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Full text of "La transmission de la propriété immobilière et l'introduction des livres fonciers en Angleterre"

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Digitized  by  the  Internet  Archive 

in  2011  with  funding  from 

University  of  Toronto 


http://www.archive.org/details/latransmissiondeOOIave 


LA  TRANSMISSION 


DE   LA 


PROPRIÉTÉ   IMMOBILIÈRE 


ET 


L'INTRODUCTION  DES  LIVRES  FONCIERS 

EN     ANGLETERRE 


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iBiOTHÈOJE  Dfc  c«oir 


LA  TRANSMISSION 


DE    LA 


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PROPRIETE  IMMORILIERE 


ET 

L  INTRODliCTION  DES  LIVRES  FONCIERS 

EN  ANGLETERRE 

PAR 

Alexandre  de  LAVERGNE 

AUDITEUR    AU   CONSEIL   d'ÉTAT 

PRÉFACE   DE 
M.   J.   FLACH 

WIOFKSSEUR    AU   COLLÈGE    DE    FRANCK    ET    A    l'ÉCOLK    LIBRE    DES    SCIENCES    POLITIQUES 


Ct         L»B«ABJES         J^ 


PARIS 

LIBRAIRIE    GUILLAUMIN    &    C'« 

Editeurs  du  Journal  des  Economistes 

Rue  Richelieu,  14 

1905 


KD 

1  "fOS 


PREFACE 


La  France  était,  il  y  a  cinquante  ans,  en  avance  sur  tous 
les  grands  pays  de  TEurope  quant  au  régime  légal  de  la 
propriété  foncière.  Elle  l'était  par  son  cadastre  dressé  de 
1807  à  1850,  elle  l'était  aussi  par  la  loi  de  1855  sur  la  trans- 
cription, rendue  à  la  suite  de  la  longue  enquête  que  le  gou- 
vernement de  Louis-Philippe  avait  instituée.  Aujourd'hui 
c'est  à  l'étranger  que  nous  avons  à  chercher  des  exemples 
ou  des  modèles,  et  bizarre  ironie  du  sort,  jusqu'en  Angle- 
terre, le  pays  qui  avait  résisté  le  plus  énergiquement,  dans 
son  régime  foncier,  au  mouvement  démocratique  représenté 
par  la  France.  Nous  nous  sommes  laissé  distancer.  Alors 
qu'il  eût  fallu  marcher  progressivement,  nous  avons  pié- 
tiné sur  place.  Le  cadastre  aurait  dû  être  tenu  à  jour,  il  ne 
l'a  pas  été,  et  sa  reconstitution  en  perspective  depuis  vingt 
ans  est  toujours  attendue.  La  législation  de  1855  aurait  dû 
être  améliorée,  complétée,  refondue.  Les  projets  ont  suc- 
cédé aux  projets,  les  commissions  aux  commissions,  et  les 
mêmes  lois  continuent  à  nous  régir. 

Que  de  changements  pourtant  se  sont  accomplis  dans  l'or- 
dre économique.  En  1855,  on  n'en  était  qu'aux  débuts  de 
l'ère  nouvelle,  où  la  richesse  allait  se  répandre  par  mille 
canaux  dans  toutes  les  parties  du  corps  social.  Chaque  jour 
depuis  lors  a  creusé  un  abime  plus  profond  entre  la  réalité 


II  PREFACE 

des  faits  et  la  théorie  législative.  Chaque  jour  rendait  ainsi 
plus  urgente  la  nécessité  de  corriger  les  inconvénients  ma- 
jeurs nés  de  l'inégal  fraitement  auquel  les  deux  formes  de 
la  propriété  sont  soumises  sous  l'empire  de  la  législation  is~ 
sue  du  Code  civil.  Par  cela  qu'elle  était  considérée  juridi- 
quement comme  vile,  la  propriété  mobilière  circulait  et  évo- 
luait en  pleine  liberté.  Par  cela  qu'elle  était  réputée  d'es- 
sence supérieure,  base  essentielle  de  la  fortune  publique  et 
privée,  la  propriété  foncière  était  enveloppée  de  tant  de 
bandelettes  protectrices,  que  non  seulement  elle  ne  pouvait 
se  déplacer  et  se  mouvoir  qu'avec  effort,  mais  que  sa  consis- 
tance et  sa  personnalité  devenaient  obscures,  sa  sécurité 
précaire. 

Voici  alors  où  nous  en  sommes  en  France.  La  propriété 
mobilière  souffre  d'une  pléthore  de  capitaux,  la  propriété 
foncière  d'une  anémie  d'argent.  Le  crédit  mobilier  fait  un 
incessant  drainage  aux  dépens  du  crédit  rural.  Tandis  que  la 
propriété  mobilière  se  vivifie  et  s'accroît  en  passant  de  main 
en  main,  la  propriété  foncière  s'étiole  et  languit  en  se  repliant 
sur  elle-même.  Dans  aucun  pays  peut-être  la  terre  n'est 
répartie  d'une  façon  aussi  satisfaisante,  au  point  de  vue  so- 
cial, dans  aucun,  dès  lors,  il  n'est  d'un  intérêt  plus  général, 
plus  pressant,  que  les  propriétaires  (qui  sont  légion)  puis- 
sent, avec  les  moindres  frais,  tirer  de  leur  propriété  le  meil- 
leur parti  possible,  l'alléger  de  son  poids  mort  par  la  vente 
ou  l'échange,  l'arrondir  par  la  réunion  de  parcelles,  la  met- 
tre en  valeur  à  l'aide  d'un  crédit  facile  et  peu  onéreux.  Dé- 
mocratisée comme  elle  l'est  chez  nous,  il  importe  plus  que 
partout  ailleurs  que  la  propriété  atteigne  son  équilibre  le 
plus  parfait. Chacun  le  sait  et  le  sent,le  gouvernement, les  par- 
tis, les  particuliers.  Le  gouvernement  a  nommé  une  com- 
mission extraparlementaire  du  cadastre,  qui  fonctionne  de- 
puis treize  ans.  De  toutes  les  fractions  du  Parlement   sont 


PREFACE  III 

nées  des  propositions  de  loi  qui  visent  une  refonte  de  notre 
législation  foncière.  Les  procès  se  multiplient  et  les  frais  de 
mutation  pèsent  d'autant  plus  lourdement  sur  le  sol  que  la 
rente  de  la  terre  ayant  baissé,  ils  finissent  par  représenter, 
pour  les  petites  propriétés  surtout,  plus  de  quatre  ou  cinq 
fois  le  revenu  net  d'une  année  (1).  Depuis  longtemps,  éco- 
nomistes et  jurisconsultes  réclament  une  réforme,  et  les 
praticiens  eux-mêmes  ne  peuvent  plus  nier  qu'elle  soit  iné- 
luctable. 

Le  moment  est  donc  propice  entre  tous  à  des  études  de 
droit  comparé  comme  celle  que  M.  de  Lavergne  publie  ici. 
Son  mérite,  j'ai  grand  plaisir  à  le  dire,  ne  le  cède  en  rien 
à  son  utilité.  On  ne  pouvait  avec  plus  de  clarté,  de  sobriété,et 
d'exactitude,  avec  un  souci  plus  juste  et  plus  vif  d'éclairer 
le  présent  par  l'histoire,  conduire  le  lecteur  français  ou 
étranger  à  travers  le  subtil  dédale  de  la  législation  anglaise, 
on  ne  pouvait  pas  non  plus  mettre  en  relief  d'une  main  plus 
sûre  le  profit  que  nous  devons  tirer  en  France  de  l'expé- 
rience de  nos  voisins. 

M.  de  Lavergne  distingue  à  bon  droit  trois  systèmes  de 
transmission  de  la  propriété  :  V  par  la  volonté  seule  du 
propriétaire  (clandestinité)  ;  2°  par  la  publicité  des  actes  de 
mutation  ;  3°  par  l'inscription  dans  des  livres  fonciers.  L'An- 
gleterre (comme  le  droit  romain  classique),  avait  adopté 
et  maintenu  le  premier.  La  France  n'a  adopté  qu'incomplè- 
tement le  second.  On  le  trouve  en  pleine  vigueur  en  Belgi- 
que, en  Italie,  dans  le  Luxembourg,  mais  on  constate  aussi 
dans  ces  pays  que  son  efficacité  est  insuffisante,  qu'il  n'offre 
pas  de  sécurité  parfaite,  et  entraîne  trop  de  frais  et  trop  de 
retards.  Bien  supérieur  est  le  régime  des  livres  fonciers.  Sa 
base  est  V immatriculation  obligatoire,  son  résultat  immédiat 

(1)  Droits  de  mutation  et  frais  accessoires  atteignant  en  moyenne 
pour  les  petites  propriétés  rurales  10  à  12  0/0  du  prix  de  l'immeuble. 


IV  PRÉFACE 

la  constitution  à  l'immeuble  d'un  véritable  état  civil,  qui  fait 
foi  envers  et  contre  tous,  fût-il  entaché  d'erreur.  Aussi  imma- 
triculation et  translation  de  propriété  s'opèrent-elles  sous  le 
contrôle  de  l'Etat.  C'est  le  système  que  l'act  Torrens  avait 
introduit  en  Australie,  que  l'Allemagne  et  l'Australie  ont 
fait  leur,  et  que  nous  avons  appliqué  nous-même  en  Tuni- 
sie, en  l'adaptant  aux  conditions  spéciales  de  notre  pays  de 
protectorat.  C'est  à  lui  que  l'Angleterre  vient  au  fond  de  se 
rallier  par  sa  loi  de  1897. 

L'historique  très  détaillé  que  M.  de  Lavergne  a  tracé  de 
la  genèse  de  cette  loi  est  d'un  intérêt  majeur  pour  son  intel- 
ligence. On  y  saisit  fort  bien  les  points  d'attache  ou  de  su- 
ture qu'elle  a  su  trouver  dans  l'ancienne  législation  anglaise 
et  l'on  est  frappé  de  la  stérile  timidité  des  tentatives  faites  au 
cours  du  xix^  siècle,  principalement  de  1828  à  1854  et  de 
1862  à  1875,  pour  introduire  une  publicité  restreinte,  faci- 
liter et  rendre  moins  coûteuses  les  mutations  foncières,  dé- 
gager le  sol  de  ses  liens  archaïques.  Si  le  législateur  n'a  pas 
osé,  et  s'il  n'a  pas  même  réussi  partiellement  quand  il  osait, 
cela  tient  surtout  à  trois  obstacles  essentiels  que  M.  de  La- 
vergne a  mis  très  exactement  en  vedette  :  P  la  résistance 
des  soUicitors  ;  2°  les  complications  du  droit  anglais  ;  3°  l'at- 
tachement des  grands  propriétaires  et  de  l'esprit  public  à 
la  concentration  traditionnelle  de  la  propriété. 

Une  fois  même  qu'il  fut  bien  résolu  à  innover,  le  Parlement 
anglais  dut  compter  avec  ces  obstacles,  composer  avec  eux. 
Il  en  sortit  une  cote  mal  taillée,  une  transaction  entre  des 
partis  et  des  intérêts  opposés,  une  loi  qui,  malgré  tout,  reste 
dans  une  large  mesure  facultative,  à  raison  non  seulement 
des  adhésions  qu'elle  exige  d'assemblées  locales,  mais  des 
restrictions  nombreuses  qu'elle  apporte  au  principe  de  l'im- 
matriculation obligatoire,  et  à  ses  conséquences  logiques. 
Si  imparfaite  qu'elle  paraisse,  si  motivées  que  soient  les  cri- 


PREFACE 


tiques  de  détail  que  notre  auteur  lui  adresse,  il  n'en  demeure 
pas  moins  que  l'expérience  en  a  été  pleinement  faite  déjà 
dans  le  comté  de  Londres,  et  que  ses  résultats  ont  été  excel- 
lents. On  peut  donc  dire  que  la  législation  anglaise  a  accom- 
pli un  pas  considérable,  qu'elle  a  franchi  une  étape,  qu'elle 
est  entrée  dans  une  voie  où  elle  devra  s'engager  de  plus  en 
plus  avant,  à  mesure  que,  les  objections  de  principe  étant 
désormais  écartées  de  sa  route,  les  inconvénients  de  l'ancien 
système  et  les  avantages  du  nouveau  se  manifesteront  en 
pleine  évidence  pratique.  Et  c'est  précisément  le  point  où  je 
voudrais  voir  arriver  notre  propre  pays,  estimant,  comme 
M.  de  Lavergne,  que  des  bases  juridiques  nouvelles  de- 
vraient être  posées  sans  attendre  la  réfection  si  longue  et 
si  dispendieuse  du  cadastre,  et  le  bénéfice  en  être  acquis 
aux  propriétaires  qui  procéderaient  à  des  abornements 
sous  le  contrôle  des  agents  de  l'Etat. 

Il  nous  est,  en  somme,  beaucoup  plus  facile  qu'à  l'Angle- 
terre d'assurer  une  circulation  normale  des  biens  fonciers, 
puisqu'elle  ne  se  heurtera  pas  chez  nous  comme  chez  elle,  ni 
à  une  législation  surannée,  ni  à  un  préjugé  tyrannique  en  fa- 
veur de  la  grande  propriété. Nous  n'avons  guère  à  compter 
qu'avec  l'esprit  de  routine,  la  résistance  intéressée  des  offi- 
ciers ministériels  et  les  tendances  des  partis  extrêmes.  Tan- 
dis qu'en  Angleterre,  le  parti  libéral  comme  le  parti  socia- 
liste attendent  beaucoup  du  Free  trade  in  land   (auquel  les 
conservateurs  se  sont  résignés  sous  la  poussée  de  la  crise 
agricole)  pour  amener  la  diffusion  de  la  propriété,  chez  nous 
le  parti  socialiste  semble  craindre  que  des  facilités  nouvelles 
de  circulation  et  la  création  de  livres  fonciers  ne  profitent 
pas  à  la  petite  propriété,  mais  à  la  grande,  en  servant  à  la 
reconstitution  de  latilundia,  le  parti  conservateur  redoute 
que  ces  réformes  n'augmentent  la  division  de  la  propriété 
qu'il  juge  déjà  excessive.  De  part  et  d'autre  il  y  a,  je  crois, 


VI  PREFACE 

illusion  ou  méprise.  Noire  régime  légal  actuel  esl  beaucoup 
plus  néfasle  pour  la  petite  et  la  moyenne  propriété  que 
pour  la  grande.  Celle-ci  s'en  tire  à  meilleur  compte  et  s'ac- 
croît de  tous  les  petits  domaines  que  le  défaut  de  crédit  ru- 
ral, les  charges  et  les  entraves  de  la  mutation  empêchent 
d'être  viables.  D'un  autre  côté,  le  régime  des  livres  fonciers 
est  très  loin  de  pousser  à  l'émiettement  de  la  propriété  et 
il  est  impuissant  par  lui-même  a  en  opérer  la  division.  Les 
parlementaires  anglais  ne  tarderont,  sans  doute,  pas  à  s'en 
convaincre.  Ils  demandent  à  la  loi  nouvelle  plus  qu'elle  ne 
saurait  donner  quand  ils  en  espèrent  la  reconstitution  d'une 
petite  propriété  rurale.  A  cet  égard,  M.  de  Lavergne  me 
paraît,  sous  l'influence  séductrice  des  documents  parlemen- 
taires anglais,  avoir  cédé  lui-même  au  mirage,  quand  il 
écrit  (p.  242)  :  «  La  nouvelle  législation  doit  être  considérée 
comme  un  des  moyens  propres  à  reconstituer  la  petite  pro- 
priété paysanne  qui,  seule,  peut  assurer  le  réveil  de  l'An- 
gleterre rurale.  » 

Volontiers  on  s'imagine  qu'il  suffira  des  facilités  que 
la  loi  de  1897  accorde  pour  la  réalisation  des  biens 
fonciers,  tant  sous  forme  de  vente  que  sous  forme 
d'hypothèque,  pour  que  Yallotmeni  et  le  small  holding  de- 
viennent des  moyens  efficaces  de  morceler  les  grands  domai- 
nes et,  par  là,  à  la  fois  de  créer  de  petits  propriétaires  ou  de 
petits  exploitants,  et  de  tirer,  par  une  liquidation  partielle, 
les  grands  landlords  de  la  situation  embarrassée  où  la  crise 
agricole  les  a  fait  tomber. 

Je  ne  partage  pas  cet  optimisme.  Uallotment  comme  le- 
small  holding  ne  sont  que  de  faibles  palliatifs.  Ce  n'est  pas 
par  leur  moyen  que  les  campagnes  se  repeupleront  de  pro- 
popriétaires  paysans,  ni  les  banlieues  des  villes  d'ouvriers 
propriétaires. Mais  le  fait  seul  que  le  peuple  anglais  y  recourt 
et  les  maigres  résultats  que  jusqu'ici  il  en  a  obtenus   prou- 


PREFACE  VU 

vent  mieux  que  toutes  les  théories  combien  est  précieuse  la 
division  démocratique  de  la  propriété,  et  combien  nous  de- 
vons nous  garder  de  la  compromettre  soit  dans  un  but  de 
socialisation,  soit,  au  contraire,  par  une  protection  mal  com- 
prise. Laissez-lui  libre  jeu,  ne  la  forcez  pas  par  des  bar- 
rières artilicielles  ou  des  déviations  comme  celles  qui  résul- 
tent, par  exemple,  de  notre  système  de  partage  d'ascendants, 
ses  inconvénients  se  corrigeront  d'eux-mêmes.  Ni  la  très 
grande  propriété,  ni  la  trop  petite  n'étant  rémunératrices, 
l'étiage  deviendra  moyen  dès  qu'une  complète  sécurité  et 
une  transmission  exonérée  de  formalités  et  de  frais  sera 
assurée.  Le  seul  danger  sérieux  contre  lequel  il  faille  se 
prémunir,  ■ —  et  ce  fut  un  tort  de  la  législation  allemande  de 
ne  l'avoir  pas  su  faire  suffisamment,  —  c'est  l'émiettement 
fictif  de  la  propriété  foncière,  je  veux  dire  la  représentation 
de  l'immeuble  par  des  titres  mobiliers  indéfiniment  émetta- 
bles  et  divisibles,  ce  qu'on  a  appelé  la  mobilisation  absolue 
de  la  propriété.  Là,  je  le  répète,  est  le  péril.  L'immeuble  et 
le  propriétaire  sont  menacés  de  s'évanouir,  ils  risquent  d'être 
engloutis  par  la  finance  et  la  spéculation.  La  propriété  fon- 
cière pourrait  finir  à  la  longue  par  n'être  plus  qu'un  fan- 
tôme, le  propriétaire  par  n'avoir  plus  ni  droits,  ni  devoirs. 

La  société  perdrait  alors  une  de  ses  assises  les  plus  soli- 
des, elle  deviendrait  le  jouet  ou  la  proie  des  manieurs  d'ar- 
gent. 

Gardons-nous,  en  résumé,  des  maux  que  l'expérience 
des  peuples  étrangers  a  mis  en  claire  évidence,  mais  sa- 
chons aussi  faire  notre  profit  des  avantages  certains  que 
cette  même  expérience  révèle.  Rien  n'est  plus  propre  qu'un 
livre  comme  celui  de  M.  de  Lavergne  pour  nous  y  aider. 

Jacques  Flach. 


LA  TRANSMISSION 


DE    LA 


*•  ^ 


PROPRIETE  IMMOBILIERE 


ET 


L'Introduction  des  Livres  fonciers 

EN   ANGLETERRE 


AVANT-PROPOS 

La  Commission  extraparlementaire  du  cadastre,  créée 
par  Décret  du  30  mai  1891,  a  repris  au  mois  de  juillet 
dernier  ses  travaux  après  treize  années  d'existence,  du- 
rant lesquelles  ses  séances  ont  dû  être  suspendues  plu- 
sieurs fois  (en  dernier  lieu  de  1900  à  1903),  pour  exécuter 
les  enquêtes  nécessaires  et  donner  aux  rapporteurs  le 
temps  de  rédiger  les  travaux  qui  leur  avaient  été  confiés. 

Si  elle  n'a  pas  encore  mené  à  bonne  fm  le  vaste  pro- 
gramme qui  lui  avait  été  tracé  lors  de  sa  constitution, 
l'œuvre  déjà  accomplie  par  elle,  n'en  présente  pas  moins 
un  grand  intérêt.  Son  existence  même  prouve  que  les 
pouvoirs  publics  se  sont  enfm  émus  des  doléances  que 
Jurisconsultes  et  Economistes  font  depuis  longtemps  en- 
tendre sur  l'état  de  notre  législation  foncière.  Elle  mon- 
tre également  que,  durant  le  xix^  siècle,  le  législateur, 
fasciné  par  l'énorme  accroissement  des  valeurs  mobiliè- 
res, a  surtout  adapté  les  lois  à  cette  situation  économique 
L.  1 


2  l'introduction  des  livres   1  OXCIERS   en  ANGLETERRE 

nouvelle,  mais  qu'aujourd'hui  il  semble  se  rendre  compte 
de  la  nécessité  de  conserver  un  juste  équilibre  entre  la 
fortune  mobilière  et  la  fortune  immobilière,  pour  assurer 
le  développement  des  richesses  nationales  (1).  Cette  solli- 
citude est  d'autant  plus  nécessaire  que  la  propriété  fon- 
cière a  subi  durant  les  trente  dernières  années  une  crise 
dépassant  en  intensité  les  crises  ressenties  depuis  le  début 
du  xix^  siècle.  L'agriculture  s'est  trouvée  dans  cette  pé- 
riode critique  désemparée,  car  elle  ne  disposait  d'aucun 
des  moyens  propres  à  faciliter  son  relèvement. 

Le  législateur  dut  parer  aux  besoins  les  plus  pressants 
qui  se  faisaient  sentir.  L'organisation  du  crédit  agricole, 
la  création  d'enseignements  spéciaux  destinés  à  instruire 
la  population  rurale  des  meilleures  méthodes  de  culture, 
des  dégrèvements  d'impôts,  des  taxes  douanières  protec- 
trices, et  même,  pour  certains  produits  agricoles,  l'allo- 
cation de  subsides  directs  par  le  Trésor  public  :  tels  ont 
été  les  moyens  employés  pour  venir  en  aide  à  la  pi'opriété 
foncière. 

Sans  contester  leur  valeur  et  leur  utilité,  ces  mesures 
n'apportèrent  qu'un  remède  insuffisant  ;  car  elles  n'attei- 
gnaient pas  une  des  causes  de  discrédit  et  de  faiblesse 
de  notre  droit  immobilier  ;  elles  n'abrogeaient  pas  les 
règles  quelquefois  tracassières,  souvent  inutiles,  toujours 
empreintes  d'un  formalisme  rigide,  dont  le  Code  a  entouré 
les  ventes  et  hypothèques  de  biens  fonds  ;  elles  ne  (2) 

(1)  ((  Le  commerce  des  capitaux  tient  dans  les  affaires  de 
notre  temps  une  place  qui  s'élargit  de  plus  en  plus.  Il  a  donné 
aux  valeurs  mobilières  une  puissance  dominatrice  dépassant 
dans  la  pratique  celle  de  la  richessj  tarrienne.  Il  fait  surgir 
des  forces  imprévues,  il  crée  des  souverainetés  bourgeoises  avec 
lesquelles  les  gouvernements  doivent  compter  ».  Cochet, 
De  FEnchérissement  des  marchés  et  des  services.  In-8°,  Paris, 
Quantin,  1883. 

(2)  ((  On  a  fait  des  lois  pour  protéger  la  fortune  immobilière, 
mais  ce  sont  des  lois  qui  l'ont  pour  ainsi  dire  étouffée.  En  l'em- 
maillotant en  quelque  sorte,  en  l'entourant  de  mailles  inextri- 
cables,   on   l'a   empêchée   de   prendre   toute   l'extension   qu'elle 


AVANT-PROPOS  S 

donnaient  pas  non  plus  aux  droits  de  propriété  la  base 
solide  que  la  publicité  des  actes  ne  leur  assure  aujourd'hui 
qu'imparfailement.  Le  propriétaire  reste  sans  ressources 
alors  qu'il  aurait  besoin  de  capitaux  pour  améliorer  ses 
terres,  en  tenant  compte  des  progrès  de  l'agronomie  mo- 
derne :  car  les  transmissions  et  les  emprunts  hypothé- 
caires se  trouvent  ainsi  entravés  tant  par  l'insécurité  des 
titres  de  propriété  que  par  les  difficultés  légales  dues  à 
l'application  de  nos  lois  civiles  (1). 

Le  Rapport  de  M.  Bouvier,  préface  du  décret  instituant 
la  Commission  extraparlementaire  du  cadastre,  indiquait 

aurait  dû  avoir,  on  a  détourné  d'elle  les  capitaux  qui  seraient 
venus  la  féconder  et  l'accroître,  et  elle  n'a  pu  encore  recevoir 
le  développement  qu'elle  mérite  dans  un  grand  pays  comme  la 
France.  »  Neymarck.  Commission  extraparlementaire  du  Ca- 
dastre. Procès-verbaux.  T.  II,  p.  118  et  suivantes. 

(1)  ((  En  ce  qui  concerne  l'amélioration  de  notre  agriculture, 
le  Crédit  Foncier  s'est  toujours  efforcé  d'y  concourir  dans  la 
mesure  de  ses  forces.  Il  est  vrai  que  dans  ses  débuts  surtout,  il 
a  beaucoup  plus  prêté  aux  propriétaires  urbains  qu'aux  cam- 
pagnes, à  la  grande  propriété  plus  qu'à  la  petite.  La  raison  en 
est  facile  à  saisir  :  c'est  d'une  part,  que  la  petite  propriété 
rurale,  lente  à  s'instruire  des  facilités  qu'offrait  le  nouveau 
mode  d'emprunt,  a  beaucoup  moins  demandé  que  la  grande  pro- 
priété et  surtout  que  la  propriété  urbaine.  C'est  d'autre  part 
que  généralement  en  France,  elle  n'est  pas  régulièrement  éta- 
blie. »  JossEAU,  Traité  du  Crédit  Foncier.  Introduction,  p.  xcv. 

((  Les  dispositions  de  notre  loi  civile  en  matière  immobilière 
peuvent  être  admirées  par  les  théoriciens  ;  au  point  de  vue 
pratique,  elles  ne  sont  pas  satisfaisantes  ;  elles  présentent  de 
telles  complications  que  des  Jurisconsultes  de  profession  savent 
à  peine  les  débrouiller;  combien  plus  pour  ceux  qui  veulent 
faire  leurs  affaires  eux-mêmes,  pour  ceux  qui  voudraient  savoir 
sans  erreur  possible,  si  l'argent  dont  ils  achètent  un  immeuble 
est  bien  et  dûment  payé.  Il  faut  que  la  loi  soit  claire  pour  tous, 
puisque  nul  n'est  censé  l'ignorer  ;  il  faut  qu'on  puisse  acheter 
en  toute  sûreté  sans  avoir  à  scruter  péniblement  les  origines 
de  propriété  de  l'immeuble  et  sans  avoir  à  répondre  du  fait 
d'autrui.  »  Challamel,  Comm.  extrap.  du  cad.  Proc. -Verbaux. 
T.  II,  p.  107. 


4-  l'introduction   des  LRRES   fonciers   en  ANGLETERRE 

en  conséquence  que  la  réforme  de  notre  législation  fon- 
cière devait  être  l'objet  principal  des  travaux  de  cette 
Assemblée. 

Ces  questions  sont  encore  à  l'étude  dans  cette  Commis- 
sion composée  des  plus  hautes  personnalités  du  Parle- 
ment, de  rUniversité,  de  l'Administration,  du  Barreau  et 
de  la  Presse  économique  ;  elles  seront  bientôt  portées 
devant  les  Chambres  et  y  soulèveront  assurément 
de  longues  discussions  Nous  avons  pensé  qu  il  serait  in- 
téressant d'exposer  la  réforme  accomplie  en  Angleterre 
par  la  loi  du  6  août  1897  sur  l'immatriculation  de  la  pro- 
priété. Cette  loi  a,  en  effet,  bouleversé  le  système  anglais 
des  transactions  immobilières  par  la  création  d'un  Livre 
foncier. 

Certes,  la  situation  de  la  propriété  anglaise  et  celle  de 
la  propriété  française  sont  trop  différentes  pour  pouvoir 
tirer  de  cet  essai  d'outre-Manche  des  indications  précises 
sur  les  mesures  à  prendre  dans  notre  pays.  Ainsi,  que  le 
disait  M.  le  Sénateur  Millaud,  notre  Livre  foncier  ne 
devra  pas  être  «  prussien,  alsacien  ou  belge  »,  j'ajoute, 
ou  anglais,  <(  il  doit  être  le  reflet  des  mœurs  de  notre 
pays,  des  lois  et  des  institutions  de  notre  patrie  »  (1). 
Néanmoins  il  existe,  dans  les  solutions  acceptées  par  les 
divers  peuples  en  matière  de  législation  foncière,  trop  de 
points  communs  pour  qu'une  étude  comme  la  nôtre  ne 
permette  pas  de  faire  des  rapprochements  utiles.  Fas  et 
ab  hoste  doceri,  dit  le  vieil  adage  :  il  est  justifié  lorsqu'il 
nous  enseigne  à  observer  les  expériences  de  nos  voisins 
et  à  nous  en  inspirer  ;  il  serait  au  contraire  totalement 
erroné  s'il  nous  invitait  à  copier  servilement  les  textes  des 
législations  étrangères.  Nous  rechercherons  donc,  dans 
cette  étude,  les  principes  de  la  réforme  anglaise  de  1897  ; 
nous  les  examinerons  au  point  de  vue  de  leur  valeur  abs- 
traite ;  enfin,  nous  apprécierons  s'ils  seraient,  dans  l'état 
de  nos  mœurs,  applicables  en  France. 

(1)  Coram.  extrap.  du  cad.  Séance  du  19  novembre  1891.  Proc- 


verb.  T.  II,  p.  170. 


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pour  étudier  les  modifications  à  apporter  en  Algérie  à  la  lé- 
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in-8"',  Alger,  Girault,  1886. 


6  l'introduction  des   livres    fonciers  en   ANGLETERRE 

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8  l'introduction   des   livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

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the  Land  Registry  on  the  Systems  of  Registratioii  of  title  now 
in  opération  in  Germany  and  Austria  Hungary  (with  Appen- 
dices), 1896. 

Report  from  the  Standing  Committee  on  Law,  and  courts  of 
Justice,  and  Légal  Procédure  on  the  Land  Transfer  Bill,  1897. 

Report  of  the  Registrar  of  the  Land  Registry  on  the  first  three 
years  (1899,  1900,  and  1901)  of  the  work  of  constructing  a 
gênerai  register  of  title  for  the  County  of  London,  1902. 

Return  on  Registration  of  title  in  the  Australasian  Colonies, 
1872. 

Return  {Further)  on  Registration  of  title  in  the  Australasian 
Colonies,  1881. 

Returns  of  the  Land  Registry,  1882,  1884,  1894,  1899,  1900,  1901, 
1902,  1903. 

Rider  Haggard,  Rural  England,  2  vol.  in-8°,  Londres,  Long- 
mans,  Green  and  C°,  1902. 

RoNDEL.  La  mobilisation  du  sol  en  France.  Paris,  1888. 

Seejeant  Stephen.  New  Commentaries  of  the  Laws  of  England. 
Tome  I. 

Short  Statement  of  the  ohject  and  practical  Working  of  the 
System  of  Registration  of  title. 

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Joubert,  1848. 

Williams.  Principes  of  the  Law  of  Real  Property,  11®  édition, 
Londres,  Sweet,  1875. 


PREMIÈRE  PARTIE 


Le  Régime  de  la  Propriété  foncière  anglaise 

avant  1897 


CHAPITRE  P^ 


HISTORIQUE   DES    MODES   DE   TRANSMISSION   DES   DROITS    RÉELS 
jusqu'à  la  THÉORIE  DES  USES 

Pour  comprendre  les  motifs  qui  ont  forcé  le  législateur 
anglais  à  faire  une  loi  résolument  réformatrice,  il  est  in- 
dispensable de  connaître  l'état  déplorable  de  la  législa- 
tion foncière  antérieure  à  1897.  Mais  nous  nous  sommes 
alors  trouvé  en  présence  d'une  difficulté,  que  M.  Lehr 
rappelle  dans  les  lignes  suivantes  de  ses  Eléments  de  droit 
civil  anglais  :  ((  Non  seulement  il  n'y  a  en  Angleterre  nulle 
trace  de  codification,  mais  encore  chaque  matière  fait 
depuis  six  siècles  l'objet  d'un  nombre  infini  de  lois  et 
de  décisions  judiciaires  ayant  force  de  loi,  souvent  con- 
tradictoires et  qu'on  n'a  jamais  cherché  à  concilier,  ni  à 
coordonner.  »  ...  «  Le  travail  du  législateur  est  le  plus 
souvent  un  travail  de  mosaïque.  Une  année,  il  modifiera 
tel  point  de  détail,  l'année  d'après  tel  autre,  quitte  à  reve- 
nir sur  ses  pas  la  fois  suivante.  Le  droit  a  donc  un  carac- 
tère non  point  systématique  comme  en  France,  mais 
essentiellement  historique.  y> 

«  Pour  comprendre  et  même  pour  connaître  les  règles 
actuellement  en  vigueur,  il  faut  remonter  plus  ou  moins 
haut  dans  le  passé  et  se  résigner  à  suivre  juges  et  législa- 
teurs dans  ce  travail  de  Pénélope  (1).  »  Le  droit  foncier 

(1)  Préface,  p.  vu. 


10         l'iXTRODI  CTIOX  DES  LH  RES   FONCIERS   EN  ANGLETERRE 

est  plus  qu'aucune  autre  des  institutions  civiles  de  l'An- 
gleterre, le  résultat  de  cette  évolution  à  la  fois  législative 
et  judiciaire  (1).  L'exposé  des  origines  des  lois  actuelles 
s'imposait  donc  à  nous.  Cet  historique  nous  montrera 
d'ailleurs  qu'en  créant  un  Livre  foncier,  le  Parlement 
anglais,  a  seulement  rénové  l'une  des  plus  anciennes  tra- 
ditions juridiques,  momentanément  abandonnée  pour 
permettre  d'échapper  aux  règles  trop  rigoureuses  du  droit 
féodal. 

La  publicité  des  transactions  immobilières  existait  dès 
avant  l'invasion  normande.  Toutes  les  conventions  don- 
naient lieu  à  des  contrats  solennels  (2)  passés  devant  le 
shériff  ;  les  parties  se  rendaient  ensuite  au  monastère  le 
plus  proche,  où  elles  faisaient  inscrire  leur  convention  sur 
le  cartulaire  ou  léger  book.  L'examen  de  ce  registre  pri- 
mitif permettait  de  se  rendre  compte  de  la  situation  juri- 
dique de  l'immeuble. 

Pendant  la  conquête  et  les  premières  années  qui  suivi- 
rent la  bataille  d'Hastings,  les  guerriers  normands  s'em- 
parèrent comme  prix  de  leurs  services  (3)  d'une  partie  du 
territoire  des  vaincus,  sans  se  soucier  d'accomplir  les  for- 
malités anciennes  de  lettre  et  de  saisine.  Guillaume  le 
Conquérant,  pour  pourvoir  à  l'administration  de  sa  con- 
quête et  à  la  sécurité  commune,  dût  bientôt  recouvrer  sur 
ses  vassaux  des  contributions  ou  services  d'argent.  Afm 
d'asseoir  sur  une  base  fixe  la  perception  des  redevances, 

(1)  ((  La  Loi  anglaise  de  la  propriété  est  restée  féodale,  elle 
l'est  dans  ses  termes  et  dans  ses  principes,  souvent  aussi  plutôt 
dans  son  langage  que  dans  la  réalité  des  faits  .»  Lebret,  Etude 
sur  la  propriété  foncière  en  Angleterre,  p.  1. 

(2)  La  vente  était  notamment  accompagnée  d'un  acte  symbo- 
lique appelé  traditio  per  hac.idum  et  ndteJlum. 

(3)  ((  Guillaume  avait  dit  avant  le  combat  à  ses  troupes  : 
((  Pensez  à  bien  combattre  et  mettez  tout  à  mort,  car,  si  nous 
pouvons  les  vaincre,  nous  serons  tous  riches.  Ce  que  je  gagnerai, 
vous  le  gagnerez  ;  si  jo  conquiers,  vous  conquerrez  ;  si  je  prends 
la  terre,  vous  l'aurez  ».  Augustin  Thierry,  Conquête  de  l'An- 
gleterre, 11^  édit.  T.  I,  p.  321. 


RÉGIME   ANTÉRIEUR  A  LA  THÉORIE  DES   USES  11 

il  décida,  après  avoir  pris  l'avis  de  ses  conseillers,  «  de 
faire  une  grande  enquête  territoriale  et  de  dresser  un 
registre  universel  de  toutes  les  mutations  de  propriété 
opérées  en  Angleterre  par  la  conquête  (1).  »  Ses  commis- 
saires se  mirent  à  l'œuvre,  ils  parcoururent  les  comtés, 
firent  comparaître  devant  eux  tous  ceux  qui  prétendaient 
avoir  des  droits  à  la  propriété  d'une  partie  du  pays,  et 
entendirent  les  réclamations  des  Saxons  qui  protestaient 
contre  des  spoliations  injustes.  L'enquête  une  fois  termi- 
née dans  un  comté,  le  terrier  était  rédigé  :  le  roi  était  ins- 
crit en  tête,  ensuite  les  chefs  et  autres  propriétaires,  sui- 
vant leurs  grades  militaires  et  l'importance  de  leur  ri- 
chesse territoriale.  Le  travail  de  rédaction  fut  achevé  en 
1086  (2).  Au  mois  d'août  de  cette  année,  le  roi  convoqua 
dans  la  plaine  de  Salisbury  toute  la  noblesse  et  les  pro- 
priétaires fonciers,  examina  et  jugea  avec  eux  les  diffé- 
rends soulevés  par  les  opérations  des  commissaires  ;  puis 
chacun  soumit  ses  terres  à  la  charge  de  la  tenure  militaire 
et  rendit  au  roi  la  foi  et  l'hommage  (3) .  La  réunion  des 

(1)  AuG.  Thierry,  op.  cit.,  IV  édit.  T.  IV,  p.  204.  a  II  voulut 
savoir  en  quelles  mains,  dans  toute  l'étendue  du  pays,  avaient 
passé  les  domaines  des  Saxons  et  combien  d'entre  eux  gardaient 
encore  leurs  héritages,  par  suite  de  traités  particuliers  conclus 
avec  lui-même  ou  avec  ses  barons  ;  combien  dans  chaque  do- 
maine rural,  il  y  avait  d'arpents  de  terre  ;  quel  nombre  d'ar- 
pents pouvait  suffire  à  l'entretien  d'un  homme  d'armes  et  quel 
était  le  nombre  de  ces  derniers  dans  chaque  province  ou  comté 
de  l'Angleterre;  à  quelle  somme  montait  en  gros  le  produit  des 
cités,  des  hameaux  ;  quelle  était  exactement  la  propriété  de 
chaque  comte,  baron,  chevalier,  sergent  d'armes  ;  combien  cha- 
cun avait  de  terres,  de  gens  ayant  fief  sur  ses  terres,  de  Saxons, 
de  bétail,  de  charrues.  »  Ibid. 

(2)  ((  Anno  millesimo  octogesimo  sexto  ah  incarnatione  Do- 
mini,  vigesimo  cjuinto  regni  Wilhelmi,  facta  est  ista  descriptio.  » 
Domesdaybook,  vol.  II,  p.  450. 

(3)  Cf.  Blackstone,  Commentaries  of  the  Laws  of  England. 
T.  II,  p.  42.  AuG.  Thierry,  op.  cit.,  11^  édit.,  p.  221.  Lebret,  op. 
cit.,  p,  37.  Glasson,  Histoire  des  institutions  de  l'Angleterre. 
T.  I,  p.  258  et  T.  II,  p.  171. 


12         l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

terriers  de  tous  les  comtés  fut  appelée,  par  les  Saxons, 
le  Domesdaybook  ou  livre  du  Jugement  dernier,  et  par 
les  Normands,  le  Grand  Rôle,  le  Rôle  Royal,  ou  le  Rôle 
de  Winchester  (1). 

Le  Domesdaybook,  établi  dans  un  but  purement  fiscal, 
rendit  d'autres  services.  L'inscription,  dans  un  même  vo- 
lume, des  noms  de  tous  les  propriétaires  fonciers  de  l'An- 
gleterre devint  le  symbole  de  l'unité  même  du  pays  :  cette 
unité  fut  consacrée  solennellement  le  jour  où,  à  Salisbury, 
tous  furent  requis  de  prêter  serment  au  roi.  Enfin,  ce  Livre 
présenta  au  point  de  vue  de  la  propriété  foncière  un  grand 
intérêt.  Il  détermina  une  fois  pour  toutes  les  titres  des  pro- 
priétaires relevant  directement  du  roi.  Ce  ne  fut  que  bien 
des  siècles  après,  à  la  suite  de  guerres  intestines  et  de 
révolutions  sanglantes,  suivies  de  confiscations,  qu'il  ces- 
sa d'être  le  répertoire  exact  des  Landlords  anglais.  Du- 
rant de  longues  années,  il  servit  de  base  à  tous  les  con- 
trats fonciers  féodaux.  Les  vassaux  trouvèrent  dans  le 
Domesdaybook  l'origine  certaine  des  droits,  en  vertu  des- 
quels les  seigneurs  leur  consentaient  des  aliénations  appe- 
lées suivant  les  cas  :  inféodations,  concessions  en  franche 
aumône,  en  socage  ou  en  villenage  (2). 

Toutes  ces  conventions  étaient  soumises  à  des  rè- 
gles solennelles  qui  avaient  pour  but  de  les  rendre  publi- 
ques. L'Inféodation  (3),  par  exemple,  comprenait  deux 

(1)  Le  nom  de  Domesdaybook  fut  donné  par  les  Saxons,  parce 
qu'il  contenait  pour  eux  une  sentence  irrévocable  d'expropriation: 
((  Domysday  vocatus  ...  quia  nulli  pareil,  sicut  nec  magnus  dies 
Judicii.  »  TnoMiE  Rudborne,  Hist.  major  Wintonia,  Anglia 
sacra.  T.  I,  p.  257.  Celui  de  rôle  de  Winchester  vient  de  ce  qu'il 
était  conservé  dans  le  trésor  de  la  cathédrale  de  Winchester  : 
<(  Maynus  liber...  hahitus  in  thesauro  ecclesiœ  cathedralis  Win- 
toniœ.  ))  TnoMiE  Rudborne,  Hist.  maj.  Winton.  ibid.  L'original 
du  Domesdaybook  a  péri  ;  le  manuscrit,  imprimé  en  1783,  a  été 
formé  sur  les  anciens  titres. 

(2)  Voyez  pour  ces  diverses  tenures,  Glasson,  op.  cit.,  T.  II, 
p.  182  et  220  et  suivantes. 

(3)  L'inféodation  était  le  contrat  par  lequel  un  seigneur  don- 


RÉGIME  AxNTÉRIEUR  A  LA  THÉORIE  DES  USES  13 

actes  distincts  :  la  foi  et  l'hommage  d'une  part,  l'investi- 
ture de  l'autre.  La  foi  et  l'hommage  étaient  la  promesse 
du  vassal,  de  remplir  les  obligations  imposées  ;  l'investi- 
ture lui  faisait  acquérir  la  propriété  de  la  terre  par  la 
mise  en  possession,  suivant  des  solennités  et  des  formes 
symboliques  (1). 

Les  transmissions  postérieures  du  fief  supposaient  éga- 
lement des  formalités.  Des  témoins  assistaient  à  la  con- 
clusion de  la  vente  qui  était  inscrite  sur  le  registre  de  la 
seigneurie.  Les  parties  se  rendaient  ensuite  sur  les  lieux 
pour  procéder  à  l'investiture  ou  livery  ol  seisin  de  l'ac- 
quéreur. Quelquefois,  il  y  avait  seulement  remise  d'un 
objet  symbolique  (verge,  motte  de  terre  ou  branche  d'ar- 
bre), que  Yattorney  du  seigneur,  recevait  du  vendeur,  puis 
remettait  à  l'acquéreur.  En  même  temps,  le  vendeur  pro- 
nonçait les  paroles  suivantes  ou  d'autres  analogues  .  «  Je 
vous  transmets  la  saisine  et  la  possession  de  la  maison 
que  vous  touchez,  ainsi  que  de  toutes  les  terres  indiquées 
dans  cette  convention,  suivant  sa  forme  et  sa  teneur  (2).  » 
La  saisine  avait  alors  lieu  en  fait  [in  deed). 

Ces  règles  parurent  bientôt  trop  rigides,  et,  de  même 
que  l'investiture  avait  été,  dans  la  plupart  des  cas,  rem- 
placée en  France  par  des  lettres  de  hef,  de  même,  il  fut 
possible,  en  Angleterre,  de  lui  substituer  la  lecture  d'un 
écrit  (3)  fait  en  vue  des  terres  qu'il  s'agissait  de  trans- 

nait  à  un  de  ses  vassaux  une  terre  en  fief,  moyennant  des  ser- 
vices d'argent,  mais  surtout  des  services  militaires. 

(1)  La  remise  d'une  épée  s'il  s'agit  d'un  comté,  celle  d'un 
anneau  pou  •  les  baronnies  concédées  à  des  évêques  ou  des  abbés, 
celle  d'une  verge,  d'une  motte  de  terre  ou  d'une  branche  d'arbre 
pour  les  fiefs  ordinaires.  Cf.  Glasson,  op.  cit.  T.  II,  p.  183. 
Lebret,  op.  cit.,  p.  43. 

(2)  Williams,  The  Law  of  real  Propeity,  p.  142  et  suiv. 
Glasson,  op.  cit.  T.  II,  p.  255  et  T.  IV,  p.  229  et  suivantes. 

(3)  Les  actes  de  transmission  étaient  rédigés  en  présence  de 
témoins,  en  deux  ou  trois  exemplaires,  écrits  sur  le  même  par- 
chemin les  uns  à  côté  des  autres,  et  séparés  entre  eux  par  des 
lettres.   Ces  exemplaires  étaient  ensuite  découpés,   suivant  les 


1^  l'introduction   des   livres   fonciers  en   ANGLETERRE 

mettre.  La  saisine  avait  alors  lieu  en  droit,  (in  law).  Le 
vendeur  disait  à  l'acheteur  :  «  Je  vous  donne  cette  terre, 
là-bas,  entrez-y  et  prenez-en  possession.  »  Mais  tandis  que 
la  saisine,  opérée  en  fait,  transférait  la  pleine  propriété  à 
l'acquéreur,  opérée  en  droit,  elle  ne  permettait  pas  immé- 
diatement à  celui-ci  d'agir  comme  un  propriétaire.  Il  de- 
vait auparavant,  ainsi  que  l'y  avait  invité  le  vendeur,  se 
saisir  de  la  terre  en  présence  de  témoins,  ses  pairs,  les 
francs  tenanciers  du  voisinage  qui  attestaient  la  déli- 
vrance en  marge  et  au  verso  de  l'écrit.  Tant  que  cette  mise 
en  possession  n'avait  pas  eu  lieu,  l'acquéreur  n'avait  pas 
un  droit  réel  sur  l'immeuble  et  si  le  vendeur  ou  l'acheteur 
mourait  dans  l'intervalle,  les  héritiers  du  défunt  n'étaient 
pas  liés  par  le  contrat  de  leur  auteur. 

La  nécessité  de  l'investiture  et  les  sanctions  rigoureuses 
attachées  à  l'inaccomplissement  des  formalités  accessoi- 
res, s'expliquent  par  l'importance  que  la  liverij  ol  seisin 
avait  à  cette  époque.  Les  différends  sur  la  valeur  ou  l'éten- 
due des  titres  et  des  droits  y  afférents,  étaient  en  effet 
tranchés,  sur  une  procédure  purement  orale,  par  un  Jury 
composé  de  douze  hommes  libres,  voisins  des  parties  en 
cause  :  La  publicité  des  transmissions  de  propriété  était 
la  condition  même  de  jugements  éclairés  (1). 

Les  mortgages  qui  affectaient  la  propriété  à  la  garantie 
dune  créance  nécessitaient  aussi  la  prise  de  possession 
par  le  créancier  de  l'immeuble  grevé.  Si  cette  opération 
n'avait  pas  eu  lieu,  le  premier  prêteur  ne  pouvait  opposer 
son  droit  de  préférence  à  un  autre  créancier  qui  avait  pos- 
térieurement reçu  de  l'emprunteur  la  même  garantie  et 
qui  s'était  saisi  de  son  gage.  La  prise  de  possession  était 

lettres  de  séparation,  avec  des  dentelures,  d'où  le  nom  d'inden- 
ture.  Les  dentelures  avaient  pour  but  de  s'assurer  de  l'authen- 
ticité des  exemplaires  en  constatant  la  concordance  des  bords 
dentelés.  De  semblables  actes  étaient  le  plus  souvent  rédigés, 
même  lorsqu'il  y  avait  saisine  en  fait,  afin  de  servir  de  preuve 
du  transfert. 

(1)  DiGBY.  Introduction  to  the  history  of  the  law  of  real  pro- 
perty,  p.  130. 


RÉGIME  ANTÉRIEUR   A  LA  THÉORIE  DES   USES  la 

donc,  dans  ce  cas  encore,  considérée  comme  une  mesure 
de  publicité  suffisante  (1). 

La  saisine  était  impossible  pour  les  cessions  de  droits 
incorporels.  Le  transfert  se  faisait  alors  par  l'effet  de  la 
convention  conclue  en  présence  de  témoins  et  par  la 
remise  de  l'acte  écrit  (s'il  en  avait  été  rédigé  un),  consta- 
tant l'accord  des  parties  (2). 

Dès  le  règne  d'Edouard  P"",  apparaît  un  autre  mode  de 
transmission  de  la  propriété  :  l'aliénation  en  justice  (3), 
qui  fut  bientôt  très  fréquemment  employée.  Deux  procé- 
dures différentes  étaient  offertes  aux  parties.  Quelquefois 
il  y  avait  recovery  ol  land  ;  l'acquéreur  intentait  une  ac- 
tion judiciaire  fictive  en  revendication.  Le  vendeur  faisait 
défaut  et,  par  le  fait  du  jugement,  la  propriété  se  trouvait 
transférée.  Cette  procédure  ressemblait  donc  beaucoup 
à  Vin  iure  cessio  du  droit  romain.  Mais  le  plus  souvent,  le 
tribunal  (4)  était  appelé  à  homologuer  une  convention  pas- 
sée par  les  parties  qui  se  présentaient  toutes  deux  devant 
lui  :  c'était  alors  une  procédure  appelée  line.  Leur  de- 
mande était  instruite  publiquement  ;  après  un  certain 
nombre  de  formalités,  la  convention  était  transcrite  sur 
le  registre  des  arrêts  et  prenait  le  nom  de  lool,  chirograph 
ou  indenlure  ol  the  line,  c'est-à-dire  de 'titre  du  procès. 
Le  greffier  en  délivrait  des  expéditions  dentelées  qui  com- 
mençaient par  ces  mots  :  Hœc  est  linalis  concovdia. 

Ces  aliénations  n'étaient  pas  accompagnées  de  livery 
ol  seisin,  parce  que  la  reconnaissance  en  justice  des  droits 

(1)  ((  Cum  in  tali  casu  posait  eadcm  les  pluribus  aliis  credi- 
toribus,  tum  pj^ius,  tum  posterius  invadiare.  »  Glanville, 
livre  X,  chap.  8.  Cf.  Glasson,  op.  cit.,  T.  IV,  p.  221. 

(2)  Statut  18,  Edouard  I^'',  chap.  4.  Statut  modus  levandi 
fines. 

(3)  Les  autorités  judiciaires  compétentes  étaient  la  Cour  des 
Plaids  communs,  le  Lord  Chief  Justice  de  cette  Cour,  et  deux 
ou  plusieurs  commissaires  pris  dans  la  contrée. 

(4)  V.  DiGBY,  op.  cit.,  p.  93;  Lebret,  op.  cit.,  p.  115;  Glasson, 
op.  cit.,  t.  III,  p.  193  et  suiv.  et  t.  IV,  p.  233.  Pour  l'origine  des 
expéditions  dentelées,  voyez  plus  haut,  p.  13,  note  3. 


16        l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

de  Facquéreur  équivalait  à  la  même  notoriété.  Elles  obli- 
geaient en  outre  définitivement  ceux  qui  avaient  été  par- 
ties à  l'accord,  et  excluaient  ainsi  toute  action  en  nullité. 
Le  Statut  d'Edouard  recommandait,  en  conséquence,  aux 
juges,  de  s'assurer  que  les  parties  étaient  majeures  et 
jouissaient  de  la  plénitude  de  leurs  facultés  intellectuelles 
ainsi  que  de  leur  liberté  personnelle 

Enfin,  les  tiers  n'étaient  admis  à  formuler  aucune  récla- 
mation relative  à  des  droits,  dont  l'existence  n'aurait  pas 
été  révélée  au  cours  de  la  procédure.  Toutefois,  cette  dé- 
chéance ne  pouvait  être  invoquée  contre  eux  que,  passé 
un  certain  délai,  pendant  lequel  ils  pouvaient  former 
opposition  au  jugement  (1). 

Les  aliénations  en  justice  durent  à  la  sécurité  qu'elles 
conféraient  d'être  fort  usitées  (2)  ;  elles  entraînaient  ce- 
pendant d'assez  lourdes  dépenses,  car  il  ne  fallait  pas 
moins  de  cinq  actes  pour  arriver  à  la  conclusion  de  l'ac- 
cord final  consacré  par  le  jugement. 

Tels  étaient  les  principaux  modes  de  transmission  de  la 
propriété  et  de  constitution  des  droits  réels  dans  la  pé- 
riode féodale  :  tous  offrent  des  garanties  de  publicité. 
Dans  les  aliénations  en  justice,  ce  sont  l'instruction  de 
la  demande  et  le  caractère  officiel  des  décisions  judi- 
ciaires ;  dans  les  actes  ordinaires,  la  cérémonie  de  l'inves- 
titure et  la  présence  de.  témoins.  Mesures  suffisantes  en 
ces  temps,  où  la  population  était  peu  dense  et  où  les 
changements  de  domicile  étaient  fort  rares  (3). 

(1)  Le  Statut  18.  Ed.  I.  c.  4  avait  fixé  ce  délai  à  1  an  et 
1  jour;  le  St.  34,  Ed.  III,  c.  16  supprima  tout  délai,  les  récla- 
mations pouvant  être  produites  à  toute  époque;  mais  le  St.  4 
Henry  VII,  c.  24  fixa  définitivement  le  délai  à  5  ans.  Cf.  Glas- 
son,  op.  cit.  T.  IV,  p.  233. 

(2)  JVoïi  in  regno  Angliœ  "providetur  vel  est  aliqua  securitas 
major  vel  solemnior  per  quam  aliquis  statum  suum  certiorem 
hahere  possit,  neque  ad  statum  suum  verificandum  aliquod 
solemnius  testitnonium.  producere  quam  finem  in  curia  domini 
régis  leratmn  :  quiquidem  finis  et  consummatio  omnium  placi- 
torum  esse  deJ)et  et  hac  de  causa  providebatur.  2  Rolle  Abridg- 
ment.   13.   Statut  18,  Ed.   I.  c.  4.   Cf.  Glasson,  t.   III;  p.   193. 

(3)  V.  POLLOCK,  the  Landlaws,  p.  102. 


CHAPITRE  II 

LA  THÉORIE  DES  USES  ET  SES  CONSÉQUENCES.  LES  DANGERS  DES 

TRANSACTIONS  OCCULTES 


La  théorie  des  Uses  allait  profondément  modifier  le 
régime  des  transmissions,  décrit  dans  le  précédent  cha- 
pitre. Elle  lut  édifiée  par  des  jurisconsultes  désireux 
d'éluder  les  interdictions  portées  par  le  pouvoir  royal 
contre  les  aliénations  en  mainmorte  (1).  Les  revendica 
lions  fictives  en  justice  avaient,  pendant  un  certain  temps, 
servi  à  rendre  valables  les  transmissions  consenties  a  aes 
personnes  religieuses.  Il  ne  fut  plus  possible  de  recourir 
à  cette  procédure,  lorsque  les  tribunaux  eurent  été  invités 
à  s'assurer,  par  enquête,  de  la  capacité  des  parties  con- 
tractantes et  de  la  validité  des  titres  qu'elles  invoquaient. 
Les  légistes  religieux  trouvèrent  dans  le  dédoublement  de 
la  propriété  en  deux  droits  différents,  le  subterfuge  juri- 
dique qui  permettait  aux  personnes  de  mainmorte,  de 
continuer  à  acquérir  des  biens  fonds.  Ils  distinguèrent, 
d'une  part,  la  propriété  légale  reconnue  par  la  common 
law,  ou  estate  légal  et,  d'autre  part,  la  propriété  utile, 
conférant  la  possession  et  la  jouissance,  use  ou  trust. 
Celui  qui  a  Vestale  légal  et  qui  est  le  tenancier  au  regard 
de  la  loi,  prend  le  nom  de  tiers  tenant  :  celui  qui  a  la  pos- 

(1)  Le  St.  Quia  Emptores  de  1290  (St.  18,  Ed.  I),  réservait 
au  roi  seul  le  droit  de  concéder  des  terres  en  franche  aumône 
ou  frank  almoign:  La  grande  Charte  d'Henri  III  de  1217, 
avait  interdit  les  aliénations  au  profit  de  maisons  religieuses. 
Par  une  inteprétation  littérale  de  la  Charte,  les  tribunaux 
considérèrent  comme  valables  les  aliénations  au  profit  de  per- 
sonnes religieuses.  Le  St.  7  Ed.  1  assimila  les  maisons  et  les 
personnes  religieuses  au  point  de-  vue  de  l'incapacité  d'acqué- 
rir. V.  DiGBY,  op.  cit.,  p.  182  et  suiv.  ;  Glasson,  op.  cit.  T.  III, 
p.  198  et  suiv.;  Lebret,  op.  cit.,  p.  115  et  116. 

L.  2 


18         l'introduction   des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

session  et  la  jouissance  du  domaine,  s'appelle  Cestui  qui 
use. 

Pour  faire  naître  cette  situation  juridique,  une  aliéna- 
tion avait  lieu,  par  laquelle  une  personne  était  investie  de 
l'estate  légal,  tandis  que  le  vendeur  se  réservait  luse  ou 
l'attribuait  à  une  troisième  personne.  L'acquéreur  de  l'es- 
tate légal  était  ainsi  investi  de  la  seule  propriété  reconnue 
par  les  tribunaux  de  droit  commun,  mais  il  devait,  en 
conscience,  laisser  cestui  qui  use  jouir  et  disposer  de 
l'estate  comme  il  l'entendait.  Cette  obligation  de  cons- 
cience, semblable  à  celle  du  fidéicommissaire  romain,  fut 
sanctionnée  par  la  juridiction  d'équité  du  Chancelier. 
Comme  l'a  dit  Bacon:  ((  La  Chancellerie  voit  plus  loin  que 
la  Common  law  ;  elle  scrute  la  conscience  corrompue  de 
celui  qui  veut  transmettre  des  droits  de  propriété,  alors 
qu'il  sait  que  ces  droits  sont  laissés  à  la  jouissance  d*une 
autre  personne  (1).  » 

Une  fois  consacrée  par  le  tribunal  d'équité,  la  théorie 
des  uses,  destinée  à  l'origine  à  permettre  seulement  les 
aliénations  en  mainmorte  (2),  fut  bientôt  employée  dans 
nombre  de  conventions  ordinaires  :  Elle  donnait,  en  effet, 
le  moyen  de  se  soustraire  aux  règles  strictes  du  droit  féo- 
dal et  d'éviter  des  confiscations,  alors  très  fréquentes  (3). 
De  plus,  cestui  qui  use  pouvait  disposer  de  son  droit  ou 
interest,  sans  recourir  à  aucune  forme  spéciale  d'acte,  ni 
à  la  cérémonie  de  l'investiture.  Cette  liberté  des  transmis- 
sions pouvait  avoir  des  avantages,  mais  présenta  bientôt 
de  graves  inconvénients  :  des  confusions  et  des  procès 

(1)  Cité  par  Pollock,  op.  cit.,  p.  96.  Y.  aussi  Lebret,  op.  cit., 
p.  177  et  Glasson,  op.  cit.  T.  IV,  p.  254  et  suiv. 

(2)  Le  Statut  15,  Richard  II,  c.  5,  interdit  demployer  l'use 
pour  les  aliénations  en  mainmorte.  Cf.  Blackstone,  op.  cit. 
T.  II,  p.  231. 

(3)  L'use  avait  notamment  pour  effet  de  soustraire  le  tenan- 
cier apparent  aux  obligations  et  services  féodaux  qui  n'étaient 
dus  que  par  les  propriétaires.  L'use  pouvait  aussi  être  trans- 
mise par  testament,  alors  que  les  lois  en  vigueur  interdisaient 
les  legs  de  biens  fonds. 


LA   THÉORIE    DES    USES  19 

nombreux  naquirent  de  la  difficulté  où  se  trouvèrent  le'- 
acquéreurs  de  connaître  l'étendue  des  droits  de  leur  ven- 
deur. Pour  prévenir  ces  procès,  la  Cour  de  la  Chancelle- 
rie admit  peu  à  peu  que  celui  qui  avait  l'use,  qui  était 
donc  le  possesseur  apparent,  pouvait  valablement  aliéner 
la  pleine  propriété  de  l'immeuble  dont  il  jouissait. 

Sanctionnée  progressivement  par  diverses  lois  à  partir 
du  règne  de  Richard  II,  cette  solution  fut  imposée  aux 
cours  du  droit  commun  par  le  Statute  of  Uses  (1536)  (1).  Ce 
statut  réunit  la  saisine  légale  du  fidéicommissaire  à  la 
propriété  équitable  du  bénéficiaire.  Il  investit  ce  dernier 
du  légal  estate,  le  considère  comme  le  véritable  proprié- 
taire et  l'assujettit  envers  le  seigneur  aux  redevances  féo- 
dales et  aux  autres  services  auxquels  il  échappait  aupara- 
vant. 

Cette  réforme  semblait  devoir  faire  rentrer  les  Uses 
dans  le  droit  commun  et  amener  de  nouveau  les  partie» 
à  employer  pour  les  transmissions  de  propriété  les  for- 
mes primitives  et  publiques,  jadis  en  usage. 

Un  concours  étrange  de  circonstances  et  une  coutume 
devenue  trop  forte  pour  pouvoir  être  supprimée  par  la 
loi,  joints  à  une  interprétation  d'une  étroitesse  presque 
superstitieuse,  produisirent  des  effets  diamétralement  op- 
posés à  ceux  espérés.  La  distinction  entre  la  propriété 
légale  et  la  propriété  équitable  se  trouva  revivifiée  dans 
le  bargain  and  sale  ;  le  seul  résultat  du  Statut  des  Uses 
fut  de  faire  appliquer  au  légal  inierest  de  la  common  law 
les  règles  et  principes  imaginés  par  la  juridiction  d'équité 
pour  les  uses  (2).  Le  législateur,  avait  une  fois  de  plus, 
compté  sans  les  artifices  de  procédure  que  les  juriscon- 
sultes anglais  ont  toujours  employés  «  comme  une  arme 
destinée,  sinon  à  détruire,  du  moins  à  modifier  le  régime 
de  la  terre,  ses  caractères,  ses  modes  de  transmission  (3).)) 
Loin  d'être  supprimées,   les  aliénations  occultes  de  la 

.  (1)  Statut  27,  Henry  VIII,  c.  10.  V.  Digby,  op.  cit.,  p.  310. 

(2)  Digby,  op.  cit.,  p.  311;  Lebret,  op.  cit.,  p.  190. 

(3)  Glasson,  op.  cit.,  T.  IV,  p.  163.  V.  aussi  Pollock,  op.  cit., 
p.  91. 


20         l'introduction  des  livres   fonciers   en  ANGLETERRE 

propriété  étaient  donc  officiellement  instaurées  en  Angle- 
terre. 

Les  effets  nuisibles  de  cette  jurisprudence  furent  bientôt 
compris  ;  la  même  année,  le  Statute  of  Enrolments  (1)  or- 
donna à  peine  de  nullité  de  constater  toute  cession  immo- 
bilière (baigain  and  S'a/e),par  acte  authentique  (indenture) 
et  d'enregistrer  ces  actes  dans  le  délai  de  6  mois,  soit  à 
la  Cour  du  record  de  Westminster,  soit  devant  le  Custos 
Rotulorum  de  la  Cour  du  Comté  (2). 

Le  Statute  of  Enrolments,  ne  s'appliquait  qu'à  la  vente 
des  francs  tènements  héréditaires  ;  il  laissait  de  côté  les 
concessions  à  bail  de  ces  biens.  Encore  une  fois,  un 
juriste.  Sir  Francis  Moore,  trouva  dans  cette  lacune  un 
moyen  de  tourner  la  loi.  <(  Un  bail  moyennant  une  somme 
d'argent  est  fait  pour  un  an  par  le  franc-tenancier  à  l'autre 
partie  contractante.  »  Celui-ci  est,  par  le  paiement,  saisi 
de  Vuse  pour  le  terme  stipulé.  «  Etant  ainsi  en  possession, 
il  est  habile  à  recevoir  l'abandon  du  franc  tènement  et  du 
droit  de  reversion  qui  ne  peut  se  faire  qu'à  un  tenancier 
saisi.  L'abandon  lui  est  donc  fait  le  jour  suivant  :  ces  con- 
ventions sont  réputées  tenir  lieu  de  la  mise  en  possession 
et  de  la  saisine,  de  sorte  qu'un  bail  et  abandon  (lease  and 
release),  équivaut  à  une  inféodation  (3).  »  L'acte  d'aban- 
don n'étant  pas  soumis  à  l'inscription,  le  Statute  ol  En- 
rolments ne  pouvait  pas  être  appliqué. 

Le  succès  de  ce  mode  d'aliénation  fut  tel,  qu'il  fut  pres- 
([ue  le  seul  employé  pendant  près  de  trois  siècles. 

L'abandon  fut  cependant  le  sujet  de  certaines  contesta- 
tions entre  vendeurs  et  acheteurs,  les  premiers  prétendant 
ne  l'avoir  jamais  consenti,  les  seconds  au  contraire  soute- 
nant l'avoir  reçu.  Pour  prévenir  de  semblables  querelles, 
le  Statute  ol  Erauds  prescrivit,  à  peine  de  nullité  de  la 

(1)  Statut  27,  Henry  VIII,  c.  16. 

(2)  Williams,  op.  cit.,  p.  187;  Digby,  op.  cit.,  p.  330. 

(3)  Blackstone.  Op.  cit.  T.  II,  c.  20.  L'ancien  lease  and  release 
exigeait  une  prise  de  possession  suivant  certaines  formes.  La 
théorie  des  uses  avait  supprimé  toute  solennité. 


LA   THÉORIE   DES   USES  21 

convention,  la  rédaction  d'un  acte  écrit,  signé  du  cédant 
et  constatant  l'abandon  du  franc-tènement.  Le  même  texte 
exigeait  également  la  confection  d'un  contrat  de  bail, 
lorsque  la  location  avait  plus  de  3  ans  de  durée  (1). 

Les  deux  actes  de  lease  et  de  release  furent  exigés  jus- 
qu'en 1841.  Dès  cette  époque,  afin  de  diminuer  les  frais, 
l'acte  d'abandon  fut  seul  nécessaire  (2).  Quelques  années 
après,  en  1845,  une  loi  assimila  les  biens  corporels  aux 
biens  incorporels  et  décida  <<  qu'un  acte  sous  seings  pri- 
vés, signé  et  scellé  [deed),  opérerait  désormais  la  trans- 
mission d'un  bien  fonds  aussi  efficacement  que  la  tradi- 
tion (3).  »  C'est  le  signal  de  l'abandon  définitif  de  l'investi- 
ture et  même  des  actes  de  release  (4)  ;  l'accord  des  volon- 
tés suffit  désormais  à  transférer  la  propriété.  Un  acte  est 
rédigé  ;  le  vendeur  donne  un  des  exemplaires  à  l'acqué- 
reur en  prononçant  les  paroles  suivantes  :  «  Je  vous  re- 
mets cet  écrit  comme  étant  mon  fait  et  mon  acte.  (/  deliver 
Il  ou  this  as  my  act  and  deed).  »  A  partir  de  ce  moment, 
l'aliénation  est  consommée. 

Telles  sont,  rapidement  examinées,  les  phases  par  les- 
quelles a  passé,  dans  l'histoire  des  institutions  juridiques 
anglaises,  la  transmission  de  la  propriété.  M.  Lebret  a 
caractérisé  avec  une  grande  netteté  cette  évolution.  <(  La 
translation  était,  sous  le  régime  de  la  Common  Law,  en- 
tourée d'une  certaine  publicité  ;  elle  ne  pouvait  s'opérer, 
en  effet,  que  par  leoflment  (inféodation),  suivie  d'investi- 
ture ou  par  la  procédure  des  |me  ou  recovery  ou  par  la 
conveyance  d'un  estate  lor  years  (cession  à  bail)  suivie 

(1)  Statut  29,  Charles  II,  c.  3.  V.  Glasson,  op.  cit.  T.  V, 
p.  281;  Williams,  op.  cit.,  p.  151. 

(2)  Statut  4  et  5  Victoria,  c.  21,  confirmé  en  1844  par  le  Statut 
V  et  8  Victoria,  c.  76,  <(  an  act  to  simplify  the  transfer  of  tlie 
property.  » 

(3)  St.  8  et  9  Victoria,  c.  106,  «  an  act  to  amend  the  law  of  real 
property  ». 

(4)  Les  aliénations  en  justice  avaient  été  supprimées  en  1833 
par  le  St.  3  et  4,  Guillaume  IV,  c.  74,  «  an  act  for  the  abolition 
of  fines  and  recoveries.  » 


22         l.lMRODrCTIOX  DES   LIVRES   FONCIERS  EX  ANGLETERRE 

du  reiease,  en  un  mot  par  des  formes  qui,  impliquant  à 
un  moment  déterminé  une  tradition  réelle  de  la  terre  ou 
une  sentence  publique,  étaient  dans  une  certaine  mesure 
connues  des  tiers  intéressés...  La  même  sécurité  ne  se 
retrouve  pas  dans  les  formes  de  l'aliénation  des  uses  et 
dans  les  modalités  dont  elles  sont  susceptibles  ;  d'une 
part,  plus  de  mise  en  possession  réelle  qui  annonce  la 
mutation  du  droit,  mais  une  simple  convention  absolu- 
ment dispensée  de  solennité.  D  autre  part,  liberté  pleine 
et  entière  d'affecter  la  création  des  uses  de  conditions 
et  de  modalités  quelconques,  de  les  constituer  même  in 
futurum  (1).  » 

La  clandestinité  des  aliénations  immobilières  qui  se  dé- 
veloppa à  Fombre  du  Statut  des  uses  rendit  bientôt  fort 
compliquée  la  conclusion  de  tous  les  actes. L'acquéreur  dut 
rechercher,  avant  de  contracter,  si  des.  transferts  ou  des 
constitutions  de  droits  réels  occultes  n'avaient  pas  limité 
les  droits  du  propriétaire  apparent  ;  il  dut  en  quelque 
sorte  faire  l'histoire  de  la  propriété,  d'après  les  titres 
qui  lui  furent  remis  par  le  vendeur  (2). 

Celui-ci  ne  peut  généralement  invoquer  comme  preuve 
incontestée  de  ses  droits,  qu'une  possession  non  troublée, 
continue  et  d'une  certaine  durée.  Les  titres  ne  font  que 
corroborer  cette  possession  et  qu'indiquer  en  quelle  qua- 
lité le  vendeur  a  joui  de  la  propriété.  Lexamen  des  titres 
et  cette  constatation  de  la  possession,  soulèvent  des  ques- 
tions fort  délicates  qui  nécessitent  presque  toujours  l'in- 
tervention d'un  spécialiste  versé  dans  la  législation  et  la 
jurisprudence  immobilières. -L'acquéreur  doit  s'adresser 
à  lui,  s'il  ne  veut  pas  s'exposer  à  éprouver  plus  tard  de 
sérieux  mécomptes. 

Le  vendeur  remet  au  représentant  de  l'acquéreur  un 
abstract  of  title  ou  résumé  des  titres  de  propriété  :  ce  do- 
cument relate  toutes  les  transactions  immobilières  faites 
par  voie  de  ventes,  de  mortgages,  de  baux,  de  constitution 

(1)  Op.  cit.,  p.  187  et  suiv. 

(2)  PoLLOCK,  op.  cit.,  p.  168  et  suiv. 


LA  THÉORIE    DES    USE?  23 

de  rentes  foncières  durant  les  quarante  dernières  années. 
Le  soliciter  de  l'acquéreur  examine  Yabstvact  au  point 
de  vue  matériel  et  s'assure  de  la  concordance  des  énon- 
ciations  qu'il  contient  avec  les  titres  produits.  En  général, 
il  soumet  cet  extrait  à  un  conseil  qui  décide,  s'il  y  a  lieu, 
d'inviter  le  vendeur  à  compléter,  par  la  production  d'au- 
tres pièces,  la  preuve  de  ses  droits.  Finalement,  le  conseil 
déclare  si  le  vendeur  a  qualité  pour  disposer  de  la  pro- 
priété, en  admettant  l'exactitude  des  faits  consignés  dans 
Vabstract. 

Ces  investigations  représentent  pour  les  solicitors  et 
les  conseils,  un  travail  intellectuel,  l'examen  de  la  situa- 
tion juridique  de  l'immeuble,  et  un  travail  matériel  et 
presque  mécanique,  la  vérification  du  contenu  de  l'extrait 
ainsi  que  les  recherches  dans  les  bureaux  ou  greffes  dans 
lesquels  certains  actes  sont  enregistrés  et  conservés  (1). 

Pour  chaque  convention  immobilière,  si  rapprochée 
soit-elle  d'une  autre  convention  ayant  pour  objet  la  même 
propriété,  il  est  nécessaire  de  suivre  la  même  fdière  de 
formalités  qu'un  des  membres  de  la  Chambre  des  Com- 
munes a  déclarées,  dans  l'enquête  de  1895,  être  un  scan- 
dale (2).  Cette  procédure  occasionne  de  longs  retards  et 
des  frais  élevés.  Le  vendeur  en  subit  le  plus  souvent  les 
conséquences  et  ne  vend  sa  propriété  qu'à  un  prix  infé- 
rieur à  sa  valeur  réelle  :  il  supporte  une  taxe  exorbitante 
qui  pèse  d'un  même  poids  sur  toutes  les  aliénations  quelle 
que  soit  leur  valeur  (3).  Les  grands  propriétaires  sont 
même,  en  fait,  les  mieux  traités,  car  leurs  domaines  sont 
détenus  par  eux  en  vertu  de  titres  historiques  ou  de  pos- 

(1)  Voyez  plus  loin,  p.  40  et  suiv. 

(2)  Land  Transfer  Bill.  1895.  Interrogatoire  de  M.  Wols- 
tenholme,  par  M.  Haldane.  Question  n*'  607. 

(3)  ((  La  transmission  de  la  propriété  immobilière  est  sou- 
mise par  la  loi  à  des  difficultés  et  à  des  dépenses  telles,  que  le 
Comité  est  convaincu  que  la  valeur  des  biens  fonds  est  considé- 
rablement diminuée  par  les  procédés  ennuyeux  et  coûteux  qui 
accompagnent  tout  transfert.  »  Select  Committee  of  the  House 
of  Lords  de  1846. 


24         l'introduction  des  livres   fonciers   en   ANGLETERRE 

sessions  si  connues,  qu'il  est  inutile  de  procéder  à  de  mi- 
nutieuses vérifications.  Au  contraire,  les  petits  proprié- 
taires doivent  se  soumettre  à  toutes  les  investigations  qui 
peuvent  être  légalement  exigées  :  le  régime  de  clandesti- 
nité aboutit  ainsi  à  créer  au  détriment  de  la  petite  pro- 
priété une  inégalité  déplorable  et  injuste.  On  aurait  pu, 
malgré  tout,  prendre  la  défense  de  ce  système,  si  le  ré- 
sultat de  tous  ces  frais  et  de  tous  ces  ennuis  avait  été  de 
donner  à  l'acquéreur  la  certitude  absolue  que  le  vendeur 
pouvait  valablement  lui  transmettre  la  propriété  (1)  ;  il 
n'en  est  pas  ainsi. 

Le  détenteur  actuel  d'un  bien  fonds  peut  rarement  offrir 
à  son  acheteur  toutes  les  garanties  qu'en  droit  strict  celui- 
ci  pourrait  exiger.  Le  vendeur,  afin  de  se  prémunir  contre 
des  demandes  de  preuves  qu'il  lui  serait  impossible  ou 
ruineux  de  satisfaire,  examine  ses  propres  titres  avant 
d'engager  aucun  pourparler  et  aliène  en  posant  des  con- 
ditions de  vente  soigneusement  définies,  limitant  la  durée 
des  recherches  dans  le  passé  et  l'étendue  des  preuves  à 
fournir.  Cette  pratique  met  l'acquéreur  en  demeure,  soit 
de  renoncer  à  posséder  un  immeuble  dont  il  peut  avoir 
besoin,  soit  de  passer  sous  les  fourches  caudines  du  ven- 
deur. 11  court,  dans  ce  dernier  cas,  un  risque  que  tout 
examen,  si  minutieux  soit-il,  ne  saurait  prévenir. 

Des  actes  de  disposition  non  mentionnés  dans  les  titres 

(1)  ((  Il  est  possible  d'atteindre  un  degré  de  certitude 
suffisant  pour  satisfaire  un  homme  prudent,  mais  on 
n'j^  arrive  qu'après  des  retards,  des  difficultés  et  des  dépenses 
considérables.  Le  grand  malheur  ne  réside  pas  dans  cette  incer- 
titude des  titres,  mais  dans  la  complication  et  les  frais  des 
investigations.  »  Cette  réponse  aux  Real  Property  commission- 
ners  (citée  par  PoUock.,  op.  cit.,  p.  173),  est  contraire  à  l'idée 
que  nous  émettons.  Les  propriétaires,  croyons-nous,  seraient 
assez  disposés  à  faire  les  frais  nécessaires,  s'ils  étaient  assurés 
en  retour  de  posséder  un  bien  dont  la  propriété  ne  pourra  ja- 
mais leur  être  contestée.  D'ailleurs,  les  frais  sont  la  conséquence 
de  l'origine  douteuse  de  la  propriété  :  tant  que  la  base  de  la 
propriété  ne  sera  pas  solidement  établie,  les  frais  seront  tou- 
jours sensiblement  les  mêmes. 


LA   THÉORIE    DES    USES  25 

peuvent  avoir  aussi  limité  le  droit  du  propriétaire.  La 
clause  d'un  testament  a,  par  exemple,  grevé  une  terre 
d'une  charge  foncière  :  un  contrat  de  mariage  a  réduit 
Yinterest  à  un  droit  purement  viager.  L'examen  des  titres 
est,  dans  cette  hypothèse  encore,  impuissant  à  donner 
entière  sécurité  à  l'acheteur  (1). 

Enfm.  la  doctrine  du  mortgage  équitable  a  apporté, 
dans  la  conclusion  des  emprunts  hypothécaires,  un  nouvel 
élément  d'incertitude.  Le  mortgage  légal  est  une  cession 
conditionnelle  de  la  propriété,  cession  qui  deviendra  défi- 
nitive si,  au  terme  fixé,  l'emprunteur  n'a  pas  remboursé  le 
prêt.  Il  est,  comme  une  vente  ordinaire,  accompagné  de 
la  remise  des  titres  de  propriété  au  créancier  :  La  trans- 
mission des  titres  est  exigée,  afin  d'interdire  à  l'emprun- 
teur de  s'en  servir  pour  consentir  de  nouvelles  aliénations 
ou  de  nouveaux  mortgages  (2). 

Le  mortgage  équitable,  au  contraire,  n'est  qu'un  enga- 
gement souscrit  par  le  débiteur  au  profit  du  créancier.  Il 
promet  au  créancier  de  lui  céder  l'immeuble  grevé  si 
le  prêt  n'a  pas  été  remboursé  à  l'échéance.  Les  créanciers 
exigent  en  outre  le  plus  souvent  le  dépôt  des  titres  entre 
leurs  mains  comme  pour  les  mortgages  légaux.  Mais,  ce 
n'est  qu'une  garantie  accessoire  qui,  si  elle  n'a  pas  été 
demandée,  n'empêche  pas  le  mortgage  équitable  d'exis- 
ter. Des  mortgagistes  ou  des  acquéreurs  postérieurs  peu- 
vent par  conséquent  ignorer  l'existence  de  l'obligation 
contractée  lorsque  les  titres  sont  restés  en  possession  du 
débiteur.  D'ailleurs,  même  lorsque  certains  actes  ont  été 
remis,  rien  ne  prouve  que  l'emprunteur  n'ait  pas  con- 
servé, par  devers  lui,  d'autres  pièces  donî  il  pourra  faire 
usage  à  l'occasion.  S'il  est  habile  et  peu  scrupuleux,  de 
multiples  moyens  de  se  procurer  de  l'argent  lui  sont 
offerts.  Il  peut  consentir  un  mortgage  équitable  en  dépo- 
sant une  partie  de  ses  titres  entre  les  mains  d'un  premier 

(1)  V.  POLLOCK,  op.  cit.,  p.  130  et  suiv. 

(2)  Si  le  créancier  laisse  des  titres  entre  les  mains  du  débiteur, 
il  y  a  contre  lui  présomption  de  complicité  qui  lui  fait  perdre 
son  droit  de  préférence. 


26         l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

prêteur  ;  un  second  mortgage  équitable  en  remettant  l'au- 
tre partie  de  ses  titres  à  un  deuxième  prêteur.  Avec  un 
troisième  prêteur,  il  fera  une  convention,  par  laquelle 
il  s'engagera  d'une  manière  expresse  à  lui  céder  sa  pro- 
priété en  cas  de  non-remboursement  du  prêt.  L'absence 
de  titres  pour  garantir  l'exécution  de  cette  obligation  ren- 
dra peut-être,  cette  opération  difficile  en  faisant  naître 
des  soupçons  sur  l'existence  de  charges  réelles  anté- 
rieures ;  l'expérience  a  cependant  prouvé  qu'un  escroc 
avisé  peut  trouver  des  bailleurs  de  fonds,  que  cette  irré- 
gularité n'arrête  pas.  Enfin,  le  même  emprunteur 
peut  ^exécuter  un  transport  légal  de  mortgage  à  un 
quatrième  prêteur.  Cette  quadruple  opération  aura  pour 
effet  de  rendre  la  valeur  de  la  propriété  insuffisante  pour 
désintéresser  les  créanciers  qui  ont  cru,  tous  les  quatre, 
être  seuls  appelés  à  recevoir  le  prix  du  gage  qui  leur  était 
offert. 

Le  règlement  judiciaire  des  contestations  entre  créan- 
ciers au  sujet  de  leur  ordre  de  préférence  réside,  à  l'heure 
actuelle,  dans  la  solution  des  problèmes  les  plus  com- 
pliqués. La  Cour  de  la  Chancellerie  a  essayé  de  poser 
quelques  règles  générales,  mais  leur  application  conduit 
aux  résultats  les  plus  imprévus  et  aux  conséquences  les 
plus  injustes.  A  tel  point  qu'»  il  est  permis  de  douter  si  ces 
raffinements  n'ont  pas  en  réalité  fait  plus  de  mal  que  de 
bien(l).  » 

La  consécration  par  la  loi  de  la  soudure  et  de  la  consoli- 
dation, ajoute  aussi  un  nouvel  élément  d'instabilité  à  la 
situation  des  créanciers  hypothécaires.  En  vertu  du  prin- 
cipe de  la  soudure  un  créancier  premier  en  rang 
qui  a  prêté  une  somme  sur  sûreté  réelle  et  consent  un 
deuxième  prêt  sur  la  même  sûreté,  peut  faire  colloquer 
ce  deuxième  prêt  au  même  rang  que  le  premier,  nonobs- 
tant tous  les  mortgages  contractés  entre  les  deux  opéra- 
lions.  La  consolidation,  d'autre  part,  permet,  lorsque  plu- 
sieurs hypothèques  ont  été  prises  sur  plusieurs  immeu- 
bles   par    un    même    prêteur    et    pour    des    créances 

(1)  POLLOCK,  op.  cit.,  p.  134. 


LA   THEORIE    DES    USES 


diverses,  de  rendre  chacun  des  immeubles  garant  du 
paiement  de  toutes  ces  créances  au  rang  où  Ihypothèque 
spéciale  à  cet  immeuble  a  été  consentie.  Le  droit  civil 
anglais  ignore  donc  les  principes  de  la  spécialité  et  de  la 
priorité  des  créanciers  hypothécaires. 

Un  prêteur  peut,  par  conséquent,  s'assurer  lui-même,  en 
exigeant  la  production  des  titres  qu'il  n'y  a  pas  de  mort- 
gage.  S'il  n'est  pas  fait  droit  à  sa  demande,  c'est  qu'il 
existe  au  moins  un  mortgage  antérieur  au  sien  ;  mais  ce 
mortgage  existe-t-il  seul  ou  des  mortgages  postérieurs 
au  premier  ont-ils  été  déjà  consentis  par  actes  subsidiai- 
res ?  il  ne  peut  en  avoir  la  certitude.  Dès  lors,  les  créan- 
ciers ne  peuvent  constater  le  rang  auxquels  ils  ont 
droit  (1).  Situation  défavorable  aux  prêteurs  sans  doute, 
mais  surtout  aux  emprunteurs  qui,  une  fois  un  mortgage 
consenti,  ne  peuvent  plus  se  servir  de  leur  crédit  immobi- 
lier, car  les  bailleurs  de  fonds  sérieux  ne  trouvent  plus 
dans  le  gage  qui  leur  est  offert,  une  garantie  suffisante. 

Les  acheteurs  ou  les  créanciers  ne  sont  pas  seulement 
trompés,  avec  le  système  des  transactions  occultes,  sur 
la  valeur  de  la  propriété  transmise  ou  hypothéquée.  Des 
témoins,  convoqués  lors  des  enquêtes  parlementaires,  ont 
cité  des  procès  dont  ils  eurent  connaissance  où  grâce  à 
des  faux,  à  des  falsifications  d'actes,  à  des  triples  et  même 
quadruples  expéditions  de  contrats  obtenus  de  solicitors 
circonvenus,  des  escrocs  hardis  avaient  fait  deux  ou  trois 
ventes'  successives  d'un  même  immeuble,  ou  consenti 
des  droits  réels  après  avoir  vendu  déjà  la  terre  qu'ils  pré- 
tendaient grever  (2). 

Sir  Frederick  Pollock,  qui  ne  peut  être  suspecté  d'hos- 
tilité envers  le  régime  des  transactions  occultes,  porte  ce 
jugement  plutôt  sévère  dans  son  ouvrage  sur  les  Lois  fon- 
cières «  Au  cours  du  xvif  et  du  xviif  siècle,  les  conveyan- 

(1)  Ce  danger  existe  d'une  façon  si  réelle,  que  le  législateur 
anglais  a  dû  créer  un  délit  spécial  visant  les  fraudeurs:  le 
misdemeanor,  puni  d'amende  et  d'emprisonnement. 

(2)  Land  Transfer  Bill.  1895.  L.  High.  Chancellor.  Ques- 
tions 15,  16,  120,  121,  297-300. 


28         l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

ces  ont  été  conduites  d'après  un  système  d'investigation 
privée  des  titres  qui  est  encore  en  usage  et  qui,  bien 
qu'extrêmement  gênant  et  coûteux,  est  suffisamment  effi- 
cace. Je  dis  seulement  qu'il  est  suffisamment  efficace,  car 
il  laisse  subsister  des  possibilités  de  fraudes,  qu'aucune 
précaution  ordinaire  ne  saurait  exclure.  De  temps  à  autre, 
un  grand  malheur  arrive  du  fait  de  ce  régime  à  des  per- 
sonnes qui  ont  donné  leur  argent  de  bonne  foi  et  n'ont 
cependant  nullement  été  négligentes  (1).  »  Ces  dangers 
sont  même  plus  grands  qu'on  ne  le  suppose.  «  On  a  pré- 
tendu, a-t-on  dit,  qu'il  y  avait  très  peu  de  fraudes  avec 
notre  système  de  transmissions  occultes  de  la  propriété. 
Il  est  peut-être  vrai  que  les  cas  litigieux  soient  relative- 
ment rares,  mais  considéré  au  point  de  vue  absolu,  le 
nombre  des  procès  soumis  de  ce  chef  aux  tribunaux  est 
fort  élevé  (2),  »  et  «  il  n'est  pas  un  seul  acheteur  cie  terre 
en  Angleterre  qui  puisse  payer  son  prix  d'achat  en  toute 
confiance  (3).  » 

En  résumé  les  retards,  l'élévation  des  frais,  l'insécurité 
des  droits  réels,  sont  les  trois  défauts  principaux  de  la 
clandestinité. 

(1)  Op.  cit.,  p.  105. 

(2)  Land  Transfer  Bill,  1895.  M.  Haldane.  Question  296. 

(3)  M.  H.  Elphinstone.  Cité  dans  l'Annuaire  de  Législation 
étrangère  de  1889.  (Notice  sur  la  loi  du  24  octobre  1888,  pour 
r Enregistrement  de  certaines  charges  foncières.  Récemment, 
le  7  mai  1902,  la  Cour  criminelle  centrale  d'Angleterre  a 
eu  à  juger  un  procès  dans  lequel  deux  propriétés  avaient  été 
mortgagées  17  fois  pour  une  somme  totale  de  10.400  livres  ster- 
lings;  deux  autres  propriétés,  12  fois  pour  une  somme  de 
10.000  livres  sterlings  et  sur  une  dernière  propriété,  1.700  livres 
sterlings  avaient  été  prêtées  en  deux  mortgages  différents.  Il 
fut  même  établi  qu'antérieurement  au  procès,  les  prêts  consen- 
tis s'étaient  élevés  au  total  à  50.000  livres  sterlings  (cité  par 
Brickdale,  Report  of  the  Registrar  of  the  Land  Eegistry,  1902, 
p.  26,  §  127.) 


CHAPITRE  III 

DIVERS  SYSTÈMES  DE  TRANSMISSION  DES  DROITS  RÉELS.  —  AVAN- 
TAGES ET  INCONVÉNIENTS.  —  LACT  TORRENS 


Lorsqu'on  étudie  les  solutions  adoptées  par  les  diverses 
législations  modernes  en  vue  de  donner  à  la  propriété  fon- 
cière une  assiette  solide  et  de  faciliter  les  diverses  con- 
ventions dont  elle  peut  être  l'objet,  on  trouve  que  ces  légis- 
lations se  répartissent  en  trois  groupes  distincts  :  Les 
unes  sont  sous  le  régime  des  transactions  occultes  ;  les 
autres  prescrivent  la  publicité  des  actes  ;  d'autres  enfin 
ont  adopté  le  principe  des  Livres  fonciers. 

Le  régime  des  transactions  occultes  a  conservé  parmi 
les  civilistes  un  certain  nombre  de  partisans.  Seul,  il  leur 
paraît  conforme  au  principe  moderne  de  la  liberté  des 
contrats,  seul  aussi  il  respecterait  pleinement  la  volonté 
des  parties.  Le  droit  de  propriété,  disent-ils,  est  dans  son 
essence  un  droit  absolu,  que  des  prescriptions  législatives 
ne  peuvent  limiter.  Tout  propriétaire  doit  jouir  et  disposer 
de  sa  terre  sans  aucun  contrôle.  Les  conventions  par  les- 
quelles il  exerce  son  pouvoir,  doivent  être  définitives  et 
valables  dès  qu'il  a  consenti  à  les  contracter.  Contraindre 
les  propriétaires  à  soumettre  leurs  actes  à  des  formalités 
de  publicité  ou  au  contrôle  d'agents  de  l'Etat  serait  la 
négation  du  caractère  essentiel  de  la  propriété  et  des  tra- 
ditions d'individualité  et  d'initiative  personnelles  placées 
à  la  base  des  institutions  démocratiques. 

L'évolution  des  principes  juridiques,  soit  dans  le  droit 
romain,  soit  dans  les  coutumes  féodales,  prouve  que,  dans 
un  état  avancé  de  civilisation,  les  règles  d'un  formalisme 
étroit,  usitées  à  l'origine,  ne  sont  plus  applicables.  Cette 
transformation  trouve  d'ailleurs  son  explication  dans  la 
nature  même  des  conventions  immobilières.  Leur  objet, 
en  effet,  n'est  pas  la  tradition  d'une  chose  réelle,  d'une 


30         l'introduction  des   livres   fonciers  en   ANGLETERRE 

maison  ou  d'un  champ,  mais  du  droit  que  le  délenteur 
actuel  possède  sur  cette  maison  ou  sur  ce  champ  ;  or,  un 
droit  est  une  chose  immatérielle  dont  l'exercice  seul  se 
révèle  par  des  actes  tangibles.  La  transmission  du  droit 
ne  doit  donc  pas  nécessiter  des  formalités  extérieures  ; 
la  volonlé  des  parlies  une  fois  concordante,  suffit  à  assu- 
rer le  transfert  (1). 

Cette  doctrine  est  celle  du  droit  romain:  la  vente, rangée 
dans  la  catégorie  des  contrats  consensuels  (2),  ne  créait, 
il  est  vrai,  que  des  obligations  entre  acheteurs  ou  ven- 
deurs ;  mais  la  tradition,  exécution  de  lobligation  con- 
tractée, avait  elle-même  lieu  sans  aucune  publicité.  Nous 
avons  vu  que  le  droit  anglais  se  rattache  par  des  liens 
étroits  à  cette  théorie.  La  France,  enfin,  n'a  pas  encore 
complètement  rompu  avec  elle,  malgré  les  prescriptions 
du  Code  civil  modifiées  et  complétées  par  la  loi  de  1855. 
Mais  la  plupart  des  autres  pays  l'ont  aujourd'hui  aban- 
donnée. 

Sans  méconnaître  le  caractère  absolu  du  droit  de  pro- 
priété, il  peut  en  effet  paraître  nécessaire  de  soumettre 
les  conventions  immobilières  à  certaines  formalités. Car  le 
propriétaire  n'est  pas  le  seul  en  cause  ;  les  tiers  avec  les- 
quels il  traite  ne  doivent  pas  être  laissés  à  la  merci  des 
manœuvres  frauduleuses,  dont  nous  avons  constaté  l'exis- 
tence en  Angleterre. Leurs  intérêts,  aussi  respectables  que 
ceux  du  propriétaire,  méritent  d'être  d'autant  mieux  proté- 
gés que  les  transactions  immobilières,  de  plus  en  plus 
compliquées  et  nombreuses,  présentent  dans  la  circula- 

(1)  M.  Worms  a  critiqué  en  ces  termes,  au  point  de  vue  fran- 
çais, cette  théorie.  <(  Les  amateurs  d'immatérialité  ne  peuvent 
cependant  oublier  que  c'est  l'excès  de  cette  tendance,  que  c'est 
la  carrière  saris  frein  ouverte  aux  manifestations,  parfois  dé- 
loyales de  la  volonté  individuelle,  qui  a  obligé  le  législateur  à 
intervenir  en  1855  à  la  demande  et  à  la  satisfaction  générales.  » 
Com.  extrap.  du  cad.  T.  I,  p.  195. 

(2)  Gaius,  3,  136,  Inst.  a  Ideo  autem  istis  modis  consensu  dici- 
mus  ohligationes  contrahi  quia  neque  verhoruni  neque  ^criptu- 
rœ  ulla  proprietas  desideratur,  sed  sufficit  eos  qui  negotium 
gerunt  consensisse.  » 


DIVERS  SYSTÈMES  DE  TRANSMISSION  DES  DROITS  RÉELS  31 

tion  générale  des  richesses  d'un  pays  une  notable  pari. 
Leur  importance  et  leur  fréquence  donnent  à  ces  opéra- 
tions un  caractère  d'intérêt  public,  devant  lequel  le  droit 
du  propriétaire  doit  s'incliner. 

Les  législateurs  ont  en  conséquence  posé  de  nouveaux 
principes  et  institué,  soit  la  publicité  des  actes,  soit  les 
Livres  fonciers.  Les  partisans  du  système  de  la  publicité 
ne  prétendent  pas  modifier  les  conditions  dans  lesquelles 
sont  actuellement  conclues  les  ventes  et  les  hypothèques. 
Ils  admettent  que  la  signature  d'un  acte  authentique  suf- 
fit à  affecter  un  immeuble  à  la  garantie  dune  créance, 
que  l'accord  des  volontés  opère  immédiatement  le  trans- 
fert de  la  propriété.  Mais  si  ces  contrats  sont  dès  ce  mo- 
ment consommés  vis-à-vis  du  vendeur  et  du  débiteur,  ils 
ne  le  sont  pas  vis-à-vis  des  tiers.  Ils  ne  peuvent  être  invo- 
qués contre  eux  qu'après  avoir  fait  l'objet  d'une  inscrip- 
tion sur  le  registre  officiel.  Entre  la  conclusion  de  l'acte  et 
la  formalité  de  la  publicité,  le  vendeur  ou  l'emprunteur 
est  encore,  au  regard  des  tiers,  le  seul  propriétaire  :  une 
personne  qui,  ignorant  le  contrat  antérieur,  aurait  de 
bonne  foi  fait  marché  avec  lui,  et  aurait  soumis  son  acte 
à  l'enregistrement,  serait  préférée  au  premier  acquéreur 
qui  aurait  négligé  d'accomphr  cette  formalité.  Le  droit 
réel  de  ce  dernier  se  résoudrait  en  une  simple  action 
personnelle  contre  le  vendeur  ou  l'emprunteur. 

Ce  principe  une  fois  admis  que  tout  droit  réel  doit. pour 
être  opposable  aux  tiers,  faire  l'objet  d'une  inscription  sur 
un  registre  officiel,  les  législations  se  séparent  sur  l'éten- 
due de  l'obligation  ainsi  imposée  aux  bénéficiaires.  En 
France,  par  exemple,  la  loi  de  1855  prescrit  la  transcrip- 
tion des  actes  attributifs  de  propriété,  alors  que  les  mu- 
tations après  décès,  de  même  que  les  actes  déclaratifs  de 
propriété  en  sont  dispensés  (l).Le  Code  civil,  d'autre  part, 
a  établi  en  principe  la  nécessité  de  l'inscription  des  hypo- 
thèques, mais  les  privilèges  immobiliers  et  généraux  et 

(1)  Sous  l'Ancien  Régime,  les  ordonnances  de  Villers  Cotte- 
rets  (1539)  et  de  Moulins  (1566)  pour  les  donations,  les  ordon- 
nances d'Orléans  (1561)  et  de  Moulins  (1566)  pour  les  substitu- 


32         l'introduction   des   livres   fonciers   E.\   ANGLETERRE 

plusieurs  des  hypothèques  légales  se  conservent  sans  ins- 
cription. 

La  publicité  a,  au  contraire,  été  portée  à  ses  extrêmes 
conséquences  en  Belgique,  en  Italie  et  dans  le  grand 
duché  de  Luxembourg  (1).  Toutes  les  conventions  immo- 
bilières sont  soumises  à  Tinscription  et  les  hypothèques 
générales  occultes  existant  en  France  ont  été.  transformées 
en  hypothèques  spéciales  mentionnées  sur  les  registres 
des  conservations  (2). 

La  publicité  donne  aux  actes  une  notoriété  certaine  et 
protège  ainsi  les  tiers  :  elle  n'est  cependant  qu'un  palla- 
dium relatif.  Le  vendeur  ne  peut  transmettre  à  l'acquéreur 
plus  de  droits  qu'il  n'en  possède  lui-même  :  nemo  plus 
juris  translerre  potest  quant  ipse  habet.  Si  l'auteur  n'est 
pas  le  véritable  propriétaire,  son  ayant-droit  ne  peut  s'op- 
poser, en  invoquant  son  inscription,  à  une  action  en  reven- 
dication du  véritable  propriétaire  évincé.  Une  cause  d'in- 
sécurité, de  discrédit  subsiste  donc.  En  outre,  la  publicité 
n'est  pas  complètement  satisfaisante  au  point  de  vue  de  la 
rapidité  des  transactions  et  des  frais.  L'examen  des  actes 
est  encore  nécessaire  pour  connaître  la  situation  juridique 
exacte  de  la  propriété  ;  ces  actes  sont  inscrits  à  la  suite 
les  uns  des  autres  sur  les  registres.  Pour  permettre  de  s'y 
reporter,  un  répertoire  des  noms  des  contractants  est  tenu 
concurremment.  Mais  comme  un  certain  nombre  de  mu- 
tations, quelque  rigoureuses  que  soient  les  sanctions  atta- 
chées au  défaut  d'enregistrement,  ne  sont  pas  inscrites, 
les  recherches  dans  les  registres  ne  permettent  pas  le  plus 
souvent  d'établir  l'origine  complète  de  la  propriété. Il  faut, 
avant  de  faire  ces  recherches,  s'enquérir  des  noms  des 

tions  fidéicommissaires,  l'édit  de  décembre  1703  pour  toutes  les 
mutations  immobilières  avaient  prescrits  l'insinuation  de  ces 
actes.  L'édit  de  Colbert  de  1673  avait  aussi  créé  la  publicité 
hypothécaire. 

(1)  Belgique,  L.  16  décembre  1851.  Italie,  L.  2  avril  1865. 
On  peut  aussi  ranger  dans  cette  catégorie  le  Wurtemberg  et  la 
Bavière. 

(2)  V.  WoRMS.  Comm.  cxtrap.  du  cad.  Proc.-verb.  T.  I, 
p.  194. 


DIVERS  SYSTÈMES  DE  TRANSMISSION  DES  DROITS  RÉELS  33 

propriétaires  successifs,  afin  de  pouvoir,  au  besoin,  ne  pas 
être  arrêté  par  les  lacunes  qui  sont  le  résultat  du  défaut  de 
publicité  d'un  certain  nombre  d'actes.  Examen  et  recher- 
ches sont  donc  longs  et  délicats  et  occasionnent  aux  ac- 
quéreurs d'assez  lourdes  dépenses  (1). 

La  publicité  des  actes  entretient  par  son  insuffisance 
«  des  droits  de  propriété  malaisés,  impropres  à  la  circu- 
lation, dangereux  pour  le  crédit  et,  somme  toute,  ne  pou- 
vant procurer  à  leur  titulaire  qu'une  utilité  restreinte  (2).  » 

D'autres  législations  ont  cherché,  dans  l'établissement 
des  Livres  fonciers,  le  moyen  d'assurer  à  la  propriété  fon- 
cière une  sécurité  complète  et  une  grande  facilité  des 
transactions. 

Les  Livres  fonciers  ont  pour  base,  non  seulement  l'ins- 
cription sur  un  registre  des  actes  relatifs  aux  biens  fonds, 
mais  aussi  l'immatriculation  sur  ce  même  registre  des 
biens  fonds  eux-mêmes.  L'immatriculation  consiste  «  à 
réunir  toutes  les  transactions  relatives  à  une  même  pro- 
priété ou  à  un  groupe  de  propriétés  appartenant  à  un 
même  individu  sur  un  feuillet;  à  tenir  à  jour  un  état  exact 
des  transformations  affectant  le  ou  les  immeubles  inscrits 
et  à  donner  à  cet  état  une  valeur  légale  (3).  »  Cette  pra- 
tique, offre  donc  deux  avantages. 

Le  registre  tenu  par  propriété  permet,  lorsqu'on  con- 
naît la  situation  d'un  immeuble,  de  retrouver  rapidement 

(1)  V.  General  and  detailed  reports  on  the  Systems  now  in  ope- 
ration  in  Germany  and  Austria  Hungary,  p.  13. 

(2)  Gide.  Etude  sur  TAct  Torrens,  p.  42.  M.  Rouvier,  à  la 
Séance  plénière  de  la  Commission  extraparlementaire  du  ca- 
dastre du  10  juin  1891,  a  dit  de  la  loi  française  :  «  La  publicité 
telle  qu'elle  résulte  de  la  législation  actuelle  est  impuissante  à 
conférer  par  elle-même  la  sécurité  indispensable  à  la  propriété 
foncière  et  au  développement  du  crédit  hypothécaire.  »  T.  I, 
p.  19. 

(3)  V.  General  and  detailed  reports,  etc..  Op.  cit.,  p.  13, 
§  35  et  50.  ((  Les  énonciations  du  Livre  foncier  reproduisent  la 
vie  juridique  de  la  parcelle.  ))  Marques  di  Braga.  Com.  extrap. 
du  cad.  T.  II,  p.  446. 

L.  3 


o4         L  IMRODLCTIOX  DES   LIVRES   FONCIERS   E.\   ANGLETERRE 

le  feuillet  qui  s'y  rapporte.  Il  supprime  toutes  les  recher- 
ches ditTiciles  que  nécessitent  les  registres  d'actes  pour 
arriver  à  établir  la  généalogie  des  propriétaires  succes- 
sifs. 

Les  vérifications  sont  également  de  beaucoup  simpli- 
fiées, car  l'acquéreur  trouve  sur  ce  feuillet  mention  de 
tous  les  actes  et  de  leur  objet,  alors  qu'auparavant  il 
devait  consulter  de  nombreux  registres  pour  s'assurer 
du  contenu  des  actes  qui  y  avaient  été  transcrits. 

De  plus,  rimmatriculation  de  la  propriété  et  les  ins- 
criptions postérieures  ont  des  effets  tout  différents  de 
ceux  réservés  à  la  publicité  des  actes. 

Les  législateurs,  en  instiluant  des  livres  fonciers,  ont 
en  effet  décidé  qu'ils  auraient  une  valeur  juridique  incon- 
testable. Celui  qui  traite  avec  un  propriétaire  inscrit  sur 
le  registre,  peut  affirmer  son  droit  contre  toute  reven- 
dication, même  si  son  auteur  n'était  pas  le  véritable 
propriétaire,  car  les  inscriptions  constituent,  soit  pour 
les  bénéficiaires,  soit  pour  les  tiers  ayants-droit  de  ceux- 
ci,  un  titre  inattaquable.  Cette  règle  de  la  foi  probante 
attachée  au  Lnie  foncier,  entraine  l'application  d'un 
autre  principe,  celui  de  la  légalité.  Pour  donner  une 
pareille  valeur  aux  énonciations  du  registre,  toutes  les 
inscriptions  doivent  avoir  été  prises  à  juste  titre,  en  vertu 
de  conventions  certaines  et  émanant  du  véritable  pro- 
priétaire. Oui  s'assurera  de  la  validité  des  titres  invo- 
qués à  l'appui  d'une  demande  d'inscription  ?  L'Etat  as- 
sume ce  rôle.  Le  contrat  qui.  à  l'origine,  n'était  que  la 
manifestation  de  la  volonté  concordante  des  parties,  doit, 
pour  être  complet  et  sortir  son  plein  effet,  recevoir  l'adhé- 
sion d'une  troisième  partie  :  l'Etat.  Cette  intervention, 
violemment  critiquée  par  certains  théoriciens  du  droit 
civil,  se  justifie  pleinement  par  son  utilité  pratique.  Elle 
comporte  plusieurs  conséquences. 

Les  effets  de  la  convention  se  trouvent  retardés  jus- 
qu'au moment  de  l'inscription.  L'inscription  est,  en  effet, 
la  manifestation  de  lexequatur  donné  en  quelque  sorte 
à  la  convention  par  l'autorité  publique  ;  elle  complète 
le  contrat.  Tant  qu'elle  n'a  pas  eu  lieu,  le  vendeur  reste 


DIVERS  SYSTÈMES  DE  TRANSMISSION  DES  DROITS  RÉELS  35 

propriétaire  de  l'immeuble,  et  les  droits  qui  n'ont  pas 
été  inscrits  ne  sont  pas  valables,  car  ils  n'ont  pas  reçu  la 
consécration  exigée  par  la  loi.  Au  contraire,  une  fois  l'ins- 
cription faite  sur  le  Livre  foncier,  le  bénéficiaire  a  dé- 
sormais un  droit  qui  se  trouve  à  l'abri  de  toute  reven- 
dication ultérieure. 

Les  Livres  fonciers  sont  actuellement  en  usage  en 
Allemagne  (1)  et  en  Autriche-Hongrie  (2);  les  colonies  an- 
glaises australiennes  (3),  la  plus  grande  partie  du  Canada; 
plusieurs  Etats  des  Etats-Unis,  ont  adopté  le  même  prin- 
cipe ;  en  Irlande  depuis  1891,  les  terres  détenues  en  vertu 
des  Purchase  ol  Land  Acls  doivent  être  immatriculées  ; 

(1)  La  Prusse  a  adopté  les  Livres  fonciers  dès  1783  (L.  20  dé- 
cembre). Les  lois  du  5  mai  1872  ont  revisé  cette  législation,  for- 
tifié les  sanctions  attachées  à  l'inscription  et  étendu  les  livres 
fonciers  aux  provinces  de  la  monarchie  prussienne  où  ils  n'exis- 
taient pas  déjà.  Bade  en  1809,  la  Saxe  en  1843,  et  14  des  Etats 
allemands,  de  1851  à  1884,  ont  institué  le  Grundbuch.  La  loi  du 
12  avril  1888  pour  les  provinces  rhénanes  et  la  loi  du  22  juin 
1891  pour  l'Alsace-Lorraine,  avaient  encore  étendu  le  champ 
d'application  de  ce  principe;  enfin^  la  loi  du  24  mars  1897  (entrée 
en  vigueur  le  1^"^  janvier  1900)  a,  conformément  aux  dispositions 
du  nouveau  Code  civil  allemand,  décidé  l'extension  progressive 
des  Livres  fonciers  aux  pays  de  l'Empire  qui  ne  les  ont  pas 
encore  adoptés. 

(2)  En  Autriche  et  notamment  en  Bohême,  ont  été  retrouvés 
les  plus  anciens  registres  fonciers;  ils  existaient  dès  le  XII®  siè- 
cle et  étaient  désignés  sous  le  nom  de'Landtafeln.  Le  Code  civil 
autrichien  de  1811  a  été  modifié  par  la  loi  du  25  juillet  1871 
(Grundbuchgesetz),  en  ce  qui  concerne  les  Livres  fonciers.  Ap- 
plicable seulement  là  où  les  Livres  fonciers  existaient  déjà,  elle 
est  mise  en  vigueur  dans  les  autres  provinces  sur  décision  des 
assemblées  locales:  Le  Yorarlberg  est  la  seule  province  qui  ne 
Fait  pas  encore  adoptée.  En  Hongrie,  des  ordonnances  du 
1^^  mars  1850,  18  avril  1853,  26  juin  et  15  décembre  1855,  rendues 
au  moment  de  la  dictature  autrichienne,  ont  créé  les  registres. 
Ces  textes  ont  été  quelque  peu  modifiés  par  les  lois  de  1886, 
1889  et  1891. 

(3)  Sir  R.  Torrens  a  introduit  en  1858  dans  l'Australie  du  Sud 
le  système  qui  porte  son  nom  (L.  2  juillet  1858).  Le  Queensland, 


36         l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

enfin,  la  France  a  édicté  pour  plusieurs  de  ses  nouvelles 
colonies  des  décrets  réglementaires  ressemblant  s»jr 
beaucoup  de  points  aux  lois  australiennes  (1). 

Un  examen  môme  rapide  de  ces  législations  nous  en- 
traînerait en  dehors  des  cadres  de  cette  étude.  Nous  en 
exposerons  d'ailleurs  les  traits  principaux,  lorsque  nous 
discuterons  les  principes  posés  par  la  loi  anglaise  de 
1897.  11  nous  a  semblé  cependant  que  nous  devions  rap- 
peler dans  ses  grandes  lignes  le  régime  australien.  Les 
emprunts  qui  lui  ont  été  faits  par  le  législateur  anglais 
sont  trop  importants  pour  qu'il  ne  soit  pas  nécessaire, 
avant  d'examiner  la  loi  métropolitaine,  de  connaître  celle 
qui  a  fonctionné  en  Australie  depuis  1858  à  la  satisfac- 
tion générale. 

L'immatriculation  n'est  pas  obligatoire  pour  toutes  les 
propriétés  dont  les  titres  sont  antérieurs  à  1858.  Les  pro- 
priétaires peuvent,  s'ils  le  préfèrent,  continuer  à  trans- 
mettre la  propriété  par  de  simples  actes.  Mais  toutes  les 
terres,  concédées  par  la  Couronne  après  levote  de  la  loi, 
sont  inscrites  d'office  au  registre  foncier. 

Une  fois  opérée,  l'immatriculation  est  irrévocable  ; 
elle  constitue  pour  celui  qui  en  bénéficie  un  titre  inatta- 
quable, ce  qui  permet  à  ceux  qui  veulent  contracter  avec 
le  propriétaire  inscrit,  de  se  reposer  entièrement  sur  les 
énonciations  contenues  dans  le  Livre  foncier. 

D  ailleurs,  l'immatriculation  est  précédée  d'une  série 
de  formalités,  enquête,  vérification  des  titres  de  pro- 
priété, notification  de  la  demande  aux  propriétaires  voi- 
sins, publication  d'avis  dans  les  journaux  officiels.  Si  des 

la  Tasmanie,  Victoria,  la  Nouvelle-Galles  du  Sud,  la  Nouvelle- 
Zélande  et  l'Australie  de  fOuest  ont,  de  1861  à  1874,  sucessive- 
ment  adhéré  à  cette  réforme.  Des  modifications  de  détail  et 
surtout  une  codification  assez  complète  ont  eu  lieu  par  les  Real 
property  acts  de  1886  et  1893,  dans  l'Australie  du  Sud. 

(1)  En  Tunisie,  la  loi  7  juillet  1885.  Dans  les  colonies  fran- 
çaises africaines,  des  décrets  de  1897,  1899  et  1900.  Tout  récem- 
ment (mars  1904),  les  Délégations  financières  algériennes  ont 
adopté  en  principe  l'introduction  des  Livres  fonciers  en  Algé- 
rie. 


DIVERS  SYSTÈMES  DE  TRANSMISSION  DES  DROITS  RÉELS  37 

oppositions  sont  formées  à  rimmatriculation,  celle-ci  ne 
peut  avoir  lieu  qu'après  désistement,  péremption  ou  rejet 
par  jugement  de  ces  oppositions 

Un  titre  ou  certificat  de  propriété  est  délivré  ;  il  repro- 
duit exactement  les  mentions  portées  au  Livre  foncier  et 
est  accompagné  d'un  plan.  Désormais,  ce  sera  la  seule 
pièce  sur  le  vu  de  laquelle  toutes  les  transactions  pour- 
ront être  effectuées. 

Toutes  les  conventions  se  rapportant  à  une  propriété 
immatriculée  doivent,  pour  être  valables,  faire  l'objet 
d'une  inscription  sur  le  Livre  foncier  et  sur  le  certificat 
de  titre,  car  le  défaut  d'inscription  fait  perdre  à  l'ayant- 
droit  du  propriétaire  la  possibilité  de  faire  valoir  son 
titre. 

Sauf  les  cas  de  fraude  et  d'erreur  de  bornage  préjudi- 
ciant  à  un  propriétaire  antérieurement  immatriculé, 
sauf  aussi  les  revendications  d'un  a\ant-droit  précédem- 
ment inscrit,  le  porteur  du  certificat  de  titre  ne  peut  ja- 
mais être  évincé  de  sa  propriété.  Les  personnes  qui  se 
trouvent  lésées  par  les  immatriculations  faites  au  mépris 
de  leurs  droits,  ont  seulement  qualité  pour  demander 
une  indemnité  pécuniaire,  que  l'Etat  leur  paie  par  prélè- 
vement sur  un  fonds  d'assurance.  Celui-ci  est  alimenté 
par  une  légère  prime  de  1/2  penny  par  Livre  (soif  environ 
0.20  p.  0/0),  perçue  sur  la  valeur  des  propriétés  ou  le  mon- 
tant des  prêts. 

Tels  sont  les  caractères  principaux  de  l'Act  Torrens. 
«  La  sécurité  que  réclament  les  acquéreurs  et  les  prê- 
teurs, l'Act  Torrens  la  procure  absolue  et  complète,  d'a- 
bord par  l'application  d'une  publicité  sans  réserve,  en- 
suite grâce  à  cette  règle  qui  ne  reconnaît  que  ceux  dont 
le  registre  matrice  constate  l'existence  et  que  le  titulaire 
inscrit  peut  être  considéré  par  les  tiers  contractant  avec 
lui  sur  la  foi  de  son  certificat  comme  investi  d'une  manière 
irrévocable  (1).  » 

(1)  Besson,  Les  Livres  fonciers  et  la  réforme  hypothécaire, 
p.  352. 


CHAPITRE  IV 


LA  PUBLICITE  DES  ACTES  EN  ANGLETERRE 


La  législation  anglaise  n'est  pas  passée  sans  transi- 
tion du  régime  des  transactions  occultes  au  régime  des 
Livres  fonciers. 

Malgré  la  théorie  des  uses,  une  forme  de  tenure,  le 
copyhold,  avait  continué  à  se  transmettre  avec  une  cer- 
taine publicité.  De  plus,  dès  le  xviif  siècle,  des  essais  de 
publicité  des  actes  avaient  été  tentés  en  vue  de  remédier 
aux  dangers  les  plus  patents  de  la  clandestinité. 

La  propriété  en  copyhold  est  une  tenure  qui  a  été 
substituée  aux  anciennes  tenures  serviles  du  moyen  âge. 
Elle  a  perdu  dans  le  cours  des  siècles  le  caractère  de 
précarité  qu'elle  avait  à  l'origine  ;  mais  elle  est  restée 
soumise,  pour  les  transmissions,  à  certaines  formalités 
qui  rappellent  son  origine  féodale  (1).  Détenue,  ainsi  que 
son  nom  l'indique,  en  vertu  d'extraits  (copy)  du  rôle  de 
la  Cour  du  manoir  dont  elle  dépend,  cette  propriété  a 
(donc  pour  seul  titre  l'inscription  du  tenancier,  au  rôle  de 
cette  Cour.  Les  transmissions  de  copyhold  nécessitent 
par  conséquent  la  radiation  du  nom  du  vendeur  et  la 
nouvelle  inscription  du  nom  de  l'acquéreur. 

Pour  ce  faire,  le  vendeur  se  rend  en  compagnie  de  l'ac- 
quéreur au  manoir  :  là  ils  accomplissent  le  surrender  and 
admittance.  (renonciation  et  admission).  Un  mémoran- 
dum, signé  des  parties,  est  remis  au  seigneur  et  plus  gé- 
néralement à  son  intendant  {steward)  ;  il  contient  les  con- 
ditions dans  lesquelles  s'effectue  la  cession.  Le  seigneur 
(ou  son  intendant),  signe  ce  document,  puis  inscrit 
aussitôt  le  changement  de  propriétaire  sur  le  registre  du 
manoir. 

Le  transfert  n'est  réputé  accompli  qu'une  fois  les  for- 
malités de  l'admission  consommées.  Le  seigneur  consi- 

(1)  V.  Glasson,  op.  cit.  T.  IV,  p.  192.  Lehk,  op.  cit.,  p.  137. 


LA  PUBLICITÉ  DES  ACTES  EN  ANGLETERRE  39 

dère  jusqu'à  ce  moment,  que  le  cédant  est  toujours  son 
tenancier  :  en  réalité  celui-ci  n'est  qu'un  fidéicommissaire 
pour  le  compte  de  l'acquéreur.  De  même  que  les  aliéna- 
tions, les  testaments,  les  mgrtgages  et  leur  radiation  doi- 
vent être  mentionnés  sur  le  registre,  pour  être  opposa- 
bles aux  tiers. 

Mais  les  copyholds.  dont  le  nombre  diminue  chaque 
jour,  ne  couvraient  même  au  xvf  siècle  qu'une  faible  sur- 
face du  Royaume-Uni.  Les  freeholds  étaient  les  tenures 
les  plus  usitées  et  c'étaient  elles  qui  étaient  soumises  à 
la  clandestinité  complète.  Les  inconvénients  d'une  telle 
situation  furent  rapidement  ressentis  et  des  réformes 
furent  demandées.  Deux  traités  écrits  sous  la  Restaura- 
tion des  Stuarts,  l'un  d'un  jurisconsulte,  Fabian  Philipps, 
paru  en  1662,  l'autre  d'un  auteur  anonyme,  édité  en 
1678  (1),  demandèrent,  un  siècle  après  la  promulgation  du 
Statute  ol  uses,  l'enregistrement  des  actes  concernant 
la  propriété  immobilière  comme  moyen  de  publicité.  La 
forme  quelque  peu  pamphlétaire  du  second  ouvrage  indi- 
que que  cette  réforme  préoccupait  déjà  l'opinion  et  avait 
même  soulevé  de  vives  discussions. 

Au  début  du  xvnf  siècle,  le  Parlement  anglais  vota  une 
série  d'actes  législalils  conçus  dans  cet  esprit.  Il  ne  faut 
d'ailleurs  pas  exagérer  l'importance  des  essais  tentés  : 
Les  lois  ne  s'appliquaient  qu'à  certams  comtés  où  la 
division  de  la  propriété  et  la  fréquence  des  baux,  des 
mortgages  et  des  transmissions  avaient  rendu  intolé- 
rable le  système  de  la  clandestinité.  De  1704  à  1735, 
6  lois  votées  sous  les  règnes  d'Anne  et  de  Georges  II 
organisèrent  des  registres  d'actes  dans  le  comté  de  Midd- 
lesex  (2),  dans  les  trois  Ridings  ou  districts  du  comté 
d'York  (3)  et  à  Kingston-upon-Hull. 

(1)  Cf.  Déposition  de  M.  Saunders  devant  le  Select  Com- 
mittee  de  1895.  (Land.  Transfer  Bill.) 

(2)  Le  Comté  de  Middlesex  comprend  la  plus  grande  partie 
de  Londres.  Le  St.  7,  Anne,  c.  20  est  encore  en  vigueur  ;  il  a  été 
fort  peu  modifié  par  le  St.  37  et  38  Victoria,  c.  78. 

(3)  Pour  le  West  Riding  du  Yorkshire,  St.  2,  Anne,  c.  4  et  St. 


iO         l'introduction  DKS   LIVRF.S   fonciers   en   ANGLETERRE 

Un  extrait  de  tout  acte  affectant  la  propriété  immo- 
bilière devait  être  inscrit  sur  ces  registres.  N'étaient  pas 
soumis  à  cette  formalité  les  baux  de  moins  de  vingt  et  un 
ans,  pourvu  qu'il  y  ait  occupation  par  le  preneur  du 
bien  loué,  ainsi  que  les  consentions  relatives  à  des  co- 
pyholds.  Les  baux  de  moins  de  vingt  et  un  ans,  accom- 
pagnés d'occupation  par  le  preneur,  n'ont  pas  paru  de 
nature  à  nuire  aux  acquéreurs,  la  location  étant  en  quel- 
que sorte  rendue  public[ue  par  la  prise  de  possession  du 
locataire.  Les  copyholds  étaient,  nous  l'avons  vu,  déjà 
soumis  à  des  formalités  suffisantes.  Sauf  ces  exceptions, 
tous  les  actes  entre  vifs  ou  testamentaires  transférant  la 
propriété  ou  la  grevant  de  droits  réels  devaient  faire  l'ob- 
jet d'une  inscription,  sinon  l'acte  était  considéré  comme 
frauduleux  et  nul  à  l'égard  des  tiers  :  en  cas  de  vente, 
par  exemple  ;  un  propriétaire  cédait  son  immeuble  à  un 
acquéreur  qui  négligeait  de  transcrire  son  acte  d'achat. 
Si  le  même  propriétaire  vendait  une  seconde  fois  le 
même  immeuble,  le  second  acquéreur,  après  avoir  fait 
enregistrer  son  titre,  ne  pouvait  plus  être  dépossédé  par 
le  premier  ayant-droit. 

Une  autre  loi  avait  auparavant  introduit  la  publicité 
des  actes  dans  le  Bedford  Level  (1).  Aucune  sanction  n'y 
était  édictée  contre  ceux  qui  omettaient  de  faire  inscrire 
leurs  titres.  Dans  ces  conditions,  il  n'y  avait  que  peu 
d'intérêt  à  se  soumettre  aux  prescriptions  légales. 

Ces  divers  registres  <(  destinés  à  protéger  les  intérêts 
des  tiers  et  à  donner  avis  aux  acheteurs  des  charges  fon- 
cières dont  ils  peuvent  ne  pas  avoir  connaissance  (2)  » 
ne  produisirent  pas  les  résultats  espérés.  Des  décisions 
malheureuses  de  la  Cour  de  la  Chancellerie  ne  consi- 

6,Anne,c.20;  pour  TEast  Iliding,St.  6,  Anne,c.  62;  pour  le  North 
Riding,  St.  8,  Georges  II,  c.  6.  Tous  ces  statuts  ont  été  remaniés 
par  le  Yorkshire  Registries  Act,  1884,  St.  47  et  48,  Victoria, 
c.  54.  Certaines  dispositions  de  cette  loi  ont  elles-mêmes  été 
amendées  par  le  St.  48  et  49,  Victoria,  c.  19  et  26. 

(1)  Statut  15,  Charles  II,  c.  17  (art.  8). 

(2)  The  cabinet  Lawyer,  édit.  1840,  v*'.  Registration  of  Title. 


LA   PLBLICITÉ   DES   ACTES   EN  ANGLETERRE  41 

dérèrent  pas  comme  inopposables  à  un  acquéreur  les 
actes  non  enregistrés,  lorsqu'il  fut  prouvé  que  cet  ac- 
quéreur connaissait  leur  existence  (1).  C'était  ouvrir  la 
porte  du  prétoire  à  de  nouveaux  procès  ;  c'était  aussi 
enlever  à  l'enregistrement  des  actes  une  grande  partie 
de  sa  raison  d'être. 

La  tenue  des  registres  laissa  également  fort  à  désirer  : 
les  répertoires,  si  importants  pour  faciliter  les  recher- 
ches, devinrent,  par  suite  d'un  manque  de  méthode,  fort 
difficiles  à  consulter  ;  la  consistance  des  immeubles  se 
modifia  rapidement  ;  les  mentions  qui,  du  temps  de  la 
reine  Anne,  permettaient  d'identifier  les  biens  fonds  de- 
vinrent insuffisantes,  à  raison  du  morcellement  rapide  de 
la  propriété  dans  ces  comtés  urbains  ;  en  même  temps 
les  enregistrements  se  multipliaient.  Les  registres  furent 
bientôt  encombrés  à  tel  point  que,  pour  trouver  un  ren- 
seignement, il  était  nécessaire  de  se  livrer  à  des  investi- 
gations aussi  longues  et  aussi  coûteuses  que  celles  né- 
cessitées par  les  transactions  occultes.  Enfin,  les  pro- 
priétaires et  les  jurisconsultes  ne  virent  pas  cette  réforme 
d'un  œil  favorable.  Blackstone  se  fait  leur  interprète 
dans  ses  Commentaires  :  ((  Quelque  plausibles  que  ces 

(1)  V.  Stephens.  New  Commentaries  of  the  Laws  of  England, 
édit.  1899,  p.  543.  T.  I;  Pollock,  op.  cit.,  p.  172.  Le  Vendor 
and  Purchaser  Act,  1874  (St.  37  et  38,  Victoria,  c.  78),  a  décidé, 
dans  son  art.  8,  que  les  testaments  non  enregistrés  seraient  con- 
sidérés comme  valables  en  faveur  de  l'ayant-droit  d'un  légataire 
pourvu  qu'il  ait  fait  enregistrer  son  acte  d'achat  avant  toute 
autre  convention  émanée  de  l'héritier  légal.  Le  St.  47  et  48  Vic- 
toria, c.  54,  sur  les  conservations  de  l'Enregistrement  dans  le 
Yorkshire  dispose,  contrairement  à  la  Jurisprudence  de  la 
Cour  de  la  chancellerie,  que  l'acte  est  nul,  s'il  n'ej>t  pas  enre- 
gistré, sans  qu'il  y  ait  lieu  de  se  préoccuper  de  savoir  si  l'ac- 
quéreur subséquent  a  ou  n'a  pas  eu  connaissance  des  actes  anté- 
rieurs. Il  n'est  fait  exception  à  cette  règle  que  dans  le  cas  de 
fraude.  Les  lois  du  Yorkshire  prescrivent  aussi  l'enregistrement 
des  titres  qui  ne  résultent  cependant  d'aucun  acte,  successions 
ab-intestat,  mise  en  gage  et  mortgage  équitable  effectué  par 
dépôt  de  titres. 


42         l'introduction  des   LIARES   fonciers  en   ANGLETERRE 

mesures  paraissent  être  en  théorie,  les  personnes  com- 
pétentes se  demandent  si  un  plus  grand  nombre  de 
procès  n'a  pas  été  soulevé  dans  ces  comtés  par  l'inatten- 
tion et  la  négligence  des  parties,  que  prévenu  par  l'usage 
des  registres  (1).  »  Un  siècle  après,  Sir  Frederick  Pol- 
lock  portait  d'ailleurs  à  peu  près  le  même  jugement.  <(  Le 
Middlesex  Registry  est  encore  plus  dangereux  qu'inu- 
tile (2). 

Ces  diverses  critiques  ne  permirent  pas  d'étendre  au 
xvm^  siècle  le  système  d'Enregistrement  des  actes  à  toute 
l'Angleterre.  Bien  que  les  lois  n'aient  jamais  été  abro- 
gées, elles  subirent  le  même  échec  que  le  registre  général 
des  mortgages  consentis  aux  Juifs,  institué  longtemps 
auparavant  par  Richard  I"  dans  ses  capitula  de  Judœis. 

Dans  le  cours  de  la  première  moitié  du  xix^  siècle,  de 
nouvelles  tentatives  furent  faites.  Les  commissaires  de 
la  propriété  foncière  {real  property  commissionners)  re- 
cueillirent en  1828  de  nombreuses  informations,  tant  en 
Angleterre  que  dans  les  autres  pays  et  préconisèrent, 
dans  leur  rapport,  la  création  d'un  registre  général  tenu 
à  Londres.  Des  bills  furent  déposés  dans  ce  but  à  la 
Chambre  des  Communes  :  de  1830  à  1834,  il  n'y  en  eut 
pas  moins  de  cinq.  Tous  furent  repoussés.  Le  même  sort 
fut  réservé  à  la  proposition  de  Sir  John  Campbell,  soli- 
citor  général  en  1835  et  aux  projets  présentés  en  1845, 
1846  et  1851  par  d'autres  m.embres  du  Parlement.  Enfin, 
en  1853.  le  gouvernement  de  la  Reine  n'obtint  même  pas 
le  vote  d'une  loi  établissant  une  publicité  restreinte  et 
facultative  (3). 

Renonçant  à  créer  des  registres  généraux,  les  législa- 
teurs anglais  avaient  organisé  une  série  de  registres  spé- 
ciaux sur  lesquels  étaient  mentionnés  des  actes  ou  des 
faits  qu'il  était  particulièrement  utile  de  porter  à  la  con- 
naissance des  tiers  :  Le  registre  des  actes  abolitifs  de 
substitutions  (Register  of  disentailing  deeds),  tenu  jus- 

(1)  Blackstone,  op.  cit.  T.  II,  c.  20. 

(2)  POLLOCK,  op.  cit.,  p.   172. 

(3)  V.  Land.  Transfer  Bill,  1895.  Appendice  VI,  p.  249. 


LA  PUBLICITÉ  DES  ACTES  EN  ANGLETERRE  43 

qu'en  1833  en  la  Cour  des  Plaids  communs,  avait  été 
transféré  à  la  Cour  de  la  Chancellerie.  Un  répertoire  re- 
latait également  tous  les  certificats  et  tous  les  actes  par 
lesquels  les  femmes  mariées  consentaient  à  l'exécution 
des  conventions  dans  lesquelles  elles  avaient  été  parties. 
Il  était  conservé  en  la  Cour  des  Plaids  communs.  Les 
dettes  du  vendeur  ou  de  ses  auteurs  envers  la  Couronne 
ainsi  que  les  procès  immobiliers  pendants  pouvaient  être 
révélés  par  l'examen  des  tables  de  la  même  Cour.  Les 
contrats  de  rentes  viagères  constituées  sur  un  bien  fonds 
étaient  enregistrés  jusqu'en  1855  dans  les  bureaux  de  la 
Chancellerie  et  depuis  lors  au  greffe  de  la  Cour  des  Plaids 
communs.  Les  Livres  des  faillis  et  des  insolvables,  tenus 
dans  les  tribunaux  de  faillite,  mettaient  en  garde  les 
acquéreurs  contre  des  aliénations  faites  en  fraude  des 
créanciers  (1).  Enfin,  en  vertu  de  diverses  lois,  des  regis- 
tres annonçaient  l'existence  d'engagements  pris,  en  vue 
d'améliorations  agricoles,  par  des  propriétaires  vis-à-vis 
de  leurs  tenanciers,  sans  avoir  été  nécessairement  cons- 
tatés par  actes  authentiques  (2). 

Tous  ces  registres  donnaient  sans  doute  des  rensei- 
gnements utiles,  mais  ils  compliquaient  singulièrement 
les  transactions  en  imposant,  outre  l'examen  ordinaire 
des  titres  de  propriété,  des  recherches  dans  de  nombreu- 
ses localités  différentes.  Les  hommes  de  loi  demandèrent 
et  obtinrent  que  certains  droits  immobiliers,  non  consta- 
tés par  actes  authentiques  et  contre  lesquels  il  était 
particulièrement  difficile  de  se  garantir,  devraient  être 
inscrits  sur  des  registres  spéciaux  tenus  à  Londres.  La 
loi  du  24  octobre  1888  pour  l'enregistrement  de  certaines 
charges  foncières  (3)  réunit,  à  cet  effet,  dans  trois  regis- 
tres distincts,  la  plupart  des  publications  auparavant 
faites  dans  les  greffes  des  Cours. 

1°  Les  décisions  judiciaires  {writs  and  orders)  immo- 
bilières sont  inscrites  ((  sur  un  registre  spécial  au  nom 

(1)  Cf.  Williams,  op.  cit.,  p.  458. 

(2)  Notamment  Tlmprovement  of  Land  Act,  1864. 

(3)  Land  Charges  Registration  and  Searches  Act,  1888;  St.  51- 
52,  Victoria,  c.  51.  V.  Annuaire  de  législation  étrangère  de  1889. 


^'i         l'introduction  DKS   LH  RF.S    FONCIKRS   r.N    ANGI.l.ri-RRE 

du  propriétaire  dont  la  terre  a  fait  l'objet  de  la  décision  ». 
Cette  inscription  cessera  d'avoir  effet  au  bout  de  5  ans, 
mais  elle  pourra  être  indéfiniment  renouvelée.  Toute 
décision  et  toute  mesure  d'exécution  prise  en  vertu  de 
cette  décision  sont  nulles  et  de  nul  effet,  si  l'inscription 
n'a  pas  eu  lieu  conformément  à  la  loi  (1). 

2"  Un  second  registre  contient  les  actes  d'arrangement 
ou  concordats  entre  créanciers  et  débiteurs.  D'après  ces 
concordats,  le  débiteur  transfère  à  un  fidéicommissaire 
[trustée),  ses  biens  pour  les  partager  entre  ses  créanciers. 
Moyennant  cet  abandon,  les  créanciers  se  désistent  de 
toutes  réclamations  postérieures.  L'arrangement  n'aura 
de  valeur  vis-à-vis  des  ayants-droit  à  titre  onéreux  du 
débiteur,  qu'à  partir  du  moment  où  cet  acte  aura  été  ins- 
crit :  l'inscription  peut  être  requise  soit  par  le  fidéicom- 
missaire, soit  par  l'un  des  créanciers  bénéficiaires  (2). 

3"  Enfin,  la  dernière  partie  de  la  loi  se  rapporte  à  l'en- 
registrement des  charges  foncières  (Land  charges)  :  ce 
sont  toutes  rentes  ou  annuités,  tous  remboursements  d'un 
capital  par  acomptes,  avec  ou  sans  intérêts,  grevant  une 
terre  (3).  Là  encore,  cette  formalité  est  prescrite  à  peine 
de  nullité  de  ces  charges  foncières  vis-à-vis  des  acqué- 
reurs à  titre  onéreux  du  bien-fonds  (4). 

En  résumé,  le  régime  de  la  propriété  foncière,  avant 
1897,  était  essentiellement  occulte.  Quelques  mesures 
avaient  bien  été  prises  en  vue  de  rendre  plus  sûrs  les 
actes  de  disposition  immobiliers  ;  mais  elles  avaient  tou- 
tes un  caractère  spécial  quant  à  leur  application  terri- 
toriale ou  quant  à  leur  étendue  juridique.  En  raison  de 
ces  restrictions,  elles  ne  devaient  pas  apporter  un  remède 
suffisant  aux  maux  que  nous  avons  signalés. 

(1)  Art.  5  et  6. 

(2)  Art.  7,  8  et  9. 

(3)  Ces  droits  ont  été  créés  notamment  par  l'Agricultural 
Holdings  Act,  1883,  sur  l'amélioration  des  terres  et  l'indemnité 
de  plus-value  au  fermier  sortant.  Le  mortgage,  constaté  par 
acte  authentique,  se  trouve  par  là-même  exclu  de  cette  énumé- 
ration. 

(4)  Art.  10  et  12. 


CHAPITRE  V 

PREMIERS    ESSAIS    d'iXTRODUCTION    DES    LIVRES    FONCIERS 

Le  Regisiralion  ol  Tille  Ad  de  1862  et  le  Land  Transler 

Act  de  1875. 

L'insuffisance  de  la  publicité  partielle,  dont  nous  avons 
rappelé  dans  le  chapitre  précédent  l'existence,  était  trop 
évidente  pour  ne  pas  préoccuper  l'opinion  publique  et  le 
Parlement.  La  question  de  la  réforme  du  droit  foncier 
resta  cependant  sans  solution  pendant  tout  le  xix^  siècle. 
Deux  causes  principales  peuvent  être  attribuées  à  cette 
longue  attente  :  certains  intérêts  particuliers  furent  assez 
puissants  pour  primer  momentanément  l'intérêt  général  ; 
les  complications  extrêmes  de  la  législation,  complica- 
tions issues  des  mœurs  mêmes  du  peuple  anglais,  rendi- 
rent longtemps  impossible  le  vote  de  réformes  radi- 
cales (1).  Pour  faire  taire  ces  intérêts,  il  fallait  supprimer 
leur  raison  d'être,  pour  faire  disparaître  ces  complica- 
tions, il  fallait,  soit  changer  des  habitudes,  chose  difficile 
dans  un  pays  aussi  respectueux  des  traditions,  soit  adap- 
ter l'organisme  nouveau  aux  pratiques  juridiques  existant 
depuis  de  longues  années. 

Ainsi  s'expliquent  la  multiplicité  des  efforts  tentés  pen- 
dant trois  quarts  de  siècle,  la  réunion  de  nombreuses  com- 
missions, les  discussions  dans  le  public  et  devant  le  Par- 
lement, les  nombi^eux  bills  présentés  par  le  gouvernement 
à  la  sanction  législative,  le  vote  des  lois  de  1862  et  de  1875 
et  leur  échec  subséquent. 

De  1828'  à  1854,  les  efforts  du  législateur  tendirent  à 
introduire  la  publicité  générale  des  conventions  immobi- 

(1)  M.  Pollock,  dans  son  livre  déjà  cité,  les  Landlaws,  disait 
en  1887,  en  parlant  des  tentatives  de  réforme  :  u  D'autres  pen- 
sent qu'aucune  mesure  effective  ne  pourra  être  prise  jusqu'à  ce 
que  la  substance  de  nos  lois  foncières  ait  été  grandement  sim- 
plifiée; peut-être  ont-ils  raison.  »  P.  171. 


46         l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

lières  (1).  En  même  temps,  le  droit  civil  fut  profondément 
modifié.  Nous  avons  eu  déjà  l'occasion  de  mentionner 
les  lois  abolissant  les  aliénations  en  justice,  supprimant 
l'obligation  de  faire  avant  un  acte  d'abandon  (grant  ol 
release)  un  bail  pour  un  an  ;  nous  avons  aussi  indiqué 
les  effets  importants  de  la  loi  conférant  au  seul  accord  des 
parties  constaté  par  un  acte  pouvoir  de  transférer  la  pro- 
priété (2).  Le  Parlement  modifia  aussi  à  cette  époque  le 
régime  des  douaires  et  simplifia  les  dévolutions  testamen- 
taires. Réformes  dont  quelques-unes  n'avaient  peut-être 
qu'un  rapport  assez  éloigné  avec  la  législation  foncière 
proprement  dite,  mais  qui  marquent  le  début  de  l'évolu- 
tion du  droit  civil  anglais  vers  des  prescriptions  moins 
surannées  et  moins  compliquées,  partant  plus  aisées  à 
faire  cadrer  avec  une  législation  moderne. 

En  1854,  le  gouvernement  nomma  une  Commission 
royale  pour  étudier  de  nouveau  la  question  du  transfert 
de  la  propriété  immobilière  ;  le  résultat  de  ses  travaux 
fut  consigné  dans  un  rapport  paru  en  1857.  Contrairement 
aux  conclusions  auxquelles  avaient  abouti  les  commissions 
antérieures,  la  Commission  de  1854  préconisait,  pour  la 
première  fois,  non  plus  l'enregistrement  des  actes,  mais 
l'immatriculation  des  propriétés  dans  un  Livre  foncier. 
Si  le  législateur  avait  immédiatement  sanctionné  ces  tra- 
vaux, l'Angleterre  aurait  possédé,  en  même  temps  que 
sa  colonie  de  l'Australie  du  Sud,  une  loi  moderne  dans  sa 
teneur  et  dans  son  esprit. 

Le  solicitor  général  en  fonctions.  Sir  Hugh  Cairns,  ne 
présenta  qu'en  1859,  et  d'ailleurs  sans  succès,  un  bill  or- 
ganisant l'immatriculation  de  la  propriété.  Il  proposa  éga- 
lement, d'établir  un  tribunal  des  biens  fonciers  (Landed 
estâtes  Court),  qui  devait  rendre,  à  la  requête  des  proprié- 
taires, des  jugements  confirmant  leurs  titres.  Ce  projet 

(1)  Cet  historique  est  fait  en  grande  partie,  d'après  un  docu- 
ment présenté  au  Select  Committee  de  1895  par  M.  Lake,  le 
13  juin  1895,  et  inséré  dans  les  appendices  aux  Procès-verbaux 
sous  le  n^  VI  à  la  page  249.  V.  aussi  Glasson,  op.  cit.  T.  VI, 
p.  343. 

(2)  V.  supra,  p.  21. 


PREMIERS  ESSAIS  D  INTRODUCTION  DES   LHRES  FONCIERS        47 

fut  aussi  repoussé.  Le  système  de  la  clandestinité  sem- 
blait, cette  fois,  avoir  définitivement  gain  de  cause  et 
Lord  Saint-Léonard  pouvait  écrire  à  cette  époque  avec 
quelque  apparence  de  raison,  que  de  l'aveu  de  tous  la 
publicité  ne  serait  jamais  établie  en  Angleterre  (1). 

Trois  ans  plus  tard  cependant,  les  Livres  fonciers 
étaient  institués  législativement  et  Lord  Westbury  faisait 
voter  deux  lois  connues  généralement  sous  le  nom  de  lois 
de  1862  :  le  Regislration  ol  Tille  Act  (2)  et  le  Déclaration 
ol  Tille  Act  (3).  Une  solution  équitable  d'un  problème  si 
controversé  semblait  enfin  trouvée. 

Le  Regislration  of  Tille  Act  créait  un  livre  foncier  tenu 
en  deux  parties  :  le  record  ol  tille  to  lanch  on  the  Registry 
ou  registre  des  propriétés  et  le  registre  des  mortgages. 

Pouvait  seul  demander  à  faire  immatriculer  un  bien 
fonds,  celui  qui  avait  la  propriété  ou  le  droit  de  la  trans- 
mettre (conlrol  ol  the  |ee)  ou  toute  personne  autorisée  à 
faire  cette  demande  par  la  Cour  de  la  Chancellerie. 

Comme  l'immatriculation  devait  faire  foi  contre  tous 
les  tiers,  la  demande  faisait  l'objet  de  publications  géné- 
rales et  de  notifications  individuelles  à  tous  les  proprié- 
taires' voisins.  Ceux  qui  pouvaient  se  prétendre  lésés 
étaient  ainsi  mis  en  demeure  de  produire  leurs  récla- 
mations. Le  délai  pour  former  opposition  expiré,  la  de- 
mande était  examinée  par  le  Registrar  ou  conservateur 
qui  la  rejetait  ou  qui  reconnaissait  au  requérant,  soit  un 
litre  inattaquable  (indeleasible),  soit  un  titre  qui,  dans 
certains  cas,  pouvait  le  devenir.  Pour  obtenir  un  titre  inat- 
taquable, il  fallait  justifier  que  les  droits  de  propriété 
reposaient  sur  un  titre  «  tel  qu'une  cour  d'équité  l'accep- 
terait pour  un  titre  marchand  (4)  ». 

(1)  St-Léonard  (Sugden).  Handy  bock  on  real  property.  Dans 
le  même  ouvrage,  cet  auteur  développe,  avec  beaucoup  d'habi- 
leté, les  inconvénients  de  Timmatriculation.  Nous  aurons  l'oc- 
casion de  les  examiner,  lorsque  nous  discuterons  les  arguments, 
soutenus  par  les  solicitors    contre  les  lois  de  1875  et  de  1897. 

(2)  St.  25-26,  Victoria,  c.  53. 

(3)  Statut  25-26,  Victoria,  c.  67. 

(4)  Art.  26. 


AH        l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

La  terre  était  alors  inscrite  sur  le  registre  des  proprié- 
tés sous  un  numéro  d'ordre.  L'inscription  comprenait  : 
P  une  description  minutieuse  et  détaillée  de  l'immeuble. 
Cette  description  avait  été  auparavant  contrôlée  par  le 
Bureau  d'enregistrement  ;  car  les  limites  de  la  propriété 
étaient,  d'après  la  loi  de  1862,  garanties  comme  la  pro- 
priété elle-même  (1).  2°  Un  état  des  personnes  qui  avaient 
ou  pouvaient  avoir  des  droits  à  la  propriété  de  l'immeu- 
ble. 

Le  registre  des  mortgages  relatait,  sous  le  même  nu- 
méro que  celui  attribué  à  l'inscription  précédente,  toutes 
les  charges  ou  servitudes  grevant  tout  ou  partie  de  l'im- 
meuble, ainsi  que  les  noms  des  bénéficiaires. 

En  fait,  selon  une  expression  de  Lord  Westbury,  le 
Livre  foncier  devait  être  le  <(  miroir  de  la  propriété  ».  Un 
certificat  de  titre,  reproduisant  les  énonciations  des  regis- 
tres, pouvait  être  délivré  par  le  Registrar  au  propriétaire 
sur  sa  demande.  Toute  propriété  immatriculée  était  sus- 
ceptible de  faire  l'objet  de  tous  les  contrats  ordinaires.  Le 
dépôt  du  certificat  terrier  remplaçait,  notamment  pour  la 
constitution  de  mortgages  en  équité,  le  dépôt  des  litres 
de  propriété  (2).  Pour  sauvegarder  certains  droits,  oppo- 
sition à  tout  transfert  pouvait  être  mentionnée  sur  le  regis- 
tre et  l'opposant  devait  recevoir  avis  de  tous  les  actes  pré- 
sentés à  l'enregistrement  (3). 

Les  registres  pouvaient  être  consultés  par  les  parties 
ou  par  leurs  mandataires.  Enfin,  une  disposition  de  la  loi 
permettait  au  propriétaire  de  soustraire  sa  terre  à  la  juri- 
diction du  Bureau  d'Enregistrement,  en  faisant  une  décla- 
ration de  retrait  à  laquelle,  toutes  les  personnes  intéres- 
sées devaient  donner  leur  assentiment. 

Cette  mesure  était  destinée  à  inviter  les  Landlords  à 
faire  essai  de  l'immatriculation  :  car,  s'ils  trouvaient,  dans 
ia  suite,  ce  régime  contraire  à  leurs  intérêts,  ils  seraient 
toujours  libres  de  faire  annuler  l'inscription  de  leur  pro- 
priété. Confiant  dans  les  excellents  effets  de  la  réforme, 

(1)  Art.  7  à  10. 

(2)  Art.  63  et  72. 

(3)  Art.   89  à  95. 


PREMIERS  ESSAIS  d'i.NTRODUCTIÛN  DES  LIVRES  FONCIERS        49 

le  législateur  ne  considérait  d'ailleurs  cette  disposition 
que  comme  un  moyen  de  dissiper  certaines  craintes.  Le 
caractère  purement  facultatif  de  l'application  de  la  loi 
témoigne  également  de  la  foi  que  le  législateur  avait  dans 
son  œuvre.  Les  propriétaires  devaient,  semblait-il,  être 
rapidement  convaincus  de  l'intérêt  qu'ils  avaient  à  mettre 
leurs  propriétés  sous  le  régime  de  l'immatriculation. 

Le  Déclaration  ol  Title  Act  organisait  une  sorte  de 
purge  qui  permettait,  après  une  procédure  d'enquête, 
d'avis  individuels,  d'avertissements  dans  les  journaux, 
d'obtenir  de  la  Cour  de  la  Chancellerie  un  titre  judiciaire 
de  propriété.  Les  auteurs  de  la  loi  d'immatriculation 
avaient,  en  effet,  pensé  qu'un  certain  nombre  de  déten- 
teurs actuels  ne  pourraient  pas  donner  des  preuves  suffi- 
santes de  leurs  droits  au  Land  Registry  et  seraient  ainsi 
privés  du  bénéfice  qu'ils  pouvaient  attendre  de  la  nou- 
velle législation.  Le  Déclaration  ol  Title  Act  devait  con- 
férer au  propriétaire  le  droit  absolu,  sans  la  possession 
duquel  il  ne  pouvait  requérir  l'immatriculation  de  sa  pro- 
priété. 

Mais  la  procédure  était  compliquée,  les  délais  pendant 
lesquels  étaient  admises  les  réclamations  des  tiers,  étaient 
longs,  des  dépenses  considérables  devaient  être  engagées 
sans  avoir  la  certitude  d'obtenir  gain  de  cause  :  Ces  mo- 
tifs expli(|Lient  pourquoi  personne  ne  demanda  la  consta- 
tation judiciaire  de  son  droit  de  propriété  (1). 

La  loi  sur  l'immatriculation  n'eut,  elle  aussi,  qu'un 
succès  relatif.  Son  application  purement  facultative  se 
heurta  à  la  puissante  opposition  qui  existait  contre  le  sys- 
tème des  Livres  fonciers  ;  certains  défauts  apparurent 
aussi  dans  la  pratique.  La  tentative  de  Lord  Westbury 
échoua.  Seize  titres  seulement  furent  immatriculés  en 
2  ans  et  2  mois,  alors  que  18  mois  après  la  promulgation 
du  Real  property  Act  australien  de  1857,  1.000  demandes 
avaient  été  déjà  faites  (2).  Cependant,  de  1863  à  1866,  le 

(1)  Cette  loi  n'a  jamais  été  abrogée.  V.  Brickdale  and  Shel- 
don's    Land  Transfer  Acts,  p.  129. 

(2)  En  1855,  l'Australie  du  Sud  comptait  80.000  habitants; 
environ  1  0/0  de  la  population  avait  donc  demandé  à  bénéficier 

L.  4 


5U         L'iNTRpDUCTION   DES  LIVRES   FONCIERS  EN   ANGLETER^P 

nombre  des  enregistrements  alla  en  croissant  de  8  à  105 
par  an  (1)  ;  maie  de  18^7  à  1875  (2),  ce  chiffre  diminua 
constamment  pour  tomber  à  29  en  1870  et  à  4  en  1875. 
Enfin,  au  moment  de  la  mise  en  vigueur  de  la  loi  de  1875, 
le  registre  des  propriétés  tenu  en  vertu  de  la  loi  de  1862 
avait  reçu  mention  de  411  immatriculations  (3),  représe ci- 
tant une  valeur  de  5.346.437  livres  sterlings  et  une  super- 
ficie de  49.117  acres  (4). 

Lorsqu'il  fut  avéré  que  la  réforme  de  1862  ne  trouvait 
pas  parmi  les  propriétaires  iin  accueil  favorable,  le  gou- 
vernement anglais  nomma  de  nouveau  en  1868  une  Com- 
mission royale.  Elle  reconnut  après  deux  ar^s  d'enquête 
l'échec  certain  de  la  loi  tle  L.  Westbury  et  fit  certaines 
recommandations,  dont  s'inspirèrent  dans  la  suite  les 
auteurs  des  projets  soumis  au  Parlement.  Pour  la  pre- 
mière fois,  elle  suggéra  aux  pouvpirs  publics  la  possibilité 
d'enregistrer  une  propriété  avec  un  titre  purement  pos- 
sessoire.  Cette  immatriculation  ne  devait  confirmer  en 
aucune  façon  les  droits  du  détenteur  actuel,  mais  devait 
lui  conférer  «  un  titre  dont  la  valeur  augmenterait  de  plus 
en  plus,  jusquà  ce  qu'il  devienne  marchand,  dans  le  sens 
théorique  du  mot,  et  pratiquement  inattaquable  (^).   » 

En  1870,  puis  en  1873.   Lord  Selborne,  membre  du 

de  la  nouvelle  loi.  Select  Comrnittee  de  1879;  question  1931  et 
p.  112  du  Rapport. 

(1)  En  1863,  8  propriétés  furent  immatriculées;  en  1864,  8; 
e^i  1865,  48  ;  en  1866,  105.  Cf.  Brickdale,  Registration  of  Title  to 
Land;  op.  cit.,  p.  2  et  4. 

(2)  La  loi  de  1862  a  été  abrogée  par  Fart.  126  du  Land  Transfer 
Act  de  1875. 

(3)  x\u  31  décembre  1898,  par  suite  de  morcellements,  le  nom- 
bre des  propriétés  portées  sur  le  registre  était  de  3.111  ;  263  titres 
avaient  été  annulés  sur  déclarations  de  retrait  :  sur  ce  nombre, 
il  n'y  avait  eu  que  15  annulations  de  premières  immatricula- 
tions. Cf.  Return  of  the  work  done  in  the  Land  Registry,  n°  304, 
1899. 

(4)  1  acre  vaut  40  ares  environ. 

(5)  Report  of  the  Land  transfer  commission  appointed  in 
1868. 


PREMIEI^S   ESSAIS  D  INTRODUCTIOr^  DES   LIVRES  FONCIERS        51 

Cabinet  Glaclstone,  présenta  sans  succès  deux  projets  : 
l'un  et  l'autre  disposaient  que,  deux  ans  après  le  vote  de  la 
loi,  l'immatriculation  deviendrait  obligatoire  toutes  les 
fois  qu'un  immeuble  serait  vendu. 

En  1874,  le  Parlement  anglais,  reprenant  ses  réformes 
de  (Iroit  civil,  vota  le  Vendor  and  Purçhaser  Act  (I),  qui 
réduisait  notamment  de  60  à  40  ans  la  période  durant  la- 
quelle, dans  un  contrat  ordinaire,  l'origine  de  la  propriété 
devait  être  établie.  La  même  année,  le  Real  Property 
Limitation  Açt  (2),  régla  à  nouveau  les  délais  de  pres- 
cription des  droits  ré^ls. 

Le  nouveau  chancelier  tory  Lord  Cairns  présenta,  dans 
la  même  session,  un  JBiU  qui  rendait  Finimatriculation 
obligatoire  toutes  les  fois  qu'un  immeuble  était  vendu. 
De  mênie,  que  les  projets  de  Lord  Selborne,  il  prévoyait 
que  la  loi  ne  serait  applicable  que  trois  ans  après  qu'elle 
aurait  été  votée.  Maisi,  en  outre,  les  acquisitions  d'une 
valeur  inférieure  à  300  livres  sterlings  ne  devaient  pas 
être  soumises  obligatoirement  à  l'immatriculation.  La 
raison  de  cette  exception  nous  est  donnée  par  un  des  té- 
moins entendus  à  l'enquête  de  1895.  «  Je  fus  le  seul  soli- 
citor  de  province  qui  m'occupai  de  cette  question  avec 
plusieurs  personnes  habitant  Londres  ;  j'expliquai  com- 
plètement à  Lord  Cairns,  chiffres  en  main  et  preuves  à 
l'appui,  pourquoi  j'étais  opposé  à  l'adoption  de  son  projet. 
Il  fut  convaincu  qu'il  ne  fallait  pas  étendre  la  contrainte 
aux  transactions  inférieures  à  trois  cents  livres  sterlings, 
étant  donnés  la  méthode  suivant  laquelle  elles  sont  con- 
duites et  les  frais  qu'elles  occasionnent  (3).  »  Ce  qui  a 
permis  à  un  auteur  de  dire  :  (^  L'avocat  le  plus  distingué 
de  l'immatriculation  reconnaissait  ainsi  {ju'elle  était  to- 
talement inutile  pour  le  peuple,  pour  la  propriété  et  la 

(1)  St.  37-38,  Victoria,  c.  78.  Cf.  the  cabinet  Lawyer,  édit. 
1877.  Supplément,  p.  2Q  et  21. 

(2)  St.  37-38,  Victoria,  c.  57.  Cf.  the  cabinet  Lawyer,  édit. 
1877.  Supplément,  p.  13. 

(3)  Saunders,  question  1750.  Land  Transfer  Bill,  1895.  V. 
aussi  Lord  Cairns,  questions  2873  et  2874.  Select  Committee  on 
Land  Transfer  and  Land  Titles,  1879. 


5:^         L  INTRODUCTION  DES  LIVRES   FONCIERS  EN  ANGLETERRE 

catégorie  d'affaires  pour  laquelle  elle  avait  été  faite  (1).  » 
Même  ainsi  modifié,  le  projet  de  Lord  Cairns  parut 
trop  radical  à  la  Chambre  des  Communes.  Une  vive  oppo- 
sition y  fut  faite  aux  articles  prescrivant  l'immatriculation 
que  la  Chambre  des  Lords  avait  cependant  adoptés.  En 
présence  de  ce  mauvais  vouloir,  le  gouvernement  préféra 
retirer  son  projet. 

Lord  Cairns  n'abandonnait  pas  cependant  l'idée  de  do- 
ter l'Angleterre  d'un  système  libéral  de  transmissions 
immobilières.  Mais,  à  Toccasion  du  dépôt  de  son  premier 
projet,  il  avait  reçu  de  tous  les  points  du  royaume  des 
adresses  émanant  de  praticiens  et  exposant  toutes  les  dif- 
ficultés que  soulevait  la  réforme.  Le  chancelier  se  rendit 
compte  qu'il  serait  très  difficile  de  faire  voter  à  un  Parle- 
ment, presque  entièrement  composé  de  propriétaires  fon- 
ciers, des  mesures  iinpératives  que  leurs  conseils  habi- 
tuels leur  avaient  dénoncées  comme  devant  être  inquisi- 
toriales,  coûteuses,  dangereuses  enfin  pour  leur  sécurité. 
Il  n'introduisit  donc  pas  dans  son  bill  de  1875  les  articles 
qui,  dans  celui  de  1874,  rendaient  l'enregistrement  obli- 
gatoire en  cas  de  vente.  Il  le  fit  d'ailleurs  sans  trop  de 
regrets.  Sans  doute,  l'essai  facultatif  de  1862  avait  échoué; 
mais  le  nouveau  projet  améliorait  notablement  la  pre- 
mière loi.  Il  suffirait  que  quelques  immatriculations  aient 
de  bons  résultats  pour  voir  tous  les  autres  propriétaires, 
moutons  de  Panurge  en  cette  occasion  comme  dans  toutes 
les  circonstances  de  la  vie,  accourir  au  Land  Registry 
pour  faire  immatriculer  leurs  propriétés.  A  la  faveur  du 
succès,  des  mesures  coercitives  pourraient  alors  être  pri- 
ses contre  les  propriétaires  récalcitrants  que  des  essais 
heureux  n'auraient  pas  encore  convaincus  (2).  Avec  la 
contrainte,  les  résultats  espérés  seraient  peut-être  plus 
rapidement  atteints  ;  ils  le  seront  plus  sûrement  en  lais- 
sant agir  à  leur  gré  les  Landlords  car  ceux-ci  compren- 
dront, dans  ce  cas,  que  les  dispositions  légales  leur  sont 
favorables. 

(1)  Brickdale;  op.  cit.,  p.  34. 

(2)  V.  Parliamentary  debates.  Hansaiid,3^  série, T.  222, p.  157, 


PREMIERS  ESSAIS  d'iNTRODUCTION  DES  LIVRES  FONCIERS        53 

La  loi  une  fois  votée,  les  demandes  d'immatriculation, 
contrairement  aux  prévisions  du  Lord  Chancelier,  n'affluè- 
rent pas  au  Bureau  d'Enregistrement.  De  1875  à  1885, 
113  propriétés  furent  immatriculées  ;  sur  ce  nombre  17 
concernaient  des  propriétés  en  leasehold  (1)  ;  en  1895, 
7  à  8  millions  de  livres  sterlings  représentaient  la  valeur 
totale  et  combien  minime  des  terres  inscrites  sur  le  Livre 
foncier.  Enfin,  au  31  décembre  1898,  c'est-à-dire  au  mo- 
ment où  la  loi  de  1897  allait  entrer  en  vigueur,  seulement 
345  immatriculations  avaient  été  opérées.  Par  suite  de 
morcellements  d'immeubles  déjà  immatriculés  (2),  par 
suite  aussi  de  transports  effectués  en  vertu  de  l'art.  126 
de  la  loi  de  1875  (3),  1.910  propriétés  séparées  étaient 
mentionnées  sur  le  Livre  foncier.  Leur  superficie  cou- 
vrait 62.813  acres  et  leur  valeur  approximative  représen- 
tait 10  millions  de  livres  sterlings  (4)  ! 

Ainsi  que  le  disait  M.  Flaxman,  barrister  at  law^  à  Lon- 
dres, en  parlant  du  Land  Transfer  Act,  «  c'était  un  coup 
d'épée  dans  l'eau  (5)  ».  De  multiples  raisons  expliquent  cet 
échec  :  quelques-unes  tiennent  à  la  rédaction  même  de  la 
loi.  Nous  ne  mentionnerons  que  la  liberté  laissée  aux  pro- 
priétaires, lorganisation  d'une  nouvelle  juridiction  su- 
perposée à  toutes  celles  qui  existaient  déjà  ;  la  création 
de  nouveaux  titres  de  propriété  compliquant  encore,  par 
leur  juxtaposition  avec  les  anciens,  les  recherches  en  vue 
des  transferts.  Le  Select  committee  de  1879  se  référait  à 
ces  causes  d'insuccès,  en  disant  dans  son  rapport  que  la 
loi  de  1875  avait  été  frappée  de  mort  par  la  force  des  cir- 
constances. Mais  d'autres  influences  aussi  importantes, 
quoique  moins  immédiates  ont  eu  pour  effet  de  restreindre 

(1)  Brickdale,  op.  cit.,  p.  12. 

(2)  1.101  propriétés  proviennent  de  domaines  morcelés. 

(3)  Les  transports  dont  il  s'agit  sont  ceux  opérés  du  regis- 
tre institué  par  la  loi  de  1862  au  registre  institué  par  la  loi 
de  1875;  464  propriétés  ont  été  ainsi  transférées. 

(4)  Return  of  the  work  done  in  the  Land  Registry;  n°  304; 
1899. 

(5)Cité  par  Lebret,  op.  cit.,  p.  199. 


54         L'îNtRObUCtiON  DES  LIVRES  FONCIERS  EN  ANGLETERRE 

l'application  de  la  loi  :  nous  voulons  parler  d'une  influence 
matérielle  résidant  dans  la  concentration  de  la  propriété 
foncière  et  d'une  nifluence  morale  exercée  par  les  solici- 
tors  et  les  autres  hommes  de  loi. 

L'enquête  de  1878-79  (1)  ordonnée  par  la  Chambre  dès 
Communes,  celle  qui  fut  conduite  par  une  autre  Commis- 
sion (2)  nommée  16  ans  pliis  tard,  ont  mis  en  lumière  ces 
motifs  pour  lesquels  la  loi  de  1875,  aussi  bien  que  la  loi 
de  1862,  ont  échoué.  C'est  le  résultat  de  leurs  travaux 
qu'il  nous  faut  doiic  étudier  pour  connaître  les  t'aisons 
qui  ont  inspiré  la  réforme  de  1897. 

(1)  Select  Comniittëe  on  Làrid  îtansfer  ànd  Land  Titles,  1878- 
79.  Les  principaux  témoins  furent:  Lord  Cairns,  Chancelier; 
MM.  Holt  et  Follett  (du  Land  Registry)  ;  Lord  Thring,  L3rd 
Selborne,  MM.  Farrer,  Barber,  Williams,  etc. 

(2)  Select  Committee  on  the  Land  Transfer  Bill,   1895. 


CHAPITRE  VI 

CAUSES  D  ECHEC   DE   LA   RÉFORME.    —   LA   CONCENTRATION   DE 
LÀ  PROPRIÉTÉ  FONCIÈRE.  —  l'oPPOSITION  DES  SOLICITORS. 

La  concentration  de  la  propriété  foncière  est  un  des 
traits  dominants  de  la  situation  économique  de  l'Angle- 
terr-e  ;  elle  est  le  résultat  d'une  leiite  évolution  qui  s'est 
produite  depuis  le  régné  de  Georges  P""  et  qui  a  abouti 
dans  le  cours  du  xix^  siècle  à  l'accaparement  par  un  petit 
noinbre  dé  personnes  de  la  plus  grande  partie  du  sol  cul- 
tivable en  même  temps  qu'au  dépeuplement  des  campa- 
gnes au  profit  des  villes  industrielles.  Au  xvf  siècle,  la 
jouissaiice  indivise  de  nombreuses  terres  communales 
permettait  à  une  population  rurale  assez  nombreuse  de 
vivre  à  l'aise  des  produits  du  sol. 

Mais,  lorsque  les  propriétaires  fonciers,  éblouis 
et  piqués  à  la  fois  par  les  fortunes  considérables 
faites  par  leurs  compatriotes  dans  l'industrie  et  le  com- 
merce, votilurent  gagner  eux  aiissi  de  l'argent  dans  l'agri- 
culture, ils  trouvèrent  que  l'exploitation  en  commun  était 
un  obstacle  aux  améliorations  agricoles  et  à  l'augmenta- 
tion de  leurs  revenus  (1).  Ils  obtinrent  du  Parlement  des 
lois  autorisant  la  clôture  de  leurs  propriétés  et  le  partage 
des  terres  communales  :  ce  furent  les  Inclosure  Acts.  La 
part  qui  leur  revint  dans  les  propriétés  indivises,  jointe 
aux  biens  qu'ils  possédaient  déjà  en  propre,  les  mit  à  la 
tête  d'énormes  exploitations,  dont  ils  tirèrent  de  gros 
bénéfices.  Ils  étendirent  encore  leurs  propriétés,  en  rache- 
tatit  aux  autres  détenteurs  les  parcelles  qui  leur  étaient 
échues  et  qui  étaient  d'une  étendue  insuffisante  pour  leur 
permettre  de  vivre  des  travaux  agricoles.  Ainsi  se  trouva 
constituée  la  grande  propriété  foticière  qui  existe  encore 
aujourd'hui. 

(1)  RoGEBS,  Interprétation  économique  de  Thistoire,  tra- 
duction Guillaumin,  p.  160  et  161; 


56         l'introduction  des   LIVRF.S   fonciers   en   ANGLETERRE 

En  1872,  une  grande  enquête  sur  l'état  de  la  propriété 
foncière  a  été  faite  et  a  abouti  aux  résultats  suivants  (1). 
D'après  le  New  Domesdaybook,  972.836  propriétaires 
possèdent  31.200.000  acres  qui  forment  la  superficie  to- 
tale de  l'Angleterre.  Le  chiffre  de  972.836  est  d'ailleurs 
exagéré.  Il  faut,  en  effet,  en  déduire  les  doubles 
emplois,  les  inscriptions  multiples  et  les  biens  de  main- 
morte ;  le  nombre  des  propriétaires  se  trouve  ainsi 
réduit  à  950.000  environ  :  nombre  très  minime  lors- 
qu'on le  compare  à  la  population  du  pays  (2).  Il 
n'y  a,  d'après  cette  statistique,  qu'un  propriétaire  sur 
20  habitants  en  Angleterre,  alors  que  les  propriétaires 
français  sont  avec  la  population,  dans  la  proportion  de 
1  à  10  et  que  les  propriétaires  italiens  sont  encore  plus 
nombreux  (3). 

En  conséquence,  les  transmissions  sont  d'autant  plus 
rares  qu'il  y  a  moins  de  propriétaires  et,  tandis  que  le 
nombre  des  ventes  annuelles  varie  en  France  entre  7  et 
800.000  et  est  pour  l'Autriche  seule  d'environ  210.000  (4), 
en  Angleterre,  Lord  Cairns  établit  devant  le  Comité  de 
1878-79  que  les  transmissions  immobilières  étaient  d'envi- 
ron 1.000  par  jour,  soit  300.000  par  an.  La  valeur  des  im- 
meubles transmis  est  d'ailleurs  beaucoup  plus  élevée  en 
Angleterre  que  partout  ailleurs. En  Autriche, les  ventes  de 
moins  de  50  liv.  st.  représentent  75  0/0  du  total,  celles  de 
moins  de  9  livres  encore  33  0/0,  celles  de  plus  de  8.500 
livres,  7  0/00.  La  valeur  moyenne  est  de  120  livres.  En 

(1)  Cette  enquête  a  été  faite  diaprés  les  rôles  servant  de  base 
aux  taxations  locales;  son  nQm  officiel  est:  Return  of  owners 
of  Land  in  England  and  Wales  (exclusive  of  the  Metropolis) 
V.  Glasson,  op.  cit.,  T.  VI,  p.  299;  de  Foville,  le  Morcelle- 
ment,p.  33  et  suiv.  ;  Cauwès, Cours  d'Economie  politique, 3^  édi- 
tion, T.  III,  p.  495  et  suiv.  Journal  des  Economistes,  mars 
1876,  p.  406. 

(2)  La  statistique  de  1871  donnait  comme  population  de  l'An- 
gleterre et  du  Pays  de  Galles,  22.712.266  habitants. 

(3)  13  pour  100  habitants. 

(4)  Report  of  the  Systems  of  Registration  of  title  now  in  ope- 
ration,  etc.,  p.  83. 


CAUSES  1)  ECHEC  DE  LA  REFORME  5/ 

France,  la  valeur  moyenne  des  ventes  est  encore  moins 
élevée  :  les  transmissions  inférieures  à  50  livres  sterlings 
ne  forment,  il  est  vrai,  que  70  0/0  du  total,  mais  celles 
inférieures  à  600  livres  représentent  50  0/0.  Les  ventes 
au-dessus  de  50  livres  sterlings  entrent  pour  30  0/0  seu- 
lement dans  les  chiffres  fournis  par  la  statistique. 

Enfin,  en  Angleterre  dans  le  comté  d'York,  comté  agri- 
cole, les  ventes  de  moins  de  50  livres  sterlings  ne  représen- 
tent que  G 1/2  0/0,  alors  que  les  ventes  de  moins  de  25  livres 
ne  figurent  que  pour  2  0/0  ;  les  ventes  de  plus  de  8.000 
livres  sterlings  atteignent  encore  1,7  0/0  du  total.  La 
valeur  moyenne  est  de  1.200  livres.  Les  statistiques  four- 
nies par  le  relevé  des  actes  inscrits  dans  le  registre  du 
comté  urbain  de  Middlesex  accusent  une  moyenne  beau- 
coup plus  élevée  (1). 

D'ailleurs  les  traditions  juridiques  ont  toujours  tendu  à 
limiter  autant  que  possible  les  pouvoirs  du  propriétaire 
sur  ses  biens  fonciers.  Le  droit  de  primogéniture,  qui 
subsiste  encore  dans  toute  sa  rigueur  pour  les  immeubles, 
empêche  le  morcellement  des  propriétés.  Les  substitutions 
ne  laissent  aux  détenteurs  actuels  qu'un  simple  droit 
d'usufruit,  et,  en  mettant  des  entraves  considérables  à  la 
liberté  des  transactions  immobilières,  maintiennent  for- 
cément dans  les  mêmes  familles  la  propriété  des  immeu- 
bles :  depuis  quelques  années  seulement  de  timides  ré- 
formes ont  été  tentées  pour  en  restreindre  l'usage. 

Le  Times,  dans  un  article  publié  le  20  avril  1889,  éva- 
luait à  8  millions  d'acres  la  superficie  des  terres  soumises 
à  des  substitutions,  alors  que  les  parties  du  territoire 
agricole  pouvant  être  vendues  ou  achetées  librement 
ne  représentaient  qu'un  peu  plus  du  double,  18.358.739 
acres  (2).  D'ailleurs,  ces  terres  sont  elles-mêmes  entre  les 
mains  de  riches  Landlords  pour  la  plus  grande  partie. 
L'enquête  de  1872  a  ré  vêlé  que  parmi  les  250.000  pro- 

(1)  Cf.  Report  of  the  Systems  of  Registration,  etc.,  p.  96 
et  appendice  XXII  et,  pour  la  France,  Comm.  extrap.  du  cad. 
T.  II,  p.  618.  M.  LiOTARD-VoGT,  Directeur  général  de  TEnre- 
gistrement. 

(2)  Bulletin  de  statistique  et  de  législation  comparée,  T.  XXV, 
p.  565. 


58      l'ixtroductiox  des  livres  fonciers  en  wgleterre 

priétaires  possédant  plus  d'un  acre.  37.000  ont  de  40  à 
400  hectares  et  5.400  plus  de  400  hectares.  Parmi  ces  der- 
niers. 2.250  propriétaires  possèdent  à  eux  seuls  16  mil- 
lions d'acres,  soit  plus  de  la  moitié  de  la  superficie  totale 
de  TAngleterre.  Les  Landlords  se  sont,  en  effet,  toujours 
gardés  de  diminue^  la  suprématie  foncière  qu'ils  ont  ac- 
quise depuis  le  xvif  siècle,  car  elle  leur  assurait  en  même 
temps  la  suprématie  politique,  les  institutions  politiques 
étant  basées  sur  la  propriété  foncière. 

Qui  aurait  pu  devenir  propriétaire  de  tels  domaines,  si 
ce  n'est  eux  ?  Les  ouvriers  des  campagnes,  <(  ces  fidèles 
amants  de  la  terre  »  (1).  acquièrent  souvent  en  France 
quelques  parcelles  du  sol  au  moyen  des  économies  qu'ils 
ont  réalisées.  En  Angleterre,  ils  touchent  un  salaire  telle- 
ment restreint,  qu'il  est  à  peine  suffisant  pour  nourrir  eux 
et  les  familles.  «  De  toutes  les  professions  industrielles, 
celle  d'un  ouvrier  agricole  est  la  seule  qui  n'offre  aucuii 
avenir,  l'artisan  peut  devenir  maître,  le  mécanicien,  ingé- 
nieur, le  paysan  né  peut  même  pas  nourrir  l'espoir  d'ex- 
ploiter un  jour  le  champ  qu'il  laboure  :  l'ambition  et  le 
bien-être  lui  sont  interdits.  Eux  et  leurs  familles  vivent 
de  génération  en  génération,  sans  autre  espérance  et  sans 
autre  but  que  les  bêtes  de  somme  qui  travaillent  avec  eux 
dans  les  champs  (2).  »  Comment  pourraient-ils  songer 
dans  ces  conditions  à  disputer  aux  seigneurs  du  pays  des 
parcelles  que  ceux-ci  actiètent  dès  leiit*  mise  en  vente  à 
des  prix  fort  élevés  ? 

Les  ouvriers  des  villes  ne  cherchent  pas  non  plus  à  de- 
venir propriétaires.  S'ils  sont  payés  fort  cher,  ils  ont  des 

(1)  V.  BouTMY,  Etudes  sur  l'Angleterre. 

(2)  ROGERS,  Histoire  de  l'Agriculture.  Cette  phrase  rap- 
pelle le  portrait,  fait  par  La  Bruyère,  des  paysans  français 
avant  la  Révolution.  <(  L'on  voit  certains  animaux  farouches, 
des  mâles  et  des  femelles,  répandus  par  la  campagne,  noirs, 
livides,  et  tout  brûlés  du  soleil,  attachés  à  la  terre  qu'ils  fouil- 
lent et  qu'ils  remuent  avec  une  opiniâtreté  invincible;  ils  ont 
comme  une  voix  articulée  et  quand  ils  se  lèvent  sur  leurs 
pieds,  ils  montrent  une  face  humaine  et,  en  effet,  èe  sont  des 
hommes.  »  CaractèreSj  chap.  XI,  de  l'Hoiiiriie. 


CAUSES    d'échec    de    LA    RÉFOtlAiE  59 

habitudes  de  confort  qui  les  détourne  de  l'épargne.  Là 
terre  leur  paraît  d'ailleurs,  par  le  fait  de  l'habitude,  être 
l'apanage  exclusif  des  plus  riches  de  leurs  concitoyens. 

La  propriété  foncière  est  ainsi  placée  et  maintenue  entre 
les  mains  de  propriétaires  opulents  qui  devaient  éprouver 
moins  que  d'autres  les  inconvénients  des  transactions  oc- 
cultes. Lorsqu'ils  désiraient  acquérir  quelques-uns  des 
domaines  encore  existants  malgré  les  Inclosure  Acts,  ils 
pouvaient,  grâce  à  leur  large  aisance,  payer  un  bon  prix 
et  la  terre  et  les  formalités  nécessaires  à  son  transfert  ; 
quelques  guinées  de  plus  n'obéraient  pas  le  budget  des 
potentats  qui  régnaient  dans  les  comtés  anglais.  Comme 
les  solicitors  leur  fournissaient  en  somme  des  titres  le  plUs 
souvent  inattaquables,  que  les  frais  une  fois  faits,  ils 
étaient  presque  certains  d'être  pour  toujours  les  posses- 
seurs de  leurs  acquisitions,  ils  ne  se  sont  pas  êmiis  des 
inconvénients  d'une  législation  qui,  malheureusement,  ne 
lés  régissait  pas  seuls,  mais  que  seuls  ils  pouvaient  modi- 
fier. 

La  concentration  de  la  propriété  n'a  toutefois  été  qu'une 
cause  adjuvante  de  l'échec  des  lois  des  1862  et  1875.  La 
cause  déterminante  a  été  l'oppositiôti  tenace  et  concertée 
des  solicitors  anglais.  Ces  <(  hommes  compétents  »,  dont 
nous  parle  Blackstone,  ont  été  les  détracteurs  de  Teh- 
registrement  des  actes  organisé  dans  le  Middlesêx  et  le 
Yorkshire  ;  irispirateurs  des  Real  Property  commissiùfi- 
hers  de  1828,  ils  leur  faisaient  dire  dans  leurs  rapports  que 
«  le  propriétaire  du  sol  est  investi  d'uil  pouvoir  suffisant 
et  tel  qtiè  le  bien  public  le  veut  »  et  que  «  la  propriété 
foncière  anglaise  répond  admirablement  a  tous  les  buts 
qui  lui  sont  assignés  (1)  ».  En  1859,  ils  soutenaient  avec 
Saint-Léonard,  que  l'immatriculation  de  la  propriété  ne 
serait  jamais  instituée  ;  toujours  débout,  îious  les  retrou- 
vons développant  leur  argumentation  serrée  devant  les 
conimissàires  enquêteurs  de  1878-1879  et  de  1895. 

Ils  étaient  puissants  par  leur  nombre  et  surtout  par  leur 
influence.  Cadets  de  famille,  auxquels  la  loi  successorale 

(1)  First  Report  of  the  real  pfoperty  coirtmissiorihet-s,  1829, 
p.  6,  cité  par  Pollock,  op.  cit.,  p.  166. 


60         l'introduction   des   livres   fonciers   en  ANGLETERRE 

enlève  une  part  de  l'héritage  paternel,  les  solicitors  an- 
glais ont  dans  la  société  un  rang  important  et  peuvent 
exercer  par  leurs  parentés  et  leurs  relations  une  influence 
réelle  sur  le  vote  des  deux  assemblées  composant  le  Par- 
lement. Lorsqu'il  fui  question  de  leur  enlever  par  une  loi 
la  partie  de  leurs  attributions  le  mieux  rémunérée,  de 
leur  retirer  ce  salaire  qu'un  travail  assidu  leur  assurait, 
ils  voulurent  à  tout  prix  faire  avorter  des  réformes  qui 
paraissaient  les  spolier.  Réunis  au  nombre  de  plus  de 
neuf  mille  en  associations  provinciales  affiliées  à  une  même 
société  centrale,  VIncorporated  Law  Society  of  the  United 
Kingdom,  ils  ont  su  créer  un  courant  faclice  d'opinion 
contre  l'immatriculation  de  la  propriété  :  Aux  sociétés 
foncières,  ils  ont  fait  entendre  que  les  frais  de  leurs  opé- 
rations allaient  être  augmentés,  que  leurs  opérations  elles- 
mêmes  seraient  entravées;  aux  hommes  de  finance,  ils  ont 
fait  croire  que  le  mortgage  équitable,  placement  très  lu- 
cratif, rencontrerait  désormais  des  obstacles  légaux  pres- 
que insurmontables  ;  ils  ont  dû  seulement  dire  aux  par- 
ticuliers dont  ils  étaient  les  oracles,  qu'ils  ne  leur  con- 
seillaient pas  d'user  de  la  faculté  conférée  par  la  loi.  En 
ce  faisant,  il  leur  semblait  agir  dans  l'intérêt  général.  «  Je 
ne  crois  pas  un  moment  que  l'opposition  des  Solicitors 
soit  systématique  »,  disait,  en  1895,  M.  Lake,  «  ils  repous- 
sent seulement  la  loi  de  1875,  parce  qu'elle  est  défec- 
tueuse (1)  ».  Un  autre  auteur  faisait  cette  réflexion:  <(  Un 
solicitor  est  avant  tout  un  homme  de  confiance  et  suggérer 
un  manque  de  désintéressement  dans  ses  relations  avec 
ses  clients,  serait  l'accuser  de  négliger  son  premier  et  son 
plus  haut  devoir  (2).  »  «  L'accusation  portée  contre  eux 
est  une  calomnie  inventée  par  les  auteurs  et  les  partisans 
d'une  mauvaise  loi  en  vue  de  trouver  une  excuse  plausible 
à  son  échec  )>,  concluait  enfin  le  rapport  de  1870  (3). 

Je  ne  sais  si  la  bonne  foi  des  solicitors  peut  être  sus- 
pectée. Il  est  certain  cependant  que  les  hommes  sont 

(1)  Land  Transfer  Bill,  1895.  Question  2691. 

(2)  Brickdale,  op.  cit.,  p.  53. 

(3)  P.  75. 


CAUSES    d'ÉCHFX   de    LA    RÉFORME  61 

naturellement  attachés  à  un  système  qu'ils  ont  jusqu'alors 
employé.  Les  solicitors,  comme  tous  leurs  semblables, ont 
une  tendance  à  s'opposer  à  tout  changement,  surtout  lors- 
que la  réforme  peut  ne  pas  être  aussi  profitable  que  le 
système  ancien  (1).  Ce  qui  rendait  ce  doute  possible,  c'est 
que  les  opposants  avaient  habilement  exploité  les  défauts 
des  lois  sur  l'immatriculation  et  mis  en  lumière  les  avan- 
tages de  la  clandestinité.  En  même  temps,  il  faut  le  recon- 
naître, ils  recommandaient  certaines  réformes  de  la  légis- 
lation, réformes  qui  devaient,  d'après  leurs  promesses, 
répondre  à  tous  les  desiderata  que  l'on  avait  présentés. 

Ils  contestaient  tout  d'abord  les  trois  défauts  principaux 
reprochés  aux  transactions  occultes  :  L'insécurité,  les 
retards,  les  frais. 

On  parle  de  nombreuses  erreurs.  Sont-elles  aussi  fré- 
quentes qu'on  a  bien  voulu  le  prétendre,  disaient-ils  ?  En 
quarante  ans  de  pratique,  le  Président  de  VIncorporated 
Law  Society  a  affirmé  n'avoir  eu  connaissance  d'aucune 
contestation  au  sujet  d'opérations  pour  lesquelles  on  avait 
eu  recours  à  ses  offices.  Les  recherches  effectuées  par  les 
solicitors  permettent  d'arriver  aux  conclusions  suivantes  : 
A  moins  de  fraude  et  probablement  d'une  coïncidence 
fâcheuse  et  bien  rare,  à  moins  d'erreurs  persistantes  et 
unanimes  des  conseils  des  propriétaires  antérieurs,  le 
\endeur  a  droit  de  disposer  de  la  toute  propriété  d'une 
maison  ei  son  ayant-cause  à  titre  onéreux  est  garanti 
contre  toute  éviction  (2). 

Cet  examen,  continuaient-ils,  n'est  pas  aussi  long  que 
certains  l'ont  prétendu.  Neuf  fois  sur  dix,  les  délais  sont 
demandés  ou  imposés  par  les  clients  ;  il  faut  attendre  l'ex- 
piration d'un  avis  donné  à  un  créancier  mortgagiste,  il 
faut  déterminer  la  nature  d'une  tenure,  tenir  compte  de  la 
rentrée  d'une  somme  d'argent  qui  permettra  à  l'acquéreur 
de  se  libérer  (3).  Très  rarement,  le  retard  peut  être  imputé 

(1)  Land  Transfer  Bill,  1895.  Lord  High  Chancellor.  Ques- 
tions 13  et  200. 

(2)  Brickdalb,  op.  cit. 

(3)  Land  Transfer  Bill.  1895.  Appendice  I,  p.  231. 


62         l'introduction  des   livres   fonciers   en   ANGLETERRE 

aux  solicitors.  Une  affaire  est  généralement  terminée  en 
un  niois  ou  six  semaines,  pariois  en  quelques  jours  ;  un 
jour  peut  même  suifire  pour  préparer  l'acte  et  le  signer. 
Un  autre  système  pourra-t-il  être  plus  rapide  ? 

Reste  la  question  des  frais.  Là  encore,  ["opposition  des 
hommes  de  loi  prétendait  être  victorieuse.  Avant  1881,  les 
honoraires  étaient  certainement  exagérés.  Le  Statut  5  et 
6  Victoria,  c.  73,  avait  [â^é  uniquement  le  client  d'après 
la  longueur  des  actes,  sans  tenir  compte  de  la  valeur  des 
intérêts  engagés,  ni  de  la  diiliculté  de  chaque  affaire. 
Comme  le  tarif  était  très  peu  élevé  (1  fr.  25  par  verso  ou 
par  72  mots),  les  solicitors  allongèrent  leurs  actes  en  y 
insérant  des  clauses  redondantes,  afin  de  rendre  suffisant 
le  montant  de  Jeurs  honoraires  (1).  Des  inégalités  cho- 
quantes résultaient  de  ces  pratiques  et  trois  personnes, 
sadressant  à  des  solicitors  différents  pour  des  actes  iden- 
tiques quant  à  l'objet  et  quant  à  la  forme,  payèrent  res- 
pectivement 17  sh.,  18  sh.,  et  223  sh.  (2) 

Mais  le  Parlement  a  voté  en  1881  le  Solicilors'Tiemune- 
ration  Ad  qui  fixe  les  honoraires  d'après  un  tarif  propor- 
tionnel, tenant  compte  de  la  qualité  des  parties,  de  l'im- 
portance pécuniaire  de  laffaire,  du  travail  du  solicitor  et 
de  sa  responsabilité,  de  toutes  les  circonstances  enfin  qui 
modifient,  soit  la  valeur,  soit  même  l'utilité  des  actes  pas- 
sés (3)  ;  les  Convevancing  Acts  de  1881-1882  (4)  ont  aussi 
été  votés,  ils  ont  supprimé  toutes  les  clauses  redondantes 
devenues  traditionnelles  et  nécessaires  et  ont  remplacé  les 
longues  formules  par  quelques  mots  ayant  désormais  le 
même  effet  juridique.  Enfin,  à  un  point  de  vue  particulier, 
le  Settled  Land  Act  de  1882  -a  complété  ces  deux  réformes 
en  donnant  dans  tout  settlement  à  l'usufruitier  {tenant  for 
lile),  le  pouvoir  de  primer  toute  autre  personne  qui  y 
aurait  un  intérêt.  Auparavant,  «  il  fallait  obtenir  un  titre 
des  trustées  (fidéicommissajres),  voir  si  ceux-ci  pouvaient 

(1)  Williams,  op.  cit.,  p.  196. 

(2)  Gigot,  La  réforme  de  la  transmission  de  la  propriété  fon- 
cière anglaise. 

(3)  St.  44-45,  Victoria,  c.  44  ;  art.  4. 

(4)  St.  44-45,  Victoria,  c.  41,  et  st.  45-46,  Victoria,  c.  39. 


CAUSES    d'échec    de    LA    RÉFORME  ^3 

donner  reçu  et  si  certains  consentements  ou  toutes  autres 
formalités  n'étaient  pas  exigées  (1)  ». 

Grâce  à  ces  simplifications,  les  honoraires,  diminués 
par  l'abrègement  des  actes,  représentent  actuellement  le 
tiers  ou  le  quart  des  frais  acquittés  avant  1881.  Le  tarif 
établi  en  exécution  de  la  loi  (2),  n'est  d'ailleurs  considéré 
que  comme  un  maximum  qui  est  rarement  atteint.  Par 
suite  de  la  concurrence  existant  entre  les  solicitors  (3), 
ceux-ci  consentent  à  leurs  clients  de  fortes  réductions  sur 
le  t^rif  officiel.  Les  statistiques  présentées  par  l'Incorpo- 
ted  Law  Society  au  comité  de  1895,  indiquaient  ainsi  les 
réductions  généralement  faites. 


Valeur  de  la  transaction 

Tarif 

officiel 

Tarif  d'usage 

£ 

£ 

sh. 

£     sh. 

20 

3 

)) 

2     )) 

100 

3 

» 

2  10 

200 

5 

» 

3     5 

300 

5 

)) 

3  15 

500 

7 

10 

6     » 

1.000 

15 

» 

10     » 

Ainsi  réduits,  les  honoraires  sont  très  raisonnables  et 
permettent  de  ne  pas  surcharger  outre  mesure  les  acqué- 
reurs peu  fortunés.  Le  système  tel  qu'il  existe  aujourd'hui 
est  donc  satisfaisant,  concluaient  les  solicitors  et  pour  se 
convaincre  que  nos  arguments  ne  sont  pas  des  allégations 
sans  fondement,  il  suffit  de  remarquer  que  le  public  ne 
fait  entendre  aucune  plainte  :  le  Président  d'une  impor- 

(1)  St.  45-46,  Victoria,  c.  38.  Cf.  Land  Transfer  Bill,  1895. 
HuNTER,  question  1002. 

(2)  Art.  2.  («  Un  comité  composé  du  L.  Chief  Justice,  du  maî- 
tre des  rôles,  du  Président  de  l'Incorporated  Law  Society  et 
du  Président  de  Tune  des  Sociétés  de  province,  pourra,  si  trois 
des  membres  (dont  le  L.  Chief  Justice)  sont  présents  à  la  réu- 
nion, faire  tous  les  règlements  qu^il  jugera  utile  en  tenant 
compte  de  l'importance  des  affaires  traitées.  » 

(3)  Un  témoin  disait  en  1895.  ((  Le  nombre  des  solicitors  exer- 
çant à  Leeds  abaisse  les  honoraires  à  un  taux  raisonnable.  » 
MiDDLETON,  question  3655. 


04       l'introduction  des  lh  res  fonciers  i:n  anglcterri: 

tante  Compagnie  foncière,  AI.  Bonser  a  reconnu  «  que  le 
système  actuel  répondait  admirablement  aux  exigences 
des  personnes  qui  s'en  servent  )>  et  «  que  tous  ses  acqué- 
reurs en  étaient  satisfaits  (1). 

Puis,  abandonnant  la  défensive,  les  solicitors  atta- 
quaient vivement  les  projets  de  réformes,  connues  seule- 
ment en  Angleterre  par  les  échecs  qu'elles  y  avaient  su- 
bies . 

Le  Livre  foncier  conféi'ait-il  au  propriétaire  une  sécu- 
rité plus  complète  que  les  actes  ordinaires  ?  La  loi  de  1875 
prévoit  l'immatriculation,  soit  à  titre  absolu,  soit  avec 
certaines  réserves,  soit  à  titre  possessoire.  Dans  les  deux 
premiers  cas,  une  enquête  sérieuse  est  faite  et  les  titres 
obtenus  offrent  des  avantages  sérieux  aux  personnes  ins- 
crites ;  néanmoins,  celles-ci  n'en  sont  pas  moins  à  la  merci 
d'un  escroc  qui  opérera  une  mutation  en  contrefaisant  leur 
signature,  ou  dun  fonctionnaire  indélicat  qui  profitera  de 
sa  situation  pour  procéder  à  des  écritures  fictives  (2).  Ou- 
tre ces  dangers,  les  porteurs  des  titres  possessoires  sont 
soumis  à  toutes  les  causes  d'éviction  ordinaire,  car  les  ti- 
tres, délivrés  après  des  formalités  illusoires,  ne  prouvent 
même  pas  la  réalité  de  la  possession  au  moment  de  l'imma- 
triculation. 

La  complication  des  titres  de  propriété  ne  permet  en 
général  de  demander  que  l'inscription  à  titre  possessoire, 
l'obtention  des  autres  titres  nécessitant  l'administration 
de  preuves  trop  difficiles  à  fournir.  Pour  se  couvrir  contre 
les  vices  des  titres  antérieurs  à  l'immatriculation,  l'acqué- 
reur doit  donc,  comme  par  le  passé,  examiner  les  titres  de 
propriété  et  pour  cela  recourir  aux  offices  des  solicitors. 
Offices  dont  la  rémunération  s'ajoute  aux  droits  d'inscrii)- 

(1)  Land  Transfer  Biil,  1895.  Questions  2177  et  2194. 

(2)  On  citait  notamment  les  fraudes  d'un  Sieur  Peterson, 
Registrar  adjoint  à  Brisbane  (Queensland)  qui,  grâce  à  une 
autre  fonction  occupée  par  le  Registrar  General,  put  commet- 
tre de  nombreuses  escroqueries  par  inscriptions  sur  le  Livre 
foncier  de  la  colonie.  Cf.  Hunter,  questions  1273-1274.  Land 
Transfer  Bill,  1895. 


CAUSES    d'échec    de    LA    RÉFORME  65 

lion  :  le  total  des  frais  ainsi  nécessaires  dépasse,  ou  tout 
au  moins  égale,  les  honoraires  perçus  en  vertu  du  Solici- 
tor s  Rémunération  Act  (1). 

Les  solicitors  citaient  l'avis  de  Al.  Bonser,  auquel  on 
présentait  le  tarif  de  1889  réduisant,  prétendait-on,  les 
frais  des  2/3  et  qui  avait  répondu  :  «  Cela  est  trop  beau 
pour  être  vrai  (2).  )>  Peut-être  pourront-ils  être  dans  la 
suite  encore  atténués,  mais  dans  tous  les  cas  les  tarifs  en 
vigueur  font  «  peser  sur  les  propriétaires  actuels  qui  ne 
sont  pas  particulièrement  favorisés  pour  le  moment  et  sur 
les  générations  présentes  d'artisans  et  de  petits  acheteurs, 
des  frais  considérables  qui  les  écrasent,  et  cela  au  bénéfice 
problématique  des  générations  futures  (3).  )> 

En  attendant  ce  résultat  heureux,  mais  bien  incertain, 
les  propriétaires  verront  immédiatement  limiter  leur  an- 
cienne liberté.  Les  restrictions  tiennent  à  certains  articles 
de  la  loi  :  tels  sont  ceux  qui  défendent  l'inscription  de  pro- 
priétaires indivis,  qui  interdisent  de  séparer  postérieure- 
ment à  limmatriculation  la  propriété  d'une  mine  de  celle 
de  la  surface,  qui  fixent  à  4  le  nombre  maximum  des  pro- 
priétaires conjoints  ou  des  fidéicommissaires  intéressés 
dans  une  même  propriété  et  pouvant  faire  mentionner 
leurs  droits  sur  le  Livre  foncier.  D'autres  entraves  à 
l'exercice  des  pouvoirs  du  propriétaire  trouvent  leur  ori- 
gine dans  la  pratique  môme  de  l'immatriculation,  qui  su- 
bordonne la  conclusion  de  tous  les  actes  à  l'examen  et  au 
contrôle  d'un  fonctionnaire.  Comme  ses  décisions  ont  un 
caractère  irrévocable,  celui-ci  doit  acquérir  la  certitude 
absolue  que  l'acte  qu'il  va  inscrire  est  en  tous  points  vala- 
ble car,  s'il  se  trompait,  il  dépouillerait  injustement  un 
propriétaire  qui  peut  n'avoir  commis  aucune  négligence. 
Le  syélème  actuel  ne  présente  pas  de  tels  dangers,  car  les 
transmissions  n'ont  aucun  effet  à  l'égard  du  véritable  pro- 
priétaire (s'il  a  été  antérieurement  évincé). 

(1)  Land  Transfer  and  Land  Titles,  1878,  questions  2953-3028; 
HiGHAM,  1879,  questions  388-394. 

(2)  Land  Transfer  Bill,  1895,  question  2274. 

(3)  Ibid.   Lake,   question  2565. 

L  S 


(j(j         L  IMRODLCTIOX   DES   I.IVRF.S   FONCIERS   EX   ANGLETERRE 

Loin  de  diminuer  les  délais,  soutenaient  les  hommes  de 
loi,  cette  méthode  a  pour  effet  de  les  prolonger.  Le  mi- 
nimum de  temps  employé  pour  faire  la  première  immatri- 
culation est  de  trois  ou  quatre  mois,  souvent  d'ailleurs  il 
est  dépassé,  et  dans  certains  cas  linscription  au  Livre  fon- 
cier n'a  été  ohtenue  qu'après  7,  12,  15  mois  et  même  da- 
vantage (1).  Pour  les  transmissions  postérieures  à  Timma- 
triculation,  les  retards  occasionnés  par  le  Bureau  d"Em 
registrement  ne  sont  pas  moins  considérables.  Alors 
qu'un  solicitor  termine  aujourd'hui,  le  plus  souvent,  une 
affaire  en  une  semaine,  les  actes  ne  sont  transcrits  qu'au 
bout  de  2,  3  et  même  6  mois.  Joignez  à  cela,  que  le  Bu- 
reau d'Enregistrement  ne  pourra  pas,  comme  les  solici- 
tors,  tenir  compte  de  l'urgence  des  affaires  à  examiner, 
mais  n'aura  égard  qu'à  la  date  du  dép(M  des  titres  à  im- 
matriculer. 

Les  solicitors  se  demandaient,  en  conséquence,  s'il  ne 
fallait  pas  considérer  comme  impossible  «  d'accommoder 
un  système  d'immatriculation  à  toutes  les  nécessités  qui 
se  présentent  dans  un  état  avancé  de  civilisation  (2)  »,  car, 
disaient-ils,  ((  les  formalités  de  l'inscription,  les  pouvoirs 
de  réquisition  et  de  contrôle  des  fonctionnaires  substitue- 
ront l'intervention  de  l'autorité  publique  à  la  liberté  de 
notre  action  :  ce  sera  très  préjudiciable  à  l'expédition 
normale  des  affaires.  La  rigidité  des  formalités  et  des 
règlements  qui  seront  mis  en  vigueur,  leur  manque 
d'élasticité  qui  empêchera  de  les  plier  aux  nécessités  pra- 
tiques, l'interposition  d'un  fonctionnaire  examinant  les 
affaires  au  fur  et  à  mesure,  sans  avoir  égard  à  leur  ur- 
gence, l'impuissance  absolue  du  solicitor  à  promettre 
une  avance  d'argent  à  jour  fixe  (ce  qui  peut  se  faire  main- 

(1)  Cf.  pour  la  loi  de  1S62.  Commission  de  1868,  questions 
454,  457,  473,  M.  BuTT,  Solicitor  à  Londres.  Pour  la  loi  de  1875, 
Land  Transfer  and  Land  Titles,  1878,  questions  201,  991;  Land 
Transfer  Bill,  1895,  Lake,  questions  2679  et  suiv.  ;  Interroga- 
toire de  M.  MoRTON,  passim. 

(2)  Land  Transfer  and  Land  Titles,  1878,  Williams,  questions 
390,  394,  760  ;  Wolstenholme,  questions  2463,  2464  ;  Young,  ques- 
tion 1397;   1879,   Clabon,  question  303. 


CAUSES  D  ÉCHEC  DE  L.\i  REFORME  67 

tenant)  ;  l'agitation  et  le  déplaisir  journaliers,  résultant 
des  retards  et  des  exigences  des  bureaux  substitués  à  la 
liberté  sans  contrôle  dont  on  jouit  ;  toutes  cboses  qui  se- 
ront intolérables  pour  les  solicitors  habitués  à  faire  tous 
les  actes  sans  l'assistance  de  conseil  et  d'une  manière 
sommaire  et  prompte  (1).  >> 

Voilà  la  système  imparfait,  dont  l'usage  va  être  im- 
posé au  propriétaire  foncier.  La  législation  anglaise 
n'offre  cependant  pas  d'exemple,  qu'une  partie  de  la  po- 
pulation ait  été  contrainte  à  adopter  une  mesure  dont 
pendant  trente  ans  elle  a  eu  la  faculté  de  profiter  et  dont 
elle  a  toujours  refusé  de  se  servir  (2).  Le  comité  de  1878- 
1879  s'est  prononcé  contre  l'immatriculation  obligatoire  : 
pourquoi  négliger  l'avis  de  gens  compétents  ;  pourquoi 
aussi  ne  pas  tenir  compte  des  dépositions  de  la  plupart 
des  témoins  de  1895  qui  ont  combattu  la  clause  du  bill 
emportant  obligation  d'enregistrer,  tant  au  nom  des  pro- 
priétaires qu'au  nom  des  sociétés  de  solicitors  (3)  ? 

L'immatriculation  obligatoire  porte,  en  effet,  atteinte 
au  droit  du  propriétaire.  ((  Sur  quel  principe  s'appuyer 
pour  justifier  la  contrainte  ?  Est-ce  un  devoir  public  pour 
un  bomme,  d'augmenter  la  valeur  de  vente  de  sa  pro- 
priété ?...  Qui  est  lésé,  si  un  propriétaire  ne  peut  conve- 
nablement prouver  que  sa  terre  est  sienne  ?  Gause-t-il  du 
tort  à  ses  voisins  ;  est-il  une  calamité  publique  ;  attente- 
t-il  aux  bonnes  mœurs  ;  trompe-t-il  quelqu'un  ;  préjudi- 
cie-t-il  à  sa  postérité  beaucoup  plus  que  par  d'autres  actes 
qu'il  peut  faire  légalement  ?  Comment  est-il  nécessaire 
d'instruire  de  son  propre  intérêt  un  propriétaire  ou  un 

(1)  Land  Transfer  Bill,  1895,  Saunders,  question  1762. 

(2)  «  Est-ce  la  mission  de  la  législation  de  forcer  un  homme 
à  faire  ce  qu'il  ne  veut  pas  faire  1  )>  Land  Transfer  and  Land 
Titles,  1879.  Lord  Thring,  questions  57  et  82.  V.  aussi  p.  III 
du  Rapport  de  1879. 

(3)  Le  rapport  de  flncorporated  Law  Society  (U.  K.),  de 
1895,  portait  qu'elle  devait  <(  continuer  son  opposition  au  Bill 
du  gouvernement  tant  que  celui-ci  ferait  de  l'immatriculation 
une  obligation  ».  V.  Land  Transfer  Bill,  1805.  Lakp,  questions 
2921  et  2943. 


68       l'introduction  dès  livres  foncii:rs  en  Angleterre 

acquéreur  de  bien-fonds  (recruté  cependant  en  général 
dans  les  classes  les  plus  éclairées),  alors  qu'on  se  fie  à 
chacun  quand  il  s'agit  des  intérêts  particuliers  (1)  ?  » 
Critiques  d'autant  plus  graves  que  celui  qui  s'en  faisait 
l'écho,  était  le  Registrar  adjoint  lui-même. 

Pourquoi,  d'ailleurs,  imposer  un  système  dont  les  pro- 
moteurs disent  un  si  grand  bien.  De  deux  choses  lune  : 
ou  le  système  tel  qu'on  le  propose  a  toutes  les  qualités 
qui  lui  sont  attribuées  ;  et  la  contrainte  est  alors  inutile  : 
car  les  propriétaires  préféreront  rapidement  la  nouvelle 
législation  à  l'ancienne  ;  ou  la  réforme  est  imparfaite  et 
c'est  presque  une  injustice  de  forcer  les  propriétaires  à 
souffrir  de  ces  imperfections.  Est-il  enfin  prudent  de  ren- 
dre tout  à  coup  obligatoire  un  système  qui  n'a  jamais  été 
essayé  sérieusement?  ne  se  trouvera-t-on  pas  dans  la  né- 
cessité d'abroger  à  bref  délai  une  législation  hâtive  et 
inapplicable  ? 

Tel  est  le  résumé  des  diverses  objections  faites  au  prin- 
cipe des  Livres  fonciers  par  les  solicitors,  tant  en  1878- 
1879  qu'en  1888  à  la  Chambre  des  Lords  et  en  1895  aux 
Communes. Nous  avons  essayé  de  les  classer  et  de  les  résu- 
mer aussi  brièvement  que  possible,  car  elles  sont  éparses 
dans  quatre  gros  volumes  :  nous  allons,  dans  le  chapitre 
suivant,  les  discuter  et  voir  pour  quels  motifs,  le  Parle- 
ment passa  outre,  en  1897.  à  toutes  les  critiques  qui 
avaient  été  présentées. 

(1)  Bkickdale,  op.  cit.,  p.  55.  Cet  auteur  prétendait,  en  1886, 
faire  accepter  l'immatriculation  sans  recourir  aux  mesures  de 
coercition. 


CHAPITRE  VII 

réponses  aux  objections  des  solicitors.  —  les  causes 
d'adoption  de  la  loi  de  1897 

Nous  avons  dans  un  précédent  chapitre  énuméré  les 
griefs  invoqués  contre  les  aliénations  clandestines  :  nous 
ne  nous  attarderons  pas  par  conséquent  à  discuter  à  nou- 
veau sur  les  dangers,  les  retards  et  les  frais  du  système 
occulte.  Il  nous  faut  néanmoins  examiner  au  point  de 
vue  pratique  les  observations  présentées  par  les  solici- 
tors. 

Remarquons  tout  d'abord  que  dans  le  tableau  que  nous 
avons  reproduit  (1),  les  réductions  consenties  sur  le  tarif 
officiel  ne  sont  pas  aussi  considérables  qu'on  pourrait  le 
croire  :  les  frais  sont  seulement  proportionnés  plus  exac- 
tement à  la  valeur  de  la  propriété  vendue,  le  tarif  officiel 
étant  à  paliers  assez  espacés  pour  les  valeurs  inférieures 
à  500  livres  slerlings.  Si  l'on  recherche  la  proportion 
entre  les  frais  et  les  valeurs  d'achat,  on  arrive  aux  ré- 
sultats suivants  : 

Pour  une  valeur  d'achat  de  20  £  d'après  le  tarif  officiel 
15  0/0,  avec  réduction  10  0/0. 

Pour  une  valeur  d'achat  de  100  £  d'après  le  tarif  officiel 
3  0/0,  avec  réduction  2  1/2  0/0. 

Pour  une  valeur  d'achat  de  200  £  d'après  le  tarif  offi- 
ciel 2  1/2  0/0,  avec  réduction  1,7  0/0 

Pour  une  valeur  d'achat  de  300  £  d'après  le  tarif  offi- 
ciel 1,66  0/0,  avec  réduction  1,5  0/0. 

Pour  une  valeur  d'achat  de  500  £  d'après  le  tarif  offi- 
ciel 1,5  0/0,  avec  réduction  1,2  0/0. 

Pour  une  valeur  d'achat  de  1.000  £  d'après  le  tarif  offi- 
ciel 1,5  0  0,  avec  réduction  1  0/0. 

(l)  Voyez  p.  63. 


70  l.'lMRODl  C  T10-\    l)i:S   I.IVRKS   FONCIERS   KN   ANGLETERRi: 

Les  deux  tarifs  sont  donc  progressifs  à  rebours,  c'est-à- 
dire  qu'ils  font  payer  beaucoup  plus  pour  les  petites 
ventes  que  pour  les  ventes  plus  importantes.  Les  frais 
n'atteignent  même  que  0,29  0/0,  lorsque  la  valeur  de  l'im- 
meuble est  de  50.000  £  et  au-dessus.  Ce  tableau  montre 
donc  que  pour  les  ventes  de  peu  d'importance,  les  hono- 
raires demandés  par  les  solicitors  sont  très  élevés  :  Ils 
faisaient  désirer  à  certaines  personnes  de  voir  ces  hom- 
mes de  loi  «  travailler  à  meilleur  marché  )>  (1). 

Cette  observation  une  fois  faite,  examinons  les  criti- 
ques présentées  contre  l'immatriculation.  Les  promo- 
teurs de  la  réforme  ont  été  accusés  d'introduire  le  fonc- 
tionnarisme là  où  l'initiative  individuelle  suffisait  ample- 
ment. Sans  vouloir  étendre  d'une  manière  abusive  les 
attributions  de  l'Etat,  les  Livres  fonciers  nécessitent  ce- 
pendant l'intervention  d'agents  de  la  puissance  publique. 
En  effet,  il  s'agit  de  donner  un  titre  opposable  à  tout  le 
monde  ;  l^Etat  seul  a  qualité  pour  représenter  la  collec- 
tivité ;  de  plus,  il  a  à  sauvegarder  certains  droits  (servi- 
tudes créées  dans  un  intérêt  public,  charges  foncières  as- 
surant le  recouvrement  de  l'impôt  foncier,  Land  Tax,  ou 
des  droits  de  succession).  D'ailleurs,  l'intervention  de 
fonctionnaires  en  ces  sortes  d'affaires  n'est  pas  nouvelle, 
il  existe  déjà  les  Registrars  des  bureaux  d'Enregistre- 
ment ;  le  greffier  préposé  au  transfert  des  Consols,  celui 
qui  tient  le  registre  des  navires  (2). 

Les  solicitors  ne  seront  pas,  par  le  fait  de  l'immatricu- 
lation, complètement  exclus  des  transmissions  immobi- 
lières. Leur  concours  sera  nécessaire  encore  pendant 
20  à  30  ans  pour  les  ventes  de  biens  immatriculés  avec 
titres  possessoires,  car  il  faudra  comme  aujourd'hui  exa- 
miner les  actes  antérieurs  à  l'Enregistrement  ;  ils  seront 
aussi  chargés,  le  plus  souvent,  des  transmissions  d'im- 
meubles enregistrés  avec  titre  absolu,  car  les  proprié- 
taires désireront  s'épargner  le  souci  de  remplir  les  for- 
malités accessoires  à  toute  inscription. 

(1)  Land  Transfer  Bill,  1895.  Bonser,  question  2196. 

(2)  Cf.   ibid  ;  Lord  High  Chancello r,  question  43. 


CAUSES   1)'aI)OFTIO.\   DK    LA    LOI    DK    1897  71 

Le  Registre  foncier  ne  donne-t-il  qu'une  sécurité  rela- 
tive comme  il  a  été  objecté  ?  Assurément,  clans  tout  sys- 
tème il  existe  un  minimum  de  fraude  contre  lequel  il  est 
impossible  de  se  prémunir.  Le  greffier  peut  être  mis  en 
défaut  par  un  escroc  habile.  Mais  en  Australie,  l'expé- 
rience a  prouvé  que  les  fraudes  sont  très  rares.  De  plus, 
actuellement  un  transfert  frauduleux  par  acte  authenti- 
que^ ne  laisse  à  l'acquéreur  qu'une  action  personnelle 
souvent  illusoire  contre  le  vendeur.  D'après  les  projets 
soumis  au  Parlement  depuis  1887,  la  création  d'un  fonds 
d'assurance  contre  de  semblables  fraudes  a  été  prévue  et 
l'acquéreur  serait  toujours  assuré  d'être  indemnisé  du 
préjudice  à  lui  causé  par  l'éviction. 

Les  adversaires  avaient  prétendu  que  les  frais  de  l'im- 
matriculation étaient  beaucoup  plus  élevés  que  ceux  de- 
mandés par  les  solicitors.  Un  témoin  qui  ne  peut  être 
suspecté  d'être  favorable  au  système  d'immatriculation, 
M.  Lake,  compara,  devant  le  Comité  de  1895,  les  frais 
perçus  sur  une  série  de  transferts  de  terre  enregistrée 
avec  les  honoraires  que  le  Solicitors'Remuneration  Act 
aurait  attribués  aux  officiers  ministériels  pour  ces  mêmes 
transferts.  Sur  21  transactions,  12  furent  faites  avec  des 
frais  moindres  qu'avec  l'ancien  système  et  la  diminution 
fut,  dans  plusieurs  cas,  considérable  :  2  £  14  sh.  ;5  £  16  sh .  ; 
14  £  19  sh.;  15  £  16  sh.;  22  £  14  sh.;  24  £  19  sh.  Sur 
les  9  autres  transactions  où  l'on  put  constater  une  aug- 
mentation, la  différence  était  de  quelques  shillings  géné- 
ralement et  la  plus  forte  de  2  £  9  sh.  Il  faut  d'ailleurs 
reconnaître  que  de  tels  résultats  n'étaient  pas  suffisants. 
L'ancien  tarif  était,  nous  l'avons  vu,  exorbitant;  les  nou- 
veaux tarifs  auraient  dû  diminuer  dans  une  forte  propor- 
tion les  dépenses  des  transferts  :  la  statistique  précédem- 
ment citée,  nous  montre  que  ces  diminutions  considéra- 
bles n'étaient  en  somme  que  des  exceptions.  Aussi,  a-t-on 
pu  dire  que  l'échec  de  l'Act  de  1875  a  presque  exclusive- 
ment eu  pour  cause  l'élévation  des  frais  d'immatricula- 
tion. Mais  il  est  à  prévoir,  disaient  les  partisans  des 
Livres  fonciers,  que  les  tarifs  pourront  être  de  beaucoup 
abaissés  lorsque,  grâce  à  l'obligation,  les  immatricula- 


12         l'i\TRODUCTIO\   des    livres   fonciers   en    ANGLETERRE 

lions  seront  plus  nombreuses.  Les  taxes  ne  sont,  en  effet, 
destinées  qu'à  payer  les  dépenses  du  service  ;  la  quote- 
part  de  chaque  propriétaire  dans  ces  frais  généraux  sera 
d'autant  moins  élevée  que  les  opérations  enregistrées 
seront  en  plus  grand  nombre. 

Les  autres  objections  méritent  d'attirer  moins  longue- 
ment notre  attention.  Les  critiques  adressées  à  certains 
articles  de  la  loi  ne  visaient  que  des  détails  pratiques  : 
les  projets  nouveaux  leur  donnaient  d'ailleurs  satisfac- 
tion. Le  Fonds  d'assurance  que  l'on  se  proposait  de  créer 
aurait  aussi  de  bons  effets  sur  la  rapidité  de  l'immatricu- 
lation, car  le  Registrar  n'aura  plus  à  craindre  que  des 
erreurs  dépouillent  le  véritable  propriétaire  ;  il  risquera 
tout  au  plus  de  mettre  en  cause  la  garantie  du  fonds  d'as- 
surance. 

Loin  d'être  parfait,  le  système  d'immatriculation  est 
susceptible  d'améliorations  et  peut  déjà  rendre  de  sé- 
rieux services.  Si  ses  applications  ont  été  jusqu'en  1897 
aussi  rares,  la  cause  réside  dans  l'opposition  des  solici- 
tors.  Pour  vaincre  leur  résistance,  il  n'y  avait  qu'un 
moyen  :  rendre  l'immatriculation  obligatoire.  Les  pro- 
priétaires ne  préfèrent,  en  effet,  pas  «  un  moyen  plutôt 
qu'un  autre  ;  ils  ne  se  soucient  de  rien  (1)  )>  ;  ((  pas  un 
propriétaire  foncier  sur  cent  n'a  même  jamais  entendu 
parler  du  Bureau  d'immatriculation  ou  n'a  pris  la  peine 
de  demander  s'il  existe  (2)  ».  Aussi,  si  ce  sont  les  proprié- 
taires ((  qui  ont  nominalement  le  choix,  c'est  en  pratique 
le  solicitor  qui  décide  (3)  »,  car  «  chaque  famille  a  son 
solicitor  attitré  et  c'est  à  eux,  par  conséquent,  qu'il  aurait 
appartenu  de  demander  l'application  de  la  loi  nouvelle. 
Naturellement,  ils  n'y  ont  mis  aucun  empressement  ;  c'est 
comme  si  l'on  avait  confié  aux  entrepreneurs  de  roulage 
et  de  malles-postes  le  soin  de  construire  les  chemins  de 
fer  (4)  ».  Pour  assurer  le  succès  de  la  nouvelle  législation. 

(1)  Land  Transfer  and  Land  Titles,  1879.  L.  Thring,  questions 
70  à  72;  V.  aussi  Dees,  questions  782  à  785. 

(2)  BmcKDALE,  op.  cit.,  p.  3. 

(3)  TORRENS,  op.  cit.,  p.  44. 

(4)  Gide,  Etude  sur  l'Act  Torrens,  p.  37. 


GALSKS  d'aDOI'TION  DE   LA   LOI   Di:   1897  73 

il  fallait  proléger  les  landlords  contre  cette  ((  malheureuse 
pression  (1)  »;  l'immatriculation  obligatoire  était  la  seule 
protection  efficace. 

Mis  en  présence  de  ces  divers  arguments,  les  soli- 
citors  ne  faisaient  plus  une  opposition  aussi  tenace.  Les 
lois  de  1881-1882, en  simplifiant  les  transmissions,  avaient 
diminué  les  frais  et  par  là  inême  restreint  l'intérêt 
que  les  solicitors  portaient  au  maintien  du  statu  quo. 
Certains  restaient  fidèles  aux  idées  qu'ils  avaient  fait  pré- 
valoir jusque-là,  mais  Ils  formaient  la  minorité  (2).  Quel- 
ques-uns se  ralliaient  tardivement  au  système  d'enregis- 
trement d'actes  qui  existait  déjà  dans  le  Middlesex  et  le 
Yorkshire  et  qui  serait  étendu  aux  autres  comtés.  L'in- 
tervention des  fonctionnaires  était  ainsi  écartée  et  en 
même  temps  on  conférait  aux  droits  des  propriétaires 
une  sécurité  presque  complète. 

Enfin  un  troisième  groupe,  le  plus  nombreux,  se  rési- 
gnait à  faire  l'essai  loyal  de  l'immatriculation  de  la  pro- 
priété à  deux  conditions  :  1°  l'immatriculation  sera  facul- 
tative ;  2"^  le  propriétaire  pourra  à  tout  moment  sous- 
traire sa  terre  à  la  juridiction  du  Land  Registry  (3).  Ils 
considéraient,  en  effet,  que  dans  des  cas  assez  nombreux, 
il  serait  utile  d'immatriculer  des  propriétés,  afin  d'obtenir 
des  titres  clairs  et  précis  à  la  place  des  anciens  titres  de 
propriété  surchargés  de  servitudes,  de  conventions  res- 
trictives, d'annulations  et  de  mainlevées  d'hypothèques. 
Mais  ils  continuaient  à  penser  que,  dans  le  cours  ordinaire 
de  leurs  affaires,  il  serait  bien  préférable  d'employer  les 
anciennes  formes,  c'est-à-dire  les  actes  occultes.  Ils  de- 
mandaient donc  que  sur  une  simple  déclaration,  le  pro- 
priétaire puisse  soustraire  son  domaine  aux  obligations 
imposées  par  la  législation  des  Livres  fonciers.  Adopter 
ces  propositions  eût  été  continuer  les  errements  déplo- 

(1)  TORRENS,    op.    cit.,   p.    53. 

(2)  Land  Transfer  and  Land  Titles,  1879,  L.   Thring,  ques- 
tion 7;  Land  Transfer  Bill,  1895,  Hunter,  question  968. 

(3)  Cette  longue  périphrase  traduit  à  peu  près  ces  trois  mots 
anglais:  «  Removal  from  register.  » 


74       I.  ]MK()i)rrTi()\  ni.s  i.nRi:s  i  ontikrs  i:\  Angleterre 

rables  de  la  loi  de  1875  et  même  revenir  à  la  loi  de  1862  : 
c'était  courir  à  un  nouvel  échec,  cette  fois-ci,  assuré. 

Cependant,  la  nécessité  d'une  réforme  complète  se  fai- 
sait de  plus  en  plus  sentir,  sous  l'influence  de  nouvelles 
idées  politiques  et  de  la  situation  précaire  de  l'agricul- 
ture anglaise. 

1832.  1867  et  1884  marqueront  dans  l'histoire  du 
Royaume-Uni  les  étapes  de  l'émancipation  politique  de 
ses  habitants.  En  1832,  c'est  la  suppression  des  bourgs 
pourris,  la  répartition  nouvelle  des  sièges  proportion- 
nellement à  la  population.  En  1867.  c'est  l'admission  à 
l'électoral  des  ouvriers  des  villes.  En  1884.  les  ouvriers 
agricoles  acquièrent  le  droit  de  suffrage  (1).  La  conquête 
de  l'égalité  politique  fit  bientôt  désirer  aux  nouveaux 
électeurs  d'asseoir  leur  influence  sur  une  base  solide  et 
pour  cela  ils  ont  voulu  devenir  propriétaires  d'une  partie 
du  sol  anglais.  Certains  même,  allèrent  jusqu'à  deman- 
der la  nationalisation  de  la  terre,  c'est-à-dire  l'expropria- 
tion des  Landlords  moyennant  une  faible  indemnité  (2). 
Une  ligue  foncière  :  le  Land  and  Labour  league  fut  créée 
dans  ce  but  au  milieu  du  xix^  siècle  et  compta  parmi  ses 
membres  les  agitateurs  les  plus  connus  parmi  lesquels, 
Potter,  Bradlaugh.  Ernest  Jones  (3). 

Ces  propositions  socialistes,  eurent  un  grand  reten- 
tissement en  Angleterre  et  principalement  parmi  les  éco- 
nomistes qui  venaient  d'obtenir  l'abandon  du  régime 
douanier  prohibitif  et  protecteur.  Ils  se  rendirent  compte 
du  caractère  rétrograde  de  la  législation  foncière  et 
Cobden  se  joignit  aux  socialistes  pour  réclamer  l'acces- 
sibilité de  tous  à  la  propriété  foncière,  le  libre-échange 

(1)  Cf.  BouTMY,  La  Constitution  politique  de  l'Angleterre. 
En  1832,  4  0/0  de  la  population  totale  était  électeur,  en  1885, 
15  0/0  représentant  5  millions  d'adultes  mâles,  sur  7  millions 
au  total. 

(2)  Ces  idées  ont  été  émises  notamment  par  Wallace,  dans 
son  livre  :  Land  Nationalisation,  its  necessity  and  its  aim,  et 
par  le  socialiste  américain,  Henry  George,  dans  son  ouvrage: 
Progress  and  Poverty. 

(3)  Cf.  Glasson,  op.  cit.,  T.  VI,  p.  312. 


CAUSES  d'aIK)PTIO-\  DE   LA   LOI    1)L    1897  75 

en  matière  immobilière  comme  ils  l'avaient  obtenu  en 
matière  commerciale. «  Free  trade  in  land^Si  dit  M.Bright, 
signifie  l'abolition  de  la  loi  de  primogéniture,  la  limita- 
tion du  système  des  substitutions  et  des  settlements,  de 
façon  à  supprimer  la  plupart  des  droits  réels  purement 
viagers  et  à  les  remplacer  par  des  droits  absolus  de  pro- 
priété, cela  signifie  également  qu'il  doit  être  aussi  aisé 
d'acheter  ou  de  vendre  une  terre  que  d'acheter  ou  de 
vendre  un  bateau  (1).  » 

Cobden  et  après  lui  un  parti  puissant,  soutinrent  cons- 
tamment ce  programme  devant  le  Parlement.  Ils  s'atta- 
quèrent d'abord  aux  vestiges  de  la  féodalité  qui  subsis- 
taient encore.  Commencé  depuis  1841,  l'affranchissement 
des  copyholds  rencontrait  la  résistance  des  intendants, 
dont  une  partie  des  fonctions  allait  par  là  même,  être  sup- 
primée. En  1852  et  en  1858,  on  étend  les  pouvoirs  des 
commissaires  chargés  de  déterminer  l'indemnité  de  ra- 
chat et  on  rend  l'opération  obligatoire  si  l'une  des  parties 
le  demande  ;  enfin,  en  1887,  on  augmente  encore  les  faci- 
lités de  l'affranchissement.  Les  opérations  qui,  de  1841 
à  1849,  n'avaient  porté  que  sur  300  propriétés  (2),  devin- 
rent fort  nombreuses  après  le  vote  de  la  loi  de  1858.  De 
1860  à  1881,  il  n'y  en  eut  pas  moins  de  600  en  moyenne 
par  an,  ce  qui  fit  au  total  12  à  13.000  opérations  (3)  ; 
fabolition  de  ces  tenures  féodales  a  continué  dans  les 
mêmes  conditions  jusqu'au  jour  où  la  crise  agricole,  de- 
venue trop  intense,  a  paralysé  tous  les  efforts. 

Ils  réclamèrent  ensuite  la  modification  des  règles  des 
substitutions  et  des  settlements.  En  effet,  ((  réduit  au 
rôle  d'usufruitier  timide  »,  le  propriétaire  anglais  ne  pou- 
vait ni  vendre  une  parcelle,  ni  consentir  une  hypothèque  ; 
il  se  trouvait  entravé  à  chaque  instant  dans  l'administra- 
tion de  son  domaine  par  les  restrictions  apportées  à  ses 
droits  :  aussi,  se  désintéressait-il  de  sa  propriété  et  il  ne 
songeait  pas  à  l'améliorer.  Le  Land  improvement  act  de 
1877,  afin  de  favoriser  le  drainage  des  propriétés,  a  per- 

(1)  Cf.  Baxter,  Our  Landlaws  of  the  Past. 

(2)  Lebret,  op.  cit.,  p.  81  et  suiv. 

(3)  M.  Flach  à  son  cours  de  l'Ecole  des  Sciences  Politiques. 


76       l'introduction  I)i:s  i.imuis  iongii.rs  ln  anglkterri: 

mis  au  grevé  de  substitution  d'imputer  sur  les  revenus  du 
domaine,  le  paiement  de  certaines  charges  foncières  :  il 
pourra  ainsi  se  procurer  l'argent  nécessaire  aux  travaux. 
Le  Settled  ol  Land  Ad  de  1882  a  autorisé  les  trustées  à 
consentir  la  vente  des  biens  substitués  (sauf  la  principale 
demeure).  Les  sommes  en  provenant  sont  remployées  en 
fonds  publics,  en  bien-fonds  ou  en  améliorations  du  do- 
maine. 

Enfin,  les  curés  de  campagne  furent  en  1888  habilités 
à  aliéner,  moyennant  certaines  formalités,  les  terres  atta- 
chées à  leur  bénéfice.  Par  cette  mesure,  la  main-morte 
devait  être  largement  réduite  en  peu  de  temps. 

A  côté  de  ces  lois  qui  n'ont  eu  qu'une  influence  médiate, 
détournée  sur  le  morcellement  de  la  propriété  foncière 
anglaise,  le  Parlement  votait  des  mesures  qui  avaient 
pour  but  principal  la  création  en  Angleterre  dallotments 
et  de  small  holdings  possédés  par  des  petits  proprié- 
taires, mais  devaient  fournir  en  même  temps  des  bras 
aux  Landlords  et  aux  fermiers.  Tons  ces  actes  eurent 
peut-être  moins  d'influence  cependant  sur  le  morcelle- 
ment de  la  propriété  que  l'initiative  privée,  qui  s'est  ma- 
nifestée de  deux  manières  par  les  Building  Societies  ou 
Sociétés  de  construction  et  par  les  Land  Companies  ou 
Compagnies  foncières. 

Les  Building  Societies  sont  des  sociétés  coopératives  : 
elles  achètent  des  terrains,  les  lotissent,  y  font  tous  les 
travaux  de  voirie  nécessaires  ;  ensuite,  ou  bien  elles  cons- 
truisent des  maisons  sur  chaque  parcelle  et  les  reven- 
dent ;  ou  bien  elles  prêtent  aux  acquéreurs  des  terrains 
les  sommes  nécessaires  à  la  construction  des  habitations. 
Ces  diverses  opérations  sont  réservées  aux  seuls  adhé- 
rents. Des  lois  spéciales  de  1874  et  1875  régissent  ces 
associations  qui  sont  dites  enregistrées  ou  non  enregis- 
trées, suivant  qu'elles  se  sont  ou  ne  se  sont  pas  confor- 
mées à  certaines  règles  de  la  législation. 

Les  premières,  les  seules  sur  lesquelles  nous  ayons  des 
renseignements  précis,  n'ont  cessé  de  croître  jus([u'en 
18Q0.  Elles  étaient  (1)  : 

(1)  Statistical  abstracts. 


CAUSES   d'adoption   DE   LA   LOI    DE    1897  77 

1.111  en  1880  avec  un  capital  de  924  millions  de  francs. 

1.953  en  1885  avec  un  capital  de  1.263  millions  de 
i'rancs. 

2.333  en  1890  avec  un  capital  de  1.264  millions  de 
francs. 

2.181  en  1895  avec  un  capital  de  1.014  millions  de 
francs. 

2.124  en  1900  avec  un  capital  de  1.077  millions  de 
francs.  .  ' 

A  côté  de  celles-ci,  les  sociétés  non  enregistrées  avaient 
en  1895  un  capital  de  440  millions  environ  et  en  1900,  de 
375  millions. 

Il  n'est  pas  exagéré  de  prétendre  que  plusieurs  cen- 
taines de  mille  petits  capitalistes  sont  ainsi  devenus  pro- 
priétaires de  la  maison  qu'ils  habitent. 

Les  Land  (■ompanien  sont  de  véritables  sociétés  com- 
merciales à  responsabilité  limitée  (jui  recherchent  un 
bénéfice  dans  l'achat  des  grands  domaines  et  la  revente 
après  morcellement  aux  ouvriers.  La  plus  célèbre,  la 
British  Land  G"  Limited,  créée  en  1856,  a  vendu  à  elle 
seule  depuis  sa  fondation,  pour  4.047.643  livres  sterlings 
de  terrains,  ce  qui  représente,  étant  donnée  une  valeur 
moyenne  des  lots  de  80  livres  sterlings,  50.000  aliéna- 
lions  environ  (1).  La  situation  de  la  propriété  foncière 
semble  donc  avoir  été  assez  profondément  modifiée  de- 
puis 1872  par  la  constitution  d'un  grand  nombre  de  petites 
propriétés  qui  sont,  il  est  vrai,  plutôt  des  propriétés 
urbaines  que  des  propriétés  rurales. 

A  côté  de  ces  transformations  dans  l'aspect  de  la  pro- 
priété, il  s'est  produit  une  modification  de  même  nature 
dans  la  répartition  des  fermes  ou  des  tenures.  Les  gran- 
des exploitations  agricoles  disparaissent  peu  à  peu  et  font 
place  à  des  petites  fermes  de  1  à  50  acres.  Le  rapport 
publié  par  le  Board  of  Agriculture  en  1890  (2)  indique 
qu'il  existait  alors  455.005  allotments  ou  jardinets  ruraux 
de  moins  d'un  acre  et  409.422  small  holdings  de  1  à  50 

(1)  Land  Transfer  Bill,  1895.  Bonser,  Interrogatoire,  pas- 
sim. 

(2)  Return  of  allotments  and  small  holdings,  1890. 


78         l"i.\TRODUCTIO.\   des   livres   fonciers  Ei\   ANGLETERRE 

acres.  Le  nombre,  tant  des  allotments  que  des  small  hol- 
dings n'avait  cessé  de  croître  depuis  1875,  époque  à  la- 
quelle ils  n'étaient  respectivement  que  246.398  et 
389.941. 

Mais  la  division  de  la  propriété  et  de  la  possession 
nécessite  des  contrats  plus  fréquents,  qui  ont  pour  objet 
des  superficies  peu  étendues  et  des  sommes  généralement 
minimes  :  les  intéressés  ont  alors  compris  combien  diffi- 
cile et  coûteux  était  le  système  en  usage  ;  combien  peu  il 
répondait  aux  nouveaux  besoins  de  l'agriculture. 

L'Angleterre  n'avait  pas,  en  effet,  échappé  plus  que  les 
autres  pays  européens  à  la  crise  agricole  qui,  depuis 
trente  ans,  l'avait  particulièrement  éprouvée.  Les  reve- 
nus fonciers  des  Landlords,  fort  considérables,  étaient 
grevés  de  charges  nombreuses  résultant  de  testaments, 
d'obligations  légales  ou  même  de  simples  traditions.  Ces 
charges  devinrent  particulièrement  lourdes,  lorsque  le 
loyer  des  terres  eut  subi  une  profonde  dépression.  En 
1875,  les  revenus  déclarés  pour  la  perception  de  l'Income 
tax  (cédule  A.  biens  fonciers),  étaient  pour  l'Angleterre 
de  48.533.340  livres  sterlings  et  pour  le  Pays  de  Galles 
de  3.265.610  livres  sterlings  ;  en  1894,  ils  n'étaient  plus 
respectivement  que  de  36.999.846  livres  sterlings  et 
3.065.985  livres  sterlings.  La  diminution  est  donc  pour 
l'Angleterre  de  23,7  0/0  et  pour  le  pays  de  Galles  de 
6,1  0/0,  soit  en  moyenne  22,7  0/0  (1).  Le  capital  foncier 
diminuait  encore  dans  une  proportion  plus  considérable, 
50  0/0  ainsi  que  l'indique  le  tableau  suivant  : 


(1)  Final  report  on  agricultural  dépression,  1894,  Remar- 
quons pour  compléter  ces  chiffres,  que  la  baisse  des  loyers  n'a 
fait  que  continuer  et  que  le  revenu  déclaré  pour  l'Angleterre 
et  le  pays  de  Galles,  n'atteignait  plus  on  1900,  que  37.110  545 
livres  sterlings. 


CAUSES   d'adoption   DE    LA   LOI    DE    1897 


79 


PI 

Revenus  décla- 
rés à  rincome 
Tax 

(pour  toute  la 

Grande  Bretagne) 

Denier  de 
capitali- 
sation 

Capital 

Diminution  depuis 
1895 

Montant 

p.  0/0 

1875 
1894 

55.618.428  £ 
40.317.729  £ 

30 
18 

1.668.352.840 
833.719.122 

834.833.718 

50 

La  différence  existant  entre  la  diminution  de  la  valeur 
vénale  et  l'abaissement  de  la  valeur  locative  s'explique 
par  ce  fait  qu'on  a  tenu  compte,  en  parlant  des  revenus, 
seulement  des  réductions  de  fermages. 

Les  pertes  résultant  des  fermages  non  payés,  les  dé- 
penses de  plus  en  plus  considérables  de  réparations,  de 
drainage,  de  constructions,  le  prélèvement  pour  l'acquit 
de  la  dîme,  à  la  charge  des  Landlords  depuis  1892,  n'ont 
pas  pu  être  évalués  pour  établir  la  réduction  réelle  de  la 
valeur  locative  des  terres.  Alais  ajoutées  les  unes  aux 
autres,  les  diminutions  de  revenu  qui  en  sont  la  consé- 
quence doivent  correspondre  largement  à  la  diminution 
de  capital.  Les  Landlords  privés  ainsi  d'une  partie  de 
leurs  ressources  durent  recourir  à  l'emprunt  ou  même 
vendre  leurs  terres.  Lorsqu'ils  voulurent  hypothéquer 
leurs  propriétés  dans  l'espérance  que  la  crise  n'était  que 
passagère  et  qu'ils  pourraient  en  des  temps  meilleurs 
rembourser  leurs  créanciers,  ils  ne  trouvèrent  à  leur 
disposition  que  le  contrat  démodé  et  formaliste  du  mort- 
gage.  Il  parut  dur  à  ces  fiers  propriétaires  d'être  obligés 
de  soumettre  leurs  titres  à  l'examen  de  conseils  et  de  leur 
laisser  examiner  leurs  papiers  de  famille.  Il  leur  parut 
pénible  de  rencontrer  à  chaque  pas  des  difficultés  impré- 
vues, retardant  le  moment  où  ils  recevraient  l'argent  dont 
ils  avaient  un  pressant  besoin  :  il  leur  parut  insupportable 
d'épuiser  d'un  seul  coup  tout  leur  crédit,  ce  qui  était  la 
conséquence  de  la  remise  des  titres  entre  les  mains  du 
créancier. 

Lorsqu'ils  voulurent  vendre  leurs  biens  ;  ils  rencontrè- 
rent de  semblables  difficultés  et  ne  reçurent  qu'une 
somme  d'argent  bien  amoindrie  par  tous  les  frais  :  cela 


80         l'introduction   des   livres   fonciers   en  ANGLETERRE 

leur  fut  d'autant  plus  sensible,  qu'ils  vendaient  déjà  leurs 
biens  avec  une  grande  perte. 

Les  propriétaires  anglais  reconnurent  ainsi,  pour  avoir 
été  instruits  par  des  expériences  personnelles,  que  le  sys- 
tème des  transactions  occultes  était  loin  d'être  parfait  et 
finirent  par  trouver  que  «  les  lois  foncières,  bien  que  vé- 
nérables par  leur  antiquité,  étaient  mal  adaptées  aux  be- 
soins de  la  société  moderne  (1).  )> 


(1)  Williams,  op.  cit.,  p.  460. 


CHAPITRE  VllI 

LES  PROJETS  LÉGISLATIFS  DE  1888  A  1897 

Sous  l'influence  de  ces  considérations  un  mouvement 
d'opinion  se  développa.  Dès  1878,  le  colonel  Leach,  qui 
avait  présidé  à  tous  les  travaux  d'arpentage  nécessités 
par  les  lois  de  1862  et  1875,  faisait  la  déposition  suivante 
devant  le  Select  Committee  on  Land  Titles  and  Land 
Transfer  :  «  Je  crois  qu'il  y  a  une  tendance  générale  en 
faveur  de  l'immatriculation.  Pendant  la  mise  en  œuvre 
de  Vaci  de  Lord  Weslbury,  je  vis  un  grand  nombre  de 
propriétaires  qui  immatriculèrent  leurs  biens  conformé- 
ment aux  dispositions  de  la  loi.  Ils  vinrent  me  trouver  au 
Bureau  pour  diverses  raisons  et  j'ai  conclu  des  conversa- 
tions que  j'ai  eues  avec  eux,  que  l'opinion  était  très  favo- 
rable à  ce  système.  Je  pourrais  mentionner  des  cas  où  le 
propriétaire  poursuivit  l'immatriculation  de  son  domaine, 
non  seulement  contre  le  gré  des  solicitors,  mais  aussi 
nonobstant  les  difficultés  qu'ils  semèrent  sur  son  cbc- 
min  (1).  » 

Après  le  vote  des  lois  de  1881  et  de  1882,  l'opinion 
espéra  un  moment  la  réalisation  des  belles  promesses 
faites  au  sujet  de  ces  réformes.  Mais,  tout  en  simplifiant 
d'une  manière  appréciable  les  transferts  immobiliers, 
elles  n'atteignirent  pas  le  mal  à  sa  racine  ;  elles  ne  sup- 
primèrent pas  les  frais  exorbitants  perçus  par  les  solici- 
tors. 

Dès  lors,  propriétaires  et  jurisconsultes  reprirent  la 
campagne  qu'ils  menaient  depuis  trente  ans  en  faveur  de 
l'immatriculation. 

En  1886  parut  un  petit  volume  de  M.  Brickdale,  Re- 
gistrar  adjoint,  dans  lequel  il  recherchait  le  meilleur 
moyen  d'appliquer  à  l'Angleterre  le  système  Torrens. 
Adversaire  de  l'immatriculation  obligatoire,  il  prétendait 

(1)  1878,  question  3599. 

L.  6 


82         l'introduction  des   livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

imposer  l'usage  des  Livres  fonciers  au  public  anglais  en 
lui  démontrant  leur  excellence.  Il  préconisait  un  certain 
nombre  de  modifications  à  la  loi  de  1875  et  surtout  la 
création  d'un  fonds  d'assurance  à  l'instar  de  lAustralie. 
Cette  dernière  réforme  devait,  d'après  lui,  avoir  la  plus 
grande  utilité  :  d'abord  en  modérant  ce  que  le  principe 
de  l'irrévocabilité  des  inscriptions  pouvait  avoir  de  trop 
rigoureux  ;  ensuite,  en  permettant  au  Registrar  de  se 
montrer  moins  sévère  pour  les  justifications  exigées  à 
l'occasion  d'une  première  immatriculation  ou  des  inscrip- 
tions subséquentes. 

Lord  Halisbury,  s'inspirant  en  partie  de  ce  travail, 
tenta  en  1887  un  nouvel  effort.  Il  introduisit  le  Land 
Transfer  Bill  qui  devait  «  suppléer  sur  divers  points  à  la 
législation  à  laquelle  le  nom  de  Lord  Cairns  est  attaché 
et  qui  est  contenue  dans  trois  catégories  de  lois,  le  Land 
Transfer  Act  de  1875,  le  Conveyancing  Act  de  1881  et  les 
lois  le  modifiant,  le  Settled  land  Act  de  1882  et  les  lois 
le  modifiant  ».  Ce  projet  proposait  de  rendre  l'immatri- 
culation générale.  Dans  ce  but,  il  créait  un  Comité  du 
Land  Transfer  ayant  sous  ses  ordres  des  bureaux  auxi- 
liaires dans  les  divers  comtés,  dont  les  ressorts  seraient 
déterminés  par  ordonnances  prises  en  Conseil  privé. 
L'immatriculation  aurait  été  obligatoire  :  1°  à  l'occasion 
de  toute  vente,  mortgage  ou  constitution  de  settlement  ; 
2°  à  la  suite  de  la  mort  du  propriétaire  pour  permettre 
aux  héritiers  d'exercer  des  droits  sur  la  succession. 

Un  fonds  d'assurance  était  en  même  temps  créé.  En 
outre,  le  projet  modifiait  les  principes  de  la  dévolution  ab 
intestat  et  apportait  nombre  d'autres  changements  im- 
portants à  la  législation  en  vigueur.  Voté  par  la  Chambre 
des  Lords,  le  projet  fut  soumis  aux  Communes  vers  le 
milieu  de  juillet  1887  :  il  fut  retiré  par  le  gouvernement 
avant  la  seconde  lecture. 

L'année  suivante,  1888,  un  nouveau  Bill  fut  présenté 
à  la  Chambre  des  Lords.  Il  proposait  cette  fois  d'abroger 
complètement  la  loi  de  1875,  puis  de  la  remettre  en  vigueur 
après  y  avoir  apporté  de  nombreuses  modifications.  Voici 
quelles  en  étaient  les  principales  dispositions  qui,  nous  le 


LES  PROJETS  LÉGISLATIFS  DE   1888  A  1897  83 

verrons,  ont  été  souvent  empruntées  par  le  législateur  de 
1897  (1).  Limmatricuiation  des  immeubles  sera  rendue 
obligatoire  dans  les  divers  districts  par  des  ordonnances 
successives  de  la  Reme  prises  en  conseil  privé.  Devront 
être  inscrites  sur  le  Livre  foncier  toutes  les  propriétés 
qui,  à  dater  de  cette  ordonnance,  seront  transmises  soit 
par  vente,  soit  par  succession  ou  donation.  La  propriété 
sera  décrite  sur  le  feuillet  du  registre  avec  tous  les  détails 
nécessaires.  Un  plan  cadastral,  produit  au  moment  de  la 
première  inscription, sera  conservé  au  Bureau  d'immatri- 
culation. En  cas  de  vente  de  terre  non  encore  enregistrée, 
l'acquéreur  sera  tenu  de  faire  la  demande  d'immatricula- 
tion. A  la  suite  d'un  décès,  l'immatriculation  aura  lieu 
après  paiement  des  droits  de  succession  et  sur  produc- 
tion d'un  acte  de  notoriété  émanant  des  commissaires  de 
l'impôt.  Cet  acte  indiquera  les  noms  des  héritiers,  la 
nature  de  leurs  droits  et  la  situation  de  l'immeuble. 

D'après  l'article  3  du  projet,  le  certificat  délivré  par  le 
bureau,  n'est  qu'un  (c  titre  de  possession  »  ;  il  n'assure 
nullement  la  légitimité  du  droit  du  propriétaire  inscrit. 
Toute  action  en  revendication  exercée  contre  lui  est  rece- 
vable.  Les  tiers  qui  traitent  avec  le  propriétaire  inscrit 
ne  sont  donc  garantis  que  contre  les  actes  passés  posté- 
rieurement à  la  première  inscription  et  qui  n'auraient 
pas  été  mentionnés  sur  le  Livre  foncier. 

L'immatriculé  pouvait,  au  bout  de  cinq  ans,  transfor- 
mer son  titre  de  possession  en  titre  irrévocable.  Il  devait, 
pour  cela,  adresser  au  Registrar  une  requête  en  homolo- 
gation qui  était  publiée  par  voie  d'affiches,  d'annonces  et 
de  notifications  individuelles  aux  intéressés.  L'adminis- 
tration opérait  ainsi,  dans  les  cinq  années  qui  suivaient 
la  requête,  une  purge  de  tous  les  droits  occultes  qui  pou- 
vaient grever  l'immeuble.  Passé  ce  délai,  si  aucune  récla- 
mation n'avait  été  formulée  ou  si  les  oppositions  n'avaient 
pas  été  jugées  recevables,  l'immatriculation  devenait  dé- 
finitive ;  le  titre  était  absolu. 

(1)  Cf.  Besson,  op.  cit.,  et  Flotte  de  Saint-Genis,  Traduction 
du  projet,  Annales  de  l'Enregistrement  et  des  Domaines;  jan- 
vier et  mars  1891. 


8^  l'introduction  des   livres   fonciers   en  ANGLETERRE 

Pour  indemniser  les  personnes  qui  subiraient  un  pré- 
judice du  fait  de  ce  droit  opposable  à  tous,  un  fonds  d'as- 
surance était  créé  par  prélèvement  sur  les  droits  de  trans- 
fert perçus.  Toutefois  pour  chaque  espèce,  la  Cour  devait 
décider  si,  au  lieu  de  donner  au  tiers  lésé  une  indemnité 
pécuniaire,  il  ne  fallait  pas  le  remettre  en  possession  de 
ses  droits,  par  rectification  du  registre.  Dans  ce  cas,  le 
propriétaire  immatriculé  recevait  alors  l'indemnité  pécu- 
niaire. 

Enfin,  certains  articles  créaient  un  nouvel  ordre  de 
représentation  pour  les  biens  réels,  en  assimilant  l'ad- 
ministration des  successions  aux  biens  réels  à  celle  de 
successions  aux  biens  personnels. 

Ce  projet  avait  le  très  grave  inconvénient  de  laisser 
pendant  cinq  ans  les  propriétaires  dans  une  incertitude 
qui  pouvait  leur  être  préjudiciable  et  de  nécessiter  une 
procédure  assez  coûteuse.  Néanmoins,  il  améliorait  sur 
beaucoup  de  points  la  loi  de  1875.  La  Chambre  des  Lords 
nomma  pour  l'examiner  une  Commission  qui  le  modifia 
.quelque  peu  et  qui  ne  put  terminer  ses  travaux  avant  la 
fin  de  la  session.  Présenté  de  nouveau  à  la  même  assem- 
blée en  1889,  il  fut  encore  une  fois  renvoyé  à  une  Com- 
mission qui  le  modifia  et  fit  son  rapport.  Toutefois, comme 
son  échec  était  certain,  il  ne  fut  jamais  discuté. 

Entre  ces  deux  projets,  le  Parlement  anglais  avait  voté 
la  loi  sur  les  charges  foncières,  plus  importante  par  ses 
tendances  que  par  son  objet  ;  elle  n'instituait,  en  effet, 
une  publicité  efficace  que  pour  les  droits  réels  les  moins 
lourds  (1)  ;  elle  n'en  marque  pas  moins  un  acheminement 
vers  un  régime  général  d'inscription  des  actes  intéressant 
la  propriété  immobilière. 

Le  Land  Rcgisiry  {Middlesex  Deeds)  Ad  de  1891  (2) 
réunit  le  bureau  d'enregistrement  des  actes  du  comté  c'c 
Middlesex  au  Bureau  d'immatriculation.  La  fusion  de  ces 
services  avait,  sans  doute,  pour  but  une  économie  dans 
les  dépenses  de  personnel  de  ces  deux  administrations. 

(1)  Voir  supra  page  43. 

(2)  54-55,  Victoria,  c.  64. 


LES  PROJETS  LÉGISLATIFS  DE   1888  A  1897  85 

Mais,  elle  devait  aussi  habituer  le  public  à  s'adresser  au 
Bureau  chargé  de  la  tenue  des  Livres  fonciers.  Les  em- 
ployés devaient  rappeler,  lorsqu'on  leur  présentait  un 
acte  à  enregistrer,  les  dispositions  de  la  Cédule  1  §  14  de 
cette  loi,  en  vertu  desquelles  «  toute  personne  détentrice 
d'un  acte  qui  lui  confère  le  droit  de  requérir  l'immatricu- 
lation d'une  propriété  avec  un  titre  possessoire,  peut  se 
dispenser  de  faire  enregistrer  son  acte  comme  le  prescrit 
la  législation  en  vigueur  dans  le  Middlesex,  si  elle  fait 
une  demande  en  immatriculation  ».  A  la  niême  époque 
par  le  Land  Begisiration  ol  title  (Ireland)  Act,  1891,  le 
législateur  anglais  faisait  en  Irlande  l'essai  d'un  Livre 
foncier,  essai  qui  allait  donner  des  résultats  excellents  et 
fournir  de  nouveaux  arguments  aux  partisans  de  l'imma- 
triculation obligatoire. 

Mais  la  première  mesure  législative  qui  marque  vrai- 
ment le  progrès  fait  par  les  idées  nouvelles  est  la  loi  sur 
les  petites  tenures  de  1892 (Sma////o/c/mgfs/l ci) (1). L'art.  10 
est  ainsi  conçu  :  «  Lorsqu'un  Conseil  de  comté  aura  acheté 
des  terrains,  conformément  à  la  présente  loi,  il  devra 
demander  à  être  immatriculé  comme  propriétaire  avec 
titre  absolu  en  vertu  de  la  loi  de  1875.  Des  règlements 
complémentaires,  pris  conformément  aux  règles  établies 
par  la  loi  de  1875,  pourront  : 

((1°  Modifier  la  loi  sur  l'immatriculation,  de  façon  à  la 
rendre  applicable  aux  petits  domaines  ; 

((  2°  Assurer  au  moyen  d'agents  locaux,  institués  sur  la 
demande  et  aux  frais  du  conseil  de  comté,,  l'application 
de  cet  article  (2).  » 

Le  principe  de  l'immatriculation  obligatoire  était  enfin 
posé. 

En  1893,  Lord  Herschell  crut  le  moment  venu  de  pré- 
senter de  nouveau  un  projet,  en  substance  le  même  que 
celui  de  1889.  La  Chambre  des  Lords  le  vota  sans  grande 
discussion  ;  puis  le  gouvernement  le  soumit  à  la  Chambre 

(1)  55-56,  Victoria,  c.  31.  Loi  votée  le  27  juin  1892. 

(2)  Ce  règlement  a  été  fait  le  9  août  1892:  ce  sont  les  Small 
Holdings  rules,  1892. 


86         l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

des  Communes  ;  la  session  était  malheureusement  trop 
avancée  pour  quil  pût  être  discuté.  En  1894,  la  Chambre 
des  Lords,  saisie  du  même  projet,  ne  l'adopta  même  pas. 
Mais  en  1895,  comme  le  gouvernement  l'avait  déposé 
pour  la  troisième  fois  sur  le  bureau  de  la  Chambre  des 
Lorcis.  celle-ci  le  vota  sans  opposition.  Porté  à  la  Chambre 
des  Communes,  le  Bill  fut,  au  moment  de  la  seconde  lec- 
ture, renvoyé  à  Texamen  d'une  Commission  spéciale  le 
6  mai  1895.  Cette  Commission  recueillit  diverses  déposi- 
tions ;  ses  travaux  furent  interrompues  par  une  dissolu- 
tion anticipée  du  Parlement  et  elle  ne  put  remplir  sa  mis- 
sion. Cette  enquête,  souvent  citée  déjà  dans  cette  étude, 
servit  néanmoins  beaucoup  à  la  préparation  de  la  loi  de 
1897  ;  le  Lord  Chancelier  annonça  dans  sa  déposition 
qu'il  avait  reçu  d'une  société  coopérative  immobilière 
une  adresse  de  félicitations  pour  l'initiative  prise  par  lui 
et  que  le  Conseil  du  comté  de  Lincolnshire  lui  avait  pro- 
posé de  prendre  le  comté  comme  champ  d'expériences. 
M.  Ellis,  membre  de  la  Chambre  des  Communes,  annonça 
également  qu'il  avait  reçu  de  ses  électeurs  d'Hucknall, 
Arnold  et  Nottingham  des  adresses  par  lesquelles  il  était 
invité  à  soutenir  le  bill  (1). 

Grâce  aux  débats  répétés  devant  le  Parlement,  le  public 
commençait  donc  à  comprendre  l'importance  de  la  ré- 
forme. Le  gouvernement,  de  son  côté,  s'efforçait,  par  la 
publication  de  rapports,  de  faire  connaître  les  résultats 
excellents  obtenus  dans  les  pays  étrangers  depuis  l'intro- 
duction des  Livres  fonciers.  Déjà  en  1881,  un  rapport 
avait  réuni  les  renseignements  les  plus  complets  sur  les 
colonies  australiennes  ;  en  1896,  le  Registrar  adjoint, 
M.  Brickdale,  qui  avait  été  étudier  sur  place,  en  Allema- 
gne et  en  Autriche-Hongrie,  la  législation  foncière,  con- 
signait en  ces  termes  les  résultats  de  son  enquête  :  «  Les 
exemples  que  j'ai  réunis  comprennent  des  propriétés 
très  vastes,  tels  les  domaines  héréditaires  de  la  noblesse 
de  Bohême,  les  plus  étendus. d'Europe,  conférant  des  pri- 
vilèges politiques  de  la  plus  haute  importance  et  imma- 

(1)  Land  Transfer  Bill,  1895,  questions  2097-2110. 


LES  PROJETS  LÉGISLATIFS  DE  1888  A  1897  87 

triculés  sur  des  registres  spéciaux  tenus  à  la  capitale  de 
la  province  ;  ils  comprennent  par  contre  les  petites  pro- 
priétés paysannes  des  provinces  rhénanes,  où  le  Code 
Napoléon  a  encore  de  profondes  racines  dans  les  mœurs 
et  l'esprit  des  populations  ;  ils  englobent  d'un  côté  les 
propriétés  bâties  des  faubourgs  récemment  créés  de  Ber- 
lin, assujetties  à  des  conventions  restrictives  des  droits 
des  propriétaires,  de  l'autre,  les  antiques  manoirs  silé- 
siens  avec  des  tenanciers  comme  fermiers,  des  droits  de 
vaine  pâture,  des  redevances  et  des  services  d'origine  féo- 
dale. Mes  recherches  prouvent  que  le  système  est  aussi 
bien  applicable  aux  plaines  immenses  des  régions  arables 
de  Hongrie  et  aux  districts  miniers  du  «  Pays  Noir  »  ou 
industriels  de  la  Saxe  qu'aux  hameaux  et  aux  pittores- 
ques pâturages  alpins  de  Styrie,  du  Salzkammergut  sur 
lesquels  pèsent  d'innombrables  servitudes  d'eau,  de  pas- 
sage, etc.;  elles  embrassent  les  locations  compliquées 
de  caves,  d'appartements,  les  servitudes  de  cours  ou  de 
passage  du  quartier  des  Juifs  de  Prague  en  même  temps 
que  les  titres  si  simples  d'un  paisible  district  agricole  du 
Brandebourg  où  des  hypothèques  consenties  sur  des 
immeubles  excellents  et  s'élevant  à  des  centaines  de  mille 
livres  sont  cependant  soumises  aux  cessions  les)  plus 
embrouillées.  Ce  système  s'adapte  aux  charges  les  plus 
petites,  aux  parcelles  les  plus  restreintes  des  moindres 
domaines,  aux  grandes  cités  où  la  valeur  d'une  terre  se 
mesure  presque  au  pouce  carré  ainsi  qu'aux  montagnes 
dénudées  et  arides  qui  n'ont  presque  aucune  valeur  (1).  » 
«  Les  registres  continentaux  m'ont  paru  donner  complète 
satisfaction  aux  propriétaires  grands  ou  petits  et  permet- 
tre la  conclusion  de  ventes  et  de  mortgages  avec  une  faci- 
lité, une  rapidité  et  un  bon  marché  qui  semblent  à  peine 
croyables  à  des  personnes  habituées  seulement  aux  tran- 
sactions occultes  de  notre  pays  (2).  » 

Les  Revues  enfin,   le  Building  Societies  Journal,   la 
Law  Ouarterly  review,  le  Law  magazine  and  review  et 

(1)  Brickdale,  General  Report  on  the  Systems  of  registration 
of  title  in  Germany  and  Austrià-Hungary,  p.  2. 

(2)  Ibid.,  p.  3. 


88         l'introduction  des  livres   fonciers   en   ANGLETERRE 

bien  d'autres  discutaient  dans  de  nombreux  articles  les 
mérites  respectifs  des  diverses  législations  foncières  et 
demandaient  en  général  qu'un  changement  fût  apporté 
aux  lois  en  vigueur. 

Le  16  mars  1896,  Sir  Robert  Reid,  traduisant  le  senti- 
ment général,  demanda,  à  la  séance  de  la  Chambre  des 
Communes,  si  le  gouvernement  songeait  à  proposer  cette 
année  un  Bill  sur  le  transfert  de  la  propriété  foncière.  Le 
premier  Lord  de  la  Trésorerie,  M.  Balfour,  lui  répondit 
que  «  le  Bill  était  préparé,  mais  qu'il  ne  pouvait,  en  raison 
du  peu  d'avancement  des  travaux  législatifs,  indiquer  à 
quelle  époque  le  Bill  serait  déposé  et  même  s'il  serait 
déposé  au  cours  de  la  session  (1).  » 

Arrivé  au  terme  de  ce  long  exposé  historique  où  nous 
avons  essayé  de  faire  revivre  en  les  analysant  les  discus- 
sions passionnées  auxquelles  cette  réforme  a  donné  lieu, 
il  nous  faut  le  résumer  brièvement. 

Deux  partis  en  présence,  les  solicitors  et  les  juriscon- 
sultes, les  premiers  poussés  par  leurs  intérêts  particuliers, 
les  seconds  se  réclamant  de  l'intérêt  général,  ont  lutté  pen- 
dant 70  ans.  L'opinion  publique,  qui  est,  en  Angleterre 
plus  qu'ailleurs,  le  grand  juge  en  matière  législative,  a 
montré  que  ses  préférences  allaient  aux  jurisconsultes. 
Il  fallait,  en  effet,  apporter  remède  à  la  crise  agricole  et 
pour  cela  favoriser  la  transformation  économique  qui 
s'opère  en  Angleterre,  par  la  vente  des  grands  domaines 
et  par  leur  morcellement.  La  réforme  de  la  transmission 
de  la  propriété  foncière  n'était  que  le  complément  des 
mesures  déjà  prises  pour  ramener  vers  la  culture  du  sol 
ces  paysans  anglais  qui  avaient  abandonné  peu  à  peu  les 
campagnes  pour  les  villes,  où  ils  étaient  attirés  par  l'appât 
des  salaires  élevés,  offerts  aux  ouvriers  industriels. 

(1)  Parliamentary  Debates,  4*^  série,  année  1896. 


DEUXIÈME    PARTIE 


Les  Land  Transler  acts  de  1875  et  1897 


CHAPITRE  P 

LE  VOTE  DE  LA  LOI  DE  1897.  —  SA  PORTÉE 

Le  19  février  1897,  un  Bill  ('  établissant  une  représenta- 
tion pour  les  biens  réels  et  modifiant  la  loi  de  1875  »,  était 
soumis  par  le  Chancelier  Lord  Halsbury  à  la  Chambre 
des  Lords.  Quelques  semaines  plus  tard,  le  4  mars,  les 
membres  de  la  Chambre-Haute  discutaient  en  deuxième 
lecture  le  principe  du  Bill.  Le  Chancelier  fit  remarquer 
que  ((  les  objections  présentées  en  1895  par  les  solicitors 
avaient  été  presque  toutes  écartées,  sauf  une,  le  principe 
de  contrainte  >>  ;  mais  aujourd'hui  «  la  contrainte  s'ap- 
plique non  pas  à  une  loi  souvent  critiquée,  mais  à  un 
texte  tellement  amélioré  qu'il  a  l'approbation  de  ses  ad- 
versaires (1).  »  Le  précédent  chancelier,  Lord  Herschell, 
vint  appuyer  le  bill  ;  Lord  Thring,  l'ancien  collaborateur 
de  Lord  Cairns,  l'un  des  témoins  ayant  déposé  en  1879 
contre  le  principe  de  l'immatriculation  obligatoire,  parla 
en  faveur  du  projet  et  le  comte  de  Kimberley  fit  remar- 
quer ((  que  rien  n'était  réclamé  avec  plus  d'instance  par 
les  propriétaires  qu'un  système  efficace  de  transmission 
des  biens  immobiliers  (2).  » 

Voté  sans  opposition,  il  fut  soumis  à  l'examen  d'une 
Commission  qui  termina  ses  travaux  le  10  mai  1897  et 
déposa  un  rapport  qui  apportait  quelques  modifications 

(1)  Parliamentary  Debates,  4®  série,  1897. 

(2)  Ibid, 


90         l'introduction  des   livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

au  projet  du  gouvernement.  La  troisième  lecture  eut  lieu 
et  le  Bill  fut  renvoyé  à  la  Chambre  des  Communes  le 
12  du  même  mois.  Le  28  juin  seulement,  cette  assemblée 
procéda  à  la  seconde  lecture.  A  cette  occasion,  certains 
orateurs  reproduisirent  les  objections  déjà  présentées 
par  les  solicitors  ;  quelques  membres  proposèrent  même 
d'ajourner  le  débat  ;  la  fm  de  la  session  était  proche, 
disaient-ils,  et  une  réforme  de  cette  importance  ne 
pouvait  être  votée  à  la  hâte  (1).  Les  promoteurs  du  sys- 
tème d'immatriculation  leur  répondirent.  Ils  firent  remar- 
quer que  les  solicitors  se  déclaraient  maintenant  satisfaits 
du  projet,  que  les  banquiers  auraient  toutes  facilités  pour 
continuer  comme  auparavant  leurs  prêts  sur  immeubles 
et  que  les  propriétaires,  représentés  en  quelque  sorte  par 
la  Chambre  des  Lords,  s'étaient,  depuis  plusieurs  années 
déjà,  ralliés  à  ce  projet  qui  réduisait  les  frais  des  4/5  (2). 
Renvoyé  au  Comité  permanent  de  législation,  d'organi- 
sation judiciaire  et  de  procédure,  le  bill  fut  adopté  par  la 
Chambre  des  Communes,  le  3  août.  Finalement,  après 
avoir  été  soumis  de  nouveau  aux  Lords,  pour  que  ceux-ci 
ratifient  certains  amendements  des  Communes,  le  Land 
Transfer  Bill  reçut  l'approbation  royale  le  6  août  1897  et 
devint  le  Land  Transfer  Act  1897  (60  et  61,  Victoria, 
c.  65). 

Divisée  au  point  de  vue  matériel  en  quatre  parties,  la 
loi  du  6  août  contient  ^eux  grandes  réformes.  L'établisse- 
ment d'une  représentation  pour  les  biens  réels  et  la  modi- 
fication du  Land  Transfer  Act  de  1875. 

La  représentation  pour  les  biens  réels  a  une  impor- 
tance capitale,  lorsqu'on  étudie  le  droit  successoral  an- 
glais ;  elle  n'a  qu'une  importance  relative  pour  l'objet 
qui  nous  occupe.  Il  est  toutefois  intéressant  d'en  connaî- 
tre les  principales  dispositions,  car  la  procédure  d'imma- 

(1)  Broadie  Hoare.  Séance  du  28  juin  1897.  Parliamentary 
Debates,  1897. 

(2)  «  Quant  aux  propriétaires,  s'ils  sont  représentés  quelque 
part,  c'est  à  la  Chambre  des  Lords,  or,  cette  Assemblée  a  voté 
le  projet,  je  ne  sais  combien  de  fois.  »  l^*"  Lord  de  la  Trésorerie, 
même  séance,  ibid. 


LE  VOTE  DE  LA  LOI  DE  1897  91 

triculation  a  été  modifiée  et  simplifiée  dans  beaucoup  de 
cas  par  cette  réforme. 

La  dévolution  ah  intestat  d'un  patrimoine,  est  assez 
rare  en  Angleterre.  La  liberté  de  tester  y  est  complète  et 
presque  tous  les  Anglais  font,  avant  de  mourir,  leur  tes- 
tament. Lorsque,  cependant,  aucun  acte  ne  révèle  les  der- 
nières volontés  du  défunt,  le  patrimoine  est  divisé  en  deux 
parties,  les  biens  réels  et  les  biens  personnels.  Pour  les 
biens  réels,  fiefs  ou  biens  d'héritage  constituant  des  droits 
immobiliers  et  perpétuels,  existent  entre  les  descendants 
le  privilège  de  masculinité,  et  entre  les  mâles,  le  privilège 
de  primogéniture.  L'héritier  légal  est  saisi  du  domaine  ; 
il  ne  peut  renoncer  à  son  droit  dans  la  succession  et  est 
tenu  des  dettes  jusqu'à  concurrence  de  la  valeur  de  l'im- 
meuble. 

Les  biens  personnels,  qui  comprennent  les  droits  mobi- 
liers et  aussi  les  droits  immobiliers  temporaires,  vont  aux 
plus  proches  parents,  sans  tenir  compte  ni  du  sexe,  ni  de 
l'âge.  Mais  ceux-ci  n'ont  pas  la  saisine.  Il  faut  que  les 
personnes  désignées  par  la  loi,  obtiennent  de  la  Cour 
une  ordonnance  d'envoi  en  possession  :  c'est  ce  qu'on 
appelle  les  lettres  d'administration. 

Lorsqu'il  existe  un  testament,  l'exécuteur  testamen- 
taire doit  demander  un  certificat  d'homologation  {pro- 
bate). 

Muni  de  ces  probate  ou  de  ces  lettres  d'administration, 
l'exécuteur  ou  l'administrateur  prend  possession  de  la 
succession,  réalise  les  capitaux  qu'elle  comprend  et  la 
transforme  ainsi  en  Assets,  pour  employer  la  termino- 
logie juridique  anglaise.  Puis,  il  paye  les  dettes,  délivre 
les  legs  particuliers,  distribue  le  reliquat  entre  les  léga- 
taires universels  ou  héritiers  naturels. 

Ces  règles  fort  anciennes,  même  surannées  (1),  ont  sou- 
levé depuis  1836,  de  nombreuses  critiques.  Les  projets 
présentés  en  1859  par  Locke-King,  en  1870  par  Potter, 

(1)  Elles  sont  empruntées  presque  textuellement  au  Tracta- 
tus  de  Legihus  et  C onsuetudinihus  regni  Angliœ,  de  Glanville, 
écrit  en  1180. 


92       l'imuodlctio\  di:s  livres  fonciers  en  Angleterre 

en  1887  par  Lord  Halsbury,  assimilaient  complètement, 
lorsqu'il  y  avait  ouverture  d'une  succession  ab  intestat, 
les  biens  réels  aux  biens  personnels. 

Bien  que  cette  réforme  dût  avoir  en  pratique  peu  d'im- 
portance, étant  donnée  la  rareté  des  décès  ab  intestat,  ces 
projets  furent  vivement  combattus  :  les  Bills,  en  effet, 
étaient  <(  réellement  dirigés  contre  les  privilèges  des 
grands  propriétaires  et  contre  les  substitutions  faites  de 
génération  en  génération  au  profit  de  l'aîné  ».  Car  «  les 
biens  réels  assimilés  par  la  loi  aux  biens  personnels  le 
seraient  bientôt  aussi  par  le  sentiment  public  (1)  »,  et  les 
testateurs  n'auraient  plus  fait  de  distinction  dans  l'attri- 
bution des  divers  biens  composant  leur  patrimoine. 

Le  législateur  de  1897  n'a  pas  voulu  soulever  une  aussi 
grave  question.  Sans  modifier  la  dévolution  des  immeu- 
bles, il  a  simplement  retiré  la  saisine  à  l'héritier  légal. 
Désormais,  à  la  mort  de  toute  personne  possédant  un 
bien  qui  n'est  pas  soumis  à  un  droit  de  survivance  au  pro- 
fit d'une  autre  personne,  ce  bien  sera  dévolu,  nonobstant 
tout  testament,  aux  personnes  chargées  de  l'administra- 
tion des  biens  personnels  de  la  succession  ou  à  l'exécuteur 
testamentaire,  si  le  de  cujus  en  a  désigné  un.  Il  deviendra 
leur  propriété,  comme  s'il  s'agissait  de  biens  personnels 
immobiliers  (real  chattels)  (2).  Ces  représentants  agissent 
en  qualité  de  fidéicommissaires  et  réalisent  au  besoin  les 
biens  de  la  succession  pour  payer  les  engagements  con- 
tractés par  le  défunt  (3).  Une  fois  la  liquidation  de  la  suc- 
cession réglée,  ils  doivent  transférer  l'immeuble  à  l'hé- 
ritier légal  (heir  at  law)  ou  au  légataire,  s'il  y  a  un  testa- 
ment (4).  Si  ce  transfert  n'a  pas  été  opéré  dans  l'année  qui 
suivra  l'ouverture  de  la  succession,  malgré  la  mise  en 
demeure  faite  par  l'ayant-droit,  la  Cour  pourra,  après 
avis  donné  aux  exécuteurs  testamentaires  ou  administra- 
teurs, ordonner  que  le  transfert  ait  lieu  (5) 

(1)  POLLOCK,  op.  cit.,  chap.  VII. 

(2)  Art.  1,  §  1,  Land  Transfer  Act,  1897. 

(3)  Art.  2,  §  1,  ibid. 

(4)  Art.  3,  §  1,  ibid. 

(5)  Art.  3,  §  2,  ibid. 


LE  VOTE  DE  LA  LOI  DE  1897  '      03 

Tels  sont  les  traits  principaux  de  la  réforme  de  la  repré- 
sentation pour  les  biens  réels.  Elle  a  été  liée  depuis  1887 
à  la  revision  de  la  loi  sur  l'immatriculation  de  la  propriété, 
car  elle  était  nécessaire  pour  assurer  le  bon  fonctionne- 
ment des  Livres  fonciers.  Elle  permet  aux  héritiers  ou 
légataires  de  prouver  aisément  leurs  droits  à  la  propriété 
des  immeubles  qui  leur  sont  échus  par  succession  en  vue 
d'obtenir  l'inscription  de  leur  nom  aux  lieu  et  place  du 
nom  du  de  cujus.  En  outre,  la  représentation  pour  les 
biens  réels  apporte  une  grande  simplification  dans  toutes 
les  opérations  relatives  à  la  liquidation  des  successions. 

Les  trois  autres  parties  de  la  loi  concernent  l'immatri- 
culation de  la  propriété.  Elles  ne  forment  toutefois  qu'une 
faible  partie  de  la  législation  applicable  en  cette  matière. 
Les  26  articles  et  les  deux  Cédules  annexes  de  la  loi  de 
1897  ne  sont,  en  effet,  que  des  modifications  ou  des  addi- 
tions à  l'Act  de  1875,  qui  demeure  le  texte  fondamental 
et  ne  compte  pas  moins  de  Î29  articles.  La  réunion  de  ces 
deux  lois  forme,  ainsi  que  le  Parlement  anglais  les  a  ap- 
pelées, les  «  Laiid  Transfer  Acts  de  1875  et  1897  »  et  cons- 
titue le  Code  de  la  propriété  foncière  (1). 

Quelque  complètes  et  minutieuses  que  soient  les  dispo- 
sitions des  Land  Transfer  Acts,  certains  détails  d'appli- 
cation ne  pouvaient  être  réglés  législativement.  L'article 
111  de  la  loi  de  1875  et  l'article  22  de  la  loi  de 
1897  ont  délégué  au  gouvernement  royal  le  droit  de 
faire  des  règlements.  Le  Lord  Chancelier,  qui  a  dans  ses 
attributions  le  service  d'immatriculation,  édictait,  sur  les 
propositions  du  registrar,  ces  règlements,  avant  1897. 
Mais,  à  la  suite  d'une  polémique  des  journaux  de  droit 
qui  eut  son  écho  au  Select  Committee  de  1895  ;  l'article 
111  a  été  quelque  peu  modifié.  Les  règlements  généraux 
seront  faits  désormais  (2)  par  le  Lord  Chancelier  avec 
l'avis  et  l'assistance  du  Registrar,  d'un  juge  de  la  division 
de  la  Chancellerie  de  la  Haute-Cour,  nommé  par  ses  collè- 
gues, et  de  trois  autres  personnes  désignées,  l'une  par  le 

(1)  Art.  26,  Land  Transfer  Act,  1897. 

(2)  Art.  22,  §  2,  ibid. 


94         l'introduction  des   livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

Conseil  général  du  Barreau,  l'autre  par  le  Board  of  Agri- 
culture (ministère  de  l'Agriculture),  le  troisième  par  le 
Conseil  de  l'Incorporated  Law  Society  (Société  centrale 
des  Solicitors). 

Le  Chancelier,  déjà  absorbé  par  de  nombreuses  attri- 
butions, ne  pouvait,  en  effet,  s'occuper  de  chacune  d'elles 
d'une  façon  spéciale  ;  il  ne  faisait,  notamment  pour  les 
règlements  sur  l'immatriculation,  qu'homologuer  les  pro- 
positions du  Regislrar.  Celui-ci,  auteur  de  dispositions 
qu'il  devait  plus  tard  appliquer,  était  à  la  fois  juge  et 
partie.  Cette  méthode  présentait,  en  outre,  rinco!nvénient 
de  faire  régler  par  des  fonctionnaires,  quelquefois  peu 
au  courant  des  nécessités  pratiques,  des  questions  fort 
délicates  relatives  aux  transmissions  immobilières.  L'in- 
tervention d'un  Conseil  délibérant,  représentant  à  la  fois 
l'administration,  l'autorité  judiciaire,  les  propriétaires  et 
les  hommes  de  loi,  a  paru  être  un  contrepoids  utile  au 
pouvoir  réglementaire  du  Chancelier,  en  même  temps 
qu'une  garantie  efficace  de  la  valeur  des  prescriptions 
édictées  par  lui. 

D'ailleurs,  en  Angleterre,  le  public  est  en  quelque  sorte 
invité  à  collaborer  à  ces  règlements  généraux.  En  vertu 
de  la  loi  sur  la  publication  des  Règlements  de  1893  (1), 
lorsqu'un  règlement  a  été  élaboré,  avis  doit  être  inséré 
dans  la  Gazette  de  Londres  quarante  jours  avant  sa  pu- 
blication, de  l'intention  de  le  mettre  en  vigueur.  Cette  no- 
tification indique  aussi  à  quels  endroits  des  copies  du 
projet  peuvent  être  obtenues.  Ce  délai  peut  ne  pas  être 
observé,  si  le  Lord  Chancelier  certifie  que  la  promulgation 
de  ce  règlement  est  urgente.  Chacun  peut  donc  en  pren- 
dre connaissance  et  formuler  les  critiques  qui  lui  parais- 
sent utiles. 

Après  l'examen  du  Comité  créé  par  la  loi  de  1897,  après 
l'expiration  des  délais  impartis  par  la  loi  de  1893,  le  règle- 
ment est  promulgué.  Le  Parlement  est  appelé  à  contrôler 
la  légalité  et  l'opportunité  des  dispositions  prises,  car 
dans  les  trois  semaines  qui  suivent  la  promulgation,  si 

(1)  Statut  56  et  57,  Victoria,  c.  66,  art.  1. 


LE  VOTE  DE  LA  LOI  DE  1897  95 

le  Parlement  est  en  session,  ou  dans  les  trois  semaines  qui 
suivent  l'ouverture  de  la  prochaine  session,  si  le  Parle- 
ment est  en  vacances,  le  règlement  doit  être  déposé  sur  le 
Bureau  de  l'une  et  l'autre  Chambres  (1). 

Le  dernier  règlement  général  sur  llmmatriculation 
(Land  Transfer  Rules),  complément  des  Land  Transfer 
Acts,  a  été  promulgué  le  18  décembre  1903.  Il  a  abrogé 
tous  les  règlements  antérieurs,  notamment  ceux  du  24  dé- 
cembre 1875,  du  V  janvier  1889,  du  23  novembre  1891; 
le  règlement  provisoire  du  29  décembre  1897  et  le  règle- 
ment du  2  août  1898  (2).  C'est  donc,  tant  dans  les  Land 
Transfer  Acts  de  1875  et  de  1897  que  dans  les  Land  Trans- 
fer Rules  de  1903,  que  se  trouve  réunie  la  législation  des 
Livres  fonciers  qui  ne  s'applique  qu'à  l'Angleterre  et  au 
Pays  de  Galles,  laissant  de  côté  lEcosse  et  ITrlande,  ré- 
gies par  des  lois  particulières  (3). 

Les  Land  Transfer  Acts,  tels  qu'ils  résultent  des  rema- 
niements opérés  en  1897,  sont  en  vigueur  depuis  le  1"  jan- 
vier 1898. 

(1)  Art.  111,  dernier  paragraphe,  Land  Transfer  Act,  1897. 

(2)  Art.  344,  General  Rules. 

(3)  Art.  2,  Land  Transfer  Act,  1875. 


CHAPITRE  II 

LES  ORGANES  DE  l'iAIMATRICULATION 

La  mise  en  œuvre  Ces  lois  sur  l'immatriculation  a  été 
confiée  à  un  service  public,  placé  sous  la  haute  autorité 
du  Lord  Chancelier  :  VoUice  of  Land  Registry,  de  Lon- 
dres. Cette  administration  existait  déjà  avant  1897.  Elle 
avait  été  créée  par  la  loi  de  1862,  et  maintenue  par 
l'art.  106  de  la  loi  de  1875.  Depuis  lors,  c'est  elle  qui  avait 
été,  en  1892  (1),  chargée  de  tenir  les  registres  d'actes 
du  comté  de  Middlesex,  de  même  qu'elle  avait  reçu  mis- 
sion, en  1888,  de  recevoir  les  inscriptions  des  charges  fon- 
cières exigées  par  le  Land  Charges  Act. 

Comme  on  supposait,  en  1875,  que  l'immatriculation 
de  la  propriété  deviendrait  très  fréquente,  la  création 
d'un  bureau  central  n'avait  pas  paru  suffisante  ;  l'art.  118 
de  la  loi  de  1875  autorisait  aussi  l'institution  de  bureaux 
locaux,  lorsque  le  nombre  des  demandes  en  immatricula- 
lion  le  nécessiterait.  Le  Lord  Chancelier  devait  fixer,  par 
des  ordonnances  rendues  sur  avis  des  commissaires  de  la 
Trésorerie  (2),  le  nombre  de  ces  bureaux  et  l'étendue  de 
leur  ressort.  Les  législations  européennes  tendent  à  rap- 
procher l'administration  des  Livres  fonciers  des  intéres- 
sés. En  Prusse,  en  Alsace-Lorraine,  en  Autriche,  les 
Livres  fonciers  sont  tenus  au  siège  des  tribunaux  canto- 
naux, quelquefois  même  dans  chaque  commune  (3).  Cette 
pratique  présente  de  grands  avantages  :  elle  permet  aux 
fonctionnaires  de  connaître  les  officiers  ministériels  et 
même  la  plupart  des  propriétaires  de  leur  circonscription. 
Elle  dispense,  en  outre,  les  particuliers  de  déplacements 
éloignés  et  dispendieux  ou  de  frais  de  correspondance 

(1)  Land  Registry   (Middlesex  Deeds)   Act  1891,   54-55,  Vic- 
toria, c.  64. 

(2)  Art.  118,  Land  Transfer  Act  1875,  et  art.  22,  §  8. 

(3)  Dans  le  Wurtemberg.  V.  Besbon,  op.  cit.,  p.  280. 


LES  ORGANES  DE  L  IMMATRICULATION  97 

pour  la  conclusion  de  leurs  affaires.  Mais  elle  entraîne 
aussi  des  frais  de  personnel  assez  élevés. 

Au  contraire,  en  Australie,  en  Tunisie  et  dans  les  colo- 
nies françaises  de  l'Afrique  occidentale,  la  conservation 
foncière  est  unique  pour  chaque  pays  et  est  située  au 
chef-lieu  de  la  colonie.  Les  raisons  de  cette  différence  sont 
multiples.  Dans  les  pays  neufs,  la  propriété  existante  esl 
surtout  la  grande  propriété  ;  les  transactions  immobi- 
lières sont  par  là  même  plus  rares,  plus  importantes  et 
les  déplacements  ou  les  frais  nécessités  par  la  concentra- 
tion des  opérations  foncières  ne  présentent  pas  les  mêmes 
inconvénients  que  pour  les  petites  opérations  très  fré- 
quentes de  la  propriété  divisée  des  pays  d'Europe. 

Cette  organisation  répond  aussi  à  une  théorie  spéciale, 
soutenue  par  Sir  Robert  Torrens.  Il  estimait,  en  effet, 
que  «  la  concentration  des  opérations  permettrait  de  les 
confier  à  des  hommes  capables  de  les  exécuter  plus  rapi- 
dement et  plus  sûrement  et  de  réaliser  une  économie  qui 
ferait  beaucoup  plus  que  compenser  les  frais  de  poste  et 
télégrammes  nécessités  par  l'éloignement  (1)  ».  Enfin, 
l'existence  d'un  bureau  unique  évite  de  s'adresser  à  plu- 
sieurs conservations,  lorsque  les  propriétés  sont  situées 
dans  des  districts  différents  ;  et  par  conséquent  dispense 
les  propriétaires  de  la  production  de  copies  d'actes  en 
double  ou  triple  expédition. 

Le  Land  Transfer  Act  de  1875  avait,  à  la  fois,  tenu 
compte  de  l'un  et  l'autre  systèmes. L'immatriculation  étant 
purement  facultative,  la  nécessité  de  multiples  districts 
d'Enregistrement  ne  devait  pas,  semblait-il,  se  faire  immé- 
diatement sentir,  et  pendant  quelques  années  un  bureau 
central  serait  suffisant.  ]\Iais,  lorsque  les  demandes  des 
propriétaires  se  seraient  multipliées,  il  serait  préférable 
de  créer  un  certain  nombre  de  registres  provinciaux. 
L'autorisation  donnée  au  gouvernement  d'instituer  des 
bureaux  de  district,  devait  répondre  à  ce  besoin.  L'échec 
de  la  loi  de  1875  rendit  inutile  cette  disposition,  (|ui  sera 

(1)  GiDÈ,  op.  cit.,  Bulletin  de  la  Soc.  de  Lég.  Coiiip.,  1886, 
p.  295. 

L.  7 


98         l'introduction  des  livres  fonciers  en   ANGLETERRE 

certainement  appliquée,  lorsque  l'immatriculation  obli- 
gatoire sera  étendue  aux  divers  comtés  anglais  (1). 

A  la  tête  de  chacun  des  Bureaux  central  et  de  district 
est  placé  un  Registrar  ou  conservateur  de  la  propriété 
foncière,  aidé  d'un  Assistant-Registrar  et  d'employés  su- 
balternes. Ces  fonctionnaires  peuvent  être  appelés  à  tran- 
cher, ainsi  que  nous  le  verrons,  les  questions  de  pro- 
priété les  plus  délicates.  Pour  être  à  la  hauteur  de  leur 
mission,  il  est  indispensable  qu'ils  soient  complètement 
initiés  à  toutes  les  subtilités  juridiques.  La  loi  elle-même 
a  fixé  certaines  conditions  à  l'admission  aux  emplois  de 
Registrar  et  d'Assistant-Registrar.  Pour  être  Registrar  à 
Londres,  il  faut  avoir  exercé  pendant  10  ans  au  moins 
la  profession  d'avocat  (banister)  ;  dans  les  districts  de 
province,  il  suffit  d'avoir  été  solicitor  (avoué)  ou  cerlili- 
cated  conveyancer  (avoué  chargé  spécialement  des  trans- 
missions immobilières),  pendant  la  même  période  de 
10  ans.  Les  Assistant-Registrars  de  Londres  ou  de  pro- 
vince doivent  justifier  seulement  de  5  ans  d'exercice  d'une 
de  ces  trois  professions  (2). 

Les  Registrars  ont  la  direction  complète  de  leurs  ser- 
vices ;  ils  veillent  à  la  bonne  tenue  des  registres,  à  la 
rapide  expédition  des  affaires.  Ils  applicpient  les  lois, 
les  ordonnances  et  les  règlements  particuliers  sur  l'imma- 
triculation. 

Mais,  à  côté  de  leur  rôle  purement  administratif,  les 
Registrars  exercent  d'autres  attributions  en  tant  que 
juges  :  c'est  ce  qui  a  fait  dire  à  certains  auteurs,  que  le 
Registrar  anglais  est  un  personnage  semi-judiciaire.  Ce 
qualificatif  montre  de  suite  la  différence  qui  existe  entre 
le  Registrar  anglais  et  le  Registrar  australien  d'une  part, 
entre  le  Registrar  anglais  et  le  Grundbuchrichier  alle- 

(1)  Comp.  notamment:  «  Il  est  institué  à  Tananarive  une  con- 
servation de  la  propriété  foncière  pour  Madagascar.  A  mesure 
du  développement  de  la  colonie,de  nouvelles  conservations  pour- 
ront être  créées  dans  les  différents  centres  par  arrêtés  du  ré- 
sident général,  soumis  à  l'approbation  ministérielle.  »  D.  16  juil- 
let 1897,  art.  10. 

(2)  Art.  106  et  119.  L.  T.  A.,  1875. 


LES  ORGANES  DE  l'iMMATRICULATION  99 

mand  de  l'autre.  Le  Registrar  australien  est  un  fonction- 
naire de  l'ordre  administratif  qui  rend  peu  de  décisions 
et  renvoie,  en  cas  de  contestations  sur  un  point  de  droit, 
les  parties  devant  les  tribunaux.  Dans  ce  cas,  il  opère 
les  inscriptions  sur  le  registre,  conformément  à  l'arrêt 
judiciaire.  Le  Grundbuchrichier  rend  de  véritables  juge- 
ments, obligatoires  pour  les  parties,  sujets  à  appel,  soit 
devant  les  tribunaux  de  district,  soit  devant  des  tribunaux 
supérieurs.  Les  pouvoirs  du  Registrar  anglais  participent 
à  la  fois  de  l'un  et  l'autre  caractères.  Ses  décisions,  ne 
sont  pas  obligatoires,  mais  si  elles  <(  n'ont  aucun  effet  lé- 
gal, elles  ont  un  grand  effet  moral  (1)  ».  Il  peut  d'ailleurs 
se  dispenser  de  juger  telle  affaire  qui  lui  paraît  trop  déli- 
cate, et  s'en  remettre  au  jugement  des  tribunaux.  Le  seul 
point  sur  lequel  ses  décisions  soient  sans  appel,  est  la  dé- 
termination des  formalités  à  remplir  (2). 

Il  exerce  des  pouvoirs  de  réquisition  assez  importants. 
Dans  un  cas  douteux,  il  peut  recevoir  une  prestation  de 
serment.  Celui  qui  commettrait  un  parjure  s'exposerait 
à  être  puni  d'une  amende,  pouvant  atteindre  500  livres 
sterlings,  et  à  un  emprisonnement  maximum  de  deux  ans, 
avec  ou  sans  travaux  forcés.  Le  Registrar  est  également 
autorisé  à  appeler  en  témoignage  un  tiers  par  voie  de 
mandai  et  à  lui  infliger  une  amende  de  20  livres  sterlings 
au  plus  (3),  en  cas  de  refus  d'obtempérer  à  cette  injonc- 
tion. 

Investi  de  ces  diverses  prérogatives  destinées  à  l'éclai- 
rer, il  prend  des  décisions  que  les  parties  peuvent  atta- 
quer devant  la  Cour,  c'est-à-dire  suivant  les  cas  devant 
la  Cour  du  comté  ou  la  division  de  la  Chancellerie  de  la 
Haute-Cour  (4).  Les  jugements  ne  sont  pas,  le  plus  sou- 
vent, rendus  en  dernier  ressort.  L'appel  des  jugements 

(1)  Brickdale,  op.  cit.,  p.  48. 

(2)  Art.  72.  L.  T.  A.,  1875,  et  art.  296,  General  Rules. 

(3)  Sanction  de  la  désobéissance  à  un  ordre  d'ane  Cour. 
Art.  109  et  110,  L.  T.  A.,  1875. 

(4)  En  vertu  de  l'art.  299  des  General  Rules,  l'appel  sera, 
jusqu'à  ce  qu'une  disposition  contraire  ait  été  édictée,  toujours 
porté  devant  la  Division  de  la  Chancellerie  de  la  Haute-Cour. 


100      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

des  Cours  de  comté  est  porté  devant  la  division  de  la 
Chancellerie,  l'appel  des  jugements  de  la  division  de  la 
Chancellerie  est  porté  devant  la  Cour  elle-même.  Re- 
marquons que  ces  diverses  juridictions  statuent  non  pas 
d'après  la  loi,  mais  d'après  l'équité  :  elles  ne  s'inspirent 
donc  pas  du  droit  strict,  mais  de  la  coutume  et  de  l'espèce 
qui  leur  est  soumise. 

Si  le  Registrar  ne  trouve  pas  dans  les  titres  et  les  docu- 
ments produits,  ou  dans  les  témoignages  qu'il  a  recueillis 
des  éléments  suffisants  d'appréciation,  il  peut  en  référer 
à  la  Cour.  Dans  ce  but,  il  prépare  une  espèce,  dans  la- 
quelle il  mentionne  les  circonstances  de  l'affaire,  les  noms 
des  intéressés,  l'importance  du  litige,  puis,  il  la  transmet 
à  la  Cour.  Celle-ci  détermine  au  besoin  le  point  de  fait  à 
soumettre  au  jury  ;  puis,  d'après  le  verdict  du  jury,  elle 
rend  une  décision  qui  est  définitive,  à  moins  que  la  Cour 
elle-même  n'ait  autorisé  l'appel. 


CHAPITRE  III 

LES  DEMANDES  EN  IMMATRICULATION.  LA  PROCÉDURE 

L'existence  des  Livres  fonciers  suppose  que  les  pro- 
priétés ont  été  une  première  fois  immatriculées,  qu'il  y  a 
eu  un  ((  établissement  initial  du  feuillet  de  chaque  unité 
foncière  (1)  ». 

Nous  allons  rechercher  successivement  quelle  proprié- 
tés peuvent  être  immatriculées,  quelles  personnes  peuvent 
requérir  l'enregistrement,  comment  et  à  quel  titre  l'imma- 
triculation peut  avoir  lieu. 

Les  lois  de  1875  et  de  1897  ont  distingué,  comme  le  fai- 
sait jusque-là  la  législation,  trois  sortes  de  biens  immo- 
biliers, les  Ireeholds,  les  leaseholds,  les  copyholds. 

Le  freekold  est  la  tenure  appelée,  dans  le  droit  féo- 
dal, le  franc-alleu  ;  c'est  la  propriété  d'un  bien  qui  ne 
dépend  d'aucun  propriétaire  supérieur.  Le  leasehold  est 
le  bail  d'un  freehold,  bail  à  caractère  différent  du  contrat 
de  louage  français.  Le  preneur  peut,  sauf  réserve  con- 
traire, transmettre  son  bail  à  un  tiers  et  le  droit  qu'il 
exerce  sur  limmeuble  loué  est  un  droit  réel.  Enfin,  le 
copyhold  est  une  tenure  quasi-féodale  pour  le  transfert 
de  laquelle  le  cédant  et  le  cessionnaire  sont  soumis  à  cer- 
taines formalités.  Se  rapprochant  beaucoup  du  copyhold 
et  assimilés  à  lui  pour  l'immatriculation,  sont  les  freeholds 
coutumiers  {customary  freeliolds)  (2). 

Les  copyholds  ne  peuvent  pas  être  immatriculés  (3).  Ils 
sont,  en  effet,  déjà  soumis  à  des  mesures  de  publicité  suffi- 

(1)  Massigli,  Rapport  sur  l'immatriculation,  Comm.  extrap. 
du  cadastre.  Proc.  verb.,  T.  V,  p.  427. 

(2)  On  appelle  Freehold  coutumier  toute  terre  pour  laquelle 
une  admission  ou  un  autre  acto  émanant  du  lord  du  manoir  est 
nécessaire  pour  valider  la  vente  passée  par  le  tenancier  cou- 
tumier. Pour  les  Copyholds,  V.  supra,  p.  36. 

(3)  Art.  2,  Land  Transfer  Act,  1875. 


102      l'iXTRODUCTION  des  livres   fonciers  en  ANCxLETERRE 

santés;  de  plus,  ces  tenures,  appelées  à  disparaître  peu  à 
peu,  sont  soumises*  à  certaines  règles  spéciales  qui  ren- 
draient difficiles  leur  immatriculation  et  les  transactions 
postérieures. 

Mais  les  freeholds  et  les  leaseholds  peuvent  faire  l'objet 
de  l'inscription  sur  un  feuillet.  La  loi  emploie  les  mots 
<(  immeubles  en  freehold  ou  en  leasehold  »  pour  désigner 
les  propriétés  susceptibles  d^être  enregistrées.  Cette  ex- 
pression a  ici  une  signification  très  étendue,  qui  a  été  pré- 
cisée par  l'art.  26  de  la  loi  de  1897  :  elle  englobe  non  seu- 
lement les  biens  corporels  mais  aussi  les  biens  incorpo- 
rels; les  mines  et  minières  distinctes  de  la  superficie,  aussi 
bien  que  la  superficie  distincte  des  mines  et  minières;  les 
propriétés  de  caves  ou  d'étages  ou  de  parties  de  maisons; 
tous  les  droits  réels  attachés  au  sol,  les  manoirs,  l'advovs^- 
son  ou  droit  de  présentation  à  un  bénéfice,  les  droites  aux 
dîmes  inféodées,  à  certains  services  ou  à  certaines  rede- 
vances. Quelquefois,  des  biens  incorporels  sont  joints  à 
des  biens  corporels  :  par  exemple,  la  propriété  d'un  ma- 
noir peut  comprendre  tous  les  droits  qui  en  dépendent  ; 
le  droit  aux  mines  et  minières  emporte  le  droit  d'exercer 
certaines  servitudes  nécessaires  pour  l'exploitation  (1). 

De  même  en  ce  qui  concerne  la  propriété  en  leasehold, 
toute  location  ou  sous-location  consentie  pour  une  durée 
d'une  ou  plusieurs  vies,  ou  dont  la  durée  est  supérieure 
à  vingt  ans,  peut  être  immatriculée  comme  une  propriété 
distincte  (2).  Il  n'est  fait  d'exception,  que  si  le  contrat  con- 
tient défense  absolue  au  preneur  de  céder  ses  droits.  L'im- 
matriculation n'est,  en  effet,  instituée  que  pour  permettre 
aux  propriétaires  de  transmettre  leurs  biens  avec  toutes 
les  facilités  désirables.  La  défense  portée  par  la  conven- 
tion a  pour  résultat  de  mettre,  en  quelque  sorte,  hors  du 
commerce  la  propriété  que  l'acte  avait  créée;  de  la  priver 
du  bénéfice  qu'elle  aurait  pu  retirer  d'une  inscription  sur 
le  Livre  foncier.  Il  était  donc  inutile  de  prévoir  et  même 
d'autoriser  une  telle  immatriculation. 

(1)  Art.  26,  Land  Transfer  Act,  1897  et  General  Hules,  art.  1, 
§5. 

(2)  ^Yt.  11,  L.  T.  A.,  1875. 


LA  PROCÉDURE   DE   l'iMMATRICULATION  103 

Qui  peut  demander  l'immatriculation  ?  Les  articles  5  et 
11  de  la  loi  de  1875  autorisent  à  requérir  l'immatriculation 
d'un  freehold  ou  d'un  leasehold  : 

1.  Quiconque  a  contracté  pour  acheter  à  son  profit  per- 
sonnel un  bien-fonds  en  toute  propriété  ou  pour  acquérir 
un  droit  de  location  sur  ce  bien-fonds,  (c'est  l'acquéreur); 

2.  Quiconque  a  des  droits  en  son  nom  personnel,  soit  en 
vertu  de  la  loi,  soit  en  vertu  de  l'équité  à  un  freehold  ou 
à  un  leasehold  ; 

3.  Quiconque  est  capable  de  disposer  à  son  profit  per- 
sonnel de  ces  mêmes  biens. 

Toutefois,  lorsque  l'immatriculation  a  lieu  en  même 
temps  que  la  conclusion  de  l'acte  d'acquisition,  le  ven- 
deur doit  consentir  à  ce  que  la  demande  soit  faite. 

L'énumération  des  personnes,  ainsi  autorisées  à  de- 
mander l'immatriculation,  n'est  pas  complète.  Il  faut  y 
ajouter  toute,  personne  possédant  sur  la  propriété  un 
droit  de  vente,  soit  en  vertu  d'un  fidéicommis,  soit  en 
vertu  d'un  mortgage.  Mais  dans  ce  cas,  le  demandeur  doit 
obtenir  l'assentiment  des  personnes  dont  le  consentement 
est  nécessaire  pour  l'exercice  du  pouvoir  de  vente  à  lui 
conféré  par  le  fidéicommis  ou  le  mortgage  (1). 

En  résumé,  peuvent  demander  à  être  enregistrés  les 
propriétaires  ou  les  bénéficiaires  d'un  bien  corporel  ou 
incorporel  en  freehold  et  en  leasehold. 

La  demande  en  immatriculation  est  adressée  au  Bureau 
d'enregistrement.  Elle  doit  contenir  des  indications  pré- 
cises pour  permettre  d'identifier  sur  le  terrain  la  pro- 
priété. Un  plan  géométral  de  l'immeuble,  dressé  en  se 
référant  à  la  carte  officielle  à  l'échelle  là  plus  élevée  (2) 

(1)  Art.  68,  L.  T.  A.,  1875. 

(2)  La  carte  officielle  levée  dans  la  deuxième  partie  du  xix®  siè- 
cle est  à  diverses  échelles:  au  1250^  pour  les  campagnes,  au 
1000®,  et  même  au  500®  pour  les  villes  (plus  de  400  villes  sont 
levées  à  cette  échelle).  Ces  cartes  sont  toutes  gravées  sur  zinc 
et  sont  à  la  disposition  du  public  à  des  prix  très  modérés.  Cf. 
BRickDAiiE,  Detailed  report  on  the  Systems  of  Eegistration  of 
Title  now  iil  opération  in  Germany  and  Austria-Hungary,  p.  76, 
§  478. 


104     l'introdi'Ction  des  livres  fonciers  en  angleti:rre 

(Ordnance  Map)  et  joint  à  la  demande,  sera  le  plus  sou- 
vent suffisante  pour  déterminer  la  situation  du  bien- 
fonds  (1). 

Le  requérant  indique  également,  s'il  dé^sire  obtenir  un 
titre  absolu,  c'est-à-dire  irrévocable,  ou  un  titre  posses- 
soire. 

Enfin  la  demande  en  immatriculation  est  signée  par 
le  requérant  ou  son  mandataire. 

L'immatriculation  avec  un  titre  absolu  nécessite  des 
formalités  assez  nombreuses.  Un  résumé  des  titres  de  pro- 
priété (abstract  ol  title),  ainsi  que  tous  autres  documents 
faisant  connaître  la  situation  de  la  propriété,  doivent  être 
déposés  avec  la  demande  au  Bureau  d'immatriculation. 
Une  liste  des  tenanciers  et  des  détenteurs  à  titre  précaire 
de  l'immeuble  est  également  produite  (2). 

Le  Registrar  procède  à  l'examen  des  titres,  il  peut 
demander  que  de  nouvelles  pièces  lui  soient  fournies;  ces 
réquisitions  peuvent  s'adresser,  soit  au  demandeur,  soit 
à  une  tierce  personne  (3)  et  sont  sanctionnées  par  des 
amendes.  Il  fait  enfin  établir,  s'il  le  juge  utile,  une  décla- 
ration statutaire,  dans  laquelle  le  demandeur  ou  son  soli- 
citor  affirmera  sous  la  foi  du  serment  qu'à  sa  connaissance 
tous  les  titres,  testaments  ou  actes  relatifs  à  la  propriété, 
toutes  les  charges  foncières  ou  servitudes  grevant  l'im- 
meuble, tous  les  faits  matériels  modifiant  la  consistance 
du  bien-fonds  ont  été  produits  (4). 

Après  avoir  ainsi  réuni  tous  les  éléments  nécessaires 
d'appréciation,  le  fonctionnaire  du  Bureau  d'immatricu- 
lation procède  à  un  examen  minutieux  qui  porte  sur  la 
situation  juridique  de  l'immeuble  durant  les  quarante 
dernières  années.  Il  peut,  dans  les  cas  difficiles,  demander 
l'avis  de  commissaires  des  titres  (5).  Ces  recherches  sont 

(1)  Voyez  la  Formule  officielle  aux  Annexes. 

(2)  Art.  34,  General  Rules. 

(3)  Art.  71,  L.  T.  A.,  1875. 

(4)  Art.  70,  ibid.  V.  la  Formule  officielle  aux  Annexes. 

(5)  Ce  sont,  soit  des  barristers  désignés  par  le  Lord  Chan- 
celier, soit  le  ((  conveyancing  counsel  »  (expert  en  matière  de 
ventes)  de  la  Haute  Cour,  art.  36  et  313  à  315.  General  Rules, 


LA  PROCÉDURE   DE   L  IMMATRICULATION  105 

presque  identiques  à  celles  des  solicitors.  Mais  il  doit 
en  outre  s'assurer  de  la  concordance  des  indications  du 
plan  avec  les  lignes  du  terrain. 

L'examen  du  Registrar  peut  être,  par  contre,  simplifié 
lorsque  la  propriété  a  été  vendue  en  vertu  d'un  jugement 
ou  bien  lorsqu'elle  a  été  inscrite,  à  titre  possessoire,  sur 
le  registre  depuis  au  moins  6  ans,  à  l'occasion  d'une  vente 
ou  d'une  acquisition,  ou  encore  lorsque  les  titres  de  pro- 
priété viennent  d'être  soumis  aux  recherches  d'un  soli- 
citor  (1). 

En  même  temps,  le  Registrar  adressera  des  notifica- 
tions individuelles  à  tous  les  propriétaires  voisins,  ainsi 
qu'à  toutes  les  personnes  que  l'examen  des  titres  lui  aura 
prouvé  être  intéressées  à  l'immatriculation.  Enfin,  pour 
avertir  les  tiers  dont  le  requérant  ou  le  Registrar  pourrait 
ne  pas  connaître  les  droits,  des  avis  sont  insérés,  tant 
dans  la  London  Gazette  que  dans  d'autres  journaux.  Ils 
publient  la  demande  déposée  au  Bureau  d'immatriculation 
et  fixent  un  délai  qui  doit  être  au  minimum  de  deux  mois, 
passé  lequel  les  oppositions  à  l'immatriculation  ne  seront 
plus  admises  (2). 

Les  avertissements  individuels  ou  collectifs  peuvent 
faire  naître  des  réclamations  contre  la  demande  en  imma- 
triculation. Le  Registrar  les  examine,  les  communique  au 
requérant,  entend  les  parties,  soit  en  personne,  soit  par 
l'entremise  de  leur  solicitor,  puis  il  décide.  Ou  bien  il 
passe  outre  à  la  réclamation,  ou  bien  il  refuse  de  pour- 
suivre la  procédure  d'immatriculation.  Son  refus  peut 
être  définitif,  ou  provisoire  :  dans  ce  dernier  cas,  il  indique 
les  conditions  dans  lesquelles  il  devra  être  donné  satisfac- 
tion à  l'opposant  pour  qu'il  soit  possible  d'inscrire  la  pro- 
priété sur  le  Livre  foncier. 

La  partie  à  laquelle  sa  décision  fait  grief,  peut  en  appe- 
ler a  la  Haute  Cour  (3). 

Un  hasard  malheureux  peut  ne  pas  permettre  aux  tiers 
intéressés  d'être  touchés  par  les  notifications  ordinaires. 

(1)  Art.  66,  General  Rules. 

(2)  Art.  37-39,  ibid. 

(3)  Art.  17,  L.  T.  A.,  1875. 


106      !,'lXTRODUCTIO\  DES   LIVRES  FONCIERS  EN  ANGLETERRE 

Les  diverses  législations  sur  les  Livres  fonciers  ont  créé 
un  système  de  prénotation.  La  prénotation  vaut  opposi- 
tion dans  le  cas  où  une  demande  en  immatriculation  de 
l'immeuble,  auquel  elle  se  rapporte,  serait  introduite  au- 
près du  Bureau  d'immatriculation  (1).  La  loi  de  1875  a  c'e 
même  prévu  que  ((  toute  personne  ayant  ou  prétendant 
avoir  des  droits  sur  une  propriété  non  encore  enregistrée, 
peut  signifier  au  Registrar  une  défense  aux  fins  qu'elle 
entend  réserver  (2)  ».  Elle  doit  faire,  à  l'appui  de  la  signi- 
fication, une  déclaration  sous  la  foi  du  serment  (3]. 

Dès  lors,  aucune  immatriculation  de  l'immeuble  visé 
dans  la  déclaration,  ne  peut  avoir  lieu  sans  qu'avis  eii  ait 
été  notifié  à  l'opposant.  Celui-ci  sera  ainsi  mis  en  demeure 
d'avoir  à  comparaître  et  à  faire  valoir  ses  moyens  d'oppo- 
sition dans  un  délai  de  quinzaine.  S'il  ne  répond  pas,  il 
peut  être  passé  outre.  Mais  le  propriétaire  pourra  le  pour- 
suivre en  paiement  de  dommages-intérêts  pour  le  préju- 
dice qui  lui  a  élé  causé  par  le  retard  résultant  de  la  préno- 
tation. Une  indemnité  pourrait  également  être  demandée 
si  l'opposition  avait  été  faite  sans  motifs  suffisants.  Cette 
procédure  peut  présenter  de  grands  avantages  :  elle  offre 
notamment  un  moyen  assuré  de  garantir  ses  droits  à  un 
propriétaire  qui  ne  veut  pas  faire  immatriculer  son  im- 
meuble, mais  qui  désire  que  ses  voisins,  en  inscrivant  les 
leurs  sur  le  Livre  foncier,  ne  lèsent  pas  ses  intérêts. 

L'examen  des  titres  de  propriété  conduit  quelquefois 
le  Registrar  aux  constatations  suivantes  :  En  droit,  la  pro- 
priété du  requérant  sur  l'immeuble  n'est  pas  suffisamment 
prouvée  ;  mais  en  fait,  il  est  presque  certain  que  le  déten- 
teur actuel  ne  sera  jamais  troublé  dans  sa  possession.  Le 
Registrar  peut,  malgré  l'insuffisance  des  prelives  qui  lui 
ont  été  fournies,  procéder  à  l'inscription  sur  le  Livre 
foncier.  Mais  il  peut  aussi,  avant  toute  inscription,  en  ré- 

.     (1)  Art.  35,  L.  autrichienne  du  25  juillet  1871;  art.  9,  16,  22, 
59,  60,  70,  L.  prussienne  du  5  mai  1872. 

(2)  Art.  60  à  64,  L.  T.  /..,  1875;  art.  88  à  94,  General  Rules. 
Voyez  la  Formule  officielle  aux  Annexes. 

(3)  Ces  déclarations  s'appellent  en  Angleterre  :  déclarations 
statutaires,  c'est-à-dire  prévues  par  les  lois. 


LA   PROCÉDURE   DE.  I. 'IMMATRICULATION  107 

férer  à  la  Haute  Cour  et  lui  demander  de  décider  s'il  y  a 
lieu  d'accorder  l'immatriculation.  Cette  disposition  de  la 
loi  de  1875  (1)  met  un  terme  aux  difficultés  soulevées  par 
l'application  de  loi  de  1862.  Celle-ci  n'autorisait  l'immatri- 
culation que  des  propriétés  détenues  en  vertu  d'un  titre 
marchand,  c'est-à-dire  d'un  titre  tel  que  la  Cour  forcerait 
un  acquéreur  à  l'accepter.  La  situation  du  Registrar  se 
trouve  désormais  changée;  il  ne  peut  plus  être  comparé 
à  un  acquéreur  voulant  obtenir  toutes  les  garanties  aux- 
quelles il  a  droit  et  préférant  renoncer  à  devenir  proprié- 
taire si  satisfaction  entière  ne  lui  est  pas  donnée  ;  il  se 
trouve  plutôt  dans  la  position  d'un  acquéreur,  désireux, 
par  raison  de  convenances  personnelles  et  tout  en  prenant 
des  précautions  suffisantes,  d'entrer  en  possession  d'un 
immeuble  et,  par  suite,  disposé  à  se  montrer  moins  exi- 
geant dans  l'examen  des  titres  de  propriété.  La  liberté 
plus  grande,  laissée  ainsi  au  Registrar,  ne  peut  préjudi- 
cier  d'ailleurs  à  personne  depuis  que  l'article  7  de  la  loi 
de  1897  a  pourvu  en  cas  d'erreur  au  paiement  d'indemni- 
tés aux  personnes  lésées  par  une  immatriculation. 

Dans  certains  cas,  au  cours  de  l'examen  des  titres,  le 
Registrar  se  rend  compte  que  la  propriété  d'un  requérant 
peut  être  seulement  établie  durant  une  certaine  période 
ou  qu'elle  est  soumise  à  certaines  réserves.  Sans  qu'il 
soit  possible  de  déclarer  de  piano  que  le  demandeur  est 
certainement  le  propriétaire  légal,  il  existe  néanmoins  une 
présomption  très  sérieuse  de  son  droit.  La  loi  de  1875, 
pour  répondre  à  cette  éventualité,  institue  le  titre  quali- 
fié (2).  Délivré  à  la  suite  de  l'accomplissement  des  mêmes 
formalités  et  après  les  mêmes  notifications  que  le  titre 
absolu,  le  titre  qualifié  diffère  donc  de  celui-ci,  en  ce  qu'il 
ne  sera  irrévocable  qu'après  une  certaine  date,  que  si  un 
événement  futur  et  incertain  se  présente  ou  ne  se  présente 
pas.  Nous  dirions  si  nous  étions  en  France,  que  le  droit 
du  propriétaire  est  subordonné  à  un  terme  ou  à  une  con- 

(1)  Art.  17,  §  3,  L.  T.  A.,  1875.  Y.  Brickdale  and  Sheldon's 
L.  T.  Acts,  p.  8. 

(2)  Art.  9,  L.  T.  A.,  1875,  et  art.  49,  General  Rules. 


108      I. "introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

dition.  L'immatriculation  avec  titre  qualifié  à  la  valeur 
de  nombreux  transferts  occultes  anglais  soumis  à  des 
((  conditions  de  vente  )),qui  interdisent  «  toutes  recherches 
antérieures  à  une  date  déterminée,  toutes  réquisitions  re- 
latives à  la  preuve  de  la  qualité  d'héritier  ou  au  manque  de 
postérité,  ou  à  toute  autre  chose  (1)  ».  Le  titre  qualifié  ne 
peut  faire  Tobjet  d'une  demande  directe.  Il  a  paru  utile,  en 
effet,  au  législateur  anglais  de  ne  prévoir  la  délivrance 
d'un  tel  titre  que  d'une  manière  exceptionnelle,  et  dans 
le  cas  où  un  titre  absolu  ne  pourrait  être  conféré.  Les  de- 
mandes doivent  donc  toujours  être  faites  en  vue  d'obtenir 
un  titre  absolu.  Lorsque  le  Registrar  ne  peut  donner  satis- 
faction à  la  requête,  il  en  avertit  le  demandeur  et  l'informe 
qu'il  serait  possible  de  transformer  sa  demande  primitive 
en  une  demande  en  immatriculation  avec  litre  qualifié.  Le 
propriétaire  doit  donner  son  adhésion  expresse  à  la  subs- 
titution; car  les  mentions  et  réserves  portées  sur  le  titre 
foncier  pourront  avoir  pour  effet  d'attirer  l'attention  des 
tiers  sur  des  défauts  ou  des  vices  des  titres  de  propriété 
qui,  jusque-là,  n'étaient  pas  apparents  et  n'offraient  qu'un 
danger  relatif.  Aussi,  le  plus  souvent,  le  propriétaire  pré- 
fère-t-il  au  titre  qualifié  le  titre  purement  possessoire. 

Le  titre  possessoire  est  le  troisième  et  dernier  titre  déli- 
vré par  le  Land  Registry  (2).  Le  propriétaire  peut  ne  pas 
avoir  de  titres  de  propriété  ou  n'avoir  que  des  titres  con- 
fus qui  nécessiteraient  des  recherches  longues  et  fort  coû- 
teuses. Il  demandera  dans  ce  cas,  à  être  immatriculé  à  ti- 
tre possessoire. 

Les  formalités  de  l'immatriculation  sont  en  effet  très 
simples,  les  justifications  exigées  très  sommaires.  La  de- 
mande écrite,  faite  suivant  une  formule  officielle  (3)  ne 
doit  être  accompagnée  que  du  dernier  contrat  de  vente  au 
profit  du  requérant,  de  tout  autre  acte  l'investissant  de  la 
propriété  ou  d'une  déclaration  statutaire,  s'il  n'est  pas  pos- 
sible de  produire  un  titre  régulier.  Dans  cette  déclara- 

(1)  Lake,  The  Land  Transfer  Act,  1897.  Law  Magazine  and 
Review,  mai  1898. 

(2)  Art.  6,  §  2,  L.  T.  A.,  1875. 

(3)  V.  la  Formule  officielle  aux  Annexes. 


LA  PROCÉDURE  DE  l'iMMA'J  RICL  LATION  lUU 

tion,  le  requérant  affirme  sous  la  foi  du  serment  qu'il  est 
en  possession  de  l'immeuble  en  question  et  qu'il  croit  pou- 
voir s'en  dire  propriétaire  (1).  Comme  la  requête  en  imma- 
triculation à  titre  absolu,  la  demande  d'inscription  sur  le 
Livre  foncier  avec  un  titre  possessoire,  doit  être  accompa- 
gnée d'un  plan  de  l'immeuble  ou  d'indications  suffisantes 
pour  permettre  de  déterminer  sur  l'Ordnance  Map  sa 
situation  topographique. 

Le  demandeur  peut,  dans  sa  requête,  indiquer  si  la  pro- 
priété est  soumise  à  certaines  charges  ou  servitudes.  Le 
Registrar  devra  les  mentionner  lorsqu'il  inscrira  le  bien- 
fonds  sur  le  Livre  foncier.  Mais  aucune  obligation  légale 
n'impose  au  propriétaire  de  faire  ces  déclarations  qui  pré- 
sentent cependant  une  certaine  utilité  pour  lui.  Car  l'ins- 
cription sur  le  Livre  foncier  pourra,  avec  le  temps,  deve- 
nir la  seule  origine  de  propriété  qu'il  y  aura  à  consulter 
pour  connaître  les  droits  du  propriétaire  sur  son  bien. 

Toutes  ces  déclarations  ne  font  l'objet  d'aucun  examen 
de  la  part  du  Fiegistrar  qui  doit  se  borner  à  vérifier  l'exac- 
titude matérielle  des  faits  qu'elles  relatent  (2).  Les  forma- 
lités exigées  pour  l'immatriculation  à  titre  possessoire 
sont  donc  beaucoup  moins  complètes  que  celles  qui  ac- 
compagnent l'immatriculation  à  titre  qualifié  ou  à  titre 
absolu. 

Les  diverses  règles  examinées  précédemment  sont  quel- 
que peu  modifiées  lorsqu'il  s'agit  de  procéder  à  l'inscrip- 
tion d'un  Leasehold  sur  le  Livre  foncier. 

Toute  requête  aux  fins  d'immatriculation  doit  être  ac- 
compagnée de  l'acte  concédant  le  bail  ou  d'une  copie  cer- 
tifiée véritable,  si  l'original  a  été  perdu,  détruit  ou  ne 
peut  être  représenté  (3).  La  terre  en  leasehold  peut  être, 
comme  la  terre  en  freehold  immatriculée  avec  un  titre 
absolu,  qualifié  ou  possessoire.  Mais  pour  obtenir  un  titre 
absolu,  il  faut  le  concours  du  bailleur  et  de  tout  locataire 

(1)  xA.rt.  18,  General  Rules;  V.  la  Formule  officielle  aux  An- 
nexes. 

(2)  Art.  19  et  20,  Général  Rules. 

(3)  Par  exemple  lorsque  le  bail  a  été  déposé  entre  les  mains 
d'un  créancier  mortgagiste  ;  Cf.  art.  50  et  51,  General  Riiles. 


110      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

supérieur  (en  cas  de  sous-location).  Le  titre  ne  constate 
pas  seulement,  en  effet,  l'existence  du  contrat  de  bail.  Le 
titre  absolu  à  une  propriété  en  leasehold  signifie,  en  outre, 
que  le  propriétaire  en  freehold  avait  qualité  pour  faire  une 
telle  concession  ;  il  signifie  aussi,  s'il  s'agit  d'une  sous- 
location,  que  le  premier  locataire  avait,  d'après  les  con- 
ventions, le  droit  de  sous-louer  (1). 

Le  titre  qualifié  à  un  lease  est  délivré  lorsqu'il  y  a 
doute  sur  la  capacité  de  contracter  du  bailleur  ou  du  pre- 
mier locataire,  ou  bien  lorsqu'il  existe  une  convention  exi- 
geant pour  tous  les  actes  le  consentement  d'une  autre  per- 
sonne (2).  Il  est  aussi  mis  certaines  réserves  à  l'inscrip- 
tion sur  le  Livre  foncier,  lorsque  les  diverses  transmis- 
sions de  la  location  n'ont  pas  pu  être  établies  d'une  façon 
certaine,  bien  que  l'existence  et  la  validité  du  contrat  de 
bail  ne  puissent  pas  être  contestées  (3). 

Mais  pour  pouvoir  donner  cette  garantie  complète  ou 
partielle  aux  preneurs  ou  à  leurs  ayants-cause,  les  fonc- 
tionnaires du  Bureau  d'immatriculation  doivent  avoir  eu 
entre  les  mains  et  avoir  examiné  les  titres  des  proprié- 
taires et  des  locataires  ayant  sous-loué. 

Rarement  les  bailleurs  consentent  à  se  dessaisir  de  leurs 
titres  de  propriété  et  surtout  à  les  laisser  examiner  par  le 
Bureau  du  Land  Registry.  Aussi  le  plus  souvent  les  imma- 
triculations de  biens  en  leasehold  ont  lieu  seulement  à  titre 
possessoire.  Cette  inscription  qui  najoule  rien  à  la  valeur 
intrinsèque  de  l'acte  de  location,  avertit  seulement  qu'un 
tel  preneur  prétend  être  bénéficiaire  d'un  bail  (4). 

Mais  il  peut  être  assez  souvent  établi,  à  l'occasion  de  la 
vente  d'un  leasehold,  que  le  détenteur  actuel  a  certaine- 
ment le  droit  de  se  dire  bénéficiaire  du  bail  pourvu  que  le 
bailleur  duquel  il  tient  ses  droits,  ait  eu  qualité  pour  les 
lui  concéder.  Le  règlement  général,  pour  distinguer  ces 
deux  catégories  de  titres  rangés  auparavant  sous  la 
même  qualification,  a  créé  le  titre  marchand  d'un  lease- 

i,i;  Art.  53  et  54,  General  E-uIes. 

(2)  Art.  62,  ibid. 

(3)  Art.  56  et  58,  ibid. 

(4)  Art.  57,  ibid. 


LA   PROCÉDURE   DE   l'iMMATRICULATION  111 

hold  «  good  leasehold  title  ».  Ce  titre  garantit  celui  qui 
le  possède  contre  toutes  les  actions  en  résolution  autres 
que  celles  basées  sur  l'incapacité  du  bailleur  à  concéder 
le  bail  (1). 

Dans  rénumération  des  diverses  formalités  qui  précè- 
dent l'imatriculation  au  Livre  foncier,  il  faut  tenir  compte 
du  pouvoir  discrétionnaire  du  Registrar;  car  la  loi  an- 
glaise et  le  règlement  général  rendu  pour  son  exécution 
n'ont  pu  prévoir  tous  les  cas  qui  peuvent,  dans  la  pratique, 
se  présenter.  Aussi,  après  avoir  minutieusement  indiqué 
les  preuves  à  fournir,  plusieurs  articles  de  la  loi  laissent 
au  Registrar  le  droit,  s'il  le  juge  convenable  (il  he  thinks 
lit),  de  demander  la  production  de  toutes  les  pièces  com- 
plémentaires qu'il  lui  paraît  utile  de  consulter.  En  revan- 
che, il  lui  est  permis  de  dispenser  les  requérants  de  tout 
ou  partie  des  obligations  imposées  par  la  loi.  Les  alinéas 
3  et  4  de  l'article  17  (2),  sont  ainsi  rédigés  :  <(  Si  le  Regis- 
trar est  d'avis,  après  examen,  que  les  titres  de  propriété 
ne  sont  pas  absolument  probants,  mais  que  néanmoins 
ils  peuvent  donner  complète  sécurité  au  propriétaire,  il 
pourra  procéder  à  l'immatriculation...  »  «  Il  peut  accepter 
toute  preuve,  tous  exposés  et  états,  toutes  descriptions  de 
faits  ou  de  circonstances  consignés,  soit  dans  des  actes 
authentiques  ou  sous  seings  privés,  soit  dans  des  décla- 
rations statutaires,  datant  de  plus  de  vingt  ans.  )> 

Cette  initiative,  que  ne  possédait  pas  le  Registrar  sous 
l'empire  de  la  législation  de  1862  et  qui  lui  a  été  conférée 
par  la  loi  de  1875,  est  absolument  indispensable  pour 
permettre  de  mener  à  bien  l'immatriculation  de  la  plupart 
des  propriétés.  Les  titres  sous  le  l'égime  des  transactions 
occultes  revêtent  des  formes  si  variées  et  tellement  com- 
plexes, que  le  plus  souvent  l'existence  de  principes  géné- 
raux rigides,  applicables  à  toutes  les  demandes  sans  ex- 
ception, rendrait  matériellement  impossible  l'inscription 
sur  le  Livre  foncier.  En  Angleterre  particulièrement,  les 
règles  formelles  de  la  loi  de  1862  avaient,  de  l'avis  de  tous 
les  jurisconsultesij  été  l'une  des  causes  de  son  échec.  Les 

(1)  Art.  54  et  58,  General  Rules. 
(2)L.  T.  A.,  1875. 


112      l'introduction  des   livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

Land  Transfer  Acls  et  le  règlement  général  de  1903  mar- 
quent sur  ce  point  un  grand  progrès  et  simplifient  la  pro- 
cédure préparatoire  de  l'immatriculation. 

Le  second  caractère  de  la  législation  anglaise  est  de 
confier  à  un  fonctionnaire  le  soin  de  faire  la  première  ins- 
cription au  Livre  foncier.  Le  pouvoir  du  Registrar  se 
trouve,  il  est  vrai,  quelque  peu  limité.  Toutes  les  fois  qu'il 
y  a  contestation  entre  le  requérant  et  le  Registrar  ou  in- 
tervention d'un  tiers  par  voie  d'opposition,  les  tribunaux 
judiciaires  sont  appelés  à  connaître  de  ces  difficultés  et 
leur  décision  est  exécutée  par  le  Registrar. 

La  fusion  entre  les  deux  autorités,  chargées  l'une  de 
tenir  les  livres  fonciers,  l'autre  de  pourvoir  à  leur  éta- 
blissement, existe  également  en  Australie  et  en  Prusse. 
Mais  dans  ce  dernier  pays,  à  la  différence  de  l'Australie 
et  de  l'Angleterre,  ce  sont  des  magistrats  de  l'ordre  judi- 
ciaire qui  sont  investis  de  cette  double  mission. 

D'autres  législations  ont,  au  contraire,  prévu  que  l'au- 
torisation d'inscrire  un  immeuble  sur  le  Livre  foncier 
devait  être  délivrée  par  l'autorité  judiciaire,  alors  qu'un 
fonctionnaire  de  l'ordre  administratif  était  chargé  de 
veiller  à  la  conservation  des  registres.  La  loi  autrichienne 
de  1871  sépare  ainsi  le  tribunal  du  Livre  foncier  du  Bu- 
reau du  Livre  foncier  :  c'est  la  Cour  d'Appel  provinciale 
qui  homologue  la  procédure  préparatoire  à  l'immatricu- 
lation et  donne  une  force  légale  aux  inscriptions  des  pro- 
priétés sur  les  registres.  En  Tunisie,  le  tribunal  mixte 
reçoit  communication  de  toutes  les  pièces  de  l'instruction, 
juge  les  contestations,  s'il  en  existe,  et  ordonne  l'immatri- 
culation. Solution  qui  a  été  également  adoptée  par  le  Dé- 
cret du  16  juillet  1897,  relatif  à  la  réglementation  de  la 
propriété  foncière  à  Madagascar  et  les  Décrets  relatifs  au 
même  objet  dans  les  colonies  de  l'Afrique  occidentale.  Le 
Tribunal  de  première  instance  ou  le  juge  de  paix  à  com- 
pétence étendue  statue  par  jugement  sur  les  demandes 
d'immatriculation.  Ces  décrets  ont  toutefois  conféré  au 
Président  du  Tribunal  ou  au  Juge  de  Paix  le  droit  de  pres- 
crire, par  simple  ordonnance,  l'immatriculai  ion,  lorsqu'au 


LA  PROCÉDURE   DE   l'iMMATRICULATION  113 

cours  de  rinstruction  régulière,  aucune  opposition  n'a  été 
faite. 

Les  législations,  qui  font  intervenir  l'autorité  judiciaire 
au  moment  de  la  première  mimatriculation,  tiennent 
compte  du  caractère  tout  spécial  de  cette  mesure  qui  peut 
avoir  les  plus  graves  conséquences  pour  certaines  per- 
sonnes. «  Dans  une  matière  où  l'on  peut  arriver  à  l'ex- 
propriation des  droits  individuels,  a-t-on  dit  en  France, 
il  faut  suivre  les  précédents  de  l'expropriation  pour  cause 
d'utilité  publique  ;  une  décision  de  l'autorité  judiciaire  est 
indispensable  (1).  >>  Seuls,  les  tribunaux  semblent  devoir 
donner  aux  intérêts  en  cause  toutes  les  garanties  désira- 
bles de  compétence.  Mais  les  décisions  judiciaires  entraî- 
nent une  longue  procédure,  nécessitent  des  frais  assez 
considérables.  Les  décrets  des  colonies  françaises,  sup- 
priment certaines  formalités  en  autorisant  les  Présidents 
de  tribunal  et  les  juges  de  paix  à  compétence  étendue  à 
statuer  par  simple  ordonnance  sur  les  demandes  qui  n'ont 
pas  fait  naître  d'oppositions.  L'Angleterre,  l'Australie,  ont 
été  plus  loin.  L'autorité  judiciaire  ne  juge  que  les  oppo- 
sitions formées  contre  l'immatriculation,  le  Registrar  sta- 
tuant en  dernier  ressort  sur  toutes  les  demandes  qui  ne 
soulèvent  pas  de  difficultés.  Cette  manière  de  procéder 
a  un  double  avantage  :  elle  évite  toutes  les  formalités  d'ho- 
mologation, qui  ne  constituent  le  plus  souvent  que  des 
garanties  purement  illusoires,  lorsqu'elles  ne  sont  pas 
discutées  contradictoirement.  Grâce  à  son  autorité  mo- 
rale, le  Registrar  joue  aussi  le  rôle  de  conciliateur  et  peut 
prévenir  des  procès  qui  nuiraient  à  la  rapide  expédition 
des  affaires  et  au  bon  renom  de  l'immatriculation  (2).  En 
même  temps,  la  possibilité  d'appeler  de  la  décision  du 
fonctionnaire  administratif  aux  tribunaux,  sauvegarde  les 
droits  de  chacun  et  consacre  la  plénitude  de  juridiction  de 
l'autorité  judiciaire  sur  les  questions  de  propriété. 

(1)  Procès-verbaux  sommaires  du  Congrès  de  la  Propriété 
foncière  de  1889,  p.  14.  Imprimerie  Nationale,  1889. 

(2)  ((  L'expérience  prouve  que  les  décisions  du  Kegistrar  sont 
presque  toujours  acceptées.  »  Further  report  on  Registration 
of  Title  in  the  Australasian  Colonies,  1881,  p.  148. 

L.  8 


CHAPITRE  IV 

LES  FORMES  DE  l'iMMATRICULATION 

Lorsque  le  Registrar  a  examiné  les  titres  et  les  a  ap- 
prouvés, il  procède  à  l'immatriculation  de  l'immeuble  sur 
le  Livre  foncier. 

Le  Livre  foncier  anglais  est  divisé  en  trois  parties  :  le 
registre  des  propriétés,  le  registre  des  propriétaires,  le 
registre  des  charges  foncières  (1).  En  outre,  les  plans  dé- 
posés au  Bureau  d'immatriculation  sont  reliés  ensemble 
et  forment  en  quelque  sorte  un  quatrième  registre.  Chaque 
inscription  reçoit  un  numéro  d'ordre  qui  se  trouve  répété 
sur  les  divers  feuillets  du  Livre  foncier. 

Le  registre  des  propriétés  contient  tout  d'abord  l'in- 
dication de  l'imnieuble  immatriculé,  soit  par  simple  réfé- 
rence au  plan  déposé,  soit  par  référence  au  plan  et  par 
une  description  du  bien-fonds.  Mention  y  est  aussi  faite 
des  droits  du  propriétaire  sur  les  mines  et  minières,  de 
l'exemption  des  obligations  prévues  à  l'art.  18  de  la  loi  de 
1875  (2),  enfin,  de  toutes  les  conventions  existant  en  faveur 
de  la  terre  et  constituant,  soit  des  servitudes  actives  (droits 
de  passage  d'eau,  etc),  spit  des  droits  incorporels  (profits 
à  prendre). 

Toutes  les  acquisitions  ou  aliénations  de  parcelles  doi- 
vent figurer  sur  le  registre  des  propriétés  et  le  plan  annexé 
^  la  première  immatriculation  est  modifié  en  consé- 
quence (3). 

Lorsque  le  bien  est  une  propriété  en  leasehold,  le  regis- 
tre contient  aussi  un  renvoi  au  bail  enregistré  et  au  titre 

(1)  Les  articles  du  Règlement  Général  qui  déterminent  les 
conditions  dans  lesquelles  le  Lfivre  foncier  e>^t  tenu,  ont  été 
édictés  en  vertu  de  l'art.  111,  §  1  de  la  loi  de  1875. 

(2)  V.  plus  loin,  page  125. 
(3;  Art.  3  et  4,  General  Rulçs. 


Lr-:S   FORMES   DE    L'IMMATRICULATION  115 

du  bailleur,  si  la  propriété  de  celui-ci  a  été  déjà  immatri- 
culée. 

Le  registre  des  propriétaires  indique  si  la  propriété  est 
immatriculée  à  titre  absolu,  qualifié  ou  possessoire.  Il 
porte  les  nom,  adresses  et  qualités  du  propriétaire,  ainsi 
que  les  restrictions  qui  peuvent  limiter  ses  droits  person- 
nels de  disposition  sur  l'immeuble  (1).  Il  mentionne  aussi 
la  valeur  de  la  propriété,  lorsqu'il  est  possible  de  Ta  con- 
naître (2). 

Les  Land  Transfer  Acts  ont  édicté  des  prescriptions 
relatives  à  certaines  propriétés  d'un  caractère  spécial  :  les 
settlements,  les  bénéfices  ecclésiastiques,  les  propriétés 
indivises. 

Lorsqu'un  bien  est  grevé  de  substitution,  il  peut  être 
inscrit  sur  le  registre  des  propriétaires,  soit  au  nom  du 
grevé,  soit  au  nom  des  fidéicommissaires,  s'ils  ont  le  pou- 
voir de  le  vendre,  soit  au  nom  des  personnes  qui  peuvent 
être  investies  dun  pouvoir  général  de  disposition  sur  la 
pleine  et  entière  propriété.  D "ailleurs,  seront  en  même 
temps  mentionnées  toutes  les  restrictions  aux  droits  du 
titulaire  de  l'inscription,  ainsi  que  toutes  les  défenses  qui 
peuvent  être  nécessaires  pour  protéger  les  intérêts  en 
cause.  L'acte  constitutif  du  settlement  ou  une  copie  certi- 
fiée conforme,  devra  être  déposée  au  Land  Registry.  afin 
de  pouvoir  s'y  référer  en  cas  de  besoin  (3). 

Les  bénéfices  religieux  qui  sont  des  usufruits  dune  na- 
ture particulière  peuvent  être  immatriculés  au  nom  du 
titulaire  actuel,  mais  il  doit  être  en  même  temps  fait  les 
réserves  nécessaires  pour  avertir  les  tiers  de  la  situation 
spéciale  de  l'immeuble. 

Enfin.  Farticle  14  de  la  loi  de  1897  a  autorisé  l'inscrip- 
tion des  noms  des  propriétaires  indivis.  La  loi  de  1875 
avait  limité  à  un  nombre  déterminé  les  inscriptions  collec- 
tives qui  pouvaient  être  faites  (4).  La  crainte  de  surchar- 
ger le  registre  de  noms  avait  été  Tune  des  raisons  prin- 

(1)  Art.  6,  General  Rules.^ 

(2)  Art.  22,  §  6,  L.  T.  A.,  1897;  art.  3  et  252,  General  Rules. 

(3)  Art.  6,  L.  T.  A.,  1897. 

(4)  Art.  5  et  art.  83,  §  1  et  24.  L.  T.  A.,  1875. 


]  16      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

cipales  de  cette  mesure.  Mais  le  choix  entre  les  divers 
ayants  droit,  lorsque  leur  nombre  dépassait  le  nombre 
prescrit,  soulevait  de  graves  difficultés  et  amenait  sans 
cesse  des  contestations  entre  les  copropriétaires.  Le  lé- 
gislateur anglais  a  abrogé  en  1897  ces  restrictions  qui  ne 
présentaient  que  peu  d'intérêt.  Les  registres  fonciers  de 
l'Europe  centrale  ont,  en  effet,  toujours  été  tenus  fort  clai- 
rement, bien  que  dans  ces  pays  l'égalité  des  enfants,  au 
point  de  vue  successoral,  rende  l'indivision  plus  fréquente 
encore  qu'en  Angleterre. 

A  côté  du  registre  des  propriétés  et  du  registre  des  pro- 
priétaires, est  établi  le  registre  des  charges.  Celui-ci  men- 
tionne les  droits  réels  existant  avant  l'immatriculation  : 
mortgages,  charges  foncières,  baux,  servitudes  passives, 
droits  de  douaire  ou  de  courtoisie.  Lorsque  les  charges 
foncières,  mortgages  et  baux  paraissent  devoir  être  très 
nombreuses,  le  Registrar  peut,  s'il  le  juge  utile,  inscrire 
ces  divers  droits  dans  un  registre  spécial,  auquel  le  regis- 
tre des  charges  renverra  (1).  Toutes  les  transactions  affec- 
tant la  propriété  ou  la  consistance  des  droits  réels  inscrits 
sur  cette  partie  du  Livre  foncier  feront  elles-mêmes  l'objet 
d'une  inscription. 

Le  Livre  foncier  se  trouve  complété  par  trois  registres 
accessoires  :  la  carte  générale  des  propriétés  immatricu- 
lées, le  répertoire  des  noms  des  propriétaires,  le  registre 
d'entrée  des  demandes  en  immatriculation. 

La  carte  générale  des  propriétés  indique,  par  une  teinte 
de  couleur,  la  position  et  l'étendue  des  propriétés  ins- 
crites au  Livre  foncier.  Chacune  des  propriétés  porte  le 
numéro  sous  lequel  elle  figure  dans  les  divers  registres 
principaux.  Cette  carte  permet,  par  conséquent,  lors- 
qu'on connaît  la  situation  d'un  immeuble,  de  savoir  s'il  a 
déjà  été  immatriculé.  Elle  prévient  les  doubles  inscrip- 
tions d'un  même  immeuble  ainsi  que  les  chevauchements 
de  limites  de  deux  propriétés  contiguës.  Elle  constitue 
ainsi  une  précaution  contre  les  fraudes  ou  les  erreurs  qui 
pourraient  se  produire  au  moment  de  la  première  imma- 

(1)  Art.  7  et  8,  General  Rules. 


LES   FORMES   DE    l'i.MMATRICULATION  117 

triculation  et  permet,  en  outre,  lorsque  le  numéro  d'ins- 
cription est  inconnu,  de  le  retrouver  (1). 

Le  répertoire  des  noms  des  propriétaires,  tenu  par  or- 
dre alphabétique,  indique  les  numéros  des  titres  de  pro- 
priété d'immeubles,  de  charges  foncières  ou  de  droits 
réels  auxquels  ont  droit  les  diverses  personnes  dont  les 
noms  figurent  sur  le  Livre  foncier. Il  est  constamment  tenu 
à  jour  par  radiation  ou  addition  des  noms  et  des  numéros 
retranchés  ou  ajoutés.  Il  permet  notamment  aux  exécu- 
teurs testamentaires,  aux  fidéicommissaires  et  aux  syn- 
dics de  faillite  de  connaître  le  nombre,  la  situation  et  les 
particularités  des  biens  qu'ils  ont  à  administrer  et  qu'ils  ne 
connaissent  pas  le  plus  souvent  (2). 

Enfin,  le  registre  d'entrée  des  demandes  en  immatricu- 
lation indique,  pour  chaque  demande,  le  nom  de  la  pa- 
roisse et  le  lieu-dit,  le  nom  et  l'adresse  du  requérant,  le 
numéro  d'enregistrement  de  la  demande  (3). 

En  résumé,  les  trois  derniers  registres  ne  sont  destinés 
qu'à  faciliter  les  recherches  dans  le  Livre  foncier  et  à  per- 
mettre de  se  reporter  aux  feuillets  des  registres  des  pro- 
priétés, des  propriétaires  et  des  charges.  Ainsi  conçu,  le 
Livre  foncier  peut  être,  a-t-on  dit,  comparé  à  un  compte  : 
le  registre  des  propriétaires  désigne  la  personne  au  nom 
duquel  il  est  tenu,  le  registre  des  propriétés  donne  le  crédit 
de  ce  compte  et  le  registre  des  charges,  le  débit  (4). 

Cette  forme  du  Li\re  foncier  est  celle  prescrite  par  la 
plupart  des  législations  qui  ont  adopté  l'immatriculation 
de  la  propriété.  Elle  repose  sur  le  principe  de  la  publicité 
réelle  opposé  au  principe  de  la  publicité  personnelle. Xotre 
législation  foncière  ne  connaît  que  la  publicité  person- 
nelle. Les  répertoires  des  conservations  hypothécaires  ne 
renferment  que  les  noms  des  propriétaires.  Mais  la  pro- 
priété se  transmet,  non  seulement  par  des  actes  transcrits 
sur  le  registre  des  conservations,  mais  aussi  par  des  con- 

(1)  Cf.  Brickdale  and  Sheldon's    op.  cit.,  p.  336,  note  (1)  et 
art.  12,  §  1,  General  Rules. 

(2)  Art.  12,  §  2,  General  Rules. 

(3)  Art.  13,  ibid. 

(4)  Brickdale  and  Sheldon's   op.  cit.,  p.  334,  note  (d). 


118      l'iXTRODUC'IION  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

venlions  ou  des  mutations  non  transcrites  ;  il  en  résulte  un 
double  inconvénient.  Il  est  d'abord  assez  difficile  d'établir 
la  généalogie  des  propriétaires  antérieurs,  et  par  suite  de 
réunir  toutes  les  indications  contenues,  soit  sur  les  regis- 
tres des  transcriptions,  soit  sur  les  registres  hypothécaires 
et  relatives  à  un  immeuble  donné. En  outre, il  est  complète- 
ment impossible,  connaissant  un  bien-fonds,  mais  ignorant 
le  nom  du  propriétaire,  de  se  renseigner  sur  la  personne 
qui  a  qualité  pour  céder  ses  droits  sur  cet  immeuble.  Cette 
méthode  s'explique  cependant  par  la  conception  que  la 
législation  civile  a  des  droits  réels  et  de  leur  nature.  En 
effet,  ainsi  que  l'a  dit  un  auteur  éminent  :  «  Dans  les 
pays  de  race  latine,  c'est  autour  de  l'homme  que  viennent 
se  grouper  tous  les  accidents  de  la  vie  sociale  et  de  la  vie 
civile,  le  droit  de  propriété  et  les  différentes  manifestations 
de  la  fortune  n'y  étant  que  les  accessoires  de  l'initiative  ci 
de  la  volonté  de  l'individu  (1).  » 

Tout  autre  est  la  notion  du  droit  de  propriété  dans  les 
législations  anglo-saxonnes.  «  Chez  les  peuples  de  souche 
germanique  où  les  traditions  du  régime  féodal  se  sont 
maintenues,  c'est  l'inverse,  le  sol  est  tout,  l'homme  est 
l'accident  (2)  ».  Sans  se  préoccuper  des  détenteurs  actuels, 
les  Livres  fonciers^  dans  ces  pays,  mentionnent  en  pre- 
mière ligne,  l'Etat-civil,  la  vie  personnelle  et  juridique  de 
l'immeuble,  et  n'indiquent  les  noms  des  propriétaires  que 
comme  une  modalité  de  la  propriété  elle-même. 

Il  suffît  de  se  rappeler  les  reproches  faits  aux  registres 
des  conservations  hypothécaires  pour  se  rendre  compte 
des  avantages  de  la  réalité  de  la  publicité.  Les  recherches 
deviennent  extrêmement  simples.  Lorsqu'on  connaît  la 
situation  d'un  immeuble,  on  peut  aussitôt  trouver  l'ins- 
cription corrélative  sur  le  Livre  foncier,  sans  avoir  à  re- 
chercher les  noms  perpétuellement  changeants  des  pro- 
priétaires. De  plus,  l'inscription  sur  le  Livre  foncier  indi- 
que immédiatement  l'étendue  de  l'immeuble,  sans  avoir 
à  consulter  les  titres  de  propriété. 

(1)  Flour  de  Saint-Genis,  L'hypothèque  Judiciaire  en  France 
et  à  l'étranger,  in-8°.  Thirel,  Fontainebleau,  1881,  p.  33, 

(2)  Ibid. 


LES   FORMES  DE    l'iMMATRICULATION  119 

Mais  dans  une  même  commune,  une  propriété  est  sou^ 
vent  composée  de  parcelles  disséminées  sur  tout  le  terri- 
toire;  «  c'est  Un  archipel  dans  Une  mer  immense.  )> 

En  principe,  lès  législations  sUr  les  Livres  fonciers  ont 
admis  que  l'immatriculation  ne  devait  comprendre  que 
les  parcelles  contiguës  d'une  même  propriété,  qu'il  devait 
par  conséquent  y  avoir  autant  d'inscriptions  qu'il  y  avait 
d'îlots  séparés.  Cette  solution  adoptée  par  la  loi  autri- 
chienne, n'a  pas  été  complètement  suivie  par  la  loi  de  1872 
pour  la  Prusse.  Celle-ci  distingue,  en  effet,  les  grandes  et 
les  moyennes  propriétés  qui  font  l'objet,  pour  chaque  îlot, 
d'un  feuillet  distinct  (Real  lolien),  et  les  petites  propriétés. 
Pour  celles-ci,  formées  de  nombreuses  parcelles  souvent 
très  éloignées  les  unes  des  autres,  il  a  paru  préférable 
d'ouvrir  un  compte  au  nom  du  propriétaire  [Personal  lo~ 
lien)  et  d'inscrire  sur  le  même  feuillet  toutes  lés  parcelles 
lui  appartenant.  Ce  système  a  même  été  adopté  pour 
toutes  les  propriétés  en  Alsace-Lorraine.  Les  avantages 
de  là  publicité  réelle  n'en  sont  pas  moins  atteints.  Le 
Livre  foncier  renvoie,  en  effet,  au  cadastre  et  celui-ci  au 
Livre  foncier,  il  en  résulte  que  même  dans  ce  cas,  les  re- 
cherches se  trouvent  de  beaucoup  simplifiées,  car  il  suffît 
de  déterminer  sur  les  plans  cadastraux  la  situation  d'une 
parcelle,  pour  pouvoir,  par  Voie  de  référence,  retrouver 
le  feuillet  contenant  les  indications  qui  lui  sont  relatives. 

La  loi  anglaise  et  le  règlement  général  rendu  pour  son 
exécîution  ne  tranchent  pas  cette  question,  qui  présente 
d'ailleurs,  dans  ce  pays,  moins  d'intérêt  qu'en  Europe. 
Grâce  à  la  concentration  de  la  propriété  anglaise,  les  do- 
maines forment  le  plus  souvent  un  tout  homogène  et  il  est 
i^are  de  trouver  des  parcelles  distinctes  de  l'îlot  principal 
et  disséminées  sur  le  territoire  d'une  paroisse.  Il  semble 
toutefois  que  si  cette  situation  se  présentait,  l'inscription 
au  Livre  foncier  pourrait  être  unique,  car  aucune  disposi- 
tion législative  ne  l'interdit.  L'uîle  des  principales  criti- 
jues  qui  puisse  être  faite  à  l'unité  d'inscription  pour  un 
domaine  composé  de  parcelles  disséminées,  est  de  rendre 
plus  compliquée  la  tenue  du  Livre  foncier.  Car  le  ratta- 
chement d'une  parcelle  quelconque  à  un  domaine,  cons- 


120      l'introduction  des   livres   fonciers  en   ANGLETERRE 

titue  le  plus  souvent  une  situation  provisoire,  qui  ne  ré- 
pond à  aucune  nécessité  de  l'exploitation  agricole  ;  il  en 
résulte  que  les  ventes  de  ces  parcelles  sont  plus  fréquentes 
et  par  conséquent  amènent  des  modifications  plus  nom- 
breuses sur  le  Livre  foncier  qu'elles  compliquent  sans  né- 
cessité. 

Au  contraire,  en  prenant  pour  base  l'îlot  de  propriété 
composé  de  parcelles  contiguës,*il  est  plus  probable  qu'il 
ne  sera  pas  procédé  à  des  ventes  partielles  et  qu'ainsi  le 
Livre  foncier  conservera  une  fixité  et  une  clarté  qui  contri- 
bueront à  rendre  ses  effets  plus  complets. 

De  plus,  dans  beaucoup  de  pays,  l'inscription  sur  un 
même  feuillet  de  tous  les  biens  appartenant  à  un  proprié- 
taire, est  de  nature  à  provoquer  certaines  défiances  et  cer- 
taines récriminations.  Elle  paraîtra  être  une  mesure  de 
contrôle  pour  la  perception  de  l'impôt  sur  le  revenu  ou  une 
mesure  préparatoire  à  l'établissement  de  cet  impôt,  s'il 
n'existe  pas  déjà.  Enfin,  plus  on  prendra  pour  base  de 
l'inscription  un  petit  élément,  mieux  cela  vaudra,  car  on 
constituera,  pour  le  crédit  hypothécaire,  une  série  de 
comptes  distincts  que  le  propriétaire  pourra  successive- 
ment affecter  à  la  garantie  de  ses  emprunts,  suivant  la 
valeur  du  gage  qu'il  devra  donner.  L'inscription  de  l'îlot 
correspond  ainsi  aux  coupures  de  titre  des  valeurs  mobi- 
lières, et  semble  devoir  être  le  mode  le  plus  parfait  de 
tenue  du  Livre  foncier. 

Une  fois  constitué,  le  Livre  foncier  anglais  ne  peut  être 
consulté  que  par  les  propriétaires  seuls  ou  les  personnes 
intéressées  (1).  Deux  raisons  peuvent  être  invoquées  en 
faveur  de  cette  disposition.  Elle  répond  aux  craintes  qui 
avaient  été  manifestées  au  cours  de  la  discussion  de  voir 
les  commissaires  de  l'income-tax  se  servir  du  Livre  foncier 
pour  contrôler  les  déclarations  des  propriétaires.  Elle 
empêche  également  de  simples  curieux  de  venir  se  rendre 
compte  de  la  situation  pécuniaire  d'un  propriétaire  et  est 
une  mesure  de  sûreté  prise  contre  des  escrocs,  qui 
pourraient  profiter  des  renseignements  fournis  par  le  re- 

(1)  Art.  22,  §  V,  L.  T.  A.,  1897. 


LES   FORMES  DE    l'iMMATRICULATION  121 

gistre  pour  essayer  d'obtenir  une  inscription  frauduleuse 
sur  le  Livre  foncier. 

Toutefois,  la  communication  de  certains  documents  ne 
pouvait  présenter  aucun  inconvénient  et  pouvait  même 
rendre  certains  services.  Il  en  était  ainsi  de  la  carte  géné- 
rale des  propriétés  immatriculées  et  du  registre  d'entrée 
des  demandes  en  immatriculation.  Un  tiers  désirant  trai- 
ter avec  un  propriétaire  d'immeuble  non  encore  imma- 
triculé pourra,  par  l'examen  de  ces  deux  documents,  s'as- 
surer que  l'immeuble  dont  il  s'agit  n'a  pas  été  déjà  l'objet 
d'une  immatriculation. 

Mais  s'il  veut  obtenir  des  renseignements  plus  complets, 
et  pour  cela  consulter  le  registre  foncier  lui-même,  il  doit 
demander  au  propriétaire  inscrit  l'autorisation  nécessaire. 

Le  caractère  privé  des  Livres  fonciers  existe  dans  la 
plupart  des  Etats  allemands,  notamment  en  Prusse,  en  Ba- 
vière, en  Saxe  et  en  Wurtemberg  ;  au  contraire  en  Autri- 
che, en  Hongrie  et  dans  le  Grand-Duché  de  Bade,  le  pu- 
blic peut  examiner  les  inscriptions  qu'ils  contiennent.  De 
même  en  Australie,  moyennant  le  paiement  d'un  droit 
très  minime,  toute  personne  peut  prendre  communication 
du  Livre  foncier.  Nos  conservateurs  français  délivrent 
aussi, moyennant  rétribution,  des  états  d'inscription  hypo- 
thécaire et  des  certificats  de  transcription  sans  demander 
aucune  justification.  Les  dispositions  de  la  loi  anglaise 
semblent  sur  ce  point  bien  restrictives;  il  eût  été  certaine- 
ment préférable  pour  le  crédit  public  de  permettre  à  tous 
individus  l'inspection  du  registre.  Cette  prescription  n'est 
que  le  résultat  des  polémiques  antérieures  et  ne  doit  être 
considérée  que  comme  un  moyen  d'écarter  certaines  cri- 
tiques et  de  faire  cesser  certaines  oppositions. 

Une  fois  l'inscription  sur  le  Livre  foncier  obtenue,  les 
diverses  pièces  qui  ont  servi  à  prouver  les  droits  du 
demandeur  lui  sont  rendues,  marquées  d'un  timbre  spé- 
cial. Les  tiers  qui  traiteront  désormais  avec  le  proprié- 
taire seront  ainsi  avertis  que  l'immeuble  est  immatri- 
culé et  ne  peut  être  valablement  transféré  que  par  ms- 
cription  sur  le  registre  foncier  de  la  convention  inter- 
venue. 


122      l'iNTRODI  CTIOX  DES   LU  RES   FONCIERS  EN   ANGLETERRE 

La  loi  de  1875  prévoyait  aussi  que  le  prôpriétaiî'ë 
pouvait  requérir  la  délivrance  d'un  certificat  d'immatri- 
culation (1).  En  Australie,  toute  immatriculation  donne 
obligatoirement  lieu  à  la  confection  d'un  titre  foncier  qui 
est  remis  au  propriétaire  :  il  représente  la  valeur  de 
l'immeuble  et  il  est  transmissible  par  endossement.  Il 
complète  les  Sicrvices  rendus  par  le  Livré  foncier  en 
opérant  une  véritable  mobilisation  de  la  propriété  fon- 
cière. Le  législateur  de  1897  n'a  pas  osé  aller  si  loin.  Il 
a  entendu  laisser  les  propriétaires  libres  de  profiter  des 
avantages  attachés  à  la  délivrance  des  certificats  dé  titre 
foncier.  Pour  cela,  il  a  maintenu  le  certificat  terrier  {land 
certilicate),  pour  les  propriétés  éri  freehold  ôti  eii  lésisé- 
hold  (2)  et  le  certificat  de  charge  {cerlilicdtè  of  chargé), 
pour  les  hypothèques  où  services  fonciers,  et  il  à  iniposé 
au  Registrar  l'obligation  de  préparer  au  mornent  de 
l'immatriculation  l'un  des  deux  certificats.  Mais-,  pour 
laisser  aux  propriétaires  une  certaine  latitude,  il  les  a 
autorisés,  soit  à  prendre  possession  de  ce  certificat,  soit 
à  le  laisser  en  dépôt,  à  leur  nom,  au  Larid  Registry  (3). 
Ce  certificat  est  la  reproduction  des  feuillets  du  Livre 
foncier  relatifs  à  l'immeuble  et  indique  si  le  titre  est  ab- 
solu, qualifié  ou  possessoire  (4). 

Les  inscriptions  sur  le  Livre  foncier  ne  sont  pas  itidés- 
Iructibles.En  effet,  ((  tout  propriétaire  peut, avec  le  cotisèn- 

(1)  Art.  10,  16  et  22,  L.  T.  A.,  18V5. 

(2)  L'art.  16  de  la  loi  de  J875  prévoyait  pour  les  leaseholds 
ia  délivrance  d'une  copie  officielle  du  bail  enregistrée,  copie 
rendue  nécessaire  par  le  dépôt  de  l'original  au  Bureau  d'Im- 
matriculation. Le  Règlement  Général  a  abrogé  dans  ses  âHi- 
cles  65  et  67  l'article  16  précité  et  a  assimilé  les  freeholds  et  les 
ieasehdlds.  En  vertu  de  la  nouvelle  législation,  eii  effetj  le  bail 
original  reste  dans  les  mains  du  propriétaire;  une  copie  étant 
seule  conservée  au  Bureau  d'Immatriculation.  Le  Certificat  ter- 
rier plus  succinct  et  plus  clair  était  donc  désormais  suffisant 
pour  les  leaseholds,  comme  pour  les  freeholds. 

(3)  Art.  8,  §  5,  L.  T.  A.,  1897. 

(4)  Art.  258  et  259,  General  Rules.  Voyez  la  formule  officielle 
aux  Annexes. 


LES  FORMES   DE   l'iMMATRICULATION  123 

tement  des  autres  personnes  qui  ont  des  intérêts  à  la  pro- 
priété, soustraire  sa  terre  aux  formalités  imposées  par 
l'immatriculation,  pourvu  qu'elle  ne  soit  pas  située  dans 
un  district  où  l'immatriculation  est  obligatoire  (1).  »  A 
l'appui  de  la  demande,  les  certificats  terriers  ou  certi- 
ficats de  charge  déjà  délivrés  devront  être  remis  au  con- 
servateur de  la  propriété  foncière.  Cette  disposition  est 
renouvelée  de  Tact  de  Lord  \\>stbury.  Lord  Cairns  ne 
l'avait  pas  introduite  dans  la  loi  de  1875,  parce  que  les 
propriétaires  lui  avaient  paru  user  trop  fréquemment 
de  la  liberté  qui  leur  était  laissée  (2).  En  1878-1879  et 
en  1895,  les  témoins  prétendirent  que  cette  suppression 
était  en  partie  cause  de  l'échec  de  la  loi  de  1875.  Les  pro- 
priétaires, disaient-ils,  n'osent  pas  faire  l'essai  dune  mé- 
thode qu'ils  ne  pourront  plus  abandonner,  quels  que 
soient  les  frais  et  les  difficultés  qu'elle  leur  occasionne  ; 
ils  sont  ainsi  écartés  du  Land  Registry.  Cette  administra- 
tion pourrait  cependant  être  utile,  même  aux  personnes 
les  plus  opposées  à  l'immatriculation.  Lorsqu'elles  au- 
raient des  titres  confus  ou  irréguliers,  elles  pourraient 
en  effet  immatriculer  leur  propriété  afin  d'obtenir  uni  titre 
clair  et  précis.  Une  fois  ce  résultat  atteint,  elles  notifie- 
raient au  Registrar  leur  intention  de  vendre  désormais 
leurs  propriétés  par  actes  non  enregistrés  :  leurs  tran- 
sactions immobilières  seraient  à  l'avenir  extrêmement 
simplifiées. 

Ces  considérations  pratiques  ont  inspiré  l'article  1? 
de  la  loi  de  1897  :  c'est  une  des  concessions  qu'il  a  fallu 
faire  à  l'opinion  pour  obtenir  le  vote  du  Parlement,  con- 
cession d'ailleurs  plus  apparente  que  réelle,  car  nous 
verrons  dans  le  chapitre  suivant  que,  peu  à  peu,  l'imma- 
triculation sera  obligatoirement  appliquée  dans  les  corn- 
tés  anglais.  En  vertu  du  texte  législatif,  les  propriétaires 
perdront  à  partir  de  ce  moment  le  droit  de  soustraire 
leurs  immeubles  à  la  juridiction  du  Land  Registry. 

(1)  Art.  17,  §  1,  L.  T.  A.,  1897. 

(2)  Sur  357  inamatriculations,  131  annulations. 


CHAPITRE  IV 

LES  EFFETS  DE  l'iMMATRICULATIOX 

Nous  avons  vu  dans  un  précédent  chapitre  que  les 
preuves  à  fournir  par  les  propriétaires  étaient  plus  ou 
moins  nombreuses  et  complètes  suivant  qu'il  s'agissait 
d'obtenir  un  titre  absolu,  qualifié  ou  possessoire.  La  va- 
leur de  ces  divers  titres  ainsi  que'  les  effets  qui  y  sont  at- 
tachés expliquent  la  différence  de  traitement  des  divers 
demandeurs. 

L'immatriculation  à  titre  absolu  confère  au  propriétaire 
un  droit  incommutable  sur  l'immeuble  et  sur  tous  les 
droits  réels  qui  en  dépendent  (1). 

Un  principe  inscrit,  d'ailleurs,  dans  toutes  les  législa- 
tions sur  les  Livres  fonciers,  apporte  une  légère  restric- 
tion à  la  validité  de  l'immatriculation  :  elle  ne  saurait 
consacrer  toute  convention  qui,  sous  l'empire  des  tran- 
sactions occultes,  serait  nulle  par  suite  de  dot  ou  de 
fraude  (2). 

Il  existe,  en  outre,  certains  droits  qui  ne  sont  pas 
éteints  par  le  seul  fait  de  l'inscription  sur  le  Livre  fon- 
cier :  ce  sont  la  plupart  des  servitudes.  Les  Anglo-Saxons 
croient,  en  effet,  que  les  servitudes  sont  suffisamment 
connues  et  ne  diminuent  pas  la  valeur  du  fonds  ser- 
vant (3).  L'une  et  l'autre  de  ces  propositions,  quoique  er- 
ronées, ont  été  consacrées  par  la  loi  de  1875  dans  son 
article  18.  La  loi  prussienne  de  1872  avait  autorisé,  à 
titre  purement  facultatif,  l'inscription  sur  le  Grundbuch 

(1)  Nous  .n'envisageons  ici  les  effets  de  l'immatriculation 
que  vis-à-vis  des  détenteurs  des  immeubles  immatriculés;  nous 
examinerons  dans  la  partie  de  ce  travail  relative  aux  transmis- 
sions immobilières,  les  effets  de  Pimmatriculation  vis-à-vis  des 
tiers. 

(2)  Art.  98,  L.  T.  A.,  1875. 

(3)  Cf.  J.  Dumas,  Revue  Politique  et  Parlementaire,  oct.  1898. 


LES    EFFETS    DE    l'tMMATRICULATION  125 

des  services  fonciers.  Au  contraire,  en  Autriche,  en  Hon- 
grie et  dans  toute  une  partie  de  l'Allemagne,  les  servitu- 
des, pour  être  opposables  aux  propriétaires  des  fonds 
servants  ou  exercées  par  les  détenteurs  des  fonds  domi- 
nants, doivent  être  mentionnés  sur  le  registre. 

Cette  pratique  a  soulevé  certaines  critiques  ;  les  juris- 
consultes et  les  administrateurs,  chargés  d'établir  les  Li- 
vres fonciers,  ont  fait  remarquer  que  l'inscription  des  ser- 
vitudes nei  présentait  pas  de  grandes  difficultés  pour  les 
petits  domaines,  mais,  au  contraire,  qu'il  était  fort  dé- 
licat de  déterminer  les  mentions  à  établir,  lorsqu'il  s'agis- 
sait d'une  grande  propriété.  Il  faut,  en  effet,  s'assurer 
pour  chaque  servitude  de^  la  parcelle  qui  se  trouve  gre- 
vée. De  plus,  prétend-on,  beaucoup  de  ces  services  fon- 
ciers sont  très  peu  importants  et  se  révèlent  par  un  simple 
examen  des  lieux  ;  ce  surcroît  de  travail  imposé  aux  con- 
servateurs de  la  propriété  foncière  est  complètement  inu- 
tile. 

Il  semble  cependant  que  mention  de  toutes  les  servitu- 
des doive  être  portée  sur  le  Livre  foncier.  Pour  conser- 
ver au  nouvel  organisme  toute  sa  valeur,  il  faut  toujours 
avoir  en  vue  de  se  rapprocher  de  la  défmition  donnée  par 
Lord  Westbury  en  1862:  il  comparait  le  titre  immatriculé 
à  un  miroir  qui  réfléchirait  l'aspect  exact  de  la  propriété. 
Si  le  Livre  foncier  n'indique  pas  les  restrictions  appor- 
tées aux  droits  du  propriétaire  par  l'existence  de  certai- 
nes obligations  au  profit  de  propriétaires  voisins,  il  ne 
sera  plus  le  titre  idéal  que  L.  Westbury  voulait  créer  et 
il  ne  remplira  plus  complètement  le  but  pour  lequel  il 
a  été  établi. 

La  loi  de  1897  a  quelque  peu  modifié  l'ancien  article  18 
qui  était  ainsi  conçu  :  <(  Ne  sont  pas  réputés  être  des  servi- 
tudes :  l'obligation  de  réparer  les  chemins  à  raison  de 
toute  tenure  féodale  ou  censitaire,  les  droits  de  «  com- 
mon  (1)  »,  de  pâturage  et  de  parcours,  de  pêche  et  de 
chasse,  les  droits  seigneuriaux  et  franchises   de    toutes 

(1)  Le  mot  de  common  sert  à  indiquer  toute  une  catégorie  de 
services  fonciers  tels  que,  le  droit  de  pêcher,  de  prendre  de  la 
tourbe,  de  couper  du  bois,  etc.. 


126      l'iNTRODUCTIOiN  des  livres   fonciers  en   ANGLETERRE 

sortes  ;  les  droits  de  mutation  par  décès,  l'impôt  foncier 
(Land  Tax);  les  dîmes  et  toutes  redevances  représenta- 
tives, les  baux  et  locations  n'excédant  pas  vingt  et  un  ans. 
lorsqu'il  y  a  occupation  en  vertu  de  ces  locations,  les  droits 
sur  les  mines  et  minières  avec  tous  les  droits  subsidiaires 
d'entrée, de  recherche  et  d'usage.»  Les  amendements  ont, 
en  1897,  porté  sur  deux  de  ces  services  fonciers,  sur  les 
droits  relatifs  aux  mines  et  minières  et  sur  les  droits  de 
mutation. 

Les  droits  aux  mines  et  minières,  dit  en  effet  la  cé- 
dule  I  de  la  loi  de  1897,  seront  désormais  considérés 
comme  des  charges  foncières  :  seuls,  les  droits  créés  an- 
térieurement à  la  promulgation  de  la  loi  pourront,  bien 
que  n'étant  pas  mentionnés  sur  le  Livre  foncier,  être  op- 
posés aux  tiers.  Dans  ce  cas  même,  le  Registrar  devra 
toujours  faire  une  inscription  les  visant  lorsque  l'examen 
des  titres  de  propriété  lui  en  aura  révélé  l'existence.  Au- 
paravant, il  ne  devait  agir  que  sur  la  demande  expresse 
du  propriétaire  du  fonds  servant  ;  c'est  donc  une  sensi- 
ble amélioration  apportée  à  la  pratique  de  l'immatricu- 
lation ;  la  valeur  de  la  propriété  peut,  en  effet,  se  trouver 
modifiée  suivant  que  les  mines  et  minières  ont  été  déjà 
vendues,  ou  suivant  que  le  propriétaire  de  la  superficie 
a  conservé  sur  elles  les  droits  que  la  législation  anglaise 
lui  reconnaît. 

En  Angleterre,  les  droits  successoraux  perçus  à  l'oc- 
casion des  mutations  par  décès  sont  considérés  comme 
des  charges  foncières  et  jouissent,  comme  telles,  d'un 
droit  de  suite.  Grâce  à  cette  conception,  un  nouveau  pro- 
priétaire peut  être  mis  en  demeure  d'acquitter  des  taxes 
dues  par  les  anciens  propriétaires.  Cette  créance  est  tou- 
jours recouvrable,  sauf  une  prescription  admise  par  la 
coutume.  La  loi  de  1875  n'avait  apporté  aucune  modifi- 
cation à  cette  législation.  Mais,  en  1894,  la  loi  de  finances 
permit  «  d'échelonner  sur  huit  années  le  paiement  des 
sommes  exigibles  de  suite  pour  les  biens  immobiliers.  » 
((  Cette  aumône  d'un  délai  de  paiement  (1)  )>  faite  aux  Land- 

(1)  L.  d'Anglemont,  Les  Taxes  successorales  en  Angleterre. 
Annales  des  Sciences  politiques,  juillet  1899. 


LES    EFFETS    DE    l'iMMATRICULATIOX  127 

lords  jadis  si  orgueilleux,  ajouta  de  nouveaux  motifs 
d'incertitude  à  ceux  qui  existaient  déjà.  Les  solicitors 
firent  remarquer  qu'ils  étaient  obligés  avec  ce  système  de 
se  livrer  à  des  recherches  fort  difficiles  pour  s'assurer  que 
toutes  les  taxes  avaient  été  acquittées.  Le  projet  de  1897 
proposait  de  libérer  le  bien  acquis  à  titre  onéreux  de  toute 
revendication  du  fisc,  qu'il  y  ait  eu  bonne  ou  mauvaise  foi 
de  l'ayant-cause.  Sur  l'observation  de  AL  Cozens  Hardy, 
représentant  pour  Xorfolk,  cet  article  fut  modifié  au  cours 
de  la  discussion  devant  la  Chambre  des  Communes.  Les 
droits  de  succession  dus  au  moment  de  la  première  im- 
matriculation pourront  être  recouvrés  bien  qu'ils  n'aient 
pas  été  mentionnés  sur  le  Livre  foncier.  Mais,  désormais, 
le  Registrar  devra  à  chaque  décès  d'un  propriétaire  im- 
matriculé inscrire,  en  cas  de  non-paiement  des  droits  de 
mutation  ou  de  paiement  partiel,  une  mention  sur  le  re- 
gistre faisant  connaître  l'existence  de  la  dette  envers 
l'Etat. 

Il  faut  ajouter  à  ces  mesures  destinées  à  donner  au 
Livre  foncier  une  précision  plus  grande,  le  droit  pour  tout 
propriétaire  de  requérir  le  Registrar  de  mentionner  que 
la  terre  est  exempte  de  l'impôt  foncier  (Land  Tax),  par 
rachat  en  fonds  consolidés,  et  de  la  dîme,  par  abandon  au 
décimateur  d'une  somme  d'argent. 

Sous  réserve  des  droits  mentionnés  sur  le  registre, 
sous  réserve  aussi  des  restrictions  de  l'article  18  de  la  loi 
de  1875,  le  titre  absolu  garantit  celui  qui  l'a  obtenu  con- 
tre toute  action  réelle  basée  sur  des  faits  postérieurs  ou 
même  antérieurs  à  l'Enregistrement  :  «  C'est,  ainsi  qu'il  a 
été  dit,  l'établissement  du  droit  du  propriétaire  inscrit  de 
manière  à  ne  craindre  aucune  recherche  pour  le  passé...  : 
c'est  une  véritable  vertu  purgative  opérée  par  l'immatri- 
culation (1).   )) 

La  situation  du  propriétaire  français  est  toute  différente 
de  celle  du  propriétaire  anglais.  La  loi  du  23  mars  1855 
ne  protège,  en  effet,  par  la  transcription,  l'acquéreur  que 
contre  les  actes  frauduleux  du  vendeur.  Elle  laisse  sub- 

(1)  Vavasseur,  Comm.  extrap.  du  cad.  Proc.-verb.,  T.  II, 
p.  125. 


128      l'introduction   des   livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

sister  toutes  les  réclamations  qui  peuvent  être  élevées  par 
les  véritables  propriétaires  dépouillés  injustement  par 
cette  aliénation  et  les  droits  de  propriété  sont  livrés,  par 
elle,  aux  luttes  judiciaires.  Au  contraire,  les  lois  anglai- 
ses protègent  le  titulaire  d'un  titre  absolu  contre  toutes  les 
revendications  de  quelque  côté  qu'elles  viennent  (l).AIême 
si  l'immatriculation  est  le  résultat  d'une  erreur  des  fonc- 
tionnaires chargés  de  ce  service  ou  si  elle  a  été  obtenue 
grâce  à  une  omission  ou  à  une  fausse  appréciation  impu- 
table au  demandeur,  elle  est  irrévocable  sous  réserve 
des  dispositions  de  la  loi  de  1897,  relatives  aux  indemni- 
tés (2)  et  sous  réserve  aussi  des  prescriptions  des  lois  de 
1875  et  de  1897  sur  les  limites  des  propriétés  immatricu- 
lées. L'atteinte  portée  au  principe  de  l'incommutabilité  des 
inscriptions  sur  les  Livres  fonciers  sera  examinée  au  sujet 
de  la  création  d'un  fonds  d'assurance.  Alais  il  faut  expo- 
ser ici  l'étendue  de  la  garantie  offerte  par  les  Land  Trans- 
fer  Acts  au  point  de  vue  de  la  consistance  physique  des 
immeubles  immatriculés. 

La  demande  en  immatriculation  est  accompagnée  d'un 
plan  qui  doit  être  rattaché  à  l'une  des  feuilles  de  la  carte 
officielle  (Ordnance  Map).  Mais,  quelle  valeur  devait  avoir 
le  plan  annexé  ?  devait-il  simplement  servir  à  identifier 
l'immeuble  sur  le  terrain  ?  devait-il,  au  contraire,  faire 
foi  des  limites  qui  y  étaient  tracées  ?  Cette  question  fut 
longuement  discutée  au  cours  des  travaux  préparatoires 
des  lois  anglaises  ;  elle  fut  différemment  tranchée  par  la 
loi  de  1862,  par  celle  de  1875,  -enfin,  par  la  dernière  loi 
de  1897.  L'intérêt  que  présente  la  délimitation  de  la  pro- 
priété est  double.  Il  peut  y  avoir,  en  premier  lieu,  un  inté- 
rêt pécuniaire  considérable  à  connaître  d'une  façon  pré- 
cise les  limites  d'une  propriété.  «  Dans  une  affaire  où 
j'étais  engagé  comme  conseil  »,  rapporte  un  témoin  de 
l'enquête  de  1879,  «  la  question  des  limites  représentait 
une  valeur  de  40  à  50.000  livres  sterlings  ;  on  avait,  en 
effet,  découvert  une  mine  de  cuivre  près  d'une  maison 
particulière  et  les  actes  n'établissaient  pas  si  la  limite 

(1)  Art.  7  et  13,  L.  T.  A.,  1875. 

(2)  Art.  7,  L.  T.  A.,  1897.  V.  plus  loin,  p.  204  et  suiv. 


LES   EFFETS   DE    l'iMMATRICUIATION  129 

de  la  propriété  partait  de  l'est  ou  de  Touest  de  la  mai- 
son (1)  ».  Souvent  la  valeur  du  litige  est  beaucoup  moin- 
dre, mais,  même  dans  ce  cas,  l'existence  de  données  très 
complètes  sur  les  tenants  et  les  aboutissants  d'un  immeu- 
ble est  fort  utile.  Elle  évite  tous  ces  procès  en  bornage^ 
qui  ont  donné  naissance,  en  France,  au  vieux  dicton  qui 
dit  :  ((  Qui  terre  a,  guerre  a  »  ;  elle  supprime  les  frais  de 
ces  contestations  qui,  minimes  pour  la  plupart,  forment 
lorsqu'on  les  réunit  un  total  élevé,  lourd  tribut  payé  par 
la  propriété  foncière  déjà  fortement  obérée.  Platon  avait 
raison  de  dire  «  que  personne  ne  touche  à  la  borne  qui 
sépare  son  champ  de  celui  de  son  voisin,  car  elle  doit 
rester  immobile  ;  que  nul  ne  s'avise  d'ébranler  la  petite 
pierre  qui  sépare  l'amitié  de  l'inimitié,  la  pierre  qu'on 
s'est  engagé  par  serment  à  laisser  à  sa  place  (2).»  Le  légis- 
lateur moderne  semble  donc  devoir  prescrire  des  mesures 
de  nature  à  donner  à  la  propriété  la  fixité  la  plus  par- 
faite afin  d'éteindre  une  fois  pour  toutes  les  procès  de  li- 
mites. L'Act  Torrens  décide  que  le  plan  fera  foi  des  li- 
mites qui  y  sont  indiquées,  et  pour  permettre  de  préciser 
les  indications  trop  succinctes  qui  peuvent,  seules,  être 
données  par  le  relevé  topographique,  il  autorise  de  men- 
tionner sur  le  registre  foncier  des  mots  convenables  de 
description  (proper  words  ol  description).  Dans  les  pays 
saxons  l'existence  d'un  cadastre  minutieusement  tenu, 
portant  par  voie  de  signes  graphiques  des  indications  sur 
la  nature  des  limites  tant  au  point  de  vue  physique  (haie, 
fossé,  mur,  etc.)  qu'au  point  de  vue  juridique  (mitoyen- 
neté ou  non  mitoyenneté),  permet  de  se  reposer  presque 


(1)  Morgan,  question  396. 

(2)  Cité  par  CHEYSSpN,  Rapport  Général  sur  les  Travaux  de 
la  Sous-Commission  technique.  Comm.  extrap.  du  cad.  Proc. 
verb.,  p.  505,  T.  VI.  Il  cite  également  un  passage  fort  intéres- 
sant de  M.  FusTEL  DE  CouLANGES,  dans  la  Cité  antique  (p.  71  et 
suiv.  de  la  2^  édit.  Hachette,  1885),  où  Térudit  historien  montre 
l'importance  attachée  par  les  anciens  aux  bornes  sacrées  qui 
étaient  placées  dans  leurs  champs,  les  Termes,  et  qui  étaient 
considérées  comme  le  symbole  de  l'inviolabilité  de  la  propriété. 

L.  9 


130      l'introduction    DCS   livres   fonciers   en   ANGLETERRE 

complètement  sur  les  indications  qu'il  donne  et  supprime 
la  plupart  des  causes  de  procès. 

La  loi  de  1862  ne  prescrivait  formellement  aucune  me- 
sure de  contrôle  relative  à  la  garantie  des  limites  des  pro- 
priétés immatriculées.  En  pratique,  aucune  propriété  ne 
fut  inscrite  sur  le  Livre  foncier  sans  qu'au  préalable  tous 
les  propriétaires  voisins  aient  été  avertis  et  qu'une  visite 
des  lieux  par  les  agents  de  l'administration  ait  permis  de 
déterminer  la  position  exacte  des  limites.  Tous  les  plans 
des  propriétés  immatriculées  à  cette  époque  portent  des 
signes  symboliques  indiquant,  soit  la  coïncidence  de  la 
limite  de  la  propriété  avec  une  haie  ou  tout  autre  acci- 
dent de  terrain,  soit  la  distance  en  deçà  ou  au  delà  de 
cette  limite  naturelle  lorsqu'il  n'y  avait  pas  coïncidence 
des  limites  de  la  propriété  avec  elle  (1). 

Cette  exactitude  nécessitait  des  frais  assez  élevés  qui 
parurent  devoir  rendre  la  nouvelle  législation  impopu- 
laire. Aussi,  en  1868,  la  Commission  demanda  aux  sôli- 
citors  ((  s'il  était  avantageux  et  praticable  d'immatriculer 
les  propriétés  sans  garantir  les  limites  précises  ».  23  so- 
licitors  répondirent  :  parmi  eux,  9  déclarèrent  que  c'était 
à  la  fois  désavantageux  et  impraticable,  7  que  c'était  ou 
désavantageux  ou  impraticable,  6  firent  de  telles  réserves 
que  leur  assentiment  semblait  douteux,  1  seul  approuva 
la  question  posée  par  la  Commission.  Malgré  ces  avis, 
malgré  l'exemple  de  l'Australie  et  des  Livres  fonciers  ger- 
maniques. Lord  Cairns  fit  décider  par  le  Parlement  an- 
glais que  la  description  de  la  propriété  sur  le  registre  des 
biens  fonds  devait  être  aussi  exacte  que  possible,  mais  ne 
serait  pas  concluante  en  ce  qui  concerne  les  limites  (2). 
«  Le  promoteur  de  l'immatriculation  sacrifia  ainsi  l'effi- 
cacité à  la  rapidité,  afin  de  simplifier  et  d'accélérer  l'im- 
matriculation des  propriétés  (3).  » 

Dès  la  réunion  du  comité  de  1878-79,  les  graves  incon- 
vénients résultant  de  cette  méthode  furent  dénoncés  par 

(1)  Brickdale  and  Sheldon's   op.  cit.,  p.  394. 

(2)  Art.  83,  §  5,  L.  T.  A.,  1875. 

(3)  SiK  R.  ToRRENS,  question  3093,  Select  Committee  on  Land 
Titles  and  "Land  Transfer,  1878. 


LES   EFFETS    DE    l'iMMATRICULATION  131 

plusieurs  témoins.  Ils  firent  remarquer  l'inutilité  de  pré- 
voir l'insertion  possible  sur  le  Livre  foncier  de  renseigne- 
ments sur  l'immeuble,  si  ces  indications  n'avaient  aucune 
valeur  légale.  De  plus,  un  titre  de  propriété  garanti,  sans 
que  les  limites  soient  garanties,  est  une  chose  fort  in- 
complète. Des  discussions  peuvent  naître  entre  voisins 
et,  lorsque  le  public  s'apercevra  que  l'immatriculation  ne 
prévient  pas  de  semblables  procès,  il  se  demandera  quelle 
est  l'utilité  de  faire  inscrire  sa  propriété  sur  le  Livre  fon- 
cier (1).  L'un  des  témoins.  Sir  Robert  Torrens,  vint  même 
affirmer  qu'il  avait  eu  l'intention  d'immatriculer  sa  pro- 
priété, mais  qu'il  y  avait  renoncé  lorsqu'il  s'était  aperçu 
que  les  limites  n'étaient  pas  garanties  par  l'immatricu- 
lation (2). 

A  la  suite  de  ces  observations,  de  critiques  semblables 
présentées  en  1895,  à  la  suite  surtout  d'erreurs  commises 
par  le  Bureau  d'Immatriculation  (3),  la  loi  de  1897,  sans 
revenir  complètement  à  la  législation  de  1862,  a  apporté 
des  tempéraments  à  l'article  83  de  la  loi  de  1875.  L'art.  14, 
§  2,  dispose:  «  La  propriété  immatriculée  sera  décrite 
suivant  les  formes  prescrites,  au  moyen  de  la  carte  offi- 
cielle. Sur  la  demande  du  requérant  et  avec  l'approba- 
tion du  Registrar  ou  de  la  Cour,  il  pourra  être,  en  outre, 
inscrit  sur  le  Livre  foncier  des  descriptions  verbales  de 
nature  à  préciser  les  parcelles  et  les  limites  de  la  pro- 
priété. ))  L'insertion  de  semblables  indications  garantis- 
sent au  propriétaire  la  possession  des  limites  qui  en  ré- 
sultent. Afin  de  s'assurer  de  l'exactitude,  le  Registrar  de- 
vra inviter  les  propriétaires  voisins  à  prendre  connais- 
sance des  indications  que  le  requérant  entend  faire  ins- 
crire sur  le  Livre  foncier. 

Mais  le  plus  souvent,  le  demandeur  s'en  référera  pu- 

(1)  Brickdale,  op.  cit.,  p.  49. 

(2)  Select  committee  on  Land  Titles  and  Land  Transfer,  ques- 
tion 3093,  1878. 

(3)  Lake,  questions  2554  à  2563,  Select  Committee  on  Land 
Transfer  Bill,  1895.  Il  s'agissait  d'erreurs  commises  en  imma- 
triculant diverses  parties  d'un  immeuble  qu'on  avait  morcelé 
(Caterham  Case). 


132      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

rement  et  simplement  au  plan  annexé  à  sa  requête  ou  bien 
il  précisera  sur  le  levé  des  lieux  par  des  signes  graphi- 
ques rétendue  de  son  domaine.  Soit  qu'il  adopte  l'une 
ou  l'autre  solution,  les  données  du  plan  ne  sauraient,  dans 
ces  cas,  préjuger  les  contestations  relatives  à  la  délimi- 
tation de  l'immeuble,  qui  pourraient  être  soulevées  par 
des  propriétaires  voisins.  Elles  ne  sauraient  notamment 
décider  si  la  ligne  séparative  de  deux  propriétés  est  si- 
tuée au  centre  d'une  haie,  sur  sa  face  antérieure  ou  pos- 
térieure, à  une  distance  donnée,  en  deçà  ou  au  delà,  de 
cet  accident  naturel. 

La  loi  de  1897  laisse  donc  au  demandeur  en  immatri- 
culation, l'option  entre  deux  systèmes.  Ou  bien,  il  dési- 
rera obtenir  un  titre  valable  contre  toutes  les  réclama- 
tions, de  quelque  nature  qu'elles  soient  et,  dans  ce  cas,  il 
fera  procéder  à  la  vérification  contradictoire  et  à  la  des- 
cription des  limites  de  la  propriété  ;  ou  bien,  il  se  con- 
tentera d'un  titre  qui  ne  fera  pas  foi  quant  à  l'étendue  du 
domaine,  et  il  n'aura  à  fournir  qu'une  carte  sur  laquelle 
l'immeuble  sera  bordé  d'un  liseré  rouge  (1). 

Le  législateur  anglais,  en  admettant  ce  double  régime, 
a  eu  en  vue  de  faciliter  Fimmatriculation  des  immeubles 
et  de  diminuer  autant  que  possible  les  frais  accessoires 
de  cette  opération. 

Si,  en  effet,  les  Livres  fonciers  germaniques  rensei- 
gnent d'une  façon  précise  sur  les  limites  des  propriétés, 
c'est  qu'il  existe,  à  côté  d'eux  et  en  étroite  corrélation 
avec  eux,  des  cadastres,  dressés  d'après  les  méthodes 
techniques  les  plus  précises  et  tenus  constamment  à  jour. 
Il  n'en  était  pas  de  môme  pour  l'Angleterre  qui  ne  pou- 
vait prendre  comme  base  graphique  du  registre  foncier 
qu'une  carte  topographique,  à  grande  échelle,  il  est  vrai, 
mais  n'offrant  nullement  les  garanties  d'exactitude  d'un 
cadastre  parcellaire.  La  loi  sur  l'immatriculation  aurait 
pu  prescrire,  comme  en  Australie  (2),  que  ce  cadastre  se- 
rait, en  quelque  sorte,  levé  propriété  par  propriété  et  que 

(1)  General  Rules,  art.  269  à  282. 

(2)  La  loi  tunisienne  et  les  décrets  des  colonies  françaises  se 
sont  inspirés  sur  ce  point  de  TAct  Torrens. 


LES   EFFETS   DE   l'iMMATRICULATION  133 

tous  les  demandeurs  devraient  avant  l'immatriculation 
faire  procéder  à  la  délimitation  contradictoire  de  leur  do- 
maine et  des  domaines  contigus  :  ce  qui  nécessite  des 
opérations  matérielles  très  délicates,  peut  l'aire  naître 
des  procès  nombreux,  coûte  toujours  fort  cher. 

Il  a  paru  préférable  de  laisser  le  propriétaire  foncier 
prendre  l'initiative  d'une  pareille  procédure,  car  l'éta- 
blissement des  Livres  fonciers  n'exige  pas  l'existence  d'un 
levé  géométral  des  terrains  à  immatriculer.  Sans  doute, 
l'immatriculation  basée  sur  le  cadastre,  rend  le  maximum 
de  services  ;  elle  supprime  presque  toutes  ces  querelles  de 
voisinage  qui,  par  leur  répétition,  et  par  l'entêtement  des 
parties, peuvent  être  si  préjudiciables;  mais  la  plupart  des 
résultats  attendus  des  Livres  fonciers  existent  du  moment 
où  l'identification  des  immeubles  sur  le  terrain  est  suffi- 
samment assurée  par  un  plan.  Ainsi  que  le  disait  un  publi- 
ciste,  M.  Degouy  :  <(  Quand  vous  vous  présentez  dans  un 
bureau  de  location  pour  retenir  des  places  dans  un  théâ- 
tre, vous  avez  sous  les  yeux  un  plan  approximatif  de  la 
salle  où  tel  fauteuil  de  forme  ronde  est  représenté  par  un 
petit  morceau  de  carton  carré.  »  Mais,  «  l'essentiel  n'est 
pas  d'avoir  sous  les  yeux  la  figuration  exacte  du  fauteuil. 
L'essentiel  est  de  savoir  où  ce  fauteuil  est  placé  et  s'il 
n'est  pas  déjà  loué.  De  même,  quand  il  s'agit  de  commen- 
cer un  Livre  foncier  et  d'établir  aux  yeux  de  l'acheteur 
ou  du  prêteur,  l'état  civil  du  bien  fonds,  peut-être  n'est-il 
pas  nécessaire  de  procéder  tout  de  suite  à  un  mensurage 
anthropométrique  de  la  parcelle,  si  on  peut  s'exprimer 
ainsi  (1).  »  Avec  le  système  adopté  en  Angleterre,  le  droit 
du  propriétaire  sur  un  immeuble  se  trouve  solennelle- 
ment consacré  et,  si  l'étendue  de  ce  droit  peut  se  trouver 
quelque  peu  modifié  dans  la  suite,  l'intérêt  de  l'opération 
n'en  reste  pas  moins,  à  tous  égards,  considérable. 

A  côté  du  titre  absolu  et  imméditament  au-dessous  de 
lui,  se  trouve  le  titre  qualifié.  Outre  les  restrictions  que 
nous  avons  rappelées  au  sujet  du  premier  mode  d'imma- 
triculation, l'inscription  sur  le  Livre  foncier  avec  un  titre 

(1)  Comm.  extrap.  du  cad.  Proc.-verb.,  T.  I,  p.  206, 


134      l'introduction  des   livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

qualifié  emporte  certaines  réserves  quant  aux  droits  qu'il 
confère.  Ces  réserves  résultent  des  termes  mêmes  dans 
lesquels  est  opérée  rimmatriculation.  Celle-ci,  en  effet, 
mentionne  que  le  droit  du  propriétaire  n'a  pu  être  établi 
durant  une  certaine  période,  que  ce  droit  est  subordonné 
à  une  condition  résolutoire  ou  suspensive,  ou  à  un  terme 
certain  ou  incertain.  Il  résulte  de  cette  définition  même, 
que  le  titre  qualifié  ne  saurait  conférer  au  titulaire  les 
droits  qui  ont  été  réservés  lors  de  son  immatriculation. 
Mais,  exception  faite  de  ces  causes  de  caducité,  le  porteur 
d'un  titre  qualifié  est  investi  de  tous  les  privilèges  et  de 
tous  les  droits  que  possède  le  porteur  d'une  titre  absolu  ; 
il  n'est,  en  somme,  qu'un  propriétaire  avec  titre  absolu 
en  expectative  (1). 

La  plupart  des  législations  sur  les  Livres  fonciers  ne 
connaissent  que  l'immatriculation  avec  titre  absolu.  Les 
Land  Transfer  Acts  ont  institué  deux  autres  titres  :  le 
titre  possessoire  et  le  titre  marchand,  pour  les  leaseholds. 

Le  titre  marchand  dun  leasehold  ne  garantit  le  pro- 
priétaire que  contre  toutes  les  actions  en  restitution  ou 
en  résolution  dont  forigine  est  postérieure  à  la  conces- 
sion originaire  du  bail  ;  mais  il  réserve  tous  les  droits 
qui  pourraient  être  valablement  opposés  aux  tiers  par 
suite  d'une  erreur  sur  la  qualité  ou  la  capacité  du  bailleur 
à  passer  le  contrat  de  location  (2). 

Délivré  après  l'accomplissement  de  formalités  très  som- 
maires, le  titre  possessoire  d'une  freehold  ou  d'un  lease- 
hold n'offre,  pour  celui  qui  le  détient,  qu'une  sauvegarde 
toute  relative.  Le  propriétaire  immatriculé  à  titre  posses- 
soire est  soumis  aux  revendications  de  toutes  les  person- 
nes «  possédant  un  droit  né  ou  capable  de  naître  à  l'épo- 
que de  l'immatriculation  »  (3),  qui  ne  constate  en  résumé 
que  la  possession  du  requérant.  Mais,  comme  la  loi  an- 
glaise admet  que  le  plus  grand  nombre  des  actions  réelles 
est  prescrit  par  la  possession,  l'inscription  sur  le  Livre 
foncier  servira  de  point  de  départ  certain  à  cette  prescrip- 

(1)  Art.  9  et  11,  L.  T.  A.,  1875,  et  art.  59,  General  Rules. 

(2)  Art.  56,  General  Rules. 

(3)  Art.  8,  L.  T.  A.,  1875,  et  art.  57,  General  Rules, 


LES    EFFETS   DE    L  IM.MATRICl  I.ATIOX  135 

tion.  Elle  présentera,  en  outre,  l'avantage  de  rendre  dans 
l'avenir  le  titre  de  propriété  clair  et  d'éviter  toutes  les 
complications  qui  naissent  du  régime  des  transactions 
occultes. 

Au  début,  l'immatriculation  ne  présentera  que  peu  d'in- 
térêt pour  le  bénéficiaire.  Il  faudra  que  les  prêteurs  et 
les  acquéreurs  continuent  à  procéder  à  toutes  les  inves- 
tigations nécessitées  par  les  transferts  occultes  :  ces  in- 
vestigations pourront  embrasser  les  quarante  années  an- 
térieures à  la  première  inscription.  Mais,  peu  à  peu,  à 
mesure  que  l'époque  de  l'immatriculation  originaire 
s'éloigne,  les  recherches  ne  s'étendront  plus  que  sur  les 
35,  30,  25  ou  20  années  qui  ont  précédé  l'inscription  au 
Livre  foncier  ;  l'examen  du  registre  officiel  remplaçant 
pour  les  5,  10,  15  ou  20  autres  années  la  production  des 
actes  autrefois  nécessaire. 

Lorsqu'un  propriétaire  immatriculé  à  titre  possessoire 
aura  joui  pendant  20  ans  d'une  possession  non  troublée, 
les  acquéreurs  pourront  se  contenter  le  plus  souvent  de  la 
seule  preuve  qui  leur  est  fournie  par  l'inspection  du  re- 
gistre, car  ils  seront  à  peu  près  certains  qu'aucune  action 
en  revendication  ne  sera  plus  intentée.  «  Si  l'on  supposait, 
a  dit,  en  1895,  le  Chancelier,  Lord  Herschellque  tous  les 
propriétaires  eussent  aujourd'hui  immatriculé  leurs  biens 
avec  un  titre  simplement  possessoire,  dans  20  à  25  ans, 
tous  ces  titres  seraient  devenus  sûrs.  Au  bout  de  ce  laps 
de  temps,  les  immeubles  seraient  vendus  sous  la  condition 
de  limiter  les  recherches  à  cette  période.  Après  40  ans 
d'inscription,  tous  les  titres  possessoires  seraient  com- 
plets et  parfaits  au  sens  légal  du  mot  (1).  »  ((  C'est  comme 
si  un  filtre  avait  élé  placé  au  travers  d'un  fleuve  boueux. 
L'eau  resterait  en  amont  trouble,  mais,  en  aval,  elle  se- 
rait claire.  Si  l'on  arrivait  au  bord  de  ce  fleuve  en  aval,  à 
une  distance  assez  considérable  pour  n'avoir  jamais  l'oc- 
casion de  remonter  jusqu'à  l'endroit  où  le  filtre  est  placé, 
on  pourrait  croire  que  ce  fleuve  est  limpide  depuis  sa 
source  (2).»  Il  en  serait  ainsi  pour  le  titre  possessoire  après 

(1)  Select  Coramittee  on  Land  Transfer  Bill,  1895,  questions 
17-24;  233-238;  313-317. 

(2)  Report  of  the  Land  Transfer  Commission,  1870,  §  75. 


I 


13G      l'iiNTRODUCTION  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

les  40  années  révolues  .  Pour  employer  une  autre  expres- 
sion des  jurisconsultes  anglais,  le  titre  «  aurait  mûri  )>. 

Le  titre  possessoire  a  été  introduit  dans  la  législation 
anglaise  à  l'exemple  du  Canada  ;  on  retrouve  aussi  dans 
la  législation  espagnole  une  procédure  destinée  à  pour- 
voir à  l'inscription  de  la  possession  (1).  Les  effets  sont 
d'ailleurs  semblables  à  ceux  prévus  par  la  loi  de  1875.  Le 
titre  possessoire  ne  fait  que  préciser  la  situation  juridique 
du  détenteur  d'un  immeuble,  sans  lui  conférer  aucun 
droit. 

L'institution  du  titre  possessoire  est  destinée  à  mettre 
un  terme  au  dilemme  suivant.  Pour  établir  un  registre  et 
conférer  aux  inscriptions  qui  y  sont  faites  une  foi  absolue, 
il  faut  vérifier  et  contrôler  les  prétentions  des  proprié- 
taires. Sans  cet  examen,  il  serait  impossible  à  l'Etat  d'as- 
sumer une  pareille  responsabilité.  Mais  l'examen  de  ces 
prétentions  est  très  coûteux  et  rend  très  difficile  l'établis- 
sement initial  du  Livre  foncier.  Le  titre  possessoire  per- 
met de  conférer,  dans  l'avenir,  aux  biens  immatriculés 
sinon  la  valeur  du  titre  absolu,  du  moins  une  sûreté  équi- 
valente. Dans  le  présent,  il  ne  nécessite  que  l'adminis- 
tration de  preuves  très  sommaires  (prima  lacie  évidence): 
en  général,  la  production  du  dernier  acte  de  propriété 
suffit  pour  obtenir  l'inscription  au  Livre  foncier. 

Si  l'immatriculation  à  titre  possessoire  se  recommande 
par  la  simplicité  des  formalités,  grâce  auxquelles  elle  est 
obtenue,  si  elle  constitue  pour  le  propriétaire  une  sage 
mesure  d'administration,  elle  laisse  subsister  des  droits 
de  propriétaire  imprécis;  pendant  une  assez  longue  pé- 
riode, et,  elle  ne  fait  pas  profiter  les  immatriculés  de 
tous  les  avantages  qu'ils  pourraient  retirer  de  leur  inscrip- 
tion au  Livre  foncier.  On  lui  a  reproché  également  de 
transformer  un  droit,  jusqu'alors  incontesté,  en  un  droit 
provisoire,  de  diminuer  par  conséquent  la  valeur  de  la 
propriété  plutôt  que  de  l'augmenter.  Toutes  ces  critiques 
contiennent  une  part  de  vérité.  Un  autre  système  avait 
été  proposé  dans  les  premiers  projets,  révisant  la  loi  de 

(1)  V.   L.   hypothécaire  révisée,   du  21   décembre   1859,  et  le 
Règlement  Général  du  29  octobre  1870. 


LES   EFFETS    DE    l'iMMATRICLLATION  137 

1875.  A  l'expiration  d'un  délai  de  5  années  durant  lequel 
certaines  mesures  de  publicité  et  de  contrôle  étaient  près- 
crites,  le  titre  possessoire  devenait  définitif  et  absolu. 
L'indécision  dans  laquelle  se  trouvaient  les  propriétaires 
cessait  et,  la  possession  non  troublée  pendant  5  ans  per- 
mettait de  supprimer  l'examen  régulier  des  titres  de  pro- 
priété. Cette  proposition  était  inspirée  par  la  procé- 
dure en  usage  dans  l'Europe  continentale.  Une  fois  que 
le  Livre  foncier  a  été  établi  dans  un  district,  les  résultats 
sont  publiés  dans  les  localités  intéressées,  et  un  délai  va- 
riant de  6  mois  à  1  an  est  imparti  aux  personnes  qui 
pourraient  se  trouver  lésées  par  les  énonciations  du  re- 
gistre. Passé  ce  délai,  les  titres  des  propriétaires  men- 
tionnés sur  le  Livre  foncier,  deviennent  inattaquables  et 
absolus,  bien  que  les  justifications  exigées  pour  obtenir 
l'immatriculation  aient  été  très  sommaires  (1). 

Cette  procédure  limite  à  une  période  très  brève,  le 
caractère  de  précarité  de  l'inscription  à  titre  possessoire. 
Elle  n'a  cependant  pu  être  adoptée  qu'en  raison  des  for- 
malités déjà  accomplies  lorsqu'il  est  procédé  à  l'établis- 
sement du  Livre  foncier.  Celui-ci  n'est,  en  effet,  institué 
que  dans  les  communes  où  le  cadastre  parcellaire  existe. 
Or,  la  confection  du  cadastre  dans  une  commune  est,  elle- 

(1)  Cf.  notamment  art.  57  de  la  loi  du  12  avril  1888  sur  la 
création  des  Livres  fonciers  dans  les  pays  de  droit  rhénan.  <(  Qui- 
conque figure  au  cadastre  comme  propriétaire  n'a  pour  se  faire 
inscrire  au  Livre  foncier,  qu'à  produire  l'une  des  justifications 
suivantes: 

1°  Prouver  qu'il  a  acquis  la  propriété  conformément  aux  lois 
existantes  ; 

2**  Justifier  de  sa  possession  par  une  attestation  du  maire  de 
la  commune; 

3°  Rendre  vraisemDiable  par  titres  ou  par  témoins,  sous  la 
foi  du  serment  ou  de  toute  autre  manière,  qu'il  a  par  lui-même 
ou  par  ses  auteurs,  possédé  l'immeuble  pendant  10  ans.» 

Art.  58:  «  Celui  qui  ne  figure  pas  au  cadastre  ne  peut  se  faire 
inscrire  au  Livre  foncier  comme  propriétaire,  conformément  à 
l'art.  57,  que,  si  la  personne  figurant  au  cadastre  ou  ses  repré- 
sentants y  donnent  leur  consentement  par  acte  reçu  en  justice 
ou  par  devant  notaire,  ou  dûment  certifié.  » 


138      I.'iXTRODUCïION  DES   LH  RES   FONCIERS   EX   ANGLETERRE 

même,  accompagnée  des  nombreuses  mesures  de  publi- 
cité et  les  inscriptions  de  propriétaires,  bien  que  faites 
en  se  référant  seulement  à  la  possession,  n'en  présentent 
pas  moins  des  garanties  d'exactitude  très  sérieuses. 

L'Angleterre  n'a  admis  la  création  du  Livre  foncier 
qu'à  titre  individuel,  elle  a  écarté  toutes  les  opérations 
collectives  de  levers  de  plan  d'un  territoire  tout  entier.  Il 
en  résultait  par  conséquent  que  l'immatriculation  n'était 
précédée  d'aucune  mesure  de  nature  à  rendre  plus  fa- 
cile la  désignation  du  véritable  propriétaire.  La  législa- 
tion ne  pouvait  conférer,  même  après  un  stage  de  quel- 
ques mois,  sur  le  Livre  foncier,  un  titre  absolu  à  un  de- 
mandeur qu'en  exigeant  de  lui  des  justifications  complè- 
tes de  sa  qualité.  Comme  il  importait  avant  tout  de  faire 
une  législation  populaire,  applicable  aux  petits  domaines 
plus  encore  qu'aux  grands,  elle  a  institué  le  titre  posses- 
soire.  Bien  qu'il  ne  donne  à  son  titulaire  que  peu  d'avan- 
tages immédiats,  ce  titre  est  appelé  dans  l'avenir  à  ren- 
dre de  grands  services.  Dans  le  présent,  il  assure  une 
publicité  complète  des  actes  relatifs  aux  biens  immobi- 
liers, et,  comme  tel,  il  comble  une  grave  lacune  de  la  lé- 
gislation anglaise.  De  plus, en  permettant  au  Registrar  de 
demander  au  propriétaire  des  preuves  moins  précises 
pour  obtenir  l'immatriculation  à  titre  absolu,  lorsque  la 
propriété  a  déjà  été  pendant  6  ans  inscrite  à  titre  posses- 
soire,  le  règlement  général  a,  sans  porter  atteinte  aux 
principes  posés  par  les  Land  Transfer  Acts,  conféré  une 
nouvelle  utilité  à  l'immatriculation  possessoire. 


CHAPITRE  VI 

LES  PRINCIPES  DE  l'iMMATRICULATION  OBLIGATOIRE 

L'immatriculation  des  propriétés  était  sous  l'empire 
des  lois  de  1862  et  de  1875  purement  facultative.  L'ins- 
cription d'un  immeuble  sur  le  Livre  foncier  ne  pouvait 
avoir  lieu  que  sur  la  demande  des  propriétaires.  Ceux-ci 
étaient  libres  de  faire  cette  démarche  ou  de  continuer 
à  détenir  leurs  biens  en  vertu  des  titres  de  propriété 
occultes  en  leur  possession.  L'initiative  laissée  ainsi  aux 
Landlords  aboutit  à  l'échec  complet  des  deux  lois.  En 
effet,  ((  la  faiblesse  inévitable  de  tout  projet  d'immatricu- 
lation purement  facultative  est  que,  sauf  dans  des  cas 
exceptionnels,  le  Landlord  n'a  pas  un  intérêt  évident  à 
immatriculer  son  immeuble.  En  pratique  la  valeur  vé- 
nale d'une  propriété  n'est  pas  sensiblement  diminuée 
par  les  conditions  de  vente  imposées  aux  acquéreurs.  Il 
en  résulte  qu'on  escompte  en  vain  le  désir  des  proprié- 
taires anglais  d'acquérir  un  titre  marchand  et  inatta- 
quable (1).  )) 

Afin  de  mettre  un  terme  à  toutes  les  résistances,  la  loi 
de  1897  a  posé  le  principe  de  l'immatriculation  obliga- 
toire. Le  législateur  anglais  a  d'ailleurs  été  précédé  dans 
cette  voie  par  la  plupart  des  législateurs  étrangers. 
Seule,  peut-être,  la  loi  tunisienne  de  1885  a  laissé  aux 
propriétaires  de  la  Régence  toute  latitude  pour  faire  ins- 
crire leurs  biens  sur  le  registre  terrier  (2). 

Toutefois  dans  l'application  du  principe  de  l'obliga- 
tion, les  divers  pays  se  séparent  et  édictent  des  mesures 
plus  ou  moins  rigoureuses.  La  Prusse,  l'Autriche-Hon- 

(1)  PoLLOCK,  op.  cit.,  p.  171. 

(2)  Mesure  adoptée  à  la  fois  pour  ménager  les  susceptibilités 
des  indigènes  dont  les  coutumes  et  les  traditions  allaient  être 
modifiées  par  la  nouvelle  législation  et  pour  ne  pas  engager  deg 
dépenses  trop  lourdes  pour  le  Budget  tunisien. 


140      l'introduction   DKS   livres   fonciers  en   ANGLETERRE 

grie,  où  les  Livres  fonciers  ont  été  les  premiers  établis, 
ont  suivi  une  marche  progressive  pour  leur  constitu- 
tion. Elles  ont  découpé  leur  territoire  en  un  certain  nom- 
bre de  circonscriptions  dans  lesquelles  les  opérations 
d'immatriculation  ont  été  tour  à  tour  entreprises  et  ter- 
minées. C'est  le  système  suivi  également  dans  les  pays 
rhénans  (1).  La  loi  du  12  avril  1888  a  décidé  que  des 
ordonnances  ministérielles  détermineraient  les  circons- 
criptions dans  lesquelles  le  Grundbuch  serait  établi.  De 
même  en  Alsace-Lorraine,  la  confection  des  registres 
territoriaux  a  lieu  par  communes  au  fur  et  à  mesure  de 
la  réfection  du  cadastre  (2). 

Au  contraire,  lorsque  Sir  Robert  Torrens  introduisit 
l'immatriculation  de  la  propriété  foncière  dans  l'Austra- 
lie du  Sud,  il  fit  déclarer  la  loi  immédiatement  applicable 
dans  toute  l'étendue  de  la  Colonie  ;  mais  il  ne  mit  en 
demeure  de  recourir  à  l'inscription  sur  le  Livre  foncier 
que  certains  propriétaires:  l'immatriculation  ne  devint 
obligatoire  que  pour  les  concessionnaires  de  terres  de  la 
Couronne  dont  les  titres  seraient  délivrés  postérieure- 
ment à  la  promulgation  de  l'Act  Torrens  (3). 

(1)  Art.  3,  42  et  43.  V.  Annuaire  de  Législation  étrangère,1888. 

(2)  L.  22  juin  1891,  sur  l'institution  aes  Livres  fonciers,  ar- 
ticle l^'".  V.  Ann.  de  Lég.  étr.  de  1891.  Comp.  avec  la  L.  du 
6  mars  1886,  concernant  l'entrée  en  vigueur  des  lois  sur  l'ins- 
cription des  droits  réels  et  sur  le  cadastre  dans  le  canton  de 
Vaud.  Art.  V^.  u L'ouverture  des  nouveaux  registres  pres- 
crits par  l'art.  26  de  la  loi  sur  l'inscription  des  droits  réels 
n'aura  lieu  pour  chaque  commune  qu'après  la  révision  ou  le 
renouvellement  de  son  plan  et  de  son  cadastre,  au  jour  qui  sera 
fixé  par  le  Conseil  d'Etat.  » 

(3)  Ce  principe  a  été  en  quelque  sorte  adopté  par  le  Décret 
du  16  juillet  1897,  ayant  pour  objet  la  réglementation  de  la 
propriété  foncière  à  Madagascar  et  par  les  Décrets  qui,  de  1899 
à  1901,  ont  réglé  le  régime  de  la  propriété  dans  les  colonies  de 
la  côte  occidentale  d'Afrique.  D'après  ces  décrets,  l'immatri- 
culation est  exceptionnellement  obligatoire:  1°  Dans  tous  les 
cas  de  vente,  location  ou  concession  de  terrains  domaniaux; 
2°  dans  tous  les  cas  oti  des  Européens  ou  assimilés  se  rendront 
acquéreurs  de  biens  appartenant  à  des  indigènes. 


LES  PRINCIPES  DE   L  IMMATRlCULAïIOX  OBLIGATOIRE  141 

La  loi  anglaise  de  1897  a  combiné  le  système  européen 
et  le  système  australien.  Dès  le  P'"  janvier  1898,  tous  les 
Landlords  anglais  ont  pu  demander  à  bénéficier  de  ses 
dispositions.  Comme  il  ne  fallait  pas  trop  compter  sur 
leur  empressement,  le  législateur  a  prévu  que  progressi- 
vement, rimmatriculation  leur  serait  imposée.  Il  a  décidé 
dans  ce  but  que  les  districts,  où  l'application  des  Land 
Transfer  Acts  serait  obligatoire  seraient  désignés  par 
des  ordonnances  rendues  après  un  certain  nombre  de 
formalités  :  par  là,  il  a  fait  un  emprunt  aux  législations 
allemandes.  ^lais  dans  ces  districts,  toutes  les  proprié- 
tés ne  devront  pas  être  immédiatement  immatriculées. 
Les  immeubles  ne  seront  soumis  nécessairement  à  cette 
formalité  qu'au  fur  et  à  mesure  de  leur  transmission  par 
voie  de  vente.  Cette  disposition  rappelle  le  principe  de 
l'Act  Torrens. 

Examinons  >successivement  les  deux  conditions  de 
l'application  obligatoire. 

La  détermination  des  comtés  ou  parties  de  comté  a 
lieu  par  ordonnance  de  la  reine  rendue  en  Conseil 
privé  (1).  Diverses  propositions  a\aient  été  faites  à  ce 
sujet  au  cours  de  la  discussion  devant  le  Parlement.  Cer- 
tains avaient  proposé  notamment  de  désigner  dans  la 
loi  elle-même  le  comté  où  la  première  application  serait 
faite.  Un  certain  laps  de  temps  aurait  été  assigné  pour 
cette  expérience.  En  cas  de  réussite,  l'immatriculation 
obligatoire  aurait  été  impo'sée  à  toute  l'Angleterre,  à 
l'expiration  du  terme  primitivement  fixé.  Cette  proposi- 
tion présentait  l'inconvénient  d'ouvrir  de  nouveau  de- 
vant le  Parlement  des  débats  que  le  gouvernement  savait, 
par  expérience,  pouvoir  retarder  pendant  de  longues 
années  le  vote  définitif.  Aussi  Lord  Halsbury  demanda 
et  obtint  que  l'administration  fût  chargée  d'assurer  l'ap- 
plication progressive  de  l'immatriculation  obligatoire. 
D'ailleurs,  plusieurs  précautions  ont  été  prises  dans  la 
loi  elle-même  contre  des  abus  possibles. 

Le  gouvernement  est  autorisé  à  désigner  le  premier 

(1)  Art.  20,  §  1,  Land  Transfer  Act,  1897. 


142     l'lntroductio.n  des  livres  fonciers  en  .\NGLETERRE 

comté  où  il  entend  rendre  l'immatriculation  obligatoire.il 
doit  donner  avis  de  cette  intention  au  Conseil  du  comté, 
six  mois  avant  la  promulgation  de  l'ordonnance,  joindre  à 
cette  notification,  un  projet  de  l'ordonnance  qu'il  compte 
rendre  et  indiquer  le  lieu  où  il  se  propose  d'établir  le 
bureau  d'immatriculation.  En  même  temps,  publication 
est  faite  de  ce  document  dans  la  Gazette  de  Londres  (1). 

Le  Conseil  du  comté  ainsi  désigné  examine,  durant 
le.s  trois  mois  qui  suivent  la  réception  du  projet  d'ordon- 
nance, l'opportunité  de  la  mesure.  Avant  l'expiration  de 
ce  délai,  il  peut  prendre  dans  une  séance,  spécialement 
convoquée  à  cet  effet,  et  les  2/3  des  membres  du  Conseil 
étant  présents,  une  délibération  déclarant  ne  pas  accep- 
ter l'immatriculation  obligatoire.  Si  cette  délibération 
est  transmise  au  Conseil  privé,  l'ordonnance  ne  peut  pas 
être  rendue.  Elle  sera,  au  contraire,  publiée  à  l'expira- 
tion d'un  délai  de  six  mois,  lorsque  le  Conseil  de  comté 
n'aura  pas  manifesté,  dans  les  formes  prescrites,  son 
opposition  (2). 

La  première  ordonnance  ne  pourra  avoir  effet  pour 
plus  d'un  comté  ;  aucune  mesure  semblable  ne  devra  être 
prise  pendant  trois  ans  pour  un  autre  comté,  et  à  l'ex- 
piration de  cette  période,  l'immatriculation  ne  pourra 
être  rendue  obligatoire  dans  une  nouvelle  circonscription 
que  >si  le  Conseil  de  ce  comté,  dans  une  réunion  compre- 
nant les  2/3  du  nombre  des  membres  du  Conseil,  de- 
mande au  gouvernement  de  rendre  une  ordonnance  éten- 
dant, à  toute  ou  partie  du  comté,  les  mesures  de  coerci- 
tion déjà  appliquées  dans  d'autres  régions  (3). 

Il  doit  donc  y  avoir  une  entente  entre  le  gouvernement 
et  les  représentants  locaux.  Cette  manière  de  procéder 
est,  peut-être,  imitée  de  la  législation  autrichienne.  Lors- 
que le  Parlement  impérial  vota  la  loi  générale  sur  l'im- 
matriculation, il  ne  la  rendit  immédiatement  applica- 
ble qu'aux  Etats  où  existaient  déjà  des  registres  fonciers. 
Il  laissa  aux  assemblées  des  autres  parties  de  l'Empire,  le 

(1)  Land  Transfer  Act,  1897,  art.  20,  §  5. 

(2)  Ibid.,  §  6. 

(3)  Ibid.,  §  4. 


Li:S  PRINCIPES  DE  l'iMMATRICLLATION  OBLIGATOIRE  14o 

sion  de  décider  si  elles  désiraient  adopter  la  nouvelle 
législation  et  de  déterminer  l'époque  à  partir  de  laquelle 
elle  serait  applicable  (1). 

La  troisième  précaution  prise  par  la  loi  de  1897  contre 
le  gouvernement  royal  consiste  dans  l'obligation  de  dé- 
poser les  ordonnances  sur  les  bureaux  des  Chambres 
dans  les  trente  jours  à  partir  de  leur  promulgation,  si  le 
Parlement  est  en  session;  dans  les  vingt  jours  de  sa  réu- 
nion, si  le  Parlement  était  prorogé  au  moment  de  l'émis- 
sion de  l'ordonnance.  Lune  ou  1  autre  Chambre  peut 
voter,  dans  les  quarante  jours  qui  suivent  le  dépôt, 
une  motion  désapprouvant  l'acte  du  gouvernement. 
Dans  ce  cas,  l'ordonnance  serait  annulée  et  tenue  pour 
non  avenue  (2).  " 

Tous  les  immeubles  situés  dans  le  comté  où  l'immatri- 
culation a  été  rendue  obligatoire,  ne  sont  pas  immédiate- 
ment immatriculés,  comme  cela  a  lieu  dans  les  pays 
continentaux  et  notamment  en  Alsace-Lorraine  et  dans 
les  provinces  rhénanes.  La  loi  de  1897  a  décidé  que 
l'immatriculation  ne  serait  obligatoire  qu'en  cas  de  vente 
d'un  bien  en  freehold  (3).  Elle  a  également  autorisé  le 
lord  Chancelier  à  faire,  après  avis  du  Comité  consul- 
tatif créé  à  cet  effet,  des  règlements  appliquant  aux  con- 
cessions à  bail,  aux  ventes  et  autres  opérations  relatives 
aux  tenures  en  leaseliold,  les  dispositions  légales  sur 
l'immatriculation  obligatoire  (4). 

En  exécution  de  la  délégation  (5)  donnée  par  la  loi,  le 
règlement  général  du  2  août  1898  a  décidé  que,  sauf  dis- 
position contraire  (Tans  les  ordonnances  rendant  l'imma- 

(1)  V.  Brickdale,  Detailed  Report  on  the  Systems  now  in  ope- 
ration  in  Germany  and  Austria-Hungary,  p.  53,  §§  323,  324  et 
325. 

(2)  Land  Transfer  Act,  1897,  art.  20,  §  9. 

(3)  Ibid.,  art.  20,  §§  1  et  2. 

(4)  Ibid.,  art.  22,  §  6  (g). 

(5)  C'est  un  exemple  assez  rare  de  délégation  du  pouvoir  ré- 
glementaire: le  législateur  anglais  ne  laisse,  en  effet,  en  géné- 
ral, au  gouvernement  que  lei  soin  de  régler  les  détails  d'appli- 
cation purement  matérielle  de  la  loi. 


144      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

triculation  obligatoire,  la  loi  de  1897  s'appliquera,  pour 
l'objet  qui  nous  occupe,  aussi  bien  aux  ventes  de  lease- 
holds,  aux  concessions  à  bail  et  aux  sous-locations 
qu'aux  ventes  de  freehold.  L'inscription  sur  le  Livre  fon- 
cier ne  sera  cependant  nécessaire  que  si  les  locations  ou 
soua(-locations  ont  une  durée  supérieure  à  40  ans  ou 
limitée  au  moins  à  deux  vies  humaines  (1). 

Mais  pour  l'application  obligatoire  de  l'immatricula- 
tion, l'expression  <(  bien  en  freehold  ou  en  leasehold  » 
est  loin  d'avoir  la  signification  très  étendue  qui  lui  a  été 
donnée,  lorsqu'il  s'agissait  d'autoriser  les  propriétaires 
à  demander  le  bénéfice  de  l'inscription  sur  le  Livre  fon- 
cier. L'immatriculation  sera  toujours  facultative  pour 
les  biens  incorporels,  pour  les  mines  et  minières  distinc- 
tes de  la  propriété  de  la  superficie,  pour  les  immeubles 
dans  l'indivision,  pour  les  biens  corporels  faisant  partie 
d'un  manoir  ou  inclus  comme  tel  dans  la  vente  d'un  ma- 
noir ;  enfin,  pour  tous  les  droits  réels  possédés  en  vertu 
de  l'équité  (2).  L'application  obligatoire  de  la  loi  se  trouve 
donc  assez  restreinte,  quant  à  la  nature  des  droits  réels 
qui  doivent  être  immatriculés. 

Une  autre  limitation  réside  dans  le  terme  de  «  vente 
(sale)  »,  employé  par  le  législateur  pour  désigner  les 
contrats  à  l'occasion  desquels  l'immatriculation  est  obli- 
gatoire. La  loi  ne  donne  aucune  définition  de  la  vente, 
mais  il  est  certain  qu'elle  ne  vise  que  les  mutations  de 
propriété  à  titre  onéreux  dans  le  sens  usuel  du  mot.  En 
conséquence,  les  cessions  en  vue  de  la  constitution  d'un 
settlement  ou  de  la  création  d'un  mortgage,  ainsi  que  les 
transmissions  faites  par  les  "administrateurs  d'une  suc- 
cession aux  héritiers  bénéficiaires  ou  aux  légataires  ne 
sauraient  avoir  pour  effet  de  rendre  nécessaire  l'inscrip- 

(1)  Art.  68  et  70.  General  Rules.  Cette  durée  est  plus  longue 
que  celle  à  partir  de  laquelle  l'immatriculation  d'une  tenure  à 
bail  est  possible.  Rappelons,  en  effet,  que  l'inscription  au  Livre 
foncier  peut  être  demandée  lorsque  le  bail  a  21  ans  de  durée,  ou 
est  limité  à  une  ou  plusieurs  vies  humaines. 

(2)  Art.  24,  L.  T.  A.,  1897. 


LES  PRINCIPES  DE   l'iMMATRICL  LATlOiN   OBLIGATOIRE  145 

tion  de  la  propriété  grevée  ou  transférée  sur  le  Livre 
foncier.  La  même  solution  semble  devoir  s'imposer  pour 
un  partage  ou  un  échange  d'immeubles,  même  s'il  y  a 
paiement  d'une  soulte.  Au  contraire,  une  vente  à  charge 
de  rente  foncière  ou  moyennant  le  paiement  d'annuités 
paraît  devoir  être  classée  dans  la  catégorie  des  actes  qui 
entraînent  l'immatriculation  de  la  propriété  (1). 

Après  avoir  ainsi  déterminé  les.  propriétés  dont  l'im- 
matriculation serait  obligatoire  et  les  cas  dans  lesquels 
elle  aurait  lieu,  le  législateur  a  décidé  que  l'immatricu- 
lation à  titre  possessoire  de  l'acquéreur  serait  suffi- 
sante (2).  La  procédure  des  demandes  en  inscription  à 
titre  possessoire  n'exige,  en  effet,  que  des  formalités  très 
sommaires,  dont  l'accomplissement  ne  pourra  pas  sou- 
lever de  critiques  trop  vives  de  la  part  des  Landlords. 
Mais  si  la  loi  n'exige  que  l'immatriculation  à  titre  posses- 
soire, il  va  de  soi  que  les  propriétaires,  pouvant  fournir 
des  justifications  suffisantes,  ont  le  droit  de  demander 
leur  inscription  avec  un  titre  absolu. 

La  sanction  de  l'obligation  d'immatriculer  à  l'occa- 
sion de  mutations  à  titre  onéreux,  se  trouve  indiquée 
dans  le  §  1  de  l'article  20  de  la  loi  de  1897  :  l'acheteur  du 
freehold  ou  du  leasehold  nacquierra  pas  la  propriété  lé- 
gale de  ce  bien  et  le  vendeur  continuera  à  en  être  investi. 
Néanmoins,  une  fois  le  prix  de  vente  payé  ou  la  con- 
vention de  bail  intervenue,  le  vendeur  ou  le  bailleur  ne 
sera  plus  en  équité  considéré  que  comme  un  fidéicom- 
missaire  détenant  la  propriété  pour  le  compte  de  l'ac- 
quéreur ou  du  preneur. 

La  jurisprudence  des  tribunaux  anglais  a  tiré  les  con- 
séquences suivantes  de  la  distinction  entre  la  propriété 
légale  et  la  propriété  équitable.  Si  le  propriétaire  légal 
aliène  ou  donne  à  bail  au  détriment  du  propriétaire  en 
équité,  la  vente  ou  la  location  est  valable,  pourvu  que  le 
second  acquéreur  ou  locataire  n'ait  pas  eu  connaissance 

(1)  Art.  20,  §  1  et  2.  Cf.  Brickdale  and  Sheldon's  op.  cit., 
p    54  et  312,  note  (c). 

(2)  Art.  20,  §  3,  L.  T.  A.,  1897. 

L.  10 


1  iO      l'iMIIODLCTIU.N   des   livres   F0.\(  lERS   EN   ANGLETERRE 

du  premier  contrat.  Deux  moyens  sont  i^econnus  au 
propriétaire  équitable  pour  avertir  les  tiers  de  l'existence 
de  son  droit.  Il  doit  exiger  la  remise  entre  ses  mains  des 
titres  de  propriété  ;  les  tiers  qui  traiteraient  ensuite  avec 
le  fidéicommissaire  sans  demander  la  production  des 
titres  commettraient  une  faute  lourde  qui  les  empêche- 
rait de  se  prévaloir  du  contrat  à  eux  consenti.  Mais  comme 
la  remise  des  titres  de  propriété  ne  peut  pas  toujours  être 
exigée  (1),  le  premier  acquéreur  doit  taire  mentionner 
sur  les  titres  Texistence  du  contrat  qui  est  intervenu  : 
cette  mention  avertira,  par  conséquent,  les  tiers  des 
droits  antérieurs  nés  du  premier  contrat  (2). 

De  plus,  le  premier  acquéreur  qui  ne  veut  pas  se  sou- 
mettre à  la  loi  de  1897,  peut  se  protéger  en  faisant  oppo- 
sition en  vertu  de  l'art.  60  de  la  loi  de  1875,  car  il  est 
investi  d'un  droit  qui  lui  permet  de  s'opposer  à  toute 
convention  intervenue,  sans  qu'il  y  ait  été  partie.  Les 
droits  possédés  en  équité  sur  un  immeuble,  se  trouvent 
donc  garantis  d'une  manière  satisfaisante  et  la  sanction 
édictée  contre  le  défaut  d'immatriculation  perd  beaucoup 
de  sa  force. 

Certains  auteurs, et  parmi  eux  deux  des  commentateurs 
les  plus  autorisés  des  Land  Transfer  Acts,  MM.  Brick- 
dale  et  Sheldon,  se  sont  même  demandés  si  un  acheteur 
ne  pourrait  pas  acquérir  la  propriété  légale  sans  recou- 
rir à  l'immatriculation;  et  ils  ont  imaginé  une  procédure 
quelque  peu  compliquée,  par  laquelle  néanmoins  les 
dispositions  de  la  loi  de  1897  se  trouveraient  éludés  (3). 

(1)  Notamment  lorsque  les  titres  de  propriété  n'ont  pas  trait 
exclusivement  à  la  propriété  transmise. 

(2)  Brickdale  and  Sheldon's,  op.  cit.,  p.  55  et  suiv. 

(3)  L'exemple  cité  par  MM.  Brickdale  et  Sheldon,  est  le  sui- 
vant: A.  désire  acheter  la  propriété  de  Blackacre  appartenant 
à  B.Ne  désirant  pas  faire  immatriculer  son  acquisition,A.  fait  une 
CK)nvention  avec  B. ,  en  vertu  de  laquelle  B. ,  vendeur,  déclare, au  mo- 
ment du  paiement  du  prix,qu'il  possède  Blackacre  en  fidéicommis 
pour  le  compte  de  A.,  et  que,  A.  a  le  pouvoir  de  nommer  de 
nouveaux  fidéicommissaires  à  la  place  de  B.  En  vertu  de  cette 
convention,  A.  reçoit  les  titres  de  propriété,  entre  en  posses- 


LES  PRINCIPES  DE  l'iMAI ATRICULATION  OBLIGATOIRE  147 

Aussi  peut-on  craindre  que  le  principe  de  l'immatricula- 
tion obligatoire  contenu  dans  la  nouvelle  législation,  ne 
porte  pas  tous  les  fruits  qu'on  pouvait  en  espérer  et  que 
les  jurisconsultes  anglais,  une  fois  encore,  modifient  dans 
la  pratique  les  résultats  attendus  des  nouveaux  textes. 
Il  semble  donc  tout  d'abord,  que  l'on  puisse  reprocher  à 
la  loi  de  1897  d'avoir  laissé,  par  l'imprécision  des  termes 
employés,  le  champ  libre  à  certaines  constructions  juri- 
diques en  opposition  complète  avec  son  esprit. 

Mais,  outre  ces  critiques  propres  à  la  législation  an- 
glaise, l'immatriculation  partiellement  obligatoire  a  été 
attaquée  par  les  partisans  de  l'immatriculation  obliga- 
toire et  générale  à  toute  une  contrée.  Il  a  été  dit  en  effet 
que,  dans  les  pays  européens,  l'un  des  principes  géné- 
raux du  droit  était  l'unité  de  législation  :  Una  /ex,  unum 
lus.  Cette  unité  se  trouve  avec  le  système  anglais  double- 
ment compromise.  Elle  est  rompue  entre  les  comtés, 
puisque  les  uns  seront  soumis  obligatoirement  au  régime 
des  Land  Transfer  Acts,  tandis  que,  dans  les  autres,  ces 
lois  ne  seront  appliquées  que  sur  la  demande  des  pro- 
priétaires. Elle  est  rompue  également  entre  les  proprié- 
taires d'un  même  comté,  puisque  certains  d'entre  eux 
auront  été  contraints,  à  l'occasion  d'acquisitions,  d'ins- 
crire leurs  immeubles  sur  le  Livre  foncier,  tandis  que 

sion  de  Blackacre  et,  quelques  temps  après,  désigne  comme 
fidéicommissaires,  X.  et  Y.,  à  la  place  de  B.  ;  puis  il  obtient  de 
X.  et  Y.  une  renonciation  à  'leur  fidéicommis.  Dans  cette  es- 
pèce, la  déclaration  de  fidéicommis  faite  par  B.  est  certaine- 
ment une  vente,  au  sens  de  la  loi  de  1897;  mais  elle  ne  rend  pas 
l'immatriculation  obligatoire  parce  que  A.  n'obtient,  en  vertu 
de  cette  déclaration,  qu'un  droit  équitable  sur  la  propriété  de 
Blackacre.  La  renonciation  à  leurs  droits  faite  par  X.  et  Y. 
lui  confère  seule  la  propriété  légale.  Or,  cette  renonciation 
n'est  pas  une  vente,  mais  un  simple  transfert  de  droits  fait  par 
des  fidéicommissaires  au  bénéficiaire  en  possession  qui  a  qua- 
lité en  équité  pour  les  requérir  de  lai  faire  cette  cession.  L'im- 
matriculation de  la  propriété  n'est  donc  pas  obligatoire  à  l'oc- 
casion de  cette  convention.  La  propriété  légale  se  trouve  ainsi 
transmise  sans  qu'il  y  ait  eu  lieu  à  inscription  sur  le  Livre 
foncier. 


118      l'introduction  des   livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

les  autres  resteront  sous  le  régime  des  transactions  oc- 
cultes. Dualité  de  législation  éminemment  préjudiciable 
à  la  rapide  expédition  et  à  la  facilité  des  opérations  im- 
mobilières, car  elle  compliquera  le  travail  des  hommes 
de  loi  qui  auront  à  appliquer,  suivant  les  cas,  des  textes 
tout  différents. 

L'immatriculation  obligatoire  ainsi  conçue,  présente, 
en  outre,  le  défaut  d'être  plus  coûteuse  et  moins  sûre  que 
l'immalriculation  générale. 

Plus  coûteuse,  car  chaque  immatriculation  isolée  né- 
cessite des  opérations  de  bornage,  des  vérifications  de 
l'existence  de  certaines  servitudes  qui  n'intéressent  pas 
seulement  la  propriété  que  l'on  va  immatriculer, 
mais  toutes  les  propriétés  contiguës.  Les  frais  de 
ces  opérations  communes  seraient  répartis  entre  tous 
les  intéressés,  si  toutes  les  propriétés  étaient  im- 
matriculées en  même  temps  ;  au  contraire,  lorsque  les 
inscriptions  sont  distinctes  pour  chaque  immeuble,  un 
seul  propriétaire  les  supporte.  Les  mêmes  formalités 
doivent  être  renouvelées  pour  chaque  inscription,  car 
elles  ne  sauraient  lier  des  personnes  qui  n'avaient  pas 
été  antérieurement  appelées  à  les  contrôler. 

Cette  procédure  est  aussi  moins  sûre,  car  la  confection 
d'un  Livre  foncier  pour  tout  le  territoire  d'une  circons- 
cription est  entourée  de  mesures  de  publicité  générales 
qui  avertissent  les  tiers  de  la  gravité  de  l'opération  qui 
va  être  entreprise.  Les  immaU'iculations  isolées  font  bien 
l'objet  de  publications  dans  les  journaux;  mais  ces  pu- 
blications passent,  le  plus -souvent,  inaperçues  et  ne  cons- 
tituent pas  pour  les  intéressés  une  garantie  suffisante. 

Malgré  ces  critiques,  l'application  progressive  de  l'im- 
matriculation obligatoire  a  de  chauds  défendeurs.  Ils 
font  remarquer  tout  d'abord  que  l'unité  de  législation  se 
trouve  toujours  rompue  pendant  une  certaine  période, 
car  l'établissement  initial  du  Livre  foncier  ne  peut  être 
opéré  en  même  temps  sur  tout  le  territoire,  comme  par  une 
baguette  de  fée.  La  législation  autrichienne,  celle  de 
1888  pour  les  pays  rhénans,  celle  de  1891  pour  l'Alsace- 
Lorraine,  ont  obéi  à  une  nécessité  pratique  en  ne  près- 


LES  PRINCIPES  DE   l'i.MMATRICL  LA TION   OBLIGATOIRE  149 

crivant  l'immatriculation  des  immeubles  que  successive 
ment,  clans  des  circonscriptions  déterminées.  La  loi  de 
1897  n'a  fait  que  suivre  leur  exemple  ;  ce  qui  a  élé 
d'ailleurs  d'autant  plus  facile  qu'en  Angleterre,  moins 
que  dans  tout  autre  pays,  l'unité  de  législation  est  res- 
pectée :  nombreuses  sont  les  lois  qui  ne  s'appliquent  qu'à 
certains  comtés  du  royaume;  dans  la  législation  foncière 
elle-même,  l'enregistrement  des  actes  avait  déjà  fait  l'ob- 
jet de  lois  distinctes  et  différentes  pour  le  Yorkshire  et  le 
Middlesex.  Le  Land  Transfer  Act  de  1897  se  sépare  ce- 
pendant des  législations  des  autres  pays  sur  un  point  : 
au  lieu  d'immatriculer  tous  les  immeubles  dune  même 
circonscription  à  la  fois,  elle  ne  les  soumet  à  cette  for- 
malité qu'au  fur  et  à  mesure  de  leur  transmission  par 
vente. 

Des  considérations  de  diverses  natures  ont  inspiré 
cette  limitation.  Si  l'opposition  des  Landlords  et  des 
solicitors  était  moins  tenace  en  1897,  elle  n'attendait 
qu'une  occasion  favorable  pour  reprendre  une  nouvelle 
vigueur.  Il  importait,  par  conséquent,  que  la  législation 
fût,  pour  les  parties,  la  cause  du  moins  de  trouble  pos- 
sible. Les  ventes  constituaient  une  base  excellente  pour 
l'inscription  des  propriétés  au  Livre  foncier.  Leur  con- 
clusion est  toujours  accompagnée  d'un  examen  des 
titres  et  de  la  confection  d'un  acte  dans  lequel  la 
propriété  est  décrite  et  les  droits  des  différentes  per- 
i^onnes  intéressées  indiqués.  Grâce  à  ces  renseignements, 
l'immatriculation  se  trouve  beaucoup  simplifiée.  De  plus, 
au  moment  où  la  vente  a  lieu,  les  parties  supportent  cer- 
tains frais  :  une  somme  quelquefois  considérable  est  re- 
mise par  l'acquéreur  au  vendeur.  La  légère  dépense  ad- 
ditionnelle d'inscription  passe  presque  inaperçue,  alors 
que  le  propriétaire,  devrait,  si  aucune  opération  n'était 
faite  en  même  temps,  prélever  sur  son  revenu  annuel,  les 
frais  de  l'immatriculation  (1). 

Les  conditions  dans  lesquelles  l'immatriculation  de  la 
propriété  est  opérée,   sont  aussi  toutes  différentes  de 

(1)  Brickdale,  Report  of  the  Registrar  of  the  Land  Registry, 
p.  4  et  5,  §  6. 


150      l'introduction  des  livres   fonciers  en   ANGLETERRE 

celles  dans  lesquelles  les  Grundbûcher  ont  été  institués 
dans  les  pays  germaniques.  Basés  sur  un  cadastre  minu- 
tieusement tenu,  ces  Livres  fonciers  n'ont  eu  qu'à  s'y 
référer  pour  toutes  les  indications  relatives  à  la  déter- 
mination physique  des  immeubles  immatriculés.  En 
Angleterre,  les  plans  cadastraux  sont  inconnus  :  seule 
rOrdnance  Map,  carte  à  grande  échelle,  peut  servir  à 
déterminer  la  situation  topographique  des  immeubles. 
Mais  cette  carte,  levée  déjà  depuis  quelques  années,  n'est 
pas  constamment  tenue  à  jour.  Pour  chaque  inscription, 
il  faut  donc  vérifier  si  la  carte  produite  est  encore  con- 
forme aux  lignes  du  terrain.  La  révision  générale  pour 
toute  une  circonscription  de  la  carte  officielle  aurait  né- 
cessité, outre  des  frais  assez  considérables,  la  remise  à 
une  date  ultérieure  de  l'application  obligatoire  de  la  loi 
foncière.  En  considérant  une  à  une  ces  propriétés  et  en 
faisant,  à  l'occasion  de  chaque  demande,  la  révision  par- 
tielle de  l'Ordnance  Map,  les  propriétaires  désireux  d'im- 
matriculer leur  propriété,  pouvaient  le  faire  immédiate- 
ment, et  l'obligation  d'inscrire  les  immeubles  vendus 
pouvait  être  d'ores  et  déjà  imposée. 

L'application  prognessive  de  l'immatriculation  obli- 
gatoire présente  encore  un  autre  avantage.  Elle  permet 
aux  fonctionnaires  de  la  conservation  foncière,  de  s'ini- 
tier peu  à  peu  aux  opérations  de  leur  service;  le  person- 
nel des  bureaux  ne  sera  augmenté  qu'au  fur  et  à  mesure 
de  l'accroissement  des  demandes  qui  seront  formées  ; 
les  affaires  seront  peut-être  examinées  avec  plus  de  soin 
qu'il  eût  été  possible  d'en  accorder  pour  établir  d'un  seul 
coup  les  feuillets  du  Livre  foncier. 

Enfin,  s'agissant  de  créer  un  organisme  qui,  jusque-là, 
avait  été  regardé  avec  méfiance  par  les  propriétaires,  il 
fallait  apporter  dans  l'introduction  des  nouvelles  mé- 
thodes, toute  la  prudence  désirable.  La  consultation  des 
conseils  de  comté  avant  la  promulgation  des  ordon- 
nances, la  limitation  au  titre  possessoire  de  la  forme  de 
rimmatric'iilation  à  demander,  l'bbligation  d'inscrire 
les  propriétés  sur  le  Livre  foncier  imposée  aux  Land- 
lords  à  l'occasion  de  certains  actes  seulement  :  ces  me- 


LES  PRINCIPES  DE   l'iMMATRICILATIOX  OBLIGATOIRE  151 

sures,  inspirées  par  le  désir  de  causer  le  moins  de  trou- 
ble possible  dans  les  transactions  immobilières,  ont  été 
adoptées  par  le  législateur  anglais  pour  se  concilier 
l'opinion.  D'ailleurs,  en  prescrivant,  dans  certains  cas, 
l'immatriculation  obligatoire,  la  loi  de  1897  va  créer  un 
noyau  de  propriétaires  immatriculés,  semblable  à  celui 
formé  en  Australie  par  les  concessionnaires  de  terre  de 
la  Couronne.  Instruit  par  les  excellents  résultats  retirés 
de  l'immatriculation  par  ces  propriétaires,  le  public  mul- 
tipliera bientôt  ses  demandes  et  renouvellera,  peut-être, 
l'exemple  des  propriétaires  australiens  qui  ont  d'eux- 
mêmes  fait  inscrire  leurs  terres  sur  le  Livre  foncier  (1). 

Toutes  ces  dispositions  de  la  loi  anglaise  ont  donc 
pour  effet  de  remettre  à  une  époque  assez  éloignée  la 
confection  définitive  d'un  registre  terrier  général  des 
propriétés  foncières.  Nous  ne  pouvons  cependant  que  les 
approuver;  car  elles  ont  constitué  des  concessions  né- 
cessaires faites  à  l'opinion  publique  pour  obtenir  le  vote 
de  la  loi.  Il  est  également  possible  d'espérer,  que  la 
liberté  donnera  rapidement  les  résultats  que  la  coercition 
ne  pourrait  produire  que  dans  un  lointain  avenir. 

Mais  il  faut  regretter  que  le  législateur  anglais  n'ait 
pas  pris  des  mesures  plus  efficaces  pour  prévenir  les 
tentatives  des  jurisconsultes,  en  vue  de  soustraire  les 
propriétaires  à  la  nouvelle  législation.  Le  danger  existe; 
il  ne  reste  plus  à  souhaiter,  pour  l'avenir  du  Livre  foncier 
en  Angleterre,  que  ses  bienfaits  paraissent  évidents, 
qu'il  force,  pour  ainsi  dire,  la  confiance,  et  entraîne, 
dans  un  mouvement  général,  propriétaires  et  hommes  de 
loi  vers  la  publicité  complète  des  opérations  immobi- 
lières. 

(1)  Sir  R.  Torrens,  question  3112.  Select  Committee  on  Land 
Titles  and  Land  Transf er,  1878. 


CHAPITRE  VII 

LES  TRANSMISSIONS  A  TITRE  ONÉREUX.  —  LA  VENTE 

Pour  conserver  au  Livre  foncier  toute  sa  valeur  et  toute 
son  efficacité,  le  législateur  anglais  aurait  dû  soumettre 
à  la  formalité  de  l'inscription  tous  les  actes  pouvant  af- 
fecter la  propriété  et  modifier  les  droits  du  détenteur. 
Il  aurait  dû  s'inspirer  des  exemples  qui  lui  étaient  four- 
nis par  la  loi  prussienne  et  par  l'Act  Torrens,  et  qui  lui 
enseignaient  à  ne  reconnaître  comme  valables  que  les 
droits  rendus  publics  par  une  mention  sur  le  registre. 
Seul,  en  effet,  ce  principe  «  qui  consiste  à  subordonner 
l'acquisition  de  la  propriété  même  inter  partes,  à  la  for- 
malité que  l'on  juge  nécessaire  pour  la  sauvegarde  des 
tiers,  est  rigoureusement  déduit  de  la  notion  du  droit 
réel  et  de  l'idée  qu'un  droit  de  cette  espèce  doit,  par  son  es- 
sence même,  être  opposable  à  tous  aussitôt  qu'il 
existe  (1).  »  Seul,  aussi,  il  conserve  au  Livre  foncier  son 
caractère  essentiel,  celui  d'être  un  miroir  de  la  propriété. 

La  loi  anglaise  de  1897  a,  néanmoins,  maintenu  l'exis- 
tence d'un  certain  nombre  de  conventions  qui,  malgré  le 
défaut  d'enregistrement,  continuent  à  porter  des  effets 
juridiques  et  à  influer  sur  les  pouvoirs  du  propriétaire. 
Il  en  résulte  que  le  détenteur  d'une  propriété  immatri- 
culée peut  transmettre  ses  droits,  soit  en  vertu  d'actes 
inscrits  au  Livre  foncier,  soit  en  vertu  de  conventions  oc- 
cultes. Les  premiers  sont  régis  par  les  lois  sur  l'immatri- 
culation, les  secondes  sont  soumises,  à  la  fois,  aux  pres- 
criptions de  ces  lois  et  aux  règles  générales  du  droit. 

Ces  diverses  conventions  vont,  tour  à  tour,  être  envisa- 
gées quant  à  leur  mode  de  création  et  quant  à  leurs  ef- 
fets. 

(1)  Massigli,  Rapport  sur  la  publicité  dos  droits  réels  autres 
que  les  hypothèque's.  Comm.  extrap.  du  cad.  Proc.-verb.,  T.  II, 
p.  543  et  suiv. 


LA  VENTE  153 

Les  actes  qui  doivent  être  inscrits  sur  les  Livres  fon- 
ciers, sont  les  ventes,  les  hypothèques,  les  conventions 
restrictives  du  droit  d'usage  du  propriétaire,  enfin,  la 
création  de  droits  réels  par  nantissement  du  certificat  ter- 
rier. Avant  de  parler  des  conditions  propres  à  chacun  de 
ces  contrats,  il  y  a  lieu  d'examiner  deux  dispositions  lé- 
gislatives qui  leur  sont  communes. 

La  loi  de  1897  a  confié  à  des  corporations  composées 
de  membres  responsables  et  ayant  à  leur  tête  un  conseil 
disciplinaire,  le  soin  d'exécuter  au  nom  des  parties,  les 
actes  nécessités  par  l'immatriculation.  Il  était  à  craindre, 
en  effet,  que  les  agents  d'affaires,  les  marchands  de  biens 
comme  on  les  appelle  en  France,  n'accaparent  le  plus 
grand  nombre  des  opérations  immobilières  à  la  faveur 
des  facilités  données  au  public  par  l'immatriculation. 
Cette  mainmise  aurait  pu  présenter  de  graves  inconvé- 
nients. Moins  respectables  que  les  officiers  ministériels, 
les  courtiers  en  immeubles  auraient  pu  se  livrer,  au  dé- 
triment de  leurs  clients,  à  des  actes  frauduleux  ou  tout  au 
moins  dolosifs  ;  exempts  de  tout  contrôle  disciplinaire, 
de  toute  responsabilité  personnelle,  ils  n'auraient  pas  of- 
fert, à  ceux  qui  leur  auraient  confié  la  gestion  de  leurs  in- 
térêts, des  garanties  de  solvabilité  suffisantes;  aussi,  toute 
personne  ne  rentrant  pas  dans  l'une  des  catégories  ci- 
après  dénommées,  qui,  pour  le  compte  d'un  tiers  et  en 
vue  d'un  salaire  quelconque,  écrit  ou  prépare  un  acte  con- 
cernant une  transaction  immobilière,  encourt  une  amende 
de  50  livres  sterlings  au  maximum  recouvrable  devant  la 
Cour  de  juridiction  sommaire.  Seuls,  les  avocats,  les  soli- 
citors  à  ce  dûment  habilités,  les  notaires  publics,  les  con- 
veyancers  (avoués  chargés  spécialement  des  transmissions 
immobilières),  les  avocats  consultants  (spécial  pleaders) 
et  les  agents  d'affaires  reconnus  (draltsmen  in  equiiy), 
peuvent  représenter  les  intéressés  auprès  du  Bureau 
d'Immatriculation  (1).  Mais  les  propriétaires  peuvent 
toujours,  lorsqu'ils  le  préfèrent,  agir  par  eux-mêmes  et 
trouvent  alors  auprès  des  fonctionnaires  du  Land  Re- 

(1)  Art.  10,  L.  T.  A.,  1897. 


loi      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

gistry  toute  l'assistance  désirable  pour  la  rédaction  des 
actes. 

Le  propriétaire  immatriculé  n'est  souvent  pas  le  seul 
qui  ait  des  droits  sur  un  immeuble,  et  d'autres  personnes 
peuvent  avoir  sur  ce  bien  des  droits  réels  dont  elles  peu- 
vent se  dessaisir.  Mais  le  propriétaire  immatriculé,  seul, 
peut  disposer  de  l'immeuble  par  des  conventions  inscri- 
tes sur  le  Livre  foncier.  Les  tiers  qui  ont  un  titre  suffi- 
sant, peuvent  cependant  constituer  des  droits  et  les  ga- 
rantir contre  des  actes  émanés  du  propriétaire  imma- 
triculé, en  faisant  procéder  à  diverses  inscriptions  sur  le 
Livre  foncier.  Des  mentions  expresses  peuvent  révéler 
l'existence  de  certains  baux  de  droits  nés  du  contrat  de 
mariage  au  profit  des  époux,  du  nantissement  d'un  cer- 
tificat terrier,  etc.  Mais  la  protection  de  la  plupart  des 
droits  des  personnes  non  immatriculées  comme  proprié- 
taires, est  assurée  par  l'inscription  d'oppositions,  de  dé- 
fenses ou  de  restrictions  (1). 

L'opposition  (caution)  à  l'enregistrement  de  tous  les 
actes  translatifs  de  droits,  est  formée  entre  les  mains  du 
conservateur.  Elle  doit  être  accompagnée  d'une  déclara- 
tion faite,  soit  par  l'opposant,  soit  par  son  mandataire. 
Avant  de  procéder  à  toute  inscription  sur  le  Livre  fon- 
cier, le  Registrar  doit  donner  avis  à  Topposant,  et  fixer 
un  délai  jusqu'à  l'expiration  duquel  aucune  mesure  ne 
sera  prise:  l'opposant  ainsi  prévenu  pourra  agir  de  fa- 
çon à  sauvegarder  ses  intérêts.  Si  aucune  procédure  n'a 
été  commencée  avant  la  date  fixée,  l'opposition  est  con- 
sidérée comme  périmée  et  l'enregistrement  a  lieu.  L'op- 
posant qui  désirerait  voir  remettre  l'enregistrement  à 
une  date  plus  éloignée  que  celle  fixée  dans  l'avis  de- 
vrait donner  des  garanties  suffisantes  pour  indemniser 
les  parties  du  préjudice  qu'il  pourrait  leur  causer.  Il  est, 
d'ailleurs,  également  passible  de  dommages-intérêts,  s'il 
a  fait  -opposition  sans  causé  raisonnable.  La^  caution 
qui  a  une  fois  servi  à  prévenir  l'opposant  est  périmée, 

(1)  Art.  53  à  57,  L.   T.   A.,   1875,  et  art.  226  à  243,  General 
Rules. 


LA  VENTE  155 

mais  elle  peut  être  renouvelée  (1).  Les  cautions  servent 
à  protéger  les  droits  qui  peuvent  naître  d'instances  en- 
core pendantes  devant  les  tribunaux,  ainsi  que  les  récla- 
mations contestées  par  les  propriétaires.  Elles  consti- 
tuent, en  somme,  une  procédure  dirigée  contre  le  pro- 
priétaire, tandis  que  les  restrictions  sont  le  résultat  d'un 
accord  avec  lui. 

Les  restrictions  limitent  les  droits  du  propriétaire,  en 
l'astreignant  à  demander  le  concours  de  certaines  per- 
sonnes pour  la  conclusion  des  actes.  L'article  6  (para- 
graphe 2)  de  la  loi  de  1897,  nous  fournit  un  exemple. 
Lorsqu'un  immeuble  grevé  de  substitution  est  immatri- 
culé, les  fidéicommissaires  ou,  à  leur  défaut,  le  Regis- 
trar  doit  faire  inscrire  les  restrictions  prévues  dans  l'acte 
de  settlement  ou  nécessaires  pour  protéger  les  droits 
des  personnes  intéressées.  De  même,  lorsque  plusieurs 
propriétaires  conjoints  sont  inscrits,  on  mentionne  une 
restriction  qui  interdit  de  vendre  sans  le  concours  de  cer- 
taines personnes,  si  le  nombre  des  propriétaires  inscrits 
est  réduit  à  deux  ou  à  un.  Le  Registrar  peut  rejeter  une 
requête  tendant  à  obtenir  l'insertion  de  restrictions  sur 
un  titre  de  propriété,  si  ces  restrictions  lui  paraissent  nui- 
sibles pour  le  propriétaire  et  de  nature  à  lui  causer  des 
difficultés  inutiles.  Les  restrictions,  contrairement  aux 
cautions,  sont  perpétuelles  :  elles  grèveront  l'immeuble 
jusqu'au  jour  où  le  Registrar,  sur  b  vu  de  pièces  suffi- 
santes et  avec  le  consentement  des  parties  intéressées, 
aura  biffé  la  mention  désormais  sans  application.  La 
Cour  peut  aussi  en  ordonner  d'office  la  radiation  (2). 

En  troisième  et  dernier  lieu, existent  les  défenses  {inhi- 
bitions) qui  ont  la  force  d'un  arrêt  de  justice.  Elles  sont 
mentionnées  sur  le  Livre  foncier  avec  ou  sans  l'assenti- 
ment du  propriétaire.  La  décision  du  Registrar  qui,  après 
toutes  enquêtes,  publications  ou  témoignages  utiles, 
prescrit  l'inscription  d'une  défense,  peut  être  attaquée 
devant  la  Cour  :  celle-ci,  peut  aussi  ordonner  d'office 
l'insertion  d'une  défense  sur  le  titre  foncier.  Ainsi  que 

(1)  Art.  232,  General  Rules. 

(2)  Art.  58  et  59,L.  T.  A.,  1875,  et  art.  240  à  242,  General  Rules. 


156     l'introduction  dks  r.nRKS  fonciers  i^n  Angleterre 

son  nom  l'indique,  la  défense  interdit  la  passation  de  tous 
actes  ou  d'une  catégorie  d'actes  relatifs  à  la  propriété  vi- 
sée. Elle  diffère  ainsi  de  la  restriction  qui  limite  seule- 
ment les  pouvoirs  du  propriétaire.  La  défense  reste  ins- 
crite, tant  qu'une  ordonnance  de  la  Cour  ou  une  décision 
du  Registrar  n'en  a  pas  ordonné  la  radiation.  De  même 
que  les  oppositions  formées  sans  cause  valable,  toute  dé- 
fense faite  sans  utilité,  engage  la  responsabilité  pécu- 
niaire de  celui  qui  l'a  demandée  (1). 

Ces  observations  présentées  au  sujet  des  personnes  qui 
peuvent  concourir  à  l'acte  de  vente  et  des  droits  qui  peu- 
vent être  transmis,  nous  allons  examiner  les  formes  de  la 
vente  immobilière,  qualifiée  de  transfert  par  la  législa- 
tion. 

L'acquéreur  d'une  propriété  immatriculée  à  titre  ab- 
solu, doit  rechercher  quel  est  le  propriétaire  inscrit  sur 
le  Livre  foncier,  obtenir  de  ce  propriétaire  un  transfert 
régulier,  enfm,  faire  mentionner  sur  le  registre,  la  trans- 
mission des  droits  qui  en  résulte.  S'il  existe  des  hypothè- 
ques ou  des  charges  foncières,  des  mentions,  opposi- 
tions, restrictions  ou  défenses  enregistrées,  il  doit  égale- 
ment les  examiner. 

Lorsque  les  parties  ont  confiance  l'une  dans  l'autre,  et 
désirent  agir  vite  et  à  peu  de  frais,  les  deux  premières 
opérations,  examen  des  droits  du  propriétaire  et  conclu- 
sion de  l'acte  de  vente  se  trouvent  réunies.  Dans  les  pays 
germaniques,  cette  procédure  est  la  plus  employée.  Aus- 
sitôt après  l'examen  des.  titres  de  propriété,  l'acte  est 
préparé  et  signé  par  les  contractants   (2) 

En  Angleterre,  l'examen  des  titres  de  propriété  con- 
siste dans  la  lecture  par  l'acquéreur,  du  certificat  qui  a 
été  établi  au  moment  de  l'immatriculation  et  qui  repro- 
duit les  diverses  énonciations  du  Livre  foncier.  Pour 
maintenir  le  titre  ainsi  délivré,  en  concordance  avec  le 

(1)  Art.  57,  L.  T.  A.,  1875,  et  art.  234  à  239,  General  Ruies,. 

(2)  Brickdale,  Report  on  the  Systems  of  registration  of  title 
now  in  opération  in  Gerniany  and  Austria-Hungary,  p.  23 
et  suiv. 


LA  VENTE  157 

feuillet  du  registre,  la  loi  de  1897  a  ordonné  que  mention 
serait  faite  sur  le  certificat  terrier  des  principales  modifi- 
cations apportées,  postérieurement  à  l'immatriculation, 
aux  droits  du  propriétaire  inscrit.  Il  a  donné,  dans  ce 
but,  pouvoir  au  Registrar  de  requérir,  à  l'occasion  de 
l'enregistrement  des  actes  visés  par  la  loi,  la  production 
du  certificat  terrier  qui  recevra  à  ce  moment  les  inscrip- 
tions nécessaires. 

«  La  remise  entre  les  mains  du  propriétaire  d'un  titre, 
qui  est  véritablement  la  représentation  de  Timmeuble 
facilite  les  transactions  à  un  degré  qu'on  ne  peut  imagi- 
ner... Quand  la  propriété  n'est  constatée  que  sur  un  re- 
gistre, il  faut  toujours  se  livrer  à  des  recherches  et  des 
écritures  plus  ou  moins  longues  et  fastidieuses.  Grâce  à 
ce  certificat,  qui  est  en  quelque  sorte  un  feuillet  détaché 
du  registre,  le  propriétaire  porte  sa  terre  dans  sa  poche 
et  en  dispose  en  un  tour  de  main.  »  Ainsi  s'exprimait 
M.  Gide  dans  son  étude  sur  l'Act  Torrens  (1).  La  situa- 
tion est,  à  peu  de  choses  près,  la  même  en  Angleterre. 

Le  législateur  a,  par  suite,  pu  poser  en  principe  que 
l'acquéreur  d'une  propriété  immatriculée  à  titre  absolu, 
au  lieu  de  pouvoir  demander  comme  autrefois  la  produc- 
tion de  tous  les  titres  de  propriété,  devra  se  contenter  de 
la  preuve  qui  lui  sera  fournie  par  l'examen  du  Livre  fon- 
cier ou  du  certificat  terrier.  Toutefois,  comme  les  certifi- 
cats ne  contiennent  pas  nécessairement  toutes  les  modi- 
fications portées  sur  le  registre,  notamment  les  opposi- 
tions, restrictions  ou  défenses  signifiées  depuis  la  pre- 
mière immatriculation,  l'examen  du  certificat  terrier  n'é- 
quivaut pas  complètement  à  l'examen  du  registre  lui- 
même.  Aussi  l'acquéreur  pourra-t-il  demander,  avant  la 
conclusion  de  l'acte  de  vente,  qu'il  soit  procédé  à  des  re- 
cherches, dans  le  Livre  foncier,  portant  sur  l'existence 
des  divers  droits  qui  peuvent  ne  pas  figurer  sur  le  certi- 
ficat. Ces  recherches  peuvent  être  effectuées,  soit  direc- 
tement par  les  parties  ou  leurs  solicitors,  soit  par  l'in- 

(1)   Bulletin  de  la   Société   de  Législation  comparée.   Année 
1886,  p.  297. 


158      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

termédiaire    des   fonctionnaires   du   Bureau  d'Immatri- 
culation (1). 

De  plus,  l'acquéreur  peut  exiger  que  le  vendeur  fasse 
une  déclaration  statutaire  dans  laquelle  il  établira  la  si- 
tuation de  l'immeuble  vis-à-vis  des  conventions  ou  droits 
que  l'article  18  de  la  loi  de  1875  ne  répute  pas  constituer 
des  servitudes  ;  il  reconnaîtra  leur  existence  ou  se  por- 
tera fort  de  leur  disparition.  En  outre,  si  des  droits  réels, 
actifs  ou  passifs,  ont  été  mentionnés  lors  de  la  première 
immatriculation,  le  propriétaire  devra  prouver  qu'il  a 
qualité  à  tirer  profit  de  ces  droits  ou  que  les  charges  qui 
grevaient  son  immeuble  n'existent  plus. 

Le  propriétaire  à  titre  absolu  peut  donc  très  facilement 
transférer  son  domaine,  lorsqu'il  a  été  inscrit  sur  le  Livre 
foncier.  Avant  l'immatriculation,  le  titre  de  propriété, 
même  excellent,  était  semblable  à  un  lingot  d'or,  qu'il 
fallait,  à  chaque  transfert,  peser  et  essayer  en  lui  enlevant 
un  morceau.  Une  fois  passé  par  l'Hôtel  des  Monnaies,  le 
lingot,  devenu  monnaie  légale,  se  transmet  de  mains  en 
mains  sans  détérioration  et  sans  perte  de  temps.  L'im- 
matriculation et  la  délivrance  d'un  certificat  sont  l'équi- 
valent de  la  frappe  de  la  monnaie  ;  elles  confèrent  à  la 
propriété  les  mêmes  avantages  qu'au  métal  (2) .  Que  l'im- 
matriculation date  de  1  an,  de  10  ans  ou  même  davan- 
tage, il  suffit  toujours  de  ces  quelques  investigations  pour 
s'assurer'que  le  vendeur  a  bien  le  droit  de  disposer  de  la 
toute  propriété  de  l'immeuble. 

Lorsque  le  vendeur  n'a  qu'un  titre  qualifié  ou  un  titre 
possessoire,  la  simple  inspection  du  Registrar  ou  le  seul 
examen  du  certificat  suffit  encore  pour  tous  les  faits  pos- 
térieurs à  l'immatriculation.  ]\Iais  l'acheteur  peut  exiger 
les  preuves  qui  sont  dues,  d'après  le  droit  commun,  pour 
tous  les  biens  ou  intérêts  exclus  de  l'immatriculation  par 
la  qualification  apportée  au  titre  du  propriétaire.  De 
même  le  détenteur  d'un  immeuble  inscrit  à  titre  posses- 
soire devra,  comme  auparavant,  fournir   ses    titres    de 

(1)  Art.  16,  §  1,  L.  T.  A.,  1897. 

(2)  Cf.  TORRENS,  An  Essay  on  the  Tranfifer  of  Land  by  regis- 
tration. 


LA  VENTE  159 

propriété  à  l'acquéreur.  D'ailleurs,  au  bout  de  40  ans 
d'immatriculation,  le  \'endor  and  Purchaser  Act,  de 
1874,  interdira  de  pareilles  demandes  (1). 

Une  fois  que  satisfaction  complète  aura  été  donnée  à 
l'acquéreur,  un  écrit  constatant  l'aliénation  sera  rédigé 
de  concert  avec  le  vendeur.  Il  est  conçu  dans  la  forme 
d'un  ordre  émané  du  propriétaire  et  demandant  au  Re- 
gistrar  d'inscrire  à  sa  place  son  ayant-cause  (2).  En 
même  temps  le  vendeur  remettra  à  Tacquéreur  le  certifi- 
cat terrier. 

Muni  de  ces  deux  pièces,  le  nouveau  propriétaire  de- 
mande au  Registrar  d'opérer  le  transfert  à  son  nom.  Le 
législateur  de  1897  a  exigé  la  production  du  certificat  an- 
térieurement délivré  pour  éviter  autant  que  possible  les 
fraudes.  En  effet,  lorsqu'un  individu  se  présente  por- 
teur d'un  certificat  terrier,  trois  hypothèses  peuvent  être 
envisagées.  Cette  pièce  a  été  remise  volontairement  par 
le  propriétaire,  ou  bien  elle  lui  a  été  soustraite,  ou  bien 
encore,  elle  constitue  un  faux.  Le  faux  sera,  semble-t-il, 
rare,  car  les  fonctionnaires  du  Land  Registry,  habitués 
à  examiner  les  certificats  qu'ils  délivrent  journellement, 
s'apercevront  rapidement  des  dissemblances  existant  en- 
tre un  vrai  certificat  et  un  certificat  contrefait.  Le  vol  ne 
peut  guère  être  envisagé,  car  le  propriétaire,  victime  de 
la  soustraction,  pourra  toujours  faire  opposition  au  Land 
Registry.  Reste  la  détention  du  certificat  avec  le  con- 
sentement du  propriétaire,  cas  le  plus  fréquent.  La  pro- 
duction de  ce  document  est  donc  un  indice  qui  vient  cor- 
roborer la  légitimité  de  l'acte  en  vertu  duquel  la  nou- 
velle inscription  est  requise.  Cette  mesure  est  l'une  des 
plus  heureuses  innovations  de  la  loi  de  1897  (3).  La  loi 
de  1875  n'obligeait  pas  le  Registrar  à  délivrer  un  certi- 
ficat et  n'astreignait  pas  le  propriétaire  qui  en  avait  de- 
mandé un  à  le  présenter  au  moment  où  il  faisait  inscrire 
une  convention    immobilière.  La    nouvelle    disposition 

(1)  Art.  16,  L.  T.  A.,  1897. 

(2)  Art.  126,  General  Rules.  V.  la  formule  officielle  la  plus 
fréquemment  employée  aux  Annexes. 

(3)  Art.  8,  §  2,  L.  T.  A.,  1897. 

i 


IGO     l'i.mroductiox  di:s  li\  res  fonciers  en  angleterri^ 

n'est,  d'ailleurs,  que  la  reproduction  presque  textuelle 
des  lois  australiennes,  tunisienne  et  des  colonies  fran- 
çaises (1). 

Entre  la  conclusion  de  la  vente  et  l'inscription  de  cette 
convention  sur  le  Livre  foncier,  il  peut  s'écouler  un  cer- 
tain no^i^bre  de  jours  qu'un  propriétaire  peu  délical 
pourrait  mettre  à  profit  pour  consentir  une  seconde  alié- 
nation au  détriment  du  premier  acquéreur.  Plusieurs 
précautions  ont  été  prises  contre  de  semblables  fraudes. 
L'apposition  d'un  sceau  spécial  sur  les  titres  produits  au 
moment  de  l'immatriculation  avertit  tout  d'abord  les 
tiers  que  l'immeuble  est  immatriculé  et  que  la  remise  des 
titres  n'est  plus  suffisante  et  doit  être  complétée  par  la 
production  du  certificat  foncier  :  la  remise  de  ce  dernier 
entre  les  mains  de  l'acquéreur  lui  interdit  donc  une  se- 
conde aliénation.  Mais,  comme  le  propriétaire,  en  pré- 
textant la  perte  ou  la  destruction  du  premier  certificat 
pourrait  obtenir  un  deuxième  titre  et  commettre  ainsi  des 
fraudes,  la  loi  de  1897  a  sévèrement  réglementé  la  dé- 
livrance des  seconds  certificats.  Le  Registrar  peut  exiger 
une  déclaration  sous  la  foi  du  serment  relatant  les  cir- 
constances qui  ont  accompagné  la  perte  ou  la  destruc- 
tion. Il  doit  ordonner  l'insertion,  dans  divers  journaux 
et  pendant  trois  semaines  au  moins,  d'avertissements 
tendant  à  notifier  aux  tiers  la  demande  qui  a  été  présen- 
tée. Après  l'accomplissement  de  ces  formalités  qui  ren- 
dent les  fraudes  difficiles,  un  duplicata  est  délivré  (2). 

Avant  d'opérer  la  nouvelle  inscription,  le  Registrar 
doit  examiner  si  aucune^  opposition,  défense  ou  restric- 
tion, ne  s'oppose  à  l'exécution  de  l'accord  intervenu.  Il 
doit  également  s'assurer  de  l'identité  et  de  la  capacité 
des  parties  contractantes. 

Deux  mesures  facilitent  au  conservateur   la  constata- 

(1)  Cf.  Real  Property  Act,  1861,  pour  TAustralie  du  Sud, 
art.  116;  Loi  foncière  tunisienne,  art.  374. 

(2)  Art.  8,  §  3,  L.  T.  A.,  1897.  Les  frais  s'élèvent  générale- 
ment à  5  livres  stcrlings.  Comp.  cette  disposition  avec  l'art.  376 
de  la  loi  foncière  tunisienne  et  l'art.  117,  du  Real  Property  Act 
pour  lAustralie  méridionale. 


LA  VENTE  161 

tion  de  l'identité.  Les  articles  107  à  110  du  Règlement 
général  imposent  au  propriétaire-vendeur  l'obligation 
de  faire  certifier  la  signature  qu'il  appose  sur  l'acte  de 
transfert,  par  un  témoin.  Celui-ci  écrit  ses  noms,  pré- 
noms et  adresse,  et  signe  une  formule  dans  laquelle  il  se 
porte  garant  de  l'identité  du  vendeur.  La  certification  de 
signature  est  considérée  par  toutes  les  législations  qui 
ont  institué  les  Livres  fonciers  comme  une  garantie  né- 
cessaire pour  éviter  les  fraudes  sur  la  personne  du  ven- 
deur. Tantôt,  comme  en  Angleterre,  l'attestation  doit 
seulement  émaner  d'une  ou  plusieurs  personnes  ;  tan- 
tôt, une  autorité  publique  ou  un  officier  ministériel,  est 
chargé  de  légaliser  les  signatures  apposées  au  bas  des 
actes  sous-seings  privés  (1).  L'intervention  d'un  tribunal 
ou  d'un  notaire  présente  plus  de  garanties  que  la  simple 
signature  d'un  particulier,  inconnu  le  plus  souvent  des 
fonctionnaires  du  Bureau  d'Immatriculation.  Par  con- 
tre, elle  occasionne  des  frais  quelquefois  hors  de  pro- 
portion avec  les  intérêts  en  cause.  Certaines  législations, 
qui  avaient  réservé  aux  notaires  ou  aux  tribunaux  la  lé- 
galisation des  signatures,  ont  dû  tempérer  la  rigueur  de 
ce  principe  pour  les  ventes  de  minime  importance  et  ad- 
mettre, dans  ce  cas,  l'attestation  par  des  particuliers  (2). 
La  législation  australienne,  au  contraire,  tout  en  main- 
tenant l'intervention  de  fonctionnaires  publics,  leur  a  im- 
posé l'obligation  de  rendre  ce  service  gratuitement  (3). 
Cette  solution  paraît  être  la  meilleure,  car  elle  offre  le 
plus  de  garantie  et  n'entraîne  aucune  dépense  excessive 
pour  les  intéressés.  Le  règlement  anglais  s'est  inspiré  de 
la  loi  sur  la  marine  marchande  de  1894,  qui  exige  seule- 

(1)  Cf.  Loi  prussienne,  24  mai  1872;  loi  autrichienne  du 
25  juillet  1871,  art.  31;  loi  de  l'Alsace-Lorraine,  du  22  juin  1891, 
art.  28. 

(2)  Cf.  Loi  autrichienne  du  5  juin  1890.  Sont  considérés 
comme  affaires  de  minime  importance  celles  qui  ne  dépassent 
pas  100  florins,  déduction  faite  des  frais  accessoires  et  des  inté- 
rêts. 

(3)  Cf.  notamment  art.  15  de  la  loi  du  10  juillet  1890,  pour 
Victoria. 

L.  11 


162      l'iiNTRODUCTIOX    des   livres   fonciers   en   ANGLETERRE 

ment  latteslation  d'un  témoin  à  l'occasion  de  la  vente  des 
navires  de  commerce  (1).  La  similitude  des  deux  opéra- 
tions permet  d'espérer  qu'une  prescription  qui  a  donné 
dé  bons  résultats  pour  la  tenue  des  registres  de  navires 
aura  également  d'heureux  effets  pour  les  inscriptions  sur 
les  Livres  fonciers. 

L'attestation  de  l'identité  de  la  personne  est,  d'ailleurs, 
corroborée  par  une  autre  disposition  du  Règlement  gé- 
néral. Toutes  les  fois  qu'un  acte  est  déposé  au  Bureau 
d'Immatriculation  en  vue  d'être  enregistré,  avis  du  dé- 
pôt doit  être  donné  au  propriétaire.  L'inscription  n'est 
opérée  que  trois  jours  francs  après  l'envoi  de  cet  avis.  Le 
propriétaire  est  ainsi  mis  en  garde  contre  les  actes  des 
personnes  qui  auraient  pu,  par  fraude,  se  faire  passer 
pour  les  propriétaires  véritables  (2). 

x\près  avoir  constaté  l'identité  du  vendeur,  le  Registrar 
s'assure  de  sa  capacité.  Il  examine  si  le  transfert  n'est  pas 
en  contradiction  avec  quelqu'une  des  mentions  portées  au 
Livre  foncier  (3). Lorsque  des  oppositions, des  restrictiôlis 
ou  des  défenses  existent,  il  doit,  au  préalable,  exiger  leur 
radiation.  De  même  si,  au  cours  de  l'examen  de  l'acte, 
il  lui  paraît  que  certaines  parties,  par  suite  d'incapacités 
physiques,  ne  peuvent  pas  concourir  à  la  passation  d'un 
acte  régulier,  il  peut  surseoir  à  l'inscription  jusqu'à  ce 
que  la  Cour  ait  ordonné  par  jugement  qu'il  y  soit  pro- 
cédé (4). 

Après  cet  examen  sommaire,  le  conservateur  inscrit  le 
nouveau  propriétaire  aux  lieu  et  place  de  l'ancien.  ïl' 
annule  le  certificat  délivré  à  ce  dernier  et  fait  un  autre  cer- 
tificat au  nom  de  l'acheteur. 
Les  ventes  partielles  d'immeubles  nécessitent  des  for- 
Ci)  Art.  24,  §  2. 

(2)  Art.  118,  General  Eules. 

(3)  Notamment,  si  la  terre  vendue  est  "immatriculée  comîne 
bénéfice  religieux,  un  transfert  ne  peut  avoir  lieu  que  sur  pro- 
duction d'un  certificat  délivré  suivant  les  cas  par  la  Corpora- 
tion de  la  reine  Anne  (Queen  Anne's  Bounty),  le  ministre  dé 
l'Agriculture  ou  les  Commissaires  ecclésiastiques. 

(4)  Art.  76  et  77,  L.  T.  A,,  1875. 


LA  VENTE  163 

malités  identiques.  Comme  il  n'y  a  pas  substitufion  com- 
plète d'un  propriétaire  à  un  autre  propriétaire,  un  nou- 
veau feuillet  du  Livre  foncier  est  consacré  à  la  partie  dis- 
traite. Pour  l'établissement  du  nouveau  titre,  un  plan  de 
la  parcelle  vendue  doit  être  annexé  à  la  demande  de  trans- 
fert. Il  permet  de  rectifier  le  plan  original  de  l'ensemble 
de  l'immeuble  et  sert  de  base  à  la  nouvelle  immatricula- 
lation.  Enfin,  le  certificat  n'est  pas  annulé  mais  revêtu 
d'une  annotation  faisant  connaître  le  démembrement  de 
la  propriété.  En  même  temps,  un  second  certificat  corres- 
pondant à  la  nouvelle  inscription  est  délivré. 

Le  transfert  opéré,  quels  en  sont  les  effets  ?  Indiqués 
dans  les  articles  30  à  32  de  la  loi  de  LS75,  ils  varient  sui- 
vant que  le  titre  est  absolu,  qualifié  ou  possessoire  ou 
est  un  bon  titre  de  leasehold.  Ils  diffèrent  également  sui- 
vant que  l'on  envisage  les  rapports  de  l'acquéreur  avec 
son  vendeur  ou  de  celui-ci  avec  les  tiers. 

Les  Land  Transfer  Acts  n'ont  pas  complètement  rompu 
avec  le  principe  que  la  vente  est  un  contrat  consensuel, 
complet  dès  que  l'accord  des  parties  est  intervenu.  L'ac- 
quéreur pourra  donc,  même  s'il  ne  se  fait  pas  inscrire 
sur  le  Livre  foncier,  se  prévaloir  de  l'existence  du  contrat 
vis-à-vis  de  son  vendeur  et  exiger  de  lui  l'exécution  de  ses 
engagements. 

S'il  ne  procède  pas  à  fenregistrement  de  l'acte,  il  est 
exposé  à  voir  ses  droits  contestés  et  primés  par  des  tiers, 
ayant  cause  comme  lui  du  propriétaire,  mais  ayant  avant 
lui  requis  et  obtenu  l'inscription  de  leurs  titres.  En  effet, 
un  transfert  à  titre  onéreux  d'un  freehold  ou  d'un  lease- 
hold immatriculé,  confère  à  l'acquéreur  un  droit  incom- 
mutable  sur  l'immeuble.  Ne  peuvent  lui  être  opposés  que 
les  servitudes,  charges  foncières,  ou  droits  réels,  con- 
sentis par  les  propriétaires  antérieurs  et  déjà  inscrits.  Un 
acheteur  prudent  ne  doit  donc  payer  le  prix  de  son  ac- 
quisition qu'après  avoir  obtenu  l'enregistrement  de  son 
titre  qui,  seul,  lui  confère  une  entière  sécurité,  et  le  met 
à  l'abri  d'une  seconde  aliénation  consentie  par  le  vendeur 
en  fraude  des  droits  du  premier  acquéreur.  Plusieurs  mé- 
thodes, satisfaisant  à  la  fois  les  intérêts  des  vendeurs  et 


164      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

des  acheteurs,  ont  été  employées  en  pratique  pour  le  rè- 
glement du  prix.  Tantôt,  l'acquéreur  remet  à  un  tiers 
honorable  un  chèque,  représentant  la  valeur  de  l'immeu- 
ble et  ne  devant  être  touché  par  le  vendeur  qu'une  fois  le 
transfert  accompli  ;  tantôt  le  propriétaire  se  charge  de 
faire  opérer  la  nouvelle  inscription  et  reçoit,  en  échange 
du  certificat  délivré  au  nom  du  nouveau  détenteur,  la 
somme  stipulée.  Mais,  le  plus  souvent,  les  parties  ont 
confiance  mutuellement  et  le  prix  d'achat  est  payé  dès 
que  le  contrat  est  signé.  L'acquéreur  est,  en  effet,  garanti 
contre  tout  acte  dolosif  de  son.  auteur  par  la  remise  entre 
ses  mains  du  certificat  sans  la  production  duquel  aucune 
inscription  ne  pourra  être  faite  ;  il  peut  aussi  faire  op- 
position, si  le  transfert  doit  demander  un  certain  délai 
pendant  lequel  il  pourrait  craindre  de  voir  ses  droits  mis 
en  péril  (1). 

La  sécurité  conférée  aux  acquéreurs  d'immeubles  im- 
matriculés à  titre  possessoire  ou  qualifié  par  l'enregistre- 
ment de  la  vente  sur  le  Livre  foncier  est  la  même  que  si 
les  immeubles  étaient  immatriculés  à  titre  absolu.  Mais 
au  lieu  de  ne  soumettre  les  droits  des  propriétaires  ins- 
crits qu'aux  restrictions  expressément  mentionnées  sur 
le  registre,  l'enregistrement  d'un  acte  réserve  toutes  les 
revendications  pouvant  naftre  de  faits  antérieurs  à  l'im- 
matriculation, si  le  titre  est  possessoire,  et  permet  aux 
tiers  titulaires  de  droits  exceptés  de  l'immatriculation,  de 
les  faire  valoir,  si  le  titre  est  (jualifié  ou  est  un  bon  titre 
de  leasehold. 

Est-ce  à  dire  que  l'enregistrement  d'^un  acte  confère 
sous  ces  réserves  au  nouvel  inscrit  un  droit  inattaquable. 
Lorsqu'il  y  a  eu  collusion  entre  l'acquéreur  et  le  vendeur, 
la  formalité  de  l'inscription  ne  saurait  avoir  pour  effet 
de  rendre  cet  acte  valable  ;  et  à  toute  époque,  l'immatri- 
culé pourra  être  actionné  en  restitution  de  l'immeuble  et 
l'inscription  obtenue  par  fraude  pourra  être  annulée. 

De  même  lorsque  le  vendeur  a  contracté  sous  l'empire  de 
l'une  des  incapacités  prévues  par  les  lois  anglaises,  l'en- 
registrement ne  saurait  être  considéré  comme  définitif. 

(1)  Brickdale  and  Sheldon's   op.  cit.,  p.  29  et  30. 


LA  VENTE  165 

Les  Land  Transfer  Acls  n'ont,  il  est  vrai,  édicté  aucune 
prescription  spéciale  de  nature  à  sauvegarder  les  droits 
de  l'incapable  et  à  faire  apparaître  les  incapacités  au 
moment  de  l'opération.  Tout  au  plus,  ont-ils  autorisé, 
d'une  manière  purement  facultative,  les  personnes  ou  con- 
seils chargés  de  l'administration  des  biens  des  incapables 
à  faire  inscrire  sur  le  Livre  foncier  une  mention  interdi- 
sant à  l'immatriculé  de  transférer  son  bien.  Mais,  si  cette 
mention  n'existe  pas,  aucune  procédure  n'est  imposée  au 
Registrar  pour  l'inviter  à  s'assurer  de  la  capacité  du  cé- 
dant. 

Pour  déterminer  la  valeur  des  actes  passés  par  les  in- 
capables et  dûment  inscrits,  il  faut  donc  se  référer 
aux  principes  généraux  du  droit.  Or,  en  vertu  de  ces 
principes,  un  enfant,  un  fou  ou  tout  autre  incapable  ne 
peut  valablement  transférer  sa  propriété  et  cette  nullité 
est  opposable  aux  ayants  cause,  même  si  ceux-ci  n'ont 
pas  eu  connaissance  de  l'incapacité  de  leur  auteur. 
Comme  en  cas  de  fraude,  l'inscription  pourra  donc  être 
attaquée  par  tous  les  moyens  de  droit  et  la  rectification 
du  Livre  foncier  pourra  être  obtenue. 

Ces  dispositions  rappellent  notamment  l'article  9  de  la 
loi  prussienne  de  1872  qui  autorise  les  intéressés  à  atta- 
quer toute  inscription  de  propriété,  conformément  aux  rè- 
gles du  droit  civil.  Le  cessionnaire  immédiat  possède,  en 
effet,  des  moyens  suffisants  de  s'assurer  de  la  capacité 
du  cédant  ;  ne  vaut-il  pas  mieux  lui  permettre  de  requé- 
rir sous  sa  responsabilité  personnelle  l'inscription  de  son 
contrat  que  d'exiger  des  preuves  de  la  validité  de  l'acte 
dont  il  se  réclame  (1)  ?  En  outre,  en  Angleterre  plus  que 
partout  ailleurs,  la  propriété  est  rarement  possédée  par 
un  mineur  ;  car,  même  en  cas  de  mort  ab  intestat,  des 
fidéicommissaires  et  des  représentants  sont  investis  le 
plus  souvent  de  la  propriété,  jusqu'au  jour  où  l'enfant 
aura  atteint  sa  majorité. 

Si  ces  nullités  peuvent  avoir  des  effets  entre  parties, 
peuvent-elles  également  réagir  sur  les  droits  conférés  par 

(1)  Cette  opinion  est  celle  du  Registrar  actuel,  M.  Brickdale. 


166      l'introduction  des  livres   fonciers  en   ANGLETERRE 

l'acquéreur  à  des  tiers  de  bonne  foi  ?  L'article  30  de  la  loi 
de  1875  exonérait  dune  façon  formelle  les  ayants 
cause  à  titre  onéreux  d'un  immatriculé  de  tous  les  vices 
dont  le  titre  de  leur  auteur  pouvait  être  entaché.  L'ins- 
cription était  pour  eux  définitive  et  inattaquable. 

L'article  7,  §  2  de  la  loi  de  1897  a  cependant  apporté 
une  restriction  au  principe  de  l'incommutabilité  des  ins- 
criptions sur  les  Livres  fonciers  vis-à-vis  des  tiers.  Cet 
article  est  ainsi  conçu  :  «  Lorsqu'un  acte  enregistré  se- 
rait, s'il  n'était  pas  inscrit  sur  le  Livre  foncier,  radicale- 
ment nul,  ou,  lorsqu'une  erreur,  une  omission,  ou  une 
inscription  aurait  pour  résultat  de  priver  une  personne 
d'un  bien  dont  elle  est  en  possession  ou  dont  elle  touche 
les  revenus,  le  registre  foncier  devra  être  rectifié.  L'in- 
demnité sera,  dans  ce  cas,  payée  à  la  personne  qui  sera 
lésée  par  la  rectification.  » 

Si  la  seconde  hypothèse  est  suffisamment  explicite  par 
elle-même,  que  faut-il  entendre  par  les  mots  «  radicale- 
ment nul  »,  employés  par  le  législateur  anglais  ?  D'après 
les  deux  commentateurs  des  Land  Transfer  Acts  que  nous 
avons  déjà  eu  l'occasion  de  citer,  ces  termes  doivent  être 
strictement  interprétés  et  ne  peuvent  s'appliquer  qu'aux 
cas  suivants  :  Un  transfert  obtenu  à  l'aide  de  faux  ne  pou- 
vait, d'après  la  loi  de  1875,  être  attaqué,  s'il  avait  été 
suivi  d'une  aliénation  à  titre  onéreux  dûment  enregis- 
trée. Désormais,  quel  que  soit  le  nombre  des  transmis- 
sions opérées,  le  registre  pourra  toujours  être  rectifié 
lorsqu'à  un  moment  donné,  une  inscription  a  été  requise 
en  vertu  de  faux  documents.  Il  en  sera  de  même  dans  tous 
les  cas  où  l'on  peut  dire  que  le  propriétaire  véritable  n'a 
pas  participé  à  l'acte  qui  l'a  dépouillé  (1)  et  lorsque  la 
convention  est  réputée  nulle,  soit  par  le  droit  commun  (2), 
soit  par  la  loi  (3). 

(1)  Le  droit  anglais  range  dans  cette  catégorie  les  actes  pas- 
sés par  un  fou,  par  exemple  : 

(2)  Le  résultat  d'un  délit,  par  exemple. 

(3)  Par  exemple  :  une  affectation  à  un  usage  charitable  qui 
ne  serait  pas  conforme  au  Mortmain  and  Charitable  Uses  Act 
de  1888. 


LA  VENTE  167 

Mais,  l'on  ne  saurait  étendre  les  dispositions  de  l'ar- 
ticle 7,  paragraphe  2,  aux  contrats  qui  sont  simplement 
annulables,  et  qui  sont  valables  tant  qu'ils  n'ont  pas  été 
attaqués  en  justice  (1). 

La  législation  anglaise  de  1875,  en  refusant  aux  per- 
sonnes lésées  par  un  transfert  à  titre  onéreux,  le  droit  de 
faire  rectifier  le  Livre  foncier,  s'était  certainement  inspi- 
rée de  la  législation  australienne.  Celle-ci  avait  reconnu 
upe  action  directe  contre  le  cessionnaire  immédiat  et  n'a- 
vait pas  permis  qu'un  ayant-droit  à  titre  onéreux  et  de 
bonne  foi  fût  inquiété  à  raison  du  vice  du  titre  de  son  au- 
teur (2).  Mais,  alors  que  l'Act  Torrens  indemnisait  le  pro- 
priétaire évincé  de  sa  perte,  le  Land  Transfer  Act  de 
1875  consacrait  une  véritable  expropriation  sans  indem- 
nité. Elle  allait  même  plus  loin  que  la  loi  prussienne  du 
5  mai  1872,  car,  en  Allemagne,  en  effet,  toute  inscription 
de  propriété  ne  peut  être  attaquée  conformément  aux  rè- 
gles du  droit  civil,  que  si  un  transfert  à  titre  onéreux  n'a 
pas  été  consenti  par  le  propriétaire  inscrit  (3). 

La  loi  de  1897  a  été  à  la  fois  plus  hardie  et  plus  timide 
que  la  loi  prussienne.  Plus  hardie,  elle  a  restreint  à  quel- 
ques cas  exceptionnels  les  causes  de  rectification  des  Li- 
vres fonciers  ;  plus  timide,  elle  n'a  pas  maintenu,  lors- 
qu'il y  avait  lieu  à  rectification,  les  droits  acquis  par  les 
tiers  cessionnaires  à  titre  onéreux  et  de  bonne  foi. 

Bien  que  l'on  ait  pu  dire  que  la  restitutio  in  integrum 
constitue  «  la  plus  complète  et,  dans  nos  vieux  pays 
amoureux  de  terre,  la  plus  enviable  des  revanches  (4)  », 
la  question  a,  en  Angleterre,  perdu  de  son  importance, 

(1)  Par  exemple:  une  vente  par  un  mineur,  par  un  bénéfi- 
ciaire à  son  fidéicommissaire,  par  un  client  à  son  solicitor,  une 
convention  obtenue  par  contrainte  ou  par  fraude  ;  un  settlement 
devenu  caduc  par  suite  de  faillite. 

(2)  Art.  33  et  123,  Real  Property  Act  du  7  août  1861,  pour 
l'Australie  du  Sud,  et  art.  69,  205,  207  et  208,  Transfer  of  Land 
Act  du  10  juillet  1890  pour  Victoria. 

(3)  Art.  9  et  10,  L.  5  mai  1872. 

(4)  WoRMS,  Comm.  extrap.  du  cad.,  Proc.-verb.,  T.  II, 
p.  525. 


168      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

depuis  que  la  loi  de  1897  a  créé  un  fonds  d'assurance 
contre  les  évictions.  Nous  examinerons,  d'ailleurs,  plus 
loin  les  avantages  respectifs  de  l'incommutabilité  ou  de  la 
rectification  des  inscriptions  des  Livres  fonciers.  Il  ne 
faut  ici  signaler  la  disposition  de  la  loi  de  1897  que  comme 
une  restriction  apportée  par  le  législateur  aux  effets  juri- 
diques de  l'enregistrement  des  actes.  Ces  effets  n'en  res- 
tent pas  moins  considérables.  Ils  assurent  à  ceux  qui  se 
sont  soumis  aux  prescriptions  légales  une  sécurité  pres- 
que complète  dans  leur  possession  et,  dans  tous  les  cas, 
ils  garantissent  les  propriétaires  inscrits  contre  les  ris- 
ques pécuniaires  que  le  système  des  transactions  occultes 
leur  faisait  courir. 

Facilité  et  sécurité  des  ventes  immobilières,  tels  sont 
donc  les  deux  résultats  obtenus  en  cette  matière  par  l'ap- 
plication des  principes  de  l'immatriculation. 


CHAPITRE  VIII 

LES   HYPOTHÈQUES 

La  transformation  des  méthodeis  agricoles  rend  parti- 
culièrement importante  l'organisation  du  crédit  foncier. 
Jusqu'aux  dernières  années  du  xix^  siècle,  la  culture 
était  basée  presque  exclusivement  sur  les  données  empi- 
riques de  l'expérience,  sans  chercher  dans  des  procédés 
scientifiques  d'améliorations  et  d'engrais  une  augmen- 
tation de  rendement  et  par  conséquent  de  revenus.  Les 
recherches  de  savants  chimistes,  les  expériences  d'agro- 
nomes distingués,  les  inventions  de  mécaniciens  habiles 
ont,  peu  à  peu,  fait  connaître  les  avantages  considérables 
qui  pouvaient  être  retirés  d'une  culture  raisonnée  et 
intensive.  Mais  l'exécution  de  travaux  d'amélioraiion,  de 
drainage  par  exemple,  nécessite  l'immobilisation  et  l'in- 
corporation au  sol  de  capitaux  importants  ;  l'achat  d'en- 
grais chimiqueset  de  machines  agricoles  augmente  le  fonds 
de  roulement  qui  doit  être  affecté  à  l'exploitation.  Com- 
ment se  procurer  ces  capitaux  ?  Par  prélèvement  sur  les 
revenus  annuels  ?  il  n'y  fallait  pas  songer,  car  au  même 
moment  où  ces  dépenses  nouvelles  devaient  être  faites, 
les  revenus  des  terres  allaient  constamment  en  dimi- 
nuant et  suffisaient  à  peine  à  rémunérer  les  sommes  déjà 
engagées.  Il  était  indispensable  de  recourir  au  crédit. 
Les  nouvelles  méthodes  auraient  pu,  grâce  au  concours 
de  capitalistes,  être  appliquées  et  le  cultivateur  aurait 
trouvé  dans  l'augmentation  de  ses  revenus  le  moyen  de 
faire  face  à  ses  engagements,  en  même  temps  qu'il  aurait 
augmenté  son  capital  et  peut-être  aussi  ses  ressources 
immédiates. 

Les  cultivateurs  anglais,  en  particulier,  sont  restés, 
jusqu'à  la  fin  du  siècle  dernier,  dans  une  situation  déli- 
cate. Par  le  fait  de  leur  régime  foncier  et  de  leurs  institu- 
tions juridiques,   ils  n'avaient  à  leur  disposition  qu'un 


170      l'introduction  des   livrer   fonciers  en   ANGLETERRE 

mode  de  crédit  hypothécaire  suranné,  insuffisant  et  for- 
mahste.  Ignorant  les  facihtés  de  l'hypothèque  conven- 
tionnelle, ils  étaient  en  effet  réduits  à  emprunter  par  voie 
de  mortgage,  les  sommes  qui  leur  étaient  nécessaires  ; 
ils  devaient  transmettre  à  leur  prêteur  la  possession  lé- 
gale {légal  estate)  qui  leur  était  restituée  si,  à  l'époque 
fixée,  le  remboursement  du  prêt  avait  lieu.  Le  créancier 
mortgagiste  ne  prenait  plus,  il  est  vrai,  comme  autrefois 
possession  de  la  terre,  il  n'acquiérait  plus  définitivement 
la  propriété  en  cas  d'inexécution  des  engagements  (je 
l'emprunteur  à  l'expiration  du  contrat  ;  mais  ce  contrat 
qui  conservait  presque  tous  les  caractères  de  l'aliénation 
fiduciaire  romaine,  épuisait  d'un  seul  coup  le  crédit  du 
propriétaire  en  même  temps  qu'il  ne  garantissait  pas 
d'une  manière  efficace  les  droits  du  bailleur  de  fonds  (1). 
De  plus,  il  exigeait  la  passation  d'un  acte  authentique, 
ce  qui  n'avait  lieu  qu'après  un  examen  des  titres  aussi 
complet  et  aussi  ipinutieu:?^  que  s'il  s'était  agi  d'u^e  vepte 
immobilière. 

Ces  formalités,  qui  retardaient  souvent  la  conclusion 
des  conventions  hypothécaires,  avaient  inspiré  ^ux  ju- 
risconsultes anglais  une  combinaison  nouvelle  partici- 
pant des  avantages  du  mortgage  légal,  mais  simplifiant 
les  préliminaires  qui  l'accompagnaient.  I^e  mortgage 
équitable  ou  par  nantissement  des  titres  de  propriété 
permettait  aux  emprunteurs  de  se  procurer  rapidement 
les  fonds  dont  ils  avaient  besoin.  Il  consistait  en  une  con- 
vention signée  du  débiteur  dans  laquelle  celui-ci  s'enga- 
geait envers  son  prêteur  à  lui  consentir  à  toutp  réquisition 
un  mortgage  légal  sur  son  immeuble.  Ces  prêts  étaient 
surtout  faits  par  les  banquiers  auxquels  les  propriétaires, 
en  quête  d'argent,  allaient  porter  leurs  titres  de  pro- 
priété. Après  un  examen  sommaire,  la  convention  était 
rédigée  et  les  titres  restaient  entre  les  mains  du  prêteur 
qui  était  ainsi  à  l'abri  de  nouvelles  transactions  conclues 
par  son  débiteur  en  fraude  de  ses  droits.  Les  banquiers 
trouvaient  d'ailleurs  dans  la  connaissance  qu'ils  possé- 

(1)  V.  plus  haut,  p.  25  et  suiv. 


LES  HYPOTHÈQUES  171 

daient  du  pays  et  de  ses  habitants  un  moyen  d'agir  vite 
et  sûrement.  Ils  retiraient  ainsi  de  leurs  capitaux  un  in- 
térêt lucratif  et  AI.  Seebohm,  en  1895,  put  évaluer  de 
100  à  150  millions  de  livres  sterlings  le  montant  des 
sommes  qui,  en  Angleterre  et  dans  le  Pays  de  Galles, 
avaient  été  empruntées  sur  nantissement  des  titres  de 
propriété. 

Les  lois  de  1875  et  de  1897  ont  maintenu  l'existence  de 
ces  deux  modes  de  constitution  d'hypothèque  ;  mais  elles 
en  ont  profondément  modifié  la  forme  et  les  effets. 

Les  constitutions  d'hypothèques  régulières  (légal  mort- 
gage),  sont  régies  par  les  mêmes  règles  que  les  ventes 
immobilières.  Leur  création  requiert,  comme  elles,  un 
examen  du  certificat  terrier  ou  du  Livre  foncier,  suivi 
de  la  confection  d'un  mémorandum  signé  des  parties 
dans  lequel  seront  indiquées  les  conditions  principales 
du  contrat  soumis  à  l'inscription.  Le  conservateur  inscrit 
sur  le  feuillet  du  Livre  des  charges  afférent  à  l'immeuble 
l'hypothèque  consentie,  puis  il  délivre  au  créancier  mort- 
gagiste  un  certificat  de  charge  ;  si  celui-ci  refuse  de  le 
recevoir,  le  certificat  reste  déposé  au  Bureau  d'imma- 
triculation (1).  L'inscription  et  le  certificat  mentionnent 
la  date  fixée  pour  le  remboursement,  les  conditions  du 
prêt  avec  ou  sans  intérêts,  le  taux  de  l'intérêt,  le  droit 
ou  l'interdiction  de  vente  conférée  au  créancier  avec  ou 
sans  terme  prévu  (2). 

Les  mortgages  ainsi  créés  prennent  rang  suivant  leur 
date  d'inscription.  Le  droit  des  créanciers  ne  peut  être 
primé  par  un  transfert  ou  un  contrat  d'hypothèques  an- 
térieur et  non  encore  inscrit  (3).  Ainsi  se  trouve  établie 
d'une  façon  formelle  la  règle  «  qui  prior  est  tempore, 
potior  est  jure  ».  La  soudure  des  mortgages,  pratique 
dont  les  dangers  ont  été  exposés  précédemment,  est  défi- 
nitivement abolie.  Elle  s'expliquait  par  l'ignorance  où 
un  créancier  ayant  consenti  un  prêt  en  première  hypo- 

(1)  Art.  79,  L.  T.  A.,  1875  et  8,  L.  T.  A.,  1897.  V.  la  Formule 
officielle  aux  Annexes. 

(2)  Art.  22,  L.  T.  A.,  1875. 

(3)  Art.  28,  L.  T.  A.,  1875. 


172      l'introduction  des  LH  RES   fonciers   en  ANGLETERRE 

thèque  et  en  consentant  un  autre  en  troisième  rang,  pou- 
vait être  de  l'emprunt  intermédiaire  gagé  par  une  hypo- 
tlièque  de  second  ordre  au  profit  d'un  tiers  prêteur.  Les 
inscriptions  successives  des  divers  emprunts  contractés 
sur  le  certificat  de  propriété  avertissent  désormais  les 
prêteurs  de  l'existence  de  toutes  les  charges  foncières, 
et  aucune  raison  valable  ne  peut  plus  être  invoquée  pour 
donner  à  certains  d'entre  eux  une  situation  privilégiée. 

La  règle  par  laquelle  toute  hypothèque  prend  rang 
suivant  la  date  de  son  inscription  sur  le  Livre  foncier  et 
non  suivant  la  date  de  sa  création,  subit  cependant  quel- 
ques exceptions.  Certaines  lois,  la  loi  sur  le  drainage  de 
1861,  la  loi  sur  les  améliorations  foncières  de  1864,  la 
loi  sur  le  rachat  des  dîmes  extraordinaires  de  1886,  la 
loi  de  finances  de  1896,  ont,  dans  divers  articles,  conféré 
aux  droits  réels  créés  en  vertu  de  ces  textes  le  privilège 
de  prendre  rang  avant  toutes  autres  hypothèques.  Les 
lois  de  1875  et  de  1897  ont  maintenu  ces  dispositions  en 
vigueur.  Les  droits  réels  dont  il  s'agit  sont,  en  effet,  le 
plus  souvent,  de  peu  d'importance  et  grèvent  presque 
toujours  temporairement  les  immeubles.  Leur  existence 
ne  peut  pas  diminuer,  dans  des  proportions  apprécia- 
bles, la  valeur  du  gage  offert.  Le  règlement  général,  en 
précisant  les  conditions  dans  lesquelles  ces  droits  réels 
seraient  enregistrés,  a  décidé  qu'une  mention  spéciale 
devrait  indiquer,  là  loi  en  vertu  de  laquelle  l'hypothèque 
ainsi  créée  a,  sur  les  hypothèques  antérieurement  ins- 
crites, un  droit  de  préférence. 

L'ancienne  législation  reconnaissait  aussi  au  créancier 
hypothécaire  le  droit  de  faire  insérer  dans  la  convention 
une  disposition  par  laquelle  les  immeubles,  désormais 
acquis  par  le  débiteur,  seraient  affectés  au  gage  de  l'hy- 
pothèque comme  les  biens  sur  lesquels  elle  avait  été  pri- 
mitivement établie.  Mesure  contraire  au  principe  de  la 
spécialité  des  hypothèques.  Les  nouveaux  textes  ont 
laissé  aux  parties  la  liberté  de  faire  de  semblables  con- 
ventions et  de  demander  leur  inscription  sur  le  Livre 
foncier.  Mais  ils  ont  enlevé  à  ces  conventions  le  carac- 
tère nuisible  qu'elles  avaient  précédemment,  en  dispo- 


LES  HYPOTHÈQUES  173 

sant  que  le  créancier  titulaire  d'un  tel  droit  doit,  pour 
s'en  prévaloir,  inscrire  sur  le  feuillet  relatif  aux  pro- 
priétés nouvellement  acquises,  l'hypothèque  qui  lui  a 
été  consentie.  En  même  temps,  le  Registrar  doit  requérir 
la  production  du  certificat  terrier,  s'il  ne  l'avait  pas  déjà 
entre  les  mains  et  inscrire  sur  celui-ci  mention  de  la  con- 
vention intervenue  entre  le  débiteur  et  son  créancier  (1). 
Les  tiers  seront  ainsi  avertis  des  dangers  que  leur  font 
courir  les  engagements  antérieurs  pris  par  le  proprié- 
taire.. 

Le  mortgage  légal  transférait  la  possession  légale  au 
prêteur  et  le  débiteur  n'avait  plus  qu'un  droit  en  équité 
sur  son  bien.  Il  en  résultait  que  pour  vendre  la  propriété 
il  fallait  le  concours  du  prêteur  et  du  débiteur  à  l'acte 
d'aliénation.  Les  transmissions  se  trouvaient  par  là 
même,  rendues  plus  difficiles  et  la  valeur  de  la  propriété 
subissait  de  ce  fait  une  dépréciation  certaine.  La  trans- 
formation du  mortgage,  qui  était  auparavant  un  trans- 
port de  la  propriété,  en  un  simple  démembrement  de 
celle-ci,  a  permis  d'accroître  les  pouvoirs  laissés  au  débi- 
teur sur  son  immeuble.  Il  conserve  le  droit  de  le  transfé- 
rer à  une  autre  personne,  sauf  à  respecter  bien  entendu 
les  charges  foncières  dont  elle  est  grevée  (2). 

Le  créancier  trouve  aussi  dans  l'inscription  de  son 
hypothèque  des  avantages  qu'il  ne  possédait  pas  aupa- 
ravant. S'il  a  besoin  d'argent,  il  peut  soit  céder  sa 
créance,  soit  consentir  une  sous-hypothèque.  La  cession 
a  lieu  par  simple  mention  sur  le  registre  :  le  nom  du 
cédant  est  biffé  et  celui  du  cessionnaire  mis  à  sa  place. 
L'inscription  confère  à  ce  dernier  tous  les  droits  qui 
étaient  reconnus  au  cédant  (3).  Ce  transport  de  créance 
présente  des  facilités  beaucoup  plus  grandes  que  celui  de 
l'ancien  mortgage.  Il  fallait,  en  effet,  un  acte  qui  n'était 
signé  qu'après  un  examen  complet  des  titres  de  pro- 
priété du  cédé  fait  par  le  cessionnaire.  Aujourd'hui,  l'en- 


(1)  Art.  169,  General  Rules. 

(2)  Art.  4,  L.  T.  A.,  1897. 

(3)  Art.  40,  L.  T.  A.,  1875. 


1/4      L  IMRODUCTIO.X   DES   LU  RES   FONCIERS   EN   ANGLETERRE 

registrement  dune  aliénation  à  titre  onéreux  exonère 
le  titulaire  inscrit  de  tous  les  vices  qui  pouvaient  exister 
dans  le  titre  originaire  et  qui  n'avaient  pas  été  portés  à 
sa  connaissance  lors  de  la  cession  (1).  Il  le  dispense  donc 
d'examiner  le  titre  du  débiteur.  La  délivrance  d'un  cer- 
tificat de  charge  résumant  les  mentions  portées  au  livré 
foncier  facilite,  d'autre  part,  la  conclusion  du  contrat 
entre  les  parties  intéressées,  en  même  temps  que  Tins- 
cription  le  met  à  l'abri  de  toute  nouvelle  aliénation  frau- 
duleuse du  cédant. 

Les  charges  foncières  peuvent  également  être  sous- 
hypothéquées.  La  procédure  sera  la  même  que  pour  une 
hypothèque  originaire.  La  création  d'un  semblable  droit 
permet  au  créancier  de  se  procurer  temporairement  des 
fonds  dont  il  peut  avoir  besoin,  tout  en  conservant  le 
bénéfice  du  prêt  qu'il  a  consenti. 

Les  pouvoirs  ainsi  conférés  au  créancier,  répondent  à 
l'un  des  caractères  du  crédit  hypothécaire.  Alors  que  les 
affaires  commerciales  se  traitent  à  brève  échéance  et 
qu'il  suffit  au  négociant  d'un  crédit  de  quelques  semaines 
pour  lui  permettre  de  réunir  les  fonds  nécessaires  pour 
le  remboursement  de  son  emprunt,  l'agriculture,  elle,  a 
besoin  d'un  crédit  à  très  longue  échéance.  Les  amé- 
liorations, les  drainages,  les  reboisements  effectués 
à  l'aide  de  prêts,  ne  donnent  au  cultivateur  qu'un  lé- 
ger accroissement  de  revenus,  mais  augmentent  le  ren- 
dement de  ses  terres  pour  une  période  presque  illimitée. 
Il  ne  peut  donc  s'engager  à  amortir  sa  dette  que  par  des 
annuités  très  faibles  et  par  suite  nombreuses.  Le  prêteur, 
au  contraire,  ne  veut  pas  immobiliser  son  argent  ;  il  tient 
à  pouvoir  en  recouvrer  la  libre  disposition  si.  à  un  mo- 
ment quelconque,  il  en  a  besoin.  L'antinomie  existant 
entre  les  intérêts  du  cultivateur  débiteur  et  du  capitaliste 
créancier  nuit  au  développement  du  crédit  hypothécaire 
et  maintient  l'intérêt  à  un  taux  fort  élevé,  quoique  des 
capitaux  considérables  ne  trouvent,  dans  d'autres  opé- 
rations,   qu'une  rémunération  inférieure.    Pour  attirer 

(l)Art.  40,  L.  T.  A.,  1875,  modifié  par  la  cédule  1  de  la  loi 
de  1897. 


LES  HYPOTHÈOL KS  175 

les  bailleurs  de  fonds  vers  le  crédit  foncier,  il  fallait  donc 
faciliter  la  rentrée  en  possession  des  sommes  prêtées  et 
assurer  aux  emprunts  contractés  une  stabilité  complète. 
Les  Land  Transîer  Acts,  aussi  bien  que  les  autres  légis- 
lations sur  les  Livres  fonciers,  ont  essayé  de  donner  une 
solution  satisfaisante  à  ces  divers  d^ésiderata. 

La  délivrance  d'un  titre  hypothécaire,  représentant  la 
créance  contre  le  propriétaire,  facilite  les  négociations 
postérieures  dont  cette  créance  peut  faire  Tobjet.  Mis 
par  la  loi  à  l'abri  de  toutes  les  causes  de  nullité  propres 
à  tel  ou  tel  propriétaire  antérieur,  le  certificat  de  charge 
constitue  une  valeur  comparable  à  la  lettre  de  change  et 
au  billet  à  ordre  et  offrant  pour  celui  qui  le  détient,  une 
garantie  de  premier  ordre.  Certains  de  pouvoir  vendre 
leurs  créance  sans  perte,  les  capitalistes  seront  plus  dis- 
posés qu'ils  ne  le  sont  maintenant  à  prêter  à  l'agriculture 
les  subsides  dont  elle  a  besoin.  L'intérêt  de  l'argent  semble 
devoir  baisser.  Le  propriétaire  ne  verra  plus  dans  les 
obligations  hypothécaires  un  contrat  ruineux  par  lequel 
il  s'engage  à  payer  annuellement  un  intérêt  supérieur  à 
celui  qu'il  retire  de  son  exploitation  :  il  empruntera  pour 
apporter  à  sa  culture  toutes  les  améliorations  dont  elle 
est  susceptible. 

En  facilitant  le  développement  du  crédit  hypothécaire, 
((  il  faut  éviter  »,  cependant,  «  que  le  Syndicat  des  capitaux 
ne  centralise  la  dette  des  paysans  pour  les  ramener  au 
s-ervage  et  au  colonage  d'autrefois  par  la  menace  de 
1  éviction  (1)  »;  tout  en  rendant  la  transmission  de  la 
propriété  et  de  ses  démembrements  plus  faciles,  il  ne 
faut  pas  créer  une  classe  de  spéculateurs  n'ayant  aucune 
attache  avec  le  sol,  ne  cherchant  dans  la  propriété  ter- 
rienne qu'un  champ  d'exploitation  pour  leurs  combinai- 
sons financières. 

La  loi  prussienne  de  1872  et  le  nouveau  Code  civil  alle- 
mand n'ont  peut-être  pas  tenu  assez  compte  de  ces  dan- 
gers, lorsqu'ils  ont  reconnu  l'existence,  non  seulement 
d'obligations  hypothécaires   facilement  Iransmissibles, 

(1)  Floitr  de  Saint-Genis,  Comm.  extrap.  du  cad.  Proc.-verb., 
T.  II,  p.  181. 


176      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

mais  encore  de  bons  fonciers  que  le  propriétaire  peut 
tirer  sur  lui-même  et  qui  ne  sont  pas  l'accessoire  d'une 
créance.  La  dette  foncière  allemande  [Grands chuld),  per- 
met ainsi  au  propriétaire  de  spéculer  sur  sa  propriété,  en 
créant  des  titres  fonciers  pour  une  valeur  supérieure  au 
prix  de  l'immeuble,  sans  qu'un  créancier  soit  présent 
pour  discuter  avec  lui  la  valeur  du  gage  qu'il  offre.  Ne 
conférant  au  détenteur  aucun  droit  personnel  contre  le 
propriétaire,  mais  un  simple  droit  réel  sur  l'immeuble, 
elle  n'intéresse  pas  non  plus  d'une  façon  suffisante  le  pro- 
priétaire foncier  au  rembounsement  de  la  créance  et  à  la 
conservation  du  gage  (1). 

La  loi  anglaise,  copiant  d'ailleurs  l'Act  Torrens,  a  été 
semble-t-il  sagement  inspirée,  en  conservant  aux  obliga- 
tions hypothécaires  leur  caractère  ancien  et  en  consa- 
crant l'alliance  du  crédit  personnel  et  du  crédit  réel.  Elle 
a  préféré  n'apporter  à  la  législation  que  les  modifications 
nécessaires  pour  la  mettre  en  accord  avec  les  besoins 
nouveaux,  en  rendant  à  la  fois  meilleures  la  situation  des 
créanciers  et  celle  du  débiteur. 

Pour  les  mesures  d'expropriation,  en  cas  de  non- 
remboursement  à  l'échéance,  la  loi  de  1875  a  adapté  le 
droit  en  vigueur  aux  Livres  fonciers.  Le  créancier  a  le 
choix  entre  trois  partis  :  entrer  en  possession  de  l'immeu- 
ble, poursuivre  la  procédure  de  forclusion,  ou  bien  ven- 
dre cet  immeuble.  L'entrée  en  possession  lui  permet  de 
se  récupérer  sur  les  produits  du  bien  hypothéqué  de  ses 
avances  et  de  ses  frais.  La  forclusion  obtenue  de  justice 
interdit  désormais  au  débiteur  de  demander  au  créancier 
la  restitution  de  son  immeuble,  moyennant  le  rembour- 
sement de  la  créance.  Enfin,  la  vente  permet  au  créan- 
cier d'aliéner  l'immeuble  pour  recevoir  le  montant  de 
son  prêt.  Mais  d'après  les  articles  25,  26  et  27  du  Land 
Transfer  Act  de  1875,  ces  divers  droits  peuvent  par  une 
mention  contraire  portée  sur  le  registre,  être  refusés  au 

(1)  Cf.  Challamel.  Bulletin  de  la  Soc.  de  Lég.  Comp.,  1889, 
p.  451.  Etude  isur  la  partie  du  Projet  du  Code  Civil  allemand 
relative  aux  droits  réels,  et  Comm.  extrap.  du  cad.  Proc.-verb., 
T.  VII,  p.  373. 


Li:s  hypoiiil:oi  i:s  1 1 1 

créancier,  soit  tous  ensemble,  soit  chacun  d'eux  séparé- 
ment. Les  droits  conférés  par  l'emprunteur  au  prêteur 
sont  donc  extrêmement  variables  et  peuvent  modifier  la 
nature  du  contrat.  Une  obligation  hypothécaire  accor- 
dera seulement  au  créancier  le  droit  d'entrer  en  posses- 
sion pour  se  rembourser  de  sa  créance  sur  les  produits 
de  l'immeuble  ;  elle  peut  soumettre  le  droit  de  vente  du 
créancier  à  l'arrivée  d'un  terme  quelconque  ou  exiger  que 
cette  vente  soit  précédée  d'une  sommation  d'avoir  à  payer 
la  somme  due.  De  même,  l'article  30  a  autorisé  la  créa- 
tion d'hypothèques  qui  ne  prendraient  pas  rang  d'après 
leur  date.  Les  créanciers  seraient  amsi  investis  d'un  droit 
de  suite  pour  obtenir  le  remboursement  de  leurs  créances 
mais  ne  pourraient  être  préférés  les  uns  aux  autres.  Ils 
seraient  colloques  au  même  titre  sur  le  prix  de  l'immeu- 
ble en  cas  de  vente,  ou  devraient  exercer  concurremment 
les  divers  droits  accessoires  à  leurs  hypothèques.  Toutes 
modalités  qui  sont  destinées  à  rendre  la  création  de  droits 
réels  plus  facile  et  moins  onéreuse  pour  les  proprié- 
taires et  à  proportionner  plus  exactement  l'importance  du 
gage  à  la  valeur  de  la  créance. 

A  côté  du  mortgage  légal  est  le  mortgage  équitable, 
Toujours  admis  par  les  lois  sur  l'immatriculation  (1),  il 
a  été  rendu  réellement  pratique  et  sûr  par  la  loi  de  1897. 
Le  dépôt  du  certificat,  disait  la  loi  de  IS'^ô,  sera  consi- 
déré comme  l'équivalent  du  dépôt  des  titres  de  pro- 
priété (2).  Si,  en  théorie,  ces  deux  formalités  avaient  la 
même  valeur,  la  sécurité  donnée  par  la  nouvelle  loi 
était  bien  inférieure.  En  effet,  la  législation  n'obligeait 
pas  le  Registrar  à  délivrer  un  certificat,  et  elle  n'astrei- 
gnait pas  le  propriétaire  à  présenter  le  certificat  qui  avait 
été  délivré  au  moment  de  l'enregistremerit  des  ventes  et 
des  hypothèques. 

Une  aliénation  pouvait  donc  avoir  lieu,  sans  que  le 
créancier  mortgagiste  en  vertu  du  dépôt  effectué  en  fût 
averti.  Il  est  vrai  que  les  banquiers  pouvaient  faire  oppo- 

(1)  On  le  retrouve  également  à  Brème  sous  le  nom  de  ((  Hand- 
festen  ». 

(2)  Art.  81. 

L.  12 


178      l'introduction  des   livres   fonciers  en   ANGLETERRE 

sition;  mais  celte  procédure  coûtait,  d'après  le  tarif  de 
1875,  2  sh.  G  pour  1.000  livres  sterlings  et  au-dessus  de 
1.000  livres  sterlings,  6  pence  par  500  livres  sterlings. 
Le  tarif  de  1889  avait  même  porté  ce  droit  à  5  shillings 
jusqu'à  50  livres  sterlings,  10  sh.  jusqu'à  100  livres  ster- 
lings, et  ainsi  de  suite  jusqu'à  100.000  livres  sterlings 
pour  lesquelles  on  payait  59  livres  sterlings.  C'était  exor- 
bitant et  cela  n'offrait  même  pas  une  entière  sécurité 
lorsqu'un  faussaire,  par  exemple,  faisait  en  même  temps 
deux  emprunts  garantis  par  le  dépôt  de  deux  certificats 
semblables  (1). 

Le  bill  de  1894  prévoyait  la  délivrance  d'un  certificat 
spécial  (deposit  certilicate),  lorsqu'on  désirait  s'en  servir 
pour  constituer  un  mortgage  équitable.  La  représenta- 
tion de  ce  certificat  était  obligatoire  à  l'occasion  de  cha- 
que transfert,  alors  que  le  certificat  ordinaire  pouvait  ne 
pas  être  produit.  Ce  projet  marquait  un  progrès  certain, 
mais  la  délivrance  du  certificat  de  dépôt  coûtait  une  cer- 
taine somme  si  la  demande  n'en  était  pas  faite  au  moment 
de  rimmatriculation. 

La  loi  de  1897  s'est  inspirée  des  deux  systèmes  et  de 
l'Act  Torrens  (2)  :  elle  n'a  pas  créé  un  nouveau  certificat; 
elle  a  seulemenf  décidé  qu'un  certificat  foncier  devrait 
toujours  être  établi  et  représenté  lors  de  chaque  inscrip- 
tion nouvehe  sur  le  Livre  foncier.  Désormais,  le  déten- 
teur du  certificat  terrier  sera  presque  certain  qu'aucune 
transaction  ne  pourra  être  conclue  sans  son  consente- 
ment. Du  reste,  pour  avoir  une  sécurité  complète,  le 
prêteur  n'aura  qu'à  donner  avis  au  Registrar  du  dépôt 
effectué  entre  ses  mains.  Cet  avis  aura  tous  les  effets 
d'une  opposition.  Il  sera  mentionné  sur  le  Livre  foncier, 
ne  pourra  être  tenu  pour  nul  qu'avec  le  consentement  de 
celui  qui  l'a  fait  enregistrer,  et  conférera  à  cette  per- 
sonne le  droit  d'être  averti  de  toute  demande  déposée  au 

(1)  Rappelons  que  les  formalités  pour  la  délivrance  des  du- 
plicata de  certificats  étaient  à  cette  époque  beaucoup  moins  ri- 
goureuses que  depuis  1897. 

(2)  Cf.  S.  R.  Torrens,  op.  cit.,  p.  24. 


LES  HYPOTHÈQUES  179 

Land  Registry  aux  fins  d'inscription  (1).  Les  frais  de  cette 
formalité  ont  été  enfin  réduits  à  une  somme  excessive- 
ment minime,  car  Tarticle  22  §  6  le&  a  fixés  à  1  shilling 
au  maximum  (2).  Lorsque  l'immatriculation  de  la  pro- 
priété grevée  a  été  seulement  faite  à  titre  qualifié  ou  pos- 
sessoire,  les  banquiers  continueront  à  exiger  la  produc- 
tion et  le  dépôt  des  titres  antérieurs  à  l'immatriculation. 

Les  desiderata  des  banquiers  sont  donc  satisfaits  par 
la  solution  législative.  Les  frais  sont  très  réduits,  la  rapi- 
dité sera  très  suffisante,  car  l'enregistrement  d'un  avis 
ne  demande  pas  de  longues  formalités,  la  sécurité  sera 
complète,  puisque  le  dépôt  du  certificat  équivaut  en  tous 
points  au  dépôt  des  titres  de  propriété  ;  l'avis  constituera 
pour  le  prêteur  une  garantie  supplémentaire  à  celles  qui 
lui  étaient  données  autrefois  ;  enfin,  comme  les  hypothè- 
ques consenties  dans  les  formes  régulières,  le  mortgage 
par  nantissement,  conférera  au  créancier  un  droit  réel 
opposable  à  tous  les  ayants-droit  se  réclamant  d'un  titre 
postérieur  au  sien. 

A  côté  des  hypothèques,  existent  toutes  les  charges 
foncières  qui  peuvent  grever  un  immeuble  :  les  rentes 
foncières,  annuités,  profits  à  prendre,  etc.  Les  Land 
Transfer  Acts  les  ont  assimilées  aux  mortgages  et  c'est 
donc  dans  les  explications  qui  viennent  d'être  données 
qu'il  faut  rechercher  les  conditions  de  leur  création  et 
leurs  effets. 

Il  nous  reste  à  parler  de  la  radiation  de  ces  divers 
droits  réels.  Le  mortgage  par  nantissement  cesse  par  la 
remise  au  débiteur  du  certificat  terrier;  et  l'avis  inscrit 
sur  le  Livre  foncier  doit  être  annulé  à  la  demande  du 
créancier  ou  du  débiteur;  mais  celui-ci  doit  alors  pro- 
duire un  consentement  du  prêteur. 

La  radiation  des  autres  charges  foncières  a  lieu  géné- 
ralement à  la  requête  du  débiteur,  sur  le  vu  de  justifica- 
tions suffisantes  données  par  lui  au  Registrar  et  l'annula- 

(1)  Art.  8,  §  6,  L.  T.  A.,  1897,  et  art.  243  à  251,  General  Rules. 

(2)  Le  tarif  de  1903  a  fixé  au  maximum  légal,  1  shilling,  le 
coût  de  cette  inscription. 


180      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

lion  de  l'inscription  vaut  preuve  de  l'expiration  de  Fliypo- 
Ihèque  ou  autre  charge  foncière. 

Telle  est  brièvement  résumée  la  nouvelle  législation 
hypothécaire  anglaise.  Elle  ne  constitue  qu'une  adapta- 
tion des  formes  anciennes  du  crédit  réel  à  la  législation 
des  Livres  fonciers.  Mais  cette  adaptation  n'a  pas  été 
sans  modifier,  sur  beaucoup  de  points,  les  pratiques  an- 
térieures et  sans  apporter  d'heureuses  innovations  aux 
formes  jusque-là  usitées.  Facilités  plus  grandes  données 
aux  débiteurs  pour  contracter  des  emprunts,  sécurité 
plus  complète  conférée  aux  créanciers,  tels  sont  les  deux 
principaux  caractères  d'une  réforme  qui  est  loin  d'être 
radicale,  mais  qui  peut  néanmoins  apporter  dans  le  fonc- 
tionnement du  crédit  hypothécaire  d'heureuses  trans- 
formations. Là  encore,  nous  devons  constater  que  la  nou- 
velle législation  ne  donnera  pas  immédiatement  ses  pleins 
effets.  Avant  d'apporter  dans  les  transactions  hypothé- 
caires une  clarté  et  une  sécurité  absolues,  il  faudra 
attendre  que  les  nombreux  titres  possessoires  aient  mûri 
et  puissent  être  considérés  comme  conférant  en  fait  un 
droit  de  propriété  irrévocable.  Néanmoins,  puisque  le 
législateur  anglais  était  dans  l'impossibilité  d'obtenir 
immédiatement  des  résultats  complètement  satisfaisants, 
les  Livres  fonciers  peuvent  rendre  pour  les  nouvelles 
hypothèques  de  grands  services,  en  créant  d'ores  et  déjà 
entre  elles  un  ordre  de  priorité,  et  en  les  soumettant  sans 
exception  à  la  publicité  et  à  la  spécialité,  principes  sans 
lesquels  il  n'existe  pas  de  crédit  hypothécaire  sérieuse- 
ment assis. 


CHAPITRE  IX 

LES  CONVENTIONS  NON  ENREGISTRÉES  RELATIVES  AUX 
PROPRIÉTÉS   IMMATRICULÉES 

Les  lois  sur  l'immatriculation  ont  maintenu  la  possi- 
bilité, pour  le  propriétaire  immatriculé,  de  transmettre 
ou  de  grever  les  immeubles  inscrits  sur  les  Livres  fonciers 
par  des  conventions  non  enregistrées  (1).  Leurs  effets 
sont  régis  pour  partie  par  les  Land  Transfer  Acts  et  pour 
partie  par  le  droit  commun. 

Ces  conventions  comprennent  : 

1**  Tous  les  actes  à  titre  gratuit  passés  dans  les  formes 
prescrites  par  les  lois  sur  l'immatriculation. 

2°  Tous  les  actes  à  titre  onéreux  passés  dans  les  formes 
prescrites  par  les  lois  sur  l'immatriculation,  mais  non 
complétés  par  l'enregistrement. 

3°  Toutes  les  cessions  ou  hypothèques  à  titre  gratuit  ou 
onéreux  qui  n'ont  pas  été  conclues  dans  les  formes  pres- 
crites par  les  lois  sur  l'immatriculation. 

4°  Tous  les  settlements,  baux  et  droits  subsidiaires  que 
les  lois  foncières  ne  donnent  pas  expressément  pouvoir 
au  propriétaire  de  créer. 

Il  faut  examiner  tout  d'abord  les  principes  communs  à 
ces  diverses  conventions. 

Le  propriétaire,  inscrit  sur  le  Livre  foncier  à  la  suite 
de  l'acquisition  à  tilre  onéreux  d'un  immeuble  immatri- 
culé, est  investi  de  la  toute  propriété  et  peut  certainement 
conclure  ces  divers  contrats.  Àlais  les  tiers  avec  lesquels 
il  traite,  courent  un  danger  contre  lequel  le  registre  fon- 
cier ne  leur  donne  aucune  protection  :  le  propriétaire  ins- 
crit peut,  depuis  son  acquisition,  avoir  transmis  sa  pro- 
priété à  une  autre  personne  par  un  acte  non  enregistré 
conclu  en  vertu  de  l'article  49  de  la  loi  de  1875.  Il  a,  par 

(1)  Art.  49,  L.  T.  A.,  1875. 


182      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

exemple,  déjà  fait  une  substitution  ou  consenti  une  hypo- 
thèque. La  possession  légale  se  trouve  par  là  même 
transférée  à  un  fidéicommissaire  ou  à  un  créancier  mort- 
gagiste  qui  peut  n'avoir  pas  jugé  utile  d'être  inscrit  sur 
le  Livre  foncier  ou  de  signifier  au  Bureau  d'Immatricula- 
tion une  opposition  ou  une  restriction.  Si  le  propriétaire 
inscrit  consent  ensuite  une  vente  à  X.  par  acte  non  enre- 
gistré, X.  n'acquiert  aucun  droit  contre  le  fidéicommis- 
saire ou  le  mor [gagiste.  Cet  acquéreur  doit  donc  deman- 
der quelques  preuves  complémentaires  au  propriétaire 
qui  se  propose  de  passer  un  contrat  ne  rentrant  pas  dans 
les  pouvoirs  à  lui  reconnus  par  les  Land  Transfer  Acts. 
Le  complément  d'information  à  recueillir  varie  suivant 
les  cas.  Tantôt  il  suffit  de  s'assurer  que  le  certificat  ter- 
rier est  encore  entre  les  mains  du  propriétaire  ;  car  un 
précédent  ayant-droit  qui  n'aurait  pas  pris  possession  de 
cette  pièce  serait  réputé  négligent  et  perdrait  en  consé- 
quence le  privilège  de  faire  triompher  en  justice  les  droits 
antérieurement  acquis.  Tantôt,  au  contraire,  la  produc- 
tion du  certificat  terrier  ne  constitue  pas  une  preuve  suf- 
fisante, car  le*  propriétaire  peut  avoir  qualité  pour  le  con- 
server par  devers  lui  :  tel  est  le  cas  du  bénéficiaire  viager 
d'un  settlement.  Ces  conventions  restent,  en  somme,  ré- 
gies les  unes  vis-à-vis  des  autres  par  les  principes  juridi- 
ques appliqués  aux  transactions  occultes  et  participent 
de  leur  insécurité. 

Mais  si  les  conventions  conservent,  en  vertu  de  la  loi, 
une  certaine  valeur,  elles  ne  peuvent  prévaloir  contre  les 
inscriptions  valablement  opérées  sur  le  Livre  foncier,  en 
vertu  d'actes  à  titre  onéreux  passés  par  l'immatriculé. 
Les  ayants-droit  en  vertu  de  ces  conventions  doivent  se 
protéger  contre  des  inscriptions  qui  les  léseraient  en  fai- 
sant sur  le  Livre  foncier,  telles  inscriptions,  mentions, 
oppositions,  défenses  ou  restrictions  qui  peuvent  être 
utiles. 

Ceci  dit,  nous  allons  envisager  successivement  les  prin- 
cipaux actes  qui  créent  des  droits  en  dehors  des  Livres 
fonciers  et  nous  indiquerons  comment  ils  peuvent  être 
portés  à  la  connaissance  des  tiers  inscrits  sur  ces  Livres. 


LES  CONVENTIONS  NON  ENREGISTRÉES  183 

§  1.  —  Transmissions  à  titre  gratuit  opérées  conlormé- 
ment  aux  Land  Transler  Acis. 

Lorsque  ces  transferts  concernent  des  biens  immatri- 
culés, le  changement  de  propriétaire  est  le  plus  (souvent 
inscrit  sur  le  registre,  afm  de  rendre  cette  transmission 
opposable  aux  ayants-droit  du  propriétaire  précédent. 
Mais  les  effets  de  l'inscription  ne  sont  pas  aussi  complets 
qu'en  cas  de  transferts  à  titre  onéreux.  Tandis  que,  pour 
ces  derniers,  le  nouvel  immatriculé  n'est  soumis  qu'à 
tous  les  droits,  pouvoirs  ou  charges  mentionnées  sur  le 
Livre  foncier  ou  réservées  conformément  à  la  loi,  l'ayant- 
cause  à  titre  gratuit  est  astreint  à  respecter  tous  les  droits, 
pouvoirs  ou  charges  consenties  en  vertu  de  la  loi  ou  en 
vertu  de  l'équité  par  le  précédent  propriétaire,  même  si 
ces  divers  intérêts  n'ont  pas  été  enregistrés  ou  réservés 
par  une  inscription  sur  le  Livre  foncier.  L'inscription 
peut  être  également  attaquée,  à  raison  de  toutes  les  irré- 
gularités ou  nullités  dont  l'acte  pourrait  être  entaché  (1). 
Elle  ne  saurait  notamment  prévaloir  contre  toute  récla- 
mation basée  sur  ce  que  la  transmission  a  été  opérée  con- 
trairement aux  règles  posées  dans  la  loi  sur  la  faillite  (2) 
ou  sur  ce  qu'elle  a  été  consentie  dans  l'intention  de  se 
soustraire  aux  poursuites  de  créanciers  (3). 

Dans  ces  diverses  hypothèses,  le  registre  peut  être  rec- 
tifié sous  réserve  des  droits  résultant  d'actes  à  titre  oné- 
reux consentis  par  le  propriétaire  indûment  inscrit  (4). 

La  différence  de  traitement  du  cessionnaire  à  titre  gra- 
tuit et  de  l'ayant-droit  à  titre  onéreux,  s'explique  par  la 
nature  des  deux  contrats  intervenus.  L'acquéreur  a 
donné,  en  échange  du  droit  dont  il  a  été  investi,  une  cer- 
taine somme  d'argent.  Le  déposséder  serait  lui  causer 
un  préjudice  et  l'exposer  à  perdre  le  prix  de  son  acqui- 
sition. L'ayant-droit  à  titre  gratuit,   au  contraire,   aug- 

(1)  Articles  35,  38  et  46,  L.  T.  A.,  1875. 

(2)  Cf.  Bankruptcy  Act,  1883,  art.  47. 

(3)  St.  13,  Elizabeth,  c.  5. 

(4)  Art.  95  à  99,  L.  T.  A.,  1875. 


184      l'introduction  de?   LI\RES   fonciers  en  ANGLETERRE 

mente  son  patrimoine  sans  avoir  rien  à  débourser;  il  peut 
avoir  consenti  à  la  transmission  pour  permettre  à  un  dé- 
biteur de  se  soustraire  aux  engagements  qu'il  a  pris.  Sa 
situation  est  donc  moins  intéressante  que  celle  de  l'ac- 
quéreur à  titre  onéreux. 

Sous  ces  réserves,  l'inscription  sur  le  regifStre  du  ces- 
sionnaire  à  titre  gratuit  a  les  mêmes  effets  que  l'inscrip- 
tion d'un  acquéreur  à  titre  onéreux.  L'ancien  propriétaire 
se  trouve  dans  l'impossibilité  de  consentir  de  nouvelles 
aliénations.  De  plus,  le  propriétaire  immatriculé  peut 
désormais  transmettre  ou  grever  le  bien,  conformément 
aux  lois  sur  l'immatriculation.  Les  actes  à  titre  onéreux 
qu'il  fera  seront,  une  fois  inscrits  eux-mêmes  sur  le  Livre 
foncier,  inattaquables  et  conféreront  aux  ayants-droit 
une  entière  sécurité.  Car  si  son  titre  est  entaché  d'un  vice 
quelconque  et  permet  d'exercer  contre  lui  une  action  en 
nullité,  ses  ayants-cause  à  titre  onéreux  sont  exonérés 
de  ce  vice.  La  nullité  n'est  pas,  en  effet,  une  des  nullités 
radicales  qui  autorisent  en  vertu  de  l'art.  7  de  la  loi  de 
1897,  la  rectification  du  Livre  foncier,  mais  une  simple 
nullité  relative  qui  ne  saurait  avoir  d'effets  sur  des  actes 
dûment  enregistrés. 

Les  donations  sont,  sous  le  régime  des  Livres  fonciers, 
exécutées  comme  une  vente  ordinaire.  L'acte  est  passé 
et  le  certificat  remis  au  donataire:  celui-ci  muni  de  ces 
deux  pièces  requiert  son  inscription.  Le  Registrar  y  pro- 
cède après  s'être  assuré  qu'aucune  mention  portée  sur  le 
registre  n'interdit  au  propriétaire  immatriculé  de  con- 
clure un  tel  acte. 

En  cas  de  faillite  ou  de  liquidation  judiciaire,  le  syndic 
peut  être  inscrit  à  la  place  du  propriétaire  déclaré  en 
faillite  ou  liquidé  judiciairement.  Il  doit  produire,  pour 
obtenir  son  inscription,  une  expédition  du  jugement  de 
déclaration  de  faillite  ou  d'homologation  de  la  liquida- 
tion. Désormais,  il  aura  tous  les  pouvoirs  du  propriétaire 
pour  réaliser  l'actif,  afin  de  le  répartir  entre  les  créan- 
ciers (1). 

(1)  Art.  43  et  47,  L.  T.  A.,  1875;  Cédule  1.  L.  T.  A.,  1897  et 
art.  193  à  200,  General  Rules. 


LES  CONVENTIONS  NON  ENREGISTRÉES  185 

A  la  mort  d'un  propriétaire,  le  Registrar  doit  inscrire 
à  la  place  du  de  cuius,  à  la  demande  de  tout  intéressé,  les 
personnes  qui  ont  qualité  pour  être,  d'après  la  loi,  inves- 
ties de  la  propriété  (1).  En  vertu  de  la  loi  de  1875,  le 
Begistrar  devait  rendre,  lorsqu'il  n'y  avait  pas  de  testa- 
ment, un  véritable  jugement  attributif  de  propriété.  Il 
devait  rechercher,  en  effet,  quel  était  l'héritier  qui  avait 
qualité  pour  se  dire  propriétaire  et  pour  se  prétendre 
saisi  de  l'immeuble  par  la  mort  du  de  cuius. 

La  loi  de  1897,  en  créant  des  administrateurs  des  suc- 
cessions ab  intestat,  ayant  les  mêmes  pouvoirs  que  les 
exécuteurs  testamentaires,  a  supprimé  toutes  les  difficul- 
tés qui  se  présentaient  auparavant.  La  responsabilité  des 
attributions  d'immeubles  incombera  maintenant, non  plus 
au  Registrar,  mais  à  ces  administrateurs,  de  même  qu'elle 
incombait  déjà  aux  exécuteurs  testamentaires. 

Lorsque  le  propriétaire  décédé  était  investi  en  son  nom 
propre  de  la  propriété,  les  exécuteurs  testamentaires  ou 
les  administrateurs  de  la  succession  seront  inscrits  à  la 
place  du  de  cnjus  sur  le  vu  du  jugement  d'homologation 
du  testament  ou  des  lettres  d'administration  délivrées 
par  l'autorité  judiciaire  (2). 

Ils  procèdent  ensuite  à  la  liquidation  de  la  succession 
et,  lorsqu'elle  est  terminée,  ils  mettent  les  légataires  parti- 
culiers ou  les  héritieps  en  possession  des  immeubles. 
Ceux-ci  feront  alors  inscrire  à  leur  nom  les  biens-fonds 
immatriculés  (3).  C'est  à  ce  moment  que  le  Registrar  doit 
s'assurer  que  tous  les  droits  ont  été  payés.  Dans  le  cas 
où  certaines  sommes  seraient  encore  dues,  il  devra  le 
mentionner  sur  le  Livre  foncier  {A). 

Le  plus  souvent,  l'ouverture  d'une  succession  compre- 
nant des  droits  immobiliers  ne  donnera  pas  lieu  à  cette 
double  inscription  au  nom  des  administrateurs  ou  exé- 
cuteurs testamentaires  d'abord,  au  nom  de  l'héritier  ou 
légataire  ensuite  ;  la  seconde  inscription  au  nom  de  l'hé- 

(1)  Art.  41,  L.  T.  A.,  1875. 

(2)  Art.  183,  General  Eules. 

(3)  Art.  3,  §  3,  L.  T.  A.,  1897. 

(4)  Art.  210,  General  Rules. 


186      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

ritier  ou  légataire  est  seule  requise;  elle  aura  alors  lieu 
sur  la  production  du  consentement  des  administrateurs 
ou  du  jugement  d'homologation  (1). 

Il  est  probable  que  comme  en  Allemagne  et  en  Autri- 
che, les  mutations  de  propriété  par  décès  ne  seront  opé- 
rées qu'au  moment  où  le  besoin  s'en  fera  sentir;  par 
exemple  à  l'occasion  de  la  vente  d'un  immeuble.  A  ce 
moment,  pour  faire  inscrire  le  nouveau  propriétaire,  il 
sera  nécessaire  de  faire  la  preuve  des  transmissions  suc- 
cessives qui  ont  eu  lieu  depuis  la  dernière  inscription  et 
pour  cela  de  produire  les  probate  ou  les  lettres  d'admi- 
nistration ainsi  que  les  actes  de  délivrance  des  adminis- 
trateurs ou  exécuteurs  testamentaires.  Si  la  dernière  ins- 
cription remonte  à  une  date  assez  éloignée,  ce  qui  peut 
arriver  lorsqu'il  s'agit  d'une  propriété  patrimoniale  con- 
servée de  générations  en  générations  dans  la  même  fa- 
mille, la  preuve  des  droits  deviendra  peut-être  très  diffi- 
cile à  faire.  Il  est  permis  de  se  demander  si  ces  transferts 
ne  seront  pas  un  jour  entravé.s  par  les  preuves  à  fournir 
et  s'il  n'y  aurait  pas  dans  cette  disposition  des  Land 
Transfer  Acts  une  lacune  qui  pourrait  être  comblée. 

§  2.  —  Actes  à  titre  onéreux  passés  dans  les  formes  pres- 
crites par  les  lois  sur  l immatriculation,  mais  non  en- 
registrés. 

Ce  paragraphe  nous  retiendra  très  peu  de  temps.  Nous 
avons,  en  effet,  parlé  des  formes  de  ces  actes  à  l'occasion 
des  ventes  et  des  hypothèques.  Quant  à  leurs  effets,  il  y 
a  lieu  de  distinguer  les  droits  conférés  par  actes  enregis- 
trés et  les  droits  conférés  par  les  actes  occultes.  Vis-à-vis 
des  premiers,  le  bénéficiaire  n'aura  aucun  recours,  s'il 
n'a  pas  réservé  ses  propres  droits  par  une  opposition  ou 
une  restriction  inscrite  au  Livre  foncier.  Vis-à-vis  des 
droits  acquis  en  vertu  d'actes  occultes,  il  aura  qualité 
pour  faire  valoir  ses  titres,  si  le  propriétaire  inscrit  pas- 
sait  postérieurement   d'autres   contrats,    contraires   au 

(1)  Art.  185,  General  Eules. 


LES  CONVENTIONS  NON  ENREGISTRÉES  187 

premier.  Il  se  trouvera  alors  dans  la  situation  de  l'acqué- 
reur ou  du  créancier  mortgagiste,  en  vertu  de  conventions 
ordinaires,  situation  examinée  au  début  de  ce  chapitre. 

§  3.  —  Conventions  à  titre  gratuit  ou  onéreux  qui  n'ont 
pas  été  conclues  dans  les  formes  prescrites  par  les 
Land  Transfer  Acts. 

Ces  conventions  sont  entièrement  régies,  tant  par  les 
lois  que  par  la  jurisprudence  relatives  aux  transactions 
occultes.  Pour  pouvoir  être  opposées  à  des  ayants-droit 
à  titre  onéreux,  elles  doivent  avoir  fait  l'objet,  comme 
dans  le  paragraphe  précédent,  d'oppositions,  de  défenses 
ou  de  restrictions  avertissant  les  tiers  qui  voudraient, 
postérieurement  à  leur  conclusion,  faire  inscrire  d'au- 
tres actes  sur  le  Livre  foncier. 

§  4.  — Baux,  settlements  et  autres  droits  subsidiaires  que 
les  lois  loncières  ne  donnent  pas  expressément  pouvoir 
au  propriétaire  de  créer. 

L'immatriculation  d'un  freehold  ou  d'un  leasehold  n'a 
aucun  effet  sur  la  forme  des  baux,  ni  sur  leur  validité. 
Le  pouvoir  de  concéder  des  baux  n'appartient  pas  néces- 
sairement, en  Angleterre,  au  propriétaire  inscrit  sur  le 
Livre  foncier.  Lorsqu'un  bien  est  grevé  de  substitution 
notamment,  l'immatriculé  ne  peut  pas  le  plus  souvent 
donner  la  terre  en  location. 

Il  importe  cependant  de  protéger,  d'une  part,  les  béné- 
ficiaires de  baux  contre  les  actes  du  propriétaire  imma- 
triculé, et  de  l'autre,  d'avertir  les  ayants-droit  de  ces 
propriétaires  de  l'existence  des  baux  qui  ont  été  consen- 
tis. En  effet,  le  louage  de  biens  immobiliers  se  ressent  de 
la  constitution  féodale  de  la  propriété  anglaise  et  revêt  le 
caractère  de  véritables  contrats  emphytéotiques  soumis 
à  certains  services  fonciers.  Assez  rares  sont  en  Allema- 
gne les  baux  à  très  longue  échéance.  Le  décret  des  18-29 
décembre  1790  (article  V^),  a  interdit,  en  France,  de  con- 
sentir un  bail  pour  une  durée  supérieure  à  99  ans  ou  su- 


^88      l'introduction  des   livres   fonciers   en   ANGLETERRE 

bordonné  à  plus  de  trois  vies  humaines.  En  Angleterre, 
au  contraire,  il  existe  des  locations  assez  nombreuses  su- 
bordonnées à  plusieurs  vies  humaines  ou  à  une  durée  de 
999  ans  :  contrat  surtout  usité  pour  la  construction  sur  le 
sol  d'autrui  (œdilicatio  inaUeno  solo  ou  building  lease). 
Quant  aux  locations  de  99  ans  pour  l'édification  de  mai- 
sons, de  60  ans  pour  l'exploitation  de  mines,  ils  sont  en 
quelque  .sorte  d'un  usage  courant  dans  la  pratique  juri- 
dique. 

Les  lois  de  publicité  se  sont  toujours  occupées  de  ces 
baux  de  longue  durée,  car  ils  constituent  une  restriction 
du  droit  du  propriétaire  qui,  tant  qu'ils  existent,  ne  peut 
jouir  comme  il  l'entend  de  son  immeuble.  Il  fallait  donc 
porter  à  la  connaissance  des  tiers  acquéreurs  l'existence 
de  semblables  contrats. 

Que  fallait-il  entendre  par  baux  de  longue  durée.  La 
loi  belge  décide  que  doivent  être  considérés  comme  tels 
ceux  qui  ont  été  consentis  pour  plus  de  9  ans.  La  loi 
française  du  23  mars  1855  a  fixé  à  18  ans  la  durée  minima 
des  locations  qui  doivent  être  transcrites.  Les  articles 
18  et  50  de  la  loi  de  1875  décident  que,  pour  être  oppo- 
sables aux  tiers  acquéreurs,  les  baux  devront  être  men- 
tionnés sur  le  registre,  si  leur  durée  est  subordonnée  à 
une  ou  plusieurs  vies  humaines  ou  excède  21  ans.  Les 
locations  de  18  ans  en  France  sont  tout  à  fait  anormales, 
celles  de  21  ans  en  Angleterre  sont  les  plus  longues  qui 
soient,  en  général,  usitées  pour  les  biens  agricoles  ou  les 
immeubles  urbains.  Les  lois  foncières  paraissent  donc 
n'avoir  voulu  prescrire  la  mention  des  baux  sur  les  Livres 
fonciers  que  dans  des  cas  exceptionnels.  Cependant,  les 
locations,  mêmes  consenties  pour  moins  de  18  ou  21  ans, 
peuvent  causer  un  sérieux  préjudice  à  l'acquéreur,  dont 
la  jouissance  se  trouve  contrariée  par  l'existence  du  bail 
en  cours.  Sans  aller  jusqu'aux  dispositions,  peut-être 
trop  rigoureuses  des  décrets  coloniaux  français  qui 
exigent  l'inscription  des  baux  de  plus  de  3  ans  (1),  la 

(1)  V.  notamment  art.  183  du  décret  du  16  juillet  1897,  pour 
Madagascar;  art.  41  'h\  H'^^ret  du  28  mars  1899,  pour  le  Congo 
français. 


LES  CONVENTIONS  NON  ENREGISTRÉES  189 

législation  belge  semble  avoir  tenu  suffisamment  compte 
des  intérêts  des  tiers,  en  fixant  à  9  ans, la  période  maxima 
pour  laquelle  aucune  transcription  n'est  requise. 

Toutefois,  la  législation  anglaise,  qui  s'est  montrée 
trop  peu  sévère  pour  les  contrats  emphytéotiques  à  long 
terme,  a  introduit,  pour  les  baux  de  moins  de  21  ans,  une 
distinction  qui  enlève  à  la  critique,  dont  elb  est  l'objet, 
une  grande  partie  de  sa  force.  Elle  soumet,  en  effet,  à  la 
formalité  de  l'inscription,  les  locations  de  moins  de  vingt 
et  un  ans,  lorsqu'il  n'y  a  pas  occupation  en  vertu  de  ces 
locations.  Cette  prescription  se  trouvait  déjà  formulée 
dans  la  loi  prussienne  de  1872.  Les  locations  ne  devaient 
être  inscrites,  en  vertu  de  l'art.  12  de  cette  loi,  que  s'il 
n'y  avait  pas  prise  de  possession  de  l'immeuble  par  le 
locataire.  En  effet,  lorsqu'il  y  a  occupation,  une  simple 
visite  des  lieux  suffit  pour  se  rendre  compte  de  l'exis- 
tence d'une  location  et  lacquéreur,  ainsi  averti,  peut  s'en- 
quérir auprès  du  vendeur  de  la  durée  et  des  conditions 
du  bail  consenti.  Au  contraire,  lorsqu'il  n'y  a  pas  occu- 
pation, la  publicité  du  contrat  est  le  seul  moyen  donné  à 
l'acquéreur  d'en  connaître  la  passation  et  les  termes.  Le 
législateur  anglaiis  avait  subordonné  l'obligation  d'ins- 
crire les  baux  à  une  durée  trop  longue  de  ceux-ci  ;  il  a 
apporté,  par  cette  nouvelle  disposition,  un  correctif  né- 
cessaire et  suffisant  aux  prescriptions  qu'il  venait  d'édic- 
ter. 

Le  preneur  doit,  pour  faire  inscrire  la  mention  de  ses 
droits  sur  le  Livre  foncier,  produire  la  convention  et  une 
copie  certifiée  de  celle-ci,  un  plan  de  l'immeuble  loué 
ainsi  que  le  consentement  écrit  du  propriétaire  immatri- 
culé. Si  le  propriétaire  immatriculé  se  refuse  à  permettre 
qu'il  soit  procédé  à  l'inscription,  le  preneur  peut  s'adres- 
ser à  la  Cour,  en  vue  d'obtenir  l'autorisation  de  faire 
mentionner  l'existence  de  son  bail  sur  le  Livre  foncier. 
Après  examen  de  la  demande,  la  Cour  peut,  par  une 
ordonnance,  prescrire  au  Registrar  de  passer  outre  au 
refus  du  propriétaire  immatriculé.  La  mention  faite  sur 
le  registre  indique  seulement  la  durée  et  les  principales 
conditions  de  la  location,  se  référant  pour  le  reste  à  la 


190      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

copie  certifiée  du  bail  et  au  plan  y  annexé  qui  sont  con 
serves  au  Bureau  d'immatriculation  (1). 

La  mention  du  bail  sur  le  Livre  foncier  ne  confère  au 
preneur  aucun  autre  droit  que  ceux  qu'il  peut  avoir  en 
vertu  de  son  contrat.  La  validité  du  bail  lui-même  dépend 
en  effet  du  pouvoir  du  bailleur  à  le  concéder  ;  or,  le  re- 
gistre foncier  ne  peut  pas,  ainsi  que  nous  l'avons  vu, 
donner  l'assurance  que  le  propriétaire  immatriculé 
bailleur  a  qualité  pour  faire  une  telle  convention  :  celle-ci 
en  effet  ne  rentre  pas  dans  la  catégorie  des  actes  qui  lui 
sont  réservés  par  les  Land  Transler  Acts.  Le  preneur 
doit  donc  ne  pas  se  fier  complètement  aux  énonciations 
du  Livre  foncier  et  rechercher  si  le  propriétaire  imma- 
triculé peut  lui  concéder  un  bail  ou  s'il  ne  s'est  pas  déjà 
dessaisi  du  droit  de  le  concéder  en  faveur  d'une  tierce 
personne.  La  mention  du  bail  ne  sauvegarde  les  droits 
du  preneur  que  contre  les  actes  faits  par  le  propriétaire 
en  vertu  de  ses  pouvoirs  légaux  et  dûment  enregistrés. 

Les  lois  sur  l'immatriculation  ont  ainsi  tenu  compte 
des  situations  juridiques  toutes  spéciales  qui  se  rencon- 
trent dans  le  droit  civil  anglais,  de  ces  démembrements 
de  propriété  qui  enlèvent  au  propriétaire  apparent  la  plu- 
part de  ses  privilèges  pour  les  confier  à  des  tiers  fidéi- 
commissaires  ou  bénéficiaires. 

La  constitution  des  settlements,  qui  ne  rentre  pas  non 
plus  dans  les  pouvoirs  spéciaux  des  propriétaires  imma- 
triculés, est  soumise  à  toutes  les  règles  de  la  législation 
antérieure.  La  propriété  grevée  peut  être  inscrite  au  nom 
du  bénéficiaire  viager,  des  fidéicommissaires  ou  de  ceux 
qui,  en  vertu  de  l'acte,  peuvent  posséder  sur  ce  bien  le 
droit  d'en  disposer.  La  protection  dés  droits  créés  par  la 
substitution  a  lieu  par  mention  sur  le  Livre  foncier  de 
toutes  défenses  ou  restrictions  utiles.  Le  fidéicommis- 
saire,  ou  à  son  défaut  le  Registrar,  est  chargé  de  veiller 
à  l'accomplissement  de  cette  formalité.  Le  plus  souvent 
l'acte  de  settlement  ou  une  copie  certifiée  est  déposée  au 

(1)  Art.  50  et  51,  L.   T.  A.,  1875,  et  art.  201  à  206,  General 
Rules. 


LES  CONVENTIONS  NON  ENREGISTRÉES  191 

Bureau  d'immatriculation,  afm  de  permettre  aux  inté- 
ressés de  s'y  référer  lorsqu'ils  le  jugent  à  propos.  Mais 
le  dépôt  de  l'acte  de  settlement  ne  saurait  avoir  pour  effet 
d'entacher  de  nullité  l'inscription  d'un  ayant-droit  à  titre 
onéreux  qui  n'aurait  pas  été  averti  par  une  mention 
expresse  sur  le  Livre  foncier  des  restrictions  apportées 
par  la  substitution  aux  pouvoirs  du  propriétaire  imma- 
triculé (1). 

La  loi  civile  anglaise  reconnaît  enfin  deux  droits  via- 
gers d'une  nature  spéciale  :  le  douaire  et  la  courtoisie. 

Le  douaire  est  un  usufruit  reconnu  au  profit  de  la 
femme  sur  le  tiers  des  biens  du  mari.  Le  contrat  de 
mariage  ou,  en  son  absence,  un  acte  entre  vifs  ou  testa- 
mentaire peut  modifier  cette  proportion.  Le  douaire  doit 
être  garanti  par  une  inscription  sur  le  Livre  foncier  con- 
tre les  transmissions  ou  hypothèques  contractées  par 
l'immatriculé. 

La  courtoisie  (tenure  by  the  courtesy  ol  England)  est 
un  droit  viager  sur  les  biens  de  la  femme,  droit  concédé 
au  mari  qui  a  eu,  au  cours  de  son  mariage,  un  enfant  né 
vivant.  A  la  différence  du  droit  de  douaire,  la  courtoisie 
confère  au  bénéficiaire  le  pouvoir  de  vendre  les  immeu- 
bles sur  lesquels  elle  existe.  Le  mari  survivant  peut  donc 
demander  à  être  inscrit  sur  le  Registre  terrier  aux  lieu 
et  place  de  sa  femme.  Dans  ce  cas,  mention  doit  être  faite 
de  telles  défenses  ou  restrictions  qui  peuvent  être  utiles 
pour  avertir  les  tiers  de  l'existence  de  la  courtoisie. 

Mais  le  bénéficiaire  se  contente  le  plus  souvent  de 
réserver,  par  une  inscription  semblable  à  celle  opérée  en 
cas  de  douaire,  les  droits  qu'il  peut  faire  valoir  sur  les 
immeubles  immatriculés  (2). 

Tels  sont  les  moyens  donnés  par  les  Land  Transfer 
Acts  aux  divers  intéressés  pour  porter  à  la  connaissance 
des  tiers  un  certain  nombre  d'actes  ou  de  faits  de  nature 
à  leur  conférer  des  droits  sur  les  propriétés  inscrites  au 

(1)  Art.  6,  §  3,  6  et  7,  L.  T.  A.,  1897. 

(2)  Art.  52,  L.  T.  A.,  1875.  V.  pour  le  douaire  et  la  courtoi- 
sie, Lehr,  op.  cit.,  p.  104. 


192      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

Livre  foncier.  La  reconnaissance  légale  de  la  validité 
de  ces  conventions,  présente  plusieurs  inconvénients. 
Elle  tend  à  perpétuer  l'existence  des  transactions  occul- 
tes que  tout  le  monde  est  unanime  à  condamner,  mais 
que  les  hommes  de  loi,  routiniers  et  conservateurs,  con- 
seilleront longtemps  encore  d'employer.  Elle  maintient 
ainsi  dans  la  circulation  générale  des  droits  de  propriété 
peu  sûrs  et  paralyse  les  effets  de  la  réforme  précédem- 
ment adoptée. 

De  plus,  elle  peut  avoir  sur  la  constitution  et  le  fonc- 
tionnement des  Livres  fonciers  les  plus  déplorables  effets. 
L'une  des  qualités  par  lesquelles  se  recommande  le  Re- 
gistre terrier  est  la  possibilité  de  connaître,  par  la  simple 
inspection  du  feuillet,  les  droits  du  propriétaire  et  l'éten- 
due de  sa  propriété.  Les  mentions,  les  restrictions,  les 
défenses  et  les  oppositions  sont,  semble-t-il,  de  nature 
à  rendre  les  recherches  plus  difficiles  et  plus  longues. 
Plus  difficiles,  car  il  faudra  en  déterminer  la  portée  et 
se  référer  à  des  actes,  dont  le  contexte  n'est  pas  indiqué 
sur  le  feuillet  ;  plus  longues,  car  elles  impartissent,  pour 
la  plupart,  des  délais  à  observer  en  même  temps  qu'elles 
contraignent  les  parties  à  prendre  à  l'extérieur  des  ren- 
seignements indispensables. 

Le  Livre  foncier  idéal  devrait  permettre,  sur  simple 
production  du  certificat  terrier  et  après  constatation  de 
la  concordance  de  ce  document  et  du  Livre  foncier,  la 
conclusion  immédiate  de  la  vente  ou  de  l'hypothèque.  Le 
Livre  foncier  anglais  est  loin  d'aboutir  à  une  pareille  sim- 
plicité. Il  est  vrai  qu'il  fallait  tenir  compte  de  l'existence 
de  multiples  droits  aux  formes  les  plus  variées,  aux  con- 
séquences les  plus  imprévues,  aux  manifestations  les  plus 
complexes.  Le  droit  civil  anglais^  plus  qu'aucun  autre 
droit,  rendait  délicate  la  tâche  d'un  législateur  qui  vou- 
lait, sans  rompre  avec  des  tradictions  en  quelque  sorte 
sacro-saintes,  faire  cadrer  le  nouveau  régime  avec  les 
institutions  anciennes. 

En  conférant  à  l'immatriculé  un  pouvoir  très  étendu  et 
en  reconnaissant  la  validité  erga  omnes  des  contrats  à 
titre  onéreux  passés  par  lui,  les  Land  Transfer  Acts  ont 


LES  CONVENTIONS  NON  ENREGISTRÉES  193 

déjà  gravement  modifié  la  législation  antérieure.  D'im- 
portants effets  peuvent  en  être  attendus,  non  seulement 
pour  le  fonctionnement  des  Livres  fonciers,  mais  aussi 
pour  la  transformation  des  mœurs  juridiques  du  pays. 
Le  libre  exercice,  par  le  propriétaire,  des  pouvoirs  à  lui 
conférés  par  les  lois  foncières,  paraîtra  bientôt  au  public 
être  la  situation  normale  de  la  propriété.  Une  évolution 
lente  et  une  éducation  progressive  feront  peut-être  dis- 
paraître peu  à  peu  ces  démembrements  étranges  des 
droits  immobiliers  qui  rendaient  autrefois  si  difficiles  les 
transmissions  et  qui  ont  contraint  le  législateur  de  1875 
et  de  1897  à  apporter  à  sa  réforme  des  tempéraments 
qui  l'ont,  sur  certains  points,  défigurée.  Alors,  le  Livre 
foncier  anglais,  débarrassé  de  toutes  les  entraves  ac- 
tuelles, égalerait  en  clarté  et  en  simplicité  les  Livres 
fonciers  des  autres  pays. 


i'd 


CHAPITRE  X 

LA   PRESCRIPTION   ET    LES   LIVRES    FONCIERS. 

Les  lois  civiles  anglaises  admettaient  encore  un  moyen 
d'acquérir  la  propriété  :  la  prescription.  La  prescription 
était  acquisitive  lorsqu'elle  établissait  sur  une  propriété 
des  droits  jusqu'alors  inexistants  ;  elle  était  libératoire, 
lorsqu'elle  faisait  disparaître  des  charges  grevant  la  pro- 
priété. 

Des  raisons  pratiques  militent  en  faveur  de  ce  mode 
d'acquisition  ou  de  libération  de  la  propriété  dans  un 
système  de  transactions  occultes.  La  possession  certaine 
et  prolongée  est,  en  effet,  la  base  la  plus  fréquente  des 
droits  de  propriété  sur  un  immeuble.  La  prescription 
permet  de  repousser  les  revendications  diverses  en  invo- 
quant la  continuité  et  la  durée  de  cette  possession.  Elle 
n'a  pas  été  accordée  en  faveur  du  détenteur  qui,  il  faut 
bien  le  dire,  soustrait  par  des  moyens  plus  ou  moins  lé- 
gaux une  partie  de  ses  biens  au  véritable  propriétaire. 
Elle  a  été  concédée  exclusivement  dans  l'intérêt  des  tiers 
de  bonne  foi  qui  sont  mis  ainsi  à  l'abri  de  procès  rui- 
neux, soit  qu'ils  se  voient  contester  leurs  titres,  soit 
qu'ils  soient  poursuivis  en  exécution  d'engagements  pris 
par  les  propriétaires  antérieurs.  Le  principe  qui  a  fait 
admettre  la  prescription  repose  donc  sur  un  intérêt  gé- 
néral, sur  la  nécessité  de  prévenir  les  débats  judiciaires 
en  même  temps  que  sur  l'utilité  de  libérer  les  biens-fonds 
de  charges  qui  en  diminuent  la  valeur  et  en  restreignent 
la  jouissance. 

Mais  les  motifs,  que  l'on  peut  faire  valoir  en  faveur  de 
la  prescription,  perdent  singulièrement  de  leur  force  lors- 
que les  transactions  immobilières  reposent  sur  les  Li- 
vres fonciers.  Toute  convention  doit  avoir  été  inscrite 
pour  être  opposable  aux  propriétaires  de  bonne  foi,  et 
l'inscription  vaut  titre  en  matière  immobilière,  comme  la 


LA  PRESCRIPTION  ET  LES  LI\  RES  FONCIERS  195 

possession  des  meubles  vaut  titre  en  matière  mobilière. 
La  publicité  attachée  aux  Livres  fonciers,  la  certitude 
conférée  par  eux  rendent  inutile  la  consécration  d'une 
base  différente  des  droits  de  propriété,  d'un  mode  d'ac- 
quisition ou  de  libération  juxtaposé  au  régime  des  con- 
trats reconnus  par  la  loi.  L'on  peut  même  dire  que  la  pres- 
cription ne  devient  pas  seulement  superflue  grâce  à  l'im- 
matriculation, mais  qu'elle  est  encore  destructrice  de  ses 
effets.  ((  Ce  ne  serait  pas  la  peine,  a-t-il  été  dit,  d'avoir  mis 
un  terme  à  tant  d'incertitudes,  à  tant  d'inconvénients 
pour  laisser  subsister  précisément  le  plus  criant  des 
abus  visés,  la  destruction  de  la  propriété  mise  à  la  merci 
d'une  invasion  sûrement  indue  ;  c'est  c|ue,  pour  parler 
anglais  si  vous  le  permettez,  le  possesseur  est  un  outlaw 
et  qu'étant  par  nature  hors  le  droit,  hors  le  droit  il  doit 
rester.  C'es«t  qu!enfin  l'inscription  ayant  été  imaginée 
pour  servir  d'abri  à  ceux  qui  y  recourent  et  qui  peuvent 
y  prétendre,  elle  doit  se  montrer  inexorable  vis-à-vis  de 
ceux  qui  cherchent  nécessairement  en  dehors  d'elle  le 
point  d'appui  de  leurs  prétentions  (1).  »  Avec  l'immatricu- 
lation, il  n'y  a  plus  que  des  possesseurs  de  mauvaise  foi 
car  tout  le  monde  peut  consulter  le  Livre  foncier  et  con- 
naître le  véritable  propriétaire.  La  nouvelle  législation 
ne  pouvait  donc  pas  conserver  une  institution  contraire 
à  la  fois  aux  nouveaux  principes  établis  par  elle  et  à  la 
moralité  des  transactions. 

L'article  12  de  la  loi  de  1897  supprime  la  prescription: 
((  Un  titre  à  la  propriété  d'une  terre  enregistrée  contraire 
ou  dérogeant;  au  titre  du  propriétaire  inscrit  ne  sera 
acquis  par  aucune  prescription.  Le  propriétaire  inscrit 
peut,  à  toute  époque,  faire  procéder  à  une  inscription 
ou  intenter  une  action  de  nature  à  le  remettre  en  posses- 
sion de  son  immeuble.  » 

Aucune  personne  ne  peut  donc  se  réclamer  d'une  pres- 
cription commencée  postérieurement  à  l'immatriculation 
d'un  immeuble. 

Il  y  a  lieu  cependant  de  distinguer  quels  sont  les  droits 

(1)  WoRMS,  Comm.  oxtrap.  du  cad.  Proc.-rerb.,  T.  II,  p.  637. 


100     l'introduction  des  Livres  fonciers  en  Angleterre 

qui  ont  été  prescrits.  L'immatriculation,  ainsi  qu'il  a  été 
dit,  ne  garantit  pas  le  plus  souvent,  les  limites  de  la  pro- 
priété. Celles-ci  sont  exceptées  des  effets  de  l'inscription 
sur  le  Livre  foncier.  Il  en  résulte  que  les  propriétaires 
voisins  peuvent  continuer  à  modifier  par  une  possession 
de  longue  durée  les  tenants  et  les  aboutissants  de  leurs 
immeubles.  Néanmoins,  si  les  limites  avaient  été,  ainsi 
que  cela  est  possible,  exactement  déterminées  au  mo- 
ment de  l'immatriculation  ;  elles  jouiraient  de  la  même 
imprescriptibilité  que  les  autres  parties  de  l'immeuble. 
Tout  redressement  de  limites  devra  être  dans  ce  cas  con- 
signé sur  le  registre,  ce  qui  mettra  fm  à  la  pratique  fré- 
quemment usitée  par  les  propriétaires  d'échanger  pour 
les  rectifications  de  délimitation  une  simple  promesse  que 
la  prescription  se  chargeait  de  rendre  valable  :  source 
de  procès  d'autant  plus  difficiles  à  juger  que  les  titres 
faisaient  défaut. 

Mais  la  date  à  partir  de  laquelle  la  prescription  est 
invoquée,  peut  remonter  à  une  période  antérieure  à  l'im- 
matriculation. Il  y  a  lieu  dans  ce  cas  de  combiner  les 
dispositions  de  l'aiiicle  12,  d'une  part,  avec  les  disposi- 
tions de  l'article  18,  §  7,  de  la  loi  de  1875,  modifié  par  la 
cédule  1  de  la  nouvelle  loi.  En  effet,  en  vertu  de  ce  der- 
nier texte,  sont  réservés,  au  moment  de  l'immatriculation, 
les  droits  acquis  ou  en  instance  d'être  acquis  en  vertu  des 
lois  sur  la  prescription  (1).  La  loi  de  1897  a  en  consé- 
quence prévu  que  dans  le  cas  où  le  propriétaire  imma- 
triculé laisserait,  sans  protester  et  faire  valoir  ses  droits, 
s'accomplir  la  durée  normale  de  la  prescription,  le  pos- 
sesseur qui  aura  prescrit  pourra  demander  la  rectifica- 
tion du  Livre  foncier  et  faire  transférer  à  son  nom  la 
propriété  prescrite.  Cette  règle  souffre  toutefois  une  ex- 
ception. Si  le  propriétaire  inscrit  consent  une  cession  à 
titre  onéreux  avant  la  fm  de  la  prescription,  l'acte  ainsi 
passé  et  enregistré  aura  pour  effet  d'interrompre  la  pres- 
cription et  empêchera  désormais  d'intenter  toute  action 
en  revendication  basée  sur  une  possession  de  longue  du- 

(1)  Real  Property  Limitation  Acts,  1833  et  1874. 


LA  PRESCRIPTION  ET  LES  LIVRES  FONCIERS  197 

rée.  L'acquéreur  à  titre  onéreux  ne  peut,  en  effet,  d'après 
les  Land  Transfer  x\cts,  se  voir  opposer  que  les  droits 
inscrits  sur  le  Livre  foncier. 

La  'prescription  ne  peut  donc  plus  être  considérée 
comme  un  moyen  juridique  d'acquisition  de  la  propriété; 
sa  suppression  en  Angleterre,  est  conforme  au  principe 
de  l'incommutabilité  des  Livres  fonciers  et,  avant  la  loi 
anglaise  la  plupart  des  législations  étrangères,  avaient 
décrété  son  abolition  (1).  Il  y  a  lieu  toutefois  de  remar- 
quer que  Tun  des  pays  où  les  registres  d'immeubles  ont 
été  le  plus  anciennement  établis,  l'rVutriche,  a  maintenu 
le  principe  de  la  prescription  et  a  prévu  les  formalités 
nécessaires  pour  permettre  la  rectification  des  registres 
terriers  (2). 

Cette  disposition  est  basée  sans  doute  sur  l'idée  que 
le  propriétaire  qui  abandonne  son  bien  au  premier  oc- 
cupant, n'est  pas  intéressant  et  que  le  possesseur  même 
de  mauvaise  foi,  qui  fait  rapporter  à  la  terre  ce  qu'elle 
est  capable  de  produire,  mérite,  dans  l'intérêt  général, 
d'être  l'objet  d'une  certaine  protection.  Néanmoins,  le 
Livre  foncier  est  destiné  non  seulement  à  donner  une  as- 
siette solide  à  la  propriété,  mais  aussi  à  prévenir  le  plus 
possible  les  litiges  que  la  jouissance  des  biens-fonds  peut 
faire  naître.  Permettre  à  certaines  personnes  d'entrer  en 
lutte  «  avec  les  positions  que  la  comptabilité  assigne  et 
au  besoin  éternise  (3)  »,  est  ouvrir  de  nouveau  à  ces  con- 
testations la  porte  du  prétoire  et  restreindre  les  services 
que  les  Livres  fonciers  sont  appelés  à  rendre. 

(1)  V.  Code  prussien  de  1794.  l^^-^  Partie,  ch.  9,  art.  500  à  669; 
loi  prussienne  du  5  mai  1872,  art.  6  et  7  ;  loi  saxonne  n°  63 
de  1843,  art.  2;  art.  39,  D.,  28  mars  1899  pour  le  Congo  français. 

(2)  V.  Loi  du  25  juillet  1871,  art.  69  et  70  consacrant  les  ar- 
ticles 1451  à  1500  du  Code  Civil  de  1811. 

(3)W0RMS,  Comm.  extrap.  du  cad.  Proc.-verb.,  T.  Il,  p.  524. 


CHAPITRE  XI 


LE    FONDS   D  ASSURANCE 


L'immatriculation  des  immeubles  ou  les  inscriptions 
postérieures  peuvent  léser  les  intérêts  des  propriétaires 
ou  de  leurs  ayants-droit.  Tantôt  l'omission  d'une  forma- 
lité quelconque,  le  retard  apporté  par  le  conservateur 
à  faire  une  inscription  détermineront  une  perte  pécu- 
niaire ;  tantôt  un  concours  de  circonstances  malheureu- 
ses mettront  en  défaut  la  perspicacité  la  plus  clairvoyante 
ou  rendront  inutiles  les  plus  rigoureuses  prescriptions; 
tantôt  enfin,  un  habile  faussaire  trompera  les  fonction- 
naires du  bureau  d'immatriculation  par  la  production  de 
documents  supposés.  Bien  que  la  nouvelle  procédure  ap- 
porte dans  Jes  transactions  immobilières  une  sécurité 
jusqu'alors  inconnue,  il  subsiste  un  minimum  de  chances 
d'erreur  avec  lequel  il  faut  vivre  et  qu'aucune  mesure  lé- 
gislative ne  saurait  prévenir. 

Des  propriétaires  qui  ont  demandé  l'immatriculation 
de  leurs  propriétés,  des  contractants  qui  ont  requis  con- 
formément à  la  loi  leur  inscription  sur  le  Livre  foncier 
peuvent  se  voir  priver  de  la  jouissance  de  droits  qu'ils 
avaient  légitimement  acquis.  Le  principe  de  l'incommu- 
tabilité  des  mentions  portées  sur  les  registres  immobi- 
liers leur  interdit,  en  effet,  d'intenter  une  action  en  re- 
vendication des  droits  dont  ils  sont  dépossédés.  Une  sim- 
ple action  personnelle  contre  l'auteur  du  préjudice  leur 
est  donnée  pour  se  récupérer  de  la  perte  qu'ils  subissent, 
réparation  souvent  illusoire  car  ils  se  trouveront  en  pré- 
sence d'un  insolvable  ou  ils  se  heurteront  à  la  difficulté 
de  prouver  la  responsabilité  de  celui  qu'ils  attaquent; 
moyen  même  quelquefois  impossible,  car  l'erreur  initiale 
n'a  pas  été  commise  par  un  particulier,  mais  est  le  fait 
d'un  des  fonctionnaires  chargés  de  la  tenue  des  Livres 
fonciers. 


LE    FONDS   d'aSSIRAXCE  199 

Fallait-il  laisser  les  propriétaires  dans  cette  situation 
fâcheuse  ?  Après  leur  avoir  promis  monts  et  merveilles, 
fallait-il  se  retrancher  derrière  l'imperfection  propre  à 
toute  œuvre  humaine  pour  excuser  les  défauts  révélés 
par  la  pratique  et  pour  abandonner  à  leur  malheureux 
sort  ceux  qu'un  hasard  regrettable  aurait  frappés  ?  N'y 
avait-il  pas  lieu  surtout  de  prévoir  que  les  fautes  commi- 
ses par  les  conservateurs  dans  l'exercice  de  leurs  fonc- 
tions ouvriraient  aux  intéressés  le  droit  d'intenter  une 
action  en  dommages-intérêts  contre  ceux-ci  ? 

La  législation  d'Autriche-Hongrie  n"a  pas  cru  possible 
de  rendre  responsables  de  leurs  actes  les  conservateurs; 
ces  fonctionnaires  judiciairey  participent  à  l'immunité 
conférée  aux  membres  des  tribunaux.  Leurs  décisions 
sont  assimilées  aux  autres  jugements  et  comme  tels  ne 
donnent,  à  ceux  qui  sont  lésés,  droit  à  aucune  indemnité 
en  cas  d'erreur. 

Mais  la  plupart  des  autres  lois  foncières  n'ont  pas 
suivi  cet  exemple.  Sans  rappeler  les  principes  de  notre 
Code  Civil  qui  rendent  les  conservateurs  des  hypothè- 
ques responsables  de  l'exactitude  des  mentions  portées 
sur  les  registres  des  transcriptions  ou  des  inscriptions, 
la  loi  prussienne  a  autorisé  l'exercice  d'une  action  en  in- 
demnité dirigée  contre  le  Grundbuchrichter  qui  a,  par 
son  fait,  causé  le  préjudice,  et  la  loi  tunisienne  du 
15  mars  1892  a  adopté  ce  système  (1). 

Mais  quelquefois  la  responsabilité  encourue  par  le 
fonctionnaire  est  de  beaucoup  supérieure  à  son  caution- 
nement ou  même  à  sa  fortune.  Le  propriétaire  ne  trouve 
donc,  dans  la  garantie  offerte  par  la  loi,  qu'un  moyen  in- 
suffisant de  se  couvrir  de  ses  pertes.  Aussi  la  loi  prus- 
sienne reconnaît  aux  intéressés,  le  droit  de  recourir  con- 
tre l'Etat,  lorsque  le  fonctionnaire  est  insolvable.  Au  lieu 
d'une  action  subsidiaire,  la  loi  'd'Alsace-Lorraine  du 
22  juin  1891  a  même  donné  aux  parties  lésées,  une  ac- 
tion directe  contre  l'Etat.  Lui  seul  doit  être  mis  en  cause 
et  décide  s'il  doit  demander  au  fonctionnaire  le  rembour- 
sement de  l'indemnité  à  laquelle  il  est  condamné. 
(1)  De  même  dans  les  Décrets  des  Colonies  françaises. 


200      l'iNTRODI  CTION   HKS   LIA  RES   FONCIERS  EN  ANGLETERRE 

L'application  de  cette  conception  de  la  responsabilité 
de  l'Etat,  à  raison  d'un  acte  de  la  puissance  publique, 
soulevait  en  Angleterre  deux  objections,  une  objection 
théorique  et  une  objection  pratique. 

Une  objection  théorique,  car  c'est  un  principe  fonda- 
mental du  droit  public  anglais  que  le  roi  ne  peut  faire 
aucun  tort  :  the  King  can  do  no  wrong  (1).  Le  roi,  person- 
nifiant ici  l'Etat,  ne  pouvait  donc  être  actionné  en  dom- 
mages-intérêts à  raison  des  fautes  de  ses  agents.  L'ob- 
jection pratique,  présentée  contre  la  responsabilité  de 
l'Etat,  consistait  à  faire  remarquer  qu'en  imposant  à  la 
collectivité  le  paiement  d'indemnités,  on  taxait  le  public 
au  profit  de  quelques  propriétaires;  on  employait  les  de- 
niers du  Trésor  dans  un  intérêt  purement  privé  (2). 

Mais  le  propriétaire  auquel  était  ainsi  refusée  une  ac- 
tion directe  contre  l'Etat,  pouvait-il  tout  au  moins  exer- 
cer contre  les  fonctionnaires  du  Bureau  d'immatricula- 
tion le  recours  qui  lui  était  reconnu  par  d'autres  légis- 
lations ?  En  principe,  les  fonctionnaires  anglais  sont  res- 
ponsables de  leurs  actes  ;  mais  la  jurisprudence  a  ap- 
porté de  graves  restrictions  lorsqu'il  s'est  agi  de  recon- 
naître leur  responsabilité.  Il  ne  suffit  pas,  en  effet,  qu'ils 
aient  commis  des  fautes,  des  illégalités,  il  faut  que  ces 
fautes  soient  lourdes,  et  qu'une  véritable  culpabilité 
puisse  être  relevée  contre  eux  (3).  Toutes  les  erreurs  ou 
toutes  les  omissions  qui  auraient  pu  être  imputées  aux 
fonctionnaires  du  Bureau  d'im.matriculation  ne  suffi- 
saient pas  par  conséquent  pour  les  faire  condamner  par 
les  tribunaux  à  des  dommages-intérêts  envers  les  per- 
sonnes lésées. 

L'application  des  principes  du  droit  public  anglais  au- 
rait conduit  à  consacrer  une  situation  analogue  à  la  si- 

(1)  Cf.  Laferrière,  Traité  de  la  Juridiction  administrative, 
2^  édition,  T.  I,  p.  113  et  suiv.  Serjeant  Stephen,  T.  III,  9^  édi- 
tion, p.  666. 

(2)  Cf.  Wolstenholme,  Papier  lu  devant  la  Société  Juridique 
le  10  mars  1862,  (vol.  II,  p.  538  des  Comptes  rendus  de  la  So- 
ciété), cité  par  Brickdale,  Registration  of  title  to  Land,  p.  48. 

(3)  Laferrière,  op.  cit.,  p.  115. 


LE    FONDS   d'assurance  201 

tuation  des  propriétaires  autrichiens.  Le  plus  souvent  ils 
n'auraient  pu  exercer  que  le  seul  recours  contre  l'auteur 
du  délit  ou  quasi-délit  civil. 

La  législation  australienne,  régie  par  la  même  juris- 
prudence, avait  jugé  nécessaire  de  déroger  aux  usages 
habituels  et  de  conférer  au  propriétaire,  lésé  dans  ses 
droits,  une  action  en  dommages-intérêts  exercée  contre 
l'Etat.  Mais  reconnaissant  qu'il  ne  pouvait  être  question 
d'imposer  au  Budget  public,  le  paiement  de  ces  indemni- 
tés, elle  avait  créé  un  Fonds  d'assurance  alimenté  par  un 
versement  minime,  imposé  aux  propriétaires  au  moment 
de  chaque  opération.  L'Etat,  n'était  donc  pas,  à  propre- 
ment parler,  responsable  ;  il  n'était  actionné  que  comme 
représentant,  ou  negotiorum  gesior  de  tous  les  proprié- 
taires, qui  constituaient  entre  ses  mains  un  fonds  de  ré- 
serve et  le  chargeaient  de  le  gérer.  C'était,  en  quelque 
sorte,  la  constitution  d'une  assurance  mutuelle  d'Etat. 
Le  Trésor  public  n'intervenait  que  pour  avancer  au  Fonds 
d'assurance  le  montant  des  indemnités  qui  dépasseraient 
les  ressources  dont  celui-ci  pouvait  disposer. 

La  loi  de  1875  n'avait  pas  cru  devoir  suivre  cet  exem- 
ple et  avait  laissé  les  propriétaires  dans  la  situation  quel- 
que peu  dangereuse,  résultant  pour  eux  de  l'application 
du  droit  commun.  Peut-être  le  législateur  avait-il  éprouvé 
la  crainte  manifestée  par  un  auteur,  et  avait-il  pensé 
«  que  dans  les  pays  de  vieille  civilisation  où  des  droits 
touffus  et  enchevêtrés  ont  poussé  sur  la  terre,  l'Etat  ne 
pourrait  s'obliger  à  une  semblable  garantie  sans  courir 
de  gros  risques  (1)  ».  Mais  ce  système  présentait  de  multi- 
ples inconvénients.  Les  fonctionnaires  sachant  qu'une 
faute  ou  une  erreur  pouvait  irrévocablement  priver  le 
propriétaire  véritable  de  ses  biens  exigeaient  des  preu- 
ves si  minutieuses  et  si  complètes  que  le  coût  et  la  durée 
des  recherches  étaient  sensiblement  augmentés.  Bien  au 
contraire,  dans  les  colonies  australiennes,  grâce  au  Fonds 
d'assurance  «  le  Registrar,  afin  de  hâter  l'expédition  des 
affaires,  est  autorisé  à  courir  un  risque  d'erreur  (2)  », 

(1)  Gide,  op.  cit.,  p.  300. 

(2)  Further  report  on  Australasian  Colonies,  1881,  p.  152. 


202      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

Aussi  lorsqu'il  fut  question  d'apporter  des  modification^! 
à  la  loi  de  1875,  les  divers  bills  proposèrent  toujours  la 
création  d'un  Fonds  d'assurance  à  l'instar  de  l'Australie, 
L'article  21,  §  1,  de  la  loi  de  1897  a  créé  en  conséquence 
un  fonds  de  garantie. 

Plusieurs  moyens  pouvaient  être'  employés  pour  le 
constituer.  Il  était  possible  comme  en  Australie  de  per- 
cevoir à  l'occasion  de  chaque  inscription  une  prime  sur 
la  valeur  de  la  transaction.  Fixée  à  1/2  denier  par  livre 
sterling,  soit  environ  2  0/00,  cette  taxe  avait  largement 
suffi  à  indemniser  les  quelques  propriétaires  qui  avaient 
été  lésés.  Le  rapport  sur  l'application  de  l'Act  Torrens 
dans  les  colonies  paru  en  1881  indiquait  les  résultats  sui- 
vants: Dans  l'Australie  du  Sud,  en  22  ans,  deux  titres  seu- 
lement avaient  été  annulés  et  une  seule  indemnité  de 
80  liv.  st.  avait  été  payée,  le  Fonds  d'assurance  s'élevait 
à  cette  époque  à  plus  de  40.000  livres  sterlings;  au 
Queensland  où  le  système  était  en  vigueur  depuis  18  ans 
et  demi  aucun  titre  n'avait  été  annulé,  1.500  livres  ster- 
lings avaient  été  payées  à  titre  de  dommages-intérêts  el 
le  Fonds  d'assurance  dépassait  11.000  livres  sterlings. 
La  Tasmanie,  après  18  ans  d'expérience,  possédait  un 
fonds  de  3.600  livres  sterlings  (1),  sur  lequel  aucun  pré- 
lèvement n'avait  encore  été  opéré.  Dans  la  colonie  de 
Victoria  un  titre  annulé  avait  donné  lieu  à  une  indemnité 
de  924  livres;  enfin  dans  les  Nouvelles-Galles  du  Sud  et 
Nouvelle-Zélande,  les  fonds  d'assurance  montant  respecr 
tivement  à  38.000  et  26.600  livres  sterlings  n'avaient  ja- 
mais été  assignés  en  réparation  de  dommages 

M.  Brickdale,  dans  son  Livre  paru  en  1886,  Registra- 
tion  of  Title  to  Land,  avait  préconisé  l'adoption  en  Angle- 
terre d'un  système  analogue.  Le  propriétaire  aurait  fixé 
lui-même  la  valeur  de  son  immeuble,  la  prime  aurait  été 
perçue  sur  ce  chiffre  et  le  propriétaire  n'aurait  jamais  pu 
réclamer  que  la  somme  ainsi  indiquée  par  lui.  L'opéra- 
tion aurait  revêtu,  dans  ce  cas,  le  caractère  d'un  vérita- 
ble contrat  d'assurance. 

(1)  Le  taux  de  la.  prime  en  Tasmanie  est  seulement  de  1/4  d. 
par  liv.  st.,  soit  environ  1  0/00. 


LE    FONDS    d'assurance  203 

Ce  système  ne  fut  cependant  pas  suivi.  Au  moment  où 
le  public  se  plaignait  déjà  des  frais  trop  élevés  de  l'imixi^- 
triculation,  il  n'était  pas  opportun  d'imposer  aux  pro- 
priétaires qui  allaient  être  obligés  d'immatriculer  leurs 
immeubles,  des  taxes  supplémentaires  même  minimes. 
Le  législateur  se  borna  à  décider  que  le  Fonds  d'assu- 
rance serait  formé  par  un  prélèvement  opéré  chaque  an- 
née sur  les  excédents  de  recettes  du  Bureau  d'immatri- 
culation (1).  C'est,  en  somme,  faire  payer  d'une  façon 
détournée  aux  Landlords  la  garantie  qui  leur  est  don- 
née. Les  tarifs  seront  légèrement  surélevés  pour  équiva- 
loir à  la  prime  d'assurance  perçue  en  Australie.  Les  en- 
seignements que  l'on  pouvait  tirer  des  expériences  faites 
dans  les  colonies  anglaises  permettent  d'ailleurs  de 
supposer  que  ces  prélèvements  n'auront  pas  besoin  d'être 
importants. 

Mais  avant  qu'il  ait  été  possible  avec  ces  prélèvements 
de  constituer  un  fonds  de  réserve  capable  de  satisfaire 
au  paiement  de  toutes  les  indemnités,  une  responsabilité 
considérable  peut  avoir  été  encourue  par  le  Bureau 
d'immatriculation  et  celui-ci  peut  se  trouver  dans  l'im- 
possibilité de  payer  les  dommages-intérêts  auxquels  il 
peut  être  condamné.  Certaines  législations  ont  admis  que 
le  Fonds  d'assurance  pouvait  ainsi  faire  en  quelque  sorte 
faillite  et  qu'en  présence  de  son  insolvabilité  temporaire, 
ses  créanciers  perdaient  leur  droit  à  indemnité.  La  loi 
tunisienne  de  1885  disposait  à  cet  effet  que  le  tribunal,  ne 
pourrait  jamais  allouer  une  indemnité  supérieure  aux 
deux  tiers  des  sommes  acquises  au  Fonds  d'assurance  au 
jour  du  jugement  (2).  Cette  limitation  était  certainement 
plus  théorique  que  pratique.  Néanmoins,  elle  aurait  pu 
produire  sur  le  public  anglais  le  plus  déplorable  effet,  en 
paraissant  enlever  aux  intéressés  la  garantie  à  laquelle 

(1)  Art.  21,  §  1,  L.  T.  A.,  1897. 

(2)  Art.  40,  L.  l^'"  juillet  1885.  Les  dispositions  relatives  au 
fonds  d'assurance  ont  été  abrogées  par  la  loi  du  15  mars  1892. 
Les  erreurs  ont  paru  tellement  insignifiantes  qu'il  n'a  pas  sem- 
blé utile  de  maintenir  le  fonds  d'assurance.  Cette  décision  est 
à  notre  avis  plutôt  malheureuse. 


204       l'introduction   des  livres   fonciers  en   ANGLETERRE 

ils  avaient  qualité  de  prétendre.  Aussi  le  législateur  de 
1897,  reproduisant  presque  textuellement  les  termes  des 
lois  australiennes,  a  admis  qu'en  cas  d'insuffisance  du 
Fonds  d'assurance,  le  Trésor  public  lui  avancerait  les 
sommes  nécessaires  pour  lui  permettre  de  faire  face  à 
ses  engagements.  Ces  avances  seront  récupérées  sur  les 
bénéfices  postérieurs  du  Land  Registry  (1).  Cette  garan- 
tie qui  sera,  autant  qu'on  peut  le  prévoir,  plutôt  morale 
que  réelle  se  justifie  par  deux  raisons  principales  :  l'im- 
matriculation est  sans  doute,  par  son  but  immédiat,  fa- 
vorable aux  propriétaires  ;  mais  par  ses  effets  indirects 
elle  exerce  sur  la  richesse  générale  du  pays  une  influence 
certaine.  Il  y  a  donc  un  intérêt  supérieur  à  assurer  le 
bon  fonctionnement  de  l'immatriculation  :  la  certitude, 
donnée  à  un  propriétaire  évincé,  de  recevoir  la  compen- 
sation qui  lui  est  due,  est  une  des  conditions  les  plus  im- 
portantes de  l'adoption  et  de  l'emploi  des  Livres  fonciers 
par  les  Landlords.  De  plus  le  Land  Registry,  adminis- 
tration de  l'Etat,  régi  par  des  lois  ou  des  règlements  faits 
par  les  autorités  de  l'Etat,  peuplé  de  fonctionnaires  de 
l'Etat,  doit  donner  la  garantie  de  l'Etat  aux  propriétai- 
res, comme  juste  compensation  de  l'ingérence  des  pou- 
voirs publics  dans  les  affaires  privées.  Néanmoins,  la 
consécration  en  cette  matière  de  la  responsabilité  sub- 
sidiaire et  illimitée  du  Trésor  n'est  pas  l'une  des  innova- 
tions les  moins  curieuses  de  la  loi  de  1897.  Elle  substitue 
à  l'irresponsabilité  de  droit  commun  de  l'Etat  à  raison 
des  actes  de  ses  agents,  la  notion  plus  équitable  de  l'in- 
demnité payée  par  hii  pour  les  mesures  prises  par  ses 
fonctionnaires  au  préjudice  de  leurs  concitoyens. 

Le  principe  du  Fonds  d'assurance  se  trouvant  ainsi  éta- 
bli, il  y  a  lieu  de  se  demander  dans  quelles  conditions 
les  particuliers  peuvent  faire  valoir  leurs  réclamations. 

Toute  personne,  qui  se  trouve  lésée  par  une  erreur  ou 
une  omission  existant  sur  le  registre  ou  par  une  inscrip- 
tion obtenue  par  suite  d'une  faute  ou  d'une  fraude,  peut 
obtenir  une  indemnité  lorsque  le  registre  ne  peut  pas  en 

(1)  Art.  21,  §  2,  L.  T.  A.,  1897.  ■- 


LE  FONDS  d'assurance  205 

vertu  des  lois  sur  l'immatriculation  être  rectifié  (1).  La 
loi  de  1897  a  donc  consacré  l'incommutabilité  des  ins- 
criptions prises  sur  les  Livres  fonciers.  Cette  disposition 
n'a  cependant  pas  été  adoptée  sans  avoir  donné  lieu  à  de 
vives  discussions.  Certains  jurisconsultes  auraient  voulu 
voir,  en  effet,  le  propriétaire  frustré  de  son  bien  restitué 
dans  sa  propriété  ;  ou  tout  au  moins  ils  auraient  désiré 
que  l'autorité  judiciaire  soit  appelée,  suivant  les  cas,  à 
décider  s'il  y  avait  lieu  à  rectification  du  registre  au  pro- 
fit de  la  victime  de  l'éviction.  Les  personnes  inscrites  à 
tort  sur  le  Livre  foncier  auraient  alors  reçu  l'indemnité 
pécuniaire,  réservée  aujourd'hui  au  véritable  proprié- 
taire. 

Les  partisans  de  la  restituiio  in  integrum  faisaient  va- 
loir que,  dans  un  pays  déjà  vieux,  les  bâtiments  d'exploi- 
tation ont  une  grande  valeur  et  existent  en  général  depuis 
de  longues  années  ;  chaque  mètre  carré  du  sol  a  été 
amélioré  par  les  générations  successives  qui  l'ont  défri- 
ché ou  drainé,  qui  y  ont  apporté  des  engrais  ou  ont  re- 
boisé des  endroits  jusque-là  nus  et  arides  ;  chaque  pro- 
priétaire est  attaché  au  coin  de  terre  qu'il  possède  par 
un  long  passé  de  souvenirs  et  les  biens-fonds  ont,  outre 
leur  valeur  marchande  et  propre,  une  valeur  arbitraire, 
une  valeur  de  convenance  qui  tient  compte  de  tous  les  élé- 
ments matériels  et  de  tous  les  éléments  moraux.  Est-il 
possible  de  compenser  exactement  la  perte  d'un  morceau 
de  terre  par  le  don  d'une  somme  d'argent  ?  Est-il  possible 
de  comparer  à  cette  valeur  sociale  une  valeur  purement 
vénale  ?  Et  l'on  proposait  de  rendre  au  véritable  proprié- 
taire la  terre  dont  il  avait  été  provisoirement  dépouillé 
et  de  donner  l'argent  au  tiers  acquéreur. 

D'autres  personnes  faisaient  avec  juste  raison  remar- 
quer que,  dans  certains  cas,  le  tiers  détenteur  est  depuis 
déjà  longtemps  en  possession  de  l'immeuble,  lorsque  la 
réclamation  se  produit.  Il  peut  avoir  fait  lui  aussi  des 
dépenses  considérables  d'améliorations  ou  de  construc- 
tions ;  il  peut  avoir  modifié  à  tel  point  l'aspect  de  la  pro- 

(1)  Art.  7,  §  1,  L.  T.  A.,  1897. 


206      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

priélé  que  celui  pour  lequel  on  demande  une  sorte  de 
prééminence  ne  reconnaisse  plus  son  bien  ou  tout  au 
moins  ne  puisse  plus  le  faire  servir  à  la  destination  qu'il 
avait  antérieurement.  Ce  propriétaire  évincé  n'a-t-il  pas 
en  quelque  sorte  mérité  le  préjudice  qui  lui  est  causé,  en 
laissant  un  autre  individu  prendre  possession  de  son  im- 
meuble et  y  faire  des  changements  considérables  ?  N'est- 
il  pas  plus  juste  dans  ces  conditions  de  donner  à  l'auto- 
rité judiciaire  le  droit  de  statuer  suivant  les  circonstan- 
ces et  suivant  l'équité  et  d'accorder  la  propriété  à  la 
partie  qui  y  aurait  le  plus  d'intérêt  ?  Telles  étaient  les 
raisons  invoquées  en  faveur  de  ce  système,  lorsqu'il  fut 
proposé  dans  les  bills  de  1887,  1888  et  1893. 

Mais  les  partisans  du  système  australien  qui  accorde 
toujours  l'indemnité  à  l'évincé  faisaient  valoir  que  l'im- 
muabilité  des  inscriptions  donnerait  seule  au  public  en- 
tière confiance  dans  les  Livres  fonciers  ;  seul  ce  système 
encourage  par  la  sécurité  l'emploi  des  capitaux  aux  amé- 
liorations foncières,  seul  il  donne  à  certaines  parcelles 
dont  les  titres  sont  irréguliers  ou  insuffisants  leur  va- 
leur intrinsèque,  en  permettant  à  celui  qui  les  achète  de 
construire  sur  leur  surface  des  maisons  de  rapport  (1)  ; 
seul,  enfin,  il  facilite  les  transactions  immobilières  en 
simplifiant  les  recherches  des  parties  sur  la  validité  des 
titres  produits. 

Tout  en  adoptant  ce  dernier  système,  le  législateur 
anglais  a  apporté  au  principe  de  l'incommutabilité  des 
Livres  fonciers  deux  restrictions.  Les  registres  peuvent 
être  rectifiés,  lorsque  l'acte  en  vertu  duquel  l'inscription 
a  été  requise  était  radicalement  nul,  ou  lorsque  la  per- 
sonne, qui  se  trouverait  privée  de  sa  propriété^  est  en- 
core en  possession  de  celle-ci  ou  en  perçoit  régulièrement 
les  revenus  (2).  Dans  le  premier  cas,  le  vice  du  titre  le 
rend  en  quelque  sorte  inexistant,  et  il  n'a  pas  paru  pos- 
sible au  législateur  de  couvrir  la  nullité  dont  il  est  en- 
taché. Dans  la  seconde  hypothèse,  la  plupart  des  raisons 

(1)  Cf.   TORKENS,  op.   cit.,  p.  23. 

(2)  Art.  7,  §  2,  L.  T.  A.,  1897. 


LE     FONDS    d'assurance  207 

invoquées  en  faveur  des  tiers  acquéreurs  ne  trouvent  pas 
leur  application.  Le  propriétaire  véritable  qui  a  continué 
à  veiller  sur  son  immeuble,  à  l'exploiter  ou  à  l'améliorer 
avait  droit  à  la  sollicitude  du  législateur,  alors  que  Tac- 
quéreur  qui  n'a  pas  visité  Fimmeuble  qu'il  achetait,  qui, 
une  fois  la  vente  passée,  ne  se  préoccupe  pas  de  le  met- 
tre en  valeur  ni  d'en  percevoir  les  revenus  ne  paraît  pas 
intéressant.  Le  deuxième  paragraphe  de  l'article  7,  est 
une  concession  faite  aux  partisans  des  projets  antérieurs. 
Elle  aura  pour  résultat  de  faire  trancher  le  plus  souvent 
par  les  tribunaux  la  question  relative  à  l'attribution  de 
l'indemnité.  Ceux-ci  auront,  en  effet,  à  décider  quels 
sont  les  contrats  qui  doivent  être  réputés  radicalement 
nuls,  en  même  temps  qu'ils  auront  à  déterminer  les  faits 
et  les  actes  qui  constituent  la  possession  et  la  perception 
des  revenus.  Si  les  inscriptions  sur  les  Livres  fonciers 
sont  en  règle  générale  définitives,  elles  semblent  devoir 
être  rectifiées  dans  un  certain  nombre  de  cas  d'éviction. 

Lorsqu'il  y  a  lieu  à  rectification  du  Livre  foncier,  l'au- 
teur du  dommage  qui  se  trouve  ainsi  dépossédé  n'a  droit 
à  aucune  indemnité  ;  mais  il  n'en  est  pas  de  même  pour 
les  tiers  qui  ont  contracté  à  titre  onéreux  avec  la  per- 
sonne qu'ils  pouvaient,  sur  la  foi  du  registre,  considérer 
comme  le  véritable  propriétaire.  Ceux-ci  auront  qualité 
pour  demander  la  réparation  du  préjudice  qui  leur  est 
causé  par  la  rectification  du  registre.  Tel  serait  le  cas 
notamment  lorsqu'un  propriétaire  supposé  aura  obtenu, 
au  moyen  de  faux  documents,  son  inscription  et  aura, 
après  cette  inscription,  consenti  un  mortgage  à  une  tierce 
personne  de  bonne  foi.  Le  créancier  mortgagiste  aura, 
dans  ce  cas,  droit  à  une  compensation  pécuniaire  (1). 

Contre  qui  doivent  recourir  les  parties  lésées,  proprié- 
taire évincé  ou  propriétaire  indûment  inscrit  ?  Doivent- 
ils  d'abord  intenter  une  action  directe  contre  Fauteur  du 

(1)  Alt.  7,  §  2  et  4.  Ces  dispositions  de  la  loi  admettent  un 
principe  contraire  à  celui  de  la  législation  australienne.  Les 
tribunaux  se  fondant  sur  les  termes  des  lois  foncières  avaient 
refusé,  dans  ce  cas,  d'indemniser  le  créancier  mottgagiste.  (Af- 
faire Gibbs  contre  Messer,  1891,  Colonie  de  Victoria.) 


208      l'introduction   des  livres   fonciers   en   ANGLETERRE 

dommage,  et  en  cas  d'insolvabilité  de  celui-ci  une  action 
subsidiaire  contre  lEtat  ?  Ou  bien  peuvent-ils  mettre 
immédiatement  en  cause  le  Fonds  d'assurance  ?  La  lé- 
gislation prussienne  et  l'ancienne  législation  tunisienne 
n'admettaient  la  recevabilité  des  demandes  en  indemnité 
contre  le  Fonds  d'assurance,  qu'autant  que  le  demandeur 
aurait,  au  préalable  discuté  les  auteurs  directs  du  dom- 
mage. LAct  Torrens  avait  donné  aux  parties  le  choix 
entre  l'action  directe  contre  le  Fonds  d'assurance  ou  l'ac- 
tion seulement  subsidiaire.  Les  poursuites  intentées  aux 
auteurs  du  dommage  n'olïrent  qu'une  garantie  généra- 
lement insuffisante,  car  ceux-ci  n'ont,  la  plupart  du  temps, 
aucune  surface.  Aussi  la  loi  de  1897  a  autorisé  les  parti- 
culiers à  s'adresser  immédiatement  au  Fonds  d'assu- 
rance (1).  Mais  l'Etat  conserve  toujours  une  action  ré- 
cursoire  contre  toute  personne  qui  a  causé  la  perte  par 
son  acte,  sa  négligence  ou  sa  faute.  Les  particuliers  se 
trouvent  ainsi  assurés  de  recevoir  toujours  l'indemnité 
à  laquelle  ils  ont  droit.  Par  l'application  du  recours 
contre  Fauteur  du.  dommage  se  trouve  sauvegardée, 
d'autre  part,  la  règle  que  personne  ne  doit  s'enrichir  in- 
dûment. 

(1)  Il  n'existe  au  principe  posé  par  la  loi  qu'une  exception 
pour  les  propriétaires  évincés  en  vertu  de  la  Législation  sur 
les  Small  Holdings.  L'art.  10  de  la  loi  de  1892  sur  les  Small 
Holdings  imposait  aux  Conseils  de  comté,  l'obligation  de  de- 
mander l'immatriculation  à  titre  absolu  des  propriétés  ache- 
tées par  eux  en  vue  d'un  lotissement.  Cette  obligation  entraî- 
nait un  examen  des  titres  de  propriété  par  le  Bureau  d'Imma- 
triculation et  l'accomplissement  des  rigoureuses  formalités  qui 
l'accompagnent.  Elle  détournait  les  Conseils  de  comté  d'acheter 
des  domaines.  La  loi  de  1897  (art.  19),  les  a  autorisés  à  re- 
quérir leur  inscription  avec  tous  les  titres  créés  par  la  loi. 
Mais  lors  de  chaque  transfert  partiel  le  titre  conféré  à  l'acqué- 
reur est  toujours  absolu,  quel  que  soit  le  titre  primitivement 
délivré.  Si  un  propriétaire  évincé  réclame  en  se  fondant  sur 
un  titre  contraire  à  celui  du  Conseil  de  comté,  il  n'a  jamais 
droit  qu'à  des  dommages-intérêts,  et  ces  dommages-intérêts  de- 
vront être  demandés  directement  au  Conseil  de  comté.  Dans  ce 
cas,  en  effet,  il  ne  peut  pas  y  avoir  de  crainte  d'insolvabilité. 


LE  FONDS  d'assluancl:  209 

Les  personnes  lésées  perdent  leur  droit  à  indemnité  : 
lorsqu'elles  ont  contribué  par  leur  acte,  leur  faute  ou 
leur  négligence  à  la  perte  qu'elles  subissent  ou  lors- 
qu'elles ont  omis  de  faire  inscrire  sur  le  registre  les  op- 
positions, défenses,  restrictions  ou  autres  mentions  exi- 
gées par  les  lois  sur  l'immatriculation  pour  la  protection 
de  certains  droits. 

Les  demandes  en  indemnité  peuvent  être  directement 
adressées  à  la  Cour  comme  une  action  ordinaire.  Les 
particuliers  peuvent,  s'ils  le  préfèrent,  requérir  le  Regis- 
trar  de  déterminer  s'ils  ont  droit  à  indemnité  et  quelle 
somme  doit  leur  être  allouée.  Cette  procédure  présente 
l'avantage  d'être  plus  expéditive  que  la  procédure  ju- 
diciaire. Elle  donne  d'ailleurs  une  entière  garantie, 
car  les  réclamants  pourront  appeler  à  la  Cour  de  la  déci- 
sion du  Registrar  sans  autres  frais  que  leurs  propres  dé- 
bours en  cas  de  rejet  du  pourvoi  (1). 

Les  créanciers  du  Land  Registry  ne  pourront  pas  ré- 
clamer indéfiniment  la  fixation  et  le  paiement  des  indem- 
nités. Le  §  7  de  l'article  7  dit,  en  effet  :  «  Une  demande 
d'indemnité  sera  considérée  comme  une  dette  ordinaire 
et  conformément  au  Statut  de  Limitation  de  1623  (sur  les 
prescriptions),  le  délai  sera  réputé  courir  du  jour  où  le 
requérant  a  connu  ou  a  dû  connaître  l'existence  de  son 
droit.  »  C'est  donc  au  bout  de  six  ans  que  l'action  en 
dommages-intérêts  se  trouve  prescrite.  11  avait  été  de- 
mandé au  cours  de  la  discussion  que  cette  action  fût  as- 
similée à  une  cbarge  réelle  et  ne  fût  en  conséquence  cou- 
verte par  la  prescription  qu'au  bout  de  douze  ans.  Mais 
les  procès  sont  d'autant  plus  difficiles  à  juger  que  les 
circonstances  de  l'affaire  remontent  à  une  date  plus  éloi- 
gnée. L'Etat  a,  pour  cette  raison,  réduit  au  minimum  la 
durée  de  la  prescription.  D'ailleurs  le  point  de  départ 
du  délai  laisse  une  grande  latitude  au  Registrar  ou  à  la 
Cour  pour  décider,  suivant  les  espèces,  à  quel  moment 
le  réclamant  a  eu  connaissance  de  son  éviction. 

Telles  sont  les  dispositions  principales  de  la  loi  de 

(1)  Art.  7,  §  5,  L.  T.  A.,  1897. 

L,  14 


210      L'li\TRODUCTIOx\  DES  LIVRES   FONCIERS  EN  ANGLETERRE 

1897  créant  en  Angleterre  un  Fonds  d'assurance.  Cette 
partie  de  l'œuvre  du  législateur  est  une  copie  quelque 
peu  adoucie  de  l'Act  Torrens.  Elle  n'a  fait  que  tenir 
compte  de  la  nature  spéciale  de  la  propriété  dans  les 
pays  à  longue  histoire,  en  apportant  au  principe  de  la 
compensation  par  une  somme  d'argent  d'un  droit  immo- 
bilier, les  atténuations  nécessaires  pour  le  rendre  accep- 
table par  le  public  anglais. 


CHAPITRE  XII 

LES  DROITS  PERÇUS  PAR  LE  BUREAU  D 'IMMATRICULATION 


L'une  des  critiques  les  plus  vives  et  les  plus  fondées 
des  adversaires  de  la  loi  de  1875  avait  consisté  à  montrer 
les  irais  considérables  imposés  par  la  nouvelle  législa- 
tion aux  propriétaires.  Tout  en  reconnaissant  que  le  bud- 
get de  l'Etat  ne  pouvait  être  grevé  des  dépenses  de  fonc- 
tionnement du  service,  ils  avaient  fait  remarquer  que 
les  propriétaires  déjà  fort  éprouvés  par  la  crise  agricole 
ne  pouvaient  supporter  d'aussi  lourdes  taxes  qui  venaient 
s'ajouter  aux  droits  de  timbre  déjà  perçus  par  le  Trésor. 
L'exagération  des  tarifs  avait  été,  d'après  eux,  l'une  des 
principales  causes  de  l'échec  de  l'immatriculation  (1). 

La  loi  de  1897  a  essayé  de  concilier  l'intérêt  des  pro- 
priétaires et  celui  du  Trésor,  en  apportant  aux  droits  de 
l'administration  en  matière  de  tarifs  des  restrictions  d'au- 
tant plus  nécessaires  que  l'obligation  d'immatriculer 
leurs  immeubles  allait  être  imposée  aux  propriétaires  : 
ceux-ci  ne  pourraient  plus,  comme  auparavant,  se  sous- 
traire à  ces  charges  en  se  refusant  à  user  de  la  législation 
nouvelle. 

((  Les  honoraires  perçus  à  l'occasion  de  l'immatricula- 
tion de  la  propriété,  dit  l'article  22,  §  3,  seront  fixés  de 
façon  à  produire  une  somme  annuelle  suffisante  pour 
payer  les  traitements  des  fonctionnaires  et  les  autres  dé- 
penses d'administration  (y  compris  les  prélèvements  des- 
tinés à  constituer  le  Fonds  d'assurance)  et  pas  plus.  »  Les 
frais  d'immatriculation  ne  devront  être  que  l'équivalent 

(1)  La  question  des  frais  a  en  cette  matière  une  grande  im- 
portance. En  Tunisie,  par  exemple,  les  immatriculations  qui 
oscillaient  entre  40  à  45  par  an,  avant  1890,  se  sont  élevées  à  293 
en  1892,  après  l'abaissement  du  tarif. 


212      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

du  service  rendu.  Tout  en  édictant  cette  mesure  favorable 
aux  propriétaires,  le  législateur  n'a  pas  oublié  les  lourdes 
charges  imposées  au  Trésor  par  les  premiers  essais  d'im- 
matriculation. En  effet,  au  31  mars  1884,  le  Land  Regis- 
try  était  en  déficit  de  90.000  livres  sterlings,  déficit  qui 
atteignait  même,  en  1887,  100.000  livres  sterlings.  A  par- 
tir de  cette  époque,  il  est  vrai,  le  Bureau  d'immatricula- 
tion fut  chargé  de  la  tenue  des  registres  des  Charges  fon- 
cières et,  à  partir  de  1892,  des  attributions  relatives  à 
l'enregistrement  des  actes  dans  le  Middlesex.  Il  avait 
cessé  de  demander  une  subvention  au  Trésor  et  avait 
même  pu  rembourser  à  l'Etat  partie  des  sommes  qui  lui 
avaient  été  jadis  avancées  (1). 


Années 

Recettes 

Dépenses 

Observations 

] 886-87 

788  £    6  S.  9  d. 

2.457  £    10  s. 

5d. 

Recettes    en    dimi- 
nution sur  les  années 
antérieures. 

1889-90 

3.790  £  12  s.  G  d. 

3.^20  £     14  s. 

» 

!'■<'  année  d'applica- 
tion du  Land  Charge  s 
Registration  and  Scai  - 
elles  Act. 

1892-93 

16.208  £    8  s.  5  d. 

6.637  £    2  s. 

10  d. 

Réunion  du  Middle- 
sex Regisîtry. 

1897-98 

20.256  £  14  s.    d. 

7.863  £     14  s. 

3d. 

Sans  vouloir  grever  le  nouvel  essai  des  dettes  ancien- 
nes, la  loi  de  1897  a  manifesté  le  désir  que  les  propriétai- 
res acquittent  tout  au  moins  les  frais  nécessités  par  le 
fonctionnement  des  Livres  fonciers. 

Or  l'expérience  a  prouvé  qu'un  personnel  assez  res- 
reint  était  suffisant  pour  assurer  le  service  de  l'immatri- 
culation :  13  fonctionnaires  dans  le  Oueensland,  64  à  Vic- 
toria, une  trentaine  dans  les  Nouvelles-Galles  du  Sud, 
exécutent  rapidement  les  milliers  d'opérations  qui  leur 
sont  annuellement  soumises  (2).  Le  nombre  des  fonction- 
naires est  plus  élevé  en  Europe  (4  dans  l'un  des  arrondis- 


(1)  Finance  Accounts. 

(2)  Cf.    Rapport   de    M.    E.    Maxwell,    traduit   par    M.    de 
France  de  Tersant. 


LES   DROITS   PERÇUS    PAR    LE   BUREAU    d'lMMATRICULATION   213 

sements  de  Berlin,  43  à  Pesth,  44  à  Vienne,  mais  celle 
différence  s'explique  par  la  décentralisalion  du  service 
d'immatriculation  dans  les  pays  germaniques. 

La  constitution  du  Fonds  d'assurance,  d'autre  part,  ne 
nécessitera  pas  des  prélèvements  importants  sur  les  re- 
cettes. En  Australie  où  le  tarif  n'est  fixé  qu'à  2  ou  même 
1  0/00,  les  indemnités  sont  loin  d'absorber  le  montant 
des  primes  (1).  Il  suffira  donc  d'affecter  des  sommes  en- 
core inférieures  à  la  garantie  des  droits  reconnus  par  les 
Livres  fonciers.  Des  taxes  peu  élevées  paraissent  donc 
devoir  suffire  à  compenser  les  frais  du  nouveau  service. 

Mais  le  législateur  avait  vu  en  1875,  le  Lord-Chan- 
celier user  de  ses  droits  pour  fixer  des  honoraires  très  éle- 
vés et,  en  1899,  après  la  constatation  de  déficits  impor- 
tants, établir  un  nouveau  tarif  exagérant  le  premier.  La 
consécration  solennelle,  dans  la  loi  de  1897,  du  principe 
que  les  droits  d'immatriculation  ne  devaient  pas  fournir 
une  recette  au  Trésor  ne  parut  pas  une  garantie  suffi- 
sante contre  les  abus  possibles  de  l'administration  en 
cette  matière.  Au  cours  de  la  discussion  de  la  loi,  il  fut 
décidé:  V  que  le  Lord-Chancelier  devrait  demander  l'avis 
du  Conseil  créé  par  la  loi  et  celui  du  Bureau  de  Trésore- 
rie ;  2°  que  le  tarif  ne  devrait  pas  dépasser  pour  certaines 
opérations  un  maximum  fixé  dans  un  tableau  annexé  à  la 
loi  ;  et  3°  que  la  délivrance  des  certificats,  leur  annota- 
tion ou  leur  dépôt,  les  recherches  sur  les  registres  ne 
donneraient  lieu  à  la  perception  d'aucun  droit. 

En  comparant  les  frais  fixés  législativement  pour  les 
ventes  de  terre  immatriculée  à  titre  absolu,  avec  les  hono- 
raires perçus  précédemment  par  les  solicitors,  on  cons- 
tate qu'une  importante  réduction  résulte  du  nouveau  ta- 
rif. 


(1)  V.  plus  haut,  p.  202. 


214      l'introduction   des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 


1 

Val  Gui- 
des 

Immeu- 
bles 


Liv.  st. 


50 

100 

300 

1.000 

10.000 

32.000 

.^0.000 

90.000 

100.000 


Frais  anciennement  perçus  (1 


Tarif  de  1881 


Liv-.s 

t.sh 

0/0 

3 

» 

12 

3 

» 

G 

3 

» 

3 

7 

10 

1.5 

15 

» 

1.5 

70 

» 

0.7 

145 

,, 

0 .  29 

201 

» 

0.29 

293 

» 

U.29 

Tarif  d"usagc 
réduit 


0/0 


Liv. 

st 

sli 

2 

» 

2 

» 

G 
10 

1.2 


1 


Aucune  ré- 
duction n'est 
plusconsculie. 


Frais  d'après  la 

cédule  II 

de   la  loi    de  189" 


Liv  st.  sli  d 


0  1       ti 

0  3 

0  G 

1  10 
3  ), 

14  >. 

2  5  »       )i 

25  »       >■ 

25  » 

23  » 


0/0 


0.3 

0.3 

0.3 

0.3 

0.3 

0.14 

0.07 

0.05 

0.027 

0.025 


4 

Diminution 

par    r 

apport 

Au  ta- 

Au 

rif  de 

tarif 

1881 

réduil 

0/0 

0/0 

97.5 

96.2 

95 

92.5 

90 

85 

80 

73 

80 

70 

80 

» 

» 

82.7 

» 

90.  G 

» 

91.3 

» 

Frais  totaux  au 
cas  d'assistance 
d'un  solicilor  (cé- 
dule il  du  Règle- 
ment général)  el 
cédule  II  de  la  loi 
de  1897. 


Livst.shd     0/0 


0  11 
0  13 
0       16 


10 

18 
1 


2.3 

1.3 

0.8 

0.8 

0.8 

0.24 

0.13 

0.09 

0.057 

0.051 


Diminution 

par 

rapport 


Au  ta- 
rif de 

1881 


0/0 


80.8 
78.3 
73.3 
46.6 
46.6 
65.7 

68  9 
80.3 

82.4 


Il  faut  toutefois  remarquer  que  ces  réductions  ne  s'ap- 
pliquent qu'aux  ventes  d'immeubles  immatriculés  à  titre 
absolu.  Lorsque  le  titre  est  possessoire  ou  qualifié,  l'exa- 
men minutieux  des  titres  de  propriété  est  encore  néces- 
saire et  les  solicitors  ne  reçoivent  pas  la  rémunération 
minime  prévue  par  le  Règlement  Général,  mais  peuvent 
exiger  les  honoraires  fixés  par  le  tarif  de  1881.  Les  dé- 
penses occasionnées  par  la  vente  d'un  immeuble  imma- 
triculé à  titre  qualifié  ou  possessoire  paraissent  devoir 
être  un  peu  plus  élevées  qu'en  cas  de  transferts  occultes. 
Mais,  outre  que  cette  aggravation  serait  très  minime  (de 
3  à  0.25  0/00  suivant  la  valeur  de  l'immeuble),  il  semble 
au  contraire  que  les  frais  même  dans  ce  cas  diminueront 
dans  une  forte  mesure.  La  qualification  du  titre  peut 
être  assimilée,  avons-nous  dit,  aux  conditions  de  vente 
imposées  lors  de  la  plupart  des  transmissions.  Pas  plus 
que  ces  conditions,   la  qualification  ne  donnera  lieu  à 

(1)  Cette  partie  du  tableau  est  dressée  d'après  les  renseigne- 
ments donnés  par  M.  Brickdale,  dans  son  rapport  de  1896,  nu- 
méro 100. 


Au 

tarif 
'éduit 


0/0 

71.2 
67.0 
60.» 
42.5 
20 


LES  DROITS   PERÇUS   PAR   LE   BUREAU   d'iMMATRICULATION  215 

des  investigations  et  ne  nécessitera  par  conséquent  l'al- 
location au  solicitor  d'honoraires  supérieurs  à  ceux  pré- 
vus dans  le  Règlement  général  de  1903.  Pour  les  titres 
possessoires,  il  sera  peut-être  utile  de  procéder  pendant 
quelques  années  encore  à  l'examen  des  titres  ;  l'augmen- 
tations  des  frais  variera  donc  de  3  à  0.25  0/00  ;  mais 
elle  ne  sera  que  temporaire,  car  la  consultation  du  regis- 
tre et  la  possession  non  troublée  constitueront  bientôt 
des  preuves  suffisantes  de  la  propriété  de  l'immatriculé. 

Dans  l'examen  de  cette  question,  il  y  a  lieu  aussi  de 
tenir  compte  de  la  simplicité  introduite  par  la  nouvelle 
législation  dans  des  opérations  immobilières.  Beaucoup 
de  propriétaires  qui  jusque-là  étaient  obligés  de  recou- 
rir à  l'assistance  de  professionnels  pour  la  conclusion 
des  actes  vont  désormais  pouvoir  faire  leurs  affaires  en 
personne.  Les  économies  qu'ils  pourront  réaliser  de  ce 
chef  sont  considérables,  puisque  le  tarif  de  la  cédule  II  de 
la  loi  de  1897  est,  au  minimum,  inférieur  de  80  0/0  du 
tarif  légal  de  1881  et  de  70  0/0  du  tarif  d'usage  consenti 
par  les  solicitors  à  certains  de  leurs  clients. 

Mais  si  les  frais  des  actes  postérieurs  à  l'immatricula- 
tion  paraissent  être  diminués  dans  une  proportion  va- 
riant suivant  les  divers  titres,  l'inscription  d'un  immeuble 
sur  le  Livre  foncier  coûtera-t-elle  moins  cher  d'après  la 
nouvelle  législation  ?  La  cédule  II  (1),  réduit-elle  les  char- 
ges imposées  aux  propriétaires  tant  par  le  tarif  de  1875 
que  par  celui  de  1889  ?  Il  n'est  malheureusement  pas  pos- 
sible de  comparer  d'une  façon  précise  ces  divers  tarifs. 
La  cédule  II  commence,  en  effet,  par  ces  mots  :  «  Les 
droits  suivants  seront  payés  dans  les  districts  où  l'imma- 
triculation de  la  propriété  est  obligatoire  (2).  Ils  com- 
prendront toutes  les  dépenses  nécessitées  par  l'arpen- 
iage,  la  confection  du  plan,  la  copie,  la  préparation,  la 

(1)  Les  droits  d'immatriculation  à  titre  possessoire  sont  les 
mêmes  que  ceux  perçus  à  l'occasion  d'une  vente.  V.  donc  plus 
haut  le  tableau  col.  3,  p.  214. 

(2)  Le  tarif  du  18  décembre  1903  a  appliqué  la  cédule  II  à 
toute  l'Angleterre  sans  distinction  entre  les  districts  où  l'im- 
matriculation aurait  été  ou  n'aurait  pas  été  rendue  obligatoire. 


21C)       I."lMlî(JDl  CTIOX   DES   L1\RF.S    FONCIERS   EN   ANGLKJ  ERRE 

délivrance,  l'annotation  ou  le  dépôt  du  certificat,  les 
mainlevées  de  charges,  Fenregistrement  de  toutes  les  op- 
positions, défenses  ou  restrictions  convenables,  la  pro- 
duction de  tous  les  documents  secondaires  ainsi  que  tous 
les  autres  frais.  » 

Or,  d'après  les  anciens  tarifs  (1),  chacune  de  ces  forma- 
lités coûtait  au  requérant  des  honoraires  supplémentai- 
res, qui  variaient  suivant  le  nombre  et  l'importance  des 
preuves  exigées  ou  la  longueur  des  travaux  accessoires. 
Il  n'était  pas  possible  pour  une  terre  d'une  valeur  de 
déterminée  de  dire  exactement  quel  serait  le  montant  des 
droits  perçus  pour  l'immatriculation. 

Aussi,  considérant  seulement  le  tarif  de  l'immatricula- 
tion prévu  en  1889  et  celui  prévu  en  1903,  on  constate  que 
ce  dernier  est  plus  élevé  que  le  précédent.  Mais  on  en 
trouve  l'explication  dans  les  termes  de  la  cédule  II  et, 
tous  comptes  faits,  les  immatriculations  de  petites  pro- 
priétés de  25,  50,  100,  200  et  300  livres  sterlings  sont  dé- 
grevées dans  une  large  mesure  :  ce  qui  est  d'ailleurs  fort 
compréhensible,  car  la  plupart  des  formalités  maintenant 
comprises  dans  l'énumération  de  la  cédule  II  étaient 
taxées  sans  avoir  égard  à  la  valeur  de  l'immeuble.  Si  pour 
une  grande  propriété  leur  montant  était  peu  appréciable, 
au  contraire  il  doublait  et  même  plus,  les  frais  afférents 
aux  biens  d'une  valeur  minime. 

D'autre  part,  la  fixation  d'un  droit  maximum  de  25  li- 
vres sterlings,  inférieur  à  celui  perçu  précédemment,  dé- 
grèvera également  l'immatriculation  d'immeubles  d'une 
valeur  supérieure  à  32.000  livres  sterlings.  Restent  les 
biens-fonds  d'une  valeur  moyenne,  qui  sont  soumis  à 
un  tarif  à  peu  de  chose  près  équivalent  à  l'ancien  tarif, 
et  d'ailleurs  bien  minime  puisqu'il  représente  entre  3  0/00 
et  1.4  0/00  du  prix  de  ces  biens. 

Le  tarif  du  27  octobre  1898  et  après  lui  le  tarif  du 
18  décembre  1903,  ont  fixé  au  triple  des  droits  perçus  à 
l'occasion  d'une  immatriculation  à  titre  possessoire,  les 

(1)  Voyez  ces  deux  tarifs,  Land  Transfer  Bill  de  1895,  appen- 
dice 6, 


LES  DROITS   PERÇUS   PAR    LE   BUREAU   l)'j  MMATRICULATION  217 

frais  de  l'immatriculation  à  titre  absolu  ;  ce  qui  est  rela- 
tivement élevé.  Les  comparaisons  avec  les  tarifs  précé- 
dents donneraient  des  résultats  à  peu  près  analogues  à 
ceux  obtenus  pour  les  immatriculations  à  titre  posses- 
soire. 

Il  est  intéressant  de  se  demander  ce  que  coûte,  dans  les 
pays  où  existent  les  Livres  fonciers,  les  transmissions 
des  immeubles  et  de  rapprocher  les  divers  chiffres.  Il 
n'est  toutefois  pas  possible  d'évaluer  les  tarifs  appliqués 
en  Autriche-Hongrie,  car  dans  ces  pays  les  frais  d'imma- 
triculation se  confondent  avec  les  droits  de  mutation.  Le 
tableau  ci-après  donne  cette  comparaison  pour  un  cer- 
tain nombre  de  pays.  Nous  avons  cru  utile  d'y  joindre 
le  tarif  français  des  droits  de  transcription  et  d'inscrip- 
tion, bien  que  les  opérations  à  l'occasion  desquelles  a 
lieu  la  perception  soient  très  différentes  dans  la  forme  et 
dans  le  fond  (1). 


1 

Valeur 
des 

Immeu- 
bles 


Liv.  st. 


I 

10 

20 

50 

100 

500 

1.000 

2.000 

5.000 

10.000 

20.000 

50.000 

100.000 


Angleterre 

Cédule  II 
de  la  loi  de 

1897) 

Livst.  sh.  (1. 


1 

3 

5 

9 

14 

19 

25 

25 


1 
1 

1 

3 

0 

10 


PRUSSE 
(Ordonnance  du  l"  Octobre 

1895.) 

Ventes  Hypothèques 

(j'v.st.  sli.  d.  Liv. st.  sli.  d. 


).  7 

»  18 

1  10 

i  12 

4  5 

7  10 

13  10 

31  10 

Cl  10 


»     1 
1 
1     1 


30 
60 


..     3 
1     » 

1  11 

3  5 

4  7 

2  » 
1     » 


12     If 


SAXE 

(Ordonnance  du   6  Novem- 
bre 1890.) 


Hypotlièques 

Liv.st    s-ii.  d. 


Ventes 

l.iv.st 

.  si.. 

d. 

» 

.") 

<> 

» 

0 

>i 

» 

5 

)) 

» 

5 

)) 

» 

10 

» 

2 

5 

» 

3 

15 

» 

6 

5 

» 

12 

10 

» 

n 

10 

» 

27 

10 

» 

57 

10 

» 

107 

10 

» 

»     17     6 

1  12     6 

2  12 


0     17 

11     17 

26 

51 


6 
6 
G 
6 
17  G 
17     6 


Nouvelle- 
Galles  du  Sud 
(Lois  de  1862, 
1873  et  1878) 

Ventes  ot 
Hypothèques 

Liv.st.  sh.  d. 


»     10     » 


-f  2  0/00 


FRANCE 

Loi 

du   27  Juillet 
1900 


Liv.st.  sh.  d 


1 

9 

5 

12 
25 

50 
125 

250 


.  2 

»  6 

1  •' 

2  6 


5 

10 

•) 

40 


Il  n'y  a  pas  de  comparaison  possible  entre  les  taxes 
perçues  dans  la  colonie  de  la  Nouvelle-Galles  et  les  taxes 

(1)  Pour  la  Prusse  et  la  Saxe,  ces  renseignements  ont  été  pris 
dans  le  Detailed  Report  on  the  varions  Systems  of  Registration 
of  title  to  land  in  Germany  and  Austria-Hungary,  1896,  §§  78  et 
84,  pour  la  Nouvelle-Galles  à  l'appendice  6  du  Rapport  sur  le 
Land  Transfer  Bill  de  1895. 


218      l'introduction  des   livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

en  usage  dans  les  pays  d'Europe.  Dans  l'une,  en  effet, 
elles  sont  purement  nominales,  dans  les  autres,  elles  re- 
présentent un  droit  ad  valorem  quoique  très  minime.  La 
cédule  II  est  donc  loin  de  consentir  des  réductions  com- 
parables à  celles  dont  bénéficient  les  colons  d'Océanie. 

Si  l'on  examine  les  tarifs  européens,  le  moins  élevé  est 
celui  de  la  Prusse  ;  mais  le  tarif  anglais  est  plus  avanta- 
geux pour  les  transmissions  de  minime  importance,  in- 
férieures à  500  livres  sterlings  on  12.500  francs.  La  Saxe, 
au  contraire,  perçoit  des  droits  beaucoup  plus  élevés  que 
l'Angleterre. 

Mais  en  Saxe  et  en  Prusse  les  ventes  et  les  hypothè- 
ques sont  soumises  à  des  tarifs  distincts  et  les  secondes 
bénéficient  d'un  traitement  plus  favorable  que  les  pre- 
mières. En  Angleterre,  malgré  la  transformation  radi- 
cale du  mortgage  opérée  par  les  Land  Transfer  Acts,  la 
grande  différence  existant  entre  les  deux  opérations  ne 
semble  pas  avoir  été  encore  bien  comprise  ;  le  législa- 
teur semble  foui  ours  considérer,  tout  au  moins  au  point 
de  vue  de  la  taxation,  le  mortgage  comme  une  aliénation 
fiduciaire  et  soumet  les  ventes  et  les  hypothèques-  au 
même  régime  fiscal.  Confusion  qui  est  regrettable,  pré- 
judiciable même  au  développement  du  crédit  réel,  qui 
jouit,  dans  les  autres  pays,  en  ce  qui  touche  les  Livres 
fonciers,  d'un  régime  de  faveur. 

Enfin  la  loi  fran;;aise  du  27  juillet  1900,  applicable 
pour  leS'  formalités  hypothécaires  de  transcription  et 
d'inscription,  part  d'un  point  de  vue  tout  différent  de  ce- 
lui des  autres  législations.  Alors  que  les  tarifs  anglais, 
prussiens  ou  saxons  sont  dégressifs  et  font  payer  un  droit 
plus  élevé  aux  petites  conventions  qu'aux  conventions 
importantes,  le  tarif  français  reste  toujours  proportion- 
nel à  la  valeur  de  la  transmission  ou  du  prêt.  Très  faible 
(0.25  0/0),  il  constitue,  par  rapport  aux  autres  tarifs,  une 
atténuation  des  charges  imposées  à  toutes  les  aliénations 
ou  à  tous  les  emprunts  inférieurs  à  2.500  francs  ou  100 
livres  sterlings,  mais  il  pèse  plus  lourdement  que  les  au- 
tres sur  les  opérations  d'une  valeur  de  plus  de  2.500  fr. 
Les  législateurs  étrangers  ont  considéré  qu'une  inscrip- 


LES  DROITS   PERÇUS   PAR   LE   BUREAU   d'iMMATRICULATION  219 

tion  sur  le  Livre  foncier  ne  présentait  pas  des  difficultés 
plus  grandes,  lorsqu'il  s'agissait  d'un  acte  portant  sur 
quelques  centaines  de  francs  ou  plusieurs  millions,  et 
qu'il  était  nécessaire  de  procéder  à  des  formalités  iden- 
tiques, quelle  que  soit  l'importance  pécuniaire  de  l'af- 
faire. Les  tarifs  ne  pouvaient  donc  pas  avoir  une  base 
rigoureusement  proportionnelle  et  les  affaires  importan- 
tes devaient  acquitter  des  droits  comparativement  moins 
élevés  que  les  petites.  Le  législateur  français  n'a  pas  cru 
pouvoir,  en  1900,  consacrer  cette  théorie  qui  avait  été, 
d'ailleurs,  jusque-là,  en  usage  dans  notre  pays.  Il  a  dé- 
cidé que  la  rémunération  demandée  par  l'Etat  serait  tou- 
jours proportionnelle  à  la  valeur  engagée.  Si  les  taxes 
perçues  sur  les  petites  opérations  ne  représentent  pas 
les  frais  occasionnés,  celles  qui  sont  perçues  sur  les 
moyennes  et  les  grosses  opérations  compensent  les  in- 
suffisances constatées  d'autre  part.  Cette  mesure  est  as- 
surément plus  équitable  que  la  solution  adoptée  par  les 
autres  pays.  En  même  temps  elle  favorise  les  transmis- 
sions de  petits  immeubles  si  nombreuses  en  France  et 
n'accroît  pas  les  charges  si  lourdes  supportées  déjà  par 
la  petite  propriété. 

La  tarif  anglais  présente  donc  deux  imperfections. 

Il  est  encore  trop  élevé  dans  son  ensemble.  Nous  avons 
expliqué  les  raisons  pour  lesquelles,  il  ne  pouvait  pas 
être  abaissé  davantage,  tout  au  moins  au  début  de  l'ap- 
plication de  la  loi.  Car  il  faut  espérer  que,  le  nombre  des 
immatriculations  augmentant,  les  frais  généraux  du  ser- 
vice pourront  être  répartis  sur  un  plus  grand  nombre 
d'opérations  et  les  frais  être  diminués. 

De  plus,  il  manque  de  proportionnalité.  Le  législateur 
s'inspirant  sans  doute  d'un  sentiment  de  justice  n'a  pas 
voulu  faire  payer  aux  favorisés  de  la  fortune  les  bonifi- 
cations dont  auraient  bénéficié  les  humbles.  Il  semble 
cependant  que,  mis  en  présence  d'un  tarif  proportionnel, 
aucun  propriétaire  n'aurait  pu  se  prétendre  surtaxé, 
même  si  certaines  économies  réalisées  sur  son  opération 
avaient  permis  de  demander  des  sommes  moins  considé- 
rables à  d'autres  propriétaires,  moins  fortunés.  Les  pe- 


220      l'introduction   DKS   livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

tites  ventes  auraient  joui  d'une  situation  peut-être  pri- 
vilégiée, mais  peu  enviable  en  somme  ;  car,  quoique  le 
législateur  fasse,  elles  supporteront  toujours  des  frais 
relativement  plus  élevés  que  les  autres.  Le  législateur 
anglais  a  conservé  la  base  sur  laquelle  reposait  aupara- 
vant le  tarif  des  solicitors  ;  il  l'a  même  sur  certains  points 
améliorée.  Il  eût  été  préférable  à  notre  avis  qu'il  rompît 
avec  la  tradition  et  que,  s'inspirant  des  idées  d'équité,  il 
soumît  chaque  propriétaire  à  l'impôt  suivant  l'importance 
de  l'affaire. 


TROISIÈME  PARTIE 

Les  résultats  de  la  réforme  en  Angleterre. 

L'introduction  du  Livre  foncier  en  France. 


CHAPITRE  I 


LA  CONSTITUTION  DU  LIVRE  FONCIER  DANS  LE  COMTÉ  DE 

LONDRES. 

La  première  application  de  la  nouvelle  législation  a 
été  faite  dans  le  comté  de  Londres.  Il  était  dailleurs  tout 
désigné  pour  servir  en  quelque  sorte  de  champ  d'expé- 
riences. L'enregistrement  des  actes  fonctionnait  déjà 
dans  leAliddlesex.  Grâce  à  cette  administration,  des  sta- 
tistiques avaient  pu  être  réunies  indiquant  le  nombre 
des  transactions  dans  les  paroisses  métropolitaines.  Il 
était  facile  d'en  déduire  quelles  seraient  les  opérations 
à  effectuer  pour  créer  un  registre  terrier  de  la  propriété 
londonnienne  ;  quel  serait  également  le  nombre  des 
fonctionnaires  nécessaire  pour  mener  à  bien  l'immatri- 
culation des  immeubles  ;  quelles  recettes  enfin  pouvaient 
être  espérées  de  l'application  du  tarif  fixé  par  le  Parle- 
ment :  toutes  prévisions  qui  permettaient  d'éviter  les 
à-coups  inévitables,  lorsqu'il  s'agit  de  créer  de  toutes 
pièces  un  organisme  nouveau. 

Le  premier  projet  d'ordonnance  préparé  en  exécution 
de  la  loi,  déclarait  que  l'immatriculation  serait  obliga- 
toire, dans  tout  le  comté  de  Londres,  à  l'occasion  des 
ventes  contractées  après  le  1"  juillet  1898.  Avis  de  ce 
projet  fut  donné  au  Conseil  du  comté  le  19  novembre 
1897.  Cette  assemblée  demanda  aux  paroisses  et  aux  au- 
tres corporations  intéressées  du  district  de  formuler  leur 
opinion  sur  l'opportunité  de  cette  mesure.  La  plupart  de 
ces  autorités  se  prononcèrent  contre  l'adoption  de  l'or- 
donnance. 


222      l'iXTRODUCTION  des   livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

A  une  réunion  spécialement  convoquée  à  l'effet  d'exa- 
miner la  question,  le  15  février  1898,  le  Conseil  du 
comté  de  Londres  repoussa  par  73  voix  contre  35  une 
proposition  tendant  à  s'opposer  à  la  promulgation  de 
l'ordonnance.  Il  résolut  d'approuver  le  texte  qui  lui  avait 
été  proposé,  mais  sous  réserve  des  modifications  indi- 
quées dans  une  lettre  du  secrétaire  du  Conseil  privé  en 
date  du  18  janvier  1898  et  ayant  pour  but  d'appliquer  la 
loi  progressivement  dans  les  diverses  paroisses  du 
comté  (1).  Conformément  à  la  délibération  du  Conseil  et 
aux  propositions  du  Gouvernement,  une  ordonnance  en 
Conseil  privé  fut  rendue  le  18  juillet  1898.  Elle  décidait 
que  l'immatriculation  deviendrait  obligatoire  : 

1°  Dans:  les  paroisses  d'Hampstead,  Saint-Pancras, 
Saint-Marylebone,  Saint-George's  Hanover  Square,  à 
partir  du  P""  novembre  1898  ; 

2°  Dans  les  paroisses  de  Shoreditch,  Bethnal  Green 
Mile  End  Old  Town,  Wapping,  Saint-George's-in-the- 
East,  Shadv^ell,  Ratcliff,  Limehouse,  Bow,  Bromley  et 
Poplar,  à  partir  du  V  mars  1899  ; 

3*"  Dans  le  reste  du  comté  au  nord  de  la  Tamise  sauf 
la  Cité  et  North  Woohvich,  à  partir  du  1"  octobre  1899  ; 

4°  Dans  le  reste  du  comté  sauf  la  Cité,  à  partir  du 
V'  janvier  1900  ; 

5°  Dans  la  Cité  de  Londres,  à  partir  du  1"  juillet  1900. 

Ces  dates  ont,  depuis  lors,  été  quelque  peu  modifiées. 
L'application  de  la  contrainte  légale  n'a  commencé  que 
le  P""  janvier  1899  ;  une  nouvelle  répartition  des  paroisses 
a  été  faite  qui  a  reporté  au  V  novembre  1900  l'entrée 
en  vigueur  définitive  de  la  loi  dans  tout  le  comté  de  Lon- 
dres, exception  faite  toutefois  pour  la  Cité.  Enfin,  depuis 
le  P""  juillet  1902  la  Cité  de  Londres  a  été  soumise  à  l'im- 
matriculation obligatoire. 

Ayant  ainsi  déterminé  les  conditions  d'application  pro- 
gressive de  la  loi,  il  s'agissait  d'organiser  le  service  (2). 

(1)  Brickdale  and  Sheldon's   op.  cit.,  p.  50. 

(2)  La  plupart  de  ces  détails  ont  été  extraits  du  Report  of 
the  Registrar  of  the  Land  Registry  on  the  first  tbrec  years 
(1899,  1900  et  1901),  of  the  work  of  constructing  a  General 
Register  of  Title  for  the  County  of  London,  1902. 


LE  LIVRE  FONCIER  DU   COMTÉ  DE  LONDRES  223 

D'après  les  renseignements  fournis  par  le  registre  d'ac- 
tes du  Middlesex,  le  nombre  des  demandes  en  immatri- 
culation devait  être  de  douze  en  moyenne  par  jour  pour 
les  deux  premiers  groupes  de  paroisses  et  produire  une 
recette  annuelle  de  9.800  livres  sterlings.  2  registrars  ad- 
joints, 2  commis  de  V  classe,  et  4  commis  de  3^  classe, 
parurent  suffisants  pour  mener  à  bien  ce  travail,  tout  au 
moins  provisoirement.  Mais  il  fallait  aussi  organiser  le 
service  technique  chargé  de  réviser  et  de  tenir  les  cartes 
et  plans.  Il  ne  parut  pas  possible  de  laisser  dépendre  plus 
longtemps  ce  service  du  service  général  de  la  carte  offi- 
cielle. Les  opérations  techniques  nécessitées  par  l'imma- 
triculation étaient  trop  intimement  liées  aux  opérations 
juridiques  pour  pouvoir  être  placées  sous  une  direction 
différente  de  celle  du  Land  Registry.  Définitivement  en 
janvier  1900,  les  agents  de  tous  les  services  ont  été  réu- 
nis sous  l'autorité  directe  du  Registrar. 

En  même  temps  que  Ton  imposait  l'immatriculation, 
il  était  nécessaire  de  procéder  à  une  révision  complète 
de  la  carte  officielle.  Si  rapide  avait  été  le  progrès  des 
constructions  dans  certains  districts  depuis  la  dernière 
révision  de  1893-95,  que  la  carte  avait  cessé  pour  des 
parties  considérables  d'être  à  jour  et  ne  donnait  plus 
que  des  renseignements  absolument  insuffisants.  Com- 
mencé en  septembre  1898,  ce  travail  fut  exécuté  et  ter- 
miné (sauf  pour  la  Cité  de  Londres),  dans  les  seize  mois 
suivants  ;  72.374  acres  ont  été  ainsi  relevés.  Le  plus  sou- 
vent il  ne  fut  nécessaire  que  de  procéder  à  la  révision  de 
la  carte.  La  réfection  totale  s'imposa,  cependant  quel- 
quefois, surtout  au  sud  de  la  Tamise  où  les  transforma- 
tions avaient  été  les  plus  importantes.  Elle  porta  sur 
5.591  acres  soit  2.238,4  hectares,  et  7,  7  0/0  de  la  super- 
ficie totale.  La  ca-rte  officielle,  bien  qu'à  grande  échelle 
et  révisée  depuis  peu  de  temps,  n'a  donc  pas  suffi  comme 
base  de  l'immatriculation  et  il  a  fallu  procéder  à  des  vé- 
rifications complémentaires.  Mais  elle  a  beaucoup  faci- 
lité les  nouveaux  levés  en  fournissant  aux  géomètres  les 
points  trigonométriques  nécessaires  pour  l'exécution  de 
leur  travail  (1). 

(1)  Des  renseignements  trop  techniques  pour  être  rappelés  ici, 


224      l'lMRODUCTION  des   livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

A  mesure  que  l'immatriculation  obligatoire  a  été  éten- 
due aux  diverses  parties  du  comté,  le  nombre  des  de- 
mandes s'est  accru.  En  1901-1902  il  avait  atteint  une 
moyenne  de  60  par  jour  (1).  Mais  en  même  temps  crois- 
sait dans  une  proportion  inattendue  le  nombre  des  di- 
verses conventions  relatives  aux  immeubles  immatricu- 
lés. L'application  des  Land  Transfer  Acts  semble  donc 
avoir  favorisé  et  multiplié  les  transactions  immobilières. 

Pour  satisfaire  aux  besoins  du  service,  le  nombre  des 
fonctionnaires  dût  être  augmenté  progressivement.  Voici 
quel  était,  au  31  décembre  1901,  l'état  du  personnel  em- 
ployé exclusivement  aux  opérations  d'immatriculation 
concernant  le  comté  de  Londres  : 

Appointements 
Grades  totaux 

2   Registrars   adjoints Liv.   st.  1.650 

2  Commis  de  l''^  classe 1.121 

7  —      de  2^    ~     1.955 

16        —      de  3«    —     1.930 

4        —      auxiliaires   760 

Service  de  la  Carte  : 

2  Vérificateurs  en  chef 712 

10  Vérificateurs    1.819 

24  Géomètres   3.382 

35  Dessinateurs  adjoints 3.055 

4  Surnuméraires    252 

29  Hommes  d'équipe 980 

Service  de  tenue  des  Livres  : 

1  Chef  de  service  adjoint 200 

8  Commis  aux  écritures 820 

14  Copistes  à  la  machine  à  écrire 933 

16  Expéditionnaires    624 


174  20.192 

Ce  personnel  est  considérable,  et  représente  une  dé- 
pense de  traitement  très  importante.  Il  est  beaucoup  plus 

mais  fort  intéressants  sont  donnés  dans  le  Report  of  the  Re- 
gistrar  of  the  Land  Registry  de  1902,  p.  19  et  suivantes. 

(1)  Sur  ce  chiffre,  3  à  4  immatriculations  par  semaine  sont 
opérées  pour  la  Cité. 


LE   LI\  RE  FONCIER  DU   COMTÉ  DE  LONDRES  22o 

nombreux  que  dans  tous  les  autres  pays.  II  est  juste  de 
remarquer  toutefois  que  le  service  de  la  carte  figure  dans 
ces  chiffres,  avec  104  employés  et  pour  une  dépense  de 
10.200  livres  sterlings  ;  les  travaux  extraordinaires  aux- 
quels il  a  dû  être  procédé  expliquent  la  présence  d'aussi 
nombreux  employés  ;  il  est  à  présumer  que,  la  révision 
de  la  carte  étant  complètement  terminée,  plusieurs  d'en- 
tre eux  n'auront  plus  d'emploi  pour  la  continuation  des 
opérations  d'enregistrement  et  seront  alors  affectés  à 
d'autres  districts  où  l'immatriculation  aura  été  rendue 
obligatoire. 

Il  semble  néanmoins  qu'en  admettant  même  la  néces- 
sité d'un  personnel  plus  nombreux  au  début  de  la  créa- 
tion du  senice,  le  Registrar  anglais  a  sous  ses  ordres 
trop  de  fonctionnaires  ;  ce  qui  aura  le'  mauvais  effet 
d'empêcher  la  réduction  des  droits,  puisque  les  proprié- 
taires doivent  rembourser  à  l'Etat  les  dépenses  du  Bureau 
d'immatricula  tion . 

Toutefois  cette  organisation  présente  ravantage  de 
rendre  les  opérations  extrêmement  rapides.  38  0/0  des 
demandes  en  immatriculation  ont  été  solutionnées  en 
moins  d'une  semaine,  75  0/0  en  moins  d'une  quinzaine. 
Dans  le  nord  de  Londres,  où  les  difficultés  relatives  aux 
limites  sont  moins  fréquentes,  ces  proportions  s'élè- 
vent respectivement  à  57  et  83  0/0.  Les  9/10  des  imma- 
truculations  qui  ne  peuvent  pas  être  exécutées  en  une  se- 
maine, sont  retardées  par  des  discordances  sérieuses  en- 
tre l'état  des  lieux,  tel  qu'il  est  en  réalité  et  tel  qu'il  ré- 
sulte du  plan  qui  a  été  fourni.  Tantôt  la  surface  est  supé- 
rieure, tantôt  le  plan  indique  une  toute  autre  parcelle  que 
celle  dont  il  s'agit,  tantôt  la  position  et  la  forme  des  li- 
mites n'ont  pas  été  exactement  indiquées,  tantôt  enfin,  la 
désignation  des  tenants  et  aboutissants  a  été  copiée  sur 
un  titre  déjà  ancien  et  n'ayant  plus  aucune  corrélation 
avec  la  situation  actuelle  de  la  propriété. 

Ces  contradictions  sont  si  fréquentes  que  dans  25  0/0 

(1)  Report  of  the  Registrar  of  the  Land  Registry,  p.  12,  §  58. 
L.  15 


220      l'i.MRODI  CTION   DES   LIVRES  FONCIERS  EN  ANGLETERRE 

des  cas,  les  géomètres  doivent  se  rendre  sur  les  lieux 
pour  vérifier  sur  place  1  exactitude  du  plan  fourni.  Car 
il  faut  avant  tout  éviter  les  erreurs  et  veiller  à  ce  qu'il  ne 
soit  pas  nécessaire  de  rectifier  les  plans,  lorsque  les  pro- 
priétés voisines  viendront  à  être  immatriculées.  «  Les 
propriétaires  se  rendent  d'ailleurs  compte,  dit  le  Regis- 
Irar,  de  l'avantage  qu'il  y  a  pour  eux,  même  au  prix  de 
quelque  retard  ou  de  quelque  ennui,  à  connaître  exac- 
tement l'étendue  de  la  propriété  dont  ils  sont  en  posses- 
sion et  aux(|uels  ils  ont  droit.  C'est  un  résultat  qui  ne 
peut  être  obtenu  avec  le  système  des  transactions  occul- 
tes et  que  la  réforme  leur  procure  (1).  » 

Les  transactions  opérées  postérieure^ment  à  l'immatri- 
culation ne  nécessitent  pas  la  vérification  du  plan  (sauf 
lorsqu'il  y  a  vente  d'une  parcelle)  ;  elles  peuvent  donc 
être  plus  rapidement  conduites  et,  en  général,  cinq  jours 
suffisent  pour  procéder  aux  inscriptions  qu'elles  néces- 
sitent. 

D'ailleurs,  lorsqu'il  y  a  lieu  de  procéder  à  l'immatri- 
culation ou  à  des  inscriptions  dans  des  délais  encore 
plus  courts,  les  fonctionnaires  se  sont  toujours  efforcés 
de  donner  complète  satisfaction  au  public. 

La  procédure  d'immatriculation  a  été  en  pratique  or- 
ganisée de  façon  à  causer  aux  particuliers  le  moins  d'en- 
nui possible.  En  général,  une  1/2  heure  à  1  heure  de 
présence  au  Bureau  d'immatriculation  est  suffisante.  Le 
requérant  n'a  qu'à  apporter  l'acte  sur  lequel  il  se  fonde 
pour  demander  l'immatriculation  et  une  copie  de  cet  acte. 
Il  n'a  besoin  de  faire  aucun  plan  ni  de  rédiger  aucune 
formule  spéciale.  Tout  est  fait  au  Bureau  d'immatricu- 
lation. Pour  cela,  il  s'adresse  d'abord  au  service  de  la 
carte  ;  là,  il  indique  la  position  de  la  propriété  et  donne 
les  indications  nécessaires  pour  la  préparation  du  plan  à 
annexer  ;  puis  il  passe  au  service  de  la  rédaction  des 
formules.  Un  commis  lit  l'acte,  fait  un  projet  d'im- 
matriculation et  le  soumet  à  l'approbation  du  requérant. 
Il  détermine  également  le  montant  des  frais  à  percevoir. 

(1)  Report  of  the  Registrar,  etc.,  p.   13,  §  61. 


LE   Ln  RE   EO.XCIER   DU   COMTÉ   DE   LONDRES  227 

Dans  un  3^  bureau,  le  requérant  se  procure  les  timbres 
représentant  les  droits  payés  et  lés  fixe  sur  le  projet 
qui  lui  a  été  remis.  Enfin,  il  va  trouver  un  commis  chargé 
de  l'immatriculation,  qui  reçoit  son  acte  ainsi  que 
le  projet  d'immatriculation  et  inscrit  sa  demande  sur  un 
registre,  inscription  qui  confère  au  requérant  un  droit 
de  priorité. 

Dès  lors  le  requérant  n"a  plus  qu'à  attendre  que  son 
acte  et  le  certificat  terrier  lui  soient  renvoyés.  6  0/0  des 
demandes  seulement  donnent  lieu  à  correspondance  en- 
tre les  particuliers  et  le  Land  Registry. 

Avant  de  procéder  définitivement  aux  inscriptions  sur 
le  Livre  foncier,  l'acte  et  le  projet  d'immatriculation  sont 
successivement  examinés  par  plusieurs  fonctionnaires, 
afin  de  s'assurer  qu'aucune  des  particularités  de  la  pro- 
priété n'a  échappé  aux  divers  employés  qui  ont  eu  les  ti- 
tres entre  les  mains.  Concurremment  aux  opérations  ju- 
ridiques, le  service  de  la  carte  constate  la  conformité 
du  plan  avec  l'acte  produit  et,  s'il  y  a  lieu,  avec  limmeu- 
ble  lui-même. 

Le  Land  Certificate  est  enfin  préparé  ;  le  plan  qui  doit 
y  être  annexé  est  collé  sur  le  verso  de  ce  document  et  le 
tout,  accompagné  de  l'acte  qui  a  servi  de  base  à  Timma- 
triculation,  est  renvoyé  au  particulier  dûment  scellé. 

Cette  procédure  qui  a  donné  de  bons  résultats  dans  la 
pratique  est  rapide  et  sûre.  Elle  met  en  jeu  la  responsa- 
bilité de  plusieurs  fonctionnaires  ({ui  se  contrôlent  les 
uns  les  autres.  Ils  doivent  signer  de  leurs  initiales  les 
pièces  passées  par  leurs  mains,  ce  qui  permet  de  retrou- 
ver, lorsqu'une  erreur  est  découverte,  le  fonctionnaire 
qui  l'a  commise  :  cette  précaution  est  une  garantie  du 
soin  avec  lequel  les  opérations  sont  conduites.  Ainsi  se 
trouve  résolue  la  difficulté  d'assurer,  dans  un  organisme 
central  peuplé  de  nombreux  employés  la  responsabilité 
de  chacun  pour  les  actes  qu'il  a  faits. 

Au  31  décembre  190L  54.143  demandes  avaient  été 
présentées  au  Bureau  d'immatriculation  ;  sur  ce  nombre 
82.268  avaient  pour  but  d'obtenir  l'immatriculation.  Les 
propriétés  ainsi  immatriculées  montrent  une  très  grande 


l'introduction  des   livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

variété  quant  à  leur  consistance  et  quant  à  leur  caractère. 
((  Ce  sont  des  constructions  de  toutes  natures  et  de  tou- 
tes valeurs  depuis  les  résidences  somptueuses  avec  jar- 
dins de  l'Ouest  jusqu'aux  plus  pauvres  habitations  de 
l'Est,  depuis  les  maisons  de  commerce  des  rues  animées 
du  centre,  bâties  depuis  des  siècles,  dont  le  sol  est  vendu 
et  mesuré  au  pouce  carré,  jusqu'aux  fermes,  aux  ver- 
gers, aux  jardins  maraîchers  des  communes  suburbai- 
nes éloignées  et  jusqu'aux  terrains  à  bâtir  avec  des  rou- 
tes à  peine  marquées,  des  lots  non  délimités,  encore  dans 
le  premier  état  de  leur  développement.  Ce  sont  aussi  des 
chapelles,  des  écoles,  des  théâtres,  des  hôtels,  des  manufac- 
tures, des  étages,  des  caves,  des  parties  d'appartement, 
des  voûtes,  des  cours,  des  passages,  des  murs  mitoyens, 
des  docks,  des  entrepôts,  des  parcs,  des  cimetières,  des 
chemins  de  fer,  des  rues,  des  tunnels,  des  passages  sou- 
terrains, des  droits  de  passage,  des  droits  à  la  lumière  ou 
à  l'air,  des  droits  de  mitoyenneté,  des  servitudes  de  cons- 
tructions, de'  remblais,  d'usage  de  jardins,  des  substitu- 
tions, des  droits  de  propriété  indivis  ou  conjoints,  des 
freeholds,  des  leaseholds  et  des  sous-locations  de  tous  de- 
grés de  complexité,  y  compris  des  cas  où  les  tenures  sont 
embrouillées  au  point  de  ne  pouvoir  être  distinguées  (1).» 

Malgré  cette  variété  et  la  difficulté  de  quelques-unes 
des  opérations, sur  54.000  décisions  du  Registrar,un  seul 
appel  fut  porté  devant  la  Cour  et  môme  dans  ce  cas,  la 
décision  du  Registrar  fût  confirmée. 

Les  rapports  publiés  annuellement  par  le  Land  Regis- 
try  montrent  la  progression  suivie  par  les  demandes  en 
immatriculation  (2). 


(1)  Report  of  the  Registrar  of  the  Land  Registry,  p.  5,  §  13. 

(2)  Returns  of  the  Land  Registry  pour  les  années  1895-98, 
1899,  1900,  1901  et  1902. 


LE   LIVRE  FONCIER  DU  COMTÉ  DE  LONDRES 


229 


Immatriculations 

180.5  a 

1898 

lï^99 

{ 900 

1901 

1902 

(  avec   titre  ab-olu. . . 

Freeholds  <  avec  titre  qualifié  . . 

(  avec  titre  possessûire 

(avec  titre  absolu... 

Leaseholds  1  avec  titre  qualifié. . . 

(  avec  titre  possessoire 

Total 

Superficie  (acres) 

25 

£6 

» 
» 

18 

8o'l 

1 

2.131 

21 

2.564 
>) 

8.774 

2(1 
3.770 

» 

(1)              2 
12.285 

15 
3.962 

11.861 

51 

2.954 

11.. 366 

16.077 

15.838 

63  924 
360.000 

396 
4.953.747 

4.649 
13.815.977 

2.516 
15  315.186 

9.194 
17.304.591 

Valeur  (Livres  sterlings) 

Les  immatriculations  à  titre  absolu  sont,  d'après  ces 
statistiques,  fort  peu  nombreuses.  Les  frais  relativement 
élevés,  perçus  à  l'occasion  de  cette  opération,  expliquent 
la  répugnance  des  propriétaires  à  requérir  l'immatricu- 
lation à  titre  absolu  qui,  seule  cependant,  les  ferait  bé- 
néficier de  tous  les  avantages  de  la  nouvelle  législation. 
Aucun  titre  qualifié  de  freeholds  et  seulement  10  titres  qua- 
lifiés de  leaseholds  ont  été  délivrés.  Les  propriétaires  ne 
tiennent  pas,  en  effet,  que  les  défauts  de  leurs  titres  soient 
en  quelque  sorte  proclamés  ouvertement  :  ils  préfèrent, 
lorsqu'ils  ne  peuvent  obtenir  un  titre  gabsolu,  demander 
seulement  un  titre  possessoire.  Ce  sont,  en  effet,  les  ti- 
tres possessoires  qui  sont  de  beaucoup  les  plus  nombreux, 
ce  qui  s'explique  par  la  simplicité  des  preuves  à  fournir 
et  le  bon  marché  des  tarifs. 

Remarquons,  enfin,  que  les  leaseholds  sont  de  beau- 
coup plus  nombreux  que  les  freeholds  et  qu'il  n'y  a  en 
moyenne  qu'une  immatriculation  de  freeholds  pour  3  de 
leaseholds. 

Alors  qu'au  31  décembre  1898,  il  n'y  avait  que  1.910 
propriétés  immatriculées  dont  : 

345  inscriptions  originaires, 


(1)  La  qualification  indique  seulement  que  le  titre  du  bail- 
leur n'a  pas  été  examiné  et  est  excepté  des  effets  de  l'immatricu- 
lation. 


230     l'introduction  di:s  livrfs  fo.ncikrs  i;.\  Angleterre 


1.101  inscriptions  résultant  de  lotissements  d'immeu- 
bles déjà  immatriculés, 

464  inscriptions  par  transfert  du  registre  de  la  loi  de 
1862  sur  le  registre  de  la  loi  de  1875  ;au  31  décembre  1902, 
le  Livre  foncier  comprenait  50.361  propriétés  provenant 
pour  : 

46.365  d'immatriculations  originaires, 

2.883  d'inscriptions  résultant  de  lotissements  d'immeu- 
bles déjà  immatriculés, 

1.113  d'inscriptions  par  transfert  du  registre  de  la  loi 
de  1862  sur  le  registre  de  la  loi  de  1875.  A  la  même  date, 
53  immatriculations  avaient  été  annulées  en  vertu  des 
pouvoirs  conférés  aux  propriétaires  par  l'article  17, §  l,de 
la  loi  de  1897  :  ce  nombre  est  assez  important  si  l'on  con- 
sidère surtout  que  l'annulation  donne  lieu  à  la  perception 
de  droits  égaux  à  ceux  perçus  à  l'occasion  de  l'immatri- 
culation à  titre  possessoire.  Les  frais  que  cette  opération 
occa??onne.  sembleraient  devoir  empêcher  les  proprié- 
taires d'user  cle  la  faculté  qui  leur  a  été  accordée. 

Les  transactions  immobilières  ont  également  augmenté 
dans  une  proportion  considérable.  Après  avoir  été  de 
1899  à  1901  inférieures  en  nombre  et  en  valeur  aux  imma- 
triculations, elles  les  ont,  durant  l'année  1902,  dépassées 
respectivement  de  3.000,  en  nombre,  et  de  7  millions  de 
livres  sterlings  en  valeur. 


Valure  des  opérations 

1893 

1896 

1897 

1s9h 

l><99 

1900 

1901 

1902 

1*  Immatriculation.  .  . 

Cessions,  transports  et 
transmissions 

Mortgages.        ctiargos 
foncières,  transferts 
de  mortgages  et  de 
charges  foncières  . . 

Annulation  de  mortga- 
ges  et    de    charges 
foncières. 

Baux   et   cessation  de 
baux 

13 
405 

236 

165 

61 
37 

13 
525 

291 

153 

93 

38 

8 
490 

201 

lof. 

353 
130 

17 
349 

238 

137 

87 
91 

2.954 
803 

1 .  235 

170 

132 

280 

1  1 .  360 
1.475 

V630 

297 

372 
1 .  336 

16.077 

i.8:)4 

7.671 

734 

1.278 
2  74ô 

15.838 
3.978 

7.849 

1.342 

<.734 
3.963 

Divers 

Total 

927 

1.113 

1.338 

1.119 

3.576 

19.670 

31.340 

34.704 

Valeur  totale  des  tran- 
sactions   en    Livres 
sterlings 

833.313 

1.120.024 

1.588.782 

1.498.371 

0.809.149 

24.401.753 

28.570.742 

41.957.460 

LE  LIVRE  FONCIER  DU   COMTE  DE  LONDRES 


231 


Les  recettes  et  les  dépenses  du  Land  Registry  ont  suivi 
une  marche  ascensionnelle  analogue.  Le  budget  du  ser- 
vice s'élevait  : 

Receltes  Dépenses 


Années 

En  1895-96 
1896-97 
1897-98 
1898-99 

1899-00 

1900-01 

1901-02 

1902-03 


Liv.  st. 
17.224 
20.139 
20.262 
21.844 


Liv.  st. 

7.387 

7.750 

7.863 

11.949 


dont     2.203  pour  les  L.  T.  A.  dont     5.000  pour  les  L.  T.  A. 

35.206  23.601 

dont  17.647  pour  les  L.  T.  A.  dont  16.800  pour  les  L.  T.  A. 

53.802  37.724 

dont  37.600  pour  les  L.  T.  A.  dont  32.^^00  pour  les  L.  T.  A. 

61.704  41.270 

dont  44.150  pour  les  L.  T.  A.  dont  37.600  pour  les  L.  T.  A. 

64.216  54.393 

dont  47.02!)  pour  les  L.  T.  A.  dont  46.513  pour  les  L.  T.  A. 


Si  les  recettes  du  Land  Registry  ont  constamment  aug- 
menté, les  dépenses  ont  suivi  aussi  ce  mouvement.  Nous 
trouvons  l'explication  de  cet  accroissement  de  dépenses 
dans  le  développement  du  personnel  chargé  du  service 
et  pour  l'année  1902-03  dans  la  loi  votée  en  1900,  relative 
à  la  construction  d'un  local  pour  le  Land  Registry.  Logé 
dans  des  locaux  insuffisants,  le  Land  Registry  a  obtenu 
du  Parlement  l'autorisation  de  faire  bâtir  un  édifice  dont 
le  prix  sera  payé  en  50  années  au  moyen  d'annuités  pré- 
levées sur  les  excédents  de  recettes  du  service.  C'est  une 
dépense  de  10  à  12.000  livres  sterlings  qui,  à  partir  de 
1902,  est  venue  s'ajouter  aux  dépenses  ordinaires  du 
service. Ainsi  s'explique  l'augmentation  considérable  des 
dépenses  constatées  en  1902-03,  par  rapport  à  celles  in- 
diquées pour  1901-02. 

Les  excédents  s'élevant  depuis  1899  à  56.012  liv.  st., 
ont  été  pour  la  plus  grande  partie,  attribués  à  l'Insurance 
Fund  riche  aujourd'hui  de  40  à  50.000  livres.  Aucune  ré- 
clamation n'a  d'ailleurs  été  encore  présentée.  Le  montant 
actuel  suffit  amplement  à  assurer  le  paiement  de  toutes 
les  indemnités  possibles  ;  toutefois,  le  Registrar  recon- 
naît qu'en  prévision  d'une  erreur  importante  toujours  à 
craindre,  il  est  nécessaire  de  doter  encore  plus  largement 
le  fonds  d'assurance. 


232      l'introduction  des  livres  fonciers   en   ANGLETERRE 

Jusqu'ici,  les  résultats  obtenus  par  l'application  obli- 
gatoire des  Land  Transfer  Acts  au  comté  de  Londres 
semblent  pouvoir  faire  présager  à  l'immatriculation  un 
avenir  meilleur  que  ne  fut  son  passé.  Il  ne  faut  pas  ou- 
blier toutefois,  en  envisageant  la  mise  en  œuvre  durant 
4  ans  de  la  nouvelle  loi,  que  le  choix  du  comté  de  Lon- 
dres l'a  beaucoup  facilitée.  Un  personnel  déjà  habitué  à 
accomplir  des  opérations  analogues,  un  public  accou- 
tumé à  faire  subir  à  ses  actes  les  formalités  de  l'inscrip- 
tion, un  comté  dont  la  carte  avait  été  révisée  depuis  peu 
d'années,  toutes  ces  particularités  ont  apporté  à  la  cons- 
titution du  Livre  foncier  un  appui  qu'il  ne  faut  pas  né- 
gliger. Toutefois,  il  est  juste  de  reconnaître  d'un  autre 
côté  que,  dans  un  comté  presque  exclusivement  urbain, 
le  nombre  des  immatriculations  a  été  beaucoup  plus  con- 
sidérable que  dans  un  comté  rural  et  que  l'existence  de 
constructions  a  rendu  plus  difficiles  les  opérations  géo- 
métrales  et  techniques. 

L'organisation  pratique  du  Land  Registry  paraît  ex- 
cellente et  de  nature  à  donner  toute  satisfaction  aux  pro- 
priétaires. Ceux-ci  trouvent, en  effet,  dans  le  Bureau  d'im- 
matriculation, non  pas  une  administration  tracassière  et 
formaliste,  mais  un  service  public  préoccupé  avant  tout 
de  remplir  la  mission  qui  lui  est  confiée  sans  nuire  aux 
intérêts  privés  dont  il  a  aussi  la  garde.  Le  Registrar  se 
loue,  d'ailleurs,  des  rapports  que  son  administration  en- 
tretient avec  les  représentants  habituels  des  propriétai- 
res, les  solicitors.  Les  officiers  ministériels  ont  loyale- 
ment apporté  leur  concours,  dit-il  ;  beaucoup  d'entre  eux 
apprécient  les  avantages  de  la  nouvelle  législation  et  font 
tout  ce  qui  est  en  leur  pouvoir  pour  assurer  sa  réussite  (1). 
Ils  semblent  avoir  compris  l'utilité  des  Livres  fonciers. 

Néanmoins,  toute  opposition  ne  semble  pas  encore 
écartée.  Les  demandes  en  immatriculation  d'immeubles 
situés  hors  du  comté  de  Londres  n'ont  pas  augmenté.  Les 
officiers  ministériels  de  province  ne  connaissent  encore 
qu'imparfaitement  la  nouvelle  législation,  ils  ne  la  met- 

(1)  Report  of  the  Registrar...,  p.  7,  §  22. 


LE   LIVRE   FONCIER   DU    COMTÉ   DE   LONDRES  233 

tent  le  plus  souvent  en  pratique  qu'à  regret  ;  les  avan- 
tages administratifs,  qui  peuvent  être  faits  aux  proprié- 
taires dans  les  districts  où  l'immatriculation  est  obliga- 
toire, ne  peuvent  pas  être  consentis  à  des  demandeurs  sé- 
parés. Pour  ces  diverses  raisons,  l'immatriculation  fa- 
cultative semble  définitivement  condamnée  en  Angleterre. 
L'extension  de  l'obligation  paraît  seule  devoir  donner 
des  résultats  satisfaisants. 

Malheureusement,  les  intéressés  ne  semblent  pas  en- 
core convertis.  Dans  le  comté  de  Northampton,  en  1902, 
nous  a  écrit  M.  Brickdale,  le  Président  du  Conseil  du 
comté  demanda  au  Conseil  de  prendre  une  délibération 
demandant  au  gouvernement  d'organiser  l'immatricula- 
tion de  la  propriété  foncière.  Soutenue  par  le  Lord  Lieu- 
tenant du  comté  (le  comte  Spencer),  cette  proposition  sou- 
leva une  vive  opposition  et  dût  être  abandonnée.  Le 
gouvernement  qui  ne  peut  désormais  rendre  de  nouvelles 
ordonnances  que  sur  l'invitation  des  Conseils  de 
comté  (1)  se  trouve  réduit  à  attendre  que  quelques-uns 
d'entre  eux  prennent  l'initiative  de  la  réforme  dans  leur 
circonscription. 

Le  Bureau  d'immatriculation  se  contente  donc  de  ga- 
gner peu  a  peu  du  terrain  à  Londres  et  de  perfectionner 
l'organisation  du  service.  Lorsque  les  heureux  effets  du 
Livre  foncier  londonnien  seront  définitivement  prouvés, 
aucune  opposition  ne  sera  assez  forte  pour  empêcher 
l'extension  du  système  à  d'autres  comtés.  Il  est,  d'ail- 
leurs, permis  de  se  reposer  pour  cela  sur  la  merveilleuse 
ténacité  et  le  remarquable  esprit  de  suite  avec  lesquels 
les  divers  gouvernements  qui  se  sont  succédé  en  Angle- 
terre et  l'administration  du  Land  Registry  ont,  depuis 
plus  de  40  ans,  conduit  une  œuvre  considérée  par  eux  à 
juste  titre  comme  véritablement  nationale. 

(!)  Art.  20,  §  S  de  la  loi  de  1897. 


CHAPITRE  II 

QUELQUES  APPRÉCIATIONS  SUR  LES  LOIS  FONCIÈRES  ANGLAISES 

Faut-il  considérer  les  Land  Transfer  Acts  comme  une 
législation  définitive  qui  ne  subira  dans  l'avenir  que  des 
modifications  de  forme  ?  Faut-il,  au  contraire,  n'y  voir 
qu'une  étape  vers  une  transformation  plus  complète  du 
régime  foncier  anglais  ?  C'est  ce  que  nous  voudrions 
examiner  en  recherchant  quelle  est  la  valeur,  au  point  de 
vue  théorique,  de  la  nouvelle  législation. 

Sur  beaucoup  de  points,  les  lois  de  1875  et  de  1897  nous 
apparaissent  comme  le  résultat  d'une  transaction  entre 
le  Parlement,  d'une  part,  le  public  représenté  par  les  so- 
licitors,  de  l'autre.  La  réforme  a,  de  ce  fait,  un  caractère 
d'indécision,  de  timidité,  qui  n'est  pas  sans  faire  naître 
quelques  craintes  sur  les  résultats  que  son  application 
peut  avoir  dans  le  Royaume-Uni. 

Après  deux  essais  infructueux,  le  législateur  s'est  dé- 
cidé à  poser  le  principe  de  l'immatriculation  obligatoire, 
mais  avec  quelles  réserves  !  Réserves  aux  droits  du  gou- 
vernement de  désigner  les  comtés  où  les  Livres  fonciers 
devront  servir  désormais  de  base  aux  transactions  immo- 
bilières ;  réserves  aux  conventions  qui  sont  soumises  à 
cette  obligation  :  réserves  à  la  nature  des  titres  dont  la 
délivrance  doit  être  requise  par  les  propriétaires  ;  réser- 
ves aux  biens  qui  doivent  faire  l'objet  d'une  demande  en 
inscription  sur  les  registres  terriers  :  réserves,  enfin,  aux 
sanctions  édictées  contre  le  défaut  d'immatriculation. 

La  désignation,  par  ordonnances,  des  districts  où  l'im- 
matriculation sera  désormais  obligatoire,  a  pour  effet 
de  retarder  pendant  longtemps  encore  l'application  gé- 
nérale de  la  nouvelle  législation  ;  la  disposition  par  la- 
quelle les  propriétaires  ne  sont  contraints  de  s'adresser 
au  Land  Registry  qu'à  l'occasion  des  acquisitions  d'im- 
meubles qu'ils  contractent,  remet  à  une  époque  encore 


APPRÉCIATIONS    SUR   LES   LOIS   ANGLAISES  235 

plus  éloignée  la  constitution  définitive  du  Grand  Livre 
terrier  des  Landlords  anglais  ;  la  possibilité  donnée  à  ces 
propriétaires  de  ne  requérir  leur  immatriculation  qu'à 
titre  provisoire  laisse  subsister,  pour  une  période  indé- 
terminée, la  plupart  des  incertitudes  et  des  dangers  dont 
souffre  actuellement  la  propriété  anglaise  et  que  la  nou- 
velle législation  avait  d'abord  pour  but  de  supprimer  ra- 
dicalement. La  distinction  quelque  peu  subtile  entre  les 
droits  réels  immobiliers,  dont  la  transmission  à  titre  oné- 
reux rend  ou  ne  rend  pas  nécessaire  l'inscription  sur  les 
Livres  fonciers,  ouvre  la  porte  aux  conceptions  et  aux 
constructions  juridiques  des  hommes  de  loi  qui  trouve- 
ront peut-être  un  procédé  habile  pour  se  soustraire  aux 
prescriptions  légales.  Enfm,  en  consacrant  le  démem- 
brement de  la  propriété  en  propriété  légale  et  en  pro- 
priété équitable,  les  lois  de  1875  et  de  1897  ont  perdu 
complètement  de  vue  le  but  principal  de  l'immatricula- 
tion qui  est  d'apporter  aux  titres  de  propriété  toute  la 
clarté  et  toute  la  simplicité  désirables.  Elles  n'ont  édicté 
comme  pénalité  pour  le  défaut  d'enregistrement,  que  la 
perte,  pour  l'acquéreur,  de  la  propriété  légale,  mais  elles 
lui  ont  reconnu  par  là  même,  la  possession  de  la  pro- 
priété équitable,  c'est-à-dire  la  jouissance  presque  com- 
plète de  tous  les  avantages  de  la  propriété  légale.  Elles 
ont  même  prévu  certaines  mesures  de  nature  à  sauvegar- 
der ce  droit  et  ont,  par  suite,  restreint  encore  l'intérêt 
que  peut  avoir  un  propriétaire  à  immatriculer  son  bien. 
Ces  prescriptions  ont  rendu  encore  plus  aisées  toutes  les 
manœuvres,  qui  pourraient  servir  à  tourner  la  loi.  Des 
exemples  montrent  qu'en  combinant  les  dispositions  qui 
dispensent  certains  droits  mobiliers  de  l'immatriculation 
et  celles  qui  reconnaissent  toujours  à  l'acquéreur  non 
inscrit  la  propriété  équitable,  les  immeubles  vendus  pour- 
raient néanmoins  échapper  à  l'application  obligatoire 
des  Land  Transfert  Acts.  Malgré  toutes  ses  clauses  im- 
pératives,  la  nouvelle  législation  conserve  un  caractère 
en  quelque  sorte  facultatif. 

Si  les  termes  de  la  loi  de  1897  qui  ont  posé  le  principe 
de  la  contrainte  légale  peuvent  être,  à  juste  titre,  criti- 


236      l'iMRODLCTIUN   des   livres   fonciers   en  ANGLETERRE 

qués,  bien  d'autres  dispositions  soulèvent  des  objections 
graves  et  nombreuses.  La  création  de  trois  catégories  de 
titres  absolus,  qualifiés  et  possessoires  n'est  pas  faite 
pour  simplifier  les  transactions  immobilières  déjà  fort 
embrouillées.  Le  titre  possessoire  notamment,  soumis 
à  toutes  les  revendications  basées  sur  des  droits  acquis 
avant  l'immatriculation,  laisse  la  propriété  livrée  à  toutes 
les  luttes  judiciaires  auxquelles  les  Livres  fonciers  pré- 
tendent mettre  un  terme.  Son  établissement  occasionne 
des  frais  au  propriétaire,  sans  que  celui-ci  soit  assuré  de 
retirer  un  bénéfice  appréciable  des  charges  qu'il  s'im- 
pose. 

Postérieurement  à  rimmatriculation,  les  énonciations 
du  Livre  foncier  ne  sont  pas  absolument  probantes.  Pour 
n'avoir  pas  voulu  admettre  le  principe  de  la  légalité,  et 
n'avoir  pas  édicté  la  nullité  de  tous  les  actes  non  inscrits, 
le  législateur  anglais  a  laissé  subsister  en  dehors  du  Livre 
foncier  un  certain  nombre  de  conventions  valables,  pro- 
duisant des  effets  non  seulement  entre  les  parties,  mais 
encore  vis-à-vis  de  certains  tiers.  Il  a  ressuscité,  après  les 
avoir  en  théorie  condamnées,  toutes  les  transactions  oc- 
cultes dont  il  avait  à  grand  fracas  prophétisé  la  dispari- 
tion. L'autorisation,  donnée  aux  ayants-cause  d'un  im- 
matriculé qui  ne  veulent  pas  enregistrer  leurs  actes,  de 
sauvegarder  leurs  droits  par  certaines  mentions  ou  op- 
positions portées  sur  le  registre  terrier,  est  une  occasion 
de  retards,  de  difficultés,  de  frais,  qui  annulent  presque 
complètement  les  heureux  effets  de  l'immatriculation.  La 
plupart  des  acquéreurs,  en  présence  de  semblables  men- 
tions, se  trouveront  dans  la  nécessité  de  se  référer  aux  con- 
ventions en  vertu  desquelles  elles  ont  été  opérées.  Mais 
les  actes  produits  seront,  comme  toute  transaction  occulte, 
inintelligibles  aux  profanes  et  le  ministère  d'un  homme 
de  loi  devra  être  requis.  Les  Livres  fonciers  devaient  per- 
mettre aux  particuliers  de  faire  leurs  affaires  eux-mêmes, 
d'économiser  tous  les  frais  accessoires  payés  jusque-là 
aux  solicitors,  vaine  promesse  que  la  législation  nouvelle 
est  loin  de  réaliser. 

Enfin,  les  tarifs  de  frais  aujourd'hui  promulgués  n'amé- 


APPRÉCIATIONS    SUR    LES    LOIS   ANGLAISES  237 

liorent  que  dans  une  Qiesure  insuffisante  la  situation  des 
propriétaires.  Favorables  aux  possesseurs  de  grands  do- 
maines, ils  grèvent  encore  trop  lourdement  les  petits  pro- 
priétaires, alors  qu'un  traitement  de  faveur  aurait,  seul, 
pu  faire  désirer  à  ceux-ci  la  propriété  foncière  dont  ils 
ont  été  brutalement  expropriés  au  xvnf  siècle  et  dont  de- 
puis lors  ils  ont  cessé  d'envier  la  possession. 

Toutes  ces  imperfections  justifient  jusqu'à  un  certain 
point  les  critiques  formulées  par  S.  Stephen  dans  ses 
commentaires  au  sujet  de  la  nouvelle  loi.  «  Bien  que 
l'enregistrement  des  conventions  mobilières  présente 
de  nombreux  avantages,  des  inconvénients  graves  sont 
attachés  à  la  nouvelle  législation.  Les  mortgages,  les 
charges  foncières,  les  jugements  et  autres  actes  juridi- 
ques, ne  sont  pas  annulés  immédiatement  après  leur  ex- 
piration, mais  continuent,  en  général,  à  être  inscrits 
longtemps  encore  sur  le  Livre  foncier.  La  multiplicité 
d'inscriptions,  qui  est  la  conséquence  de  cet  état  de  choses 
après  un  certain  nombre  d'années,  rend  très  difficile, 
même  pour  une  propriété  immatriculée,  de  se  rendre 
exactement  compte,  à  l'occasion  d'une  vente  ou  d'une 
constitution  d'hypothèque,  que  la  propriété  est  en  fait 
libre  de  charges  affectant  ou  pouvant  affecter  soit  le  bien 
lui-même,  soit  la  capacité  du  propriétaire.  Les  solicitors 
ou  fidéicommissaires  qui  contractent  au  nom  de  leurs 
clients  ou  des  bénéficiaires  ont  été  plusieurs  fois  déclarés 
responsables  de  la  perte  subie  par  ceux-ci  pour  n'avoir 
pas  découvert  à  temps  l'existence  d'une  convention  en- 
registrée (1).  » 

Les  critiques  formulées  contre  la  loi  de  1897,  ne  doi- 
vent cependant  pas  être  poussées  trop  loin.  Les  hésita- 
tions signalées  dans  l'œuvre  du  législateur  s'expliquent 
par  la  nécessité  où  il  s'est  trouvé  de  ne  pas  heurter  de 
face  certaines  iristitutions  ou  certains  préjugés.  Il  n'a 
pas  voulu  faire  une  révolution  dans  le  droit  foncier,  il  a 
simplement  entendu  faire  un  pas  vers  une  réforme  plus 
complète,  préparer  les  voies  d'une  transformation  pro- 

(1)  Op.  cit.,  T.  T,  p.  559. 


238      l'introduction   des  livres   fonciers  ex  ANGLETERRE 

gressive  des  lois  anglaises  sur  la  transmission  des  im- 
meubles. 

Réduite  ainsi  à  de  plus  modestes  proportions,  la  ré- 
forme n'en  présente  pas  moins  un  grand  intérêt,  au  point 
de  vue  juridique  et  au  point  de  vue  économique. 

En  n'étendant  que  peu  à  peu  l'application  obligatoire 
de  la  loi,  la  constitution  définitive  des  Livres  fonciers  est 
sans  doute  remise  à  une  date  assez  éloignée  ;  mais  cet  in- 
convénient est  largement  compensé  par  de  nombreux 
avantages.  Les  propriétaires  qui  auront  dû  soumettre 
leurs  biens  aux  formalités  de  limmatriculation,  serviront 
d'exemple  ;  les  bienfaits  des  Livres  fonciers  deviendront 
patents,  et  ceux  qui  n'auraient  pas  compris  jusque-là 
l'intérêt  qu'ils  ont  à  immatriculer  leurs  immeubles,  trou- 
veront dans  les  résultats  obtenus  une  preuve  de  l'utilité 
de  la  nouvelle  législation.  Ainsi,  tomberont  peu  à  peu  les 
préventions  du  public  contre  l'immatriculation.  En 
même  temps,  au  point  de  vue  administratif,  les  bureaux 
existants  pourront  être  développés,  au  fur  et  à  mesure 
que  de  nouveaux  besoins  se  seront  révélés  et  de  nouveaux 
bureaux  pourront  être  constitués  dans  les  districts  où  les 
demandes  en  immatriculation  deviendront  particulière- 
ment nombreuses.  Enfin,  ce  mode  de  procéder  s'imposait 
presque,  en  l'absence  d'une  base  graphique  suffisante 
pour  permettre  d'identifier  sûrement  et  sans  vérification 
matérielle  nécessaire  les  immeubles  immatriculés.  L'Or- 
nance  Map,  qui  pouvait  servir  de  point  de  départ  aux 
opérations  de  l'immatriculation,  ne  pouvait  être  acceptée 
immédiatement,  comme  reproduisant  d'une  manière 
exacte  la  configuration  des  immeubles.  Il  se  produit  entre 
les  révisions  périodiques  de  cette  carte  des  transforma- 
tions qui  modifient  les  lignes  du  terrain  et  nécessitent  au 
moment  de  l'immatriculation  un  travail  de  réfection  quel- 
quefois délicat.  Si  l'immatriculation  avait  été  imposée 
d'un  seul  coup  à  tous  les  propriétaires  anglais  ou  seule- 
ment à  tous  les  propriétaires  d'un  même  district^  les 
hommes  de  l'art,  chargés  de  s'assurer  de  la  conformité 
des  plans  produits  avec  les  immeubles  qu'ils  représen- 
tent, auraient  succombé  sous  le  poids  d'un  labeur  écra- 


APPRÉCIATIONS    SLR    LES    LOIS   ANGLAISES  239 

sant  et  n'auraient  pu  exécuter  en  temps  utile  les  opéra- 
tions techniques  qui  leur  étaient  confiées.  Au  contraire, 
en  échelonnant  sur  de  nombreuses  années,  la  création  de 
tous  les  feuillets  du  Livre  foncier,  chaque  immatricula- 
tion peut  être  l'objet  d'un  examen  approfondi  en  même 
temps  que  rapide  et  peut  reposer  sur  un  plan  dont  l'exac- 
titude a  été  soigneusement  vérifiée. 

L'immatriculation  à  titre  absolu  offre  au  titulaire  une 
sécurité  complète.  L'immatriculé  peut,  désormais,  dis- 
poser de  son  bien  sans  délai,  sans  difficultés,  sans  frais 
comme  un  négociant  de  ses  marchandises  ou  un  rentier 
de  ses  titres.  Les  acquéreurs,  les  créanciers  mortgagisles 
acceptent  sans  discuter  le  bien  qui  leur  est  vendu  ou  offert 
en  gage.  N'ayant  à  payer  en  plus  des  droits  de  mutation 
que  les  frais  minimes  fixés  par  la  cédule  II  de  la  loi  de 
1897.  ils  sont  disposés  à  accorder  au  propriétaire  des 
conditions  pécuniaires  plus  avantageuses.  Le  bénéfice  est 
donc  certain  pour  l'immatriculé.  Si  beaucoup  de  proprié- 
taires hésitent  à  requérir  leur  inscription  à  titre  absolu 
sur  les  Livres  fonciers,  c'est  que  la  procédure  est  encore 
coûteuse  et  qu'ils  ne  se  soucient  pas  de  prélever  sur  leurs 
revenus  annuels  les  sommes,  grâce  auxquelles  ces  résul- 
tats seraient  obtenus. 

Ils  se  contentent  le  plus  souvent  de  demander  leur  im- 
matriculation à  titre  possessoire.  ^lais  le  titre  posses- 
soire,  dit-on,  ne  confère  à  l'immatriculé  aucun  des  avan- 
tages reconnus  au  détenteur  dun  titre  absolu  :  la  ré- 
forme perd  donc  de  sa  valeur  et  de  son  utilité.  Certaine- 
ment, si  l'immatriculation  à  titre  possessoire  a  l'avantage 
d'imposer  un  premier  déboursé  minime,  elle  n'accorde 
tout  d'abord  qu'une  sécurité  toute  relative  à  l'immatri- 
culé et  aux  tiers  qui  traitent  avec  lui.  Plusieurs  années  s'é- 
couleront, avant  que  le  bénéfice  complet  du  changement 
de  système  ait  été  senti  par  le  public,  tandis  que  pendant 
cette  période  de  transition,  les  propriétaires  devront 
payer  des  dépenses  additionnelles  et  s'en  plaindront  peut- 
être  amèrement  (L.  Mais,  à  mesure  que  l'époque  où  l'im- 

(1)  V.  Brickdale,  Report  of  the  Registrar  of  the  Land  Regis- 
try,  1902,  p.  4. 


240      l'iMRODUCTION  des   livres   fonciers  en   ANGLETERRE 

matriculation  a  eu  lieu,  s'éloignera,  le  titre  possessoire 
acquierra,  sinon  en  droit,  du  moins  en  fait,  une  valeur 
comparable  à  celle  du  titre  absolu,  car  «  c'est  seulement 
comme  préface  d'un  registre  général  de  titres  absolus  que 
la  création  d'un  registre  général  de  titres  possessoires 
peut  être  considérée  comme  une  œuvre  d'une  importance 
vraiment  nationale  (1)  ». 

Si  les  pleins  effets  de  l'immatriculation  à  titre  posses- 
soire ne  sont  pas  immédiatement  atteints,  des  résultats 
certains  peuvent  être  déjà  attendus  de  la  réforme.  Les 
conventions  sont  simplifiées  ;  des  formules  très  courtes 
suffisent  à  constater  l'accord  des  parties  et  permettent  à 
n'importe  quelle  personne  de  conclure  valablement  les 
conventions  les  plus  diverses.  L'inspection  du  registre 
permet  de  se  rendre  un  compte  exact  de  la  situation  ju- 
ridique du  propriétaire  ;  le  plan  qui  est  annexé  à  toute 
immatriculation,  indique  la  situation  de  l'immeuble,  sa 
contenance  et  ses  limites  d'une  façon  beaucoup  plus  claire 
que  ns  le  faisaient  les  descriptions  écrites  insérées  jus- 
qu'alors dans  les  actes.  Les  tiers  qui,  après  avoir  traité 
avec  les  propriétaires  immatriculés,  ont  requis  l'inscrip- 
tion sur  le  Livre  foncier  de  la  convention,  possèdent  dé- 
sormais un  titre,  opposable  à  tous  les  ayants-droit  du 
propriétaire  non  encore  inscrits.  Ainsi  se  trouvent  écar- 
tées la  plupart  des  causes  de  fraude  qui  se  produisaient 
auparavant.  Enfin,  les  créanciers  mortgagistes  connais- 
sent désormais  le  gage  qui  leur  est  offert,  le  rang  auquel 
ils  ont  droit  et  sont  mis  à  l'abri  de  toutes  les  pertes 
que  la  pratique  de  la  soudure  et  de  la  consolidation  leur 
faisait  autrefois  subir. 

Mais,  deux  autres  avantages,  qui  peuvent  avoir  les  plus 
heureux  effets  au  point  de  vue  économique,  sont  assurés 
par  la  nouvelle  législation  aux  propriétaires  immatriculés 
à  titre  possessoire  ;  ce  sont  la  mobilisation  du  sol  et  l'or- 
ganisation du  crédit  hypothécaire,  procurées  surtout 
par  la  délivrance  des  titres  fonciers  hypothécaires. 

Les  Land  Transfer  Acts  ne  peuvent,  en  effet,  être  sé- 

(1)  Brickdale,  Report  of  the  Registrar  of  the  Land  Registry, 
1902,  p.  29,  §  142. 


APPRÉCIATIONS    SUR    LES    LOIS   AXOLAISES  241 

parés  des  lois  sociales,  promulguées  durant  les  vingt  der- 
nières années  en  vue  de  créer  les  petits  propriétaires  ou 
les  petits  exploitants  qui  n'existaient  que  peu  ou  pas  de- 
puis l'accaparement  du  soi  par  les  Landlords.  Prendre 
des  mesures  pour  constituer  des  allotments  ou  des  small 
holdings  en  faveur  des  ouvriers  agricoles  ou  urbains 
était  inutile,  tant  qu'on  n'aurait  pas  organisé  un  crédit 
hypothécaire  approprié  à  tous  les  besoins  ;  le  système  des 
transactions  occultes,  en  grevant,  soit  les  transmissions, 
soit  les  hypothèques,  de  frais  énormes,  écartait  presque 
automatiquement  les  petits  rentiers  et  les  ouvriers  écono- 
mes du  placement  de  leurs  capitaux  dans  les  propriétés 
foncières.  Les  lois  de  1875  et  de  1897  ont  eu  pour  but  de 
remédier  à  cette  situation.  Facilement  transmissible, 
exonérée  d'une  partie  des  frais  qu'elle  supportait,  la  terre 
peut  être  achetée  comme  un  titre  de  rente  ou  une  action 
de  société  minière  ou  de  chemins  de  fer.  Les  petits  capi- 
talistes ne  craindront  plus  d'aventurer  leurs  capitaux,  car 
outre  la  sécurité  conférée  par  le  Livre  foncier,  ils  possè- 
dent un  titre  de  propriété  représentatif  de  la  valeur  de 
l'immeuble,  grâce  auquel  ils  peuvent  rapidement  réaliser 
les  fonds  dont  ils  ont  besoin.  Sans  avoir  de  recherches 
à  faire,  par  la  seule  lecture  des  énonciations  qu'il  contient, 
un  acquéreur  peut  contracter  sûrement  et  le  vendeur  re- 
çoit au  bout  de  quelques  jours,  parfois  même  de  quelques 
heures,  le  prix  de  l'immeuble  aliéné.  Rassurés  par  cette 
facilité,  les  capitaux  ne  vont-ils  pas  affluer  vers  les  opé- 
rations immobilières  ?  L'augmentation  de  la  demande 
n'amènera-t-elle  pas  un  relèvement  de  la  valeur  vénale 
des  biens-fonds  aujourd'hui  si  dépréciés  ?  Prévision  qui 
semble  d'autant  plus  justifiée  que  la  législation  nouvelle 
a  édicté  des  mesures  aussi  simples  que  rapides  pour  le 
morcellement  des  immeubles,  afin  de  favoriser  la  vente 
par  lots  des  immenses  domaines  qui  ne  trouvaient  acqué- 
reur pour  la  totalité  qu'à  un  prix  dérisoire.  L'annotation 
du  feuillet  du  domaine  principal,  l'ouverture  d'un  nou- 
veau feuillet,  suffisent  à  créer  une  nouvelle  propriété  et 
à  donner  à  l'Angleterre  deux  propriétaires  au  lieu  d'un. 
Après  un  certain  nombre  de  morcellements  de  grandes 
L.  16 


242       I.IMUODLCTION   OLS   LIVRES   FuNCII-HS   JIN    ANGLLTKKlu: 

propriétés,  la  terre  en  Angleterre  ne  serait  plus  unique- 
ment le  luxe  des  riches  (1)  :  après  répartition  sur  tout  le 
territoire  d'une  partie  de  la  population  aujourd'hui  ag- 
glomérée dans  les  villes,  Tétat  social  du  royaume  se  re- 
lèverait, le  paupérisme  cesserait  sans  doute  ses  effrayants 
ravages,  et  lagriculture,  forte  des  bras  qu'elle  aurait  re- 
trouvés, pourrait  espérer  reconquérir  le  marché  anglais 
des  produits  agricoles  que  ses  propres  colonies  et  certai- 
nes nations  européennes  lui  ont  arraché  :  la  nouvelle  lé- 
gislation doit  donc  être  considérée  comme  un  des  moyens 
propres  à  reconstituer  la  petite  propriété  paysanne,  qui, 
seule,  peut  assurer  le  réveil  de  l'Angleterre  rurale  (2). 

Alais,  à  ces  nouveaux  propriétaires  qui  devront  défri- 
cher des  terres  souvent  incultes,  aux  Landlords  qui  veu- 
lent améliorer  leurs  domaines  pour  compenser  la  dimi- 
nution de  leurs  revenus,  il  fallait  procurer  des  capitaux 
en  abondance  et  à  bon  marché.  La  transformation  du 
mortgage  en  un  simple  droit  réel,  améliore  la  situation 
du  propriétaire  :  elle  n'épuise  pas  d'un  seul  coup  son  cré- 
dit ;  elle  lui  permet  de  consentir  désormais  des  hypothè- 
ques successives  sur  son  immeuble  au  fur  et  à  mesure  de 
ses  besoins  d'argeni  ;  elle  le  met  à  même  de  subordonner 
la  garantie  qu'il  offre  à  toutes  les  modalités  qu'il  croit 
préférables  pour  son  intérêt;  elle  lui  réserve,  enfin,  en 
cas  de  nécessité  pressante,  la  possibilité  de  demander  à 
un  banquier  une  avance  temporaire  gagée  sur  le  dépôt 
de  son  titre  foncier.  Les  créanciers  hypothécaires,  loin 
d'être  sacrifiés  ou  même  lésés  par  les  droits  conférés  au 
propriétaire,  voient,  au  contraire,  leur  situation  amélio- 
rée. Certains  d'être  colloques  au  rang  que  leur  assigne 
leur  inscription,   ils  conservent  sur  leur  gage  tous  les 


(1)  FowLER,  ancien  Lord-Maire  cité  par  de  Foville:  Le  mor- 
cellement, p.  38. 

(2)  La  campagne  fiscale  menée  actuellement  par  les  conserva- 
teurs anglais  est  destinée  à  hâter  ce  réveil  et  à  attacher  au  sol 
par  l'appât  de  revenus  suffisants,  les  acquéreurs  de  petits  do- 
maines. V.  Eural  England,  par  H.  Eider  Haggard,  2  vol.  in-8°, 
Londres,  Longmans,  Green  and  C°,  1902. 


APPRÉCIATIONS    SLR    LKS    LOIS   ANGLAISKS  213 

droits  d'expropriation  qu'ils  possédaient  auparavant.  Ils 
peuvent,  grâce  au  titre  qui  leur  est  délivré,  ne  plus  at- 
tendre l'époque  du  remboursement  pour  rentrer  dans 
leurs  fonds  :  la  vente  de  leur  hypothèque  est,  en  effet, 
aussi  facile,  aussi  rapide,  et  aussi  sûre  que  la  vente  de 
l'immeuble  grevé  ;  la  constitution  d'une  sous-hypothèque 
est  aussi  possible,  s'ils  veulent  garder  pour  eux  le  béné- 
fice du  prêt  qu'ils  ont  consenti.  Placés  dans  une  situation 
meilleure,  les  créanciers  hypothécaires  ne  prétendront 
plus  retirer  de  leurs  capitaux  un  intérêt  exagéré  que  la 
nature  spéciale  du  contrat  expliquait  jusqu'alors  :  les 
propriétaires  poseront  à  leur  tour  des  conditions  à  ceux 
dont  ils  subissaient  la  loi  impérieuse.  Les  emprunts, 
moins  onéreux,  pourront  être  remboursés  à  l'échéance  ; 
ils  n'aboutiront  plus  fatalement  aux  mesures  de  coerci- 
tion. Au  lieu  d'être  une  maladie  de  la  propriété,  l'hypo- 
thèque sera  un  état  presque  normal  qui  facilitera  la  jouis- 
sance et  augmentera  la  valeur  des  biens-fonds. 

Si  les  avantages  de  la  nouvelle  législation  sont  réels, 
certains  des  inconvénients  que  nous  avons  signalés  pour- 
raient être  aisément  supprimés  ou  du  moins  atténués.  La 
constitution  définitive  du  Livre  foncier  est  remise  à  une 
date  fort  éloignée,  dit-on,  mais  ne  serait-il  pas  possible 
d'imposer  l'immatriculation  à  l'occasion  non  seulement 
des  ventes,  mais  aussi  des  mortgages  el  de  tous  actes  dans 
lesquels  il  y  aurait  transmission  ou  démembrement  à  titre 
onéreux  de  la  propriété  ?  En  multipliant  les  circonstances 
qui  nécessifent  l'inscription  sur  le  Livre  foncier,  on  hâte- 
rait le  moment  où  tous  les  immeubles  auront  des  comptes 
différents  ouverts  à  leur  nom  au  Land  Registry. 

La  critique  la  plus  sérieuse  et  la  plus  fondée,  reproche 
aux  Land  ïransfer  Acts  de  ne  favoriser  que  l'immatricu- 
lation à  titre  possessoire,  alors  que  le  titre  absolu  confère 
seul  aux  immatriculés  tous  les  avantages  des  Livres  fon- 
ciers. N'y  aurait-il  pas  lieu,  soit  de  simplifier  les  forma- 
lités exigées  pour  obtenir  un  titre  absolu,  soit  d'instituer 
une  procédure  permettant,  après  quelques  années  d'im- 
matriculation à  titre  possessoire,  l'immatriculation  à  titre 
absolu  ?  La  nécessité  d'une  modification  de  la  législation 


244      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

sur  ce  point  a  particulièrement  frappé  le  Registrar  qui, 
dans  son  rapport,  examine  les  deux  solutions  (1). 

La  simplification  des  formalités  ne  lui  paraît  possible 
qu'en  prescrivant  la  constitution  du  Livre  foncier,  pa- 
roisse par  paroisse,  pour  toutes  les  propriétés.  La  grande 
publicité  de  l'opération  permet,  dans  ce  cas,  de  demander 
aux  détenteurs  des  preuves  très  sommaires  de  leurs 
droits,  en  même  temps  que  les  frais  sont  réduits  par  la 
répartition  des  dépenses  sur  un  plus  grand  nombre  de 
personnes. 

Mais,  ce  système,  que  nous  avons  vu  usité  dans  l'Eu- 
rope continentale,  lui  semble  trop  ((  paternaliste  »  pour  le 
tempérament  britannique.  Il  préférerait  une  modification 
des  lois,  autorisant  les  Bureaux  d'immatriculation  à  se 
contenter  de  preuves  similaires  à  celles  demandées  pour 
l'immatriculation  à  titre  possessoire.  Une  légère  prime, 
prélevée  à  l'occasion  de  la  première  vente  qui  suivrait 
l'immatriculation,  servirait  à  couvrir  le  fonds  d'assu- 
rance des  fraudes  ou  d'erreurs  qui  pourraient  exister  et 
qui  donneraient  aux  personnes  lésées,  droit  à  indemnité 
en  vertu  de  l'art.  7  de  la  loi  de  1897. 

L'une  et  l'autre  de  ces  réformes  nécessiteraient  l'inter- 
vention du  législateur  dont  la  décision  pourrait  être  long- 
temps attendue.  Aussi,  le  Registrar,  en  administrateur 
pratique,  propose-t-il  de  simples  modifications  au  règle- 
ment général  qui  pourraient  être  réalisées  sans  l'inter- 
vention du  Parlement.  Il  attribue  le  petit  nombre  des  de- 
mandes d'immatriculation  à  titre  absolu  à  trois  causes 
principales  :  les  propriétaires  ne  savent  pas  la  plupart  du 
temps  qu'ils  peuvent  faire  une  telle  demande  :  ceux  qui 
le  savent  ont  l'impression  que  les  frais  sont  très  élevés  ou 
que  leur  titre  de  propriété,  quoique  parfaitement  valable, 
peut  être  cependant  refusé  comme  base  de  l'immatricu- 
lation à  titre  absolu  pour  une  raison  théorique. 

Les  propriétaires  ignorent  le  plus  souvent  qu'ils  ont  le 
droit  d'être  inscrits  avec  un  titre  absolu,  car  l'inscription 
est  considérée  comme  une  simple  formalité  accomplie 

(1)  Report  of  the  Registrar  cf...,  p.  30,  §  147  et  suiv. 


APPRÉCIATIONS    SUR    LES   LOIS   ANGLAISB:S  245 

d'office  par  le  soliciter,  pour  le  compte  de  son  client.  Le 
Registrar  voudrait  que  le  Bureau  d'immatriculation  fût 
autorisé  à  envoyer  aux  Landlords  un  avis  les  informant 
des  droits  qu'ils  possèdent  en  vertu  des  Land  Transfer 
Acts. 

Les  propriétaires  croient  que  le  Land  Registry  cherche 
à  découvrir  les  défauts  des  titres  de  propriété  et  à  faire 
avorter  les  demandes  en  immatriculation.  Le  rapport  re- 
pousse cette  accusation.  Si  un  certain  nombre  de  deman- 
des ont  dû  être  rejetées,  c'est  que  plusieurs  propriétaires, 
connaissant  les  difficultés  qu'ils  auraient  à  trouver  un  ac- 
quéreur, avaient  espéré  que  le  Bureau  d'immatriculation 
pourrait  passer  outre  et  leur  délivrer  un  titre  excellent. 
Ce  n'est  pas  là  le  but  du  Livre  foncier  :  a  II  n'est  pas  une 
maison  de  retraite  pour  les  titres  atteints  de  maladie,  mais 
plutôt  un  bureau  d'essai  où  un  titre  ordinaire  est,  en  quel- 
que sorte,  poinçonné  de  façon  à  être  dispensé  d'essayages 
successifs  dans  les  transactions  postérieures  (T).  )>  Il  serait 
toutefois  facile  de  rassurer  les  propriétaires  sur  les  dis- 
positions du  Bureau  d'immatriculation  en  autorisant  le 
remboursement  des  droits  perçus  en  cas  de  rejet  de  la  de- 
mande. 

Enfin,  les  propriétaires  estiment  que  les  frais  de  l'im- 
matriculation à  titre  absolu,  sont  très  élevés.  Les  recher- 
ches et  les  documents  à  fournir  pourraient  être  notable- 
ment réduits,  lorsque  la  demande  aurait  été  précédée 
d'une  immatriculation  à  titre  possessoire.  Car  la  posses- 
sion non  troublée  pendant  une  année  ou  plus  est  une  ga- 
rantie très  sérieuse  des  droits  du  détenteur.  Les  taxes 
pourraient,  dans  ces  circonstances,  être  très  diminuées. 

Ces  propositions  présentées  par  le  Registrar  ont  été 
en  grande  partie  adoptées  dans  les  nouveaux  règlements 
faits  le  18  décembre  1903  pour  remplacer  le  règlement 
général  et  le  tarif  de  1898. 

Lorsque  le  propriétaire  qui  demande  à  être  immatri- 
culé à  titre  absolu  a  déjà  été  inscrit  à  titre  possessoire 
ou  qualifié  pendant  6  ans  sur  le  Livre  foncier,  le  Regis- 

(1)  Report  of  the  Registrar...,  p.  32,  §  158. 


246      l'introduction   des  L1\  RES   fonciers  en  ANGLETERRE 

trar  peut  le  dispenser  de  produire  tout  ou  partie  des  ti- 
tres qui  pourraient  être  légalement  exigés  (1).  Il  est  à 
présumer  quun  certain  nombre  des  propriétaires  qui 
ont  déjà  fait  immatriculer  leurs  immeubles  profiteront 
de  cette  facilité  et  que  les  immatriculations  à  titre  absolu 
deviendront  ainsi  plus  fréquentes.  Le  tarif  du  18  décem- 
bre 1903,  pour  encourager  de  pareilles  initiatives,  a  de 
plus,  autorisé  le  Registrar  à  accorder  telle  réduction  sur 
le  tarif  ordinaire  qu'il  peut  lui  sembler  juste  (2). 

Une  autre  disposition  du  nouveau  règlement  permet 
au  Registrar  d'immatriculer  à  titre  absolu,  en  soumet- 
tant lobtention  définitive  de  ce  titre  à  larrivée  d'un 
terme  où  à  l'accomplissement  d'une  condition.  Jusqu'à 
ce  moment,  le  titre  sera  selon  les  cas  considéré  simple- 
ment comme  un  titre  qualifié  ou  possessoire  (3).  Aupara- 
vant les  intéressés  ne  pouvaient  obtenir  qu'un  titre  qua- 
lifié ou  poss'cssoire,  sans  ;pouvoir  espéror  qu'avec  le 
temps  ce  titre  serait  transformé  en  un  titre  absolu. 

Enfin,  en  ce  qui  concerné  les  leaseholds,  une  autre  ré- 
forme a  été  introduite.  Depuis  l'application  obligatoire 
de  la  loi,  la  plupart  des  demandeurs  en  immatriculation 
de  leaseiiolds  avaient,  comme  pour  les  freeholds,  requis 
l'inscription  à  titre  seulement  possessoire.  Une  raison 
spéciale  au  contrat  de  lease  expliquait  cette  préférence  : 
pour  pouvoir  obtenir  un  titre  absolu  en  leasebold,  il  fal- 
lait que  le  bailleur  consentît  à  produire  ses  titres  de  pro- 
priété :  l'immatriculation  à  titre  absolu  entraînait,  en  ef- 
fet, la  preuve  que  celui-ci  avait  qualité  à  consentir  le  bail. 
Mais  il  est  très  rare  en  Angleterre  qu'en  faisant  une  lo- 
cation, le  bailleur  permette  au  preneur  d'examiner  ses 
titres  :  et,  néanmoins,  il  est  d'usage  de  considérer  le  li- 
tre ainsi  obtenu  comme  très  stir.  Il  en  résultait  que  tous 
les  bauy  ne  pouvaient  être  immatriculés  qu'à  titre  pos- 
sessoire. Cependant  il  existait  au  point  de  vue  de  la  va- 
leur du  titre  une  grande  différence  lorsqu'il  avait  pu  être 
établi  que  les  droits  du  preneur  actuel  remontaient  va- 

(1)  Art.  36,  §  b  (2)  General  Rules. 

(2)  Art.  10,  Fee  order  1903. 

(3)  Art.  48,  General  Rule.s. 


Al'PRl'XIATIONS    SUR    Li;s    l.ulS    ANGLAISES  247 

lablement  jusqu'au  premier  preneur,  ou,  au  contraire, 
lorsqu'il  y  avait  eu  seulement  production  du  dernier  acte 
de  cession  de  la  location.  Dans  le  premier  cas,  un  acqué- 
reur ordinaire  se  serait  contenté  de  l'inspection  du  regis- 
tre, dans  le  second  cas.  il  aurait  dû  demander  les  preu- 
ves légalement  requises.  La  confusion  de  ces  deux  espè- 
ces de  titres  sous  la  même  qualification  pouvait,  jusqu'à 
un  certain  point,  préjudicier  aux  bénéficiaires  de  lease- 
holds,  et  dans  tous  les  cas  elle  semblait  plutôt  créer  des 
ennuis,  que  procurer  des  avantages  à  certains  de  ces 
bénéficiaires.  Le  nouveau  règlement  distingue  ces  deux 
catégories  de  titres.  Il  laisse  aux  bénéficiaires  de  lease- 
holds  qui  ont  été  inscrits  sur  simple  production  du  der- 
nier contrat  de  vente,  l'immatriculation  à  titre  posses- 
•soire  ;  il  crée  pour  ceux  qui  ont  prouvé  qu'ils  avaient 
réellement  droit  de  se  dire  propriétaires  du  bail,  un  au- 
tre titre  «  le  bon  titre  de  leasehold  »,  ce  qui  peut  être  tra- 
duit, le  titre  marchand.  Ce  titre  participe  de  la  validité 
du  titre  absolu,  en  ce  qu'aucune  réclamation  ne  peut 
plus  être  élevée  contre  lui  à  raison  d'actes  non  inscrits 
consentis  par  les  preneurs  successifs  ;  mais  il  est  sou- 
mis comme  le  titre  absolu  à  toutes  les  l'evendications  ba- 
sées sur  ce  que  le  bailleur  n'avait  pas  ({ualité  pour  con- 
sentir le  bail.  Malgré  cette  restriction,  et  conformément 
à  la  pratique  des  transactions  occultes,  le  titre  marchand 
sera  considéré  comme  un  bon  titre  qu'il  sera  possible 
d'accepter  sans  procéder  à  d'autres  vérifications  que 
l'inspection  du  certificat  terrier  ou  du  registre.  Cette  ré- 
forme qui  paraît  au  premier  abord,  être  plutôt  une  ré- 
forme de  détail  qu'une  réforme  de  fond  peut,  par  la  clarté 
apportée  dans  la  situation  et  la  valeur  respective  des  di- 
vers titres  en  leasebold,  avoir  les  plus  beureux  effets  sur 
les  transmissions  postérieures  de  ces  biens. 

Le  rapport  du  Registrar  avait  aussi  préconisé  le  rem- 
boursement des  droits  lorsqu'une  demande  en  immatri- 
culation avait  été  rejetée  :  les  propriétaires  ne  croiraient 
plus,  disait-il,  que  le  Bu.reau  d  immatriculation  chercbe 
à  plaisir  à  soulever  des  difficultés  et  à  faire  avorter  les 
demandes. 


248      l'introduction   des  livres  fonciers  en   ANGLETERRE 

Le  tarif  de  1903  prescrit,  en  effet,  qu'en  cas  de  rejet 
total  de  la  demande  en  immatriculation, la  majeure  partie 
des  droits  perçus  seront  remboursés  aux  intéressés  (1). 
Jusqu'à  1.000  livres,  il  ne  sera  retenu  que  5  shillings, 
jusqu'à  10.000  livres,  il  ne  sera  retenu  que  10  shillings, 
et  au-delà  de  10.000  livres,  il  sera  retenu  1  livre. 

Mais  l'une  des  causes  pour  lesquelles  les  propriétaires 
ne  demandaient  pas  à  être  immatriculés  à  titre  absolu 
était  les  frais  relativement  élevés  qui  devaient  être  payés 
par  eux.  Le  tarif  de  1903  a  introduit  une  mesure  destinée 
à  leur  rendre  moins  sensible  le  sacrifice  pécuniaire  en  re- 
portant à  une  date  plus  éloignée  la  perception  d'une  par- 
tie des  frais.  Il  a  autorisé,  dans  les  districts  où  l'immatri- 
culation est  obligatoire,  les  propriétaires  déjà  inscrits 
ou  en  instance  d'être  inscrits  à  titre  possessoire,  à  re- 
quérir leur  inscription  à  titre  absolu,  moyennant  de  lé- 
gers frais  supplémentaires.  S'il  s'agit,  par  exemple,  d'un 
immeuble  acquis  pour  500  livres  sterlings,  les  dépenses 
nécessaires  de  vente  et  d'immatriculation  s'élèvent  à  13 
livres  sterlings  environ.  Un  versement  complémentaire 
de  2  livres  sterlings  permet  d'obtenir  un  titre  absolu  ;  de 
même  pour  un  immeuble  de  5.000  livres  sterlings,  les 
frais  indispensables  s'élèvent  à  84  livres  et  le  coût  d'un 
titre  absolu  est  de  6  livres  sterlings  ;  pour  un  immeuble 
de  50.000  livres  sterlings,  les  450  livres  perçues  ordinai- 
rement ne  sont  augmentées  que  de  33  livres  sterlings  (2). 

Le  recouvrement  des  sommes,  qui  restent  dues  par  ap- 
plication du  tarif  légal,  est  différé.  Une  mention  portée 
sur  le  registre,  fait  connaître  les  sommes  qui  n'ont  pas 
encore  été  acquittées  (3).  Pour  se  délibérer,  le  propriétaire 
possède  deux  moyens  :  ou  bien  il  peut  payer  soit  en  tota- 
lité, soit  par  acomptes  ce  qu'il  reste  devoir  (4),  et  il  lui 

(1)  Fee  order,  art.  7,  §  (f). 

(2)  Return  showing  the  work  done  in  the  Land  Registry  from 
the  first  day  of  January  1902,  to  the  31  th.  day  of  Decembcr 
1902. 

<3)  Fee  order,  art.  7,  §  (a)  et  (b). 
(4)  Ibid.,  §  (d). 


APPRÉCIATIONS    SUR   LKS   LOIS    ANGLAISES  249 

est  ainsi  possible  de  répartir  sur  un  certain  nombre  d'an- 
nées une  dépense  qui,  faite  en  une  fois,  aurait  été  oné- 
reuse pour  lui.  Ou  bien,  il  peut  attendre  de  vendre  ou 
d'hypothéquer  son  immeuble  et,  dans  ce  cas,  les  frais 
perçus  à  l'occasion  du  contrat  seront  augmentés  de  moi- 
tié :  cette  augmentation  servira  à  parfaire  les  sommes  qui 
n'ont  pas  encore  été  payées  au  Trésor  (1).  A  ce  moment, 
le  propriétaire  touchera  un  certain  prix  et  il  pourra  sup- 
porter plus  facilement  cette  légère  surcharge.  Si  le  pro- 
priétaire continue  d'après  ce  système  à  payer  des  frais 
aussi  élevés  qu'auparavant,  il  ne  les  paie  en  quelque 
sorte  qu'à  son  heure  et  au  moment  où  ils  lui  paraîtront 
le  moins  lourds.  Une  concession  importante  est,  en  ou- 
tre, faite  aux  propriétaires  d'immeubles  d'une  valeur  in- 
férieure à  1.000  livres  sterlings.  La  partie  des  frais,  dont 
la  perception  est  différée,  leur  est  totalement  remise  lors- 
qu'une Société  de:  construction,  de  Secours  mutuels, 
de  prévoyance  ou  industrielle  leur  a  déjà  avancé  plus  de 
la  moitié  de  la  valeur  de  l'immeuble. 

Tels  sont  les  divers  moyens  par  lesquels  le  Bureau 
d'immatriculation  va,  désormais,  essayer  d'inciter  le^ 
propriétaires  à  immatriculer  leurs  immeubles  à  titre  ab- 
solu ;  ces  modifications  suffiront-elles  à  rendre  désira- 
ble l'obtention  d'un  tel  titre  ?  Il  est  encore  trop  tôt  pour 
pouvoir  le  dire.  Elles  n'apporteront  pas  dans  tous  les 
cas  un  remède  aux  autres  imperfections  que  nous  avons 
signalées. 

-Néanmoins,  quelque  insuffisante  que  soit,  sur  certains 
points,  la  nouvelle,  législation,  quelque;  embryonnaire 
(jue  soit  sa  première  application,  il  est  permis  d'en  at- 
tendre d'heureux  résultats  ;  car  elle  répond  à  un  besoin 
en  quelque  sorte  inéluctable,  éprouvé  par  les  proprié- 
taires anglais  d'avoir  en  leur  possession  un  instrument 
approprié  aux  besoins  modernes  de  la  propriété  foncière 
agricole  ou  urbaine.  Ses  effets  ne  semblent,  d'ailleurs, 
pas  devoir  se  limiter  aux  seules  institutions  juridiques 
qu'elle  a  entendu  modifier.  Il  est  permis  de  présager  que 

(1)  Pee  order,  art  7. 


■^50      L  IM  HODimON  DES  LIVRES  FONCIERS  EN  ANGLETERRE 

toute  la  pratique  des  conventions  immobilières,  intime- 
ment liée  au  mode  par  lequel  se  constate  la  propriété,  se 
transformera  sous  son  influence  et  qu'au  point  de  vue 
économique,  létendue  des  immeubles  diminuera,  grâce 
aux  facilités  données  par  la  réforme,  aux  ventes  et  aux 
emprunts  des  petits  propriétaires. 


CHAPITRE  III 

LA  QUESTION  DES  LIVRES  FONCIERS  EN   FRANCE. 

En  faisant  la  critique  des  institutions  juridiques  an- 
glaises avant  1897,  nous  avons  été  frappés  des  nombreu- 
ses similitudes  existant  entre  la  situation  de  la  propriété 
foncière  en  France  et  en  Angleterre.  Le  Code  Civil  de 
1804.  même  amendé  et  modifié  par  la  loi  du  23  mars  1855, 
ne  répond  plus  aux  besoins  actuels  ni  aux  mœurs  mo- 
dernes. A  limmuabilité  dans  la  même  famille  des  pro- 
priétés foncières,  ont  succédé,  à  l'instar  de  la  circulation 
croissante  des  valeurs  mobilières,  des  transmissions  plus 
fréquentes  et  des  constitutions  de  droits  réels,  plus  nom- 
breux, multipliant  les  chances  d'erreur  que  le  Code  Ci- 
vil laisse  subsister.  La  clandestinité  de  certaines  con- 
ventions, l'élévation  des  tarifs  (1),  les  difficultés  d'ouvertu- 
res de  crédit,  la  multiplicité  des  procès  (2),  conséquences 
nécessaires  de  cette  incertitude,  ont  placé  la  propriété 
foncière  française  dans  une  situation  analogue  à  celle  où 
se  trouvait  la  propriété  anglaise  sous  le  régime  des  tran- 
sactions occultes.  Depuis  longtemps  ((  les  pertes  incalcu- 
lables qu'il  (ce  système)  a  fait  éprouver  aux  capitalistes 
justifient  suffisamment  les  réclamations  dirigées  contre 
cette  partie  de  la  législation  (3)  ». 

((  Actuellement,  a  dit  un  jurisconsulte,  les  registres 
d'hypothèques  contiennent  à  peu  près  tout  ce  qui  n'est 

(1)  24,43  0/0  pour  une  vente  de  100  francs;  10,98  0/0  pour  une 
vente  de  500  francs;  10.61  0/0  pour  une  vente  de  l.OÔO  franc»; 
8,61  0/0  pour  une  vente  de  10.000  francs;  9,96  0/0  pour  une  vente 
de  200.000  francs.  Cf.  Proposition  de  loi  de  M.  Maurice  Viol- 
lette  tendant  à  exonérer  de  tout  droit  d'enregistrement  la  vente 
d'immeubles  d'une  valeur  inférieure  à  500  francs.  Chambre  des 
Députés.   Session  extraordinaire  de  1903. 

(2)  80.000  procès  immobiliers  environ  par  an,  d'après  le 
Compte  de  la  Justice  civile  en  France. 

(3)  AuBRY  et  Rau,  Cours  de  droit  civil  trancais,  T.  I,  p.  27. 


252      l'introduction   des   livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

pas  la  vérité  ;  ils  contiennent  une  foule  d'inscriptions  qui 
ne  devraient  pas  ou  ne  devraient  plus  s'y  trouver,  des 
références  à  des  titres  qui  n'ont  aucune  validité,  des  ins- 
criptions de  créances  qui  ont  été  payées  et  qui,  dès  lors, 
n'existent  plus.  Au  contraire,  ils  ne  tiennent  aucun 
compte  d'actes  parfaitement  réguliers  qui  affectent  la 
propriété  ;  ils  ne  tiennent  pas  compte,  notamment,  des 
actes  déclaratifs  de  propriété  non  plus  que  des  muta- 
tions par  décès.  Ils  laissent  ignorer  aussi  toutes  les  char- 
ges résultant  des  hypothèques  légales. Ils  ne  mentionneat 
aussi  que  par  aventure,  les  cessions  de  créances  hypothé- 
caires. En  réalité,  vous  le  savez  aussi  bien  que  moi,  le 
registre  des  hypothèques  est  un  grimoire  abominable  (1).  » 
La  révision  des  lois  hypothécaires  et  la  modification 
de  la  loi  sur  la  transcription  est  depuis  de  nombreuses 
années  demandée.  Des  projets  et  des  rapports  ont  été  dé- 
posés sur  les  bureaux  de  l'une  et  l'autre  Chambre,  sans 
que  les  propositions  aient  pu  aboutir  (2).  En  étudiant  la 

(1)  Challamel,  Comm.  extrap.  du  cad.  Proc.-verb.,  T.  VII, 
p.  321. 

(2)  Depuis  1870,  voici  la  liste  des  diverses  propositions  pré- 
sentées: proposition  de  M.  Emile  Bouchet  tendant  à  étendre 
à  tout  prêteur  sur  hypothèque  les  dispositions  édictées,  en  fa- 
veur du  Crédit  foncier  exclusivement,  par  le  Décret  du  28  fé- 
vrier 1852  et  la  loi  du  10  juin  1853.  Chambre  des  Députés,  S. 
12  mai  1897,  n°  933.  —  Même  proposition  de  M.  Cesbron,  Cham- 
bre des  Députés,  S.  1^^  avril  1878,  n°  587.  —  Proposition  de 
M.  Dethou.  aj^ant  pour  objet  l'ouverture  d'un  crédit  agricole 
à  un  taux  modéré  en  faveur  de  la  propriété  foncière.  Chambre 
des  Députés,  S.  10  février  1885,  n°  3528.  —  Projet  de  loi  por- 
tant modification  de  l'art.  9  de  la  loi  du  23  mars  1855  (Hypo- 
thèque légale  de  la  femme),  présenté  par  M.  Cazot,  Garde  des 
Sceaux,S.  26  novembre  1881, n°  138.  (Repris  en  1886  par  M.  Bris- 
son,  ce  projet  a  abouti  et  est  devenu  la  loi  du  13  février  1889.) 
—  Proposition  de  loi  de  M.  Fleury,  ayant  pour  objet  la  mobi- 
lisation partielle  de  la  propriété  foncière.  Ch.  des  Dép.,  S. 
19  juin  1883,  n"  2022.  —  Proposition  de  loi  de  M.  Manoury  con- 
cernant l'hypothèque  judiciaire.  Ch.  des  Dép.,  S.  9  mars  1889, 
n°  3687.  —  Proposition  de  M.  Barbe,  ayant  pour  objet  la  subs- 
titution d'un  droit  proportionnel  de  transcription  hypothé- 
caire au  droit  fixe  de  timbre  actuel,  et  l'exemption  des  droits 


LA   QUESTION  DES   LIVRES   FONCIERS   EN   FRANCE  253 

législation  anglaise  qui  marque  un  si  grand  progrès, 
nous  nous  sommes  souvent  demandé,  s'il  ne  fallait  pas 
appliquer,  en  France,  les  principes  de  l'immatriculation 
tels  qu'ils  ont  été  adoptés  au-delà  de  la  Manche. 

Les  avis  sont,  sur  ce  point,  très  partagés.  Les  uns  dé- 
fendent au  nom  du  grand  principe  de  la  liberté  des  con- 
trats l'œuvre  du  législateur  de  1804  et  de  1855.  Tout  en 
admettant  la  nécessité  d'apporter  au  régime  hypothé- 
caire certaines  améliorations,  de  soumettre  à  la  trans- 
cription toutes  les  mutations  de  propriété  et  de  ne  plus 

pour  les  ventes  au-dessous  de  500  francs.  Ch.  des  Députés,  S. 
12  mars  1890,  n°  526.  —  Proposition  de  loi  de  M.  H.  Pontois 
ayant  pour  objet  la  réforme  de  la  constitution  de  la  propriété 
immobilière  en  France  et  dans  les  Colonies.  Ch.  des  Députés, 
S.  6  mai  1890,  n«  533.  —  Proposition  de  loi  de  M.  H.  Pontois, 
ayant  pour  objet  la  réorganisation  du  cadastre  et  sa  conser- 
vation. Ch.  des  Députés,  S.  6  mai  1890,  n°  532.  —  Proposition 
de  loi  de  M.  Victor  Prost  sur  le  Crédit  foncier.  Ch.  des  Députés, 
S.  12  juillet  1890,  n°  835.  —  Proposition  de  loi  de  M.  Lévêque 
sur  le  Crédit  foncier.  Ch.  des  Dép.,  S.  19  janvier  1891,  n°  1134. 

—  Proposition  de  M.  J.  Siegfried,  ayant  pour  objet  la  réduc- 
tion des  droits  d'Enregistrement  et  de  timbre  sur  les  ventes  et 
échanges  d'immeubles  dont  la  valeur  ne  dépasse  pas  500  francs. 
Ch.  des  Dép.,  S.  14  mars  1891,  n°  1308.  —  Proposition^ de  loi  de 
M.  Honoré  Pontois  sur  la  réforme  du  cadastre.  Ch.  des  Dépu- 
tés, S.  27  mai  1891,  n°  1442.  —  Proposition  de  loi  de  M.  J.  Co- 
det,  ayant  pour  objet  la  création  du  Crédit  hypothécaire  à 
long  terme  et  à,  taux  réduit.  Ch.  des  Dép.,  S.  15  janvier  1894, 
n«  246.  Rapport  de  M.  Jean  Codet,  S.  26  novembre  1895, 
n°  2135.  —  Proposition  de  loi  de  M.  Gendre,  relative  à  la  ré- 
forme du  cadastre.  Ch.  des  Dép.,  S.  20  janvier  1894,  n°  273.  — 
Proposition  de  loi  de  M.Boudenoot  tendant  à  rendre  plus  rapide 
et  plus  économique  la  révision  du  cadastre.  Ch.  des  Dép.,  S. 
10  février  1894,  n°  373.  Rapport  de  M.  Delombre,  S.  10  avril 
1895,  n°  1299.  Transmise  au  Sénat  le  12  décembre  1895.  Rapport 
de  M.  Morel,  S.  24  février  1895,  n°  33.  Représentée  à  la  Cham- 
bre des  Députés  le  25  février  1898.  Rapport  par  M.  Boudenoot, 
S.  28  février  1898,  n«  3077.  Loi  du  17  mars  1898.  —  Proposition 
de  loi  de  M.  Thézard,  relative  à  la  publicité  des  actes  intéres- 
sant la  propriété  immobilière.  Sénat,  S.  28  octobre  1895,  n°  8. 

—  Projet  de  loi  sur  la  réforme  du  régime  hypothécaire  présenté 


254      l'introduction  des  livres   fonciers  en   ANGLETERRE 

admettre  l'existence  de  privilèges  et  d'hypothèques  lé- 
gales ou  judiciaires  non  inscrits,  ils  se  refusent  à  recon- 
naître la  nécessité  d'instituer  un  Livre  foncier,  réunis- 
sant sur  un  même  feuillet  toutes  les  inscriptions  relati- 
ves à  un  immeuble.  Ils  craignent  de  rendre  trop  aisées 
les  mutations  de  propriété  et,  d'accélérer  encore  la  dépo- 
pulation déjà  si  inquiétante  des  campagnes.  Facilement 
transmissible,  la  propriété  perdrait,  suivant  eux,  son  ca- 
ractère d'immuabilité  dans  une  même  famille,  caractère 
qui  fait,  aujourd'hui  encore,  la  force  de  nos  paysans.  Les 
agents  d'affaires  s'insinueraient  chez  eux,  leur  feraient 
signer  des  actes  d'hypothèque  dont  ils  ne  connaîtraient 
pas  suffisamment  les  conséquences  et  les  dépouilleraient 
ensuite.  Dès  lors  les  habitants  des  campagnes,  n'ayant 
plus  aucune  attache  au  sol,  viendraient  grossir  les  rangs 

par  M.  Darlan.  Sénat,  S.  27  octobre  1896,  n°  2.  —  Proposition 
complémentaire  de  MM.  Thézard  et  Brusset.  Sénat,  S.  4  dé- 
cembre 1896,  n.°  147.  —  Projet  de  loi  sur  la  réforme  du  régime 
hypothécaire  présenté  par  M.  G.  Cochery,  ministre  des  Finan 
ces.  Ch.  des  Dép.,  S.  11  février  1897,  n*'  2283.  —Proposition  de 
loi  de  M.  Bertrand,  relative  à  la  transformation  en  une  taxe 
proportionnelle  des  divers  droits  perçus  sur  les  formalités  hypo- 
thécaires. Ch.  des  Dép.,  S.  25  octobre  1898,  n°  286.  Eapport  de 
M.  Klotz,  S.  1^^  mars  1900,  n°  1477.  —  Proposition  de  loi  de 
M.  G.  Graux,  ayant  pour  objet  de  'donner  des  garanties  spé- 
ciales aux  prêts  chirographaires  consentis  aux  agriculteurs  et 
de  constituer  le  crédit  agricole  immobilier,  S.  2  mai  1899,  n°  905. 

—  Proposition  de  loi  de  M.  Klotz,  ayant  pour  ol^jet  de  dévelop- 
per le  crédit  agricole  par  le  dégrèvement  des  petits  prêts  hypo- 
thécaires. Ch.  des  Dép.,  S.  19  juin  1899,  n°  1037.  Rapport  de 
M.  Klotz,  S.  l^""  mars  1900,  n°  1477.  Projet  de  loi  de  M.  Cail- 
laux  sur  la  transformation  des  droits  perçus  à  l'occasion  des 
formalités  hypothécaires.  Ch.  des  Dép.,  S.  19  février  1900, 
n°  1429.  Eapport  de  M.  Klotz,  S.  P^  mars  1900,  n°  1477.  Trans- 
mis au  Sénat,  le  28  juin  1900.  Rapport  de  M.  Boulanger,  S. 
6  juillet  1900,  n°  296.  Représenté  à  la  Chambre,  le  9  juillet  1900. 
Rapport  de  M.  Klotz,  S.  10  juillet  1900,  n«  1855.  Loi  du 
27  juillet  1900.  —  Proposition  de  loi  de  M.  G.  Chastenet  sur  la 
sécurité  du  Titre  foncier.  Ch.  des  Dép.,  S.  22  juin  1900,  n°  1741. 

—  Même  proposition  de  M.  Chastenet,  S.  4  mars  1903,  n«  796. 


LA   QUESTION  DES   LIVRES  FONCIERS   EN   iRAI^iCE  20D 

(lu  prolétariat  industriel  parmi  lequel  certains  partis  ex- 
trêmes recrutent  leurs  plus  fidèles  adeptes. 

Mais  la  plupart  des  économistes  et  jurisconsultes  Iran- 
gais  s'insurgent  contre  de  semblables  théories  qui  ten- 
dent à  considérer  le  petit  propriétaire  comme  un  inca- 
pable dont  il  faut,  sans  lui  et  quelquefois  contre  lui,  sau- 
\egarder  les  droits.  «  Il  est  difficile,  a  dit  un  auteur,  de 
comprendre  qu'on  traite  de  mineur,  le  paysan  investi 
de  tous  les  droits  civils  et  du  droit  de  suffrage,  pour  une 
chose  qui  regarde  ses  intérêts  les  plus  immédiats  (1).  » 
«  Ce  sont  les  paysans  qui  ont  su  le  mieux  faire  leurs  af- 
faires depuis  1789.  Ils  ont  acheté  le  sol,  ils  l'ont  fécondé 
dans  les  plus  petits  recoins  et  fertilisé,  comme  on  la  rap- 
pelé souvent,  jusqu'au  roc  stérile.  Ils  ont  augmenté  la 
plus-value  de  la  petite  propriété  dans  une  proportion  su- 
périeure à  celle  des  domaines  étendus.  Sous  quel  pré- 
texte, les  expulser  du  droit  commun  ?  Est-ce  qu'ils  ont 
subi  parfois  des  entraînements  et  compromis  des  épar- 
gnes en  des  mains  peu  sûres  ?  Nous  dirions  dans  ce  cas  : 
que  ceux  qui  n'ont  pas  péché,  leur  jettent  la  première 
pierre  (2).  »  Ne  faut-il  pas  dire,  au  contraire,  que  <(  s'il 
coûtait  moins  cher  pour  négocier  la  terre,  si  la  transmis- 
sion était  rendue  plus  libre  et  plus  facile,  il  y  aurait  en 
France  moins  d'exploitations  affermées  et  plus  de  pro- 
priétaires exploitants,  ce  qui  serait  à  tous  les  points  de 
vue  un  grand  progrès  (3)  ».  Il  y  aurait  aussi  plus  d'em- 
prunteurs ;  mais,  offrant  un  gage  plus  sûr.  ils  paieraient 
un  intérêt  moins  élevé  quaujourd'hui.  et  ne  seraient 
plus  fatalement  conduits  par  le  crédit  hypothécaire  à  la 
ruine. 

Si,  pour  ces  diverses  raisons,  presque  toutes  les  per- 
sonnes compétentes  sont  d'accord  pour  demander  la 
création  d'un  Livre  foncier,  la  discussion  renaît  lorsqu'il 
s'agit  de  préciser  les  conditions  dans  lesquelles  il  sera 
constitué.  Faut-il  ordonner  Fimmatriculation  des  immeu- 

(1)  Baudrillart,   Revue  des   deux   Mondes,    P^   juillet  1891, 
p.  164. 

(2)  Ibid. 

(3)  FoviLLE,  le  Morcellement. 


25G      l'introduction   des  livres   fonciers  en  ANGLETiaiRl:: 

blés  dans  toute  une  région  à  la  fois  ?  Faut-il,  au  con- 
traire, autoriser  les  propriétaires  de  n'importe  quelle 
région  à  demander  séparément  l'immatriculation  de  leurs 
biens-fonds  ? 

Deux  objections  sont  faites  au  second  système.  Il  crée, 
dit-on,  une  double  législation  applicable  en  même  temps, 
dans  un  même  pays  ;  or,  l'unité  de  législation  est  un  prin- 
cipe qui  ne  souffre,  en  France,  aucune  exception  :  la  loi 
doit  être  la  même  pour  tous.  Objection  qui  nous  touche 
assez  peu.  Même  en  admettant  que  l'immatriculation  soit 
prescrite  pour  tous  les  immeubles,  cette  opération  de- 
mandera de  longues  années  pendant  lesquelles  coexis- 
teront des  communes  dotées  du  Livre  foncier  et  d'au- 
tres qui  en  seront  privées  :  l'inégalité  entre  les  propriétés 
situées  dans  deux  communes  différentes  sera  aussi  cho- 
quante que  celle  entre  deux  propriétés  situées  dans  la 
même  commune. 

Alais  une  autre  question  plus  grave  se  pose.  Pour 
établir  un  Livre  foncier,  il  est  nécessaire  de  demander, 
à  l'occasion  de  chaque  immatriculation,  la  production 
d'un  plan  de  la  propriété  servant  à  la  reconnaître  et  à 
l'identifier  sur  le  terrain.  Or,  quelle  base  allez-vous  don- 
ner à  ce  plan  ?  Le  cadastre  actuel  ?  Mais  il  est  complè- 
tement insuffisant.  Etabli  de  1807  à  1850,  il  n'a  pas  été 
tenu  à  jour  depuis  qu'il  a  été  terminé  dans  chaque  com- 
mune. L'enquête  à  laquelle  il  a  été  procédé  en  1891  a 
démontré  que,  dans  173  communes  prises  dans  tous  les 
départements,  le  cadastre  ne  représentait  plus  qu'excep- 
tionnellement, la  situation  des  lieux  ;  que,  si  une  simple 
révision  suffirait  dans  28  d'entre  elles,  à  rendre  au  ca- 
dastre son  exactitude  primitive,  la  réfection  intégrale 
s'imposait  pour  les  145  autres,  soit  84  0/0  (1).  Le  cadastre 

(1)  Les  principales  causes  de  modification  sont:  la  création 
d'agglomérations,  le  déboisement,  le  progrès  ou  le  recul  de  cer- 
taines cultures  et  notamment  de  la  vigne,  enfin  le  morcelle- 
ment, sinon  de  la  propriété,  du  moins  des  parcelles.  Celles-ci 
ont,  en  effet,  passé  de  125.997.345  à  151.091.992  (d'après  l'en- 
quête de  1891),  ce  dernier  chiffre  représentant  119  0/0  des  par- 
celles primitivement  cadastrées. 


LA  QUESTION     DES   LIVRES   FONCIERS   EN   FRANCE  257 

ne  peut  pas,  dans  de  telles  conditions,  sei^ir  de  base  à 
l'immatriculation.  Il  ne  peut  donc  être  question  que  d'un 
levé  fait  aux  frais  du  propriétaire,  après  un  bornage  con- 
tradictoire avec  les  propriétaires  voisins,  soit  à  l'amia- 
ble, soit  en  vertu  de  l'article  646  du  Code  Civil.  Or,  avec 
ce  procédé,  dit  M.  Cheysson,  dans  son  rapport  général 
sur  les  travaux  de  la  Sous-Commission  technique  de  la 
Commission  extraparlementaire  du  cadastre,  «  il  est  à 
la  fois  très  coûteux  et  très  difficile  d'obtenir  des  résultats 
d'ensemble.  Chacune  des  opérations  va  être  grevée  de 
frais  généraux  qu'on  éviterait  en  les  combinant  et  en  les 
pratiquant  à  la  fois,  par  exemple,  pour  toute  une  com- 
mune. L'examen  des  titres  d'une  seule  propriété  entraîne 
parfois  celui  des  titres  de  tous  les  propriélaires  d'un 
même  confm  ;  et  il  est  bien  préférable  d'évoquer  du  même 
coup  dans  toute  sa  généralité,  au  lieu  d'appeler  successi- 
vement en  cause,  les  divers  intéressés.  Enfm,  au  point 
de  vue  technique,  le  jour  où  1  on  voudra  juxtaposer  ces 
mêmes  plans  livrés  par  morceaux,  on  aura  beaucoup 
moins  de  chance  de  les  raccorder  aussi  exactement  que 
s'ils  avaient  été  l'objet  d'une  opération  unique  (1).  »  S'il 
est  possible,  continue-t-on,  d'obtenir  une  précision  satis- 
faisante en  Tunisie,  en  Australie,  et  même  en  Angle- 
terre, et  de  se  contenter  de  levers  partiels,  c'est  qu'il 
existe  dans  ces  pays  des  plans  généraux  qui  donnent  les 
points  trigonométriques  nécessaires  pour  rattacher  ces 
levers  au  plan  général  et  prévenir  les  erreurs  techniques. 
En  outre,  ces  trois  pays  ne  connaissent  guère  que  la 
grande  propriété  ;  de  vastes  domaines  occupent  même 
sur  une  carte  ordinaire  un  espace  appréciable. La  France, 
au  contraire,  est  privée  d'une  carte  à  grande  échelle,  et 
notre  carte  au  80.000'  ou  au  50.000^  est  d'autant  plus  in- 
suffisante, que  la  propriété  est  chez  nous  plus  morcelée. 
Il  y  a  donc  lieu,  semble-t-il,  d'attendre  pour  ces  divers 
motifs  la  réfection  du  cadastre,  car  «  perpétué  à  l'aide 
d'un  système  de  conservation  perpétuelle,  il  ne  serait 
pas  seulement  un  instrument  fiscal  et  administratif,  il 
satisferait  à  d'autres  besoins.  Des  abornements  généraux 

(1)  Comm.  extrap.  du  cad.  T.  VI,  p.  533. 

L.  17 


258     l'introduction  des  livres  fonciers  en  Angleterre 

et  une  triangulation  rigoureuse  précéderaient  le  renou- 
vellement des  opérations.  Le  cadastre  constituerait  la 
base  de  la  propriété  foncière  ;  il  assurerait  la  sécurité 
des  hypothèques  et  la  régularité  des  transactions  immo- 
bilières ;  il  fournirait  enfin  à  lagriculture,  par  le  déve- 
loppement des  institutions  de  crédit,  les  moyens  d'action 
qui  lui  font  défaut  aujourd'hui.  En  un  mot,  il  deviendrait 
le  Grand-Livre  terrier  de  la  France  (1).  »  La  Commission 
extraparlementaire  a,  malgré  l'opinion  de  certains  de  ses 
membres  (2),  adopté  cette  manière  de  voir  et  décidé  que 
le  Livre  foncier  ne  serait  constitué  dans  chaque  com- 
mune, qu'après  la  révision  ou  la  réfection  du  cadastre  (3). 
On  ne  peut  contester  que  la  décision  de  la  Commission 
soit  celle  qui  satisfasse  le  mieux  à  toutes  les  opérations 
de  la  constitution  du  Livre  foncier.  Précédant  l'imma- 
triculation, la  réfection  ou  la  révision  du  cadastre  per- 
mettrait de  beaucoup  simplifier  les  recherches  relatives 
aux  titres  de  propriété,  lorsqu'il  s'agirait  de  procéder  à 
l'inscription-  des  immeubles  sur  le  Livre  foncier.  Mais 
cette  solution  présente  à  nos  yeux  le  défaut  capital  de 
transformer  la  (luestion  de  la  réforme  foncière  en  une 
question  d'argent.  L'administration  des  contributions 
directes, l'un  des  rapporteurs  delà  Sous-Commission  tecli 
ni(]ue  de  la  Commission  extraparlementaire,  certaines  per- 
sonnes compétentes  ont  cherché  à  évaluer  par  des  métho- 
des différentes,  ce  que  coûterait  le  renouvellement  du 
cadastre  français.  Tous  sont  arrivés  à  évaluer  une  dé- 
pense  probable  d'environ  600  millions.  Si  ce  chiffre  n'est 
certainement  pas  exagéré,  eu  égard  à  l'utilité  du  cadas- 
tre, tant  au  point  du  vue  fiscal  qu'au  point  de  vue  éco- 
nomique, il  ne  laisse  pas,  cependant,  d'inspirer  certai- 
nes inquiétudes  au  sujet  des  ressources  avec  lesquelles 


(1)  Exposé  des  motifs  du  Budget  de  Texercice  1891,  présenté 
par  M.  Rouvier,  ministre  des  Finances,  p.  27. 

(2)  MM.  Marques  di  Braga,  Degouy,  Boudenoot. 

(3)  Conclusions  du  Comité  d'Enquête  adoptées  à  la  Séance 
du  25  mai  1894.  Comm.  extrap.  du  cad.  Proc.-verb.,  T.  V,  p.  43 
et  suivantes. 


LA   QUESTION    DES   LIVRES   FONCIERS   EN   FRANCE  259 

il  y  sera  pourvu  (1)  ;  dans  tous  les  cas,  il  fait  présager 
une  longue  période  d'exécution  pendant  laquelle  la  pro- 
priété foncière  ne  pourra  pas  bénéficier  des  avantages 
des  Livres  fonciers.  Pour  avoir  voulu  mériter  la  statue 
que  Napoléon  P""  promettait  à  celui  qui  ferait  une  bonne 
loi  sur  le  cadastre,  la  Commission  a  peut-être  perdu  de 
vue  le  caractère  pratique  et  l'urgence  de  la  réforme  à 
laquelle  elle  a  été  appelée  à  concourir. 

M.  Boudenoot  se  rendait  si  bien  compte  de  la  nécessité 
de  hâter  une  opération  qu'il  savait  devoir  être  fort  lon- 
gue et  pénible,  qu'en  1894,  il  déposait  à  la  Chambre,  une 
proposition  de  loi  tendant  à  rendre  plus  rapide  et  plus 
économique  la  révision  du  cadastre,  proposition  qui  a 
abouti  et  est  devenue  la  loi  du  17  mars  1898.  Les  rensei- 
gnements, fournis  par  le  rapporteur  du  budget  du  minis- 
tère des  Finances  pour  l'année  1904,  sur  l'application 
de  cette  loi,  nous  montrent  que  les  départements  et  les 
communes  ne  témoignent  que  d'un  empressement  rela- 
tif à  voter  les  fonds  nécessaires  à  la  réfection  de  leur  ca- 
dastre. 44  communes  ont  déjà  demandé  à  l'Etat  les  sub- 
ventions auxquelles  elles  ont  droit  ;  il  est  prévu  que  16  au- 
tres réclameront  à  l'Etat  son  concours  en  1904.  C'est  donc 
en  tout,  60  communes  (2)  ^  qui  seront  dotées  à  brève 
échéance  d'un  bon  cadastre. 

Il  est  certain  que  la  Commission  extraparlementaire 
propose  des  mesures  propres  à  rendre  plus  rapide  cette 
colossale  opération.  Nénamoins,  faute  de  personnel  suf- 
fisant, faute  peut-être  de  crédits  disponibles,  à  cause 
aussi    de    résistances    locales,    l'introduction    du     Li- 

(1)  La  Sous-Commission  des  voies  et  moyens  a,  en  mars  1904, 
décidé,  pour  pourvoir  à  la  dépense,  l'émission  d'obligations 
cadastrales,  garanties  par  l'Etat  et  remboursables  par  annuités 
au  moyen  du  produit  de  centimes  additionnels  spéciaux. 

(2)  Ces  communes  sont  ainsi  réparties:  Haute-Marne, 13;  Pas- 
de-Calais,  2;  Seine,  2;  Seine-et-Marne,  12;  Seine-et-Oise,  4; 
Somme,  5  ;  Vosges,  6.  Les  opérations  cadastrales  ont  été  en- 
treprisees  dans  23  communes;  en  1904,  le  cadastre  de  10  nouvel- 
les communes  sera  commencé.  V.  Doc.  Parlementaires,  Cham^ 
bre,  1903,  p.  1512  et  1513. 


260      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

vre  foncier  sera  renvoyée  dans  de  nombreuses  commu- 
nes à  une  lointaine  échéance.  Pourquoi,  dans  ces  condi- 
tions, refuser  aux  propriétaires  qui  voudraient  bénéficier 
de  la  nouvelle  législation,  la  possibilité  de  ne  pas  attendre 
la  réfection  du  cadastre  dans  leur  commune  ?  Ils  feraient 
rectifier  le  plan  cadastral  ou  procéder  à  un  lever  nou- 
veau, s'il  y  avait  lieu  ;  ils  appelleraient,  conformément 
aux  règles  posées  par  le  code,  les  propriétaires  voisins 
à  procéder  au  bornage  contradictoire  de  leurs  immeu- 
bles ;  puis,  ils  feraient  vérifier  leur  plan  par  des  agents 
officiels.  Peut-être  les  frais  seraient-ils  un  peu  plus  con- 
sidérables ;  mais  les  propriétaires  recouvreraient  rapide- 
ment, soit  par  la  plus-value  immédiate  donnée  à  leur 
immeuble,  soit  par  les  facilités  qu'ils  trouveraient  à  con- 
tracter des  emprunts,  la  légère  dépense  qu'ils  se  seraient 
imposée.  Ainsi  les  deux  opérations,  réfection  du  cadastre 
et  constitution  du  Livre  foncier,  au  lieu  d'être  successi- 
ves, seraient  concurrentes.  Au  lieu  d'être  subordonnées 
l'une  à  l'autre,  elles  se  prêteraient  un  mutuel  concours, 
car  les  levers  partiels  simplifieraient  le  travail  cadastral, 
lorsque  celui-ci  serait  enfin  entrepris. 

Après  avoir  ainsi  déterminé  les  conditions  dans  les- 
quelles le  Livre  foncier  serait  constitué,  la  Commission 
extraparlementaire  s'est  préoccupée  d'assurer  sa  conser- 
vation et  de  prescrire  les  règles  d'après  lesquelles  les 
mentions  'doiventi  être  opérées.  Désormais,  toutes  les 
transactions  immobilières  devront  être  inscrites.  De 
même  que  dans  la  législation  anglaise,  la  Sous-Commis- 
sion juridique,  a,  dans  son  projet,  maintenu  la  validité 
des  actes,  même  non  inscrits,  entre  les  parties.  Il  est  à 
craindre,  bien  que  cette  concession  ait  moins  d'impor- 
tance en  France  qu'en  Angleterre,  qu'elle  ne  puisse  ce- 
pendant être  une  occasion  de  difficultés  et  de  procès  inu- 
tiles et  nuisibles. 

Mais,  les  hypothèques  occultes  et  les  hypothèques  géné- 
rales seront  spécialisées  et  soumises  à  la  publicité,  les 
privilèges  immobiliers  devront  être  également  conservés 
par  une  inscription  ;  les  privilèges  généraux  du  droit  ci- 
vil seront  primés  par  les  droits  et  privilèges  immobiliers. 


LA  QUESTION    DES   LIVRES   FONCIERS   EX    FRANCE  261 

mesures  qui,  jointes  à  robligation  de  faire  désormais 
mentionner  toutes  les  mutations  de  propriété,  donneront 
aux  tiers  traitant  avec  le  propriétaire  inscrit  entière  sé- 
curité. En  ce  qui  concerne  les  droits  des  créanciers  hypo- 
thécaires, la  création  de  bons  hypothécaires,  accessoires 
de  la  créance,  mais  dispensés  de  toutes  les  causes  de 
nullité  ou  d'extinction  qui  peuvent  exister,  soit  au  mo- 
ment où  l'emprunt  est  contracté,  soit  pendant  la  durée 
du  prêt,  assure  les  cessionnaires  contre  tous  risques  et 
leur  permet  d'acquérir  les  créances  transmissibles  par 
simple  endossement  (1). 

Tels  sont  les  grands  traits  de  la  vaste  réforme  qui 
sera,  sans  doute,  proposée  par  la  Commission  extrapar- 
lementaire du  cadastre, à  l'attention  du  législateur.  Trou- 
vera-t-elle  auprès  du  Parlement,  l'accueil  auquel  elle  a 
droit  ?  Il  n'est  pas  possible  d'émettre  à  ce  sujet,  une  opi- 
nion ferme.  Mais  cette  œuvre  restera  dans  tous  les  cas 
comme  un  des  monuments  de  droit  les  plus  sérieux,  en- 
trepris depuis  de  longues  années  ;  si  toutes  les  concep- 
tions et  tous  les  projets  n'aboutissent  pas  immédiate- 
ment, il  est  à  présager  néanmoins,  que  bien  des  réformes 
dans  notre  Code  Civil,  quelque  peu  vermoulu,  seront  ins- 
pirées par  les  travaux  de  cette  Commission.  L'obligation 
d'inscrire  toutes  les  hypothèques  et  privilèges  immobi- 
liers, et  de  transcrire  toutes  les  mutations  de  propriété, 
de  quelque  nature  qu'elles  soient,  serait  déjà  un  pas  im- 
portant fait  vers  la  transformation  de  nos  lois  foncières. 
La  réfection  du  cadastre,  et  l'organisation  de  sa  conser- 
vation, permettraient  aussi  d'envisager  le  jour  où,  par 


(1)  La  Sous-Commission  juridique  n'a  pas  voulu  introduire  les 
hypothèques  indépendantes  des  créances  qu'elles  garantissent: 
le  bon  hypothécaire  de  la  loi  du  9  messidor  an  III  ou  la  dette 
foncière  allemande.  Elle  a  eu  raison,  selon  nous.  Certains  au- 
teurs croient  cependant  que  le  meilleur  moyen  de  mobiliser  le 
sol  est  de  créer  l'hypothèque  sur  soi-même  et  de  constater  cette 
création  par  un  billet  hypothécaire.  V.  notamment,  la  mobili- 
sation du  sol  en  tant  qu'élément  de  crédit  en  France  et  à  l'étran- 
ger, par  M.  H.  Pascaud,  Nancy,  Borgor-Levrault  et  Cie,  1903. 


262      l'iMRODUCTION  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

de  simples  écritures,  les  feuillets  du  Livre  foncier  pour- 
raient être  établis. 

Mais  ce  n'est  que  la  création  de  ces  Livres  fonciers  qui 
peut  donner  à  la  propriété  territoriale  l'essor  qui  lui 
manque  actuellement.  Elle  seule  facilitera  la  transmis- 
sion des  immeubles,  donnera  des  titres  excellents  aux  pe- 
tits domaines  presque  toujours  «  exposés  à  de  désobli- 
geantes surprises  (1)  »  ;  ne  se  reposera  plus  sur  le  fonds 
inaltérable  de  franchise  et  de  loyauté  de  notre  peuple 
pour  protéger  nos  paysans  relativement  simples,  contre 
les  détours  habiles  de  la  chicane  et  de  la  procédure  (2). 
Pour  relever  la  propriété  foncière,  il  ne  suffit  pas,  en 
effet,  de  créer  sur  le  papier  de  magnifiques  institutions 
de  crédit  mutuel  agricole,  il  vaut  beaucoup  mieux  inciter 
les  petits  capitalistes  à  acquérir  la  propriété,  à  la  faire 
valoir  et  à  l'améliorer  avec  le  montant  de  leurs  épargnes. 
L'agriculture  française  est,  actuellement,  entravée  dans 
ses  efforts,  par  ces  multiples  liens  qui  l'enserrent  de  tous 
côtés  et  qui  stérilisent  toutes  les  initiatives.  C'est  de  ces 
liens  qu'il  faut  la  délivrer  ;  c'est,  en  assurant  la  sécurité 
du  titre  foncier,  qu'il  sera  possible  de  ((  donner  au  cré- 
dit du  fermier,  la  liberté  des  gages  qu'ils  possèdent  et 
dont  les  défectuosités  de  notre  législation  et  l'énormité 
des  impôts  et  des  taxes  d'honoraires,  leur  interdisent 
l'emploi  ».  x-Yinsi  on  rendra  sa  véritable  valeur  à  la  terre 
de  France,  et,  on  permettra  au  travail  opiniâtre  du 
paysan,  de  féconder  notre  sol  c^ue,  selon  le  mot  de  Mi- 
chelet,  il  a  fait  «  en  y  enfouissant,  avec  les  ossements  des 
morts,  la  sueur  des  vivants  ». 

(1)  FoviLLE,  RéfectiiDïi  du  cadastre  et  Livres  fonciers.  Econo- 
miste français,  n°^  des  25  juillet  et  l^'"  août  1903. 

(2)  Flour  de  Saint-Genis,  La  propriété  rurale  en  France,  Pa- 
ris, Armand  Colin,  1902. 


CONCLUSIONS. 


Le  Livre  foncier  qui  existe  ou  a  été  établi  dans  les  pays 
à  vieille  histoire  comme  les  Etats  européens,  qui  fonc- 
tionne dans  les  pays  neufs  des  colonies  françaises  ou 
anglaises,  semble  donc  être  la  base  véritablement  mo- 
derne de  la  propriété  foncière  ;  résurrection  des  anciens 
terriers  ou  polyptyques  féodaux,  il  semble  être  le  régime 
normal  des  transactions  immobilières. 

Adapté  à  tous  les  besoins,  modifié  suivant  les  coutu- 
mes^ les  législations  ou  les  mœurs,  il  assure,  dans  ses 
formes  variées,  la  transmission  rapide  des  biens-fonds 
et  le  développement  du  crédit  hypothécaire.  Il  répond 
ainsi  à  deux  des  caractères  de  la  société  moderne.  Il  ca- 
dre avec  le  principe  de  la  constante  circulation  des  ri- 
chesses, car,  il  permet  d'incorporer  aujourd'hui,  au  soi 
une  parcelle  de  la  fortune  nationale  qui,  hier,  était  repré- 
sentée par  un  titre  de  rente,  et  demain,  sera  transformée 
en  outillage  industriel.  Il  répond  à  la  loi  de  la  progres- 
sion constante  des  entreprises  humaines,  car  il  favorise 
l'emploi  rationnel  des  ressources  du  sol  :  les  produits,  ob- 
tenus par  une  culture  purement  empirique  et  routinière, 
insuffisants  pour  rémunérer  les  capitaux  engagés,  peu- 
vent, grâce  aux  coûteuses  améliorations,  aux  acquisi- 
tions de  machines  perfectionnées,  que  le  Livre  foncier 
rend  possibles,  donner  au  propriétaire  des  plus  beaux 
revenus. 

L'immatriculation  développe  donc  l'esprit  d'initiative 
et  l'amour  du  sol.  La  France  est  restée  en  dehors  du  mou- 
vement qui  entraînait  les  divers  pays  vers  les  Livres  fon- 
ciers. Dédaignant  pour  elle-même  les  présents  d'Ar- 
taxerxès,  elle  se  contentait  de  l'imposer  aux  pays  de  pro- 
tectorat ou  à  ses  colonies.  On  en  découvre,  sans  doute,  la 
raison  dans  la  nature  particulière  de  la  propriété  foncière 
en  France.  Suffisamment  morcelé  sans  être  éparpillé  en- 
tre un  trop  grand  noml^re  de  mains,  notre  sol  est  possédé 


264      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

par  une  sorte  de  petite  bourgeoisie  rurale,  travailleuse, 
économe  et  prudente,  attachée  à  la  terre  plus  encore  par 
ses  traditions,  que  par  son  intérêt  :  elle  a  su,  à  force  de 
privations,  attendre  sans  trop  souffrir,  la  fm  d'une  crise 
qui,  partout  ailleurs,  exerçait  d'effrayants  ravages. 

Il  semble  cependant  que  le  moment  soit  venu  pour  la 
France,  d'entrer  dans  le  cycle  des  nations  qui  ont  ins- 
titué avant  elle  le  Livre  foncier  ;  qu'il  soit  presque  indis- 
pensable pour  le  développement  de  notre  agriculture  de 
posséder  un  levier  de  transformation,  mis  déjà  à  la  dis- 
position de  l'agriculture  des  autres  pays. 

Les  essais  heureusement  conduits  dans  les  provinces 
rhénanes  et  en  Alsace-Lorraine,  offrent  un  grand  inté- 
rêt pour  le  législateur  ;  car  ces  régions  sont  soumises 
au  droit  civil  français  que  l'occupation  de  la  Westphalie 
par  les  armées  impériales  y  avait  introduit  ou  que  la 
possession,  jusqu'en  1870,  de  nos  provinces  perdues  y 
avait  conservé.  La  réforme  se  présentait  dans  ces  condi- 
tions, à  peu -près  comme  elle  se  présenterait  en  France. 
La  tentative  faite  en  Angleterre,  pour  être  d'une  applica- 
tion moins  directe,  a  cependant  une  importance  tout  aussi 
exceptionnelle.  Elle  prouve  que  nonobstant  les  difficul- 
tés juridiques  les  plus  sérieuses,  les  complications  léga- 
les les  plus  ardues,  le  Livre  foncier  peut  être  établi,  ré- 
pondre à  tous  les  besoins,  se  plier  à  toutes  les  transac- 
tions. Elle  montre,  en  outre,  la  possibilité  de  constituer 
sans  un  cadastre,  les  feuillets  réels  immobiliers.  Enfin 
elle  prouvera  certainement  que,  même  dans  un  pays 
vieux,  où  de  multiples  droits  et  de  multiples  servitudes 
s'enchevêtrent  et  se  contredisent,  les  réclamations,  les 
erreurs,  et  par  suite  les  responsabilités  pécuniaires  en- 
courues, sont  excessivement  rares  et  presque  invraisem- 
blables. 

A  ces  divers  titres,  la  législation  anglaise  de  1875  et 
de  1897,  peut  être  étudiée  avec  fruit  par  tous  ceux  qu'in- 
téresse et  préoccupe  la  réforme  de  la  législation  immo- 
bilière française. 


ANNEXES 


Loi  du  10  août  1875  pour  simplifier  les  titres  de  pro- 
priété et  faciliter  le  transfert  des  terres  en  Angle- 
terre . 

Art.  1.  —  Cette  loi  sera  appelée  :  The  Land  Transfer  Act. 
1875. 

Art.  2.  —  Cette  loi  ne  s'applique  pas  à  l'Ecosse  et  à  l'Ir- 
lande. Ne  seront  soumises  à  l'immatriculation  en  vertu  de 
cette  loi,  que  les  propriétés  en  freehold  ou  les  propriétés  en 
leasehold,  ces  dernières  devant  avoir  leur  origine  directe  ou 
indirecte  dans  une  propriété  en  freehold.  Le  freehold  coutu- 
mier  ne  sera  pas  soumis  à  l'immatriculation  toutes  les  fois 
que  l'intervention  du  seigneur  du  manoir  sera  nécessaire  pour 
rendre  valable  la  vente  consentie  par  le  tenancier  coutumier. 

Art.  3.  —  Cette  loi  entrera  en  vigueur  le  V^  janvier  1876... 

Art.  4.  —  (Définitions.) 


PREMIERE  PARTIE 

•   Inscription  des  immeubles  sur  le  registre  (oncier 

I 

FREEHOLDS 

Art-.  5.  —  Un  registre  foncier  s^era  établi  et,  à  partir  de  là 
mise  en  vigueur  de  la  loi, 

a)  Quiconque  a  contracté  pour  acheter  à  son  profit  person- 
nel un  bien-fonds  en  toute  propriété,  sujet  ou  non  à  des 
charges  ; 

b)  Quiconque  a  des  droits  en  son  nom  personnel,  soit  en 
vertu  de  la  loi,  soit  en  vertu  de  l'équité,  à  un  bien-fonds  en 
toute  propriété,  sujet  ou  non  à  des  charges  ; 


266      l/lXTRODUCTIOX  DES   LIVRES   FONCIERS  EN  ANGLETERRE 

c)  Quiconque  est  capable  de  disposer  à  son  profit  personnel 
par  vente  d'un  bien-fonds  en  toute  propriété  sujet  ou  non  à 
des  charges  ; 

Peut  requérir  du  Registrar  en  vertu  de  cet  act.  l'enregis 
trement  en  son  nom  ou,  à  son  lieu  et  place,  au  nom  d'une  ou 
plusieurs  personnes  dénommées,  comme  propriétaire  avec  un 
titre  absolu  ou  simplement    possessoire,    pourvu    toutefois 
que  dans  le  cas  de  vente,  le  vendeur  consente  à  la  réquisition. 

Art.  6.  —  Quand  il  devra  résulter  de  l'inscription  un  titre 
absolu,  l'enregistrement  au  profit  du  propriétaire  n'aura  lieu 
qu'après  vérification  du  titre  et  son  approbation  par  le  Regis- 
trar. 

Quand  il  ne  s'agira  que  d'obtenir  un  titre  possessoire,  l'en- 
registrement pourra  avoir  lieu  sur  la  justification  des  forma- 
lités qui  pourraient  être  exigées  à  cette  époque. 

Art.  7.  —  L'immatriculation  comme  premier  propriétaire 
inscrit  avec  titre  absolu,  investira  la  personne  ainsi  imma- 
triculée du  droit  de  propriété  avec  tous  les  droits  et  privilèges 
accessoires,  sous  réserve  : 

a)  Des  charges  qui  pourront  être  mentionnées  sUr  le  regis- 
tre ; 

b)  De  toutes  les  affectations  ne  rentrant  pas  dans  la  caté- 
gorie des  charges,  telles  qu'elles  sont  désignées  par  la  loi, 
sauf  mention  contraire  au  registre. 

c)  Lorsque  le  propriétaire  inscrit  n'aura  pas  un  droit  propre 
sur  l'immeuble  enregistré,  sous,  réserve  de  tous  les  droits  des 
tiers,  mais  libre  de  tousi  autres  droits  quelconques,  même 
ceux  de  Sa  Majesté  et  de  ses  héritiers  et  successeurs. 

Art.  8.  —  L'immatriculation  d'une  personne  comme  pre- 
mier propriétaire,  inscrit  à  titre  possessoire  seulement,  ne 
préjudiciera  pas  à  la  reconnaissance  de  tout  droit  de  propriété 
dérogeant  au  titre  du  premier  propriétaire  :  ledit  droit  exis- 
tant ou  susceptible  de  naître  au  moment  de  l'inscription  dudit 
propriétaire.  Sauf  cette  restriction,  cette  immatriculation  aura 
le  même  effet  que  l'immatriculation  avec  titre  absolu. 

Art.  9.  —  Quand  il  doit  résulter  de  l'inscription  un  titre 
absolu  et  qu'à  l'examen  du  titre,  il  paraît  au  Registrar  que  le 
titre  ne  peut  être  admis  pour  une  période  limitée,  ou  est  sujet 
à  certaines  réserves,  le  Registrar  pourra,  sur  la  demande  de 
la  partie  et  par  une  mention  portée  au  registre,  limiter  le  droit 
selon  les  documents  qui  lui  sont  soumis.  Le  titre  enre- 
gistré avec  ces  restrictions  s'appellera  titre  qualifié.  L'en- 
registrement avec  titre  qualifié  aura  le  même  effet  que  l'en- 


LOI  DK  1875  267 

regislrement  avec  titre  absolu,  sauf  que  cet  enregistrement 
ne  pourra  préjudicier  à  la  reconnaissance  d'aucun  des  droits 
réservés. 

Art.  10.  —  Lors  de  l'inscription  sur  le  registre  du  nom  du 
propriétaire,  le  Registrar  devra,  s'il  en  est  requis,  délivrer 
au  propriétaire  un  certificat  dit  certificat  terrier,  qui  énoncera 
si  le  titre  est  absolu,  qualifié  ou  possessoire. 

II 

LEASEHOLDS 

Art.  il  —  Un  registre  séparé  sera  tenu  pour  les  leaseholds 
et  à  partir  de  la  mise  en  vigueur  de  la  loi  : 

a)  Toute  personne  qui  a  acheté  un  bail,  soumis  ou  non  à  des 
charges  d'une  durée  supérieure  à  21  ans  ou  dont  la  durée 
serait  subordonnée  au  moins  à  une  ou  plusieurs  vies  ; 

b)  Ou  toute  personne  ayant  qualité  en  droit  ou  en  équité 
de  se  dire  bénéficiaire  d'un  bail  dans  les  mêmes  conditions; 

c)  Ou  pouvant  en  disposer  à  son  bénéfice  par  voie  de  vente; 
Pourra  demander  l'immatriculation  de  ce  bail  en  son  nom 

personnel  ou  au  nom  d'une  ou  plusieurs  personnes,  dans  des 
conditions  analogues'  à  celles  prévues  à  l'art.  5.  Le  bailleur- 
vendeur  d'un  leasehold  devra  consentir  à  ce  que  la  demande 
en  immatriculation  soit  présentée. 

Tout  contrat  de  leasehold  contenant  une  prohibition  gé- 
nérale d'aliénation  ne  pourra  être  soumis  à  l'immatriculation. 
S'il  ne  contient  qu'une  prohibition  particulière  d'aliénation, 
il  ne  pourra  être  enregistré  qu'à  condition  de  mentionner  sur 
le  registre  cette  prohibition,  afin  de  prévenir  les  aliénations 
contraires  à  la  convention. 

(Application  de  cet  article  aux  sous-locations)  (1). 

Art.  12.  —  (Abrogé.) 

Art.  13.  —  L'immatriculation  en  vertu  de  la  présente  loi 
comme  premier  propriétaire  inscrit  d'une  terre  en  leasehold, 
avec  titre  absolu,  investira  le  locataire  de  la  possession  de 
la  terre  comprise  audit  bail  avec  tous  les  droits  exprès  ou 
implicites  qui  en  dépendent  sous  réserve  : 

à)  De  toutes  les  conventions  ou  obligations  expresses  ou 
implicites  qui  peuvent  peser  sur  la  propriété  ; 

b)  Des  servitudes,  s'il  en  existe  ; 

(1)  Ajouté  par  le  L.  T.  Act,  1897.  Oédule  I. 


268    l'introduction  des  i.n  res  fonciers  en  Angleterre 

c)  (A  moins  de  mention  contraire  sur  le  registre),  de  tous 
les  droits  qui  affectent  la  terre  en  leasehold  et  que  la  présente 
loi  ne  considère  pas  comme  des  servitudes  ; 

d)  Lorsque  le  propriétaire  n'a  pas  droit  en  son  nom  person- 
nel à  la  propriété,  de  tous  les  droits  auxquels  la  terre  peut 
être  soumise  de  ce  fait. 

Mais  le  leasehold  sera  libre  de  tous  autres  droits  quels  qu'ils 
soient,  y  compris  ceux  de  Sa  Majesté,  de  ses  héritiers  ou  suc- 
cesseurs. 

Art.  14,  15  et  16.  —  (Abrogés.) 

FREEHOLDS  ET  LEASEHOLDS 

Art.  17.  —  Le  Registrar  procédera  à  l'examen  des  titres 
suivant  les  règles  prescrites. 

1.  Il  donnera  avis  à  toute  personne  ayant  formé  opposition 
à  l'immatriculation  et  lui  donnera  toutes  facilités  pour  s'oppo- 
ser à  l'immatriculation. 

2.  Il  décidera  sur  les  oppositions  qui  ont  été  formées,  sauf 
appel  de  sa  ^décision  à  la  Cour,  dans  les  formes  prescrites. 

3.  S'il  reconnaît,  après  examen,  qu'il  y  a  doute  sur  la  valeur 
du  titre,  mais  que  néanmoins  le  détenteur  actuel  ne  paraît 
pas  devoir  être  troublé  dans  sa  possession,  il  peut  procéder 
de  lui-même  à  l'immatriculation  ou  inviter  le  requérant  à  de- 
mander à  la  Cour  d'ordonner  qu'il  y  soit  procédé. 

4.  Le  Registrar  peut  accepter  comme  preuve  tous  papiers, 
états,  ou  actes  authentiques  ou  sous-seings  privés,  ainsi  que 
toutes  déclarations  statutaires,  pourvu  que  ces  pièces  aient 
plus  de  vingt  ans  de  date. 

Art.  18.  —  Toute  propriété  immatriculée  sera,  sauf  men- 
tion contraire  au  registre,  réputée  soumise  aux  obligations 
et  droits,  dont  le  détail  suit.  Ces  obligations  ne  seront  pas 
réputées  être  des  charges  dans  le  sens  employé  par  cette  loi. 

1.  Obligation  de  réparer  lesi  chemins,  à  raison  de  toute 
tenure  féodale  ou  censitaire. 

2.  Droits  de  mutation  par  décès,  impôt  foncier,  dîme  ou 
toute  redevance  représentative. 

3.  Servitudes  de  «  Common  »  (1),  de  pâturage,  de  parcours 
et  toutes  autres  servitudes. 

(1)  On  entend  par  le  mot  common  des  servitudes  de  pâture, 
de  pêche,  des  droits  de  prendre  de  la  tourbe  ou  de  couper  du 
bois,  etc. 


LOI  DE  1875  269 

4.  Droits  aux  mines  créés  antérieurement  à  l'immatricula 
tion  de  Vimmeuble  ou  à  la  promulgation  de  la  présente  loi  (1). 

5.  Tous'  les  droits  nécessaires  à  l'exercice  du  droit  aux 
mines  :  droits  d'entrée,  de  recherche,  d'usage,  créés  antérieu- 
rement à  r immatriculation  de  Vimmeuble  ou  à  la  promulga- 
tion de  la  présente  loi  (1). 

6.  Droits  de  pêche,  de  chasse,  droits  seigneuriaux  et  fran- 
chises de  toutes  sortes,  dont  est  grevée  la  terre  immatriculée, 
Vobligation  de  réparer  le  chœur  d'une  église,  les  obligations 
relatives  aux  endiguages  et  aux  talus  de  rivières,  les  servi- 
tudes de  drainage,  les  servitudes  coutumières,  droits  du  pu- 
blic et  prolits  à  prendre  (1). 

7.  Baux  ou  locations  n'excédant  pas  vingt  et  un  ans  dans  le 
cas  où  il  y  a  occupation  en  vertu  de  ces  locations  et  sous 
réserve  des  dispositions  de  la  loi  de  1897,  les  droits  acquis 
ou  en  cours  d'acquisition,  en  vertu  des  lois  sur  la  prescrip- 
tion (1). 

Observations  :  a)  Dans  le  cas  où  il  serait  prouvé  au  Regis- 
Irar  que  la  terre  dont  il  s'agit  est  exempte  de  l'impôt  foncier 
ou  de  la  dîme,  il  pourra  le  mentionner  sur  le  registre. 

b)  Sur  réquisition  des  intéressés,  les  commissaires  des  con- 
tributions pourront  certifier  que  la  terre  est  libre  de  tout 
droit  de  succession.  La  mention  de  l'existence  de  ce  certifi- 
cat sur  le  registre  constituera  la  preuve  du  fait. 

c)  Le  Registrar  pourra,  sur  des  justifications  suffisantes, 
enregistrer  le  propriétaire  de  la  terre  comme  propriétaire  des 
minesi  et  minières. 

d)  Ou,  à  l'inverse,  il  mentionnera  le  nom  du  propriétaire  des 
mines  et  minières,  quand  la  propriété  sera  distincte  de  celle 
de  la  terre  et  sur  la  demande  du  propriétaire  de  la  surface 
seulement. 

Lorsque  l'existence  d'un  des  droits  mentionnés  dans  cet 
article  aura  été  révélée  au  Registrar,  celui-ci  pourra,  s'il  le 
juge  utile,  les  mentionner  sur  le  registre.  Le  pouvoir  conféré 
au  Registrar,  sera  exercé  par  lui  dans  tous  les  cas  où  l'extrait 
du  titre  produit  au  moment  de  l'immatriculation  avec  titre 
qualifié  ou  absolu  révélera  l'existence  de  l'une  des  charges 
désignées  aux  §  4  ef  5  ci-dessus.  Lorsqu'une  servitude  est 
enregistrée  comme  charge  loncière,  les  fonds  dominant  et 
servant  doivent,  autant  que  possible,  être  définis  et  mention 
d'un  droit  de  réméré  ou  de  réversion  peut  être  inscrite  sur  le 
registre  en  vertu  de  ce  paragraphe  (1). 

(1)  Ajouté  par  le  L.  T.  Act,  1897.  Céduip  I. 


270      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

Art.  19.  —  Lorsque  ces  droits  ont  été  inscrits  lors  du  pre 
mier  enregistrement,  le  Registrar  pourra,  sur  preuves  suffi- 
santés,  radier  les  charges  ainsi  mentionnées.  (Cet  article  s'ap- 
plique également  aux  décharges  partielles.) 

Art.  20.  —  Le  Registrar  devra  mentionner,  sur  preuves  suf- 
fisantes, l'expiration  des  baux. 

Art.  2L  —  (Abrogé.) 

DEUXIEME  PARTIE 
Opérations  enregistrées  concernant  les  propriétés  enregistrées 

HYPOTHÈQUES    DE    LA    PROPRIÉTÉ    ENREGISTRÉE 

Art.^  22.  —  Tout  propriétaire  enregistré  d'un  freehold 
ou  d'un  leasehold  peut  grever  la  propriété  du  paiement  à  une 
époque  déterminée  d'une  somme  d'argent,  productive  ou  non 
productive  d'intérêts,  avec  ou  sans  pouvoir  de  vente  à  une 
époque  fixée.  Le  nom  du  bénéficiaire,  les  détails  des  charges 
et  le  pouvoir  de  vente  sont  mentionnés  au  registre  et  il  pourra 
en  être  délivré  un  extrait  au  bénéficiaire  sur  sa  réquisition. 
Les  cliarges  uisées  par  cet  article  sont  soumises  aux  pres- 
criptions de  la  présente  loi,  relatives  aux  titres  qualiliés  et 
possessoires  (1). 

Art.  23.  —  En  cas  de  création  d'une  charge  grevant  un 
freehold,  il  y  aura,  entre  le  bénéficiaire  et  le  propriétaire 
enregistré  ou  ses  ayants-droit,  convention  implicite,  sauf 
mention  contraire  au  registre,  par  laquelle  le  propriétaire 
enregistré  ou  ses  ayants-droit  s'engagent  à  payer  le  princi- 
pal et  les  intérêts  aux  époques  et  au  taux  indiqués  et,  dansi  le 
cas  où  le  principal  ne  serait  pas  remboursé  à  l'expiration  du 
contrat,  à  payer  les  intérêts  semestriels,  au  taux  fixé,  sur  la 
partie  du  principal  non  remboursée. 

Art.  24.  —  En  cas  de  création  d'une  charge  grevant  un 
leasehold,  il  y  aura  présomption  entre  le  bénéficiaire  et  le 
propriétaire  enregistré  ou  ses  ayants-droit  de  l'existence  d'une 
convention  implicite,  sauf  mention  contraire  au  registre,  par 
laquelle  le  propriétaire-bailleur  enregistré  oUi  sesl  ayants- 
droit  s'engagent  à  obserxer  les  clauses  et  conditions  du  bail 
et  le  preneur  à  exécuter  fidèlement  le  bail  et  à  indemniser  le 
prêteur  ou  ses  ayants-droit  de  tous  frais  faits  par  lui,  en  cas 

(1)  Ajouté  par  le  L.  T.  Act,  1897.  Cédule  I. 


LOI  DE  1875  271 

de  non  paiement  à  l'échéance  des  loyers  ou  de  non  exécution 
des.  clauses  de  bail. 

Art.  25.  —  Sauf  inscription  contraire  sur  le  registre,  le 
propriétaire  enregistré  d'une  charge  pourra,  afin  d'obtenir 
paiement  de  toutes  les  sommes  qui  lui  sont  dues  en  vertu 
d'une  charge,  prendre  possession,  à  toute  époque,  de  la  terre 
hypothéquée  ou  de  partie  de  celle-ci,  ou  en  toucher  les  loyers 
sous  réserve  des  droits!  d'un  créancier  qui  lui  serait  préfé- 
rable et  des  obligations  imposées  au  mortgagiste  en  posses- 
sion. 

Art.  26.  —  Sauf  inscription  contraire  sur  le  registre,  le 
propriétaire  enregistré  d'une  charge  peut  demander  la  for- 
clusion ou  la  vente  de  la  terre  hypothéquée  datis  les  mêmes 
formes  que  celles  prévues  en  cas  de  transfert  par  voie  de 
mortgage  avec  faculté  de  rachat. 

Art.  27.  —  Sauf  inscription  contraire  sur  le  registre,  le 
propriétaire  enregistré  d'une  charge  avec  pouvoir  de  vente 
pourra  à  tout  moment,  passé  un  certain  délai,  transférer  la 
terre  sur  laquelle  il  a  une  charge  enregistrée,  de  même  que 
s'il  était  le  propriétaire  enregistré. 

Art.  28.  —  Sauf  mention  contraire,  les  cliargcs  inscrites 
prendront  rang  selon  la  date  de  leur  inscription. 

Sur  réquisition  du  propriétaire  enregistré  d'une  charge  ou 
sur  preuves  suffisantes,  le  Registrar  opérera  la  radiation  de 
la  charge  par  annulation  ou  autrement. 

Cet  article  s'applique  également  aux  décharges  par- 
tielles (1). 

transfert  de  freehoi.d 

Art.  29  —  Tout  propriétaire  enregistré  de  freehold  peut 
transférer  dans  la  forme  prescrite  tout  ou  partie  de  sa  pro- 
priété. Le  transfert  sera  opéré  par  le  Registrar  qui  inscrira 
l'acquéreur  comme  propriétaire.  Jusqu'au  moment  de  l'ins- 
cription, le  vendeur  sera  considéré  comme  le  propriétaire. 
Une  fois  l'inscription  faite,  l'acquéreur  pourra  se  faire  déli- 
vrer un  certificat  terrier.  En  cas  de  vente  partielle,  le  Regis- 
trar pourra  aussi  délivrer  au  vendeur  un  nouveau  certificat 
contenant  une  description  de  la  partie  dont  il  reste  proprié- 
taire. 

Art.  30.  —  Une  fois  inscrit,  le  transfert  à  titre  onéreux 
d'un  freehold  immatriculé  avec  titre  absolu,  conférera  à  l'ac 

(1)  Ajouté  par  le  L.  T.  x\ct,  1897.  Cédule  I. 


272      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

quéreur  la  propriété  et  tous  les  droits  qui  s'y  rattachent,  libres 
de  tous  autres  droits  que  ceux  réservés  à  l'article  18. 

Art.  31.  —  Le  transfert  à  titre  onéreux  d'un  freehold  im- 
matriculé avec  titre  qualifié,  aura  les  mêmes  effets  que  ceux 
prévus  à  l'article  précédent,  sous  réserve  toutefois  des  droits 
mentionnés  dans  la  qualification. 

Art.  32.  —  Le  transfert  à  titre  onéreux  d'un  freehold  im- 
matriculé avec  titre  possessoire,  ne  préjudiciera  pas  aux 
droits  contraires  aux  titres  du  premier  propriétaire  immatri- 
culé et  existant  au  moment  de  la  première  immatriculation. 
Sous  cette  réserve,  il  aura  les  mêmes  effets  que  le  transfert 
à  titre  onéreux  d'un  freehold  immatriculé  avec  titre  absolu. 

Art.  33.  —  Un  transfert  à  titre  gratuit  d'un  freehold  imma- 
triculé sera  sans  effet  en  ce  qui  concerne  les  droits  même 
non  enregistrés  conférés  par  le  cédant  sur  la  propriété.  Mais 
sous  cette  réserve,  il  aura  à  tous  égard  et  notamment  en  ce 
qui  concerne  les  transactions  immatriculées  consenties  par  le 
cessionnaire  le  même  effet  qu'un  transfert  à  titre  onéreux. 

transfert  DES  LEASEHOLDS 

Art.  34.  —  Tout  propriétaire  enregistré  d'un  leasehold 
peut  transférer  tout  ou  partie  de  son  droit.  La  cession  sera 
complète  à  partir  de  l'inscription.  Jusqu'à  ce  moment,  le 
cédant  conservera  tous  ses  droits. 

Art.  35.  — »-  Le  transfert  à  titre  onéreux  d'un  leasiehold  im- 
matriculé, avec  un  titre  absolu  ou  qualifié,  conférera,  une  fois 
inscrit,  au  cessionnaire  la  possession  du  leasehold  cédé  tel 
qu'il  est  décrit  sur  le  registre,  avec  tous  les  droits  qui  y  sont 
attachés,  soit  expressément,  soit  implicitement,  sous  réserve  ; 

P  Des  conventions  spéciales  relatives  au  leasehold,  ex- 
presses ou  implicites  ; 

2°  Des  servitudes  inscrites  ; 

3°  Sauf  mention  contraire,  des  droits  résignés  à  l'art.  18, 
mais  libre  de  tous  autres  droits  ou  intérêts  quelconques,  y  com- 
pris les  droits  de  Sa  Majesté  et  de  ses  héritiers,  à  l'exception 
toutefois  des  droits  ou  intérêts  qui  ont  été  exceptés  de  l'imma- 
triculation et  qui  ne  seront  pas  affectés  par  le  transfert. 

Art.  36  et  37.  —  (Abrogés.) 

Art.  38.  —  Toute  cession  qui  n'est  pas  faite  à  titre  onéreux 
laissera  le  cessionnaire  soumis  aux  droitsi  même  non  enregis- 
trés qui  grevaient  le  cédant.  Sous  cette  réserve,  elle  aura  les 
mêmes  effets  qu'un  transfert  à  titre  onéreux. 


LOI  DE  1875  273 

Art.  39.  —  Le  transfert  d'un  leasehold,  à  moins  de  conven 
tion  contraire,  impliquera  de  la  part  du  cédant,  l'exécution 
complète  du  bail  dans  le  passé,  tant  par  le  bailleur  que  par  le 
preneur,  et  de  la  part  du  cessionnaire,  la  garantie  de  l'exécu- 
tion complète  du  bail  à  partir  dudit  transfert,  de  telle  sorte 
que  le  cédant  ne  puisse  plus  être  inquiété. 

TRANSFERT    DES    CHARGES 

Art.  40.  —  Le  propriétaire  enregistré  d'une  charge  peut 
transférer  dans  la  forme  prescrite  cette  charge  à  un  autre 
propriétaire.  Le  transfert  sera  accompli  par  l'inscription  du 
nouveau  propriétaire.  Le  Registrar  délivrera  aussi,  s'il  en  est 
requis,  un  nouveau  certificat  de  charge.  Le  cédant  restera 
propriétaire  jusqu'à  l'inscription  du  cessionnaire. 

Le  cessionnaire  à  titre  onéreux  inscrit  d'une  charge  et  ses 
successeurs  ne  seront  pas  atteints  dans  leurs  droits  par  une 
irrégularité  ou  une  nullité  ayant  aHecté  la  charge  dès  son  ori- 
gine, quand  le  cessionnaire  n'a  pas  été  instruit  de  ces  irré- 
gularités au  moment  du  translert  (1). 

TRANSMISSION  DE  LA  TERRE  ET  DES  CHARGES 

Art.  4L  —  A  la  mort  du  seul  propriétaire  enregistré  ou  du 
survivant  des  propriétaires  conjoints  d'un  freehold,le  Registrar 
enregistrera  le  nouveau  propriétaire  sur  la  réquisition  de  toute 
personne  intéressée,  en  tenant  compte  des  différents^  droits 
existant  sur  cette  terre  et  en  se  guidant  pour  le  choix  du  nou- 
veau propriétaire  sur  les  titres  dérivant  de  la  loi. 

Toute  personne  à  laquelle  la  décision  du  Registrar  pourra 
faire  grief,  aura  la  faculté  d'interjeter  appel  devant  la  Cour. 

Art.  42.  —  A  la  mort  du  seul  propriétaire  enregistré  ou 
du  survivant  desi  propriétaires  conjoints  d'un  leasehold  ou 
d'un  droit  réel,  l'exécuteur  ou  l'administrateur  des  biens  de 
ce  propriétaire  décédé  aura  qualité  à  être  enregistré  à  ses 
lieu  et  place. 

Art.  43.  —  En  cas  de  banqueroute  d'un  propriétaire  enre- 
gistré d'un  immeuble  ou  d'un  droit  réel  ou  en  cas  de  liquida- 
tion amiable,  son  fidéicommissaire  pourra  être  enregistré  à 
ses  lieu  et  place. 

Art.  44  et  45  (articles  relatifs  aux  immeubles  appartenant 

(1)  Ajouté  par  le  L.  T.  Act,  1897,  Cédule  L 
L.  18 


274      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

aux  femmes  mariées, devenus  sans  application  pour  les  femmes 
mariées  depuis  le  P""  janvier  1883.) 

Art.  46.  —  Toute  personne  inscrite  à  la  place  d'un  de  cuius 
ou  d'un  failli  détiendra  la  propriété  ou  la  charge  aux  lieu  et 
place  de  celui  qui  était  inscrit  sous  réserve  de  tous  droits 
non  enregistrés  qui  grevaient  la  propriété  ou  la  charge.  Pour 
le  surplus,  l'inscription  aura  les  mêmes  effets  qu'un  transfert 
à  titre  onéreux. 

Art.  47.  —  La  personne  ayant  qualité  pour  être  inscrite 
comme  propriétaire'  d'une  terre  ou  d'une  charge,  par  suite 
du  décès  ou  de  la  déconfiture  du  propriétaire  enregistré,  devra 
fournir  la  preuve  de  son  droit. 

Art.  48.  —  (Abrogation  de  l'art.  V  du  Vendor  and  Purcha- 
ser  Act,  1874.) 

TROISIEME  PARTIE 

Opérations  non  enregistrées,  relatives  à  la  terre  enregistrée 

Art.  49.  — .Le  propriétaire  inscrit  a  seul  le  droit  de  trans- 
férer ou  de  grever  la  terre  par  disposition  enregistrée,  mais 
toute  personne  a3ant  titre  suffisant,  pourra  constituer  des 
droits  sur  cette  même  terre  comme  si  elle  n'était  pas  enregis- 
trée et  les  garantir  contre  tout  acte  émanant  du  propriétaire 
enreaislré,  en  faisant  inscrire  tout  avis,  défense  ou  restriction 
mentionnée  dans  cette  loi,  conformément  aux  articles  53  et 
suivants. 

Le  propriétaire  inscrit  a  seul  le  droit  de  transférer  une 
charge  enregistrée  sur  une  terre  enregistrée,  néanmoins  il 
peut  être  sur  ces  terres  et  charges  constitué  des  droits  non 
enregistrés,  sauf  à  respecter  le  droit  du  propriétaire  enre- 
gistré. 

MENTION   DES    BAUX 

Art.  .50.  —  Tout  preneur  ou  toute  personne  ayant  un  inté- 
rêt à  un  bail  d'une  propriété  enregistrée  ou  à  une  convention 
y  relative,  peut  demander  au  Registrar  de  mentionner  ce 
droit  de  bail  sur  le  registre,  lorsque  la  durée  sera  de  plus  de 
A  ingt  et  un  ans  ou  soumise  à  une  ou  plusieurs  vies  ou  lors- 
qu'il n'y  aura  pas  occupation.  Une  fois  inscrit,  le  bail  sera 
considéré  être  un  droit  réel  qui  grèvera  le  propriétaire  et 
tous  ses  ayants-cause,  sauf  toutefois  les  propriétaires  de 
charges  inscrites  antérieurement  à  la  mention  du  bail. 

x\rt.  51.  —  Pour  faire  inscrire  la  mention  d'un  lease,  si  le 


LOI  DE  1875  275 

propriétaire  enregistré  n'y  consent  pas,  le  demandeur  devra 
obtenir  de  la  Cour  une  ordonnance  l'autorisant  à  prendre  cette 
inscription.  Il  la  présentera  au  Registrar  avec  le  bail  ou  une 
copie  de  celui-ci.  Le  Registrar  sur  le  vu  de  ces  pièces  men- 
tionnera le  bail  au  registre  et  le  lease  ainsi  déposé,  sera  pré- 
sumé être  le  titre  véritable  du  locataire.  Si  le  propriétaire 
enregistré  consent,  la  mention  sera  faite  sur  le  vu  de  preuves 
suffisantes. 

MENTION  DES  DROITS  DE  DOUAIRE  ET  DE  COURTOISIE 

Art.  52.  —  Toute  personne  investie  d'un  droit  de  douaire 
ou  de  courtoisie  sur  une  propriété  enregistrée  peut  requérir 
l'inscription  de  cette  mention  sur  le  registre.  Le  Registrar 
fera  cette  inscription  sur  le  vu  des  justifications  suffisantes. 
Une  fois  mentionnés,  ces  droits  seront  considérés/  être  des 
droits  réels  pouvant  faire  l'objet  de  transactions. 

OPPOSITION  A   l'inscription   DE   TOUS  ACTES   TRANSLATIFS   DE 

DROITS 

Art.  53.  —  Toute  personne  ayant  des  droits  en  vertu  d'un 
titre  non  enregistré  ou  créancière  en  vertu  d'un  jugement  exé- 
cutoire peut  former  opposition  entre  le&  mains  du  Registrar. 
Cette  opposition  aura  pour  effet  d'empêcher  toute  cession  de 
la  part  du  propriétaire  inscrit,  sans  qu'avis  ait  été  donné  à 
l'opposant. 

A  l'appui  de  cette  opposition,  l'opposant  ou  son  mandataire 
produira  un  affidavit  dans  la  forme  prescrite. 

Les  personnes  mentionnées  aux  articles!  50  et  52  ne  pour- 
ront former  cette  opposition. 

Art.  54.  —  Postérieurement  à  cette  opposition,  aucune 
transaction  ne  pourra  être  enregistrée  sans  le  consentement 
de  l'opposant.  Avis  lui  sera  donné,  l'avertissant  que  passé  un 
certain  délai,  l'opposition  cesserait  d'avoir  effet.  A  l'expira- 
tion de  ce  délai,  l'inscription  aura  lieu  comme  si  l'opposition 
n'avait  pas  été  formée,  sauf  décision  contraire  du  Registrar. 

Art.  55.  — •  Si,  avant  l'expiration  du  délai,  l'opposant  ou 
son  représentant  comparait  devant  le  Registrar  et  lui  donne 
des  garanties  suffisantes  d'indemniser  le  requérant  pour  le 
retard  apporté  à  l'enregistrement  de  la  transaciioîî,  le  Re- 
gistrar peut  donner  tel  nouveau  délai  qu'il  juge  bon. 

Art.  56.  —  Si  une  personne  fait  opposition  sans  raison 


2/6      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

sérieuse,  les  parties  lésées  pourront  demander  des  dommages - 
intérêts  qui  seront  recouvrés  comme  une  dette  par  la  partie 
lésée. 

Toute  personne  lésée  par  une  décision  du  Registrar  relative 
à  une  opposition,  peut  interjeter  appel  devant  la  Cour. 

Art.  57.  —  La  Cour  ou  le  Registrar  peuvent,  à  la  requête 
d'un  intéressé  faite  dans  la  forme  prescrite,  après  toutes  en- 
quêtes, publications  ou  citationsi  jugées  nécessaires,  ordonner 
d'inscrire  une  défense,  soit  pour  une  période  déterminée, 
soit  subordonnée  à  l'arrivée  d'un  événement,  soit  jusqu'à  l'ins- 
cription d'une  mention  d'annulation,  interdisant  toutes  tran- 
sactions relatives  à  une  propriété  ou  à  une  charge  enregistrée. 

La  Cour  ou  le  Registrar  peuvent  subordonner  cette  ins- 
cription à  telles  conditions  qui  leur  semblent  équitables,  et 
en  ordonner  la  radiation  quand  il  leur  plaît. 

Toute  personne  peut  en  appeler  à  la  Cour  d'une  décision 
du  Registrar  lui  faisant  grief. 

Art.  58.  —  Tout  propriétaire  inscrit  d'une  terre  ou  d'une 
charge  (1),  pourra  exiger  du  Registrar  qu'aucun  transfert 
ou  constitution  de  droit  réel  (1)  ne  soit  effectuée  sur  le  registre 
que  s'il  en  a  été  avisé  par  une  lettre  à  lui  adressée  par  la  voie 
de  la  poste,  que  si  le  consientement  d'une  personne  désignée 
comme  mandataire  est  acquis  ou  sous  toute  autre  condition 
im.posée  par  le  requérant  et  approuvée  par  le  Registrar. 

Art.  59.  —  Le  Registrar  inscrira  cette  mention  sur  le 
registre  au  \  u  de  justification  suffisantes  du  droit  de  propriété 
et  aucun  transfert  ne  pourra  être  fait  sans  l'accomplissement 
des  formalités  requises.  Le  Registrar  aura  cependant  le  droit 
de  refuser  cette  inscription  si  la  requête  est  conçue  dans  une 
forme  irrégulière,  s'il  juge  cette  inscription  mauvaise,  dérai- 
sonnable ou  calculée  pour  causer  des  difficultés  inutiles. 

D'ailleurs,  toute  personne  intéressée  à  l'existence  de  cette 
mention  pourra  en  demander  l'annulation  au  Registrar.  Un 
ordre  de  la  Cour  peut  aussi  l'annuler  (2). 

(1)  Ajouté  par  le  L.  T.  Act,  1897.  Cédule  I. 

(2)  Cet  article  est  applicable  aux  charges  foncières  aussi 
bien  qu'aux  immeubles  en  vertu  du  L.  T.  Act  de  1897.  Cédule  I. 


LOI   DE    1875 


QUATRIEME  PARTIE 

Dispositions  supplémentaires.  —  Opposition  à  V immatricula 

tion  d'une  propriété 

Art.  60.  —  Toute  personne  ayant  ou  prétendant  avoir  des 
droits  sur  une  terre  non  encore  immatriculée  peut  faire  au 
Registrar  une  opposition  en  vue  de  recevoir  avis  de  toute 
demande  qui  pourrait  être  faite  en  vue  de  l'immatriculation 
de  l'immeuble. 

Art.  61.  —  Cette  défense  sera  accompagnée  d'un  affidavit 
ou  déclaration  dans  les  formes  prescrites  indiquant  la  na- 
ture du  droit  de  l'opposant,  la  terre  qui  en  est  l'objet  et  tous 
autres  renseignements  nécessaires. 

Art.  62.  —  Postérieurement  à  l'opposition,  aucune  inscrip- 
tion ne  pourra  être  prise,  tant  que  l'opposant  n'aura  pas  reçu 
avis  et  que  les  délais  que  cet  avis  lui  aura  imparti  pour  com 
paraître  ne  seront  pas  écoulés,  à  moins  que  l'opposant  n'ait 
comparu. 

Art.  63.  —  Si  une  personne  fait  une  opposition  injustifiée, 
elle  devra  indemniser  tous  ceux  qui  auraient  été  lésés.  Cette 
indemnité  sera  recouvrée  comme  une  dette. 

Art.  64.  —  L'opposition  ainsi  faite  ne  préjudiciera  au  titre 
d'aucune  personne  et  n'aura  d'effet  que  pour  l'application  de 
la  présente  loi. 

Art.  65  et  66.  —  (Dispositions  spéciales  pour  les  terres 
DE  LA  Couronne.) 
formalités    précédant    ou    accompagnant    l'enregistrement 

Art.  67.  —  (Mentions  nécessaires  si  la  terre  est  détenue 
en  vertu  de  titres  complexes.) 

Art.  68.  —  Toute  personne  disposant  sur  une  propriété 
d'un  pouvoir  de  vente  en  vertu  d'un  fîdéicommis  et  tout  créan- 
cier mortgagistc  a3^ant  un  pouvoir  de  vente  peuvent  autoriser 
l'acquéreur  à  faire  une  demande  en  immatriculation  des  biens 
vendus.  Ils  peu\ent  consentir  à  ce  que  l'accomplissement  du 
contrat  soit  subordonné  à  l'immatriculation.  Ils  peuvent  eux- 
mêmes  demander  à  être  immatriculés,  sauf  le  consentement  des 
autres  întéressés.qui  peut  être  requis  en  vue  de  leur  permettre 
d'exercer  leur  pou\oir  de  vente.  Le  montant  des  frais  acquit- 
tés par  cette  personne,  sera  déterminé  par  le  Registrar  et  ?cra 
recouvrable,  comme  des  frais  dûment  faits,  sur  toute  somme 


278      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

dont  elle  disposerait  en  vertu  de  son  pouvoir  de  vente,  sans 
être  tenue  de  rendre  compte  de  cet  emploi  suivant  la  jurispru- 
dence d'équité. 

Art.  69.  —  Les  copropriétaires,  au  cas  d'indivision  peuvent 
requérir  leur  inscription  comme  propriétaires  conjoints, 
dans  les  mêmes  formes  que  s'il  s'agissait  d'un  seul  proprié- 
taire. 

Art.  70.  —  Le  Registrar  peut  exiger  du  requérant  un  affi- 
da\it  par  lequel  celui-ci  affirmera  n'avoir  retenu  aucun  des 
titres  qui  doivent  être  soumis  à  l'examen  du  Registrar.  Si  le 
Registrar  juge  la  preuve  de  la  propriété  suffisante,  il  peut 
arrêter  l'examen  des  titres. 

Art.  71.  —  Au  cours  de  l'examen  des  titres  le  Registrar 
peut  requérir  la  production  de  pièces  retenues  par  les  tiers. 
Toute  personne  lésée  par  cet  acte  du  Registrar  peut  interjeter 
appel  devant  la  Cour.  Le  refus  d'obtempérer  à  l'ordre  du 
Registrar  sera  puni  comme  s'il  s'agissait  d'une  contravention 
à  une  ordonnance  de  la  Cour. 

Art.  72.  —  L'n  timbre  ou  toute  autre  marque  sera  apposée 
sur  les  titres  produits,  afin  de  révéler  l'enregistrement  à  tout 
acquéreur.  Toutefois,  en  cas  d' enregistrement  avec  titre  pos- 
sessoire,  le  Registrar  peut  accomplir  toute  formalité  sur  la 
présentation  de  preuves  suffisantes  ou  sur  le  vu  de  la  dis- 
pense, de  leur  production  dans  des  circonstances  spécia- 
les (1). 

Art.  73.  —  (Taxation  des  frais  par  un  fonctionnaire  de  la 
Chancellerie.) 

questions    DOUTEUSES    s'ÉLEVANT    SUR    LE    TITRE 

Art.  74.  —  Au  cas  de  doute  sur  un  point  de  fait  ou  de  droit 
relatif  à  un  titre,  le  Registrar,  sur  réquisition  de  la  partie 
intéressée,  pourra  préparer  une  espèce  destinée  à  être  sou- 
mise à  l'une  des  Cours  supérieures  de  S.  M.  avec  faculté  pour 
la  Cour  de  déterminer  le  point  de  fait  à  soumettre  au  Jury. 
Le  Registrar  pourra  indiquer  le  nom  des  parties  et  les  forma- 
lités à  suivre  pour  saisir  la  Cour. 

Art.  75.  —  La  décision  de  la  Cour  sera  souveraine  à  moins 
qu'elle  n'autorise  l'appel. 

Art.  76.  —  Le  Cour  pourra,  sur  la  réquisition  des  intéres- 
sés, prendre  telles  dispositions  qu'elle  jugera  utile,  afin  de 

(1)  Ajouté  par  le  L.  T.  Act,  1897.  Cédule  I. 


LOI  DE  1875  279 

sauvegarder  les  droits  des  enfants,  femmes  mariées,  fous, 
idiots  ou  absents,  sur  la  propriété  dont  le  titre  fait  l'objet  de 
la  contestation. 

Art.  77.  —  La  Cour  pourra  entendre  les  allégations  de  la 
partie  comparante,  consacrer  ou  annuler  les  actes  du  Regis- 
trar,  nommer  un  gardien  ou  une  autre  personne  pour  assister 
les  enfants,  nés  ou  conçus,  femmes  mariées,  idiots,  fous  ou 
absents,  et  si  la  'Cour  juge  que  ces  personnes  sont  suffisam- 
ment représentées,  elle  pourra  rendre  une  ordonnance  déci- 
dant que  toutes  les  personnes  sans  exception  sont  liées  par  la 
décision  de  la  Cour  qui  avait  connaissance  de  la  situation 
dans  laquelle  certaines  parties  se  trouvaient. 

CERTIFICATS    TERRIERS.    COPIES    ENREGISTRÉES    DE    LEASE. 

CERTIFICATg    DE     CHARGES     FONCIÈRES. 

Art.  78.  —  (Abrogé.) 

Art.  79.  —  Le  titre  primitivement  donné  pourra  être  re- 
nouvelé, pourvu  qu'il  soit  présenté  au  Registrar. 

Art.  80.  —  Tout  certificat  terrier  ou  tout  certificat  de 
charge  vaudra  comme  preuve  des  mentions  qu'il  contient. 
Toute  copie  enregistrée  d'un  lease  vaudra  comme  preuve  des 
mentions  contenues  dans  le  lease. 

Art.  8L  —  (Abrogé.) 

IMMEUBLES   d'uNE    NATURE    SPÉCIALE 

Art.  82.  —  Les  immeubles  d'une  nature  spéciale  tels  que 
l'advowson,  le  droit  aux  mines  et  minières  et  autres  droits 
incorporels,  pourront  être  enregistrés  comme  la  terre. 

Le  Registrar  pou'rra  également  enregistrer  toute  rente 
foncière  ou  autre  concession  avec  réserve  de  rentes  ou  de 
services  à  laquelle  un  freehold  enregistré  ou  pouvant  l'être 
peut  être  soumis,  avec  mention  de  la  terre  à  laquelle  elle 
s'applique,  des  services  exigibles,  des  conditions  prévues  en 
cas  de  non  paiement  de  la  rente  ou  de  non-accomplissement 
des  services.  Cette  mention  servira  de  preuve  de  son  contenu. 

DISPOSITIONS    GÉNÉRALES 

Art.  83.  —  1.  Ni  le  Registrar  ni  aucune  autre  personne  dis- 
posant d'un  immeuble  enregistré  ou  d'une  charge  enregistrée 
ne  pourront  voir  leurs  droits  modifiés  par  la  mention  d'un 


280    l'introduction  di;s  livres  fonciers  en  Angleterre 

fidéicommis  formel,  implicite  ou  par  induction  ;  les  références 
aux  fidéicommis  seront  autant  que  possible  exclues  du  régis- 
tre  (1). 

2.  (Abrogé.) 

3.  Si  le  nombre  des  propriétaires  se  trouve  réduit  au-des- 
sous d'un  certain  chiffre,  un  ordre  de  la  Cour  ou  du  Regis- 
trar  (sauf  appel  à  la  Cour),  sera  nécessaire  pour  autoriser 
l'immatriculation  d'une  disposition  relative  à  la  propriété. 

4.  Lorsque  les  biens  sont  enregistrés  au  nom  du  mari  et 
de  la  femme,  aucune  disposition  ne  peut  être  enregistrée  tant 
que  la  femme,  si  elle  est  vivante,  n'aura  pas  donné  son  consen- 
tement, en  dehors  de  la  présence  de  son  mari  et  après  avoir 
reçu  des  explications  complètes  sur  ses  droits  et  les  effets  de 
son  acte  (2). 

5  et  6.  (Abrogés.) 

7.  Avant  toute  immatriculation  ou  tout  enregistrement  pos- 
térieur, le  Registrar  doit  s'assurer  du  paiement  de&  droits  exi- 
gibles, comme  s'il  ne  s'agissait  pas  d'une  disposition  enregis- 
trée. 

8.  Les  dispositions  de  la  présente  loi  relative  à  l'obligation 
réelle  pesant  sur  la  propriété  enregistrée  pour  l'acquit  de 
droits  de  succession,  à  la  délivrance  par  les  commissaires  de 
l'Inland  Revenue  d'un  certificat  constatant  l'exemption,  à  la 
notification  au  Registrar  de  cette  exemption  ainsi  qu'à  ses 
effets,  s'appliqueront  avec  les  modifications  nécessaires  aux 
charges  enregistrées. 

Art.  84.  —  Au  moment  de  l'immatriculation  ou  d'une  vente, 
peuvent  être  mentionnées  sur  le  registre  toute  servitude  non 
œdificandi  ou  autre  condition  grevant  la  terre  et  relative  à  son 
usage.  L'acquéreur  et  ses  ayants-droit  devront  respecter  cette 
servitude.  Un  ordre  de  la  Cour  peut  la  modifier  ou  la  suppri- 
mer sur  preuve  que  cette  modification  ou  cette  suppression 
sera  utile  aux  personnes  intéressées  à  son  existence.  Cet  ar- 
ticle s'appliquera  à  toute  condition  restrictive  capable  d'affec- 
ter les  cessions  par  voie  de  mention.  Des  conditions  grevant 
la  terre  peuvent  être  inscrites  à  tout  moment  sur  le  registre  (1). 

Art.  85.  —  Application  do  la  loi  aux  biens  enregistrés  en 
vertu  du  Trustée  Act  de  1850. 

(1)  Ajouté  par  le  L.  T.  Act,  1897.  Cédule  I. 

(2)  N'est  plus  applicable  aux  femmes  mariées»  depuis  le 
l^*"  janvier  1883,  ni  à  la  propriété  dont  une  femme  mariée  est 
investie  pour  son  usage  personnel. 


LOI  Di:  1875  281 

Art.  86.  —  Le  Registrar,  l'assistant  Registrar  ou  tout  autre 
fonctionnaire  subordonné  ne  sera  pas  responsable  de  tout 
acte  ou  de  tout  fait  accompli  ou  omis  de  bonne  foi  dans 
l'exercice  réel  ou  supposé  des  pouvoirs  qui  lui  sont  ou  seront 
conférés  par  la  loi  ou  les  règlements. 

FEMMES   MARIÉES 

Art.  87.  —  Lorsqu'une  femme  mariée  propriétaire  pour 
son  usage  personnel  et  sans  interdiction  d'aliéner,  désire  don- 
ner un  consentement  ou  être  partie  à  une  procédure  engagée 
en  vertu  de  cet  acte,  elle  sera  réputée  être  une  femme  non 
mariée  ;  mais  dans  les  autres  cas,  lorsqu'une  femme  mariée 
désire  donner  son  consentement  ou  être  partie  à  une  procédure 
engagée  en  vertu  de  cet  acte, elle  subira  unexamendanslaforme 
prescrite  et  il  sera  prouvé  qu'elle  agit  librement  et  volontai- 
rement. La  Cour  peut,  si  elle  le  juge  bon,  désigner  une  per- 
sonne pour  agir  comme  son  ami  proche  en  vue  de  la  procé- 
dure engagée  pour  l'exécution  de  cet  acte. 

ENFANTS    ET    ALIÉNÉS 

Art.  88.  —  Lorsqu'une  personne  pourrait,  si  elle  n'était 
pas  incapable,  faire  une  demande  ou  un  acte,  donner  un  con- 
sentement ou  être  partie  à  une  procédure  relative  à  une  terre 
ou  une  charge,  et  que  cette  personne  est  un  enfant,  un  idiot 
ou  un  fou,  le  gardien  ou  le  Comité  d'administration  des  biens 
de  cette  personne  peut  faire  tous  ces  actes  en  son  nom. 

S'il  n'a  pas  été  nommé  de  gardien  ou  de  Comité  d'adminis- 
tration des  biens  d'un  enfant,  fou  ou  idiot  ou  lorsqu'une  per- 
sonne est  faible  d'esprit  ou  incapable  de  faire  ses  affaires 
mais  n'a  pas  été  déclarée  folle  après  examen,  la  Cour  pourra 
désigner,  en  vue  de  l'exécution  de  cet  acte,  un  gardien  à  ces 
personnes. 

Art.  89.  —  Toute  personne  inscrite  soit  comme  proprié- 
taire de  la  terre,  soit  comme  opposant  à  une  immatriculation, 
soit  comme  personne  ayant  qualité  pour  recevoir  avis,  doit 
élire  domicile  dans  le  Royaume-Uni  et  le  faire  connaître  au 
Registrar. 

Art.  90.  —  Tout  avis  sera  remis  à  personne  ou  adressé  par 
lettre  recommandée  marquée  à  l'intérieur  du  timbre  du  ser- 
vice et  envoyée  à  l'adresse  indiquée.  Cette  lettre  sera  censée 


282      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

être  parvenue  dans  le  délai  déterminé  par  le  Registrar  (au 
moins  7  jours),  si  elle  n'a  pas  été  retournée  au  Bureau  d'im- 
matriculation. 

Art.  91.  —  (Retour  immédiat  des  lettres  au  Land  Registry 
en  cas  de  non-distribution). 

Art.  92.  —  L'acquéreur  à  titre  onéreux  n'encourra  aucune 
déchéance,  soit  que  l'avis  prescrit  n'ait  pas  été  envoyé,  soit 
qu'il  n'ait  pas  été  reçu. 


EXECUTION   DES    CONTRATS 

Art.  93.  —  Lorsque  l'exécution  matérielle  d'une  obligation 
relative  à  des  charges  ou  à  des  terres  enregistrées  sera  de- 
mandée à  une  Cour,  elle  pourra  faire  appeler  en  cause  toute 
personne  inscrite  sur  le  registre  comme  ayant  des  droits  réels 
ou  ayant  fait  mentionner  une  opposition  ;  elle  recherchera  la 
cause  de  l'inexécution  du  contrat  et  assurera  à  l'encontre  de 
toutes  les  parties  l'exécution  de  sa  décision. 

Art.  94.  —  S'il  s'agit  d'une  vente  de  terre  ou  de  charge,  les 
frais  de  ces  interventions  resteront  à  la  charge  du  vendeur 
(sauf  décision  contraire  de  la  Cour),  et  seront  taxés  comme 
les  frais  des  solicitors. 

RECTIFICATIONS    DU    REGISTRE 

Art.  95.  —  Les  tribunaux  pourront,  en  adjugeant  à  une  per- 
sonne des  droits  sur  une  terre  enregistrée,  ordonner  comme 
conséquence  de  cette  décision,  les  rectifications  nécessaires 
au  registre  sous  réserve  de  tous  droits  acquis  par  l'enregistre- 
ment. 

Art.  96.  —  Toute  personne  lésée  par  un  enregistrement, 
un  défaut  d'enregistrement  ou  un  retard  inutile  dans  l'enre- 
gistrement peut,  sous  réserve  des  droits  acquis  par  enregis- 
trement, recourir  à  la  Cour  pour  faire  opérer  la  rectification. 
La  Cour  peut,  soit  rejeter  la  demande  avec  ou  sans  condam- 
nation du  demandeur  à  des  dommages-intérêts,  soit  si  la  de- 
mande est  fondée,  faire  opérer  la  rectification  au  registre. 

Art.  97.  —  Le  Registrar  déférera  aux  injonctions  de  toute 
Cour  compétente,  relativement  à  une  terre  enregistrée,  sur  la 
remise  qui  lui  sera  faite  de  la  décision  ou  d'une  copie  offi- 
cielle. 


LOI  DE  1875  283 

DISPOSITIONS  EN  CAS  DE  FRAUDE 

Art.  98.  —  Sous  réserve  des  dispositions  de  cette  loi,  rela- 
tives aux  actes  à  titre  onéreux  enregistrés,  tout  transfert  ou 
toute  charge  foncière  qui  serait  frauduleuse  ou  nulle,  si  elle 
n'était  pas  enregistrée,  sera  nonobstant  l'enregistrement  con- 
sidérée comme  frauduleuse  ou  nulle. 

Art.  99.  —  Au  cours  de  la  procédure  devant  le  Registrar 
ou  la  Cour,  toute  suppression  coupable  ou  toute  tentative  ou 
complicité  de  suppression  de  titre  sera  punie  d'un  empri- 
sonnement ne  dépassant  pas  deux  ans  avec  ou  sans  travaux 
forcés  ou  d'une  amende  ne  dépassant  pas  500  livres  sterlings. 

Art.  100.  —  Les  mêmes  peines  sont  applicables  à  toute 
personne  ayant  procuré  ou  tenté  de  procurer  une  mention  ou 
une  radiation  frauduleuse  sur  le  registre.  Toute  inscription 
ainsi  obtenue  sera  nulle  et  de  nul  effet  pour  les  auteurs  et 
les  complices  de  la  fraude. 

Art.  101.  —  Les  mêmes  peines  sont  applicables  à  toute 
personne  ayant  sciemment  et  volontairement  fait  une  décla- 
ration statutaire  fausse,  alors  que  cette  déclaration  était  né- 
cessaire, en  vertu  de  la  présente  loi. 

Art.  102.  —  Les  condamnations  pénales  n'affecteront  pas 
l'action  civile  de  la  partie  lésée. 

Art.  103.  —  Personne  ne  pourra  invoquer  cette  loi  pour 
refuser  de  répondre  au  cours  de  tout  procès  aux  questions 
qui  pourront  lui  être  adressées.  Mais  aucune  réponse  ainsi 
faite  ne  pourra  être  invoquée  dans  une  procédure  criminelle 
contre  la  personne  qui  l'aura  faite. 

consultation  des  registres 

Art.  104.  ■ —  Sous  réserve  des  règlements  et  exceptions, 
ainsi  que  du  paiement  des  droits  fixés  par  un  règlement  gé- 
néral, les  personnes  enregistrées  comme  propriétaires,  d'une 
terre  ou  d'une  charge  foncière  et  les  personnes  dûment  auto- 
risées par  le  propriétaire,  par  un  ordre  de  la  Cour,  ou  par  un 
règlement,  sont  seules  admises  à  consulter  et  à  prendre  copie 
intégrale  ou  par  extraits  du  registre  ou  d'un  document  confié 
à  la  garde  du  Registrar  et  relatif  à  la  propriété  ou  à  la  charge 
foncière. 

Art.  105.  —  (Réserve  des  droits  de  S.  M.  à  la  déshérence  ou 
à  la  confiscation.) 


28i    l'introduction  des  livres  fonciers  en  Angleterre 

CINQUIEME  PARTIE 

Dispositions  réglementaires  et  diverses. 

I.  —  bureau  d'immatriculation 

Art.  106.  —  Il  est  créé  à  Londres  un  service  dit  Bureau 
d'immatriculation,  sous  la  direction  d'un  Registrar  nommé 
par  le  Lord  Chancelier  et  assisté  de  tels  fonctionnaires,  que  le 
Lord  Chancelier  (d'accord  avec  les  commissaires  de  la  trésore- 
rie sur  le  nombre)  déterminera. 

Pour  être  Registrar,  il  faut  avoir  été  barrister  pendant  au 
moins  10  ans.  Pour  être  Registrar-adjoint,  il  faut  avoir  été 
barrister,  soliciter  ou  avoué  chargé  spécialement  des  actes 
translatifs  de  propriété  pendant  au  moins  5  ans. 

(Appointements  déterminés  par  les  commissaires  de  la  tré- 
sorerie et  acquittés  ainsi  que  les  dépenses  accessoires  sur 
les  fonds  votés  par  le  Parlement.) 

Le  Lord  Chancelier  peut  de  temps  à  autre,  faire  des  règle- 
ments fixant  les  attributions  du  Bureau  d'immatriculation,  les 
devoirs  respectifs  des  fonctionnaires,  les  actes  qui  peuvent 
être  délégués  au  Registrar-adjoint.  Ces  règlements  auront 
les  mêmes  effets  que  s'ils  avaient  été  sanctionnés  par  cette  loi. 

Art.  107.  —  Il  y  aura  un  sceau  spécial  pour  le  Bureau  d'im- 
matriculation. 

Art.  108.  —  Le  Registrar  dirige  le  travail  du  Bureau  d'im- 
matriculation. 

Art.  109.  —  Le  Registrar  ou  tout  fonctionnaire  du  Bureau 
désigné  par  lui,  peut  déférer  le  serment  ou  recevoir  une  décla- 
ration volontaire  en  vue  de  l'exécution  de  cette  loi.  Le  Regis- 
trar peut  adresser,  sous  le  sceau  du  Bureau,  une  réquisition 
d'avoir  à  se  présenter  à  toute  personne  dont  l'audition  lui 
paraît  utile  ;  il  peut  aussi,  par  une  semblable  réquisition,  de- 
mander la  production  de  tous  documents;  il  peut  interroger 
sous  la  foi  du  serment  toute  personne  se  présentant  devant  lui 
et  lui  demander  de  prêter  serment,  il  peut  allouer  à  toute 
personne  citée  une  indemnité  raisonnable  pour  son  déplace- 
ment. 

Art.  110.  —  Si  une  personne  néglige  ou  refuse  d'obtempérer 
aux  injonctions  qui  lui  ont  été  signifiées,   de  produire  les 


LOI  DE  1875  285 

cartes,  plans,  livres  ou  autres  documents  qu'elle  a  été  invitée 
à  communiquer  ou  de  répondre  sous  la  foi  du  serment  ou 
autrement  aux  questions'  qui  peuvent  lui  être  légalement 
posées  en  vertu  de  cette  loi,  elle  pourra  être  condamnée  à  une 
amende  n'excédant  pas  20  livres  sterlings;  recouvrable  comme 
en  matière  de  juridiction  sommaire;  mais  aucune  personne 
ne  sera  convoquée  ou  mise  en  demeure  de  produire  des  docu- 
ments, sans  que  les  frais  de  son  voyage  ou  de  ses  démarches 
lui  aient  été  payés  ou  offerts. 

Art.  111.  —  Sous  réserve  des  dispositions  de  la  présente 
loi,  le  Lord  Chancelier  peut,  sur  l'avis  et  la  proposition  du 
Registrar,  faire,  modifier,  annuler  ou  augmenter  les  règle- 
ments généraux  tendant  à  déterminer  : 

1.  La  manière  de  tenir  le  registre. 

2.  Les  diverses  formalités  à  observer,  au  cours  de  l'imma- 
triculation. 

3.  Les  conditions  dans  lesquelles  seront  conservés  ou  dé- 
truits les  actes  remis  au  Registrar. 

4  et  5.  Les  frais  à  percevoir  par  les  solicitors  ou  les  avoués 
à  l'occasion  de  toute  opération  relative  à  l'immatriculation. 

G  et  7.  Toutes  questions  relatives  à  l'exécution  de  la  pré- 
sente loi. 

Tous  les  règlements  faits  en  exécution  de  cet  article,  seront 
considérés  comme  promulgués  en  vertu  des  pouvoirs  con- 
férés par  cette  loi,  auront  la  même  force  que  s'ils  avaient  été 
consacrés  par  une  loi  et  seront  notifiés  judiciairement. 

Tous  les  règlements  faits  en  exécution  de  cet  article  seront 
soumis  aux  deux  Chambres  trois  semaines  après  leur  pro- 
mulgation si  le  Parlement  est  en  session  et  trois  semaines 
après  le  commencement  de  la  session  suivante,  si  le  Parlement 
est  prorogé. 

Art.  112.  — ■  Le  Lord  Chancelier  peut,  avec  le  concours 
des  commissaires  de  la  trésorerie,  faire  tous  les  règlements 
relatifs  aux  frais  à  percevoir,  en  vertu  de  la  présente  loi 
pourvu  que  les  frais  soient  proportionnelsi  : 

1.  En  cas  d'immatriculation  ou  d'un  transfert  de  propriété 
à  l'occasion  d'une  vente,  à  la  valeur  d'achat  de  la  propriété. 

2.  En  cas  d'immatriculation  ou  d'un  transfert  de  propriété 
sans  qu'il  y  ait  eu  vente,  à  la  valeur  de  la  propriété  déterminée 
d'après  une  règle  déterminée. 

3.  En  cas  d'immatriculation  ou  d'un  transfert  de  charge  à  la 
valeur  de  la  charge  foncière. 

Art.  113.  —  (Abrogé.) 


286      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 


DÉTERMINATION    DES    TRIBUNAUX    COMPÉTENTS     :    LEURS    POUVOIRS 

Art.  114.  —  En  vue  de  l'application  de  la  présente  loi,  la 
Cour  signifie  la  Cour  de  la  Chancellerie  ou  du  Comté,  suivant 
qu'il  sera  prescrit  par  les  règlements  généraux. 

La  Cour  du  Comté  aura,  dans  tous  les  cas  où  elle  a  juri- 
diction en  vertu  de  cette  loi,  les  mêmes  pouvoirs  que  la  Cour 
de  la  Chancellerie. 

La  juridiction  conférée  à  la  Cour  de  la  Chancellerie  ou  du 
Comté,  en  vertu  de  cette  loi,  peut  être  exercée  par  un  juge  de 
ladite  Cour,  soit  en  audience  publique,  soit  en  Chambre  du 
Conseil. 

Art.  115.  —  Le  Lord  Chancelier  peut  déléguer  à  un  ou  plu- 
sieurs juges  de  ces  cours  les  pouvoirs  confiés  à  la  Cour  toute 
entière. 

Art.  116.  —  Toute  personne  lésée  par  une  ordonnance  d'un 
juge  de  Comté  peut  en  appeler  à  la  Cour  de  la  Chancellerie. 

La  Cour,  saisie  par  cet  appel,  peut  confirmer,  infirmer  ou 
réformer  l'ordonnance,  décider  qui  supportera  les  frais  de 
première  instance  ou  d'appel. 

Art.  117.  —  Toute  personne  lésée  par  un  jugement  de  la 
Cour  de  la  Chancellerie,  rendu  sans  qu'il  y  ait  déjà  eu  un 
jugement  de  la  Cour  de  Comté,  peut  appeler  de  ce  jugement 
de  la  même  manière  que  pour  les  autres  décisions  de  la  Cour 
de  la  Chancellerie  sujettes  à  appel. 


DISTRICTS    d'enregistrement 


Art.  118.  —  Le  Lord  Chancelier,  assisté  des  commissaires 
de  la  trésorerie,  peut  par  des  ordonnances  générales  : 

1.  Créer  des  bureaux  de  districts  en  vue  de  l'immatricula- 
tion. 

2.  Porter  cette  création  à  la  connaissance  du  public  par  un 
avis  public  dans  la  London  Gazette. 

3.  Commencer  l'immatriculation  dans  un  ou  plusieurs  dis- 
tricts. 

4.  Nommer  des  Registrars,  Registrars-adjoints  ou  autres 
fonctionnaires  pour  diriger  et  faire  le  travail  d'immatricula- 
tion dans  le  bureau  de  district. 

Le  Lord  Chancelier  peut,  assisté  des  mêmes  personnes, 
modifier  ou  abroger  les  ordonnances  ainsi  rendues. 

Art.  119.  —  Nul  ne  pourra  être  nommé  Registrar  du  dis- 


LOI  DE  1875  287 

Irict,  s'il  n'est  pas  barrister  (avocat),  solicitor,  ou  avoué  chargé 
spécialement  des  transmissions  de  propriété  depuis  au  moins 
10  ans  ;  Registrar  de  district  adjoint,  s'il  ne  remplit  pas  ces 
fonctions  depuis  au  moins  5  ans.  Un  Registrar  ou  un  Regis- 
trar-adjoint  de  district  peut,  avec  l'autorisation  du  Chance- 
lier, exercer  une  autre  profession. 

Art.  120.  —  Il  y  aura  un  sceau  spécial  pour  chaque  district. 
Tout  document  produit  revêtu  de  ce  sceau  pourra  servir  de 
preuve  ;  si  ce  document  est  une  copie,  elle  servira  de  preuve 
comme  l'original. 

Art.  121.  —  Sous  réserve  des  dispositions  du  Règlement 
général,  le  Registrar  de  district  et  le  Registrar-adjoint  de  dis- 
trict auront  les  mêmes  pouvoirs  et  traitements  que  ceux  con- 
férés ou  alloués  aux  Registrar  et  Registrar-adjoint  du  Bureau 
central  ;  leurs  décisions  seront  sujettes  à  appel  et  pourront 
être  homologuées  par  la  Cour.  Mais  le  Chancelier  peut,  par  le 
Règlement  général,  prescrire  au  Registrar  de  district,  en  ce 
qui  concerne  la  procédure  de  la  première  immatriculation,  ou 
les  affaires  soumises  à  son  examen,  d'en  référer  au  Registrar 
ou  au  Registrar-adjoint  du  Bureau  central  et  de  n'agir  que 
sous  son  autorité.  Ce  règlement  pourra  être  modifié  ou  abrogé; 
il  aura  la  même  valeur  que  s'il  avait  été  inséré  dans  la  loi  et 
sera  notifié  judiciairement. 

Art.  122.  —  Les  règlements  généraux,  ordonnances,  for- 
mules, instructions  et  tarifs  applicables  au  Bureau  central 
seront  applicables  aux  Bureaux  de  district,  sous  réserve  des 
modifications  qui  pourraient  être  introduites  par  le  Lord 
Chancelier,  assisté  des  commissaires  de  la  trésorerie. 

DISPOSITIONS   transitoires 

Art.  123  à  126. 

Art.  127.  —  (Les  terres  situées  dans  le  Comté  de  Middlesex, 
dans  les  trois  Ridings  du  Comté  d'York,  dans  la  ville  et  le 
Comté  de  Kingston  upon  Hull,  seront  au  cas  où  elles  seraient 
immatriculées  conformément  aux  dispositions,  de  la  présente 
loi,  affranchies  des  formalités  établies  précédemment  dans  ces 
districts.) 

Art.  128.  —  (Les  Registrars  de  ces  districts  pourront  récla- 
mer une  indemnité  pour  l'atteinte  portée  par  l'article  précé- 
dent au  montant  de  leurs  émoluments.) 

Art.  129.  —  Abrogation  de  l'article  7  du  Vendor  and  Pur- 
chaser  act  de  1874. 


11 


Loi  du  6  août  1897  pour  établir  un  ordre  de  repré- 
sentation pour  les  biens  réels  et  modifier  le  Land 
Transfer  Act  de  1875. 


PREMIERE  PARTIE 

Etablissement  de  représentants  pour  les  biens  réels 

Article  premier.  —  1**  Lorsqu'un  bien  réel  est  possédé 
par  une  personne  sans  qu'une  autre  personne  ait  sur  ce  bien 
un  droit  de  survivance,  à  la  mort  du  propriétaire,  il  passera 
et  appartiendra,  nonobstant  tout  testament,  aux  représentants 
pour  les  biens  personnels  du  de-cuias.  Il  deviendra  leur  pro- 
priété comme  s'il  s'agissait  de  biens  immobiliers  temporaires. 

2°  Cet  article  s'applique  à  tout  bien  immobilier  sur  lequel 
une  personne  a,  par  testament,  un  pouvoir  général  de  dispo- 
sition équivalent  au  droit  de  propriété. 

3°  Le  jugement  d'homologation  du  testament  et  les  lettres 
d'administration  peuvent  être  accordés  pour  les  biens  réels, 
seulement  alors  qu'il  n'y  aurait  pas  de  biens  personnels. 

4°  L'expression  «  bien  réel  »  ne  doit  pas  dans  cette  loi  être 
considérée  comme  comprenant  les  biens  en  copyhold  ou  en 
freehold  coutumier,  toutes  les  fois  qu'une  concession  ou  un 
acte  du  Lord  du  manoir  est  nécessaire  pour  parfaire  le  titre 
de  propriété  de  celui  qui  acquiert  d'un  tenancier  coutumier. 

b°  Cet  article  ne  s'applique  que  pour  les  décès  postérieurs 
à  la  loi. 

Art.  2.  —  1°  Sous  les  réserves  ci-dessous  mentionnées,  les 
représentants  personnels  du  de  cuius  détiendront  en  fîdéi- 
commis  les  biens  réels  pour  les  personnes  ayant  qualité  pour 
en  bénéficier.  Ces  représentants  personnels  pourront  requé- 
rir le  transfert  d'un  bien  réel,  comme  les  personnes  ayant  qua- 
lité pour  bénéficier  des  biens  personnels  peuvent  requérir  le 
transfert  de  cesi  biens. 

2°  Toutes  les  lois  et  tous  les  règlements  réglant  les  effets 
des  jugements  d'homologation  et  des  lettres  d'administration 


LOI  DK  1807  289 

en  ce  qui  concerne  les  biensi  immobiliers  temporaires,  leur 
gestion  avant  l'obtention  du  jugement  ou  des  lettres,  le  paie- 
ment des  frais  d'administration,  toutes  les  autres  questions 
relatives  à  l'administration  des  biens  personnels  et  les  pou- 
voirs, droits,  devoirs  et  obligations  des  représentants  person- 
nels eu  égard  aux  biens  personnels,  sont,  autant  que  possible, 
applicables  aux  biens  réels. 

On  agira  comme  si  ce  bien  réel  était  un  bien  immobilier 
temporaire,  sous  cette  réserve  qu'il  ne  sera  pas  possible  pour 
un  ou  quelques-uns  des  représentants  personnels,  de  vendre 
ou  de  transférer  le  bien  réel  sans  obtenir  l'autorisation  de  la 
Cour. 

3°  Dans  l'administration  de  la  succession  d'une  personne, 
décédée,  après  la  mise  en  vigueur  de  cette  loi,  ses  biens  réels 
seront  soumis  aux  mêmes  règles  et  obligations,  que  s'il  s'agis- 
sait de  biens  personnels.  Toutefois,  rien  dans  cette  loi  ne  modi- 
liera  l'ordre  dans  lequel  l'actif  réel  ou  personnel  est  actuelle- 
ment affecté  au  paiemerxt  des  frais  funéraires  et  testamentaires, 
des  dettes  et  legs,  ni  ne  préjudiciera  au  privilège  dont  peut 
être  grevé  un  immeuble  pour  assurer  le  paiement  du  legs. 

4°  Quand  une  personne  meurt  en  possession  d'un  bien  réel, 
la  Cour  doit,  en  accordant  des  lettres  d'administration,  pren- 
dre en  considération  les  droits  et  intérêts  des  personnes  qui 
prétendent  à  ses  biens  réels.  Son  héritier  d'après  la  loi,  s'il 
n'est  pas  le  plus  proche  parent,  peut  obtenir  la  délivrance  de 
ces  lettres  au  même  titre  que  les  plus  proches  parents.  Une 
modification  devra  être  faite  dans  les  règlements  de  la  Cour 
pour  adapter  la  procédure  et  la  pratique  à  l'accord  des  lettres 
d'administration,  lorsqu'il  existe  un  bien  réel. 

Art.  3.  —  1°  A  toute  époque,  après  la  mort  du  propriétaire 
d'une  terre,  ses  représentants  personnels  peuvent  consentir 
la  délivrance  des  legsi  contenus  dans  le  testament  ou  peuvent 
transférer  la  propriété  à  toute  personne  à  ce  qualifiée  comme 
héritier  du  légataire.  Les  représentants  personnels  peuvent 
consentir  cette  délivrance  ou  cette  transmission,  soit  sous  ré- 
serve d'une  hypothèque  garantissant  le  paiement  des  sommes 
dues  par  les  représentants  personnels,  soit  libre  de  charges. 
Cette  délivrance  ou  transmission,  subordonnée,  s'il  y  a  lieu, 
au  paiement  d'une  somme  d'argent  que  les  représentants  per- 
sonnels se  sont  engagés  à  verser,  fera  cesser  toutes  leurs 
obligations  relatives  à  cette  propriété,  sauf  celles  résultant 
des  actes  ou  des  contrats  passés  par  eux  avant  la  délivrance 
ou  la  transmission. 

L.  19 


290      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

2°  Lorsqu'un  an  après  la  mort  du  propriétaire  d'une  terre, 
SCS  représentants  personnels  n'ont  pas  encore  transmis  la 
propriété  à  l'avant-droit,  quoiqu'ils  aient  été  mis  en  demeure 
par  lui  de  le  faire,  la  Cour  peut,  à  la  requête  de  cette  personne 
et  après  avis  aux  représentants  personnels,  ordonner  d'opérer 
la  transmission.  Si  la  propriété  est  immatriculée,  elle  peut 
décider  que  l'ayant-droit  sera  inscrit  sur  le  Livre  foncier  soit 
seul,  soit  conjointement  avec  les  représentants  personnels. 

3°  Lorsque  les  représentants  personnels  d'un  de-cujus  sont 
inscrits  comme  propriétaires  d'une  terre  au  moment  du  décès; 
aucun  droit  ne  peut  être  perçu  à  l'occasion  des  transferts  qu'ils 
peuvent  consentir,  à  moins  qu'il  ne  s'agisse  d'un  transfert  à 
titre  onéreux. 

4°  Sur  production  du  consentement  donné  par  les  représen- 
tants personnels  dans  la  forme  prescrite,  le  Registrar  pourra 
inscrire  sur  le  Livre  foncier  la  personne  indiquée  dans  l'acte 
de  consentement  comme  propriétaire. 

Art.  4.  —  P  Les  représentants  personnels  d'un  de-cuiiis, 
en  l'absence  d'une  disposition  contraire  expresse  du  testament 
et  avec  le  consentement  des  légataires  particuliers  ou  à  titre 
universel,  ou;  si  les  intéressés  sont  fous  ou  mineurs,  avec  le 
consentement  de  leurs  conseils  de  famille,  fidéicommissaires 
ou  tuteurs;  peuvent  employer  une  part  de  la  succession  à  payer 
ces  h  gs  et  pour  cela  peuvent  évaluer,  suivant  les  formes  pres- 
crites, et  de  la  manière  qu'ils  jugent  préférable,  tout  ou  partie 
des  propriétés  du  de-cuius.  Avant  que  l'affectation  devienne 
définitive,  avis  de  cette  intention  doit  être  donné  aux  béné- 
ficiaires du  reste  de  l'hérédité  ;  chacun  d'eux  peut,  dans  le 
délai  prescrit,  en  référer  à  la  Cour  :  cette  affectation  et  cette 
évalutation  deviendront  définitives,  sauf  décision  contraire  de 
la  Cour. 

2°  Lorsqu'une  propriété  est  ainsi  affectée,  son  transfert 
par  les  représentants  personnels  à  l'affectalaire  ne  sera  pas, 
par  le  seul  fait  que  la  propriété  ainsi  transférée  est  acceptée 
par  ïa  personne  à  laquelle  elle  est  donnée  en  exécution  d'un 
legs  particulier  ou  à  titre  universel,  sujette  à  un  droit  de 
timbre  plus  élevé  que  celui  qui  est  perçu  à  l'occasion  d'un 
transfert  de  biens  personnels  effectué  dans  un  but  similaire. 

S*'  Lorsque  la  propriété  est  immatriculée,  la  production  d'un 
document  prouvant  la  réalité  de  l'affectation  en  vertu  de  cet 
article,  autorisera  le  Registrar  à  inscrire  sur  le  Livre  foncier 
la  personne  à  laquelle  la  propriété  a  été  ainsi  transmise. 

Art.  5.  —  Aucune  disposition  de  cette  loi  n'aura  pour  effet 


LOI  DE  1897  291 

de  modifier  les  droits  dus  pour  les  biens  réels  ou  d'imposer 
aux  biens  réels  d'autres  droits  que  ceux  actuellement  perçus. 


DEUXIEME  PARTIE 

'  Amendements  au  Land  Transler  Act  de  1875 

Art.  6.  —  1°  Tous  immeubles  soumis  à  une  transmission 
limitée  peuvent,  au  choix  du  bénéficiaire  viager,  être  imma- 
triculés, soit  au  nom  de  bénéficiaire  viager,  ou  des  fidéicom- 
missaires  (s'il  en  existe  ayant  le  pouvoir  de  vendre  l'immeuble) 
ou  des  personnes  ayant  un  pouvoir  général  de  disposition  de 
la  toute  propriété  (si  ce  pouvoir  a  été  concédé  à  une  ou  plu- 
sieurs personnes). 

2**  On  inscrira  aussi  sur  le  registre  telles  restrictions  ou  dé- 
fenses qui  peuvent  être  prescrites  ou  être  nécessaires  pour 
la  protection  des  droits  des  personnes  intéresséesi  utilement  à 
la  propriété. 

3°  Lorsqu'une  propriété  déjà  immatriculée  est  assignée  à 
un  tiers  en  vertu  d'un  settlement,  l'acte  de  transfert  peut  être 
rédigé  dans  une  forme  spéciale  qui  opérera  comme  une  trans 
mission  par  settlement.  Le  devoir  des  fidéicommissaires  (s'il 
en  existe),  sera  d'intervenir  dans  cet  acte  et  de  demander  fins 
cription  sur  le  registre  des  restrictions  ou  défenses  néces- 
saires d'après  cet  article.  S'il  n'y  a  pas  de  fidéicommissaires, 
le  Registrar  s'enquierra  des  termes  du  settlement  et  inscrira 
sur  le  registre  toutes  restrictions  ou  défenses  qui  peuvent  être 
nécessaires  ou  qui  peuvent  lui  paraître  conformes  au  présent 
article. 

4°  A  la  mort  du  bénéficiaire  viager  inscrit  comme  proprié- 
taire de  l'immeuble  soumis  à  une  transmission  limitée,  les  fidéi- 
commissaires (si'il  en  existe),  devront  demander  finscription 
de  son  ou  de  ses  successeurs  avec  mention  de  telles  restric- 
tions ou  défenses  conformes/  à  cet  article.  Si  les  fidéicommis- 
saires négligent  de  le  faire  ou  s'il  n'y  a  pas  de  lidéicommis- 
saires,  le  Registrar  procédera  dans  les  formes  prescrites  par 
i'art.  41  de  la  loi  de  1875. 

5°  Lorsqu'un  settlement  est  créé  par  un  testament  ou  prend 
naissance  de  toute  autre  manière  à  la  suite  du  décès  du  pro- 
priétaire unique  inscrit  d'un  immeuble  ou  d'une  parcelle  indi- 
vise, ses  représentants  personnels  devront  requérir  finscrip- 
tion de  la  personne  qualifiée  pour  être  inscrite  comme  pro- 


292     l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

priétaire  et  de  toutes  restrictions  ou  défenses  conformes  au 
présent  article. 

6**  Le  settlement,  un  extrait  ou  une  copie  de  celui-ci  doit 
être  déposé  au  Bureau  d'immatriculation,  afin  qu'il  soit  possi- 
ble de  s'y  référer,  mais  ce  dépôt  n'afiectera  pas  les  droits 
d'un  acquéreur  ou  créancier  mortgagiste  à  titre  onéreux,  tenant 
son  titre  du  propriétaire  inscrit  avec  mention  de  ses  disposi- 
tions. Il  n'autorisera  pas  non  plus  cet  ayant-droit  à  demander 
la  production  de  l'acte  de  settlement  ou  à  requérir  tels  éclair- 
cissements ou  preuves  relatives  à  son  contenu. 

7°  Le  propriétaire  inscrit  d'un  immeuble  soumis  à  une 
transmission  limitée  et  tous  les  autres  intéressés  (s'il  en  existe) 
devront,  à  la  requête  et  aux  frais  de  toute  personne  ayant  des 
droits  ou  une  hypothèque  à  elle  transmise  ou  cédée  en  garan 
tie  d'un  prêt,  consentir  une  hypothèque  sur  la  propriété,  dans 
la  forme  prescrite  pour  garantir  le  remboursement  du  prêt 

8°  Sous  réserve  du  droit  du  propriétaire  inscrit,  de  disposer 
de  la  propriété  dont  il  est  le  propriétaire  inscrit,  par  actes  en 
registres  ou  par  voie  de  mortgage,  par  nantissement,  les  biens, 
droits  ou  intérêtSN  des  personnes  investies  de  ceux-ci  par  le 
settlement,  ne  seront  pas  modifiés  par  l'immatriculation  du 
propriétaire. 

9°  Une  personne  dont  les  droits  sur  l'immeuble  résultent 
d'un  fidéicommis  peut  requérir  toute  immatriculation  autori 
sée  par  cet  article,  y  concourir  ou  donner  son  assentiment. 
Si  elle  est  inscrite  comme  propriétaire,  elle  peut  faire  tous 
actes  de  transfert  ou  d'hypothèque  dans  la  forme  prescrite 
en  faveur  de  toute  autre  personne,  dont  l'inscription  est  ainsi 
autorisée. 

10°  Dans  cet  article,  les  expressions  «  bénéficiaire  viager  », 
«  immeuble  soumis  à  une  transmission  limitée  »,  «  settlement  », 
«  fidéicommissaircs  »,  ont  la  môme  signification  que  dans  les 
Settled  Land  Acts  de  1882  à  1890. 

Art.  7.  —  1°  Lorsqu'une  erreur  ou  une  omission  est  faite 
sur  le  Livre  foncier  ou  lorsqu'une  inscription  sur  le  Livre 
foncier  est  faite  ou  obtenue  par  suite  d'une  fraude  ou  d'une 
faute  et  que  cette  erreur,  cette  omission  ou  cette  inscription 
ne  peuvent  pas  être  rectifiées  en  vertu  de  la  loi  principale, 
toute  personne  lésée  par  ces  faits  aura  droit  de  réclamer  une 
indemnité,  suivant  les;  règles  prévues  par  la  présente  loi. 

2°  Lorsqu'une  convention  enregistrée  serait  absolument  nulle 
si  elle  n'était  pas  enregistrée  ou  lorsque,  par  l'effet  d'une 
erreur,  d'une  omission  ou  d'une  inscription,  une  personne  se 


LOI  DE  1897  293 

trouverait  privée  d'une  propriété,  dont  elle  était  en  possession 
ou  dont  elle  recevait  les  loyers  ou  fermages,  le  registre  sera 
rectifié.  La  partie  lésée  par  la  rectification,  aura  droit  à  une 
indemnité. 

3°  N'aura  droit  à  aucune  indemnité,  toute  personne  qui  aura 
causé  la  perte  ou  qui  y  aura  contribué  par  son  acte,  sa  négli- 
gence ou  sa  faute.  Sera  réputée  être  une  négligence  pour  l'ap- 
plication de  cet  article,  l'omission  d'enregistrer  une  caution, 
mention,  défense  ou  autre  restriction,  destinée  à  garantir  l'exis- 
tence d'un  mortgage  par  nantissement,  d'un  autre  intérêt  équi- 
table, d'un  droit  ou  d'un  intérêt  créé  en  vertu  des  dispositions 
de  l'art.  49  de  la  loi  principale. 

4^  Lorsque  le  registre  est  rectifié  en  vertu  des*  dispositions 
de  la  loi  principale  à  la  suite  d'une  fraude  ou  d'une  erreur  qui 
s'est  produite  à  l'occasion  d'une  convention  à  titre  onéreux 
enregistrée,  dont  le  cessionnaire  n'avait  pas  connaissance 
et  qu'il  ne  pouvait  pas  découvrir  en  procédant  aux  investiga- 
tions habituelles,  la  personne  subissant  une  perte  du  fait  de  la 
rectification  du  registre  aura  droit  à  indemnité. 

5°  Le  Registrar  peut,  si  le  requérant  le  désire  et  sauf  appel 
à  la  Cour,  décider  s'il  y  a  lieu  à  indemnité  en  vertu  de  cet 
article  et  dans  ce  cas  déterminer  l'indemnité.  En  cas  d'appel 
à  la  Cour,  le  demandeur  ne  supportera  que  ses  propres  frais, 
même  s'il  est  débouté,  pourvu  toutefois  que  son  appel  ne  soit 
pas  déraisonnable. 

6°  Lorsqu'une  indemnité  est  payée,  le  Registrar  peut,  sur 
l'ordre  de  la  Couronne,  en  recouvrer  le  montant  sur  la  per- 
sonne qui  a  causé  cette  perte  ou  y  a  contribué  par  son  acte,  sa 
négligence  ou  sa  faute. 

7*^  Une  demande  en  indemnité  en  vertu  de  cet  article,  est 
considérée  comme  un  simple  contrat  de  dette,  et  pour  l'appli- 
cation du  Limitation  Act  de  1623,  l'action  sera  considérée 
exister  du  jour  où  le  demandeur  connaît  qu'il  peut  l'exercer, 
ou  devrait  le  connaître  ;  cet  article  s'applique  à  la  Couronne 
aussi  bien  qu'à  un  particulier. 

Art.  8.  —  1°  Tant  qu'un  certificat  terrier,  une  copie  offi- 
cielle d'un  bail  enregistré,  ou  un  certificat  de  charge  foncière 
existe,  il  doit  être  produit  par  le  propriétaire  enregistré  de 
l'immeuble,  du  bail  ou  de  la  charge  à  l'occasion  de  chaque 
inscription  sur  le  registre,  de  chaque  transmission  ou  de  cha- 
que rectification.  La  mention  de  ces  inscriptions,  transmissions 
et  rectifications  sera  officiellement  portée  sur  le  certificat 
terrier,  la  copie  officielle  ou  le  certificat  de  charge  foncière. 


294      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

•Le  Registrar  aura  les  mêmes  pouvoirs  pour  exiger  la  produc 
lion   de   ces   certificats,    copies   officielles   ou   certificats   de 
charge  que  ceux  qui  lui  sont  conférés  par  les  articles  109  et 
110  de  la  loi  principale  pour  la  production  des  cartes,  levés 
de  plans,  livres  et  autres  documents. 

2°  Lorsqu'un  de  ces  certificats  a  été  délivré,  le  vendeur  doit 
le  remettre  à  l'acquéreur  pour  la  conclusion  de  la  vente.  Si  une 
partie  seulement  de  la  propriété  est  vendue  il  devra,  à  ses 
frais,  produire  le  certificat  nécessaire  pour  conclure  la  vente 
en  vertu  de  cet  article.  En  cas  de  perte  ou  de  destruction  du 
certificat,  le  vendeur  paiera  les  frais  de  la  procédure  rendue 
nécessaire  pour  permettre  au  Registrar  d'agir  sans  lui. 

3°  Un  nouveau  certificat  ne  peut  être  délivré  par  le  Regis- 
trar en  remplacement  d'un  autre  certificat  antérieurement  dé- 
livré et  depuis  lors  perdu  ou  détruit,  qu'après  une  déclara- 
tion statutaire  faite  par  le  demandeur  et  la  production  par  lui 
de  toutes  preuves  pouvant  paraître  utiles  au  Registrar  :  ces 
indications  établiront  les  faits  et  les  circonstances  de  la  perte 
et  de  la  destruction.  Il  devra  également  être  inséré  auparavant 
au  moins  un  avis  de  la  demande  dans  la  Gazette  de  Londres, 
trois  annonces  dans  un  journal  quotidien  du  matin  de  Londres, 
ces  publications  étant  faites  à  9  jours  d'intervalle  au  moins, 
et  trois  annonces  dans  un  journal  local  du  district  où  l'im- 
meuble est  situé.  Le  Registrar  pourra  en  outre  demander  au 
requérant  telle  indemnité  qu'il  jugera  bon. 

4°  Lorsqu'un  transfert  d'immeuble  est  fait  par  le  proprié- 
taire enregistré  d'une  charge  foncière  en  vertu  du  pouvoir  de 
vente  qui  lui  a  été  conféré,  ce  transfert  peut  être  enregistré  et 
un  nou\'eau  certificat  foncier  peut  être  délivré  à  l'acquéreur 
"  sans  que  l'ancien  certificat  terrier  soit  produit,  mais  le  certi- 
ficat de  charge  doit  être  produit  en  vertu  de  cet  article.  Sauf 
toute  stipulation  contraire,  le  propriétaire  d'une  charge  fon- 
cière enregistré  n'aura  pas  le  droit  de  demander  à  avoir  la 
garde  du  certificat  terrier  ou  d'exiger  du  grevé  qu'il  demande 
la  délivrance  du  certificat  terrier. 

5°  — ■  1)  A  l'occasion  de  la  première  immatriculation  d'un 
freehold  ou  d'un  leasehold,  ou  de  l'immatriculation  d'une 
charge  foncière,  un  certificat  foncier,  une  copie  officielle  du 
bail  enregistré  ou  un  certificat  de  charge  foncière,  suivant  les 
cas,  sera  préparé  et  sera  délivré  à  l'immatriculé  ou  déposé 
à  son  nom  au  Bureau  d'immatriculation,  suivant  qu'il  le  pré- 
férera. 

2)  S'il  est  déposé  au  Bureau  d'immatriculation,  ce  certjfî- 


LOI  DE  1897  295 

cat  recevra  les  mentions  prévues  dans  cet  article,  ainsi  que 
toutes  les  indications  relatives  aux  inscriptions  postérieures 
affectant  l'immeuble  ou  la  charge  à  laquelle  il  se  rapporte. 

3)  Le  propriétaire  immatriculé  peut,  à  toute  époque,  deman- 
der la  délivrance  du  certificat  soit  à  son  nom,  soit  au  nom  de 
telle  personne  qu'il  désignera  et  peut  ensuite  de  nouveau  le 
déposer  au  Bureau  d'immatriculation. 

4)  La  préparation,  la  délivrance,  l'annotation  et  le  dépôt  au 
Bureau  d'immatriculation  du  certificat  seront  effectués  sans 
frais  pour  le  propriétaire. 

6**  Le  propriétaire  immatriculé,  d'un  freehold,  d'un  lease- 
hold  ou  d'une  charge  foncière,  peut  constituer  sur  cette 
terre  ou  cette  charge  un  droit  par  dépôt  de  l'un  des  certificats, 
sous  réserve  des  droits,  charges  ou  intérêts  déjà  enregistrés. 
Ce  droit  sera,  sous  les  réserve»  ci-dessus,  équivalent  à  un 
droit  créé  par  dépôt  des  titres  de  propriété  ou  du  contrat  d'hy- 
pothèque d'un  immeuble  non  enregistré,  dépôt  effectué,  soit 
par  un  propriétaire  ayant  une  propriété  entière,  ou  une  pro- 
priété pour  une  certaine  période,  soit  par  un  créancier  mort- 
gagiste  ayant  un  intérêt  utile  au  mortgage. 

Art.  9.  —  1°  Les  dispositions  de  l'article  8  du  Conveyancing 
and  Law  of  Property  act  1881,  s'appliqueront,  autant  qu'il 
sera  possible,  aux  transferts  de  biens  immatriculés,  comme 
si  ces  transferts  étaient  opérés  par  actes  authentiques.  Un 
transfert  d'immeuble  consenti  par  le  propriétaire  d'une  charge 
foncière  investi  d'un  pouvoir  de  vente,  aura  le  même  effet 
qu'une  vente  faite  dans  l'exercice  des  pouvoirs  conférés  par 
ladite  loi. 

2**  Les  dispositions  des  articles  19,  20,  21  (sauf  les  paragra- 
phes 1  et  4),  22,  23  et  24  de  la  même  loi  s'appliqueront  de 
même  aux  charges  enregistrées. 

3°  Tout  propriétaire  immatriculé  d'immeuble  peut,  dans  les 
formes  ordinaires,  grever  cet  immeuble  du  paiement  d'une 
annuité  ou  d'autres  paiements  périodiques.  Les  dispositions 
de  la  loi  principale  et  de  la  pressente  loi  relatives  aux  charges 
foncières  s'appliqueront  à  ces  charges.  Tout  propriétaire 
immatriculé  d'immeuble  peut  le  grever  en  faveur  d'une  société 
de  construction  et  en  vertu  des  lois  sur  les  sociétés  de  construc- 
tion, d'une  hypothèque  constituée  dans  les  formes  prévues 
par  les  statuts  de  cette  société.  Ce  mortgage  sera  considère» 
comme  une  charge  foncière  créée  avec  les  formalités  pren- 
crîtes  et  sera  enres^istré  en  conséquence. 


296      l'introduction  DF.S   livres   fonciers  en   ANGLETERRE 

4°  Aucune  convention  Sipéciale  d'une  charge  foncière  ne  peut 
avoir  pour  effet  : 

1)  D'enlever  au  propriétaire  de  celle-ci  le  pouvoir  de  la 
transférer  par  un  contrat  enregistré  ou  de  requérir  que  men- 
tion de  son  extinction  soit  faite  au  registre. 

2)  D'affecter  aucune  convention  enregistrée  concernant  un 
immeuble  ou  une  charge,  si  la  charge  concurrente  n'est  pas 
protégée  ou  enregistrée  expressément  d'accord  avec  la  loi 
principale  ou  avec  cette  loi. 

5°  Le  Registrar  peut,  sur  la  demande  ou  avec  le  consente- 
ment du  propriétaire  enregistré  de  l'immeuble  et  des  proprié- 
taires enregistrés  de  toutes  les  charges  foncières  de  rang  égal 
ou  inférieur  à  celui  du  propriétaire,  modifier  les  termes  d'une 
charge  foncière. 

6°  Lorsqu'une  personne,  à  laquelle  le  droit  d'être  enregistré 
comme  propriétaire  d'une  terre  ou  d'une  charge  a  échu  par 
suite  de  la  mort  ou  de  la  faillite  du  propriétaire  enregistré  ou 
a  été  conféré  par  un  acte  de  transfert  ou  de  charge  conformé- 
ment à  la  loi  principale  et  à  la  présente  loi,  désire  soit  trans- 
férer ou  hypothéquer  l'immeuble,  soit  céder  la  charge  fon- 
cière avant  d'être  lui-même  enregistré  comme  propriétaire,  il 
peut  le  faire  dans  la  forme  et  sous  les  conditions  prescrites. 
Sous  réserve  des  dispositions  de  la  loi  principale  relatives  aux 
cessions  à  titre  onéreux  enregistrées,  un  transfert  et  une 
charge  ainsi  consentis  auront  les  mêmes  effets  que  si  la 
personne  qui  les  consent  était  déjà  enregistrée  comme  proprié- 
taire. 

Art.  10.  —  Toute  personne  qui,  n'étant  pas  avocat,  solicitor 
dûment  habilité,  notaire  public,  conveyancer,  avocat  consul- 
tant ou  agent  d'affaires  reconnu,  soit  directement,  soit  indirec- 
tement, pour  ou  en  vue  d'un  salaire,  d'un  gain  ou  d'une  récom- 
pense, écrit  ou  prépare  un  acte  de  transfert  ou  de  charge,  ou 
une  demande  en  enregistrement  de  conditions  restrictives  en 
modification  de  charge  ou  en  changement  des  conditions  d'une 
charge  enregistrée,  ou  tout  autre  acte  prescrit,  encourra  une 
amende  n'excédant  pas  50  livres  sterlingsi,  recouvrable  devant 
une  Cour  de  juridiction  sommaire,  de  la  manière  prévue  par 
le  Summary  Jurisdiction  Act. 

Cet  article  ne  s'étend  pas  à  : 

a)  Un  officier  public  écrivant  ou  préparant  un  acte  ou  une 
demande  dans  l'étendue  de  son  pouvoir. 

b)  Une  personne  employée  simplement  à  grossoyer  des 
actes  ou  des  demandes. 


LOI  DE  1897  297 

Art.  11.  —  L'article  2  du  statut  32,  Henry  VIII,  chapitre  9, 
qui  interdit  les  ventes  et  autres  conventions  aux  propriétaires 
qui  ne  sont  pas  en  possession  de  l'immeuble  depuis  plus  d'un 
an,  est  abrogé. 

Art.  12.  —  Aucune  possession,  quelle  qu'en  soit  la  durée, 
ne  peut  faire  acquérir  un  titre  contraire  ou  dérogeant  aux 
droits  du  propriétaire  immatriculé.  Le  propriétaire  immatri- 
culé peut,  en  conséquence,  à  toute  époque,  intenter  une  action 
en  revendication  ou  reprendre  possession  de  l'immeuble.  Tou- 
tefois, si  une  personne  acquérait,  mais  seulement  par  applica- 
tion de&  dispositions  de  cette  loi  ou  de  la  loi  principale,  un 
titre  par  prescription  d'un  immeuble  immatriculé,  elle  pourrait 
demander  la  rectification  du  registre  en  vertu  de  l'art.  95  de  la 
loi  principale.  La  Cour  pourrait,  à  sa  requête  et  sous  réserve 
des  droits  ou  intérêts  acquis  à  titre  onéreux  et  inscrits  con- 
formément aux  lois,  ordonner  la  rectification  du  registre. 
Toutefois,,  cet  article  ne  saurait  préjudicier  au  droit  d'une  autre 
personne  se  prévalant  d'une  possession  prolongée,  lorsque 
l'immatriculation  de  l'immeuble  a  été  demandée  seulement 
à  titre  possessoire  et  lorsque  la  prescription  était  commencée 
au  moment  de  l'immatriculation. 

Art.  13.  —  1°  et  2°  (Le  Registrar  doit,  à  l'occasion  de  toute 
inscription,  s'enquérir  du  paiement  des  droits  de  succession, 
mentionner  l'obligation  qui  pourrait  exister  de  ce  fait.) 

3°  Les  droits  de  succession  ou  de  transmission  ne  peuvent 
être  recouvrés  sur  un  acquéreur  à  titre  onéreux  de  bonne  foi, 
bien  qu'il  puisse  avoir  eu  connaissance  extérieurement  de 
l'existence  de  l'obligation,  à  moins  que  : 

à)  Mention  en  soit  portée  sur  le  registre. 

b)  Au  moment  de  l'immatriculation  à  titre  possessoire,  cette 
obligation  existât  ou  pût  exister. 

c)  Cette  obligation  fût  spécialement  réservée  dans  les  res- 
trictions apportées  au  titre  qualifié. 

Art.  14.  —  1°  (Abrogation  de  l'art.  83  en  ce  qui  concerne 
la  défense  d'immatriculer  des  propriétés  indivises,  la  limita- 
tion du  nombre  des  propriétaires  conjoints,  les  descriptions, 
limites  et  étendue  de  la  propriété  immatriculée.) 

2"  La  propriété  immatriculée  sera  décrite  de  la  manière 
prescrite  au  moyen  de  la  Carte  officielle  ;  pourront  être  jointes 
à  cette  carte  telles  particularités  ou  indications  que  le  deman- 
deur peut  désirer  voir  mentionner.  Le  Registrar  ou  la  Cour  en 
appel  doivent  donner  leur  approbation  à  cette  description 
verbale,  en  prenant  en  considération  la  nécessité  d*assurer  la 


298      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

rapide  identification  de  la  propriété  ou  de  ses  parties  et  en 
assurant  l'uniformité  dans  la  pratique. 

Art.  15.  —  (Dispositions  spéciales  aux  biens  possédés  par 
les  titulaires  de  bénéfices  religieux.) 

Art.  16.  —  1°  Un  acquéreur  de  terre  immatriculée  ne  devra 
pas  demander  d'autres  titres  de  propriété  que  ceux  résultant  : 

1)  De  l'inscription  du  registre, d'une  copie  certifiée  conforme 
ou  d'un  extrait  du  registre. 

2)  Une  déclaration  statutaire  relative  à  l'existence  des  droits 
qui,  d'après  l'art.  18  de  la  loi  principale,  ne  sont  pas  réputés 
constituer  des  servitudes. 

3)  Si  le  propriétaire  est  immatriculé  à  titre  absolu  el  qu'il 
y  ait  des  servitudes  inscrites  sur  le  registre  comme  existant 
au  moment  de  l'immatriculation,  la  preuve  de  l'existence  de 
ces  servitudes  ou  de  leur  fin. 

4)  Si  le  propriétaire  est  immatriculé  à  titre  qualifié,  la 
même  preuve  que  pour  le  titre  absolu  et  la  preuve  relative  à 
tous  les  droits  ou  intérêts  exclus  des  effets  de  l'immatriculation 
ainsi  qu'il  pourrait  être  exigé  si  la  propriété  n'était  pas  imma- 
triculée. 

5)  Si  la  propriété  est  immatriculé  à  titre  possessoire,  la 
preuve  de  l'existence  des  droits  du  propriétaire  inscrit  au 
moment  de  l'immatriculation  ainsi  qu'il  pourrait  être  exigé 
si  la  propriété  n'était  pas  immatriculée. 

2°  Lorsque  le  vendeur  d'un  immeuble  immatriculé  n'est  pas 
inscrit  lui-même  comme  propriétaire  de  cet  immeuble  ou  d'une 
charge  foncière  conférant  le  droit  de  le  vendre,  il  devra  à  la 
requête  de  l'acquéreur  et  à. ses  frais,  nonobstant  toute  stipu- 
lation contraire,  soit  se  faire  inscrire  lui-même  comme  pro- 
priétaire de  l'immeuble  ou  de  la  charge  foncière,  soit  procurer 
à  l'acquéreur  un  transfert  en  due  forme  émané  du  propriétaire 
inscrit. 

3°  Sauf  disposition  contraire,  le  vendeur  d'un  immeuble 
immatriculé  avec  un  titre  absolu  ne  sera  pas  astreint  à  faire 
de  déclaration  sur  ses  titres  et  le  vendeur  d'un  immeuble 
immatriculé  à  titre  qualifié  ou  possessoire  ne  sera  astreint 
à  faire  de  déclaration  qu'eu  égard  aux  droite  et  intérêts  exclus 
des  effets  de  l'immatriculation.  Les  conventions  tacites  exis- 
tant en  vertu  de  l'art.  7  du  Conveyancing  and  Law  of  Property 
act,  1881.  seront  interprétées  en  conséquence. 

Art.  17.  —  1*"  Le  propriétaire  immatriculé  d'un  immeuble 
situé  en  dehors  des  districts  où  l'immatriculation  est  obliga- 
toire peut,  avec  le  consentement  des  autres  personnes  qui, 


LOI  DE  1897  299 

'd'après  le  registre,  paraissent  être  intéressées  à  l'immeuble 
et  sur  le  dépôt  du  certificat  terrier,  de  la  copie  officielle  du 
bail  immatriculé  et  des  certificats  des  charges  foncières  exis- 
tantes, faire  annuler  l'immatriculation. 

2**  Une  fois  l'immatriculation  de  l'immeuble  annulée,  il  ne 
sera  plus  fait  de  nouvelles  inscriptions  y  relatives  sur  le  regis- 
tre. Le  registre  peut  être  consulté  et  des  copies  officielles  peu- 
vent être  délivrées  dans  les  formes  prescrites  par  les  règle- 
ments. 

3^  Si  l'immatriculation  ainsi  annulée  vise  un  immeuble  situé 
sous  la  juridiction  des  registres  du  Middlesex  et  du  Yorkshire 
rappelés  dans  l'art.  127  de  la  loi  principale,  cet  immeuble  sera 
de  nouveau  soumis  à  cette  juridiction,  à  partir  du  jour  de  la 
radiation. 

Art.  18.  —  (Amendements  moins  importants  par  la  Ce 
dule  I,  annexée  à  la  loi.) 

Art.  19.  —  1°  Lorsqu'un  Conseil  de  Comté  demande  en 
exécution  de  l'article  10  du  Small  Holdings  act  de  1892,  à  être 
inscrit  comme  propriétaire  d'immeubles,  il  peut  être  immatri- 
culé a\ec  tous  les  titres,  que  la  loi  autorise. 

2°Lorsqu'un  Conseil  de  comté,  après  avoir  été  ainsi  inscrit 
transfère  un  immeuble  à  un  acquéreur  d'une  petite  tenure, 
celui-ci  sera  inscrit  comme  propriétaire  à  titre  absolu  sous 
réserve  seulement  des  droits  réels  qui  peu\cnt  être  créés  en 
vertu  du  Small  Holdings  Act  de  1892.  Dans  ce  cas,  toute  per- 
sonne revendiquant  la  propriété  de  l'immeuble  ou  se  préva- 
lant sur  celui-ci  d'un  droit  supérieur  au  titre  du  Conseil  de 
comté,  recevra  seulement  des  dommages-intérêts  qui  seront 
recouvrés  contre  le  Conseil  de  comté. 


TROISIEME  PARTIE 

U immatriculation  obligatoire  et  le  Fonds  d'assurance 

Art.  20.  —  1°  Sa  Majesté  peut,  par  ordonnance  en  son 
Conseil,  déclarer  qu'en  ce  qui  concerne  un  comté  ou  une 
partie  de  comté  désignée  dans  l'ordonnance,  l'immatriculation 
sera  obligatoire  en  cas  de  vente,  à  partir  d'une  date  fixée  dans 
cet  acte.  Toute  personne  désormais  ne  sera  investie  de  la  pro- 
priété légale  d'un  freehold  dans  cette  région  en  vertu  d'un 
acte  de  vente  passé  après  la  date  fixée,  que  si  elle  se  fait  ins- 
crire comme  propriétaire  de  l'immeuble  transmis. 


300      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

2°  Dans  cet  article,  l'expression  «  acte  de  vente  »  signifie 
un  acte  exécute  en  auc  d'une  vente,  par  l'effet  duquel  un  titre 
de  propriété  est  conféré  ou  complété,  et  relatif  à  un  immeuble 
qui  peut  faire  l'objet  d'une  demande  en  immatriculation  en 
\  crtu  de  la  loi  principale. 

3°  Le  titre  qui  sera  délivré  au  propriétaire  d'un  freehold 
immatriculé  en  vertu  de  cet  article,  sera  au  moins  un  titre 
possessoire;  mais  cet  article  ne  saurait  défendre  à  un  proprié- 
taire de  se  faire  délivrer  un  autre  titre,  si  le  Registrar  juge  que 
les  justifications  fournies  par  lui  sont  suffisantes. 

4"^  Sa  Majesté  pourra,  par  une  nouvelle  ordonnance  rendue 
en  son  Conseil,  révoquer  ou  modifier  une  ordonnance  anté- 
rieure rendue  en  vertu  de  cet  article. 

5°  Lorsqu'on  se  propose  de  rendre  une  telle  ordonnance  en 
vertu  de  cet  article,  avis  en  sera  donné,  six  mois  à  l'avance, 
au  Conseil  du  comté,  visé  dans  cette  ordonnance.  Un  projet 
de  l'ordonnance  contenant  le  nom  d'un  endroit  au  moins  situé 
dans  le  comté  ou  près  du  comté  où  un  Bureau  d'immatricula- 
tion de  district,  sera  établi,  sera  transmis  avec  l'avis  et  sera 
publié  dans  la  Gazette. 

6°  Si,  dans  les  trois  mois  qui  suivent  la  réception  du  projet 
d'ordonnance,  le  Conseil  de  comté,  à  une  séance  spéciale- 
ment convoquée  à  cet  effet  et  réunissant  au  moins  les  2/3  des 
membres  en  exercice,  décide  qu'à  son  avis  l'introduction  de 
l'immatriculation  obligatoire  n'est  pas  désirable  dans  ce  comté 
et  transmet  sa  délibération  au  Conseil  privé,  l'ordonnance  ne 
devra  pas  être  rendue. 

7°  La  première  ordonnance  rendue  en  vertu  de  cet  article 
ne  devra  pas  viser  plus  d'un  comté. 

8°  Aucune  nouvelle  ordonnance  ne  pourra  être  rendue  en 
vertu  de  cet  article,  à  moins  qu'un  Conseil  de  comté  ait  pris, 
à  une  réunion  à  laquelle  les  2/3  des  membres  en  exercice  étaient 
présents,  une  délibération  faisant  connaître  son  désir  que 
l'immatriculation  soit  rendue  obligatoire  dans  le  comté  ou  une 
partie  du  comté.  Dans  tous  les  cas,  aucune  ordonnance  nou- 
velle ne  pourra  être  rendue  dans  les  trois  années  qui  suivront 
l'émission  de  la  première  ordonnance.  Les  dispositions  du 
paragraphe  6  ne  s'appliqueront  pas  dans  ce  cas. 

9°  Toute  ordonnance  rendue  conformément  à  cet  article 
sera  déposée  sur  le  Bureau  des  deux  Chambres  dans  les  lientc 
jours  de  leur  promulgation,  si  le  Parlement  est  en  session  ou 
dans  les  vingt  premiers  jours  de  la  prochaine  session,  si  le 
Parlement  est  prorogé.  Durant  les  quarante  jours  qui  suivent 


LOI  DE  1897  301 

le  dépôt,  si  une  motion  désapprouvant  l'ordonnance  est  votée 
par  l'une  des  deux  Chambres,  l'ordonnance  sera  tenue  pour 
nulle  et  non  avenue. 

10°  Toute  ordonnance  rendue  en  vertu  de  cet  article  sera 
conçue  de  façon  à  utiliser  (si  possible),  les  Bureaux  fonciers 
existant  déjà  dans  le  comté  où  l'immatriculation  est  rendue 
obligatoire  ou  dans  un  comté  voisin. 

11°  Pour  l'application  de  cette  loi,  le  mot  «  comté  »  a  la 
même  acception  que  dans  le  Local  Government  Act  de  1888 
et  comprend  un  bourg  du  comté.  Le  mot  Conseil  de  comté 
comprend  aussi  le  Conseil  de  ce  bourg. 

12°  —  1)  Dans  le  cas  où  une  partie  d'un  comté  régie  par 
une  ordonnance  rendue  en  vertu  de  cet  article,  serait  rattachée 
à  un  autre  comté  ou  à  un  comté-bourg  pour  lequel  aucune 
ordonnance  n'aurait  été  rendue,  cette  ordonnance  cesserait 
d'être  en  vigueur  pour  la  partie  du  comté  ainsi  rattachée. 

2)  Dans  le-  cas  où  une  partie  d'un  comté,  non  régie  par  une 
ordonnance,  serait  rattachée  à  un  autre  comté  ou  à  un  comté- 
bourg  pour  lequel  une  ordonnance  aurait  été  rendue,  cette 
ordonnance  s'appliquerait  à  la  partie  du  comté  ainsi  rattachée. 

Art.  21.  —  1°  En  vue  d'assurer  le  paiement  des  indemnités 
prévues  par  la  présente  loi,  il  sera  créé  un  fonds  d'assurance 
constitué  par  des  prélèvements  annuels  sur  les  recettes  perçues 
par  le  Bureau  d'immatriculation.  Le  Lord  Chancelier  et  la 
Trésorerie  détermineront  par  ordonnance  la  manière  dont  ces 
prélèvements  seront  opérés. 

2°  Le  fonds  d'assurance  sera  géré  par  les  personnes  et  de 
la  manière  que  la  Trésorerie  le  décidera. 

3°  Si  le  fonds  d'assurance  est  à  un  moment  donné  insuffisant 
pour  payer  les  indemnités  dues,  le  déficit  sera  acquitté  par  le 
fonds  consolidé  du  Royaume-Uni  ou  ses  revenus,  mais  toute 
somme  ainsi  avancée  par  le  fonds  consolidé  ou  ses  revenus 
devra  leur  être  remboursée  par  les  excédents  de  recettes,  pos 
térieurement  acquis  au  fonds  d'assurance. 

4°  Les  comptes  du  fonds  d'assurance  seront  tenus  et  apurés 
comme  les  comptes  publics,  suivant  les  règles  que  posera  la 
Trésorerie. 

QUATRIEME  PARTIE 

Dispositions  diverses 
Art.  22.  —  1°  Des  règlements  peuvent  être  faits  par  le  Lord 


3U2      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

Chancelier,  en  vertu  de  l'article  106  de  la  loi  principale  pour 
modifier  les  instructions  officielles,  du  Registrar  et  des  autres 
fonctionnaires,  ou  y  ajouter  certaines  dispositions  en  vue  de 
l'application  de  cette  loi. 

2°  Les  règlements  généraux  seront  faits  conformément  à 
l'article  111  de  la  loi  principale  par  le  Lord  Chancelier  avec 
l'avis  et  le  concours  du  Registrar,  d'un  juge  de  la  Division  de 
la  Chancellerie  de  la  Haute-Cour,  choisi  par  les  juges  de  ce 
tribunal  et  de  trois  autres  personnes,  dont  l'une  sera  élue  par 
le  Conseil  général  du  Barreau,  l'autre  par  le  ministère  de 
l'Agriculture,  la  troisième  par  le  Conseil  de  l'Incorporated 
Law  Society. 

3°  Leà  ordonnances  rendues  en  vertu  des  articles  112  et  122 
de  la  loi  principale  seront  faites  par  le  Lord  Chancelier  avec 
l'avis  et  le  concours  des  mêmes  personnes  et  assisté  de  la 
Trésorerie. 

4°  Les  tarifsi  relatifs  à  l'immatriculation  seront  fixés  de  ma- 
nière à  produire  un  montant  annuel  suffisant  pour  acquitter 
les  salaires  et  autres  dépenses  (y  compris  la  contribution  an- 
nuelle à  ce  fonds  d'assurance),  nécessitées  par  la  mise  en  ap- 
plication de  la  loi  principale  et  de  la  présente  loi,  mais  pas 
plus. 

5°  Sous  réserve  des  modifications  qui  peuvent  être  appor- 
tées en  vertu  des  articles  112  et  122  de  la  loi  principale  et  du 
présent  article,  lesi  frais  à  percevoir  dans  les  districts  où  l'im- 
matriculation est  obligatoire  seront  fixés  suivants  le  tarif  de  la 
Gédule  II  ci-annexée  pour  les  opérations  mentionnées  dans 
cette  cédule. 

6°  Des  dispositions  peuvent  être  faites  par  des  règlements 
généraux  en  vertu  de  l'article  111  de  la  loi  princpiale,  modifié 
par  la  présente  loi  pour  assurer  l'application  de  la  législation 
et  notamment  : 

a)  Pour  mettre  en  œuvre  les  dispositions  de  cette  loi,  rela- 
tives à  l'immatriculation  obligatoire. 

b)  Pour  adapter  à  l'immatriculation  des  leaseholds  les  dis- 
positions de  la  loi  principale,  relatives  aux  titres  absolus 
et  possessoires  et  aux  certificats  terriers. 

c)  Pour  adapter  aux  sous-hypothèques  et  aux  servitudes 
existant  avant  l'immatriculation  les  dispositions  de  la  loi  prin- 
ci])ale  relatives  aux  charges. 

d)  Pour  régler  les  conditions  des  recherches  officielles  rela- 
tives aux  oppositions,  défenses  et  autres  matières  de  même 
nature  et  pour  habiliter  le  propriétaire  inscrit  à  demander  par 


LOI  DE  1897  303 

télégraphe,  qu'il  soit  procédé  à  ces  recherches,  pour  fixer  le 
mode  dans  lequel  les  réponses  seront  retournées  par  la  même 
voie  à  lui  ou  à  telle  personne  qu'il  désignera. 

e)  Pour  habiliter  les  ayants-droit  à  faire  opposition  à  l'im- 
matriculation  à  titre  absolu  ou  qualifié  d'un  titre  qualifié  ou 
possessoire. 

{)  Pour  habiliter  les  créanciers  mortgagistes  par  nantisse- 
ment, à  aviser  le  Registrar  par  lettre  recommandée  ou  autre- 
ment du  dépôt  opéré  entre  leurs  mains  du  certificat  terrier, 
copie  certifiée  d'un  bail  enregistré  ou  certificat  de  charge. 
Les  irais  d'inscription  de  cet  avis  ne  pourront  pas  dépasser 
un  shilling. 

g)  Pour  appliquer  aux  concessions  de  baux  et  aux  transac- 
tions relatives  aux  leaseholds  les  dispositions  de  cette  loi,  rela- 
tives à  l'immatriculation  obligatoire. 

h)  Pour  permettre  l'insertion  sur  le  registre  et  les  certificats 
terriers  du  prix  payé  ou  de  la  valeur  déclarée  au  moment  de 
l'immatriculation,  des  transferts,  ou  des  transmissions. 

i)  Pour  régler  toutes  les  mesures''  qui  peuvent  être  prescrites 
en  vertu  de  cet  acte. 

7°  Toutefois,  dans  les  règlements  faits  en  vertu  de  cet  arti- 
cle, aucune  disposition  ne  pourra  avoir  pour  effet  d'autoriser 
l'inspection  du  registre  à  d'autres  personnes'  qu'à  celles  pro- 
duisant un  consentement,  pour  ce  donné  par  la  personne  inté- 
ressée à  l'immeuble  ou  à  la  charge  foncière  à  laquelle  l'ins- 
cription se  rapporte. 

8°  Des  dispositions  peuvent  être  faites  par  des  ordonnances 
générales,  en  vertu  de  l'article  118  de  la  loi  principale,  en  vue 
de  modifier  les  dispositions  de  cette  loi,  relatives  à  la  formation 
et  à  la  constitution  des  Bureaux  de  district  et  de  déterminer 
la  manière,  d'après  laquelle  les  Registrars  de  district  seront 
rémunérés.  Aucune  disposition  de  ces  ordonnances  ne  devra 
toutefois  modifier  les  règles  relativesi  à  la  qualification,  posées 
dans  l'article  119  de  la  loi  principale. 

Art.  23.  —  (Autorisation  donnée  au  Lord  Chancelier  de 
conclure  une  convention  avec  le  Conseil  du  comté  de  Yorkshire 
pour  racheter  les  bureaux  d'enregistrement  d'actes  y  existant.) 

Art.  24.  —  1°  Tous  les  biens  réels  corporels  et  incorporels 
seront  considérés  comme  immobiliers  au  sens  de  la  loi  prin- 
cipale et  de  la  présente  loi.  Toutefois,  aucune  disposition.de 
la  présente  loi  ne  saurait  rendre  obligatoire  l'immatriculation 
de  biens  incorporels,  de  mines  ou  de  minières  distinctes  de  la 
surface,  d'un  bail  d'une  durée  inférieure  à  40  ans  ou  subordon- 


804      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

née  à  moins  de  deux  vies  humaines,  de  partie  d'une  propriété 
immobilière  indivise,  d'immeubles  en  freehold  mêlés  et  indis- 
tincts d'immeubles  d'autre  espèce,  de  biens  corporels,  parcelle 
d'un  manoir  ou  compris  comme  tels  dans  la  vente  d'un  ma- 
noir. 

2°  Dans  cette  loi,  l'expression  :  représentant  personnel  si- 
gnifie :  exécuteur  testamentaire  ou  administrateur. 

Art.  25.  —  Cette  loi  entrera  en  vigueur  le  P'"  janvier  1898. 

Art.   26.  —  Cet  act  sera   appelé   le   Land   Transfer  Act 
1897  et  sera  interprété  avec  la  loi  de  1875. 


m 


Extraits  du  Règlement  général  du  18  décembre  1903 
rendu  en  exécution  des  Land  Transfer  Acts  de  1875 
et  de  1897. 


PREMIERE  PARTIE 
Le  Registre 

Article  premier.  —  (Définitions.) 

Art.  2.  —  Le  registre  comprend  trois  parties  :  le  registre 
des  propriétés,  le  registre  des  propriétaires,  le  ivjgistre  des 
charges  foncières.  S'il  s'agit  d'un  bien  corporel,  un  plan  de  la 
propriété  doit  être  déposé  au  Bureau  d'immatriculation.  Le 
titre  de  chaque  propriété  immatriculée  portera  un  numéro  dis- 
tinct. 

Art.  3.  —  Le  registre  des  propriétés  contient  la  description 
des  biens-fonds  compris  dans  le  titre  avec  référence  au  plan 
déposé  et  les  mentions  qui  peuvent  être  inscrites  relatives  à  la 
propriété  des  mines  et  minières,  à  l'exemption  des  obligations, 
droits  ou  intérêts  mentionnés  dans  l'art.  18  de  la  loi  de  1875, 
modifiée  par  la  loi  de  1897,  aux  aisances,  droits  aux  profits  à 
prendre,  conditions  et  conventions  pour  les  bénéfices  de  la 
propriété  et  autres  affaires  semblables;  et  à  la  valeur  de  la 
terre. 

Art.  4.  —  Lorsque  des  parcelles  sont  ajoutées  à  la  pro- 
priété ou  en  sont  distraites,  l'accroissement  ou  la  diminution 
seront,  autant  que  possible,  inscrites  sur  le  registre  des  pro- 
priétés et  portées  sur  le  plan  déposé. 

Art.  5.  —  S'il  s'agit  d'une  propriété  en  leasehold,  des  ren- 
seignementa  sur  le  lease  enregistré,  les  particularités  de  ce 
lease,  ainsi  que  les  exceptions  ou  réserves  y  contenues,  sui- 
vant la  volonté  du  demandeur  et  sous  l'approbation  du  Regis- 
Irar,  et  un  renvoi  au  titre  du  bailleur  (lessor),  s'il  est  imma- 
triculé, seront  inscrits  sur  le  registre  des  propriétés. 

Art.  6.  —  Le  registre  des  propriétaires  établira  la  nature 
du  titre  et  contiendra  le  nom,  l'adresse  et  signalement  du  pro- 
L.  '^0 


306      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

priélaire  et  les  oppositions,  défenses  ou  restrictions,  affectant 
ses  droits. 

Art.  7.  —  Le  registre  des  charges  contiendra  les  charges 
antérieures  à  l'enregistrement,  les  charges  et  autres  servitudes 
(y  compris  les  mentions  de  leases  et  de  propriétés  en  douaire 
ou  en  courtoisie),  et  telles  mentions  nécessaires  relatives  aux 
conventions,  conditions  et  autres  droits  grevant  la  terre  ;  il 
contiendra  aussi  toutes  les  transactions  relatives  aux  charges 
et  servitudes  enregistrées  ou  qui  peuvent  être  enregistrées. 

Art.  8.  —  Les  charges  et  autres  servitudes  peuvent,  si  le 
Registrar  le  juge  bon,  être  inscrites  sur  un  livre  séparé  et  s'il 
en  est  ainsi,  le  registre  des  charges  renverra  à  ce  livre.  Les 
transactions  postérieures  seront  immatriculées  par  inscription 
sur  le  livre  dans  lequel  la  charge  ou  servitude  a  été  enregistrée. 

Art.  9.  — •  (Dans  lesi  districts  où  l'enregistrement  du  titre  est 
obligatoire,  le  registre  sera  réuni  en  volumes,  suivant  les  pa- 
roisses.) 

Art.  10.  —  Lorsque  plusieurs  inscriptions  sur  le  registre 
ont  lieu,  aiïérentes  à  une  partie  d'une  propriété  ou  d'une 
charge,  un  plan  peut  être  fait,  montrant  les  parties  visées  ou 
grevées  par  chaque  inscription  et  le  registre  renverra  à  ce 
plan. 

Art.  12.  —  Une  Carte-Index  sera  conservée  au  Registry 
qui  montrera  la  position  et  l'étendue  de  toute  propriété  enre- 
gistrée au  moyen  d'une  teinte  de  couleur  avec  le  numéro  sous 
lequel  elle  a  été  immatriculée  pour  la  première  fois.  Une  Carte- 
Index  distincte  des  propriétés  tenues  en  leasehold  sera  faite 
ainsi  que  des  propriétés  soumises  à  des  droits  incorporels. 

Il  y  aura  aussi  un  Index  des  noms  des  propriétaires  par 
ordre  alphabétique,  donnant  les;  numéros  des  titres,  charges, 
ou  servitudes,  desquels  les  diverses  personnes  qui  y  sont  ins- 
crites sont  propriétaires.  Il  sera  tenu  à  jour  par  l'annulation 
des  noms  et  numéros  inutiles  et  par  toutes  les  additions  jour- 
nalières nécessaires. 

Art.  13.  —  Une  liste  des  demandes  d'immatriculation,  en 
instance  sera  également  tenue.  Elle  indiquera  la  paroisse  ou  le 
lieu,  le  nom  et  l'adresse  du  demandeur  et  le  numéro  de  la 
demande  dans  chaque  cas. 

Art.  14.  —  Les  Cartes-Index  et  la  liste  des  demandes  d'im- 
matriculation en  instance  (à  l'exception  de  tout  autre  livre, 
carte,  plan  ou  document),  pourront  être  consultées  par  le  pu- 
blic. L'Index  des  noms  des  propriétaires  pourra  être  consulté 
par  les  propriétaires  enregistrés  seuls.  Si  une  personne  peut 


EXTRAITS  DU  RÈGLEMENT  DE  1903  307 

cependantprouverauRegistrarqu'elleaunintérêt  général  dans 
la  propriété  d'une  personne,  par  exemple  comme  syndic,  en 
cas  de  banqueroute  ou  comme  exécuteur  testamentaire  ou  ad- 
ministrateur, elle  pourra  aussi  consulter  cet  Index. 

Art.  15  et  16.  —  (Rectification  d'erreurs  matérielles  dans  la 
tenue  des  Livres  fonciers.) 

Art.  17.  —  Le  Registrar  peut,  à  toute  époque,  après  telle 
enquête  ou  tel  avis  qu'il  jugera  bon,  et  sur  la  production  des 
pièces  exigées  par  ce  règlement,  annuler  tous  lease,  servitude, 
charge,  mention,  avis  ou  autre  inscription  qui  ont  cessé  de 
grever  la  propriété  ou  ne  s'y  rapportent  plus.  Il  peut  aussi  faire 
toutes  modifications  de  forme  dans  le  registre  qu'il  jugera  bon, 
en  ce  qui  concerne  les  changements  de  nom  ou  d'adresse  d'un 
propriétaire  immatriculé  ou  de  toute  autre  personne. 


DEUXIEME  PARTIE 
Premier  enregistrement 

titre  possessoire 

Art.  18.  —  La  demande  d'immatriculation  avec  un  titre 
possessoire  sera  faite  en  déposant  au  Registry  une  demande 
écrite,  suivant  la  r°  formule  de  la  1"  Cédule  de  ce  règlement 
accompagnée  : 

a)  Soit  d'un  acte  authentique  ou  de  tout  autre  document  con- 
férant au  demandeur  le  droit  de  requérir  l'immatriculation  de 
sa  propriété. 

b)  Soit  d'une  déclaration  réglementaire  faite  par  son  deman- 
deur ou  son  solicitor,  suivant  la  deuxième  formule  de  la 
V'  Cédule. 

La  demande  contiendra  ou  sera  accompagnée  dans  tous  les 
cas,  de  renseignements  suffisants,  d'un  plan  ou  autres  men- 
tions destinées  à  permettre  d'identifier  complètement  la  terre 
sur  la  carte  officielle  (Ordnance  Map). 

Dans  les  cas  prévus  au  paragraphe  a),  où  le  titre  de  propriété 
produit  est  un  acte  d'homologation,  des  lettres  d'administra- 
tion, une  ordonnance  de  la  Cour  ou  tout  autre  acte  d'ar- 
chives et  dans  tous  les  cas  prévus  du  paragraphe  b),  la  de- 
mande sera  accompagnée  du  dernier  titre  de  propriété  autre 
qu'un  acte  d'archives  en  la  possession  du  demandeur. 


308      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

Si  la  demande  est  faite  en  vue  de  l'immatriculation  au  nom 
d'une  personne  désignée,  ou  est  formulée  par  un  acheteur,  le 
consentement  par  écrit  de  la  personne  désignée  ou  du  vendeur, 
ou  de  son  soliciter,  sera  aussi  joint  à  la  demande. 

Art.  19.  —  Il  ne  sera  pas  nécessaire  d'établir  dans  la  de- 
mande, si  la  propriété  est  grevée  de  charges,  etc.,  et  si  elle  en 
est  grevée,  quelles  sont  ces  charges,  conditions  ou  autres  ser- 
vitudes. Cependant,  un  état  écrit  des  charges,  des  servitudes 
ou  autres  conditions  grevant  la  propriété  au  moment  de  l'im- 
matriculation peut  être  dressé  par  le  requérant,  son  solicitor 
ou  par  le  propriétaire  après  l'immatriculation.  Il  sera  conservé 
au  Bureau  d'immatriculation  et  mentionné  sur  le  registre.  Des 
états  subsidiaires  indiquant  que  ces  charges,  servitudes  ou 
autres  conditions  n'existent  plus  ou  sont  modifiées  peuvent  être 
également  déposés  au  Bureau  d'immatriculation  à  toute  épo- 
que. 

Art.  20.  —  Aucune  mention  de  ces  charges,  servitudes  ou 
conditions,  ne  sera  inscrite  sur  le  registre,  mais  on  y  mention- 
nera le  dépjôt  des  états  subsidiaires.  Des  copies  et  des  extraits 
des  documents  visés  dans  ces  états  peuvent  être  avec  l'état  lui- 
même,  déposés  au  Bureau  d'immatriculation. 

Art.  21.  — ^  Le  titre  du  demandeur  ne  sera  pas  examiné  par 
le  Registrar  et  l'immatriculation  ne  préjudiciera  à  aucune 
propriété,  droit  ou  intérêt  contraire  ou  dérogeant  au  titre  du 
propriétaire  le  premier  immatriculé,  existant  ou  capable  de 
naître  au  moment  de  l'immatriculation  de  ce  propriétaire, 
qu'une  telle  propriété,  droit  ou  intérêt  soit  ou  ne  soit  pas 
inscrite  sur  le  registre. 

Art.  22.  —  Les  demandes  faites  au  Bureau  seront  inscrites 
sur  un  registre  dans  l'ordre  où  elles  sont  déposées  et  recevront 
un  numéro  d'ordre  à  cet  effet.  Les  plans  et  inscriptions  seront 
préparés  au  Bureau  et  seront  approuvés  par  le  demandeur 
ou  son  solicitor,  à  moins  que  le  Registrar  ne  le  juge  inutile. 
L'immatriculation  sera  faite  et  aura  effet  du  jour  de  la  demande 
et  suivant  l'ordre  dans  lequel  elle  a  été  faite  au  Registry. 

Le  Land  certifîcate  sera  préparé  et  sera  soit  délivré  au  de- 
mandeur, soit  s'il  le  préfère,  déposé  au  Registry. 

Art.  23.  —  Les  projets  d'inscriptions  sur  le  Registre,  ap- 
prouvés par  le  demandeur  ou  son  solicitor,  peuvent  si  le  Re- 
gistrar le  juge  bon,  être  acceptés  aux  lieux  et  place  d'une 
demande  rédigée  suivant  la  formule  1  annexée. 

Art.  24,  25  et  26.  —  (Estampillage  des  titres  produits.) 


EXTRMIS  DU   RÈGLr.MENT  DE   1903  309 


TITRE   ABSOLU 

Art.  29.  — ■  Lorsque  le  droit  du  premier  propriétaire  imma 
triculé  est  ou  peut  être  soumis  à  une  restriction  au  point  de  vue 
de  la  vente,  le  Registrar  inscrira  cette  inscription  de  la  manière 
et  dans  la  forme  qu'il  jugera  bon. 

Art.  30.  — 'La  demande  d'immatriculation  à  titre  absolu 
sera  faite  par  le  dépôt  au  Registry  d'une  demande  écrite  rédi- 
gée suivant  la  troisième  formule  de  la  P^  Cédule.  Une  telle 
demande  établira  le  comté,  la  paroisse  ou  le  lieu  dans  lesquels 
la  terre  est  située,  le  nom  de  la  propriété  et  d'autres  rensei- 
gnements, courts,  suffisants  pour  l'identifier. 

Art.  31.  —  Si  le  demandeur  en  immatriculation  désire  sou- 
mettre la  propriété  à  certaines  condition?.,  conformément  aux 
dispositions  de  l'article  8i  de  la  loi  de  1875,  modifiée  par  la 
loi  de  1897,  de  telles  conditions  doivent  être  établies  dans  la 
demande  et  déposées  avec  elle. 

Art.  32.  —  Lorsque  la  demande  est  faite  en  vue  de  l'imma- 
triculation au  nom  d'une  personne  qui  a  été  désignée  (nominee) 
ou  est  faite  par  un  acquéreur,  le  consentement  par  écrit  de  la 
personne  présentée  ou  du  vendeur  ou  de  son  solicitor  doit  être 
déposé  avec  la  demande. 

Art.  34.  —  11  sera  déposé  également  avec  la  demande  un 
résumé  des  titres  dans  la  forme  ordinaire  ainsi  que  les  actes 
et  documents  relatifs  au  titre  que  le  demandeur  a  en  sa  posses- 
sion ou  sous  son  autorité,  y  compris  opinions  de  conseil,  es- 
traits,  contrats  et  conditions  de  vente,  réquisitions,  réponse» 
et  tous  autres  papiers  similaires  en  ce  qui  concerne  le  titre, 
ainsi  qu'une  liste  des  tenanciers  et  occupants  de  la  terre.  Tous 
autres  documents  qui  doivent  être  produits  à  l'appui  de  l'abs- 
tract  seront  aussi  déposés  avec  la  demande  ou  à  partir  de 
celle-ci,  un  délai  et  un  lieu  seront  désignés  pour  leur  produc- 
tion. Une  liste  de  tous,  les  documents  laissés  au  Registry  à 
l'appui  de  l'extrait  sera  jointe  à  ces  documents. 

Art.  35.  —  Toutes  les  recherches  et  enquêtes  considérées 
comme  nécessaires  par  le  Registrar  au  cours  de  l'examen 
du  titre  et  à  son  sujet  seront  faites  par  telle  personne  et  de  telle 
façon,  que  le  Registrar  le  déterminera. 

Art.  36.  —  Le  titre  sera  examiné  par  le  Registrar  ou  sous 
sa  direction,  selon  la  pratique  habituelle  des  transmissions, 
sauf  les  exceptions  suivantes  : 


310      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

a)  Tout  ou  partie  de  l'examen  peut  être  confié  par  le  Régis  • 
trar,  s'il  le  juge  bon,  pour  avis  à  l'un  des  examinateurs  de 
titre  nommés  par  l'art.  313  et  le  Registrar  peut  agir  d'après 
leur  avis. 

b)  1°  Lorsque  la  terre  a  été  vendue  d'après  un  ordre  d'une 
Cour  ;  2°  ou  qu'elle  a  été  enrgistrée,  à  titre  possessoire  ou 
qualifié,  pendant  les  six  années  précédant  la  demande  en  imma 
triculation  à  titre  absolu,  le  premier  propriétaire  inscrit  ayant 
été  un  acquéreur  à  titre  onéreux  à  l'occasion  d'une  vente  ; 
3°  ou  si  le  titre  a  été  complètement  examiné  pour  un  achat 
récent,  l'examen  peut  être  modifié  de  telle  manière  que  le 
Registrar  le  jugera  bon. 

Art.  37.  —  Avis  de  la  demande  sera  Inséré  au  moins  une 
fois  à  la  London  Gazette  et  sera  aussi  inséré  dans  tel  journal 
ou  journaux  locaux  ou  autres,  tel  nombre  de  fois  et  à  tels  in- 
tervalles que  le  Registrar  fixera  pour  chaque  affaire.  Il  don- 
nera le  nom  et  l'adresse  du  demandeur,  le  nom  et  une  courte 
description  de  la  terre,  le  comté,  la  paroisse  ou  le  lieu  où  elle 
est  située  et  demandera  que  les  oppositions  soient  faites  avant 
l'expiration  d*un  délai  fixé,  qui  ne  sera  pas  inférieur  à  deux 
mois  à  partir  de  l'insertion  du  dernier  avis. 

Art.  40.  —  Le  demandeur  fournira  au  Registrar  toutes  les 
explications  que  celui-ci  désirera  avoir  et  des  avis  seront 
signifiés  aux  tenanciers  occupants  ou  autres  personnes  dési- 
gnées par  le  Registrar. 

Art.  41.  —  Toute  personne  peut,  par  avis  écrit,  signé 
par  elle  ou  son  solicitor  et  déposé  au  Registry,  s'opposer  à 
l'immatriculation.  Un  tel  avis  établira  d'une  manière  concise 
les  motifs  de  l'opposition  et  donnera  l'adresse  dans  le  Royau- 
me-Uni de  l'opposant,  et  si  elle  est  faite  par  un  solicitor, 
donnera  le  nom  et  l'adresse  de  celui  sur  l'ordre  duquel  elle 
a  été  faite. 

Art.  42.  — ■  Le  Registrar,  donnera  avis  au  demandeur  do 
l'opposition  et  l'immatriculation  n'aura  pas  lieu,  tant  que 
l'opposition  n'aura  pas  été  levée.  Le  demandeur  peut  citer 
l'opposant  devant  le  Registrar  à  huitaine  franche.  Si  l'oppo- 
sant ne  se  présente  pas  au  jour  fixé,  son  opposition  sera  con- 
sidérée comme  retirée,  à  moins  que  le  Registrar  ne  permette 
qu'une  autre  convocation  ne  soit  faite.  Toute  partie  peut  être 
entendue  en  personne  ou  par  son  solicitor  ou  son  Conseil. 

Art.  43.  —  Si  une  personne  faisant  ainsi  opposition  à  l'im- 
matriculation, désire  qu'une  inscription  soit  faite  sur  le  régis- 


EXTRAITS  DU  RÈGLEMENT  DE  1903  311 

tre,  elle  procédera  comme  pour  les  demandes  faites  en  vertu 
de  l'art.  226,  à  moins  que  le  demandeur  en  immatriculation  ne 
consente  à  ce  que  cette  inscription  soit  faite. 

Art.  44.  —  Lorsque  toutes  les  réquisitions  ou  objections 
ont  été  écartées,  les  inscriptions  nécessaires  pour  le  registre 
seront  faites  par  le  Registrar,  et  approuvées  par  le  demandeur 
ou  son  solicitor.  A  l'expiration  du  délai  fixé  par  les  avis  et 
par  les  avertissements,  et  après  l'accomplissement  des  formali- 
tés requises  par  les  art.  70  et  72  de  la  loi  de  1872,  l'immatricula- 
tion sera  faite;  les  titres  de  propriété  autres  que  ceux  qui  doi- 
^vent  être,  d'après  les  règlements,  conservés  au  Land  Registry 
seront  rendus  au  demandeur. 

Art.  45.  —  Le  Land  Certifîcate  sera  préparé  et  sera,  soit 
délivré  au  demandeur,  soit,  s'il  le  préfère,  conservé  au  Land 
Registry. 

Art.  46.  —  Les  servitudes,  conditions  ou  autres  charges 
auxquelles  la  propriété  peut  être  soumise,  seront  inscrites  sur 
le  registre  conformément  au  titre  produit  et  peuvent  être  ins- 
crites, soit  directement,  soit  par  renvoi  aux  actes  par  lesquels 
elles  sont  créées,  soit  par  l'enregistrement  d'extraits  de  ces 
actes. 

Art.  47.  —  La  preuve  pour  montrer  que  les  prescriptions 
de  l'art.  70  de  la  loi  de  1875  ont  été  remplies,  sera  une  décla- 
ration statutaire,  selon  la  formule  5  de  la  1"  Cédule. 

Art.  48.  — •  Si  le  Registrar  est  d'avis  qu'un  titre  absolu  peut 
être  délivré  à  l'expiration  d'une  certaine  période  ou  à  la  suite 
d'un  événement  déterminé,  il  peut  inscrire  une  note  de  ce  fait 
et  à  l'expiration  de  cette  période  ou  sur  preuve  fournie  que 
cet  événement  s*est  produit,  s'il  le  juge  bon,  inscrire  en  consé- 
quence le  titre  comme  absolu.  Dans  l'intervalle,  le  titre  sera 
inscrit  dans  la  catégorie  à  laquelle  il  appartient  pour  le  mo- 
ment. 

TITRE   QUALIFIÉ 

Art.  49.  —  Si  au  cours  d'une  demande  pour  un  titre  absolu 
il  apparaît  au  Registrar,  d'après  un  examen  du  titre,  qu'un 
.titre  qualifié  seulement  devrait  être  inscrit  sur  le  regis- 
tre et  si  le  demandeur  averti  demande  par  écrit  l'inscrip- 
tion d'un  tel  titre  qualifié,  le  Registrar  fera  un  projet  des 
inscriptions  à  faire  sur  le  registre,  le  soumettra  à  l'approba- 
tion du  requérant  et  immatriculera  en  conséquence  le  titre 
qualifié. 


oI'J       I.'lM  !î)l)UCTIOX  DES  LIVRES   FONCIERS  EN  ANGLETERRE 
PROPRIÉTÉ   EN   LEASEHOLD 

Art.  50.  —  (Application  aux  leaseholds  des  dispositions  des 
articles  précédents,  relatifs  aux  freeholds.) 

-\rt.  51.  —  Le  lease,  dans  tous  les  cas  où  il  est  en  la  posses- 
sion ou  sous  l'autorité  du  demandeur,  et,  dans^tous  les  autres 
cas,  une  copie  ou  un  extrait  ou  la  preuve  suffisante  de  son 
contenu,  doit  être  remis  avec  la  demande. 

Art.  52.  —  La  demande  peut  être  faite  pour  l'immatricula- 
tion d'un  leasehold  avec  un  titre  absolu,  avec  un  bon  titre  de 
leasehold  ou  avec  un  titre  possessoire. 

Art.  53.  —  Lorsqu'un  titre  absolu  est  demandé,  aucune 
personne  ne  sera  immatriculée  comme  propriétaire  de  la  terre 
en  leasehold,  jusqu'à  ce  que  les  titres  du  leasehold,  du  free- 
hold  et  de  tout  leasehold  intermédiaire  aient  été  approuvés 
par  le  Registrar.  Lorsqu'un  bon  titre  de  leasehold  est  demandé, 
aucune  personne  ne  sera  immatriculée  comme  propriétaire  de 
la  terre  en  leasehold,  jusqu'à  ce  que  le  titre  du  leasehold  ait 
été  approuvé  par  le  Registrar. 

Art.  54.  —  Lorsque  le  premier  preneur  est  immatriculé 
comme  propriétaire,  il  lui  est  délivré  un  bon  titre  de  leasehold, 
pourvu  qu'il  prouve  au  Registrar  qu'il  n'a  pas,  depuis  le  con- 
trat de  bail,  cédé  des  droits  ou  grevé  son  leasehold  de  servi- 
tudes qui  ne  seraient  pas  établis  par  les  titres  de  propriété. 

Art.  55.  —  (Même  effet  de  l'immatriculation  à  titre  absolu 
que  celui  prévu  par  l'art.  13  de  la  loi  de  1875.) 

Art.  56.  —  L'immatriculation  d'une  personne  comme  pre- 
mier propriétaire  d'une  propriété  en  leasehold  avec  un  bon 
titre  de  leasehold,  ne  préjudiciera  à  la  reconnaissance  d'aucun 
droit  ou  intérêt  modifiant  le  titre  du  bailleur  ou  y  dérogeant, 
mais  sous  ces  réserves,  elle  aura  le  même  effet  que  l'immatri- 
culation à  titre  absolu. 

Art.  57.  —  L'immatriculation  d'une  personne  comme  pre- 
mier propriétaire  d'une  terre  en  leasehold  avec  un  titre  posses- 
soire ne  préjudiciera  à  la  reconnaissance  d'aucun  droitou  intérêt 
(relatif  soit  au  titre  du  bailleur,  soit  à  tout  autre),  contraire  ou 
dérogeant  au  titre  de  ce  premier  propriéaire  immatriculé  et 
existant  ou  pouvant  naître  au  moment  de  l'immatriculation 
de  ce  propriétaire;  mais  sous  ces  réser\  es,  elle  aura  le  même 
effet  que  l'immatriculation  à  titre  abolu. 

Art.  58.  —  Lorsqu'un  titre  absolu  ou  un  bon  titre  de  lease- 
hold est  demandé  et  que,  à  l'examon  du  titre,  il  apparaît  au 


EXTRAITS  Dl  RÈGLEMENT  DE  1903  313 

Registrar  que  le  titre  soit  du  bailleur,  soit  du  preneur  peut 
être  établi  seulement  pour  une  période  de  temps  limitée  ou 
sous  certaines  réserves,  le  Registrar  peut,  sur  la  requête  écrite 
de  la  personne  demandant  à  être  immatriculée,  excepter  de 
l'effet  de  l'immatriculation,  par  une  inscription  au  registre, 
tout  bien,  droit  ou  intérêt  ayant  son  origine  avant  une  date 
spécifiée  ou  en  vertu  d'un  acte  déterminé,  ou  décrit  d'une  au- 
tre façon  dans  le  Registre. 

Art.  59.  — •  L'immatriculation  d'une  personne  avec  un  titre 
qualifié,  ne  saurait  modifier  ou  préjudicier  à  la  reconnaissance 
d'aucun  droit  ou  intérêt  ainsi  excepté  sur  le  registre  ;  mais 
sauf  ces  restrictions,  ce  titre  aura  le  même  effet  que  l'imma- 
triculation avec  un  titre  absolu. 

Art.  60.  —  Application  des  dispositions  précédentes  aux 
sous-locations. 

Art.  62.  —  L'immatriculation  d'une  propriété  en  leasehold 
tenue  en  vertu  d'un  lease,  contenant  défense  de  vendre  sans 
alitorisation,  ne  peut  avoin  lieu  qu'avec  un  titre  qualifié 
et  toutes  les  propriétés,  droits,  intérêts,  pouvoirs  et  «  reme 
dies  »  ayant  leur  origine  dans  une  aliénation  sans  autorisation, 
seront  expressément  exceptés  de  l'effet  de  l'immatriculation. 

Art.  63.  — •  Lorsque  un  lease  relatif  à  une  propriété  déjà 
enregistrée  est  immatriculé  en  vertu  de  ce  règlement,  avis  de 
l'immatriculation  de  ce  lease,  doit  être  donné  au  propriétaire 
immatriculé  de  la  terre,  ou  du  lease  supérieur  en  vertu  duquel 
le  lease  est  concédé  suivant  les  cas  ;  et  si  aucune  objection 
valable  n'est  faite  dans  les  quatorze  jours  qui  suivent  cet  avis 
ou  si  le  propriétaire  déjà  inscrit  consent  par  écrit  à  l'imma- 
Iriculation,  mention  du  lease  sera  portée  sur  le  titre  du  freehold 
ou  du  leasehold  supérieur  de  la  même  manière  que  les  men- 
tions de  leases  sont  inscrites  conformément  aux  articles  50  ol 
51  de  la  loi  de  1875  et  à  ce  règlement. 

Art.  65.  —  (Application  aux  leaseholds  des  dispositions  de 
la  loi  relatives  aux  certificats  fonciers). 


Application  à  la  concession  de  leases  et  aux  transactions  de 
terres  en  leasehold  des  dispositions  de  la  loi  de  1897, en  ce  qui 
concerne  V immatriculation  obligatoire. 

'    Art;  68:  —  Une  ordoïinancé  en  Conseil,  renduer  en  vertu  de 


314      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

l'art.  20,  §  1  de  la  loi  de  1897,  en  l'absence  de  disposition  con- 
traire dans  cette  ordonnance,  étendra  ses  effets  aussi  bien  aux 
ventes  de  leaseholds  et  aux  concessions  de  leasesi  et  de  sous- 
locations  qu'aux  ventes  de  freeholds. 

Art.  69.  —  L'effet  d'une  ordonnance  ainsi  rendue  sera  qu'en 
ce  qui  concerne  la  terre,  située  dans  le  comté  ou  la  partie  du 
comté  comprise  dans  l'ordonnance,  un  transfert  par  vente 
d'une  location  ou  d'une  sous-location  ayant  au  moins  40  ans 
à  courir  ou  deux  vies  encore  à  durer  et  une  concession  de 
location  ou  de  sous-location  pour  une  durée  de  40  ans  ou 
plus,  ou  pour  deux  vies  ou  plus,  ayant  eu  lieu  après  le  jour 
indiqué  dans  l'ordonnance  et  capables  d'immatriculation,  au- 
ront l'effet  d'une  simple  convention  et  ne  transféreront  aucune 
propriété  légale  au  cessionnaire  ou  preneur,  jusqu'à  ce  qu'il 
soit  immatriculé  comme  propriétaire  de  la  location  et  de  la 
sous-location.  (Exception  à  cette  règle  en  cas  de  constitution 
d  un  settlement  par  cession  à  bail  aux  fidéicommfssaires,  le 
tenancier  à  vie  conservant  le  droit  de  retour.) 

Art.  70.  —  Les  expressions  «  transferts  par  vente  »  et  con- 
cession d'une  .location  ou  cl'une  sous-location  dans  le  présent 
règlement  auront  une  signification  correspondante  à  l'expres- 
sion transfert  par  vente  (conveyance  on  sale),  de  l'art.  20,  §  2 
de  la  loi  de  1897. 

Manoirs,  droit  de  patronage,  redevances,  dîmes  et  autres  biens 
incorporels,  mines  et  minières  séparées  de  la  surface,  caves, 
étages,  et  biens  similaires,  et  parts  indivises  de  propriétés 
foncières. 

Art.  71.  —  Les  demandes  d'immatriculation  de  ces  droits  in- 
corporels seront  faites  conformément  aux  règles  ci-dessus  pres- 
crites et  de  la  même  manière,  sauf  les  modifications  que  la 
nature  des  droits  peut  exiger  et  que  le  Registrar  peut  approu- 
ver. 


TERRES  SUBSTITUÉES 

Art.  78.  —  La  demande  d'immatriculation  d'une  terre  gre- 
vée de  substitution  peut  être  faite  par  toute  personne  capable 
d'être  immatriculée  comme  propriétaire  avec  le  consentement 
des  autres  personnes,  s'il  en  existe,  dont  le  consentement  ou  le 
concours  sont  nécessaires  à  la  vente  faite  par  cette  personne. 


EXTRAITS  DU  RÈGLEMENT  DE  1903  315 

Art.  82.  —  Le  contrat  de  substitution,  qu'il  consiste  en  un 
ou  plusieurs  documents,  ou  en  une  copie  ou  un  extrait  de  ce 
contrat,  peut  être  déposé  au  Registry  pour  y  être  conservé  et 
au  besoin  pour  s'y  référer.  Le  registre  n'y  renverra  pas,  mais 
il  sera  conservé  séparément  sous  le  numéro  du  titre  auquel  il 
a  trait. 

Art.  83  à  86.  —  (Dispositions  spéciales,  pour  l'immatricu- 
lation des  biens  possédés  par  des  corporations  charitables.} 

Opposition  à  Vinscription  d'une  propriété  sur  le  registre,  en 
vertu  de  Vart.  60  de  la  loi  de  1875. 

Art.  88.  —  Une  opposition  à  l'inscription  d'une  propriété 
sur  le  registre,  faite  en  vertu  de  l'art.  60  de  la  loi  de  1875,  sera 
rédigée  suivant  la  formule  14  de  la  F®  Cédule.  Elle  sera  signée 
par  l'opposant  ou  son  solicitor,  indiquera  l'endroit  où  avis 
des  demandes  en  immatriculation  doit  lui  être  adressé  et  sera 
accompagnée  de  détails  suffisants,  plans  ou  autres  documents, 
pour  identifier  sur  l'Ordnance  Map  la  propriété  à  laquelle  cette 
opposition  se  rapporte. 

Art.  90.  —  Le  délai  fixé  par  l'avis  donné  à  la  personne 
ayant  fait  opposition  d'après  l'art.  62  de  la  loi  de  1875,  sera 
de  quinze  jours  ou  telle  autre  période  (n'étant  pas  moindre  de 
7  jours),  que  le  Registrar  peut  fixer  dans  certains  cas.  L'avis 
sera  donné  suivant  la  formule  16  de  la  Cédule  L 

Art.  91.  —  (Possibilité  pour  un  acquéreur  de  faire  inscrire 
sur  le  registre  un  avis  tendant  à  réserver  ses  droits  à  l'imma- 
triculation. S'il  requiert  dans  la  quinzaine  son  immatricula- 
tion, celle-ci  rétroagira  au  jour  de  l'insertion  de  l'avis.) 


TROISIEME  PARTIE 
Transactions  immatriculées  relatives  à  des  terres  immatriculées 

GÉNÉRALITÉS   SUR   LES   DISPOSITIONS   IMMATRICULÉES 

1**  Forme. 

Art.  97.  —  (Se  servir  autant  que  possible  des  formules 
officielles.) 
Art.  98  à  106.  —  (Formes  à  usitcr  dans  certains  cas  parti- 


316      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

culiers.  Pouvoirsi  discrétionnaires  du  Registrar  pour  autoriser 
ou  modifier  ou  défendre  telles  ou  telles  formules.) 

2®  Passation  et  attestation  des  actes. 

Art.  107.  — •  Tout  acte  de  transfert,  charge,  échange  ou 
division  de  terre  immatriculée  ou  d'une  charge  immatriculée, 
doit  être  passé  comme  un  contrat  (deed).  Si  les  parties  le  dé- 
sirent, tout  autre  acte  requis  d'être  par  écrit,  peut  être  passé 
dans  la  même  forme. 

Art.  108.  —  Tout  acte  devant  être  passé  comme  un  contrat 
sera  attesté. 

Art.  109.  —  Tout  acte  devant,  d'après  ce  règlement,  être 
allesté,  sera  passé  en  la  présence  d'un  témoin  qui  écrira  ses 
noms,  adresse  et  qualité  dans  la  clause  d'attestation. 

3°  Immatriculation 

Art.  111  à  117.  —  (Les  demandes  en  immatriculation  pren- 
nent rang  à  partir  du  moment  où  elles  sont  déposées  au  Bureau 
d'immatriculation.) 

Art.  118.  —  A  la  suite  du  dépôt  en  vue  de  l'immatriculation 
d'un  acte  ou  d'une  requête,  avis  de  ce  fait  sera  adressé  à  la 
personne  qui  l'a  passé.  Lorsque  l'acte  est  une  cession  ou  un 
transfert  passé  par  une  personne  exerçant  un  pouvoir  de  vente 
ù  elle  conféré  dans  un  mortgage  antérieur  à  l'immatriculation 
du  bien  ou  dans  une  charge  dûment  enregistrée,  avis  de  ce  fait 
sera  également  adressé  au  propriétaire  du  bien  et  aux  proprié- 
taires de  toutes  les  charges  foncières  postérieures. 

L'avis  donnera  à  la  personne  à  laquelle  il  est  adressé,  un  dé- 
lai de  trois  jours  francs  à  partir  de  l'envoi,  pour  s'opposer 
à  l'immatriculation.  En  l'absence  d'opposition,  l'immatricula- 
tion peut  avoir  lieu  à  l'expiration  du  délai  fixé. 

Art.  119.  —  Sauf  disposition  contraire  dans  ce  règlement, 
tous  actes,  demandes  ou  autres  documents  sur  lesquels  une 
inscription  sur  le  registre  est  fondée,  seront  conservés  au  Re- 
gistry  et  n'en  seront  retirés  que  sur  un  ordre  écrit  du  Ucgis- 
trar  ou  en  vertu  d'un  arrêt  de  la  Cour. 


4°  Droit  de  timbre. 

Art.  123  à  125.  —  (Aucune  immatriculation  ne  peut  avoir 
lieu  avant  que  les  droits  à  percevoir  sur  l'acte  passé  aient  été 
payés.) 


EXTRAITS   DU   RÈGLL.MLM    DE    1UU3  oIT 

Art.  120  el  127.  —  (Emploi  de  la  formule  20  de  la  cédule  1 
pour  les  translerts  partiels.  Dans  ce  dernier  cas,  production 
u  un  plan  de  la  parcelle  distraite.) 

Art  128.  —  Ln  transfert  de  propriété  en  vue  de  la  constitu- 
tion d'un  settlement  sera  fait  par  un  acte  dans  l'une  des  formes 
22  à  27  de  la  Cédule  1  avec  l'addition  des  restrictions  ou 
défenses  à  inscrire  sur  le  registre,  suivant  les  principes  établis 
à  l'art.  80  de  ce  règlement  et  le  Registrar,  au  reçu  de  cet  acte 
enregistrera  le  cessionnaire  y  dénommé  comme  propriétaire 
et  inscrira  sur  le  registre  les  défenses  et  restrictions  conte- 
nues dans  le  transfert. 

Art.  129  à  137.  —  (Dispositions  spéciales  relatives  à  certains 
transferts.) 

Art.  138.  —  Le  transfert  d'un  leasehold  sera  fait  par  un 
acte  suivant  la  formule  35  et  on  peut  déroger,  si  on  le  désire, 
à  tout  ou  partie  des  clauses  impliquées  par  l'art.  39  de  la  loi 
de  1875  pour  un  transfert  de  leasehold,  par  l'addition  de  dispo- 
sitions convenables  à  l'acte  de  transfert  et  dans  ce  cas,  une  ins- 
cription dérogeant  aux  clauses  implicites  sera  inscrite  sur  le 
registre.  Si  l'on  désire  substituer  d'autres  clauses  aux  clauses 
implicites  de  l'art.  39,  les  additions  nécessaires  seront  faites 
au  transfert. 

Art.  14u.  — -  Le  trarisfcrl  a  litre  uuéreux  d'un  leasehold 
immatriculé  a\ec  un  titre  absolu  ou  qualifié  aura,  une  fois 
enregistré,  l'effet  prévu  par  l'art.  35  de  la  loi  de  1875  pour  le 
transfert  d'un  leasehold  immatriculé  a^ec  la  déclaration  que 
le  bailleur  avait  un  titre  absolu  à  concéder  le  lease,  en  vertu 
duquel  cette  propriété  est  détenue  :  sous  la  réserve,  lorsqu'une 
propriété,  un  droit  ou  un  intérêt  est  excepté  de  l'effet  de  l'im- 
matriculation, que  le  transfert  ne  préjudiciera  pas  à  l'existence 
d'une  telle  propriété,  d'un  tel  droit  ou  d'un  tel  intérêt  indiqué 
sur  le  registre,  comme  ayant  été  excepté. 

Art.  141.  —  Le  transfert  à  titre  onéreux  d'un  leasehold  im- 
matriculé avec  un  bon  titre  de  leasehold,  aura,  une  fois  enre- 
gistré rclïct  prévu  par  l'art.  35  de  la  loi  de  1875,  pour  le 
transfort  d'un  leasehold  immatriculé  avec  la  déclaration,  que 
le  bailleur  avait  un  titre  absolu  à  concéder  le  lease,  en  vertu 
du(iuel  cette  propriété  est  détenue  :  Toutefois,  cette  inscrip- 
tion no  préjudiciera  pas  à  la  reconnaissance  d'une  propriété 
d'un  droit  ou  d'un  intérêt  contraire  ou  dérogeant  au  titre  du 
bailleur  à  concéder  le  lease. 

Art.  142.  —  Le  transfert  à  titre  onéreux  d'un  leasehold  im- 


318      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

matricule  avec  un  titre  possessoire  aura,  une  fois  enregistré, 
le  même  effet  qu'un  transfert  à  titre  onéreux  d'une  même  terre 
immatriculée  avec  un  titre  absolu  ;  mais^  ce  transfert  ne  préju- 
diciera  pas  à  l'existence  d'un  droit  ou  d'un  intérêt  (concernant 
le  titre  du  bailleur  ou  d'une  autre  personne),  contraire  ou 
dérogeant  au  titre  du  premier  propriétaire  immatriculé  et  exis- 
tant ou  capable  d'exister  au  moment  de  l'immatriculation  de  ce 
propriétaire. 

Art.  143.  —  Les  dispositions  en  ce  qui  concerne  les  land 
certificates  de  l'art.  29  de  la  loi  de  1875,  modifié  par  l'art.  8  de 
la  loi  de  1897,  s'appliqueront  à  la  propriété  en  leasehold. 

Art.  144  à  157.  —  (Dispositions  spéciales  à  certains  trans- 
ferts.) 

CHARGES 

Art.  158.  —  Une  charge  sur  une  terre  immatriculée  sera 
consentie  suivant  la  formule  44  et  une  copie  de  la  convention 
créant  cette  charge,  sera  déposée  en  même  temps  que  l'acte 
de  transfert.    - 

Art.  159.  —  L'enregistrement  d'une  convention  de  charge 
contredisant  ou  dérogeant  aux  dispositions  desi  articles  23  à  27 
de  la  loi  de  1875  ou  à  certaines  d'entre  elles  sera  considéré 
comme  une  inscription  suffisante  pour  annuler  ou  modifier  les 
dispositions  de  ces  articlesi. 

a*.  ......  as*.  ...  .•• 

Art.  162.  —  Lorsque  partie  seulement  de  la  propriété  est 
comprise  dans  un  titre  ou  incluse  dans  une  charge,  la  partie 
ainsi  grevée  sera  (sous  réserve  de  l'art.  101  de  ce  règlement), 
identifiée  par  un  plan  qui  sera  signé  par  les  deux  parties. 

Art.  164.  —  Lorsque  le  propriétaire  d'une  charge  immatri- 
culée obtient  une  ordonnance  de  foreclosure  absolue,  l'ordon 
nance  ou  une  copie  officielle,  sera  déposée  entre  les  mains 
du  Registrar  qui  inscrira  en  conséquence  le  propriétaire  de 
cette  charge,  comme  propriétaire  de  la  terre  (sou&  réserve  des 
charges  antérieures),  pour  laquelle  le  paiement  de  l'indemnité 
de  rachat  ne  peut  plus  avoir  lieu.  Le  certificat  de  charge,  et  si 
le  Registrar  le  demande,  le  certificat  terrier  accompagneront 
la  requête. 

Art.  168.  —  Le  transfert  d'une  charge  sera  opérée  en  vertu 
d'un  acte  rédisré.  suivant  la  formule  49. 


EXTRAITS  DU  RÈGLEMENT  DE  1903  319 

Adaptation  aux  servitudes  (Encumbrances)  antérieures  à  l'im- 
matriculation et  aux  sous-mortgages  des  dispositions  de  la 
loi  de  1875,  relatives  aux  charges. 

Art.  175.  —  Lorsqu'il  apparaît  qu'une  personne  a  titre  à 
une  servitude  créée  antérieurement  à  la  première  immatricula- 
lion,  le  Registrar  devra,  sur  la  demande  ou  avec  le  consente- 
ment de  l'ayant-droit,  sur  preuve  de  son  titre  et  après  avis 
donné  au  propriétaire  immatriculé,  enregistrer  cette  personne 
comme  propriétaire  de  la  servitude  ;  mais-  lorsqu'il  y  a  plus 
d'une  servitude  de  cette  sorte,  leur  priorité  relative  ne  sera 
pas  modifiée  par  l'immatriculation  de  quelques-unes  seule- 
ment ou  par  l'ordre  dans  lequel  celles  qui  sont  immatriculées 
ont  été  inscrites  sur  le  registre. 

Art.  176.  —  Du  moment  où  l'immatriculation  du  proprié- 
taire d'une  servitude  a  eu  lieu,  tous  les  transferts  et  autres 
actes  y  relatifs  seront  inscrits  sur  le  registre  et  prendront 
(sauf  inscription  contraire  sur  le  regitre)  rang,  entre  eux, 
dans  l'ordre  dans  lequel  ils  sont  immatriculés  et  les  ser- 
vitudes cesseront  d'être  soumises  à  la  juridiction  de  tout  enre- 
gistrement local  d'actes. 

Art.  177.  —  L'emploi  des  mêmes  formes  et  procédures  sera 
usité,  en  ce  qui  concerne  les  transferts  et  autres  actes  relatifs 
aux  servitudes,  que  pour  les  charges  immatriculées-. 

Art.  178.  —  Le  propriétaire  immatriculé  d'une  charge  ou 
servitude  peut  à  toute  époque,  charger  celles-ci  du  paiement 
d'une  somme  de  la  même  manière  que  le  propriétaire  immatri- 
culé peut  charger  la  terre. 

Art.  179.  —  Une  telle  charge  sera  appelée  une  «  sub- 
charge »  et  sera  consentie,  transférée  et  radiée  dans  la  même 
forme.  Sauf  inscription  contraire  sur  le  registre,  une  «  sub 
charge  »  impliquera,  vis-à-vis  du  constituant  et  des  autres 
personnes,  sur  lesquelles  cette  charge  confère  pouvoir,  les  mê- 
mes clauses  et  conférera  les  mêmes  pouvoirs  qu'une  charge. 
Sauf  inscription  contraire  sur  le  registre  les  «  sub-charges  » 
immatriculées  sur  la  même  charge  ou  servitude  prendront 
rang  entre  elles,  suivant  l'ordre  de  leur  inscription  sur  le 
registre  et  non  suivant  l'ordre  de  leur  création. 

Art.  180.  — ■  Au  moment  de  l'immatriculation  d'une  «  sub- 
charge »,  le  certificat  de  charge  sera  produit  et  une  note  sera 
inscrite  sur  lui. 

Art.  181.  —  Des  certificats  de  servitudes  et  de  «  sub-charge  » 
seront  préparés  et  délivrés  dans  les  mêmes  formes  qu'un  cer- 


320     i.'iM  IKJDUCTION  Di.s  [.iviii^s  ru.\Gii:iis  EN  AN(.i.i;i  j:i{iu: 

lilicaL  de  charge.  On  pourra  en  user  pour  créer  une  obligalioii 
par  dépôt.  Ils  devront  être  produits  dans  les  mêmes  occasions 

TRANSMISSIONS  DE   PROPRIÉTÉS  ET  DE   CHARGES 

P  En  cas  de  mort. 

Art.  183.  —  Sur  la  production  d'un  acte  d'homologation 
du  testament  ou  des  lettres  d'administration  des  biens  d'un 
propriétaire  immatriculé  (seul  ou  seul  survivant)  d'une  terre 
ou  d'une  charge,  mourant  après  1897;  le  représentant  person- 
nel nommé  dans  cet  acte  ou  ces  lettres  sera  immatriculé 
comme  propriétaire  aux  lieux  et  place  du  propriétaire  décédé 
avec  la  mention  :  Exécuteur  testamentaire  ou  administrateur 

de   décédé  et  si  une  exécutrice  ou  administratrice   est 

une  femme  mariée,  ce  fait  sera  noté. 

AiiT.  185.  —  Sur  production  :  P  de  l'acte  d'homologation 
ou  des  lettres  d'administration  avec  le  testament  annexé  et 
d'un  acte  d'assentiment  ou  d'emploi  dans  l'une  des  formules 
51  et  52  ou  2°  d'un  transfert  par  le  représentant  personnel  et 
de  l'acte  d'homologation  ou  des  lettres  d'administration,  l'hé- 
ritier ou  légataire  nommé  dans  le  consentement  ou  l'emploi 
ou  l'acquéreur  nommé  dans  le  transfert,  sera  enregistré  comme 
propriétaire  de  la  terre  ou  de  la  charge  à  la  place  du  de  cuius. 

2^  En  cas  de  banqaei  ouïe  ou  de  liquidation. 

Art.  193.  —  Sur  production  d'une  copie  officielle  d'une  or- 
donnance de  la  Cour  ayant  la  juridiction  des  faillites,  décla- 
rant un  propriétaire  failli  ou  décidant  que  les  biens  d'un  pro- 
priétaire décédé  seront  administrés  conformément  à  l'art.  125 
de  la  loi  de  1883  sur  la  banqueroute,  ainsi  que  d'un  certificat 
signé  par  le  receveur  officiel  établissant  qu'une  propriété  ou 
charge  immatriculée  fait  partie  des  biens  du  failli  ou  du  pro- 
priétaire décédé  et  peut  être  répartie  entre  ses  créanciers,  le 
receveur  officiel  peut  être  immatriculé  comme  propriétaire  à 
la  place  du  failli  ou  du  de  cuius. 

Art.  194.  —  Lorsque  le  receveur  officiel  a  été  immatriculé 
comme  propriétaire  et  qu'une  autre  personne  est  ensuite  dési- 
gnée comme  syndic  (fîdéicommissaire),  elle  peut  être  imma- 
triculée comme  propriétaire  à  la  place  du  receveur  officiel  sur 
production  d'une  copie  officielle  du  certificat  délivré  par  le 
lionid  of  Trade  de  sa  nomination  de  Svndic. 


EXTRAITS  1)1  HÊGLLME-NT  DE  lUO')  321 

Art.  195.  —  Si  le  receveur  officiel  n'a  pas  été  iiiimatiiculé 
comme  propriétaire,  le  syndic  peut  être  immatriculé  comme 
propriétaire  sur  la  production  des  copies  officielles  de 
l'ordre  déclarant  le  propriétaire  failli,  du  certificat  de  sa 
désignation  comme  syndic  et  d'un  certificat  signé  par  le  syndic 
établissant  que  la  terre  ou  la  charge  fait  partie  des  biens  du 
failli  à  répartir  entre  ses  créanciers. 

Art.  196.  —  Lorsque  le  receveur  officiel  ou  le  syndic  est 
immatriculé  comme  propriétaire,  les  mots  «  receveur  officiel  ou 
syndic  de  la  propriété  de  A.  B.  failli  »  seront  ajoutés  sur  le 
registre. 

Art.  199.  —  Lorsque  le  receveur  officiel  ou  un  syndic  a  été 
immatriculé  comme  propriétaire  et  que  par  suite  d'un  acte, 
d'une  omission  ou  d'un  ordre,  il  a  été  dépouillé  de  la  propriété 
ou  de  l'intérêt  qu'il  a  dans  la  propriété,  il  peut  donner  avis  au 
Registrar  suivant  la  formule  53,  lequel  avis  sera  inscrit  sur  le 
registre  en  même  temps  qu'une  défense  générale  contre  toute 
transaction  jusqu'à  nouvel  ordre.  Par  le  fait  de  cette  inscrip- 
tion, le  receveur  officiel  ou  le  syndic  sera  dégagé  de  toutes  les 
responsabilités!  qu'il  aurait  pu  encourir,  à  raison  de  son  ins- 
cription sur  le  registre  comme  propriétaire.  Lorsqu'un  tel  avis 
a  été  inscrit  sur  le  registre,  aucune  inscription  ne  peut  être 
faite  d'après  l'art.  151,  sans  avis  au  propriétaire  immatriculé 
ou  sans  enquête  relative  à  l'exécution  par  lui  d'un  transfert. 

QUATRIEiME  PARTIE 

Inscriptions  diverses  sur  le  regisire.  —  Mentions  de  leases  ou 

de  conventions. 

Art.  200.  —  La  demande  en  inscription  de  mention  d'un 
bail  ou  d'une  promesse  de  bail,  en  vertu  des  art.  50  et  51  de  la 
loi  de  1875,  peut  être  faite  par  le  preneur,  par  toute- personne 
intéressée  ou  par  le  propriétaire  de  l'immeuble  grevé  par  le 
lease.  Cette  demande  sera  accompagnée  du  lease  ou  de  la  pro- 
messfc,  ou  d'un  extrait  de  l'acte  et  d'une  copie  du  plan.  Le 
consentement  par  écrit  du  propriétaire  immatriculé  de  l'im- 
meuble grevé  par  le  lease  dont  mention  doit  être  inscrite, 
ou  une  ordonnance  de  la  Cour  autorisant  l'inscription  de  cette 
mention,  seront  déposés  au  Registry,  à  moins  que  le  proprié- 
taire lui-même  ne  requière  cette  inscription.  Le  consentement 
peut  être  antérieur  ou  postérieur  à  la  passation  de  l'acte. 


L. 


21 


322      l'introduction  des  livres   fonciers  en  ANGLETERRE 

Art.  202.  —  La  mention  inscrite  sur  le  registre  se  référera 
à  la  copie  annexée  du  lease  ou  de  la  convention,  en  indiquera 
la  durée  et  contiendra  toutes  les  indications  sommaires  qui 
peuvent  être  portées.  Lorsque  le  lease  ou  la  convention  con- 
fère un  droit  de  préemption,  il  sera  noté  sur  le  registre.  Le 
lease  ou  la  convention  sera  marquée  d'une  mention  de  la  date 
d'inscription,  puis  retournée  au  demandeur. 

mentions  DE  BIENS  EN  DOUAIRE  OU  EN  COURTOISIE 

Art.  207.  —  La  demande  faite  conformément  à  l'article  52 
de  la  loi  de  1875  en  vue  d'inscrire  la  mention  d'un  droit  de 
douaire  ou  de  courtoisie  grevant  une  propriété  immatriculée 
sera  faite  suivant  la  formule  54.  Elle  indiquera,  d'une  ma- 
nière concise,  les  droits  des  diverses  personnes  intéressées  à 
la  propriété  de  l'immeuble  visé  dans'  la  demande.  Les  litres 
à  l'appui  de  la  demande  seront  déposés  avec  elle  et  l'affaire 
sera  instruite  suivant  les  indications  du  Registrar.  Mention 
d'un  droit  de  douaire  ou  de  courtoisie  sera  portée  sur  le  re- 
gistre des  charges,  comme  s'il  s'agissait  d'une  servitude. 

Art.  208  à  2n.  —  (Mentions  relatives  aux  droits  de  suc- 
cession.) 

Art.  212.  —  (Exemption  de  l'impôt  foncier  des  dîmes  et 
autres  redevances  pécuniaires  les  remplaçant.) 

Art.  213  et  214.  —  (Dispositions  relatives  aux  mines  et 
minières  détenues  par  le  propriétaire  de  la  superficie  et  à  la 
vente  par  celui-ci  des  mines  et  minières.) 

Art.  215.  —  (Mention  de  l'existence  d'autres  obligations, 
droits  et  intérêts  désignés  dans  l'art.  18  de  la  loi  de  1875,  mo- 
difiée par  la  loi  de  1897.) 

DÉCHARGE  DES  SERVITUDES  INSCRITES  LORS  DE  LA  PREMIÈRE  IMMA- 
TRICULATION 

Art.  216.  — •  Lorsqu'au  moment  de  la  première  immatricula- 
tion d'une  propriété,  mention  d'une  servitude  la  grevant  a  été 
inscrite  sur  le  registre  et  que  la  cessation  de  cette  servitude  est 
requise  en  vertu  de  l'art.  19  de  la  loi  de  1875;  le  demandeur  de- 
vra, s'il  n'y  a  eu  aucune  transaction  ou  transmission  de  cette 
servitude,  produire  soit  l'acte  constitutif,  accompagné  d'une 
décharge  ou  d'un  reçu  écrit  sur  l'acte  même  et  signé  de 
l'ayant-droit  ou  une  décharge  rédigée  dans  la  forme  prévue 
par  le  R-èglemenl.  S'il  y  a  eu  une  transaction  ou  lransmission,y 


EXTRAITS  DU  RÈGLEMENT  DE   1903  [VS-\ 

le  demandeur  produira  au  Registry,  un  extrait  prouvant  son 
droit  à  introduire  cette  demande.  Sur  production  de  ce  docu- 
ment ou  de  cette  preuve,  le  Régistrar  peut  mentionner  sur  le 
registre  la  cessation  de  cette  servitude,  soit  par  annulation  de 
l'inscription  originale,  soit  en  notant  le  fait  de  sa  cessation. 

Art.  217.  —  Lorsqu'une  personne  a  été  immatriculée  comme 
propriétaire  d'une  servitude  visée  dans  l'article  précédent,men- 
tion  de  sa  cessation  peut  être  portée  sur  ie  registre  sur  pro- 
duction d'une  décharge  faite  par  le  propriéiaire  immatriculé. 

Art.  218  à  222.  —  (Mention  de  l'expiration  des  baux.) 

CONDITIONS  RESTRICTIVES 

Art.  223.  —  Une  demande  faite  à  tout  autre  moment  que 
lors  du  premier  enregistrement  ou  d'un  transfert,  en  vue  d'ins- 
crire des  conditions  restrictives  en  vertu  de  l'art.  84  de  la  loi 
de  1875,  modifiée  par  celle  de  1897,  établira  les  conditions  à 
immatriculer.  Elle  sera  signée  du  demandeur,  et  s'il  n'est  pas 
le  propriétaire  immatriculé  de  la  terre,  par  ce  propriétaire 
également.  Les  signatures  seront  certifiées.  Une  copie  des 
conditions  ou  des  actes  les  contenant,  sera  délivrée  au  Regis- 
try. 

Art.  224  et  225.  —  (Inscriptions  interdisant  au  dernier  pro- 
priétaire survivant,  de  disposer  de  son  immeuble.) 

Oppositions  (à  V exception  des  oppositions  à  l'inscription  d'un 
immeuble  sur  le  registre),  délenses  et  restrictions. 

Art.  226.  —  L'opposition  à  toute  transaction  avec  une  pro- 
priété ou  une  charge  immatriculée,  faite  conformément  à  l'arti- 
cle 53  de  la  loi  de  1875,  sera  rédigée  suivant  la  formule  58. L'op- 
position à  l'immatriculation  d'un  titre  possessoire,  qualifié  ou 
d'un  bon  titre  de  leasehold,  comme  bon  titre  de  leasehold,  ou 
comme  titre  qualifié  ou  absolu,  sera  rédigée  suivant  la  for- 
mule 59.  L'opposition  sera  signée  par  l'opposant  ou  son  soli- 
citer et  indiquera  le  lieu  où  devront  être  envoyés  les  avis.  La 
déclaration  à  l'appui  de  l'opposition,  sera  rédigée  suivant  la 
formule  15;  elle  contiendra  une  référence  à  la  propriété  ou  à  la 
charge  à  laquelle  elle  s'applique  et  au  numéro  d'ordre  du  titre. 
Elle  établira  aussi  la  nature  de  l'intérêt  que  l'opposant  a  sur 
cette  terre  ou  cette  charge. 

Art.  227.  —  Il  n'est  pas  nécessaire  que  la  propriété  à  la- 
quelle une  opposition  s'applique,  soit  décrite  d'une  manière 
particulière,  pourvu  que  des  indications  suffisantes  soient  don- 


324      l'introduction  des  livres   fonciers  en   ANGLETERRE 

nées  par  le  plan  ou  autrement,  pour  permettre  d'identifier 
sur  rOrdnance  Map  cette  propriété. 

Art.  229.  —  Lorsqu'un  acte  sera  déposé  en  vue  d'être  enre- 
gistré et  que  le  consentement  de  l'opposant  ne  sera  pas  joint, 
avis  lui  sera  donné. 

La  période  à  fixer  par  l'axis  à  envoyer  à  l'opposant,  sera 
de  14  jours  ou  de  toute  autre  période  (non  moindre  de  7  jours), 
que  le  Registrar,  suivant  les  circonstances  spéciales,  peut  dé- 
terminer. L'avis  sera  rédigé  suivant  la  formule  55. 

Art.  230  et  23L  —  (Durant  celte  période,  l'opposant  doit 
faire  valoir  ses  moyens  d'opposition.)Le  Registrar  décide, après 
instruction,  si  l'inscription  doit  avoir  lieu. 

Art  232.  —  Lorsque  l'avis  nécessité  par  l'opposition  a  été  si- 
gnifié, que  cet  a^•is  avait  pour  objet  tout  l'immeuble  visé  dans 
1  opposition  et  que  la  période  fixée  est  expirée,  l'opposition  sera 
considérée,  sauf  décision  contraire  du  Registrar,  comme  péri- 
mée et  sera  annulée. 

Art.  234.  —  Une  demande  en  vue  d'inscrire  une  défense  faite 
en  vertu  de  l'art.  57  de  la  loi  de  1875  ,sera  accompagnée,  soit 
du  consentement  écrit  du  propriétaire  immatriculé,  soit  d'une 
déclaration  statutaire  du  demandeur,  et  de  toute  autre  preuve 
(s'il  en  existe),  que  la  Cour  ou  le  Registrar,  suivant  les  cas, 
peut  juger  nécessaire. 

Art.  235.  —  En  l'absence  du  consentement  du  propriétaire 
immatriculé,  avis  lui  sera  donné  de  la  demande  et  s'il  est 
nécessaire,  une  citation  lui  sera  adressée. 

Art.  240.  —  Lue  demande  en  \ue  d'inscrire  une  restriction 
au  droit  de  transférer  ou  grever  une  propriété  ou  une  charge 
conformément  à  l'art.  58  de  la  loi  de  1875,  modifiée  par  la  loi 
de  1897,  sera  faite  suivant  la  formule  64  et  établira  les  termes 
de  la  restriction,  dont  l'inscription  sur  le  registre  est  requise. 
Il  sera  procédé  comme  le  Registrar  le  décidera.  Une  demande 
faite  en  vertu  de  l'art.  59  de  la  loi  de  1875,  en  vue  de  supprimer 
ou  de  modifier  une  restriction,  sera  faite  suivant  la  formule 
65  et  sera  signée  de  toutes  les  personnes  ou  par  leurs  solici- 
tors,  paraissant  à  ce  moment  être  intéressés  à  la  restriction 
d'après  le  registre. 


EXTRAITS  DU  RÈGLEMENT  DE  1903  WS) 

MENTION  DE  DEPOT  d'uN  CERTIFICAT 

Art.  243.  —  Toute  personne  à  laquelle  un  certificat  terrier 
ou  un  certificat  de  charge  est  donné  en  dépôt  comme  sûreté 
d'une  .'somme 'd'argent  peut,  par  lettre  recommandée  ou  par 
tout  autre  écrit,  donner  avis  au  Registrar  de  ce  dépôt,  de  son 
nom  et  de  son  adresse.  Elle  décrira  (par  indication  du  comté, 
de  la  paroisse  ou  du  lieu  et  du  numéro  du  titre),  la  propriété 
à  laquelle  le  certificat  a  trait.  Au  reçu  de  cet  avis,  le  Registrar 
l'inscrira,  sur  le  registre  des  charges  et  en  accusera  récep- 
tion. L'inscription  sur  le  registre  de  cet  avis  aura  l'effet  d'une 
opposition  faite  en  vertu  de  l'art.  53  de  la  loi  de  1875. 

Art.  244  à  248.  —  (Le  mortgage  par  dépôt  peut  avoir  lieu 
pendant  qu'il  est  procédé  aux  formalités  de  l'immatriculation.) 

Art.  249.  —  (Tant  que  la  mention  d'un  dépôt  est  inscrite  sur 
le  registre,  aucun  nouveau  certificat  ne  sera  délivré  en  vertu 
de  l'art.  8  (3  et  4)  de  la  loi  de  1897,  sans  avis  préalable  à  la 
personne  qui  a  donné  avis  de  dépôt.) 

Art.  250.  —  La  mention  de  dépôt  peut  être  annulée  sur  re- 
quête écrite  et  signée  de  la  personne  qui  a  donné  cet  avis  bu  de 
son  ayant-droit,  ou  lorsque  cette  personne  donne  son  consen- 
tement écrit,  sur  la  requête  du  propriétaire  immatriculé,  qui 
doit  être  accompagnée  dans  tous  les  cas  du  Land  certificate  ou 
du  certificat  de  charge. 

Art.  251.  - —  L'obligation  créée  par  le  dépôt  du  certificat 
ou  par  l'avis  donné  au  Registrar  en  vertu  de  l'art.  244,  sera 
soumise  à  tous  les  droits  ou  intérêts  non  enregistrés  protégés 
par  une  opposition  ou  toute  autre  inscription  portée  sur  le 
registre  au  moment  de  la  création  de  l'obligation.  Lorsque  le 
titre  est  qualifié,  possessoire  ou  est  un  bon  titre  de  leasehold, 
l'obligation  sera  également  soumise  à  tous  les  droits  ou  inté- 
rêts, exceptés  des  effets  de  l'immatriculation. 

Inscription  de  la  valeur  de  la  propriété  sur  le  registre 

Art.  252.  — •  Lors  de  l'immatriculation  de  la  terre  et  à  tout 
changement  subséquent  de  propriétaire,  le  Registrar  inscrira 
toutes  îes  fois  qu'il  sera  possible  sur  le  registre  et  le  Land  cer- 
tificate le  prix  payé  ou  la  valeur  déclarée.  Le  montant  original 
de  chaque  charge  sera  aussi  inscrit  sur  le  registre. 


326      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 

CINQUIEME  PARTIE 
Dispositions  diverses. 

CERTIFICATS 

Art.  258.  — -  Le  Land  certificate  sera  rédigé  suivant  la  for- 
mule 66  et  scellé  du  sceau  du  Land  Registry.  Il  sera  divisé 
d'une  manière  correspondante  aux  divisions  du  registre  de 
façon  à  laisser  de  la  place  pour  l'addition  d'inscriptions  sub- 
séquentes sur  le  registre.  A  cet  effet,  des  pages  nouvelles  peu- 
vent être  ajoutées  au  certificat  de  temps  en  temps,  suivant  les 
nécessités. 

Art.  259.  —  Le  certificat  de  charge  certifiera  l'immatricu- 
lation de  la  charge  et  contiendra  : 

1°  Une  copie  officielle  et  l'acte  de  charge  ; 

2°  Une  description  (si  elle  n'est  pas  contenue  dans  l'acte 
précédent)  de  la  propriété  grevée  ; 

3°  Les  noms  et  adresses  du  propriétaire  immatricule  de  la 
charge  ; 

4°  Une  liste  de  tous  les  créanciers  antérieurement  inscrits. 

Le  Registrar  ajoutera  à  ces  renseignements  tous  ceux  qu'il 
jugera  utile.  Le  certificat  sera  scellé  du  sceau  du  Land  Regis- 
try ;  mention  des  actes  postérieurs  affectant  la  charge,  sera  de 
temps  à  autre,  portée  sur  le  certificat. 

Art.  262.  —  Toutes  les  fois  qu'un  certificat  est  délivré  par 
le  Registry,  un  reçu  devra  être  d'abord  signé  par  la  partie 
prenante.  Toutes  les  fois  qu'un  certificat  est  déposé  au  Land 
Registry  ou  délivré  par  lui,  une  mention  à  cet  effet  sera  ins- 
crite sur  le  registre  des  propriétaires. 

Cartes  et  descriptions  verbales  de  la  propriété. 

Art.  269.  —  L'Ordnance  iVlap  à  la  plus  large  échelle  qui 
existe,  sera  la  base  des  descriptions  immatriculées  de  la  terre. 

Art.  270.  —  Les  limites  de  la  propriété  seront  indiquées  par 
un  liseré  de  couleur  rouge.  Des  agrandissements  et  des  notes 
explicatives  peuvent  aussi  être  faites,  si  on  le  juge  utile. 

Art.  272.  —  Si  on  désire  indiquer  sur  le  plan  annexé  ou 
définir  autrement  sur  le  registre,  la  position  précise  des  limites 


EXTRAITS  DU  RÈGLEMENT  DE  1903  327 

de  la  propriété  ou  de  certaines  de  ses  parties,  avis  sera  donné 
aux  propriétaires  et  occupants  voisins,  dans  chaque  cas,  de 
l'intention  de  déterminer  et  de  fixer  la  limite  par  le  plan,  le 
tracé  ou  l'extrait  des  descriptions  verbales  de  la  terre,  suivant 
qu'il  est  nécessaire  pour  montrer  clairement  la  limite  fixée 
que  l'on  se  propose  d'immatriculer.  En  cas  de  doute  ou  de 
contestation  résultant  de  cet  examen,  la  question  litigieuse 
sera  résolue  comme  il  est  prévu  par  ce  règlement. 

Art.  273.  —  Lorsque  la  position  et  description  des  limites 
de  la  propriété  ont  été  ainsi  rendues  certaines  et  déterminées, 
Jes  mentions  nécessaires  seront  ajoutées  au  plan  annexé,  qui 
sera  alors  répufé  définir  exactement  les  limites  fixées  et  une 
mention  à  cet  effet,  sera  faite  sur  le  registre  des  propriétés. 

Art.  274.  —  Sauf  dans  les  cas  où  la  limite  de  la  propriété 
a  été  ainsi  déterminée,  la  carte  sera  réputée  indiquer  seule- 
ment les  limites  générales.  Dans  ce  cas,  la  ligne  exacte  de  la 
limite  sera  laissée  indéterminée  (par  exemple,  si  elle  est  au 
centre  d'un  mur  ou  d'une  haie,  ou  à  sa  face  interne  ou  externe 
ou  à  quelle  distance  en  deçà  ou  au  delà  de  celle-ci,  ou  si  la 
terre  immatriculée  s'étend  ou  non  jusqu'au  milieu  d'une  rivière 
ou  d*une  route).  Lorsqu'on  désire  inscrire  seulement  une  limite 
générale  sur  le  registre,  il  n'est  pas)  nécessaire  d'aviser  les 
propriétaires  ou  occupants  voisins. 

Art.  275.  —  Lorsque,  et  autant  qu'il  n'existe  pas  de  limites 
physiques  ou  de  bornes,  les  détails  les  plus  complets  possibles 
des  limites  seront  ajoutés  au  plan. 

Art.  276.  —  Un  plan  ne  sera  pas  accepté  pour  l'immatricu- 
lation, s'il  n'a  pas  été  approuvé  par  un  fonctionnaire  du  Regis- 
try  ou  par  telle  autre  personne  que  le  Registrar  autorisera  à 
cet  effet. 

Art.  277.  —  Lorsque  le  plan  nécessaire  ne  peut  être  établi 
sans  une  révision  de  l'Ordnance  Map,  les  fonctionnaires  du 
Registry  feront,  si  le  requérant  le  demande,  la  révision  néces 
saire.  Dans  les  districts  où  l'immatriculation  est  obligatoire, 
cette  révision  sera  faite  sans  frais. 

Art.  278.  —  Lorsque  le  requérant  désire  inscrire  des  indica- 
tions et  descriptions  verbales  de  la  propriété  sur  le  registre, 
elles  seront  soumises  à  l'approbation  du  Registrar.  Ces  indi- 
cations contiendront  un  renvoi  au  plan  annexé  et  seront  com- 
parées avec  lui  par  un  fonctionnaire  du  Registry. 


328      l/lMRODLCTION   DF.S   LIVRES   FONCIERS  EN  ANGLETERRE 
RECHERCHES  OFFICIELLES  SUR  LA  CARTE-INDEX 

A  HT.  281.  —  Le  renouvellement,  la  révision  ou  la  correction 
de  plans  ou  descriptions  verbales  de  la  propriété  peuvent  être 
faites  à  toute  époque  sur  la  demande  écrite  du  propriétaire 
immatriculé,  sur  la  production  de  telle  preuve  et  l'envoi  de 
tels  avis  c|ue  le  Registrar  jugera  nécessaires. 

Art.  282.  —  Lorsqu'il  y  a  conflit  entre  le  plan  et  les  descrip- 
tions verbales,  le  plan  sera  préféré,  à  moins  que  le  Registrar 
n'en  décide  autrement. 

Art.  283.  —  Toute  personne  peut  demander  par  écrit  au 
Registrar,  de  faire  une  recherche  officielle  ser  la  Carte-Index 
et  de  lui  délivrer  un  certificat  constatant  le  résultat.  La  de- 
mande décrira  l'immeuble  qu'elle  vise  au  moyen  d'une  copie 
ou  d'un  extrait  de  la  Carte  officielle  à  la  plus  ii^rande  échelle. 
Le  Registrar  procédera  à  la  recherche,  au  reçu  de  la  demande 
et  délivrera  un  certificat.  Le  certificat  établira  si  la  terre  est 
immatriculée  ou  ne  l'est  pas,  si  elle  est  immatriculée  comme 
îreehold  ou  comme  leasehold,  et  s'il  s'agit  d'un  leasehold,  il 
indiquera  la  date  du  contrat  de  bail  et  les  personnes  qui  y  ont 
été  parties. 

EXAMEN,  RECHERCHES  ET  COPIES  DU  REGISTRE 

Art.  284.  —  Toute  inscription  du  registre  et  tout  document 
conservé  au  Registry  et  mentionné  sur  le  registre,  peuvent  être 
consultés  par  le  propriétaire  de  l'immeuble  et  celui  d'une 
charge  ou  d'une  servitude  le  grevant,  ou  avec  leur  autorisation. 

Art.  285.  —  Le  registre  des  propriétés  et  le  plan  annexé  au 
titre,  peuvent  être  consultés  par  toute  personne  intéressée  à 
la  propriété  ou  à  une  propriété  voisine  ou  à  une  charge  ou  ser- 
vitude la  grevant.  Les  autres  inscriptions  du  registre,  les  do- 
cuments qui  y  sont  visés,  et  la  déclaration  statutaire  faite  à 
l'appui  d'une  opposition,  peuvent  être  consultés  par  toute 
personne  intéressée,  après  avis  donné  trois  joursi  à  l'avance  au 
propriétaire  ou  sur  preuve  fournie  au  Registrar  que  par  suite 
de  la  mort  du  propriétaire  immatriculé,  ou  pour  toute  autre 
raison,  il  ne  peut  obtenir  l'autorisation  requise  et  qu'il  a  besoin 
de  consulter  ces  divers  documents. 

Art.  286.  —  Le  propriétaire  enregistré  d'un  immeuble, 
d'une  charge  ou  d'une  servitude  peut,  par  un  écrit  rédigé  sui- 
vant la  formule  67,  autoriser  à  demander  au  Registrai'  de  con- 
sulter les  inscriptions  existant  au  registre  à  la  date  de  l'autori- 


EXTRAITS  Dl  RÈGLEMENT  DE  1903  329 

sation  ou  antérieurement  à  cette  date.  Une  copie  de  cette  auto^ 
risation  peut  être  déposée  au  Registry.  Le  Registrar  devra  four- 
nir à  la  personne  en  possession  de  cette  autorisation,  des  ren 
seignements  suffisants  sur  l'état  du  registre,  à  la  date  mention- 
née dans  l'autorisation. 

Art.  287.  —  Sauf  les  cas  où  il  en  est  autrement  disposé, 
l'examen  des  livres  et  documents  sera  discrétionnairement 
accordé  ou  refusé  par  le  Registrar. 

Art.  289.  —  Toute  personne  autorisée  à  consulter  les  ins- 
criptions du  registre  relatives  à  un  titre,  à  une  charge  ou  à  une 
servitude,  peut  demander  au  Registrar,  par  écrit,  sous  sa  si- 
gnature ou  celle  de  son  solicitor,  de  faire  une  recherche  offi- 
cielle (en  décrivant  la  nature  de  la  recherche  qu'il  demande), 
relative  à  ce  titre,  cette  charge  ou  cette  servitude  et  de  délivrer 
un  certificat  de  son  résultat.  Le  Registrar,  au  vu  de  cette  de- 
mande, fera  la  recherche  et  délivrera  le  certificat.  Ce  certificat 
sera  rédigé  suivant  la  formule  68. 

Art.  290.  —  Tout  propriétaire  immatriculé  peut  demander 
au  Registrar  par  télégraphe,  de  rechercher  si  une  caution, 
restriction,  défense  ou  mention  a  été  inscrite  contre  un  titre, 
une  charge  ou  une  servitude  spécifiée  depuis  une  date  déter- 
minée, qui  ne  peut  être  antérieure  à  celle  de  la  délivrance  du 
Land  certificate  ou  du  certificat  de  charge  au  propriétaire. 

Art.  291.  —  Au  reçu  de  cette  demande,  la  recherche  sera 
faite  et  le  résultat  «  oui  »  ou  «  non  »,  sera  télégraphié  à  la 
personne  nommée  à  cet  effet  dans  la  demande,  répétant  le  titre, 
la  paroiss-e  ou  le  lieu,  la  date  à  laquelle  la  recherche  a  com- 
mencée et  au  cas  d'une  charge  ou  d'une  servitude,  la  descrip- 
tion de  celle-ci. 

Art.  292.  —  Lorsqu'une  personne  ou  un  solicitor  obtient 
un  certificat  officiel  du  résultat  d'une  recherche,  il  ne  sera  pas 
responsable  d'une  perte  qui  peut  provenir  d'une  erreur  y  con- 
tenue. Lorsque  le  certificat  est  obtenu  par  un  solicitor  agissant 
au  nom  de  fidéicommissaires,  exécuteurs  testamentaires»  ou 
autre  personne  dans  une  position  de  fidéicommis.  ces  person- 
nes aussi  ne  seront  pas  responsables. 

Art.  293.  —  La  copie  officielle  d'une  inscription  sur  le  re- 
Qfistre  ou  d'un  document  déposé  au  Registry,  sera  délivrée  à 
toute  personne  ayant  qualité  pour  examiner  cette  inscription 
ou  ce  document,  sur  demande  écrite  signée  par  elle  ou  par  son 
solicitor. 


330      l'introduction  des  livres  fonciers  en  ANGLETERRE 
APPELS  ET  DEMANDES  A  LA  COUR 

Art.  296.  —  Dans  toutes  les  affaires  de  pure  forme  la  déci- 
sion du  Registrar  sera  définitive,  à  moins  que  le  Registrar  ou 
la  Cour  n'autorise  l'appel. 

Art.  297.  —  Dans  tous  les  autres  cas,  les  questions  s'élevant 
devant  le  Registrar  au  sujet  des  demandes  d'immatriculation 
d'un  titre  de  propriété,  d'une  servitude  ou  d'une  charge  ou  au 
sujet  de  toute  transaction  relative  à  un  titre  de  propriété,  à  une 
servitude  ou  à  une  charge  immatriculée,  ou  au  sujet  de  toute 
affaire  inscrite,  mentionnée  ou  omise  sur  le  registre,  ou  au  su 
jet  de  toute  modification  ou  retrait  du  registre  d'un  certificat 
ou  autre  document  ou  au  sujet  d'une  demande  en  indemnité  née 
de  questions  relatives  soit  à  la  validité,  à  l'interprétation  ou  à 
l'effet  d'un  acte,  soit  aux  personnes  intéressées,  soit  à  la  nature 
ou  à  l'étendue  de  leurs  intérêts  ou  pouvoirs  respectifs,  soit  à 
l'ordre  de  priorité  ou  au  mode  dans  lequel  une  inscription  de- 
vrait être  faite  ou  traitée  sur  le  registre,  soit  autrement,  seront 
solutionnées  par  le  Registrar,  sauf  appel  à  la  Cour.  Mais  le 
Registrar  peut,  s'il  le  juge  bon,  au  lieu  de  prendre  lui-même 
une  décision,  s'en  référer  à  la  Cour  pour  cette  décision. 

Art.  298.  • —  Sous  réserves  des  dispositions  des  deux  articles 
précédents,  toute  personne  lésée  par  un  ordre  ou  une  décision 
du  Registrar,  peut  en  appeler  à  la  Cour. 

Art.  299.  —  Tous  les  pouvoirs  et  devoirs  de  juridiction  que 
les  lois  ou  ces  règlements  ont  confiés  à  la  Cour  de  la  Chan- 
cellerie ou  à  la  Cour, y  inclus  la  compétence  d'un  appel, en  vertu 
de  Tart.  116  de  la  loi  de  1875,  seront,  jusqu'à  une  ordonnance 
contraire,  exercés  et  remplis^  par  le  Juge  Senior,  actuellement 
en  exercice,  de  la  division  de  la  Chancellerie,  de  la  Haute-Cour 
de  Justice,  En  son  absence,  ou  sur  sa  requête  un  autre  juge 
de  la  division  ;  et  durant  les  vacations  une  personne  agissant 
comme  juge  des  vacations,  peuvent  agir  pour  lui. 

DEMANDES    d'aVIS 

Art.  313.  —  Les  examinateurs  des  titres  de  propriété  en 
vue  de  l'application  de  ce  règlement,  seront  le  Conveyancing 
Counsel  de  la  Haute-Cour  ou  tels  autres  avocats  expérimentés 
dans  le  notariat  que  le  Chancelier  désignera  de  temps  en 
temps  ;  les  affaires  qui  leur  seront  renvoyées,  leur  seront  dis- 
tribuées à  tour  de  rôle. 


EXTRAITS  DU  RÈGLEMENT  DE  1903  331 

Art.  314.  —  Toute  personne  peut  discuter  l'opinion  donnée 
par  un  examinateur  de  titres  de  propriété  et  le  point  en  litige 
sera  tranché  par  le  Registrar.  Il  peut,  s'il  le  juge  bon,  dans  cer- 
taines circonstances  spéciales,  décider  ou  transmettre  une 
affaire  à  l'un  en  particulier  des  examinateurs  de  titres  de 
propriété. 

Art.  315.  —  Lorsqu'au  cours  d'une  procédure,  une  question 
surgit  qui,  suivant  l'opinion  du  Registrar,  nécessite  pour  sa 
solution,  la  connaissance  spéciale  exceptionnelle  de  quelque 
branche  du  droit,  le  Registrar  peut  requérir  l'avis  où  l'assis- 
tance d'une  personne  compétente,  qu'il  peut  choisir  et  peut  agir 
sur  cette  opinion. 

Art.  324.  —  Tout  avis  envoyé  par  la  poste  sera,  sauf  renvoi 
par  l'administration  des  Postes,  réputé  avoir  été  reçu  par  !a 
personne  à  laquelle  il  était  adressé  dans  les  7  jours, Fans  compter 
le  jour  où  il  a  été  mis  à  la  poste  et  le  délai  fixé  par  l'avis  pour 
prendre  une  décision,  sera  fixé  en  conséquence.  Copie  de  cet 
article  sera  placée  au  bas  ou  au  dos  de  tout  avis. 

Art.  325. —  Sur  retour,  par  l'administration  des  Postes,  de 
toute  lettre  contenant  un  avis,  le  Registrar  peut,  soit  demander 
qu'un  autre  avis  soit  envoyé,  soit  autoriser  une  notification  à  la 
place, soit  agir  sans  avis  si, d'après  les  circonstances  et  eu  égard 
à  ce  règlement,  il  pense  bon  d'agir  ainsi. 

POUVOIR  discrétionnaire  du  registrar 

Art.  341.  —  Le  registrar,  s'il  le  juge  bon,  dans  un  cas  parti- 
culier peut  étendre  le  délai  fixé  ou  faire  fléchir  les  règles  po- 
sées par  le  règlement  général;  il  peut  à  toute  époque,  ajourner 
une  affaire,  faire  une  nouvelle  citation  et  si,  à  un  moment,  il  est 
d'avis  que  la  production  de  tous  actes  complémentaires  ou  de 
toute  preuve,  ou  l'envoi  de  tous  avis  complémentaires!  est  né- 
cessaire ou  désirable,  il  peut  refuser  de  terminer  ou  d'accom- 
plir l'immatriculation,  ou  de  faire  un  acte  ou  une  inscription, 
jusqu'à  ce  que  ces  documents  complémentaires,  preuves  ou 
avis,  aient  été  fournis  ou  donnés. Le  Registrar  aura,  en  général, 
un  pouvoir  discrétionnaire  dans  toutes  les  affaires  de  pure 
forme. 

anciens  règlements  abrogés 

Art.  344.  —  Les  règlements  généraux  de  1898,  de  juin  1899 
et  de  février  1901  sont  abrogés. 


332      l'introduction  des  livres   fonciers   en   ANGLETERRE 
TITRE  ABRÉGÉ  ET  DATE  d' APPLICATION 

Art.  345.  —  Ce  règlement  peut  être  cité  comme  le  règlement 
du  Land  Transfer  de  1903  et  sera  mis  en  vigueur  le  1"  jan 
vier  1904. 


IV 

Principales  Formules  Officielles. 

V^  Formule.  Demande  d^ Immati^iculation  à  titre  possessoire. 

Land  Registry 
Land  Transfer  Acts,'  1875  et  1897. 

Moi,  A.  B.,  de...  (etc.),  demande  à  être  immatriculé  comme 
propriétaire  à  titre  possessoire  de  Timmeuble  situé  dans  la 
paroisse  de  ,  délimité  en  rouge  sur  le  plan  ci-joint  (ou 

compris  dans  l'acte  ci-joint  ou  toutes  autres  indications  suf- 
fisantes pour  identifier  l'immeuble  sur  la  carte  officielle).  La 
valeur  de  cet  immeuble,  avec  toutes  les  constructions  et  les 
bois,  n'excède  pas,  selon  moi,  livres  sterlings. 

Signature  du  requérant  ou  de  son  soliciter. 

3*^  Formule.  Demande  d^ iiiunatriculation  à  titre  absolu. 
(Même  en-tête  que  pour  la  l'"^  formule) 

Moi,   A.    B.,   de  .,.    (etc.),   demanae  à  être  immatriculé 

comme  propriétaire  à  titre  absolu  de  l'immeuble  situé  dans 
le  comté  de  et  la  paroisse  de  appelé 

et  consistant  en  (rendre  possible  par  de  courtes 
indications  de  l'identifier).  La  valeur  de  cet  immeuble  avec 
les  constructions  et  les  boîs  n'excède  pas,  selon  moi,  livres  ster- 
lings 

Signature  du  requérant  ou  de  son  soliciter. 

14*^  Formule.  Opposition  {en  vertu  de  V article  60  de  la  loi  de 
1873,  à  V immatriculation  d'un  Immeuble  sur  le  Livre  fon- 
cier. 

(Même  en-tête  que  pour  la  1'"^  formule) 

(Date)  A.  B.  (l'opposant)  de  a  droit  de  recevoir  avis 

de  toute  demande  qui  peut  être  faite  pour  l'immatriculation 
d'un  bien  en  freehold  (ou  en  leasehold  possédé  en  vertu  d'un 
bail  passé  le  entre  A.   B.,  de  ,  d'une 

part,  et  C.  D.  d'autre  part,  pour  une  durée  de  .  ^ 


334      l'introduction  des  livres   EONGIERS  en   ANGLETERRE 

partir  du  ou  autrement,  suivant  le  cas),  tel  qu'il 

est  délimité  par  une  ligne  rouge  sur  le  plan  y  annexé. 
Signature  au  requérant  ou  de  son  solicitor. 


20^  Formule.  Formule  de  Transfert  de  rropriété. 
Land  Registry 

Land  Transfer  Acts,  1875  et  1897. 

District... 
Paroisse... 
Numéro  du  titre... 

(Date)  moyennant  un  prix  de  livres  (£  ) 

moi,  A.  B.,  de  ,  je  transfère  par  cet  acte  à  C.  D.,  de 

la  terre  comprise  dans  le  titre  ci-dessus  visé. 
Signé,  scellé  et  remis 
par  A.  B.,  en  la  présence 

de  E.  F.,  de  

Signature  de  A.  B. 

Sceau. 

42®  Formule.  Formule  d'Echange. 

(En- tête  comme  la.  formule  20) 

(Date)  moyennant  les  transferts  ci-après  mentionnés  et  (s'il 
y  a  lieu),  la  somme  de  livres  (£  ),  payée  par 

C.  D.,  comme  soulte.   Moi,  A.   B.   de  ,  je  transfère  par 

cet  acte  à  C.  D.,  la  terre  telle  qu'elle  est  délimitée  en  rouge 
sur  le  plan  y  annexé  et  signé  par  moi  et  ledit  C.  D.,  et  moi, 
C.  D.,  je  transfère  audit  A.  B.  la  terre  telle  qu'elle  est  déli- 
mitée en  vert  sur  le  même  plan  (et,  s'il  y  a  lieu,  moi,  A.  B.  de- 
mande à  réunir  ladite  terre  indiquée  en  vert,  à  la  terre  com- 
prise dans  le  titre  n°  ,dont  je  suis  le  propriétaire  im- 
matriculé, et  moi,  C.  D.,  je  demande  à  réunir  ladite  terre  in- 
diquée en  rouge  à  la  terre  comprise  dans  le  titre  n°  dont 
je  suis  le  propriétaire  immatriculé). 

Signé,  scellé  et  remis 

par  A.  B.,  en  la  présence 

de  E.  F.,  de 

Signatures  de  A.  B.  et  C.  D. 

Sceaux. 


PRlNCIl'ALi;S   FORÎVIULES   OFFICIELLES  335 

44*^  Formule.   Formula  de  constitution  d^ Hypothèque. 

(En-tête  comme  la  formule  20) 

(Date)  moyennant  la  somme  de  livres  (£  ) 

moi,  A.  B.,  de  ,  j'hypothèque  la  terre  comprise  dans  le 

titre  ci-dessus  visé  en  garantie  de  la  créance  de  C.  D.,  de  , 

remboursable  le  montant   en  principal  à  la  somme 

de  livres  portant  intérêts  à  0/0,  par 

an,   payables  (semestriellement,   trimestriellement)   le 
et  le  de  chaque  année. 

Signé,  scellé  et  remis  i 

par  A.   B.,  en  la  présence 

deE.  F.,  de 

Signature  de  A.  B. 

Sceau. 

Stipulations  pavticulières  qui  peuvent  être  faites: 

(1)  Le  créancier  ne  pourra  pas  entrer  en  possession  de  la  pro- 
priété. 

(2)  Le  créancier  ne  pourra  pas  demander  la  forclusion  ou  la 
vente  de  la  propriété. 

(3)  Le  créancier  n'aura  pas  le  droit  de  vendre  la  propriété. 

(4)  Le  créancier  peut  vendre  sans  donner  avis  au  débiteur. 

(5)  Cette  hypothèque  prendra  rang  concurremment  avec  une 
hypothèque  de  même  date  consentie  à  de  ,pour 
garantir  ou  sera  la  (l'"^,  2^,  ou  4®,  ou  suivant 
les  cas),  danfe  l'ordre  de  priorité  d^  trois  hypothèques  de 
même  date,  l'une  de  ces  hypothèques  a  été  consentie  à 

de  pour  garantir  ;  l'autre,  à 

de  pour  garantir  et  la  3®,  est  cette  hypo- 

thèque ou  aura  la  priorité  sur  une  hypothèque  en  date  du 

immatriculée  le  en  faveur  de  A.  B.,  de 

pour. 

48®  Formule.  Formule  de  radiation  d' Hypothèque. 
(En-tête  comme  la  formule  20) 

(Date)   A.    B.,   de  ,    reconnaît  par   les  présentes  que 

l'hypothèque  datée  du  et  enregistrée  le  dont 

je  suis  le  propriétaire  enregistré,  a  cessé  d'exister. 

Signé  par  le  propriétaire  de  l'Hypothèque  et  certifié. 


ov)(j     i,'iiMRouucno.\  i)i:s  livres  foxcieus  en  an(j.ei;tj:uue 

66^  Formule.  Certificat  foncier. 

Land  Registry 

Land  Transfer  Acts  de  1875  et  1897. 

Land  {Armes)  Certificate. 

Ce  document  est  délivré  pour  certifier  que  le  freehold  (ou 
le  leasehold)   situé   dans  la  Paroisse   de  et  le   Comté 

de  (ici  une  courte  description  de  la  terre  ou  une  ré- 

férence au  plan  annexé),  est  immatriculé  avec  un  titre  (absolu 
qualifié,  possessoire,  ou  marchand,  s'il  s'agit  d'un 

leasehold),  sous  le  n"  .  Copies  des  inscriptions  portées 

sur  le  Registre  (ou  du  plan  de  la  propriété),  est  ci-inclus. 
Le  de  19... 

Signature: 


V 


MODÈLE  DES  REGISTRES 


District  de  Londres 

PAROISSE   DE    SAINT-GEORGE's 

Hanover  Square 


Titre  n»  20.000 


Registre  de  la  Propriété. 


N» 


Description  de  la  propriété 


Le  2  janvier  1899  5/99  {^)  La  maison  d'habitation  en  freehold 
située  dans  la  Paroisse  de  Saint-Heorges  Hanover  Square, 
comté  de  Londres,  50  Buke  Street,  Mayfair,  telle  qu'elle  est 
délimitée  en  rouge  sur  le  plan  annexé  (1/4)  N^  20.000. 


(page  blanche) 
B.  —  Registre  des  Propriétaires. 


N» 

Propriétaire,  etc. 

Observations 

1 

2  janvier  1899  5/99  (i)  Immatriculation  à  titre 
possessoire. 

2 

2  janvier  1899  5/99  (*)  Propriétaire  Sir  James 
Robinson,  demeurant  50  Duke  street  May- 
fair. S.  W.;  Bar^  M. -P. 

Valeur   déclarée 
10.000  Livres  st. 

(page  blanche) 
C.  —  Registres  des  Hypothèques. 


N» 

Hypolhèqnes   et   charges   foncières 

Observations 

1 

2  janvier  1899  5/99  (i)  Il  est  établi  qu'il  n'y  a 
pas  de  charges  foncières. 

(1)  Ces  deux  chiffres  indiquent,  le  premier,  le  numéro  sous 
lequel  la  demande  en  immatriculation  a  été  enregistrée,  le 
deuxième,  l'année  où  la  demande  a  été  faite. 


TABLE   DES    MATIÈRES 


Préface    i 

Avant-Propos 1 

Bibliographie 5 

PREMIERE  PARTIE 

Le  Régime  de  la  propriété  {oncière  anglaise  avant  1897. 

Chap.  I.  Historique  des  modes  de  transmission  des  droits 

réels  jusqu'à  la  théorie  des  Uses 9 

Chap.     II.  La  théorie  des  Uses  et  ses  conséquences.  Les 

dangers  des  transactions  occultes 17 

Chap.  III.  Divers  systèmes  de  transmission  de  droits 
réels.  Avantages  et  Inconvénients.  L'Act 
Torrens   29 

Chap.  IV.  La  Publicité  des  Actes  en  Angleterre 38 

Chap.  V.  Premiers  essais  d'introduction  des  Livres 
fonciers.  Le  Registration  of  Title  Act  de 
1862  et  le  Land  Transfer  Act  de  1875 45 

Chap.  VI.  Causes  d'échec  de  la  réforme.  La  concentra- 
tion de  la  propriété  foncière.  L'opposition 
des  solicitors 55 

Chap.  VIL  Réponse  aux  objections  des  solicitors.  Les 

causes  d'adoption  de  la  loi  de  1897 69 

Chap.  VIIL  Les  projets  législatifs  de  1888  à  1897 81 

DEUXIEME  PARTIE 
Les  Lands  Transler  Acts  de  1875  et  1897. 

Chap.  I.  Le  vote  de  la  loi  de  1897.  Sa  portée 89 

Chap.     IL  Les  organes  de  l'Immatriculation 96 

Chap.  III.  Les  demandes  en  immatriculation.  La  pro- 
cédure   101 

Chap.  IV.  Les  formes  de  l'immatriculation 114 

Chap.    V.  Les  effets  de  l'immatriculation 124 

Chap.  VI.    Les    principes  de    l'immatriculation    obliga- 

gatoire   139 

Chap.  VIL  Les    transmissions     à    titre    onéreux.    La 

Vente 152 


—  340  — 

Chap.  VIII.  Hypothèque  169 

Chap.  IX.  Les  conventions    non    enregistrées    relatives 

aux  propriétés  immatriculées 181 

§  1.  Transmissions  à  titre  gratuit,  opé- 
rées conformément  aux  Land  Trans- 

fer  Acts 183 

§  2.  Actes  à  titre  onéreux  passés  dans 
les  formes  prévues  par  les  lois  sur 
l'immatriculation  mais  non  enregis- 
trés        186 

§  3.  Conventions  à  titre  gratuit  ou  oné- 
reux qui  n'ont  pas  été  conclues  dans 
les  formes  prescrites  par    les    Land 

Transf er  Acts 187 

§  4.  Baux,  Settlements  et  autres  droits 
subsidiaires  que  les  lois  foncières  ne 
donnent  pas  expressément  pouvoir  au 

propriétaire  de  créer 187 

Chap.     X.  La  prescription  et  les  Livres  fonciers 194 

Chap.    XL  Le  fonds  d'assurance 198 

Chap.  XII.  Les  droits  perçus  par  le  Bureau  d'immatricu- 
lation       211 

TROISIEME  PARTIE 

Les  résultats  de  la  ré{orme  en  Angleterre.  L'introduction  du 
Livre  foncier  en  France. 

Chap.  I.  La  Constitution  du  Livre  foncier  dans  le  comté 

de  Londres 221 

Chap.     II.  Quelques  appréciations  sur  les  lois  foncières 

anglaises  234 

Chap.  IIL  La  question  des  Livres  fonciers  en  France..     251 

Conclusions    263 

Annexes     I.  Loi  du  10  août  1875 265 

—  IL  Loi  du  6  août  1897 288 

—  IIL  Extraits  du  Règlement  général  du  18  dé- 

cembre 1903 305 

—  IV.  Principales  formules  officielles 333 

—  V.  Modèles  des  Registres 337 


Paris.   -    Typ.  A.  DAVY,  52,  rue  Madame.  —  Téléphone. 


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Université  d'Ottawa 

Echéance 


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Date  Due 


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