi  que  Weishaupt.  le  fameux  chef  des  Illuminés, 
s'enferma  définitivement  dans  le  silence,  après  sa  con- 
damnation par  la  cour  électorale  de  Bavière  et  sa  fuite 
auprès  du  prince  de    Saxe-Cobourg-Gotha. 

Il  n'en  est  rien. 

Weishaupt  demeura  toujours  le  vrai  chef  de  la  Secte 
qu'il  avait  fondée  et,  par  elle,  l'un  des  chefs  de  la  Ma- 
çonnerie universelle. 

En  180S.  Weishaupt  conseille  les  Maçons  dirigeants 
du  Grand-Orient  de  France,  dans  l'affaire  si  délicate 
pour  eux  du  Rit  Primitif,  (il 


I   Cela  resuite    de   lettres  que   nous  publions  en    partie.    Voir 
plus  loin,  p.    U'2   à   p.  -,67. 


ET   L'EMPIRE  343 

Un  jeune  noble,  le  chevalier  tYHunuenseu,  expulsé 
de  Suède,  et  protégé  par  le  gouvernement  Impérial, 
vient  à  Paris,  et,  suivant  l'expression  du  <x  Très  Illus- 
tre »  Frère  d'Aigre  feuille  écrivant  à  son  cousin  YEques 
G  Capite  Galeato,  y  déploie  «  un  grand  caractère  di- 
plomatique ».  Ce  ((  jeune  maçon  »  initié  aux  plus 
((  hauts  secrets  »  sert  en  réalité  d'intermédiaire  entre 
les  Supérieurs  étrangers  et  leurs  agents  Français. 

Nous  trouvons  encore  le  nom  d'un  autre  adepte,  du 
mystérieux  docteur  Wurtz,  un  Strasbourgeois,  qui  a 
fixé  sa  résidence  à  Versailles.  Il  y  avait  acheté;  pen- 
dant la  Révolution,  une  charmante  propriété,  qui  faisait 
suite  à  l'Ermitage,  et  que  Pierre  Coquet,  secrétaire  de 
Madame  Victoire  de  France,  tante  du  roi,  avait  reçue 
de  la  générosité  de  Louis  XVI.  De  cet  asile,  sûr  et  res- 
pecté, Wurts  vit  passer  sans  crainte  la  tourmente  révo- 
lutionnaire. Ses  admirateurs  lui  firent  la  réputation 
d'un  philosophe,  ami  de  la  solitude,  d'un  fervent  Mes- 
mérien,  d'un  savant  détaché  de  toutes  les  affaires  de  ce 
monde,  et  plongé  dans  la  méditation  des  vérités  les  plus 
((  sublimes  ».  Le  docteur  écrivit  de  nombreux  ouvrages. 
Il  fit,  notamment,  paraître  une  brochure  de  quelques 
pages,  intitulée  :   ((   Teinture  confortatire  nerveuse  ». 

C'était  une  composition  pharmaceutique  de  son  in- 
vention, dont  le  solitaire  de  Versailles  exposait  les  avan- 
tages. Les  Loges  étaient  priées  de  vanter  auprès  du 
public  les  vertus  merveilleuses  de  ce  produit,  et  quel- 
ques frères  zélés  le  vendaient  au  profit  de  la  ((  sainte 
cause  ». 

Cet  esprit  mercantile  de  la  ((  bonne,  philanthropique 
et  auguste  »  Maçonnerie  mériterait  d'être  étudié  à  part. 
Quelques  années  avant  la  Révolution,  vers  1784,  par 
l'entremise  de  Bode,  et  de  son  agent  à  Paris,  le  frère 
Otto,  un  maçon  Autrichien,  le  major  Hirseh,  proposait 
à  YEques  a  Capite  Gcilecito,  une  certaine  eau  gazeuse, 
que  la  Maçonnerie  d'Allemagne  avait  accepté  de  vendre 


344 


LA   FRAXC-MACOXXERIE 


au-delà  du  Rhin  et  jusque  dans  les  provinces  méridio- 
nales de  la  Russie. 

Docteur  Mesmérien,  auteur  de  savants  ouvrages,  in- 
venteur, //  urtz  était  un  des  vrais  directeurs  de  la  Ma- 
çonnerie universelle.  Les  chefs  de  l'Ecossisme  recou- 
raient sans  cesse  à  lui.  Ses  conseils  étaient  pour  eux  des 
ordres. 

Les  Régimes  dont  Weishaupt,  ll'urtz,  d'Harmensen, 
et  d'autres  Supérieurs  que  les  Correspondants  ne  nom- 
ment pas  ou  qu'ils  désignent  par  des  signes  convention- 
nels, étaient  les  représentants,  ces  Régimes,  très  secrets, 
étaient  par  leurs  principes  mêmes,  hostiles  à  l'Empire, 
comme  ils  avaient  été,  quelques  années  auparavant,  les 
plus  ardents  et  les  plus  perfides  ennemis  de  la  Monar- 
chie. 

Leurs  disciples  fidèles,  Pyrou,  Thory,  l'abbé  de  Ber- 
mond  d'Alès  {d'Anduzé),  ne  se  lassent  pas  de  répéter  à 
ïBqucs  a  Capitc  Galeato  —  qui  les  gourmande  —  que 
«  leur  dogmatique  »  n'est  point  celle  du  Grand-Orient. 
Par  ce  mot  couvrant  «  dogmatique  »,  il  faut  entendre 
la  connaissance  du  ((  vrai  but  ))  assigné  par  la  Maçon- 
nerie à  ses  purs  adeptes,  c'est-à-dire,  la  conquête  du 
monde  au  profit  de  la  Secte. 

Le  sens  que  nous  donnons  à  ce  mot  est  le  seul  qui  soit 
conciliable  avec  le  contexte.  Une  étude  minutieuse  et 
très  attentive  d'une  multitude  de  documents,  de  lettres, 
de  constitutions,  de  discours,  de  pièces  de  toute  sorte. 
et  même  d'informes  brouillons,  nous  permet  d'assurer 
que  notre  interprétation  peut  et  doit  être  acceptée  en 
toute  sécurité. 


2°    Cambaeérès  et   ses 


Or.  chose  curieuse  :  Le  Grand-Maître  Adjoint  de  In 
"Maçonnerie  officielle  en  France,  Son  Altesse  le  prince 


ET    E  EMPIRE 


345 


CambacérèSj  frère  Jean-Jacques  Régis  Ordre,  l'homme 
de  confiance  de  l'Empereur,  le  fidèle  collaborateur  que 
Napoléon  a  choisi  comme  Grand-Surveillant  de  la  Ma- 
çonnerie, est  l'ami  des  ennemis  avoués  du  Grand- 
Orient,  l'ami  des  ennemis  secrets  du  régime  impérial. 
Il  est  l'ami,  le  confident,  le  conseiller,  le  protecteur 
des  Weishaupt,  des  d'Harmcnsen,  des  Wurtz,  des  Pyron, 
de  YEques  a  Capite  Galeato,  de  tous  les  chefs,  de  tous 
les  agents  des  Associations  plus  secrètes,  superposées  ù. 
la  Maçonnerie  inférieure  —  c'est-à-dire  au  Grand- 
Orient 

Cette  attitude  est  un  mystère.  Un  seul  mot  l'explique. 
—  Quel  est  ce  mot  ?  —  Trahison.  Cambacérès  a  trahi 
l'Empereur.  L'accusation  est  grave.  Nous  espérons 
montrer  qu'elle  n'est  pas  mal  fondée. 

3°  La   Trahison. 


Nous  ne  prétendons  pas  avoir  trouvé,  dans  les  ar- 
chives de  YBques  a  Capite  Galcato,  les  preuves  écrites 
de  sourdes  menées,  de  complots,  d'entreprises  contre  le 
régime  impérial,  dont  Cambacérès  aurait  été  l'auteur  ou 
dont  il  se  serait  fait  le  complice.  Certes,  les  Chefs  des 
Hauts-Régimes  Maçonniques  sont  trop  avisés,  trop 
prudents,  pour  laisser  après  eux  des  écrits  compromet- 
tants. Ordres,  projets,  plans  d'attaque,  tout  s'y  trans- 
met verbalement  :  Verba  volant. 
.  Mais  les  chefs  d'accusation  ne  font  point  défaut.  La 
((  grande  trahison  »  du  frère  Jean- Jacques  Régis  Ordre 
est  plus  facile  à  porter,  devant  ,1e  tribunal  de  l'histoire, 
que  celle  de  Louis  XVI  devant  un  tribunal,  même  révo- 
lutionnaire. 

Cambacérès  avait  assumé  la  charge  de  surveiller  la 
Franc-Maçonnerie.  Tout  devait  se  passer  au  sein  des 
Loges,  dans  les  réunions  Capitulaires,  dans  les  séances 
des  ((  Diètes  Nationales  »,  conformément  au  bon  ordre 


346  LA   FRANC-MAÇONNERIE 

et  aux  principes  du  Gouvernement   que  la  France  s'était 
«  librement  donné  ». 

Afin  de  rendre  cette  surveillance  possible  et  efficace, 
Sa  Majesté  l'Empereur  avait  voulu  que  les  divers  Rites 
Maçonniques  professés  dans  toute  l'étendue  de  l'Em- 
pire, se  réunissent  et  se  rangeassent  désormais  sous  la 
bannière  du  Grand-Orient  de  France. 

Les  Constitutions  et  les  Statuts  du  Grand-Orient  de- 
venaient la  Charte  de  la  Maçonnerie   Française. 

Tous  les  Régimes  Maçonniques,  établis  en  France, 
pouvaient  librement  reprendre  leurs  travaux  :  tous 
avaient  le  même  Grand-Maître;  le  Grand-Maître  devait 
toujours  être  un  sujet  de  Sa  Majesté  Impériale. 
X 'étaient  reconnues  pour  Chartes  régulières  que-  celles 
émanées  du  Grand-Orient  de  France,  ou  revêtues  de  son 
visa.  Tant  qu'il  n'avait  point  soumis  au  Grand-Orient 
l'original  ou  une  copie  de  ses  titres,  ainsi  que  les  ins- 
tructions relatives  au  but  et  à  la  moralité  du  Rit,  par 
lui  professé,  tout  Régime,  quel  qu'il  fût,  était  considéré 
comme  irrégulier.  Défense  lui  était  faite  de  se  réor- 
ganiser, de  rouvrir  ses  anciens  Ateliers,  d'en  établir  de 
nouveaux.  Le  Grand-Orient  pouvait  et  devait  réclamer 
le  secours  de  la  force  publique,  pour  disperser  et,  au  be- 
soin, punir  les  membres  de  ces  Associations,  qui  ose- 
raient tenir  des  réunions  illégales»  Tout  membre  d'un 
Régime  ir régulier  était  irrégulier  lui-même.  Toute  Loge, 
même  régulière,  qui  admettait  à  ses  «  travaux  »  un  ma- 
çon irrégulier,  pouvait  être  déclarée  irrégulière  et  con- 
damnée à  fermer  ses  <<  sublimes  Ateliers  ». 

Ces  règlements  avaient  souri  à  Napoléon.  Il  s'était 
flatté,  grâce  à  ces  dispositions  draconiennes,  de  mettre 
sa  puissante  main  sur  la  Maçonnerie  Française,  et.  par 
elle,  sur  toutes  les  Maçonneries  étrangères.  L'Empe- 
reur ne  comprit  jamais,  ou.  pour  mieux  dire,  (car  cet 
immense  génie  paraît  avoir  été  créé  pour  tout  embras- 
.   l'Empereur  n'étudia    jamais   sérieusement   l'on 


ET    L  EMPIRE  347 

nisation  de  cette  Société  redoutable.  Cette  négligence 
et  cette  ignorance  contribuèrent  à  sa  perte. 

Ce  maître  tyrannique,  si  déliant,  eut  le  tort  grave, 
commit  la  tante  irréparable  ue  traiter  avec  la  Maçon- 
nerie et  de  se  confier  à  elle.  Que  n'espérait-il  point  ?  11 
espéra  la  dominer.  Il  rêvait  peut-être  de  constituer 
«  deux  gendarmeries  sacrées  »  :  l'Eglise  Romaine, 
pour  les  catholiques  ;  la  Franc-Maçonnerie,  pour  les  au- 
tres. Mais  la  Maçonnerie,  l'ennemie  héréditaire  de 
l'Eglise  et  de  l'Etat,  la  Maçonnerie  qui  est  condamnée 
par  l'Eglise  et  qui  devrait  l'être  par  l'Etat,  domina 
l'Empereur  et  renversa  son  trône. 

L'attitude  des  divers  Régimes  est  curieuse  à  obser- 
ver. Les  plus  secrets  cèdent  le  pas  au  Grand-Orient  de 
France,  triomphant,  solennel  et  flagorneur.  Ils  s'enfon- 
cent dans  l'ombre  et  ne  ((  travaillent  »  qu'avec  la  plus 
extrême  réserve.  Mais  ils  ((  travaillent  ».  Tels  sont,  par 
exemple,  les  Elus  Cohens,  les  adeptes  de  rilluminisme 
Bavarois,  les  Rose-Croix  d'Allemagne. 

D'autres  s'affichent  au  grand  jour  et  s'affilient  au 
Grand-Orient.  On  voit  leurs  adeptes  accourir,  empres- 
sés, à  la  «  Diète  Nationale  »,  comme  Grands-Officiers 
d'Honneur  ou  Grands-Dignitaires.  Mais,  en  réalité,  les 
Etablissements  auxquels  ces  adeptes  appartiennent  s'or- 
ganisent à  part,  enseignent  la  «  vraie  dogmatique  »,  et 
«  travaillent  »  loin  de  la  surveillance  du  Régime  offi- 
ciel. Tels  sont  les  Régimes  variés,  connus  sous  la  dé- 
nomination générale  de  Rites  Ecossais.  Tel  fut  le  Ré- 
gime Primitif. 

Nous  venons  d'exposer  la  tactique  des  Régimes, 
c'est-à-dire  des  différents  Corps  Maçonniques. 

Quant  aux  Frères,  pris  individuellement,  ils  parais- 
sent avoir  obéi  à  un  même  mot  d'ordre.  Ils  demandent 
à  faire  partie  des  Loges  régulièrement  ouvertes.  Le 
lecteur  n'a  pas  oublié  qu'un  même  maçon  peut  être  à  la 
fois  membre  de  tous  les  Rits  connus  —  ces  Rits  profes- 


34« 


LA   FRANC-MAÇONNERIE 


seraient-ils  les  doctrines  les  plus  opposées  —  car  tout 
Régime  Régulier  appartient  au  tronc  Maçonnique.  Un 
Régime  ni  ne  peut,  ni  ne  doit  contrôler  un  autre  Ré- 
gime. Il  ne  doit,  ni  ne  peut  juger  les  rites,  le  cérémo- 
nial, les  mystères  de  son  voisin.  Tout  établissement 
Maçonnique,  «  émané  »  de  la  puissance  «  légitime  », 
est  a  un  rameau  vivant  de  l'arbre  sacré  dont  les  bran- 
((  ches  sont  destinées  à  couvrir  le  monde  ». 

Et  donc,  en  principe,  un  membre  de  l'un  des  Régi- 
mes qui  avaient  refusé  de  conclure  un  Concordat  avec 
le  Grand-Orient  était  irrégulier.  Mais  ce  frère,  sans 
cesser  d'appartenir  à  son  Rit,  pouvait  demander  à  une 
Loge  régulière  de  l'admettre  dans  ses  Ateliers,  afin  de 
participer  aux  travaux  de  la  Maçonnerie  officielle.  Il 
était  même  facile  à  un  certain  nombre  d'adeptes  d'un 
Régime  —  qui  voulait  demeurer  «  voilé  »  et  comme  en- 
seveli dans  le  sommeil,  —  de  se  réunir  ensemble,  de 
composer  une  Loge  ((  juste  et  parfaite  »,  de  demander 
des  lettres-patentes  au  Grand-Orient,  d'établir  un  Cha- 
pitre, et,  loin  de  tout  regard  indiscret,  de  se  livrer  aux 
travaux  de  leur  Régime,  d'enseigner  une  a  dogmati- 
que »  contraire  à  celle  du  Grand-Orient,  sous  la  pro- 
tection du  Grand-Orient  lui-même. 

Tous  ces  frères,  soumis  à  des  Supérieurs  étrangers, 
fidèles  aux  Régimes  dissidents,  mais  désormais  à  l'abri 
des  rigueurs  du  Pouvoir,  pouvaient  franchir  le  seuil  de 
toutes  les  Loges  ouvertes  dans  toute  l'étendue  de  l'Em- 
pire. Ils  y  pouvaient  connaître,  choisir,  éclairer,  for- 
mer des  disciples.  Ils  pouvaient  les  prendre  sous  leurs 
ailes  et  les  faire  monter,  des  ombres  du  Régime  officiel, 
vers  la  «  pure  et  bienfaisante  lumière  »  des  Régimes 
((  plus  scientifiques  et  plus  avancés  ». 

Dès  lors,  comment  le  Grand-Orient  aurait-il  pu  exer- 
cer sur  la  Maçonnerie  Française  une  surveillance  effi- 
cace ?  Comment  le  «  Grand-Surveillant  »  du  Grand- 
Orient  de  Eranee.  le  Sérénissime  Grand-Maître  Cam- 


ET   h  EMPIRE  349 

bacérès,  a-t-il  pu  répondre  des  sentiments,  des  doctri- 
nes, des  travaux,  de  la  loyauté,  ou,  si  l'on  veut,  du  loya- 
lisme des  ouvriers  appelés  à  <(  travailler  »  dans  les 
Ateliers  de  l'Art-Royal  ? 

La  tâche  était  au-dessus  des  forces  de  Cambacérès, 
au-dessus  des  forces  de  l'homme.  Cambacérès  le  savait 
bien.  Quand  il  promit  de  surveiller,  Cambacérès  savait 
qu'il  ne  pourrait  tenir  sa  promesse.  Il  savait  que  sa 
Grande  Maîtrise  n'était  qu'un  simulacre.  Il  savait  enfin 
qu'un  gouvernement,  quel  qu'il  soit,  est  réduit  à  opter 
entre  ces  deux  choses  :  anéantir  toutes  les  Sociétés  Se- 
crètes, s'il  veut  vivre;  ou  se  résigner  à  mourir  s'il  les 
soutient  et,  même,  s'il  les  tolère. 

Cambacérès  a  donc  trahi  l'Empereur,  son  maître.  Il 
l'a  trahi,  en  ne  lui  révélant  pas  l'organisation  mysté- 
rieuse de  ces  Sociétés  superposées  les  unes  aux  autres. 

Cambacérès  a  trahi  l'Empereur,  car,  ami  des  Talley- 
rand,  des  Fouché,  des  Condorcet,  des  Mirabeau,  des 
Savalette  de  Langes,  de  l'Eques  a  Capite  Galeato;  fer- 
vent adepte  de  l'Ecossisme,  dont  les  doctrines,  à  la  veille 
de  la  Révolution,  s'étaient  fondues  avec  celles  des 
Philalèthes,  du  Rit  Primitif,  du  Martinisme  et  de  l'Illu- 
minisme  Bavarois,  Cambacérès  connaît  le  vrai  but: 
substituer  les  constitutions  maçonniques  aux  constitu- 
tions politiques  des  Etats;  remplacer,  par  les  dogmes 
de  la  Secte,  les  dogmes  de  la  Religion  révélée. 

Cambacérès  a  trahi  l'Empereur,  car  il  fut  le  protec- 
teur et,  tranchons  le  mot,  l'ami  des  Chefs  Maçons  qui 
ont  subi  Napoléon,  mais  qui  trament  sa  ruine.  Au 
((  sublime  héros  »,  sorti  de  la  Maçonnerie  pour  gravir 
les  marches  du  trône  et  ceindre  le  diadème  des  Césars, 
combien  d'irréconciliables  Frères  eussent  redit,  s'ils 
eussent  pu  les  connaître,  ces  deux  vers  de  Hugo  : 

Roi,  pendant  que  tu  sors  joyeux  de  ma  demeure, 
La  vieille  loyauté  sort  de  mon  cœur... 

Cambacérès  eût-il  dit  comme  eux?  Cet  homme  qui, 


35° 


LA   FRAXC-MAÇOXXERIE 


dans  son  testament,  reconnaît  avoir  commis  des  «  fautes 
innombrables  ))  a-t-il  personnellement  travaillé  à  la 
chute  de  l'Empire?  Encore  une  fois,  nous  déclarons 
n'avoir  rien  découvert,  pas  même  un  commencement  de 
preuve,  dans  la  correspondance  de  l'Eques  a  Capite 
Galeato.  Mais,  en  notre  âme  et  conscience,  nous  décla- 
rons :  L'ami  du  Fondateur  du  Rit  Primitif  était  capa- 
ble de  cette  suprême  trahison. 

Si  l'on  répugne  à  cette  conclusion,  il  faut  admettre 
que  Cambacérès  fut  trompé  par  les  Hauts-Initiés,  ses 
amis.  Etant  donné  la  subtile  intelligence  et  le  caractère 
de  l'homme,  il  nous  paraît,  quant  à  nous,  plus  logique 
d'opter  pour  la  première  hypothèse. 


L'Eques  a  Capite  Galeato  tomba  malade  au  commen- 
cement de  l'année  1812.  Il  languit  encore  deux  ans.  Les 
dernières  lettres  reçues  par  lui  portent  la  date  de  181 4. 

Pour  compléter  cette  longue  étude  documentée  sur  le 
Grand-Orient  de  France,  il  ne  nous  reste  plus  qu'à  faire 
passer  sous  les  yeux  du  lecteur  des  extraits  de  cette 
vaste  correspondance.  Ceux  qui  aiment  à  se  former  une 
opinion  d'après  les  documents,  et  à  posséder  en  main  les 
pièces  du  débat,  liront  avec  un  intérêt  grandissant  ces 
dépêches  Maçonniques.  Ils  retrouveront  dans  «  ces 
planches  d'architecture  »,  la  manière  et  l'accent  des 
lettres  qu'a  publiées  l'historien  Crétineau-Joly.  Les  chefs 
et  les  agents  de  la  Haute- Vente  sont  les  disciples  immé- 
diats et  les  dignes  successeurs  des  Maçons  de  1804. 


DOCUMENTS 


Extraits  de  la  Correspondance 


Lettres  du  Frère  Pyron.  —  O.  •.  de  Paris. 


Le  18"  j.  du  1"   m.  5807. 


(A  YEques) 

s.-,  s. 


S.  .    T.-.    V.-.    M. 


J'éprouve  une  satisfaction  bien  vive  à  vous  adresser,  pour 
votre  vénérable  Loge  du  Rit  Primitif  en  France,  la  délibéra- 
tion ci-jointe  de  la  Révérende  Loge  Ecossaise,  Rit  ancien 
accepté  de  Saint  Napoléon  à  l'Orient  de  Paris  ;  en  la  plaçant 
sous  les  yeux  de  ses  membres,  daignez  y  placer  de  même  les 
assurances  de  ma  plus  haute  considération. 

L'Illustre  frère  à' Aigre  feuille  m'a  donné  connaissance  de 
deux  passages  de  l'une  de  vos  Planches  qui  méritent  quelques 
développements. 

Le  Rit  ancien  accepté  a,  comme  tous  les  Rites  d'une  dogma- 
tique différente,  ses  chefs.  Les  qualifications,  qu'ils  prennent, 
ne  sont  relatives  qu'au  Rit,  et  ne  s'appliquent  en  aucune 
manière  aux  autres  Rites. 

Frédéric  II  a  bien  eu  l'intention  de  soumettre  à  l'exercice 
de    sa    souveraineté   le    Rit    Moderne,    dont    vous    connaissez 


12 


354  documents 

comme  moi  la  science,  et  qu'il  ne  faut  pas  confondre  avec  la 
Maçonnerie  renouvelée,  et  avec  le  Régime  rectifié. 

Dans  les  Iles  de  l'Amérique  française  et  anglaise,  et  dans 
les  états-unis  (sic),  on  regarde  les  chefs  du  Rit  ancien 
accepté  (les  Souverains  grands  inspecteurs  généraux  du  33e 
degré)  comme  Souverains  grands  inspecteurs  du  Rit  moderne  ; 
et  nos  diplômes  ou  lettres  de  créance  nous  attribuent  cette 
inspection  générale  ;  mais  les  membres  du  Suprême  Conseil 
de  France  n'ont  point  réclamé  cette  puissance  sur  le  Rit 
moderne,  connu  ici  (au  Grand-Orient)  sous  le  nom  de  Rit 
Français,  qui  n'est  ni  primitif,  ni  renouvelé,  ni  rectifié,  et  dont 
la  doctrine  n'est  à  proprement  parler  qu'un  amas  de  connais- 
sances superficielles  de  la  science  des  autres  Rites. 

Les  décrets  du  33e  degré,  que  vous  connaissez,  Vénérable 
Maître,  et  ceux  qu'il  lui  arrivera,  dans  sa  profonde  sagesse, 
de  rendre  par  la  suite,  n'ont  et  n'auront  d'autre  -application 
qu'au  Rit  ancien  accepté  ;  et  quelque  (sic)  soit  la  Puissance 
Symbolique  et  dogmatique,  ou  administrative  des  autres 
Rites,  nous  la  respecterons,  et  nous  vénérons  toujours  celle 
qui  mérite  nos  vénérations.  Là  se  borne  notre  pensée  :  ce  n'est 
point  une  profession  de  foi,  c'est  un  développement  des  gran- 
des Constitutions  de  notre  Puissance,  comme  Rit  ancien 
accepté. 

Le  Rit  ancien,  Vénérable  Maître,  est  mixte,  c'est-à-dire 
qu'il  est  symbolique,  moraliste,  chevaleresque,  avec  quelques 
éléments  des  Sciences  Philosophiques,  Hermétiques,  etc.,  etc. 
Il  a  aussi  dans  le  Nec  plus  ultra  les  deux  montants  et  le 
dernier  Echelon  (mais  couvert)  de  Dresde,  Echelon  qui  ne 
vous  est  >pas  étranger,  d'après  les  désignations  de  votre  carac- 
téristique en  la  planche  que  vous  avez  daigné  me  faire,  et 
dans  laquelle  il  n'y  a  rien,  qui  me  soit  applicable  ni  recon- 
naissant (sic),  que  mon  nom... 

...  Il  faut  vous  l'observer,  Vénérable  Maître,  rien  n'est 
aussi  détestable  que  les  Constitutions  du  Grand-Orient,  c'est 
un  corps  absolument  nul.  Il  est  composé  d'un  député  de  chaque 
Loge  et  Chapitre,  au  nombre  de  plus  de  700.  Ils  y  sont  quel- 
quefois de  3  à  409  ;  et  comme  les  officiers  du  Grand-Orient, 
prenant  part  aux  délibérations,  sont  à  peine  au  nombre  de  80, | 
ils  sont  pressés  par  les  députés  toujours  en  grande  majorité 
effrayante  par  la  composition  sociale,  parce  qu'un  député  de 


DOCUMENTS 


355 


Loge  ou  Chapitre,  devant  être  domicilié  à  Paris,  la  représen- 
tation repose  sur  des  hommes  qui  ne  sont  pas  connus  de  leurs 
commettants,  et  que  l'intrigue  indique.     . 

Dans  mon  affaire,  on  y  avait  appelé  tous  les  aboyeurs  du 
Palais  de  justice,  des  colporteurs  de  cordons,  de  bijoux,  et 
enfin  ce  qu'on  appelle  les  marchands  et  les  brocanteurs  de 
Maçonnerie.  On  y  avait  introduit  des  gens  qui  ne  sont  pas 
même  maçons.  Entrait  qui  voulait  sans  diplôme,  ni  même 
sans  être  tuillé,  parce  qu'il  était  question  de  prononcer  con- 
tre un  des  chefs  les  plus  marquants  du  Rit  ancien,  contre 
celui  surtout  qui  avait  planté  dans  le  Grand-Orient  la  ban- 
nière Ecossaise...,  ou  plutôt  contre  le  Rit  auquel  on  faisait  le 
procès... 

Ce  n'est  que  depuis  ce  temps  que  j'ai  constitué  le  Grand- 
Orient  d'Italie,  et  je  trouve  ma  récompense  de  cette  opéra- 
tion, Vénérable  Maître,  dans  le  jugement  que  vous  portez  de 
ses  Constitutions.  J'ai  l'espérance  qu'elles  vous  intéresseront 
plus  particulièrement  un  jour  peu  éloigné,  ainsi  que  votre 
sublime  Atelier,  et  ce  sera  pour  moi  une  double  récompense, 
puisque  je  vous  serai  uni  par  un  double  lien. 

Le  Très  Illustre  frère  d'Aigrcfenillc  guidé  par  sa  grande 
amitié  pour  moi,  et  par  l'estime  qu'il  me  porte  d'une  manière 
rare,  veut  bien  vous  envoyer  ma  supplique.  Quelque  (sic)  soit 
la  portion  de  science  à  laquelle  vous  vouliez  m'appeler,  Véné- 
rable-Maître, je  serai  infiniment  flatté,  et  les  frères  Thory, 
à!  H  arme  ns  en,  Montaleau  et  Bacon  de  la  Chevalerie,  que  vous 
y  avez  élevés  précédemment,  ne  me  dépasseront  jamais  de 
zèle,  ni  de  reconnaissance. 

Agréez,  T.  Illustre  .  •.  Illustre  .  \  Illustre  .  \  Vénérable  Mai- 
tre,  l'expression  d'un  sentiment  profond  d'amour  et  de  respect 
pour  vous,  et  pour  votre  9  fois  Sublime  Atelier. 

Pyron. 


Paris,  8  mai    1807. 


(A  YEques) 


J'ai  reçu,  avec  un  sentiment  de  reconnaissance  difficile  A 
exprimer,  votre  planche  du  20  avril,  à  laquelle  votre  bonté 
a  joint  mon  Diplôme  de  membre  du  Rit  Primitif,  et  la  notion 


i-'M  ~5 


DOCUMENTS 


357 


générale  sur  son  caractère  et  son  objet.  J'ai  donné  la  plus 
grande  attention  au  dernier  paragraphe  de  la  page  46,  et  je 
n'oublierai  jamais  que  c'est  à  vous,  Très  Illustre  frère,  que 
je  dois  d'avoir  monté  l'échelon  de  la  troisième  Division,  dont 
la   science   fait  souvent  mon  étude  particulière. 

Il  ne  me  resterait  plus  rien  à  désirer  si  les  frères  instruits 
pouvaient  cesser  d'être  voilés  pour  moi  en  éclairant  quelques 
notions  que  j'ai  acquises,  et  me  faire  (sic)  parcourir  les  diffé- 
rents degrés  qui  composent  les  3  classes.  J'ambitionne  de  me 
rendre  digne  de  la  faveur  que  je  viens  d'obtenir,  et  ce  n'est 
qu'en  me  livrant  à  l'étude  que  je  puis  y  arriver. 

Xe  considérez  point,  Illustre  Vénérable  Maître,  comme  un 
laconisme  réfléchi,  mon  silence  sur  la  dénomination  des  grades 
ou  des  séries  des  Rites,  que  j'ai  énoncés  à  la  suite  de  ma 
supplique  et  des  autres  degrés  qui  n'en  font  point  partie.  Je 
m'empresserai  d'y  suppléer  incessamment.  J'ignorais  cette 
formalité   comme   chose   nécessaire. 

Mes  qualités  civiles,  dans  le  tableau  ostensible,  sont  celles 
d'Ancien  Agent  Général,  et  Ancien  Intendant  des  Domaines 
et  bcis  appanagés.  Quant  aux  qualités  Maçonniques,  elles  sont 
celles    que    j'ai   prises    comme    Secrétaire    du    Saint-Empire  : 

1"  membre  du  Suprême  Conseil,  pour  la  France,  des  Souve- 
rains-Inspecteurs-Généraux du  33e  et  dernier  degré  du  Rit 
ancien  accepté  ; 

_  Comme  membre  du  Rit  Ecossais  d'h.  r.  d.  m.  (d'Hcro- 
dom)  dans  le  G.  \  O.  \  d'Italie,  dont  je  suis  l'un  des  premiers 
Grands   Dignitaires  ; 

30  Comme  membre  du  Rit  Ecossais  d'h.  r.  d.  m.  (d'Hcro- 
dom)  de  Kihvinning; 

4°  Comme  membre  de  la  Révérende  Mère  Loge  Ecossaise 
de  France  et  du  Souverain  Chapitre  Métropolitain  de  Saint- 
Alexandre  d'Ecosse  et  Contrat  Social  Réunis  ; 

50  Comme  pourvu  des  hauts  degrés  de  plusieurs  autres 
Rits,  etc.,  etc..  etc.. 

Ma  réponse,  Très  Illustre  Frère,  à  la  Très  Révérende  Loge 
du  Rit  Primitif  vous  dira  que  je  sais  apprécier  le  Rit  Pri- 
mitif ;  et  la  définition  de  la  3e  division  ne  pouvait  m'échapper, 
lorsqu'on  y  parle  des  Mages,  Théosophes. 

Il  eût  été  difficile  de  répondre  à  ce  que  vous  avez  dit  sur 


358  DOCUMENTS 

le  Chapitre  Métropolitain  (du  Grand-Orient),  qui  vient  encore 
de  se  mettre  en  grande  dépense  pour  s'approprier  quelques 
cendres  du  Phœnix,  afin  d'échaffauder  une  nouvelle  compila- 
tion de  ces  sciences  mystiques  dont  il  a  dérobé  à  chaque 
Rit  le  morceau  qui  lui  a  le  plus  convenu,  pour  en  faire  une 
communion  générale  dont  lui  seul  est  chef  et  grand  légataire  ; 
comme  si  un  Rit  composé  de  pièces  et  de  lambeaux,  avoué  par 
les  voleurs  et  méconnu  par  les  volés,  est  un  Rit  régulier  et 
conventionnel. 

Je  ne  pouvais  que  gagner,  Très  Vénérable  Maître,  en  vous 
donnant  des  détails  sur  cette  monstruosité  du  Grand-Orient 
en  France,  à  mon  égard.  Beaucoup  de  Loges  du  Xord  et  de 
l'Ouest  ont  fait  comme  celle  de  N...  Le  Représentant  Parti- 
culier Montaleau  eut  même  le  courage  de  faire  inscrire  sa 
protestation  contre  la  délibération.  —  Mais  cette  affaire  ne 
m'était  pas  personnelle  :  j'étais  le  page  que  l'on  fouettait  pour 
les  fautes  de  son  maître.  —  L'on  me  considérait  comme 
l'un  des  chefs  les  plus  ardents  du  Rit  ancien  accepté,  et  il 
fallait  avoir  ma  tête  pour  paralyser  celle  des  autres.  Les 
Ecossais  ont  péri  dans  la  tranchée,  de  peur,  et  non  les  armes 
à  la  main...  je  suis  calme. 

Le  Rit  ancien  accepté  est  en  pleine  possession  de  son  état. 
Mais,  Très  Illustre  Frère,  le  degré  33e  n'est  pas  ce  que  vous 
pensez.  Le  Dcus  meumque  jus,  qu'il  a  pour  légende,  aurait 
dû  vous  l'apprendre  et  explique  ce  que  c'est  que  ce  degré. 
L'autorité  déléguée  à  ce  33e  degré  est  étrangère  aux  autres 
Rits  quels  qu'ils  soient,  et  leurs  tribunaux  ne  pourraient  s'en 
constituer  juges  par  la  raison  qu'une  communion  mystique  n'a 
rien  à  voir  dans  une  autre  communion,  étrangère,  et  qui, 
loin  de  la  troubler,  la  considère  comme  une  communion  étran- 
gère à   elle-même. 

La  délégation  de  la  Puissance  porte  en  même  temps  la 
constitution  des  Suprêmes  Conseils  pour  le  Rit  dans  chaque 
état  et  empire,  sur  les  deux  hémisphères,  et  tous  les  Suprê- 
mes Conseils  en  activité,  notamment  dans  les  Iles  de  l'Amé- 
rique française  et  anglaise,  et  dans  les  états-unis,  ne  peuvent 
méconnaître  la  Puissance  à  laquelle  ils  doivent  leur  existence. 

Chaque  Kit.  enfin  ne  sortant  pas  le  cercle  de  ses  préroga- 
tives et  attributions  particulières,  n'a  rien  à  redouter.  —  S'il 
était   question   d'un   Congrès,   tel   que   celui   de   Wilhelmsbad 


DOCUMENTS 


359 


auquel  vous  avez  été  député,  et  dans  lequel  les  Mages,  les 
Théosophes,  ont  été  si  bien  accueillis,  il  pourrait  arriver  que 
d'autres  Rits  voudraient  connaître  l'institution  du  33e  degré. 
Mais  son  existence  et  sa  dogmatique  ne  seraient  ni  repous- 
sées, ni  compromises. 

Le  Livre  d'Or  a  été  envoyé  au  Chapitre  du  Rit  Moderne, 
parce  que  le  Rit  ancien  s'est  uni  au  Grand-Orient,  en  France, 
et  parce  que,  quoique  bien  différents  en  Dogmatique,  ils  sont 
attachés  au  même  tronc.  De  plus  cet  envoi  était  nécessaire,, 
parce  qu'il  est  un  avis,  et  un  préservatif  contre  le  trafic  hon- 
teux des  grades,  et  cette  profusion  criminelle  que  l'on  en  fait. 
Les  Chefs  du  Rit  ancien  accepté  ont  dit  :  Les  hauts  degrés 
de  notre  Rit  ne  seront  conférés  que  de  cette  manière,  et  par 
telle  autorité  ;  si  dans  les  Chapitres,  qui  ne  sont  pas  de  notre 
Rit,  il  se  présente  un  pourvu  de  nos  degrés,  nous  vous  indi- 
quons le  moyen  de  reconnaître  s'il  les  a  obtenus  réguliè- 
rement. 

Ils  ont  dit  ensuite  aux  Chapitres  du  Rit  ancien  :  Vous  ne 
reconnaîtrez  point  et  vous  n'admettrez  point,  comme  pourvu 
de  l'un  de  nos  hauts  degrés,  celui  qui  ne  vous  en  présentera 
pas  le  Diplôme  revêtu  des  formes  que  nous  vous  indiquons.  — 
Tel  est  l'objet  du  décret  du  27  novembre  inséré  au  Livre 
d'Or... 

Les  titres  et  caractères  déployés,  Très  Illustre  frère,  dans 
la  première  planche,  que  j'ai  eu  la  haute  faveur  de  recevoir 
de  vous,  vous  ont  signalé  pour  moi,  et  j'ai  pensé  pouvoir 
fixer  mon  regard  vers  l'Aréopage,  bien  convaincu  que  vous 
recevriez  avec  bonté  les  émanations  d'un  adepte  qui  cherche 
la  lumière  scientifique,  partout  où  il  peut  s'approcher  d'elle, 
et  qui,  livré  à  la  contemplation,  à  la  théorie,  et  à  la  pratique 
dans  la  mesure  de  ses  facultés  intellectuelles,  a  toujours  fait 
des  vœux  pour  arriver  au  dernier  Echelon,  sans  avoir  encore 
l'acte  de  son  Batême  (sic). 

—  Quant  aux  deux  montants,  nous  sommes,  vous  et  moi. 
de  la  même  famille.  La  sévérité  de  mes  principes  me  rassure 
sur  toute  espèce  d'indiscrétion  de  ma  part,  parce  que  j'ai  dû 
mettre  ma  confiance  dans  l'énumération  de  vos  dignités  :  la 
notion  générale,  qui  pour  tout  autre  pouvait  être  une  science 
occulte,  m'a  fait  recueillir  avec  respect  votre  précepte  :  Oui 
aures  habet  audiendi  audiat. 


^ 


360  DOCUMENTS 

Quant  à  votre  étonnement  de  ee  que  de  grands  personnages, 
qui  ont  exploré  votre  titre,  ont  fait  l'observation  que  vous 
êtes  des  Maçons  du  Rit  anglais  et  parfait  écossais,  je  vous 
répondrai,  Très  Vénérable  Maître,  que  tous  ceux  qui  siègent, 
sur  les  bancs  lumineux,  ne  peuvent  inscrire  sur  leur  Ban- 
nière :  Lux  ex  tenebris  :  beaucoup  de  maçons  ne  sont 
maçons  que  dans  les  banquets  et  dans  les  Loges  d'Adoption. 
Placez-les  à  la  porte  du  Temple  ;  à  peine  trouveront-ils  l'Ate- 
lier. —  L'ancienne  Judée  est  en  divorce  permanent  avec  la 
Judée  moderne. 

Je  pense  comme  vous,  Très  Illustre  frère,  qu'il  serait  bien 
difficile,  dans  une  Assemblée  Générale  de  la  grande  famille, 
de  déterminer  les  préséances  de  chaque  Rit,  et  j'ajoute  que. 
dans  un  Congrès  ou  Convent,  beaucoup  de  Rites  hémé- 
phères  {sic)  n'auraient  pas  même,  lors  de  l'appel,  l'entrée  du 
Portique,  parce  que  l'intrigue,  la  vanité,  et  la  soif  de  l'argent 
ont  fait  de  la  Maçonnerie  un  chaos  qu'il  n'appartient  pas  à 
tout  le  monde  de  tuilier,  mais  les  free  and  acceptai  masons 
(Rit  de  l'Eques)  ne  s'y  trompent  pas,  et  ils  savent  accorder  et 
présenter  dans  la  grande  procession  le  n°  1  à  celui  qui  doit 
primer  le  n°  2. 

Je  pense  encore  comme  vous  que  nos  institutions  maçonni- 
ques et  scientifiques,  dans  toute  l'acception  de  ce  dernier  mot, 
se  maintiendront  à  l'infini,  toutes  les  fois  que  les  différents 
rameaux  de  la  Maçonnerie  s'empresseront  d'avoir  pour  Ban- 
nière une  Maçonnerie  tout  à  la  fois  Symbolique  et  Politique, 
sœur  intime  de  la  Politique  gouvernementale  qui  leur  donne 
l'hospitalité  :  les  Gouvernements  doivent  protéger  les  Maçons, 
parce  que  leurs  meilleurs  amis  sont  et  doivent  être  dans  les 
Loges  :  et  la  Maçonnerie  doit  se  resserrer  auprès  des  Gouver- 
nements, parce  qu'avec  leur  aide  et  leur  bienveillance,  elle 
reviendra  à  sa  première  institution  symbolique  :  la  bienfai- 
sance et  l'hospitalité.  Celle  des  Sciences  occultes  est  impé- 
rissable. 

Je  crois.  Très  Illustre  frère,  avoir  répondu  a  votre  conver- 
sation amicale.  Daignez  encore  recevoir  mes  réponses  avec  la 
conviction  de  la  pureté  de  mes  Principes,  et  soyez  persuadé 
que,  si  vous  vous  chargez  un  jour  de  mon  éducation  dans 
le    Rit    Primitif,  vous  ne  désavouerez  jamais  votre   initié. 

Pyrôn. 


DOCUMENTS 


36l 


(A.  VEques) 

Orient   de   Paris,   le   9   septembre    1808. 

Le  24  mai  dernier,  je  vous  ai  écrit  et  remis  au  Très 
Illustre  frère  d'Aigrefeuille  une  très  longue  planche,  sur 
laquelle  je  n'ai  pas  eu  de  réponse.  Depuis  ce  temps,  je  n'ai 
pas  cessé  de  m'occupèr  auprès  du  Grand-Orient  d'Italie,  du 
Rit  Primitif,  et  j'ai  eu  avec  lui,  à  cet  égard,  une  correspon- 
dance très  active.  La  Bannière  (offerte  par  la  Loge  de  YBques) 
perdue  dans  les  Bureaux  des  diligences,  a  été  retrouvée,  et 
a  été  inaugurée  le  23  août.  Le  même  jour,  le  Grand-Orient  a 
nommé  une  commission  de  deux  membres,  pour  surveiller 
l'exécution  et  l'envoi  de  celle  qu'il  a  voté  d'offrir  à  la  Révé- 
rende Loge  de  N... 

Quant  au  visa  des  Constitutions,  je  n'ai  pas  été  aussi  heu- 
reux dans  mes  négociations.  Le  Grand-Orient  et  ses  divers 
Ateliers  ont  arrêté,  à  diverses  reprises,  de  les  viser,  mais  ils 
ont  observé  qu'on  ne  pouvait  viser  des  chiffres  et  des  colonnes 
mystérieuses  :  sans  connaître  s'il  lui  convient  et  appartient 
de  les  viser,  on  m'a  demandé,  dans  différentes  lettres,  de  vous 
prier  d'en  donner  la  traduction,  ou  la  quintessence. 

D'après  des  instructions,  que  j'ai  reçues  de  l'Illustre  frère 
d'Aigrefeuille,  j'ai  observé  que  ces  colonnes  mystérieuses 
tenant  à  la  dogmatique  intérieure  du  Rit,  il  était  impossible 
de  satisfaire  à  cette  demande  ;  que  la  constitution  reposait 
essentiellement  dans  la  colonne  française,  et  que  d'ailleurs  le 
visa  n'était  en  quelque  sorte  qu'un  acte  de  Police  Maçonnique, 
insignifiant  par  lui-même,  parce  que  la  consistance  et  la  pros- 
périté d'un  Rit  n'était  pas  dépendante  du  visa  d'un  autre 
Rit;  j'ai  fait  passer  le  duplicata  du  visa  du  Grand-Orient  de 
france,  mais  celui  d'italie  a  pensé  que  son  opinion  était  indé- 
pendante et  n'appartient  qu'à  lui.  Le  même  jour,  23  août,  le 
Grand-Orient,  après  avoir  inauguré  la  Bannière,  a  arrêté  de 
vous  faire  une  adresse  flatteuse,  fraternelle,  affectueuse  et 
remplie  de  respect  et  de  dévotion  pour  le  Rit  Primitif,  et  dans 
laquelle  il  vous  demandera  cette  traduction  ou  quintessence, 
et  vous  sollicitera  pour  l'établissement  d'une  Loge  du  Rit  à 
Milan.  J'ai  demandé,  d'après  les  conseils  de  l'Illustre  frère 
d'Aigrefeuille,  de  me  renvoyer  la  copie  officielle  des  Consti- 
tutions, en  annonçant  que  le  Rit  Primitif  se  bornera  à  son 
affiliation.   Tel   est  l'état   des   choses. 


362  DOCUMENTS 

Je  ne  dois  point  vous  taire,  Très  Illustre  Vénérable  Maître, 
que  j'ai  su,  par  la  correspondance  secrète,  qu'un  membre  du 
Rit  dans  l'ancienne  Souabe  s'est  opposé  mystérieusement  au 
visa;  qu'un  membre  de  la  Secte  de  Bav.-  (1)  a  fortement  agi 
pour  qu'on  obtienne  de  vous  la  traduction  des  colonnes.  Et, 
enfin,  on  met  en  doute  si  la  Révérende  Première  Loge  du  Rit 
Primitif  a  pu,  sans  le  consentement  de  ses  Sup.  maj.  \  et  même 
min.*.,  demander  le  visa  d'un  autre  Rit.  Je  vous  confie  cette 
opinion  et  vous  demande  vos  instructions  sur  ce  que  je  dois 
continuer  de  faire. 

Quant  à  moi,  Très  Illustre  Vénérable  Maître,  je  pense 
aussi  qu'il  faudrait  se  borner  à  l'affiliation  comme  un  chaî- 
non de  plus,  car,  s'il  s'agissait,  par  exemple,  au  Grand-Orient 
d'Italie,  de  faire  viser  par  un  autre  Rit  quelconque  ses  Consti- 
tutions, comme  homologation,  je  me  livrerais  à  cet  égard  aux 
représentations  les  plus  fortes,  fondé  sur  ce  que  les  différents 
Systèmes  de  la  Franche-Maçonnerie  sont  indépendants  hs 
uns  des  autres,  quoique  émanant  tous  du  même  tronc,  et 
c'est  à  ceux  qui  veulent  en  suivre  le  culte,  de  choisir  celui 
qui  est  le  plus  analogue  à  leurs  conceptions. 

Agréez,  Très  Illustre  Vénérable  Maître,  les  sublimes  hon- 
neurs qui  vous  sont  dûs. 

Le  F.-.  Pyrox. 

(A.  Y Eq ues) 

Paris,  29  décembre    1808. 

Ne  m'en  voulez  point,  je  vous  en  supplie,  si  je  ne  vous  ai 
pas  répondu  plus  tôt.  L'Illustre  frère  à*  Aigre  feuille  vous  dira 
que  depuis  plus  de  deux  mois  je  suis  entièrement  tourmenté 
par  la  maladie  de  ma  femme  qui  m'est  chère  à  tous  égards. 

Le  Secrétaire-Général  du  Grand-Orient  d'italie  m'avait 
annoncé  la  lettre  que  vous  désirez,  et  que  j'étais  bien  éloigné 
de  déconseiller,  puisqu'elle  vous  est  agréable  et  que,  de  plus, 
j'ai   l'honneur   d'appartenir   au   Rit   Primitif.   Il   m'a   annoncé 


(l)  On  verra,  d'après  deux  autres  lettres  que  nous  citons  plus 
loin,  que  ce  membre  de  la  «  Secte  de  Bavière  >  n'était  autre  que 
Weishnupt.  (X.  de  l'A.) 


DOCUMENTS 


363 


aussi  la  Bannière  qui  est  faite  ;  mais  ce  retard  doit  d'autant 
moins  vous  affecter  qu'ils  sont  aussi  en  retard  vis-à-vis  de 
Monseigneur  (Cambacérès)  et  du  Grand-Orient  de  France, 
d'une  manière  impardonnable,  si  ce  n'est  qu'ils  sont  fort 
occupés  d'une  très  grande  fête,  pour  célébrer  leur  affiliation 
au  Grand-Orient  de  France.  Cette  correspondance  devait  être 
indispensablement  signée  par  des  personnes  qui  ont  accom- 
pagné le  Vice-Roy  dans  sec  tournées,  et  qui  à  peine  rentrent 
à  Milan.  J'ai  recommandé  le  renvoi  des  copies  des  Consti- 
tutions ou  le  visa  comme  correspondance  et  affiliation.  Il  ne 
m'a  été  fait  d'autre  réponse  sinon  que  l'on  aurait  égard  à  mes 
observations. 

J'ai  bien  aperçu  qu'ils  auraient  été  jaloux  d'avoir  à  Milan 
une  Loge  de  ce  Rit  (Primitif),  et  qu'ils  n'ont  regardé  que 
comme  un  refus  ce  que  je  leur  ai  dit  à  cet  égard.  Ils  ont  néan- 
moins parmi  eux  un  membre  du  Rit  Primitif  auquel,  encore 
bien  qu'il  ne  veuille  pas  se  faire  reconnaître,  j'ai  fait  des 
représentations  vigoureuses,  et  je  soupçonne  que  je  l'ai 
vaincu,  m'ayant  fait  annoncer  une  lettre  de  lui  à  ce  sujet, 
qui  néanmoins  ne  m'est  pas  encore  parvenue.  —  Je  passe  à 
l'ensemble  de  votre  lettre  du  2j  septembre. 

Si  je  ne  vous  ai  pas  donné  la  lettre  de  Trévise  et  de 
Vicense,  c'est  qu'elle  est  en  italien,  et  indéchiffrable.  Mais  ce 
ne  sont  que  des  Maçons  symboliques.  —  Il  y  a  bien  en  Italie 
des  membres  du  Régime  Rectifié  à  Wilhelmsbad,  que  vous 
avez  formé  en  IXe  Province  (au  Couvent  de  Wilhelmsbad), 
mais  je  n'ai  pu  obtenir  d'eux  leur  consentement  pour  les  faire 
connaître.  Ils  sont  dans  une  réserve  excessive.  L'un  d'eux  est 
cependant  mon  ami  intime,  et  je  ne  désespère  pas  de  voir 
l'italie,  comme  IXe  Province  se  reformer  en  directoire,  pré- 
fecture, etc.. 

Mon  intention,  Très  Illustre  Vénérable  Maître,  n'avait  pas 
été  en  vous  indiquant  quelques  candidats,  de  vous  demander 
de  les  élever  en  masse.  Je  m'étais  borné  à  consulter  vos  dis- 
positions, avant  de  donner  suite  à  mon  idée.  C'était  peut-être 
un  moyen  assuré  de  vaincre  la  résistance.  Mais  cette  résis- 
tance a  été  cause,  que  je  n'y  ai  point  donné  de  suite,  et,  comme 
l'un  d'eux  sait  que  je  dois  vous  en  parler,  j'attends  que  cela 
revienne  d'eux-mêmes,  et  qu'ils  tiennent  ce  que  nous  leur 
demandons. 


364  DOCUMENTS 

Par  le  mot  a  voilé  »,  que  j'ai  appliqué  à  l'auteur  du  livre 
que  je  vous  envoie,  j'ai  voulu  dire  qu'il  est  très  mystérieux, 
caché,  voilé  sur  les  sociétés  et  sciences  maçonniques,  philoso- 
phiques, etc.,  qu'il  professe. 

La  Bannière  (du  Rit  Primitif  offerte  au  Grand-Orient 
d'Italie)  sortant  du  pouvoir  inquisitorial  de  la  douane  de 
France  eût  été  fourragée  en  Piémont,  et  la  nature  de  cette 
Bannière  et  ses  inscriptions  auraient  pu  être  considérées  par 
ces  Messieurs  Douaniers  comme  signe  conspirateur  :  ce  qui 
nous  eût  causé  des  embarras.  J'ai  fait  plomber  la  caisse,  au 
moyen  de  quoi  elle  était  inouvrable.  Mais  ces  Messieurs  ne 
donnent  pas  pour  rien  leur  plomb,  leur  ficelle  et  leur  toile 
cirée  ;  et  voilà  pourquoi  M.  d'Aigrefeuille  vous  a  porté  en 
dépense  les  frais  de  douane.  Aucun  courrier,  ni  voyageur  ne 
se  serait  chargé  d'une  caisse  longue  de  plus  de  4  pieds,  sur 
8  pouces  de  diamètre.  Cette  caisse  enfin  n'annonçait  par 
aucune  inscription  qu'elle  renfermait  une  Bannière  Maçonni- 
que. Si  elle  a  été  retenue  à  Lyon,  c'est  que  Messieurs  Bocro- 
fon,  directeurs  des  diligences  de  Lyon  pour  l'italie,  d'après 
ce  qu'ils  m'ont  écrit,  ne  font  d'envoi  pour  l'italie  que  lors- 
qu'ils ont  de  quoi   fréter  sur  une  voiture  entière. 

Par  le  mot  Secte  de  B...  j'ai  entendu  IV...  (1).  Vous  devez 
bien  penser  que  je  ferai  encore,  s'il  est  nécessaire,  de  nou- 
veaux efforts,  pour  un  visa  quelconque  dans  votre  seul,  et 
dans  notre   intérêt. 

A  l'égard  du  concours  de  Sup.  Maj.,  je  vous  ai  répété  fidèle- 
ment ce  qui  m'a  été  dit,  et  écrit. 

Agréez.  Très  Illustre  Vénérable  Maître,  les  sublimes  hon- 
neurs oui  veus  sont  dûs.  et  avec  lesquels  j*ai  l'honneur 
d'être... 

Le   F.  \   Pvrox. 


(i)  On  a  vu  plus  haut  lettre  du  8  septembre  1S08)  «  qu'un 
membre  de  ia  Secte  de  Bav.\  »  avait  fortement  agi  pour  que  le 
Grand-Orient  de  France  obtînt  de  YEques  la  traduction  de  ses 
colonnes  hiéroglvphiques.  On  voit  ici  que  Pyron  révèle  mainte- 
nant à  VEques  l'initiale  (W)  du  nom  de  cet  Illuminé  bavarois. 
Plus  tard,  il  lui  donnera  le  nom  presque  entier  du  redouté 
Weishaupt.  (N.  de  l'A.  | 


366  DOCUMENTS 

La  lettre  du  F.  \  Pyron  dont  la  fin  est  reproduite  ci- 
dessus  en  photogravure  était  du  29  décembre  1808. 
C'est  seulement  dans  une  lettre  du  3  décembre  1809 
(dont  nous  reproduisons  un  fragment  ci-après)  que 
Pyron  s'est  décidé  à  écrire  Weis  =  pt  et  non  plus  1J\ 

L'autre  mot  resté  au  bout  de  la  plume  se  reporte  énygrna- 
tiquement  à  \Yeis  =  pt.  —  Je  l'ai  combattu  utilement,  en  ce 
que  Pcnn  n'étant  pas  Sup.  \  Màj.,  il  ne  dépendait  pas  de  vous 
de  donner  la  Clef  (1)  ;  ce  langage  lui  étoit  trop  familier  pour 
ne  pas  se  rendre  dans  une  controverse  qui  ne  peut  s'écrire,  ni 
se  chiffrer. 

Ainsi  qu'on  le  voit,  il  n'est  plus  à  douter  qu'il  soit 
question  ci-dessus  de  Weishaupt,  et  l'on  observe  cepen- 
dant que  son  nom  n'est  pas  encore  écrit  en  toutes  lettres. 
Il  nous  faut  constater  ici  que  Pyron  prenait  de  grandes 
précautions  dès  qu'il  s'agissait  de  Weishaupt  î  Et  l'on 
est  amené  à  se  demander  quelle  pouvait  être  l'extraor- 
dinaire importance  du  rôle  joué  à  ce  moment  dans  la 
Fr.  \  Mac.  \  du  Premier  Empire,  par  ce  Weishaupt 
qu'on  supposait  à  l'écart  du  mouvement  maçonnique  de- 
puis le  procès  de  l'Illuminisme,  en  1786  î... 


(A  YEques) 

A   Paris,   le   2  mai    1809. 

J'ai  pensé,  Illustre  Vénérable  Maître,  que  vous  serez  flatté 
de  recevoir  au  nom  du  Grand-Orient  d'Italie,  comme  Protec- 
teur en  France  du  Rit  Primitif,  la  Bannière,  2  médailles  en 
argent,  2  en  bronze,  dont  le  Grand-Orient  d'Italie  fait  hom- 
mage au  Rit  Primitif.  Ces  différents  objets  sont  accompagnés 
d'une  planche,  en  italien,  qui  contient  l'expression  de  sa  véné- 
ration pour  le  Rit. 


(1)   On   a  vu  plus  haut,  p.  67-71,  la  comédie  jouée  par  VEqi 
sous  le  nom  de  Pcnn.  (N.  de  l'A.) 


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368 


DOCUMENTS 


J'ai  pensé,  Illustre  Vénérable  Maître,  que  vous  serez  flatté 
de  recevoir  cet  hommage  de  la  main  même  de  l'Illustre  Pro- 
tecteur, et  la  remise  en  sera  faite,  par  son  Altesse  Sérénis- 
sime  au  Très-Illustre-  frère  d'Aigrefeuille,  votre  ministre 
près  de  sa  personne,  pour  vous  en   faire  la  transmission. 

La  planche  du  Rit  Primitif  remplit  selon  mci  toutes  nos 
vues,  et  je  pense  plus  que  jamais  qu'un  visa,  on  ne  peut  plus 
insignifiant,  n'est  pas  à  comparer  au  dépôt  dans  les  archives 
du  Grand-Orient  d'Italie  de  la  copie  des  Constitutions,  et,  si 
vous  avez  en  ma  manière  de  voir  (que  j'ai  eu  déjà  l'honneur 
de  vous  développer  dans  ma  dernière)  un  peu  de  confiance, 
vous  abandonneriez   ce  visa. 

L'Illustre  frère  d'Aigrefeuille  insistait  pour  demander  que 
Ton  renvoie  les  copies  que  l'on  ne  vise  pas  ;  je  suis  bien  loin 
de  partager  cette  opinion,  puisque  je  considère  comme  une 
chose  précieuse  le  dépôt  qui  en  est  fait,  et  qui  n'existerait 
plus,  si  on  retirait  les  copies. 

La  personne,  qui  avait  le  plus  insisté  pour  la  traduction,  a 
traversé  Paris  ces  jours-ci  (i).  J'ai  eu  avec  elle  une  conversa- 
tion fort  étendue,  dans  laquelle  elle  est  convenue  que  vous  ne 
pouviez,  ni  ne  deviez  donner  cette  traduction.  Elle  tient  un 
peu  à  un  des  systèmes  du  Rit  Primitif,  et  vous  aurez  une  idée 
de  l'étendue  de  ses  connaissances  par  son  signe  caractéris- 
tique que  voici.    /'ttN    .  ' . 

Vous  remarquerez,  Très-Illustre  Maître,  que  le  Grand- 
Orient  d'italie  ambitionne  plus  que  jamais  de  pouvoir  profes- 
ser le  Rit  Primitif.  Ce  Rit  n'étant  point  connu  en  Italie,  ne 
vous  serait-il  pas  possible  de  former  un  établissement  provi- 
soire sous  la  condition  de  le  faire  régulariser  aussitôt  que 
les  circonstances*  le  permettront,  ou  d'en  faire  arriver  la 
demande  par  vous  à  qui  de  droit  ? 

Je  savais  bien,  en  écrivant  les  mots  Supérieurs  Majeurs 
que  je  m'écartais  ;  mais  vous  avez  dû  comprendre  que  les 
Supérieurs  majeurs  étant  voilés  pour  moi,  je  me  complaisais 
à  vous  dire  que  vous  m'en  teniez  lieu.  Xe  considérez  point 
cette  dénomination  comme  une  cajolerie  ;  des  honneurs  ex 


(\)   Il  est  infiniment  probable  que  ce  mystérieux  personn; 
n'était  autre  que  Weishaupt.  (N.  de  l'A.  t. 


DOCUMENTS  •  369 

sifs  ne  blessent  point  celui  auquel  on  les  rend  par  un  senti- 
ment de  vénération,  et  lorsque  l'expression  est  écrite  avec 
ce  sentiment  elle  est  pardonnable. 

Vous  me  demandez,  Très  Illustre  Vénérable  Maître,  mon 
opinion  sur  la  demande  qui  vous  a  été  faite  par  un  chef  de 
bataillon  prétendant  avoir  le  31e  degré,  et  (par)  un  autre  s'inti- 
tulant  Rose-Croix. 

Si  celui  qui  prétend  avoir  été  élevé  au  31°  degré  a  reçu 
le  grade  régulièrement  par  un  tribunal  constitué  régulière- 
ment, il  peut  arriver  au  32e.  Mais  il  ne  peut  l'obtenir  que  du 
Suprême  Conseil  :  les  extraits  du  Livre  d'Or,  que  j'ai  eu 
l'honneur  de  vous  adresser,  y  sont  formels. 

Le  Rose-Croix.  \,  s'il  est  du  Rit  français,  et  par  consé- 
quent Rose-Croix.-,  de  Judée,  n'est  pas  promu  au  18"  degré 
Rose-Croix.  \  du  Rit  ancien  accepté,  et.  avant  de  pouvoir 
aller  plus  loin,  il  faut  qu'il  appartienne  au  Rit,  en  recevant 
les  degrés  antérieurs.  Ces  faits  sont  faciles  à  vérifier  par  le 
diplôme  du  31e  degré  et  par  le  Bref  du  Rose-Croix.  \,  oui 
constatent  l'autorité  Maçonnique  dont  ils  sont  émanés. 

J'ignore  quel  est  le  voyageur  qui  se  prétend  avoir  été 
élevé  au  Consistoire.  Vous  avez,  dans  le  premier  extrait,  du 
Livre  d'Or,  qui  contient  l'acte  d'élévation  de  Son  Altesse  à 
la  dignité  de  Très  Puissant  Souverain  et  Commandeur,  le 
nom  des  membres  du  Consistoire.  S'il  n'y  est  pas  dénomme, 
il  vous  trompe,  et  son  Diplôme  est  faux.  Il  y  a  beaucoup  de 
marchands  de  maçonnerie,  qui  donnent  ce  qu'ils  n'ont  pas  le 
choix  de  donner,  et  qui  attrapent,  avec  zèle  et  ferveur,  l'argent 
des  dupes   qu'ils   font. 

Un  Maçon  fort  zélé,  quelque  soit  son  Rit,  est  toujours  très 
recommandable  ;  mais  je  pense  bien  comme  vous  qu'il  faut 
être  avare  des  degrés.  Le  commerce  honteux  qui  s'en  fait  dans 
le  Rit  français  est  cause  du  grand  avilissement,  dans  lequel  il 
tombe  chaque  jour.  Il  y  a  aussi  de  grandes  précautions  à 
prendre,  car,  en  général,  les  Maçons  modernes,  c'est-à-dire,  les 
Maçons  français,  sont  les  ennemis  bien  prononcés  des  autres 
Rit. s,    dont   ils    sont   perpétuellement   les    détracteurs. 

...  Je  vous  donnerai  incessamment  les  noms  de  quelques 
maçons  à  Milan,  très  distingués,  et  que  vous  avez  dû  connaî- 
tre. Je  puis  vous  indiquer  dès  à  présent  M.  de  Brème,  ministre 
de   l'Intérieur,    et   M.    Oppiani,    peintre    de    Sa    Majesté  ;    ils 


3JO  DOCUMENTS 

appartiennent  à  l'Ancienne  Grande-Loge  de  Milan.  Celui  dont 
je  devais  avoir  la  lettre  est  celui  dont  vous  avez  la  caracté- 
ristique ci-contre  (§)•"•  (i)-Je  dois  le  revoir  sous  15  jours,  et 
m'enfermer  24  heures  avec  lui,  pour  des  objets  importants, 
et,  s'il  y  a  quelque  chose  qui  puisse,  selon  moi,  intéresser  le 
Rit  Primitif,  je  vous  en  informerai. 

Nous  venons  d'établir  à  Xaples  un  Suprême  Conseil  du 
33e  degré  et  un  Grand  Consistoire.  Ils  doivent  s'installer  au 
moment  où  je  vous  en  parle,  et  le  Rit  Ancien  accepté  va  se 
promener  dans  les  Etats.  Vous  voyez  qu'il  prospère.  Je  ne 
désespère  pas  de  faire  maç.  \  le  Saint  Père,  car  j'ai  envoyé 
des  instructions  dogmatiques  à  Rome,  et  un  33e  degré  qui  y 
est  dans  le  moment,  en  espère  beaucoup  (2). 

Agréez,  Très  Illustre  Vénérable  Maître,  et  Conservateur 
du  Magnanime  Chapitre  de  la  Table  Ronde,  les  sublimes  hon- 
neurs qui  vous  sont  dûs. 

Pyrox. 

Vos  pouvoirs  pour  ma  représentation  près  le  Grand-Orient 
d'italie  ont  été  visés  et  me  reviendront  incessamment.  J'y 
ferai  honneur.  Je  vous  joins  ci  copie  de  mon  acte  de  présen- 
tation, à  Monseigneur,  de  la  Bannière,   des  médailles. 

A   Son   Altesse   Sérénissime,   l'Archichancelier, 
Protecteur  en  France  du  Rit  Primitif. 

Monseigneur, 

Il  ne  suffisait  pas  à  votre  philanthropie  de  protéger  les  dif- 
férents systèmes  de  la  Maçonnerie,  et  de  poser  les  Bazes  {sic) 
du  Grand  Œuvre,  qui  doit  la  rappeler  à  son  Institution 
primith  e,  Votre  Altesse  Sérénissime  a  voulu  encore  porter 
ses  regards  sur  un  Système  Particulier,  dont  les  plus  pro- 
fondes méditations  se  dirigent  sans  cesse  vers  la  spiritualité, 
vers  tout  ce  qui  peut  épurer  la  morale,  et  rendre  l'homme 
parfait. 


(1)   Plus  haut,   dans  la    même  lettre,  il   est   déjà  question  de  ce 

Supérieur  Inconnu   très  mystérieux  —  Weishaupt.  plus  que   pro- 
bablement.  (N.  de  l'A.) 

Le  même  vain  espoir  sera  caressé  quelques  années  plus  tard 
parla  Haute  Vente.  ^X.  delA.i 


DOCUMENTS 


3/r 


C'est  ainsi,  Monseigneur,  que  Votre  Altesse  Sérénissime 
a  daigné  accepter  le  titre  de  Protecteur,  en  France,  du  Rit 
Primitif,  qui,  dans  le  calme,  et  dans  le  silence,  adore  son 
Dieu,  bénit  son  Souverain,  honore  le  malheur,  et  lui  porte 
les  secours  dûs  à  l'humanité  souffrante. 

Le  Grand-Orient  d'Italie  s'est  empressé  d'affilier  le  Rit 
Primitif,  d'en  accepter  la  Bannière,  qui  occupe  dans  son 
Temple  une  place  distinguée.  Il  me  charge  de  présenter  en  son 
nom,  au  Rit  Primitif  :  i°  deux  médailles  en  argent  et  deux 
en  bronze,  qu'il  a  fait  frapper  en  commémoration  de  l'affilia- 
tion réciproque  du  Grand-Orient  de  France  et  du  Grand- 
Orient  d'Italie  ;  2°  la  Bannière  du  Grand-Orient  d'Italie  dont 
il  fait  hommage  au  Rit  Primitif,  et  une  adresse  qui  contient 
l'expression  de  sa  vénératon  pour  le  Rit  Primitif. 

C'est  de  la  main  de  son  Protecteur  que  le  Rit  Primitif 
doit  s'enorgueillir  de  recevoir  tout  ce  qui  peut  ajouter  à  sa 
gloire,  comme  à  son  bonheur. 

Daignez,  Monseigneur,  agréer,  que  je  dépose  entre  les  mains 
de  votre  Altesse  Sérénissime,  les  dons  précieux  pour  une 
réunion  de  Maçons,  que  vous  avez  accueillis,  dont  j'ai  l'hon- 
neur de  faire  partie,  et  qui  ne  cessent  de  bénir  le  jour  où  vous 
les  avez  jugés  dignes  de  votre  personne.  Il  sera  beau  pour 
eux  de  consigner,  dans  leurs  Annales,  que  ces  dons  leur  sont 
arrivés  comme  une  marque  •  particulière  de  votre  affection 
pour  le  Rit  Primitif. 

Pyron 


Lettres  du  Chevalier  cPHarmensen. 

DEMANDE    D'AFFILIATION. 

Le    frère    d'Harmcnscn    soussigné, 

A  la  Très  Révérende  Loge  des  P...  (Rit  Primitif), 
Orient  de  N..,  T.  T.  T.  S.  S.  S.  T.  T.  T.  P.  P.  P. 
et  T.  T.  T.  J.  J.  J.  F.  F.  F. 


Jaloux  de  participer  aux  augustes  travaux  de  la  Révérende 
Loge  des   P...   (Rit  Primitif),   Orient  de   N...  ;   espérant  plus 


2>72 


DOCUMENTS 


encore  de  votre  indulgente  bonté  et  de  mon  zèle,  que  des 
connaissances  Maçonniques  que  je  possède,  puisque  que  je 
n'ose  croire  à  leur  concordance  à  vos  lumières,  je  viens  avec 
une  confiance  fraternelle  et  soumise,  supplier  la  Révérende 
Loge  des  P...,  «  Rit  Primitif  »,  de  me  faire  participer,  si  elle 
m'en  croit  digne,  au  bonheur  inappréciable  de  m'admettre  dans 
son  sein,  et  de  diriger  sur  moi  une  portion  des  Instructions 
sublimes  que  je  désire  avec  ardeur,  sincérité  et  confiance,  en 
m'affiliant  à  son  Rit,  et  m'admettant  au  nombre  de  ses  mem- 
bres, jurant  et  promettant  de  garder  en  tout  temps  et  de  me 
soumettre  aux  règlements  de  la  Révérende  Première  Loge. 


Agréez,   etc. 


d'Harmensen. 


Pour  qu'il  soit  au  fait  des  allusions,  des  saillies  spi- 
rituelles, et  même  des  coups  de  griffes  et  des  coups  de 
dents,  que  le  lecteur  remarquera  dans  la  correspondance 
échangée  entre  l'Eques  a  Capite  Galeato  et  le  jeune 
chevalier  d'Harmensen,  quelques  explications  nous  ont 
paru  indispensables. 

Nous  avons  déjà  raconté,  ailleurs  (pages  22,  23,  58 
à  61),  que  ce  jeune  adepte  avait  été  lancé  par  le  Grand- 
Orient  contre  le  puissant  fondateur  du  Rit  Primitif, 
dont  les  Maçons  Parisiens,  aussi  insuffisants  que  pleins 
de  suffisance,  aussi  ignorants  que  fiers  de  leurs  pom- 
pons et  de  leurs  cordons,  ne  connaissaient  pas  même 
l'existence.  Ceci  était  vrai  du  moins  de  la  plupart  d'en- 
tre eux.  Le  frère  Charles  d'Aigre  feuille,  homme  d'un 
caractère  assez  léger,  espérait  jouer  un  bon  tour  à  son 
cousin,  YEqitcs  a  Capite  Galeato,  en  persuadant  au  bril- 
lant chevalier  Suédois  de  demander  au  Conservateur 
du  Rit  Primitif  de  l'agréger  à  son  «  mirlifique  » 
Régime.  (Voir  ci-contre  une  des  demandes  d'agréga- 
tion adressées  à  VBques  par  d'Harmensen.) 


DOCUMENTS 


373 


Paris,  le  12e  jour  du  5e  mois  de  l'an  de  la  V.  \  L. '.  5806. 


NOMS, 
PRENOMS, 

LIEU  DE  NAISSANCE 

ET   RÉSIDENCE, 

RELIGION 

ET    DOMICILE 

Jean- Etienne- 
Juste  d'Harmen- 
sen  —  né  à  Paris, 
\  le  20  mars  1779. 
—  Dans  la  reli- 
gion Luthérien- 
ne de  la  Confes- 
sion d'Augs- 
bourg. 


Domicilié 
.  quant   à    présent 
à  Paris, rue  Mont- 
martre, n"  1 13. 


QUALITES 
CIVILES 


Ancien  noble 
indigène  des 
Etats  de  Pologne; 
membre  des 
Etats  de  Suède 
siégeant  à  la  Diè- 
te ;  ci-devant 
gentilhomme  de 
cour  du  roi  de 
Suède  régnant, 
Gustave  IV. 


Maintenant   sans 
aucune  place. 


QUALITES 
MAÇONNIQUES 

DANS    LES    DIVERS  R1TS 


Chevalier  du  Phénix  du  Rit 
français,  du  Phénix  du  Rit 
Adhoniramite. 

R.\  +  d'Héiv.  de  Kilw. 
(Réunion).  Membre  du  Trib.". 
de  G.-.  I.".  I.-.  Cade,  attaché 
au  Souv.'.  Ch.\  Metr.-.  de  la 
R.\  M  ==  Ecc.\  de  France 
(du  Rit  Ecossais). 

Sage  vrai  maçon.  -      Cher. 


de  l'Iris,  de  la  clef  d'Or.  — 
Général  des  Argonautes.1,  et 
Chev.-.  de  la  T.-.  d'Or.  — 
L'un  des  12  uniques  de  ce  S.-. 
Ch.-.    avec    le    caractéristique 

Philosophe  Hermétique, 
52""  grade  du  Rit  anglais  pur. 

Gr.\  Insp.-.  génal.\  de  la 
maçonnerie  ancienne  et  mo- 
derne 3)me  degré; 

Proies  des  Chev.-.  du 
St-Sepulcre,  en  Palestine,  par 
la  puissance  du  S.-,  représen- 
tant X.  X.  X.  du  S  •.  G.-.  Mé- 
tropolitain de  St.*.  3e  ch1'"'. 

Du  Chap.-.  des  IV.  S.\K.\ 
de  Berlin. 

Sublime  Philosophe. Souv.-. 
Pontif.-. 

Et  pourvu  d'autres  grades, 
que  la  volonté  de  mes  maîtres 
tient  cachés  sous  un  sceau 
terrible,  imposant  efc  majes- 
tueux. 


Certifié  véritable.  Paris,  le   12e  jour  du  5e  mois  de  l'an  de 
la  V.  .  L.*.  5806. 


d'Harmensen 


, 


374 


DOCUMENTS 


D'Harmensen  expédia  une  demande  d'agrégation 
assez  sommaire.  Celle  que  nous  avons  reproduite  ci-' 
dessus  fut  envoyée  un  peu  plus  tard.  Voici  la  pre-i 
mière    : 


Demande  d'agrégation  a  la  Révérende  Loge  des  P..., 
(du  Rit  Primitif)  a  e'Orient  de  X... 
par 
J  ean-Btienne-Juste  d'Harmensen,  gentilhomme  Suédois,  An- 
cien noble  indigène  de  Pologne,  et  ci-devant  gentilhomme 
de  cour  du  Roi  de  Suède  régnant,  Gustave  IV. 

Né  à  Paris,  à  la  Maison  du  Consulat  général  de  Suède,  enj 
France,  le  20  mars  de  l'an  1779; 

—  fils  de  M.  d'Harmensen,  Consul  général  de   Suède 
en  France,  chev.  de  Tordre  de  Wasa 

—   gentilhomme    Suédois,    noble   indigène    des    Etats| 

de  Pologne,  domicilié  à.... 

maintenant  à  Paris. 

>ï<   de  tous  les  grades  d'un  grand  nombre  de  Rits. 


J.-E.-J.     d'HARMENSEN. 


Paris,  28  mai   1806. 


Le  vieux   Maçon  flaira  le  piège.   A  cette   demande, 
présentée  sous  une  forme  aussi  insolite,  il  répondit.  0 
son  cousin,   qui   l'avait  transmise,   sur  le  ton  du   plus 
gai  badinage.   Mais  quelques  épines;  aux  pointes  t 
acérées,  se  cachaient  sous  les  fleurs.  Le  chevalier  d'Har- 
mensen, à  qui  le  frère  d'Aigre  feuille  avait  commun  i 
la    réponse,    sortit    de    l'ombre.    Les   premières    letti 
échangées  de  part  et  d'autre,  offrent  un  simple  inte 
de  curiosité.  Celles  que  nous  publions  sont  au  contraire 
d'une  importance  qui  n'échappera  pas  au  lecteur.  L'e: 


KHOMHnEN 


DOCUMENTS 


375 


lence  d'Arrière-Loges  très-cachées,  —  de  ((  Hauts  Or- 
dres Secrets  »  infiniment  supérieurs  aux  Maçonneries 
vulgaires  et  mi-apparentes  —  s'y  avère  de  la  plus  écla- 
tante façon. 

On  remarquera  tout  d'abord,  dans  la  première  de 
ces  lettres;  que  YBqucs  y  appelle  d'Harmensen  un 
«  sylphe  »,  un  esprit  ((  domicilié...  dans  la  moyenne 
région  de  l'air  »,  d'après  le  vocabulaire  kabbaliste. 
Sous  une  forme  badine  et  voilée,  mais  qui  dans  sa  pen- 
sée pouvait  et  devait  être  comprise,  le  vieux  Maître 
veut  faire  entendre  à  son  jeune  correspondant  qu'il  l'a 
dès  l'abord  pénétré  dans  son  caractère  et  son  rôle  de 
messager  et  d'espion.  En  effet,  les  «  Douze  Sylphes  » 
étaient  les  adeptes  encore  novices  d'un  Rit  philoso- 
phique dirigé  —  naturellement  —  contre  la  Religion, 
peu  connu  mais  fort  couru,  avant  la  Révolution  :  La 
Clef  de  la  Maçonnerie.  Mais' ni  d'Harmensen,  ni  d'Ai- 
grefeuill'e  ne  comprirent  les  allusions  :  ils  n'avaient  pas 
cette  a  clef  »  !... 


(De   l'Eques   a   Capite   Galeato.) 

X...,  le  12  juin  1806.  Le  F.-,  de  Ch...  au  sylphe  d'Harmen- 
sen, domicilié  à  ...  dans  la  moyenne  région  de  l'air. 

Très  Volatil  et  Très  Sublime  F.  \, 

Non,  votre  gentillesse,  que  vous  nommez  torts,  ne  pouvait 
pas  me  rester  inconnue;  j'en  étais  parfaitement  convaincu, 
avant  que  vous  ayez  cru  nécessaire  d'en  faire  l'aveu.  J'avais 
démêlé  à  merveille  que  mon  cher  parent,  à  qui  je  n'en  veux 
pas  plus  de  mal  pour  cela,  me  faisait  l'espièglerie  de  me  tâter 
en  tous  sens,  et,  pour  le  bien  de  la  chose  et  par  activité  de 
zèle  Maçonnique,  essayait  diverses  sondes,  pour  me  faire  ex- 
pliquer. 

S'il  y  avait  eu  du  charlatanisme  dans  mon  fait,  la  décou- 


376  DOCUMENTS 

verte,  que  j'avais  faite,  de  l'allure  de  mon  cousin, -m'aurait 
engagé  de  tenir  mon  jeu  serré. 

Mais,  comme  il  n'y  avait  pas  plus  de  charlatanisme  que 
de  mystère  dans  le  Rit  Primitif,  et  que  dans  toute  occasion, 
notamment  dans  celle  qui  nous  occupe,  il  m'a  donné  des  preu- 
ves de  son  obligeante  amitié,  j'ai  feint,  sans  répugnance, 
d'abonder  dans  son  sens  ;  je  me  suis  prêté  à  cet  innocent  ba- 
dinage,  et  j'ai  tâché  de  répondre  à  ses  lettres,  sous  tous  les 
rôles  dont  il  s'est  amusé  à  s'envelopper  comme  le  mercure 
galant. 

Peut-être  voudrez-vous  soutenir  la  gageure,  et  vous  dé- 
fendre de  votre  qualification  ;  mais  ce  serait  bien  en  vain. 
Vous  êtes  certainement  dix  fois  plus  sylphe,  que  je  ne  suis 
un  sage,  un  philosophe,  comme  il  vous  plaît  de  me  considé- 
rer. Peur  ne  pas  marchander  à  deux  fois,  il  faut  que  tout  de 
bon  je  vous  pousse  dans  vos  retranchements,  en  spécifiant  la 
preuve  démonstrative  de  votre  essence. 

i°  Dans  votre  lettre  du  7  mai,  vous  vous  annoncez  comme 
membre  du  Chapitre  Métropolitain  de  Saint-Alexandre 
d'Ecosse,  et  connaissant  tout  ce  qu'il  professe;  et  l'un  de  nos 
frères,  qui  a  bien  voulu  se  charger  de  faire  cette  recherene. 
n'a  trouvé  aucune  trace  de  votre  existence,  ni  dans  le  tableau 
du  Chapitre,  ni  dans  celui  très  récent  de  la  Loge,  ni  dans  les 
signatures  manuscrites  d'une  lettre  encore  plus  récente.  X'est- 
il  pas  évident  que  vous  êtes  un  être  idéal,  impalpable,  dont  le 
nom  même  se  refuse  à  l'impression  ? 

20  Votre  nom  ressemble  si  fort  au  surnom,  dont  ma  famille 
s'est  honorée  pendant  longtemps,  comme  décorée  d'un  titre 
acquit  par  ses  valeureux  services,  ce  surnom  bien  connu  de 
mon  cousin  d'Aigrefeuille,  et  qu'il  a  altéré  très  peu  pour  le 
déguiser  ;  votre  nom  enfin  joint  à  vos  connaissances,  votre 
zèle,  votre  style,  vos  recherches,  vos  voyages,  etc.,  etc.,  toute 
cette  ressemblance,  ou  plutôt  cette  identité  avec  mes  circons- 
tances :  tout  ne  mentre-t-il  pas  que  vous  n'êtes  pas  un  homme, 
comme  tant  d'autres  ?  ou  plutôt,  n'est-il  pas  manifeste  que  le 
sublime  frère  d'Aigrefeuille,  par  un  essor  de  son  imagina- 
ti;  11.  et  sous  une  légère  variante  du  nom  de  d'Arm...  en 
d'Harmensen.  s'est  fait  un  jeu  d'exposer  mon  génie  à  mon 
esprit,  ou  mon  esprit  à  mon  génie  ? 


documents  377 

3°  Enfin,  ce  qui  achèvera  de  vous  dévoiler,  c'est  le  mode  de 
votre  demande  d'agrégation  à  la  Loge  des  P....  Certainement 
le  frère  d'Aigrefeuille  s'est  fait  scrupule  de  vous  faire  trop 
ressembler  à  lui  et  aux  autres  frères,  en  vous  faisant  faire 
une  demande  circonstancière,  comme  la  leur.  N'est-il  pas  évi- 
dent qu'un  être  qui  exprime  une  demande  quelconque  en  ter- 
mes aussi  substantiels,  et  qui  d'ailleurs  n'a  ni  caractère,  ni 
religion,  ni  domicile,  ne  peut  être  qu'un  être  aérien  ?  Puis,  tous 
ces  grades,  sans  en  désigner  aucun,  cette  croix,  qui,  tout  au 
plus,  veut  dire  qu'on  n'appartient  point  à  l'hiérarchie  noire,  ces 
traits  d'encre  en  zigue-zague,  au-dessus  de  la  signature,  et 
ces  très  petits  monogrammes  en  manière  d'abraxas,  qui  sont 
au-dessous,  tout  cela  sent  son  farfadet  de  deux  cents  lieues 
loin 

Au  surplus,  sylphe,  salamandre  ou  génie,  il  n'importe  ; 
vous, n'êtes  pas  le  premier  et  vous  ne  serez  pas  le  dernier, 
j'espère,  avec  qui  il  m'est  permis  de  conférer  de  vive  voix 
ou  par  écrit.  Je  vais  donc  répondre  à  vos  lettres,  à  peu  près 
comme  si  vous  étiez  un  homme. 

Très  Sublime  et  Très  Digne  Frère, 

En  me  disant  que  vous  êtes  son  intime  ami,  qu'il  vous  con- 
naît à  fond,  et  qu'il  se  rend  votre  caution,  mon  cher  cousin 
d'Aigrefeuille  vous  donne  un  brevet  indélébile  d'homme  d'es- 
prit, aimable,  et  de  bonne  compagnie.  Si  à  ces  qualités,  infini- 
niment  plus  importantes  que  le  vulgaire  des  penseurs  ne  le 
croit,  vous  joignez  les  connaissances  que  le  début  un  peu  pin- 
darique  de  votre  lettre,  et  quelques  passages  des  deux  sem- 
blent annoncer,  vous  êtes  sans  contredit  du  petit  nombre  des 
êtres  privilégiés  que  la  bonté  paternelle  de  l'Eternel  place  au 
milieu  du  monde,  pour  que  leurs  instructions,  prudemment 
disséminées,  leur  exemple  surtout,  et  même  l'influence  de  leur 
atmosphère,  ralentissent  la  rapidité  du  torrent  invisible  qui 
entraîne  les  générations  dans  les  abîmes  de  la  corruption  et 
des  ténèbres. 

Cultivez  avec  soin  les  vraies  données  que  vous  avez  re- 
cueillies ;  vos  lettres  en  contiennent  plus  que  l'on  n'en  sau- 
rait glaner  dans  les  amphigouris  scientifiques  de  beaucoup  de 
Loges   et  de   Régimes.   Et  puisque   vous   dîtes  que   vous   êtes 


3/8  DOCUMENTS 

jeune,  agréez  que  mon  âge  vous  donne,  ou  plutôt  vous  rap- 
pelle un  conseil  précieux  :  votre  travail  personnel  et  soutenu 
vous  sera  mille,  dix  mille  fois  plus  profitable  que  tous  les  sen- 
timents des  prétendus  sages  ;  et.  comme  le  disait  très  bien 
votre  compatriote  Emm.  Schew.  (Emmanuel  Schweden- 
borg...)  :  «  Si  bonus  sum,  quœ  vera  sunt  ex  ipso  bono  possum 
scirc.  et  quœ  non  scio  possum  reeipere...   » 


Lettre   du   Chevalier  d'Harmensen   à   l'Eq. 
(de  Juin    1806). 

Je  ne  suis  ni  sylphe,  ni  salamandre,  ni  génie.  Très  Cher 
Frère.  Je  n'habite  point  la  moyenne  région  de  l'air,  mais 
bien  ce  globe  préparatoire.  Je  ne  suis  point  volatil,  mais 
homme,  pour  mes  péchés,  et  peut-être  pour  les  vôtres.  Votre 
très  aimable  et  très  spirituelle  épître  m'a  été  remise  par  le 
F.  \  d'Aigrefeuille  :  il  m'est  aussi  agréable  que  facile  d'y  ré- 
pondre. 

Je  ne  me  serais  guère  douté,  à  la  vérité,  que  ce  pût  être 
pour  les  éclaircissements  que  vous  me  demandez,  et,  qu'après 
40  années  de  représentation,  nous  vinssions  à  rencuveller  en 
réalité  la  scène  de  M.  de  l'Empyrée  et  de  M.  Baliveau.  Piron 
vous  en  voudrait  de  tout  son  cœur,  s'il  pouvait  revenir  dans 
ce  bas  monde,  et  la  muse  anonyme  de  Kimper  me  paraît  moins 
plaisante  que  ma  transformation  en  génie  aérien.  Cependant, 
comme  tout  ce  qui  sort  de  votre  plume  est  assaisonné  de  sel 
et  de  grâces,  je  m'applaudis  d'avoir  été  l'objet  d'une  méj 
sans  laquelle,  peut-être,  je  n'aurais  pu  sortir  de  la  lutte  éta 
blie  avec  tous  les  honneurs  du  combat. 

Je  commencerai  par  vous  déclarer  (et  j'appuierai  ce  que  je 
vais  avancer  de  l'authenticité  du  mysticisme  auguste  dont  je 
me  sers  dans  toutes  mes  correspondances  maç.  \  comme 
Chev.  *.  de  la  Toison  d'Or,  et  représentant  des  grades  de  la 
Sagesse  vers  les  Orients  du  Xord  de  l'Europe,  et  dont,  par 
humilité  je  n'avais  pas  voulu  vous  donner  la  représentation), 
je  déclarerai  donc,  dis-je.  qu'il  y  a  erreur  ou  bien  oubli,  de 
part  et  d'autre. 

Pour  répondre  d'abord  à  votre  première  inculpation  de 
n'être  point  sur  le  tableau  des  membres  du  Chapitre   Métro- 


t  : 


an 


DOCUMENTS  379 

politain  de  St.*.  A.  \  d'Ecosse,  j'aurai  l'honneur  de  vous  dire, 
ou,  plutôt,  de  vous  répéter,  que  non  seulement  je  suis  mem- 
bre de  ce  S.'.  Ch.  \  M.*.,  mais  qu'encore  je  suis  pourvu  de 
ses  plus  hauts  grades  ;  Que  si  l'erreur  consiste  dans  le  ta- 
bleau, j'en  suis  très  fâché,  mais  que  la  vérité  est  telle  que  je 
l'avance,  et  que  pour  vous  ôter  à  cet  égard  toute  sorte  de 
soupçons, 'je  joins  ici  l'attestation  des  membres  composant 
l'Académie  des  Sages  et  le  Tribunal  des  Grands  Inquisiteurs 
Inspecteurs  Com.  \  —  Quant  à  l'heureuse  fatalité  qui  met  de 
la  ressemblance  entre  le  nom  de  d'Arm...  et  le  mien,  je  ne 
saurais  que  m'en  féliciter  beaucoup,  quoique  ce  dernier  soit 
infiniment  moins  beau  et  moins  connu  ;  mais,  pardonnez-le 
moi,  mon  Très  Cher  Frère,  je  ne  puis  en  changer  les  lettres, 
et  tel  qu'il  est,  il  faut  s'en  contenter,  et  me  le  laisser  porter 
in  statu  quo.  comme  l'ont  fait  mes  pères. 

Je  viens  maintenant  au  mode  dont  je  me  suis  servi  pour  la 
demande  d'aggrégation  à  la  Loge  des  P...  —  Le  frère  cî'Ai- 
grefeuille  a  satisfait  à  tout  ce  que  vous  demandiez  ;  j'ai  ré- 
pondu à  ce  que  j'ai  pu  répondre. 

J'ignore  ce  que  vous  entendez,  Mon  T.  \  C.  \  F.  \,  par  le 
mot  Caractère.  Si  cela  doit  signifier  existence  Politique,  ou 
je  me  trompe  fort, ou  j'ai  dû  mettre  :  «  Ancien  noble  indigène 
des  Etats  de  Pologne,  membre  des  Etats  de  Suède  siégeant  à 
la  Diète,  et  ci-devant  gentilhomme  de  cour  du  roi  de  Suède 
régnant  Gustave  IV.  »  En  voilà  plus  qu'il  n'en  faut  pour  vous 
convaincre  que  je  ne  suis  point  né  dans  les  airs,  ou  dans  le 
feu,  et  que  je  suis  très  véritablement  habitant  de  cette  pla- 
nète. 

L'article  de  la  religion  me  surprend  encore  davantage,  car 
étant  entré,  il  y  a  plusieurs  années,  dans  un  ordre  d'une  très 
haute  importance,  on  s'informa  bien  de  ma  croyance,  mais 
non  de  ma  religion.  Puisque  je  me  suis  fait  fort  cependant 
de  vous  contenter  sur  tous  les  points,  je  vous  dirai  que  mes 
ancêtres  ont  tous  professé  le  Luthérianisme  de  la  Confession 
d'Augsbourg.  Je  n'en  dirai  point  davantage  sur  cet  article. 

Le  domicile  mériterait  une  plus  longue  dissertation,  car, 
n'en  ayant  peint,  il  faut  bien  vous  dire  pourquoi.  Lorsque 
j'occupais  la  place  de  gentilhomme  de  cour  du  roi  de  Suède, 
mon  domicile  était  à  Stockolm  ;  il  y  était  encore  alors  que 
sans  exercer  cette  place,  j'en  ai  conservé  le  titre  ;  mais  les 


380  DOCUMENTS 

événements  politiques  me  l'ayant  fait  abandonner,  pour  res- 
ter en  France,  où  j'ai  ma  fortune,  et  n'y  étant  que  momenta- 
nément cependant  et  sous  la  protection  du  Gouvernement 
Impérial,  qui  me  fait  la  grâce  de  m'y  protéger,  ne  sachant 
d'ailleurs  ce  que  je  deviendrai  dans  l'avenir,  quoique  décidé  à 
ne  jamais  retourner  en  Suède,  je  n'ai  dans  ce  moment  aucune 
espèce  de  domicile,  à  moins  qu'il  ne  vous  plaise  d'honorer  de  j 
ce  nom  un  appartement  que  j'occupe,  quand  je  suis  ici,  et  qui  j 
reste  vide,  quand  je  suis  absent,  rue  Montmartre,  n°  113. 

Lorsque  j'ai  mis  :  de  tous  les  grades  de  plusieurs  Rites,  j'ai    I 
cru  suffisant  de  spécifier  ma  qualité  incontestable  de  Maçon,, 
puisqu'elle  est  appuyée  des  plus  hauts  grades  de  la  Sublime 
Académie   des   Sages  de   S.  \   Alexandre  d'Ecos.  . 

Comme  d'ailleurs  je  tais  très  peu  de  cas  d'une  multitude 
de  grades  que  j'ai  reçus  en  divers  temps,  que  j'ai  toujours 
cru.  que  je  crois  encore,  et  que  je  croirai  toujours  que  la  Ma- 
çonnerie est  dans  le  fait  et  non  dans  les  formes,  je  n'attache 
pas  à  beaucoup  près  à  ces  simagrées  l'importance  que  je  vois 
avec  peine  mettre  par  vous  à  de  semblables  dehors.  J'étais, 
je  crois,  plus  qu'en  mesure,  d'après  le  sens  que  renfermaient 
mes  lettres,  et  je  doute  que  ceux  qui  s'arrogent  tant  de  titres 
pompeux,  que  j'ai  comme  eux,  et  dont  je  me  moque,  comme 
je  fais  aussi  d'eux,  eussent  écrit  aussi  clairement  une  pro- 
fession de  foi  qui  ne  pouvait  être  équivoque. 

Pour  vous  donner  l'assurance  de  ce  que  j'étais,  avant  d'en- 
trer à  SU".  Alex.  '.  d'Ecos.  \,  je  me  bornerai  à  vous  dire  que 
la  Mac.  ".  dans  toutes  ses  branches  m'est  connue  ;  que  je  suis 
membre  depuis  huit  ans  de  plusieurs  Chap.  \  Métrop.  \  de 
K...s,  des  Chev.  \  du  St.-.  Sé...re,  en  Palestine,  de  la  Stricte- 
Observance,  de  Ch.\  Herm.  •.  dont  le  dernier  et  $2e  grade  se 
nomme  Phil.  \  Herm.-.;  d'un  Rit  Ecc.  \  Ang.  \,  dont  le  faite 
est  le  ch.  :.  du  Phénix;  du  Rit  français,  autrement  dit  Rit  bleu, 
dont  le  plus  haut  grade  est  un  autre  Chev.-.  du  Phénix.  26e; 
membre  du  Consistoire  du  32e  degré  du  P.*.  de  R.  \  S  \  Rit 
ancien  et  accepté  ;  du  Rite  Adhoniramite.  dont  Le  dernier 
grade  est  Chev.-.  R.  \  ^  12°;  que  j'ai,  en  outre,  beaucoup 
d'autres  grades,  complément  de  plusieurs  autres  Rits,  dont  il 
ne  m'est  permis,  ni  possible  de  parler,  que  délié  de  tous  mes 
serments  Maçonniques  par  les  plus  Hauts  Ordres  Secrel 
Je    suis   par   les    Supérieurs    inconnus   médiats    (et    non    immé- 


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382  DOCUMENTS 

diats)  en  état  de  connaître,  par  mon  seul  désir,  ce  que  je  veux 
savoir  ;  que  je  n'ignore  point  quels  sont  vos  travaux  en  tous 
genres  ;  que  c'est  par  le  désir  d'acquérir  des  lumières  nou- 
velles et  précieuses  que  je  vous  ai  demandé  vos  enseigne- 
ments, ayant  aperçu  dans  votre  correspondance  tout  ce  qui 
peut  inspirer  l'intérêt  et  le  justifier. 

Voilà  un  très  court  aperçu  de  tout  ce  que  je  puis  vous  dire. 
Je  pourrais  me  parer  encore  d'une  série  plus  insignifiante,  si 
je  voulais  allonger  la  courroie  ;  elle  n'est  déjà  que  trop  lon- 
gue ;  et  je  me  tais. 

Quant  aux  prétendus  zigue-zagues  de  ma  signature,  je  ne 
me  rappelle  pas  d'en  avoir  jamais  fait.  J'ai  pu  mettre  une 
flèche,  dessus  ou  avant  mon  nom.  Si  cette  marque  ne  vous 
est  point  connue,  j'en  suis  fâché  ;  c'est  une  flèche  ;  voilà 
tout. 

J'ai  fait  probablement  suivre  mon  nom  de  ces  signes  : 
~\\  r  qui  signifient  V.  \  M.  \,  vrai  Maçon,  et  ensuite  de 
ceux-ci  :  YfL-TJl/  .  Le  premier  est  le  signe  du  Zodiaque 
du  Capricorne  :  comme  il  ne  peut  y  avoir  que  12  chevaliers 
de  la  Toison  d'Or,  et  que  chacun  a  pour  signe  indélébile  et 
distinctif  un  des  12  signes  zodiacaux,  celui  qui  m'a  été  donné 
accompagne  toujours  ma  signature.  La  lettre  H,  qui  suit,  est 
l'initiale  de  mon  nom,  et  vous  savez  ce  que  c'est  que  la  croix. 

Peut-être  ai-je  encore  fait  suivre  cela  des  lettres  S.  \  P.  \ 
\S  \t  >^    ce  clm  signifie  :  Subi.-.  Phil.  \,  Souv.  \  Pont.-,  et 

Souv.  \  Prê.  \ 

Voilà  l'explication  de  tous  les  signes  zigue-zagues,  qui  vous 
tiennent  si  fort  à  cœur,  mon  Très  Cher  Frère... 

Je  ne  dois  plus  avoir  rien  à  dire,  quant  à  ma  justification. 
Vous  demandez  le  nom  des  gens,  que  je  connais,  dans  et  hors 
la  Maçonnerie,  capables  de  mériter  votre  attention.  Je  ne  par- 
lerai point  de  ceux  que  j'ai  connus  hors  de  France,  ceux-là 
étant  trop  éloignés  de  vous.  Mais  il  y  a,  dissémines,  clans 
ce  gwnd  et  bel  Empire,  des  gens  dont  la  moralité  sainte  est 
honorée  par  moi  comme  elle  le  mérite. 

Je  citerai  d'abord  M.  Fiquct,  de  Marseille,  qui,  par  une  pra- 
tique de  30  années  dans  le  magnétisme  animal,  s'est  rendu  par 
cette  \  s  un  état  de  perfection  morale  admirable. 


DOCUMENTS 


;«3 


Je  pourrais  citer  le  Docteur  La  Motte,  mort  depuis  six 
mois,  et  d'autres  vivants. 

Mais  je  me  bornerai  dans  la  Mac.  \  à  vous  recommander 
surtout  le  docteur  Wurtz,  de  Strasbourg,  maintenant  fixé  à 
Versailles.  J'ai  connu  peu  de  frères  et  peu  d'hommes  aussi  in- 
téressants, et  par  lui-même  et  par  les  adeptes  que  l'on  ren- 
contre parfois  chez  lui. 

Comme  au  surplus,  tout  ce  que  je  pourrais  ajouter  sur  des 
individus,  qui  n'ont  aucun  désir  d'appartenir  à  aucune  Loge, 
deviendrait  inutile,  je  me  borne  non  plus  à  solliciter  mon 
aggrégation  à  la  Loge  des  Ph.  Rit  Primitif,  puisque  je  ne 
pourrais  en  recueillir  aucun  fruit,  d'après  vos  documents,, 
mais  à  honorer  infiniment  cette  Loge  respectable  et  son  ver- 
tueux Yen.  \  Il  m'importe  peu,  quelque  gloire  que  j'en  reti- 
rasse, de  me  voir  porté  sur  un  tableau  de  plus  ou  de  moins. 
J'aurais  fait  tout,  au  contraire,  pour  mériter  et  recueillir  ses 
instructions,  mais  d'après  votre  propre  aveu,  Mon  Très  Cher 
Frère,  cela  étant  impossible,  prenez  toutes  mes  ouvertures 
comme  non  avenues.  Elles  me  laisseront  toujours  d'agréables 
souvenirs,  puisqu'elles  m'auront  mis  à  même  de  me  recom- 
mander au  Révérend  Frère  de  Ch... 

C'est  une  jouissance  de  plus  pour  moi  que  de  l'honorer  en 
foi  et  vérité,  et  c'en  sera  toujours  une  aussi  de  lui  être,  lors- 
que  j'en  trouverai  l'occasion,  bon  à  quelque  chose. 


Agréez. 


D'HarmexsEx 


uin  1806. 


UBqucs  a  Capite  Galcato  au  Chevalier  é'Harmciiscu. 


Il  ne  serait  pas  très  surprenant  que,  provincial,  cam- 
pagnard, et  encore  balancé  dans  les  rêves  délirants  que  ma 
maladie  m'a  laissés,  j'eusse  attaché  quelque  réalité  à  l'idée 
fantastique  de  votre  existence  aérienne  ;  mais  il  n'est  pas 
aussi  facile  de  concevoir  comment  deux  hommes  de  cour, 
pleins  d'esprit  et  d'instruction,  ont  pu  ne  pas  démêler  de  prime 
abord,  que  je  me  jouais  dans  cette  plaisanterie,  pour  dire, 
ainsi,  comme  sous  le  masque,  ce  que  je  ne  voulais  pas  énon- 
cer à  visage  découvert... 


384  DOCUMENTS 

Trêve  de  badinage,  puisque  l'essai  m'en  a  si  complètement 
mal  réussi. 

Permettez-moi,  cependant,  Très  Illustre  Frère,  que,  pour 
cette  fois,  et  sans  autre  suite  nécessaire,  j'aie  l'honneur  de  vous 
exposer  le  vrai  sens  de  quelques  expressions  accolées  à  ma 
plaisanterie,  et  qui  paraissent  vous  avoir  induit  à  erreur.  Je 
prendrai  votre  lettre  pour  base  de  mes  remarques. 

Assurément,  dès  que  vous  avez  dit  que  vous  étiez  du  Cha- 
pitre Métropolitain  de  St-Alexandre  d'Ecosse,  je  n'ai  pas 
même  songé  à  en  douter,  et  je  m'estimerais  bien  peu  moi- 
même,  si  votre  simple  parole  n'avait  pas  droit  de  me  con- 
vaincre de  la  réalité  du  fait.  Mais  une  fois  posé  qu'il  fallait 
vous  trouver  sylphe,  j'ai  dû  tirer  parti  de  tout  ce  qui  pour- 
rait servir  à  étayer  ma  fable.  L'attestation  de  l'Académie  des 
Souv.  \  et  du  Tribunal  des  Grands  I.  \  I.  •..  C.  \,  que  j'honore 
l'un  et  d'autre  infiniment,  ne  sauraient  rien  ajouter  à  la  haute 
considération  que  j'étais  disposé  à  avoir  pour  vous  sur  votre 
simple  assertion. 

Je  verrais  avec  beaucoup  de  peine  que  mon  badinage  sur  l^s 
noms  vous  ait  blessé,  tandis  que  —  et  je  ne  dirai  pas  ceci 
«ans  quelque  rougeur  —  partant  des  éloges  exagérés  que  vous 
trouviez  bon  de  faire  de  moi,  et  ne  les  prenant  pas  cepen- 
dant pour  argent  comptant  quant  à  ma  personne,  je  feignis 
de  vous  identifier  avec  moi,  pour  vous  offrir  ainsi  l'hommage 
le  plus  délicat  et  le  plus  flatteur,  dont  je  fusse  capable. 

Le  mot  caractère  est  généralement  usité,  en  . 
dans  l'acception  que  vous  lui  donnez.  D'ailleurs,  par  une  es- 
pèce de  pressentiment  obscur,  j'avais  pris  la  précaution,  de 
mettre  dans  un  passage  de  ma  lettre  du  1 1  juin,  au  Révérend 
Frère  d'Aigrefeuille  :  «  l'Etat  en  profession,  rang  ou  carac- 
tère actuel  ».  de  sorte  qu'il  n'aurait  pas  dû  rester' d'équivoque. 
Vos  qualifications  étant  précédées  des  adjectifs  ancit  11  et 
ci-devant  semblaient  rendre  indispensable  de  coarcter  celles 
d'aujourd'hui,  d'à  présent,  comme  l'ont  fait  les  autres  frères. 
Au  reste,  toutes  les  qualifications  possibles.  Maçonniques  ou 
profanes,  sont  parfaitement  indifférentes  à  la  Révérende  Pre- 
mière  Uoge,  quant  à  elle  :  mais  elle  pense  que  les  frères,  qui 
défirent  d'être  sur  son  tableau,  veulent  sans  doute  y  être  dé- 
signés par  ee  qu'ils  sont,  et  île  manière  à  n'être  point  pris 
pour  d'autres  frères,  d'un  nom  pareil  ou  approchant,  —  On  a 


DOCUMENTS 


38; 


toujours  un  domicile  de  droit,  et,  soit  pour  un  passeport,  ou 
pour  quelque  autre  affaire  que  ce  soit,,  il  faut  faire  mention 
d'un  domicile  quelconque,  ou  du  moins  en  met  le  dernier  do- 
micile connu.  Cependant,  si  vous  l'eussiez  mieux  aimé,  on 
aurait  pu  remplacer  la  mention  du  domicile  par  les  mots  :  En 
voyage. 

On  a  dû  s'informer  de  votre  croyance,  lorsque  l'on  vous  a 
admis  dans  un  ordre  d'une  haute  importance,  parce  qu'on  vou- 
lait vous  imposer  un  CARACTERE  ;  mais  dans  les  simples 
Loges  préparatoires,  dédiées  à  Saint-Jean,  il  est  à  propos  de 
savoir  que  l'en  Ne  Fait  Pas  Profession  Constante  d'Athéisme. 
Et,  pour  cela,  il  suffit  d'être  né  et  instruit  dans  une  des  Reli- 
gions approuvées.  Pour  être  agréé  à  la  Révérende  Première 
Loge,  il  suffisait  que  vous  fussiez  reconnu  comme  Maçon  ; 
mais  pour  vous  classer,  c'est-à-dire,  vous  mettre  au  rang  ana- 
logue à  vos  connaissances,  il  fallait  une  indication  prise  d'un 
grade  connu  :  assurément,  c'était  bien  peu  exiger  que  de  l'at- 
tendre de  vous-même.  «  Tous  les  Grades  »  est  trop  vague  ; 
et,  je  le  répète,  ce  n'est  point  pour  la  Révérende  Première 
Loge,  que  l'on  fait  cette  demande,  mais  pour  désigner  cor- 
rectement le  Frère  dont  il  s'agit. 

Vous  avez  pu  voir,  dans  une  lettre  adressée,  je  crois,  à 
M.  de  Thory,  le  cas  précis  que  je  fais  des  grades,  des  titres 
pompeux,  et  des  dehors-;  ainsi  les  sentiments,  que  vous  voulez 
bien  concevoir,  à  cet  égard,  sont  sans  objet. 

Je  n'ai  aucun  doute  sur  le  peu  de  facilité,  que  j'ai  à  m'ex- 
primer  clairement  ;  j'ai  eu,  au  contraire,  tout  à  fait  lieu  de 
croire,  que  plusieurs  Révérends  Frères  ne  m'ont  point  com- 
pris. Mais  ce  n'était  pas  là  un  motif  pour  vous  moquer  de 
moi.  Il  va  là  d'autant  moins  de  générosité  à  cela  de  votre 
part,  que  si  j'avais  le  goût  et  le  loisir  d'user  de  représailles, 
en  outre  de  tous  vos  autres  avantages,  il  est  probable,  selon 
l'ordre  naturel,  que  vous  ririez  bien,  puisque  vous  ririez  le 
dernier. 

Tous  les  grades  que  vous  nommez,  et  je  présume  la  plupart 
de  ceux  que  vous  ne  nommez  pas,  ne  sont  Que  de  la  Crème 
fouettée,  passez-moi  le  mot.  Je  passe,  de  mon  côté,  à  pied 
joint,  sur  l'efficacité  de  votre  Saint  Désir,  et  plus  encore  sur 
l'espèce  d'éloge  indirect  que  vous  me  donnez,  comme  par  ré- 
miniscence. 


l) 


386  DOCUMENTS 

J'allais  oublier  de  vous  prier  de  me  dire,  ou  de  dire  au 
Révérend  Frère  d'Aigrefeuillc,  qui  aura  la  bonté  de  me  le 
transmettre,  à  quel  Chapitre  Métropolitain  de  la  Stricte- 
Observance  vous  appartenez,  et  quel  grade  vous  y  avez. 

Par  égard  pour  vous  et  pour  mon  parent,  je  n'ai  pas  dû. 
vous  parler  avec  sévérité  des  Hiéroglyphes,  dont  vous  parez 
ves  signatures  ;  je  me  suis  contenté  de  les  effleurer  bien  légè- 
rement, en  feignant  de  les  prendre  pour  de  petits  abraxas 

J'ai  eu  l'honneur  de  voir  M.  le  Chev.  de  Fabri,  à  Malte, 
sur  la  place  des  Chors,  où,  en  attendant  mon  départ,  il  eut  la 
bonté  de  m'entretenir  de  ses  merveilleuses  découvertes,  à  ce 
qu'il  me  semble,  dans  les  propriétés  du  Zodiaque.  Si  ma  mé- 
moire ne  me  fait  pas  illusion,  M.  de  Fabri  doit  être  consé- 
quemment  plein  d'une  vénération  toute  particulière  pour  le 
Souv.  Pontife  du  signe  indélébile,  dont  le  culte  est  le  plus 
généralement  répandu  à  Paris  et  partout,  à  en  juger  du  moins 
par  le  nombre  incalculable  de  ses  prêtres,  décorés  de  la  thiare 
(sic)   caractéristique  de  leur  sacerdoce. 

Si  vous  voulez  parler  de  M.  François  Fiquet,  marchand  de 
liqueurs,  sur  le  port  à  Marseille,  j'ai  eu  L'honneur  de  le  voir^ 
et  même  de  faire  chez  lui,  en  présence  de  MM.  de  Seimandy 
et  de  Paul,  ce  que  le  vulgaire  appellerait  un  tour  de  force  en 
Magnétisme,  dont  il  pourrait  vous  parler,  s'il  en  a  conservé 
le  souvenir. 

Je  connais  aussi,  mais  seulement  par  ouï-dire,  le  docteur 
Wurtz,  médecin  clinique,  autant  qu'il  m'en  souvient. 

Je  présume  que  le  docteur  La  Motte  était  celui  que  j'ai  vu 
diriger  des  traitements  du  célèbre  Mesmer. 

La  Révérende  Première  Loge  eût  sans  doute  été  flattée 
honorée,  comme  j'ai  eu  l'honneur  de  vous  le  dire  dans  ni". 
cédente,   de   vous   compter   au   nembre   de   ses   membres  :    elle 
n'avait  ni  sollicité,  ni  ambitionné  cette  faveur.  File  s'en  verra 
aujourd'hui   privée   sans   se   plaindre.    Comme   elle   n'a    pas   1 
prétention   de   donner  des   instructions,   des  enseignements   d 
quelque  intérêt,  elle  n'a  pas  l'indiscrétion  d'en  demander,  pour 
en   retirer  seule  l'avantage  ;  et,  quoiqu'un   frère  aussi   instruit  j 
que   vous,  Très   Sublime   Frère,   eût   pu  lui   être   extrêmement 
utile    autant  qu'honorable,  sa  délicatesse  ne  lui  permettra  pal 
d'insister  sur  une  acquisition,   dont   tout  le  lucre  serait  pour 
elle,  vans  avoir  rien  à  offrir  en  compensation  ou  en  échange. 


: 


DOCUMENTS 


387 


Ce  que  je  dis  pour  la  Rév.  \  Première  Loge,  je  le  dis,  à  plus 
forte  raison,  pour  moi-même. 

Lorsqu'il  vous  a  plu  de  me  faire  l'honneur  de  m'écrire,  j'ai 
dû  avoir  celui  de  vous  répondre. 

Aujourd'hui  vous  souhaitez  que  toutes  vos  ouvertures  soient 
comme  non  avenues  ;  vous  serez  satisfait. 

Il  me  restera  néanmoins  une  douce  impression  des  heureux 
pensers,  auxquels  vous  m'avez  donné  lieu  de  me  livrer  ;  et  je 
me  féliciterai,  dans  tous  les  temps,  d'avoir  l'avantage  d'être 
connu  de  vous,  et,  de  l'espoir  que  je  conserve  d'être  quelque- 
fois présent  à  vos  méditations.  Dans  l'état  de  dénuement,  de 
toute  espèce,  qui  m'environne,  à  cette  extrémité  de  l'Empire, 
je  ne  puis  vous  témoigner  ma  sensibilité  à  vos  offres  infiniment 
obligeantes,  que  par  l'expression  de  ma  plus  vive  reconnais- 
sance.... 

Je  ne  me  proposais  pas,  Monsieur,  d'écrire  avec  autant  de 
prolixité.  Mon  ami  fidèle  en  a  disposé  autrement.  J'ai  écrit 
sous  sa  dictée,  et,  quoique  je  m'aperçoive  très  bien  qu'il  a 
omis  —  à  dessein  —  quelques  articles,  je  ne  vous  en  dois  pas 
moins  d'excuses  de  cette  insignifiante  collection  de  mots. 

Agréez,  Monsieur,  Très  Illustre,  Très  Cher  et  Très  Sublime 

Frère,  l'hommage  de  mon  dévouement. 

Ch. 

Lettre  du  Chevalier  d'Harmensen  à  i'Bques  a  C  a  pi  te  Galeato. 


Paris,  ce   12   juillet   1806. 

Au  Très  Révérend  et  Très  Digne  Frère  de  Ch.... 

J'attendais  votre  réponse  avec  impatience,  Mon  Très  Digne 
Frère  ;  je  l'ai  reçue  avec  joie,  je  l'ai  lue  avec  douleur.  Dans 
quelque  circonstance  de  la  vie  que  ce  puisse  être,  j'aimerai 
toujours  mieux  passer  pour  un  sot  que  pour  un  ingrat.  Xe 
serais-je  point  tel,  si  je  méconnaissais  les  bonnes  dispositions, 
en  ma  faveur,  que  vos  premières  lettres  semblaient  annoncer, 
et  que,  dans  votre  dernière  même,  vous  voulez  bien  me  dire 
avoir  conçues.  S'il  ne  s'agissait  que  de  se  tenir  pour  battu,  je 
ne  tenterais  plus  de  justification  ;  mais  il  y  a  eu  erreur  ou 
mécompte,  quant  aux  sentiments.  J'abandonne  mon  esprit  aux 
étrivières,  que  le  vôtre  lui  donne.  Mais  mon  cœur  doit  sortir 


\88 


DOCUMENTS 


tout  entier  de  cette  lutte,  et  vous  lui  rendrez  justice,  je  n'eu 
doute  point,  lorsque  vous  le  jugerez  ce  qu'il  est. 

Je  conviens  d'abord,  et  avant  toute  chose,  de  ma  méprise, 
quant  à  la  plaisanterie  aérienne  :  mon  esprit  trop  littéral 
n'avait  pas  saisi  le  but  qui  avait  dicté  tant  de  choses  aussi 
flatteuses.  Mais,  encore  une  fois,  condamne-t-on  les  gens  à 
mort  parce  qu'ils  ne  sont  que  des  imbéciles  ?  La  majeure 
partie  des  gnomes,  très  gnomes,  qui  peuplent  cette  hémisphère, 
en  disparaîtrait,  à  coup  sûr  ;  je  serais  de  la  partie,  et  ferais 
le  voyage  en  bonne  compagnie.  Je  me  tiens  pour  battu,  mais 
non  pour  coupable 

Mais  ce  point  une  fois  éclairci,  je  dois  être  pardonné,  sur- 
tout lorsque  vous  serez  bien  assuré  que,  dès  que  j'ai  eu  l'hon- 
neur d'entrer  en  correspondance  avec  vous,  l'intérêt  le  plus 
senti,  la  vénération  la  plus  entière,  et  un  pressentiment  aussi 
impérieux  qu'involontaire,  par  conséquent  inspiré,  ont  été  mes 
guides.  Sans  toutes  ces  raisons.  Mon  Très  Cher  Frère,  me 
serais-je  mis  en  avant  ? 

Peut-être,  et  votre  lettre  semble  me  le  faire  pressentir, 
supposez-vous  la  curiosité  mon  seul  motif.  Alors,  vous  seriez 
dans  l'erreur.  Ecoutez  ma  profession  de  foi,  et  jugez. 

Tout  ce  qui  tient  aux  connaissances  de  la  Maçon.  \  civile, 
s'il  m'est  permis  de  m'exprimer  ainsi,  m'est  tellement  connu. 
que  je  le  dis  avec  vérité  et  sans  vanité,  rien  ne  peut  plus 
m'être  révélé  de  ce  qui  existe,  qui  ne  soit  déjà  connu  de  moi. 
Peut-être  les  grades,  énoncés  dans  ma  dernière  lettre,  vous 
en  feraient  douter,  et  je  ne  puis  me  méprendre  à  cet  égard,  en 
relisant  le  passage  suivant  :  «  Tous  les  grades  que  vous  nom- 
mez, et,  je  présume,  une  partie  de  ceux  que  vous  ne  nommez 
point  ne  sont  que  de  la  crème  fouettée.  » 

Mais,  quel  était  mon  but  en  vous  les  spécifiant  ?  De  vous 
prouver    seulement   que    j'étais    Maçon,    et   de    plusieurs    Rits. 
non  que   ces   Rits  énoncés   fussent   importants,   et  je  ne   ci 
pas  l'avoir  dit. 

En  nommant  les  grades  de  Philosophe  Hermétique.  52,  et 
de  Chevalier  de  la  Toison  d'Or.  12,  je  voulais  seulement  vous 
faire  connaître  que  je  tenais  à  la  Mac.-.  Hermétique.  Et, 
certes,  j'ai  été  reçu  en  Allemagne,  dans  des  Chap  \  de  cet 
Ordre,  qui,  déjà,  avaient  recueilli  d'abondantes  et  préciei 
moissons. 


DOCUMENTS 


389 


En  France,  où  rien  ne  mûrit,  quoique  le  soleil  soit  plus 
chaud,  je  ne  trouve  que  des  fruits  verts  et  déjà  pourris. 

Voilà  pour  l'Hermétisme.  Quant  au  Grade  de  Comman- 
deur Profès  des  Chevaliers  du  Saint-Sépulcre,  en  Palestine, 
que  je  tiens  d'un  représentant  immédiat  de  Son  Altesse 
Royale, Monseigneur  le  duc  de  Sudermanie,  grade  dont,  au 
surplus,  je  ne  fais  aucun  cas,  et  dont  j'ai  abandonné  depuis 
longtemps  l'exercice,  il  venait  du  Chap.  \  Métrop.  •  de  Stoc- 
kolm.  Je  le  reçus  en  Allemagne,  il  y  a  9  ans,  et  je  ne  l'ai 
spécifié  que  pour  vous  montrer  que  je  tenais  aussi  à  ce  Rite. 

Je  ne  fais  pas  plus  de  cas  du  Grade  de  Grand-Inspecteur 
Général  de  la  Mac.  \  ancienne  et  moderne  du  i>û  degré  en 
France,  où  je  viens  d'être  élevé  avec  le  F.  \  d'Aigrefeuille. 
Mais  il  n'en  fallait  pas  davantage,  ce  me  semble,  pour  vous 
prouver  incontestablement  que  j'étais  Maçon. 

J'aurais  pu,  et  je  n'ai  pas  dû  en  dire  davantage  :  ne  vous 
méprenez  pas,  Mon  Cher  Frère,  au  sens  de  cette  phrase  :  elle 
veut  seulement  signifier,  que  ne  pouvant  conférer  avec  vous 
de  vive  voix,  je  n'ai  pu  en  écrire  que  ce  que  j'ai  fait. 

Je  ne  doute  peint,  d'ailleurs,  de  l'étendue  de  vos  connais- 
sances en  tout  genre  :  un  passage  de  votre  lettre,  à  M.  de 
Montalcau,  me  prouve  cependant  que  vous  ne  les  approuvez 
pas  toutes.  Je  vous  prie  donc  d'oublier  cette  phrase,  après 
l'avoir  lue,  et  de  croire  que  je  ne  Professe  rien,  que  je  ne 
puisse  avouer  au  R.  \  F.  -,  Ch.  C'est  la  vérité. 

Je  sais  que,  si  je  l'avais  voulu,  j'aurais  pu  me  faire  mieux 
venir  en  spécifiant  beaucoup  d'autres  Grades,  que  j'ai  reçus 
par  communication  :  tels  sont  certains  du  Régime  Rec- 
tifié ^  %<  £<  ►£<.  Mais,  quoique  je  les  connaisse,  ils  ne  m'ont 
point  été  conférés  régulièrement.  Dès  lors,  j'aurais  mauvaise 
grâce  à  m'en  parer,  quoique,  par  une  faveur,  particulière  et  qui 
a  peu  d'exemples,  j'aie  été  admis  en  Loge,  comme  visiteur, 
•dans  des  travaux  de  ce  Régime. 

Je  ne  tiens  en  rien  à  la  Spiritualité  comme  Maçonnerie, 
mais  j'ai  connu  beaucoup  de  Spiritualistes,  et  très  avancés, 
qui  n'étaient  point  maçons,  et  qui  même  ne  voulaient  pas  en- 
tendre parler  de  Maçonnerie,  sous  aucun  rapport. 

Les  biens  que  l'E s'est  plu  à  répandre  sur  ses  enfants, 

sont  dans  la  nature  ;  donc,  ils  sont  communs  à  tous  ;  donc, 
tous  peuvent  arriver  à  leur  connaissance,  s'ils  en  sont  Dignes. 


3Ç0  DOCUMENTS , 

Mais,  pour  y  atteindre  plus  tôt,  et  avec  moins  de  recherches 
et  de  peine,  j'ai  toujours  demandé,  avec  ferveur  et  humilité, 
les  enseignements  des  Maîtres  habiles  :  c'était  à  ce  titre  que 
je  sollicitais  vos  bontés.  En  avouant  que  le  Rit  Primitif 
m'était  tout  à  fait  inconnu,  je  demandais  à  le  connaître,  et 
mon  ardeur  était  mon  seul  titre,  puisque  je  n'appartiens  à 
aucun  Rit  Qui  Conduise  à  Celui-là,  et  je  crois  ce  que  j'ai  tou- 
jours dit. 

Le  Frère  Bacon  de  ta  Chevalerie,  envers  qui  j'ai  usé  de 
même  sorte,  relativement  au  Rit  Cohen  (i),  qu'il  professe,  m'a 
traité  avec  plus  d'indulgence.  Mais  vous  l'eussiez  fait  comme 
lui,  si  nous  nous  étions  trouvés  plus  rapprochés,  et  si  la  dis- 
tance et  les  malentendus  des  lettres  ne  m'avaient  fait  perdre 
dans  votre  esprit,  alors  que  je  croyais  faire  ce  qui  m'était 
possible,   pour,   au   contraire,  y   gagner. 

Peut-être  me  t&aitiez-vous  un  peu  durement,  Mon  Très 
Révérend  Frère,  en  me  reprochant  ce  que  je  croyais  devoir 
dire.  Il  me  paraissait  importun  et  indiscret,  d'insister  davan- 
tage sur  des  communications  que  vous  sembliez  ne  pas  vou- 
loir faire  :  la  phrase  suivante  de  votre  première  lettre  était 
claire  :  «  En  un  mot,  je  ne  prévois  pas  que  votre  association 
à  la  Loge  puisse  vous  être  de  quelque  utilité  »,  et  plus  loin  : 
«  Elle  ne  peut,  en  ce  moment,  vous  procurer  ni  communica- 
tion, ni  correspondance,  ni  adresses.  » 

J'ai  cru  voir,  par  cela,  de  l'éloignement,  de  votre  part,  et  le 
désir  que  mes  instances  cessassent  ;  c'est .  donc,  seulement, 
par  discrétion,  que,  dans  ma  dernière,  je  retirai  mes  ouver- 
tures à  cet  égard  :  il  eût  été,  au  contraire,  il  serait  encore  bien 
doux  pour  moi  de  les  voir  couronnées  d'un  heureux  succès. 

Je  me  borne  donc,  pressé  que  je  suis  par  d'importantes  oc- 
cupations, qui  ne  me  permettent  pas,  comme  je  le  désirer 
de  m' étendre  aujourd'hui  davantage,  à  vous  prier  si  dans  ma 
correspondance  il  y  avait  des  choses  qui  puissent  vous  dé- 
plaire, et  qui  certainement  sont  à  mille  lieues  de  mon  cœur 
et  de  ma  pensée,  d'anéantir  tout  ce  qui  est  fait,  et  de  vous  en 
tenir  immuablement  à  ce  qui  suit  : 


(0  Celui  créé  par  le  Juif  Martinès  do  Pasqually  et  devenu.  .. 
L.  Cl.  de  Saint-Martin,  le  Martinisme.   (X.  de  l'A.) 


DOCUMENTS 


391 


Que  personne  n'honore  et  vénère  plus  vos  vertus,  vos  con- 
naissances et  les  mystères  élevés  que  vous  professez,  que 
moi  ;  que  personne  ne  désire  plus  de  vous  appeler  son  maître, 
et,  si  cette  faveur  m'est  interdite,  au  moins  me  restera-t-il 
toujours  l'heureux  souvenir  de  vous  avoir  transmis  un  tribut 
d'hommage,  de  sentiment  et  de  respect,  qui  restera  à  jamais 
gravé  dans  mon  cœur.  Puisse  le  vôtre  me  conserver  l'intérêt 
que  j'ai  toujours  désiré  vous  inspirer,  et  puissiez-vous  croire 
que  je  suis  digne  de  votre  confiance,  comme  je  crois  l'être  de 
votre  estime. 

Agréez  ces  assurances,  Mon  Très  Cher  Frère,  et  croyez 
au  dévouement  et  à  l'attachement  éternel  de  votre  dévoué  F.  \ 

D'HarmensEx. 

Je  joins  ici  tout  ce  que  je  puis  fournir.  Je  désire  avec  ar- 
deur que  cela  suffise.  Mon  zèle  et  votre  cœur  compléteront 
l'œuvre,  si  elle  est  possible. 


L'Equcs   a    Capite    Galcato    au    Chevalier    d'Harmensen. 


X...,    le    23    juillet    1806. 
Très   Révérend   Frère, 

Je  ne  puis  me  défendre  de  quelque  regret,  de  ce  que  vous 
persistez  à  supposer  en  moi  des  connaissances,  que  je  suis* 
bien  loin  de  mériter,  de  posséder,  et  de  savoir  exprimer.  J'ai  un 
égal  regret  de  me  trouver  loin  de  vous,  puisque,  ainsi  que 
vous  le  pressentez,  en  nous  expliquant  de  vive  voix  nous  nous 
serions  sans  doute  et  mieux  et  plus  tôt  entendus  ;  et,  puisque 
vous  êtes  en  état  de  connaître  par  votre  seul  désir  tout  ce 
que  vous  voulez  savoir,  et  que  rien  de  ce  qui  existe  ne  peut 
plus  vous  être  révélé,  j'aurais  infiniment  gagné  à  mériter  vos 
bontés  et  votre  confiance.  En  un  mot,  n'étant  jusqu'ici,  comme 
je  ne  cesse  de  le  dire,  que  tout  au  plus  un  chercheur,  j'aurais 
enfin,  avec  votre  aide,  trouvé  à  saisir  quelque  chose. 

C'était  donc  à  moi  de  devenir  votre  disciple  et  non  à  m'éri- 
ger,  sans  titre,  en  maître  de  qui  que  ce  soit.  La  voie  de  la 
correspondance,  au  contraire,  infidèle  autant  qu'inexacte,  sem- 


392 


DOCUMENTS 


ble  avoir  transposé  nos  rôles,  puisque,  en  effet,  malgré  tout 
ce  que  j'ai  pu  dire  aux  Frères  de  la  Chev...,  d'Aig..,  de  Thory, 
et  à  vous-même,  Très  Révérend  Frère,  vous  persistez  à  croire, 
ou  du  moins  vous  paraissez  croire  que  je  possède  de  hautes 
connaissances,  etc.  D'un  autre  côté,  telle  est  l'infidélité  des 
communications  épistolaires,  que  vous  n'avez  vu  d'abord  dans 
ma  lettre,  d'une  longueur  notable,  qu'une  méprise  sans  objet  ; 
ensuite,  «sur  ma  réclamation,  vous  avez  bien  voulu  y  recon- 
naître une  plaisanterie  passable  ;  tandis  que  si  vous  eussiez 
eu  l'idée  de  la  lire  dans  l'esprit  où  elle  est  écrite,  en  dépit  de 
la  maladresse  de  l'expression,  et  dans  le  sens  de  certains  gra- 
des peu  connus  que  professent  même  des  profanes,  tant  en 
Allemagne  qu'en  France,  vous  y  auriez  peut-être  vu  distinc- 
tement tout  autre  chose  qu'une  méprise,  prétexte  d'une  plai- 
santerie, et  qu'une  plaisanterie,  voile  de  ce  que  je  ne  devais 
pas  énoncer  à  visage  découvert. 

Mais  cette  digression  me  fait  perdre  de  vue  ce  que  je  dois 
répondre  à  votre  lettre,  et,  premièrement,  peur  ne  pas  l'ou- 
blier, rendez-moi  la  justice  de  croire  que  je  n'ai  pas  été  plus 
mortifié  de  ce  qui  pouvait  paraître  désobligeant,  dans  votre 
dépêche  précédente,  que  je  n'ai  été  disposé  à  tirer  vanité  de 
ce  que  et  celle-là,  et  les  premières,  et  la  dernière  du  12  juillet, 
peuvent  renfermer  de  trop  flatteur,  je  deis  même  dire  de 
déplacé  à  mon  égard.  Quelle  que  scit  l'opinion  que  les  autres 
savent,  peuvent  ou  veulent  prendre  ou  donner  de  moi,  je  ne 
partage  point  du  tout  leur  illusion,  sur  mon  compte  :  et  me 
présentant  fréquemment  à  l'Etalon,  je  sais  que  je  ne  suis 
haut  que  de  quelques  pieds,  pouces  et  lignes  :  ni  plus  ni 
moins. 

J'ajoute  avec  plaisir  qu'il  m'aurait  été  extrêmement  pré- 
cieux et  doux  de  faire  et  de  cultiver,  personnellement  et  de 
vive  voix,  votre  connaissance  ;  et  que  votre  Allure,  passez- 
moi  l'expression,  m'a  inspiré  pour  vous  le  plus  vif  intérêt  ; 
que  je  souhaite  ardemment  votre  bonheur,  et  qu'il  m'est  tout- 
à-fait  pénible  de  ce  qu'il  n'est  pas  à  mon  pouvoir  d'y  con- 
tribuer. 

N'attribuez  ceci,  ni  à  ma  mauvaise  volonté,  ni  comme  une 

défaite.    Pensez   plutôt   que   j'habite   une   des   provinces de 

cette  france,  où  vous  avez  trouvé  que  ritn  ne  mûrit,  quoique 
le  soleil  soit  plus  chaud,  etc. 


. 


■'■'■■■" ■■t-'l"-"-- 


documents  393 

On  n'a  hésité  d'adhérer  à  votre  demande  en  affiliation,  que 
parce  que  vous  paraissez  avoir  accolé  ensemble  la  demande 
du  diplôme  et  celle  des  enseignements.  Or  la  Révérende  Pre- 
mière Loge,  n'ayant  à  sa  disposition,  en  ce  moment,  aucune 
sorte  d'instruction,  elle  a  dû  à  elle-même,  autant  qu'à  vous,  de 
vous  en  prévenir,  parce  qu'elle  ne  se  dissimulait  pas  qu'il 
n'était  d'aucun  intérêt  pour  vous,  de  voir  votre  nom  figurer 
sur  un  tableau  de  plus,  comme  vous  le  dites  très  bien,  dans 
une  de  vos  lettres. 

Vous  revenez  à  la  charge,  Très  Révérend  Frère.  Il  est  indu- 
bitable que  la  R.  \  P.*.  Loge  s'honorera,  comme  j'ai  déjà  eu 
l'honneur  de  vous  le  dire,  de  placer  sur  son  tableau  le  nom 
d'un  Frère  aussi  zélé,  aussi  instruit  ;  elle  recevra,  avec  re- 
connaissance, les  documents  et  mémoires  instructifs,  dont 
votre  bienveillance  et  vos  loisirs  vous  permettront  de  la  gra- 
tifier. 

Mais  il  faut  bien  que  je  le  répète,  puisque  cela  est  ainsi  : 
La  R.\  P.\  Loge  n'a  pas  à  sa  disposition.  En  ce  Moment,  un 
petit  discours  qui,  en  peu  de  pages,  donne  une  idée  générale 
du  Rit  ;  elle  ne  peut.  En  ce  Moment,  vous  procurer  ni  Com- 
munications, ni  correspondances,  ni  adresses. 

Toute  ma  correspondance  avec  les  Frères  de  Paris  ayant 
passé  sous  vos  yeux,  il  semble  qu'à  cet  égard,  je  ne  vous  ap- 
prends rien  de  nouveau.  Si  cette  pénurie  ne  vous  rebute  pas, 
tant  mieux  ;  le  marché  de  notre  association  est  léonin,  et  tout 
à  notre  avantage.  Mais  du  moins,  il  n'y  aura  pas  de  surprise, 
et  vous  l'aurez  bien  voulu.  Néanmoins,  si,  quand  vous  aurez 
été  convaincu  par  vous-même  que  le  Rit  que  professe  la 
R.  •.  P.*.  Loge,  est  presque  moins  que  rien,  ainsi  que  je  crois 
l'avoir  dit  et  répété,  il  vous  fâche  d'être  en  société,  non  seu- 
lement de  gnomes,  mais  d'automates,  vous  n'aurez  qu'à  par- 
ler ;  la  R.  \  P.  \  Loge  impassible,  sans  colère  comme  sans 
joie,  rayera  votre  nom  sur  les  tableaux  ostensibles  et  laissera 
votre  place  vacante. 

Résumant  :  tenez  pour  assuré  que  vous  serez  affilié  inces- 
samment, et  que  vous  serez  ensuite,  non  instruit,  mais  informé 
de  tout  ce  qui  concerne  la  R.  \  P.  \  Loge,  à  mesure  que  l'oc- 
casion s'en  présentera,  d'une  part  ;  et,  d'autre  part,  si  voyant 
positivement  que  vous  vous  êtes  fait  une  idée  haute  et  fausse 
du  Rit  ;  que  le  nom  d'un  frère  aussi  éclairé,  aussi  décoré,  est 


394  documents 

hors  de  place,  parmi  des  frères  qui  font  profession  de  ne 
rien  savoir,  vous  voulez  vous  en  séparer,  cela  vous  sera  ac- 
cordé. Mais  vous  aurez  la  générosité  de  ne  rien  dire,  pour 
que  d'autres  puissent,  comme  vous,  y  être  attrapés... 

Je  suis  tout  à  fait  étonné  que  vous  ayez  été  admis  aux 
travaux  du  Régime  Rectifié,  du  moins  si  c'est  au-delà  du 
3e  grade.  Je  pense  que  vous  savez  que,  au  Convent  de  \\  il- 
helmsbad,  j'étais  seul  représentant  de  la  III"  Province  de  ce 
Régime.  Dans  une  autre  occasion  j'ai  été  député  par  un  Cha- 
pitre auprès  de  Mgr  le  duc  de  Sudermanie,  et  je  n'ai  point 
ignoré  l'anecdote  du  Baron  de  Blumenfeld 

Dans  les  sentiers  de  la  Spiritualité,  il  faut  marcher  comme 
font  les  mulets  dans  les  sentiers  de  nos  montagnes,  ou  comme 
les  renards  sur  la  glace,  c'est-à-dire,  avec  infiniment  de  pré- 
caution, car  les  erreurs  sont,  en  ce  genre,  aussi  multipliées 
que  funestes.  La  Maçonnerie  est  au  moins  une  perte  de  temps 
utile  pour  les  spiritualistes  décidés  et  avancés  ;  mais  elle  est 
très  profitable  à  d'autres,  dont  elle  modère  l'impétuosité  et 
dirige  la  marche. 

Permettez-moi,  Très  Révérend  Frère,  de  vous  rappeler  le 
Multi  vocatij  pauci  vero  eleeti.  Ainsi,  les  connaissances  ne 
sont  pas,  comme  vous  le  dites,  le  bien  de  tous,  s'ils  en  sont 
dignes;  iL  faut  encore,  pour  y  prétendre,  être  Capable,  être 
Elu. 

Les  communications,  surtout  mutuelles,  surtout  verbales 
et  en  présence,  hâtent  les  progrès,  quand  on  va  bien  ;  mais 
elles  sont  nulles,  pour  le  moins,  quand  elles  sont  hors  d'à- 
propos.  Celles  par  correspondance,  surtout,  rencontrent  rare- 
ment celui  qui  écrit  et  celui  qui  lit,  montés  sur  le  même 
diapason  :    alors,   c'est   temps   perdu   pour   l'un   et   l'autre. 

Je  vous  félicite  d'avoir  inspiré  un  juste  intérêt  au  Très? 
Révérend  Frère  Bacon  de  la  Chevalerie.  Je  le  reconnais  pour 
Maître  dans  la  carrière  du  Rit  C.  (Cohen),  peu  connu,  et 
qui  doit  rester  tel;  avec  les  connaissances  variées  et  multi- 
pliées, que  vous  1  .1  ce  que  vous  pourrez  acquérir, 
auprè>  de  cet  Illustre  Substitut  Universel,  etc.,  je  suis  à  me 
demander  de  nouveau  :  Qu'attend  doue  le  Sublime  Frcré 
é'Harmensen    pour   bâtir? 

lui  attendant,  à  plus  juste  titre  moi-même,  je  recevrai,  si 
-    le   permettez,    vos    compliments   pour   des   complimenta, 


.lL..l.l^>^..l.L.,L„,l... 


DOCUMENTS  395 

Te  ne  cesserai  de  répéter  que  nous  n'avons  tous,  dignes  ou 
non,  qu'un  seul  Docteur  et  Maître;  et  nous  sommes  tous 
frères;  qu'il  me  sera  toujours  infiniment  précieux  d'être  con- 
servé dans  votre  souvenir,  ainsi  que  de  vous  renouveler  l'ex- 
pression  de  mon   dévouement  à   jamais. 

Votre  dévoué...,  Ch. 


Lettre  du  Chevalier  d'Harmcnsen  à  l'Eqaes  a  Capitc  Galeato. 

Le  Sublime  Frère  d'Aigrefeuille  a  bien  voulu  me  remettre, 
Très  Digne  Frère,  votre  lettre  du  23  juillet.  Le  temps  ne  me 
permettant  pas  de  répondre  à  tout  ce  qu'elle  contient,  je  me 
bornerai  à  vous  témoigner  ma  bien  sincère  reconnaissance 
sur  l'intérêt  que  vous  voulez  bien  prendre  au  désir  très  ardent, 
que  j'ai  d'itre  affilié  à  la  R.  \  Prem.  \  Loge,  et  je  le  répète, 
et  le  répéterai  toujours,  mes  efforts  tendront  à  m'en  rendre 
digne. 

Vous  avez  la  bonté  de  me  présenter  à  cette  R.  \  Prem.  \ 
Loge:  c'est  asez  pour  que  je  doive  espérer  un  plein  succès. 

J'ai  toutes  sortes  de  regrets  d'avoir  été  obligé  de  clôturer 
la  série  de  quelques  grades  par  les  mots  qui  la  terminent; 
mais  il  m'était  aussi  impossible  de  les  omettre  qu'il  m'eût  été 
impossible  de  les  spécifier.  Au  surplus,  j'ai  oublié  une  dou- 
zaine de  grades,  dont  je  me  suis  souvenu  depuis,  comme 
Chev.  '.  du  Soleil,  de  la  Lumière,  etc.,  etc.  Ils  n'ajouteraient 
pas  plus  à  mon  zèle,  qu'ils  ne  prouveraient  mes  connaissances  ; 
ainsi  je  les  omets,  persuadé  de  vous  avoir  déjà  trop  ennuyé 
par  une  récapitulation  aussi  fatigante  qu'insignifiante. 

Lorsque  j'ai  été  admis  comme  visiteur,  (et  cela  par  grâce 
spéciale),  dans  une  Loge  du  Rit  Rectifié,  les  travaux  se  te- 
naient seulement  au  deuxième  grade.  Je  n'ai  point  été  témoin 
de  ceux  du  troisième,  ni  par  conséquent,  d'autres  plus  élevés; 
mais  j'ai  recueilli,  par  la  confiance  de  frères  distingués,  des 
notions  assez  détaillées  sur  ce  Rit,  et,  jamais  sur  aucun  point 
ma  discrétion  mise  à  l'épreuve  n'a  trahi  mes  devoirs.  Voilà, 
mon  Très  Révérend  Frère,  ce  qui  souvent  m'a  valu  des  Ensei- 
gnements variés  et  utiles,  en  outre  que,  tenant  par  mes  Supé- 
rieurs à  une  infinité  de  Régimes  (je  ne  donne  maintenant  cette 


30 


DOCUMENTS 


acception  qu'à  des  connaissances  sérieuses),  j'ai  pu,  par  la, 
savoir  des  choses  qui  restent,  et  resteront  ignorées  d'une 
infinité  de  Frères,  qui  n'ont  pas  les  mêmes  avantages. 

Malgré  cela,  je  conviens,  et  confesse  que  mon  avancement 
dans  la  Spiritualité  ne  pourra  venir  qu'à  l'aide  d'une  main 
secourable,  et,  si  je  ne  suis  pas  encore  parfaitement  digne,  au 
moins  ma  bonne  volonté  fera  foi,  dans  le  temps,  que,  dès 
que  je  l'ai  pu,  j'ai  voulu  me  mettre  dans  la  véritable"  voie 
droite. 

C'est  vous,  Mon  Tr.  \  Rév.  \  Fr.  .,  qui  m'en  ouvrirez  la 
barrière.  Obligé  de  terminer  ici  ma  lettre,  je  ne  puis  cepen- 
dant accéder  à  un  point  de  la  vôtre.  Vous  voulez  que  je  dimi- 
nue, et  l'opinion  que  j'ai  conçue  du  Rit  Primitif,  et  de  son 
digne   Vénér.  \   à  l'Orient   de   N...  ! 

Cela  ne  se  peut  et  voici  pourquoi  :  J'honore,  dans  le  Rit. 
son  but,  où  la  Vertu  domine,  où  l'Erreur  est  détruite,  où  la 

Vérité  doit  triompher,  où  les  louanges  à  l'E ne  sont  point 

stériles,  et  par  où  ses  bienfaits  le  sont  encore  moins.  J'honore 
dans  le  F.  \  de  Ch.  .,  celui  qui  joint  à  l'expérience,  au  savoir, 
et  à  l'esprit,  l'exercice  de  toutes  les  vertus,  et  celui  qui,  à 
juste  titre,  en  recueille  les  fruits.  Voilà  ce  que  malgré  tous 
et  votre  modestie,  vous  ne  pouvez  m'empêcher  de  respecter 
et  de  vénérer.  Toute  discussion,  à  cet  égard,  serait  inutile. 
Passez-moi  mon  respect  pour  vous,  ma  vénération  pour  vos 
vertus,  et  je  passerai  condamnation  sur  tout  ce  qui  vous  plaira 
d'ailleurs.  Mais  sur  ce  chapitre,  point  de  composition  :  voilà 
mon  dernier  mot. 

Je  finis.  Mon  Très  Révérend  Frère,  par  me  recommander 
de  nouveau  à  vos  bontés,  et  à  vous  prier  de  vouloir  bien  sui- 
vre ma  demande,  afin  que  je  puisse  en  recevoir  les  patentes, 
et  me  glorifier  à  mes  propres  yeux,  d'appartenir  à  un  Rit  qui 
est  moins  que  Rien. 

Je  vous  enverrai  le  Mémoire  que  vous  me  demandez,  dès 
que  j'aurai  le  temps  de  le  faire,  et  certes,  je  le  prendrai  sur 
d'autres  soins,  le  plus  tôt  que  je  pourrai. 

Recevez,  Très  Sublime,  et  Très  Révérend  Frère,  l'invio- 
lable et  immuable  assurance  de  mon  tendre  respect  et  de  mon 
entier    dévouement. 


Paris,    7    août     1806. 


d'Harmkxskw 


DOCUMENTS 


397 


UBqucs    a    Capitc    Gaicato    au    Chevalier    d'Harmensen. 


N...,  le  21   août   1806. 

Votre  départ  pour  l'Allemagne  paraissant  prochain,  je  me 
suis  hâté  de  vous  faire  expédier,  et  de  diriger  vers  vous  le 
Diplôme  de  votre  affiliation  à  la  R.  \  Pr.  \  L. '.,  dans  tous  les 
degrés  du  Rit  Primitif.  Au-dessous  de  votre  signature,  les 
Frères  de  Paris  mettront:  Vu  à  l'Or.-,  de  Paris,  la  (date  de 
l'Ere  Vulgaire)  et,  à  la  suite,  la  ou  les  signatures  d'un  ou 
de  plusieurs  Frères  du  Rit   Primitif. 

Nous  n'attachons  pas  à  ce  Diplôme  plus  de  mérite  qu'il 
ne  faut  ;  mais  vous  avez  insisté  à  le  désirer  :  le  voilà. 

Il  n'est  pas  aussi  facile  de  vous  satisfaire,  quant  à  l'autre 
demande,  j'ai  déjà  eu  l'honneur  de  vous  en  dire  les  raisons 
jusqu'à  satiété.  Ce  que  nous  ne  pouvons  pas  faire,  d'autres 
peuvent  vous  l'accorder,  et  la  R.  \  P.*.  Log.  \  vous  met  en 
mesure,  par  son   Diplôme,   autant  qu'il   dépend  d'elle. 

Vous  rencontrerez  en  France,  en  Allemagne,  et  ailleurs, 
trois  sortes  de  maçons  communicatifs  : 

Les  premiers,  et  ce  sera  les  plus  empressés,  ayant  attrapé, 
par  ci,  par  là,  quelques  notions  sur  le  Rit,  feindront  de  vous 
instruire,  pour  tirer  au  contraire  de  vous  des  notions  cer- 
taines, etc.  Je  ne  ferai  pas  l'injure  à  votre,  prudence,  votre 
esprit,  votre  expérience,  de  vous  prévenir,  en  détail,  contre 
cette  sorte  d'escroquerie. 

Vous  verrez  aussi  des  Frères,  qui  ne  doivent  ou  qui  ne  veu- 
lent pas  se  donner  à  connaître  comme  appartenant  au  Rit  Pri- 
mitif, et  de  ceux-ci,  il  y  en  a  dans  tous  les  Régimes.  De  grâce, 
ne  les  pressez  pas,  n'exigez  pas  qu'ils  s'expliquent  sur  leur 
qualité;  et,  sans  vous  mettre  en  frais  de  communications, 
puisque  votre  Diplôme  atteste  ce  que  vous  êtes,  recevez  leurs 
enseignements,  s'ils  vous  conviennent,  en  les  appréciant 
d'après  les  justes  idées  que  la  correspondance  a  pu  vous  faire 
concevoir. 

Enfin,  vous  rencontrerez  des  Frères  qui  prouveront,  d'une 
manière  indubitable,  qu'ils  sont  des  nôtres:  avec  ceux-là, 
la  confiance  étant  mutuelle,  et  sans  hésitation,  vous  complé- 
terez tout  ce  qui  vous  manque,  sur  le  compte  du  Rit  Primitif. 
Alors,  vous  verrez,  ainsi  que  je  n'ai  cessé  de  le  dire,  qu'en 
total,  ce  n'est  pas  grand'chose... 


398  DOCUMENTS 

Agréez,  Très  Révérend  Frère,  l'expression  de  ma  joie  de 
ce  que  votre  association  à  la  R.  '.  Prem.  \  L.  •.  me  donne  un 
petit  droit  de  plus  de  vous  demander  la  faveur  d'être  présent 
à  vos  souvenirs,  et  de  vous  persuader  de  la  perpétuité  de 
mon  dévouement. 

Si  vos  courses  vous  rapprochent  de  quelques  personnes  que 
je  vais  vous  nommer,  obligez-moi  de  leur  dire  que  leur  sou- 
venir, que  je  me  plais  à  conserver,  m'est  infiniment  précieux. 
Peut-être  mon  nom  profane  ne  sera  pas  présent  à  tous,  et 
je  ne  dois  pas  dire  les  noms  d'Ordre  sous  lesquels  ils  me 
reconnaîtraient  peut-être.  Au  surplus,  tout  ce  qui  importe 
en  ceci  est  que  leur  connaissance  puisse  vous  être  utile. 

M.  de  Beyerlé,  ancien  président  à  Nancy;  MM.  Jean  et 
Bernard  de  Turkeim,  rue  Brûlée,  à  Strasbourg,  ainsi  que 
M.  Blessig,  président  des  Luthériens  :  M.  de  Roskampff, 
ancien  bourgmestre  à  Heilbrùnn  ;  M.  le  baron  de  Gleichen, 
à  Ratisbonne  ;  le  baron  de  Waechter  à  Stutgard  ;  le  baron  de 
"Waldenfelds,  à  Wetzlar;  le  docteur  Falc,  à  (1)  ;  le  Comte 

Zapary,  à  Presbourg;  M.  Fischer,  chirurgien,  etc.,  à  Vienne 
Autriche  ;  le  Prince  de  Carclath,  en  Silésie  ;  M.  Egleff,  en 
Suède;  M.  Christ.  Bode,  à  Weimar  ou  Hambourg;  M.  1711- 
man,  conseiller  ;  M.  de  Wcelner,  conseiller  à  Berlin  ;  M.  Lava- 
ter,  à  Zurick;  M.  Brooks,  à  Hammersmith,  près  Londres; 
M.  Caerni,  médecin,  à  Edimbourg;  MM.  Tiéman  et  Wuka- 
sowich,   en  Russie,   etc.,   etc.,   etc.. 


Le   Chevalier  d'Harmensen   à   l'Eques  a   Capitc   Galcato. 

Paris,   ce   28...    1806. 

J'étais,  hier,  chez  le  F.-.  d'Aigre  feuille,  lorsqu'il  reçut  le 
paquet  contenant  toutes  les  planches  de  la  Log.  \  des  Ph  \ 
de  X...,  et  la  lettre  aimable  qui  les  accompagnait,  Très  Digne 
Frère. 

J'ai,  cependant,  des  torts  envers  vous.  Ils  pourraient  rester 


(1)    En    blanc,    dans    le    manuscrit    de    VEqucs,    photograve  ci- 
contre.  (N.  de  l'A.  ) 


2 


VI 


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55 


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-LA  Ci  v4\té  h 


*JM  *&a3  tv4i  j 


^^  4  m  } 


400 


DOCUMENTS 


toujours  ignorés,  si  je  n'aimais  mieux  vous  en  instruire.  Mais 
aussi,  vous  connaîtrez  mon  excuse,  et,  peut-être  m'en  appré- 
cierez-vous  d'autant. 

Il  faut  reprendre  l'affaire,  dès  le  commencement.  J'avais 
abandonné,  depuis  mon  retour  à  Paris,  l'exercice  de  la  Mac.  \ 
en  France,  parce  que  j'étais  pénétré  (et  je  le  suis  tous  les 
jours  davantage)  de  sa  nullité.  La  Mac.  \  veut  non  seulement 
du  mystère,  mais  surtout  des  hommes  recueillis  et  fervents 
qui  attachent  aux  révélations  qu'ils  obtiennent  toute  l'impor- 
tance qu'elles  méritent,  et,  qui,  pénétrés  de  respect  pour  leur 
Ordre,  d'amitié  pour  leurs  Frères,  et  d'intérêt  pour  l'huma- 
nité, se  vouent  avec  une  sorte  d'enthousiasme  à  ce  même 
Ordre. 

Oserai- je  le  dire.  Mon  Très  Digne  Frère,  la  nation  fran- 
çaise, si  aimable  d'ailleurs,  si  pleine  d'esprit  et  de  grâces, 
quant  aux  rapports  sociaux,  apporte  en  général  une  si  grande 
légèreté  dans  tout  ce  qu'elle  fait,  que  les  choses  les  plus 
sérieuses  deviennent,  pour  ainsi  dire  visibles,  dès  qu'elle  veut 
se  mêler  de  semblables  pratiques.  Aussi  la  Mac.  \  n'est-elle 
réellement  ce  qu'elle  EST,  qu'en  Allemagne,  et  dans  quelques 
contrées  du  Xord.  Là,  ces  esprits,  penseurs  et  réfléchis,  justes 
appréciateurs  du  bon,  se  livrent  avec  respect,  assiduité  et  zèle, 
à  la  culture  de  ce  vaste  champ,  ouvert  à  tous  par  la  grâce 
d'en  haut  :  champ  si  fécond,  lorsqu'il  est  travaillé  par  des 
mains  laborieuses,  si  plein  de  ronces,  et  d'épines,  lorsqu'on 
laisse  étouffer  la  semence    par  les  végétations  inutiles. 

Pour  terminer  cette  digression,  déjà  trop  prolongée,  et  en 
revenir  à  moi,  j'étais  donc,  comme  je  viens  de  le  dire,  éloigné 
de  toute  pratique  maç.  \  Tout  est  de  mode,  à  Paris,  depuis  les 
pompons,  jusqu'à  la  maç.-.,  et  depuis  l'opéra-comique,  jus- 
qu'au sentiment.  Les  Loges  se  sont  donc  ouvertes;  les  grands 
personnages  y  ont  apporté  les  plaques  et  les  cordons  qu'ils 
ont  reçus  de  tous  les  pays,  et.  dans  cette  confusion  de  décora- 
tions (car  les  Maçons  de  Paris  n'en  manquent  pas)  on  a  peine 
à  distinguer  ce  qui  est  civil  de  ces  brimborions  auxquels 
Messieurs  les  serviteurs  du  Grand-Orient  attachent  un  si 
grand  prix.  Bientôt  on  n'a  plus  entendu  parler  que  de  Maç.  \. 
et  depuis  les  o-rands  de  l'Empire  jusqu'aux  commis  de  Bureau 
tout  s'est  précipité  en  masse  dans  les  Loges. 

Celle   de    Saint- Alexandre   d'Ecosse,   croyant   apercevoir   eu 
moi   quelque   instruction,   me   fit   entrer   dan-   son   sein.   et.    je 


DOCUMENTS  4or 

dois  le  dire  à  sa  louange,  tous  les  grades  me  furent  accordés 
à  l'instant,  et  porté  au  faîte,  sans  aucune  contribution  pécu- 
niaire, j'acceptai.  La  composition  de  cette  Mère  Loge,  ré- 
chauffée d'Avignon,  comme  vous  l'avez  plaisamment  dit,  dans- 
une  de  vos  dépêches,  m'engage  à  me  réunir  à  elle.  Presque 
toutes  les  réunions  Mac.'.,  à  Paris,  sont  telles  que  l'on  doit 
se  trouver  heureux,  en  sortant,  de  retrouver  son  mouchoir  et 
sa  tabatière  dans  la  poche  où  on  les  tient. 

Saint- Alexandre  est  composé  de  gens  honnêtes  et  décents 
qui,  s'ils  sont  sans  moyens,  ne  sont  pas  au  moins  sans  égard 
et  sans  politesse.  Je  dirai  plus:  cette  Loge  doit  être  distin- 
guée de  la  plupart  des  autres  (car,  au  royaume  des  aveugles, 
les  borgnes  sont  des  rois),  parce  qu'au  moins  le  Rit,  qu'elle 
professe,  tend  à  un  qui,  pour  être  presque  idéal,  quant  à  la 
réussite,  n'en  est  pas  moins  un.  Le  comble  de  ce  majestueux: 
édifice  (car,  dans  notre  modestie,  nous  n'hésitons  pas  à  lui 
donner  ce  nom  pompeux)  est  le  Chap.  .  de  la  Toison  d'Or, 
que  cette  Loge  si  instruite,  à  ce  qu'elle  dit,  doit  aux  bonté? 
du  F.  *.  d'Aigrefeuille,  qui  l'a  constituée. 

Dans  les  grades  de  ce  Chap. '.,  après  une  analyse  assez  bien 
raisonnée  des  métaux,  nous  engageons  les  néophytes  à  mettre 
en  œuvre  les  procédés  si  clairs,  que  nous  ont  transmis  les 
philosophes  hermét.  -,  ;  et  tout  notre  savoir  se  réduit  à  les 
instruire  que  nous  croyons  à  la  possibilité  du  grand  œuvre; 
qu'à  la  vérité  nous  ignorons  la  matière  et  le  feu,  mais,  qu'à 
cela  près,  nous  sommes  très  savants  :  que  les  lumières  ne  sont 
que  chez  nous;  qu'on  les  chercherait  en  vain  ailleurs,  et  qu'ils 
doivent  bénir,  à  jamais,  le  jour  heureux  où  nous  leur  avons 
transmis  un  aussi  rare  secret.  Nous  voilà  donc  ainsi  foyer 
des  foyers,  recevant  de  partout  les  noms  de  Très-Puissants; 
Très  Sages,  Très  Illustres,  -et  nous  les  jetant  nous-mêmes 
fort  sottement  à  la  tête  les  uns  des  autres. 

Jugez  maintenant,  Mon  Tr.  \  C.  \  F.  \,  de  notre  puissance, 
de  notre  sagesse,  et  de  notre  illustration. 

Il  faut  en  venir  maintenant  à  ma  condamnation,  puis, 
ensuite,  à  ma  justification  ;  après  ce  détail,  je  serai  connu  de 
vous,  comme  si  vous  m'aviez  suivi  dès  le  commencement  de 
ma  carrière;  vous  apprécierez  aussi  le  F.-.  d'Aigrefeuille  à 
sa  juste  valeur,  et  vous  verrez  en  quelles  mains  sont  vos 
pleins  pouvoirs.  Je  reviens  maintenant  à  mon  sujet: 

J'avouerai  qu'en  entrant  dans  la  Mère  Loge  d'un  Rit  Ecos- 


402 


DOCUMENTS 


sais,  presque  inconnu  en  france,  je  crus  trouver  par  cela 
même  un  moyen  d'y  porter  la  véritable  maç.  \,  et,  à  l'abri  de 
la  réputation  de  cette  Loge,  de  sa  scission  presque  habituelle 
avec  le  Grand-Orient,  d'en  faire  un  tabernacle  de  science. 
Voilà  quel  était  mon  but;  le  frère  d'Aigrefeuille  le   sait. 

Ces  vues  ne  seraient  point  impossibles,  si  la  Loge  était 
autrement  composée.  Mais  quoique  ses  membres  soient  de 
fort  honnêtes  gens,  ils  ne  sont  aptes,  ni  dignes  de  hautes  con- 
naissances. M  Thon-,  Vénérable  et  aterçata  du  Chap  \  es 
un  furet  Maçonnique,  qui  tâche  de  chercher  à  amener  à 
Saint- Alexandre  toutes  sortes  de  lumières,  mais,  seulement, 
par  orgueil,  et  non  par  zèle.  Lorsque  donc  il  eut  appris  qu'il 
existait  à  X...  une  Loge  du  Rit  Primitif  (Rit  aussi  inconnu  de 
lui  que  de  moi),  il  n'hésita  point  à  vous  écrire,  Mon  Très 
Digne  Frère,  que  sans  doute  vous  professiez  le  même  Rit  que 
nous  et  que  nous  étions  des  aigles. 

Votre  réponse  le  mit  dans  le  plus  grand  embarras  ;  il  ne  sut 
que  dire  et  vint  me  trouver  pour  blanchir  son  linge  sale,  ou 
plutôt  pour  lui  en  donner  du  neuf.  N'ayant  point  l'avantage 
de  vous  connaître  alors,  ne  connaissant  point  la  sublimité 
de  vos  mystères,  que  j'ai  découverts  depuis,  je  fis  sa  lettre, 
que  vous  avez  reçue,  et  j'en  remis  le  brouillon  au  F.-.  Thory, 
qui  ne  sut  pas  même  le  copier,  car  il  mit  l'abbé  le  Roy,  au 
lieu  de  Larry,  qui  était  à  Toulon  en  1785.  et  Surd,  au  lieu 
de    Swed...,   abbréviation   de    Swedenborg. 

J'étais  bien  résolu  de  voir  venir,  et,  si,  comme  je  commen- 
çais à  m'en  douter,  la  réponse  me  confirmait  dans  l'opinion 
que  je  concevais  de  vous  et  de  votre  Régime,  j'étais  toujours 
à  temps  de  tout  arrêter,  puisque  l'on  ne  pouvait  rien  faire 
sans  moi.  Cette  réponse  reçue,  je  fus  trouver  le  F.-.  d'Aigre- 
feuille. Je  lui  dis  que  votre  but  n'était  plus  un  mystère  pour 
moi,  mais  qu'il  était  trop  beau,  trop  grand,  trop  saint,  pour 
souffrir    qu'il    pût    être    prostitué. 

La  délicatesse  si  connue  de  ce  cher  F.-,  applaudit  à  la 
nilonne-  >ncert.  quoique  avec  peine,  nous  déterminâmes 

le  1\\  Thory,  empêché  par  sa  nullité,  de  poursuivre  son  désir 
d'affiliation  à  votre  Rit.  C'est  donc  au  F.-.  d'Aigrefeuille  et 
à  moi,  que  vous  devez  faire  d'abord  le  reproche  d'avoir  voulu 
vous  sonder.  Mais  c'est  à  lui  et  à  moi  aussi.  Très  Digne 
ie  vous  devez  avoir  obligation  d'avoir  détourne  des 
profanes  de  pénétrer  votre   Saint  Régime. 


MÉ.lfliill|li.Hii  1     'i  i     V     ' 


DOCUMENTS 


403 


Si  j'ai  eu  tort  de  prêter  ma  plume  au  F.-.  Thory,  j'ai  suf- 
fisamment réparé  ce  tort,   en  empêchant   ce   vénérable   de   se 
faire   passer  pour   croyant  à  une    Sublimité  dont   il   ne   peut 
être  le  disciple,  et,  je  le  dis  avec  regret,  je  ne  connais  per- 
sonne dans  notre  resplendissante  Mère  Loge  qui  puisse  y  par- 
venir. Mais  j'en  connais  hors  de  cette  Loge  et  même  hors  de 
la    Maçonnerie.   Voilà    ce   que   me    dicte   la   bonne    foi,   et   le 
profond  respect  que  m'inspire  (sic)   vos  vertus.  Vous  appré- 
cierez  —  je   n'en   doute   point  —  la   conduite   du   Ch.  \   F.*. 
d'Aigre  feuille  :   elle   est   d'autant   plus   noble   et  plus   désinté- 
ressée   que,    curieux    comme    tous   les    chercheurs*,    et    jaloux 
comme   Président  du   Chap.  \   de  la   Toison   d'Or,  de   voir  la 
Loge    pourvue    de    lumières,    il    a    mis    tout    en    œuvre    pour 
arrêter  le  F.-.  Thory  dans  sa  course  indiscrète.  Le  F.-.  d'Ai- 
grefeuille  est  le  seul   d'entre  nous    qui   possède   des   connais- 
sances hermétiques,  et  c'est  à  lui,  comme  je  l'ai  dit  plus  haut, 
que  nous  devons   ce   Chap.  \  des   12,  dont  il   était  membre  à 
Montpellier,   depuis    trente-trois    ans,    et   membre    travaillant. 
Voilà,  Très  Digne  Frère,  votre  fondé  de  procuration.  Jugez 

si  elle  est  en  bonnes  mains.  Quant  à  moi,  ma  tâche  est  finie 

Je  vous  salue,  Très  Révérend,  Très  Digne  F.  :.,  non  seule- 
ment avec  t.-.  h.-,  q.  •.  v.  :.  s.',  d.  \  (1),  mais  avec  un  tendre 
respect  qui,  j'espère,  vous  agréera  davantage. 

d'HarmênsEx. 


Lettre  du  Même  au  Même. 

Paris,   ce  4  septembre    1806. 

Lorsque  l'on  s'est  servi  d'expressions  fortes,  pour  exprimer 
un  désir  ardent,  il  est  pénible  de  n'en  point  trouver  qui  suffi- 
sent au  sentiment  de  gratitude  et  de  reconnaissance,  que  l'on 
ressent;  il  est  doublement  malheureux  de  ne  p'ouvoir  les 
peindre,  lorsqu'on  les  éprouve  avec  ardeur.  En  comblant  la 
mesure,  en  m'accordant  plus  que  je  ne  demandais,  vous  avez 


(1)  C'est  à   dire    :   «   tous    les    honneurs    qui   vous    sont  dûs 
(X.  de  l'A.) 


404 


DOCUMENTS 


usé  de  votre  puissance  de  bonté,  vous  avez  voulu  suivre 
l'exemple  du  G.  E.  qui  nous  dispense  plus  de  biens  que  nous 
ne  méritons,  afin  de  nous  mettre  à  même  d'être  plus  tôt 
dignes  de  ceux  qu'il  nous  réserve.  Depuis  longtemps,  je 
m'empressais  de  vous  chérir,  de  vous  honorer,  Très  Digne 
Frère,  mais  aujourd'hui,  il  me  faut  joindre,  à  ces  sentiments, 
ceux  de  la  gratitude;  ils  ne  gâteront  rien,  j'espère,  à  ce  qui 
était. 

Peut-être  auriez-vous  raison  de  me  reprocher  d'avoir  at- 
tendu si  longtemps  à  vous  faire  parvenir  ce  témoignage  de 
sensibilité,  mais  une  fièvre  assez  forte  me  servira  d'excuse; 
vos  bontés  charitables  me  pardonneront. 

Permettez-moi  quelques  observations  sur  votre  lettre  et 
ce  qu'elle  contient  :  la  commenter,  c'est  commenter  mes  obli- 
gations. 

Parmi  les  personnes  dont  votre  soigneuse  bienveillance  veut 
bien  me  donner  les  adresses  en  Allemagne,  afin  d'y  puiser  ce 
que  j'aimerais  bien  mieux  puiser  chez  vous,  il  en  est  plu- 
sieurs que  je  connais,  ou  au  moins  de  réputation:  tels  sont, 
par  exemple,  le  Professeur-Docteur  Lavater,  à  Zurich  et  le 
Baron  de  Gleichen,  à  Ratisbonne.  Ce  dernier  m'est  beaucoup 
plus  connu,  quoique  je  n'ai  jamais  eu  l'honneur  de  le  voir, 
qu'une  infinité  de  gens  que  je  vois  très  souvent.  Je  regret- 
terai bien  de  ne  pouvoir  vous  en  donner  des  nouvelles.  Mais 
je  ne  crois  pas  visiter,  cette  année,  cette  partie  de  l'Alle- 
magne. 

Vos  indications,  T.  \  Rév.  \  F.  \,  s'étendent  assez  pour  que 
j'ose  espérer,  en  quelque  endroit  que  j'aille,  d'y  rencontrer 
lum 

Comme  je  ne  veux  avoir  rien  à  me  reprocher,  vis-à-vis  de 
vous,  je  vais  répondre  au  paragraphe  de  votre  lettre,  où  vous 
paraissez  étonné  qu'ayant  reçu  d'un  représentant  du  duc 
de...,  le  grade  de  Coin.  P.,  je  n'aie  pas  été  admis  de  droit  à 
tous   les   grades   du   Régime   Rectifié. 

Vous  n'ignorez  point,  Tr.\  Ch.  \  Fr.  \,  qu'il  existe  en 
Suède  trois  sortes  de  Mac.-.;  que  celle  à  laquelle  appartient 
grade,  ci-dessus  mentionné,  est  à  l'épi...  comme  tant 
d'autres,  et  qu'elle  ne  vaut  pas  mieux:  que,  d'ailleurs,  il 
LSte  que  deux  Rectifications  (au  moins  à  ma  connais- 
sance): (iue  toutes  deux  sont  fautives,  en  ce  qu'elles  ne  sont 
point  dans  Je  centre  de  l'unité,  qui  renferme,  de  toute  ancien- 


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405 


neté,  ce  qui  est  bien,  sans  accroissement,  perfectionnement, 
ni  décroissance;  parce  que  tout  fut  ainsi  établi  pour  le  mieux 
des  mi  eux. 

Dans  la  Rectification  de  Suède,  qui  tient  éminemment  près 
à  celle  d'un  certain  lieu  d'Allemagne,  les  Com.  P.  ne  sont 
point  admis  et  pour  bonnes  raisons;  pour  moi,  je  n'aurais 
pas  voulu,  plus  que  vous  ne  l'eussiez  fait  à  ma  place,  y  pren- 
dre part,  et  je  me  rappelle' un  paragraphe  de  votre  deuxième 
lettre  à  M.  de   Montaleau,  qui   me   suffit  à   cet  égard. 

Vous  savez  d'ailleurs  qu'aucune  rectification  n'admet  de 
Gr.  *.  Maît.  \  Et  quand  celui  (1)  dont  je  parle  m'aurait  donné 
de  sa  propre  main  un  bref,  portant  tout  ce  qu'il  aurait  voulu 
y  mettre  de  chimérique,  et  d'admirable,  une  seule  ligne  de 
votre  précieux  et  à  jamais  cher  Diplôme  d'aggrégation  à  la 
R.  '.  Prem.-.  L.\  du  Rit  Primitif,  m'aurait  mieux  servi  et, 
surtout  plus  honoré.  Qu'il  me  soit  permis,  à  cette  occasion, 
T.-.  S.-,  et  T.-.  D.  ■.  F.-.,  de  vous  dire  une  vérité,  que  je 
n'aurais  jamais  pu  connaître  et  découvrir,  sans  l'envoi  de  la 
Copie  de  votre  Titre  d'installation  ;  tant  il  est  vrai  que,  de 
loin,  et  par  écrit,  il  est  difficile  de  se  bien  approfondir,  sur- 
tout lorsque  la  Sagesse  dicte  une  juste  retenue-  envers  des 
personnes  que  l'on  ne  connaît  pas  assez  —  et  vous  étiez  dans 
ce  cas  vis-à-vis  de  moi  —  non  point  que  vos  lum.  \  ne  l'em- 
portent de  beaucoup  sur  les  miennes  —  puisque  je  me  fais 
gloire  de  vous  rendre  foi  et  hommage  —  mais  encore  pour  le 
peu  que  je  sais,  ne  l'aurais-je  pas  dit. 

D'abord,  Mon  T.-.  Ch.  \  F.  \,  votre  Rév.  \  Prem.-.  L.  \ 
est  la  seule  en  fronce,  régulièrement  constituée.  Marseil.  \ 
Strasb.  \  et  autres,  ne  sont  et  ne  seront  probablement  que  de 
bien  petites  filles,  alors  que  vous  seriez  grand'mère.  Il  est 
même  étonnant  pour  moi  d'avoir  vu  un  pareil  titre,  qui  réunit 
toute  la  puissance  constitutive,  tandis  que  les  autres  n'ont 
reçu  l'existence  que  d'une  émanation,  dont  le  droit  est  trop 
petit  pour  régulariser  rien.  Mon  Maît.  :.  (2)  en  a  été  frappé  et 
m'a  dit:  J'en  ai  vu  plusieurs  en  France,  mais  jamais  d'aussi 
entier. 

Au  surplus,  cette  perle  va  être  enfouie  dans  un  fumier,  et 


(r)  Le  duc  de  Sudermanie.  (N.  de  l'A.) 

(2)   Qui  ?  Encore  un  Supérieur  Inconnu  ?  (N.  de  l'A.) 


406 


DOCUMENTS 


vous  savez  mieux  que  moi  que  les  pourceaux  qui  se  vautrent 
sur  le  fumier,  ne  sont  point  des  lapidaires,  et  que,  par  con- 
séquent, la  perle  est  plus  en  sûreté  que  ne  le  serait  un  crottin 
de  cheval. 

Par  conséquent,  aussi,  la  faveur  que  vous  m'avez  accordée 
est  si  précieuse  et  si  excellente,  que  je  ne  saurais  assez  vous 
en  remercier. 

Mais,  oserais-je  seulement  vous  demander  pourquoi,  dans 
la  couronne  qui  décore  le  haut  de  mon  bref  (je  ne  parle  pas 
des  autres  papiers  où  se  trouve  cette  marque),  mais,  seule- 
ment, sur  mon  agrégation,  pourquoi,  dis-je,  elle  ne  renferme 
point  un  signe  quelconque,  OPH,  que  je  croirais  devoir  être 
une  guitare,  entourée  de  certains  caractères  mystérieux,  ou 
peut-être   un   serpent   se    fermant   lui-même. 

Pardonnez,  T.-.  Rév.  \  F.-.,  si  je  vous  fais  cette  question, 
mais  je  ne  crois  pas  diminuer  l'intérêt,  que  vous  me  témoi- 
gnez, en  vous  traçant  ce  peu  de  mots.  Au  surplus,  accablé 
d'affaires  civiles,  je  n'ai  que  le  temps  de  griffonner  cet  in- 
forme brouillon  maç.  \  ;  mes  idées  affaiblies  par  la  fièvre,  et 
distraites  par  des  intérêts  majeurs  et  pressants,  ne  sont  pas 
trop  concordantes,  ni  en  ordre.  Pardonnez-moi  donc  ce  dif- 
forme  imbroglio. 

Je  le  ferme  cependant,  avant  de  le  remettre  au  F.  \  d'Ai- 
gref.  \,  car  depuis  que  j'ai  vu  le  Titre  Constitutif  et  que  j'ai 
résolu  de  vous  en  dire  mon  avis,  je  n'ai  pas  cru  et  je  ne  crois 
pas  pouvoir  lui  laisser  parcourir  ce  bavardage,  tout  insigni- 
fiant qu'il  est;  et  cela  pour  m'épargner  des  questions  aux- 
quelles je  ne  puis,  ni  ne  veux,  ni  ne  dois  répondre,  malgré 
ma  sincère  et  véritable  amitié  pour  lui,  dont  les  fruits  me 
sont  si  précieux,  puisque  c'est  à  lui  que  je  dois  vos  bontés  et 
votre  connaissance. 

\  euillez  bien  aussi  me  répondre  sous  couvert,  parce  que, 
probablement  je  serais  parti  et  qu'alors,  c'est  le  seul  moyen 
de  ne  pas  laisser  courir  à  vos  pensées  les  chances  que.  par- 
fois, la  négligence  pardonnable  d'un  instant  peut  occa- 
sionner. 

A  vous  à  jamais,  et  à  jamais  Eternelle  gratitude. 
\  i  tre   tout   dévoué. 


n'ÏT\RMi:xsi;.\ 


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407 


L'Bqucs    a    Capite    Galeato    au    Chevalier    d'Harmensen. 

X...,  22  novembre   1806. 

Indépendamment  des  motifs  d'affaires  et  de  santé,  j'étais 
disposé  à  différer  d'avoir  l'honneur  de  vous  écrire,  jusqu'à 
ce  que  j'eusse  reçu  les  mémoires,  dont  vous  avez  promis  de 
gratifier  la  Rév.  \  Prem.  \  L.  \,  touchant  le  But  général  et 
particulier  des  Sociétés  Maçonniques,  et  l'origine  de  ces  Asso- 
ciations. 

Ce  projet,  de  ma  part,  n'était  cependant  pas  tellement  subor- 
donné à  l'envoi  de  vos  Mémoires,  que  je  ne  dusse  point  désor- 
mais faire  une  panse  d'A...  qu'après  avoir  reçu  ce  fruit  de 
vos  conceptions. 

Je  saisis  donc,  avec  plaisir,  l'occasion  de  me  rappeler  à 
votre  souvenir,  et  d'effleurer  quelques  objets  de  votre  lettre 
du  4  septembre,  en  même  que  je  m'acquitte  de  la  commission 
que  la  R.  \  Prem.'.  L.  \  m'a  donnée  de  vous  adresser  un 
exemplaire  d'un  petit  écrit  sur  le  Rit  Primitif,  dont  j'ai  eu 
l'honneur  de  vous  parler  il  y  a  longtemps.  Après  l'avoir  par- 
couru vous  jugerez  si  j'avais  raison  de  le  regretter  vis-à-vis 
des  Frères,  à  qui  j'aurais  voulu  transmettre  une  idée  générale 
du  Rit.  (Ceci  est  photogravé  à  la  p.  408.  — .X.  de  l'A.) 

Le  docteur,  Sénateur  et  Matérialiste  Diethelm  Lavater,  à 
Zurich,  est  un  Frère  très  instruit,  de  la  Stricte  Observance, 
et  mon  collègue  à  Wilhelmsbad.  S'il  ne  se  rappelle  pas  mon 
nom  profane,  dites-lui  que  j'étais  le  seul  représentant  de  la 
3e  Province,  et,  pendant  nombre  de  séances,  assis  immédiate- 
ment à  côté  de  lui.  Son  frère,  Gaspard  Lavater,  auteur  de  la 
physiognomonie,  et  qui,  à  ce  qu'il  me  semble,  a  terminé  sa  car- 
rière temporelle,  possédait  un  genre  d'instruction  bien  sublime. 
S'il  est  encore  conservé  pour  le  bon  exemple  et  l'instruction  de 
ses  frères,  il  se  ressouviendra  peut-être  des  deux  heures  déli- 
cieuses que  j'ai  passées,  seul  avec  lui,  sous  les  portiques  de 
Wilhelmsbad. 

Le  baron  de  Gleichen  n'aura  peut-être  pas  perdu  le  souve- 
nir d'un  de  ses  cinq  collègues  aux  Archives  du  Régime  des 
Philalèthes.  S'il  a -eu  occasion  de  voir  un  extrait  que  j'avais 
fait  des  correspondances  Philâléthiques,  il  y  aura  vu  que  je 
rendais  un  hommage  senti  à  ses  vertu*,  ses  connaissances,  et 


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409 


l'étendue  de  ses  lumières.  C'est  un  des  frères  dont  il  est  le 
plus  intéressant  de  mériter  l'amitié  et  la   confiance. 

Tout  ce  que  vous  me  faites  l'honneur  de  me  dire,  au  sujet 
de  votre  Grade  Suédois,  élude  la  difficulté,  mais  ne  la  résoud 
pas.  Je  m'étais,  peut-être,  mal  expliqué  :  j'y  reviens.  Mon  opi- 
nion est  toujours  que,  si  vous  eussiez  été  initié  dans  les  Hauts 
Grades  Suédois,  par  un  véritable  Représentant  de  S.'.  Alt.". 
Rov.  \,  vous  auriez  été  en  mesure  d'expliquer  au  Qubbme 
F.-.  d'Aigr.  quelque  chose,  que  j'ai  placé  à  dessein  dans  ma 
lettre  du  17  août,  dans  la  pensée  que  tous  lui  en  donneriez 
l'interprétation.  Au  surplus,  ccmrae  ceci  n'importe,  ni  à  vous, 
ni  à  moi,  n'en  parlons  plus  (1). 

Vous  me  dites  bien  des  choses  en  termes  détournés,  avec 
des  réticences,  sans  doute  pour  que  je  ne  l'entende  pas  ;  a 
la  bonne  heure.  Mais  vous  m'obligeriez  beaucoup  de  me  dési- 
gner nettement  le  paragraphe  de  ma  deuxième  lettre  à  M.  de 
Montaleau,  qui  vous  a  suffi,  etc.  Je  voudrais  aussi  que  vous 
voulussiez  bien  m'indiquer  le  point  radieux  du  Titre  d'instal- 
lation, qui  vous  a  découvert  une  vérité,  que  ma  correspon- 
dance sans  doute  ne  vous  avait  pas  donné  lieu  de  pressentir. 
Je  souhaiterais  surtout  de  savoir  (si  ce  n'est  pas  trop  indis- 
cret), quel  est  votre  Maître,  qui  n'a  pas  vu  en  france,  de  titre 
aussi  entier  que  le  nôtre... 

Quant  aux  Loges  de  Marseille,  Strasbourg;  et  autres,  sans 
les  juger  avec  trop  de  sévérité,  j'oserais  penser  qu'elles  éma- 
nent de  branches  un  peu  plus  secondaires  que  celle  à  laquelle 
nous   appartenons. 

La  couronne,  qui  décore  le  haut  de  votre  brevet,  est  le  tim- 
bre général  de  toutes  les  planches  émanées  de  la  R.  \  P.  \  L  \ 
Votre  oph.  jeté  presque  imperceptiblement  entre  les  lignes, 
et  comme  un  trait  de  plume  insignifiant,  ne  m'est  point 
échappé.  Permettez-moi  de  vous  dire  que  c'est,  sans  doute, 
comme  Pontife  zodiacal  que,  prenant  intérêt  à  la  couronne, 
vous  voudriez  qu'elle  fût  escortée  de  la  constellation  que 
vous  nommez  guitare,  et  que  nous  appelons  lyre. 

Xotre    Rit    n'est    ni    ophique.    ni    orphique  ;    et    notre    cou- 


(0  Ceci  parait  masquer  des  arcanes  si  profonds    que  VEques  ne 
voulait  y  faire  que  des  allusions  discrètes.  (N.  de  l'A.) 


1 


4io 


DOCUMENTS 


ronne  n'est  point  celle  d'Ariadne  ;  le  nombre  des  étoiles  de 
la  Couronne  Boréale,  différant  de  celui  des  grenades  qui  déco- 
rent la  nôtre,  démontre  cette  vérité.  En  un  mot,  notre  cou- 
ronne n'est  point  du  tout  scientifique  ;  elle  est  'purement  sen- 
timentale :  le  myrthe  et  les  grenades  ont  de  tout  temps  été 
l'emblème  de  l'union  sociale  et  fraternelle  des  membres  de 
l'Ordre,  ou  de  ceux  d'une  Loge.  Et  le  nombre  de  sept,  en  outre 
de  ce  qu'il  est  en  soi  Maçonnique,  se  réfère  spécialement  à 
mon  respectable  père  et  ses  six  fils,  premiers  fondateurs  de 
la  Loge,  et  formant  ainsi  une  Loge  juste  et  parfaite,  bien 
intéressante  aux  yeux  de  tous  les  Maçons  sensibles.  Croyez, 
T.  \  Ch.  •.  F.  •.,  que  je  vous  rends  la  justice  de  croire  qu'elle 
le  sera  aux  vôtres  ;  et  que  désormais  vous  estimerez  notre  cou- 
ronne autant  que  si  elle  était  environnée  de  toutes  les  lyres  et 
de  tous  les  serpents  de  l'univers. 

Je  manquerais,  Très  Digne  Frère,  aux  sentiments  d'estime 
et  d'amitié  que  je  vous  ai  voués,  si  je  dissimulais  une  petite 
inadvertance  qui  vous  est  échappée,  que  je  n'attribue  ni  à 
votre  cœur,  ni  à  votre  esprit,  et  dent  je  fais  tout  l'honneur 
à  la  hâte  de.  vos  affaires,  ou  à  votre  fièvre.  En  scellant  votre 
lettre,  contre  votre  usage,  vous  avez  peut-être  désobligé  le 
R  '.  F.  .  d'Aigrefeuille,  qui  est  si  plein  d'estime  et  d'amitié 
pour  vous.  Je  sais  qu'il  est  des  vérités  sacrées,  qu'il  faut  taire, 
et  ne  point  exposer  à  la  profanation.  Mais  votre  lettre  n'en 
contenait  pas.  et  j'oserais  presque  croire  que  vous  auriez  pu 
montrer  votre  lettre  à  bien  des  personnes  sans  vous  compro- 
mettre. Ne  voyez-vous  pas  les  merveilles  de  l'univers  expo- 
sées à  tous  les  veux,  sans  fixer  I'attextiox  que  du  très  petit 
nombre  ! 

Votre  précaution  n'a  peut-être  produit  d'autre  effet  que 
de  me  mettre  dans  la  nécessité  de  vous  imiter,  de  faire  fer- 
menter un  instant  la  curiosité  de  votre  ami,  et  lui  faire  penser 
que  vous  étiez  plus  réservé  avec  lui  qu'avec  moi,  qui  lui  dois 
cependant  votre  connaissance  et  les  sentiments,  que  vous 
voulez  bien  m'acçorder. 


\  aie    et    ama. 


\  être    Dévoué   Frère. 


Ch. 


DOCUMENTS 


411 


Lettres  du  F*.  Bacon  de  la  Chevalerie. 


Extrait   du    Supplément   au   Tableau   des    Frères   initiés    ou 
affiliés  au  Rit  Primitif  : 

N  '  49  :  Bacon  de  la  Chevalerie,  ancien  officier-général,  né 
et  domicilié  à  Paris.  Décoré  de  tous  les  grades  de  divers  Rits, 
notamment,  Grand-Inspecteur  du  32'  degré  du  Rit  Ecossais, 
dit  ancien  et  accepté;  Rose-Croix  £<  ©,  Substitut  Universel 
du  Grand-Maître  des  E.  C,  depuis  3766  ;  Grand-Officier 
d'Honneur  honoraire  au  Grand-Orient  de  France  ;  Assoc. 
III.  io-ii  mai  1806.  2e,  3e,  4".  Député  des  Hauts  Atteliers  de 
la  Souveraine  Grande  Loge  des  P.  auprès  des  Hauts  Ateliers 
du  Grand-Orient  de  France,  et  représentant  du  Rit  Primitif, 
ayant  séance  au  Grand  Directoire  des  Rites. 


L'Equcs  a  Capite  Galeato  au  F.  •.  Bacon  de  la  Chevalerù 


X...,  le  28  avril   1805. 

Très  Révérend  Frère  et  Digne  Maître  R.  R. 

Vous  m'avez  témoigné  tant  de  bonté  et  d'amitié,  pendant 
mon  séjour  à  Paris,  que  je  me  flatte  d'avoir  encore  une  petite 
place  dans  votre  souvenir.  Vous  avez  été  l'un  des  premiers 
coopératcurs  d'une  nouvelle  organisation  Maçonnique.  Je  ne 
peux  mieux  m'adresser  qu'à  vous,  Très  Révérend  Frère,  pour 
obtenir  des  notions  justes  à  cet  égard  ;  à  vous,  qui  avez 
parcouru,  à  très  peu  près,  tous  les  cercles  de  la  science,  et 
qui.  en  m'initiant  à  quelques-uns,  m'avez  appris  combien  la 
multitude  de  grades  et  le  vulgaire  des  M.*,  étaient  étrangers 
à  la  vraie  M.  \ 

Je  ne  dois  pas  vous  laisser  ignerer,  Tr.  \  Rév.  \  F.  •.,  que 
les  voyages  et  d'heureuses  circonstances  ont  aussi  favorisé 
mes  frères  ;  et  que,  tenant  chacun  à  divers  Rits  ou  Régimes, 
tenant  même  anciennement  au  Grand-Orient  de  France  par 
les.  grades  symboliques  et  par  tous  les  grades  rouges,  nous 
tenions  en   corps  à  des   Maîtres,  qui,  peut-être,   avaient  avec 


I 


-M-? 


DOCUMENTS 


vous,  Très  Digne  Maître,  plus  d'un  rapport,  mais  qui  se 
complaisaient  à  rester  inconnus  à  la  multitude. 

Les  événements,  qui  ont  compromis  notre  existence  person- 
nelle, et  absorbé  la  majeure  partie  de  nos  biens  temporels,  ont 
aussi  livré  à  la  spoliation  nos  Diplômes,  nos  décorations,  nos 
archives  Mac.'.,  et  surtout  coupé  le  fil  de  nos  Correspon- 
dances. C'est  en  cherchant  à  recueillir  quelques  débris  épars, 
échappés  à  la  destruction,  et  les  traces  de  nos  anciennes  liai- 
sons, que  nous  avons  vu  les  plans  du  G.'.  O.'.  de  France  daas 
son  nouveau  mode.  Nous  ne  saurions  abjurer  nos  rapports  avec 
des  maîtres,  dont  nous  sommes  contents,  et  qu'il  est  de  notre 
devoir  de  chercher,  jusqu'à  ce  que  nous  les  ayons  retrouvés. 

Avez  la  bonté  de  juger  dans  votre  sagesse,  Tr.\  Rév.  \  Fr.\, 
si  nous  avons  bien  entendu  la  déclaration,  que  le  G.'.  Or.',  de 
France  a  faite  ;  qu'il  s'unit  à  tous  les  frères  de  quelque  Rit 
qu'ils  soient  ; 

Si  sous  les  auspices  de  cette  union,  nos  Loges  peuvent  pré- 
tendre à  fraterniser  avec  celles  qui  tiennent  immédiatement 
au  G.-.  Or.-,  de  France,  à  la  charge  seulement  de  verser  dans 
la  caisse  dudit  G.'.  Or.'.,  à  titre  d'hommage,  soit  en  une  fois, 
soit  annuellement,  une  prestation  convenue,  ainsi  que  l'hono- 
raire des  brevets  et  certificats  des  frères,  qui  désireraient 
d'en  avoir  : 

Si  ces  données  ont  votre  approbation  et  votre  appui.  Tr.  \ 
Rév.-.  F.-.,  il  sera  temps  de  convenir  des  autres  modes  et 
peints  de  contact. 

J'écris,  par  ce  même  courrier,  une  planche  tracée  au  T.-. 
Rév.  \  F.  ■.  de  Montaleau  qui,  probablement,  n'aura  pas  ignoré 
la  part  qu'un  de  mes  frères  et  moi  avons  prise  aux  travaux 
des  Philalèthes. 

J'ose   espérer,   Tr.'.   Rév.-.   F.  \,   que,   quelle   que   soit   votre 
opinion,   vous   aurez   la   bonté   de   m'en    faire   part   très   in< 
samment. 

J  ai   l'honneur  d'être,   par  tous  les  nombres   mystérieux,   et 
avec  1  attachement  respectueux   que  je  me  plais  à  vous  devoir. 
lr  •'■   Rév.  *.  F.  \  et  digne  Maître  R.  \   R.  ..  votre  très  honoré! 
et  Très  obéissant  serviteur  et  dévoué  Frère. 


Cn.  aîné. 


■  ■■■■■■■■■■■■■■■*■■■■■  ■■  ■-■ 


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413- 


Le  Frère  Bacon  de  la  Chevalerie  à  l'Bques  a  Capite  Galeato. 


A  l'Or.  •.  de  Paris,  le  20  janvier   1806. 
Tr.\  Ch.-.   Fr.-., 

Je  vois  par  votre  lettre  du  15  juin  dernier,  qui  ne  m'a  été 
remise  que  depuis  peu  de  jours,  que  vous  n'aviez  point  encore 
reçu  la  mienne  du  23  de  ce  même  mois,  par  laquelle  je  vous 
répondais  à  la  fois  aux  deux  lettres  que  vous  aviez  adressées, 
le  28  avril  précédent,  au  F.  \  Rcettiers  de  Montaleau  et  à 
moi. 

Je  vais  donc  succinctement  vous  retracer  ce  que  contenait 
ma  réponse. 

Je  ne  vous  dissimulais  point,  T.-.  Ch.  \  F.-.,  le  plaisir 
extrême  et  la  reconnaissance  que  m'avait  causé  (sic)  le  témoi- 
gnage flatteur  de  votre  souvenir,  et  la  satisfaction  que  je 
ressentais  de  vous  voir  de  nouveau  reprendre  les  travaux 
Maçonniques,  que  je  n'ai,  moi-même,  jamais  abandonnés,  et 
auxquels  je  dois  la  constante  fermeté  qui  m'a  soutenu  calme 
à  travers  les  tempêtes  révolutionnaires  et  les  revers  multi- 
pliés qui   m'ont  personnellement   accablé. 

Je  vous  disais  que  le  G.  \  Or.  \  de  France  avait  cru  de  sa 
sagesse  d'ouvrir  son  accès  et  son  sein  à  tous  les  Rits,  que 
lorsque  les  Directoires  Ecossais  se  représenteraient,  ce 
qu'ils  n'ont  point  encore  fait,  on  les  laisserait  jouir,  sans  dif- 
ficulté, des  avantages  de  leur  Traité  primitif  ;  qu'à  l'égard 
des  autres  Rits,  lorsqu'ils  se  feraient  connaître  sous  L'éten- 
dard d'une  composition  morale,  telle  que  nous  devons  tous  la 
désirer,  je  ne  doutais  pas  de  l'accueil  fraternel  que  le  G.  \  Or.  \ 
serait  disposé  à  leur  faire.  s 

Il  a  nommé  un  Consistoire  pour  prendre  connaissance  des 
diverses  demandes  de  ce  genre  ;  les  membres  en  sont  classés 
par  districts  ;  chaque  district  est  composé  de  cinq  frères.  J'ai 
été  destiné  à  faire  nombre  dans  celui  des  grades  les  plus  émi- 
nents  et  les  moins  connus.  Je  ne  suis  cependant  point  Phila- 
lèthe,  mais  je  suis,  comme  vous  le  savez,  Substitut  Universel, 
pour  la  partie  Septentrionale,  du  Rcv.  \  Ordre  des  Elus  Coën.  \ 
(Rit   extrêmement   peu    connu).    (Sic.) 

Les  Loges,  auxquelles  vous  tenez,  peuvent  donc  former 
leurs    demandes,    nommer    des    Députés    auprès    du    Grand- 


414 


DOCUMENTS 


Orient,  et  leur  donner  des  instructions  auxquelles  ils  seront 
tenus  de  se  conformer,  et  qui  soutiendront  vos  propositions. 
Vous  ne  devez  pas  douter.  Tr.  \  Ch  \  F.  \,  du  zèle  que  je 
mettrai  à  favoriser  la  réunion  de  Frères  si  estimables  et  d'an- 
ciens Maçons  au  Corps  Central  de  la  Maçonnerie  Fran- 
çaise. 

Le  Frère  d'Aigrefeuille,  a-t-on  dit.  est  déjà  investi  de  pou- 
voirs. Si  les  Rits,  auxquels  vous  ou  d'autres  Frères  tiennent, 
ont  une  descendance  multipliée,  il  faudra  multiplier  aussi  les 
représentants,  car  un  seul  membre  du  Grand-Orient  ne  peut 
exercer  que  cinq  députations  symboliques  et  autant  de  chapi- 
trales... 

Voilà,  T.  .  Ch. '.  F.-.,  tous  les  renseignements  que  je  puis 
vous  donner.  Quant  à  des  conseils,  je  ne  m'en  permettrai 
peint  :  ma  profession  de  foi  est  connue  ;  vous  savez  aussi 
juequ'à  quel  point  de  lumières  m'ont  conduit  mes  travaux  et 
mes   sacrifices. 

T'ai  toujours  cru  qu'il  était  important  qu'un  centre  com- 
mun entourât  le  faisceau  Maçonnique  :  que.  sous  son  enve- 
loppe, chacun  pût  parvenir  aux  progrès,  qu'un  travail  constant 
doit  nécessairement  procurer.  C'est  sous  ces  bannières  qu'a  été 
le  le  G.-.  Or.-  de  France  et,  qu'à  l'aide  du  zèle  d'excel- 
lents Frères,  il  s'est  maintenu  jusqu'à  ce  jour,  et  j'espère  qu'il 
maintiendra  de  longues  années  encore,  si  le  bon  esprit, 
qui  le  guide,  se  soutient,  et.  surtout,  s'il  se  renferme  toujours 
dans  les  bornes  des  grades  symboliques,  et  des  quatre  on 

supérieurs  de  la  Maçonnerie  qu'il  a  adoptés 

Mon  grand  âge  et  ma  ruine  totale,  toute  ma  fortune  exis- 
tante à  Saint-Domingue,  ont  borné  mes  fonctions,  au  G  \  O." 
de   France,  au   titre   de   G.  \   Officier  d'Honneur   Honoraire. 
Mon   adresse  personnelle   est.  rue   Guisarde,    faubourg   Saint- 
Germain,   n"    14. 

Bacon  de  la  Chevalerie.    S  S 
Du  même  au  même. 


A  l'Or.-,  de  Paris,  le  6e  jour  du  6'  mol-   58 

et    Ch.  \    Fr.  •.   d'Aigrefeuille   ne   m'a    rien   la 
votre  correspondance  avec  lui.  touchant  la  réunion 


DOCUMENTS 


415 


pr<  jetée  entre  le  Rit  Primitif  et  le  G.  \  O.  \  de  France.  Tout 
ce  qu'il  vous  a  mandé,  sur  ce  point,  a  toujours  été  concerté 
entre  ce  Révérend  Frère,  le  Frère  de  Montaleau,  et  moi, 

Si,  comme  autrefois,  j 'eusses  joui  de  quelque  influence  au 
G.  \  O.  •..  dès  longtemps  vous  auriez  obtenu  la  satisfaction 
désirée  ;  mais  je  suis  au  rang  de  ces  vieux  animaux  domes- 
tiques, qui  ne  sont  plus  bons  à  rien,  et  qu'on  laisse  vivre  par 
charité. 

Je  vois  avec  peine  les  délais  qu'une  administration,  lente  et 
hérissée  de  formes,  vous  fait  éprouver.  Je  crains  même  que 
la  représentation  exigée  du  Titre  Constitutif  de  la  R.  \  Loge 
des  Ph...  ne  vous  cause  quelque  embarras.  Surtout,  d'après  la 
spoliation  de  vos  Diplômes.  Archives,  Correspondances  M.  \ 
que  vous  m'avez  annoncée  par  vos  lettres  intéressantes  du 
28  avril   et   15   juin   5805. 

Mais  comme  il  n'est  pas  permis.  Très  Cher  et  Bien  Aimé 
Frère,  à  quiconque  vous  connaît,  de  douter  de  la  vérité  des 
faits  allégués  par  vous,  et  que  la  contexture  de  votre  Consti- 
tution première  ne  peut  être  entièrement  sortie  de  votre 
mémoire,  je  ne  vois  aucune  difficulté  à  ce  que  vous  en  traciez, 
de  mémoire,  une  expédition  que  vous  et  rcs  estimables 
Frères  certifierez  conforme  à  la  pièce  originale,  et,  dès  lors, 
toutes  les  difficultés  me  paraissent  devoir  être  levées. 

Le  Frère  d'Aigre  feuille,  qui  réunit  à  toutes  les  qualités 
sociales  et  Maçonniques  l'avantage  de  vous  appartenir,  qui 
est  précieux  à  mon  cœur,  a  désiré  que  je  vous  fisse  part  de 
mon  opinion  :  la  voilà.  Et  c'est  un  plaisir  pour  moi  d'avoir 
cette  nouvelle  occasion  de  vous  assurer  des  sentiments  tendres 
et  fraternels  que  vous  a  voués  peur  la  vie,  Tr.  \  Ch.  \  et  Bien 
Aimé  Frère, 

Votre  serviteur,  ami  et  frère 

Bacox  de  la  Chevalerie. 
L'Equcs  a  Capitc  Galeato  au  F.-.  Bacon  de  la  Chevalerie. 


X...,  le  16  août  1806. 
F.-.   Ch...   au   Tr.:.   Rév.  •.   Tr.\    Subi.-,   et   T.-, 
111.-.  Frère  et  Maître  Bacon  de  la  Chevalerie. 

Le  Rév.  \  et  Ch.  \  frère  d'Aigrefeuille  est  entré  tout  à  fait 


416 


DOCUMENTS 


dans  les  vues  de  la  Rév.  \  Loge  des  Ph...,  et  du  Rit  Primitif., 
qu'elle  professe,  lorsqu'il  vous  a  communiqué  toute  ma  corres- 
pondance avec  lui,  touchant  l'aggrégation  du  Rit  Primitif 
au  G.  •.  O.  •.  de  France,  et  il  m'a  fait  un  cadeau  précieux, 
lorsqu'il  m'a  procuré  la  marque  d'intérêt,  de  souvenir,  et  de 
bonté  constante,  dont  la  lettre,  que  vous  m'aviez  fait  l'hon- 
neur de  m'écrire  le  6  du  courant,  est  un  témoignage  irréfra- 
gable. 

La  Révérende  Loge  a  été  en  effet  complètement  spoliée, 
mais  par  un  effet  précieux  du  hasard,  par  des  soins  et  au 
prix  de  quelques  sacrifices,  elle  a  été  réintégrée,  depuis  quel- 
ques mois,  de  son  Titre  Constitutif.  Les  copies  en  ont  été 
faites  en  mai,  et  seraient  depuis  longtemps  à  Paris,  sans 
des  idées  conçues,  peut-être  légèrement,  par  quelques  Ph.... 
sur  la  dénomination  textuelle  et  caractéristique  de  Rit  Primi- 
tif, qu'il  leur  a  paru  que  l'on  voulait  leur  enlever. 

Au  surplus  si,  demain,  les  autres  membres  du  Conseil  de  la 
Rév.-.  Loge  sont,  comme  je  le  pense,  du  même  sentiment  que 
moi,  les  copies  des  Constitutions  partiront  par  le  prochain 
courrier,  qui  est  lundi.  Alors  le  Chapitre  Métropolitain  de 
l'O.  '.  de  Paris,  qui  ne  s'est  qualifié  de  Rit  Primitif,  que  posté- 
rieurement aux  lettres  que  j'ai  écrites  relativement  à  ce  Rit. 
reconnaîtra  sans  doute  s'il  appartient  au  même  Rit  que  la 
Rév.*  Première  Loge,  et  qui,  de  lui  ou  de  nous  doit  conserver 
la  dénomination  pure  de  Rit  Primitif  —  si  l'on  n'a  pas  déci- 
dément l'intention  d'en  imposer  aux  autres  et  à  soi-même  sur 
les  vraies  relations  Maçonniques. 

Je  suis  du  moins  bien  sûr  que  —  si  vous  êtes  consulté, 
comme  on  vous  le  doit  à  toute  sorte  d'égards  —  vous  n'hésite- 
rez pas  un  moment  à  apprécier  les  justes  droits  d'un  établisse- 
ment qui  sera  toujours  flatté  de  ce  qu'il  vous  est  agréable 
(1  être  compté  au  nombre  de  ses  membres.  Agréez  l'expression 
des  sentiments  tendres,  fraternels,  et  respectueux,  que  je 
conserverai  toujours  pour  vous.  Mon  Bien-Aimé  Frère  et 
Très    Révérend   Maître   R.    >ï<  S. 


Votre...  Cn. 


. II. -il ■■•■■■■■■■■■■■  »■' 


■:l...i.u....i^ i,,,,,^,,!,^,^^»:  ■■■■^JM.'v.UitHArMii 


DOCUMENTS  417 

Bacon  de  la  Chevalerie  au  F.  -,  Equcs  a  Capitc  Galeato. 


Mon   B. 


A  l'O.-.  de  Paris,  le  8-ll.\  06.-. 
A.  •;   et   Vénérable.-.    F.'..' 


Le  27  août  dernier,  le  F.-.  d'Aigrefeuille  eut  la  complai- 
sance de  me  remettre  votre  aimable  PI.'.,  du  16  du  même 
mois  ;  ce  même  F.  \  s'est  chargé  de  vous  prévenir  que  la 
demande  de  la  R.  \  Log.  \  des  Ph...  en  aggrégation  au  G.  \ 
Or.  •.  avait  été  admise,  unâ  voce,  le  27  septembre  dernier,  par 
le    Directoire    des    Rits. 

Je  vous  annonce  qu'avec  moins  d'unanimité  —  41  voix  con- 
tre 21  —  majorité,  15  —  et  en  conséquence  de  l'admission  du 
Directoire,  le  Gr.  \  Or.-.,  dans  sa  séance  d'hier,  10.'.,  a  con- 
firmé la  décision  du  Directoire  :  le  Rit  Primitif  est  donc,  sans 
retour,  affilié  au  G.  \  Or.  \  de  France.  :. 

La  compétence  du  Directoire  ayant  été  jugée  ne  pouvoir 
s'étendre  jusqu'à  l'admission  des  Loges  et  Chapitres  particu- 
liers, la  R.  •.  L.  '.  des  Ph...  sera  mise  sous  les  yeux  de  la 
Grande.  \  L.  \  Symbolique,  dans  sa  première  séance  qui  aura 
lieu  le  2ie.-.  j.\  de  ce  mois,  et  son  Chapitre,  sous  ceux  du 
Grand-Chapitre  général  qui  tiendra  le  jour  suivant,  mercredi 
22.  -.  —  de  l'Administration  desquels  les  demandes  dépendent. 

Le  Tableau,  que  vous  avez  adressé  au  G.  \  O.  \,  sera  aug- 
menté des  signatures  des  FF.  \  d'Aigrefeuille,  de  Montaleau. 
Harmensen,  de  la  mienne.  Ainsi  vous  aurez,  à  cette  époque 
satisfaction   complète. 

Nous  n'avons  pas  pu  éviter  ces  longueurs  ;  le  G.-.  Or.-. 
s'abîme  dans  les  formes.  Il  est  dirigé  par  des  hommes  de  Loi, 
qui  jouent  tout  leur  jeu,  corroborés  par  la  terrible  influence, 
dont  ils  nous  ont  accablés  dans  les  temps  malheureux. 

C'est  vous  dire.  B.\  A.-,  et  V.\  Fr.\,  combien  peu  je  vous 
ai  été  utile  dans  cette  affaire.  \  Je  suis  pauvre  et  vieux,  et 
c'est  par  pitié  qu'on  daigne  m' ouvrir  les  portes  du  G.\  O.  \. 
oïl  je  ne  me  permets  pas  de  porter  la  parole,  et  où  l'on  se 
permet  au  contraire  de  fréquentes  insultes,  protégées  par  les 
présidents. 

Voilà  la  considération  que  me  valent  cinquante-neuf  années 
de  profession  maçonnique,  76  ans  d'existence,  et,  surtout,  ma 
ruine  totale.-. 


14 


4i8 


DOCUMENTS 


Xe  croyez  cependant  pas  que  mon  caractère  ait  faibli  :  ni 
ma  tête  non  plus.  Mon  âme  les  soutient,  et  le  temps  n'est  peut- 
être  pas  éloigné  où  je  ferai  sentir  à  la  canaille  qui,  profitant 
du  malheur  des  temps,  s'est  introduite  dans  un  Temple  quelle 
inonde  de  souillures,  tout  le  mépris  qu'elle  )n'inspire,  et 
qu'elle  a  lieu  d'attendre  de  tous  les  bons  et  vrais  Maçons.-. 

Je  vous  ai  déjà  exprimé  toute  ma  sensibilité  à  l'aggréga- 
tion.  dont  m"a  honoré  la  R.  \  Loge  des  Ph...,  et  aux  témoi- 
gnages de  sa  confiance.  Je  ferai,  dans  le  peu  de  jours  qui  me 
restent  à  passer  parmi  les  hommes,  tout  ce  qui  dépendra  de 
moi  pour  justifier  son  choix  et  vous  donner  à  vous-même. 
Tr.  •.  Yen.  \  et  B.*.  A.-.  Fr.  \.  les  preuves  du  plus  tendre  et 
plus  fraternel  attachement. 

Bacox  de  la  Chevalerie.-. 

P.  S.  \  —  Malgré  les  vérités  fâcheuses,  qui  viennent  d'échap- 
per à  ma  plume,  je  dois  vous  dire  qu'il  existe  au  G.  \  O  \  un 
grand  nombre  de  maçons  éclairés,  honnêtes  et  vertueux  ; 
mais  (comme  partout)  la  modestie  et  le  silence  sont  leur 
partage,  et  ils  laissent  aller  les  choses,  pour  conserver  leur 
tranquillité. 


L'Eques  a  Capite  Galeato  au  F.  ■   Bacon  de  la  Cheval. 


X...,  19  novembre  1S06. 

Mon      Bien      Aimé      Frère      et      Très      Révérend 
Maître    R.     *  *. 

Agréez  l'expression  de  ma  gratitude  pour  l'intérêt  que  vous 
avez  bien  voulu  mettre  au  succès  du  traité  entre  le  G.'.  O.'. 
de  France  et  la  R.  \  L.  \  des  Ph...,  et  celle  de  toute  ma  sensi- 
bilité pour  les  suites  pénibles  que  vous  fait  éprouver  la  diiïé- 
fenec  de  votre  situation.  Je  suis  d'autant  mieux  en  mesure  de 
ipprécier,  que  je  les  éprouve  clans  ce  petit  coin  du  monde, 
et  d'autant  plus  sensiblement  que  je  vis  au  milieu  d'une  poi- 
gnée de  gens,  dont  une  partie  se  rit  de  ma  détresse,  et  l'autre 
se  rengorge  de  posséder  les  biens  inr  -  -  qui  m'étaient 
destinés.    Les    mêmes    individus,    qui    se    trouvaient    honorés 


II... !■•■■■■■■■■■■■■-■■ 


■■HHHlBflBHB^B^HH 


DOCUMENTS 


419 


d'avoir  accès  dans  la  maison  de  mon  père,  croient  me  faire 
grâce  en  m'admettant  quelquefois  chez  eux. 

Enfin,  passons  la  truelle  sur  des  malheurs,  qu'il  n'a  pas 
dépendu  de  nous  d'éviter,  et  cherchons  notre  dédommage- 
ment dans  les  hautes  et  sublimes  contemplations,  que  l'on  ne 
petit  pas  nous  enlever,  ni  peut-être  partager  avec  nous. 

A  cette  occasion,  permettez-moi  de  vous  inviter,  Tr.\  Rév.  \ 
M.'.,  à  prendre,  avec  réflexion  et  d'avance,  des  mesures  cer- 
taines, pour  que  les  documents  précieux,  qui  sont  en  vos 
mains,  ne  soient  exposés  en  aucun  cas,  à  tomber  jamais  en 
des  mains  indignes  et  profanatrices. 

La  Rév.-.  Prem.  •.  L.  \  vous  prie  d'agréer  un  exemplaire 
«d'un  petit  discours,  qui  donne  une  notion  générale  du  Rit 
Primitif.  Vous  le  recevrez  avec  cette  lettre,  ou  très  incessam- 
ment, par  la  médiation  du  Rév.-.  F.  \  d'Aigrefeuille. 

Ce  discours  fut  remis  à  la  R.  \  Prem.-.  L.  \  par  le  Commis- 
saire Installateur,  comme  écrit  classique  du  Rit.  Il  fut  réim- 
primé en  1790,  et  précédé  du  Tableau  de  la  Loge.  Tous  les 
exemplaires  avaient  été  brûlés  ou  enlevés,  pendant  les  temps 
orageux.  Le  hasard  ou  la  cupidité  ont  heureusement  conservé 
un  ballot  en  feuilles,  que  nous  avons  récupéré,  et  nous  avons 
joint  aux  exemplaires  une  note  manuscrite  des  nouvelles 
acquisitions  que  la  R.  \  Pr.  \  L.  \  a  faites,  cette  année. 

Si  je  ne  me  méprends  point,  T.  R.  M.,  vous  entendrez 
dans  ce  discours  certaines  choses,  dans  lesquelles  beaucoup  de 
fiers  Maçons  ne  trouveraient  pas  le  sens  commun.  En  tout 
état  de  cause,  nous  souhaitons  qu'il  vous  soit  un  témoignage 
de  notre  considération  et  de  notre  attachement.  Xos  autres 
frères  de  Paris  en  recevront  aussi,  et  le  liront,  chacun  selon 
la  couleur  de  ses  lunettes. 

Vous  remarquerez,  au  tableau  manuscrit,  la  qualification 
que  l'on  vous  y  donne  de  député  des  Hauts  Ateliers...  etc.  Si 
vous  agréez  cette  qualité,  et  qu'il  y  ait  lieu  de  l'exercer  au 
G.-.  O.  •.  —  ce  que  j'ignore  complètement  —  nous  en  expé- 
dierons  le   diplôme. 

Mes  sentiments  tendres,  fraternels  et  respectueux  vous 
sont  toujours  dévoués.  Mon  B.  A.  et  Tr.  Rév.  Maître  R  >5<>ï<. 


Ch. 


420  DOCUMENTS 

Le  F.  \  Bacon  de  la  Chevalerie  à  l'Eques  a  Capite  Galeator 

Orient  de   Paris,  le   58-26;    07. 
Mon  B.\  A.\  et  T.-.   V.\   F.-., 

Xe  me  condamnez  pas,  mais  plaignez-moi  bien  plutôt,  du 
long  et  trop  long  silence  que  j'ai  gardé  sur  votre  planche 
chérie  du  19  novembre  1806,  et  sur  l'excellente  esquisse  qu'elle 
m'annonçait,  et  qui,  en  effet,  m'a  été  remise  par  le  Ch.  \  et 
R.  \  F.  \  d'Aigrefeuille,  quelque  temps  après  la  réception  de 
votre  planche,  avec  l'erreur  que  l'exemplaire,  qui  est  dans 
mes  mains  était  destinée  au  Ch.  \  F.-,  de  Bondi  qui,  vrai- 
semblablement, aura  été  pourvu  de  celui  qui  m'était  adressé. 
Je  me  suis  plusieurs  fois  présenté  chez  lui  pour  lui  en  pré- 
senter le  contre-échange,  mais  il  s'est  trouvé  presque  toujours 
à  la  campagne,  et  les  autres  fois,  absent.  Je  me  suis  enfin 
déterminé  à  garder  le   trésor  que  je  possédais. 

Je  l'ai  médité  plusieurs  fois,  T.  \  C.  \  F.  \,  et  y  suis,  tou- 
jours, revenu  avec  plaisir.  J'ai  vu  que,  dans  les  développe- 
ments graduels,  que  produit  cet  écrit,  il  ne  laisse  rien  à  désirer 
au  M  -.  instruit  et  néanmoins  ne  compromet  point  les  mystè- 
res les  plus  graves  et  les  plus  importants.  J'en  ai  porté  cer- 
tains traits  sur  mes  lèvres  avec  respect.  J'ai  vu,  enfin,  avec 
délices,  dominer,  dans  ce  précieux  ouvrage,  le  principe  vul- 
gaire et  sacré  de  l'amour  des  hommes,  duquel  dérive  la  bien- 
faisance obligatoire,  en  faveur  de  l'humanité  en  général  et  de 
la  fraternité  particulièrement. 

En  parcourant  le  tableau  des  Membres  de  la  Rév.  \  L.  \  des 
Ph....  j'ai  donné  de  nouveaux  regrets  à  la  perte  de  l'excellent 
F.  -.  marquis  de  Marnesia  qui.  si  l'on  conserve  dans  les  lieux 
qu'il  habite  le  droit  et  le  pouvoir  d'observer  les  vicissitudes 
mondaines,  jouit  sans  doute  de  quelque  satisfaction  de  la 
destinée  de  sa  petite-fille,  portée  au  trône  électoral  de  Bade, 
et  de  son  gendre.  M.  de  Beauharnais.  au  Sénat  de  l'Empire 
français.  Sic  voluere  fata.  Du  reste,  ori  ne  peut  s'empêcher, 
en  admirant  sa  composition,  de  regretter  que  tant  de  dignes 
frères  ne  soient  pas  réunis,  et  que  les  travaux  des  quatre 
Chapitres  ne  soient  pas  en  pleine  activité. 

A  cet  égard,  je  me  suis  rendu  compte,  au  premier  Chapitre, 
des   abréviations   de    lier.-,    et   de    Kil.  \,   mais   je    n'ai    pu   me 


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if-M-rf--" — iirniltiiVin.Hîrrt-vm ■■  .  :L\:<<s<  ^ 


DOCUMENTS 


421 


rappeler  la  terminaison  de  Old.  •.  Vous  me  ferez  plaisir  de 
me  la  donner,  à  moins  que  ce  ne  soit  Oldensée. 

Quant  au  Supplément,  vous  ne  pouvez  pas  douter,  T.  \  C.  \ 
F.-.,  que  je  ne  reçoive  avec  une  vive  reconnaissance,  et  que 
je  n'accepte,  avec  respect,  la  Députation  des  Hauts  Ateliers 
de  la  Souveraine  G.'.  L.  *.  des  Ph.  \  auprès  des  Hauts  Ate- 
liers du  G.  \  O.  •.  de  F.  \,  près  duquel  la  R.  \  L.  \  des  Ph.  \  m'a 
déjà  accordé  la  faveur  de  me  nommer  représentant  du  Rit 
Primitif,  qui  m'a  donné  le  droit  de  séance  au  G.  \  Directoire 
des  Rites,  ou  la  non  activité  du  Directoire  Ecossais  et  le 
Silence  Absolu  des  Elus  C.  \  toujours  agissants  sous  la 
plus  grande  réserve,  En  Exécution  Des  Ordres  Suprêmes 
du  Souverain  Maître  .  •.  LE  G.-.  Z.\  IV.  \  /.*.  (1). 

J'ai  remarqué  quelques  erreurs  et  fait  des  observations  sur 
le  Tableau  supplémentaire.  Je  vous  les  soumets  : 

i°  Je  ne  suis  point  né  à  Paris,  mais  à  Lyon  ; 

2°  Le  F.',  de  Montaleau  est  premier  représentant  particu- 
lier du  Gr.  .  Maître.  Le  F.'  de  Valence  a  succédé  au  F.-,  de 
Grasse-Tilly,  en  qualité  de  second  représentant  particulier. 
11  existe  en  outre  un  Grand-Représentant  :  celui-ci  a  la  repré- 
sentation générale  aux  Assemblées  du  G.-.  O.'.  ; 

30  Le  F.  \  abbé  d'Alez-Bermond-d'Anduse  n'a  point  été 
G.-.  Orateur,  nî  G.'.  Secrétaire  Général  ;  il  a  été  simple- 
ment G.  .  Officier  d'Honneur,  et  n'est  plus  porté  sur  le 
Tableau,  par  égard  pour  l'ancien  ministre  des  Cultes,  qui 
s'était  ridiculement  annoncé  pour  ne  le  présenter  à  aucune 
place  de  son  ordre  tant  qu'il  figurerait  dans  les  Loges  de 
F.-.  M.-.; 

4°  J'ai  observé  que  quatre  des  membres  supplémentaires 
portent  le  titre  de  l'un  des  douze  uniques  Chevaliers  de  la 
Toison  d'Or,  et  je  vous  avoue  franchement  que  mon  instruc- 
tion ne  va  pas  jusqu'à  connaître  ce  titre  Mac.  \,  à  moins  qu'il 
ne  soit  inhérent  à  celui  de  G.-.  Inspecteur  du  33e  degré,  auquel 


(1)  Malgré  de  minutieuses  études,  nous  n'avons  pu  découvrira 
quel  Supérieur  Inconnu  des  Élus  Cohens  il  est  fait  allusion  par  le 
F.-.  Bacon.  VEques  l'interrogea  lk-dessus,  mais  ne  reçut  pas  de 
réponse.    (M.  de  l'A.) 


422  DOCUMENTS 

je  n'ai  pas  été  admis,  quoique  l'on  me  l'eût  offert  et  que  je 
l'eusses  accepté.  Mais  ce  n'est  pas  le  plus  poignant  des  affronts 
que  j'ai  éprouvé  {sic)  au  R.  \  G.*.  Or.-,  de  France,  dans  la 
Fondation  duquel  j'ai  été  le  principal  Coopérateur,  que  j'ai 
présidé  pendant  seize  ans,  dont  dix  comme  G.  \  Orateur,  et 
six,  comme  G.  \  Représentant  unique  du  G.  \  Maître.  \,  et  que 
je  sois  le  seul  des  Fondateurs  du  G.-.  O.  \  qui  en  soit  resté 
membre  depuis  trente-six  ans,  date  de  son  établissement  dû 
à  mes  seins  soutenus,  pendant  six  années  consécutives,  et  à 
130  Mille   Liv.   de   sacrifices   que   me   coûte   l'Art   Royal. 

C'est  aux  tribulations,  aux  angoisses  qui  m'ont  éprouvé 
depuis  quatre  ans,  et  qui  se  sont  cumulées,  depuis  dix  mois, 
que  vous  devez  mon  trop  long  silence;  quand  on  est  bien 
tourmenté,  on  se  donne  des  torts  ;  l'Amitié  n'en  souffre  pas. 
mais  tous  les  ressorts  expansifs  sont  paralysés.  Je  ne  vous 
ennuierai  pas  de  ces  détails  révoltants.  Je  me  plais  cepen- 
dant à  vous  dire  que  le  Ch.  \  et  R.  \  F.-.  d'Aigrefeuille  les 
connaît,  que  son  amitié  m'a  consolé,  soutenu  et,  peut-être, 
empêché  de  commettre  quelque  grande  faute,  oui  grande  et 
très  grande,  car  si  j 'eusses  été  contraint  de  jeter  le  manche 
après  la  cognée,  l'éclat  en  eût  été  terrible,  et,  peut-être  irré- 
médiable. Je  suis  encore  sous  le  coup.  Je  ne  sais  ce  qui  en 
arrivera,  mais  je  me  sens  plus  de  force  en  vous  écrivant:  c'est 
une  consolation,  je  le  sens,  de  confier  ses  peines  à  un  homme 
honnête,  à  un  bon  F.  \,  Bon,  par  nature  et  par  principe. 

Je  vous  ai  pris  bien  dû  temps,  C.  \  F.  \,  et  je  finis  par 
vous  demander  une  faveur,  celle  d'obtenir  l'union  au  Rit 
Primitif  du  F.  \  de  Joly,  avocat  au  Conseil,  Vénérable.  \  de  la 
R.  •.  L.  *.  d'Anacréon,  Orient  de  Paris,  et  G.-.  Secrétaire  de  la 
G.  •.  L.  \  d'Administration  du  G.  \  O.  \  de  France.  C'est 
un  homme  doué  de  beaucoup  d'esprit  ;  il  fut  très  avant  lancé 
dans  les  affaires  publiques.  Je  crois  qu'il  a  succédé  à  D'Anton 
(sic)  ou  à  son  successeur  —  également  avocat  au  Conseil  — • 
tous  deux  morts  sur  l'échafaud  —  au  Ministère  de  la  Justice  : 
il  s'en  est  tiré  plus  heureusement.  Votre  Cousin  et  R.  \  F.  \ 
d'Aigrefeuille  lui  a  trouvé  des  qualités  qui  lui  font  estimer, 
et  je  présume  qu'il  verra  avec  plaisir  le  succès  de  ma  demande 

Le  F.-,  de  Joly  me  paraît  jeuir  aussi  de  l'estime  du 
G.  •.   Maître.  \   Le   Sérénissime   F.  \  Archichancelier. 

Je  vous  prie  d'être  mon  interprète  auprès  de  la  R.  .  L.  \  des 


lÉWMlilnil'^iiiiiiliiii  nia  ft  i  i  n'Jr 


DOCUMENTS 


4^3 


Ph.  •.  et  de  dire  aux  C.-C.  \  FF.-.,  qui  la  composent  que  j'atta- 
che un  prix  infini  au  discours  qu'ils  ont  bien  voulu  me  confier  ; 
il  n'a  pas  peu  concouru  à  corroborer  mon  zèle  Maçonnique.  \ 
auquel  on  porte  ici  de  vigoureuses  et  fréquentes  atteintes 
Mais  il  entre  des  contrepoids  dans  la  balance.  Je  le  sens  en 
vous  communiquant  mes  diverses  sensations  et  lorsque  je 
vous  renouvelle  l'assurance  de  mes  tendres  sentiments  pour 
vous,  T.  \  C.  •.  F.  •..  Ils  seront  aussi  constants  que  fraternels. 

Bacon    de    la    Chevalerie,    ^  ©. 


Lettres  du  F.',   abbé    d'Alès-Bermond  d'Anduse. 


Nous  faisons  précéder  les  Extraits  de  la  Correspon- 
dance de  TEques  a  Capite  Galeato,  avec  l'abbé  d'Alès, 
de  deux  fragments  qui  nous  ont  paru  utiles  au  lecteur. 
Le  premier  document  se  rapporte  au  fameux  Weishaupt  ; 
le  second  explique  fort  naturellement  les  relations  qui 
s'établirent  entre  les  deux  correspondants. 


Extrait  d'une  lettre  de  l'Bques...  au  Frère  Rœttiers 
de  Montaleau. 

,  N...,  12  mai  1806. 

...  Je  vois  avec  autant  de  surprise,  et  encore  plus  de  tris- 
tesse, que,  dans  la  volubilité  de  la  composition,  vous  avez 
écrit  :  toute  Loge  qui  se  tient  isolée  est  pour  ce  seul  fait  dan- 
gereuse. 

De  bonne  foi,  T.  R.  F.,  est-ce  dans  les  loges  isolées  que 
s'est  tramée  l'Atroce  Conspiration  de  Philippe  et  de  Robes- 
pierre ?  —  Est-ce  des  loges  isolées  qu'étaient  sortis  ces  hom- 
mes marquants  qui,  réunis  à  l'Hôtel  de  Ville,  soufflèrent  la 
révolte,  la  dévastation,  l'assassinat  ?  Et  n'est-ce  pas  des 
Loges  liées,  co-et-sub   -   ordonnées  que  le  Monstre  Weishaupt 


i 


424  DOCUMENTS 

avait  établi  ses  leçons  d'épreuve,  et  fait  préparer  ses  horribles 
Principes  ?  ...  (i). 


Fragment   d'une   lettre   de   l'Equcs...   au   Frère   d'Aigrcfculllc. 

X...,   le    14   août    1806. 

...  In  Mo  temporc  que  M.  l'abbé  d'Alez  était  à  Madrid, 
quelques  frères  du  Rit  Primitif,  qui  avaient  des  affaires  dans 
la  même  ville,  ayant  entendu  parler  du  zèle  et  des  lumières 
de  M.  l'abbé  d'Alez,  se  proposèrent  de  faire  sa  connaissance, 
et  de  l'associer  au  Rit,  si  cela  pouvait  mutuellement  leur  con- 
venir. J'ignore  la  suite  qu'a  pu  avoir  cette  première  partie  de 
l'épisode.  Lorsque,  sur  les  avances  que  vous  aviez  fait  faire 
par  le  Vénérable  F.  de  Thory,  il  fut  question  d'associer  une 
partie  de  votre  Société  Secrète  à  la  R.  \  Prem.  \  Loge,  ou  au 
Rit  Primitif,  et  que  je  demandai  un  Tableau  détaillé  et  un 
Mémoire,  je  pensais  que  l'abbé  d'Alez  serait  sur  le  Tableau, 
et  même  qu'il  serait  le  rédacteur  du  Mémoire,  d'où  j'espérais 
pouvoir  reconnaître  si  nos  frères  avaient  abouti  à  lui... 

Vous  fîtes  votre  retraite  avec  beaucoup  de  politesse,  sans 
doute,  mais  il  n'en  fallut  pas  moins  renoncer  aux  espérances 
que  nous  avions  d'abord  conçues.  Brisons    donc  là-dessus. 

Cependant,  j'oserais  désirer  de  M.  d'Alez,  sous  vos  aus- 
pices, qu'il  voulût  bien  dans  ses  moments  de  loisir,  s'occuper 
d'un  Mémoire,  dont  à  raison  de  ses  lumières,  de  son  esprit,  de 
son  état,  il  est  plus  en  mesure  que  personne  de  remplir  le  but 
avec  succès. 

Il  s'agirait  d'examiner,  d'abord,  si  deux  Bulles  contre  les 
F.-.  M*'.,  l'une  de  Clément  XII  et  l'autre  de  Benoit  XIY.  sont 
authentiques  ;  2°,  si,  étant  reconnues  vraies,  elles  mettent, 
soit  les  prêtres,  soit  les  gens  du  monde,  dans  le  cas  de  s'abs- 
tenir  de   la   Maçonnerie.   J'ai    vu    autrefois    ces    Bulles,   à   la 


(1)  Voir  p.  362-^07  les  lettres  de  1808  et  1809  qui  ont  trait 
aux  relations  de  Weishaupt  avec  le  G.-.  0.\  de  Fiance,  à  cette 
époque.  Quelle  comédie  YEques  jouait-il  là  en  face  de  l'initié 
inférieur  Montaleau  ?...   (X.  de  l'A.) 


DOCUMENTS  425 

suite  d'un  petit  livre,  où  Ton  prétendait  dévoiler  le  secret  des 
F.  •.  M.  •.,  et  je  les  regardai  comme  apocryphes.  L'Histoire  du 
Jacobinisme  par  Baruel  en  fait  mention,  à  ce  qu'il  me  sem- 
ble ;  mais  je  suis  sûr  qu'elles  sont  citées  dans  de  prétendus 
Mémoires  pour  servir  à  l'Histoire  Ecclésiastique  du  xviii* 
siècle. 

Ceux  de  mes  frères,  qui  ont  été  en  Espagne  ou  ont  lu  ces 
ouvrages,  ne  veulent  plus  entendre  parler  de  la  Loge  et  de 
M.. .rie.  Si  donc  tous  les  hommes  timorés,  qui,  au  bout  du 
compte,  sont  pourtant  les  plus  honnêtes  gens,  nous  quittent, 
serons-nous  bien  flattés,  vous  et  moi,  de  n'être  en  société 
qu'avec  ceux  qui  n'on  ni  foi,  ni  loi  ?  (1). 

Dans  le  cas  où  M.  l'abbé  d'Alez  accepterait  de  vous  la 
mission  de  rassurer  les  F.-.  M.*,  sur  l'effet  des  Bulles,  dont 
s'agit,  il  pourrait  tout  d'un  temps  repousser  les  traits  acérés 
que  divers  auteurs  —  surtout  les  deux  que  j'ai  cités  —  ont 
lancé  contre  les  pauvres  F.-.  M.-.,  en  leur  imputant  les  hor- 
reurs de  la  Révolution,  dont,  assurément,  je  les  crois,  pour  le 
moins,  très  innocents,  du  moins  comme  maçons  (2). 

Cet  article-là  n'est  point  indifférent  —  je  ne  sais  à  Paris  — 
mais  en  beaucoup  de  villes  de  province,  où  bien  des  hommes 
estimables,  qui  même  n'abjureraient  pas  la  Maçonnerie  par 
principe  de  conscience,  s'en  abstiennent  à  raison  des  imputa- 
tions odieuses,  avancées  par  l'auteur  du  Jacobinisme,  et  par 
celui  des  Mémoires  pour  servir  à  l'Histoire  Ecclésiastique 
du  xvme  siècle. 

De  sorte  que  si,  à  votre  considération,  M.  l'abbé  d'Alez 
éclaircit  cette  affaire,  d'une  manière  victorieuse,  il  aura  bien 
mérité  de  la  chose  Maçonnique,  et  mention  honorable  doit  en 
être  faite  par  tout  le  monde   «  Eclairé  par  3  Fois  3.  » 

Le  simple  rapprochement  de  ces  pièces  est  singuliè- 
rement éloquent  et  instructif.  Dans  cette  partie  de  notre 
étude,  nous  nous  sommes  imposé  l'obligation  d'apporter 


(1)  Il  n'est  pas  besoin  de  faire  remarquer  l'extrême  importance 
de  ces  lignes.  (N.  de  l'A.) 

(2)  Quand  YEques  dit-il   ce    qu'il    pense  ?   Ici,   ou  p.  423,  lors- 
qu'il parle  des  Loges  «  sub-ordonnées  au  Monstre  Weishaupt  »  ? 


426  DOCUMENTS 

les  documents  et  de  recueillir  les  aveux.  Au  lecteur 
impartial  de  lire,  de  méditer,  et  de  porter  un  jugement 
qui  ne  saurait  contredire  les  conclusions  de  notre  vaste 
enquête.  Et  maintenant,  venons  à  M.  l'abbé  d'Alès. 


Le  F.  \  d'Alès'Benuond  d'Anduse  à  l'Equcs... 

Paris,  9  octobre   1806.  (E. '.  V.  \) 

Rue  de  Joubert,  n°  33. 

Grâces  à  votre  tout  aimable  et  honoré  cousin,  Notre  Très 
Sublime  Président  d'Aigrefeuille,  me  voici  enfin,  Très  Cher, 
Très  Digne,  Très  Révérend  Frère.  Et,  tel  est  l'effet  de  la 
fraternité  que  je  vais  vous  écrire,  pour  la  première  fois,, 
comme  si  c'était  la  mille  et  unième  fois  de  ma  vie. 

Je  vous  dois  des  remerciements  pour  votre  bienveillante 
amitié  si  gracieusement  offerte  ;  au  lieu  de  vous  les  adresser, 
je  vous  gronderais  presque,  et  tout  de  bon  —  si  je  l'osais. 
Vous  avez  —  entendez-vous  —  trop  haute  opinion  de  mes 
faibles  lumières.  Vous  paraissez  attendre  de  moi  les  fruits 
du  talent,  quand  je  n'ai  que  des  efforts  à  vous  offrir.  Tels 
qu'ils  sont,  je  suis  prêt  à  les  consacrer  au  bien  de  l'Ordre  et 
de  mes  frères  ;  trop  heureux,  s'ils  peuvent  être  de  quelque 
utilité  ! 

Si,  toutefois,  un  zèle  sans  bornes,  une  discrétion  à  toute 
épreuve,  un  cœur  droit  et  ferme  dans  la  Recherche  de  la 
vérité,  attirent  la  considération  et  la  méritent  —  oh  !  alors,  je 
dois  avoir  la  vôtre  toute  entière.  La  mienne  vous  est  acquise, 
dès  longtemps,  à  toutes  sortes  d'égards  —  surtout  par  la  pu- 
reté, de  vos  principes.  —  J'ai  été  vivement  touché  de  l'ex- 
pression franche  et  vigoureuse  de  votre  âme  brûlante,  qui  se 
peint  tout  entière  dans  vos  lettres. 

Pénétré  d'un  respect  involontaire  pour  le  Rit  primitif,  que 
je  suppose  devoir  remplir  son  titre,  présenté  par  vous,  sans 
me  mettre  en  garde  contre  le  Charlatanisme  —  si  commun 
parmi  nous  —  j'ai  désiré,  sans  doute,  le  connaître  ;  mais  avec 


w 


428  DOCUMENTS 

cette  modération  qui  doit  toujours  accompagner  les  désirs 
du  Sage. 

Tenant  pour  maxime  inviolable  le  «  fcstina  lente  »  qu'il 
prescrit,  je  me  suis  vu  arrêté  par  le  «  omnia  tempus  habent  », 
qu'il  ordonne  également  ;  parce  qu'avant  d'enfanter  il  faut 
concevoir. 

Telle  a  toujours  été  la  marche  sûre  de  l'homme  homme,  et 
du  Mac.  \  vrai  Mac.  •'. 

D'après  ces  données,  T.'.  R.\  F.-.  —  que  vous  jugerez  être 
ma  mesure  exacte  —  je  vous  adresse,  avec  confiance,  le  Mé- 
moire exigé  par  vos  Statuts,  pour  être  admis  pleinement  et 
sans  réserve  dans  le  Rit  que  vous  professez. 

Son  titre  seul  a  fait  fermenter  ma  tête  et  germer  en  moi 
des  idées  qui  —  sans  vous,  je  l'avoue  —  n'auraient  jamais  vu 
le  jour.  Car  —  sans  être  apathique  —  j'ai  adopté  depuis  lon- 
gues années  la  méthode  de  Socratc.  Donnant  beaucoup  à  la 
réflexion,  je  prends  difficilement  la  plume.  Elle  coule  toute- 
fois pour  vous  aujourd'hui  avec  «ce  charme  inexprimable  qui 
ne  vient  que  du  cœur  :  aussi,  j'ose  compter  d'avance  sur  toute 
la  réciprocité  du  vôtre  —  et  dont  mon  collègue  Thory  est 
également  digne. 

Soyez  bien  persuadé  qu'il  n'y  a  jamais  eu  d'isolement  ni 
de  retraite  formelle  de  notre  part.  Mais  un  mauvais  génie  a 
traversé,  malgré  nous,  le  plus  louable  des  desseins,  celui  d'unir 
votre  Rit  aux  Travaux  intérieurs  de  la  Mère  L.  \  Ecossaise. 
Spectateur  tranquille  et  non  passif  du  prurit  ardent  et  des 
sollicitations  d'un  jeune  frère  (d'Harmensen),  dont  M.  Thory 
et  moi  ne  saurions  imiter  la  bouillante  activité,  j'ai  voulu  at- 
tendre du  temps  et  de  vous-même,  T.-.  C.  \  F.'.,  l'offre  qui 
me  flatte  aujourd'hui.  En  y  accédant,  vous  voyez  combien,  sur 
votre  parole,  j'y  attache  de  prix. 

Cette  offre  flatteuse  est  pour  le  moment  toute  gratuite  de 
votre  part.  Mais  un  jour  viendra  peut-être,  où  —  si  vous  le 
voulez  —  je  pourrai,  à  mon  tour,  payer  cette  faveur  avec 
usure.  Car  Si,  Si,  Si,  Si  enfin  pour  trancher  le  mot.  mon  Mé- 
moire n'atteint  pas  le  vrai  but  du  Rit  que  vous  professée,  et 
que  la  doctrine  des  Bssénicns  et  des  Thérapeutes  n'en  cons- 
titue pas  la  base,  je  reprendrai  alors  mes  premiers  errements 
en  sous-œuvre,  et  vous  dirai  rondement  :    «   Vous  êtes  donc 


DOCUMENTS 


429 


Côp.  '.  du  Rit  Egyp.  ".,  qui  a  été  légalement  constitué  et  pro- 
fessé à  l'O.'.  de  Lyon,  et  je  sais  bien  par  qui.  »  (1). 

Du  reste,  que  cela  soit  ou  non,  j'aspire  en  regardant  le  ciel 
•et  SUIS.... 

par  etc.,  etc.,  etc.  Tout  à  vous 

A.-B. 

P.-S.  —  Je  n'ai  pas  perdu  de  vue  les  Questions  importantes 
•que  vous  m'avez  faites,  par  l'entremise  de*notre  Cher  d'Ai- 
gre feuille,  et,  dont  vous  attendez  la  réponse  au  nom  de  la 
fraternité  et  de  la  Religion  (2). 

Mais  pour  être  traitées  avec  l'étendue  et  la  précision 
■qu'exige  une  matière,  aussi  délicate  qu'importante,  il  me  faut 
un  temps  convenable,  dont  je  n'ai  pu  disposer  encore.  En 
attendant  que  je  prenne  la  plume  pour  la  plus  grande  gloire 
<de  Dieu,  tranquiliser  la  conscience  timorée  de  nos  bons  frè- 
res, arrêter  leurs  doutes  et  fixer  leur  opinion,  je  vous  dirai 
pour  eux  sommairement,  et  dans  toute  la  vérité  de  mon  cœur  : 

Il  existe  deux  Bulles  ou  Rescrits  Apostoliques  contre  la 
.Société    de    Liberi   Muratori    ou   Francs-Maçons. 

La  première  est  de  Clément  XII,  donnée  à  Rome  l'an  de 
J.-C.  1738,  le  4  des  Kalendes  de  Mai,  et  de  son  pontificat  le 
huitième:  Elle  commence  par  ces  mots:  a  In  emineiiti  Apos- 
tolatûs  specnlo.  » 

La  deuxième,  commençant  ainsi  :  «  Providas  Romanorum 
Pontificum...  leges  »  est  de  Benoit  XIV,  en  175 1,  le  15  des 
Kalendes  de  juin,  et  de  son  pontificat  la  oazième. 

Ces  bulles,  lues  et  publiées  à  Rome  seulement,  où  le  pape 
exerce  la  double  puissance  spirituelle  et  temporelle,  peuvent 
alarmer  la  conscience  des  ultramontains  qui  croient  à  son 
infaillibilité  et  qui  de  plus  sont  ses  sujets. 

Mais  il  n'en  est  pas  de  même  de  nous,  Français. 

Par  l'article  3  de  nos  Libertés  de  l'Eglise  Gallicane,  qui 
n'ont  jamais  cessé  d'être  en  vigueur,  et  par  la  décision  du 
Concile  Œcuménique  de  Constance,  en   1414,   Session  5e,  qui 


(1)  C'est-à-dire  que  l'abbé  d'Alès  prend    YEques   pour   un   suc- 
cesseur du  Grand  Cophte  Cagliostro.  (N.  de  l'A.) 

(2)  Ceci  est  positivement  un  comble.  (N.  de  l'A.) 


! 


430  DOCUMENTS 

en  confirme  la  doctrine  et  la  maxime  de  tout  temps  établie  : 
Nous  ne  reconnaissons  en  France  aucunes  Bulles,  qu'elles 
n'aient  été  examinées,  lues,  publiées  et  enregistrées. 

Les  deux  Bulles,  dont  s'agit,  n'ont  subi  aucune  de  ces  for- 
mes voulues  par  nos  Lois  Ecclésiastiques  ;  elles  sont  donc  et 
ont  toujours  été  comme  non  avenues  pour  la  France  —  sur- 
tout ces  Sociétés  étant,  non-seulement  tolérées,  mais  approu- 
vées et  protégées  par  le  gouvernement  et  Chef  de  l'Empire. 

Je  vais  plus  loin  :  d'après  la  permission  expresse  du  gou- 
vernement, ces  deux  Bulles  fussent-elles  lues  et  publiées,  elles 
ne  sauraient  frapper  en  masse  des  individus  innocents,  faus- 
sement outragés,  calomniés,  et  suspects  d'hérésie,  sans  pleine 
et  entière  connaissance  du  prétendu  crime  qu'on  leur  impute. 
Car  V excommunication  majeure  étant  la  plus  grande  peine  que 
l'Eglise  puisse  infliger,  d'après  le  Concile  de  Maux  (sic), 
Ch.  2,  q.  3,  Sess.  41,  rapporté  par  Gratien  :  a  L'anatJième 
«  qui  nous  condamne  à  une  mort  éternelle  ne  doit  être  ém- 
it ployé  que  pour  punir  un  péché  mortel.  »  C'est  la  doctrine 
de  tous  les  théologiens  et  de  tous  les  casuistes  :  il  faut  que  le 
péché  soit  notoire  :  «  Quand  le  péché  n'est  pas  évident,  dit 
Origcne,  dans  sa  20e  Homélie,  nous  ne  pouvons  chasser  per- 
sonne de  l'Eglise,  de  peur  que  ne  voulant  arracher  (que) 
l'ivraie,  nous  arrachions  le  bon  grain.  »  C'est  ce  qui  fait  'dire 
à  Saint  Augustin,  Liv.  3,  Chap.  4.  contre  Parménien  :  «  Il  ne 
faut  employer  la  sévérité  des  Censures  que  quand  le  Crime 
est  si  notoire  que  tout  le  monde  l'a  en  horreur,  de  manière 
qu'il  ne  se  trouve  personne  qui  prenne  la  défense  du  coupa- 
ble. »  Il  est  encore  de  principe  incontestable  qu'il  ne  suffit 
pas  que  le  péché  soit  mortel  et  notoire,  pour  mériter  l'excom- 
munication, il  faut  de  plus  qu'il  soit  joint  à  la  contumace  et  à 
la  révolte  contre  l'Eglise.  C'est  ce  que  J.-C.  nous  enseigne  : 
(Math.  18)  il  ne  veut  pas  que  nous  retranchions  notre  frère 
de  notre  communion  et  que  nous  le  regardions  comme  un 
païen  et  un  publicain.  à  moins  qu'il  n'ait  refusé  d'écouter 
l'Eglise.  Si,  donc,  dit  le  célèbre  Gerson,  dans  son  Livre  de  la 
Vie  Spirituelle.  Lect.  4,  Coroll.  14  :  «  Votre  frère  est  tou- 
u  jours  prêt  d'écouter  l'Eglise,  pourquoi  le  retranchec-vous 
«   de  votre  Communion   connue   un  pa'ien   et  un  publicain?   » 

En  appliquant  ces  principes  certains  à  notre  Société,  per- 
mise  par  le   Gouvernement,   et  dont  le  perfectionnement  de 


DOCUMENTS 


431 


toutes  les  vertus  morales  et  sociales  fait  la  base,  —  où  est  le 
.pécha  mortel,  sa  notoriété,  et  la  contumace  ? 

L'Excommunication  lancée  par  deux  papes,  prévenus,  et 
sans  connaissance  de  cause,  est  donc  injuste  envers  Ta  So- 
ciété en  général,  et  tous  ses  membres  en  particulier.  C'est  la 
doctrine  commune  des  Théologiens  et  des  Casuistes,  fondée 
sur  le  Canon  Si  qui  s,  tiré  d'Origène  :  a  Si  quelqu'un,  dit  ce 
«  Père,  chap.  24,  Ques.  3,  Can.  41,  est  chassé  de  l'Eglise  par 
a  un  jugement  injuste  des  Supérieurs  Ecclésiastiques;  s'il 
«  n'en  est  pas  lui-même  sorti  auparavant,  c'est-à-dire,  s'il  ne 
<(  s'est  pas  conduit  d'une  manière  qui  l'en  retranche,  le  juge- 
«  ment  injuste  des  hommes,  qui  lé  chassent,  \\c  lui  nuit  en 
«  aucune  manière.  Ainsi,  arrive-t-il  souvent  que  celui  qu'on 
«  chasse  est  toujours  dans  l'Eglise,  et  que  celui  qui  punit  au- 
«  dedans,  en  est  effectivement  séparé.  »  Saint  Augustin  dit 
la  même  chose,  dans  l'endroit  cité  par  Gratien,  Chap.  11, 
Ques.  3,  Can.  87  :  «  Si  quelqu'un  est  injustement  frappé 
a  d'anathème,  celui  qui  fait  cette  injure  se  fait  plus  de  tort 
«  qu'il  n'en  fait  à  celui  qui  la  reçoit;  car  l'Esprit-Saint,  qui 
<(  habite  dans  les  Sts,  et  par  qui  chacun  est  lié  ou  délié,  ne 
«  punit  personne  injustement.  »   (1). 

Ainsi,  le  Chrétien,  qui  ne  cherche  à  servir  Dieu  qu'en 
Esprit  et  en  vérité  —  par  une  conduite  pratiquement  certaine 

—  doit  plus  craindre  le  moindre  péché  qu'une  Censure  injuste 

—  telle  qu'elle  puisse  être. 

Ainsi,  donc,  les  Maçons  qui,  forts  du  témoignage  de  leur 
conscience,  de  la  pureté  des  principes  vertueux  que  leur  So- 
ciété professe,  n'oseraient  toutefois  —  à  l'exemple  des  PHA- 
RISIENS, les  Avouer  Publiquement,  de  peur  d'être  chassés 
de  la  Synagogue,  seraient  alors  convaincus  —  d'après  l'apôtre 
saint  Jean  —  de  mentir  à  leur  conscience,  et  de  PREFERER 
la  gloire,  qu'ils  tirent  des  hommes,  à  Celle  qu'ils  doivent  à 
Dieu. 


,  (1)  Voir  p.  432,  immédiatement  après  ceci,  la  reproduction  en 
photogravure  de  ce  passage  capital  de  la  lettre  du  F.  v  abbé  d'Alès. 
(N.  de  l'A.) 


DOCUMENTS 


433> 


Demande  d'Aggrégation. 

A  rO.\  de  Paris,  le  9e  jour  du  8e  Mois  5806. 

Le  F.  \  Jean-Joseph-Henry-Augustin  d'Alès-Bermond  d'An- 
duse, 

itr  St.  •.  en  exercice  de  la  T.  \  R.  \  Mère  Loge  Ecossaise  de 
France, 

Ier  St.-.  de  la  Sup.  \  Ace.  des  S.-.  V.-.  M.-., 

Grand  Chancelier  du  Grand.-.  Sup.-.  et  Souv.  \  Tribunal 
des  G.G. -.  I.I.-.  I.I.\  C.Comm. -.  y  attachés 

A    la    R.  -.    Loge    Première    du    Rit    Primitif    en    france, 
régulièrement  constituée  à  l'O.  \  de  N...  sous  le  titre  distinctif 

des  Ph. 
T.T.-.  D.D. -.  et  T.T.-.  R.R.-.  F.F.-. 

Jaloux  de  parvenir  au  complément  des  connaissances  Ma- 
çonniques, et  fier  d'en  voir  tripler  enfin  l'heureuse  moisson, 
après  27  ans  d'études  et  de  recherches,  je  vous  adresse  avec 
toute  la  confiance  qu'inspirent  vos  lumières  profonde  (sic)r 
mon  mémoire  pour  obtenir  mon  aggrégation  au  Rit  que  vous 
professez.  Désirant  de  compter  au  plus  tôt  parmi  vous,  j'ose 
espérer  que  votre  indulgente  amitié  pour  moi  sera  aussi  éten- 
due que  ma  reconnaissance  pour  vous  éternelle  et  sans  bor- 
nes. 

C'est  dans  ces  sentiments  fraternels,  dont  je  vous  prie 
d'agréer   l'expression,   que   j'ai   la    faveur   d'être 

T.T.-.  D.D.-.  et  T.T.-.  R.R.-.  F.F.-: 

Votre   tout   dévoué   et   affectioné   (sic)    F.  \, 

M.  d'Aeès-Bermond  d'Andusë,  ©. 


434 


DOCUMENTS 


NOMS 

PRENOMS 

AGE 

D'Alès  (Ber- 
mondd'Anduse). 
Né  au  Château 
<ie  Boisse,  en 
Languedoc,  le 
23  décemb.  1757. 

De  la  Religion 
C.  Apostolique 
Romaine. 

Domicilié  à 
Paris,  et  y  de- 
meurant, rue  de 
Joubert,  n°  ^^. 


QUALITES 
CIVILES 


Avant  la  Ré- 
volution :  Vicaire 
Gal  de  Bayeux 
et  Chne  Comte 
de  Vienne. 

Actuellement, 
Vicaire  gal  honre 
d'Arras. 


TITRES  MAÇONNIQUES 


Rit  français 

G<i.-.  Officier  d'Honneur  du 
Gd.-.  Or.-,  de  France  etGi.\ 
Secrétaire  Général  de  la 
Chambre  d'Administration. 

Rit  Ancien  et  Accepté 


Souv.\   Gd.\   Insp.\    Gal.\ 

Membre  du  Sup.\  Conseil  du 
^y  Degré  en  France. 

Rit      Ecossais      d'Avignon. 
Tous  les  grades  de  ce  Rit. 

Grades     Philosophiques    y 
attachés. 


Vrai  Maçon 

V.'.  Mac.*,  dans  la  voie 
droite. 

Cher.\  de  l'Iris. 

Cher.\  de  la  Clef  d'or. 

V.-.  Cher.-.  des  Argonautes 
et  Chev.\   de  la  Toison  d'or. 


M.  d'Alès-Bermond  d'Axdusë,    ^k-  -±U- 


L'Eques  a  Capite  Galeato  au  F.\  d'Alcz. 


N...,  le  22  novembre   1806. 

Quid  rétribuant  à  mon  aimable  et  cher  cousin  d'Aigrefeuille, 
pour   tous   les   biens   qu'il   me   procure,   au   nombre   desquels 
sans  doute,  je  dois  placer,  en  première  ligne,  T.C.T.D.T.R.Fr. 
votre  estime  honorable,  et  votre  bienveillante  amitié  ? 

Vous  étiez  le  maître  —  dès  le  début  —  de  m'en  donner  une 


DOCUMENTS 


435 


preuve.  Car  pourquoi  ne  me  grondiez-vous  pas,  si  vous  en 
aviez  envie  ?  En  vérité  je  suis  grondablc  par  tant  de  facètes 
(sic),  que  je  dois  me  trouver  heureux  que  l'on  m'en  laisse 
quelqu'une  sans  correction. 

En  attendant,  je  saute  à  cloche-pied  par-dessus  vos  ex- 
pressions, trop  indulgentes  pour  moi  ;  et  je  n'ai  rien  à  dire 
sur  la  nature  du  Rit  Primitif,  que  je  cultive  depuis  tant  d'an- 

4 

nées.  Le  petit  Mémoire,  dont  la  R.  \  L.  \  ire  a  la  faveur  de 
vous  adresser  un  exemplaire,  vous  fera  rabattre  sans  doute, 
de  l'opinion  que  vous  vous  étiez  formée  de  ce  Régime.  Celle 
que  vous   en  concevrez  —  après  l'avoir  lu  —  m'intéressera 

bien   plus  vivement,  si  vous  daignez  me  la  faire  connaître 

En  attendant  paisiblement  l'effet  bienveillant  de  vos  au- 
thentiques promesses,  je  suis  en  tous....  et  par  tous  les.  etc.,. 
possibles,  entièrement  à  vous. 

Ch. 


Post-scriptum  (de  l'Eques  au  F.\  abbé  d'Alcs), 


Votre  note  rapide,  sur  les  Bulles,  me  paraissait  toute  pro- 
pre à  rappeler  à  nos  Frères  effarouchés.  Un  prêtre  éclairé 
—  qui  l'a  vue  —  m'a  dit,  plusieurs  fois  de  suite  :  C'est  bien 
fait  ;  c'est  bien  fait  ;  on  a  tiré  tout  le  parti  possible  du  sujet. 
Mais  il  a  ajouté  que  cela  ne  suffisait  pas,  et  qu'il  y  trouvait  le 
même  inconvénient  qu'à  certaines  propositions  de  Quesnel. 
qui  —  vraies  en  soi  —  ne  sont  condamnées  que  eu  égard  aux 
conséquences  qui  en  dérivent.  Un  autre  prêtre,  de  nos  Frères, 
a  dit  assez  brusquement,  que  c'était  sur  de  pareils  îaisonne- 
ments  que  les  Prêtres  Constitutionnels  basaient  ienr  dissi- 
dence, etc.  De  sorte  que,  mortifié  de  voir  l'opinion  d'un  frère 
que  je  fais  profession  d'aimer  et  de  respecter,  mise  ainsi  en 
parallèle,  je  me  suis  interdit  de  la  communiquei  à  d'autres. 

J'ai  dû  vous  informer  du  fait  pour  que,  si  ves  loisirs  vous 
permettent  —  et  que  vous  jugiez  à  propos  —  de  vous  occuper 
du  même  objet,  d'une  manière  plus  développée,  vous  évitiez 
de  donner  prise  à  de  telles  objections. 

Au  reste,  il  me  paraît  que  —  sans  se  casser  la  tête  en  er- 
gotismes  —  le  G.  \  O.  \  de  France  pourrait  solliciter  et  ob- 


43^ 


DOCUMENTS 


tenir  du  pape  le  rapport  des  Bulles  —  comme  données  sur 
exposé  erroné  —  ou  comme  non  applicables  aux  pauvres  M.  \ 
d'aujourd'hui. 

L'Histoire  du  Jacobinisme  et  Les  Mémoires  pour  servir  à 
l'Histoire  du  xvme  siècle  méritent  et  permettent  que  l'on  re^ 
pousse  vigoureusement  les  traits  qu'ils  ont  lancé  contre  l'Or- 
dre. Vous  ne  sauriez  imaginer  combien  ces  sottises  ont  fait 
d'impression  sur  l'esprit  de  beaucoup  d'honnêtes  gens,  que 
nous  serions  très  aises  de  voir  parmi  nous. 


FIN 


^ù::^2iiïi>^-A^t\:i^i'ïmh  :rmmmm^mi 


TABLES 


., 


TABLE  DES   MATIERES 


TE    RIT    PRIMITIF 

I.  —  UEques  a  Capitc  Galeato,  sa  famille, 

ses   grades  ••..•• 3 

IL  —  Une  Loge  en  famille.  —  Le  Rit  Pri- 
mitif. —  LTne  esquisse  d'architecture 
maçonnique 9 

III.  —  Composition  de  la  Révérende  Loge.  ...       21 

IV.  —  Portrait  de  Y  Boucs  a  Capite  Galeato .  .       27 

V.  —  Ruses  et  Fourberies.  UEques  aux  pri- 
ses avec  le  Grand-Orient.  Les  «  Actes 
constitutifs   )) 35 

VI.  —  L'Eques  a  Capite  Galeato,  le  f.  \  Mar- 
quis Savalette*  de  Langes,  et...  Falc 
«  Chef  de  tous  les  Juifs  ..........        73 

VIL  —  Kabbale,  Martinisme  et  Anarchie 117 

VIII.  —  Comment  YEques  écrit  l'histoire 121 

IX.  —  L'Ennemi  de  la  Religion  et  de  la  Mo- 
narchie, des  prêtres  et  des  rois.  ......      149 


LA  FRANC-MAÇONNERIE  ET  EA  ROYAUTÉ 


I.  —  Les  Origines  de  la  Grande-Loge.  —  Les 

Trois  Premiers  Grands-Maîtres 157 

IL  —  La  Grande  Maîtrise  du  comte  de  Cler- 
mont  : 
i°  Le  Nouveau  Grand-Maître 163 


—  440  — 

2°  Le  désordre  et  l'anarchie 164 

30  Les   Mères-Loges. 165 

40  Rupture  avec  la  Grande-Loge  de  Lon- 
dres      165 

50  Le  Substitut  Lacorne. 167 

6°  La  Faction  Lacorne.  —  Les  deux  Gran- 
des-Loges   rivales 168 

III.  —  La  paix  est  rétablie. 

i°  Le  Duc  de  Chartres 171 

2°   Réconciliation 172 

30   Préparation  d'une  Grande-Loge  Natio- 
nale   172 

40   Les  Députés  à  Paris. 173 

IV.  —  Les  Séances  de  la  Grande-Loge  Natio- 

nale          175 

V.  —  Les  Constitutions  du  G.  \  O.  \  de  France 

i°  Le  Titre  des  Statuts 189 

20  Division  des  Statuts. 190 

30  Le  Chapitre  Premier 190 

40  Le  Chapitre  Deuxième-  • 199 

50  Le  Chapitre  Troisième 200 

6°  Le  Chapitre  Quatrième. 201 

VI.  —  Nouveau  Schisme  : 

i°   Le  Grand-Orient  excommunié 206 

20  Le  Grand-Orient  et  le  duc  de  Chartres.  206 
30   Décadence  de  l'Ancienne  Grande-Loge.  209 
40  Dernier  coup  porté  à  l'Ancienne  Grande- 
Loge 214 

VII.  —  Rang  occupé  par  le  G.  \  O.  \  de  France 
dans  la  Hiérarchie  des  Régimes  Ma- 
çonniques : 

i°  Orgueil  et  prétentions  du  G.  \  O.  " 217 

2°   L'opinion    des    Maîtres 219 

VIII.  —  L'Utilité  du  G.-.  O.  •. 

i°   Comment    la    Société   Secrète   sut    s'en 

servir 22Q 

2°   Le  Rôle  des  Adeptes  plus  avancés.  .  .  .      230 

IX-  —  Le  demi-sommeil  du  G.*.  O.  \ 

1"   La  Démission  du  G.  \  M.  \ 225 

2°   Le  G.  •.  M.  \  fantôme 236 

3     L'échafaud 237 


44i 


X.  —  Le  Réveil  (1795) 

i°  Rœttiers  de  Montaleau 239 

20   Reprise  des  Travaux. 243 

30   Réconciliation 244 


LA    FRANC-MAÇONNERIE    ET    h  EMPIRE 

I.  —  Napoléon  Bonaparte  et  le  Grand-Orient 

1  °   Les  Régimes  Ecossais 249 

20   Un  point  d'histoire   fort   obscur-  .....  250 

II.  —  Les  Régimes  Ecossais  et  le  Grand-Orient 

i°  Une  levée  de  boucliers  Maçonniques..  255 

20  Accord   et   Désaccord  •  • 256 

III.  —  Cambacérès. 

i°  La  famille 261 

20   La  ville  natale 262 

30   La  carrière  civile  et  politique. 265 

40   Frère  Jean- Jacques  Régis  Ordre 268 

5°   Cambacérès  et  Bonaparte. 273 

6°   Les  Grands-Corps  de  l'Etat  et  Camba- 
cérès     278 

70   Discours  de  Cambacérès  au  Sénat.  ....  284 

8°   Projet  de  Sénatus-Consulte-  •  . 287 

90  Au  Château  de  Saint-Cloud 290 

IV.  —  Le   Sérénissime   Grand-Maître  Camba- 

cérès et  le  Grand  Orient  : 

1  °   Zèle   du   Grand-Maître 295 

20  Un  voyage  dans  le  Midi 297 

V.  —  Essai   de   reconstitution   historique   des 

Grandes  Fêtes  de  l'Ordre 299 

VI.  —  Anthologie   Maçonnique..   —  Première 
Section.  —  Prose. 

1  °  Compliments  au   Grand-Maître 309 

20   Eloge  de  Sa  Majesté   l'Empereur 315 

30  Apologie  de  la  Sainte-Maçonnerie-...  323 

40  Eloges   funèbres 330 

40   Sa  Majesté  le  roi  Joseph 331 

Deuxième  Section:  La  Poésie  au  G.*.  O.  \ 

i°   L'Empereur.  Epitre  à  l'Amour 333 

Napoléon  et  les  Polonais  en  1807 334 


442 


VIL 


2°   Cantique 336 

30  Les  Triples  vœux .  337 

40  Au  Sérénissime  Grand-Maître 338 

50  Au  Grand-Orient. 338 

—  Cambacérès  et  les  Régimes  Indépendants. 

i°  Les  Supérieurs  Occultes 341 

20  Cambacérès  et  ses  amis 344 

30   La  trahison 345 


documents 


Lettres  du  f .  \ 
Lettres  du  f. 
Lettres  du  f .  ■ 
Lettres   du    f. 


Pyran 353 

chevalier  d'Harmensen.  371 

Bacon  de  la  Chevalerie.  411 
\    abbé   d'Alès    Bermond 


d'Anduze 423 


■ 


*-— — - 


1™" 


TABLE    DES    GRAVURES 


Hors  texte  :  Portrait  de  l'Eques  a  Capite  Galeato 

((   Esquisse  d'Architecture  »,  du  Rit  Primitif...  17 

«  Coronam  ne  Vellito  » 22 

Lettre  du  F.  \  Rœttiers  de  Montaleau 41 

Un  fragment  du  ((  Titre  Constitutif  ». 67 

Traduction  en  clair  des  chiffres  de  la  colonne  de 

droite  du  ((  Titre  Constitutif  » 70 

Les  fiches  du  F.  \  marquis  Savalette  de  Langes 75 

Tieman   et   Gleichen    (?) yy   et  79 

De    Grainville,    Champoléon,    comte   de    Luzignan 

abbé  Fournier,   abbé  Bulet,   Léman,   etc 81 

Beyerlé,  Birgen,  Cagliostro,  prince  de  Carolath.  .  83 

Docteur    Falc 85 

Duchanteau,    Fredericstein 87 

Baron   de    Gleichen 89 

Garner,  prince  Louis  héréditaire  Darmstadt 91 

Frédéric,   prince   de   Hesse    Darmstadt,    Chrétien, 

prince   de   Hesse   Darmstadt 93 

D'Heckh,  Kœrner,  Kukumur, 95 

Lavater    97 

Lioi,  baron  de  Leuwenstein 99 

Mosseder,   prince   de    Nassau   Usingen 101 

Otto,   de   Roskampf,   Schrepfer,    Schrœder 103 

Scherer,  baron   de   Staal 105 

Baron  de  Steuben,  de  Toux  de  Salvertes 107 

Tieman     109 

Baron  de  Waldenfelds ni 

Waechter    113 

Lettre  de  Pyron  à  l'Eques. 356 

Lettre  de  Pyron  à  l'Eques 365 

Lettre  de  Pyron  à  l'Eques 367 

Lettre  de  l'Eques  à  d'Harmensen. 399 

Lettre  de  l'Eques  à  d'Harmensen. 408 

Lettre  du  F.  \  abbé  d'Alès  à  l'Eques 427 

Lettre  du  F.  \  abbé  d'Alès  à  l'Eques 432 


TABLE    ALPHABETIQUE 

DES    PERSONNAGES    NOMMÉS    DANS    CET    OUVRAGE 


A 

Abel    115 

Abraham   2  ïQ 

Aguilar  (Charles  d"' 24 

Aigrefeuille   .Charles   d'  .  4.  6,  7.   19,  42,  47.  301. 

343.  40 i  422 

Alhisson  

Aies  [Abbé  d") 47.  254,  421.  423  et  suiv. 

Alissan    de    Chazet 305.  338 

Anderson    120.  218 

Antin    [Duc    d" 150    et   suiv.  214 

Askéri-Khan     Prince  301.  322 


B 

Bacon   de   la    Chevalerie.    18.   37.   42.   47.    106.    176, 

180.  230.  232.  300.  304.  411 

Barbaroux 270 

Barboux  223 

Barlay  22a 

Bauchesne  106 

Bauclas  [de]    173.  100 

Bauer 80.  82 

Baumes    François' 264 

Baure    Banquier 164 

nmoni     Ghev.   G.   de] i2.   50,   300,   313,  334 

imont     Chev.   Phil.   de) 100 

Beaurepaire    deN 306,  313 

Bégnicourt     Ricard   de] 

ier   Me 278 

tin   

Beurnonville    50.  &H 

M     erlé  82.  12'i.  398 

H      iM'lll     


— ....  ,,; > *!...-.  J&:    ■.■•■..-..■ 


—  445  — 

Blaine  (Marie)  264 

Blessig 398 

Blumenield  (Baron  de) 394 

Bode   (Illuminé) 3,    124,   149,  343 

Bode  (Christian)   •  • 398 

Boissy  d'Anglas 289 

Bonaparte  (Napoléon)  249  et  suiv. 

Bonaparte  (Joseph)   257 

Bonicel  (Jacques  dit  Galantini) 264 

Bonnout  224 

Borgïa  (Camille)  301 

Bouf f andeau  124 

Boulay  (de  la  Meurthe)  278 

Bourdinière  (Jacques  de  la) 196 

Bourlette  (Victoire)  263 

Bourrely  (Jacques,  dit  Paul) 264 

Brème  (de) 182 

Bréqueville  (Marquis  de) : .  . . .  182 

Bréval  (Hue  de) 194 

Brooks 82,  398 

Brunet 223 

Bruneteau 176,  195 

Brunswick  (Duc    Ferdinand   de...   Eques   a  Victo- 
ria)   149,    167,    217,  231 

Brunswick  (Prince  Ferdinand  de) 112,  114 

Bulet  (Abbé) 80,  82 

Buzançois  (Comte  de) 173,  179 


Caerni    82, 


Çag'ar 


398 
24 
429 


Cagliostro  13,  82,  106, 

Cambacérès  (Prince)   4,  218,  261  et  suiv. 

344  et  suiv. 

Carion-Nisas 279 

Caries 302 

Carnot  277,  279 

Carolath  (Prince  de) 82,  398 

Carrel 330 

Carrot •  • 279 

Caseuil  le  Jeune 178 

Castillon   (de   Montpellier) 82 

Castillon  (de  Berlin) 82: 


—  44^ 


Cavour  •  • 

Ch...  (Anne  vicomt.  d'A....) 5,  7,  9,  31. 

Ch...    François  d'A...  marquis  de)  Eques   a   Captif 
Galeato 

Qfc...(d'A...  chev...  de) •  • 

Ch...  (d'A...  baron  de) •  • 

Ch...  (Abbé  René  de...  d'A...) 

Ch...  (Guillaume  d'A...  chev.  de) 

Ch...( Gabriel  d'A...  chev...  de) •  • 

Chabaud-Latour    •  • 

Chabot 

Ch  al  touillé   (Nicolas) 

Chaillon  de  Jonville  168, 

Challan    •  • 

Ghampeaux  (Chev...  de) •  • 173, 

Champoléon    80, 

Chapelot •  • 

Chartres  (Duc  de) 86,  171  et  suiv.  207. 

Chasset    •  • 

Chassiron  

Chaumont  (Chev.  de)  

Clauzel  (Baron  des) 

Clavel  (Historien)    235,  250,  255. 

•Clément  de  Ris •  • 

Clermont  (Comte  de) 163  et  suiv. 

Clermont-Tonnerre   (Marquis   de) 173. 

Cocula  

Comte  (André)  

Comte   (Louise) 

Comte  (Philippe) 

•Condor»  vt  Marquis  de) 

Conti  (Prince  de) 

Costas  

Cros  (Pierre)  

("urée    


152 
42 


21 

21 

21 

21 

21 

27S 

279 

236 

179 

27t) 

196 

S2 

160 

236 

301 

279 

86 

m 

258 
301 
170 
181 
124 
264 
264 
264 
2oo 
loo, 
270 
200, 
27S 


D 


DalkeH  (ou  Delkeit,  Lord) 130 

Danton    £70,  *22 

Darnouester    ou  dUarnwester,  Lord)  131,  158 

E>atessea    1  ro 

DaubertiE    lo» 

Davous  o>01 


^  1-L.ùm 


—  447  — 

Defournelle    325 

Delaître    279- 

Delahaye 297,  306  et  suiv. 

Delort  (Françoise) 264 

Delort  (Suzanne) 264 

Delpierre    279 

Dcrwent-Water  (Lord)    131,  157 

Désaguliers'(ou  des  Aguliers) 129,  218 

I  testours  (Chevalier  Giraud) 173,  181 

Dietrich  (Strasbourg)  3 

Dittt'urt  (baron   de) 149 

Dournay  84 

Dubin    42 

Dubois  (Préfet)    50' 

Duchanteau  (Touzay) 86,  90,  92,  106 

Ducoudray 198 

Dufay  (Chevalier)  196 

Dupaty 305 

Duret 170 

liuveyrier    271  > 

Duvidal .279,  301 


Eggleff  (ou  Eccleff),  80,  84,    30g 

Espiney  (de  1') 305 


Fabre  (de  l'Aude) 50 

Pabri  (Chevalier  de) 386 

Falc  (Prince  des  Juifs)  73,  110,  114,  398 

Farge  (Rolin  de  la) 24 

Fargues    289 

Fasquel    303 

Faure    279 

Favard    279 

Félis  (.Pierre)    262' 

Figarut  (Pierre) 264 

loquet  (Marseille)    382,  386 

Fischer   398 

Fitz-James  (Marquis  de) 173,  181 

*'oissy 42 


-  448  - 

Fontanes    4 

Fouché   4,  274,  289 

Fournier  (Abbé) 80,  84 

Frauger  (Ghev.  de) 198 

Frédéric  II  (Roi  de  Prusse) 7,  353 

Fréville    279 

Frolich    86 


G.  Z.  W.  J.  (Souv.  Maître  Cohen) 421 

Gages  (Marquis  de) 212 

Gallois    279 

Gamon    272 

Garât  289 

Gardane   195 

Gavazzi  152 

Gébelin  (Court  de)   150 

Génin  (Charles)  197 

Gerbier  (de  Werschamp)  178,  195,  214 

Gillet 279 

Giraud  (Docteur)   24,  126 

Gleichen  (Baron  de)  . .  .78,  84,  88,  100,  124,  398,  404,  407 

Gorce  (Merle  de  la) 

Gouillard    , 177,  197 

Goupil  de  Préf eln 282 

Grainville    (de) 80 

Grasse-Tilly  (Comte  de)  7,  249.  255.  421 

Gratman    90 

Grégoire   (Evêquej , 280 

Grenier  279 

Guainard   196 

Guérine  (Suzanne) 262 

Guillotin  (Docteur)   173,  198,  23(î 

Guyot    L2| 


H 

Hadde  (Milord,  ou  Haddo)  224| 

Haies    de;    

HarmenseD  :CMe\.  V) 22,  56,  60,  218,  343,  37i 

Harville    Comte  d') 5Q 

Haugwitz  IV.) 


—  449  ~ 

Hauterive  (Duroy  d') 82 

Hay    224 

Heckh  (Profess...  d')  ■< 94,  102 

Héguerty  (d')   158 

Hérault 178 

Hesse-Darmstadt  (Christian,   prince   de) 92 

Hesse-Darmstadt  (Louis,  prince  de) 90 

Hesse-Darmstadt  (Frédéric,   prince   de) 92,  102 

Hesse-Cassel  (Charles,  Duc  de...Eques  a  Leone  ré- 
surgente)    124,  149,  231 

Hirsch  (Major) 343 

Hohenlohe  (Prince  de)  94 

Hotchan 94 

Houel 306,  312 

Houghton  (Chev....)    224 

Hundt  (Baron  de)   80  100 

I 

Isembourg  (Prince  d') 301 

J 

Jagny  (Comte  de) 178 

Jajubert 279 

Jeayème 223 

Joly  (de) 42,  317  et  suiv.  422 

Jossot  (Abbé)    ..173,  198 

Joubert  (Cons.  d'Etat)   50 

Joubert  de  la  Bourdinière  178 

K 

Koch 279 

Kellerman  (Maréchal) 257 

Kœrner  (Docteur)   94 

Ku  Kumur 94,  112 

L 

Labady    . 173,  213 

Lacépède 274,  289,  301 


l5 


ES 


450 


Lacorne 107,  1(38 

Lacretelle    272 

La   Croix   173 

Lafferre    124 

Laforêt  303 

Lagarde  .Préfet) 303,  336 

La  Harpe 272 

La  Marque  (1* Américain)   173,  199 

Lamballe  (Princesse  de) 31 

Lamotte  .Docteur)  382,  386 

Lande  (De  la)  176,  194,  330 

Lanjuinais    280 

La  Place    289 

Larry  (Abbé  de)   402 

Lassalle    Général 50,  305.  332 

La   Tûur-du-Pin-Montauban    

Launey    Cheval...  de;  181 

Lauzun   'Duc  de] 173.  180 

Lavator  [Sénateur) 94,  398,  404,  407 

Lavator     Gaspard)    94,  407 

Lebrun  (Consul)    275 

•ulteux-Canteleu    • 289 

Lefèvre    303 

Lelièvre-Villette    305 

Le  Lorrain 173 

Léman    80,    9a  114 

Lemot   302 

Léonard  (Abbé)   24 

Leroy    161,  195 

Lespinasse-Lanjeac  (Comte  de) 194 

Léveillé    170 

Levin  (Comte  de)    224 

Leuwenstein   98 

Lewenhœch    98 

Lezay-Marnésia  [Marquis  de)  24,  420 

Lioi    08 

Loubière    Suzanne]    264 

Lourie    Chevalier  de  la) 198 

Lucadou    Antoine]    198 

Lucas  de  Boulainvilliers  (Abbé)   L73 

Luxembourg    Duc  de]    172  et  suiv.  179 

Luxembourg    Ghev...  de)   lit.  173.  180 

ïai>  aes    Duc  de    330 

«nte  de)  80,  98 


■ 


45i 

M 


Maistre  (Comte  Joseph  de) 6 

Manteufel  (Comte  de) 100 

Marat    270 

Mariette  (Guillaume)  195 

Martin  (Henri-Historien)    3,  159,  206,  274,  289,  290 

Martin    178 

Martinez  de  Pasqualis  (ou  Pasqualy)  71,  80 

Maskeline  (Chevalier  de)  158 

Masséna   (Maréchal) 301 

Matheus    223,  226 

Maugeret  , 239  et  suiv.  306 

Mazaurigue  (Jeanne) 263 

Mazère  (Bernard) 196 

Mazzini 152 

Melville  (Comte  de)  224 

Mercadier    326 

Méry-d'Arcy  (de)   177,  194 

Mesmer 24,  386 

Miétau    100 

Miollis  (Général) 301 

Mirabeau 3 

Montaigu  (Duc  de)   129 

Montebello  (Maréchal  Lanes,  Duc  de) v. .  331 

Morin 176,  195 

Mosseder  (Docteur)    100 

Murdoch    222 


N 


Narboud    (de)    174 

Neufchateau  (François  de) 282 

Neuvied  (Comte  de)    86 

Nubius 152 


o 


Oppiani 369 

Ossun  (Comte  d')  173,  181 

Otto    102,  343 

Oughton  (Chevalier) 224 


—  452  — 
p 

Packault 178 

Pajot    42,  53 

Paul  (de) 386 

Pen  (Chevalier)    44,  67,  366 

Peny 170 

Périgny  (Comte  de)  174,  181 

Perrin  279 

Petit-Radel 125,  302 

Piccolo-Tigre   • 152 

Pignatelli  (Prince  de) 173,  181 

Pingre   (Abbé)    174,  197 

Poilet 214 

Poncet   (Pierre)    262 

Poulet  300 

Poussin    (Tapissier) 302 

Prost  de  Larry 174 

Prudhon 302 

Pyron  6,  18,  47    139,  198,  250,  256,  342,  363  et  suiv. 


R 


Rampsow  (Chev.  de)   

Raymond  (Abbé)  174 

Regnard  , 177 

Regnaud  (de  St- Jean-d' Ange ly )..  .305,  309  et  suiv. 

Richard    , 178 

Richard  (François) 195,  306 

Richelieu  (Maréchal   de) SI 

Richer-Seriziy    , , 272 

Robespierre    270 

Rochefoucault  (Comte  de  la) 232 

Rœderer 289 

Rœttiers  de  Montaleau  4,  37,  39,  40,  42,  45,  53,  218, 

23(5,  239  et  suiv 421 

Knhan-Guémenée   (Prince   de) 84,    173,  180 

Ros  (Comte  de) 24 

Ros  (Baron  de)   174,  197 

Roslin  (Sainclair  de)  224 

Rouault  (Vicomte  de) 181 

Rouyer  (Général) 30 

Rozier  (Abbé)    174,  197 


MUWBBfliBBfflHBBBBBB^HB^ 


—  453  — 

s 

Sahuc 279 

Saint  (Antoine-Félix  de)    198 

Saint-Furcy  (Basile  de)  198 

Saint-Martin  (Marquis  de)   12,  82,  88 

Saisseval  (Marquis  de)    174,  198 

Salfi 139 

Salis  (Baron  de) 196 

Salzmann    86 

Savalette  de  Langes  (Marquis  de)  3,  24,  31,  52,  75, 

84,  125,  174,  194,  213,  227,  231 

Saxe  (Maréchal  de) L63 

Saxe-Cobourg-Gotha  (Duc   de)    342 

Saxe-Weimar  (Prince  de) 301,  328 

Sauvage  302 

Schemetau -. 80 

Schœnbourg  (Prince  de)   90 

Schaerer   (de    Strasbourg) 80,  104 

Schuing  (?) 104 

Sébastiani  (Général) 330 

Ségur  (Comte  de)  4,  50 

Seigneley  (Marquis  de)   174,  180 

Seimandy  (de) 386 

Serrurier  (Comte)    50,  301 

Schraeder   102,  110 

Siéyès ,  273 

Siméon 279 

Spense 104 

Srœphfer    80,   98,  102 

Staal  (Baron  de)    106 

Steuben  (Baron  de)    106 

Stroganoff  (Comte  de) 174,  195 

Sudermanie  (Duc  de) 218,  389,  394,  405 

Swedenborg    378 

Szapary  (Comte  de)   24,  398 


Taillepied  de  Bondi   24,  420 

Talleyrand 3,  4,  274 

Théaulon  (ou  Théolon)   178,  197 

Thoux  (ou  Toux  de  Salverte)  106 

Tiéman    76,  398 

Tirnau    108 


—  454  — 

Thory 42,  47,  49,  50,  53,  220,  402 

Tour-du  Pin-Montauban  (Marquis  de  la)   174 

Toussainct  (Baron  de) 174,  176,  194,  207 

Touzart  (Chevalier  de)  174 

Treilhard    278 

Trémoille  (Duc  delà) 174,  18a 

Triest  (Baron  de)    80,  108 

Turkeim  (Bernard  de)  108,  39& 

Turkeim   (Jean   de)    108,  39a 

u 

Ullman  (de)   398- 

Usingen  (Prince  de  Nassau) 88 


Valence  (Cyrus  de)  50,  301,  421 

Valencey    110; 

Varenne  de  Béost  (de)  174,  194 

Vaubois    289 

Verchand  (La) 262  et  suiv, 

Vernon  (Abbé)    24 

Vernier 289 

Vesson  (Jean)   262  et  suiv. 

Vincentini    301 

Vœlner  (de)    398- 

Voltaire    142 


w 

Wachter  (ou  Wœcter,  Waechter,  Baron  de)  88,  110, 

112,  149,  39S 

Wakenfeldt  (ou  Waldenfelds)    ..88,  100,  102,  110,  39» 

Weiler   80 

Weishaupt  162,  342,  362,  364,  366,  423 

Westhall    (Milord) 224 

Willerraoz  (Eques  ab  Eremo) 124,  149,  174,  231 

Wuckasowich  (de) 398 

Wurtz    104,   343,  383 


Zinnendorff    80 

Zuirleim    80.    110 


174 


08 


IMPRIMERIE     F.     CONTY 

II.    RUE    MOLIÈRE,    II 
PARIS 


"...     51 

1900   4 


rt 


M 


La  Bibliothèque 
Université  d'Ottawa 
Echéance 


The  Library 
University  of  Ottawa 
Date  Due 


3900  3  000  52  97  2  6b 


/ 


CE  HS   0604 

.  F  2  1  9  1  3 

CC     FARRE,  3ENJA  FRANCISCUS 

ACC#  1403651 


U  D'  /  OF  OTTAWA 


COLL  ROW  MODULE  SHELF   BOX  POS    C 
333    02       11        05      24    09    8