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LA TRANSMISSION
DE LA
PROPRIÉTÉ IMMOBILIÈRE
ET
L'INTRODUCTION DES LIVRES FONCIERS
EN ANGLETERRE
^T/-<^^^ -^^^
iBiOTHÈOJE Dfc c«oir
LA TRANSMISSION
DE LA
r r
PROPRIETE IMMORILIERE
ET
L INTRODliCTION DES LIVRES FONCIERS
EN ANGLETERRE
PAR
Alexandre de LAVERGNE
AUDITEUR AU CONSEIL d'ÉTAT
PRÉFACE DE
M. J. FLACH
WIOFKSSEUR AU COLLÈGE DE FRANCK ET A l'ÉCOLK LIBRE DES SCIENCES POLITIQUES
Ct L»B«ABJES J^
PARIS
LIBRAIRIE GUILLAUMIN & C'«
Editeurs du Journal des Economistes
Rue Richelieu, 14
1905
KD
1 "fOS
PREFACE
La France était, il y a cinquante ans, en avance sur tous
les grands pays de TEurope quant au régime légal de la
propriété foncière. Elle l'était par son cadastre dressé de
1807 à 1850, elle l'était aussi par la loi de 1855 sur la trans-
cription, rendue à la suite de la longue enquête que le gou-
vernement de Louis-Philippe avait instituée. Aujourd'hui
c'est à l'étranger que nous avons à chercher des exemples
ou des modèles, et bizarre ironie du sort, jusqu'en Angle-
terre, le pays qui avait résisté le plus énergiquement, dans
son régime foncier, au mouvement démocratique représenté
par la France. Nous nous sommes laissé distancer. Alors
qu'il eût fallu marcher progressivement, nous avons pié-
tiné sur place. Le cadastre aurait dû être tenu à jour, il ne
l'a pas été, et sa reconstitution en perspective depuis vingt
ans est toujours attendue. La législation de 1855 aurait dû
être améliorée, complétée, refondue. Les projets ont suc-
cédé aux projets, les commissions aux commissions, et les
mêmes lois continuent à nous régir.
Que de changements pourtant se sont accomplis dans l'or-
dre économique. En 1855, on n'en était qu'aux débuts de
l'ère nouvelle, où la richesse allait se répandre par mille
canaux dans toutes les parties du corps social. Chaque jour
depuis lors a creusé un abime plus profond entre la réalité
II PREFACE
des faits et la théorie législative. Chaque jour rendait ainsi
plus urgente la nécessité de corriger les inconvénients ma-
jeurs nés de l'inégal fraitement auquel les deux formes de
la propriété sont soumises sous l'empire de la législation is~
sue du Code civil. Par cela qu'elle était considérée juridi-
quement comme vile, la propriété mobilière circulait et évo-
luait en pleine liberté. Par cela qu'elle était réputée d'es-
sence supérieure, base essentielle de la fortune publique et
privée, la propriété foncière était enveloppée de tant de
bandelettes protectrices, que non seulement elle ne pouvait
se déplacer et se mouvoir qu'avec effort, mais que sa consis-
tance et sa personnalité devenaient obscures, sa sécurité
précaire.
Voici alors où nous en sommes en France. La propriété
mobilière souffre d'une pléthore de capitaux, la propriété
foncière d'une anémie d'argent. Le crédit mobilier fait un
incessant drainage aux dépens du crédit rural. Tandis que la
propriété mobilière se vivifie et s'accroît en passant de main
en main, la propriété foncière s'étiole et languit en se repliant
sur elle-même. Dans aucun pays peut-être la terre n'est
répartie d'une façon aussi satisfaisante, au point de vue so-
cial, dans aucun, dès lors, il n'est d'un intérêt plus général,
plus pressant, que les propriétaires (qui sont légion) puis-
sent, avec les moindres frais, tirer de leur propriété le meil-
leur parti possible, l'alléger de son poids mort par la vente
ou l'échange, l'arrondir par la réunion de parcelles, la met-
tre en valeur à l'aide d'un crédit facile et peu onéreux. Dé-
mocratisée comme elle l'est chez nous, il importe plus que
partout ailleurs que la propriété atteigne son équilibre le
plus parfait. Chacun le sait et le sent,le gouvernement, les par-
tis, les particuliers. Le gouvernement a nommé une com-
mission extraparlementaire du cadastre, qui fonctionne de-
puis treize ans. De toutes les fractions du Parlement sont
PREFACE III
nées des propositions de loi qui visent une refonte de notre
législation foncière. Les procès se multiplient et les frais de
mutation pèsent d'autant plus lourdement sur le sol que la
rente de la terre ayant baissé, ils finissent par représenter,
pour les petites propriétés surtout, plus de quatre ou cinq
fois le revenu net d'une année (1). Depuis longtemps, éco-
nomistes et jurisconsultes réclament une réforme, et les
praticiens eux-mêmes ne peuvent plus nier qu'elle soit iné-
luctable.
Le moment est donc propice entre tous à des études de
droit comparé comme celle que M. de Lavergne publie ici.
Son mérite, j'ai grand plaisir à le dire, ne le cède en rien
à son utilité. On ne pouvait avec plus de clarté, de sobriété,et
d'exactitude, avec un souci plus juste et plus vif d'éclairer
le présent par l'histoire, conduire le lecteur français ou
étranger à travers le subtil dédale de la législation anglaise,
on ne pouvait pas non plus mettre en relief d'une main plus
sûre le profit que nous devons tirer en France de l'expé-
rience de nos voisins.
M. de Lavergne distingue à bon droit trois systèmes de
transmission de la propriété : V par la volonté seule du
propriétaire (clandestinité) ; 2° par la publicité des actes de
mutation ; 3° par l'inscription dans des livres fonciers. L'An-
gleterre (comme le droit romain classique), avait adopté
et maintenu le premier. La France n'a adopté qu'incomplè-
tement le second. On le trouve en pleine vigueur en Belgi-
que, en Italie, dans le Luxembourg, mais on constate aussi
dans ces pays que son efficacité est insuffisante, qu'il n'offre
pas de sécurité parfaite, et entraîne trop de frais et trop de
retards. Bien supérieur est le régime des livres fonciers. Sa
base est V immatriculation obligatoire, son résultat immédiat
(1) Droits de mutation et frais accessoires atteignant en moyenne
pour les petites propriétés rurales 10 à 12 0/0 du prix de l'immeuble.
IV PRÉFACE
la constitution à l'immeuble d'un véritable état civil, qui fait
foi envers et contre tous, fût-il entaché d'erreur. Aussi imma-
triculation et translation de propriété s'opèrent-elles sous le
contrôle de l'Etat. C'est le système que l'act Torrens avait
introduit en Australie, que l'Allemagne et l'Australie ont
fait leur, et que nous avons appliqué nous-même en Tuni-
sie, en l'adaptant aux conditions spéciales de notre pays de
protectorat. C'est à lui que l'Angleterre vient au fond de se
rallier par sa loi de 1897.
L'historique très détaillé que M. de Lavergne a tracé de
la genèse de cette loi est d'un intérêt majeur pour son intel-
ligence. On y saisit fort bien les points d'attache ou de su-
ture qu'elle a su trouver dans l'ancienne législation anglaise
et l'on est frappé de la stérile timidité des tentatives faites au
cours du xix^ siècle, principalement de 1828 à 1854 et de
1862 à 1875, pour introduire une publicité restreinte, faci-
liter et rendre moins coûteuses les mutations foncières, dé-
gager le sol de ses liens archaïques. Si le législateur n'a pas
osé, et s'il n'a pas même réussi partiellement quand il osait,
cela tient surtout à trois obstacles essentiels que M. de La-
vergne a mis très exactement en vedette : P la résistance
des soUicitors ; 2° les complications du droit anglais ; 3° l'at-
tachement des grands propriétaires et de l'esprit public à
la concentration traditionnelle de la propriété.
Une fois même qu'il fut bien résolu à innover, le Parlement
anglais dut compter avec ces obstacles, composer avec eux.
Il en sortit une cote mal taillée, une transaction entre des
partis et des intérêts opposés, une loi qui, malgré tout, reste
dans une large mesure facultative, à raison non seulement
des adhésions qu'elle exige d'assemblées locales, mais des
restrictions nombreuses qu'elle apporte au principe de l'im-
matriculation obligatoire, et à ses conséquences logiques.
Si imparfaite qu'elle paraisse, si motivées que soient les cri-
PREFACE
tiques de détail que notre auteur lui adresse, il n'en demeure
pas moins que l'expérience en a été pleinement faite déjà
dans le comté de Londres, et que ses résultats ont été excel-
lents. On peut donc dire que la législation anglaise a accom-
pli un pas considérable, qu'elle a franchi une étape, qu'elle
est entrée dans une voie où elle devra s'engager de plus en
plus avant, à mesure que, les objections de principe étant
désormais écartées de sa route, les inconvénients de l'ancien
système et les avantages du nouveau se manifesteront en
pleine évidence pratique. Et c'est précisément le point où je
voudrais voir arriver notre propre pays, estimant, comme
M. de Lavergne, que des bases juridiques nouvelles de-
vraient être posées sans attendre la réfection si longue et
si dispendieuse du cadastre, et le bénéfice en être acquis
aux propriétaires qui procéderaient à des abornements
sous le contrôle des agents de l'Etat.
Il nous est, en somme, beaucoup plus facile qu'à l'Angle-
terre d'assurer une circulation normale des biens fonciers,
puisqu'elle ne se heurtera pas chez nous comme chez elle, ni
à une législation surannée, ni à un préjugé tyrannique en fa-
veur de la grande propriété. Nous n'avons guère à compter
qu'avec l'esprit de routine, la résistance intéressée des offi-
ciers ministériels et les tendances des partis extrêmes. Tan-
dis qu'en Angleterre, le parti libéral comme le parti socia-
liste attendent beaucoup du Free trade in land (auquel les
conservateurs se sont résignés sous la poussée de la crise
agricole) pour amener la diffusion de la propriété, chez nous
le parti socialiste semble craindre que des facilités nouvelles
de circulation et la création de livres fonciers ne profitent
pas à la petite propriété, mais à la grande, en servant à la
reconstitution de latilundia, le parti conservateur redoute
que ces réformes n'augmentent la division de la propriété
qu'il juge déjà excessive. De part et d'autre il y a, je crois,
VI PREFACE
illusion ou méprise. Noire régime légal actuel esl beaucoup
plus néfasle pour la petite et la moyenne propriété que
pour la grande. Celle-ci s'en tire à meilleur compte et s'ac-
croît de tous les petits domaines que le défaut de crédit ru-
ral, les charges et les entraves de la mutation empêchent
d'être viables. D'un autre côté, le régime des livres fonciers
est très loin de pousser à l'émiettement de la propriété et
il est impuissant par lui-même a en opérer la division. Les
parlementaires anglais ne tarderont, sans doute, pas à s'en
convaincre. Ils demandent à la loi nouvelle plus qu'elle ne
saurait donner quand ils en espèrent la reconstitution d'une
petite propriété rurale. A cet égard, M. de Lavergne me
paraît, sous l'influence séductrice des documents parlemen-
taires anglais, avoir cédé lui-même au mirage, quand il
écrit (p. 242) : « La nouvelle législation doit être considérée
comme un des moyens propres à reconstituer la petite pro-
priété paysanne qui, seule, peut assurer le réveil de l'An-
gleterre rurale. »
Volontiers on s'imagine qu'il suffira des facilités que
la loi de 1897 accorde pour la réalisation des biens
fonciers, tant sous forme de vente que sous forme
d'hypothèque, pour que Yallotmeni et le small holding de-
viennent des moyens efficaces de morceler les grands domai-
nes et, par là, à la fois de créer de petits propriétaires ou de
petits exploitants, et de tirer, par une liquidation partielle,
les grands landlords de la situation embarrassée où la crise
agricole les a fait tomber.
Je ne partage pas cet optimisme. Uallotment comme le-
small holding ne sont que de faibles palliatifs. Ce n'est pas
par leur moyen que les campagnes se repeupleront de pro-
popriétaires paysans, ni les banlieues des villes d'ouvriers
propriétaires. Mais le fait seul que le peuple anglais y recourt
et les maigres résultats que jusqu'ici il en a obtenus prou-
PREFACE VU
vent mieux que toutes les théories combien est précieuse la
division démocratique de la propriété, et combien nous de-
vons nous garder de la compromettre soit dans un but de
socialisation, soit, au contraire, par une protection mal com-
prise. Laissez-lui libre jeu, ne la forcez pas par des bar-
rières artilicielles ou des déviations comme celles qui résul-
tent, par exemple, de notre système de partage d'ascendants,
ses inconvénients se corrigeront d'eux-mêmes. Ni la très
grande propriété, ni la trop petite n'étant rémunératrices,
l'étiage deviendra moyen dès qu'une complète sécurité et
une transmission exonérée de formalités et de frais sera
assurée. Le seul danger sérieux contre lequel il faille se
prémunir, ■ — et ce fut un tort de la législation allemande de
ne l'avoir pas su faire suffisamment, — c'est l'émiettement
fictif de la propriété foncière, je veux dire la représentation
de l'immeuble par des titres mobiliers indéfiniment émetta-
bles et divisibles, ce qu'on a appelé la mobilisation absolue
de la propriété. Là, je le répète, est le péril. L'immeuble et
le propriétaire sont menacés de s'évanouir, ils risquent d'être
engloutis par la finance et la spéculation. La propriété fon-
cière pourrait finir à la longue par n'être plus qu'un fan-
tôme, le propriétaire par n'avoir plus ni droits, ni devoirs.
La société perdrait alors une de ses assises les plus soli-
des, elle deviendrait le jouet ou la proie des manieurs d'ar-
gent.
Gardons-nous, en résumé, des maux que l'expérience
des peuples étrangers a mis en claire évidence, mais sa-
chons aussi faire notre profit des avantages certains que
cette même expérience révèle. Rien n'est plus propre qu'un
livre comme celui de M. de Lavergne pour nous y aider.
Jacques Flach.
LA TRANSMISSION
DE LA
*• ^
PROPRIETE IMMOBILIERE
ET
L'Introduction des Livres fonciers
EN ANGLETERRE
AVANT-PROPOS
La Commission extraparlementaire du cadastre, créée
par Décret du 30 mai 1891, a repris au mois de juillet
dernier ses travaux après treize années d'existence, du-
rant lesquelles ses séances ont dû être suspendues plu-
sieurs fois (en dernier lieu de 1900 à 1903), pour exécuter
les enquêtes nécessaires et donner aux rapporteurs le
temps de rédiger les travaux qui leur avaient été confiés.
Si elle n'a pas encore mené à bonne fm le vaste pro-
gramme qui lui avait été tracé lors de sa constitution,
l'œuvre déjà accomplie par elle, n'en présente pas moins
un grand intérêt. Son existence même prouve que les
pouvoirs publics se sont enfm émus des doléances que
Jurisconsultes et Economistes font depuis longtemps en-
tendre sur l'état de notre législation foncière. Elle mon-
tre également que, durant le xix^ siècle, le législateur,
fasciné par l'énorme accroissement des valeurs mobiliè-
res, a surtout adapté les lois à cette situation économique
L. 1
2 l'introduction des livres 1 OXCIERS en ANGLETERRE
nouvelle, mais qu'aujourd'hui il semble se rendre compte
de la nécessité de conserver un juste équilibre entre la
fortune mobilière et la fortune immobilière, pour assurer
le développement des richesses nationales (1). Cette solli-
citude est d'autant plus nécessaire que la propriété fon-
cière a subi durant les trente dernières années une crise
dépassant en intensité les crises ressenties depuis le début
du xix^ siècle. L'agriculture s'est trouvée dans cette pé-
riode critique désemparée, car elle ne disposait d'aucun
des moyens propres à faciliter son relèvement.
Le législateur dut parer aux besoins les plus pressants
qui se faisaient sentir. L'organisation du crédit agricole,
la création d'enseignements spéciaux destinés à instruire
la population rurale des meilleures méthodes de culture,
des dégrèvements d'impôts, des taxes douanières protec-
trices, et même, pour certains produits agricoles, l'allo-
cation de subsides directs par le Trésor public : tels ont
été les moyens employés pour venir en aide à la pi'opriété
foncière.
Sans contester leur valeur et leur utilité, ces mesures
n'apportèrent qu'un remède insuffisant ; car elles n'attei-
gnaient pas une des causes de discrédit et de faiblesse
de notre droit immobilier ; elles n'abrogeaient pas les
règles quelquefois tracassières, souvent inutiles, toujours
empreintes d'un formalisme rigide, dont le Code a entouré
les ventes et hypothèques de biens fonds ; elles ne (2)
(1) (( Le commerce des capitaux tient dans les affaires de
notre temps une place qui s'élargit de plus en plus. Il a donné
aux valeurs mobilières une puissance dominatrice dépassant
dans la pratique celle de la richessj tarrienne. Il fait surgir
des forces imprévues, il crée des souverainetés bourgeoises avec
lesquelles les gouvernements doivent compter ». Cochet,
De FEnchérissement des marchés et des services. In-8°, Paris,
Quantin, 1883.
(2) (( On a fait des lois pour protéger la fortune immobilière,
mais ce sont des lois qui l'ont pour ainsi dire étouffée. En l'em-
maillotant en quelque sorte, en l'entourant de mailles inextri-
cables, on l'a empêchée de prendre toute l'extension qu'elle
AVANT-PROPOS S
donnaient pas non plus aux droits de propriété la base
solide que la publicité des actes ne leur assure aujourd'hui
qu'imparfailement. Le propriétaire reste sans ressources
alors qu'il aurait besoin de capitaux pour améliorer ses
terres, en tenant compte des progrès de l'agronomie mo-
derne : car les transmissions et les emprunts hypothé-
caires se trouvent ainsi entravés tant par l'insécurité des
titres de propriété que par les difficultés légales dues à
l'application de nos lois civiles (1).
Le Rapport de M. Bouvier, préface du décret instituant
la Commission extraparlementaire du cadastre, indiquait
aurait dû avoir, on a détourné d'elle les capitaux qui seraient
venus la féconder et l'accroître, et elle n'a pu encore recevoir
le développement qu'elle mérite dans un grand pays comme la
France. » Neymarck. Commission extraparlementaire du Ca-
dastre. Procès-verbaux. T. II, p. 118 et suivantes.
(1) (( En ce qui concerne l'amélioration de notre agriculture,
le Crédit Foncier s'est toujours efforcé d'y concourir dans la
mesure de ses forces. Il est vrai que dans ses débuts surtout, il
a beaucoup plus prêté aux propriétaires urbains qu'aux cam-
pagnes, à la grande propriété plus qu'à la petite. La raison en
est facile à saisir : c'est d'une part, que la petite propriété
rurale, lente à s'instruire des facilités qu'offrait le nouveau
mode d'emprunt, a beaucoup moins demandé que la grande pro-
priété et surtout que la propriété urbaine. C'est d'autre part
que généralement en France, elle n'est pas régulièrement éta-
blie. » JossEAU, Traité du Crédit Foncier. Introduction, p. xcv.
(( Les dispositions de notre loi civile en matière immobilière
peuvent être admirées par les théoriciens ; au point de vue
pratique, elles ne sont pas satisfaisantes ; elles présentent de
telles complications que des Jurisconsultes de profession savent
à peine les débrouiller; combien plus pour ceux qui veulent
faire leurs affaires eux-mêmes, pour ceux qui voudraient savoir
sans erreur possible, si l'argent dont ils achètent un immeuble
est bien et dûment payé. Il faut que la loi soit claire pour tous,
puisque nul n'est censé l'ignorer ; il faut qu'on puisse acheter
en toute sûreté sans avoir à scruter péniblement les origines
de propriété de l'immeuble et sans avoir à répondre du fait
d'autrui. » Challamel, Comm. extrap. du cad. Proc. -Verbaux.
T. II, p. 107.
4- l'introduction des LRRES fonciers en ANGLETERRE
en conséquence que la réforme de notre législation fon-
cière devait être l'objet principal des travaux de cette
Assemblée.
Ces questions sont encore à l'étude dans cette Commis-
sion composée des plus hautes personnalités du Parle-
ment, de rUniversité, de l'Administration, du Barreau et
de la Presse économique ; elles seront bientôt portées
devant les Chambres et y soulèveront assurément
de longues discussions Nous avons pensé qu il serait in-
téressant d'exposer la réforme accomplie en Angleterre
par la loi du 6 août 1897 sur l'immatriculation de la pro-
priété. Cette loi a, en effet, bouleversé le système anglais
des transactions immobilières par la création d'un Livre
foncier.
Certes, la situation de la propriété anglaise et celle de
la propriété française sont trop différentes pour pouvoir
tirer de cet essai d'outre-Manche des indications précises
sur les mesures à prendre dans notre pays. Ainsi, que le
disait M. le Sénateur Millaud, notre Livre foncier ne
devra pas être « prussien, alsacien ou belge », j'ajoute,
ou anglais, <( il doit être le reflet des mœurs de notre
pays, des lois et des institutions de notre patrie » (1).
Néanmoins il existe, dans les solutions acceptées par les
divers peuples en matière de législation foncière, trop de
points communs pour qu'une étude comme la nôtre ne
permette pas de faire des rapprochements utiles. Fas et
ab hoste doceri, dit le vieil adage : il est justifié lorsqu'il
nous enseigne à observer les expériences de nos voisins
et à nous en inspirer ; il serait au contraire totalement
erroné s'il nous invitait à copier servilement les textes des
législations étrangères. Nous rechercherons donc, dans
cette étude, les principes de la réforme anglaise de 1897 ;
nous les examinerons au point de vue de leur valeur abs-
traite ; enfin, nous apprécierons s'ils seraient, dans l'état
de nos mœurs, applicables en France.
(1) Coram. extrap. du cad. Séance du 19 novembre 1891. Proc-
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Land Titles and Land Transfer, 2 vol. 1878-79.
Report, Evidence and Appendix of the Select Committee on
the Land Transfer Bill, 1895.
8 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
Reports {General and Detailed) of the Assistant Registra/r of
the Land Registry on the Systems of Registratioii of title now
in opération in Germany and Austria Hungary (with Appen-
dices), 1896.
Report from the Standing Committee on Law, and courts of
Justice, and Légal Procédure on the Land Transfer Bill, 1897.
Report of the Registrar of the Land Registry on the first three
years (1899, 1900, and 1901) of the work of constructing a
gênerai register of title for the County of London, 1902.
Return on Registration of title in the Australasian Colonies,
1872.
Return {Further) on Registration of title in the Australasian
Colonies, 1881.
Returns of the Land Registry, 1882, 1884, 1894, 1899, 1900, 1901,
1902, 1903.
Rider Haggard, Rural England, 2 vol. in-8°, Londres, Long-
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RoNDEL. La mobilisation du sol en France. Paris, 1888.
Seejeant Stephen. New Commentaries of the Laws of England.
Tome I.
Short Statement of the ohject and practical Working of the
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The Statutes {revised édition) année 1875.
ToRRENS. An Essay on the Transfer of Land by Registration of
title, Cobden Club. Londres, Cassels.
Williams. Principles of the Law of Real Property, 11® édition,
Joubert, 1848.
Williams. Principes of the Law of Real Property, 11® édition,
Londres, Sweet, 1875.
PREMIÈRE PARTIE
Le Régime de la Propriété foncière anglaise
avant 1897
CHAPITRE P^
HISTORIQUE DES MODES DE TRANSMISSION DES DROITS RÉELS
jusqu'à la THÉORIE DES USES
Pour comprendre les motifs qui ont forcé le législateur
anglais à faire une loi résolument réformatrice, il est in-
dispensable de connaître l'état déplorable de la législa-
tion foncière antérieure à 1897. Mais nous nous sommes
alors trouvé en présence d'une difficulté, que M. Lehr
rappelle dans les lignes suivantes de ses Eléments de droit
civil anglais : (( Non seulement il n'y a en Angleterre nulle
trace de codification, mais encore chaque matière fait
depuis six siècles l'objet d'un nombre infini de lois et
de décisions judiciaires ayant force de loi, souvent con-
tradictoires et qu'on n'a jamais cherché à concilier, ni à
coordonner. » ... « Le travail du législateur est le plus
souvent un travail de mosaïque. Une année, il modifiera
tel point de détail, l'année d'après tel autre, quitte à reve-
nir sur ses pas la fois suivante. Le droit a donc un carac-
tère non point systématique comme en France, mais
essentiellement historique. y>
« Pour comprendre et même pour connaître les règles
actuellement en vigueur, il faut remonter plus ou moins
haut dans le passé et se résigner à suivre juges et législa-
teurs dans ce travail de Pénélope (1). » Le droit foncier
(1) Préface, p. vu.
10 l'iXTRODI CTIOX DES LH RES FONCIERS EN ANGLETERRE
est plus qu'aucune autre des institutions civiles de l'An-
gleterre, le résultat de cette évolution à la fois législative
et judiciaire (1). L'exposé des origines des lois actuelles
s'imposait donc à nous. Cet historique nous montrera
d'ailleurs qu'en créant un Livre foncier, le Parlement
anglais, a seulement rénové l'une des plus anciennes tra-
ditions juridiques, momentanément abandonnée pour
permettre d'échapper aux règles trop rigoureuses du droit
féodal.
La publicité des transactions immobilières existait dès
avant l'invasion normande. Toutes les conventions don-
naient lieu à des contrats solennels (2) passés devant le
shériff ; les parties se rendaient ensuite au monastère le
plus proche, où elles faisaient inscrire leur convention sur
le cartulaire ou léger book. L'examen de ce registre pri-
mitif permettait de se rendre compte de la situation juri-
dique de l'immeuble.
Pendant la conquête et les premières années qui suivi-
rent la bataille d'Hastings, les guerriers normands s'em-
parèrent comme prix de leurs services (3) d'une partie du
territoire des vaincus, sans se soucier d'accomplir les for-
malités anciennes de lettre et de saisine. Guillaume le
Conquérant, pour pourvoir à l'administration de sa con-
quête et à la sécurité commune, dût bientôt recouvrer sur
ses vassaux des contributions ou services d'argent. Afm
d'asseoir sur une base fixe la perception des redevances,
(1) (( La Loi anglaise de la propriété est restée féodale, elle
l'est dans ses termes et dans ses principes, souvent aussi plutôt
dans son langage que dans la réalité des faits .» Lebret, Etude
sur la propriété foncière en Angleterre, p. 1.
(2) La vente était notamment accompagnée d'un acte symbo-
lique appelé traditio per hac.idum et ndteJlum.
(3) (( Guillaume avait dit avant le combat à ses troupes :
(( Pensez à bien combattre et mettez tout à mort, car, si nous
pouvons les vaincre, nous serons tous riches. Ce que je gagnerai,
vous le gagnerez ; si jo conquiers, vous conquerrez ; si je prends
la terre, vous l'aurez ». Augustin Thierry, Conquête de l'An-
gleterre, 11^ édit. T. I, p. 321.
RÉGIME ANTÉRIEUR A LA THÉORIE DES USES 11
il décida, après avoir pris l'avis de ses conseillers, « de
faire une grande enquête territoriale et de dresser un
registre universel de toutes les mutations de propriété
opérées en Angleterre par la conquête (1). » Ses commis-
saires se mirent à l'œuvre, ils parcoururent les comtés,
firent comparaître devant eux tous ceux qui prétendaient
avoir des droits à la propriété d'une partie du pays, et
entendirent les réclamations des Saxons qui protestaient
contre des spoliations injustes. L'enquête une fois termi-
née dans un comté, le terrier était rédigé : le roi était ins-
crit en tête, ensuite les chefs et autres propriétaires, sui-
vant leurs grades militaires et l'importance de leur ri-
chesse territoriale. Le travail de rédaction fut achevé en
1086 (2). Au mois d'août de cette année, le roi convoqua
dans la plaine de Salisbury toute la noblesse et les pro-
priétaires fonciers, examina et jugea avec eux les diffé-
rends soulevés par les opérations des commissaires ; puis
chacun soumit ses terres à la charge de la tenure militaire
et rendit au roi la foi et l'hommage (3) . La réunion des
(1) AuG. Thierry, op. cit., IV édit. T. IV, p. 204. a II voulut
savoir en quelles mains, dans toute l'étendue du pays, avaient
passé les domaines des Saxons et combien d'entre eux gardaient
encore leurs héritages, par suite de traités particuliers conclus
avec lui-même ou avec ses barons ; combien dans chaque do-
maine rural, il y avait d'arpents de terre ; quel nombre d'ar-
pents pouvait suffire à l'entretien d'un homme d'armes et quel
était le nombre de ces derniers dans chaque province ou comté
de l'Angleterre; à quelle somme montait en gros le produit des
cités, des hameaux ; quelle était exactement la propriété de
chaque comte, baron, chevalier, sergent d'armes ; combien cha-
cun avait de terres, de gens ayant fief sur ses terres, de Saxons,
de bétail, de charrues. » Ibid.
(2) (( Anno millesimo octogesimo sexto ah incarnatione Do-
mini, vigesimo cjuinto regni Wilhelmi, facta est ista descriptio. »
Domesdaybook, vol. II, p. 450.
(3) Cf. Blackstone, Commentaries of the Laws of England.
T. II, p. 42. AuG. Thierry, op. cit., 11^ édit., p. 221. Lebret, op.
cit., p, 37. Glasson, Histoire des institutions de l'Angleterre.
T. I, p. 258 et T. II, p. 171.
12 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
terriers de tous les comtés fut appelée, par les Saxons,
le Domesdaybook ou livre du Jugement dernier, et par
les Normands, le Grand Rôle, le Rôle Royal, ou le Rôle
de Winchester (1).
Le Domesdaybook, établi dans un but purement fiscal,
rendit d'autres services. L'inscription, dans un même vo-
lume, des noms de tous les propriétaires fonciers de l'An-
gleterre devint le symbole de l'unité même du pays : cette
unité fut consacrée solennellement le jour où, à Salisbury,
tous furent requis de prêter serment au roi. Enfin, ce Livre
présenta au point de vue de la propriété foncière un grand
intérêt. Il détermina une fois pour toutes les titres des pro-
priétaires relevant directement du roi. Ce ne fut que bien
des siècles après, à la suite de guerres intestines et de
révolutions sanglantes, suivies de confiscations, qu'il ces-
sa d'être le répertoire exact des Landlords anglais. Du-
rant de longues années, il servit de base à tous les con-
trats fonciers féodaux. Les vassaux trouvèrent dans le
Domesdaybook l'origine certaine des droits, en vertu des-
quels les seigneurs leur consentaient des aliénations appe-
lées suivant les cas : inféodations, concessions en franche
aumône, en socage ou en villenage (2).
Toutes ces conventions étaient soumises à des rè-
gles solennelles qui avaient pour but de les rendre publi-
ques. L'Inféodation (3), par exemple, comprenait deux
(1) Le nom de Domesdaybook fut donné par les Saxons, parce
qu'il contenait pour eux une sentence irrévocable d'expropriation:
(( Domysday vocatus ... quia nulli pareil, sicut nec magnus dies
Judicii. » TnoMiE Rudborne, Hist. major Wintonia, Anglia
sacra. T. I, p. 257. Celui de rôle de Winchester vient de ce qu'il
était conservé dans le trésor de la cathédrale de Winchester :
<( Maynus liber... hahitus in thesauro ecclesiœ cathedralis Win-
toniœ. )) TnoMiE Rudborne, Hist. maj. Winton. ibid. L'original
du Domesdaybook a péri ; le manuscrit, imprimé en 1783, a été
formé sur les anciens titres.
(2) Voyez pour ces diverses tenures, Glasson, op. cit., T. II,
p. 182 et 220 et suivantes.
(3) L'inféodation était le contrat par lequel un seigneur don-
RÉGIME AxNTÉRIEUR A LA THÉORIE DES USES 13
actes distincts : la foi et l'hommage d'une part, l'investi-
ture de l'autre. La foi et l'hommage étaient la promesse
du vassal, de remplir les obligations imposées ; l'investi-
ture lui faisait acquérir la propriété de la terre par la
mise en possession, suivant des solennités et des formes
symboliques (1).
Les transmissions postérieures du fief supposaient éga-
lement des formalités. Des témoins assistaient à la con-
clusion de la vente qui était inscrite sur le registre de la
seigneurie. Les parties se rendaient ensuite sur les lieux
pour procéder à l'investiture ou livery ol seisin de l'ac-
quéreur. Quelquefois, il y avait seulement remise d'un
objet symbolique (verge, motte de terre ou branche d'ar-
bre), que Yattorney du seigneur, recevait du vendeur, puis
remettait à l'acquéreur. En même temps, le vendeur pro-
nonçait les paroles suivantes ou d'autres analogues . « Je
vous transmets la saisine et la possession de la maison
que vous touchez, ainsi que de toutes les terres indiquées
dans cette convention, suivant sa forme et sa teneur (2). »
La saisine avait alors lieu en fait [in deed).
Ces règles parurent bientôt trop rigides, et, de même
que l'investiture avait été, dans la plupart des cas, rem-
placée en France par des lettres de hef, de même, il fut
possible, en Angleterre, de lui substituer la lecture d'un
écrit (3) fait en vue des terres qu'il s'agissait de trans-
nait à un de ses vassaux une terre en fief, moyennant des ser-
vices d'argent, mais surtout des services militaires.
(1) La remise d'une épée s'il s'agit d'un comté, celle d'un
anneau pou • les baronnies concédées à des évêques ou des abbés,
celle d'une verge, d'une motte de terre ou d'une branche d'arbre
pour les fiefs ordinaires. Cf. Glasson, op. cit. T. II, p. 183.
Lebret, op. cit., p. 43.
(2) Williams, The Law of real Propeity, p. 142 et suiv.
Glasson, op. cit. T. II, p. 255 et T. IV, p. 229 et suivantes.
(3) Les actes de transmission étaient rédigés en présence de
témoins, en deux ou trois exemplaires, écrits sur le même par-
chemin les uns à côté des autres, et séparés entre eux par des
lettres. Ces exemplaires étaient ensuite découpés, suivant les
1^ l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
mettre. La saisine avait alors lieu en droit, (in law). Le
vendeur disait à l'acheteur : « Je vous donne cette terre,
là-bas, entrez-y et prenez-en possession. » Mais tandis que
la saisine, opérée en fait, transférait la pleine propriété à
l'acquéreur, opérée en droit, elle ne permettait pas immé-
diatement à celui-ci d'agir comme un propriétaire. Il de-
vait auparavant, ainsi que l'y avait invité le vendeur, se
saisir de la terre en présence de témoins, ses pairs, les
francs tenanciers du voisinage qui attestaient la déli-
vrance en marge et au verso de l'écrit. Tant que cette mise
en possession n'avait pas eu lieu, l'acquéreur n'avait pas
un droit réel sur l'immeuble et si le vendeur ou l'acheteur
mourait dans l'intervalle, les héritiers du défunt n'étaient
pas liés par le contrat de leur auteur.
La nécessité de l'investiture et les sanctions rigoureuses
attachées à l'inaccomplissement des formalités accessoi-
res, s'expliquent par l'importance que la liverij ol seisin
avait à cette époque. Les différends sur la valeur ou l'éten-
due des titres et des droits y afférents, étaient en effet
tranchés, sur une procédure purement orale, par un Jury
composé de douze hommes libres, voisins des parties en
cause : La publicité des transmissions de propriété était
la condition même de jugements éclairés (1).
Les mortgages qui affectaient la propriété à la garantie
dune créance nécessitaient aussi la prise de possession
par le créancier de l'immeuble grevé. Si cette opération
n'avait pas eu lieu, le premier prêteur ne pouvait opposer
son droit de préférence à un autre créancier qui avait pos-
térieurement reçu de l'emprunteur la même garantie et
qui s'était saisi de son gage. La prise de possession était
lettres de séparation, avec des dentelures, d'où le nom d'inden-
ture. Les dentelures avaient pour but de s'assurer de l'authen-
ticité des exemplaires en constatant la concordance des bords
dentelés. De semblables actes étaient le plus souvent rédigés,
même lorsqu'il y avait saisine en fait, afin de servir de preuve
du transfert.
(1) DiGBY. Introduction to the history of the law of real pro-
perty, p. 130.
RÉGIME ANTÉRIEUR A LA THÉORIE DES USES la
donc, dans ce cas encore, considérée comme une mesure
de publicité suffisante (1).
La saisine était impossible pour les cessions de droits
incorporels. Le transfert se faisait alors par l'effet de la
convention conclue en présence de témoins et par la
remise de l'acte écrit (s'il en avait été rédigé un), consta-
tant l'accord des parties (2).
Dès le règne d'Edouard P"", apparaît un autre mode de
transmission de la propriété : l'aliénation en justice (3),
qui fut bientôt très fréquemment employée. Deux procé-
dures différentes étaient offertes aux parties. Quelquefois
il y avait recovery ol land ; l'acquéreur intentait une ac-
tion judiciaire fictive en revendication. Le vendeur faisait
défaut et, par le fait du jugement, la propriété se trouvait
transférée. Cette procédure ressemblait donc beaucoup
à Vin iure cessio du droit romain. Mais le plus souvent, le
tribunal (4) était appelé à homologuer une convention pas-
sée par les parties qui se présentaient toutes deux devant
lui : c'était alors une procédure appelée line. Leur de-
mande était instruite publiquement ; après un certain
nombre de formalités, la convention était transcrite sur
le registre des arrêts et prenait le nom de lool, chirograph
ou indenlure ol the line, c'est-à-dire de 'titre du procès.
Le greffier en délivrait des expéditions dentelées qui com-
mençaient par ces mots : Hœc est linalis concovdia.
Ces aliénations n'étaient pas accompagnées de livery
ol seisin, parce que la reconnaissance en justice des droits
(1) (( Cum in tali casu posait eadcm les pluribus aliis credi-
toribus, tum pj^ius, tum posterius invadiare. » Glanville,
livre X, chap. 8. Cf. Glasson, op. cit., T. IV, p. 221.
(2) Statut 18, Edouard I^'', chap. 4. Statut modus levandi
fines.
(3) Les autorités judiciaires compétentes étaient la Cour des
Plaids communs, le Lord Chief Justice de cette Cour, et deux
ou plusieurs commissaires pris dans la contrée.
(4) V. DiGBY, op. cit., p. 93; Lebret, op. cit., p. 115; Glasson,
op. cit., t. III, p. 193 et suiv. et t. IV, p. 233. Pour l'origine des
expéditions dentelées, voyez plus haut, p. 13, note 3.
16 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
de Facquéreur équivalait à la même notoriété. Elles obli-
geaient en outre définitivement ceux qui avaient été par-
ties à l'accord, et excluaient ainsi toute action en nullité.
Le Statut d'Edouard recommandait, en conséquence, aux
juges, de s'assurer que les parties étaient majeures et
jouissaient de la plénitude de leurs facultés intellectuelles
ainsi que de leur liberté personnelle
Enfin, les tiers n'étaient admis à formuler aucune récla-
mation relative à des droits, dont l'existence n'aurait pas
été révélée au cours de la procédure. Toutefois, cette dé-
chéance ne pouvait être invoquée contre eux que, passé
un certain délai, pendant lequel ils pouvaient former
opposition au jugement (1).
Les aliénations en justice durent à la sécurité qu'elles
conféraient d'être fort usitées (2) ; elles entraînaient ce-
pendant d'assez lourdes dépenses, car il ne fallait pas
moins de cinq actes pour arriver à la conclusion de l'ac-
cord final consacré par le jugement.
Tels étaient les principaux modes de transmission de la
propriété et de constitution des droits réels dans la pé-
riode féodale : tous offrent des garanties de publicité.
Dans les aliénations en justice, ce sont l'instruction de
la demande et le caractère officiel des décisions judi-
ciaires ; dans les actes ordinaires, la cérémonie de l'inves-
titure et la présence de. témoins. Mesures suffisantes en
ces temps, où la population était peu dense et où les
changements de domicile étaient fort rares (3).
(1) Le Statut 18. Ed. I. c. 4 avait fixé ce délai à 1 an et
1 jour; le St. 34, Ed. III, c. 16 supprima tout délai, les récla-
mations pouvant être produites à toute époque; mais le St. 4
Henry VII, c. 24 fixa définitivement le délai à 5 ans. Cf. Glas-
son, op. cit. T. IV, p. 233.
(2) JVoïi in regno Angliœ "providetur vel est aliqua securitas
major vel solemnior per quam aliquis statum suum certiorem
hahere possit, neque ad statum suum verificandum aliquod
solemnius testitnonium. producere quam finem in curia domini
régis leratmn : quiquidem finis et consummatio omnium placi-
torum esse deJ)et et hac de causa providebatur. 2 Rolle Abridg-
ment. 13. Statut 18, Ed. I. c. 4. Cf. Glasson, t. III; p. 193.
(3) V. POLLOCK, the Landlaws, p. 102.
CHAPITRE II
LA THÉORIE DES USES ET SES CONSÉQUENCES. LES DANGERS DES
TRANSACTIONS OCCULTES
La théorie des Uses allait profondément modifier le
régime des transmissions, décrit dans le précédent cha-
pitre. Elle lut édifiée par des jurisconsultes désireux
d'éluder les interdictions portées par le pouvoir royal
contre les aliénations en mainmorte (1). Les revendica
lions fictives en justice avaient, pendant un certain temps,
servi à rendre valables les transmissions consenties a aes
personnes religieuses. Il ne fut plus possible de recourir
à cette procédure, lorsque les tribunaux eurent été invités
à s'assurer, par enquête, de la capacité des parties con-
tractantes et de la validité des titres qu'elles invoquaient.
Les légistes religieux trouvèrent dans le dédoublement de
la propriété en deux droits différents, le subterfuge juri-
dique qui permettait aux personnes de mainmorte, de
continuer à acquérir des biens fonds. Ils distinguèrent,
d'une part, la propriété légale reconnue par la common
law, ou estate légal et, d'autre part, la propriété utile,
conférant la possession et la jouissance, use ou trust.
Celui qui a Vestale légal et qui est le tenancier au regard
de la loi, prend le nom de tiers tenant : celui qui a la pos-
(1) Le St. Quia Emptores de 1290 (St. 18, Ed. I), réservait
au roi seul le droit de concéder des terres en franche aumône
ou frank almoign: La grande Charte d'Henri III de 1217,
avait interdit les aliénations au profit de maisons religieuses.
Par une inteprétation littérale de la Charte, les tribunaux
considérèrent comme valables les aliénations au profit de per-
sonnes religieuses. Le St. 7 Ed. 1 assimila les maisons et les
personnes religieuses au point de- vue de l'incapacité d'acqué-
rir. V. DiGBY, op. cit., p. 182 et suiv. ; Glasson, op. cit. T. III,
p. 198 et suiv.; Lebret, op. cit., p. 115 et 116.
L. 2
18 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
session et la jouissance du domaine, s'appelle Cestui qui
use.
Pour faire naître cette situation juridique, une aliéna-
tion avait lieu, par laquelle une personne était investie de
l'estate légal, tandis que le vendeur se réservait luse ou
l'attribuait à une troisième personne. L'acquéreur de l'es-
tate légal était ainsi investi de la seule propriété reconnue
par les tribunaux de droit commun, mais il devait, en
conscience, laisser cestui qui use jouir et disposer de
l'estate comme il l'entendait. Cette obligation de cons-
cience, semblable à celle du fidéicommissaire romain, fut
sanctionnée par la juridiction d'équité du Chancelier.
Comme l'a dit Bacon: (( La Chancellerie voit plus loin que
la Common law ; elle scrute la conscience corrompue de
celui qui veut transmettre des droits de propriété, alors
qu'il sait que ces droits sont laissés à la jouissance d*une
autre personne (1). »
Une fois consacrée par le tribunal d'équité, la théorie
des uses, destinée à l'origine à permettre seulement les
aliénations en mainmorte (2), fut bientôt employée dans
nombre de conventions ordinaires : Elle donnait, en effet,
le moyen de se soustraire aux règles strictes du droit féo-
dal et d'éviter des confiscations, alors très fréquentes (3).
De plus, cestui qui use pouvait disposer de son droit ou
interest, sans recourir à aucune forme spéciale d'acte, ni
à la cérémonie de l'investiture. Cette liberté des transmis-
sions pouvait avoir des avantages, mais présenta bientôt
de graves inconvénients : des confusions et des procès
(1) Cité par Pollock, op. cit., p. 96. Y. aussi Lebret, op. cit.,
p. 177 et Glasson, op. cit. T. IV, p. 254 et suiv.
(2) Le Statut 15, Richard II, c. 5, interdit demployer l'use
pour les aliénations en mainmorte. Cf. Blackstone, op. cit.
T. II, p. 231.
(3) L'use avait notamment pour effet de soustraire le tenan-
cier apparent aux obligations et services féodaux qui n'étaient
dus que par les propriétaires. L'use pouvait aussi être trans-
mise par testament, alors que les lois en vigueur interdisaient
les legs de biens fonds.
LA THÉORIE DES USES 19
nombreux naquirent de la difficulté où se trouvèrent le'-
acquéreurs de connaître l'étendue des droits de leur ven-
deur. Pour prévenir ces procès, la Cour de la Chancelle-
rie admit peu à peu que celui qui avait l'use, qui était
donc le possesseur apparent, pouvait valablement aliéner
la pleine propriété de l'immeuble dont il jouissait.
Sanctionnée progressivement par diverses lois à partir
du règne de Richard II, cette solution fut imposée aux
cours du droit commun par le Statute of Uses (1536) (1). Ce
statut réunit la saisine légale du fidéicommissaire à la
propriété équitable du bénéficiaire. Il investit ce dernier
du légal estate, le considère comme le véritable proprié-
taire et l'assujettit envers le seigneur aux redevances féo-
dales et aux autres services auxquels il échappait aupara-
vant.
Cette réforme semblait devoir faire rentrer les Uses
dans le droit commun et amener de nouveau les partie»
à employer pour les transmissions de propriété les for-
mes primitives et publiques, jadis en usage.
Un concours étrange de circonstances et une coutume
devenue trop forte pour pouvoir être supprimée par la
loi, joints à une interprétation d'une étroitesse presque
superstitieuse, produisirent des effets diamétralement op-
posés à ceux espérés. La distinction entre la propriété
légale et la propriété équitable se trouva revivifiée dans
le bargain and sale ; le seul résultat du Statut des Uses
fut de faire appliquer au légal inierest de la common law
les règles et principes imaginés par la juridiction d'équité
pour les uses (2). Le législateur, avait une fois de plus,
compté sans les artifices de procédure que les juriscon-
sultes anglais ont toujours employés « comme une arme
destinée, sinon à détruire, du moins à modifier le régime
de la terre, ses caractères, ses modes de transmission (3).))
Loin d'être supprimées, les aliénations occultes de la
. (1) Statut 27, Henry VIII, c. 10. V. Digby, op. cit., p. 310.
(2) Digby, op. cit., p. 311; Lebret, op. cit., p. 190.
(3) Glasson, op. cit., T. IV, p. 163. V. aussi Pollock, op. cit.,
p. 91.
20 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
propriété étaient donc officiellement instaurées en Angle-
terre.
Les effets nuisibles de cette jurisprudence furent bientôt
compris ; la même année, le Statute of Enrolments (1) or-
donna à peine de nullité de constater toute cession immo-
bilière (baigain and S'a/e),par acte authentique (indenture)
et d'enregistrer ces actes dans le délai de 6 mois, soit à
la Cour du record de Westminster, soit devant le Custos
Rotulorum de la Cour du Comté (2).
Le Statute of Enrolments, ne s'appliquait qu'à la vente
des francs tènements héréditaires ; il laissait de côté les
concessions à bail de ces biens. Encore une fois, un
juriste. Sir Francis Moore, trouva dans cette lacune un
moyen de tourner la loi. <( Un bail moyennant une somme
d'argent est fait pour un an par le franc-tenancier à l'autre
partie contractante. » Celui-ci est, par le paiement, saisi
de Vuse pour le terme stipulé. « Etant ainsi en possession,
il est habile à recevoir l'abandon du franc tènement et du
droit de reversion qui ne peut se faire qu'à un tenancier
saisi. L'abandon lui est donc fait le jour suivant : ces con-
ventions sont réputées tenir lieu de la mise en possession
et de la saisine, de sorte qu'un bail et abandon (lease and
release), équivaut à une inféodation (3). » L'acte d'aban-
don n'étant pas soumis à l'inscription, le Statute ol En-
rolments ne pouvait pas être appliqué.
Le succès de ce mode d'aliénation fut tel, qu'il fut pres-
([ue le seul employé pendant près de trois siècles.
L'abandon fut cependant le sujet de certaines contesta-
tions entre vendeurs et acheteurs, les premiers prétendant
ne l'avoir jamais consenti, les seconds au contraire soute-
nant l'avoir reçu. Pour prévenir de semblables querelles,
le Statute ol Erauds prescrivit, à peine de nullité de la
(1) Statut 27, Henry VIII, c. 16.
(2) Williams, op. cit., p. 187; Digby, op. cit., p. 330.
(3) Blackstone. Op. cit. T. II, c. 20. L'ancien lease and release
exigeait une prise de possession suivant certaines formes. La
théorie des uses avait supprimé toute solennité.
LA THÉORIE DES USES 21
convention, la rédaction d'un acte écrit, signé du cédant
et constatant l'abandon du franc-tènement. Le même texte
exigeait également la confection d'un contrat de bail,
lorsque la location avait plus de 3 ans de durée (1).
Les deux actes de lease et de release furent exigés jus-
qu'en 1841. Dès cette époque, afin de diminuer les frais,
l'acte d'abandon fut seul nécessaire (2). Quelques années
après, en 1845, une loi assimila les biens corporels aux
biens incorporels et décida << qu'un acte sous seings pri-
vés, signé et scellé [deed), opérerait désormais la trans-
mission d'un bien fonds aussi efficacement que la tradi-
tion (3). » C'est le signal de l'abandon définitif de l'investi-
ture et même des actes de release (4) ; l'accord des volon-
tés suffit désormais à transférer la propriété. Un acte est
rédigé ; le vendeur donne un des exemplaires à l'acqué-
reur en prononçant les paroles suivantes : « Je vous re-
mets cet écrit comme étant mon fait et mon acte. (/ deliver
Il ou this as my act and deed). » A partir de ce moment,
l'aliénation est consommée.
Telles sont, rapidement examinées, les phases par les-
quelles a passé, dans l'histoire des institutions juridiques
anglaises, la transmission de la propriété. M. Lebret a
caractérisé avec une grande netteté cette évolution. <( La
translation était, sous le régime de la Common Law, en-
tourée d'une certaine publicité ; elle ne pouvait s'opérer,
en effet, que par leoflment (inféodation), suivie d'investi-
ture ou par la procédure des |me ou recovery ou par la
conveyance d'un estate lor years (cession à bail) suivie
(1) Statut 29, Charles II, c. 3. V. Glasson, op. cit. T. V,
p. 281; Williams, op. cit., p. 151.
(2) Statut 4 et 5 Victoria, c. 21, confirmé en 1844 par le Statut
V et 8 Victoria, c. 76, <( an act to simplify the transfer of tlie
property. »
(3) St. 8 et 9 Victoria, c. 106, « an act to amend the law of real
property ».
(4) Les aliénations en justice avaient été supprimées en 1833
par le St. 3 et 4, Guillaume IV, c. 74, « an act for the abolition
of fines and recoveries. »
22 l.lMRODrCTIOX DES LIVRES FONCIERS EX ANGLETERRE
du reiease, en un mot par des formes qui, impliquant à
un moment déterminé une tradition réelle de la terre ou
une sentence publique, étaient dans une certaine mesure
connues des tiers intéressés... La même sécurité ne se
retrouve pas dans les formes de l'aliénation des uses et
dans les modalités dont elles sont susceptibles ; d'une
part, plus de mise en possession réelle qui annonce la
mutation du droit, mais une simple convention absolu-
ment dispensée de solennité. D autre part, liberté pleine
et entière d'affecter la création des uses de conditions
et de modalités quelconques, de les constituer même in
futurum (1). »
La clandestinité des aliénations immobilières qui se dé-
veloppa à Fombre du Statut des uses rendit bientôt fort
compliquée la conclusion de tous les actes. L'acquéreur dut
rechercher, avant de contracter, si des. transferts ou des
constitutions de droits réels occultes n'avaient pas limité
les droits du propriétaire apparent ; il dut en quelque
sorte faire l'histoire de la propriété, d'après les titres
qui lui furent remis par le vendeur (2).
Celui-ci ne peut généralement invoquer comme preuve
incontestée de ses droits, qu'une possession non troublée,
continue et d'une certaine durée. Les titres ne font que
corroborer cette possession et qu'indiquer en quelle qua-
lité le vendeur a joui de la propriété. Lexamen des titres
et cette constatation de la possession, soulèvent des ques-
tions fort délicates qui nécessitent presque toujours l'in-
tervention d'un spécialiste versé dans la législation et la
jurisprudence immobilières. -L'acquéreur doit s'adresser
à lui, s'il ne veut pas s'exposer à éprouver plus tard de
sérieux mécomptes.
Le vendeur remet au représentant de l'acquéreur un
abstract of title ou résumé des titres de propriété : ce do-
cument relate toutes les transactions immobilières faites
par voie de ventes, de mortgages, de baux, de constitution
(1) Op. cit., p. 187 et suiv.
(2) PoLLOCK, op. cit., p. 168 et suiv.
LA THÉORIE DES USE? 23
de rentes foncières durant les quarante dernières années.
Le soliciter de l'acquéreur examine Yabstvact au point
de vue matériel et s'assure de la concordance des énon-
ciations qu'il contient avec les titres produits. En général,
il soumet cet extrait à un conseil qui décide, s'il y a lieu,
d'inviter le vendeur à compléter, par la production d'au-
tres pièces, la preuve de ses droits. Finalement, le conseil
déclare si le vendeur a qualité pour disposer de la pro-
priété, en admettant l'exactitude des faits consignés dans
Vabstract.
Ces investigations représentent pour les solicitors et
les conseils, un travail intellectuel, l'examen de la situa-
tion juridique de l'immeuble, et un travail matériel et
presque mécanique, la vérification du contenu de l'extrait
ainsi que les recherches dans les bureaux ou greffes dans
lesquels certains actes sont enregistrés et conservés (1).
Pour chaque convention immobilière, si rapprochée
soit-elle d'une autre convention ayant pour objet la même
propriété, il est nécessaire de suivre la même fdière de
formalités qu'un des membres de la Chambre des Com-
munes a déclarées, dans l'enquête de 1895, être un scan-
dale (2). Cette procédure occasionne de longs retards et
des frais élevés. Le vendeur en subit le plus souvent les
conséquences et ne vend sa propriété qu'à un prix infé-
rieur à sa valeur réelle : il supporte une taxe exorbitante
qui pèse d'un même poids sur toutes les aliénations quelle
que soit leur valeur (3). Les grands propriétaires sont
même, en fait, les mieux traités, car leurs domaines sont
détenus par eux en vertu de titres historiques ou de pos-
(1) Voyez plus loin, p. 40 et suiv.
(2) Land Transfer Bill. 1895. Interrogatoire de M. Wols-
tenholme, par M. Haldane. Question n*' 607.
(3) (( La transmission de la propriété immobilière est sou-
mise par la loi à des difficultés et à des dépenses telles, que le
Comité est convaincu que la valeur des biens fonds est considé-
rablement diminuée par les procédés ennuyeux et coûteux qui
accompagnent tout transfert. » Select Committee of the House
of Lords de 1846.
24 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
sessions si connues, qu'il est inutile de procéder à de mi-
nutieuses vérifications. Au contraire, les petits proprié-
taires doivent se soumettre à toutes les investigations qui
peuvent être légalement exigées : le régime de clandesti-
nité aboutit ainsi à créer au détriment de la petite pro-
priété une inégalité déplorable et injuste. On aurait pu,
malgré tout, prendre la défense de ce système, si le ré-
sultat de tous ces frais et de tous ces ennuis avait été de
donner à l'acquéreur la certitude absolue que le vendeur
pouvait valablement lui transmettre la propriété (1) ; il
n'en est pas ainsi.
Le détenteur actuel d'un bien fonds peut rarement offrir
à son acheteur toutes les garanties qu'en droit strict celui-
ci pourrait exiger. Le vendeur, afin de se prémunir contre
des demandes de preuves qu'il lui serait impossible ou
ruineux de satisfaire, examine ses propres titres avant
d'engager aucun pourparler et aliène en posant des con-
ditions de vente soigneusement définies, limitant la durée
des recherches dans le passé et l'étendue des preuves à
fournir. Cette pratique met l'acquéreur en demeure, soit
de renoncer à posséder un immeuble dont il peut avoir
besoin, soit de passer sous les fourches caudines du ven-
deur. 11 court, dans ce dernier cas, un risque que tout
examen, si minutieux soit-il, ne saurait prévenir.
Des actes de disposition non mentionnés dans les titres
(1) (( Il est possible d'atteindre un degré de certitude
suffisant pour satisfaire un homme prudent, mais on
n'j^ arrive qu'après des retards, des difficultés et des dépenses
considérables. Le grand malheur ne réside pas dans cette incer-
titude des titres, mais dans la complication et les frais des
investigations. » Cette réponse aux Real Property commission-
ners (citée par PoUock., op. cit., p. 173), est contraire à l'idée
que nous émettons. Les propriétaires, croyons-nous, seraient
assez disposés à faire les frais nécessaires, s'ils étaient assurés
en retour de posséder un bien dont la propriété ne pourra ja-
mais leur être contestée. D'ailleurs, les frais sont la conséquence
de l'origine douteuse de la propriété : tant que la base de la
propriété ne sera pas solidement établie, les frais seront tou-
jours sensiblement les mêmes.
LA THÉORIE DES USES 25
peuvent avoir aussi limité le droit du propriétaire. La
clause d'un testament a, par exemple, grevé une terre
d'une charge foncière : un contrat de mariage a réduit
Yinterest à un droit purement viager. L'examen des titres
est, dans cette hypothèse encore, impuissant à donner
entière sécurité à l'acheteur (1).
Enfm. la doctrine du mortgage équitable a apporté,
dans la conclusion des emprunts hypothécaires, un nouvel
élément d'incertitude. Le mortgage légal est une cession
conditionnelle de la propriété, cession qui deviendra défi-
nitive si, au terme fixé, l'emprunteur n'a pas remboursé le
prêt. Il est, comme une vente ordinaire, accompagné de
la remise des titres de propriété au créancier : La trans-
mission des titres est exigée, afin d'interdire à l'emprun-
teur de s'en servir pour consentir de nouvelles aliénations
ou de nouveaux mortgages (2).
Le mortgage équitable, au contraire, n'est qu'un enga-
gement souscrit par le débiteur au profit du créancier. Il
promet au créancier de lui céder l'immeuble grevé si
le prêt n'a pas été remboursé à l'échéance. Les créanciers
exigent en outre le plus souvent le dépôt des titres entre
leurs mains comme pour les mortgages légaux. Mais, ce
n'est qu'une garantie accessoire qui, si elle n'a pas été
demandée, n'empêche pas le mortgage équitable d'exis-
ter. Des mortgagistes ou des acquéreurs postérieurs peu-
vent par conséquent ignorer l'existence de l'obligation
contractée lorsque les titres sont restés en possession du
débiteur. D'ailleurs, même lorsque certains actes ont été
remis, rien ne prouve que l'emprunteur n'ait pas con-
servé, par devers lui, d'autres pièces donî il pourra faire
usage à l'occasion. S'il est habile et peu scrupuleux, de
multiples moyens de se procurer de l'argent lui sont
offerts. Il peut consentir un mortgage équitable en dépo-
sant une partie de ses titres entre les mains d'un premier
(1) V. POLLOCK, op. cit., p. 130 et suiv.
(2) Si le créancier laisse des titres entre les mains du débiteur,
il y a contre lui présomption de complicité qui lui fait perdre
son droit de préférence.
26 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
prêteur ; un second mortgage équitable en remettant l'au-
tre partie de ses titres à un deuxième prêteur. Avec un
troisième prêteur, il fera une convention, par laquelle
il s'engagera d'une manière expresse à lui céder sa pro-
priété en cas de non-remboursement du prêt. L'absence
de titres pour garantir l'exécution de cette obligation ren-
dra peut-être, cette opération difficile en faisant naître
des soupçons sur l'existence de charges réelles anté-
rieures ; l'expérience a cependant prouvé qu'un escroc
avisé peut trouver des bailleurs de fonds, que cette irré-
gularité n'arrête pas. Enfin, le même emprunteur
peut ^exécuter un transport légal de mortgage à un
quatrième prêteur. Cette quadruple opération aura pour
effet de rendre la valeur de la propriété insuffisante pour
désintéresser les créanciers qui ont cru, tous les quatre,
être seuls appelés à recevoir le prix du gage qui leur était
offert.
Le règlement judiciaire des contestations entre créan-
ciers au sujet de leur ordre de préférence réside, à l'heure
actuelle, dans la solution des problèmes les plus com-
pliqués. La Cour de la Chancellerie a essayé de poser
quelques règles générales, mais leur application conduit
aux résultats les plus imprévus et aux conséquences les
plus injustes. A tel point qu'» il est permis de douter si ces
raffinements n'ont pas en réalité fait plus de mal que de
bien(l). »
La consécration par la loi de la soudure et de la consoli-
dation, ajoute aussi un nouvel élément d'instabilité à la
situation des créanciers hypothécaires. En vertu du prin-
cipe de la soudure un créancier premier en rang
qui a prêté une somme sur sûreté réelle et consent un
deuxième prêt sur la même sûreté, peut faire colloquer
ce deuxième prêt au même rang que le premier, nonobs-
tant tous les mortgages contractés entre les deux opéra-
lions. La consolidation, d'autre part, permet, lorsque plu-
sieurs hypothèques ont été prises sur plusieurs immeu-
bles par un même prêteur et pour des créances
(1) POLLOCK, op. cit., p. 134.
LA THEORIE DES USES
diverses, de rendre chacun des immeubles garant du
paiement de toutes ces créances au rang où Ihypothèque
spéciale à cet immeuble a été consentie. Le droit civil
anglais ignore donc les principes de la spécialité et de la
priorité des créanciers hypothécaires.
Un prêteur peut, par conséquent, s'assurer lui-même, en
exigeant la production des titres qu'il n'y a pas de mort-
gage. S'il n'est pas fait droit à sa demande, c'est qu'il
existe au moins un mortgage antérieur au sien ; mais ce
mortgage existe-t-il seul ou des mortgages postérieurs
au premier ont-ils été déjà consentis par actes subsidiai-
res ? il ne peut en avoir la certitude. Dès lors, les créan-
ciers ne peuvent constater le rang auxquels ils ont
droit (1). Situation défavorable aux prêteurs sans doute,
mais surtout aux emprunteurs qui, une fois un mortgage
consenti, ne peuvent plus se servir de leur crédit immobi-
lier, car les bailleurs de fonds sérieux ne trouvent plus
dans le gage qui leur est offert, une garantie suffisante.
Les acheteurs ou les créanciers ne sont pas seulement
trompés, avec le système des transactions occultes, sur
la valeur de la propriété transmise ou hypothéquée. Des
témoins, convoqués lors des enquêtes parlementaires, ont
cité des procès dont ils eurent connaissance où grâce à
des faux, à des falsifications d'actes, à des triples et même
quadruples expéditions de contrats obtenus de solicitors
circonvenus, des escrocs hardis avaient fait deux ou trois
ventes' successives d'un même immeuble, ou consenti
des droits réels après avoir vendu déjà la terre qu'ils pré-
tendaient grever (2).
Sir Frederick Pollock, qui ne peut être suspecté d'hos-
tilité envers le régime des transactions occultes, porte ce
jugement plutôt sévère dans son ouvrage sur les Lois fon-
cières « Au cours du xvif et du xviif siècle, les conveyan-
(1) Ce danger existe d'une façon si réelle, que le législateur
anglais a dû créer un délit spécial visant les fraudeurs: le
misdemeanor, puni d'amende et d'emprisonnement.
(2) Land Transfer Bill. 1895. L. High. Chancellor. Ques-
tions 15, 16, 120, 121, 297-300.
28 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
ces ont été conduites d'après un système d'investigation
privée des titres qui est encore en usage et qui, bien
qu'extrêmement gênant et coûteux, est suffisamment effi-
cace. Je dis seulement qu'il est suffisamment efficace, car
il laisse subsister des possibilités de fraudes, qu'aucune
précaution ordinaire ne saurait exclure. De temps à autre,
un grand malheur arrive du fait de ce régime à des per-
sonnes qui ont donné leur argent de bonne foi et n'ont
cependant nullement été négligentes (1). » Ces dangers
sont même plus grands qu'on ne le suppose. « On a pré-
tendu, a-t-on dit, qu'il y avait très peu de fraudes avec
notre système de transmissions occultes de la propriété.
Il est peut-être vrai que les cas litigieux soient relative-
ment rares, mais considéré au point de vue absolu, le
nombre des procès soumis de ce chef aux tribunaux est
fort élevé (2), » et « il n'est pas un seul acheteur cie terre
en Angleterre qui puisse payer son prix d'achat en toute
confiance (3). »
En résumé les retards, l'élévation des frais, l'insécurité
des droits réels, sont les trois défauts principaux de la
clandestinité.
(1) Op. cit., p. 105.
(2) Land Transfer Bill, 1895. M. Haldane. Question 296.
(3) M. H. Elphinstone. Cité dans l'Annuaire de Législation
étrangère de 1889. (Notice sur la loi du 24 octobre 1888, pour
r Enregistrement de certaines charges foncières. Récemment,
le 7 mai 1902, la Cour criminelle centrale d'Angleterre a
eu à juger un procès dans lequel deux propriétés avaient été
mortgagées 17 fois pour une somme totale de 10.400 livres ster-
lings; deux autres propriétés, 12 fois pour une somme de
10.000 livres sterlings et sur une dernière propriété, 1.700 livres
sterlings avaient été prêtées en deux mortgages différents. Il
fut même établi qu'antérieurement au procès, les prêts consen-
tis s'étaient élevés au total à 50.000 livres sterlings (cité par
Brickdale, Report of the Registrar of the Land Eegistry, 1902,
p. 26, § 127.)
CHAPITRE III
DIVERS SYSTÈMES DE TRANSMISSION DES DROITS RÉELS. — AVAN-
TAGES ET INCONVÉNIENTS. — LACT TORRENS
Lorsqu'on étudie les solutions adoptées par les diverses
législations modernes en vue de donner à la propriété fon-
cière une assiette solide et de faciliter les diverses con-
ventions dont elle peut être l'objet, on trouve que ces légis-
lations se répartissent en trois groupes distincts : Les
unes sont sous le régime des transactions occultes ; les
autres prescrivent la publicité des actes ; d'autres enfin
ont adopté le principe des Livres fonciers.
Le régime des transactions occultes a conservé parmi
les civilistes un certain nombre de partisans. Seul, il leur
paraît conforme au principe moderne de la liberté des
contrats, seul aussi il respecterait pleinement la volonté
des parties. Le droit de propriété, disent-ils, est dans son
essence un droit absolu, que des prescriptions législatives
ne peuvent limiter. Tout propriétaire doit jouir et disposer
de sa terre sans aucun contrôle. Les conventions par les-
quelles il exerce son pouvoir, doivent être définitives et
valables dès qu'il a consenti à les contracter. Contraindre
les propriétaires à soumettre leurs actes à des formalités
de publicité ou au contrôle d'agents de l'Etat serait la
négation du caractère essentiel de la propriété et des tra-
ditions d'individualité et d'initiative personnelles placées
à la base des institutions démocratiques.
L'évolution des principes juridiques, soit dans le droit
romain, soit dans les coutumes féodales, prouve que, dans
un état avancé de civilisation, les règles d'un formalisme
étroit, usitées à l'origine, ne sont plus applicables. Cette
transformation trouve d'ailleurs son explication dans la
nature même des conventions immobilières. Leur objet,
en effet, n'est pas la tradition d'une chose réelle, d'une
30 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
maison ou d'un champ, mais du droit que le délenteur
actuel possède sur cette maison ou sur ce champ ; or, un
droit est une chose immatérielle dont l'exercice seul se
révèle par des actes tangibles. La transmission du droit
ne doit donc pas nécessiter des formalités extérieures ;
la volonlé des parlies une fois concordante, suffit à assu-
rer le transfert (1).
Cette doctrine est celle du droit romain: la vente, rangée
dans la catégorie des contrats consensuels (2), ne créait,
il est vrai, que des obligations entre acheteurs ou ven-
deurs ; mais la tradition, exécution de lobligation con-
tractée, avait elle-même lieu sans aucune publicité. Nous
avons vu que le droit anglais se rattache par des liens
étroits à cette théorie. La France, enfin, n'a pas encore
complètement rompu avec elle, malgré les prescriptions
du Code civil modifiées et complétées par la loi de 1855.
Mais la plupart des autres pays l'ont aujourd'hui aban-
donnée.
Sans méconnaître le caractère absolu du droit de pro-
priété, il peut en effet paraître nécessaire de soumettre
les conventions immobilières à certaines formalités. Car le
propriétaire n'est pas le seul en cause ; les tiers avec les-
quels il traite ne doivent pas être laissés à la merci des
manœuvres frauduleuses, dont nous avons constaté l'exis-
tence en Angleterre. Leurs intérêts, aussi respectables que
ceux du propriétaire, méritent d'être d'autant mieux proté-
gés que les transactions immobilières, de plus en plus
compliquées et nombreuses, présentent dans la circula-
(1) M. Worms a critiqué en ces termes, au point de vue fran-
çais, cette théorie. <( Les amateurs d'immatérialité ne peuvent
cependant oublier que c'est l'excès de cette tendance, que c'est
la carrière saris frein ouverte aux manifestations, parfois dé-
loyales de la volonté individuelle, qui a obligé le législateur à
intervenir en 1855 à la demande et à la satisfaction générales. »
Com. extrap. du cad. T. I, p. 195.
(2) Gaius, 3, 136, Inst. a Ideo autem istis modis consensu dici-
mus ohligationes contrahi quia neque verhoruni neque ^criptu-
rœ ulla proprietas desideratur, sed sufficit eos qui negotium
gerunt consensisse. »
DIVERS SYSTÈMES DE TRANSMISSION DES DROITS RÉELS 31
tion générale des richesses d'un pays une notable pari.
Leur importance et leur fréquence donnent à ces opéra-
tions un caractère d'intérêt public, devant lequel le droit
du propriétaire doit s'incliner.
Les législateurs ont en conséquence posé de nouveaux
principes et institué, soit la publicité des actes, soit les
Livres fonciers. Les partisans du système de la publicité
ne prétendent pas modifier les conditions dans lesquelles
sont actuellement conclues les ventes et les hypothèques.
Ils admettent que la signature d'un acte authentique suf-
fit à affecter un immeuble à la garantie dune créance,
que l'accord des volontés opère immédiatement le trans-
fert de la propriété. Mais si ces contrats sont dès ce mo-
ment consommés vis-à-vis du vendeur et du débiteur, ils
ne le sont pas vis-à-vis des tiers. Ils ne peuvent être invo-
qués contre eux qu'après avoir fait l'objet d'une inscrip-
tion sur le registre officiel. Entre la conclusion de l'acte et
la formalité de la publicité, le vendeur ou l'emprunteur
est encore, au regard des tiers, le seul propriétaire : une
personne qui, ignorant le contrat antérieur, aurait de
bonne foi fait marché avec lui, et aurait soumis son acte
à l'enregistrement, serait préférée au premier acquéreur
qui aurait négligé d'accomphr cette formalité. Le droit
réel de ce dernier se résoudrait en une simple action
personnelle contre le vendeur ou l'emprunteur.
Ce principe une fois admis que tout droit réel doit. pour
être opposable aux tiers, faire l'objet d'une inscription sur
un registre officiel, les législations se séparent sur l'éten-
due de l'obligation ainsi imposée aux bénéficiaires. En
France, par exemple, la loi de 1855 prescrit la transcrip-
tion des actes attributifs de propriété, alors que les mu-
tations après décès, de même que les actes déclaratifs de
propriété en sont dispensés (l).Le Code civil, d'autre part,
a établi en principe la nécessité de l'inscription des hypo-
thèques, mais les privilèges immobiliers et généraux et
(1) Sous l'Ancien Régime, les ordonnances de Villers Cotte-
rets (1539) et de Moulins (1566) pour les donations, les ordon-
nances d'Orléans (1561) et de Moulins (1566) pour les substitu-
32 l'introduction des livres fonciers E.\ ANGLETERRE
plusieurs des hypothèques légales se conservent sans ins-
cription.
La publicité a, au contraire, été portée à ses extrêmes
conséquences en Belgique, en Italie et dans le grand
duché de Luxembourg (1). Toutes les conventions immo-
bilières sont soumises à Tinscription et les hypothèques
générales occultes existant en France ont été. transformées
en hypothèques spéciales mentionnées sur les registres
des conservations (2).
La publicité donne aux actes une notoriété certaine et
protège ainsi les tiers : elle n'est cependant qu'un palla-
dium relatif. Le vendeur ne peut transmettre à l'acquéreur
plus de droits qu'il n'en possède lui-même : nemo plus
juris translerre potest quant ipse habet. Si l'auteur n'est
pas le véritable propriétaire, son ayant-droit ne peut s'op-
poser, en invoquant son inscription, à une action en reven-
dication du véritable propriétaire évincé. Une cause d'in-
sécurité, de discrédit subsiste donc. En outre, la publicité
n'est pas complètement satisfaisante au point de vue de la
rapidité des transactions et des frais. L'examen des actes
est encore nécessaire pour connaître la situation juridique
exacte de la propriété ; ces actes sont inscrits à la suite
les uns des autres sur les registres. Pour permettre de s'y
reporter, un répertoire des noms des contractants est tenu
concurremment. Mais comme un certain nombre de mu-
tations, quelque rigoureuses que soient les sanctions atta-
chées au défaut d'enregistrement, ne sont pas inscrites,
les recherches dans les registres ne permettent pas le plus
souvent d'établir l'origine complète de la propriété. Il faut,
avant de faire ces recherches, s'enquérir des noms des
tions fidéicommissaires, l'édit de décembre 1703 pour toutes les
mutations immobilières avaient prescrits l'insinuation de ces
actes. L'édit de Colbert de 1673 avait aussi créé la publicité
hypothécaire.
(1) Belgique, L. 16 décembre 1851. Italie, L. 2 avril 1865.
On peut aussi ranger dans cette catégorie le Wurtemberg et la
Bavière.
(2) V. WoRMS. Comm. cxtrap. du cad. Proc.-verb. T. I,
p. 194.
DIVERS SYSTÈMES DE TRANSMISSION DES DROITS RÉELS 33
propriétaires successifs, afin de pouvoir, au besoin, ne pas
être arrêté par les lacunes qui sont le résultat du défaut de
publicité d'un certain nombre d'actes. Examen et recher-
ches sont donc longs et délicats et occasionnent aux ac-
quéreurs d'assez lourdes dépenses (1).
La publicité des actes entretient par son insuffisance
« des droits de propriété malaisés, impropres à la circu-
lation, dangereux pour le crédit et, somme toute, ne pou-
vant procurer à leur titulaire qu'une utilité restreinte (2). »
D'autres législations ont cherché, dans l'établissement
des Livres fonciers, le moyen d'assurer à la propriété fon-
cière une sécurité complète et une grande facilité des
transactions.
Les Livres fonciers ont pour base, non seulement l'ins-
cription sur un registre des actes relatifs aux biens fonds,
mais aussi l'immatriculation sur ce même registre des
biens fonds eux-mêmes. L'immatriculation consiste « à
réunir toutes les transactions relatives à une même pro-
priété ou à un groupe de propriétés appartenant à un
même individu sur un feuillet; à tenir à jour un état exact
des transformations affectant le ou les immeubles inscrits
et à donner à cet état une valeur légale (3). » Cette pra-
tique, offre donc deux avantages.
Le registre tenu par propriété permet, lorsqu'on con-
naît la situation d'un immeuble, de retrouver rapidement
(1) V. General and detailed reports on the Systems now in ope-
ration in Germany and Austria Hungary, p. 13.
(2) Gide. Etude sur TAct Torrens, p. 42. M. Rouvier, à la
Séance plénière de la Commission extraparlementaire du ca-
dastre du 10 juin 1891, a dit de la loi française : « La publicité
telle qu'elle résulte de la législation actuelle est impuissante à
conférer par elle-même la sécurité indispensable à la propriété
foncière et au développement du crédit hypothécaire. » T. I,
p. 19.
(3) V. General and detailed reports, etc.. Op. cit., p. 13,
§ 35 et 50. (( Les énonciations du Livre foncier reproduisent la
vie juridique de la parcelle. )) Marques di Braga. Com. extrap.
du cad. T. II, p. 446.
L. 3
o4 L IMRODLCTIOX DES LIVRES FONCIERS E.\ ANGLETERRE
le feuillet qui s'y rapporte. Il supprime toutes les recher-
ches ditTiciles que nécessitent les registres d'actes pour
arriver à établir la généalogie des propriétaires succes-
sifs.
Les vérifications sont également de beaucoup simpli-
fiées, car l'acquéreur trouve sur ce feuillet mention de
tous les actes et de leur objet, alors qu'auparavant il
devait consulter de nombreux registres pour s'assurer
du contenu des actes qui y avaient été transcrits.
De plus, rimmatriculation de la propriété et les ins-
criptions postérieures ont des effets tout différents de
ceux réservés à la publicité des actes.
Les législateurs, en instiluant des livres fonciers, ont
en effet décidé qu'ils auraient une valeur juridique incon-
testable. Celui qui traite avec un propriétaire inscrit sur
le registre, peut affirmer son droit contre toute reven-
dication, même si son auteur n'était pas le véritable
propriétaire, car les inscriptions constituent, soit pour
les bénéficiaires, soit pour les tiers ayants-droit de ceux-
ci, un titre inattaquable. Cette règle de la foi probante
attachée au Lnie foncier, entraine l'application d'un
autre principe, celui de la légalité. Pour donner une
pareille valeur aux énonciations du registre, toutes les
inscriptions doivent avoir été prises à juste titre, en vertu
de conventions certaines et émanant du véritable pro-
priétaire. Oui s'assurera de la validité des titres invo-
qués à l'appui d'une demande d'inscription ? L'Etat as-
sume ce rôle. Le contrat qui. à l'origine, n'était que la
manifestation de la volonté concordante des parties, doit,
pour être complet et sortir son plein effet, recevoir l'adhé-
sion d'une troisième partie : l'Etat. Cette intervention,
violemment critiquée par certains théoriciens du droit
civil, se justifie pleinement par son utilité pratique. Elle
comporte plusieurs conséquences.
Les effets de la convention se trouvent retardés jus-
qu'au moment de l'inscription. L'inscription est, en effet,
la manifestation de lexequatur donné en quelque sorte
à la convention par l'autorité publique ; elle complète
le contrat. Tant qu'elle n'a pas eu lieu, le vendeur reste
DIVERS SYSTÈMES DE TRANSMISSION DES DROITS RÉELS 35
propriétaire de l'immeuble, et les droits qui n'ont pas
été inscrits ne sont pas valables, car ils n'ont pas reçu la
consécration exigée par la loi. Au contraire, une fois l'ins-
cription faite sur le Livre foncier, le bénéficiaire a dé-
sormais un droit qui se trouve à l'abri de toute reven-
dication ultérieure.
Les Livres fonciers sont actuellement en usage en
Allemagne (1) et en Autriche-Hongrie (2); les colonies an-
glaises australiennes (3), la plus grande partie du Canada;
plusieurs Etats des Etats-Unis, ont adopté le même prin-
cipe ; en Irlande depuis 1891, les terres détenues en vertu
des Purchase ol Land Acls doivent être immatriculées ;
(1) La Prusse a adopté les Livres fonciers dès 1783 (L. 20 dé-
cembre). Les lois du 5 mai 1872 ont revisé cette législation, for-
tifié les sanctions attachées à l'inscription et étendu les livres
fonciers aux provinces de la monarchie prussienne où ils n'exis-
taient pas déjà. Bade en 1809, la Saxe en 1843, et 14 des Etats
allemands, de 1851 à 1884, ont institué le Grundbuch. La loi du
12 avril 1888 pour les provinces rhénanes et la loi du 22 juin
1891 pour l'Alsace-Lorraine, avaient encore étendu le champ
d'application de ce principe; enfin^ la loi du 24 mars 1897 (entrée
en vigueur le 1^"^ janvier 1900) a, conformément aux dispositions
du nouveau Code civil allemand, décidé l'extension progressive
des Livres fonciers aux pays de l'Empire qui ne les ont pas
encore adoptés.
(2) En Autriche et notamment en Bohême, ont été retrouvés
les plus anciens registres fonciers; ils existaient dès le XII® siè-
cle et étaient désignés sous le nom de'Landtafeln. Le Code civil
autrichien de 1811 a été modifié par la loi du 25 juillet 1871
(Grundbuchgesetz), en ce qui concerne les Livres fonciers. Ap-
plicable seulement là où les Livres fonciers existaient déjà, elle
est mise en vigueur dans les autres provinces sur décision des
assemblées locales: Le Yorarlberg est la seule province qui ne
Fait pas encore adoptée. En Hongrie, des ordonnances du
1^^ mars 1850, 18 avril 1853, 26 juin et 15 décembre 1855, rendues
au moment de la dictature autrichienne, ont créé les registres.
Ces textes ont été quelque peu modifiés par les lois de 1886,
1889 et 1891.
(3) Sir R. Torrens a introduit en 1858 dans l'Australie du Sud
le système qui porte son nom (L. 2 juillet 1858). Le Queensland,
36 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
enfin, la France a édicté pour plusieurs de ses nouvelles
colonies des décrets réglementaires ressemblant s»jr
beaucoup de points aux lois australiennes (1).
Un examen môme rapide de ces législations nous en-
traînerait en dehors des cadres de cette étude. Nous en
exposerons d'ailleurs les traits principaux, lorsque nous
discuterons les principes posés par la loi anglaise de
1897. 11 nous a semblé cependant que nous devions rap-
peler dans ses grandes lignes le régime australien. Les
emprunts qui lui ont été faits par le législateur anglais
sont trop importants pour qu'il ne soit pas nécessaire,
avant d'examiner la loi métropolitaine, de connaître celle
qui a fonctionné en Australie depuis 1858 à la satisfac-
tion générale.
L'immatriculation n'est pas obligatoire pour toutes les
propriétés dont les titres sont antérieurs à 1858. Les pro-
priétaires peuvent, s'ils le préfèrent, continuer à trans-
mettre la propriété par de simples actes. Mais toutes les
terres, concédées par la Couronne après levote de la loi,
sont inscrites d'office au registre foncier.
Une fois opérée, l'immatriculation est irrévocable ;
elle constitue pour celui qui en bénéficie un titre inatta-
quable, ce qui permet à ceux qui veulent contracter avec
le propriétaire inscrit, de se reposer entièrement sur les
énonciations contenues dans le Livre foncier.
D ailleurs, l'immatriculation est précédée d'une série
de formalités, enquête, vérification des titres de pro-
priété, notification de la demande aux propriétaires voi-
sins, publication d'avis dans les journaux officiels. Si des
la Tasmanie, Victoria, la Nouvelle-Galles du Sud, la Nouvelle-
Zélande et l'Australie de fOuest ont, de 1861 à 1874, sucessive-
ment adhéré à cette réforme. Des modifications de détail et
surtout une codification assez complète ont eu lieu par les Real
property acts de 1886 et 1893, dans l'Australie du Sud.
(1) En Tunisie, la loi 7 juillet 1885. Dans les colonies fran-
çaises africaines, des décrets de 1897, 1899 et 1900. Tout récem-
ment (mars 1904), les Délégations financières algériennes ont
adopté en principe l'introduction des Livres fonciers en Algé-
rie.
DIVERS SYSTÈMES DE TRANSMISSION DES DROITS RÉELS 37
oppositions sont formées à rimmatriculation, celle-ci ne
peut avoir lieu qu'après désistement, péremption ou rejet
par jugement de ces oppositions
Un titre ou certificat de propriété est délivré ; il repro-
duit exactement les mentions portées au Livre foncier et
est accompagné d'un plan. Désormais, ce sera la seule
pièce sur le vu de laquelle toutes les transactions pour-
ront être effectuées.
Toutes les conventions se rapportant à une propriété
immatriculée doivent, pour être valables, faire l'objet
d'une inscription sur le Livre foncier et sur le certificat
de titre, car le défaut d'inscription fait perdre à l'ayant-
droit du propriétaire la possibilité de faire valoir son
titre.
Sauf les cas de fraude et d'erreur de bornage préjudi-
ciant à un propriétaire antérieurement immatriculé,
sauf aussi les revendications d'un a\ant-droit précédem-
ment inscrit, le porteur du certificat de titre ne peut ja-
mais être évincé de sa propriété. Les personnes qui se
trouvent lésées par les immatriculations faites au mépris
de leurs droits, ont seulement qualité pour demander
une indemnité pécuniaire, que l'Etat leur paie par prélè-
vement sur un fonds d'assurance. Celui-ci est alimenté
par une légère prime de 1/2 penny par Livre (soif environ
0.20 p. 0/0), perçue sur la valeur des propriétés ou le mon-
tant des prêts.
Tels sont les caractères principaux de l'Act Torrens.
« La sécurité que réclament les acquéreurs et les prê-
teurs, l'Act Torrens la procure absolue et complète, d'a-
bord par l'application d'une publicité sans réserve, en-
suite grâce à cette règle qui ne reconnaît que ceux dont
le registre matrice constate l'existence et que le titulaire
inscrit peut être considéré par les tiers contractant avec
lui sur la foi de son certificat comme investi d'une manière
irrévocable (1). »
(1) Besson, Les Livres fonciers et la réforme hypothécaire,
p. 352.
CHAPITRE IV
LA PUBLICITE DES ACTES EN ANGLETERRE
La législation anglaise n'est pas passée sans transi-
tion du régime des transactions occultes au régime des
Livres fonciers.
Malgré la théorie des uses, une forme de tenure, le
copyhold, avait continué à se transmettre avec une cer-
taine publicité. De plus, dès le xviif siècle, des essais de
publicité des actes avaient été tentés en vue de remédier
aux dangers les plus patents de la clandestinité.
La propriété en copyhold est une tenure qui a été
substituée aux anciennes tenures serviles du moyen âge.
Elle a perdu dans le cours des siècles le caractère de
précarité qu'elle avait à l'origine ; mais elle est restée
soumise, pour les transmissions, à certaines formalités
qui rappellent son origine féodale (1). Détenue, ainsi que
son nom l'indique, en vertu d'extraits (copy) du rôle de
la Cour du manoir dont elle dépend, cette propriété a
(donc pour seul titre l'inscription du tenancier, au rôle de
cette Cour. Les transmissions de copyhold nécessitent
par conséquent la radiation du nom du vendeur et la
nouvelle inscription du nom de l'acquéreur.
Pour ce faire, le vendeur se rend en compagnie de l'ac-
quéreur au manoir : là ils accomplissent le surrender and
admittance. (renonciation et admission). Un mémoran-
dum, signé des parties, est remis au seigneur et plus gé-
néralement à son intendant {steward) ; il contient les con-
ditions dans lesquelles s'effectue la cession. Le seigneur
(ou son intendant), signe ce document, puis inscrit
aussitôt le changement de propriétaire sur le registre du
manoir.
Le transfert n'est réputé accompli qu'une fois les for-
malités de l'admission consommées. Le seigneur consi-
(1) V. Glasson, op. cit. T. IV, p. 192. Lehk, op. cit., p. 137.
LA PUBLICITÉ DES ACTES EN ANGLETERRE 39
dère jusqu'à ce moment, que le cédant est toujours son
tenancier : en réalité celui-ci n'est qu'un fidéicommissaire
pour le compte de l'acquéreur. De même que les aliéna-
tions, les testaments, les mgrtgages et leur radiation doi-
vent être mentionnés sur le registre, pour être opposa-
bles aux tiers.
Mais les copyholds. dont le nombre diminue chaque
jour, ne couvraient même au xvf siècle qu'une faible sur-
face du Royaume-Uni. Les freeholds étaient les tenures
les plus usitées et c'étaient elles qui étaient soumises à
la clandestinité complète. Les inconvénients d'une telle
situation furent rapidement ressentis et des réformes
furent demandées. Deux traités écrits sous la Restaura-
tion des Stuarts, l'un d'un jurisconsulte, Fabian Philipps,
paru en 1662, l'autre d'un auteur anonyme, édité en
1678 (1), demandèrent, un siècle après la promulgation du
Statute ol uses, l'enregistrement des actes concernant
la propriété immobilière comme moyen de publicité. La
forme quelque peu pamphlétaire du second ouvrage indi-
que que cette réforme préoccupait déjà l'opinion et avait
même soulevé de vives discussions.
Au début du xvnf siècle, le Parlement anglais vota une
série d'actes législalils conçus dans cet esprit. Il ne faut
d'ailleurs pas exagérer l'importance des essais tentés :
Les lois ne s'appliquaient qu'à certams comtés où la
division de la propriété et la fréquence des baux, des
mortgages et des transmissions avaient rendu intolé-
rable le système de la clandestinité. De 1704 à 1735,
6 lois votées sous les règnes d'Anne et de Georges II
organisèrent des registres d'actes dans le comté de Midd-
lesex (2), dans les trois Ridings ou districts du comté
d'York (3) et à Kingston-upon-Hull.
(1) Cf. Déposition de M. Saunders devant le Select Com-
mittee de 1895. (Land. Transfer Bill.)
(2) Le Comté de Middlesex comprend la plus grande partie
de Londres. Le St. 7, Anne, c. 20 est encore en vigueur ; il a été
fort peu modifié par le St. 37 et 38 Victoria, c. 78.
(3) Pour le West Riding du Yorkshire, St. 2, Anne, c. 4 et St.
iO l'introduction DKS LIVRF.S fonciers en ANGLETERRE
Un extrait de tout acte affectant la propriété immo-
bilière devait être inscrit sur ces registres. N'étaient pas
soumis à cette formalité les baux de moins de vingt et un
ans, pourvu qu'il y ait occupation par le preneur du
bien loué, ainsi que les consentions relatives à des co-
pyholds. Les baux de moins de vingt et un ans, accom-
pagnés d'occupation par le preneur, n'ont pas paru de
nature à nuire aux acquéreurs, la location étant en quel-
que sorte rendue public[ue par la prise de possession du
locataire. Les copyholds étaient, nous l'avons vu, déjà
soumis à des formalités suffisantes. Sauf ces exceptions,
tous les actes entre vifs ou testamentaires transférant la
propriété ou la grevant de droits réels devaient faire l'ob-
jet d'une inscription, sinon l'acte était considéré comme
frauduleux et nul à l'égard des tiers : en cas de vente,
par exemple ; un propriétaire cédait son immeuble à un
acquéreur qui négligeait de transcrire son acte d'achat.
Si le même propriétaire vendait une seconde fois le
même immeuble, le second acquéreur, après avoir fait
enregistrer son titre, ne pouvait plus être dépossédé par
le premier ayant-droit.
Une autre loi avait auparavant introduit la publicité
des actes dans le Bedford Level (1). Aucune sanction n'y
était édictée contre ceux qui omettaient de faire inscrire
leurs titres. Dans ces conditions, il n'y avait que peu
d'intérêt à se soumettre aux prescriptions légales.
Ces divers registres <( destinés à protéger les intérêts
des tiers et à donner avis aux acheteurs des charges fon-
cières dont ils peuvent ne pas avoir connaissance (2) »
ne produisirent pas les résultats espérés. Des décisions
malheureuses de la Cour de la Chancellerie ne consi-
6,Anne,c.20; pour TEast Iliding,St. 6, Anne,c. 62; pour le North
Riding, St. 8, Georges II, c. 6. Tous ces statuts ont été remaniés
par le Yorkshire Registries Act, 1884, St. 47 et 48, Victoria,
c. 54. Certaines dispositions de cette loi ont elles-mêmes été
amendées par le St. 48 et 49, Victoria, c. 19 et 26.
(1) Statut 15, Charles II, c. 17 (art. 8).
(2) The cabinet Lawyer, édit. 1840, v*'. Registration of Title.
LA PLBLICITÉ DES ACTES EN ANGLETERRE 41
dérèrent pas comme inopposables à un acquéreur les
actes non enregistrés, lorsqu'il fut prouvé que cet ac-
quéreur connaissait leur existence (1). C'était ouvrir la
porte du prétoire à de nouveaux procès ; c'était aussi
enlever à l'enregistrement des actes une grande partie
de sa raison d'être.
La tenue des registres laissa également fort à désirer :
les répertoires, si importants pour faciliter les recher-
ches, devinrent, par suite d'un manque de méthode, fort
difficiles à consulter ; la consistance des immeubles se
modifia rapidement ; les mentions qui, du temps de la
reine Anne, permettaient d'identifier les biens fonds de-
vinrent insuffisantes, à raison du morcellement rapide de
la propriété dans ces comtés urbains ; en même temps
les enregistrements se multipliaient. Les registres furent
bientôt encombrés à tel point que, pour trouver un ren-
seignement, il était nécessaire de se livrer à des investi-
gations aussi longues et aussi coûteuses que celles né-
cessitées par les transactions occultes. Enfin, les pro-
priétaires et les jurisconsultes ne virent pas cette réforme
d'un œil favorable. Blackstone se fait leur interprète
dans ses Commentaires : (( Quelque plausibles que ces
(1) V. Stephens. New Commentaries of the Laws of England,
édit. 1899, p. 543. T. I; Pollock, op. cit., p. 172. Le Vendor
and Purchaser Act, 1874 (St. 37 et 38, Victoria, c. 78), a décidé,
dans son art. 8, que les testaments non enregistrés seraient con-
sidérés comme valables en faveur de l'ayant-droit d'un légataire
pourvu qu'il ait fait enregistrer son acte d'achat avant toute
autre convention émanée de l'héritier légal. Le St. 47 et 48 Vic-
toria, c. 54, sur les conservations de l'Enregistrement dans le
Yorkshire dispose, contrairement à la Jurisprudence de la
Cour de la chancellerie, que l'acte est nul, s'il n'ej>t pas enre-
gistré, sans qu'il y ait lieu de se préoccuper de savoir si l'ac-
quéreur subséquent a ou n'a pas eu connaissance des actes anté-
rieurs. Il n'est fait exception à cette règle que dans le cas de
fraude. Les lois du Yorkshire prescrivent aussi l'enregistrement
des titres qui ne résultent cependant d'aucun acte, successions
ab-intestat, mise en gage et mortgage équitable effectué par
dépôt de titres.
42 l'introduction des LIARES fonciers en ANGLETERRE
mesures paraissent être en théorie, les personnes com-
pétentes se demandent si un plus grand nombre de
procès n'a pas été soulevé dans ces comtés par l'inatten-
tion et la négligence des parties, que prévenu par l'usage
des registres (1). » Un siècle après, Sir Frederick Pol-
lock portait d'ailleurs à peu près le même jugement. <( Le
Middlesex Registry est encore plus dangereux qu'inu-
tile (2).
Ces diverses critiques ne permirent pas d'étendre au
xvm^ siècle le système d'Enregistrement des actes à toute
l'Angleterre. Bien que les lois n'aient jamais été abro-
gées, elles subirent le même échec que le registre général
des mortgages consentis aux Juifs, institué longtemps
auparavant par Richard I" dans ses capitula de Judœis.
Dans le cours de la première moitié du xix^ siècle, de
nouvelles tentatives furent faites. Les commissaires de
la propriété foncière {real property commissionners) re-
cueillirent en 1828 de nombreuses informations, tant en
Angleterre que dans les autres pays et préconisèrent,
dans leur rapport, la création d'un registre général tenu
à Londres. Des bills furent déposés dans ce but à la
Chambre des Communes : de 1830 à 1834, il n'y en eut
pas moins de cinq. Tous furent repoussés. Le même sort
fut réservé à la proposition de Sir John Campbell, soli-
citor général en 1835 et aux projets présentés en 1845,
1846 et 1851 par d'autres m.embres du Parlement. Enfin,
en 1853. le gouvernement de la Reine n'obtint même pas
le vote d'une loi établissant une publicité restreinte et
facultative (3).
Renonçant à créer des registres généraux, les législa-
teurs anglais avaient organisé une série de registres spé-
ciaux sur lesquels étaient mentionnés des actes ou des
faits qu'il était particulièrement utile de porter à la con-
naissance des tiers : Le registre des actes abolitifs de
substitutions (Register of disentailing deeds), tenu jus-
(1) Blackstone, op. cit. T. II, c. 20.
(2) POLLOCK, op. cit., p. 172.
(3) V. Land. Transfer Bill, 1895. Appendice VI, p. 249.
LA PUBLICITÉ DES ACTES EN ANGLETERRE 43
qu'en 1833 en la Cour des Plaids communs, avait été
transféré à la Cour de la Chancellerie. Un répertoire re-
latait également tous les certificats et tous les actes par
lesquels les femmes mariées consentaient à l'exécution
des conventions dans lesquelles elles avaient été parties.
Il était conservé en la Cour des Plaids communs. Les
dettes du vendeur ou de ses auteurs envers la Couronne
ainsi que les procès immobiliers pendants pouvaient être
révélés par l'examen des tables de la même Cour. Les
contrats de rentes viagères constituées sur un bien fonds
étaient enregistrés jusqu'en 1855 dans les bureaux de la
Chancellerie et depuis lors au greffe de la Cour des Plaids
communs. Les Livres des faillis et des insolvables, tenus
dans les tribunaux de faillite, mettaient en garde les
acquéreurs contre des aliénations faites en fraude des
créanciers (1). Enfin, en vertu de diverses lois, des regis-
tres annonçaient l'existence d'engagements pris, en vue
d'améliorations agricoles, par des propriétaires vis-à-vis
de leurs tenanciers, sans avoir été nécessairement cons-
tatés par actes authentiques (2).
Tous ces registres donnaient sans doute des rensei-
gnements utiles, mais ils compliquaient singulièrement
les transactions en imposant, outre l'examen ordinaire
des titres de propriété, des recherches dans de nombreu-
ses localités différentes. Les hommes de loi demandèrent
et obtinrent que certains droits immobiliers, non consta-
tés par actes authentiques et contre lesquels il était
particulièrement difficile de se garantir, devraient être
inscrits sur des registres spéciaux tenus à Londres. La
loi du 24 octobre 1888 pour l'enregistrement de certaines
charges foncières (3) réunit, à cet effet, dans trois regis-
tres distincts, la plupart des publications auparavant
faites dans les greffes des Cours.
1° Les décisions judiciaires {writs and orders) immo-
bilières sont inscrites (( sur un registre spécial au nom
(1) Cf. Williams, op. cit., p. 458.
(2) Notamment Tlmprovement of Land Act, 1864.
(3) Land Charges Registration and Searches Act, 1888; St. 51-
52, Victoria, c. 51. V. Annuaire de législation étrangère de 1889.
^'i l'introduction DKS LH RF.S FONCIKRS r.N ANGI.l.ri-RRE
du propriétaire dont la terre a fait l'objet de la décision ».
Cette inscription cessera d'avoir effet au bout de 5 ans,
mais elle pourra être indéfiniment renouvelée. Toute
décision et toute mesure d'exécution prise en vertu de
cette décision sont nulles et de nul effet, si l'inscription
n'a pas eu lieu conformément à la loi (1).
2" Un second registre contient les actes d'arrangement
ou concordats entre créanciers et débiteurs. D'après ces
concordats, le débiteur transfère à un fidéicommissaire
[trustée), ses biens pour les partager entre ses créanciers.
Moyennant cet abandon, les créanciers se désistent de
toutes réclamations postérieures. L'arrangement n'aura
de valeur vis-à-vis des ayants-droit à titre onéreux du
débiteur, qu'à partir du moment où cet acte aura été ins-
crit : l'inscription peut être requise soit par le fidéicom-
missaire, soit par l'un des créanciers bénéficiaires (2).
3" Enfin, la dernière partie de la loi se rapporte à l'en-
registrement des charges foncières (Land charges) : ce
sont toutes rentes ou annuités, tous remboursements d'un
capital par acomptes, avec ou sans intérêts, grevant une
terre (3). Là encore, cette formalité est prescrite à peine
de nullité de ces charges foncières vis-à-vis des acqué-
reurs à titre onéreux du bien-fonds (4).
En résumé, le régime de la propriété foncière, avant
1897, était essentiellement occulte. Quelques mesures
avaient bien été prises en vue de rendre plus sûrs les
actes de disposition immobiliers ; mais elles avaient tou-
tes un caractère spécial quant à leur application terri-
toriale ou quant à leur étendue juridique. En raison de
ces restrictions, elles ne devaient pas apporter un remède
suffisant aux maux que nous avons signalés.
(1) Art. 5 et 6.
(2) Art. 7, 8 et 9.
(3) Ces droits ont été créés notamment par l'Agricultural
Holdings Act, 1883, sur l'amélioration des terres et l'indemnité
de plus-value au fermier sortant. Le mortgage, constaté par
acte authentique, se trouve par là-même exclu de cette énumé-
ration.
(4) Art. 10 et 12.
CHAPITRE V
PREMIERS ESSAIS d'iXTRODUCTION DES LIVRES FONCIERS
Le Regisiralion ol Tille Ad de 1862 et le Land Transler
Act de 1875.
L'insuffisance de la publicité partielle, dont nous avons
rappelé dans le chapitre précédent l'existence, était trop
évidente pour ne pas préoccuper l'opinion publique et le
Parlement. La question de la réforme du droit foncier
resta cependant sans solution pendant tout le xix^ siècle.
Deux causes principales peuvent être attribuées à cette
longue attente : certains intérêts particuliers furent assez
puissants pour primer momentanément l'intérêt général ;
les complications extrêmes de la législation, complica-
tions issues des mœurs mêmes du peuple anglais, rendi-
rent longtemps impossible le vote de réformes radi-
cales (1). Pour faire taire ces intérêts, il fallait supprimer
leur raison d'être, pour faire disparaître ces complica-
tions, il fallait, soit changer des habitudes, chose difficile
dans un pays aussi respectueux des traditions, soit adap-
ter l'organisme nouveau aux pratiques juridiques existant
depuis de longues années.
Ainsi s'expliquent la multiplicité des efforts tentés pen-
dant trois quarts de siècle, la réunion de nombreuses com-
missions, les discussions dans le public et devant le Par-
lement, les nombi^eux bills présentés par le gouvernement
à la sanction législative, le vote des lois de 1862 et de 1875
et leur échec subséquent.
De 1828' à 1854, les efforts du législateur tendirent à
introduire la publicité générale des conventions immobi-
(1) M. Pollock, dans son livre déjà cité, les Landlaws, disait
en 1887, en parlant des tentatives de réforme : u D'autres pen-
sent qu'aucune mesure effective ne pourra être prise jusqu'à ce
que la substance de nos lois foncières ait été grandement sim-
plifiée; peut-être ont-ils raison. » P. 171.
46 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
lières (1). En même temps, le droit civil fut profondément
modifié. Nous avons eu déjà l'occasion de mentionner
les lois abolissant les aliénations en justice, supprimant
l'obligation de faire avant un acte d'abandon (grant ol
release) un bail pour un an ; nous avons aussi indiqué
les effets importants de la loi conférant au seul accord des
parties constaté par un acte pouvoir de transférer la pro-
priété (2). Le Parlement modifia aussi à cette époque le
régime des douaires et simplifia les dévolutions testamen-
taires. Réformes dont quelques-unes n'avaient peut-être
qu'un rapport assez éloigné avec la législation foncière
proprement dite, mais qui marquent le début de l'évolu-
tion du droit civil anglais vers des prescriptions moins
surannées et moins compliquées, partant plus aisées à
faire cadrer avec une législation moderne.
En 1854, le gouvernement nomma une Commission
royale pour étudier de nouveau la question du transfert
de la propriété immobilière ; le résultat de ses travaux
fut consigné dans un rapport paru en 1857. Contrairement
aux conclusions auxquelles avaient abouti les commissions
antérieures, la Commission de 1854 préconisait, pour la
première fois, non plus l'enregistrement des actes, mais
l'immatriculation des propriétés dans un Livre foncier.
Si le législateur avait immédiatement sanctionné ces tra-
vaux, l'Angleterre aurait possédé, en même temps que
sa colonie de l'Australie du Sud, une loi moderne dans sa
teneur et dans son esprit.
Le solicitor général en fonctions. Sir Hugh Cairns, ne
présenta qu'en 1859, et d'ailleurs sans succès, un bill or-
ganisant l'immatriculation de la propriété. Il proposa éga-
lement, d'établir un tribunal des biens fonciers (Landed
estâtes Court), qui devait rendre, à la requête des proprié-
taires, des jugements confirmant leurs titres. Ce projet
(1) Cet historique est fait en grande partie, d'après un docu-
ment présenté au Select Committee de 1895 par M. Lake, le
13 juin 1895, et inséré dans les appendices aux Procès-verbaux
sous le n^ VI à la page 249. V. aussi Glasson, op. cit. T. VI,
p. 343.
(2) V. supra, p. 21.
PREMIERS ESSAIS D INTRODUCTION DES LHRES FONCIERS 47
fut aussi repoussé. Le système de la clandestinité sem-
blait, cette fois, avoir définitivement gain de cause et
Lord Saint-Léonard pouvait écrire à cette époque avec
quelque apparence de raison, que de l'aveu de tous la
publicité ne serait jamais établie en Angleterre (1).
Trois ans plus tard cependant, les Livres fonciers
étaient institués législativement et Lord Westbury faisait
voter deux lois connues généralement sous le nom de lois
de 1862 : le Regislration ol Tille Act (2) et le Déclaration
ol Tille Act (3). Une solution équitable d'un problème si
controversé semblait enfin trouvée.
Le Regislration of Tille Act créait un livre foncier tenu
en deux parties : le record ol tille to lanch on the Registry
ou registre des propriétés et le registre des mortgages.
Pouvait seul demander à faire immatriculer un bien
fonds, celui qui avait la propriété ou le droit de la trans-
mettre (conlrol ol the |ee) ou toute personne autorisée à
faire cette demande par la Cour de la Chancellerie.
Comme l'immatriculation devait faire foi contre tous
les tiers, la demande faisait l'objet de publications géné-
rales et de notifications individuelles à tous les proprié-
taires' voisins. Ceux qui pouvaient se prétendre lésés
étaient ainsi mis en demeure de produire leurs récla-
mations. Le délai pour former opposition expiré, la de-
mande était examinée par le Registrar ou conservateur
qui la rejetait ou qui reconnaissait au requérant, soit un
litre inattaquable (indeleasible), soit un titre qui, dans
certains cas, pouvait le devenir. Pour obtenir un titre inat-
taquable, il fallait justifier que les droits de propriété
reposaient sur un titre « tel qu'une cour d'équité l'accep-
terait pour un titre marchand (4) ».
(1) St-Léonard (Sugden). Handy bock on real property. Dans
le même ouvrage, cet auteur développe, avec beaucoup d'habi-
leté, les inconvénients de Timmatriculation. Nous aurons l'oc-
casion de les examiner, lorsque nous discuterons les arguments,
soutenus par les solicitors contre les lois de 1875 et de 1897.
(2) St. 25-26, Victoria, c. 53.
(3) Statut 25-26, Victoria, c. 67.
(4) Art. 26.
AH l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
La terre était alors inscrite sur le registre des proprié-
tés sous un numéro d'ordre. L'inscription comprenait :
P une description minutieuse et détaillée de l'immeuble.
Cette description avait été auparavant contrôlée par le
Bureau d'enregistrement ; car les limites de la propriété
étaient, d'après la loi de 1862, garanties comme la pro-
priété elle-même (1). 2° Un état des personnes qui avaient
ou pouvaient avoir des droits à la propriété de l'immeu-
ble.
Le registre des mortgages relatait, sous le même nu-
méro que celui attribué à l'inscription précédente, toutes
les charges ou servitudes grevant tout ou partie de l'im-
meuble, ainsi que les noms des bénéficiaires.
En fait, selon une expression de Lord Westbury, le
Livre foncier devait être le <( miroir de la propriété ». Un
certificat de titre, reproduisant les énonciations des regis-
tres, pouvait être délivré par le Registrar au propriétaire
sur sa demande. Toute propriété immatriculée était sus-
ceptible de faire l'objet de tous les contrats ordinaires. Le
dépôt du certificat terrier remplaçait, notamment pour la
constitution de mortgages en équité, le dépôt des litres
de propriété (2). Pour sauvegarder certains droits, oppo-
sition à tout transfert pouvait être mentionnée sur le regis-
tre et l'opposant devait recevoir avis de tous les actes pré-
sentés à l'enregistrement (3).
Les registres pouvaient être consultés par les parties
ou par leurs mandataires. Enfin, une disposition de la loi
permettait au propriétaire de soustraire sa terre à la juri-
diction du Bureau d'Enregistrement, en faisant une décla-
ration de retrait à laquelle, toutes les personnes intéres-
sées devaient donner leur assentiment.
Cette mesure était destinée à inviter les Landlords à
faire essai de l'immatriculation : car, s'ils trouvaient, dans
ia suite, ce régime contraire à leurs intérêts, ils seraient
toujours libres de faire annuler l'inscription de leur pro-
priété. Confiant dans les excellents effets de la réforme,
(1) Art. 7 à 10.
(2) Art. 63 et 72.
(3) Art. 89 à 95.
PREMIERS ESSAIS d'i.NTRODUCTIÛN DES LIVRES FONCIERS 49
le législateur ne considérait d'ailleurs cette disposition
que comme un moyen de dissiper certaines craintes. Le
caractère purement facultatif de l'application de la loi
témoigne également de la foi que le législateur avait dans
son œuvre. Les propriétaires devaient, semblait-il, être
rapidement convaincus de l'intérêt qu'ils avaient à mettre
leurs propriétés sous le régime de l'immatriculation.
Le Déclaration ol Title Act organisait une sorte de
purge qui permettait, après une procédure d'enquête,
d'avis individuels, d'avertissements dans les journaux,
d'obtenir de la Cour de la Chancellerie un titre judiciaire
de propriété. Les auteurs de la loi d'immatriculation
avaient, en effet, pensé qu'un certain nombre de déten-
teurs actuels ne pourraient pas donner des preuves suffi-
santes de leurs droits au Land Registry et seraient ainsi
privés du bénéfice qu'ils pouvaient attendre de la nou-
velle législation. Le Déclaration ol Title Act devait con-
férer au propriétaire le droit absolu, sans la possession
duquel il ne pouvait requérir l'immatriculation de sa pro-
priété.
Mais la procédure était compliquée, les délais pendant
lesquels étaient admises les réclamations des tiers, étaient
longs, des dépenses considérables devaient être engagées
sans avoir la certitude d'obtenir gain de cause : Ces mo-
tifs expli(|Lient pourquoi personne ne demanda la consta-
tation judiciaire de son droit de propriété (1).
La loi sur l'immatriculation n'eut, elle aussi, qu'un
succès relatif. Son application purement facultative se
heurta à la puissante opposition qui existait contre le sys-
tème des Livres fonciers ; certains défauts apparurent
aussi dans la pratique. La tentative de Lord Westbury
échoua. Seize titres seulement furent immatriculés en
2 ans et 2 mois, alors que 18 mois après la promulgation
du Real property Act australien de 1857, 1.000 demandes
avaient été déjà faites (2). Cependant, de 1863 à 1866, le
(1) Cette loi n'a jamais été abrogée. V. Brickdale and Shel-
don's Land Transfer Acts, p. 129.
(2) En 1855, l'Australie du Sud comptait 80.000 habitants;
environ 1 0/0 de la population avait donc demandé à bénéficier
L. 4
5U L'iNTRpDUCTION DES LIVRES FONCIERS EN ANGLETER^P
nombre des enregistrements alla en croissant de 8 à 105
par an (1) ; maie de 18^7 à 1875 (2), ce chiffre diminua
constamment pour tomber à 29 en 1870 et à 4 en 1875.
Enfin, au moment de la mise en vigueur de la loi de 1875,
le registre des propriétés tenu en vertu de la loi de 1862
avait reçu mention de 411 immatriculations (3), représe ci-
tant une valeur de 5.346.437 livres sterlings et une super-
ficie de 49.117 acres (4).
Lorsqu'il fut avéré que la réforme de 1862 ne trouvait
pas parmi les propriétaires iin accueil favorable, le gou-
vernement anglais nomma de nouveau en 1868 une Com-
mission royale. Elle reconnut après deux ar^s d'enquête
l'échec certain de la loi tle L. Westbury et fit certaines
recommandations, dont s'inspirèrent dans la suite les
auteurs des projets soumis au Parlement. Pour la pre-
mière fois, elle suggéra aux pouvpirs publics la possibilité
d'enregistrer une propriété avec un titre purement pos-
sessoire. Cette immatriculation ne devait confirmer en
aucune façon les droits du détenteur actuel, mais devait
lui conférer « un titre dont la valeur augmenterait de plus
en plus, jusquà ce qu'il devienne marchand, dans le sens
théorique du mot, et pratiquement inattaquable (^). »
En 1870, puis en 1873. Lord Selborne, membre du
de la nouvelle loi. Select Comrnittee de 1879; question 1931 et
p. 112 du Rapport.
(1) En 1863, 8 propriétés furent immatriculées; en 1864, 8;
e^i 1865, 48 ; en 1866, 105. Cf. Brickdale, Registration of Title to
Land; op. cit., p. 2 et 4.
(2) La loi de 1862 a été abrogée par Fart. 126 du Land Transfer
Act de 1875.
(3) x\u 31 décembre 1898, par suite de morcellements, le nom-
bre des propriétés portées sur le registre était de 3.111 ; 263 titres
avaient été annulés sur déclarations de retrait : sur ce nombre,
il n'y avait eu que 15 annulations de premières immatricula-
tions. Cf. Return of the work done in the Land Registry, n° 304,
1899.
(4) 1 acre vaut 40 ares environ.
(5) Report of the Land transfer commission appointed in
1868.
PREMIEI^S ESSAIS D INTRODUCTIOr^ DES LIVRES FONCIERS 51
Cabinet Glaclstone, présenta sans succès deux projets :
l'un et l'autre disposaient que, deux ans après le vote de la
loi, l'immatriculation deviendrait obligatoire toutes les
fois qu'un immeuble serait vendu.
En 1874, le Parlement anglais, reprenant ses réformes
de (Iroit civil, vota le Vendor and Purçhaser Act (I), qui
réduisait notamment de 60 à 40 ans la période durant la-
quelle, dans un contrat ordinaire, l'origine de la propriété
devait être établie. La même année, le Real Property
Limitation Açt (2), régla à nouveau les délais de pres-
cription des droits ré^ls.
Le nouveau chancelier tory Lord Cairns présenta, dans
la même session, un JBiU qui rendait Finimatriculation
obligatoire toutes les fois qu'un immeuble était vendu.
De mênie, que les projets de Lord Selborne, il prévoyait
que la loi ne serait applicable que trois ans après qu'elle
aurait été votée. Maisi, en outre, les acquisitions d'une
valeur inférieure à 300 livres sterlings ne devaient pas
être soumises obligatoirement à l'immatriculation. La
raison de cette exception nous est donnée par un des té-
moins entendus à l'enquête de 1895. « Je fus le seul soli-
citor de province qui m'occupai de cette question avec
plusieurs personnes habitant Londres ; j'expliquai com-
plètement à Lord Cairns, chiffres en main et preuves à
l'appui, pourquoi j'étais opposé à l'adoption de son projet.
Il fut convaincu qu'il ne fallait pas étendre la contrainte
aux transactions inférieures à trois cents livres sterlings,
étant donnés la méthode suivant laquelle elles sont con-
duites et les frais qu'elles occasionnent (3). » Ce qui a
permis à un auteur de dire : (^ L'avocat le plus distingué
de l'immatriculation reconnaissait ainsi {ju'elle était to-
talement inutile pour le peuple, pour la propriété et la
(1) St. 37-38, Victoria, c. 78. Cf. the cabinet Lawyer, édit.
1877. Supplément, p. 2Q et 21.
(2) St. 37-38, Victoria, c. 57. Cf. the cabinet Lawyer, édit.
1877. Supplément, p. 13.
(3) Saunders, question 1750. Land Transfer Bill, 1895. V.
aussi Lord Cairns, questions 2873 et 2874. Select Committee on
Land Transfer and Land Titles, 1879.
5:^ L INTRODUCTION DES LIVRES FONCIERS EN ANGLETERRE
catégorie d'affaires pour laquelle elle avait été faite (1). »
Même ainsi modifié, le projet de Lord Cairns parut
trop radical à la Chambre des Communes. Une vive oppo-
sition y fut faite aux articles prescrivant l'immatriculation
que la Chambre des Lords avait cependant adoptés. En
présence de ce mauvais vouloir, le gouvernement préféra
retirer son projet.
Lord Cairns n'abandonnait pas cependant l'idée de do-
ter l'Angleterre d'un système libéral de transmissions
immobilières. Mais, à Toccasion du dépôt de son premier
projet, il avait reçu de tous les points du royaume des
adresses émanant de praticiens et exposant toutes les dif-
ficultés que soulevait la réforme. Le chancelier se rendit
compte qu'il serait très difficile de faire voter à un Parle-
ment, presque entièrement composé de propriétaires fon-
ciers, des mesures iinpératives que leurs conseils habi-
tuels leur avaient dénoncées comme devant être inquisi-
toriales, coûteuses, dangereuses enfin pour leur sécurité.
Il n'introduisit donc pas dans son bill de 1875 les articles
qui, dans celui de 1874, rendaient l'enregistrement obli-
gatoire en cas de vente. Il le fit d'ailleurs sans trop de
regrets. Sans doute, l'essai facultatif de 1862 avait échoué;
mais le nouveau projet améliorait notablement la pre-
mière loi. Il suffirait que quelques immatriculations aient
de bons résultats pour voir tous les autres propriétaires,
moutons de Panurge en cette occasion comme dans toutes
les circonstances de la vie, accourir au Land Registry
pour faire immatriculer leurs propriétés. A la faveur du
succès, des mesures coercitives pourraient alors être pri-
ses contre les propriétaires récalcitrants que des essais
heureux n'auraient pas encore convaincus (2). Avec la
contrainte, les résultats espérés seraient peut-être plus
rapidement atteints ; ils le seront plus sûrement en lais-
sant agir à leur gré les Landlords car ceux-ci compren-
dront, dans ce cas, que les dispositions légales leur sont
favorables.
(1) Brickdale; op. cit., p. 34.
(2) V. Parliamentary debates. Hansaiid,3^ série, T. 222, p. 157,
PREMIERS ESSAIS d'iNTRODUCTION DES LIVRES FONCIERS 53
La loi une fois votée, les demandes d'immatriculation,
contrairement aux prévisions du Lord Chancelier, n'affluè-
rent pas au Bureau d'Enregistrement. De 1875 à 1885,
113 propriétés furent immatriculées ; sur ce nombre 17
concernaient des propriétés en leasehold (1) ; en 1895,
7 à 8 millions de livres sterlings représentaient la valeur
totale et combien minime des terres inscrites sur le Livre
foncier. Enfin, au 31 décembre 1898, c'est-à-dire au mo-
ment où la loi de 1897 allait entrer en vigueur, seulement
345 immatriculations avaient été opérées. Par suite de
morcellements d'immeubles déjà immatriculés (2), par
suite aussi de transports effectués en vertu de l'art. 126
de la loi de 1875 (3), 1.910 propriétés séparées étaient
mentionnées sur le Livre foncier. Leur superficie cou-
vrait 62.813 acres et leur valeur approximative représen-
tait 10 millions de livres sterlings (4) !
Ainsi que le disait M. Flaxman, barrister at law^ à Lon-
dres, en parlant du Land Transfer Act, « c'était un coup
d'épée dans l'eau (5) ». De multiples raisons expliquent cet
échec : quelques-unes tiennent à la rédaction même de la
loi. Nous ne mentionnerons que la liberté laissée aux pro-
priétaires, lorganisation d'une nouvelle juridiction su-
perposée à toutes celles qui existaient déjà ; la création
de nouveaux titres de propriété compliquant encore, par
leur juxtaposition avec les anciens, les recherches en vue
des transferts. Le Select committee de 1879 se référait à
ces causes d'insuccès, en disant dans son rapport que la
loi de 1875 avait été frappée de mort par la force des cir-
constances. Mais d'autres influences aussi importantes,
quoique moins immédiates ont eu pour effet de restreindre
(1) Brickdale, op. cit., p. 12.
(2) 1.101 propriétés proviennent de domaines morcelés.
(3) Les transports dont il s'agit sont ceux opérés du regis-
tre institué par la loi de 1862 au registre institué par la loi
de 1875; 464 propriétés ont été ainsi transférées.
(4) Return of the work done in the Land Registry; n° 304;
1899.
(5)Cité par Lebret, op. cit., p. 199.
54 L'îNtRObUCtiON DES LIVRES FONCIERS EN ANGLETERRE
l'application de la loi : nous voulons parler d'une influence
matérielle résidant dans la concentration de la propriété
foncière et d'une nifluence morale exercée par les solici-
tors et les autres hommes de loi.
L'enquête de 1878-79 (1) ordonnée par la Chambre dès
Communes, celle qui fut conduite par une autre Commis-
sion (2) nommée 16 ans pliis tard, ont mis en lumière ces
motifs pour lesquels la loi de 1875, aussi bien que la loi
de 1862, ont échoué. C'est le résultat de leurs travaux
qu'il nous faut doiic étudier pour connaître les t'aisons
qui ont inspiré la réforme de 1897.
(1) Select Comniittëe on Làrid îtansfer ànd Land Titles, 1878-
79. Les principaux témoins furent: Lord Cairns, Chancelier;
MM. Holt et Follett (du Land Registry) ; Lord Thring, L3rd
Selborne, MM. Farrer, Barber, Williams, etc.
(2) Select Committee on the Land Transfer Bill, 1895.
CHAPITRE VI
CAUSES D ECHEC DE LA RÉFORME. — LA CONCENTRATION DE
LÀ PROPRIÉTÉ FONCIÈRE. — l'oPPOSITION DES SOLICITORS.
La concentration de la propriété foncière est un des
traits dominants de la situation économique de l'Angle-
terr-e ; elle est le résultat d'une leiite évolution qui s'est
produite depuis le régné de Georges P"" et qui a abouti
dans le cours du xix^ siècle à l'accaparement par un petit
noinbre dé personnes de la plus grande partie du sol cul-
tivable en même temps qu'au dépeuplement des campa-
gnes au profit des villes industrielles. Au xvf siècle, la
jouissaiice indivise de nombreuses terres communales
permettait à une population rurale assez nombreuse de
vivre à l'aise des produits du sol.
Mais, lorsque les propriétaires fonciers, éblouis
et piqués à la fois par les fortunes considérables
faites par leurs compatriotes dans l'industrie et le com-
merce, votilurent gagner eux aiissi de l'argent dans l'agri-
culture, ils trouvèrent que l'exploitation en commun était
un obstacle aux améliorations agricoles et à l'augmenta-
tion de leurs revenus (1). Ils obtinrent du Parlement des
lois autorisant la clôture de leurs propriétés et le partage
des terres communales : ce furent les Inclosure Acts. La
part qui leur revint dans les propriétés indivises, jointe
aux biens qu'ils possédaient déjà en propre, les mit à la
tête d'énormes exploitations, dont ils tirèrent de gros
bénéfices. Ils étendirent encore leurs propriétés, en rache-
tatit aux autres détenteurs les parcelles qui leur étaient
échues et qui étaient d'une étendue insuffisante pour leur
permettre de vivre des travaux agricoles. Ainsi se trouva
constituée la grande propriété foticière qui existe encore
aujourd'hui.
(1) RoGEBS, Interprétation économique de Thistoire, tra-
duction Guillaumin, p. 160 et 161;
56 l'introduction des LIVRF.S fonciers en ANGLETERRE
En 1872, une grande enquête sur l'état de la propriété
foncière a été faite et a abouti aux résultats suivants (1).
D'après le New Domesdaybook, 972.836 propriétaires
possèdent 31.200.000 acres qui forment la superficie to-
tale de l'Angleterre. Le chiffre de 972.836 est d'ailleurs
exagéré. Il faut, en effet, en déduire les doubles
emplois, les inscriptions multiples et les biens de main-
morte ; le nombre des propriétaires se trouve ainsi
réduit à 950.000 environ : nombre très minime lors-
qu'on le compare à la population du pays (2). Il
n'y a, d'après cette statistique, qu'un propriétaire sur
20 habitants en Angleterre, alors que les propriétaires
français sont avec la population, dans la proportion de
1 à 10 et que les propriétaires italiens sont encore plus
nombreux (3).
En conséquence, les transmissions sont d'autant plus
rares qu'il y a moins de propriétaires et, tandis que le
nombre des ventes annuelles varie en France entre 7 et
800.000 et est pour l'Autriche seule d'environ 210.000 (4),
en Angleterre, Lord Cairns établit devant le Comité de
1878-79 que les transmissions immobilières étaient d'envi-
ron 1.000 par jour, soit 300.000 par an. La valeur des im-
meubles transmis est d'ailleurs beaucoup plus élevée en
Angleterre que partout ailleurs. En Autriche, les ventes de
moins de 50 liv. st. représentent 75 0/0 du total, celles de
moins de 9 livres encore 33 0/0, celles de plus de 8.500
livres, 7 0/00. La valeur moyenne est de 120 livres. En
(1) Cette enquête a été faite diaprés les rôles servant de base
aux taxations locales; son nQm officiel est: Return of owners
of Land in England and Wales (exclusive of the Metropolis)
V. Glasson, op. cit., T. VI, p. 299; de Foville, le Morcelle-
ment,p. 33 et suiv. ; Cauwès, Cours d'Economie politique, 3^ édi-
tion, T. III, p. 495 et suiv. Journal des Economistes, mars
1876, p. 406.
(2) La statistique de 1871 donnait comme population de l'An-
gleterre et du Pays de Galles, 22.712.266 habitants.
(3) 13 pour 100 habitants.
(4) Report of the Systems of Registration of title now in ope-
ration, etc., p. 83.
CAUSES 1) ECHEC DE LA REFORME 5/
France, la valeur moyenne des ventes est encore moins
élevée : les transmissions inférieures à 50 livres sterlings
ne forment, il est vrai, que 70 0/0 du total, mais celles
inférieures à 600 livres représentent 50 0/0. Les ventes
au-dessus de 50 livres sterlings entrent pour 30 0/0 seu-
lement dans les chiffres fournis par la statistique.
Enfin, en Angleterre dans le comté d'York, comté agri-
cole, les ventes de moins de 50 livres sterlings ne représen-
tent que G 1/2 0/0, alors que les ventes de moins de 25 livres
ne figurent que pour 2 0/0 ; les ventes de plus de 8.000
livres sterlings atteignent encore 1,7 0/0 du total. La
valeur moyenne est de 1.200 livres. Les statistiques four-
nies par le relevé des actes inscrits dans le registre du
comté urbain de Middlesex accusent une moyenne beau-
coup plus élevée (1).
D'ailleurs les traditions juridiques ont toujours tendu à
limiter autant que possible les pouvoirs du propriétaire
sur ses biens fonciers. Le droit de primogéniture, qui
subsiste encore dans toute sa rigueur pour les immeubles,
empêche le morcellement des propriétés. Les substitutions
ne laissent aux détenteurs actuels qu'un simple droit
d'usufruit, et, en mettant des entraves considérables à la
liberté des transactions immobilières, maintiennent for-
cément dans les mêmes familles la propriété des immeu-
bles : depuis quelques années seulement de timides ré-
formes ont été tentées pour en restreindre l'usage.
Le Times, dans un article publié le 20 avril 1889, éva-
luait à 8 millions d'acres la superficie des terres soumises
à des substitutions, alors que les parties du territoire
agricole pouvant être vendues ou achetées librement
ne représentaient qu'un peu plus du double, 18.358.739
acres (2). D'ailleurs, ces terres sont elles-mêmes entre les
mains de riches Landlords pour la plus grande partie.
L'enquête de 1872 a ré vêlé que parmi les 250.000 pro-
(1) Cf. Report of the Systems of Registration, etc., p. 96
et appendice XXII et, pour la France, Comm. extrap. du cad.
T. II, p. 618. M. LiOTARD-VoGT, Directeur général de TEnre-
gistrement.
(2) Bulletin de statistique et de législation comparée, T. XXV,
p. 565.
58 l'ixtroductiox des livres fonciers en wgleterre
priétaires possédant plus d'un acre. 37.000 ont de 40 à
400 hectares et 5.400 plus de 400 hectares. Parmi ces der-
niers. 2.250 propriétaires possèdent à eux seuls 16 mil-
lions d'acres, soit plus de la moitié de la superficie totale
de TAngleterre. Les Landlords se sont, en effet, toujours
gardés de diminue^ la suprématie foncière qu'ils ont ac-
quise depuis le xvif siècle, car elle leur assurait en même
temps la suprématie politique, les institutions politiques
étant basées sur la propriété foncière.
Qui aurait pu devenir propriétaire de tels domaines, si
ce n'est eux ? Les ouvriers des campagnes, <( ces fidèles
amants de la terre » (1). acquièrent souvent en France
quelques parcelles du sol au moyen des économies qu'ils
ont réalisées. En Angleterre, ils touchent un salaire telle-
ment restreint, qu'il est à peine suffisant pour nourrir eux
et les familles. « De toutes les professions industrielles,
celle d'un ouvrier agricole est la seule qui n'offre aucuii
avenir, l'artisan peut devenir maître, le mécanicien, ingé-
nieur, le paysan né peut même pas nourrir l'espoir d'ex-
ploiter un jour le champ qu'il laboure : l'ambition et le
bien-être lui sont interdits. Eux et leurs familles vivent
de génération en génération, sans autre espérance et sans
autre but que les bêtes de somme qui travaillent avec eux
dans les champs (2). » Comment pourraient-ils songer
dans ces conditions à disputer aux seigneurs du pays des
parcelles que ceux-ci actiètent dès leiit* mise en vente à
des prix fort élevés ?
Les ouvriers des villes ne cherchent pas non plus à de-
venir propriétaires. S'ils sont payés fort cher, ils ont des
(1) V. BouTMY, Etudes sur l'Angleterre.
(2) ROGERS, Histoire de l'Agriculture. Cette phrase rap-
pelle le portrait, fait par La Bruyère, des paysans français
avant la Révolution. <( L'on voit certains animaux farouches,
des mâles et des femelles, répandus par la campagne, noirs,
livides, et tout brûlés du soleil, attachés à la terre qu'ils fouil-
lent et qu'ils remuent avec une opiniâtreté invincible; ils ont
comme une voix articulée et quand ils se lèvent sur leurs
pieds, ils montrent une face humaine et, en effet, èe sont des
hommes. » CaractèreSj chap. XI, de l'Hoiiiriie.
CAUSES d'échec de LA RÉFOtlAiE 59
habitudes de confort qui les détourne de l'épargne. Là
terre leur paraît d'ailleurs, par le fait de l'habitude, être
l'apanage exclusif des plus riches de leurs concitoyens.
La propriété foncière est ainsi placée et maintenue entre
les mains de propriétaires opulents qui devaient éprouver
moins que d'autres les inconvénients des transactions oc-
cultes. Lorsqu'ils désiraient acquérir quelques-uns des
domaines encore existants malgré les Inclosure Acts, ils
pouvaient, grâce à leur large aisance, payer un bon prix
et la terre et les formalités nécessaires à son transfert ;
quelques guinées de plus n'obéraient pas le budget des
potentats qui régnaient dans les comtés anglais. Comme
les solicitors leur fournissaient en somme des titres le plUs
souvent inattaquables, que les frais une fois faits, ils
étaient presque certains d'être pour toujours les posses-
seurs de leurs acquisitions, ils ne se sont pas êmiis des
inconvénients d'une législation qui, malheureusement, ne
lés régissait pas seuls, mais que seuls ils pouvaient modi-
fier.
La concentration de la propriété n'a toutefois été qu'une
cause adjuvante de l'échec des lois des 1862 et 1875. La
cause déterminante a été l'oppositiôti tenace et concertée
des solicitors anglais. Ces <( hommes compétents », dont
nous parle Blackstone, ont été les détracteurs de Teh-
registrement des actes organisé dans le Middlesêx et le
Yorkshire ; irispirateurs des Real Property commissiùfi-
hers de 1828, ils leur faisaient dire dans leurs rapports que
« le propriétaire du sol est investi d'uil pouvoir suffisant
et tel qtiè le bien public le veut » et que « la propriété
foncière anglaise répond admirablement a tous les buts
qui lui sont assignés (1) ». En 1859, ils soutenaient avec
Saint-Léonard, que l'immatriculation de la propriété ne
serait jamais instituée ; toujours débout, îious les retrou-
vons développant leur argumentation serrée devant les
conimissàires enquêteurs de 1878-1879 et de 1895.
Ils étaient puissants par leur nombre et surtout par leur
influence. Cadets de famille, auxquels la loi successorale
(1) First Report of the real pfoperty coirtmissiorihet-s, 1829,
p. 6, cité par Pollock, op. cit., p. 166.
60 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
enlève une part de l'héritage paternel, les solicitors an-
glais ont dans la société un rang important et peuvent
exercer par leurs parentés et leurs relations une influence
réelle sur le vote des deux assemblées composant le Par-
lement. Lorsqu'il fui question de leur enlever par une loi
la partie de leurs attributions le mieux rémunérée, de
leur retirer ce salaire qu'un travail assidu leur assurait,
ils voulurent à tout prix faire avorter des réformes qui
paraissaient les spolier. Réunis au nombre de plus de
neuf mille en associations provinciales affiliées à une même
société centrale, VIncorporated Law Society of the United
Kingdom, ils ont su créer un courant faclice d'opinion
contre l'immatriculation de la propriété : Aux sociétés
foncières, ils ont fait entendre que les frais de leurs opé-
rations allaient être augmentés, que leurs opérations elles-
mêmes seraient entravées; aux hommes de finance, ils ont
fait croire que le mortgage équitable, placement très lu-
cratif, rencontrerait désormais des obstacles légaux pres-
que insurmontables ; ils ont dû seulement dire aux par-
ticuliers dont ils étaient les oracles, qu'ils ne leur con-
seillaient pas d'user de la faculté conférée par la loi. En
ce faisant, il leur semblait agir dans l'intérêt général. « Je
ne crois pas un moment que l'opposition des Solicitors
soit systématique », disait, en 1895, M. Lake, « ils repous-
sent seulement la loi de 1875, parce qu'elle est défec-
tueuse (1) ». Un autre auteur faisait cette réflexion: <( Un
solicitor est avant tout un homme de confiance et suggérer
un manque de désintéressement dans ses relations avec
ses clients, serait l'accuser de négliger son premier et son
plus haut devoir (2). » « L'accusation portée contre eux
est une calomnie inventée par les auteurs et les partisans
d'une mauvaise loi en vue de trouver une excuse plausible
à son échec )>, concluait enfin le rapport de 1870 (3).
Je ne sais si la bonne foi des solicitors peut être sus-
pectée. Il est certain cependant que les hommes sont
(1) Land Transfer Bill, 1895. Question 2691.
(2) Brickdale, op. cit., p. 53.
(3) P. 75.
CAUSES d'ÉCHFX de LA RÉFORME 61
naturellement attachés à un système qu'ils ont jusqu'alors
employé. Les solicitors, comme tous leurs semblables, ont
une tendance à s'opposer à tout changement, surtout lors-
que la réforme peut ne pas être aussi profitable que le
système ancien (1). Ce qui rendait ce doute possible, c'est
que les opposants avaient habilement exploité les défauts
des lois sur l'immatriculation et mis en lumière les avan-
tages de la clandestinité. En même temps, il faut le recon-
naître, ils recommandaient certaines réformes de la légis-
lation, réformes qui devaient, d'après leurs promesses,
répondre à tous les desiderata que l'on avait présentés.
Ils contestaient tout d'abord les trois défauts principaux
reprochés aux transactions occultes : L'insécurité, les
retards, les frais.
On parle de nombreuses erreurs. Sont-elles aussi fré-
quentes qu'on a bien voulu le prétendre, disaient-ils ? En
quarante ans de pratique, le Président de VIncorporated
Law Society a affirmé n'avoir eu connaissance d'aucune
contestation au sujet d'opérations pour lesquelles on avait
eu recours à ses offices. Les recherches effectuées par les
solicitors permettent d'arriver aux conclusions suivantes :
A moins de fraude et probablement d'une coïncidence
fâcheuse et bien rare, à moins d'erreurs persistantes et
unanimes des conseils des propriétaires antérieurs, le
\endeur a droit de disposer de la toute propriété d'une
maison ei son ayant-cause à titre onéreux est garanti
contre toute éviction (2).
Cet examen, continuaient-ils, n'est pas aussi long que
certains l'ont prétendu. Neuf fois sur dix, les délais sont
demandés ou imposés par les clients ; il faut attendre l'ex-
piration d'un avis donné à un créancier mortgagiste, il
faut déterminer la nature d'une tenure, tenir compte de la
rentrée d'une somme d'argent qui permettra à l'acquéreur
de se libérer (3). Très rarement, le retard peut être imputé
(1) Land Transfer Bill, 1895. Lord High Chancellor. Ques-
tions 13 et 200.
(2) Brickdalb, op. cit.
(3) Land Transfer Bill. 1895. Appendice I, p. 231.
62 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
aux solicitors. Une affaire est généralement terminée en
un niois ou six semaines, pariois en quelques jours ; un
jour peut même suifire pour préparer l'acte et le signer.
Un autre système pourra-t-il être plus rapide ?
Reste la question des frais. Là encore, ["opposition des
hommes de loi prétendait être victorieuse. Avant 1881, les
honoraires étaient certainement exagérés. Le Statut 5 et
6 Victoria, c. 73, avait [â^é uniquement le client d'après
la longueur des actes, sans tenir compte de la valeur des
intérêts engagés, ni de la diiliculté de chaque affaire.
Comme le tarif était très peu élevé (1 fr. 25 par verso ou
par 72 mots), les solicitors allongèrent leurs actes en y
insérant des clauses redondantes, afin de rendre suffisant
le montant de Jeurs honoraires (1). Des inégalités cho-
quantes résultaient de ces pratiques et trois personnes,
sadressant à des solicitors différents pour des actes iden-
tiques quant à l'objet et quant à la forme, payèrent res-
pectivement 17 sh., 18 sh., et 223 sh. (2)
Mais le Parlement a voté en 1881 le Solicilors'Tiemune-
ration Ad qui fixe les honoraires d'après un tarif propor-
tionnel, tenant compte de la qualité des parties, de l'im-
portance pécuniaire de laffaire, du travail du solicitor et
de sa responsabilité, de toutes les circonstances enfin qui
modifient, soit la valeur, soit même l'utilité des actes pas-
sés (3) ; les Convevancing Acts de 1881-1882 (4) ont aussi
été votés, ils ont supprimé toutes les clauses redondantes
devenues traditionnelles et nécessaires et ont remplacé les
longues formules par quelques mots ayant désormais le
même effet juridique. Enfin, à un point de vue particulier,
le Settled Land Act de 1882 -a complété ces deux réformes
en donnant dans tout settlement à l'usufruitier {tenant for
lile), le pouvoir de primer toute autre personne qui y
aurait un intérêt. Auparavant, « il fallait obtenir un titre
des trustées (fidéicommissajres), voir si ceux-ci pouvaient
(1) Williams, op. cit., p. 196.
(2) Gigot, La réforme de la transmission de la propriété fon-
cière anglaise.
(3) St. 44-45, Victoria, c. 44 ; art. 4.
(4) St. 44-45, Victoria, c. 41, et st. 45-46, Victoria, c. 39.
CAUSES d'échec de LA RÉFORME ^3
donner reçu et si certains consentements ou toutes autres
formalités n'étaient pas exigées (1) ».
Grâce à ces simplifications, les honoraires, diminués
par l'abrègement des actes, représentent actuellement le
tiers ou le quart des frais acquittés avant 1881. Le tarif
établi en exécution de la loi (2), n'est d'ailleurs considéré
que comme un maximum qui est rarement atteint. Par
suite de la concurrence existant entre les solicitors (3),
ceux-ci consentent à leurs clients de fortes réductions sur
le t^rif officiel. Les statistiques présentées par l'Incorpo-
ted Law Society au comité de 1895, indiquaient ainsi les
réductions généralement faites.
Valeur de la transaction
Tarif
officiel
Tarif d'usage
£
£
sh.
£ sh.
20
3
))
2 ))
100
3
»
2 10
200
5
»
3 5
300
5
))
3 15
500
7
10
6 »
1.000
15
»
10 »
Ainsi réduits, les honoraires sont très raisonnables et
permettent de ne pas surcharger outre mesure les acqué-
reurs peu fortunés. Le système tel qu'il existe aujourd'hui
est donc satisfaisant, concluaient les solicitors et pour se
convaincre que nos arguments ne sont pas des allégations
sans fondement, il suffit de remarquer que le public ne
fait entendre aucune plainte : le Président d'une impor-
(1) St. 45-46, Victoria, c. 38. Cf. Land Transfer Bill, 1895.
HuNTER, question 1002.
(2) Art. 2. (« Un comité composé du L. Chief Justice, du maî-
tre des rôles, du Président de l'Incorporated Law Society et
du Président de Tune des Sociétés de province, pourra, si trois
des membres (dont le L. Chief Justice) sont présents à la réu-
nion, faire tous les règlements qu^il jugera utile en tenant
compte de l'importance des affaires traitées. »
(3) Un témoin disait en 1895. (( Le nombre des solicitors exer-
çant à Leeds abaisse les honoraires à un taux raisonnable. »
MiDDLETON, question 3655.
04 l'introduction des lh res fonciers i:n anglcterri:
tante Compagnie foncière, AI. Bonser a reconnu « que le
système actuel répondait admirablement aux exigences
des personnes qui s'en servent )> et « que tous ses acqué-
reurs en étaient satisfaits (1).
Puis, abandonnant la défensive, les solicitors atta-
quaient vivement les projets de réformes, connues seule-
ment en Angleterre par les échecs qu'elles y avaient su-
bies .
Le Livre foncier conféi'ait-il au propriétaire une sécu-
rité plus complète que les actes ordinaires ? La loi de 1875
prévoit l'immatriculation, soit à titre absolu, soit avec
certaines réserves, soit à titre possessoire. Dans les deux
premiers cas, une enquête sérieuse est faite et les titres
obtenus offrent des avantages sérieux aux personnes ins-
crites ; néanmoins, celles-ci n'en sont pas moins à la merci
d'un escroc qui opérera une mutation en contrefaisant leur
signature, ou dun fonctionnaire indélicat qui profitera de
sa situation pour procéder à des écritures fictives (2). Ou-
tre ces dangers, les porteurs des titres possessoires sont
soumis à toutes les causes d'éviction ordinaire, car les ti-
tres, délivrés après des formalités illusoires, ne prouvent
même pas la réalité de la possession au moment de l'imma-
triculation.
La complication des titres de propriété ne permet en
général de demander que l'inscription à titre possessoire,
l'obtention des autres titres nécessitant l'administration
de preuves trop difficiles à fournir. Pour se couvrir contre
les vices des titres antérieurs à l'immatriculation, l'acqué-
reur doit donc, comme par le passé, examiner les titres de
propriété et pour cela recourir aux offices des solicitors.
Offices dont la rémunération s'ajoute aux droits d'inscrii)-
(1) Land Transfer Biil, 1895. Questions 2177 et 2194.
(2) On citait notamment les fraudes d'un Sieur Peterson,
Registrar adjoint à Brisbane (Queensland) qui, grâce à une
autre fonction occupée par le Registrar General, put commet-
tre de nombreuses escroqueries par inscriptions sur le Livre
foncier de la colonie. Cf. Hunter, questions 1273-1274. Land
Transfer Bill, 1895.
CAUSES d'échec de LA RÉFORME 65
lion : le total des frais ainsi nécessaires dépasse, ou tout
au moins égale, les honoraires perçus en vertu du Solici-
tor s Rémunération Act (1).
Les solicitors citaient l'avis de Al. Bonser, auquel on
présentait le tarif de 1889 réduisant, prétendait-on, les
frais des 2/3 et qui avait répondu : « Cela est trop beau
pour être vrai (2). )> Peut-être pourront-ils être dans la
suite encore atténués, mais dans tous les cas les tarifs en
vigueur font « peser sur les propriétaires actuels qui ne
sont pas particulièrement favorisés pour le moment et sur
les générations présentes d'artisans et de petits acheteurs,
des frais considérables qui les écrasent, et cela au bénéfice
problématique des générations futures (3). )>
En attendant ce résultat heureux, mais bien incertain,
les propriétaires verront immédiatement limiter leur an-
cienne liberté. Les restrictions tiennent à certains articles
de la loi : tels sont ceux qui défendent l'inscription de pro-
priétaires indivis, qui interdisent de séparer postérieure-
ment à limmatriculation la propriété d'une mine de celle
de la surface, qui fixent à 4 le nombre maximum des pro-
priétaires conjoints ou des fidéicommissaires intéressés
dans une même propriété et pouvant faire mentionner
leurs droits sur le Livre foncier. D'autres entraves à
l'exercice des pouvoirs du propriétaire trouvent leur ori-
gine dans la pratique môme de l'immatriculation, qui su-
bordonne la conclusion de tous les actes à l'examen et au
contrôle d'un fonctionnaire. Comme ses décisions ont un
caractère irrévocable, celui-ci doit acquérir la certitude
absolue que l'acte qu'il va inscrire est en tous points vala-
ble car, s'il se trompait, il dépouillerait injustement un
propriétaire qui peut n'avoir commis aucune négligence.
Le syélème actuel ne présente pas de tels dangers, car les
transmissions n'ont aucun effet à l'égard du véritable pro-
priétaire (s'il a été antérieurement évincé).
(1) Land Transfer and Land Titles, 1878, questions 2953-3028;
HiGHAM, 1879, questions 388-394.
(2) Land Transfer Bill, 1895, question 2274.
(3) Ibid. Lake, question 2565.
L S
(j(j L IMRODLCTIOX DES I.IVRF.S FONCIERS EX ANGLETERRE
Loin de diminuer les délais, soutenaient les hommes de
loi, cette méthode a pour effet de les prolonger. Le mi-
nimum de temps employé pour faire la première immatri-
culation est de trois ou quatre mois, souvent d'ailleurs il
est dépassé, et dans certains cas linscription au Livre fon-
cier n'a été ohtenue qu'après 7, 12, 15 mois et même da-
vantage (1). Pour les transmissions postérieures à Timma-
triculation, les retards occasionnés par le Bureau d"Em
registrement ne sont pas moins considérables. Alors
qu'un solicitor termine aujourd'hui, le plus souvent, une
affaire en une semaine, les actes ne sont transcrits qu'au
bout de 2, 3 et même 6 mois. Joignez à cela, que le Bu-
reau d'Enregistrement ne pourra pas, comme les solici-
tors, tenir compte de l'urgence des affaires à examiner,
mais n'aura égard qu'à la date du dép(M des titres à im-
matriculer.
Les solicitors se demandaient, en conséquence, s'il ne
fallait pas considérer comme impossible « d'accommoder
un système d'immatriculation à toutes les nécessités qui
se présentent dans un état avancé de civilisation (2) », car,
disaient-ils, (( les formalités de l'inscription, les pouvoirs
de réquisition et de contrôle des fonctionnaires substitue-
ront l'intervention de l'autorité publique à la liberté de
notre action : ce sera très préjudiciable à l'expédition
normale des affaires. La rigidité des formalités et des
règlements qui seront mis en vigueur, leur manque
d'élasticité qui empêchera de les plier aux nécessités pra-
tiques, l'interposition d'un fonctionnaire examinant les
affaires au fur et à mesure, sans avoir égard à leur ur-
gence, l'impuissance absolue du solicitor à promettre
une avance d'argent à jour fixe (ce qui peut se faire main-
(1) Cf. pour la loi de 1S62. Commission de 1868, questions
454, 457, 473, M. BuTT, Solicitor à Londres. Pour la loi de 1875,
Land Transfer and Land Titles, 1878, questions 201, 991; Land
Transfer Bill, 1895, Lake, questions 2679 et suiv. ; Interroga-
toire de M. MoRTON, passim.
(2) Land Transfer and Land Titles, 1878, Williams, questions
390, 394, 760 ; Wolstenholme, questions 2463, 2464 ; Young, ques-
tion 1397; 1879, Clabon, question 303.
CAUSES D ÉCHEC DE L.\i REFORME 67
tenant) ; l'agitation et le déplaisir journaliers, résultant
des retards et des exigences des bureaux substitués à la
liberté sans contrôle dont on jouit ; toutes cboses qui se-
ront intolérables pour les solicitors habitués à faire tous
les actes sans l'assistance de conseil et d'une manière
sommaire et prompte (1). >>
Voilà la système imparfait, dont l'usage va être im-
posé au propriétaire foncier. La législation anglaise
n'offre cependant pas d'exemple, qu'une partie de la po-
pulation ait été contrainte à adopter une mesure dont
pendant trente ans elle a eu la faculté de profiter et dont
elle a toujours refusé de se servir (2). Le comité de 1878-
1879 s'est prononcé contre l'immatriculation obligatoire :
pourquoi négliger l'avis de gens compétents ; pourquoi
aussi ne pas tenir compte des dépositions de la plupart
des témoins de 1895 qui ont combattu la clause du bill
emportant obligation d'enregistrer, tant au nom des pro-
priétaires qu'au nom des sociétés de solicitors (3) ?
L'immatriculation obligatoire porte, en effet, atteinte
au droit du propriétaire. (( Sur quel principe s'appuyer
pour justifier la contrainte ? Est-ce un devoir public pour
un bomme, d'augmenter la valeur de vente de sa pro-
priété ?... Qui est lésé, si un propriétaire ne peut conve-
nablement prouver que sa terre est sienne ? Gause-t-il du
tort à ses voisins ; est-il une calamité publique ; attente-
t-il aux bonnes mœurs ; trompe-t-il quelqu'un ; préjudi-
cie-t-il à sa postérité beaucoup plus que par d'autres actes
qu'il peut faire légalement ? Comment est-il nécessaire
d'instruire de son propre intérêt un propriétaire ou un
(1) Land Transfer Bill, 1895, Saunders, question 1762.
(2) « Est-ce la mission de la législation de forcer un homme
à faire ce qu'il ne veut pas faire 1 )> Land Transfer and Land
Titles, 1879. Lord Thring, questions 57 et 82. V. aussi p. III
du Rapport de 1879.
(3) Le rapport de flncorporated Law Society (U. K.), de
1895, portait qu'elle devait <( continuer son opposition au Bill
du gouvernement tant que celui-ci ferait de l'immatriculation
une obligation ». V. Land Transfer Bill, 1805. Lakp, questions
2921 et 2943.
68 l'introduction dès livres foncii:rs en Angleterre
acquéreur de bien-fonds (recruté cependant en général
dans les classes les plus éclairées), alors qu'on se fie à
chacun quand il s'agit des intérêts particuliers (1) ? »
Critiques d'autant plus graves que celui qui s'en faisait
l'écho, était le Registrar adjoint lui-même.
Pourquoi, d'ailleurs, imposer un système dont les pro-
moteurs disent un si grand bien. De deux choses lune :
ou le système tel qu'on le propose a toutes les qualités
qui lui sont attribuées ; et la contrainte est alors inutile :
car les propriétaires préféreront rapidement la nouvelle
législation à l'ancienne ; ou la réforme est imparfaite et
c'est presque une injustice de forcer les propriétaires à
souffrir de ces imperfections. Est-il enfin prudent de ren-
dre tout à coup obligatoire un système qui n'a jamais été
essayé sérieusement? ne se trouvera-t-on pas dans la né-
cessité d'abroger à bref délai une législation hâtive et
inapplicable ?
Tel est le résumé des diverses objections faites au prin-
cipe des Livres fonciers par les solicitors, tant en 1878-
1879 qu'en 1888 à la Chambre des Lords et en 1895 aux
Communes. Nous avons essayé de les classer et de les résu-
mer aussi brièvement que possible, car elles sont éparses
dans quatre gros volumes : nous allons, dans le chapitre
suivant, les discuter et voir pour quels motifs, le Parle-
ment passa outre, en 1897. à toutes les critiques qui
avaient été présentées.
(1) Bkickdale, op. cit., p. 55. Cet auteur prétendait, en 1886,
faire accepter l'immatriculation sans recourir aux mesures de
coercition.
CHAPITRE VII
réponses aux objections des solicitors. — les causes
d'adoption de la loi de 1897
Nous avons dans un précédent chapitre énuméré les
griefs invoqués contre les aliénations clandestines : nous
ne nous attarderons pas par conséquent à discuter à nou-
veau sur les dangers, les retards et les frais du système
occulte. Il nous faut néanmoins examiner au point de
vue pratique les observations présentées par les solici-
tors.
Remarquons tout d'abord que dans le tableau que nous
avons reproduit (1), les réductions consenties sur le tarif
officiel ne sont pas aussi considérables qu'on pourrait le
croire : les frais sont seulement proportionnés plus exac-
tement à la valeur de la propriété vendue, le tarif officiel
étant à paliers assez espacés pour les valeurs inférieures
à 500 livres slerlings. Si l'on recherche la proportion
entre les frais et les valeurs d'achat, on arrive aux ré-
sultats suivants :
Pour une valeur d'achat de 20 £ d'après le tarif officiel
15 0/0, avec réduction 10 0/0.
Pour une valeur d'achat de 100 £ d'après le tarif officiel
3 0/0, avec réduction 2 1/2 0/0.
Pour une valeur d'achat de 200 £ d'après le tarif offi-
ciel 2 1/2 0/0, avec réduction 1,7 0/0
Pour une valeur d'achat de 300 £ d'après le tarif offi-
ciel 1,66 0/0, avec réduction 1,5 0/0.
Pour une valeur d'achat de 500 £ d'après le tarif offi-
ciel 1,5 0/0, avec réduction 1,2 0/0.
Pour une valeur d'achat de 1.000 £ d'après le tarif offi-
ciel 1,5 0 0, avec réduction 1 0/0.
(l) Voyez p. 63.
70 l.'lMRODl C T10-\ l)i:S I.IVRKS FONCIERS KN ANGLETERRi:
Les deux tarifs sont donc progressifs à rebours, c'est-à-
dire qu'ils font payer beaucoup plus pour les petites
ventes que pour les ventes plus importantes. Les frais
n'atteignent même que 0,29 0/0, lorsque la valeur de l'im-
meuble est de 50.000 £ et au-dessus. Ce tableau montre
donc que pour les ventes de peu d'importance, les hono-
raires demandés par les solicitors sont très élevés : Ils
faisaient désirer à certaines personnes de voir ces hom-
mes de loi « travailler à meilleur marché )> (1).
Cette observation une fois faite, examinons les criti-
ques présentées contre l'immatriculation. Les promo-
teurs de la réforme ont été accusés d'introduire le fonc-
tionnarisme là où l'initiative individuelle suffisait ample-
ment. Sans vouloir étendre d'une manière abusive les
attributions de l'Etat, les Livres fonciers nécessitent ce-
pendant l'intervention d'agents de la puissance publique.
En effet, il s'agit de donner un titre opposable à tout le
monde ; l^Etat seul a qualité pour représenter la collec-
tivité ; de plus, il a à sauvegarder certains droits (servi-
tudes créées dans un intérêt public, charges foncières as-
surant le recouvrement de l'impôt foncier, Land Tax, ou
des droits de succession). D'ailleurs, l'intervention de
fonctionnaires en ces sortes d'affaires n'est pas nouvelle,
il existe déjà les Registrars des bureaux d'Enregistre-
ment ; le greffier préposé au transfert des Consols, celui
qui tient le registre des navires (2).
Les solicitors ne seront pas, par le fait de l'immatricu-
lation, complètement exclus des transmissions immobi-
lières. Leur concours sera nécessaire encore pendant
20 à 30 ans pour les ventes de biens immatriculés avec
titres possessoires, car il faudra comme aujourd'hui exa-
miner les actes antérieurs à l'Enregistrement ; ils seront
aussi chargés, le plus souvent, des transmissions d'im-
meubles enregistrés avec titre absolu, car les proprié-
taires désireront s'épargner le souci de remplir les for-
malités accessoires à toute inscription.
(1) Land Transfer Bill, 1895. Bonser, question 2196.
(2) Cf. ibid ; Lord High Chancello r, question 43.
CAUSES 1)'aI)OFTIO.\ DK LA LOI DK 1897 71
Le Registre foncier ne donne-t-il qu'une sécurité rela-
tive comme il a été objecté ? Assurément, clans tout sys-
tème il existe un minimum de fraude contre lequel il est
impossible de se prémunir. Le greffier peut être mis en
défaut par un escroc habile. Mais en Australie, l'expé-
rience a prouvé que les fraudes sont très rares. De plus,
actuellement un transfert frauduleux par acte authenti-
que^ ne laisse à l'acquéreur qu'une action personnelle
souvent illusoire contre le vendeur. D'après les projets
soumis au Parlement depuis 1887, la création d'un fonds
d'assurance contre de semblables fraudes a été prévue et
l'acquéreur serait toujours assuré d'être indemnisé du
préjudice à lui causé par l'éviction.
Les adversaires avaient prétendu que les frais de l'im-
matriculation étaient beaucoup plus élevés que ceux de-
mandés par les solicitors. Un témoin qui ne peut être
suspecté d'être favorable au système d'immatriculation,
M. Lake, compara, devant le Comité de 1895, les frais
perçus sur une série de transferts de terre enregistrée
avec les honoraires que le Solicitors'Remuneration Act
aurait attribués aux officiers ministériels pour ces mêmes
transferts. Sur 21 transactions, 12 furent faites avec des
frais moindres qu'avec l'ancien système et la diminution
fut, dans plusieurs cas, considérable : 2 £ 14 sh. ;5 £ 16 sh . ;
14 £ 19 sh.; 15 £ 16 sh.; 22 £ 14 sh.; 24 £ 19 sh. Sur
les 9 autres transactions où l'on put constater une aug-
mentation, la différence était de quelques shillings géné-
ralement et la plus forte de 2 £ 9 sh. Il faut d'ailleurs
reconnaître que de tels résultats n'étaient pas suffisants.
L'ancien tarif était, nous l'avons vu, exorbitant; les nou-
veaux tarifs auraient dû diminuer dans une forte propor-
tion les dépenses des transferts : la statistique précédem-
ment citée, nous montre que ces diminutions considéra-
bles n'étaient en somme que des exceptions. Aussi, a-t-on
pu dire que l'échec de l'Act de 1875 a presque exclusive-
ment eu pour cause l'élévation des frais d'immatricula-
tion. Mais il est à prévoir, disaient les partisans des
Livres fonciers, que les tarifs pourront être de beaucoup
abaissés lorsque, grâce à l'obligation, les immatricula-
12 l'i\TRODUCTIO\ des livres fonciers en ANGLETERRE
lions seront plus nombreuses. Les taxes ne sont, en effet,
destinées qu'à payer les dépenses du service ; la quote-
part de chaque propriétaire dans ces frais généraux sera
d'autant moins élevée que les opérations enregistrées
seront en plus grand nombre.
Les autres objections méritent d'attirer moins longue-
ment notre attention. Les critiques adressées à certains
articles de la loi ne visaient que des détails pratiques :
les projets nouveaux leur donnaient d'ailleurs satisfac-
tion. Le Fonds d'assurance que l'on se proposait de créer
aurait aussi de bons effets sur la rapidité de l'immatricu-
lation, car le Registrar n'aura plus à craindre que des
erreurs dépouillent le véritable propriétaire ; il risquera
tout au plus de mettre en cause la garantie du fonds d'as-
surance.
Loin d'être parfait, le système d'immatriculation est
susceptible d'améliorations et peut déjà rendre de sé-
rieux services. Si ses applications ont été jusqu'en 1897
aussi rares, la cause réside dans l'opposition des solici-
tors. Pour vaincre leur résistance, il n'y avait qu'un
moyen : rendre l'immatriculation obligatoire. Les pro-
priétaires ne préfèrent, en effet, pas « un moyen plutôt
qu'un autre ; ils ne se soucient de rien (1) )> ; (( pas un
propriétaire foncier sur cent n'a même jamais entendu
parler du Bureau d'immatriculation ou n'a pris la peine
de demander s'il existe (2) ». Aussi, si ce sont les proprié-
taires (( qui ont nominalement le choix, c'est en pratique
le solicitor qui décide (3) », car « chaque famille a son
solicitor attitré et c'est à eux, par conséquent, qu'il aurait
appartenu de demander l'application de la loi nouvelle.
Naturellement, ils n'y ont mis aucun empressement ; c'est
comme si l'on avait confié aux entrepreneurs de roulage
et de malles-postes le soin de construire les chemins de
fer (4) ». Pour assurer le succès de la nouvelle législation.
(1) Land Transfer and Land Titles, 1879. L. Thring, questions
70 à 72; V. aussi Dees, questions 782 à 785.
(2) BmcKDALE, op. cit., p. 3.
(3) TORRENS, op. cit., p. 44.
(4) Gide, Etude sur l'Act Torrens, p. 37.
GALSKS d'aDOI'TION DE LA LOI Di: 1897 73
il fallait proléger les landlords contre cette (( malheureuse
pression (1) »; l'immatriculation obligatoire était la seule
protection efficace.
Mis en présence de ces divers arguments, les soli-
citors ne faisaient plus une opposition aussi tenace. Les
lois de 1881-1882, en simplifiant les transmissions, avaient
diminué les frais et par là inême restreint l'intérêt
que les solicitors portaient au maintien du statu quo.
Certains restaient fidèles aux idées qu'ils avaient fait pré-
valoir jusque-là, mais Ils formaient la minorité (2). Quel-
ques-uns se ralliaient tardivement au système d'enregis-
trement d'actes qui existait déjà dans le Middlesex et le
Yorkshire et qui serait étendu aux autres comtés. L'in-
tervention des fonctionnaires était ainsi écartée et en
même temps on conférait aux droits des propriétaires
une sécurité presque complète.
Enfin un troisième groupe, le plus nombreux, se rési-
gnait à faire l'essai loyal de l'immatriculation de la pro-
priété à deux conditions : 1° l'immatriculation sera facul-
tative ; 2"^ le propriétaire pourra à tout moment sous-
traire sa terre à la juridiction du Land Registry (3). Ils
considéraient, en effet, que dans des cas assez nombreux,
il serait utile d'immatriculer des propriétés, afin d'obtenir
des titres clairs et précis à la place des anciens titres de
propriété surchargés de servitudes, de conventions res-
trictives, d'annulations et de mainlevées d'hypothèques.
Mais ils continuaient à penser que, dans le cours ordinaire
de leurs affaires, il serait bien préférable d'employer les
anciennes formes, c'est-à-dire les actes occultes. Ils de-
mandaient donc que sur une simple déclaration, le pro-
priétaire puisse soustraire son domaine aux obligations
imposées par la législation des Livres fonciers. Adopter
ces propositions eût été continuer les errements déplo-
(1) TORRENS, op. cit., p. 53.
(2) Land Transfer and Land Titles, 1879, L. Thring, ques-
tion 7; Land Transfer Bill, 1895, Hunter, question 968.
(3) Cette longue périphrase traduit à peu près ces trois mots
anglais: « Removal from register. »
74 I. ]MK()i)rrTi()\ ni.s i.nRi:s i ontikrs i:\ Angleterre
rables de la loi de 1875 et même revenir à la loi de 1862 :
c'était courir à un nouvel échec, cette fois-ci, assuré.
Cependant, la nécessité d'une réforme complète se fai-
sait de plus en plus sentir, sous l'influence de nouvelles
idées politiques et de la situation précaire de l'agricul-
ture anglaise.
1832. 1867 et 1884 marqueront dans l'histoire du
Royaume-Uni les étapes de l'émancipation politique de
ses habitants. En 1832, c'est la suppression des bourgs
pourris, la répartition nouvelle des sièges proportion-
nellement à la population. En 1867. c'est l'admission à
l'électoral des ouvriers des villes. En 1884. les ouvriers
agricoles acquièrent le droit de suffrage (1). La conquête
de l'égalité politique fit bientôt désirer aux nouveaux
électeurs d'asseoir leur influence sur une base solide et
pour cela ils ont voulu devenir propriétaires d'une partie
du sol anglais. Certains même, allèrent jusqu'à deman-
der la nationalisation de la terre, c'est-à-dire l'expropria-
tion des Landlords moyennant une faible indemnité (2).
Une ligue foncière : le Land and Labour league fut créée
dans ce but au milieu du xix^ siècle et compta parmi ses
membres les agitateurs les plus connus parmi lesquels,
Potter, Bradlaugh. Ernest Jones (3).
Ces propositions socialistes, eurent un grand reten-
tissement en Angleterre et principalement parmi les éco-
nomistes qui venaient d'obtenir l'abandon du régime
douanier prohibitif et protecteur. Ils se rendirent compte
du caractère rétrograde de la législation foncière et
Cobden se joignit aux socialistes pour réclamer l'acces-
sibilité de tous à la propriété foncière, le libre-échange
(1) Cf. BouTMY, La Constitution politique de l'Angleterre.
En 1832, 4 0/0 de la population totale était électeur, en 1885,
15 0/0 représentant 5 millions d'adultes mâles, sur 7 millions
au total.
(2) Ces idées ont été émises notamment par Wallace, dans
son livre : Land Nationalisation, its necessity and its aim, et
par le socialiste américain, Henry George, dans son ouvrage:
Progress and Poverty.
(3) Cf. Glasson, op. cit., T. VI, p. 312.
CAUSES d'aIK)PTIO-\ DE LA LOI 1)L 1897 75
en matière immobilière comme ils l'avaient obtenu en
matière commerciale. « Free trade in land^Si dit M.Bright,
signifie l'abolition de la loi de primogéniture, la limita-
tion du système des substitutions et des settlements, de
façon à supprimer la plupart des droits réels purement
viagers et à les remplacer par des droits absolus de pro-
priété, cela signifie également qu'il doit être aussi aisé
d'acheter ou de vendre une terre que d'acheter ou de
vendre un bateau (1). »
Cobden et après lui un parti puissant, soutinrent cons-
tamment ce programme devant le Parlement. Ils s'atta-
quèrent d'abord aux vestiges de la féodalité qui subsis-
taient encore. Commencé depuis 1841, l'affranchissement
des copyholds rencontrait la résistance des intendants,
dont une partie des fonctions allait par là même, être sup-
primée. En 1852 et en 1858, on étend les pouvoirs des
commissaires chargés de déterminer l'indemnité de ra-
chat et on rend l'opération obligatoire si l'une des parties
le demande ; enfin, en 1887, on augmente encore les faci-
lités de l'affranchissement. Les opérations qui, de 1841
à 1849, n'avaient porté que sur 300 propriétés (2), devin-
rent fort nombreuses après le vote de la loi de 1858. De
1860 à 1881, il n'y en eut pas moins de 600 en moyenne
par an, ce qui fit au total 12 à 13.000 opérations (3) ;
fabolition de ces tenures féodales a continué dans les
mêmes conditions jusqu'au jour où la crise agricole, de-
venue trop intense, a paralysé tous les efforts.
Ils réclamèrent ensuite la modification des règles des
substitutions et des settlements. En effet, (( réduit au
rôle d'usufruitier timide », le propriétaire anglais ne pou-
vait ni vendre une parcelle, ni consentir une hypothèque ;
il se trouvait entravé à chaque instant dans l'administra-
tion de son domaine par les restrictions apportées à ses
droits : aussi, se désintéressait-il de sa propriété et il ne
songeait pas à l'améliorer. Le Land improvement act de
1877, afin de favoriser le drainage des propriétés, a per-
(1) Cf. Baxter, Our Landlaws of the Past.
(2) Lebret, op. cit., p. 81 et suiv.
(3) M. Flach à son cours de l'Ecole des Sciences Politiques.
76 l'introduction I)i:s i.imuis iongii.rs ln anglkterri:
mis au grevé de substitution d'imputer sur les revenus du
domaine, le paiement de certaines charges foncières : il
pourra ainsi se procurer l'argent nécessaire aux travaux.
Le Settled ol Land Ad de 1882 a autorisé les trustées à
consentir la vente des biens substitués (sauf la principale
demeure). Les sommes en provenant sont remployées en
fonds publics, en bien-fonds ou en améliorations du do-
maine.
Enfin, les curés de campagne furent en 1888 habilités
à aliéner, moyennant certaines formalités, les terres atta-
chées à leur bénéfice. Par cette mesure, la main-morte
devait être largement réduite en peu de temps.
A côté de ces lois qui n'ont eu qu'une influence médiate,
détournée sur le morcellement de la propriété foncière
anglaise, le Parlement votait des mesures qui avaient
pour but principal la création en Angleterre dallotments
et de small holdings possédés par des petits proprié-
taires, mais devaient fournir en même temps des bras
aux Landlords et aux fermiers. Tons ces actes eurent
peut-être moins d'influence cependant sur le morcelle-
ment de la propriété que l'initiative privée, qui s'est ma-
nifestée de deux manières par les Building Societies ou
Sociétés de construction et par les Land Companies ou
Compagnies foncières.
Les Building Societies sont des sociétés coopératives :
elles achètent des terrains, les lotissent, y font tous les
travaux de voirie nécessaires ; ensuite, ou bien elles cons-
truisent des maisons sur chaque parcelle et les reven-
dent ; ou bien elles prêtent aux acquéreurs des terrains
les sommes nécessaires à la construction des habitations.
Ces diverses opérations sont réservées aux seuls adhé-
rents. Des lois spéciales de 1874 et 1875 régissent ces
associations qui sont dites enregistrées ou non enregis-
trées, suivant qu'elles se sont ou ne se sont pas confor-
mées à certaines règles de la législation.
Les premières, les seules sur lesquelles nous ayons des
renseignements précis, n'ont cessé de croître jus([u'en
18Q0. Elles étaient (1) :
(1) Statistical abstracts.
CAUSES d'adoption DE LA LOI DE 1897 77
1.111 en 1880 avec un capital de 924 millions de francs.
1.953 en 1885 avec un capital de 1.263 millions de
i'rancs.
2.333 en 1890 avec un capital de 1.264 millions de
francs.
2.181 en 1895 avec un capital de 1.014 millions de
francs.
2.124 en 1900 avec un capital de 1.077 millions de
francs. . '
A côté de celles-ci, les sociétés non enregistrées avaient
en 1895 un capital de 440 millions environ et en 1900, de
375 millions.
Il n'est pas exagéré de prétendre que plusieurs cen-
taines de mille petits capitalistes sont ainsi devenus pro-
priétaires de la maison qu'ils habitent.
Les Land (■ompanien sont de véritables sociétés com-
merciales à responsabilité limitée (jui recherchent un
bénéfice dans l'achat des grands domaines et la revente
après morcellement aux ouvriers. La plus célèbre, la
British Land G" Limited, créée en 1856, a vendu à elle
seule depuis sa fondation, pour 4.047.643 livres sterlings
de terrains, ce qui représente, étant donnée une valeur
moyenne des lots de 80 livres sterlings, 50.000 aliéna-
lions environ (1). La situation de la propriété foncière
semble donc avoir été assez profondément modifiée de-
puis 1872 par la constitution d'un grand nombre de petites
propriétés qui sont, il est vrai, plutôt des propriétés
urbaines que des propriétés rurales.
A côté de ces transformations dans l'aspect de la pro-
priété, il s'est produit une modification de même nature
dans la répartition des fermes ou des tenures. Les gran-
des exploitations agricoles disparaissent peu à peu et font
place à des petites fermes de 1 à 50 acres. Le rapport
publié par le Board of Agriculture en 1890 (2) indique
qu'il existait alors 455.005 allotments ou jardinets ruraux
de moins d'un acre et 409.422 small holdings de 1 à 50
(1) Land Transfer Bill, 1895. Bonser, Interrogatoire, pas-
sim.
(2) Return of allotments and small holdings, 1890.
78 l"i.\TRODUCTIO.\ des livres fonciers Ei\ ANGLETERRE
acres. Le nombre, tant des allotments que des small hol-
dings n'avait cessé de croître depuis 1875, époque à la-
quelle ils n'étaient respectivement que 246.398 et
389.941.
Mais la division de la propriété et de la possession
nécessite des contrats plus fréquents, qui ont pour objet
des superficies peu étendues et des sommes généralement
minimes : les intéressés ont alors compris combien diffi-
cile et coûteux était le système en usage ; combien peu il
répondait aux nouveaux besoins de l'agriculture.
L'Angleterre n'avait pas, en effet, échappé plus que les
autres pays européens à la crise agricole qui, depuis
trente ans, l'avait particulièrement éprouvée. Les reve-
nus fonciers des Landlords, fort considérables, étaient
grevés de charges nombreuses résultant de testaments,
d'obligations légales ou même de simples traditions. Ces
charges devinrent particulièrement lourdes, lorsque le
loyer des terres eut subi une profonde dépression. En
1875, les revenus déclarés pour la perception de l'Income
tax (cédule A. biens fonciers), étaient pour l'Angleterre
de 48.533.340 livres sterlings et pour le Pays de Galles
de 3.265.610 livres sterlings ; en 1894, ils n'étaient plus
respectivement que de 36.999.846 livres sterlings et
3.065.985 livres sterlings. La diminution est donc pour
l'Angleterre de 23,7 0/0 et pour le pays de Galles de
6,1 0/0, soit en moyenne 22,7 0/0 (1). Le capital foncier
diminuait encore dans une proportion plus considérable,
50 0/0 ainsi que l'indique le tableau suivant :
(1) Final report on agricultural dépression, 1894, Remar-
quons pour compléter ces chiffres, que la baisse des loyers n'a
fait que continuer et que le revenu déclaré pour l'Angleterre
et le pays de Galles, n'atteignait plus on 1900, que 37.110 545
livres sterlings.
CAUSES d'adoption DE LA LOI DE 1897
79
PI
Revenus décla-
rés à rincome
Tax
(pour toute la
Grande Bretagne)
Denier de
capitali-
sation
Capital
Diminution depuis
1895
Montant
p. 0/0
1875
1894
55.618.428 £
40.317.729 £
30
18
1.668.352.840
833.719.122
834.833.718
50
La différence existant entre la diminution de la valeur
vénale et l'abaissement de la valeur locative s'explique
par ce fait qu'on a tenu compte, en parlant des revenus,
seulement des réductions de fermages.
Les pertes résultant des fermages non payés, les dé-
penses de plus en plus considérables de réparations, de
drainage, de constructions, le prélèvement pour l'acquit
de la dîme, à la charge des Landlords depuis 1892, n'ont
pas pu être évalués pour établir la réduction réelle de la
valeur locative des terres. Alais ajoutées les unes aux
autres, les diminutions de revenu qui en sont la consé-
quence doivent correspondre largement à la diminution
de capital. Les Landlords privés ainsi d'une partie de
leurs ressources durent recourir à l'emprunt ou même
vendre leurs terres. Lorsqu'ils voulurent hypothéquer
leurs propriétés dans l'espérance que la crise n'était que
passagère et qu'ils pourraient en des temps meilleurs
rembourser leurs créanciers, ils ne trouvèrent à leur
disposition que le contrat démodé et formaliste du mort-
gage. Il parut dur à ces fiers propriétaires d'être obligés
de soumettre leurs titres à l'examen de conseils et de leur
laisser examiner leurs papiers de famille. Il leur parut
pénible de rencontrer à chaque pas des difficultés impré-
vues, retardant le moment où ils recevraient l'argent dont
ils avaient un pressant besoin : il leur parut insupportable
d'épuiser d'un seul coup tout leur crédit, ce qui était la
conséquence de la remise des titres entre les mains du
créancier.
Lorsqu'ils voulurent vendre leurs biens ; ils rencontrè-
rent de semblables difficultés et ne reçurent qu'une
somme d'argent bien amoindrie par tous les frais : cela
80 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
leur fut d'autant plus sensible, qu'ils vendaient déjà leurs
biens avec une grande perte.
Les propriétaires anglais reconnurent ainsi, pour avoir
été instruits par des expériences personnelles, que le sys-
tème des transactions occultes était loin d'être parfait et
finirent par trouver que « les lois foncières, bien que vé-
nérables par leur antiquité, étaient mal adaptées aux be-
soins de la société moderne (1). )>
(1) Williams, op. cit., p. 460.
CHAPITRE VllI
LES PROJETS LÉGISLATIFS DE 1888 A 1897
Sous l'influence de ces considérations un mouvement
d'opinion se développa. Dès 1878, le colonel Leach, qui
avait présidé à tous les travaux d'arpentage nécessités
par les lois de 1862 et 1875, faisait la déposition suivante
devant le Select Committee on Land Titles and Land
Transfer : « Je crois qu'il y a une tendance générale en
faveur de l'immatriculation. Pendant la mise en œuvre
de Vaci de Lord Weslbury, je vis un grand nombre de
propriétaires qui immatriculèrent leurs biens conformé-
ment aux dispositions de la loi. Ils vinrent me trouver au
Bureau pour diverses raisons et j'ai conclu des conversa-
tions que j'ai eues avec eux, que l'opinion était très favo-
rable à ce système. Je pourrais mentionner des cas où le
propriétaire poursuivit l'immatriculation de son domaine,
non seulement contre le gré des solicitors, mais aussi
nonobstant les difficultés qu'ils semèrent sur son cbc-
min (1). »
Après le vote des lois de 1881 et de 1882, l'opinion
espéra un moment la réalisation des belles promesses
faites au sujet de ces réformes. Mais, tout en simplifiant
d'une manière appréciable les transferts immobiliers,
elles n'atteignirent pas le mal à sa racine ; elles ne sup-
primèrent pas les frais exorbitants perçus par les solici-
tors.
Dès lors, propriétaires et jurisconsultes reprirent la
campagne qu'ils menaient depuis trente ans en faveur de
l'immatriculation.
En 1886 parut un petit volume de M. Brickdale, Re-
gistrar adjoint, dans lequel il recherchait le meilleur
moyen d'appliquer à l'Angleterre le système Torrens.
Adversaire de l'immatriculation obligatoire, il prétendait
(1) 1878, question 3599.
L. 6
82 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
imposer l'usage des Livres fonciers au public anglais en
lui démontrant leur excellence. Il préconisait un certain
nombre de modifications à la loi de 1875 et surtout la
création d'un fonds d'assurance à l'instar de lAustralie.
Cette dernière réforme devait, d'après lui, avoir la plus
grande utilité : d'abord en modérant ce que le principe
de l'irrévocabilité des inscriptions pouvait avoir de trop
rigoureux ; ensuite, en permettant au Registrar de se
montrer moins sévère pour les justifications exigées à
l'occasion d'une première immatriculation ou des inscrip-
tions subséquentes.
Lord Halisbury, s'inspirant en partie de ce travail,
tenta en 1887 un nouvel effort. Il introduisit le Land
Transfer Bill qui devait « suppléer sur divers points à la
législation à laquelle le nom de Lord Cairns est attaché
et qui est contenue dans trois catégories de lois, le Land
Transfer Act de 1875, le Conveyancing Act de 1881 et les
lois le modifiant, le Settled land Act de 1882 et les lois
le modifiant ». Ce projet proposait de rendre l'immatri-
culation générale. Dans ce but, il créait un Comité du
Land Transfer ayant sous ses ordres des bureaux auxi-
liaires dans les divers comtés, dont les ressorts seraient
déterminés par ordonnances prises en Conseil privé.
L'immatriculation aurait été obligatoire : 1° à l'occasion
de toute vente, mortgage ou constitution de settlement ;
2° à la suite de la mort du propriétaire pour permettre
aux héritiers d'exercer des droits sur la succession.
Un fonds d'assurance était en même temps créé. En
outre, le projet modifiait les principes de la dévolution ab
intestat et apportait nombre d'autres changements im-
portants à la législation en vigueur. Voté par la Chambre
des Lords, le projet fut soumis aux Communes vers le
milieu de juillet 1887 : il fut retiré par le gouvernement
avant la seconde lecture.
L'année suivante, 1888, un nouveau Bill fut présenté
à la Chambre des Lords. Il proposait cette fois d'abroger
complètement la loi de 1875, puis de la remettre en vigueur
après y avoir apporté de nombreuses modifications. Voici
quelles en étaient les principales dispositions qui, nous le
LES PROJETS LÉGISLATIFS DE 1888 A 1897 83
verrons, ont été souvent empruntées par le législateur de
1897 (1). Limmatricuiation des immeubles sera rendue
obligatoire dans les divers districts par des ordonnances
successives de la Reme prises en conseil privé. Devront
être inscrites sur le Livre foncier toutes les propriétés
qui, à dater de cette ordonnance, seront transmises soit
par vente, soit par succession ou donation. La propriété
sera décrite sur le feuillet du registre avec tous les détails
nécessaires. Un plan cadastral, produit au moment de la
première inscription, sera conservé au Bureau d'immatri-
culation. En cas de vente de terre non encore enregistrée,
l'acquéreur sera tenu de faire la demande d'immatricula-
tion. A la suite d'un décès, l'immatriculation aura lieu
après paiement des droits de succession et sur produc-
tion d'un acte de notoriété émanant des commissaires de
l'impôt. Cet acte indiquera les noms des héritiers, la
nature de leurs droits et la situation de l'immeuble.
D'après l'article 3 du projet, le certificat délivré par le
bureau, n'est qu'un (c titre de possession » ; il n'assure
nullement la légitimité du droit du propriétaire inscrit.
Toute action en revendication exercée contre lui est rece-
vable. Les tiers qui traitent avec le propriétaire inscrit
ne sont donc garantis que contre les actes passés posté-
rieurement à la première inscription et qui n'auraient
pas été mentionnés sur le Livre foncier.
L'immatriculé pouvait, au bout de cinq ans, transfor-
mer son titre de possession en titre irrévocable. Il devait,
pour cela, adresser au Registrar une requête en homolo-
gation qui était publiée par voie d'affiches, d'annonces et
de notifications individuelles aux intéressés. L'adminis-
tration opérait ainsi, dans les cinq années qui suivaient
la requête, une purge de tous les droits occultes qui pou-
vaient grever l'immeuble. Passé ce délai, si aucune récla-
mation n'avait été formulée ou si les oppositions n'avaient
pas été jugées recevables, l'immatriculation devenait dé-
finitive ; le titre était absolu.
(1) Cf. Besson, op. cit., et Flotte de Saint-Genis, Traduction
du projet, Annales de l'Enregistrement et des Domaines; jan-
vier et mars 1891.
8^ l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
Pour indemniser les personnes qui subiraient un pré-
judice du fait de ce droit opposable à tous, un fonds d'as-
surance était créé par prélèvement sur les droits de trans-
fert perçus. Toutefois pour chaque espèce, la Cour devait
décider si, au lieu de donner au tiers lésé une indemnité
pécuniaire, il ne fallait pas le remettre en possession de
ses droits, par rectification du registre. Dans ce cas, le
propriétaire immatriculé recevait alors l'indemnité pécu-
niaire.
Enfin, certains articles créaient un nouvel ordre de
représentation pour les biens réels, en assimilant l'ad-
ministration des successions aux biens réels à celle de
successions aux biens personnels.
Ce projet avait le très grave inconvénient de laisser
pendant cinq ans les propriétaires dans une incertitude
qui pouvait leur être préjudiciable et de nécessiter une
procédure assez coûteuse. Néanmoins, il améliorait sur
beaucoup de points la loi de 1875. La Chambre des Lords
nomma pour l'examiner une Commission qui le modifia
.quelque peu et qui ne put terminer ses travaux avant la
fin de la session. Présenté de nouveau à la même assem-
blée en 1889, il fut encore une fois renvoyé à une Com-
mission qui le modifia et fit son rapport. Toutefois, comme
son échec était certain, il ne fut jamais discuté.
Entre ces deux projets, le Parlement anglais avait voté
la loi sur les charges foncières, plus importante par ses
tendances que par son objet ; elle n'instituait, en effet,
une publicité efficace que pour les droits réels les moins
lourds (1) ; elle n'en marque pas moins un acheminement
vers un régime général d'inscription des actes intéressant
la propriété immobilière.
Le Land Rcgisiry {Middlesex Deeds) Ad de 1891 (2)
réunit le bureau d'enregistrement des actes du comté c'c
Middlesex au Bureau d'immatriculation. La fusion de ces
services avait, sans doute, pour but une économie dans
les dépenses de personnel de ces deux administrations.
(1) Voir supra page 43.
(2) 54-55, Victoria, c. 64.
LES PROJETS LÉGISLATIFS DE 1888 A 1897 85
Mais, elle devait aussi habituer le public à s'adresser au
Bureau chargé de la tenue des Livres fonciers. Les em-
ployés devaient rappeler, lorsqu'on leur présentait un
acte à enregistrer, les dispositions de la Cédule 1 § 14 de
cette loi, en vertu desquelles « toute personne détentrice
d'un acte qui lui confère le droit de requérir l'immatricu-
lation d'une propriété avec un titre possessoire, peut se
dispenser de faire enregistrer son acte comme le prescrit
la législation en vigueur dans le Middlesex, si elle fait
une demande en immatriculation ». A la niême époque
par le Land Begisiration ol title (Ireland) Act, 1891, le
législateur anglais faisait en Irlande l'essai d'un Livre
foncier, essai qui allait donner des résultats excellents et
fournir de nouveaux arguments aux partisans de l'imma-
triculation obligatoire.
Mais la première mesure législative qui marque vrai-
ment le progrès fait par les idées nouvelles est la loi sur
les petites tenures de 1892 (Sma////o/c/mgfs/l ci) (1). L'art. 10
est ainsi conçu : « Lorsqu'un Conseil de comté aura acheté
des terrains, conformément à la présente loi, il devra
demander à être immatriculé comme propriétaire avec
titre absolu en vertu de la loi de 1875. Des règlements
complémentaires, pris conformément aux règles établies
par la loi de 1875, pourront :
((1° Modifier la loi sur l'immatriculation, de façon à la
rendre applicable aux petits domaines ;
(( 2° Assurer au moyen d'agents locaux, institués sur la
demande et aux frais du conseil de comté,, l'application
de cet article (2). »
Le principe de l'immatriculation obligatoire était enfin
posé.
En 1893, Lord Herschell crut le moment venu de pré-
senter de nouveau un projet, en substance le même que
celui de 1889. La Chambre des Lords le vota sans grande
discussion ; puis le gouvernement le soumit à la Chambre
(1) 55-56, Victoria, c. 31. Loi votée le 27 juin 1892.
(2) Ce règlement a été fait le 9 août 1892: ce sont les Small
Holdings rules, 1892.
86 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
des Communes ; la session était malheureusement trop
avancée pour quil pût être discuté. En 1894, la Chambre
des Lords, saisie du même projet, ne l'adopta même pas.
Mais en 1895, comme le gouvernement l'avait déposé
pour la troisième fois sur le bureau de la Chambre des
Lorcis. celle-ci le vota sans opposition. Porté à la Chambre
des Communes, le Bill fut, au moment de la seconde lec-
ture, renvoyé à Texamen d'une Commission spéciale le
6 mai 1895. Cette Commission recueillit diverses déposi-
tions ; ses travaux furent interrompues par une dissolu-
tion anticipée du Parlement et elle ne put remplir sa mis-
sion. Cette enquête, souvent citée déjà dans cette étude,
servit néanmoins beaucoup à la préparation de la loi de
1897 ; le Lord Chancelier annonça dans sa déposition
qu'il avait reçu d'une société coopérative immobilière
une adresse de félicitations pour l'initiative prise par lui
et que le Conseil du comté de Lincolnshire lui avait pro-
posé de prendre le comté comme champ d'expériences.
M. Ellis, membre de la Chambre des Communes, annonça
également qu'il avait reçu de ses électeurs d'Hucknall,
Arnold et Nottingham des adresses par lesquelles il était
invité à soutenir le bill (1).
Grâce aux débats répétés devant le Parlement, le public
commençait donc à comprendre l'importance de la ré-
forme. Le gouvernement, de son côté, s'efforçait, par la
publication de rapports, de faire connaître les résultats
excellents obtenus dans les pays étrangers depuis l'intro-
duction des Livres fonciers. Déjà en 1881, un rapport
avait réuni les renseignements les plus complets sur les
colonies australiennes ; en 1896, le Registrar adjoint,
M. Brickdale, qui avait été étudier sur place, en Allema-
gne et en Autriche-Hongrie, la législation foncière, con-
signait en ces termes les résultats de son enquête : « Les
exemples que j'ai réunis comprennent des propriétés
très vastes, tels les domaines héréditaires de la noblesse
de Bohême, les plus étendus. d'Europe, conférant des pri-
vilèges politiques de la plus haute importance et imma-
(1) Land Transfer Bill, 1895, questions 2097-2110.
LES PROJETS LÉGISLATIFS DE 1888 A 1897 87
triculés sur des registres spéciaux tenus à la capitale de
la province ; ils comprennent par contre les petites pro-
priétés paysannes des provinces rhénanes, où le Code
Napoléon a encore de profondes racines dans les mœurs
et l'esprit des populations ; ils englobent d'un côté les
propriétés bâties des faubourgs récemment créés de Ber-
lin, assujetties à des conventions restrictives des droits
des propriétaires, de l'autre, les antiques manoirs silé-
siens avec des tenanciers comme fermiers, des droits de
vaine pâture, des redevances et des services d'origine féo-
dale. Mes recherches prouvent que le système est aussi
bien applicable aux plaines immenses des régions arables
de Hongrie et aux districts miniers du « Pays Noir » ou
industriels de la Saxe qu'aux hameaux et aux pittores-
ques pâturages alpins de Styrie, du Salzkammergut sur
lesquels pèsent d'innombrables servitudes d'eau, de pas-
sage, etc.; elles embrassent les locations compliquées
de caves, d'appartements, les servitudes de cours ou de
passage du quartier des Juifs de Prague en même temps
que les titres si simples d'un paisible district agricole du
Brandebourg où des hypothèques consenties sur des
immeubles excellents et s'élevant à des centaines de mille
livres sont cependant soumises aux cessions les) plus
embrouillées. Ce système s'adapte aux charges les plus
petites, aux parcelles les plus restreintes des moindres
domaines, aux grandes cités où la valeur d'une terre se
mesure presque au pouce carré ainsi qu'aux montagnes
dénudées et arides qui n'ont presque aucune valeur (1). »
« Les registres continentaux m'ont paru donner complète
satisfaction aux propriétaires grands ou petits et permet-
tre la conclusion de ventes et de mortgages avec une faci-
lité, une rapidité et un bon marché qui semblent à peine
croyables à des personnes habituées seulement aux tran-
sactions occultes de notre pays (2). »
Les Revues enfin, le Building Societies Journal, la
Law Ouarterly review, le Law magazine and review et
(1) Brickdale, General Report on the Systems of registration
of title in Germany and Austrià-Hungary, p. 2.
(2) Ibid., p. 3.
88 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
bien d'autres discutaient dans de nombreux articles les
mérites respectifs des diverses législations foncières et
demandaient en général qu'un changement fût apporté
aux lois en vigueur.
Le 16 mars 1896, Sir Robert Reid, traduisant le senti-
ment général, demanda, à la séance de la Chambre des
Communes, si le gouvernement songeait à proposer cette
année un Bill sur le transfert de la propriété foncière. Le
premier Lord de la Trésorerie, M. Balfour, lui répondit
que « le Bill était préparé, mais qu'il ne pouvait, en raison
du peu d'avancement des travaux législatifs, indiquer à
quelle époque le Bill serait déposé et même s'il serait
déposé au cours de la session (1). »
Arrivé au terme de ce long exposé historique où nous
avons essayé de faire revivre en les analysant les discus-
sions passionnées auxquelles cette réforme a donné lieu,
il nous faut le résumer brièvement.
Deux partis en présence, les solicitors et les juriscon-
sultes, les premiers poussés par leurs intérêts particuliers,
les seconds se réclamant de l'intérêt général, ont lutté pen-
dant 70 ans. L'opinion publique, qui est, en Angleterre
plus qu'ailleurs, le grand juge en matière législative, a
montré que ses préférences allaient aux jurisconsultes.
Il fallait, en effet, apporter remède à la crise agricole et
pour cela favoriser la transformation économique qui
s'opère en Angleterre, par la vente des grands domaines
et par leur morcellement. La réforme de la transmission
de la propriété foncière n'était que le complément des
mesures déjà prises pour ramener vers la culture du sol
ces paysans anglais qui avaient abandonné peu à peu les
campagnes pour les villes, où ils étaient attirés par l'appât
des salaires élevés, offerts aux ouvriers industriels.
(1) Parliamentary Debates, 4*^ série, année 1896.
DEUXIÈME PARTIE
Les Land Transler acts de 1875 et 1897
CHAPITRE P
LE VOTE DE LA LOI DE 1897. — SA PORTÉE
Le 19 février 1897, un Bill (' établissant une représenta-
tion pour les biens réels et modifiant la loi de 1875 », était
soumis par le Chancelier Lord Halsbury à la Chambre
des Lords. Quelques semaines plus tard, le 4 mars, les
membres de la Chambre-Haute discutaient en deuxième
lecture le principe du Bill. Le Chancelier fit remarquer
que (( les objections présentées en 1895 par les solicitors
avaient été presque toutes écartées, sauf une, le principe
de contrainte >> ; mais aujourd'hui « la contrainte s'ap-
plique non pas à une loi souvent critiquée, mais à un
texte tellement amélioré qu'il a l'approbation de ses ad-
versaires (1). » Le précédent chancelier, Lord Herschell,
vint appuyer le bill ; Lord Thring, l'ancien collaborateur
de Lord Cairns, l'un des témoins ayant déposé en 1879
contre le principe de l'immatriculation obligatoire, parla
en faveur du projet et le comte de Kimberley fit remar-
quer (( que rien n'était réclamé avec plus d'instance par
les propriétaires qu'un système efficace de transmission
des biens immobiliers (2). »
Voté sans opposition, il fut soumis à l'examen d'une
Commission qui termina ses travaux le 10 mai 1897 et
déposa un rapport qui apportait quelques modifications
(1) Parliamentary Debates, 4® série, 1897.
(2) Ibid,
90 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
au projet du gouvernement. La troisième lecture eut lieu
et le Bill fut renvoyé à la Chambre des Communes le
12 du même mois. Le 28 juin seulement, cette assemblée
procéda à la seconde lecture. A cette occasion, certains
orateurs reproduisirent les objections déjà présentées
par les solicitors ; quelques membres proposèrent même
d'ajourner le débat ; la fm de la session était proche,
disaient-ils, et une réforme de cette importance ne
pouvait être votée à la hâte (1). Les promoteurs du sys-
tème d'immatriculation leur répondirent. Ils firent remar-
quer que les solicitors se déclaraient maintenant satisfaits
du projet, que les banquiers auraient toutes facilités pour
continuer comme auparavant leurs prêts sur immeubles
et que les propriétaires, représentés en quelque sorte par
la Chambre des Lords, s'étaient, depuis plusieurs années
déjà, ralliés à ce projet qui réduisait les frais des 4/5 (2).
Renvoyé au Comité permanent de législation, d'organi-
sation judiciaire et de procédure, le bill fut adopté par la
Chambre des Communes, le 3 août. Finalement, après
avoir été soumis de nouveau aux Lords, pour que ceux-ci
ratifient certains amendements des Communes, le Land
Transfer Bill reçut l'approbation royale le 6 août 1897 et
devint le Land Transfer Act 1897 (60 et 61, Victoria,
c. 65).
Divisée au point de vue matériel en quatre parties, la
loi du 6 août contient ^eux grandes réformes. L'établisse-
ment d'une représentation pour les biens réels et la modi-
fication du Land Transfer Act de 1875.
La représentation pour les biens réels a une impor-
tance capitale, lorsqu'on étudie le droit successoral an-
glais ; elle n'a qu'une importance relative pour l'objet
qui nous occupe. Il est toutefois intéressant d'en connaî-
tre les principales dispositions, car la procédure d'imma-
(1) Broadie Hoare. Séance du 28 juin 1897. Parliamentary
Debates, 1897.
(2) « Quant aux propriétaires, s'ils sont représentés quelque
part, c'est à la Chambre des Lords, or, cette Assemblée a voté
le projet, je ne sais combien de fois. » l^*" Lord de la Trésorerie,
même séance, ibid.
LE VOTE DE LA LOI DE 1897 91
triculation a été modifiée et simplifiée dans beaucoup de
cas par cette réforme.
La dévolution ah intestat d'un patrimoine, est assez
rare en Angleterre. La liberté de tester y est complète et
presque tous les Anglais font, avant de mourir, leur tes-
tament. Lorsque, cependant, aucun acte ne révèle les der-
nières volontés du défunt, le patrimoine est divisé en deux
parties, les biens réels et les biens personnels. Pour les
biens réels, fiefs ou biens d'héritage constituant des droits
immobiliers et perpétuels, existent entre les descendants
le privilège de masculinité, et entre les mâles, le privilège
de primogéniture. L'héritier légal est saisi du domaine ;
il ne peut renoncer à son droit dans la succession et est
tenu des dettes jusqu'à concurrence de la valeur de l'im-
meuble.
Les biens personnels, qui comprennent les droits mobi-
liers et aussi les droits immobiliers temporaires, vont aux
plus proches parents, sans tenir compte ni du sexe, ni de
l'âge. Mais ceux-ci n'ont pas la saisine. Il faut que les
personnes désignées par la loi, obtiennent de la Cour
une ordonnance d'envoi en possession : c'est ce qu'on
appelle les lettres d'administration.
Lorsqu'il existe un testament, l'exécuteur testamen-
taire doit demander un certificat d'homologation {pro-
bate).
Muni de ces probate ou de ces lettres d'administration,
l'exécuteur ou l'administrateur prend possession de la
succession, réalise les capitaux qu'elle comprend et la
transforme ainsi en Assets, pour employer la termino-
logie juridique anglaise. Puis, il paye les dettes, délivre
les legs particuliers, distribue le reliquat entre les léga-
taires universels ou héritiers naturels.
Ces règles fort anciennes, même surannées (1), ont sou-
levé depuis 1836, de nombreuses critiques. Les projets
présentés en 1859 par Locke-King, en 1870 par Potter,
(1) Elles sont empruntées presque textuellement au Tracta-
tus de Legihus et C onsuetudinihus regni Angliœ, de Glanville,
écrit en 1180.
92 l'imuodlctio\ di:s livres fonciers en Angleterre
en 1887 par Lord Halsbury, assimilaient complètement,
lorsqu'il y avait ouverture d'une succession ab intestat,
les biens réels aux biens personnels.
Bien que cette réforme dût avoir en pratique peu d'im-
portance, étant donnée la rareté des décès ab intestat, ces
projets furent vivement combattus : les Bills, en effet,
étaient <( réellement dirigés contre les privilèges des
grands propriétaires et contre les substitutions faites de
génération en génération au profit de l'aîné ». Car « les
biens réels assimilés par la loi aux biens personnels le
seraient bientôt aussi par le sentiment public (1) », et les
testateurs n'auraient plus fait de distinction dans l'attri-
bution des divers biens composant leur patrimoine.
Le législateur de 1897 n'a pas voulu soulever une aussi
grave question. Sans modifier la dévolution des immeu-
bles, il a simplement retiré la saisine à l'héritier légal.
Désormais, à la mort de toute personne possédant un
bien qui n'est pas soumis à un droit de survivance au pro-
fit d'une autre personne, ce bien sera dévolu, nonobstant
tout testament, aux personnes chargées de l'administra-
tion des biens personnels de la succession ou à l'exécuteur
testamentaire, si le de cujus en a désigné un. Il deviendra
leur propriété, comme s'il s'agissait de biens personnels
immobiliers (real chattels) (2). Ces représentants agissent
en qualité de fidéicommissaires et réalisent au besoin les
biens de la succession pour payer les engagements con-
tractés par le défunt (3). Une fois la liquidation de la suc-
cession réglée, ils doivent transférer l'immeuble à l'hé-
ritier légal (heir at law) ou au légataire, s'il y a un testa-
ment (4). Si ce transfert n'a pas été opéré dans l'année qui
suivra l'ouverture de la succession, malgré la mise en
demeure faite par l'ayant-droit, la Cour pourra, après
avis donné aux exécuteurs testamentaires ou administra-
teurs, ordonner que le transfert ait lieu (5)
(1) POLLOCK, op. cit., chap. VII.
(2) Art. 1, § 1, Land Transfer Act, 1897.
(3) Art. 2, § 1, ibid.
(4) Art. 3, § 1, ibid.
(5) Art. 3, § 2, ibid.
LE VOTE DE LA LOI DE 1897 ' 03
Tels sont les traits principaux de la réforme de la repré-
sentation pour les biens réels. Elle a été liée depuis 1887
à la revision de la loi sur l'immatriculation de la propriété,
car elle était nécessaire pour assurer le bon fonctionne-
ment des Livres fonciers. Elle permet aux héritiers ou
légataires de prouver aisément leurs droits à la propriété
des immeubles qui leur sont échus par succession en vue
d'obtenir l'inscription de leur nom aux lieu et place du
nom du de cujus. En outre, la représentation pour les
biens réels apporte une grande simplification dans toutes
les opérations relatives à la liquidation des successions.
Les trois autres parties de la loi concernent l'immatri-
culation de la propriété. Elles ne forment toutefois qu'une
faible partie de la législation applicable en cette matière.
Les 26 articles et les deux Cédules annexes de la loi de
1897 ne sont, en effet, que des modifications ou des addi-
tions à l'Act de 1875, qui demeure le texte fondamental
et ne compte pas moins de Î29 articles. La réunion de ces
deux lois forme, ainsi que le Parlement anglais les a ap-
pelées, les « Laiid Transfer Acts de 1875 et 1897 » et cons-
titue le Code de la propriété foncière (1).
Quelque complètes et minutieuses que soient les dispo-
sitions des Land Transfer Acts, certains détails d'appli-
cation ne pouvaient être réglés législativement. L'article
111 de la loi de 1875 et l'article 22 de la loi de
1897 ont délégué au gouvernement royal le droit de
faire des règlements. Le Lord Chancelier, qui a dans ses
attributions le service d'immatriculation, édictait, sur les
propositions du registrar, ces règlements, avant 1897.
Mais, à la suite d'une polémique des journaux de droit
qui eut son écho au Select Committee de 1895 ; l'article
111 a été quelque peu modifié. Les règlements généraux
seront faits désormais (2) par le Lord Chancelier avec
l'avis et l'assistance du Registrar, d'un juge de la division
de la Chancellerie de la Haute-Cour, nommé par ses collè-
gues, et de trois autres personnes désignées, l'une par le
(1) Art. 26, Land Transfer Act, 1897.
(2) Art. 22, § 2, ibid.
94 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
Conseil général du Barreau, l'autre par le Board of Agri-
culture (ministère de l'Agriculture), le troisième par le
Conseil de l'Incorporated Law Society (Société centrale
des Solicitors).
Le Chancelier, déjà absorbé par de nombreuses attri-
butions, ne pouvait, en effet, s'occuper de chacune d'elles
d'une façon spéciale ; il ne faisait, notamment pour les
règlements sur l'immatriculation, qu'homologuer les pro-
positions du Regislrar. Celui-ci, auteur de dispositions
qu'il devait plus tard appliquer, était à la fois juge et
partie. Cette méthode présentait, en outre, rinco!nvénient
de faire régler par des fonctionnaires, quelquefois peu
au courant des nécessités pratiques, des questions fort
délicates relatives aux transmissions immobilières. L'in-
tervention d'un Conseil délibérant, représentant à la fois
l'administration, l'autorité judiciaire, les propriétaires et
les hommes de loi, a paru être un contrepoids utile au
pouvoir réglementaire du Chancelier, en même temps
qu'une garantie efficace de la valeur des prescriptions
édictées par lui.
D'ailleurs, en Angleterre, le public est en quelque sorte
invité à collaborer à ces règlements généraux. En vertu
de la loi sur la publication des Règlements de 1893 (1),
lorsqu'un règlement a été élaboré, avis doit être inséré
dans la Gazette de Londres quarante jours avant sa pu-
blication, de l'intention de le mettre en vigueur. Cette no-
tification indique aussi à quels endroits des copies du
projet peuvent être obtenues. Ce délai peut ne pas être
observé, si le Lord Chancelier certifie que la promulgation
de ce règlement est urgente. Chacun peut donc en pren-
dre connaissance et formuler les critiques qui lui parais-
sent utiles.
Après l'examen du Comité créé par la loi de 1897, après
l'expiration des délais impartis par la loi de 1893, le règle-
ment est promulgué. Le Parlement est appelé à contrôler
la légalité et l'opportunité des dispositions prises, car
dans les trois semaines qui suivent la promulgation, si
(1) Statut 56 et 57, Victoria, c. 66, art. 1.
LE VOTE DE LA LOI DE 1897 95
le Parlement est en session, ou dans les trois semaines qui
suivent l'ouverture de la prochaine session, si le Parle-
ment est en vacances, le règlement doit être déposé sur le
Bureau de l'une et l'autre Chambres (1).
Le dernier règlement général sur llmmatriculation
(Land Transfer Rules), complément des Land Transfer
Acts, a été promulgué le 18 décembre 1903. Il a abrogé
tous les règlements antérieurs, notamment ceux du 24 dé-
cembre 1875, du V janvier 1889, du 23 novembre 1891;
le règlement provisoire du 29 décembre 1897 et le règle-
ment du 2 août 1898 (2). C'est donc, tant dans les Land
Transfer Acts de 1875 et de 1897 que dans les Land Trans-
fer Rules de 1903, que se trouve réunie la législation des
Livres fonciers qui ne s'applique qu'à l'Angleterre et au
Pays de Galles, laissant de côté lEcosse et ITrlande, ré-
gies par des lois particulières (3).
Les Land Transfer Acts, tels qu'ils résultent des rema-
niements opérés en 1897, sont en vigueur depuis le 1" jan-
vier 1898.
(1) Art. 111, dernier paragraphe, Land Transfer Act, 1897.
(2) Art. 344, General Rules.
(3) Art. 2, Land Transfer Act, 1875.
CHAPITRE II
LES ORGANES DE l'iAIMATRICULATION
La mise en œuvre Ces lois sur l'immatriculation a été
confiée à un service public, placé sous la haute autorité
du Lord Chancelier : VoUice of Land Registry, de Lon-
dres. Cette administration existait déjà avant 1897. Elle
avait été créée par la loi de 1862, et maintenue par
l'art. 106 de la loi de 1875. Depuis lors, c'est elle qui avait
été, en 1892 (1), chargée de tenir les registres d'actes
du comté de Middlesex, de même qu'elle avait reçu mis-
sion, en 1888, de recevoir les inscriptions des charges fon-
cières exigées par le Land Charges Act.
Comme on supposait, en 1875, que l'immatriculation
de la propriété deviendrait très fréquente, la création
d'un bureau central n'avait pas paru suffisante ; l'art. 118
de la loi de 1875 autorisait aussi l'institution de bureaux
locaux, lorsque le nombre des demandes en immatricula-
lion le nécessiterait. Le Lord Chancelier devait fixer, par
des ordonnances rendues sur avis des commissaires de la
Trésorerie (2), le nombre de ces bureaux et l'étendue de
leur ressort. Les législations européennes tendent à rap-
procher l'administration des Livres fonciers des intéres-
sés. En Prusse, en Alsace-Lorraine, en Autriche, les
Livres fonciers sont tenus au siège des tribunaux canto-
naux, quelquefois même dans chaque commune (3). Cette
pratique présente de grands avantages : elle permet aux
fonctionnaires de connaître les officiers ministériels et
même la plupart des propriétaires de leur circonscription.
Elle dispense, en outre, les particuliers de déplacements
éloignés et dispendieux ou de frais de correspondance
(1) Land Registry (Middlesex Deeds) Act 1891, 54-55, Vic-
toria, c. 64.
(2) Art. 118, Land Transfer Act 1875, et art. 22, § 8.
(3) Dans le Wurtemberg. V. Besbon, op. cit., p. 280.
LES ORGANES DE L IMMATRICULATION 97
pour la conclusion de leurs affaires. Mais elle entraîne
aussi des frais de personnel assez élevés.
Au contraire, en Australie, en Tunisie et dans les colo-
nies françaises de l'Afrique occidentale, la conservation
foncière est unique pour chaque pays et est située au
chef-lieu de la colonie. Les raisons de cette différence sont
multiples. Dans les pays neufs, la propriété existante esl
surtout la grande propriété ; les transactions immobi-
lières sont par là même plus rares, plus importantes et
les déplacements ou les frais nécessités par la concentra-
tion des opérations foncières ne présentent pas les mêmes
inconvénients que pour les petites opérations très fré-
quentes de la propriété divisée des pays d'Europe.
Cette organisation répond aussi à une théorie spéciale,
soutenue par Sir Robert Torrens. Il estimait, en effet,
que « la concentration des opérations permettrait de les
confier à des hommes capables de les exécuter plus rapi-
dement et plus sûrement et de réaliser une économie qui
ferait beaucoup plus que compenser les frais de poste et
télégrammes nécessités par l'éloignement (1) ». Enfin,
l'existence d'un bureau unique évite de s'adresser à plu-
sieurs conservations, lorsque les propriétés sont situées
dans des districts différents ; et par conséquent dispense
les propriétaires de la production de copies d'actes en
double ou triple expédition.
Le Land Transfer Act de 1875 avait, à la fois, tenu
compte de l'un et l'autre systèmes. L'immatriculation étant
purement facultative, la nécessité de multiples districts
d'Enregistrement ne devait pas, semblait-il, se faire immé-
diatement sentir, et pendant quelques années un bureau
central serait suffisant. ]\Iais, lorsque les demandes des
propriétaires se seraient multipliées, il serait préférable
de créer un certain nombre de registres provinciaux.
L'autorisation donnée au gouvernement d'instituer des
bureaux de district, devait répondre à ce besoin. L'échec
de la loi de 1875 rendit inutile cette disposition, (|ui sera
(1) GiDÈ, op. cit., Bulletin de la Soc. de Lég. Coiiip., 1886,
p. 295.
L. 7
98 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
certainement appliquée, lorsque l'immatriculation obli-
gatoire sera étendue aux divers comtés anglais (1).
A la tête de chacun des Bureaux central et de district
est placé un Registrar ou conservateur de la propriété
foncière, aidé d'un Assistant-Registrar et d'employés su-
balternes. Ces fonctionnaires peuvent être appelés à tran-
cher, ainsi que nous le verrons, les questions de pro-
priété les plus délicates. Pour être à la hauteur de leur
mission, il est indispensable qu'ils soient complètement
initiés à toutes les subtilités juridiques. La loi elle-même
a fixé certaines conditions à l'admission aux emplois de
Registrar et d'Assistant-Registrar. Pour être Registrar à
Londres, il faut avoir exercé pendant 10 ans au moins
la profession d'avocat (banister) ; dans les districts de
province, il suffit d'avoir été solicitor (avoué) ou cerlili-
cated conveyancer (avoué chargé spécialement des trans-
missions immobilières), pendant la même période de
10 ans. Les Assistant-Registrars de Londres ou de pro-
vince doivent justifier seulement de 5 ans d'exercice d'une
de ces trois professions (2).
Les Registrars ont la direction complète de leurs ser-
vices ; ils veillent à la bonne tenue des registres, à la
rapide expédition des affaires. Ils applicpient les lois,
les ordonnances et les règlements particuliers sur l'imma-
triculation.
Mais, à côté de leur rôle purement administratif, les
Registrars exercent d'autres attributions en tant que
juges : c'est ce qui a fait dire à certains auteurs, que le
Registrar anglais est un personnage semi-judiciaire. Ce
qualificatif montre de suite la différence qui existe entre
le Registrar anglais et le Registrar australien d'une part,
entre le Registrar anglais et le Grundbuchrichier alle-
(1) Comp. notamment: « Il est institué à Tananarive une con-
servation de la propriété foncière pour Madagascar. A mesure
du développement de la colonie,de nouvelles conservations pour-
ront être créées dans les différents centres par arrêtés du ré-
sident général, soumis à l'approbation ministérielle. » D. 16 juil-
let 1897, art. 10.
(2) Art. 106 et 119. L. T. A., 1875.
LES ORGANES DE l'iMMATRICULATION 99
mand de l'autre. Le Registrar australien est un fonction-
naire de l'ordre administratif qui rend peu de décisions
et renvoie, en cas de contestations sur un point de droit,
les parties devant les tribunaux. Dans ce cas, il opère
les inscriptions sur le registre, conformément à l'arrêt
judiciaire. Le Grundbuchrichier rend de véritables juge-
ments, obligatoires pour les parties, sujets à appel, soit
devant les tribunaux de district, soit devant des tribunaux
supérieurs. Les pouvoirs du Registrar anglais participent
à la fois de l'un et l'autre caractères. Ses décisions, ne
sont pas obligatoires, mais si elles <( n'ont aucun effet lé-
gal, elles ont un grand effet moral (1) ». Il peut d'ailleurs
se dispenser de juger telle affaire qui lui paraît trop déli-
cate, et s'en remettre au jugement des tribunaux. Le seul
point sur lequel ses décisions soient sans appel, est la dé-
termination des formalités à remplir (2).
Il exerce des pouvoirs de réquisition assez importants.
Dans un cas douteux, il peut recevoir une prestation de
serment. Celui qui commettrait un parjure s'exposerait
à être puni d'une amende, pouvant atteindre 500 livres
sterlings, et à un emprisonnement maximum de deux ans,
avec ou sans travaux forcés. Le Registrar est également
autorisé à appeler en témoignage un tiers par voie de
mandai et à lui infliger une amende de 20 livres sterlings
au plus (3), en cas de refus d'obtempérer à cette injonc-
tion.
Investi de ces diverses prérogatives destinées à l'éclai-
rer, il prend des décisions que les parties peuvent atta-
quer devant la Cour, c'est-à-dire suivant les cas devant
la Cour du comté ou la division de la Chancellerie de la
Haute-Cour (4). Les jugements ne sont pas, le plus sou-
vent, rendus en dernier ressort. L'appel des jugements
(1) Brickdale, op. cit., p. 48.
(2) Art. 72. L. T. A., 1875, et art. 296, General Rules.
(3) Sanction de la désobéissance à un ordre d'ane Cour.
Art. 109 et 110, L. T. A., 1875.
(4) En vertu de l'art. 299 des General Rules, l'appel sera,
jusqu'à ce qu'une disposition contraire ait été édictée, toujours
porté devant la Division de la Chancellerie de la Haute-Cour.
100 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
des Cours de comté est porté devant la division de la
Chancellerie, l'appel des jugements de la division de la
Chancellerie est porté devant la Cour elle-même. Re-
marquons que ces diverses juridictions statuent non pas
d'après la loi, mais d'après l'équité : elles ne s'inspirent
donc pas du droit strict, mais de la coutume et de l'espèce
qui leur est soumise.
Si le Registrar ne trouve pas dans les titres et les docu-
ments produits, ou dans les témoignages qu'il a recueillis
des éléments suffisants d'appréciation, il peut en référer
à la Cour. Dans ce but, il prépare une espèce, dans la-
quelle il mentionne les circonstances de l'affaire, les noms
des intéressés, l'importance du litige, puis, il la transmet
à la Cour. Celle-ci détermine au besoin le point de fait à
soumettre au jury ; puis, d'après le verdict du jury, elle
rend une décision qui est définitive, à moins que la Cour
elle-même n'ait autorisé l'appel.
CHAPITRE III
LES DEMANDES EN IMMATRICULATION. LA PROCÉDURE
L'existence des Livres fonciers suppose que les pro-
priétés ont été une première fois immatriculées, qu'il y a
eu un (( établissement initial du feuillet de chaque unité
foncière (1) ».
Nous allons rechercher successivement quelle proprié-
tés peuvent être immatriculées, quelles personnes peuvent
requérir l'enregistrement, comment et à quel titre l'imma-
triculation peut avoir lieu.
Les lois de 1875 et de 1897 ont distingué, comme le fai-
sait jusque-là la législation, trois sortes de biens immo-
biliers, les Ireeholds, les leaseholds, les copyholds.
Le freekold est la tenure appelée, dans le droit féo-
dal, le franc-alleu ; c'est la propriété d'un bien qui ne
dépend d'aucun propriétaire supérieur. Le leasehold est
le bail d'un freehold, bail à caractère différent du contrat
de louage français. Le preneur peut, sauf réserve con-
traire, transmettre son bail à un tiers et le droit qu'il
exerce sur limmeuble loué est un droit réel. Enfin, le
copyhold est une tenure quasi-féodale pour le transfert
de laquelle le cédant et le cessionnaire sont soumis à cer-
taines formalités. Se rapprochant beaucoup du copyhold
et assimilés à lui pour l'immatriculation, sont les freeholds
coutumiers {customary freeliolds) (2).
Les copyholds ne peuvent pas être immatriculés (3). Ils
sont, en effet, déjà soumis à des mesures de publicité suffi-
(1) Massigli, Rapport sur l'immatriculation, Comm. extrap.
du cadastre. Proc. verb., T. V, p. 427.
(2) On appelle Freehold coutumier toute terre pour laquelle
une admission ou un autre acto émanant du lord du manoir est
nécessaire pour valider la vente passée par le tenancier cou-
tumier. Pour les Copyholds, V. supra, p. 36.
(3) Art. 2, Land Transfer Act, 1875.
102 l'iXTRODUCTION des livres fonciers en ANCxLETERRE
santés; de plus, ces tenures, appelées à disparaître peu à
peu, sont soumises* à certaines règles spéciales qui ren-
draient difficiles leur immatriculation et les transactions
postérieures.
Mais les freeholds et les leaseholds peuvent faire l'objet
de l'inscription sur un feuillet. La loi emploie les mots
<( immeubles en freehold ou en leasehold » pour désigner
les propriétés susceptibles d^être enregistrées. Cette ex-
pression a ici une signification très étendue, qui a été pré-
cisée par l'art. 26 de la loi de 1897 : elle englobe non seu-
lement les biens corporels mais aussi les biens incorpo-
rels; les mines et minières distinctes de la superficie, aussi
bien que la superficie distincte des mines et minières; les
propriétés de caves ou d'étages ou de parties de maisons;
tous les droits réels attachés au sol, les manoirs, l'advovs^-
son ou droit de présentation à un bénéfice, les droites aux
dîmes inféodées, à certains services ou à certaines rede-
vances. Quelquefois, des biens incorporels sont joints à
des biens corporels : par exemple, la propriété d'un ma-
noir peut comprendre tous les droits qui en dépendent ;
le droit aux mines et minières emporte le droit d'exercer
certaines servitudes nécessaires pour l'exploitation (1).
De même en ce qui concerne la propriété en leasehold,
toute location ou sous-location consentie pour une durée
d'une ou plusieurs vies, ou dont la durée est supérieure
à vingt ans, peut être immatriculée comme une propriété
distincte (2). Il n'est fait d'exception, que si le contrat con-
tient défense absolue au preneur de céder ses droits. L'im-
matriculation n'est, en effet, instituée que pour permettre
aux propriétaires de transmettre leurs biens avec toutes
les facilités désirables. La défense portée par la conven-
tion a pour résultat de mettre, en quelque sorte, hors du
commerce la propriété que l'acte avait créée; de la priver
du bénéfice qu'elle aurait pu retirer d'une inscription sur
le Livre foncier. Il était donc inutile de prévoir et même
d'autoriser une telle immatriculation.
(1) Art. 26, Land Transfer Act, 1897 et General Hules, art. 1,
§5.
(2) ^Yt. 11, L. T. A., 1875.
LA PROCÉDURE DE l'iMMATRICULATION 103
Qui peut demander l'immatriculation ? Les articles 5 et
11 de la loi de 1875 autorisent à requérir l'immatriculation
d'un freehold ou d'un leasehold :
1. Quiconque a contracté pour acheter à son profit per-
sonnel un bien-fonds en toute propriété ou pour acquérir
un droit de location sur ce bien-fonds, (c'est l'acquéreur);
2. Quiconque a des droits en son nom personnel, soit en
vertu de la loi, soit en vertu de l'équité à un freehold ou
à un leasehold ;
3. Quiconque est capable de disposer à son profit per-
sonnel de ces mêmes biens.
Toutefois, lorsque l'immatriculation a lieu en même
temps que la conclusion de l'acte d'acquisition, le ven-
deur doit consentir à ce que la demande soit faite.
L'énumération des personnes, ainsi autorisées à de-
mander l'immatriculation, n'est pas complète. Il faut y
ajouter toute, personne possédant sur la propriété un
droit de vente, soit en vertu d'un fidéicommis, soit en
vertu d'un mortgage. Mais dans ce cas, le demandeur doit
obtenir l'assentiment des personnes dont le consentement
est nécessaire pour l'exercice du pouvoir de vente à lui
conféré par le fidéicommis ou le mortgage (1).
En résumé, peuvent demander à être enregistrés les
propriétaires ou les bénéficiaires d'un bien corporel ou
incorporel en freehold et en leasehold.
La demande en immatriculation est adressée au Bureau
d'enregistrement. Elle doit contenir des indications pré-
cises pour permettre d'identifier sur le terrain la pro-
priété. Un plan géométral de l'immeuble, dressé en se
référant à la carte officielle à l'échelle là plus élevée (2)
(1) Art. 68, L. T. A., 1875.
(2) La carte officielle levée dans la deuxième partie du xix® siè-
cle est à diverses échelles: au 1250^ pour les campagnes, au
1000®, et même au 500® pour les villes (plus de 400 villes sont
levées à cette échelle). Ces cartes sont toutes gravées sur zinc
et sont à la disposition du public à des prix très modérés. Cf.
BRickDAiiE, Detailed report on the Systems of Eegistration of
Title now iil opération in Germany and Austria-Hungary, p. 76,
§ 478.
104 l'introdi'Ction des livres fonciers en angleti:rre
(Ordnance Map) et joint à la demande, sera le plus sou-
vent suffisante pour déterminer la situation du bien-
fonds (1).
Le requérant indique également, s'il dé^sire obtenir un
titre absolu, c'est-à-dire irrévocable, ou un titre posses-
soire.
Enfin la demande en immatriculation est signée par
le requérant ou son mandataire.
L'immatriculation avec un titre absolu nécessite des
formalités assez nombreuses. Un résumé des titres de pro-
priété (abstract ol title), ainsi que tous autres documents
faisant connaître la situation de la propriété, doivent être
déposés avec la demande au Bureau d'immatriculation.
Une liste des tenanciers et des détenteurs à titre précaire
de l'immeuble est également produite (2).
Le Registrar procède à l'examen des titres, il peut
demander que de nouvelles pièces lui soient fournies; ces
réquisitions peuvent s'adresser, soit au demandeur, soit
à une tierce personne (3) et sont sanctionnées par des
amendes. Il fait enfin établir, s'il le juge utile, une décla-
ration statutaire, dans laquelle le demandeur ou son soli-
citor affirmera sous la foi du serment qu'à sa connaissance
tous les titres, testaments ou actes relatifs à la propriété,
toutes les charges foncières ou servitudes grevant l'im-
meuble, tous les faits matériels modifiant la consistance
du bien-fonds ont été produits (4).
Après avoir ainsi réuni tous les éléments nécessaires
d'appréciation, le fonctionnaire du Bureau d'immatricu-
lation procède à un examen minutieux qui porte sur la
situation juridique de l'immeuble durant les quarante
dernières années. Il peut, dans les cas difficiles, demander
l'avis de commissaires des titres (5). Ces recherches sont
(1) Voyez la Formule officielle aux Annexes.
(2) Art. 34, General Rules.
(3) Art. 71, L. T. A., 1875.
(4) Art. 70, ibid. V. la Formule officielle aux Annexes.
(5) Ce sont, soit des barristers désignés par le Lord Chan-
celier, soit le (( conveyancing counsel » (expert en matière de
ventes) de la Haute Cour, art. 36 et 313 à 315. General Rules,
LA PROCÉDURE DE L IMMATRICULATION 105
presque identiques à celles des solicitors. Mais il doit
en outre s'assurer de la concordance des indications du
plan avec les lignes du terrain.
L'examen du Registrar peut être, par contre, simplifié
lorsque la propriété a été vendue en vertu d'un jugement
ou bien lorsqu'elle a été inscrite, à titre possessoire, sur
le registre depuis au moins 6 ans, à l'occasion d'une vente
ou d'une acquisition, ou encore lorsque les titres de pro-
priété viennent d'être soumis aux recherches d'un soli-
citor (1).
En même temps, le Registrar adressera des notifica-
tions individuelles à tous les propriétaires voisins, ainsi
qu'à toutes les personnes que l'examen des titres lui aura
prouvé être intéressées à l'immatriculation. Enfin, pour
avertir les tiers dont le requérant ou le Registrar pourrait
ne pas connaître les droits, des avis sont insérés, tant
dans la London Gazette que dans d'autres journaux. Ils
publient la demande déposée au Bureau d'immatriculation
et fixent un délai qui doit être au minimum de deux mois,
passé lequel les oppositions à l'immatriculation ne seront
plus admises (2).
Les avertissements individuels ou collectifs peuvent
faire naître des réclamations contre la demande en imma-
triculation. Le Registrar les examine, les communique au
requérant, entend les parties, soit en personne, soit par
l'entremise de leur solicitor, puis il décide. Ou bien il
passe outre à la réclamation, ou bien il refuse de pour-
suivre la procédure d'immatriculation. Son refus peut
être définitif, ou provisoire : dans ce dernier cas, il indique
les conditions dans lesquelles il devra être donné satisfac-
tion à l'opposant pour qu'il soit possible d'inscrire la pro-
priété sur le Livre foncier.
La partie à laquelle sa décision fait grief, peut en appe-
ler a la Haute Cour (3).
Un hasard malheureux peut ne pas permettre aux tiers
intéressés d'être touchés par les notifications ordinaires.
(1) Art. 66, General Rules.
(2) Art. 37-39, ibid.
(3) Art. 17, L. T. A., 1875.
106 !,'lXTRODUCTIO\ DES LIVRES FONCIERS EN ANGLETERRE
Les diverses législations sur les Livres fonciers ont créé
un système de prénotation. La prénotation vaut opposi-
tion dans le cas où une demande en immatriculation de
l'immeuble, auquel elle se rapporte, serait introduite au-
près du Bureau d'immatriculation (1). La loi de 1875 a c'e
même prévu que (( toute personne ayant ou prétendant
avoir des droits sur une propriété non encore enregistrée,
peut signifier au Registrar une défense aux fins qu'elle
entend réserver (2) ». Elle doit faire, à l'appui de la signi-
fication, une déclaration sous la foi du serment (3].
Dès lors, aucune immatriculation de l'immeuble visé
dans la déclaration, ne peut avoir lieu sans qu'avis eii ait
été notifié à l'opposant. Celui-ci sera ainsi mis en demeure
d'avoir à comparaître et à faire valoir ses moyens d'oppo-
sition dans un délai de quinzaine. S'il ne répond pas, il
peut être passé outre. Mais le propriétaire pourra le pour-
suivre en paiement de dommages-intérêts pour le préju-
dice qui lui a élé causé par le retard résultant de la préno-
tation. Une indemnité pourrait également être demandée
si l'opposition avait été faite sans motifs suffisants. Cette
procédure peut présenter de grands avantages : elle offre
notamment un moyen assuré de garantir ses droits à un
propriétaire qui ne veut pas faire immatriculer son im-
meuble, mais qui désire que ses voisins, en inscrivant les
leurs sur le Livre foncier, ne lèsent pas ses intérêts.
L'examen des titres de propriété conduit quelquefois
le Registrar aux constatations suivantes : En droit, la pro-
priété du requérant sur l'immeuble n'est pas suffisamment
prouvée ; mais en fait, il est presque certain que le déten-
teur actuel ne sera jamais troublé dans sa possession. Le
Registrar peut, malgré l'insuffisance des prelives qui lui
ont été fournies, procéder à l'inscription sur le Livre
foncier. Mais il peut aussi, avant toute inscription, en ré-
. (1) Art. 35, L. autrichienne du 25 juillet 1871; art. 9, 16, 22,
59, 60, 70, L. prussienne du 5 mai 1872.
(2) Art. 60 à 64, L. T. /.., 1875; art. 88 à 94, General Rules.
Voyez la Formule officielle aux Annexes.
(3) Ces déclarations s'appellent en Angleterre : déclarations
statutaires, c'est-à-dire prévues par les lois.
LA PROCÉDURE DE. I. 'IMMATRICULATION 107
férer à la Haute Cour et lui demander de décider s'il y a
lieu d'accorder l'immatriculation. Cette disposition de la
loi de 1875 (1) met un terme aux difficultés soulevées par
l'application de loi de 1862. Celle-ci n'autorisait l'immatri-
culation que des propriétés détenues en vertu d'un titre
marchand, c'est-à-dire d'un titre tel que la Cour forcerait
un acquéreur à l'accepter. La situation du Registrar se
trouve désormais changée; il ne peut plus être comparé
à un acquéreur voulant obtenir toutes les garanties aux-
quelles il a droit et préférant renoncer à devenir proprié-
taire si satisfaction entière ne lui est pas donnée ; il se
trouve plutôt dans la position d'un acquéreur, désireux,
par raison de convenances personnelles et tout en prenant
des précautions suffisantes, d'entrer en possession d'un
immeuble et, par suite, disposé à se montrer moins exi-
geant dans l'examen des titres de propriété. La liberté
plus grande, laissée ainsi au Registrar, ne peut préjudi-
cier d'ailleurs à personne depuis que l'article 7 de la loi
de 1897 a pourvu en cas d'erreur au paiement d'indemni-
tés aux personnes lésées par une immatriculation.
Dans certains cas, au cours de l'examen des titres, le
Registrar se rend compte que la propriété d'un requérant
peut être seulement établie durant une certaine période
ou qu'elle est soumise à certaines réserves. Sans qu'il
soit possible de déclarer de piano que le demandeur est
certainement le propriétaire légal, il existe néanmoins une
présomption très sérieuse de son droit. La loi de 1875,
pour répondre à cette éventualité, institue le titre quali-
fié (2). Délivré à la suite de l'accomplissement des mêmes
formalités et après les mêmes notifications que le titre
absolu, le titre qualifié diffère donc de celui-ci, en ce qu'il
ne sera irrévocable qu'après une certaine date, que si un
événement futur et incertain se présente ou ne se présente
pas. Nous dirions si nous étions en France, que le droit
du propriétaire est subordonné à un terme ou à une con-
(1) Art. 17, § 3, L. T. A., 1875. Y. Brickdale and Sheldon's
L. T. Acts, p. 8.
(2) Art. 9, L. T. A., 1875, et art. 49, General Rules.
108 I. "introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
dition. L'immatriculation avec titre qualifié à la valeur
de nombreux transferts occultes anglais soumis à des
(( conditions de vente )),qui interdisent « toutes recherches
antérieures à une date déterminée, toutes réquisitions re-
latives à la preuve de la qualité d'héritier ou au manque de
postérité, ou à toute autre chose (1) ». Le titre qualifié ne
peut faire Tobjet d'une demande directe. Il a paru utile, en
effet, au législateur anglais de ne prévoir la délivrance
d'un tel titre que d'une manière exceptionnelle, et dans
le cas où un titre absolu ne pourrait être conféré. Les de-
mandes doivent donc toujours être faites en vue d'obtenir
un titre absolu. Lorsque le Registrar ne peut donner satis-
faction à la requête, il en avertit le demandeur et l'informe
qu'il serait possible de transformer sa demande primitive
en une demande en immatriculation avec litre qualifié. Le
propriétaire doit donner son adhésion expresse à la subs-
titution; car les mentions et réserves portées sur le titre
foncier pourront avoir pour effet d'attirer l'attention des
tiers sur des défauts ou des vices des titres de propriété
qui, jusque-là, n'étaient pas apparents et n'offraient qu'un
danger relatif. Aussi, le plus souvent, le propriétaire pré-
fère-t-il au titre qualifié le titre purement possessoire.
Le titre possessoire est le troisième et dernier titre déli-
vré par le Land Registry (2). Le propriétaire peut ne pas
avoir de titres de propriété ou n'avoir que des titres con-
fus qui nécessiteraient des recherches longues et fort coû-
teuses. Il demandera dans ce cas, à être immatriculé à ti-
tre possessoire.
Les formalités de l'immatriculation sont en effet très
simples, les justifications exigées très sommaires. La de-
mande écrite, faite suivant une formule officielle (3) ne
doit être accompagnée que du dernier contrat de vente au
profit du requérant, de tout autre acte l'investissant de la
propriété ou d'une déclaration statutaire, s'il n'est pas pos-
sible de produire un titre régulier. Dans cette déclara-
(1) Lake, The Land Transfer Act, 1897. Law Magazine and
Review, mai 1898.
(2) Art. 6, § 2, L. T. A., 1875.
(3) V. la Formule officielle aux Annexes.
LA PROCÉDURE DE l'iMMA'J RICL LATION lUU
tion, le requérant affirme sous la foi du serment qu'il est
en possession de l'immeuble en question et qu'il croit pou-
voir s'en dire propriétaire (1). Comme la requête en imma-
triculation à titre absolu, la demande d'inscription sur le
Livre foncier avec un titre possessoire, doit être accompa-
gnée d'un plan de l'immeuble ou d'indications suffisantes
pour permettre de déterminer sur l'Ordnance Map sa
situation topographique.
Le demandeur peut, dans sa requête, indiquer si la pro-
priété est soumise à certaines charges ou servitudes. Le
Registrar devra les mentionner lorsqu'il inscrira le bien-
fonds sur le Livre foncier. Mais aucune obligation légale
n'impose au propriétaire de faire ces déclarations qui pré-
sentent cependant une certaine utilité pour lui. Car l'ins-
cription sur le Livre foncier pourra, avec le temps, deve-
nir la seule origine de propriété qu'il y aura à consulter
pour connaître les droits du propriétaire sur son bien.
Toutes ces déclarations ne font l'objet d'aucun examen
de la part du Fiegistrar qui doit se borner à vérifier l'exac-
titude matérielle des faits qu'elles relatent (2). Les forma-
lités exigées pour l'immatriculation à titre possessoire
sont donc beaucoup moins complètes que celles qui ac-
compagnent l'immatriculation à titre qualifié ou à titre
absolu.
Les diverses règles examinées précédemment sont quel-
que peu modifiées lorsqu'il s'agit de procéder à l'inscrip-
tion d'un Leasehold sur le Livre foncier.
Toute requête aux fins d'immatriculation doit être ac-
compagnée de l'acte concédant le bail ou d'une copie cer-
tifiée véritable, si l'original a été perdu, détruit ou ne
peut être représenté (3). La terre en leasehold peut être,
comme la terre en freehold immatriculée avec un titre
absolu, qualifié ou possessoire. Mais pour obtenir un titre
absolu, il faut le concours du bailleur et de tout locataire
(1) xA.rt. 18, General Rules; V. la Formule officielle aux An-
nexes.
(2) Art. 19 et 20, Général Rules.
(3) Par exemple lorsque le bail a été déposé entre les mains
d'un créancier mortgagiste ; Cf. art. 50 et 51, General Riiles.
110 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
supérieur (en cas de sous-location). Le titre ne constate
pas seulement, en effet, l'existence du contrat de bail. Le
titre absolu à une propriété en leasehold signifie, en outre,
que le propriétaire en freehold avait qualité pour faire une
telle concession ; il signifie aussi, s'il s'agit d'une sous-
location, que le premier locataire avait, d'après les con-
ventions, le droit de sous-louer (1).
Le titre qualifié à un lease est délivré lorsqu'il y a
doute sur la capacité de contracter du bailleur ou du pre-
mier locataire, ou bien lorsqu'il existe une convention exi-
geant pour tous les actes le consentement d'une autre per-
sonne (2). Il est aussi mis certaines réserves à l'inscrip-
tion sur le Livre foncier, lorsque les diverses transmis-
sions de la location n'ont pas pu être établies d'une façon
certaine, bien que l'existence et la validité du contrat de
bail ne puissent pas être contestées (3).
Mais pour pouvoir donner cette garantie complète ou
partielle aux preneurs ou à leurs ayants-cause, les fonc-
tionnaires du Bureau d'immatriculation doivent avoir eu
entre les mains et avoir examiné les titres des proprié-
taires et des locataires ayant sous-loué.
Rarement les bailleurs consentent à se dessaisir de leurs
titres de propriété et surtout à les laisser examiner par le
Bureau du Land Registry. Aussi le plus souvent les imma-
triculations de biens en leasehold ont lieu seulement à titre
possessoire. Cette inscription qui najoule rien à la valeur
intrinsèque de l'acte de location, avertit seulement qu'un
tel preneur prétend être bénéficiaire d'un bail (4).
Mais il peut être assez souvent établi, à l'occasion de la
vente d'un leasehold, que le détenteur actuel a certaine-
ment le droit de se dire bénéficiaire du bail pourvu que le
bailleur duquel il tient ses droits, ait eu qualité pour les
lui concéder. Le règlement général, pour distinguer ces
deux catégories de titres rangés auparavant sous la
même qualification, a créé le titre marchand d'un lease-
i,i; Art. 53 et 54, General E-uIes.
(2) Art. 62, ibid.
(3) Art. 56 et 58, ibid.
(4) Art. 57, ibid.
LA PROCÉDURE DE l'iMMATRICULATION 111
hold « good leasehold title ». Ce titre garantit celui qui
le possède contre toutes les actions en résolution autres
que celles basées sur l'incapacité du bailleur à concéder
le bail (1).
Dans rénumération des diverses formalités qui précè-
dent l'imatriculation au Livre foncier, il faut tenir compte
du pouvoir discrétionnaire du Registrar; car la loi an-
glaise et le règlement général rendu pour son exécution
n'ont pu prévoir tous les cas qui peuvent, dans la pratique,
se présenter. Aussi, après avoir minutieusement indiqué
les preuves à fournir, plusieurs articles de la loi laissent
au Registrar le droit, s'il le juge convenable (il he thinks
lit), de demander la production de toutes les pièces com-
plémentaires qu'il lui paraît utile de consulter. En revan-
che, il lui est permis de dispenser les requérants de tout
ou partie des obligations imposées par la loi. Les alinéas
3 et 4 de l'article 17 (2), sont ainsi rédigés : <( Si le Regis-
trar est d'avis, après examen, que les titres de propriété
ne sont pas absolument probants, mais que néanmoins
ils peuvent donner complète sécurité au propriétaire, il
pourra procéder à l'immatriculation... » « Il peut accepter
toute preuve, tous exposés et états, toutes descriptions de
faits ou de circonstances consignés, soit dans des actes
authentiques ou sous seings privés, soit dans des décla-
rations statutaires, datant de plus de vingt ans. )>
Cette initiative, que ne possédait pas le Registrar sous
l'empire de la législation de 1862 et qui lui a été conférée
par la loi de 1875, est absolument indispensable pour
permettre de mener à bien l'immatriculation de la plupart
des propriétés. Les titres sous le l'égime des transactions
occultes revêtent des formes si variées et tellement com-
plexes, que le plus souvent l'existence de principes géné-
raux rigides, applicables à toutes les demandes sans ex-
ception, rendrait matériellement impossible l'inscription
sur le Livre foncier. En Angleterre particulièrement, les
règles formelles de la loi de 1862 avaient, de l'avis de tous
les jurisconsultesij été l'une des causes de son échec. Les
(1) Art. 54 et 58, General Rules.
(2)L. T. A., 1875.
112 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
Land Transfer Acls et le règlement général de 1903 mar-
quent sur ce point un grand progrès et simplifient la pro-
cédure préparatoire de l'immatriculation.
Le second caractère de la législation anglaise est de
confier à un fonctionnaire le soin de faire la première ins-
cription au Livre foncier. Le pouvoir du Registrar se
trouve, il est vrai, quelque peu limité. Toutes les fois qu'il
y a contestation entre le requérant et le Registrar ou in-
tervention d'un tiers par voie d'opposition, les tribunaux
judiciaires sont appelés à connaître de ces difficultés et
leur décision est exécutée par le Registrar.
La fusion entre les deux autorités, chargées l'une de
tenir les livres fonciers, l'autre de pourvoir à leur éta-
blissement, existe également en Australie et en Prusse.
Mais dans ce dernier pays, à la différence de l'Australie
et de l'Angleterre, ce sont des magistrats de l'ordre judi-
ciaire qui sont investis de cette double mission.
D'autres législations ont, au contraire, prévu que l'au-
torisation d'inscrire un immeuble sur le Livre foncier
devait être délivrée par l'autorité judiciaire, alors qu'un
fonctionnaire de l'ordre administratif était chargé de
veiller à la conservation des registres. La loi autrichienne
de 1871 sépare ainsi le tribunal du Livre foncier du Bu-
reau du Livre foncier : c'est la Cour d'Appel provinciale
qui homologue la procédure préparatoire à l'immatricu-
lation et donne une force légale aux inscriptions des pro-
priétés sur les registres. En Tunisie, le tribunal mixte
reçoit communication de toutes les pièces de l'instruction,
juge les contestations, s'il en existe, et ordonne l'immatri-
culation. Solution qui a été également adoptée par le Dé-
cret du 16 juillet 1897, relatif à la réglementation de la
propriété foncière à Madagascar et les Décrets relatifs au
même objet dans les colonies de l'Afrique occidentale. Le
Tribunal de première instance ou le juge de paix à com-
pétence étendue statue par jugement sur les demandes
d'immatriculation. Ces décrets ont toutefois conféré au
Président du Tribunal ou au Juge de Paix le droit de pres-
crire, par simple ordonnance, l'immatriculai ion, lorsqu'au
LA PROCÉDURE DE l'iMMATRICULATION 113
cours de rinstruction régulière, aucune opposition n'a été
faite.
Les législations, qui font intervenir l'autorité judiciaire
au moment de la première mimatriculation, tiennent
compte du caractère tout spécial de cette mesure qui peut
avoir les plus graves conséquences pour certaines per-
sonnes. « Dans une matière où l'on peut arriver à l'ex-
propriation des droits individuels, a-t-on dit en France,
il faut suivre les précédents de l'expropriation pour cause
d'utilité publique ; une décision de l'autorité judiciaire est
indispensable (1). >> Seuls, les tribunaux semblent devoir
donner aux intérêts en cause toutes les garanties désira-
bles de compétence. Mais les décisions judiciaires entraî-
nent une longue procédure, nécessitent des frais assez
considérables. Les décrets des colonies françaises, sup-
priment certaines formalités en autorisant les Présidents
de tribunal et les juges de paix à compétence étendue à
statuer par simple ordonnance sur les demandes qui n'ont
pas fait naître d'oppositions. L'Angleterre, l'Australie, ont
été plus loin. L'autorité judiciaire ne juge que les oppo-
sitions formées contre l'immatriculation, le Registrar sta-
tuant en dernier ressort sur toutes les demandes qui ne
soulèvent pas de difficultés. Cette manière de procéder
a un double avantage : elle évite toutes les formalités d'ho-
mologation, qui ne constituent le plus souvent que des
garanties purement illusoires, lorsqu'elles ne sont pas
discutées contradictoirement. Grâce à son autorité mo-
rale, le Registrar joue aussi le rôle de conciliateur et peut
prévenir des procès qui nuiraient à la rapide expédition
des affaires et au bon renom de l'immatriculation (2). En
même temps, la possibilité d'appeler de la décision du
fonctionnaire administratif aux tribunaux, sauvegarde les
droits de chacun et consacre la plénitude de juridiction de
l'autorité judiciaire sur les questions de propriété.
(1) Procès-verbaux sommaires du Congrès de la Propriété
foncière de 1889, p. 14. Imprimerie Nationale, 1889.
(2) (( L'expérience prouve que les décisions du Kegistrar sont
presque toujours acceptées. » Further report on Registration
of Title in the Australasian Colonies, 1881, p. 148.
L. 8
CHAPITRE IV
LES FORMES DE l'iMMATRICULATION
Lorsque le Registrar a examiné les titres et les a ap-
prouvés, il procède à l'immatriculation de l'immeuble sur
le Livre foncier.
Le Livre foncier anglais est divisé en trois parties : le
registre des propriétés, le registre des propriétaires, le
registre des charges foncières (1). En outre, les plans dé-
posés au Bureau d'immatriculation sont reliés ensemble
et forment en quelque sorte un quatrième registre. Chaque
inscription reçoit un numéro d'ordre qui se trouve répété
sur les divers feuillets du Livre foncier.
Le registre des propriétés contient tout d'abord l'in-
dication de l'imnieuble immatriculé, soit par simple réfé-
rence au plan déposé, soit par référence au plan et par
une description du bien-fonds. Mention y est aussi faite
des droits du propriétaire sur les mines et minières, de
l'exemption des obligations prévues à l'art. 18 de la loi de
1875 (2), enfin, de toutes les conventions existant en faveur
de la terre et constituant, soit des servitudes actives (droits
de passage d'eau, etc), spit des droits incorporels (profits
à prendre).
Toutes les acquisitions ou aliénations de parcelles doi-
vent figurer sur le registre des propriétés et le plan annexé
^ la première immatriculation est modifié en consé-
quence (3).
Lorsque le bien est une propriété en leasehold, le regis-
tre contient aussi un renvoi au bail enregistré et au titre
(1) Les articles du Règlement Général qui déterminent les
conditions dans lesquelles le Lfivre foncier e>^t tenu, ont été
édictés en vertu de l'art. 111, § 1 de la loi de 1875.
(2) V. plus loin, page 125.
(3; Art. 3 et 4, General Rulçs.
Lr-:S FORMES DE L'IMMATRICULATION 115
du bailleur, si la propriété de celui-ci a été déjà immatri-
culée.
Le registre des propriétaires indique si la propriété est
immatriculée à titre absolu, qualifié ou possessoire. Il
porte les nom, adresses et qualités du propriétaire, ainsi
que les restrictions qui peuvent limiter ses droits person-
nels de disposition sur l'immeuble (1). Il mentionne aussi
la valeur de la propriété, lorsqu'il est possible de Ta con-
naître (2).
Les Land Transfer Acts ont édicté des prescriptions
relatives à certaines propriétés d'un caractère spécial : les
settlements, les bénéfices ecclésiastiques, les propriétés
indivises.
Lorsqu'un bien est grevé de substitution, il peut être
inscrit sur le registre des propriétaires, soit au nom du
grevé, soit au nom des fidéicommissaires, s'ils ont le pou-
voir de le vendre, soit au nom des personnes qui peuvent
être investies dun pouvoir général de disposition sur la
pleine et entière propriété. D "ailleurs, seront en même
temps mentionnées toutes les restrictions aux droits du
titulaire de l'inscription, ainsi que toutes les défenses qui
peuvent être nécessaires pour protéger les intérêts en
cause. L'acte constitutif du settlement ou une copie certi-
fiée conforme, devra être déposée au Land Registry. afin
de pouvoir s'y référer en cas de besoin (3).
Les bénéfices religieux qui sont des usufruits dune na-
ture particulière peuvent être immatriculés au nom du
titulaire actuel, mais il doit être en même temps fait les
réserves nécessaires pour avertir les tiers de la situation
spéciale de l'immeuble.
Enfin. Farticle 14 de la loi de 1897 a autorisé l'inscrip-
tion des noms des propriétaires indivis. La loi de 1875
avait limité à un nombre déterminé les inscriptions collec-
tives qui pouvaient être faites (4). La crainte de surchar-
ger le registre de noms avait été Tune des raisons prin-
(1) Art. 6, General Rules.^
(2) Art. 22, § 6, L. T. A., 1897; art. 3 et 252, General Rules.
(3) Art. 6, L. T. A., 1897.
(4) Art. 5 et art. 83, § 1 et 24. L. T. A., 1875.
] 16 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
cipales de cette mesure. Mais le choix entre les divers
ayants droit, lorsque leur nombre dépassait le nombre
prescrit, soulevait de graves difficultés et amenait sans
cesse des contestations entre les copropriétaires. Le lé-
gislateur anglais a abrogé en 1897 ces restrictions qui ne
présentaient que peu d'intérêt. Les registres fonciers de
l'Europe centrale ont, en effet, toujours été tenus fort clai-
rement, bien que dans ces pays l'égalité des enfants, au
point de vue successoral, rende l'indivision plus fréquente
encore qu'en Angleterre.
A côté du registre des propriétés et du registre des pro-
priétaires, est établi le registre des charges. Celui-ci men-
tionne les droits réels existant avant l'immatriculation :
mortgages, charges foncières, baux, servitudes passives,
droits de douaire ou de courtoisie. Lorsque les charges
foncières, mortgages et baux paraissent devoir être très
nombreuses, le Registrar peut, s'il le juge utile, inscrire
ces divers droits dans un registre spécial, auquel le regis-
tre des charges renverra (1). Toutes les transactions affec-
tant la propriété ou la consistance des droits réels inscrits
sur cette partie du Livre foncier feront elles-mêmes l'objet
d'une inscription.
Le Livre foncier se trouve complété par trois registres
accessoires : la carte générale des propriétés immatricu-
lées, le répertoire des noms des propriétaires, le registre
d'entrée des demandes en immatriculation.
La carte générale des propriétés indique, par une teinte
de couleur, la position et l'étendue des propriétés ins-
crites au Livre foncier. Chacune des propriétés porte le
numéro sous lequel elle figure dans les divers registres
principaux. Cette carte permet, par conséquent, lors-
qu'on connaît la situation d'un immeuble, de savoir s'il a
déjà été immatriculé. Elle prévient les doubles inscrip-
tions d'un même immeuble ainsi que les chevauchements
de limites de deux propriétés contiguës. Elle constitue
ainsi une précaution contre les fraudes ou les erreurs qui
pourraient se produire au moment de la première imma-
(1) Art. 7 et 8, General Rules.
LES FORMES DE l'i.MMATRICULATION 117
triculation et permet, en outre, lorsque le numéro d'ins-
cription est inconnu, de le retrouver (1).
Le répertoire des noms des propriétaires, tenu par or-
dre alphabétique, indique les numéros des titres de pro-
priété d'immeubles, de charges foncières ou de droits
réels auxquels ont droit les diverses personnes dont les
noms figurent sur le Livre foncier. Il est constamment tenu
à jour par radiation ou addition des noms et des numéros
retranchés ou ajoutés. Il permet notamment aux exécu-
teurs testamentaires, aux fidéicommissaires et aux syn-
dics de faillite de connaître le nombre, la situation et les
particularités des biens qu'ils ont à administrer et qu'ils ne
connaissent pas le plus souvent (2).
Enfin, le registre d'entrée des demandes en immatricu-
lation indique, pour chaque demande, le nom de la pa-
roisse et le lieu-dit, le nom et l'adresse du requérant, le
numéro d'enregistrement de la demande (3).
En résumé, les trois derniers registres ne sont destinés
qu'à faciliter les recherches dans le Livre foncier et à per-
mettre de se reporter aux feuillets des registres des pro-
priétés, des propriétaires et des charges. Ainsi conçu, le
Livre foncier peut être, a-t-on dit, comparé à un compte :
le registre des propriétaires désigne la personne au nom
duquel il est tenu, le registre des propriétés donne le crédit
de ce compte et le registre des charges, le débit (4).
Cette forme du Li\re foncier est celle prescrite par la
plupart des législations qui ont adopté l'immatriculation
de la propriété. Elle repose sur le principe de la publicité
réelle opposé au principe de la publicité personnelle. Xotre
législation foncière ne connaît que la publicité person-
nelle. Les répertoires des conservations hypothécaires ne
renferment que les noms des propriétaires. Mais la pro-
priété se transmet, non seulement par des actes transcrits
sur le registre des conservations, mais aussi par des con-
(1) Cf. Brickdale and Sheldon's op. cit., p. 336, note (1) et
art. 12, § 1, General Rules.
(2) Art. 12, § 2, General Rules.
(3) Art. 13, ibid.
(4) Brickdale and Sheldon's op. cit., p. 334, note (d).
118 l'iXTRODUC'IION des livres fonciers en ANGLETERRE
venlions ou des mutations non transcrites ; il en résulte un
double inconvénient. Il est d'abord assez difficile d'établir
la généalogie des propriétaires antérieurs, et par suite de
réunir toutes les indications contenues, soit sur les regis-
tres des transcriptions, soit sur les registres hypothécaires
et relatives à un immeuble donné. En outre, il est complète-
ment impossible, connaissant un bien-fonds, mais ignorant
le nom du propriétaire, de se renseigner sur la personne
qui a qualité pour céder ses droits sur cet immeuble. Cette
méthode s'explique cependant par la conception que la
législation civile a des droits réels et de leur nature. En
effet, ainsi que l'a dit un auteur éminent : « Dans les
pays de race latine, c'est autour de l'homme que viennent
se grouper tous les accidents de la vie sociale et de la vie
civile, le droit de propriété et les différentes manifestations
de la fortune n'y étant que les accessoires de l'initiative ci
de la volonté de l'individu (1). »
Tout autre est la notion du droit de propriété dans les
législations anglo-saxonnes. « Chez les peuples de souche
germanique où les traditions du régime féodal se sont
maintenues, c'est l'inverse, le sol est tout, l'homme est
l'accident (2) ». Sans se préoccuper des détenteurs actuels,
les Livres fonciers^ dans ces pays, mentionnent en pre-
mière ligne, l'Etat-civil, la vie personnelle et juridique de
l'immeuble, et n'indiquent les noms des propriétaires que
comme une modalité de la propriété elle-même.
Il suffît de se rappeler les reproches faits aux registres
des conservations hypothécaires pour se rendre compte
des avantages de la réalité de la publicité. Les recherches
deviennent extrêmement simples. Lorsqu'on connaît la
situation d'un immeuble, on peut aussitôt trouver l'ins-
cription corrélative sur le Livre foncier, sans avoir à re-
chercher les noms perpétuellement changeants des pro-
priétaires. De plus, l'inscription sur le Livre foncier indi-
que immédiatement l'étendue de l'immeuble, sans avoir
à consulter les titres de propriété.
(1) Flour de Saint-Genis, L'hypothèque Judiciaire en France
et à l'étranger, in-8°. Thirel, Fontainebleau, 1881, p. 33,
(2) Ibid.
LES FORMES DE l'iMMATRICULATION 119
Mais dans une même commune, une propriété est sou^
vent composée de parcelles disséminées sur tout le terri-
toire; « c'est Un archipel dans Une mer immense. )>
En principe, lès législations sUr les Livres fonciers ont
admis que l'immatriculation ne devait comprendre que
les parcelles contiguës d'une même propriété, qu'il devait
par conséquent y avoir autant d'inscriptions qu'il y avait
d'îlots séparés. Cette solution adoptée par la loi autri-
chienne, n'a pas été complètement suivie par la loi de 1872
pour la Prusse. Celle-ci distingue, en effet, les grandes et
les moyennes propriétés qui font l'objet, pour chaque îlot,
d'un feuillet distinct (Real lolien), et les petites propriétés.
Pour celles-ci, formées de nombreuses parcelles souvent
très éloignées les unes des autres, il a paru préférable
d'ouvrir un compte au nom du propriétaire [Personal lo~
lien) et d'inscrire sur le même feuillet toutes lés parcelles
lui appartenant. Ce système a même été adopté pour
toutes les propriétés en Alsace-Lorraine. Les avantages
de là publicité réelle n'en sont pas moins atteints. Le
Livre foncier renvoie, en effet, au cadastre et celui-ci au
Livre foncier, il en résulte que même dans ce cas, les re-
cherches se trouvent de beaucoup simplifiées, car il suffît
de déterminer sur les plans cadastraux la situation d'une
parcelle, pour pouvoir, par Voie de référence, retrouver
le feuillet contenant les indications qui lui sont relatives.
La loi anglaise et le règlement général rendu pour son
exécîution ne tranchent pas cette question, qui présente
d'ailleurs, dans ce pays, moins d'intérêt qu'en Europe.
Grâce à la concentration de la propriété anglaise, les do-
maines forment le plus souvent un tout homogène et il est
i^are de trouver des parcelles distinctes de l'îlot principal
et disséminées sur le territoire d'une paroisse. Il semble
toutefois que si cette situation se présentait, l'inscription
au Livre foncier pourrait être unique, car aucune disposi-
tion législative ne l'interdit. L'uîle des principales criti-
jues qui puisse être faite à l'unité d'inscription pour un
domaine composé de parcelles disséminées, est de rendre
plus compliquée la tenue du Livre foncier. Car le ratta-
chement d'une parcelle quelconque à un domaine, cons-
120 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
titue le plus souvent une situation provisoire, qui ne ré-
pond à aucune nécessité de l'exploitation agricole ; il en
résulte que les ventes de ces parcelles sont plus fréquentes
et par conséquent amènent des modifications plus nom-
breuses sur le Livre foncier qu'elles compliquent sans né-
cessité.
Au contraire, en prenant pour base l'îlot de propriété
composé de parcelles contiguës,*il est plus probable qu'il
ne sera pas procédé à des ventes partielles et qu'ainsi le
Livre foncier conservera une fixité et une clarté qui contri-
bueront à rendre ses effets plus complets.
De plus, dans beaucoup de pays, l'inscription sur un
même feuillet de tous les biens appartenant à un proprié-
taire, est de nature à provoquer certaines défiances et cer-
taines récriminations. Elle paraîtra être une mesure de
contrôle pour la perception de l'impôt sur le revenu ou une
mesure préparatoire à l'établissement de cet impôt, s'il
n'existe pas déjà. Enfin, plus on prendra pour base de
l'inscription un petit élément, mieux cela vaudra, car on
constituera, pour le crédit hypothécaire, une série de
comptes distincts que le propriétaire pourra successive-
ment affecter à la garantie de ses emprunts, suivant la
valeur du gage qu'il devra donner. L'inscription de l'îlot
correspond ainsi aux coupures de titre des valeurs mobi-
lières, et semble devoir être le mode le plus parfait de
tenue du Livre foncier.
Une fois constitué, le Livre foncier anglais ne peut être
consulté que par les propriétaires seuls ou les personnes
intéressées (1). Deux raisons peuvent être invoquées en
faveur de cette disposition. Elle répond aux craintes qui
avaient été manifestées au cours de la discussion de voir
les commissaires de l'income-tax se servir du Livre foncier
pour contrôler les déclarations des propriétaires. Elle
empêche également de simples curieux de venir se rendre
compte de la situation pécuniaire d'un propriétaire et est
une mesure de sûreté prise contre des escrocs, qui
pourraient profiter des renseignements fournis par le re-
(1) Art. 22, § V, L. T. A., 1897.
LES FORMES DE l'iMMATRICULATION 121
gistre pour essayer d'obtenir une inscription frauduleuse
sur le Livre foncier.
Toutefois, la communication de certains documents ne
pouvait présenter aucun inconvénient et pouvait même
rendre certains services. Il en était ainsi de la carte géné-
rale des propriétés immatriculées et du registre d'entrée
des demandes en immatriculation. Un tiers désirant trai-
ter avec un propriétaire d'immeuble non encore imma-
triculé pourra, par l'examen de ces deux documents, s'as-
surer que l'immeuble dont il s'agit n'a pas été déjà l'objet
d'une immatriculation.
Mais s'il veut obtenir des renseignements plus complets,
et pour cela consulter le registre foncier lui-même, il doit
demander au propriétaire inscrit l'autorisation nécessaire.
Le caractère privé des Livres fonciers existe dans la
plupart des Etats allemands, notamment en Prusse, en Ba-
vière, en Saxe et en Wurtemberg ; au contraire en Autri-
che, en Hongrie et dans le Grand-Duché de Bade, le pu-
blic peut examiner les inscriptions qu'ils contiennent. De
même en Australie, moyennant le paiement d'un droit
très minime, toute personne peut prendre communication
du Livre foncier. Nos conservateurs français délivrent
aussi, moyennant rétribution, des états d'inscription hypo-
thécaire et des certificats de transcription sans demander
aucune justification. Les dispositions de la loi anglaise
semblent sur ce point bien restrictives; il eût été certaine-
ment préférable pour le crédit public de permettre à tous
individus l'inspection du registre. Cette prescription n'est
que le résultat des polémiques antérieures et ne doit être
considérée que comme un moyen d'écarter certaines cri-
tiques et de faire cesser certaines oppositions.
Une fois l'inscription sur le Livre foncier obtenue, les
diverses pièces qui ont servi à prouver les droits du
demandeur lui sont rendues, marquées d'un timbre spé-
cial. Les tiers qui traiteront désormais avec le proprié-
taire seront ainsi avertis que l'immeuble est immatri-
culé et ne peut être valablement transféré que par ms-
cription sur le registre foncier de la convention inter-
venue.
122 l'iNTRODI CTIOX DES LU RES FONCIERS EN ANGLETERRE
La loi de 1875 prévoyait aussi que le prôpriétaiî'ë
pouvait requérir la délivrance d'un certificat d'immatri-
culation (1). En Australie, toute immatriculation donne
obligatoirement lieu à la confection d'un titre foncier qui
est remis au propriétaire : il représente la valeur de
l'immeuble et il est transmissible par endossement. Il
complète les Sicrvices rendus par le Livré foncier en
opérant une véritable mobilisation de la propriété fon-
cière. Le législateur de 1897 n'a pas osé aller si loin. Il
a entendu laisser les propriétaires libres de profiter des
avantages attachés à la délivrance des certificats dé titre
foncier. Pour cela, il a maintenu le certificat terrier {land
certilicate), pour les propriétés éri freehold ôti eii lésisé-
hold (2) et le certificat de charge {cerlilicdtè of chargé),
pour les hypothèques où services fonciers, et il à iniposé
au Registrar l'obligation de préparer au mornent de
l'immatriculation l'un des deux certificats. Mais-, pour
laisser aux propriétaires une certaine latitude, il les a
autorisés, soit à prendre possession de ce certificat, soit
à le laisser en dépôt, à leur nom, au Larid Registry (3).
Ce certificat est la reproduction des feuillets du Livre
foncier relatifs à l'immeuble et indique si le titre est ab-
solu, qualifié ou possessoire (4).
Les inscriptions sur le Livre foncier ne sont pas itidés-
Iructibles.En effet, (( tout propriétaire peut, avec le cotisèn-
(1) Art. 10, 16 et 22, L. T. A., 18V5.
(2) L'art. 16 de la loi de J875 prévoyait pour les leaseholds
ia délivrance d'une copie officielle du bail enregistrée, copie
rendue nécessaire par le dépôt de l'original au Bureau d'Im-
matriculation. Le Règlement Général a abrogé dans ses âHi-
cles 65 et 67 l'article 16 précité et a assimilé les freeholds et les
ieasehdlds. En vertu de la nouvelle législation, eii effetj le bail
original reste dans les mains du propriétaire; une copie étant
seule conservée au Bureau d'Immatriculation. Le Certificat ter-
rier plus succinct et plus clair était donc désormais suffisant
pour les leaseholds, comme pour les freeholds.
(3) Art. 8, § 5, L. T. A., 1897.
(4) Art. 258 et 259, General Rules. Voyez la formule officielle
aux Annexes.
LES FORMES DE l'iMMATRICULATION 123
tement des autres personnes qui ont des intérêts à la pro-
priété, soustraire sa terre aux formalités imposées par
l'immatriculation, pourvu qu'elle ne soit pas située dans
un district où l'immatriculation est obligatoire (1). » A
l'appui de la demande, les certificats terriers ou certi-
ficats de charge déjà délivrés devront être remis au con-
servateur de la propriété foncière. Cette disposition est
renouvelée de Tact de Lord \\>stbury. Lord Cairns ne
l'avait pas introduite dans la loi de 1875, parce que les
propriétaires lui avaient paru user trop fréquemment
de la liberté qui leur était laissée (2). En 1878-1879 et
en 1895, les témoins prétendirent que cette suppression
était en partie cause de l'échec de la loi de 1875. Les pro-
priétaires, disaient-ils, n'osent pas faire l'essai dune mé-
thode qu'ils ne pourront plus abandonner, quels que
soient les frais et les difficultés qu'elle leur occasionne ;
ils sont ainsi écartés du Land Registry. Cette administra-
tion pourrait cependant être utile, même aux personnes
les plus opposées à l'immatriculation. Lorsqu'elles au-
raient des titres confus ou irréguliers, elles pourraient
en effet immatriculer leur propriété afin d'obtenir uni titre
clair et précis. Une fois ce résultat atteint, elles notifie-
raient au Registrar leur intention de vendre désormais
leurs propriétés par actes non enregistrés : leurs tran-
sactions immobilières seraient à l'avenir extrêmement
simplifiées.
Ces considérations pratiques ont inspiré l'article 1?
de la loi de 1897 : c'est une des concessions qu'il a fallu
faire à l'opinion pour obtenir le vote du Parlement, con-
cession d'ailleurs plus apparente que réelle, car nous
verrons dans le chapitre suivant que, peu à peu, l'imma-
triculation sera obligatoirement appliquée dans les corn-
tés anglais. En vertu du texte législatif, les propriétaires
perdront à partir de ce moment le droit de soustraire
leurs immeubles à la juridiction du Land Registry.
(1) Art. 17, § 1, L. T. A., 1897.
(2) Sur 357 inamatriculations, 131 annulations.
CHAPITRE IV
LES EFFETS DE l'iMMATRICULATIOX
Nous avons vu dans un précédent chapitre que les
preuves à fournir par les propriétaires étaient plus ou
moins nombreuses et complètes suivant qu'il s'agissait
d'obtenir un titre absolu, qualifié ou possessoire. La va-
leur de ces divers titres ainsi que' les effets qui y sont at-
tachés expliquent la différence de traitement des divers
demandeurs.
L'immatriculation à titre absolu confère au propriétaire
un droit incommutable sur l'immeuble et sur tous les
droits réels qui en dépendent (1).
Un principe inscrit, d'ailleurs, dans toutes les législa-
tions sur les Livres fonciers, apporte une légère restric-
tion à la validité de l'immatriculation : elle ne saurait
consacrer toute convention qui, sous l'empire des tran-
sactions occultes, serait nulle par suite de dot ou de
fraude (2).
Il existe, en outre, certains droits qui ne sont pas
éteints par le seul fait de l'inscription sur le Livre fon-
cier : ce sont la plupart des servitudes. Les Anglo-Saxons
croient, en effet, que les servitudes sont suffisamment
connues et ne diminuent pas la valeur du fonds ser-
vant (3). L'une et l'autre de ces propositions, quoique er-
ronées, ont été consacrées par la loi de 1875 dans son
article 18. La loi prussienne de 1872 avait autorisé, à
titre purement facultatif, l'inscription sur le Grundbuch
(1) Nous .n'envisageons ici les effets de l'immatriculation
que vis-à-vis des détenteurs des immeubles immatriculés; nous
examinerons dans la partie de ce travail relative aux transmis-
sions immobilières, les effets de Pimmatriculation vis-à-vis des
tiers.
(2) Art. 98, L. T. A., 1875.
(3) Cf. J. Dumas, Revue Politique et Parlementaire, oct. 1898.
LES EFFETS DE l'tMMATRICULATION 125
des services fonciers. Au contraire, en Autriche, en Hon-
grie et dans toute une partie de l'Allemagne, les servitu-
des, pour être opposables aux propriétaires des fonds
servants ou exercées par les détenteurs des fonds domi-
nants, doivent être mentionnés sur le registre.
Cette pratique a soulevé certaines critiques ; les juris-
consultes et les administrateurs, chargés d'établir les Li-
vres fonciers, ont fait remarquer que l'inscription des ser-
vitudes nei présentait pas de grandes difficultés pour les
petits domaines, mais, au contraire, qu'il était fort dé-
licat de déterminer les mentions à établir, lorsqu'il s'agis-
sait d'une grande propriété. Il faut, en effet, s'assurer
pour chaque servitude de^ la parcelle qui se trouve gre-
vée. De plus, prétend-on, beaucoup de ces services fon-
ciers sont très peu importants et se révèlent par un simple
examen des lieux ; ce surcroît de travail imposé aux con-
servateurs de la propriété foncière est complètement inu-
tile.
Il semble cependant que mention de toutes les servitu-
des doive être portée sur le Livre foncier. Pour conser-
ver au nouvel organisme toute sa valeur, il faut toujours
avoir en vue de se rapprocher de la défmition donnée par
Lord Westbury en 1862: il comparait le titre immatriculé
à un miroir qui réfléchirait l'aspect exact de la propriété.
Si le Livre foncier n'indique pas les restrictions appor-
tées aux droits du propriétaire par l'existence de certai-
nes obligations au profit de propriétaires voisins, il ne
sera plus le titre idéal que L. Westbury voulait créer et
il ne remplira plus complètement le but pour lequel il
a été établi.
La loi de 1897 a quelque peu modifié l'ancien article 18
qui était ainsi conçu : <( Ne sont pas réputés être des servi-
tudes : l'obligation de réparer les chemins à raison de
toute tenure féodale ou censitaire, les droits de « com-
mon (1) », de pâturage et de parcours, de pêche et de
chasse, les droits seigneuriaux et franchises de toutes
(1) Le mot de common sert à indiquer toute une catégorie de
services fonciers tels que, le droit de pêcher, de prendre de la
tourbe, de couper du bois, etc..
126 l'iNTRODUCTIOiN des livres fonciers en ANGLETERRE
sortes ; les droits de mutation par décès, l'impôt foncier
(Land Tax); les dîmes et toutes redevances représenta-
tives, les baux et locations n'excédant pas vingt et un ans.
lorsqu'il y a occupation en vertu de ces locations, les droits
sur les mines et minières avec tous les droits subsidiaires
d'entrée, de recherche et d'usage.» Les amendements ont,
en 1897, porté sur deux de ces services fonciers, sur les
droits relatifs aux mines et minières et sur les droits de
mutation.
Les droits aux mines et minières, dit en effet la cé-
dule I de la loi de 1897, seront désormais considérés
comme des charges foncières : seuls, les droits créés an-
térieurement à la promulgation de la loi pourront, bien
que n'étant pas mentionnés sur le Livre foncier, être op-
posés aux tiers. Dans ce cas même, le Registrar devra
toujours faire une inscription les visant lorsque l'examen
des titres de propriété lui en aura révélé l'existence. Au-
paravant, il ne devait agir que sur la demande expresse
du propriétaire du fonds servant ; c'est donc une sensi-
ble amélioration apportée à la pratique de l'immatricu-
lation ; la valeur de la propriété peut, en effet, se trouver
modifiée suivant que les mines et minières ont été déjà
vendues, ou suivant que le propriétaire de la superficie
a conservé sur elles les droits que la législation anglaise
lui reconnaît.
En Angleterre, les droits successoraux perçus à l'oc-
casion des mutations par décès sont considérés comme
des charges foncières et jouissent, comme telles, d'un
droit de suite. Grâce à cette conception, un nouveau pro-
priétaire peut être mis en demeure d'acquitter des taxes
dues par les anciens propriétaires. Cette créance est tou-
jours recouvrable, sauf une prescription admise par la
coutume. La loi de 1875 n'avait apporté aucune modifi-
cation à cette législation. Mais, en 1894, la loi de finances
permit « d'échelonner sur huit années le paiement des
sommes exigibles de suite pour les biens immobiliers. »
(( Cette aumône d'un délai de paiement (1) )> faite aux Land-
(1) L. d'Anglemont, Les Taxes successorales en Angleterre.
Annales des Sciences politiques, juillet 1899.
LES EFFETS DE l'iMMATRICULATIOX 127
lords jadis si orgueilleux, ajouta de nouveaux motifs
d'incertitude à ceux qui existaient déjà. Les solicitors
firent remarquer qu'ils étaient obligés avec ce système de
se livrer à des recherches fort difficiles pour s'assurer que
toutes les taxes avaient été acquittées. Le projet de 1897
proposait de libérer le bien acquis à titre onéreux de toute
revendication du fisc, qu'il y ait eu bonne ou mauvaise foi
de l'ayant-cause. Sur l'observation de AL Cozens Hardy,
représentant pour Xorfolk, cet article fut modifié au cours
de la discussion devant la Chambre des Communes. Les
droits de succession dus au moment de la première im-
matriculation pourront être recouvrés bien qu'ils n'aient
pas été mentionnés sur le Livre foncier. Mais, désormais,
le Registrar devra à chaque décès d'un propriétaire im-
matriculé inscrire, en cas de non-paiement des droits de
mutation ou de paiement partiel, une mention sur le re-
gistre faisant connaître l'existence de la dette envers
l'Etat.
Il faut ajouter à ces mesures destinées à donner au
Livre foncier une précision plus grande, le droit pour tout
propriétaire de requérir le Registrar de mentionner que
la terre est exempte de l'impôt foncier (Land Tax), par
rachat en fonds consolidés, et de la dîme, par abandon au
décimateur d'une somme d'argent.
Sous réserve des droits mentionnés sur le registre,
sous réserve aussi des restrictions de l'article 18 de la loi
de 1875, le titre absolu garantit celui qui l'a obtenu con-
tre toute action réelle basée sur des faits postérieurs ou
même antérieurs à l'Enregistrement : « C'est, ainsi qu'il a
été dit, l'établissement du droit du propriétaire inscrit de
manière à ne craindre aucune recherche pour le passé... :
c'est une véritable vertu purgative opérée par l'immatri-
culation (1). ))
La situation du propriétaire français est toute différente
de celle du propriétaire anglais. La loi du 23 mars 1855
ne protège, en effet, par la transcription, l'acquéreur que
contre les actes frauduleux du vendeur. Elle laisse sub-
(1) Vavasseur, Comm. extrap. du cad. Proc.-verb., T. II,
p. 125.
128 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
sister toutes les réclamations qui peuvent être élevées par
les véritables propriétaires dépouillés injustement par
cette aliénation et les droits de propriété sont livrés, par
elle, aux luttes judiciaires. Au contraire, les lois anglai-
ses protègent le titulaire d'un titre absolu contre toutes les
revendications de quelque côté qu'elles viennent (l).AIême
si l'immatriculation est le résultat d'une erreur des fonc-
tionnaires chargés de ce service ou si elle a été obtenue
grâce à une omission ou à une fausse appréciation impu-
table au demandeur, elle est irrévocable sous réserve
des dispositions de la loi de 1897, relatives aux indemni-
tés (2) et sous réserve aussi des prescriptions des lois de
1875 et de 1897 sur les limites des propriétés immatricu-
lées. L'atteinte portée au principe de l'incommutabilité des
inscriptions sur les Livres fonciers sera examinée au sujet
de la création d'un fonds d'assurance. Alais il faut expo-
ser ici l'étendue de la garantie offerte par les Land Trans-
fer Acts au point de vue de la consistance physique des
immeubles immatriculés.
La demande en immatriculation est accompagnée d'un
plan qui doit être rattaché à l'une des feuilles de la carte
officielle (Ordnance Map). Mais, quelle valeur devait avoir
le plan annexé ? devait-il simplement servir à identifier
l'immeuble sur le terrain ? devait-il, au contraire, faire
foi des limites qui y étaient tracées ? Cette question fut
longuement discutée au cours des travaux préparatoires
des lois anglaises ; elle fut différemment tranchée par la
loi de 1862, par celle de 1875, -enfin, par la dernière loi
de 1897. L'intérêt que présente la délimitation de la pro-
priété est double. Il peut y avoir, en premier lieu, un inté-
rêt pécuniaire considérable à connaître d'une façon pré-
cise les limites d'une propriété. « Dans une affaire où
j'étais engagé comme conseil », rapporte un témoin de
l'enquête de 1879, « la question des limites représentait
une valeur de 40 à 50.000 livres sterlings ; on avait, en
effet, découvert une mine de cuivre près d'une maison
particulière et les actes n'établissaient pas si la limite
(1) Art. 7 et 13, L. T. A., 1875.
(2) Art. 7, L. T. A., 1897. V. plus loin, p. 204 et suiv.
LES EFFETS DE l'iMMATRICUIATION 129
de la propriété partait de l'est ou de Touest de la mai-
son (1) ». Souvent la valeur du litige est beaucoup moin-
dre, mais, même dans ce cas, l'existence de données très
complètes sur les tenants et les aboutissants d'un immeu-
ble est fort utile. Elle évite tous ces procès en bornage^
qui ont donné naissance, en France, au vieux dicton qui
dit : (( Qui terre a, guerre a » ; elle supprime les frais de
ces contestations qui, minimes pour la plupart, forment
lorsqu'on les réunit un total élevé, lourd tribut payé par
la propriété foncière déjà fortement obérée. Platon avait
raison de dire « que personne ne touche à la borne qui
sépare son champ de celui de son voisin, car elle doit
rester immobile ; que nul ne s'avise d'ébranler la petite
pierre qui sépare l'amitié de l'inimitié, la pierre qu'on
s'est engagé par serment à laisser à sa place (2).» Le légis-
lateur moderne semble donc devoir prescrire des mesures
de nature à donner à la propriété la fixité la plus par-
faite afin d'éteindre une fois pour toutes les procès de li-
mites. L'Act Torrens décide que le plan fera foi des li-
mites qui y sont indiquées, et pour permettre de préciser
les indications trop succinctes qui peuvent, seules, être
données par le relevé topographique, il autorise de men-
tionner sur le registre foncier des mots convenables de
description (proper words ol description). Dans les pays
saxons l'existence d'un cadastre minutieusement tenu,
portant par voie de signes graphiques des indications sur
la nature des limites tant au point de vue physique (haie,
fossé, mur, etc.) qu'au point de vue juridique (mitoyen-
neté ou non mitoyenneté), permet de se reposer presque
(1) Morgan, question 396.
(2) Cité par CHEYSSpN, Rapport Général sur les Travaux de
la Sous-Commission technique. Comm. extrap. du cad. Proc.
verb., p. 505, T. VI. Il cite également un passage fort intéres-
sant de M. FusTEL DE CouLANGES, dans la Cité antique (p. 71 et
suiv. de la 2^ édit. Hachette, 1885), où Térudit historien montre
l'importance attachée par les anciens aux bornes sacrées qui
étaient placées dans leurs champs, les Termes, et qui étaient
considérées comme le symbole de l'inviolabilité de la propriété.
L. 9
130 l'introduction DCS livres fonciers en ANGLETERRE
complètement sur les indications qu'il donne et supprime
la plupart des causes de procès.
La loi de 1862 ne prescrivait formellement aucune me-
sure de contrôle relative à la garantie des limites des pro-
priétés immatriculées. En pratique, aucune propriété ne
fut inscrite sur le Livre foncier sans qu'au préalable tous
les propriétaires voisins aient été avertis et qu'une visite
des lieux par les agents de l'administration ait permis de
déterminer la position exacte des limites. Tous les plans
des propriétés immatriculées à cette époque portent des
signes symboliques indiquant, soit la coïncidence de la
limite de la propriété avec une haie ou tout autre acci-
dent de terrain, soit la distance en deçà ou au delà de
cette limite naturelle lorsqu'il n'y avait pas coïncidence
des limites de la propriété avec elle (1).
Cette exactitude nécessitait des frais assez élevés qui
parurent devoir rendre la nouvelle législation impopu-
laire. Aussi, en 1868, la Commission demanda aux sôli-
citors (( s'il était avantageux et praticable d'immatriculer
les propriétés sans garantir les limites précises ». 23 so-
licitors répondirent : parmi eux, 9 déclarèrent que c'était
à la fois désavantageux et impraticable, 7 que c'était ou
désavantageux ou impraticable, 6 firent de telles réserves
que leur assentiment semblait douteux, 1 seul approuva
la question posée par la Commission. Malgré ces avis,
malgré l'exemple de l'Australie et des Livres fonciers ger-
maniques. Lord Cairns fit décider par le Parlement an-
glais que la description de la propriété sur le registre des
biens fonds devait être aussi exacte que possible, mais ne
serait pas concluante en ce qui concerne les limites (2).
« Le promoteur de l'immatriculation sacrifia ainsi l'effi-
cacité à la rapidité, afin de simplifier et d'accélérer l'im-
matriculation des propriétés (3). »
Dès la réunion du comité de 1878-79, les graves incon-
vénients résultant de cette méthode furent dénoncés par
(1) Brickdale and Sheldon's op. cit., p. 394.
(2) Art. 83, § 5, L. T. A., 1875.
(3) SiK R. ToRRENS, question 3093, Select Committee on Land
Titles and "Land Transfer, 1878.
LES EFFETS DE l'iMMATRICULATION 131
plusieurs témoins. Ils firent remarquer l'inutilité de pré-
voir l'insertion possible sur le Livre foncier de renseigne-
ments sur l'immeuble, si ces indications n'avaient aucune
valeur légale. De plus, un titre de propriété garanti, sans
que les limites soient garanties, est une chose fort in-
complète. Des discussions peuvent naître entre voisins
et, lorsque le public s'apercevra que l'immatriculation ne
prévient pas de semblables procès, il se demandera quelle
est l'utilité de faire inscrire sa propriété sur le Livre fon-
cier (1). L'un des témoins. Sir Robert Torrens, vint même
affirmer qu'il avait eu l'intention d'immatriculer sa pro-
priété, mais qu'il y avait renoncé lorsqu'il s'était aperçu
que les limites n'étaient pas garanties par l'immatricu-
lation (2).
A la suite de ces observations, de critiques semblables
présentées en 1895, à la suite surtout d'erreurs commises
par le Bureau d'Immatriculation (3), la loi de 1897, sans
revenir complètement à la législation de 1862, a apporté
des tempéraments à l'article 83 de la loi de 1875. L'art. 14,
§ 2, dispose: « La propriété immatriculée sera décrite
suivant les formes prescrites, au moyen de la carte offi-
cielle. Sur la demande du requérant et avec l'approba-
tion du Registrar ou de la Cour, il pourra être, en outre,
inscrit sur le Livre foncier des descriptions verbales de
nature à préciser les parcelles et les limites de la pro-
priété. )) L'insertion de semblables indications garantis-
sent au propriétaire la possession des limites qui en ré-
sultent. Afin de s'assurer de l'exactitude, le Registrar de-
vra inviter les propriétaires voisins à prendre connais-
sance des indications que le requérant entend faire ins-
crire sur le Livre foncier.
Mais le plus souvent, le demandeur s'en référera pu-
(1) Brickdale, op. cit., p. 49.
(2) Select committee on Land Titles and Land Transfer, ques-
tion 3093, 1878.
(3) Lake, questions 2554 à 2563, Select Committee on Land
Transfer Bill, 1895. Il s'agissait d'erreurs commises en imma-
triculant diverses parties d'un immeuble qu'on avait morcelé
(Caterham Case).
132 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
rement et simplement au plan annexé à sa requête ou bien
il précisera sur le levé des lieux par des signes graphi-
ques rétendue de son domaine. Soit qu'il adopte l'une
ou l'autre solution, les données du plan ne sauraient, dans
ces cas, préjuger les contestations relatives à la délimi-
tation de l'immeuble, qui pourraient être soulevées par
des propriétaires voisins. Elles ne sauraient notamment
décider si la ligne séparative de deux propriétés est si-
tuée au centre d'une haie, sur sa face antérieure ou pos-
térieure, à une distance donnée, en deçà ou au delà, de
cet accident naturel.
La loi de 1897 laisse donc au demandeur en immatri-
culation, l'option entre deux systèmes. Ou bien, il dési-
rera obtenir un titre valable contre toutes les réclama-
tions, de quelque nature qu'elles soient et, dans ce cas, il
fera procéder à la vérification contradictoire et à la des-
cription des limites de la propriété ; ou bien, il se con-
tentera d'un titre qui ne fera pas foi quant à l'étendue du
domaine, et il n'aura à fournir qu'une carte sur laquelle
l'immeuble sera bordé d'un liseré rouge (1).
Le législateur anglais, en admettant ce double régime,
a eu en vue de faciliter Fimmatriculation des immeubles
et de diminuer autant que possible les frais accessoires
de cette opération.
Si, en effet, les Livres fonciers germaniques rensei-
gnent d'une façon précise sur les limites des propriétés,
c'est qu'il existe, à côté d'eux et en étroite corrélation
avec eux, des cadastres, dressés d'après les méthodes
techniques les plus précises et tenus constamment à jour.
Il n'en était pas de môme pour l'Angleterre qui ne pou-
vait prendre comme base graphique du registre foncier
qu'une carte topographique, à grande échelle, il est vrai,
mais n'offrant nullement les garanties d'exactitude d'un
cadastre parcellaire. La loi sur l'immatriculation aurait
pu prescrire, comme en Australie (2), que ce cadastre se-
rait, en quelque sorte, levé propriété par propriété et que
(1) General Rules, art. 269 à 282.
(2) La loi tunisienne et les décrets des colonies françaises se
sont inspirés sur ce point de TAct Torrens.
LES EFFETS DE l'iMMATRICULATION 133
tous les demandeurs devraient avant l'immatriculation
faire procéder à la délimitation contradictoire de leur do-
maine et des domaines contigus : ce qui nécessite des
opérations matérielles très délicates, peut l'aire naître
des procès nombreux, coûte toujours fort cher.
Il a paru préférable de laisser le propriétaire foncier
prendre l'initiative d'une pareille procédure, car l'éta-
blissement des Livres fonciers n'exige pas l'existence d'un
levé géométral des terrains à immatriculer. Sans doute,
l'immatriculation basée sur le cadastre, rend le maximum
de services ; elle supprime presque toutes ces querelles de
voisinage qui, par leur répétition, et par l'entêtement des
parties, peuvent être si préjudiciables; mais la plupart des
résultats attendus des Livres fonciers existent du moment
où l'identification des immeubles sur le terrain est suffi-
samment assurée par un plan. Ainsi que le disait un publi-
ciste, M. Degouy : <( Quand vous vous présentez dans un
bureau de location pour retenir des places dans un théâ-
tre, vous avez sous les yeux un plan approximatif de la
salle où tel fauteuil de forme ronde est représenté par un
petit morceau de carton carré. » Mais, « l'essentiel n'est
pas d'avoir sous les yeux la figuration exacte du fauteuil.
L'essentiel est de savoir où ce fauteuil est placé et s'il
n'est pas déjà loué. De même, quand il s'agit de commen-
cer un Livre foncier et d'établir aux yeux de l'acheteur
ou du prêteur, l'état civil du bien fonds, peut-être n'est-il
pas nécessaire de procéder tout de suite à un mensurage
anthropométrique de la parcelle, si on peut s'exprimer
ainsi (1). » Avec le système adopté en Angleterre, le droit
du propriétaire sur un immeuble se trouve solennelle-
ment consacré et, si l'étendue de ce droit peut se trouver
quelque peu modifié dans la suite, l'intérêt de l'opération
n'en reste pas moins, à tous égards, considérable.
A côté du titre absolu et imméditament au-dessous de
lui, se trouve le titre qualifié. Outre les restrictions que
nous avons rappelées au sujet du premier mode d'imma-
triculation, l'inscription sur le Livre foncier avec un titre
(1) Comm. extrap. du cad. Proc.-verb., T. I, p. 206,
134 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
qualifié emporte certaines réserves quant aux droits qu'il
confère. Ces réserves résultent des termes mêmes dans
lesquels est opérée rimmatriculation. Celle-ci, en effet,
mentionne que le droit du propriétaire n'a pu être établi
durant une certaine période, que ce droit est subordonné
à une condition résolutoire ou suspensive, ou à un terme
certain ou incertain. Il résulte de cette définition même,
que le titre qualifié ne saurait conférer au titulaire les
droits qui ont été réservés lors de son immatriculation.
Mais, exception faite de ces causes de caducité, le porteur
d'un titre qualifié est investi de tous les privilèges et de
tous les droits que possède le porteur d'une titre absolu ;
il n'est, en somme, qu'un propriétaire avec titre absolu
en expectative (1).
La plupart des législations sur les Livres fonciers ne
connaissent que l'immatriculation avec titre absolu. Les
Land Transfer Acts ont institué deux autres titres : le
titre possessoire et le titre marchand, pour les leaseholds.
Le titre marchand dun leasehold ne garantit le pro-
priétaire que contre toutes les actions en restitution ou
en résolution dont forigine est postérieure à la conces-
sion originaire du bail ; mais il réserve tous les droits
qui pourraient être valablement opposés aux tiers par
suite d'une erreur sur la qualité ou la capacité du bailleur
à passer le contrat de location (2).
Délivré après l'accomplissement de formalités très som-
maires, le titre possessoire d'une freehold ou d'un lease-
hold n'offre, pour celui qui le détient, qu'une sauvegarde
toute relative. Le propriétaire immatriculé à titre posses-
soire est soumis aux revendications de toutes les person-
nes « possédant un droit né ou capable de naître à l'épo-
que de l'immatriculation » (3), qui ne constate en résumé
que la possession du requérant. Mais, comme la loi an-
glaise admet que le plus grand nombre des actions réelles
est prescrit par la possession, l'inscription sur le Livre
foncier servira de point de départ certain à cette prescrip-
(1) Art. 9 et 11, L. T. A., 1875, et art. 59, General Rules.
(2) Art. 56, General Rules.
(3) Art. 8, L. T. A., 1875, et art. 57, General Rules,
LES EFFETS DE L IM.MATRICl I.ATIOX 135
tion. Elle présentera, en outre, l'avantage de rendre dans
l'avenir le titre de propriété clair et d'éviter toutes les
complications qui naissent du régime des transactions
occultes.
Au début, l'immatriculation ne présentera que peu d'in-
térêt pour le bénéficiaire. Il faudra que les prêteurs et
les acquéreurs continuent à procéder à toutes les inves-
tigations nécessitées par les transferts occultes : ces in-
vestigations pourront embrasser les quarante années an-
térieures à la première inscription. Mais, peu à peu, à
mesure que l'époque de l'immatriculation originaire
s'éloigne, les recherches ne s'étendront plus que sur les
35, 30, 25 ou 20 années qui ont précédé l'inscription au
Livre foncier ; l'examen du registre officiel remplaçant
pour les 5, 10, 15 ou 20 autres années la production des
actes autrefois nécessaire.
Lorsqu'un propriétaire immatriculé à titre possessoire
aura joui pendant 20 ans d'une possession non troublée,
les acquéreurs pourront se contenter le plus souvent de la
seule preuve qui leur est fournie par l'inspection du re-
gistre, car ils seront à peu près certains qu'aucune action
en revendication ne sera plus intentée. « Si l'on supposait,
a dit, en 1895, le Chancelier, Lord Herschellque tous les
propriétaires eussent aujourd'hui immatriculé leurs biens
avec un titre simplement possessoire, dans 20 à 25 ans,
tous ces titres seraient devenus sûrs. Au bout de ce laps
de temps, les immeubles seraient vendus sous la condition
de limiter les recherches à cette période. Après 40 ans
d'inscription, tous les titres possessoires seraient com-
plets et parfaits au sens légal du mot (1). » (( C'est comme
si un filtre avait élé placé au travers d'un fleuve boueux.
L'eau resterait en amont trouble, mais, en aval, elle se-
rait claire. Si l'on arrivait au bord de ce fleuve en aval, à
une distance assez considérable pour n'avoir jamais l'oc-
casion de remonter jusqu'à l'endroit où le filtre est placé,
on pourrait croire que ce fleuve est limpide depuis sa
source (2).» Il en serait ainsi pour le titre possessoire après
(1) Select Coramittee on Land Transfer Bill, 1895, questions
17-24; 233-238; 313-317.
(2) Report of the Land Transfer Commission, 1870, § 75.
I
13G l'iiNTRODUCTION des livres fonciers en ANGLETERRE
les 40 années révolues . Pour employer une autre expres-
sion des jurisconsultes anglais, le titre « aurait mûri )>.
Le titre possessoire a été introduit dans la législation
anglaise à l'exemple du Canada ; on retrouve aussi dans
la législation espagnole une procédure destinée à pour-
voir à l'inscription de la possession (1). Les effets sont
d'ailleurs semblables à ceux prévus par la loi de 1875. Le
titre possessoire ne fait que préciser la situation juridique
du détenteur d'un immeuble, sans lui conférer aucun
droit.
L'institution du titre possessoire est destinée à mettre
un terme au dilemme suivant. Pour établir un registre et
conférer aux inscriptions qui y sont faites une foi absolue,
il faut vérifier et contrôler les prétentions des proprié-
taires. Sans cet examen, il serait impossible à l'Etat d'as-
sumer une pareille responsabilité. Mais l'examen de ces
prétentions est très coûteux et rend très difficile l'établis-
sement initial du Livre foncier. Le titre possessoire per-
met de conférer, dans l'avenir, aux biens immatriculés
sinon la valeur du titre absolu, du moins une sûreté équi-
valente. Dans le présent, il ne nécessite que l'adminis-
tration de preuves très sommaires (prima lacie évidence):
en général, la production du dernier acte de propriété
suffit pour obtenir l'inscription au Livre foncier.
Si l'immatriculation à titre possessoire se recommande
par la simplicité des formalités, grâce auxquelles elle est
obtenue, si elle constitue pour le propriétaire une sage
mesure d'administration, elle laisse subsister des droits
de propriétaire imprécis; pendant une assez longue pé-
riode, et, elle ne fait pas profiter les immatriculés de
tous les avantages qu'ils pourraient retirer de leur inscrip-
tion au Livre foncier. On lui a reproché également de
transformer un droit, jusqu'alors incontesté, en un droit
provisoire, de diminuer par conséquent la valeur de la
propriété plutôt que de l'augmenter. Toutes ces critiques
contiennent une part de vérité. Un autre système avait
été proposé dans les premiers projets, révisant la loi de
(1) V. L. hypothécaire révisée, du 21 décembre 1859, et le
Règlement Général du 29 octobre 1870.
LES EFFETS DE l'iMMATRICLLATION 137
1875. A l'expiration d'un délai de 5 années durant lequel
certaines mesures de publicité et de contrôle étaient près-
crites, le titre possessoire devenait définitif et absolu.
L'indécision dans laquelle se trouvaient les propriétaires
cessait et, la possession non troublée pendant 5 ans per-
mettait de supprimer l'examen régulier des titres de pro-
priété. Cette proposition était inspirée par la procé-
dure en usage dans l'Europe continentale. Une fois que
le Livre foncier a été établi dans un district, les résultats
sont publiés dans les localités intéressées, et un délai va-
riant de 6 mois à 1 an est imparti aux personnes qui
pourraient se trouver lésées par les énonciations du re-
gistre. Passé ce délai, les titres des propriétaires men-
tionnés sur le Livre foncier, deviennent inattaquables et
absolus, bien que les justifications exigées pour obtenir
l'immatriculation aient été très sommaires (1).
Cette procédure limite à une période très brève, le
caractère de précarité de l'inscription à titre possessoire.
Elle n'a cependant pu être adoptée qu'en raison des for-
malités déjà accomplies lorsqu'il est procédé à l'établis-
sement du Livre foncier. Celui-ci n'est, en effet, institué
que dans les communes où le cadastre parcellaire existe.
Or, la confection du cadastre dans une commune est, elle-
(1) Cf. notamment art. 57 de la loi du 12 avril 1888 sur la
création des Livres fonciers dans les pays de droit rhénan. <( Qui-
conque figure au cadastre comme propriétaire n'a pour se faire
inscrire au Livre foncier, qu'à produire l'une des justifications
suivantes:
1° Prouver qu'il a acquis la propriété conformément aux lois
existantes ;
2** Justifier de sa possession par une attestation du maire de
la commune;
3° Rendre vraisemDiable par titres ou par témoins, sous la
foi du serment ou de toute autre manière, qu'il a par lui-même
ou par ses auteurs, possédé l'immeuble pendant 10 ans.»
Art. 58: « Celui qui ne figure pas au cadastre ne peut se faire
inscrire au Livre foncier comme propriétaire, conformément à
l'art. 57, que, si la personne figurant au cadastre ou ses repré-
sentants y donnent leur consentement par acte reçu en justice
ou par devant notaire, ou dûment certifié. »
138 I.'iXTRODUCïION DES LH RES FONCIERS EX ANGLETERRE
même, accompagnée des nombreuses mesures de publi-
cité et les inscriptions de propriétaires, bien que faites
en se référant seulement à la possession, n'en présentent
pas moins des garanties d'exactitude très sérieuses.
L'Angleterre n'a admis la création du Livre foncier
qu'à titre individuel, elle a écarté toutes les opérations
collectives de levers de plan d'un territoire tout entier. Il
en résultait par conséquent que l'immatriculation n'était
précédée d'aucune mesure de nature à rendre plus fa-
cile la désignation du véritable propriétaire. La législa-
tion ne pouvait conférer, même après un stage de quel-
ques mois, sur le Livre foncier, un titre absolu à un de-
mandeur qu'en exigeant de lui des justifications complè-
tes de sa qualité. Comme il importait avant tout de faire
une législation populaire, applicable aux petits domaines
plus encore qu'aux grands, elle a institué le titre posses-
soire. Bien qu'il ne donne à son titulaire que peu d'avan-
tages immédiats, ce titre est appelé dans l'avenir à ren-
dre de grands services. Dans le présent, il assure une
publicité complète des actes relatifs aux biens immobi-
liers, et, comme tel, il comble une grave lacune de la lé-
gislation anglaise. De plus, en permettant au Registrar de
demander au propriétaire des preuves moins précises
pour obtenir l'immatriculation à titre absolu, lorsque la
propriété a déjà été pendant 6 ans inscrite à titre posses-
soire, le règlement général a, sans porter atteinte aux
principes posés par les Land Transfer Acts, conféré une
nouvelle utilité à l'immatriculation possessoire.
CHAPITRE VI
LES PRINCIPES DE l'iMMATRICULATION OBLIGATOIRE
L'immatriculation des propriétés était sous l'empire
des lois de 1862 et de 1875 purement facultative. L'ins-
cription d'un immeuble sur le Livre foncier ne pouvait
avoir lieu que sur la demande des propriétaires. Ceux-ci
étaient libres de faire cette démarche ou de continuer
à détenir leurs biens en vertu des titres de propriété
occultes en leur possession. L'initiative laissée ainsi aux
Landlords aboutit à l'échec complet des deux lois. En
effet, (( la faiblesse inévitable de tout projet d'immatricu-
lation purement facultative est que, sauf dans des cas
exceptionnels, le Landlord n'a pas un intérêt évident à
immatriculer son immeuble. En pratique la valeur vé-
nale d'une propriété n'est pas sensiblement diminuée
par les conditions de vente imposées aux acquéreurs. Il
en résulte qu'on escompte en vain le désir des proprié-
taires anglais d'acquérir un titre marchand et inatta-
quable (1). ))
Afin de mettre un terme à toutes les résistances, la loi
de 1897 a posé le principe de l'immatriculation obliga-
toire. Le législateur anglais a d'ailleurs été précédé dans
cette voie par la plupart des législateurs étrangers.
Seule, peut-être, la loi tunisienne de 1885 a laissé aux
propriétaires de la Régence toute latitude pour faire ins-
crire leurs biens sur le registre terrier (2).
Toutefois dans l'application du principe de l'obliga-
tion, les divers pays se séparent et édictent des mesures
plus ou moins rigoureuses. La Prusse, l'Autriche-Hon-
(1) PoLLOCK, op. cit., p. 171.
(2) Mesure adoptée à la fois pour ménager les susceptibilités
des indigènes dont les coutumes et les traditions allaient être
modifiées par la nouvelle législation et pour ne pas engager deg
dépenses trop lourdes pour le Budget tunisien.
140 l'introduction DKS livres fonciers en ANGLETERRE
grie, où les Livres fonciers ont été les premiers établis,
ont suivi une marche progressive pour leur constitu-
tion. Elles ont découpé leur territoire en un certain nom-
bre de circonscriptions dans lesquelles les opérations
d'immatriculation ont été tour à tour entreprises et ter-
minées. C'est le système suivi également dans les pays
rhénans (1). La loi du 12 avril 1888 a décidé que des
ordonnances ministérielles détermineraient les circons-
criptions dans lesquelles le Grundbuch serait établi. De
même en Alsace-Lorraine, la confection des registres
territoriaux a lieu par communes au fur et à mesure de
la réfection du cadastre (2).
Au contraire, lorsque Sir Robert Torrens introduisit
l'immatriculation de la propriété foncière dans l'Austra-
lie du Sud, il fit déclarer la loi immédiatement applicable
dans toute l'étendue de la Colonie ; mais il ne mit en
demeure de recourir à l'inscription sur le Livre foncier
que certains propriétaires: l'immatriculation ne devint
obligatoire que pour les concessionnaires de terres de la
Couronne dont les titres seraient délivrés postérieure-
ment à la promulgation de l'Act Torrens (3).
(1) Art. 3, 42 et 43. V. Annuaire de Législation étrangère,1888.
(2) L. 22 juin 1891, sur l'institution aes Livres fonciers, ar-
ticle l^'". V. Ann. de Lég. étr. de 1891. Comp. avec la L. du
6 mars 1886, concernant l'entrée en vigueur des lois sur l'ins-
cription des droits réels et sur le cadastre dans le canton de
Vaud. Art. V^. u L'ouverture des nouveaux registres pres-
crits par l'art. 26 de la loi sur l'inscription des droits réels
n'aura lieu pour chaque commune qu'après la révision ou le
renouvellement de son plan et de son cadastre, au jour qui sera
fixé par le Conseil d'Etat. »
(3) Ce principe a été en quelque sorte adopté par le Décret
du 16 juillet 1897, ayant pour objet la réglementation de la
propriété foncière à Madagascar et par les Décrets qui, de 1899
à 1901, ont réglé le régime de la propriété dans les colonies de
la côte occidentale d'Afrique. D'après ces décrets, l'immatri-
culation est exceptionnellement obligatoire: 1° Dans tous les
cas de vente, location ou concession de terrains domaniaux;
2° dans tous les cas oti des Européens ou assimilés se rendront
acquéreurs de biens appartenant à des indigènes.
LES PRINCIPES DE L IMMATRlCULAïIOX OBLIGATOIRE 141
La loi anglaise de 1897 a combiné le système européen
et le système australien. Dès le P'" janvier 1898, tous les
Landlords anglais ont pu demander à bénéficier de ses
dispositions. Comme il ne fallait pas trop compter sur
leur empressement, le législateur a prévu que progressi-
vement, rimmatriculation leur serait imposée. Il a décidé
dans ce but que les districts, où l'application des Land
Transfer Acts serait obligatoire seraient désignés par
des ordonnances rendues après un certain nombre de
formalités : par là, il a fait un emprunt aux législations
allemandes. ^lais dans ces districts, toutes les proprié-
tés ne devront pas être immédiatement immatriculées.
Les immeubles ne seront soumis nécessairement à cette
formalité qu'au fur et à mesure de leur transmission par
voie de vente. Cette disposition rappelle le principe de
l'Act Torrens.
Examinons >successivement les deux conditions de
l'application obligatoire.
La détermination des comtés ou parties de comté a
lieu par ordonnance de la reine rendue en Conseil
privé (1). Diverses propositions a\aient été faites à ce
sujet au cours de la discussion devant le Parlement. Cer-
tains avaient proposé notamment de désigner dans la
loi elle-même le comté où la première application serait
faite. Un certain laps de temps aurait été assigné pour
cette expérience. En cas de réussite, l'immatriculation
obligatoire aurait été impo'sée à toute l'Angleterre, à
l'expiration du terme primitivement fixé. Cette proposi-
tion présentait l'inconvénient d'ouvrir de nouveau de-
vant le Parlement des débats que le gouvernement savait,
par expérience, pouvoir retarder pendant de longues
années le vote définitif. Aussi Lord Halsbury demanda
et obtint que l'administration fût chargée d'assurer l'ap-
plication progressive de l'immatriculation obligatoire.
D'ailleurs, plusieurs précautions ont été prises dans la
loi elle-même contre des abus possibles.
Le gouvernement est autorisé à désigner le premier
(1) Art. 20, § 1, Land Transfer Act, 1897.
142 l'lntroductio.n des livres fonciers en .\NGLETERRE
comté où il entend rendre l'immatriculation obligatoire.il
doit donner avis de cette intention au Conseil du comté,
six mois avant la promulgation de l'ordonnance, joindre à
cette notification, un projet de l'ordonnance qu'il compte
rendre et indiquer le lieu où il se propose d'établir le
bureau d'immatriculation. En même temps, publication
est faite de ce document dans la Gazette de Londres (1).
Le Conseil du comté ainsi désigné examine, durant
le.s trois mois qui suivent la réception du projet d'ordon-
nance, l'opportunité de la mesure. Avant l'expiration de
ce délai, il peut prendre dans une séance, spécialement
convoquée à cet effet, et les 2/3 des membres du Conseil
étant présents, une délibération déclarant ne pas accep-
ter l'immatriculation obligatoire. Si cette délibération
est transmise au Conseil privé, l'ordonnance ne peut pas
être rendue. Elle sera, au contraire, publiée à l'expira-
tion d'un délai de six mois, lorsque le Conseil de comté
n'aura pas manifesté, dans les formes prescrites, son
opposition (2).
La première ordonnance ne pourra avoir effet pour
plus d'un comté ; aucune mesure semblable ne devra être
prise pendant trois ans pour un autre comté, et à l'ex-
piration de cette période, l'immatriculation ne pourra
être rendue obligatoire dans une nouvelle circonscription
que >si le Conseil de ce comté, dans une réunion compre-
nant les 2/3 du nombre des membres du Conseil, de-
mande au gouvernement de rendre une ordonnance éten-
dant, à toute ou partie du comté, les mesures de coerci-
tion déjà appliquées dans d'autres régions (3).
Il doit donc y avoir une entente entre le gouvernement
et les représentants locaux. Cette manière de procéder
est, peut-être, imitée de la législation autrichienne. Lors-
que le Parlement impérial vota la loi générale sur l'im-
matriculation, il ne la rendit immédiatement applica-
ble qu'aux Etats où existaient déjà des registres fonciers.
Il laissa aux assemblées des autres parties de l'Empire, le
(1) Land Transfer Act, 1897, art. 20, § 5.
(2) Ibid., § 6.
(3) Ibid., § 4.
Li:S PRINCIPES DE l'iMMATRICLLATION OBLIGATOIRE 14o
sion de décider si elles désiraient adopter la nouvelle
législation et de déterminer l'époque à partir de laquelle
elle serait applicable (1).
La troisième précaution prise par la loi de 1897 contre
le gouvernement royal consiste dans l'obligation de dé-
poser les ordonnances sur les bureaux des Chambres
dans les trente jours à partir de leur promulgation, si le
Parlement est en session; dans les vingt jours de sa réu-
nion, si le Parlement était prorogé au moment de l'émis-
sion de l'ordonnance. Lune ou 1 autre Chambre peut
voter, dans les quarante jours qui suivent le dépôt,
une motion désapprouvant l'acte du gouvernement.
Dans ce cas, l'ordonnance serait annulée et tenue pour
non avenue (2). "
Tous les immeubles situés dans le comté où l'immatri-
culation a été rendue obligatoire, ne sont pas immédiate-
ment immatriculés, comme cela a lieu dans les pays
continentaux et notamment en Alsace-Lorraine et dans
les provinces rhénanes. La loi de 1897 a décidé que
l'immatriculation ne serait obligatoire qu'en cas de vente
d'un bien en freehold (3). Elle a également autorisé le
lord Chancelier à faire, après avis du Comité consul-
tatif créé à cet effet, des règlements appliquant aux con-
cessions à bail, aux ventes et autres opérations relatives
aux tenures en leaseliold, les dispositions légales sur
l'immatriculation obligatoire (4).
En exécution de la délégation (5) donnée par la loi, le
règlement général du 2 août 1898 a décidé que, sauf dis-
position contraire (Tans les ordonnances rendant l'imma-
(1) V. Brickdale, Detailed Report on the Systems now in ope-
ration in Germany and Austria-Hungary, p. 53, §§ 323, 324 et
325.
(2) Land Transfer Act, 1897, art. 20, § 9.
(3) Ibid., art. 20, §§ 1 et 2.
(4) Ibid., art. 22, § 6 (g).
(5) C'est un exemple assez rare de délégation du pouvoir ré-
glementaire: le législateur anglais ne laisse, en effet, en géné-
ral, au gouvernement que lei soin de régler les détails d'appli-
cation purement matérielle de la loi.
144 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
triculation obligatoire, la loi de 1897 s'appliquera, pour
l'objet qui nous occupe, aussi bien aux ventes de lease-
holds, aux concessions à bail et aux sous-locations
qu'aux ventes de freehold. L'inscription sur le Livre fon-
cier ne sera cependant nécessaire que si les locations ou
soua(-locations ont une durée supérieure à 40 ans ou
limitée au moins à deux vies humaines (1).
Mais pour l'application obligatoire de l'immatricula-
tion, l'expression <( bien en freehold ou en leasehold »
est loin d'avoir la signification très étendue qui lui a été
donnée, lorsqu'il s'agissait d'autoriser les propriétaires
à demander le bénéfice de l'inscription sur le Livre fon-
cier. L'immatriculation sera toujours facultative pour
les biens incorporels, pour les mines et minières distinc-
tes de la propriété de la superficie, pour les immeubles
dans l'indivision, pour les biens corporels faisant partie
d'un manoir ou inclus comme tel dans la vente d'un ma-
noir ; enfin, pour tous les droits réels possédés en vertu
de l'équité (2). L'application obligatoire de la loi se trouve
donc assez restreinte, quant à la nature des droits réels
qui doivent être immatriculés.
Une autre limitation réside dans le terme de « vente
(sale) », employé par le législateur pour désigner les
contrats à l'occasion desquels l'immatriculation est obli-
gatoire. La loi ne donne aucune définition de la vente,
mais il est certain qu'elle ne vise que les mutations de
propriété à titre onéreux dans le sens usuel du mot. En
conséquence, les cessions en vue de la constitution d'un
settlement ou de la création d'un mortgage, ainsi que les
transmissions faites par les "administrateurs d'une suc-
cession aux héritiers bénéficiaires ou aux légataires ne
sauraient avoir pour effet de rendre nécessaire l'inscrip-
(1) Art. 68 et 70. General Rules. Cette durée est plus longue
que celle à partir de laquelle l'immatriculation d'une tenure à
bail est possible. Rappelons, en effet, que l'inscription au Livre
foncier peut être demandée lorsque le bail a 21 ans de durée, ou
est limité à une ou plusieurs vies humaines.
(2) Art. 24, L. T. A., 1897.
LES PRINCIPES DE l'iMMATRICL LATlOiN OBLIGATOIRE 145
tion de la propriété grevée ou transférée sur le Livre
foncier. La même solution semble devoir s'imposer pour
un partage ou un échange d'immeubles, même s'il y a
paiement d'une soulte. Au contraire, une vente à charge
de rente foncière ou moyennant le paiement d'annuités
paraît devoir être classée dans la catégorie des actes qui
entraînent l'immatriculation de la propriété (1).
Après avoir ainsi déterminé les. propriétés dont l'im-
matriculation serait obligatoire et les cas dans lesquels
elle aurait lieu, le législateur a décidé que l'immatricu-
lation à titre possessoire de l'acquéreur serait suffi-
sante (2). La procédure des demandes en inscription à
titre possessoire n'exige, en effet, que des formalités très
sommaires, dont l'accomplissement ne pourra pas sou-
lever de critiques trop vives de la part des Landlords.
Mais si la loi n'exige que l'immatriculation à titre posses-
soire, il va de soi que les propriétaires, pouvant fournir
des justifications suffisantes, ont le droit de demander
leur inscription avec un titre absolu.
La sanction de l'obligation d'immatriculer à l'occa-
sion de mutations à titre onéreux, se trouve indiquée
dans le § 1 de l'article 20 de la loi de 1897 : l'acheteur du
freehold ou du leasehold nacquierra pas la propriété lé-
gale de ce bien et le vendeur continuera à en être investi.
Néanmoins, une fois le prix de vente payé ou la con-
vention de bail intervenue, le vendeur ou le bailleur ne
sera plus en équité considéré que comme un fidéicom-
missaire détenant la propriété pour le compte de l'ac-
quéreur ou du preneur.
La jurisprudence des tribunaux anglais a tiré les con-
séquences suivantes de la distinction entre la propriété
légale et la propriété équitable. Si le propriétaire légal
aliène ou donne à bail au détriment du propriétaire en
équité, la vente ou la location est valable, pourvu que le
second acquéreur ou locataire n'ait pas eu connaissance
(1) Art. 20, § 1 et 2. Cf. Brickdale and Sheldon's op. cit.,
p 54 et 312, note (c).
(2) Art. 20, § 3, L. T. A., 1897.
L. 10
1 iO l'iMIIODLCTIU.N des livres F0.\( lERS EN ANGLETERRE
du premier contrat. Deux moyens sont i^econnus au
propriétaire équitable pour avertir les tiers de l'existence
de son droit. Il doit exiger la remise entre ses mains des
titres de propriété ; les tiers qui traiteraient ensuite avec
le fidéicommissaire sans demander la production des
titres commettraient une faute lourde qui les empêche-
rait de se prévaloir du contrat à eux consenti. Mais comme
la remise des titres de propriété ne peut pas toujours être
exigée (1), le premier acquéreur doit taire mentionner
sur les titres Texistence du contrat qui est intervenu :
cette mention avertira, par conséquent, les tiers des
droits antérieurs nés du premier contrat (2).
De plus, le premier acquéreur qui ne veut pas se sou-
mettre à la loi de 1897, peut se protéger en faisant oppo-
sition en vertu de l'art. 60 de la loi de 1875, car il est
investi d'un droit qui lui permet de s'opposer à toute
convention intervenue, sans qu'il y ait été partie. Les
droits possédés en équité sur un immeuble, se trouvent
donc garantis d'une manière satisfaisante et la sanction
édictée contre le défaut d'immatriculation perd beaucoup
de sa force.
Certains auteurs, et parmi eux deux des commentateurs
les plus autorisés des Land Transfer Acts, MM. Brick-
dale et Sheldon, se sont même demandés si un acheteur
ne pourrait pas acquérir la propriété légale sans recou-
rir à l'immatriculation; et ils ont imaginé une procédure
quelque peu compliquée, par laquelle néanmoins les
dispositions de la loi de 1897 se trouveraient éludés (3).
(1) Notamment lorsque les titres de propriété n'ont pas trait
exclusivement à la propriété transmise.
(2) Brickdale and Sheldon's, op. cit., p. 55 et suiv.
(3) L'exemple cité par MM. Brickdale et Sheldon, est le sui-
vant: A. désire acheter la propriété de Blackacre appartenant
à B.Ne désirant pas faire immatriculer son acquisition,A. fait une
CK)nvention avec B. , en vertu de laquelle B. , vendeur, déclare, au mo-
ment du paiement du prix,qu'il possède Blackacre en fidéicommis
pour le compte de A., et que, A. a le pouvoir de nommer de
nouveaux fidéicommissaires à la place de B. En vertu de cette
convention, A. reçoit les titres de propriété, entre en posses-
LES PRINCIPES DE l'iMAI ATRICULATION OBLIGATOIRE 147
Aussi peut-on craindre que le principe de l'immatricula-
tion obligatoire contenu dans la nouvelle législation, ne
porte pas tous les fruits qu'on pouvait en espérer et que
les jurisconsultes anglais, une fois encore, modifient dans
la pratique les résultats attendus des nouveaux textes.
Il semble donc tout d'abord, que l'on puisse reprocher à
la loi de 1897 d'avoir laissé, par l'imprécision des termes
employés, le champ libre à certaines constructions juri-
diques en opposition complète avec son esprit.
Mais, outre ces critiques propres à la législation an-
glaise, l'immatriculation partiellement obligatoire a été
attaquée par les partisans de l'immatriculation obliga-
toire et générale à toute une contrée. Il a été dit en effet
que, dans les pays européens, l'un des principes géné-
raux du droit était l'unité de législation : Una /ex, unum
lus. Cette unité se trouve avec le système anglais double-
ment compromise. Elle est rompue entre les comtés,
puisque les uns seront soumis obligatoirement au régime
des Land Transfer Acts, tandis que, dans les autres, ces
lois ne seront appliquées que sur la demande des pro-
priétaires. Elle est rompue également entre les proprié-
taires d'un même comté, puisque certains d'entre eux
auront été contraints, à l'occasion d'acquisitions, d'ins-
crire leurs immeubles sur le Livre foncier, tandis que
sion de Blackacre et, quelques temps après, désigne comme
fidéicommissaires, X. et Y., à la place de B. ; puis il obtient de
X. et Y. une renonciation à 'leur fidéicommis. Dans cette es-
pèce, la déclaration de fidéicommis faite par B. est certaine-
ment une vente, au sens de la loi de 1897; mais elle ne rend pas
l'immatriculation obligatoire parce que A. n'obtient, en vertu
de cette déclaration, qu'un droit équitable sur la propriété de
Blackacre. La renonciation à leurs droits faite par X. et Y.
lui confère seule la propriété légale. Or, cette renonciation
n'est pas une vente, mais un simple transfert de droits fait par
des fidéicommissaires au bénéficiaire en possession qui a qua-
lité en équité pour les requérir de lai faire cette cession. L'im-
matriculation de la propriété n'est donc pas obligatoire à l'oc-
casion de cette convention. La propriété légale se trouve ainsi
transmise sans qu'il y ait eu lieu à inscription sur le Livre
foncier.
118 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
les autres resteront sous le régime des transactions oc-
cultes. Dualité de législation éminemment préjudiciable
à la rapide expédition et à la facilité des opérations im-
mobilières, car elle compliquera le travail des hommes
de loi qui auront à appliquer, suivant les cas, des textes
tout différents.
L'immatriculation obligatoire ainsi conçue, présente,
en outre, le défaut d'être plus coûteuse et moins sûre que
l'immalriculation générale.
Plus coûteuse, car chaque immatriculation isolée né-
cessite des opérations de bornage, des vérifications de
l'existence de certaines servitudes qui n'intéressent pas
seulement la propriété que l'on va immatriculer,
mais toutes les propriétés contiguës. Les frais de
ces opérations communes seraient répartis entre tous
les intéressés, si toutes les propriétés étaient im-
matriculées en même temps ; au contraire, lorsque les
inscriptions sont distinctes pour chaque immeuble, un
seul propriétaire les supporte. Les mêmes formalités
doivent être renouvelées pour chaque inscription, car
elles ne sauraient lier des personnes qui n'avaient pas
été antérieurement appelées à les contrôler.
Cette procédure est aussi moins sûre, car la confection
d'un Livre foncier pour tout le territoire d'une circons-
cription est entourée de mesures de publicité générales
qui avertissent les tiers de la gravité de l'opération qui
va être entreprise. Les immaU'iculations isolées font bien
l'objet de publications dans les journaux; mais ces pu-
blications passent, le plus -souvent, inaperçues et ne cons-
tituent pas pour les intéressés une garantie suffisante.
Malgré ces critiques, l'application progressive de l'im-
matriculation obligatoire a de chauds défendeurs. Ils
font remarquer tout d'abord que l'unité de législation se
trouve toujours rompue pendant une certaine période,
car l'établissement initial du Livre foncier ne peut être
opéré en même temps sur tout le territoire, comme par une
baguette de fée. La législation autrichienne, celle de
1888 pour les pays rhénans, celle de 1891 pour l'Alsace-
Lorraine, ont obéi à une nécessité pratique en ne près-
LES PRINCIPES DE l'i.MMATRICL LA TION OBLIGATOIRE 149
crivant l'immatriculation des immeubles que successive
ment, clans des circonscriptions déterminées. La loi de
1897 n'a fait que suivre leur exemple ; ce qui a élé
d'ailleurs d'autant plus facile qu'en Angleterre, moins
que dans tout autre pays, l'unité de législation est res-
pectée : nombreuses sont les lois qui ne s'appliquent qu'à
certains comtés du royaume; dans la législation foncière
elle-même, l'enregistrement des actes avait déjà fait l'ob-
jet de lois distinctes et différentes pour le Yorkshire et le
Middlesex. Le Land Transfer Act de 1897 se sépare ce-
pendant des législations des autres pays sur un point :
au lieu d'immatriculer tous les immeubles dune même
circonscription à la fois, elle ne les soumet à cette for-
malité qu'au fur et à mesure de leur transmission par
vente.
Des considérations de diverses natures ont inspiré
cette limitation. Si l'opposition des Landlords et des
solicitors était moins tenace en 1897, elle n'attendait
qu'une occasion favorable pour reprendre une nouvelle
vigueur. Il importait, par conséquent, que la législation
fût, pour les parties, la cause du moins de trouble pos-
sible. Les ventes constituaient une base excellente pour
l'inscription des propriétés au Livre foncier. Leur con-
clusion est toujours accompagnée d'un examen des
titres et de la confection d'un acte dans lequel la
propriété est décrite et les droits des différentes per-
i^onnes intéressées indiqués. Grâce à ces renseignements,
l'immatriculation se trouve beaucoup simplifiée. De plus,
au moment où la vente a lieu, les parties supportent cer-
tains frais : une somme quelquefois considérable est re-
mise par l'acquéreur au vendeur. La légère dépense ad-
ditionnelle d'inscription passe presque inaperçue, alors
que le propriétaire, devrait, si aucune opération n'était
faite en même temps, prélever sur son revenu annuel, les
frais de l'immatriculation (1).
Les conditions dans lesquelles l'immatriculation de la
propriété est opérée, sont aussi toutes différentes de
(1) Brickdale, Report of the Registrar of the Land Registry,
p. 4 et 5, § 6.
150 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
celles dans lesquelles les Grundbûcher ont été institués
dans les pays germaniques. Basés sur un cadastre minu-
tieusement tenu, ces Livres fonciers n'ont eu qu'à s'y
référer pour toutes les indications relatives à la déter-
mination physique des immeubles immatriculés. En
Angleterre, les plans cadastraux sont inconnus : seule
rOrdnance Map, carte à grande échelle, peut servir à
déterminer la situation topographique des immeubles.
Mais cette carte, levée déjà depuis quelques années, n'est
pas constamment tenue à jour. Pour chaque inscription,
il faut donc vérifier si la carte produite est encore con-
forme aux lignes du terrain. La révision générale pour
toute une circonscription de la carte officielle aurait né-
cessité, outre des frais assez considérables, la remise à
une date ultérieure de l'application obligatoire de la loi
foncière. En considérant une à une ces propriétés et en
faisant, à l'occasion de chaque demande, la révision par-
tielle de l'Ordnance Map, les propriétaires désireux d'im-
matriculer leur propriété, pouvaient le faire immédiate-
ment, et l'obligation d'inscrire les immeubles vendus
pouvait être d'ores et déjà imposée.
L'application prognessive de l'immatriculation obli-
gatoire présente encore un autre avantage. Elle permet
aux fonctionnaires de la conservation foncière, de s'ini-
tier peu à peu aux opérations de leur service; le person-
nel des bureaux ne sera augmenté qu'au fur et à mesure
de l'accroissement des demandes qui seront formées ;
les affaires seront peut-être examinées avec plus de soin
qu'il eût été possible d'en accorder pour établir d'un seul
coup les feuillets du Livre foncier.
Enfin, s'agissant de créer un organisme qui, jusque-là,
avait été regardé avec méfiance par les propriétaires, il
fallait apporter dans l'introduction des nouvelles mé-
thodes, toute la prudence désirable. La consultation des
conseils de comté avant la promulgation des ordon-
nances, la limitation au titre possessoire de la forme de
rimmatric'iilation à demander, l'bbligation d'inscrire
les propriétés sur le Livre foncier imposée aux Land-
lords à l'occasion de certains actes seulement : ces me-
LES PRINCIPES DE l'iMMATRICILATIOX OBLIGATOIRE 151
sures, inspirées par le désir de causer le moins de trou-
ble possible dans les transactions immobilières, ont été
adoptées par le législateur anglais pour se concilier
l'opinion. D'ailleurs, en prescrivant, dans certains cas,
l'immatriculation obligatoire, la loi de 1897 va créer un
noyau de propriétaires immatriculés, semblable à celui
formé en Australie par les concessionnaires de terre de
la Couronne. Instruit par les excellents résultats retirés
de l'immatriculation par ces propriétaires, le public mul-
tipliera bientôt ses demandes et renouvellera, peut-être,
l'exemple des propriétaires australiens qui ont d'eux-
mêmes fait inscrire leurs terres sur le Livre foncier (1).
Toutes ces dispositions de la loi anglaise ont donc
pour effet de remettre à une époque assez éloignée la
confection définitive d'un registre terrier général des
propriétés foncières. Nous ne pouvons cependant que les
approuver; car elles ont constitué des concessions né-
cessaires faites à l'opinion publique pour obtenir le vote
de la loi. Il est également possible d'espérer, que la
liberté donnera rapidement les résultats que la coercition
ne pourrait produire que dans un lointain avenir.
Mais il faut regretter que le législateur anglais n'ait
pas pris des mesures plus efficaces pour prévenir les
tentatives des jurisconsultes, en vue de soustraire les
propriétaires à la nouvelle législation. Le danger existe;
il ne reste plus à souhaiter, pour l'avenir du Livre foncier
en Angleterre, que ses bienfaits paraissent évidents,
qu'il force, pour ainsi dire, la confiance, et entraîne,
dans un mouvement général, propriétaires et hommes de
loi vers la publicité complète des opérations immobi-
lières.
(1) Sir R. Torrens, question 3112. Select Committee on Land
Titles and Land Transf er, 1878.
CHAPITRE VII
LES TRANSMISSIONS A TITRE ONÉREUX. — LA VENTE
Pour conserver au Livre foncier toute sa valeur et toute
son efficacité, le législateur anglais aurait dû soumettre
à la formalité de l'inscription tous les actes pouvant af-
fecter la propriété et modifier les droits du détenteur.
Il aurait dû s'inspirer des exemples qui lui étaient four-
nis par la loi prussienne et par l'Act Torrens, et qui lui
enseignaient à ne reconnaître comme valables que les
droits rendus publics par une mention sur le registre.
Seul, en effet, ce principe « qui consiste à subordonner
l'acquisition de la propriété même inter partes, à la for-
malité que l'on juge nécessaire pour la sauvegarde des
tiers, est rigoureusement déduit de la notion du droit
réel et de l'idée qu'un droit de cette espèce doit, par son es-
sence même, être opposable à tous aussitôt qu'il
existe (1). » Seul, aussi, il conserve au Livre foncier son
caractère essentiel, celui d'être un miroir de la propriété.
La loi anglaise de 1897 a, néanmoins, maintenu l'exis-
tence d'un certain nombre de conventions qui, malgré le
défaut d'enregistrement, continuent à porter des effets
juridiques et à influer sur les pouvoirs du propriétaire.
Il en résulte que le détenteur d'une propriété immatri-
culée peut transmettre ses droits, soit en vertu d'actes
inscrits au Livre foncier, soit en vertu de conventions oc-
cultes. Les premiers sont régis par les lois sur l'immatri-
culation, les secondes sont soumises, à la fois, aux pres-
criptions de ces lois et aux règles générales du droit.
Ces diverses conventions vont, tour à tour, être envisa-
gées quant à leur mode de création et quant à leurs ef-
fets.
(1) Massigli, Rapport sur la publicité dos droits réels autres
que les hypothèque's. Comm. extrap. du cad. Proc.-verb., T. II,
p. 543 et suiv.
LA VENTE 153
Les actes qui doivent être inscrits sur les Livres fon-
ciers, sont les ventes, les hypothèques, les conventions
restrictives du droit d'usage du propriétaire, enfin, la
création de droits réels par nantissement du certificat ter-
rier. Avant de parler des conditions propres à chacun de
ces contrats, il y a lieu d'examiner deux dispositions lé-
gislatives qui leur sont communes.
La loi de 1897 a confié à des corporations composées
de membres responsables et ayant à leur tête un conseil
disciplinaire, le soin d'exécuter au nom des parties, les
actes nécessités par l'immatriculation. Il était à craindre,
en effet, que les agents d'affaires, les marchands de biens
comme on les appelle en France, n'accaparent le plus
grand nombre des opérations immobilières à la faveur
des facilités données au public par l'immatriculation.
Cette mainmise aurait pu présenter de graves inconvé-
nients. Moins respectables que les officiers ministériels,
les courtiers en immeubles auraient pu se livrer, au dé-
triment de leurs clients, à des actes frauduleux ou tout au
moins dolosifs ; exempts de tout contrôle disciplinaire,
de toute responsabilité personnelle, ils n'auraient pas of-
fert, à ceux qui leur auraient confié la gestion de leurs in-
térêts, des garanties de solvabilité suffisantes; aussi, toute
personne ne rentrant pas dans l'une des catégories ci-
après dénommées, qui, pour le compte d'un tiers et en
vue d'un salaire quelconque, écrit ou prépare un acte con-
cernant une transaction immobilière, encourt une amende
de 50 livres sterlings au maximum recouvrable devant la
Cour de juridiction sommaire. Seuls, les avocats, les soli-
citors à ce dûment habilités, les notaires publics, les con-
veyancers (avoués chargés spécialement des transmissions
immobilières), les avocats consultants (spécial pleaders)
et les agents d'affaires reconnus (draltsmen in equiiy),
peuvent représenter les intéressés auprès du Bureau
d'Immatriculation (1). Mais les propriétaires peuvent
toujours, lorsqu'ils le préfèrent, agir par eux-mêmes et
trouvent alors auprès des fonctionnaires du Land Re-
(1) Art. 10, L. T. A., 1897.
loi l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
gistry toute l'assistance désirable pour la rédaction des
actes.
Le propriétaire immatriculé n'est souvent pas le seul
qui ait des droits sur un immeuble, et d'autres personnes
peuvent avoir sur ce bien des droits réels dont elles peu-
vent se dessaisir. Mais le propriétaire immatriculé, seul,
peut disposer de l'immeuble par des conventions inscri-
tes sur le Livre foncier. Les tiers qui ont un titre suffi-
sant, peuvent cependant constituer des droits et les ga-
rantir contre des actes émanés du propriétaire imma-
triculé, en faisant procéder à diverses inscriptions sur le
Livre foncier. Des mentions expresses peuvent révéler
l'existence de certains baux de droits nés du contrat de
mariage au profit des époux, du nantissement d'un cer-
tificat terrier, etc. Mais la protection de la plupart des
droits des personnes non immatriculées comme proprié-
taires, est assurée par l'inscription d'oppositions, de dé-
fenses ou de restrictions (1).
L'opposition (caution) à l'enregistrement de tous les
actes translatifs de droits, est formée entre les mains du
conservateur. Elle doit être accompagnée d'une déclara-
tion faite, soit par l'opposant, soit par son mandataire.
Avant de procéder à toute inscription sur le Livre fon-
cier, le Registrar doit donner avis à Topposant, et fixer
un délai jusqu'à l'expiration duquel aucune mesure ne
sera prise: l'opposant ainsi prévenu pourra agir de fa-
çon à sauvegarder ses intérêts. Si aucune procédure n'a
été commencée avant la date fixée, l'opposition est con-
sidérée comme périmée et l'enregistrement a lieu. L'op-
posant qui désirerait voir remettre l'enregistrement à
une date plus éloignée que celle fixée dans l'avis de-
vrait donner des garanties suffisantes pour indemniser
les parties du préjudice qu'il pourrait leur causer. Il est,
d'ailleurs, également passible de dommages-intérêts, s'il
a fait -opposition sans causé raisonnable. La^ caution
qui a une fois servi à prévenir l'opposant est périmée,
(1) Art. 53 à 57, L. T. A., 1875, et art. 226 à 243, General
Rules.
LA VENTE 155
mais elle peut être renouvelée (1). Les cautions servent
à protéger les droits qui peuvent naître d'instances en-
core pendantes devant les tribunaux, ainsi que les récla-
mations contestées par les propriétaires. Elles consti-
tuent, en somme, une procédure dirigée contre le pro-
priétaire, tandis que les restrictions sont le résultat d'un
accord avec lui.
Les restrictions limitent les droits du propriétaire, en
l'astreignant à demander le concours de certaines per-
sonnes pour la conclusion des actes. L'article 6 (para-
graphe 2) de la loi de 1897, nous fournit un exemple.
Lorsqu'un immeuble grevé de substitution est immatri-
culé, les fidéicommissaires ou, à leur défaut, le Regis-
trar doit faire inscrire les restrictions prévues dans l'acte
de settlement ou nécessaires pour protéger les droits
des personnes intéressées. De même, lorsque plusieurs
propriétaires conjoints sont inscrits, on mentionne une
restriction qui interdit de vendre sans le concours de cer-
taines personnes, si le nombre des propriétaires inscrits
est réduit à deux ou à un. Le Registrar peut rejeter une
requête tendant à obtenir l'insertion de restrictions sur
un titre de propriété, si ces restrictions lui paraissent nui-
sibles pour le propriétaire et de nature à lui causer des
difficultés inutiles. Les restrictions, contrairement aux
cautions, sont perpétuelles : elles grèveront l'immeuble
jusqu'au jour où le Registrar, sur b vu de pièces suffi-
santes et avec le consentement des parties intéressées,
aura biffé la mention désormais sans application. La
Cour peut aussi en ordonner d'office la radiation (2).
En troisième et dernier lieu, existent les défenses {inhi-
bitions) qui ont la force d'un arrêt de justice. Elles sont
mentionnées sur le Livre foncier avec ou sans l'assenti-
ment du propriétaire. La décision du Registrar qui, après
toutes enquêtes, publications ou témoignages utiles,
prescrit l'inscription d'une défense, peut être attaquée
devant la Cour : celle-ci, peut aussi ordonner d'office
l'insertion d'une défense sur le titre foncier. Ainsi que
(1) Art. 232, General Rules.
(2) Art. 58 et 59,L. T. A., 1875, et art. 240 à 242, General Rules.
156 l'introduction dks r.nRKS fonciers i^n Angleterre
son nom l'indique, la défense interdit la passation de tous
actes ou d'une catégorie d'actes relatifs à la propriété vi-
sée. Elle diffère ainsi de la restriction qui limite seule-
ment les pouvoirs du propriétaire. La défense reste ins-
crite, tant qu'une ordonnance de la Cour ou une décision
du Registrar n'en a pas ordonné la radiation. De même
que les oppositions formées sans cause valable, toute dé-
fense faite sans utilité, engage la responsabilité pécu-
niaire de celui qui l'a demandée (1).
Ces observations présentées au sujet des personnes qui
peuvent concourir à l'acte de vente et des droits qui peu-
vent être transmis, nous allons examiner les formes de la
vente immobilière, qualifiée de transfert par la législa-
tion.
L'acquéreur d'une propriété immatriculée à titre ab-
solu, doit rechercher quel est le propriétaire inscrit sur
le Livre foncier, obtenir de ce propriétaire un transfert
régulier, enfm, faire mentionner sur le registre, la trans-
mission des droits qui en résulte. S'il existe des hypothè-
ques ou des charges foncières, des mentions, opposi-
tions, restrictions ou défenses enregistrées, il doit égale-
ment les examiner.
Lorsque les parties ont confiance l'une dans l'autre, et
désirent agir vite et à peu de frais, les deux premières
opérations, examen des droits du propriétaire et conclu-
sion de l'acte de vente se trouvent réunies. Dans les pays
germaniques, cette procédure est la plus employée. Aus-
sitôt après l'examen des. titres de propriété, l'acte est
préparé et signé par les contractants (2)
En Angleterre, l'examen des titres de propriété con-
siste dans la lecture par l'acquéreur, du certificat qui a
été établi au moment de l'immatriculation et qui repro-
duit les diverses énonciations du Livre foncier. Pour
maintenir le titre ainsi délivré, en concordance avec le
(1) Art. 57, L. T. A., 1875, et art. 234 à 239, General Ruies,.
(2) Brickdale, Report on the Systems of registration of title
now in opération in Gerniany and Austria-Hungary, p. 23
et suiv.
LA VENTE 157
feuillet du registre, la loi de 1897 a ordonné que mention
serait faite sur le certificat terrier des principales modifi-
cations apportées, postérieurement à l'immatriculation,
aux droits du propriétaire inscrit. Il a donné, dans ce
but, pouvoir au Registrar de requérir, à l'occasion de
l'enregistrement des actes visés par la loi, la production
du certificat terrier qui recevra à ce moment les inscrip-
tions nécessaires.
« La remise entre les mains du propriétaire d'un titre,
qui est véritablement la représentation de Timmeuble
facilite les transactions à un degré qu'on ne peut imagi-
ner... Quand la propriété n'est constatée que sur un re-
gistre, il faut toujours se livrer à des recherches et des
écritures plus ou moins longues et fastidieuses. Grâce à
ce certificat, qui est en quelque sorte un feuillet détaché
du registre, le propriétaire porte sa terre dans sa poche
et en dispose en un tour de main. » Ainsi s'exprimait
M. Gide dans son étude sur l'Act Torrens (1). La situa-
tion est, à peu de choses près, la même en Angleterre.
Le législateur a, par suite, pu poser en principe que
l'acquéreur d'une propriété immatriculée à titre absolu,
au lieu de pouvoir demander comme autrefois la produc-
tion de tous les titres de propriété, devra se contenter de
la preuve qui lui sera fournie par l'examen du Livre fon-
cier ou du certificat terrier. Toutefois, comme les certifi-
cats ne contiennent pas nécessairement toutes les modi-
fications portées sur le registre, notamment les opposi-
tions, restrictions ou défenses signifiées depuis la pre-
mière immatriculation, l'examen du certificat terrier n'é-
quivaut pas complètement à l'examen du registre lui-
même. Aussi l'acquéreur pourra-t-il demander, avant la
conclusion de l'acte de vente, qu'il soit procédé à des re-
cherches, dans le Livre foncier, portant sur l'existence
des divers droits qui peuvent ne pas figurer sur le certi-
ficat. Ces recherches peuvent être effectuées, soit direc-
tement par les parties ou leurs solicitors, soit par l'in-
(1) Bulletin de la Société de Législation comparée. Année
1886, p. 297.
158 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
termédiaire des fonctionnaires du Bureau d'Immatri-
culation (1).
De plus, l'acquéreur peut exiger que le vendeur fasse
une déclaration statutaire dans laquelle il établira la si-
tuation de l'immeuble vis-à-vis des conventions ou droits
que l'article 18 de la loi de 1875 ne répute pas constituer
des servitudes ; il reconnaîtra leur existence ou se por-
tera fort de leur disparition. En outre, si des droits réels,
actifs ou passifs, ont été mentionnés lors de la première
immatriculation, le propriétaire devra prouver qu'il a
qualité à tirer profit de ces droits ou que les charges qui
grevaient son immeuble n'existent plus.
Le propriétaire à titre absolu peut donc très facilement
transférer son domaine, lorsqu'il a été inscrit sur le Livre
foncier. Avant l'immatriculation, le titre de propriété,
même excellent, était semblable à un lingot d'or, qu'il
fallait, à chaque transfert, peser et essayer en lui enlevant
un morceau. Une fois passé par l'Hôtel des Monnaies, le
lingot, devenu monnaie légale, se transmet de mains en
mains sans détérioration et sans perte de temps. L'im-
matriculation et la délivrance d'un certificat sont l'équi-
valent de la frappe de la monnaie ; elles confèrent à la
propriété les mêmes avantages qu'au métal (2) . Que l'im-
matriculation date de 1 an, de 10 ans ou même davan-
tage, il suffit toujours de ces quelques investigations pour
s'assurer'que le vendeur a bien le droit de disposer de la
toute propriété de l'immeuble.
Lorsque le vendeur n'a qu'un titre qualifié ou un titre
possessoire, la simple inspection du Registrar ou le seul
examen du certificat suffit encore pour tous les faits pos-
térieurs à l'immatriculation. ]\Iais l'acheteur peut exiger
les preuves qui sont dues, d'après le droit commun, pour
tous les biens ou intérêts exclus de l'immatriculation par
la qualification apportée au titre du propriétaire. De
même le détenteur d'un immeuble inscrit à titre posses-
soire devra, comme auparavant, fournir ses titres de
(1) Art. 16, § 1, L. T. A., 1897.
(2) Cf. TORRENS, An Essay on the Tranfifer of Land by regis-
tration.
LA VENTE 159
propriété à l'acquéreur. D'ailleurs, au bout de 40 ans
d'immatriculation, le \'endor and Purchaser Act, de
1874, interdira de pareilles demandes (1).
Une fois que satisfaction complète aura été donnée à
l'acquéreur, un écrit constatant l'aliénation sera rédigé
de concert avec le vendeur. Il est conçu dans la forme
d'un ordre émané du propriétaire et demandant au Re-
gistrar d'inscrire à sa place son ayant-cause (2). En
même temps le vendeur remettra à Tacquéreur le certifi-
cat terrier.
Muni de ces deux pièces, le nouveau propriétaire de-
mande au Registrar d'opérer le transfert à son nom. Le
législateur de 1897 a exigé la production du certificat an-
térieurement délivré pour éviter autant que possible les
fraudes. En effet, lorsqu'un individu se présente por-
teur d'un certificat terrier, trois hypothèses peuvent être
envisagées. Cette pièce a été remise volontairement par
le propriétaire, ou bien elle lui a été soustraite, ou bien
encore, elle constitue un faux. Le faux sera, semble-t-il,
rare, car les fonctionnaires du Land Registry, habitués
à examiner les certificats qu'ils délivrent journellement,
s'apercevront rapidement des dissemblances existant en-
tre un vrai certificat et un certificat contrefait. Le vol ne
peut guère être envisagé, car le propriétaire, victime de
la soustraction, pourra toujours faire opposition au Land
Registry. Reste la détention du certificat avec le con-
sentement du propriétaire, cas le plus fréquent. La pro-
duction de ce document est donc un indice qui vient cor-
roborer la légitimité de l'acte en vertu duquel la nou-
velle inscription est requise. Cette mesure est l'une des
plus heureuses innovations de la loi de 1897 (3). La loi
de 1875 n'obligeait pas le Registrar à délivrer un certi-
ficat et n'astreignait pas le propriétaire qui en avait de-
mandé un à le présenter au moment où il faisait inscrire
une convention immobilière. La nouvelle disposition
(1) Art. 16, L. T. A., 1897.
(2) Art. 126, General Rules. V. la formule officielle la plus
fréquemment employée aux Annexes.
(3) Art. 8, § 2, L. T. A., 1897.
i
IGO l'i.mroductiox di:s li\ res fonciers en angleterri^
n'est, d'ailleurs, que la reproduction presque textuelle
des lois australiennes, tunisienne et des colonies fran-
çaises (1).
Entre la conclusion de la vente et l'inscription de cette
convention sur le Livre foncier, il peut s'écouler un cer-
tain no^i^bre de jours qu'un propriétaire peu délical
pourrait mettre à profit pour consentir une seconde alié-
nation au détriment du premier acquéreur. Plusieurs
précautions ont été prises contre de semblables fraudes.
L'apposition d'un sceau spécial sur les titres produits au
moment de l'immatriculation avertit tout d'abord les
tiers que l'immeuble est immatriculé et que la remise des
titres n'est plus suffisante et doit être complétée par la
production du certificat foncier : la remise de ce dernier
entre les mains de l'acquéreur lui interdit donc une se-
conde aliénation. Mais, comme le propriétaire, en pré-
textant la perte ou la destruction du premier certificat
pourrait obtenir un deuxième titre et commettre ainsi des
fraudes, la loi de 1897 a sévèrement réglementé la dé-
livrance des seconds certificats. Le Registrar peut exiger
une déclaration sous la foi du serment relatant les cir-
constances qui ont accompagné la perte ou la destruc-
tion. Il doit ordonner l'insertion, dans divers journaux
et pendant trois semaines au moins, d'avertissements
tendant à notifier aux tiers la demande qui a été présen-
tée. Après l'accomplissement de ces formalités qui ren-
dent les fraudes difficiles, un duplicata est délivré (2).
Avant d'opérer la nouvelle inscription, le Registrar
doit examiner si aucune^ opposition, défense ou restric-
tion, ne s'oppose à l'exécution de l'accord intervenu. Il
doit également s'assurer de l'identité et de la capacité
des parties contractantes.
Deux mesures facilitent au conservateur la constata-
(1) Cf. Real Property Act, 1861, pour TAustralie du Sud,
art. 116; Loi foncière tunisienne, art. 374.
(2) Art. 8, § 3, L. T. A., 1897. Les frais s'élèvent générale-
ment à 5 livres stcrlings. Comp. cette disposition avec l'art. 376
de la loi foncière tunisienne et l'art. 117, du Real Property Act
pour lAustralie méridionale.
LA VENTE 161
tion de l'identité. Les articles 107 à 110 du Règlement
général imposent au propriétaire-vendeur l'obligation
de faire certifier la signature qu'il appose sur l'acte de
transfert, par un témoin. Celui-ci écrit ses noms, pré-
noms et adresse, et signe une formule dans laquelle il se
porte garant de l'identité du vendeur. La certification de
signature est considérée par toutes les législations qui
ont institué les Livres fonciers comme une garantie né-
cessaire pour éviter les fraudes sur la personne du ven-
deur. Tantôt, comme en Angleterre, l'attestation doit
seulement émaner d'une ou plusieurs personnes ; tan-
tôt, une autorité publique ou un officier ministériel, est
chargé de légaliser les signatures apposées au bas des
actes sous-seings privés (1). L'intervention d'un tribunal
ou d'un notaire présente plus de garanties que la simple
signature d'un particulier, inconnu le plus souvent des
fonctionnaires du Bureau d'Immatriculation. Par con-
tre, elle occasionne des frais quelquefois hors de pro-
portion avec les intérêts en cause. Certaines législations,
qui avaient réservé aux notaires ou aux tribunaux la lé-
galisation des signatures, ont dû tempérer la rigueur de
ce principe pour les ventes de minime importance et ad-
mettre, dans ce cas, l'attestation par des particuliers (2).
La législation australienne, au contraire, tout en main-
tenant l'intervention de fonctionnaires publics, leur a im-
posé l'obligation de rendre ce service gratuitement (3).
Cette solution paraît être la meilleure, car elle offre le
plus de garantie et n'entraîne aucune dépense excessive
pour les intéressés. Le règlement anglais s'est inspiré de
la loi sur la marine marchande de 1894, qui exige seule-
(1) Cf. Loi prussienne, 24 mai 1872; loi autrichienne du
25 juillet 1871, art. 31; loi de l'Alsace-Lorraine, du 22 juin 1891,
art. 28.
(2) Cf. Loi autrichienne du 5 juin 1890. Sont considérés
comme affaires de minime importance celles qui ne dépassent
pas 100 florins, déduction faite des frais accessoires et des inté-
rêts.
(3) Cf. notamment art. 15 de la loi du 10 juillet 1890, pour
Victoria.
L. 11
162 l'iiNTRODUCTIOX des livres fonciers en ANGLETERRE
ment latteslation d'un témoin à l'occasion de la vente des
navires de commerce (1). La similitude des deux opéra-
tions permet d'espérer qu'une prescription qui a donné
dé bons résultats pour la tenue des registres de navires
aura également d'heureux effets pour les inscriptions sur
les Livres fonciers.
L'attestation de l'identité de la personne est, d'ailleurs,
corroborée par une autre disposition du Règlement gé-
néral. Toutes les fois qu'un acte est déposé au Bureau
d'Immatriculation en vue d'être enregistré, avis du dé-
pôt doit être donné au propriétaire. L'inscription n'est
opérée que trois jours francs après l'envoi de cet avis. Le
propriétaire est ainsi mis en garde contre les actes des
personnes qui auraient pu, par fraude, se faire passer
pour les propriétaires véritables (2).
x\près avoir constaté l'identité du vendeur, le Registrar
s'assure de sa capacité. Il examine si le transfert n'est pas
en contradiction avec quelqu'une des mentions portées au
Livre foncier (3). Lorsque des oppositions, des restrictiôlis
ou des défenses existent, il doit, au préalable, exiger leur
radiation. De même si, au cours de l'examen de l'acte,
il lui paraît que certaines parties, par suite d'incapacités
physiques, ne peuvent pas concourir à la passation d'un
acte régulier, il peut surseoir à l'inscription jusqu'à ce
que la Cour ait ordonné par jugement qu'il y soit pro-
cédé (4).
Après cet examen sommaire, le conservateur inscrit le
nouveau propriétaire aux lieu et place de l'ancien. ïl'
annule le certificat délivré à ce dernier et fait un autre cer-
tificat au nom de l'acheteur.
Les ventes partielles d'immeubles nécessitent des for-
Ci) Art. 24, § 2.
(2) Art. 118, General Eules.
(3) Notamment, si la terre vendue est "immatriculée comîne
bénéfice religieux, un transfert ne peut avoir lieu que sur pro-
duction d'un certificat délivré suivant les cas par la Corpora-
tion de la reine Anne (Queen Anne's Bounty), le ministre dé
l'Agriculture ou les Commissaires ecclésiastiques.
(4) Art. 76 et 77, L. T. A,, 1875.
LA VENTE 163
malités identiques. Comme il n'y a pas substitufion com-
plète d'un propriétaire à un autre propriétaire, un nou-
veau feuillet du Livre foncier est consacré à la partie dis-
traite. Pour l'établissement du nouveau titre, un plan de
la parcelle vendue doit être annexé à la demande de trans-
fert. Il permet de rectifier le plan original de l'ensemble
de l'immeuble et sert de base à la nouvelle immatricula-
lation. Enfin, le certificat n'est pas annulé mais revêtu
d'une annotation faisant connaître le démembrement de
la propriété. En même temps, un second certificat corres-
pondant à la nouvelle inscription est délivré.
Le transfert opéré, quels en sont les effets ? Indiqués
dans les articles 30 à 32 de la loi de LS75, ils varient sui-
vant que le titre est absolu, qualifié ou possessoire ou
est un bon titre de leasehold. Ils diffèrent également sui-
vant que l'on envisage les rapports de l'acquéreur avec
son vendeur ou de celui-ci avec les tiers.
Les Land Transfer Acts n'ont pas complètement rompu
avec le principe que la vente est un contrat consensuel,
complet dès que l'accord des parties est intervenu. L'ac-
quéreur pourra donc, même s'il ne se fait pas inscrire
sur le Livre foncier, se prévaloir de l'existence du contrat
vis-à-vis de son vendeur et exiger de lui l'exécution de ses
engagements.
S'il ne procède pas à fenregistrement de l'acte, il est
exposé à voir ses droits contestés et primés par des tiers,
ayant cause comme lui du propriétaire, mais ayant avant
lui requis et obtenu l'inscription de leurs titres. En effet,
un transfert à titre onéreux d'un freehold ou d'un lease-
hold immatriculé, confère à l'acquéreur un droit incom-
mutable sur l'immeuble. Ne peuvent lui être opposés que
les servitudes, charges foncières, ou droits réels, con-
sentis par les propriétaires antérieurs et déjà inscrits. Un
acheteur prudent ne doit donc payer le prix de son ac-
quisition qu'après avoir obtenu l'enregistrement de son
titre qui, seul, lui confère une entière sécurité, et le met
à l'abri d'une seconde aliénation consentie par le vendeur
en fraude des droits du premier acquéreur. Plusieurs mé-
thodes, satisfaisant à la fois les intérêts des vendeurs et
164 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
des acheteurs, ont été employées en pratique pour le rè-
glement du prix. Tantôt, l'acquéreur remet à un tiers
honorable un chèque, représentant la valeur de l'immeu-
ble et ne devant être touché par le vendeur qu'une fois le
transfert accompli ; tantôt le propriétaire se charge de
faire opérer la nouvelle inscription et reçoit, en échange
du certificat délivré au nom du nouveau détenteur, la
somme stipulée. Mais, le plus souvent, les parties ont
confiance mutuellement et le prix d'achat est payé dès
que le contrat est signé. L'acquéreur est, en effet, garanti
contre tout acte dolosif de son. auteur par la remise entre
ses mains du certificat sans la production duquel aucune
inscription ne pourra être faite ; il peut aussi faire op-
position, si le transfert doit demander un certain délai
pendant lequel il pourrait craindre de voir ses droits mis
en péril (1).
La sécurité conférée aux acquéreurs d'immeubles im-
matriculés à titre possessoire ou qualifié par l'enregistre-
ment de la vente sur le Livre foncier est la même que si
les immeubles étaient immatriculés à titre absolu. Mais
au lieu de ne soumettre les droits des propriétaires ins-
crits qu'aux restrictions expressément mentionnées sur
le registre, l'enregistrement d'un acte réserve toutes les
revendications pouvant naftre de faits antérieurs à l'im-
matriculation, si le titre est possessoire, et permet aux
tiers titulaires de droits exceptés de l'immatriculation, de
les faire valoir, si le titre est (jualifié ou est un bon titre
de leasehold.
Est-ce à dire que l'enregistrement d'^un acte confère
sous ces réserves au nouvel inscrit un droit inattaquable.
Lorsqu'il y a eu collusion entre l'acquéreur et le vendeur,
la formalité de l'inscription ne saurait avoir pour effet
de rendre cet acte valable ; et à toute époque, l'immatri-
culé pourra être actionné en restitution de l'immeuble et
l'inscription obtenue par fraude pourra être annulée.
De même lorsque le vendeur a contracté sous l'empire de
l'une des incapacités prévues par les lois anglaises, l'en-
registrement ne saurait être considéré comme définitif.
(1) Brickdale and Sheldon's op. cit., p. 29 et 30.
LA VENTE 165
Les Land Transfer Acls n'ont, il est vrai, édicté aucune
prescription spéciale de nature à sauvegarder les droits
de l'incapable et à faire apparaître les incapacités au
moment de l'opération. Tout au plus, ont-ils autorisé,
d'une manière purement facultative, les personnes ou con-
seils chargés de l'administration des biens des incapables
à faire inscrire sur le Livre foncier une mention interdi-
sant à l'immatriculé de transférer son bien. Mais, si cette
mention n'existe pas, aucune procédure n'est imposée au
Registrar pour l'inviter à s'assurer de la capacité du cé-
dant.
Pour déterminer la valeur des actes passés par les in-
capables et dûment inscrits, il faut donc se référer
aux principes généraux du droit. Or, en vertu de ces
principes, un enfant, un fou ou tout autre incapable ne
peut valablement transférer sa propriété et cette nullité
est opposable aux ayants cause, même si ceux-ci n'ont
pas eu connaissance de l'incapacité de leur auteur.
Comme en cas de fraude, l'inscription pourra donc être
attaquée par tous les moyens de droit et la rectification
du Livre foncier pourra être obtenue.
Ces dispositions rappellent notamment l'article 9 de la
loi prussienne de 1872 qui autorise les intéressés à atta-
quer toute inscription de propriété, conformément aux rè-
gles du droit civil. Le cessionnaire immédiat possède, en
effet, des moyens suffisants de s'assurer de la capacité
du cédant ; ne vaut-il pas mieux lui permettre de requé-
rir sous sa responsabilité personnelle l'inscription de son
contrat que d'exiger des preuves de la validité de l'acte
dont il se réclame (1) ? En outre, en Angleterre plus que
partout ailleurs, la propriété est rarement possédée par
un mineur ; car, même en cas de mort ab intestat, des
fidéicommissaires et des représentants sont investis le
plus souvent de la propriété, jusqu'au jour où l'enfant
aura atteint sa majorité.
Si ces nullités peuvent avoir des effets entre parties,
peuvent-elles également réagir sur les droits conférés par
(1) Cette opinion est celle du Registrar actuel, M. Brickdale.
166 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
l'acquéreur à des tiers de bonne foi ? L'article 30 de la loi
de 1875 exonérait dune façon formelle les ayants
cause à titre onéreux d'un immatriculé de tous les vices
dont le titre de leur auteur pouvait être entaché. L'ins-
cription était pour eux définitive et inattaquable.
L'article 7, § 2 de la loi de 1897 a cependant apporté
une restriction au principe de l'incommutabilité des ins-
criptions sur les Livres fonciers vis-à-vis des tiers. Cet
article est ainsi conçu : « Lorsqu'un acte enregistré se-
rait, s'il n'était pas inscrit sur le Livre foncier, radicale-
ment nul, ou, lorsqu'une erreur, une omission, ou une
inscription aurait pour résultat de priver une personne
d'un bien dont elle est en possession ou dont elle touche
les revenus, le registre foncier devra être rectifié. L'in-
demnité sera, dans ce cas, payée à la personne qui sera
lésée par la rectification. »
Si la seconde hypothèse est suffisamment explicite par
elle-même, que faut-il entendre par les mots « radicale-
ment nul », employés par le législateur anglais ? D'après
les deux commentateurs des Land Transfer Acts que nous
avons déjà eu l'occasion de citer, ces termes doivent être
strictement interprétés et ne peuvent s'appliquer qu'aux
cas suivants : Un transfert obtenu à l'aide de faux ne pou-
vait, d'après la loi de 1875, être attaqué, s'il avait été
suivi d'une aliénation à titre onéreux dûment enregis-
trée. Désormais, quel que soit le nombre des transmis-
sions opérées, le registre pourra toujours être rectifié
lorsqu'à un moment donné, une inscription a été requise
en vertu de faux documents. Il en sera de même dans tous
les cas où l'on peut dire que le propriétaire véritable n'a
pas participé à l'acte qui l'a dépouillé (1) et lorsque la
convention est réputée nulle, soit par le droit commun (2),
soit par la loi (3).
(1) Le droit anglais range dans cette catégorie les actes pas-
sés par un fou, par exemple :
(2) Le résultat d'un délit, par exemple.
(3) Par exemple : une affectation à un usage charitable qui
ne serait pas conforme au Mortmain and Charitable Uses Act
de 1888.
LA VENTE 167
Mais, l'on ne saurait étendre les dispositions de l'ar-
ticle 7, paragraphe 2, aux contrats qui sont simplement
annulables, et qui sont valables tant qu'ils n'ont pas été
attaqués en justice (1).
La législation anglaise de 1875, en refusant aux per-
sonnes lésées par un transfert à titre onéreux, le droit de
faire rectifier le Livre foncier, s'était certainement inspi-
rée de la législation australienne. Celle-ci avait reconnu
upe action directe contre le cessionnaire immédiat et n'a-
vait pas permis qu'un ayant-droit à titre onéreux et de
bonne foi fût inquiété à raison du vice du titre de son au-
teur (2). Mais, alors que l'Act Torrens indemnisait le pro-
priétaire évincé de sa perte, le Land Transfer Act de
1875 consacrait une véritable expropriation sans indem-
nité. Elle allait même plus loin que la loi prussienne du
5 mai 1872, car, en Allemagne, en effet, toute inscription
de propriété ne peut être attaquée conformément aux rè-
gles du droit civil, que si un transfert à titre onéreux n'a
pas été consenti par le propriétaire inscrit (3).
La loi de 1897 a été à la fois plus hardie et plus timide
que la loi prussienne. Plus hardie, elle a restreint à quel-
ques cas exceptionnels les causes de rectification des Li-
vres fonciers ; plus timide, elle n'a pas maintenu, lors-
qu'il y avait lieu à rectification, les droits acquis par les
tiers cessionnaires à titre onéreux et de bonne foi.
Bien que l'on ait pu dire que la restitutio in integrum
constitue « la plus complète et, dans nos vieux pays
amoureux de terre, la plus enviable des revanches (4) »,
la question a, en Angleterre, perdu de son importance,
(1) Par exemple: une vente par un mineur, par un bénéfi-
ciaire à son fidéicommissaire, par un client à son solicitor, une
convention obtenue par contrainte ou par fraude ; un settlement
devenu caduc par suite de faillite.
(2) Art. 33 et 123, Real Property Act du 7 août 1861, pour
l'Australie du Sud, et art. 69, 205, 207 et 208, Transfer of Land
Act du 10 juillet 1890 pour Victoria.
(3) Art. 9 et 10, L. 5 mai 1872.
(4) WoRMS, Comm. extrap. du cad., Proc.-verb., T. II,
p. 525.
168 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
depuis que la loi de 1897 a créé un fonds d'assurance
contre les évictions. Nous examinerons, d'ailleurs, plus
loin les avantages respectifs de l'incommutabilité ou de la
rectification des inscriptions des Livres fonciers. Il ne
faut ici signaler la disposition de la loi de 1897 que comme
une restriction apportée par le législateur aux effets juri-
diques de l'enregistrement des actes. Ces effets n'en res-
tent pas moins considérables. Ils assurent à ceux qui se
sont soumis aux prescriptions légales une sécurité pres-
que complète dans leur possession et, dans tous les cas,
ils garantissent les propriétaires inscrits contre les ris-
ques pécuniaires que le système des transactions occultes
leur faisait courir.
Facilité et sécurité des ventes immobilières, tels sont
donc les deux résultats obtenus en cette matière par l'ap-
plication des principes de l'immatriculation.
CHAPITRE VIII
LES HYPOTHÈQUES
La transformation des méthodeis agricoles rend parti-
culièrement importante l'organisation du crédit foncier.
Jusqu'aux dernières années du xix^ siècle, la culture
était basée presque exclusivement sur les données empi-
riques de l'expérience, sans chercher dans des procédés
scientifiques d'améliorations et d'engrais une augmen-
tation de rendement et par conséquent de revenus. Les
recherches de savants chimistes, les expériences d'agro-
nomes distingués, les inventions de mécaniciens habiles
ont, peu à peu, fait connaître les avantages considérables
qui pouvaient être retirés d'une culture raisonnée et
intensive. Mais l'exécution de travaux d'amélioraiion, de
drainage par exemple, nécessite l'immobilisation et l'in-
corporation au sol de capitaux importants ; l'achat d'en-
grais chimiqueset de machines agricoles augmente le fonds
de roulement qui doit être affecté à l'exploitation. Com-
ment se procurer ces capitaux ? Par prélèvement sur les
revenus annuels ? il n'y fallait pas songer, car au même
moment où ces dépenses nouvelles devaient être faites,
les revenus des terres allaient constamment en dimi-
nuant et suffisaient à peine à rémunérer les sommes déjà
engagées. Il était indispensable de recourir au crédit.
Les nouvelles méthodes auraient pu, grâce au concours
de capitalistes, être appliquées et le cultivateur aurait
trouvé dans l'augmentation de ses revenus le moyen de
faire face à ses engagements, en même temps qu'il aurait
augmenté son capital et peut-être aussi ses ressources
immédiates.
Les cultivateurs anglais, en particulier, sont restés,
jusqu'à la fin du siècle dernier, dans une situation déli-
cate. Par le fait de leur régime foncier et de leurs institu-
tions juridiques, ils n'avaient à leur disposition qu'un
170 l'introduction des livrer fonciers en ANGLETERRE
mode de crédit hypothécaire suranné, insuffisant et for-
mahste. Ignorant les facihtés de l'hypothèque conven-
tionnelle, ils étaient en effet réduits à emprunter par voie
de mortgage, les sommes qui leur étaient nécessaires ;
ils devaient transmettre à leur prêteur la possession lé-
gale {légal estate) qui leur était restituée si, à l'époque
fixée, le remboursement du prêt avait lieu. Le créancier
mortgagiste ne prenait plus, il est vrai, comme autrefois
possession de la terre, il n'acquiérait plus définitivement
la propriété en cas d'inexécution des engagements (je
l'emprunteur à l'expiration du contrat ; mais ce contrat
qui conservait presque tous les caractères de l'aliénation
fiduciaire romaine, épuisait d'un seul coup le crédit du
propriétaire en même temps qu'il ne garantissait pas
d'une manière efficace les droits du bailleur de fonds (1).
De plus, il exigeait la passation d'un acte authentique,
ce qui n'avait lieu qu'après un examen des titres aussi
complet et aussi ipinutieu:?^ que s'il s'était agi d'u^e vepte
immobilière.
Ces formalités, qui retardaient souvent la conclusion
des conventions hypothécaires, avaient inspiré ^ux ju-
risconsultes anglais une combinaison nouvelle partici-
pant des avantages du mortgage légal, mais simplifiant
les préliminaires qui l'accompagnaient. I^e mortgage
équitable ou par nantissement des titres de propriété
permettait aux emprunteurs de se procurer rapidement
les fonds dont ils avaient besoin. Il consistait en une con-
vention signée du débiteur dans laquelle celui-ci s'enga-
geait envers son prêteur à lui consentir à toutp réquisition
un mortgage légal sur son immeuble. Ces prêts étaient
surtout faits par les banquiers auxquels les propriétaires,
en quête d'argent, allaient porter leurs titres de pro-
priété. Après un examen sommaire, la convention était
rédigée et les titres restaient entre les mains du prêteur
qui était ainsi à l'abri de nouvelles transactions conclues
par son débiteur en fraude de ses droits. Les banquiers
trouvaient d'ailleurs dans la connaissance qu'ils possé-
(1) V. plus haut, p. 25 et suiv.
LES HYPOTHÈQUES 171
daient du pays et de ses habitants un moyen d'agir vite
et sûrement. Ils retiraient ainsi de leurs capitaux un in-
térêt lucratif et AI. Seebohm, en 1895, put évaluer de
100 à 150 millions de livres sterlings le montant des
sommes qui, en Angleterre et dans le Pays de Galles,
avaient été empruntées sur nantissement des titres de
propriété.
Les lois de 1875 et de 1897 ont maintenu l'existence de
ces deux modes de constitution d'hypothèque ; mais elles
en ont profondément modifié la forme et les effets.
Les constitutions d'hypothèques régulières (légal mort-
gage), sont régies par les mêmes règles que les ventes
immobilières. Leur création requiert, comme elles, un
examen du certificat terrier ou du Livre foncier, suivi
de la confection d'un mémorandum signé des parties
dans lequel seront indiquées les conditions principales
du contrat soumis à l'inscription. Le conservateur inscrit
sur le feuillet du Livre des charges afférent à l'immeuble
l'hypothèque consentie, puis il délivre au créancier mort-
gagiste un certificat de charge ; si celui-ci refuse de le
recevoir, le certificat reste déposé au Bureau d'imma-
triculation (1). L'inscription et le certificat mentionnent
la date fixée pour le remboursement, les conditions du
prêt avec ou sans intérêts, le taux de l'intérêt, le droit
ou l'interdiction de vente conférée au créancier avec ou
sans terme prévu (2).
Les mortgages ainsi créés prennent rang suivant leur
date d'inscription. Le droit des créanciers ne peut être
primé par un transfert ou un contrat d'hypothèques an-
térieur et non encore inscrit (3). Ainsi se trouve établie
d'une façon formelle la règle « qui prior est tempore,
potior est jure ». La soudure des mortgages, pratique
dont les dangers ont été exposés précédemment, est défi-
nitivement abolie. Elle s'expliquait par l'ignorance où
un créancier ayant consenti un prêt en première hypo-
(1) Art. 79, L. T. A., 1875 et 8, L. T. A., 1897. V. la Formule
officielle aux Annexes.
(2) Art. 22, L. T. A., 1875.
(3) Art. 28, L. T. A., 1875.
172 l'introduction des LH RES fonciers en ANGLETERRE
thèque et en consentant un autre en troisième rang, pou-
vait être de l'emprunt intermédiaire gagé par une hypo-
tlièque de second ordre au profit d'un tiers prêteur. Les
inscriptions successives des divers emprunts contractés
sur le certificat de propriété avertissent désormais les
prêteurs de l'existence de toutes les charges foncières,
et aucune raison valable ne peut plus être invoquée pour
donner à certains d'entre eux une situation privilégiée.
La règle par laquelle toute hypothèque prend rang
suivant la date de son inscription sur le Livre foncier et
non suivant la date de sa création, subit cependant quel-
ques exceptions. Certaines lois, la loi sur le drainage de
1861, la loi sur les améliorations foncières de 1864, la
loi sur le rachat des dîmes extraordinaires de 1886, la
loi de finances de 1896, ont, dans divers articles, conféré
aux droits réels créés en vertu de ces textes le privilège
de prendre rang avant toutes autres hypothèques. Les
lois de 1875 et de 1897 ont maintenu ces dispositions en
vigueur. Les droits réels dont il s'agit sont, en effet, le
plus souvent, de peu d'importance et grèvent presque
toujours temporairement les immeubles. Leur existence
ne peut pas diminuer, dans des proportions apprécia-
bles, la valeur du gage offert. Le règlement général, en
précisant les conditions dans lesquelles ces droits réels
seraient enregistrés, a décidé qu'une mention spéciale
devrait indiquer, là loi en vertu de laquelle l'hypothèque
ainsi créée a, sur les hypothèques antérieurement ins-
crites, un droit de préférence.
L'ancienne législation reconnaissait aussi au créancier
hypothécaire le droit de faire insérer dans la convention
une disposition par laquelle les immeubles, désormais
acquis par le débiteur, seraient affectés au gage de l'hy-
pothèque comme les biens sur lesquels elle avait été pri-
mitivement établie. Mesure contraire au principe de la
spécialité des hypothèques. Les nouveaux textes ont
laissé aux parties la liberté de faire de semblables con-
ventions et de demander leur inscription sur le Livre
foncier. Mais ils ont enlevé à ces conventions le carac-
tère nuisible qu'elles avaient précédemment, en dispo-
LES HYPOTHÈQUES 173
sant que le créancier titulaire d'un tel droit doit, pour
s'en prévaloir, inscrire sur le feuillet relatif aux pro-
priétés nouvellement acquises, l'hypothèque qui lui a
été consentie. En même temps, le Registrar doit requérir
la production du certificat terrier, s'il ne l'avait pas déjà
entre les mains et inscrire sur celui-ci mention de la con-
vention intervenue entre le débiteur et son créancier (1).
Les tiers seront ainsi avertis des dangers que leur font
courir les engagements antérieurs pris par le proprié-
taire..
Le mortgage légal transférait la possession légale au
prêteur et le débiteur n'avait plus qu'un droit en équité
sur son bien. Il en résultait que pour vendre la propriété
il fallait le concours du prêteur et du débiteur à l'acte
d'aliénation. Les transmissions se trouvaient par là
même, rendues plus difficiles et la valeur de la propriété
subissait de ce fait une dépréciation certaine. La trans-
formation du mortgage, qui était auparavant un trans-
port de la propriété, en un simple démembrement de
celle-ci, a permis d'accroître les pouvoirs laissés au débi-
teur sur son immeuble. Il conserve le droit de le transfé-
rer à une autre personne, sauf à respecter bien entendu
les charges foncières dont elle est grevée (2).
Le créancier trouve aussi dans l'inscription de son
hypothèque des avantages qu'il ne possédait pas aupa-
ravant. S'il a besoin d'argent, il peut soit céder sa
créance, soit consentir une sous-hypothèque. La cession
a lieu par simple mention sur le registre : le nom du
cédant est biffé et celui du cessionnaire mis à sa place.
L'inscription confère à ce dernier tous les droits qui
étaient reconnus au cédant (3). Ce transport de créance
présente des facilités beaucoup plus grandes que celui de
l'ancien mortgage. Il fallait, en effet, un acte qui n'était
signé qu'après un examen complet des titres de pro-
priété du cédé fait par le cessionnaire. Aujourd'hui, l'en-
(1) Art. 169, General Rules.
(2) Art. 4, L. T. A., 1897.
(3) Art. 40, L. T. A., 1875.
1/4 L IMRODUCTIO.X DES LU RES FONCIERS EN ANGLETERRE
registrement dune aliénation à titre onéreux exonère
le titulaire inscrit de tous les vices qui pouvaient exister
dans le titre originaire et qui n'avaient pas été portés à
sa connaissance lors de la cession (1). Il le dispense donc
d'examiner le titre du débiteur. La délivrance d'un cer-
tificat de charge résumant les mentions portées au livré
foncier facilite, d'autre part, la conclusion du contrat
entre les parties intéressées, en même temps que Tins-
cription le met à l'abri de toute nouvelle aliénation frau-
duleuse du cédant.
Les charges foncières peuvent également être sous-
hypothéquées. La procédure sera la même que pour une
hypothèque originaire. La création d'un semblable droit
permet au créancier de se procurer temporairement des
fonds dont il peut avoir besoin, tout en conservant le
bénéfice du prêt qu'il a consenti.
Les pouvoirs ainsi conférés au créancier, répondent à
l'un des caractères du crédit hypothécaire. Alors que les
affaires commerciales se traitent à brève échéance et
qu'il suffit au négociant d'un crédit de quelques semaines
pour lui permettre de réunir les fonds nécessaires pour
le remboursement de son emprunt, l'agriculture, elle, a
besoin d'un crédit à très longue échéance. Les amé-
liorations, les drainages, les reboisements effectués
à l'aide de prêts, ne donnent au cultivateur qu'un lé-
ger accroissement de revenus, mais augmentent le ren-
dement de ses terres pour une période presque illimitée.
Il ne peut donc s'engager à amortir sa dette que par des
annuités très faibles et par suite nombreuses. Le prêteur,
au contraire, ne veut pas immobiliser son argent ; il tient
à pouvoir en recouvrer la libre disposition si. à un mo-
ment quelconque, il en a besoin. L'antinomie existant
entre les intérêts du cultivateur débiteur et du capitaliste
créancier nuit au développement du crédit hypothécaire
et maintient l'intérêt à un taux fort élevé, quoique des
capitaux considérables ne trouvent, dans d'autres opé-
rations, qu'une rémunération inférieure. Pour attirer
(l)Art. 40, L. T. A., 1875, modifié par la cédule 1 de la loi
de 1897.
LES HYPOTHÈOL KS 175
les bailleurs de fonds vers le crédit foncier, il fallait donc
faciliter la rentrée en possession des sommes prêtées et
assurer aux emprunts contractés une stabilité complète.
Les Land Transîer Acts, aussi bien que les autres légis-
lations sur les Livres fonciers, ont essayé de donner une
solution satisfaisante à ces divers d^ésiderata.
La délivrance d'un titre hypothécaire, représentant la
créance contre le propriétaire, facilite les négociations
postérieures dont cette créance peut faire Tobjet. Mis
par la loi à l'abri de toutes les causes de nullité propres
à tel ou tel propriétaire antérieur, le certificat de charge
constitue une valeur comparable à la lettre de change et
au billet à ordre et offrant pour celui qui le détient, une
garantie de premier ordre. Certains de pouvoir vendre
leurs créance sans perte, les capitalistes seront plus dis-
posés qu'ils ne le sont maintenant à prêter à l'agriculture
les subsides dont elle a besoin. L'intérêt de l'argent semble
devoir baisser. Le propriétaire ne verra plus dans les
obligations hypothécaires un contrat ruineux par lequel
il s'engage à payer annuellement un intérêt supérieur à
celui qu'il retire de son exploitation : il empruntera pour
apporter à sa culture toutes les améliorations dont elle
est susceptible.
En facilitant le développement du crédit hypothécaire,
(( il faut éviter », cependant, « que le Syndicat des capitaux
ne centralise la dette des paysans pour les ramener au
s-ervage et au colonage d'autrefois par la menace de
1 éviction (1) »; tout en rendant la transmission de la
propriété et de ses démembrements plus faciles, il ne
faut pas créer une classe de spéculateurs n'ayant aucune
attache avec le sol, ne cherchant dans la propriété ter-
rienne qu'un champ d'exploitation pour leurs combinai-
sons financières.
La loi prussienne de 1872 et le nouveau Code civil alle-
mand n'ont peut-être pas tenu assez compte de ces dan-
gers, lorsqu'ils ont reconnu l'existence, non seulement
d'obligations hypothécaires facilement Iransmissibles,
(1) Floitr de Saint-Genis, Comm. extrap. du cad. Proc.-verb.,
T. II, p. 181.
176 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
mais encore de bons fonciers que le propriétaire peut
tirer sur lui-même et qui ne sont pas l'accessoire d'une
créance. La dette foncière allemande [Grands chuld), per-
met ainsi au propriétaire de spéculer sur sa propriété, en
créant des titres fonciers pour une valeur supérieure au
prix de l'immeuble, sans qu'un créancier soit présent
pour discuter avec lui la valeur du gage qu'il offre. Ne
conférant au détenteur aucun droit personnel contre le
propriétaire, mais un simple droit réel sur l'immeuble,
elle n'intéresse pas non plus d'une façon suffisante le pro-
priétaire foncier au rembounsement de la créance et à la
conservation du gage (1).
La loi anglaise, copiant d'ailleurs l'Act Torrens, a été
semble-t-il sagement inspirée, en conservant aux obliga-
tions hypothécaires leur caractère ancien et en consa-
crant l'alliance du crédit personnel et du crédit réel. Elle
a préféré n'apporter à la législation que les modifications
nécessaires pour la mettre en accord avec les besoins
nouveaux, en rendant à la fois meilleures la situation des
créanciers et celle du débiteur.
Pour les mesures d'expropriation, en cas de non-
remboursement à l'échéance, la loi de 1875 a adapté le
droit en vigueur aux Livres fonciers. Le créancier a le
choix entre trois partis : entrer en possession de l'immeu-
ble, poursuivre la procédure de forclusion, ou bien ven-
dre cet immeuble. L'entrée en possession lui permet de
se récupérer sur les produits du bien hypothéqué de ses
avances et de ses frais. La forclusion obtenue de justice
interdit désormais au débiteur de demander au créancier
la restitution de son immeuble, moyennant le rembour-
sement de la créance. Enfin, la vente permet au créan-
cier d'aliéner l'immeuble pour recevoir le montant de
son prêt. Mais d'après les articles 25, 26 et 27 du Land
Transfer Act de 1875, ces divers droits peuvent par une
mention contraire portée sur le registre, être refusés au
(1) Cf. Challamel. Bulletin de la Soc. de Lég. Comp., 1889,
p. 451. Etude isur la partie du Projet du Code Civil allemand
relative aux droits réels, et Comm. extrap. du cad. Proc.-verb.,
T. VII, p. 373.
Li:s hypoiiil:oi i:s 1 1 1
créancier, soit tous ensemble, soit chacun d'eux séparé-
ment. Les droits conférés par l'emprunteur au prêteur
sont donc extrêmement variables et peuvent modifier la
nature du contrat. Une obligation hypothécaire accor-
dera seulement au créancier le droit d'entrer en posses-
sion pour se rembourser de sa créance sur les produits
de l'immeuble ; elle peut soumettre le droit de vente du
créancier à l'arrivée d'un terme quelconque ou exiger que
cette vente soit précédée d'une sommation d'avoir à payer
la somme due. De même, l'article 30 a autorisé la créa-
tion d'hypothèques qui ne prendraient pas rang d'après
leur date. Les créanciers seraient amsi investis d'un droit
de suite pour obtenir le remboursement de leurs créances
mais ne pourraient être préférés les uns aux autres. Ils
seraient colloques au même titre sur le prix de l'immeu-
ble en cas de vente, ou devraient exercer concurremment
les divers droits accessoires à leurs hypothèques. Toutes
modalités qui sont destinées à rendre la création de droits
réels plus facile et moins onéreuse pour les proprié-
taires et à proportionner plus exactement l'importance du
gage à la valeur de la créance.
A côté du mortgage légal est le mortgage équitable,
Toujours admis par les lois sur l'immatriculation (1), il
a été rendu réellement pratique et sûr par la loi de 1897.
Le dépôt du certificat, disait la loi de IS'^ô, sera consi-
déré comme l'équivalent du dépôt des titres de pro-
priété (2). Si, en théorie, ces deux formalités avaient la
même valeur, la sécurité donnée par la nouvelle loi
était bien inférieure. En effet, la législation n'obligeait
pas le Registrar à délivrer un certificat, et elle n'astrei-
gnait pas le propriétaire à présenter le certificat qui avait
été délivré au moment de l'enregistremerit des ventes et
des hypothèques.
Une aliénation pouvait donc avoir lieu, sans que le
créancier mortgagiste en vertu du dépôt effectué en fût
averti. Il est vrai que les banquiers pouvaient faire oppo-
(1) On le retrouve également à Brème sous le nom de (( Hand-
festen ».
(2) Art. 81.
L. 12
178 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
sition; mais celte procédure coûtait, d'après le tarif de
1875, 2 sh. G pour 1.000 livres sterlings et au-dessus de
1.000 livres sterlings, 6 pence par 500 livres sterlings.
Le tarif de 1889 avait même porté ce droit à 5 shillings
jusqu'à 50 livres sterlings, 10 sh. jusqu'à 100 livres ster-
lings, et ainsi de suite jusqu'à 100.000 livres sterlings
pour lesquelles on payait 59 livres sterlings. C'était exor-
bitant et cela n'offrait même pas une entière sécurité
lorsqu'un faussaire, par exemple, faisait en même temps
deux emprunts garantis par le dépôt de deux certificats
semblables (1).
Le bill de 1894 prévoyait la délivrance d'un certificat
spécial (deposit certilicate), lorsqu'on désirait s'en servir
pour constituer un mortgage équitable. La représenta-
tion de ce certificat était obligatoire à l'occasion de cha-
que transfert, alors que le certificat ordinaire pouvait ne
pas être produit. Ce projet marquait un progrès certain,
mais la délivrance du certificat de dépôt coûtait une cer-
taine somme si la demande n'en était pas faite au moment
de rimmatriculation.
La loi de 1897 s'est inspirée des deux systèmes et de
l'Act Torrens (2) : elle n'a pas créé un nouveau certificat;
elle a seulemenf décidé qu'un certificat foncier devrait
toujours être établi et représenté lors de chaque inscrip-
tion nouvehe sur le Livre foncier. Désormais, le déten-
teur du certificat terrier sera presque certain qu'aucune
transaction ne pourra être conclue sans son consente-
ment. Du reste, pour avoir une sécurité complète, le
prêteur n'aura qu'à donner avis au Registrar du dépôt
effectué entre ses mains. Cet avis aura tous les effets
d'une opposition. Il sera mentionné sur le Livre foncier,
ne pourra être tenu pour nul qu'avec le consentement de
celui qui l'a fait enregistrer, et conférera à cette per-
sonne le droit d'être averti de toute demande déposée au
(1) Rappelons que les formalités pour la délivrance des du-
plicata de certificats étaient à cette époque beaucoup moins ri-
goureuses que depuis 1897.
(2) Cf. S. R. Torrens, op. cit., p. 24.
LES HYPOTHÈQUES 179
Land Registry aux fins d'inscription (1). Les frais de cette
formalité ont été enfin réduits à une somme excessive-
ment minime, car Tarticle 22 § 6 le& a fixés à 1 shilling
au maximum (2). Lorsque l'immatriculation de la pro-
priété grevée a été seulement faite à titre qualifié ou pos-
sessoire, les banquiers continueront à exiger la produc-
tion et le dépôt des titres antérieurs à l'immatriculation.
Les desiderata des banquiers sont donc satisfaits par
la solution législative. Les frais sont très réduits, la rapi-
dité sera très suffisante, car l'enregistrement d'un avis
ne demande pas de longues formalités, la sécurité sera
complète, puisque le dépôt du certificat équivaut en tous
points au dépôt des titres de propriété ; l'avis constituera
pour le prêteur une garantie supplémentaire à celles qui
lui étaient données autrefois ; enfin, comme les hypothè-
ques consenties dans les formes régulières, le mortgage
par nantissement, conférera au créancier un droit réel
opposable à tous les ayants-droit se réclamant d'un titre
postérieur au sien.
A côté des hypothèques, existent toutes les charges
foncières qui peuvent grever un immeuble : les rentes
foncières, annuités, profits à prendre, etc. Les Land
Transfer Acts les ont assimilées aux mortgages et c'est
donc dans les explications qui viennent d'être données
qu'il faut rechercher les conditions de leur création et
leurs effets.
Il nous reste à parler de la radiation de ces divers
droits réels. Le mortgage par nantissement cesse par la
remise au débiteur du certificat terrier; et l'avis inscrit
sur le Livre foncier doit être annulé à la demande du
créancier ou du débiteur; mais celui-ci doit alors pro-
duire un consentement du prêteur.
La radiation des autres charges foncières a lieu géné-
ralement à la requête du débiteur, sur le vu de justifica-
tions suffisantes données par lui au Registrar et l'annula-
(1) Art. 8, § 6, L. T. A., 1897, et art. 243 à 251, General Rules.
(2) Le tarif de 1903 a fixé au maximum légal, 1 shilling, le
coût de cette inscription.
180 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
lion de l'inscription vaut preuve de l'expiration de Fliypo-
Ihèque ou autre charge foncière.
Telle est brièvement résumée la nouvelle législation
hypothécaire anglaise. Elle ne constitue qu'une adapta-
tion des formes anciennes du crédit réel à la législation
des Livres fonciers. Mais cette adaptation n'a pas été
sans modifier, sur beaucoup de points, les pratiques an-
térieures et sans apporter d'heureuses innovations aux
formes jusque-là usitées. Facilités plus grandes données
aux débiteurs pour contracter des emprunts, sécurité
plus complète conférée aux créanciers, tels sont les deux
principaux caractères d'une réforme qui est loin d'être
radicale, mais qui peut néanmoins apporter dans le fonc-
tionnement du crédit hypothécaire d'heureuses trans-
formations. Là encore, nous devons constater que la nou-
velle législation ne donnera pas immédiatement ses pleins
effets. Avant d'apporter dans les transactions hypothé-
caires une clarté et une sécurité absolues, il faudra
attendre que les nombreux titres possessoires aient mûri
et puissent être considérés comme conférant en fait un
droit de propriété irrévocable. Néanmoins, puisque le
législateur anglais était dans l'impossibilité d'obtenir
immédiatement des résultats complètement satisfaisants,
les Livres fonciers peuvent rendre pour les nouvelles
hypothèques de grands services, en créant d'ores et déjà
entre elles un ordre de priorité, et en les soumettant sans
exception à la publicité et à la spécialité, principes sans
lesquels il n'existe pas de crédit hypothécaire sérieuse-
ment assis.
CHAPITRE IX
LES CONVENTIONS NON ENREGISTRÉES RELATIVES AUX
PROPRIÉTÉS IMMATRICULÉES
Les lois sur l'immatriculation ont maintenu la possi-
bilité, pour le propriétaire immatriculé, de transmettre
ou de grever les immeubles inscrits sur les Livres fonciers
par des conventions non enregistrées (1). Leurs effets
sont régis pour partie par les Land Transfer Acts et pour
partie par le droit commun.
Ces conventions comprennent :
1** Tous les actes à titre gratuit passés dans les formes
prescrites par les lois sur l'immatriculation.
2° Tous les actes à titre onéreux passés dans les formes
prescrites par les lois sur l'immatriculation, mais non
complétés par l'enregistrement.
3° Toutes les cessions ou hypothèques à titre gratuit ou
onéreux qui n'ont pas été conclues dans les formes pres-
crites par les lois sur l'immatriculation.
4° Tous les settlements, baux et droits subsidiaires que
les lois foncières ne donnent pas expressément pouvoir
au propriétaire de créer.
Il faut examiner tout d'abord les principes communs à
ces diverses conventions.
Le propriétaire, inscrit sur le Livre foncier à la suite
de l'acquisition à tilre onéreux d'un immeuble immatri-
culé, est investi de la toute propriété et peut certainement
conclure ces divers contrats. Àlais les tiers avec lesquels
il traite, courent un danger contre lequel le registre fon-
cier ne leur donne aucune protection : le propriétaire ins-
crit peut, depuis son acquisition, avoir transmis sa pro-
priété à une autre personne par un acte non enregistré
conclu en vertu de l'article 49 de la loi de 1875. Il a, par
(1) Art. 49, L. T. A., 1875.
182 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
exemple, déjà fait une substitution ou consenti une hypo-
thèque. La possession légale se trouve par là même
transférée à un fidéicommissaire ou à un créancier mort-
gagiste qui peut n'avoir pas jugé utile d'être inscrit sur
le Livre foncier ou de signifier au Bureau d'Immatricula-
tion une opposition ou une restriction. Si le propriétaire
inscrit consent ensuite une vente à X. par acte non enre-
gistré, X. n'acquiert aucun droit contre le fidéicommis-
saire ou le mor [gagiste. Cet acquéreur doit donc deman-
der quelques preuves complémentaires au propriétaire
qui se propose de passer un contrat ne rentrant pas dans
les pouvoirs à lui reconnus par les Land Transfer Acts.
Le complément d'information à recueillir varie suivant
les cas. Tantôt il suffit de s'assurer que le certificat ter-
rier est encore entre les mains du propriétaire ; car un
précédent ayant-droit qui n'aurait pas pris possession de
cette pièce serait réputé négligent et perdrait en consé-
quence le privilège de faire triompher en justice les droits
antérieurement acquis. Tantôt, au contraire, la produc-
tion du certificat terrier ne constitue pas une preuve suf-
fisante, car le* propriétaire peut avoir qualité pour le con-
server par devers lui : tel est le cas du bénéficiaire viager
d'un settlement. Ces conventions restent, en somme, ré-
gies les unes vis-à-vis des autres par les principes juridi-
ques appliqués aux transactions occultes et participent
de leur insécurité.
Mais si les conventions conservent, en vertu de la loi,
une certaine valeur, elles ne peuvent prévaloir contre les
inscriptions valablement opérées sur le Livre foncier, en
vertu d'actes à titre onéreux passés par l'immatriculé.
Les ayants-droit en vertu de ces conventions doivent se
protéger contre des inscriptions qui les léseraient en fai-
sant sur le Livre foncier, telles inscriptions, mentions,
oppositions, défenses ou restrictions qui peuvent être
utiles.
Ceci dit, nous allons envisager successivement les prin-
cipaux actes qui créent des droits en dehors des Livres
fonciers et nous indiquerons comment ils peuvent être
portés à la connaissance des tiers inscrits sur ces Livres.
LES CONVENTIONS NON ENREGISTRÉES 183
§ 1. — Transmissions à titre gratuit opérées conlormé-
ment aux Land Transler Acis.
Lorsque ces transferts concernent des biens immatri-
culés, le changement de propriétaire est le plus (souvent
inscrit sur le registre, afm de rendre cette transmission
opposable aux ayants-droit du propriétaire précédent.
Mais les effets de l'inscription ne sont pas aussi complets
qu'en cas de transferts à titre onéreux. Tandis que, pour
ces derniers, le nouvel immatriculé n'est soumis qu'à
tous les droits, pouvoirs ou charges mentionnées sur le
Livre foncier ou réservées conformément à la loi, l'ayant-
cause à titre gratuit est astreint à respecter tous les droits,
pouvoirs ou charges consenties en vertu de la loi ou en
vertu de l'équité par le précédent propriétaire, même si
ces divers intérêts n'ont pas été enregistrés ou réservés
par une inscription sur le Livre foncier. L'inscription
peut être également attaquée, à raison de toutes les irré-
gularités ou nullités dont l'acte pourrait être entaché (1).
Elle ne saurait notamment prévaloir contre toute récla-
mation basée sur ce que la transmission a été opérée con-
trairement aux règles posées dans la loi sur la faillite (2)
ou sur ce qu'elle a été consentie dans l'intention de se
soustraire aux poursuites de créanciers (3).
Dans ces diverses hypothèses, le registre peut être rec-
tifié sous réserve des droits résultant d'actes à titre oné-
reux consentis par le propriétaire indûment inscrit (4).
La différence de traitement du cessionnaire à titre gra-
tuit et de l'ayant-droit à titre onéreux, s'explique par la
nature des deux contrats intervenus. L'acquéreur a
donné, en échange du droit dont il a été investi, une cer-
taine somme d'argent. Le déposséder serait lui causer
un préjudice et l'exposer à perdre le prix de son acqui-
sition. L'ayant-droit à titre gratuit, au contraire, aug-
(1) Articles 35, 38 et 46, L. T. A., 1875.
(2) Cf. Bankruptcy Act, 1883, art. 47.
(3) St. 13, Elizabeth, c. 5.
(4) Art. 95 à 99, L. T. A., 1875.
184 l'introduction de? LI\RES fonciers en ANGLETERRE
mente son patrimoine sans avoir rien à débourser; il peut
avoir consenti à la transmission pour permettre à un dé-
biteur de se soustraire aux engagements qu'il a pris. Sa
situation est donc moins intéressante que celle de l'ac-
quéreur à titre onéreux.
Sous ces réserves, l'inscription sur le regifStre du ces-
sionnaire à titre gratuit a les mêmes effets que l'inscrip-
tion d'un acquéreur à titre onéreux. L'ancien propriétaire
se trouve dans l'impossibilité de consentir de nouvelles
aliénations. De plus, le propriétaire immatriculé peut
désormais transmettre ou grever le bien, conformément
aux lois sur l'immatriculation. Les actes à titre onéreux
qu'il fera seront, une fois inscrits eux-mêmes sur le Livre
foncier, inattaquables et conféreront aux ayants-droit
une entière sécurité. Car si son titre est entaché d'un vice
quelconque et permet d'exercer contre lui une action en
nullité, ses ayants-cause à titre onéreux sont exonérés
de ce vice. La nullité n'est pas, en effet, une des nullités
radicales qui autorisent en vertu de l'art. 7 de la loi de
1897, la rectification du Livre foncier, mais une simple
nullité relative qui ne saurait avoir d'effets sur des actes
dûment enregistrés.
Les donations sont, sous le régime des Livres fonciers,
exécutées comme une vente ordinaire. L'acte est passé
et le certificat remis au donataire: celui-ci muni de ces
deux pièces requiert son inscription. Le Registrar y pro-
cède après s'être assuré qu'aucune mention portée sur le
registre n'interdit au propriétaire immatriculé de con-
clure un tel acte.
En cas de faillite ou de liquidation judiciaire, le syndic
peut être inscrit à la place du propriétaire déclaré en
faillite ou liquidé judiciairement. Il doit produire, pour
obtenir son inscription, une expédition du jugement de
déclaration de faillite ou d'homologation de la liquida-
tion. Désormais, il aura tous les pouvoirs du propriétaire
pour réaliser l'actif, afin de le répartir entre les créan-
ciers (1).
(1) Art. 43 et 47, L. T. A., 1875; Cédule 1. L. T. A., 1897 et
art. 193 à 200, General Rules.
LES CONVENTIONS NON ENREGISTRÉES 185
A la mort d'un propriétaire, le Registrar doit inscrire
à la place du de cuius, à la demande de tout intéressé, les
personnes qui ont qualité pour être, d'après la loi, inves-
ties de la propriété (1). En vertu de la loi de 1875, le
Begistrar devait rendre, lorsqu'il n'y avait pas de testa-
ment, un véritable jugement attributif de propriété. Il
devait rechercher, en effet, quel était l'héritier qui avait
qualité pour se dire propriétaire et pour se prétendre
saisi de l'immeuble par la mort du de cuius.
La loi de 1897, en créant des administrateurs des suc-
cessions ab intestat, ayant les mêmes pouvoirs que les
exécuteurs testamentaires, a supprimé toutes les difficul-
tés qui se présentaient auparavant. La responsabilité des
attributions d'immeubles incombera maintenant, non plus
au Registrar, mais à ces administrateurs, de même qu'elle
incombait déjà aux exécuteurs testamentaires.
Lorsque le propriétaire décédé était investi en son nom
propre de la propriété, les exécuteurs testamentaires ou
les administrateurs de la succession seront inscrits à la
place du de cnjus sur le vu du jugement d'homologation
du testament ou des lettres d'administration délivrées
par l'autorité judiciaire (2).
Ils procèdent ensuite à la liquidation de la succession
et, lorsqu'elle est terminée, ils mettent les légataires parti-
culiers ou les héritieps en possession des immeubles.
Ceux-ci feront alors inscrire à leur nom les biens-fonds
immatriculés (3). C'est à ce moment que le Registrar doit
s'assurer que tous les droits ont été payés. Dans le cas
où certaines sommes seraient encore dues, il devra le
mentionner sur le Livre foncier {A).
Le plus souvent, l'ouverture d'une succession compre-
nant des droits immobiliers ne donnera pas lieu à cette
double inscription au nom des administrateurs ou exé-
cuteurs testamentaires d'abord, au nom de l'héritier ou
légataire ensuite ; la seconde inscription au nom de l'hé-
(1) Art. 41, L. T. A., 1875.
(2) Art. 183, General Eules.
(3) Art. 3, § 3, L. T. A., 1897.
(4) Art. 210, General Rules.
186 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
ritier ou légataire est seule requise; elle aura alors lieu
sur la production du consentement des administrateurs
ou du jugement d'homologation (1).
Il est probable que comme en Allemagne et en Autri-
che, les mutations de propriété par décès ne seront opé-
rées qu'au moment où le besoin s'en fera sentir; par
exemple à l'occasion de la vente d'un immeuble. A ce
moment, pour faire inscrire le nouveau propriétaire, il
sera nécessaire de faire la preuve des transmissions suc-
cessives qui ont eu lieu depuis la dernière inscription et
pour cela de produire les probate ou les lettres d'admi-
nistration ainsi que les actes de délivrance des adminis-
trateurs ou exécuteurs testamentaires. Si la dernière ins-
cription remonte à une date assez éloignée, ce qui peut
arriver lorsqu'il s'agit d'une propriété patrimoniale con-
servée de générations en générations dans la même fa-
mille, la preuve des droits deviendra peut-être très diffi-
cile à faire. Il est permis de se demander si ces transferts
ne seront pas un jour entravé.s par les preuves à fournir
et s'il n'y aurait pas dans cette disposition des Land
Transfer Acts une lacune qui pourrait être comblée.
§ 2. — Actes à titre onéreux passés dans les formes pres-
crites par les lois sur l immatriculation, mais non en-
registrés.
Ce paragraphe nous retiendra très peu de temps. Nous
avons, en effet, parlé des formes de ces actes à l'occasion
des ventes et des hypothèques. Quant à leurs effets, il y
a lieu de distinguer les droits conférés par actes enregis-
trés et les droits conférés par les actes occultes. Vis-à-vis
des premiers, le bénéficiaire n'aura aucun recours, s'il
n'a pas réservé ses propres droits par une opposition ou
une restriction inscrite au Livre foncier. Vis-à-vis des
droits acquis en vertu d'actes occultes, il aura qualité
pour faire valoir ses titres, si le propriétaire inscrit pas-
sait postérieurement d'autres contrats, contraires au
(1) Art. 185, General Eules.
LES CONVENTIONS NON ENREGISTRÉES 187
premier. Il se trouvera alors dans la situation de l'acqué-
reur ou du créancier mortgagiste, en vertu de conventions
ordinaires, situation examinée au début de ce chapitre.
§ 3. — Conventions à titre gratuit ou onéreux qui n'ont
pas été conclues dans les formes prescrites par les
Land Transfer Acts.
Ces conventions sont entièrement régies, tant par les
lois que par la jurisprudence relatives aux transactions
occultes. Pour pouvoir être opposées à des ayants-droit
à titre onéreux, elles doivent avoir fait l'objet, comme
dans le paragraphe précédent, d'oppositions, de défenses
ou de restrictions avertissant les tiers qui voudraient,
postérieurement à leur conclusion, faire inscrire d'au-
tres actes sur le Livre foncier.
§ 4. — Baux, settlements et autres droits subsidiaires que
les lois loncières ne donnent pas expressément pouvoir
au propriétaire de créer.
L'immatriculation d'un freehold ou d'un leasehold n'a
aucun effet sur la forme des baux, ni sur leur validité.
Le pouvoir de concéder des baux n'appartient pas néces-
sairement, en Angleterre, au propriétaire inscrit sur le
Livre foncier. Lorsqu'un bien est grevé de substitution
notamment, l'immatriculé ne peut pas le plus souvent
donner la terre en location.
Il importe cependant de protéger, d'une part, les béné-
ficiaires de baux contre les actes du propriétaire imma-
triculé, et de l'autre, d'avertir les ayants-droit de ces
propriétaires de l'existence des baux qui ont été consen-
tis. En effet, le louage de biens immobiliers se ressent de
la constitution féodale de la propriété anglaise et revêt le
caractère de véritables contrats emphytéotiques soumis
à certains services fonciers. Assez rares sont en Allema-
gne les baux à très longue échéance. Le décret des 18-29
décembre 1790 (article V^), a interdit, en France, de con-
sentir un bail pour une durée supérieure à 99 ans ou su-
^88 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
bordonné à plus de trois vies humaines. En Angleterre,
au contraire, il existe des locations assez nombreuses su-
bordonnées à plusieurs vies humaines ou à une durée de
999 ans : contrat surtout usité pour la construction sur le
sol d'autrui (œdilicatio inaUeno solo ou building lease).
Quant aux locations de 99 ans pour l'édification de mai-
sons, de 60 ans pour l'exploitation de mines, ils sont en
quelque .sorte d'un usage courant dans la pratique juri-
dique.
Les lois de publicité se sont toujours occupées de ces
baux de longue durée, car ils constituent une restriction
du droit du propriétaire qui, tant qu'ils existent, ne peut
jouir comme il l'entend de son immeuble. Il fallait donc
porter à la connaissance des tiers acquéreurs l'existence
de semblables contrats.
Que fallait-il entendre par baux de longue durée. La
loi belge décide que doivent être considérés comme tels
ceux qui ont été consentis pour plus de 9 ans. La loi
française du 23 mars 1855 a fixé à 18 ans la durée minima
des locations qui doivent être transcrites. Les articles
18 et 50 de la loi de 1875 décident que, pour être oppo-
sables aux tiers acquéreurs, les baux devront être men-
tionnés sur le registre, si leur durée est subordonnée à
une ou plusieurs vies humaines ou excède 21 ans. Les
locations de 18 ans en France sont tout à fait anormales,
celles de 21 ans en Angleterre sont les plus longues qui
soient, en général, usitées pour les biens agricoles ou les
immeubles urbains. Les lois foncières paraissent donc
n'avoir voulu prescrire la mention des baux sur les Livres
fonciers que dans des cas exceptionnels. Cependant, les
locations, mêmes consenties pour moins de 18 ou 21 ans,
peuvent causer un sérieux préjudice à l'acquéreur, dont
la jouissance se trouve contrariée par l'existence du bail
en cours. Sans aller jusqu'aux dispositions, peut-être
trop rigoureuses des décrets coloniaux français qui
exigent l'inscription des baux de plus de 3 ans (1), la
(1) V. notamment art. 183 du décret du 16 juillet 1897, pour
Madagascar; art. 41 'h\ H'^^ret du 28 mars 1899, pour le Congo
français.
LES CONVENTIONS NON ENREGISTRÉES 189
législation belge semble avoir tenu suffisamment compte
des intérêts des tiers, en fixant à 9 ans, la période maxima
pour laquelle aucune transcription n'est requise.
Toutefois, la législation anglaise, qui s'est montrée
trop peu sévère pour les contrats emphytéotiques à long
terme, a introduit, pour les baux de moins de 21 ans, une
distinction qui enlève à la critique, dont elb est l'objet,
une grande partie de sa force. Elle soumet, en effet, à la
formalité de l'inscription, les locations de moins de vingt
et un ans, lorsqu'il n'y a pas occupation en vertu de ces
locations. Cette prescription se trouvait déjà formulée
dans la loi prussienne de 1872. Les locations ne devaient
être inscrites, en vertu de l'art. 12 de cette loi, que s'il
n'y avait pas prise de possession de l'immeuble par le
locataire. En effet, lorsqu'il y a occupation, une simple
visite des lieux suffit pour se rendre compte de l'exis-
tence d'une location et lacquéreur, ainsi averti, peut s'en-
quérir auprès du vendeur de la durée et des conditions
du bail consenti. Au contraire, lorsqu'il n'y a pas occu-
pation, la publicité du contrat est le seul moyen donné à
l'acquéreur d'en connaître la passation et les termes. Le
législateur anglaiis avait subordonné l'obligation d'ins-
crire les baux à une durée trop longue de ceux-ci ; il a
apporté, par cette nouvelle disposition, un correctif né-
cessaire et suffisant aux prescriptions qu'il venait d'édic-
ter.
Le preneur doit, pour faire inscrire la mention de ses
droits sur le Livre foncier, produire la convention et une
copie certifiée de celle-ci, un plan de l'immeuble loué
ainsi que le consentement écrit du propriétaire immatri-
culé. Si le propriétaire immatriculé se refuse à permettre
qu'il soit procédé à l'inscription, le preneur peut s'adres-
ser à la Cour, en vue d'obtenir l'autorisation de faire
mentionner l'existence de son bail sur le Livre foncier.
Après examen de la demande, la Cour peut, par une
ordonnance, prescrire au Registrar de passer outre au
refus du propriétaire immatriculé. La mention faite sur
le registre indique seulement la durée et les principales
conditions de la location, se référant pour le reste à la
190 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
copie certifiée du bail et au plan y annexé qui sont con
serves au Bureau d'immatriculation (1).
La mention du bail sur le Livre foncier ne confère au
preneur aucun autre droit que ceux qu'il peut avoir en
vertu de son contrat. La validité du bail lui-même dépend
en effet du pouvoir du bailleur à le concéder ; or, le re-
gistre foncier ne peut pas, ainsi que nous l'avons vu,
donner l'assurance que le propriétaire immatriculé
bailleur a qualité pour faire une telle convention : celle-ci
en effet ne rentre pas dans la catégorie des actes qui lui
sont réservés par les Land Transler Acts. Le preneur
doit donc ne pas se fier complètement aux énonciations
du Livre foncier et rechercher si le propriétaire imma-
triculé peut lui concéder un bail ou s'il ne s'est pas déjà
dessaisi du droit de le concéder en faveur d'une tierce
personne. La mention du bail ne sauvegarde les droits
du preneur que contre les actes faits par le propriétaire
en vertu de ses pouvoirs légaux et dûment enregistrés.
Les lois sur l'immatriculation ont ainsi tenu compte
des situations juridiques toutes spéciales qui se rencon-
trent dans le droit civil anglais, de ces démembrements
de propriété qui enlèvent au propriétaire apparent la plu-
part de ses privilèges pour les confier à des tiers fidéi-
commissaires ou bénéficiaires.
La constitution des settlements, qui ne rentre pas non
plus dans les pouvoirs spéciaux des propriétaires imma-
triculés, est soumise à toutes les règles de la législation
antérieure. La propriété grevée peut être inscrite au nom
du bénéficiaire viager, des fidéicommissaires ou de ceux
qui, en vertu de l'acte, peuvent posséder sur ce bien le
droit d'en disposer. La protection dés droits créés par la
substitution a lieu par mention sur le Livre foncier de
toutes défenses ou restrictions utiles. Le fidéicommis-
saire, ou à son défaut le Registrar, est chargé de veiller
à l'accomplissement de cette formalité. Le plus souvent
l'acte de settlement ou une copie certifiée est déposée au
(1) Art. 50 et 51, L. T. A., 1875, et art. 201 à 206, General
Rules.
LES CONVENTIONS NON ENREGISTRÉES 191
Bureau d'immatriculation, afm de permettre aux inté-
ressés de s'y référer lorsqu'ils le jugent à propos. Mais
le dépôt de l'acte de settlement ne saurait avoir pour effet
d'entacher de nullité l'inscription d'un ayant-droit à titre
onéreux qui n'aurait pas été averti par une mention
expresse sur le Livre foncier des restrictions apportées
par la substitution aux pouvoirs du propriétaire imma-
triculé (1).
La loi civile anglaise reconnaît enfin deux droits via-
gers d'une nature spéciale : le douaire et la courtoisie.
Le douaire est un usufruit reconnu au profit de la
femme sur le tiers des biens du mari. Le contrat de
mariage ou, en son absence, un acte entre vifs ou testa-
mentaire peut modifier cette proportion. Le douaire doit
être garanti par une inscription sur le Livre foncier con-
tre les transmissions ou hypothèques contractées par
l'immatriculé.
La courtoisie (tenure by the courtesy ol England) est
un droit viager sur les biens de la femme, droit concédé
au mari qui a eu, au cours de son mariage, un enfant né
vivant. A la différence du droit de douaire, la courtoisie
confère au bénéficiaire le pouvoir de vendre les immeu-
bles sur lesquels elle existe. Le mari survivant peut donc
demander à être inscrit sur le Registre terrier aux lieu
et place de sa femme. Dans ce cas, mention doit être faite
de telles défenses ou restrictions qui peuvent être utiles
pour avertir les tiers de l'existence de la courtoisie.
Mais le bénéficiaire se contente le plus souvent de
réserver, par une inscription semblable à celle opérée en
cas de douaire, les droits qu'il peut faire valoir sur les
immeubles immatriculés (2).
Tels sont les moyens donnés par les Land Transfer
Acts aux divers intéressés pour porter à la connaissance
des tiers un certain nombre d'actes ou de faits de nature
à leur conférer des droits sur les propriétés inscrites au
(1) Art. 6, § 3, 6 et 7, L. T. A., 1897.
(2) Art. 52, L. T. A., 1875. V. pour le douaire et la courtoi-
sie, Lehr, op. cit., p. 104.
192 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
Livre foncier. La reconnaissance légale de la validité
de ces conventions, présente plusieurs inconvénients.
Elle tend à perpétuer l'existence des transactions occul-
tes que tout le monde est unanime à condamner, mais
que les hommes de loi, routiniers et conservateurs, con-
seilleront longtemps encore d'employer. Elle maintient
ainsi dans la circulation générale des droits de propriété
peu sûrs et paralyse les effets de la réforme précédem-
ment adoptée.
De plus, elle peut avoir sur la constitution et le fonc-
tionnement des Livres fonciers les plus déplorables effets.
L'une des qualités par lesquelles se recommande le Re-
gistre terrier est la possibilité de connaître, par la simple
inspection du feuillet, les droits du propriétaire et l'éten-
due de sa propriété. Les mentions, les restrictions, les
défenses et les oppositions sont, semble-t-il, de nature
à rendre les recherches plus difficiles et plus longues.
Plus difficiles, car il faudra en déterminer la portée et
se référer à des actes, dont le contexte n'est pas indiqué
sur le feuillet ; plus longues, car elles impartissent, pour
la plupart, des délais à observer en même temps qu'elles
contraignent les parties à prendre à l'extérieur des ren-
seignements indispensables.
Le Livre foncier idéal devrait permettre, sur simple
production du certificat terrier et après constatation de
la concordance de ce document et du Livre foncier, la
conclusion immédiate de la vente ou de l'hypothèque. Le
Livre foncier anglais est loin d'aboutir à une pareille sim-
plicité. Il est vrai qu'il fallait tenir compte de l'existence
de multiples droits aux formes les plus variées, aux con-
séquences les plus imprévues, aux manifestations les plus
complexes. Le droit civil anglais^ plus qu'aucun autre
droit, rendait délicate la tâche d'un législateur qui vou-
lait, sans rompre avec des tradictions en quelque sorte
sacro-saintes, faire cadrer le nouveau régime avec les
institutions anciennes.
En conférant à l'immatriculé un pouvoir très étendu et
en reconnaissant la validité erga omnes des contrats à
titre onéreux passés par lui, les Land Transfer Acts ont
LES CONVENTIONS NON ENREGISTRÉES 193
déjà gravement modifié la législation antérieure. D'im-
portants effets peuvent en être attendus, non seulement
pour le fonctionnement des Livres fonciers, mais aussi
pour la transformation des mœurs juridiques du pays.
Le libre exercice, par le propriétaire, des pouvoirs à lui
conférés par les lois foncières, paraîtra bientôt au public
être la situation normale de la propriété. Une évolution
lente et une éducation progressive feront peut-être dis-
paraître peu à peu ces démembrements étranges des
droits immobiliers qui rendaient autrefois si difficiles les
transmissions et qui ont contraint le législateur de 1875
et de 1897 à apporter à sa réforme des tempéraments
qui l'ont, sur certains points, défigurée. Alors, le Livre
foncier anglais, débarrassé de toutes les entraves ac-
tuelles, égalerait en clarté et en simplicité les Livres
fonciers des autres pays.
i'd
CHAPITRE X
LA PRESCRIPTION ET LES LIVRES FONCIERS.
Les lois civiles anglaises admettaient encore un moyen
d'acquérir la propriété : la prescription. La prescription
était acquisitive lorsqu'elle établissait sur une propriété
des droits jusqu'alors inexistants ; elle était libératoire,
lorsqu'elle faisait disparaître des charges grevant la pro-
priété.
Des raisons pratiques militent en faveur de ce mode
d'acquisition ou de libération de la propriété dans un
système de transactions occultes. La possession certaine
et prolongée est, en effet, la base la plus fréquente des
droits de propriété sur un immeuble. La prescription
permet de repousser les revendications diverses en invo-
quant la continuité et la durée de cette possession. Elle
n'a pas été accordée en faveur du détenteur qui, il faut
bien le dire, soustrait par des moyens plus ou moins lé-
gaux une partie de ses biens au véritable propriétaire.
Elle a été concédée exclusivement dans l'intérêt des tiers
de bonne foi qui sont mis ainsi à l'abri de procès rui-
neux, soit qu'ils se voient contester leurs titres, soit
qu'ils soient poursuivis en exécution d'engagements pris
par les propriétaires antérieurs. Le principe qui a fait
admettre la prescription repose donc sur un intérêt gé-
néral, sur la nécessité de prévenir les débats judiciaires
en même temps que sur l'utilité de libérer les biens-fonds
de charges qui en diminuent la valeur et en restreignent
la jouissance.
Mais les motifs, que l'on peut faire valoir en faveur de
la prescription, perdent singulièrement de leur force lors-
que les transactions immobilières reposent sur les Li-
vres fonciers. Toute convention doit avoir été inscrite
pour être opposable aux propriétaires de bonne foi, et
l'inscription vaut titre en matière immobilière, comme la
LA PRESCRIPTION ET LES LI\ RES FONCIERS 195
possession des meubles vaut titre en matière mobilière.
La publicité attachée aux Livres fonciers, la certitude
conférée par eux rendent inutile la consécration d'une
base différente des droits de propriété, d'un mode d'ac-
quisition ou de libération juxtaposé au régime des con-
trats reconnus par la loi. L'on peut même dire que la pres-
cription ne devient pas seulement superflue grâce à l'im-
matriculation, mais qu'elle est encore destructrice de ses
effets. (( Ce ne serait pas la peine, a-t-il été dit, d'avoir mis
un terme à tant d'incertitudes, à tant d'inconvénients
pour laisser subsister précisément le plus criant des
abus visés, la destruction de la propriété mise à la merci
d'une invasion sûrement indue ; c'est c|ue, pour parler
anglais si vous le permettez, le possesseur est un outlaw
et qu'étant par nature hors le droit, hors le droit il doit
rester. C'es«t qu!enfin l'inscription ayant été imaginée
pour servir d'abri à ceux qui y recourent et qui peuvent
y prétendre, elle doit se montrer inexorable vis-à-vis de
ceux qui cherchent nécessairement en dehors d'elle le
point d'appui de leurs prétentions (1). » Avec l'immatricu-
lation, il n'y a plus que des possesseurs de mauvaise foi
car tout le monde peut consulter le Livre foncier et con-
naître le véritable propriétaire. La nouvelle législation
ne pouvait donc pas conserver une institution contraire
à la fois aux nouveaux principes établis par elle et à la
moralité des transactions.
L'article 12 de la loi de 1897 supprime la prescription:
(( Un titre à la propriété d'une terre enregistrée contraire
ou dérogeant; au titre du propriétaire inscrit ne sera
acquis par aucune prescription. Le propriétaire inscrit
peut, à toute époque, faire procéder à une inscription
ou intenter une action de nature à le remettre en posses-
sion de son immeuble. »
Aucune personne ne peut donc se réclamer d'une pres-
cription commencée postérieurement à l'immatriculation
d'un immeuble.
Il y a lieu cependant de distinguer quels sont les droits
(1) WoRMS, Comm. oxtrap. du cad. Proc.-rerb., T. II, p. 637.
100 l'introduction des Livres fonciers en Angleterre
qui ont été prescrits. L'immatriculation, ainsi qu'il a été
dit, ne garantit pas le plus souvent, les limites de la pro-
priété. Celles-ci sont exceptées des effets de l'inscription
sur le Livre foncier. Il en résulte que les propriétaires
voisins peuvent continuer à modifier par une possession
de longue durée les tenants et les aboutissants de leurs
immeubles. Néanmoins, si les limites avaient été, ainsi
que cela est possible, exactement déterminées au mo-
ment de l'immatriculation ; elles jouiraient de la même
imprescriptibilité que les autres parties de l'immeuble.
Tout redressement de limites devra être dans ce cas con-
signé sur le registre, ce qui mettra fm à la pratique fré-
quemment usitée par les propriétaires d'échanger pour
les rectifications de délimitation une simple promesse que
la prescription se chargeait de rendre valable : source
de procès d'autant plus difficiles à juger que les titres
faisaient défaut.
Mais la date à partir de laquelle la prescription est
invoquée, peut remonter à une période antérieure à l'im-
matriculation. Il y a lieu dans ce cas de combiner les
dispositions de l'aiiicle 12, d'une part, avec les disposi-
tions de l'article 18, § 7, de la loi de 1875, modifié par la
cédule 1 de la nouvelle loi. En effet, en vertu de ce der-
nier texte, sont réservés, au moment de l'immatriculation,
les droits acquis ou en instance d'être acquis en vertu des
lois sur la prescription (1). La loi de 1897 a en consé-
quence prévu que dans le cas où le propriétaire imma-
triculé laisserait, sans protester et faire valoir ses droits,
s'accomplir la durée normale de la prescription, le pos-
sesseur qui aura prescrit pourra demander la rectifica-
tion du Livre foncier et faire transférer à son nom la
propriété prescrite. Cette règle souffre toutefois une ex-
ception. Si le propriétaire inscrit consent une cession à
titre onéreux avant la fm de la prescription, l'acte ainsi
passé et enregistré aura pour effet d'interrompre la pres-
cription et empêchera désormais d'intenter toute action
en revendication basée sur une possession de longue du-
(1) Real Property Limitation Acts, 1833 et 1874.
LA PRESCRIPTION ET LES LIVRES FONCIERS 197
rée. L'acquéreur à titre onéreux ne peut, en effet, d'après
les Land Transfer x\cts, se voir opposer que les droits
inscrits sur le Livre foncier.
La 'prescription ne peut donc plus être considérée
comme un moyen juridique d'acquisition de la propriété;
sa suppression en Angleterre, est conforme au principe
de l'incommutabilité des Livres fonciers et, avant la loi
anglaise la plupart des législations étrangères, avaient
décrété son abolition (1). Il y a lieu toutefois de remar-
quer que Tun des pays où les registres d'immeubles ont
été le plus anciennement établis, l'rVutriche, a maintenu
le principe de la prescription et a prévu les formalités
nécessaires pour permettre la rectification des registres
terriers (2).
Cette disposition est basée sans doute sur l'idée que
le propriétaire qui abandonne son bien au premier oc-
cupant, n'est pas intéressant et que le possesseur même
de mauvaise foi, qui fait rapporter à la terre ce qu'elle
est capable de produire, mérite, dans l'intérêt général,
d'être l'objet d'une certaine protection. Néanmoins, le
Livre foncier est destiné non seulement à donner une as-
siette solide à la propriété, mais aussi à prévenir le plus
possible les litiges que la jouissance des biens-fonds peut
faire naître. Permettre à certaines personnes d'entrer en
lutte « avec les positions que la comptabilité assigne et
au besoin éternise (3) », est ouvrir de nouveau à ces con-
testations la porte du prétoire et restreindre les services
que les Livres fonciers sont appelés à rendre.
(1) V. Code prussien de 1794. l^^-^ Partie, ch. 9, art. 500 à 669;
loi prussienne du 5 mai 1872, art. 6 et 7 ; loi saxonne n° 63
de 1843, art. 2; art. 39, D., 28 mars 1899 pour le Congo français.
(2) V. Loi du 25 juillet 1871, art. 69 et 70 consacrant les ar-
ticles 1451 à 1500 du Code Civil de 1811.
(3)W0RMS, Comm. extrap. du cad. Proc.-verb., T. Il, p. 524.
CHAPITRE XI
LE FONDS D ASSURANCE
L'immatriculation des immeubles ou les inscriptions
postérieures peuvent léser les intérêts des propriétaires
ou de leurs ayants-droit. Tantôt l'omission d'une forma-
lité quelconque, le retard apporté par le conservateur
à faire une inscription détermineront une perte pécu-
niaire ; tantôt un concours de circonstances malheureu-
ses mettront en défaut la perspicacité la plus clairvoyante
ou rendront inutiles les plus rigoureuses prescriptions;
tantôt enfin, un habile faussaire trompera les fonction-
naires du bureau d'immatriculation par la production de
documents supposés. Bien que la nouvelle procédure ap-
porte dans Jes transactions immobilières une sécurité
jusqu'alors inconnue, il subsiste un minimum de chances
d'erreur avec lequel il faut vivre et qu'aucune mesure lé-
gislative ne saurait prévenir.
Des propriétaires qui ont demandé l'immatriculation
de leurs propriétés, des contractants qui ont requis con-
formément à la loi leur inscription sur le Livre foncier
peuvent se voir priver de la jouissance de droits qu'ils
avaient légitimement acquis. Le principe de l'incommu-
tabilité des mentions portées sur les registres immobi-
liers leur interdit, en effet, d'intenter une action en re-
vendication des droits dont ils sont dépossédés. Une sim-
ple action personnelle contre l'auteur du préjudice leur
est donnée pour se récupérer de la perte qu'ils subissent,
réparation souvent illusoire car ils se trouveront en pré-
sence d'un insolvable ou ils se heurteront à la difficulté
de prouver la responsabilité de celui qu'ils attaquent;
moyen même quelquefois impossible, car l'erreur initiale
n'a pas été commise par un particulier, mais est le fait
d'un des fonctionnaires chargés de la tenue des Livres
fonciers.
LE FONDS d'aSSIRAXCE 199
Fallait-il laisser les propriétaires dans cette situation
fâcheuse ? Après leur avoir promis monts et merveilles,
fallait-il se retrancher derrière l'imperfection propre à
toute œuvre humaine pour excuser les défauts révélés
par la pratique et pour abandonner à leur malheureux
sort ceux qu'un hasard regrettable aurait frappés ? N'y
avait-il pas lieu surtout de prévoir que les fautes commi-
ses par les conservateurs dans l'exercice de leurs fonc-
tions ouvriraient aux intéressés le droit d'intenter une
action en dommages-intérêts contre ceux-ci ?
La législation d'Autriche-Hongrie n"a pas cru possible
de rendre responsables de leurs actes les conservateurs;
ces fonctionnaires judiciairey participent à l'immunité
conférée aux membres des tribunaux. Leurs décisions
sont assimilées aux autres jugements et comme tels ne
donnent, à ceux qui sont lésés, droit à aucune indemnité
en cas d'erreur.
Mais la plupart des autres lois foncières n'ont pas
suivi cet exemple. Sans rappeler les principes de notre
Code Civil qui rendent les conservateurs des hypothè-
ques responsables de l'exactitude des mentions portées
sur les registres des transcriptions ou des inscriptions,
la loi prussienne a autorisé l'exercice d'une action en in-
demnité dirigée contre le Grundbuchrichter qui a, par
son fait, causé le préjudice, et la loi tunisienne du
15 mars 1892 a adopté ce système (1).
Mais quelquefois la responsabilité encourue par le
fonctionnaire est de beaucoup supérieure à son caution-
nement ou même à sa fortune. Le propriétaire ne trouve
donc, dans la garantie offerte par la loi, qu'un moyen in-
suffisant de se couvrir de ses pertes. Aussi la loi prus-
sienne reconnaît aux intéressés, le droit de recourir con-
tre l'Etat, lorsque le fonctionnaire est insolvable. Au lieu
d'une action subsidiaire, la loi 'd'Alsace-Lorraine du
22 juin 1891 a même donné aux parties lésées, une ac-
tion directe contre l'Etat. Lui seul doit être mis en cause
et décide s'il doit demander au fonctionnaire le rembour-
sement de l'indemnité à laquelle il est condamné.
(1) De même dans les Décrets des Colonies françaises.
200 l'iNTRODI CTION HKS LIA RES FONCIERS EN ANGLETERRE
L'application de cette conception de la responsabilité
de l'Etat, à raison d'un acte de la puissance publique,
soulevait en Angleterre deux objections, une objection
théorique et une objection pratique.
Une objection théorique, car c'est un principe fonda-
mental du droit public anglais que le roi ne peut faire
aucun tort : the King can do no wrong (1). Le roi, person-
nifiant ici l'Etat, ne pouvait donc être actionné en dom-
mages-intérêts à raison des fautes de ses agents. L'ob-
jection pratique, présentée contre la responsabilité de
l'Etat, consistait à faire remarquer qu'en imposant à la
collectivité le paiement d'indemnités, on taxait le public
au profit de quelques propriétaires; on employait les de-
niers du Trésor dans un intérêt purement privé (2).
Mais le propriétaire auquel était ainsi refusée une ac-
tion directe contre l'Etat, pouvait-il tout au moins exer-
cer contre les fonctionnaires du Bureau d'immatricula-
tion le recours qui lui était reconnu par d'autres légis-
lations ? En principe, les fonctionnaires anglais sont res-
ponsables de leurs actes ; mais la jurisprudence a ap-
porté de graves restrictions lorsqu'il s'est agi de recon-
naître leur responsabilité. Il ne suffit pas, en effet, qu'ils
aient commis des fautes, des illégalités, il faut que ces
fautes soient lourdes, et qu'une véritable culpabilité
puisse être relevée contre eux (3). Toutes les erreurs ou
toutes les omissions qui auraient pu être imputées aux
fonctionnaires du Bureau d'im.matriculation ne suffi-
saient pas par conséquent pour les faire condamner par
les tribunaux à des dommages-intérêts envers les per-
sonnes lésées.
L'application des principes du droit public anglais au-
rait conduit à consacrer une situation analogue à la si-
(1) Cf. Laferrière, Traité de la Juridiction administrative,
2^ édition, T. I, p. 113 et suiv. Serjeant Stephen, T. III, 9^ édi-
tion, p. 666.
(2) Cf. Wolstenholme, Papier lu devant la Société Juridique
le 10 mars 1862, (vol. II, p. 538 des Comptes rendus de la So-
ciété), cité par Brickdale, Registration of title to Land, p. 48.
(3) Laferrière, op. cit., p. 115.
LE FONDS d'assurance 201
tuation des propriétaires autrichiens. Le plus souvent ils
n'auraient pu exercer que le seul recours contre l'auteur
du délit ou quasi-délit civil.
La législation australienne, régie par la même juris-
prudence, avait jugé nécessaire de déroger aux usages
habituels et de conférer au propriétaire, lésé dans ses
droits, une action en dommages-intérêts exercée contre
l'Etat. Mais reconnaissant qu'il ne pouvait être question
d'imposer au Budget public, le paiement de ces indemni-
tés, elle avait créé un Fonds d'assurance alimenté par un
versement minime, imposé aux propriétaires au moment
de chaque opération. L'Etat, n'était donc pas, à propre-
ment parler, responsable ; il n'était actionné que comme
représentant, ou negotiorum gesior de tous les proprié-
taires, qui constituaient entre ses mains un fonds de ré-
serve et le chargeaient de le gérer. C'était, en quelque
sorte, la constitution d'une assurance mutuelle d'Etat.
Le Trésor public n'intervenait que pour avancer au Fonds
d'assurance le montant des indemnités qui dépasseraient
les ressources dont celui-ci pouvait disposer.
La loi de 1875 n'avait pas cru devoir suivre cet exem-
ple et avait laissé les propriétaires dans la situation quel-
que peu dangereuse, résultant pour eux de l'application
du droit commun. Peut-être le législateur avait-il éprouvé
la crainte manifestée par un auteur, et avait-il pensé
« que dans les pays de vieille civilisation où des droits
touffus et enchevêtrés ont poussé sur la terre, l'Etat ne
pourrait s'obliger à une semblable garantie sans courir
de gros risques (1) ». Mais ce système présentait de multi-
ples inconvénients. Les fonctionnaires sachant qu'une
faute ou une erreur pouvait irrévocablement priver le
propriétaire véritable de ses biens exigeaient des preu-
ves si minutieuses et si complètes que le coût et la durée
des recherches étaient sensiblement augmentés. Bien au
contraire, dans les colonies australiennes, grâce au Fonds
d'assurance « le Registrar, afin de hâter l'expédition des
affaires, est autorisé à courir un risque d'erreur (2) »,
(1) Gide, op. cit., p. 300.
(2) Further report on Australasian Colonies, 1881, p. 152.
202 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
Aussi lorsqu'il fut question d'apporter des modification^!
à la loi de 1875, les divers bills proposèrent toujours la
création d'un Fonds d'assurance à l'instar de l'Australie,
L'article 21, § 1, de la loi de 1897 a créé en conséquence
un fonds de garantie.
Plusieurs moyens pouvaient être' employés pour le
constituer. Il était possible comme en Australie de per-
cevoir à l'occasion de chaque inscription une prime sur
la valeur de la transaction. Fixée à 1/2 denier par livre
sterling, soit environ 2 0/00, cette taxe avait largement
suffi à indemniser les quelques propriétaires qui avaient
été lésés. Le rapport sur l'application de l'Act Torrens
dans les colonies paru en 1881 indiquait les résultats sui-
vants: Dans l'Australie du Sud, en 22 ans, deux titres seu-
lement avaient été annulés et une seule indemnité de
80 liv. st. avait été payée, le Fonds d'assurance s'élevait
à cette époque à plus de 40.000 livres sterlings; au
Queensland où le système était en vigueur depuis 18 ans
et demi aucun titre n'avait été annulé, 1.500 livres ster-
lings avaient été payées à titre de dommages-intérêts el
le Fonds d'assurance dépassait 11.000 livres sterlings.
La Tasmanie, après 18 ans d'expérience, possédait un
fonds de 3.600 livres sterlings (1), sur lequel aucun pré-
lèvement n'avait encore été opéré. Dans la colonie de
Victoria un titre annulé avait donné lieu à une indemnité
de 924 livres; enfin dans les Nouvelles-Galles du Sud et
Nouvelle-Zélande, les fonds d'assurance montant respecr
tivement à 38.000 et 26.600 livres sterlings n'avaient ja-
mais été assignés en réparation de dommages
M. Brickdale, dans son Livre paru en 1886, Registra-
tion of Title to Land, avait préconisé l'adoption en Angle-
terre d'un système analogue. Le propriétaire aurait fixé
lui-même la valeur de son immeuble, la prime aurait été
perçue sur ce chiffre et le propriétaire n'aurait jamais pu
réclamer que la somme ainsi indiquée par lui. L'opéra-
tion aurait revêtu, dans ce cas, le caractère d'un vérita-
ble contrat d'assurance.
(1) Le taux de la. prime en Tasmanie est seulement de 1/4 d.
par liv. st., soit environ 1 0/00.
LE FONDS d'assurance 203
Ce système ne fut cependant pas suivi. Au moment où
le public se plaignait déjà des frais trop élevés de l'imixi^-
triculation, il n'était pas opportun d'imposer aux pro-
priétaires qui allaient être obligés d'immatriculer leurs
immeubles, des taxes supplémentaires même minimes.
Le législateur se borna à décider que le Fonds d'assu-
rance serait formé par un prélèvement opéré chaque an-
née sur les excédents de recettes du Bureau d'immatri-
culation (1). C'est, en somme, faire payer d'une façon
détournée aux Landlords la garantie qui leur est don-
née. Les tarifs seront légèrement surélevés pour équiva-
loir à la prime d'assurance perçue en Australie. Les en-
seignements que l'on pouvait tirer des expériences faites
dans les colonies anglaises permettent d'ailleurs de
supposer que ces prélèvements n'auront pas besoin d'être
importants.
Mais avant qu'il ait été possible avec ces prélèvements
de constituer un fonds de réserve capable de satisfaire
au paiement de toutes les indemnités, une responsabilité
considérable peut avoir été encourue par le Bureau
d'immatriculation et celui-ci peut se trouver dans l'im-
possibilité de payer les dommages-intérêts auxquels il
peut être condamné. Certaines législations ont admis que
le Fonds d'assurance pouvait ainsi faire en quelque sorte
faillite et qu'en présence de son insolvabilité temporaire,
ses créanciers perdaient leur droit à indemnité. La loi
tunisienne de 1885 disposait à cet effet que le tribunal, ne
pourrait jamais allouer une indemnité supérieure aux
deux tiers des sommes acquises au Fonds d'assurance au
jour du jugement (2). Cette limitation était certainement
plus théorique que pratique. Néanmoins, elle aurait pu
produire sur le public anglais le plus déplorable effet, en
paraissant enlever aux intéressés la garantie à laquelle
(1) Art. 21, § 1, L. T. A., 1897.
(2) Art. 40, L. l^'" juillet 1885. Les dispositions relatives au
fonds d'assurance ont été abrogées par la loi du 15 mars 1892.
Les erreurs ont paru tellement insignifiantes qu'il n'a pas sem-
blé utile de maintenir le fonds d'assurance. Cette décision est
à notre avis plutôt malheureuse.
204 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
ils avaient qualité de prétendre. Aussi le législateur de
1897, reproduisant presque textuellement les termes des
lois australiennes, a admis qu'en cas d'insuffisance du
Fonds d'assurance, le Trésor public lui avancerait les
sommes nécessaires pour lui permettre de faire face à
ses engagements. Ces avances seront récupérées sur les
bénéfices postérieurs du Land Registry (1). Cette garan-
tie qui sera, autant qu'on peut le prévoir, plutôt morale
que réelle se justifie par deux raisons principales : l'im-
matriculation est sans doute, par son but immédiat, fa-
vorable aux propriétaires ; mais par ses effets indirects
elle exerce sur la richesse générale du pays une influence
certaine. Il y a donc un intérêt supérieur à assurer le
bon fonctionnement de l'immatriculation : la certitude,
donnée à un propriétaire évincé, de recevoir la compen-
sation qui lui est due, est une des conditions les plus im-
portantes de l'adoption et de l'emploi des Livres fonciers
par les Landlords. De plus le Land Registry, adminis-
tration de l'Etat, régi par des lois ou des règlements faits
par les autorités de l'Etat, peuplé de fonctionnaires de
l'Etat, doit donner la garantie de l'Etat aux propriétai-
res, comme juste compensation de l'ingérence des pou-
voirs publics dans les affaires privées. Néanmoins, la
consécration en cette matière de la responsabilité sub-
sidiaire et illimitée du Trésor n'est pas l'une des innova-
tions les moins curieuses de la loi de 1897. Elle substitue
à l'irresponsabilité de droit commun de l'Etat à raison
des actes de ses agents, la notion plus équitable de l'in-
demnité payée par hii pour les mesures prises par ses
fonctionnaires au préjudice de leurs concitoyens.
Le principe du Fonds d'assurance se trouvant ainsi éta-
bli, il y a lieu de se demander dans quelles conditions
les particuliers peuvent faire valoir leurs réclamations.
Toute personne, qui se trouve lésée par une erreur ou
une omission existant sur le registre ou par une inscrip-
tion obtenue par suite d'une faute ou d'une fraude, peut
obtenir une indemnité lorsque le registre ne peut pas en
(1) Art. 21, § 2, L. T. A., 1897. ■-
LE FONDS d'assurance 205
vertu des lois sur l'immatriculation être rectifié (1). La
loi de 1897 a donc consacré l'incommutabilité des ins-
criptions prises sur les Livres fonciers. Cette disposition
n'a cependant pas été adoptée sans avoir donné lieu à de
vives discussions. Certains jurisconsultes auraient voulu
voir, en effet, le propriétaire frustré de son bien restitué
dans sa propriété ; ou tout au moins ils auraient désiré
que l'autorité judiciaire soit appelée, suivant les cas, à
décider s'il y avait lieu à rectification du registre au pro-
fit de la victime de l'éviction. Les personnes inscrites à
tort sur le Livre foncier auraient alors reçu l'indemnité
pécuniaire, réservée aujourd'hui au véritable proprié-
taire.
Les partisans de la restituiio in integrum faisaient va-
loir que, dans un pays déjà vieux, les bâtiments d'exploi-
tation ont une grande valeur et existent en général depuis
de longues années ; chaque mètre carré du sol a été
amélioré par les générations successives qui l'ont défri-
ché ou drainé, qui y ont apporté des engrais ou ont re-
boisé des endroits jusque-là nus et arides ; chaque pro-
priétaire est attaché au coin de terre qu'il possède par
un long passé de souvenirs et les biens-fonds ont, outre
leur valeur marchande et propre, une valeur arbitraire,
une valeur de convenance qui tient compte de tous les élé-
ments matériels et de tous les éléments moraux. Est-il
possible de compenser exactement la perte d'un morceau
de terre par le don d'une somme d'argent ? Est-il possible
de comparer à cette valeur sociale une valeur purement
vénale ? Et l'on proposait de rendre au véritable proprié-
taire la terre dont il avait été provisoirement dépouillé
et de donner l'argent au tiers acquéreur.
D'autres personnes faisaient avec juste raison remar-
quer que, dans certains cas, le tiers détenteur est depuis
déjà longtemps en possession de l'immeuble, lorsque la
réclamation se produit. Il peut avoir fait lui aussi des
dépenses considérables d'améliorations ou de construc-
tions ; il peut avoir modifié à tel point l'aspect de la pro-
(1) Art. 7, § 1, L. T. A., 1897.
206 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
priélé que celui pour lequel on demande une sorte de
prééminence ne reconnaisse plus son bien ou tout au
moins ne puisse plus le faire servir à la destination qu'il
avait antérieurement. Ce propriétaire évincé n'a-t-il pas
en quelque sorte mérité le préjudice qui lui est causé, en
laissant un autre individu prendre possession de son im-
meuble et y faire des changements considérables ? N'est-
il pas plus juste dans ces conditions de donner à l'auto-
rité judiciaire le droit de statuer suivant les circonstan-
ces et suivant l'équité et d'accorder la propriété à la
partie qui y aurait le plus d'intérêt ? Telles étaient les
raisons invoquées en faveur de ce système, lorsqu'il fut
proposé dans les bills de 1887, 1888 et 1893.
Mais les partisans du système australien qui accorde
toujours l'indemnité à l'évincé faisaient valoir que l'im-
muabilité des inscriptions donnerait seule au public en-
tière confiance dans les Livres fonciers ; seul ce système
encourage par la sécurité l'emploi des capitaux aux amé-
liorations foncières, seul il donne à certaines parcelles
dont les titres sont irréguliers ou insuffisants leur va-
leur intrinsèque, en permettant à celui qui les achète de
construire sur leur surface des maisons de rapport (1) ;
seul, enfin, il facilite les transactions immobilières en
simplifiant les recherches des parties sur la validité des
titres produits.
Tout en adoptant ce dernier système, le législateur
anglais a apporté au principe de l'incommutabilité des
Livres fonciers deux restrictions. Les registres peuvent
être rectifiés, lorsque l'acte en vertu duquel l'inscription
a été requise était radicalement nul, ou lorsque la per-
sonne, qui se trouverait privée de sa propriété^ est en-
core en possession de celle-ci ou en perçoit régulièrement
les revenus (2). Dans le premier cas, le vice du titre le
rend en quelque sorte inexistant, et il n'a pas paru pos-
sible au législateur de couvrir la nullité dont il est en-
taché. Dans la seconde hypothèse, la plupart des raisons
(1) Cf. TORKENS, op. cit., p. 23.
(2) Art. 7, § 2, L. T. A., 1897.
LE FONDS d'assurance 207
invoquées en faveur des tiers acquéreurs ne trouvent pas
leur application. Le propriétaire véritable qui a continué
à veiller sur son immeuble, à l'exploiter ou à l'améliorer
avait droit à la sollicitude du législateur, alors que Tac-
quéreur qui n'a pas visité Fimmeuble qu'il achetait, qui,
une fois la vente passée, ne se préoccupe pas de le met-
tre en valeur ni d'en percevoir les revenus ne paraît pas
intéressant. Le deuxième paragraphe de l'article 7, est
une concession faite aux partisans des projets antérieurs.
Elle aura pour résultat de faire trancher le plus souvent
par les tribunaux la question relative à l'attribution de
l'indemnité. Ceux-ci auront, en effet, à décider quels
sont les contrats qui doivent être réputés radicalement
nuls, en même temps qu'ils auront à déterminer les faits
et les actes qui constituent la possession et la perception
des revenus. Si les inscriptions sur les Livres fonciers
sont en règle générale définitives, elles semblent devoir
être rectifiées dans un certain nombre de cas d'éviction.
Lorsqu'il y a lieu à rectification du Livre foncier, l'au-
teur du dommage qui se trouve ainsi dépossédé n'a droit
à aucune indemnité ; mais il n'en est pas de même pour
les tiers qui ont contracté à titre onéreux avec la per-
sonne qu'ils pouvaient, sur la foi du registre, considérer
comme le véritable propriétaire. Ceux-ci auront qualité
pour demander la réparation du préjudice qui leur est
causé par la rectification du registre. Tel serait le cas
notamment lorsqu'un propriétaire supposé aura obtenu,
au moyen de faux documents, son inscription et aura,
après cette inscription, consenti un mortgage à une tierce
personne de bonne foi. Le créancier mortgagiste aura,
dans ce cas, droit à une compensation pécuniaire (1).
Contre qui doivent recourir les parties lésées, proprié-
taire évincé ou propriétaire indûment inscrit ? Doivent-
ils d'abord intenter une action directe contre Fauteur du
(1) Alt. 7, § 2 et 4. Ces dispositions de la loi admettent un
principe contraire à celui de la législation australienne. Les
tribunaux se fondant sur les termes des lois foncières avaient
refusé, dans ce cas, d'indemniser le créancier mottgagiste. (Af-
faire Gibbs contre Messer, 1891, Colonie de Victoria.)
208 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
dommage, et en cas d'insolvabilité de celui-ci une action
subsidiaire contre lEtat ? Ou bien peuvent-ils mettre
immédiatement en cause le Fonds d'assurance ? La lé-
gislation prussienne et l'ancienne législation tunisienne
n'admettaient la recevabilité des demandes en indemnité
contre le Fonds d'assurance, qu'autant que le demandeur
aurait, au préalable discuté les auteurs directs du dom-
mage. LAct Torrens avait donné aux parties le choix
entre l'action directe contre le Fonds d'assurance ou l'ac-
tion seulement subsidiaire. Les poursuites intentées aux
auteurs du dommage n'olïrent qu'une garantie généra-
lement insuffisante, car ceux-ci n'ont, la plupart du temps,
aucune surface. Aussi la loi de 1897 a autorisé les parti-
culiers à s'adresser immédiatement au Fonds d'assu-
rance (1). Mais l'Etat conserve toujours une action ré-
cursoire contre toute personne qui a causé la perte par
son acte, sa négligence ou sa faute. Les particuliers se
trouvent ainsi assurés de recevoir toujours l'indemnité
à laquelle ils ont droit. Par l'application du recours
contre Fauteur du. dommage se trouve sauvegardée,
d'autre part, la règle que personne ne doit s'enrichir in-
dûment.
(1) Il n'existe au principe posé par la loi qu'une exception
pour les propriétaires évincés en vertu de la Législation sur
les Small Holdings. L'art. 10 de la loi de 1892 sur les Small
Holdings imposait aux Conseils de comté, l'obligation de de-
mander l'immatriculation à titre absolu des propriétés ache-
tées par eux en vue d'un lotissement. Cette obligation entraî-
nait un examen des titres de propriété par le Bureau d'Imma-
triculation et l'accomplissement des rigoureuses formalités qui
l'accompagnent. Elle détournait les Conseils de comté d'acheter
des domaines. La loi de 1897 (art. 19), les a autorisés à re-
quérir leur inscription avec tous les titres créés par la loi.
Mais lors de chaque transfert partiel le titre conféré à l'acqué-
reur est toujours absolu, quel que soit le titre primitivement
délivré. Si un propriétaire évincé réclame en se fondant sur
un titre contraire à celui du Conseil de comté, il n'a jamais
droit qu'à des dommages-intérêts, et ces dommages-intérêts de-
vront être demandés directement au Conseil de comté. Dans ce
cas, en effet, il ne peut pas y avoir de crainte d'insolvabilité.
LE FONDS d'assluancl: 209
Les personnes lésées perdent leur droit à indemnité :
lorsqu'elles ont contribué par leur acte, leur faute ou
leur négligence à la perte qu'elles subissent ou lors-
qu'elles ont omis de faire inscrire sur le registre les op-
positions, défenses, restrictions ou autres mentions exi-
gées par les lois sur l'immatriculation pour la protection
de certains droits.
Les demandes en indemnité peuvent être directement
adressées à la Cour comme une action ordinaire. Les
particuliers peuvent, s'ils le préfèrent, requérir le Regis-
trar de déterminer s'ils ont droit à indemnité et quelle
somme doit leur être allouée. Cette procédure présente
l'avantage d'être plus expéditive que la procédure ju-
diciaire. Elle donne d'ailleurs une entière garantie,
car les réclamants pourront appeler à la Cour de la déci-
sion du Registrar sans autres frais que leurs propres dé-
bours en cas de rejet du pourvoi (1).
Les créanciers du Land Registry ne pourront pas ré-
clamer indéfiniment la fixation et le paiement des indem-
nités. Le § 7 de l'article 7 dit, en effet : « Une demande
d'indemnité sera considérée comme une dette ordinaire
et conformément au Statut de Limitation de 1623 (sur les
prescriptions), le délai sera réputé courir du jour où le
requérant a connu ou a dû connaître l'existence de son
droit. » C'est donc au bout de six ans que l'action en
dommages-intérêts se trouve prescrite. 11 avait été de-
mandé au cours de la discussion que cette action fût as-
similée à une cbarge réelle et ne fût en conséquence cou-
verte par la prescription qu'au bout de douze ans. Mais
les procès sont d'autant plus difficiles à juger que les
circonstances de l'affaire remontent à une date plus éloi-
gnée. L'Etat a, pour cette raison, réduit au minimum la
durée de la prescription. D'ailleurs le point de départ
du délai laisse une grande latitude au Registrar ou à la
Cour pour décider, suivant les espèces, à quel moment
le réclamant a eu connaissance de son éviction.
Telles sont les dispositions principales de la loi de
(1) Art. 7, § 5, L. T. A., 1897.
L, 14
210 L'li\TRODUCTIOx\ DES LIVRES FONCIERS EN ANGLETERRE
1897 créant en Angleterre un Fonds d'assurance. Cette
partie de l'œuvre du législateur est une copie quelque
peu adoucie de l'Act Torrens. Elle n'a fait que tenir
compte de la nature spéciale de la propriété dans les
pays à longue histoire, en apportant au principe de la
compensation par une somme d'argent d'un droit immo-
bilier, les atténuations nécessaires pour le rendre accep-
table par le public anglais.
CHAPITRE XII
LES DROITS PERÇUS PAR LE BUREAU D 'IMMATRICULATION
L'une des critiques les plus vives et les plus fondées
des adversaires de la loi de 1875 avait consisté à montrer
les irais considérables imposés par la nouvelle législa-
tion aux propriétaires. Tout en reconnaissant que le bud-
get de l'Etat ne pouvait être grevé des dépenses de fonc-
tionnement du service, ils avaient fait remarquer que
les propriétaires déjà fort éprouvés par la crise agricole
ne pouvaient supporter d'aussi lourdes taxes qui venaient
s'ajouter aux droits de timbre déjà perçus par le Trésor.
L'exagération des tarifs avait été, d'après eux, l'une des
principales causes de l'échec de l'immatriculation (1).
La loi de 1897 a essayé de concilier l'intérêt des pro-
priétaires et celui du Trésor, en apportant aux droits de
l'administration en matière de tarifs des restrictions d'au-
tant plus nécessaires que l'obligation d'immatriculer
leurs immeubles allait être imposée aux propriétaires :
ceux-ci ne pourraient plus, comme auparavant, se sous-
traire à ces charges en se refusant à user de la législation
nouvelle.
(( Les honoraires perçus à l'occasion de l'immatricula-
tion de la propriété, dit l'article 22, § 3, seront fixés de
façon à produire une somme annuelle suffisante pour
payer les traitements des fonctionnaires et les autres dé-
penses d'administration (y compris les prélèvements des-
tinés à constituer le Fonds d'assurance) et pas plus. » Les
frais d'immatriculation ne devront être que l'équivalent
(1) La question des frais a en cette matière une grande im-
portance. En Tunisie, par exemple, les immatriculations qui
oscillaient entre 40 à 45 par an, avant 1890, se sont élevées à 293
en 1892, après l'abaissement du tarif.
212 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
du service rendu. Tout en édictant cette mesure favorable
aux propriétaires, le législateur n'a pas oublié les lourdes
charges imposées au Trésor par les premiers essais d'im-
matriculation. En effet, au 31 mars 1884, le Land Regis-
try était en déficit de 90.000 livres sterlings, déficit qui
atteignait même, en 1887, 100.000 livres sterlings. A par-
tir de cette époque, il est vrai, le Bureau d'immatricula-
tion fut chargé de la tenue des registres des Charges fon-
cières et, à partir de 1892, des attributions relatives à
l'enregistrement des actes dans le Middlesex. Il avait
cessé de demander une subvention au Trésor et avait
même pu rembourser à l'Etat partie des sommes qui lui
avaient été jadis avancées (1).
Années
Recettes
Dépenses
Observations
] 886-87
788 £ 6 S. 9 d.
2.457 £ 10 s.
5d.
Recettes en dimi-
nution sur les années
antérieures.
1889-90
3.790 £ 12 s. G d.
3.^20 £ 14 s.
»
!'■<' année d'applica-
tion du Land Charge s
Registration and Scai -
elles Act.
1892-93
16.208 £ 8 s. 5 d.
6.637 £ 2 s.
10 d.
Réunion du Middle-
sex Regisîtry.
1897-98
20.256 £ 14 s. d.
7.863 £ 14 s.
3d.
Sans vouloir grever le nouvel essai des dettes ancien-
nes, la loi de 1897 a manifesté le désir que les propriétai-
res acquittent tout au moins les frais nécessités par le
fonctionnement des Livres fonciers.
Or l'expérience a prouvé qu'un personnel assez res-
reint était suffisant pour assurer le service de l'immatri-
culation : 13 fonctionnaires dans le Oueensland, 64 à Vic-
toria, une trentaine dans les Nouvelles-Galles du Sud,
exécutent rapidement les milliers d'opérations qui leur
sont annuellement soumises (2). Le nombre des fonction-
naires est plus élevé en Europe (4 dans l'un des arrondis-
(1) Finance Accounts.
(2) Cf. Rapport de M. E. Maxwell, traduit par M. de
France de Tersant.
LES DROITS PERÇUS PAR LE BUREAU d'lMMATRICULATION 213
sements de Berlin, 43 à Pesth, 44 à Vienne, mais celle
différence s'explique par la décentralisalion du service
d'immatriculation dans les pays germaniques.
La constitution du Fonds d'assurance, d'autre part, ne
nécessitera pas des prélèvements importants sur les re-
cettes. En Australie où le tarif n'est fixé qu'à 2 ou même
1 0/00, les indemnités sont loin d'absorber le montant
des primes (1). Il suffira donc d'affecter des sommes en-
core inférieures à la garantie des droits reconnus par les
Livres fonciers. Des taxes peu élevées paraissent donc
devoir suffire à compenser les frais du nouveau service.
Mais le législateur avait vu en 1875, le Lord-Chan-
celier user de ses droits pour fixer des honoraires très éle-
vés et, en 1899, après la constatation de déficits impor-
tants, établir un nouveau tarif exagérant le premier. La
consécration solennelle, dans la loi de 1897, du principe
que les droits d'immatriculation ne devaient pas fournir
une recette au Trésor ne parut pas une garantie suffi-
sante contre les abus possibles de l'administration en
cette matière. Au cours de la discussion de la loi, il fut
décidé: V que le Lord-Chancelier devrait demander l'avis
du Conseil créé par la loi et celui du Bureau de Trésore-
rie ; 2° que le tarif ne devrait pas dépasser pour certaines
opérations un maximum fixé dans un tableau annexé à la
loi ; et 3° que la délivrance des certificats, leur annota-
tion ou leur dépôt, les recherches sur les registres ne
donneraient lieu à la perception d'aucun droit.
En comparant les frais fixés législativement pour les
ventes de terre immatriculée à titre absolu, avec les hono-
raires perçus précédemment par les solicitors, on cons-
tate qu'une importante réduction résulte du nouveau ta-
rif.
(1) V. plus haut, p. 202.
214 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
1
Val Gui-
des
Immeu-
bles
Liv. st.
50
100
300
1.000
10.000
32.000
.^0.000
90.000
100.000
Frais anciennement perçus (1
Tarif de 1881
Liv-.s
t.sh
0/0
3
»
12
3
»
G
3
»
3
7
10
1.5
15
»
1.5
70
»
0.7
145
,,
0 . 29
201
»
0.29
293
»
U.29
Tarif d"usagc
réduit
0/0
Liv.
st
sli
2
»
2
»
G
10
1.2
1
Aucune ré-
duction n'est
plusconsculie.
Frais d'après la
cédule II
de la loi de 189"
Liv st. sli d
0 1 ti
0 3
0 G
1 10
3 ),
14 >.
2 5 » )i
25 » >■
25 »
23 »
0/0
0.3
0.3
0.3
0.3
0.3
0.14
0.07
0.05
0.027
0.025
4
Diminution
par r
apport
Au ta-
Au
rif de
tarif
1881
réduil
0/0
0/0
97.5
96.2
95
92.5
90
85
80
73
80
70
80
»
»
82.7
»
90. G
»
91.3
»
Frais totaux au
cas d'assistance
d'un solicilor (cé-
dule il du Règle-
ment général) el
cédule II de la loi
de 1897.
Livst.shd 0/0
0 11
0 13
0 16
10
18
1
2.3
1.3
0.8
0.8
0.8
0.24
0.13
0.09
0.057
0.051
Diminution
par
rapport
Au ta-
rif de
1881
0/0
80.8
78.3
73.3
46.6
46.6
65.7
68 9
80.3
82.4
Il faut toutefois remarquer que ces réductions ne s'ap-
pliquent qu'aux ventes d'immeubles immatriculés à titre
absolu. Lorsque le titre est possessoire ou qualifié, l'exa-
men minutieux des titres de propriété est encore néces-
saire et les solicitors ne reçoivent pas la rémunération
minime prévue par le Règlement Général, mais peuvent
exiger les honoraires fixés par le tarif de 1881. Les dé-
penses occasionnées par la vente d'un immeuble imma-
triculé à titre qualifié ou possessoire paraissent devoir
être un peu plus élevées qu'en cas de transferts occultes.
Mais, outre que cette aggravation serait très minime (de
3 à 0.25 0/00 suivant la valeur de l'immeuble), il semble
au contraire que les frais même dans ce cas diminueront
dans une forte mesure. La qualification du titre peut
être assimilée, avons-nous dit, aux conditions de vente
imposées lors de la plupart des transmissions. Pas plus
que ces conditions, la qualification ne donnera lieu à
(1) Cette partie du tableau est dressée d'après les renseigne-
ments donnés par M. Brickdale, dans son rapport de 1896, nu-
méro 100.
Au
tarif
'éduit
0/0
71.2
67.0
60.»
42.5
20
LES DROITS PERÇUS PAR LE BUREAU d'iMMATRICULATION 215
des investigations et ne nécessitera par conséquent l'al-
location au solicitor d'honoraires supérieurs à ceux pré-
vus dans le Règlement général de 1903. Pour les titres
possessoires, il sera peut-être utile de procéder pendant
quelques années encore à l'examen des titres ; l'augmen-
tations des frais variera donc de 3 à 0.25 0/00 ; mais
elle ne sera que temporaire, car la consultation du regis-
tre et la possession non troublée constitueront bientôt
des preuves suffisantes de la propriété de l'immatriculé.
Dans l'examen de cette question, il y a lieu aussi de
tenir compte de la simplicité introduite par la nouvelle
législation dans des opérations immobilières. Beaucoup
de propriétaires qui jusque-là étaient obligés de recou-
rir à l'assistance de professionnels pour la conclusion
des actes vont désormais pouvoir faire leurs affaires en
personne. Les économies qu'ils pourront réaliser de ce
chef sont considérables, puisque le tarif de la cédule II de
la loi de 1897 est, au minimum, inférieur de 80 0/0 du
tarif légal de 1881 et de 70 0/0 du tarif d'usage consenti
par les solicitors à certains de leurs clients.
Mais si les frais des actes postérieurs à l'immatricula-
tion paraissent être diminués dans une proportion va-
riant suivant les divers titres, l'inscription d'un immeuble
sur le Livre foncier coûtera-t-elle moins cher d'après la
nouvelle législation ? La cédule II (1), réduit-elle les char-
ges imposées aux propriétaires tant par le tarif de 1875
que par celui de 1889 ? Il n'est malheureusement pas pos-
sible de comparer d'une façon précise ces divers tarifs.
La cédule II commence, en effet, par ces mots : « Les
droits suivants seront payés dans les districts où l'imma-
triculation de la propriété est obligatoire (2). Ils com-
prendront toutes les dépenses nécessitées par l'arpen-
iage, la confection du plan, la copie, la préparation, la
(1) Les droits d'immatriculation à titre possessoire sont les
mêmes que ceux perçus à l'occasion d'une vente. V. donc plus
haut le tableau col. 3, p. 214.
(2) Le tarif du 18 décembre 1903 a appliqué la cédule II à
toute l'Angleterre sans distinction entre les districts où l'im-
matriculation aurait été ou n'aurait pas été rendue obligatoire.
21C) I."lMlî(JDl CTIOX DES L1\RF.S FONCIERS EN ANGLKJ ERRE
délivrance, l'annotation ou le dépôt du certificat, les
mainlevées de charges, Fenregistrement de toutes les op-
positions, défenses ou restrictions convenables, la pro-
duction de tous les documents secondaires ainsi que tous
les autres frais. »
Or, d'après les anciens tarifs (1), chacune de ces forma-
lités coûtait au requérant des honoraires supplémentai-
res, qui variaient suivant le nombre et l'importance des
preuves exigées ou la longueur des travaux accessoires.
Il n'était pas possible pour une terre d'une valeur de
déterminée de dire exactement quel serait le montant des
droits perçus pour l'immatriculation.
Aussi, considérant seulement le tarif de l'immatricula-
tion prévu en 1889 et celui prévu en 1903, on constate que
ce dernier est plus élevé que le précédent. Mais on en
trouve l'explication dans les termes de la cédule II et,
tous comptes faits, les immatriculations de petites pro-
priétés de 25, 50, 100, 200 et 300 livres sterlings sont dé-
grevées dans une large mesure : ce qui est d'ailleurs fort
compréhensible, car la plupart des formalités maintenant
comprises dans l'énumération de la cédule II étaient
taxées sans avoir égard à la valeur de l'immeuble. Si pour
une grande propriété leur montant était peu appréciable,
au contraire il doublait et même plus, les frais afférents
aux biens d'une valeur minime.
D'autre part, la fixation d'un droit maximum de 25 li-
vres sterlings, inférieur à celui perçu précédemment, dé-
grèvera également l'immatriculation d'immeubles d'une
valeur supérieure à 32.000 livres sterlings. Restent les
biens-fonds d'une valeur moyenne, qui sont soumis à
un tarif à peu de chose près équivalent à l'ancien tarif,
et d'ailleurs bien minime puisqu'il représente entre 3 0/00
et 1.4 0/00 du prix de ces biens.
Le tarif du 27 octobre 1898 et après lui le tarif du
18 décembre 1903, ont fixé au triple des droits perçus à
l'occasion d'une immatriculation à titre possessoire, les
(1) Voyez ces deux tarifs, Land Transfer Bill de 1895, appen-
dice 6,
LES DROITS PERÇUS PAR LE BUREAU l)'j MMATRICULATION 217
frais de l'immatriculation à titre absolu ; ce qui est rela-
tivement élevé. Les comparaisons avec les tarifs précé-
dents donneraient des résultats à peu près analogues à
ceux obtenus pour les immatriculations à titre posses-
soire.
Il est intéressant de se demander ce que coûte, dans les
pays où existent les Livres fonciers, les transmissions
des immeubles et de rapprocher les divers chiffres. Il
n'est toutefois pas possible d'évaluer les tarifs appliqués
en Autriche-Hongrie, car dans ces pays les frais d'imma-
triculation se confondent avec les droits de mutation. Le
tableau ci-après donne cette comparaison pour un cer-
tain nombre de pays. Nous avons cru utile d'y joindre
le tarif français des droits de transcription et d'inscrip-
tion, bien que les opérations à l'occasion desquelles a
lieu la perception soient très différentes dans la forme et
dans le fond (1).
1
Valeur
des
Immeu-
bles
Liv. st.
I
10
20
50
100
500
1.000
2.000
5.000
10.000
20.000
50.000
100.000
Angleterre
Cédule II
de la loi de
1897)
Livst. sh. (1.
1
3
5
9
14
19
25
25
1
1
1
3
0
10
PRUSSE
(Ordonnance du l" Octobre
1895.)
Ventes Hypothèques
(j'v.st. sli. d. Liv. st. sli. d.
). 7
» 18
1 10
i 12
4 5
7 10
13 10
31 10
Cl 10
» 1
1
1 1
30
60
.. 3
1 »
1 11
3 5
4 7
2 »
1 »
12 If
SAXE
(Ordonnance du 6 Novem-
bre 1890.)
Hypotlièques
Liv.st s-ii. d.
Ventes
l.iv.st
. si..
d.
»
.")
<>
»
0
>i
»
5
))
»
5
))
»
10
»
2
5
»
3
15
»
6
5
»
12
10
»
n
10
»
27
10
»
57
10
»
107
10
»
» 17 6
1 12 6
2 12
0 17
11 17
26
51
6
6
G
6
17 G
17 6
Nouvelle-
Galles du Sud
(Lois de 1862,
1873 et 1878)
Ventes ot
Hypothèques
Liv.st. sh. d.
» 10 »
-f 2 0/00
FRANCE
Loi
du 27 Juillet
1900
Liv.st. sh. d
1
9
5
12
25
50
125
250
. 2
» 6
1 •'
2 6
5
10
•)
40
Il n'y a pas de comparaison possible entre les taxes
perçues dans la colonie de la Nouvelle-Galles et les taxes
(1) Pour la Prusse et la Saxe, ces renseignements ont été pris
dans le Detailed Report on the varions Systems of Registration
of title to land in Germany and Austria-Hungary, 1896, §§ 78 et
84, pour la Nouvelle-Galles à l'appendice 6 du Rapport sur le
Land Transfer Bill de 1895.
218 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
en usage dans les pays d'Europe. Dans l'une, en effet,
elles sont purement nominales, dans les autres, elles re-
présentent un droit ad valorem quoique très minime. La
cédule II est donc loin de consentir des réductions com-
parables à celles dont bénéficient les colons d'Océanie.
Si l'on examine les tarifs européens, le moins élevé est
celui de la Prusse ; mais le tarif anglais est plus avanta-
geux pour les transmissions de minime importance, in-
férieures à 500 livres sterlings on 12.500 francs. La Saxe,
au contraire, perçoit des droits beaucoup plus élevés que
l'Angleterre.
Mais en Saxe et en Prusse les ventes et les hypothè-
ques sont soumises à des tarifs distincts et les secondes
bénéficient d'un traitement plus favorable que les pre-
mières. En Angleterre, malgré la transformation radi-
cale du mortgage opérée par les Land Transfer Acts, la
grande différence existant entre les deux opérations ne
semble pas avoir été encore bien comprise ; le législa-
teur semble foui ours considérer, tout au moins au point
de vue de la taxation, le mortgage comme une aliénation
fiduciaire et soumet les ventes et les hypothèques- au
même régime fiscal. Confusion qui est regrettable, pré-
judiciable même au développement du crédit réel, qui
jouit, dans les autres pays, en ce qui touche les Livres
fonciers, d'un régime de faveur.
Enfin la loi fran;;aise du 27 juillet 1900, applicable
pour leS' formalités hypothécaires de transcription et
d'inscription, part d'un point de vue tout différent de ce-
lui des autres législations. Alors que les tarifs anglais,
prussiens ou saxons sont dégressifs et font payer un droit
plus élevé aux petites conventions qu'aux conventions
importantes, le tarif français reste toujours proportion-
nel à la valeur de la transmission ou du prêt. Très faible
(0.25 0/0), il constitue, par rapport aux autres tarifs, une
atténuation des charges imposées à toutes les aliénations
ou à tous les emprunts inférieurs à 2.500 francs ou 100
livres sterlings, mais il pèse plus lourdement que les au-
tres sur les opérations d'une valeur de plus de 2.500 fr.
Les législateurs étrangers ont considéré qu'une inscrip-
LES DROITS PERÇUS PAR LE BUREAU d'iMMATRICULATION 219
tion sur le Livre foncier ne présentait pas des difficultés
plus grandes, lorsqu'il s'agissait d'un acte portant sur
quelques centaines de francs ou plusieurs millions, et
qu'il était nécessaire de procéder à des formalités iden-
tiques, quelle que soit l'importance pécuniaire de l'af-
faire. Les tarifs ne pouvaient donc pas avoir une base
rigoureusement proportionnelle et les affaires importan-
tes devaient acquitter des droits comparativement moins
élevés que les petites. Le législateur français n'a pas cru
pouvoir, en 1900, consacrer cette théorie qui avait été,
d'ailleurs, jusque-là, en usage dans notre pays. Il a dé-
cidé que la rémunération demandée par l'Etat serait tou-
jours proportionnelle à la valeur engagée. Si les taxes
perçues sur les petites opérations ne représentent pas
les frais occasionnés, celles qui sont perçues sur les
moyennes et les grosses opérations compensent les in-
suffisances constatées d'autre part. Cette mesure est as-
surément plus équitable que la solution adoptée par les
autres pays. En même temps elle favorise les transmis-
sions de petits immeubles si nombreuses en France et
n'accroît pas les charges si lourdes supportées déjà par
la petite propriété.
La tarif anglais présente donc deux imperfections.
Il est encore trop élevé dans son ensemble. Nous avons
expliqué les raisons pour lesquelles, il ne pouvait pas
être abaissé davantage, tout au moins au début de l'ap-
plication de la loi. Car il faut espérer que, le nombre des
immatriculations augmentant, les frais généraux du ser-
vice pourront être répartis sur un plus grand nombre
d'opérations et les frais être diminués.
De plus, il manque de proportionnalité. Le législateur
s'inspirant sans doute d'un sentiment de justice n'a pas
voulu faire payer aux favorisés de la fortune les bonifi-
cations dont auraient bénéficié les humbles. Il semble
cependant que, mis en présence d'un tarif proportionnel,
aucun propriétaire n'aurait pu se prétendre surtaxé,
même si certaines économies réalisées sur son opération
avaient permis de demander des sommes moins considé-
rables à d'autres propriétaires, moins fortunés. Les pe-
220 l'introduction DKS livres fonciers en ANGLETERRE
tites ventes auraient joui d'une situation peut-être pri-
vilégiée, mais peu enviable en somme ; car, quoique le
législateur fasse, elles supporteront toujours des frais
relativement plus élevés que les autres. Le législateur
anglais a conservé la base sur laquelle reposait aupara-
vant le tarif des solicitors ; il l'a même sur certains points
améliorée. Il eût été préférable à notre avis qu'il rompît
avec la tradition et que, s'inspirant des idées d'équité, il
soumît chaque propriétaire à l'impôt suivant l'importance
de l'affaire.
TROISIÈME PARTIE
Les résultats de la réforme en Angleterre.
L'introduction du Livre foncier en France.
CHAPITRE I
LA CONSTITUTION DU LIVRE FONCIER DANS LE COMTÉ DE
LONDRES.
La première application de la nouvelle législation a
été faite dans le comté de Londres. Il était dailleurs tout
désigné pour servir en quelque sorte de champ d'expé-
riences. L'enregistrement des actes fonctionnait déjà
dans leAliddlesex. Grâce à cette administration, des sta-
tistiques avaient pu être réunies indiquant le nombre
des transactions dans les paroisses métropolitaines. Il
était facile d'en déduire quelles seraient les opérations
à effectuer pour créer un registre terrier de la propriété
londonnienne ; quel serait également le nombre des
fonctionnaires nécessaire pour mener à bien l'immatri-
culation des immeubles ; quelles recettes enfin pouvaient
être espérées de l'application du tarif fixé par le Parle-
ment : toutes prévisions qui permettaient d'éviter les
à-coups inévitables, lorsqu'il s'agit de créer de toutes
pièces un organisme nouveau.
Le premier projet d'ordonnance préparé en exécution
de la loi, déclarait que l'immatriculation serait obliga-
toire, dans tout le comté de Londres, à l'occasion des
ventes contractées après le 1" juillet 1898. Avis de ce
projet fut donné au Conseil du comté le 19 novembre
1897. Cette assemblée demanda aux paroisses et aux au-
tres corporations intéressées du district de formuler leur
opinion sur l'opportunité de cette mesure. La plupart de
ces autorités se prononcèrent contre l'adoption de l'or-
donnance.
222 l'iXTRODUCTION des livres fonciers en ANGLETERRE
A une réunion spécialement convoquée à l'effet d'exa-
miner la question, le 15 février 1898, le Conseil du
comté de Londres repoussa par 73 voix contre 35 une
proposition tendant à s'opposer à la promulgation de
l'ordonnance. Il résolut d'approuver le texte qui lui avait
été proposé, mais sous réserve des modifications indi-
quées dans une lettre du secrétaire du Conseil privé en
date du 18 janvier 1898 et ayant pour but d'appliquer la
loi progressivement dans les diverses paroisses du
comté (1). Conformément à la délibération du Conseil et
aux propositions du Gouvernement, une ordonnance en
Conseil privé fut rendue le 18 juillet 1898. Elle décidait
que l'immatriculation deviendrait obligatoire :
1° Dans: les paroisses d'Hampstead, Saint-Pancras,
Saint-Marylebone, Saint-George's Hanover Square, à
partir du P"" novembre 1898 ;
2° Dans les paroisses de Shoreditch, Bethnal Green
Mile End Old Town, Wapping, Saint-George's-in-the-
East, Shadv^ell, Ratcliff, Limehouse, Bow, Bromley et
Poplar, à partir du V mars 1899 ;
3*" Dans le reste du comté au nord de la Tamise sauf
la Cité et North Woohvich, à partir du 1" octobre 1899 ;
4° Dans le reste du comté sauf la Cité, à partir du
V' janvier 1900 ;
5° Dans la Cité de Londres, à partir du 1" juillet 1900.
Ces dates ont, depuis lors, été quelque peu modifiées.
L'application de la contrainte légale n'a commencé que
le P"" janvier 1899 ; une nouvelle répartition des paroisses
a été faite qui a reporté au V novembre 1900 l'entrée
en vigueur définitive de la loi dans tout le comté de Lon-
dres, exception faite toutefois pour la Cité. Enfin, depuis
le P"" juillet 1902 la Cité de Londres a été soumise à l'im-
matriculation obligatoire.
Ayant ainsi déterminé les conditions d'application pro-
gressive de la loi, il s'agissait d'organiser le service (2).
(1) Brickdale and Sheldon's op. cit., p. 50.
(2) La plupart de ces détails ont été extraits du Report of
the Registrar of the Land Registry on the first tbrec years
(1899, 1900 et 1901), of the work of constructing a General
Register of Title for the County of London, 1902.
LE LIVRE FONCIER DU COMTÉ DE LONDRES 223
D'après les renseignements fournis par le registre d'ac-
tes du Middlesex, le nombre des demandes en immatri-
culation devait être de douze en moyenne par jour pour
les deux premiers groupes de paroisses et produire une
recette annuelle de 9.800 livres sterlings. 2 registrars ad-
joints, 2 commis de V classe, et 4 commis de 3^ classe,
parurent suffisants pour mener à bien ce travail, tout au
moins provisoirement. Mais il fallait aussi organiser le
service technique chargé de réviser et de tenir les cartes
et plans. Il ne parut pas possible de laisser dépendre plus
longtemps ce service du service général de la carte offi-
cielle. Les opérations techniques nécessitées par l'imma-
triculation étaient trop intimement liées aux opérations
juridiques pour pouvoir être placées sous une direction
différente de celle du Land Registry. Définitivement en
janvier 1900, les agents de tous les services ont été réu-
nis sous l'autorité directe du Registrar.
En même temps que Ton imposait l'immatriculation,
il était nécessaire de procéder à une révision complète
de la carte officielle. Si rapide avait été le progrès des
constructions dans certains districts depuis la dernière
révision de 1893-95, que la carte avait cessé pour des
parties considérables d'être à jour et ne donnait plus
que des renseignements absolument insuffisants. Com-
mencé en septembre 1898, ce travail fut exécuté et ter-
miné (sauf pour la Cité de Londres), dans les seize mois
suivants ; 72.374 acres ont été ainsi relevés. Le plus sou-
vent il ne fut nécessaire que de procéder à la révision de
la carte. La réfection totale s'imposa, cependant quel-
quefois, surtout au sud de la Tamise où les transforma-
tions avaient été les plus importantes. Elle porta sur
5.591 acres soit 2.238,4 hectares, et 7, 7 0/0 de la super-
ficie totale. La ca-rte officielle, bien qu'à grande échelle
et révisée depuis peu de temps, n'a donc pas suffi comme
base de l'immatriculation et il a fallu procéder à des vé-
rifications complémentaires. Mais elle a beaucoup faci-
lité les nouveaux levés en fournissant aux géomètres les
points trigonométriques nécessaires pour l'exécution de
leur travail (1).
(1) Des renseignements trop techniques pour être rappelés ici,
224 l'lMRODUCTION des livres fonciers en ANGLETERRE
A mesure que l'immatriculation obligatoire a été éten-
due aux diverses parties du comté, le nombre des de-
mandes s'est accru. En 1901-1902 il avait atteint une
moyenne de 60 par jour (1). Mais en même temps crois-
sait dans une proportion inattendue le nombre des di-
verses conventions relatives aux immeubles immatricu-
lés. L'application des Land Transfer Acts semble donc
avoir favorisé et multiplié les transactions immobilières.
Pour satisfaire aux besoins du service, le nombre des
fonctionnaires dût être augmenté progressivement. Voici
quel était, au 31 décembre 1901, l'état du personnel em-
ployé exclusivement aux opérations d'immatriculation
concernant le comté de Londres :
Appointements
Grades totaux
2 Registrars adjoints Liv. st. 1.650
2 Commis de l''^ classe 1.121
7 — de 2^ ~ 1.955
16 — de 3« — 1.930
4 — auxiliaires 760
Service de la Carte :
2 Vérificateurs en chef 712
10 Vérificateurs 1.819
24 Géomètres 3.382
35 Dessinateurs adjoints 3.055
4 Surnuméraires 252
29 Hommes d'équipe 980
Service de tenue des Livres :
1 Chef de service adjoint 200
8 Commis aux écritures 820
14 Copistes à la machine à écrire 933
16 Expéditionnaires 624
174 20.192
Ce personnel est considérable, et représente une dé-
pense de traitement très importante. Il est beaucoup plus
mais fort intéressants sont donnés dans le Report of the Re-
gistrar of the Land Registry de 1902, p. 19 et suivantes.
(1) Sur ce chiffre, 3 à 4 immatriculations par semaine sont
opérées pour la Cité.
LE LI\ RE FONCIER DU COMTÉ DE LONDRES 22o
nombreux que dans tous les autres pays. II est juste de
remarquer toutefois que le service de la carte figure dans
ces chiffres, avec 104 employés et pour une dépense de
10.200 livres sterlings ; les travaux extraordinaires aux-
quels il a dû être procédé expliquent la présence d'aussi
nombreux employés ; il est à présumer que, la révision
de la carte étant complètement terminée, plusieurs d'en-
tre eux n'auront plus d'emploi pour la continuation des
opérations d'enregistrement et seront alors affectés à
d'autres districts où l'immatriculation aura été rendue
obligatoire.
Il semble néanmoins qu'en admettant même la néces-
sité d'un personnel plus nombreux au début de la créa-
tion du senice, le Registrar anglais a sous ses ordres
trop de fonctionnaires ; ce qui aura le' mauvais effet
d'empêcher la réduction des droits, puisque les proprié-
taires doivent rembourser à l'Etat les dépenses du Bureau
d'immatricula tion .
Toutefois cette organisation présente ravantage de
rendre les opérations extrêmement rapides. 38 0/0 des
demandes en immatriculation ont été solutionnées en
moins d'une semaine, 75 0/0 en moins d'une quinzaine.
Dans le nord de Londres, où les difficultés relatives aux
limites sont moins fréquentes, ces proportions s'élè-
vent respectivement à 57 et 83 0/0. Les 9/10 des imma-
truculations qui ne peuvent pas être exécutées en une se-
maine, sont retardées par des discordances sérieuses en-
tre l'état des lieux, tel qu'il est en réalité et tel qu'il ré-
sulte du plan qui a été fourni. Tantôt la surface est supé-
rieure, tantôt le plan indique une toute autre parcelle que
celle dont il s'agit, tantôt la position et la forme des li-
mites n'ont pas été exactement indiquées, tantôt enfin, la
désignation des tenants et aboutissants a été copiée sur
un titre déjà ancien et n'ayant plus aucune corrélation
avec la situation actuelle de la propriété.
Ces contradictions sont si fréquentes que dans 25 0/0
(1) Report of the Registrar of the Land Registry, p. 12, § 58.
L. 15
220 l'i.MRODI CTION DES LIVRES FONCIERS EN ANGLETERRE
des cas, les géomètres doivent se rendre sur les lieux
pour vérifier sur place 1 exactitude du plan fourni. Car
il faut avant tout éviter les erreurs et veiller à ce qu'il ne
soit pas nécessaire de rectifier les plans, lorsque les pro-
priétés voisines viendront à être immatriculées. « Les
propriétaires se rendent d'ailleurs compte, dit le Regis-
Irar, de l'avantage qu'il y a pour eux, même au prix de
quelque retard ou de quelque ennui, à connaître exac-
tement l'étendue de la propriété dont ils sont en posses-
sion et aux(|uels ils ont droit. C'est un résultat qui ne
peut être obtenu avec le système des transactions occul-
tes et que la réforme leur procure (1). »
Les transactions opérées postérieure^ment à l'immatri-
culation ne nécessitent pas la vérification du plan (sauf
lorsqu'il y a vente d'une parcelle) ; elles peuvent donc
être plus rapidement conduites et, en général, cinq jours
suffisent pour procéder aux inscriptions qu'elles néces-
sitent.
D'ailleurs, lorsqu'il y a lieu de procéder à l'immatri-
culation ou à des inscriptions dans des délais encore
plus courts, les fonctionnaires se sont toujours efforcés
de donner complète satisfaction au public.
La procédure d'immatriculation a été en pratique or-
ganisée de façon à causer aux particuliers le moins d'en-
nui possible. En général, une 1/2 heure à 1 heure de
présence au Bureau d'immatriculation est suffisante. Le
requérant n'a qu'à apporter l'acte sur lequel il se fonde
pour demander l'immatriculation et une copie de cet acte.
Il n'a besoin de faire aucun plan ni de rédiger aucune
formule spéciale. Tout est fait au Bureau d'immatricu-
lation. Pour cela, il s'adresse d'abord au service de la
carte ; là, il indique la position de la propriété et donne
les indications nécessaires pour la préparation du plan à
annexer ; puis il passe au service de la rédaction des
formules. Un commis lit l'acte, fait un projet d'im-
matriculation et le soumet à l'approbation du requérant.
Il détermine également le montant des frais à percevoir.
(1) Report of the Registrar, etc., p. 13, § 61.
LE Ln RE EO.XCIER DU COMTÉ DE LONDRES 227
Dans un 3^ bureau, le requérant se procure les timbres
représentant les droits payés et lés fixe sur le projet
qui lui a été remis. Enfin, il va trouver un commis chargé
de l'immatriculation, qui reçoit son acte ainsi que
le projet d'immatriculation et inscrit sa demande sur un
registre, inscription qui confère au requérant un droit
de priorité.
Dès lors le requérant n"a plus qu'à attendre que son
acte et le certificat terrier lui soient renvoyés. 6 0/0 des
demandes seulement donnent lieu à correspondance en-
tre les particuliers et le Land Registry.
Avant de procéder définitivement aux inscriptions sur
le Livre foncier, l'acte et le projet d'immatriculation sont
successivement examinés par plusieurs fonctionnaires,
afin de s'assurer qu'aucune des particularités de la pro-
priété n'a échappé aux divers employés qui ont eu les ti-
tres entre les mains. Concurremment aux opérations ju-
ridiques, le service de la carte constate la conformité
du plan avec l'acte produit et, s'il y a lieu, avec limmeu-
ble lui-même.
Le Land Certificate est enfin préparé ; le plan qui doit
y être annexé est collé sur le verso de ce document et le
tout, accompagné de l'acte qui a servi de base à Timma-
triculation, est renvoyé au particulier dûment scellé.
Cette procédure qui a donné de bons résultats dans la
pratique est rapide et sûre. Elle met en jeu la responsa-
bilité de plusieurs fonctionnaires ({ui se contrôlent les
uns les autres. Ils doivent signer de leurs initiales les
pièces passées par leurs mains, ce qui permet de retrou-
ver, lorsqu'une erreur est découverte, le fonctionnaire
qui l'a commise : cette précaution est une garantie du
soin avec lequel les opérations sont conduites. Ainsi se
trouve résolue la difficulté d'assurer, dans un organisme
central peuplé de nombreux employés la responsabilité
de chacun pour les actes qu'il a faits.
Au 31 décembre 190L 54.143 demandes avaient été
présentées au Bureau d'immatriculation ; sur ce nombre
82.268 avaient pour but d'obtenir l'immatriculation. Les
propriétés ainsi immatriculées montrent une très grande
l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
variété quant à leur consistance et quant à leur caractère.
(( Ce sont des constructions de toutes natures et de tou-
tes valeurs depuis les résidences somptueuses avec jar-
dins de l'Ouest jusqu'aux plus pauvres habitations de
l'Est, depuis les maisons de commerce des rues animées
du centre, bâties depuis des siècles, dont le sol est vendu
et mesuré au pouce carré, jusqu'aux fermes, aux ver-
gers, aux jardins maraîchers des communes suburbai-
nes éloignées et jusqu'aux terrains à bâtir avec des rou-
tes à peine marquées, des lots non délimités, encore dans
le premier état de leur développement. Ce sont aussi des
chapelles, des écoles, des théâtres, des hôtels, des manufac-
tures, des étages, des caves, des parties d'appartement,
des voûtes, des cours, des passages, des murs mitoyens,
des docks, des entrepôts, des parcs, des cimetières, des
chemins de fer, des rues, des tunnels, des passages sou-
terrains, des droits de passage, des droits à la lumière ou
à l'air, des droits de mitoyenneté, des servitudes de cons-
tructions, de' remblais, d'usage de jardins, des substitu-
tions, des droits de propriété indivis ou conjoints, des
freeholds, des leaseholds et des sous-locations de tous de-
grés de complexité, y compris des cas où les tenures sont
embrouillées au point de ne pouvoir être distinguées (1).»
Malgré cette variété et la difficulté de quelques-unes
des opérations, sur 54.000 décisions du Registrar,un seul
appel fut porté devant la Cour et môme dans ce cas, la
décision du Registrar fût confirmée.
Les rapports publiés annuellement par le Land Regis-
try montrent la progression suivie par les demandes en
immatriculation (2).
(1) Report of the Registrar of the Land Registry, p. 5, § 13.
(2) Returns of the Land Registry pour les années 1895-98,
1899, 1900, 1901 et 1902.
LE LIVRE FONCIER DU COMTÉ DE LONDRES
229
Immatriculations
180.5 a
1898
lï^99
{ 900
1901
1902
( avec titre ab-olu. . .
Freeholds < avec titre qualifié . .
( avec titre possessûire
(avec titre absolu...
Leaseholds 1 avec titre qualifié. . .
( avec titre possessoire
Total
Superficie (acres)
25
£6
»
»
18
8o'l
1
2.131
21
2.564
>)
8.774
2(1
3.770
»
(1) 2
12.285
15
3.962
11.861
51
2.954
11.. 366
16.077
15.838
63 924
360.000
396
4.953.747
4.649
13.815.977
2.516
15 315.186
9.194
17.304.591
Valeur (Livres sterlings)
Les immatriculations à titre absolu sont, d'après ces
statistiques, fort peu nombreuses. Les frais relativement
élevés, perçus à l'occasion de cette opération, expliquent
la répugnance des propriétaires à requérir l'immatricu-
lation à titre absolu qui, seule cependant, les ferait bé-
néficier de tous les avantages de la nouvelle législation.
Aucun titre qualifié de freeholds et seulement 10 titres qua-
lifiés de leaseholds ont été délivrés. Les propriétaires ne
tiennent pas, en effet, que les défauts de leurs titres soient
en quelque sorte proclamés ouvertement : ils préfèrent,
lorsqu'ils ne peuvent obtenir un titre gabsolu, demander
seulement un titre possessoire. Ce sont, en effet, les ti-
tres possessoires qui sont de beaucoup les plus nombreux,
ce qui s'explique par la simplicité des preuves à fournir
et le bon marché des tarifs.
Remarquons, enfin, que les leaseholds sont de beau-
coup plus nombreux que les freeholds et qu'il n'y a en
moyenne qu'une immatriculation de freeholds pour 3 de
leaseholds.
Alors qu'au 31 décembre 1898, il n'y avait que 1.910
propriétés immatriculées dont :
345 inscriptions originaires,
(1) La qualification indique seulement que le titre du bail-
leur n'a pas été examiné et est excepté des effets de l'immatricu-
lation.
230 l'introduction di:s livrfs fo.ncikrs i;.\ Angleterre
1.101 inscriptions résultant de lotissements d'immeu-
bles déjà immatriculés,
464 inscriptions par transfert du registre de la loi de
1862 sur le registre de la loi de 1875 ;au 31 décembre 1902,
le Livre foncier comprenait 50.361 propriétés provenant
pour :
46.365 d'immatriculations originaires,
2.883 d'inscriptions résultant de lotissements d'immeu-
bles déjà immatriculés,
1.113 d'inscriptions par transfert du registre de la loi
de 1862 sur le registre de la loi de 1875. A la même date,
53 immatriculations avaient été annulées en vertu des
pouvoirs conférés aux propriétaires par l'article 17, § l,de
la loi de 1897 : ce nombre est assez important si l'on con-
sidère surtout que l'annulation donne lieu à la perception
de droits égaux à ceux perçus à l'occasion de l'immatri-
culation à titre possessoire. Les frais que cette opération
occa??onne. sembleraient devoir empêcher les proprié-
taires d'user cle la faculté qui leur a été accordée.
Les transactions immobilières ont également augmenté
dans une proportion considérable. Après avoir été de
1899 à 1901 inférieures en nombre et en valeur aux imma-
triculations, elles les ont, durant l'année 1902, dépassées
respectivement de 3.000, en nombre, et de 7 millions de
livres sterlings en valeur.
Valure des opérations
1893
1896
1897
1s9h
l><99
1900
1901
1902
1* Immatriculation. . .
Cessions, transports et
transmissions
Mortgages. ctiargos
foncières, transferts
de mortgages et de
charges foncières . .
Annulation de mortga-
ges et de charges
foncières.
Baux et cessation de
baux
13
405
236
165
61
37
13
525
291
153
93
38
8
490
201
lof.
353
130
17
349
238
137
87
91
2.954
803
1 . 235
170
132
280
1 1 . 360
1.475
V630
297
372
1 . 336
16.077
i.8:)4
7.671
734
1.278
2 74ô
15.838
3.978
7.849
1.342
<.734
3.963
Divers
Total
927
1.113
1.338
1.119
3.576
19.670
31.340
34.704
Valeur totale des tran-
sactions en Livres
sterlings
833.313
1.120.024
1.588.782
1.498.371
0.809.149
24.401.753
28.570.742
41.957.460
LE LIVRE FONCIER DU COMTE DE LONDRES
231
Les recettes et les dépenses du Land Registry ont suivi
une marche ascensionnelle analogue. Le budget du ser-
vice s'élevait :
Receltes Dépenses
Années
En 1895-96
1896-97
1897-98
1898-99
1899-00
1900-01
1901-02
1902-03
Liv. st.
17.224
20.139
20.262
21.844
Liv. st.
7.387
7.750
7.863
11.949
dont 2.203 pour les L. T. A. dont 5.000 pour les L. T. A.
35.206 23.601
dont 17.647 pour les L. T. A. dont 16.800 pour les L. T. A.
53.802 37.724
dont 37.600 pour les L. T. A. dont 32.^^00 pour les L. T. A.
61.704 41.270
dont 44.150 pour les L. T. A. dont 37.600 pour les L. T. A.
64.216 54.393
dont 47.02!) pour les L. T. A. dont 46.513 pour les L. T. A.
Si les recettes du Land Registry ont constamment aug-
menté, les dépenses ont suivi aussi ce mouvement. Nous
trouvons l'explication de cet accroissement de dépenses
dans le développement du personnel chargé du service
et pour l'année 1902-03 dans la loi votée en 1900, relative
à la construction d'un local pour le Land Registry. Logé
dans des locaux insuffisants, le Land Registry a obtenu
du Parlement l'autorisation de faire bâtir un édifice dont
le prix sera payé en 50 années au moyen d'annuités pré-
levées sur les excédents de recettes du service. C'est une
dépense de 10 à 12.000 livres sterlings qui, à partir de
1902, est venue s'ajouter aux dépenses ordinaires du
service. Ainsi s'explique l'augmentation considérable des
dépenses constatées en 1902-03, par rapport à celles in-
diquées pour 1901-02.
Les excédents s'élevant depuis 1899 à 56.012 liv. st.,
ont été pour la plus grande partie, attribués à l'Insurance
Fund riche aujourd'hui de 40 à 50.000 livres. Aucune ré-
clamation n'a d'ailleurs été encore présentée. Le montant
actuel suffit amplement à assurer le paiement de toutes
les indemnités possibles ; toutefois, le Registrar recon-
naît qu'en prévision d'une erreur importante toujours à
craindre, il est nécessaire de doter encore plus largement
le fonds d'assurance.
232 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
Jusqu'ici, les résultats obtenus par l'application obli-
gatoire des Land Transfer Acts au comté de Londres
semblent pouvoir faire présager à l'immatriculation un
avenir meilleur que ne fut son passé. Il ne faut pas ou-
blier toutefois, en envisageant la mise en œuvre durant
4 ans de la nouvelle loi, que le choix du comté de Lon-
dres l'a beaucoup facilitée. Un personnel déjà habitué à
accomplir des opérations analogues, un public accou-
tumé à faire subir à ses actes les formalités de l'inscrip-
tion, un comté dont la carte avait été révisée depuis peu
d'années, toutes ces particularités ont apporté à la cons-
titution du Livre foncier un appui qu'il ne faut pas né-
gliger. Toutefois, il est juste de reconnaître d'un autre
côté que, dans un comté presque exclusivement urbain,
le nombre des immatriculations a été beaucoup plus con-
sidérable que dans un comté rural et que l'existence de
constructions a rendu plus difficiles les opérations géo-
métrales et techniques.
L'organisation pratique du Land Registry paraît ex-
cellente et de nature à donner toute satisfaction aux pro-
priétaires. Ceux-ci trouvent, en effet, dans le Bureau d'im-
matriculation, non pas une administration tracassière et
formaliste, mais un service public préoccupé avant tout
de remplir la mission qui lui est confiée sans nuire aux
intérêts privés dont il a aussi la garde. Le Registrar se
loue, d'ailleurs, des rapports que son administration en-
tretient avec les représentants habituels des propriétai-
res, les solicitors. Les officiers ministériels ont loyale-
ment apporté leur concours, dit-il ; beaucoup d'entre eux
apprécient les avantages de la nouvelle législation et font
tout ce qui est en leur pouvoir pour assurer sa réussite (1).
Ils semblent avoir compris l'utilité des Livres fonciers.
Néanmoins, toute opposition ne semble pas encore
écartée. Les demandes en immatriculation d'immeubles
situés hors du comté de Londres n'ont pas augmenté. Les
officiers ministériels de province ne connaissent encore
qu'imparfaitement la nouvelle législation, ils ne la met-
(1) Report of the Registrar..., p. 7, § 22.
LE LIVRE FONCIER DU COMTÉ DE LONDRES 233
tent le plus souvent en pratique qu'à regret ; les avan-
tages administratifs, qui peuvent être faits aux proprié-
taires dans les districts où l'immatriculation est obliga-
toire, ne peuvent pas être consentis à des demandeurs sé-
parés. Pour ces diverses raisons, l'immatriculation fa-
cultative semble définitivement condamnée en Angleterre.
L'extension de l'obligation paraît seule devoir donner
des résultats satisfaisants.
Malheureusement, les intéressés ne semblent pas en-
core convertis. Dans le comté de Northampton, en 1902,
nous a écrit M. Brickdale, le Président du Conseil du
comté demanda au Conseil de prendre une délibération
demandant au gouvernement d'organiser l'immatricula-
tion de la propriété foncière. Soutenue par le Lord Lieu-
tenant du comté (le comte Spencer), cette proposition sou-
leva une vive opposition et dût être abandonnée. Le
gouvernement qui ne peut désormais rendre de nouvelles
ordonnances que sur l'invitation des Conseils de
comté (1) se trouve réduit à attendre que quelques-uns
d'entre eux prennent l'initiative de la réforme dans leur
circonscription.
Le Bureau d'immatriculation se contente donc de ga-
gner peu a peu du terrain à Londres et de perfectionner
l'organisation du service. Lorsque les heureux effets du
Livre foncier londonnien seront définitivement prouvés,
aucune opposition ne sera assez forte pour empêcher
l'extension du système à d'autres comtés. Il est, d'ail-
leurs, permis de se reposer pour cela sur la merveilleuse
ténacité et le remarquable esprit de suite avec lesquels
les divers gouvernements qui se sont succédé en Angle-
terre et l'administration du Land Registry ont, depuis
plus de 40 ans, conduit une œuvre considérée par eux à
juste titre comme véritablement nationale.
(!) Art. 20, § S de la loi de 1897.
CHAPITRE II
QUELQUES APPRÉCIATIONS SUR LES LOIS FONCIÈRES ANGLAISES
Faut-il considérer les Land Transfer Acts comme une
législation définitive qui ne subira dans l'avenir que des
modifications de forme ? Faut-il, au contraire, n'y voir
qu'une étape vers une transformation plus complète du
régime foncier anglais ? C'est ce que nous voudrions
examiner en recherchant quelle est la valeur, au point de
vue théorique, de la nouvelle législation.
Sur beaucoup de points, les lois de 1875 et de 1897 nous
apparaissent comme le résultat d'une transaction entre
le Parlement, d'une part, le public représenté par les so-
licitors, de l'autre. La réforme a, de ce fait, un caractère
d'indécision, de timidité, qui n'est pas sans faire naître
quelques craintes sur les résultats que son application
peut avoir dans le Royaume-Uni.
Après deux essais infructueux, le législateur s'est dé-
cidé à poser le principe de l'immatriculation obligatoire,
mais avec quelles réserves ! Réserves aux droits du gou-
vernement de désigner les comtés où les Livres fonciers
devront servir désormais de base aux transactions immo-
bilières ; réserves aux conventions qui sont soumises à
cette obligation : réserves à la nature des titres dont la
délivrance doit être requise par les propriétaires ; réser-
ves aux biens qui doivent faire l'objet d'une demande en
inscription sur les registres terriers : réserves, enfin, aux
sanctions édictées contre le défaut d'immatriculation.
La désignation, par ordonnances, des districts où l'im-
matriculation sera désormais obligatoire, a pour effet
de retarder pendant longtemps encore l'application gé-
nérale de la nouvelle législation ; la disposition par la-
quelle les propriétaires ne sont contraints de s'adresser
au Land Registry qu'à l'occasion des acquisitions d'im-
meubles qu'ils contractent, remet à une époque encore
APPRÉCIATIONS SUR LES LOIS ANGLAISES 235
plus éloignée la constitution définitive du Grand Livre
terrier des Landlords anglais ; la possibilité donnée à ces
propriétaires de ne requérir leur immatriculation qu'à
titre provisoire laisse subsister, pour une période indé-
terminée, la plupart des incertitudes et des dangers dont
souffre actuellement la propriété anglaise et que la nou-
velle législation avait d'abord pour but de supprimer ra-
dicalement. La distinction quelque peu subtile entre les
droits réels immobiliers, dont la transmission à titre oné-
reux rend ou ne rend pas nécessaire l'inscription sur les
Livres fonciers, ouvre la porte aux conceptions et aux
constructions juridiques des hommes de loi qui trouve-
ront peut-être un procédé habile pour se soustraire aux
prescriptions légales. Enfm, en consacrant le démem-
brement de la propriété en propriété légale et en pro-
priété équitable, les lois de 1875 et de 1897 ont perdu
complètement de vue le but principal de l'immatricula-
tion qui est d'apporter aux titres de propriété toute la
clarté et toute la simplicité désirables. Elles n'ont édicté
comme pénalité pour le défaut d'enregistrement, que la
perte, pour l'acquéreur, de la propriété légale, mais elles
lui ont reconnu par là même, la possession de la pro-
priété équitable, c'est-à-dire la jouissance presque com-
plète de tous les avantages de la propriété légale. Elles
ont même prévu certaines mesures de nature à sauvegar-
der ce droit et ont, par suite, restreint encore l'intérêt
que peut avoir un propriétaire à immatriculer son bien.
Ces prescriptions ont rendu encore plus aisées toutes les
manœuvres, qui pourraient servir à tourner la loi. Des
exemples montrent qu'en combinant les dispositions qui
dispensent certains droits mobiliers de l'immatriculation
et celles qui reconnaissent toujours à l'acquéreur non
inscrit la propriété équitable, les immeubles vendus pour-
raient néanmoins échapper à l'application obligatoire
des Land Transfert Acts. Malgré toutes ses clauses im-
pératives, la nouvelle législation conserve un caractère
en quelque sorte facultatif.
Si les termes de la loi de 1897 qui ont posé le principe
de la contrainte légale peuvent être, à juste titre, criti-
236 l'iMRODLCTIUN des livres fonciers en ANGLETERRE
qués, bien d'autres dispositions soulèvent des objections
graves et nombreuses. La création de trois catégories de
titres absolus, qualifiés et possessoires n'est pas faite
pour simplifier les transactions immobilières déjà fort
embrouillées. Le titre possessoire notamment, soumis
à toutes les revendications basées sur des droits acquis
avant l'immatriculation, laisse la propriété livrée à toutes
les luttes judiciaires auxquelles les Livres fonciers pré-
tendent mettre un terme. Son établissement occasionne
des frais au propriétaire, sans que celui-ci soit assuré de
retirer un bénéfice appréciable des charges qu'il s'im-
pose.
Postérieurement à rimmatriculation, les énonciations
du Livre foncier ne sont pas absolument probantes. Pour
n'avoir pas voulu admettre le principe de la légalité, et
n'avoir pas édicté la nullité de tous les actes non inscrits,
le législateur anglais a laissé subsister en dehors du Livre
foncier un certain nombre de conventions valables, pro-
duisant des effets non seulement entre les parties, mais
encore vis-à-vis de certains tiers. Il a ressuscité, après les
avoir en théorie condamnées, toutes les transactions oc-
cultes dont il avait à grand fracas prophétisé la dispari-
tion. L'autorisation, donnée aux ayants-cause d'un im-
matriculé qui ne veulent pas enregistrer leurs actes, de
sauvegarder leurs droits par certaines mentions ou op-
positions portées sur le registre terrier, est une occasion
de retards, de difficultés, de frais, qui annulent presque
complètement les heureux effets de l'immatriculation. La
plupart des acquéreurs, en présence de semblables men-
tions, se trouveront dans la nécessité de se référer aux con-
ventions en vertu desquelles elles ont été opérées. Mais
les actes produits seront, comme toute transaction occulte,
inintelligibles aux profanes et le ministère d'un homme
de loi devra être requis. Les Livres fonciers devaient per-
mettre aux particuliers de faire leurs affaires eux-mêmes,
d'économiser tous les frais accessoires payés jusque-là
aux solicitors, vaine promesse que la législation nouvelle
est loin de réaliser.
Enfin, les tarifs de frais aujourd'hui promulgués n'amé-
APPRÉCIATIONS SUR LES LOIS ANGLAISES 237
liorent que dans une Qiesure insuffisante la situation des
propriétaires. Favorables aux possesseurs de grands do-
maines, ils grèvent encore trop lourdement les petits pro-
priétaires, alors qu'un traitement de faveur aurait, seul,
pu faire désirer à ceux-ci la propriété foncière dont ils
ont été brutalement expropriés au xvnf siècle et dont de-
puis lors ils ont cessé d'envier la possession.
Toutes ces imperfections justifient jusqu'à un certain
point les critiques formulées par S. Stephen dans ses
commentaires au sujet de la nouvelle loi. « Bien que
l'enregistrement des conventions mobilières présente
de nombreux avantages, des inconvénients graves sont
attachés à la nouvelle législation. Les mortgages, les
charges foncières, les jugements et autres actes juridi-
ques, ne sont pas annulés immédiatement après leur ex-
piration, mais continuent, en général, à être inscrits
longtemps encore sur le Livre foncier. La multiplicité
d'inscriptions, qui est la conséquence de cet état de choses
après un certain nombre d'années, rend très difficile,
même pour une propriété immatriculée, de se rendre
exactement compte, à l'occasion d'une vente ou d'une
constitution d'hypothèque, que la propriété est en fait
libre de charges affectant ou pouvant affecter soit le bien
lui-même, soit la capacité du propriétaire. Les solicitors
ou fidéicommissaires qui contractent au nom de leurs
clients ou des bénéficiaires ont été plusieurs fois déclarés
responsables de la perte subie par ceux-ci pour n'avoir
pas découvert à temps l'existence d'une convention en-
registrée (1). »
Les critiques formulées contre la loi de 1897, ne doi-
vent cependant pas être poussées trop loin. Les hésita-
tions signalées dans l'œuvre du législateur s'expliquent
par la nécessité où il s'est trouvé de ne pas heurter de
face certaines iristitutions ou certains préjugés. Il n'a
pas voulu faire une révolution dans le droit foncier, il a
simplement entendu faire un pas vers une réforme plus
complète, préparer les voies d'une transformation pro-
(1) Op. cit., T. T, p. 559.
238 l'introduction des livres fonciers ex ANGLETERRE
gressive des lois anglaises sur la transmission des im-
meubles.
Réduite ainsi à de plus modestes proportions, la ré-
forme n'en présente pas moins un grand intérêt, au point
de vue juridique et au point de vue économique.
En n'étendant que peu à peu l'application obligatoire
de la loi, la constitution définitive des Livres fonciers est
sans doute remise à une date assez éloignée ; mais cet in-
convénient est largement compensé par de nombreux
avantages. Les propriétaires qui auront dû soumettre
leurs biens aux formalités de limmatriculation, serviront
d'exemple ; les bienfaits des Livres fonciers deviendront
patents, et ceux qui n'auraient pas compris jusque-là
l'intérêt qu'ils ont à immatriculer leurs immeubles, trou-
veront dans les résultats obtenus une preuve de l'utilité
de la nouvelle législation. Ainsi, tomberont peu à peu les
préventions du public contre l'immatriculation. En
même temps, au point de vue administratif, les bureaux
existants pourront être développés, au fur et à mesure
que de nouveaux besoins se seront révélés et de nouveaux
bureaux pourront être constitués dans les districts où les
demandes en immatriculation deviendront particulière-
ment nombreuses. Enfin, ce mode de procéder s'imposait
presque, en l'absence d'une base graphique suffisante
pour permettre d'identifier sûrement et sans vérification
matérielle nécessaire les immeubles immatriculés. L'Or-
nance Map, qui pouvait servir de point de départ aux
opérations de l'immatriculation, ne pouvait être acceptée
immédiatement, comme reproduisant d'une manière
exacte la configuration des immeubles. Il se produit entre
les révisions périodiques de cette carte des transforma-
tions qui modifient les lignes du terrain et nécessitent au
moment de l'immatriculation un travail de réfection quel-
quefois délicat. Si l'immatriculation avait été imposée
d'un seul coup à tous les propriétaires anglais ou seule-
ment à tous les propriétaires d'un même district^ les
hommes de l'art, chargés de s'assurer de la conformité
des plans produits avec les immeubles qu'ils représen-
tent, auraient succombé sous le poids d'un labeur écra-
APPRÉCIATIONS SLR LES LOIS ANGLAISES 239
sant et n'auraient pu exécuter en temps utile les opéra-
tions techniques qui leur étaient confiées. Au contraire,
en échelonnant sur de nombreuses années, la création de
tous les feuillets du Livre foncier, chaque immatricula-
tion peut être l'objet d'un examen approfondi en même
temps que rapide et peut reposer sur un plan dont l'exac-
titude a été soigneusement vérifiée.
L'immatriculation à titre absolu offre au titulaire une
sécurité complète. L'immatriculé peut, désormais, dis-
poser de son bien sans délai, sans difficultés, sans frais
comme un négociant de ses marchandises ou un rentier
de ses titres. Les acquéreurs, les créanciers mortgagisles
acceptent sans discuter le bien qui leur est vendu ou offert
en gage. N'ayant à payer en plus des droits de mutation
que les frais minimes fixés par la cédule II de la loi de
1897. ils sont disposés à accorder au propriétaire des
conditions pécuniaires plus avantageuses. Le bénéfice est
donc certain pour l'immatriculé. Si beaucoup de proprié-
taires hésitent à requérir leur inscription à titre absolu
sur les Livres fonciers, c'est que la procédure est encore
coûteuse et qu'ils ne se soucient pas de prélever sur leurs
revenus annuels les sommes, grâce auxquelles ces résul-
tats seraient obtenus.
Ils se contentent le plus souvent de demander leur im-
matriculation à titre possessoire. ^lais le titre posses-
soire, dit-on, ne confère à l'immatriculé aucun des avan-
tages reconnus au détenteur dun titre absolu : la ré-
forme perd donc de sa valeur et de son utilité. Certaine-
ment, si l'immatriculation à titre possessoire a l'avantage
d'imposer un premier déboursé minime, elle n'accorde
tout d'abord qu'une sécurité toute relative à l'immatri-
culé et aux tiers qui traitent avec lui. Plusieurs années s'é-
couleront, avant que le bénéfice complet du changement
de système ait été senti par le public, tandis que pendant
cette période de transition, les propriétaires devront
payer des dépenses additionnelles et s'en plaindront peut-
être amèrement (L. Mais, à mesure que l'époque où l'im-
(1) V. Brickdale, Report of the Registrar of the Land Regis-
try, 1902, p. 4.
240 l'iMRODUCTION des livres fonciers en ANGLETERRE
matriculation a eu lieu, s'éloignera, le titre possessoire
acquierra, sinon en droit, du moins en fait, une valeur
comparable à celle du titre absolu, car « c'est seulement
comme préface d'un registre général de titres absolus que
la création d'un registre général de titres possessoires
peut être considérée comme une œuvre d'une importance
vraiment nationale (1) ».
Si les pleins effets de l'immatriculation à titre posses-
soire ne sont pas immédiatement atteints, des résultats
certains peuvent être déjà attendus de la réforme. Les
conventions sont simplifiées ; des formules très courtes
suffisent à constater l'accord des parties et permettent à
n'importe quelle personne de conclure valablement les
conventions les plus diverses. L'inspection du registre
permet de se rendre un compte exact de la situation ju-
ridique du propriétaire ; le plan qui est annexé à toute
immatriculation, indique la situation de l'immeuble, sa
contenance et ses limites d'une façon beaucoup plus claire
que ns le faisaient les descriptions écrites insérées jus-
qu'alors dans les actes. Les tiers qui, après avoir traité
avec les propriétaires immatriculés, ont requis l'inscrip-
tion sur le Livre foncier de la convention, possèdent dé-
sormais un titre, opposable à tous les ayants-droit du
propriétaire non encore inscrits. Ainsi se trouvent écar-
tées la plupart des causes de fraude qui se produisaient
auparavant. Enfin, les créanciers mortgagistes connais-
sent désormais le gage qui leur est offert, le rang auquel
ils ont droit et sont mis à l'abri de toutes les pertes
que la pratique de la soudure et de la consolidation leur
faisait autrefois subir.
Mais, deux autres avantages, qui peuvent avoir les plus
heureux effets au point de vue économique, sont assurés
par la nouvelle législation aux propriétaires immatriculés
à titre possessoire ; ce sont la mobilisation du sol et l'or-
ganisation du crédit hypothécaire, procurées surtout
par la délivrance des titres fonciers hypothécaires.
Les Land Transfer Acts ne peuvent, en effet, être sé-
(1) Brickdale, Report of the Registrar of the Land Registry,
1902, p. 29, § 142.
APPRÉCIATIONS SUR LES LOIS AXOLAISES 241
parés des lois sociales, promulguées durant les vingt der-
nières années en vue de créer les petits propriétaires ou
les petits exploitants qui n'existaient que peu ou pas de-
puis l'accaparement du soi par les Landlords. Prendre
des mesures pour constituer des allotments ou des small
holdings en faveur des ouvriers agricoles ou urbains
était inutile, tant qu'on n'aurait pas organisé un crédit
hypothécaire approprié à tous les besoins ; le système des
transactions occultes, en grevant, soit les transmissions,
soit les hypothèques, de frais énormes, écartait presque
automatiquement les petits rentiers et les ouvriers écono-
mes du placement de leurs capitaux dans les propriétés
foncières. Les lois de 1875 et de 1897 ont eu pour but de
remédier à cette situation. Facilement transmissible,
exonérée d'une partie des frais qu'elle supportait, la terre
peut être achetée comme un titre de rente ou une action
de société minière ou de chemins de fer. Les petits capi-
talistes ne craindront plus d'aventurer leurs capitaux, car
outre la sécurité conférée par le Livre foncier, ils possè-
dent un titre de propriété représentatif de la valeur de
l'immeuble, grâce auquel ils peuvent rapidement réaliser
les fonds dont ils ont besoin. Sans avoir de recherches
à faire, par la seule lecture des énonciations qu'il contient,
un acquéreur peut contracter sûrement et le vendeur re-
çoit au bout de quelques jours, parfois même de quelques
heures, le prix de l'immeuble aliéné. Rassurés par cette
facilité, les capitaux ne vont-ils pas affluer vers les opé-
rations immobilières ? L'augmentation de la demande
n'amènera-t-elle pas un relèvement de la valeur vénale
des biens-fonds aujourd'hui si dépréciés ? Prévision qui
semble d'autant plus justifiée que la législation nouvelle
a édicté des mesures aussi simples que rapides pour le
morcellement des immeubles, afin de favoriser la vente
par lots des immenses domaines qui ne trouvaient acqué-
reur pour la totalité qu'à un prix dérisoire. L'annotation
du feuillet du domaine principal, l'ouverture d'un nou-
veau feuillet, suffisent à créer une nouvelle propriété et
à donner à l'Angleterre deux propriétaires au lieu d'un.
Après un certain nombre de morcellements de grandes
L. 16
242 I.IMUODLCTION OLS LIVRES FuNCII-HS JIN ANGLLTKKlu:
propriétés, la terre en Angleterre ne serait plus unique-
ment le luxe des riches (1) : après répartition sur tout le
territoire d'une partie de la population aujourd'hui ag-
glomérée dans les villes, Tétat social du royaume se re-
lèverait, le paupérisme cesserait sans doute ses effrayants
ravages, et lagriculture, forte des bras qu'elle aurait re-
trouvés, pourrait espérer reconquérir le marché anglais
des produits agricoles que ses propres colonies et certai-
nes nations européennes lui ont arraché : la nouvelle lé-
gislation doit donc être considérée comme un des moyens
propres à reconstituer la petite propriété paysanne, qui,
seule, peut assurer le réveil de l'Angleterre rurale (2).
Alais, à ces nouveaux propriétaires qui devront défri-
cher des terres souvent incultes, aux Landlords qui veu-
lent améliorer leurs domaines pour compenser la dimi-
nution de leurs revenus, il fallait procurer des capitaux
en abondance et à bon marché. La transformation du
mortgage en un simple droit réel, améliore la situation
du propriétaire : elle n'épuise pas d'un seul coup son cré-
dit ; elle lui permet de consentir désormais des hypothè-
ques successives sur son immeuble au fur et à mesure de
ses besoins d'argeni ; elle le met à même de subordonner
la garantie qu'il offre à toutes les modalités qu'il croit
préférables pour son intérêt; elle lui réserve, enfin, en
cas de nécessité pressante, la possibilité de demander à
un banquier une avance temporaire gagée sur le dépôt
de son titre foncier. Les créanciers hypothécaires, loin
d'être sacrifiés ou même lésés par les droits conférés au
propriétaire, voient, au contraire, leur situation amélio-
rée. Certains d'être colloques au rang que leur assigne
leur inscription, ils conservent sur leur gage tous les
(1) FowLER, ancien Lord-Maire cité par de Foville: Le mor-
cellement, p. 38.
(2) La campagne fiscale menée actuellement par les conserva-
teurs anglais est destinée à hâter ce réveil et à attacher au sol
par l'appât de revenus suffisants, les acquéreurs de petits do-
maines. V. Eural England, par H. Eider Haggard, 2 vol. in-8°,
Londres, Longmans, Green and C°, 1902.
APPRÉCIATIONS SLR LKS LOIS ANGLAISKS 213
droits d'expropriation qu'ils possédaient auparavant. Ils
peuvent, grâce au titre qui leur est délivré, ne plus at-
tendre l'époque du remboursement pour rentrer dans
leurs fonds : la vente de leur hypothèque est, en effet,
aussi facile, aussi rapide, et aussi sûre que la vente de
l'immeuble grevé ; la constitution d'une sous-hypothèque
est aussi possible, s'ils veulent garder pour eux le béné-
fice du prêt qu'ils ont consenti. Placés dans une situation
meilleure, les créanciers hypothécaires ne prétendront
plus retirer de leurs capitaux un intérêt exagéré que la
nature spéciale du contrat expliquait jusqu'alors : les
propriétaires poseront à leur tour des conditions à ceux
dont ils subissaient la loi impérieuse. Les emprunts,
moins onéreux, pourront être remboursés à l'échéance ;
ils n'aboutiront plus fatalement aux mesures de coerci-
tion. Au lieu d'être une maladie de la propriété, l'hypo-
thèque sera un état presque normal qui facilitera la jouis-
sance et augmentera la valeur des biens-fonds.
Si les avantages de la nouvelle législation sont réels,
certains des inconvénients que nous avons signalés pour-
raient être aisément supprimés ou du moins atténués. La
constitution définitive du Livre foncier est remise à une
date fort éloignée, dit-on, mais ne serait-il pas possible
d'imposer l'immatriculation à l'occasion non seulement
des ventes, mais aussi des mortgages el de tous actes dans
lesquels il y aurait transmission ou démembrement à titre
onéreux de la propriété ? En multipliant les circonstances
qui nécessifent l'inscription sur le Livre foncier, on hâte-
rait le moment où tous les immeubles auront des comptes
différents ouverts à leur nom au Land Registry.
La critique la plus sérieuse et la plus fondée, reproche
aux Land ïransfer Acts de ne favoriser que l'immatricu-
lation à titre possessoire, alors que le titre absolu confère
seul aux immatriculés tous les avantages des Livres fon-
ciers. N'y aurait-il pas lieu, soit de simplifier les forma-
lités exigées pour obtenir un titre absolu, soit d'instituer
une procédure permettant, après quelques années d'im-
matriculation à titre possessoire, l'immatriculation à titre
absolu ? La nécessité d'une modification de la législation
244 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
sur ce point a particulièrement frappé le Registrar qui,
dans son rapport, examine les deux solutions (1).
La simplification des formalités ne lui paraît possible
qu'en prescrivant la constitution du Livre foncier, pa-
roisse par paroisse, pour toutes les propriétés. La grande
publicité de l'opération permet, dans ce cas, de demander
aux détenteurs des preuves très sommaires de leurs
droits, en même temps que les frais sont réduits par la
répartition des dépenses sur un plus grand nombre de
personnes.
Mais, ce système, que nous avons vu usité dans l'Eu-
rope continentale, lui semble trop (( paternaliste » pour le
tempérament britannique. Il préférerait une modification
des lois, autorisant les Bureaux d'immatriculation à se
contenter de preuves similaires à celles demandées pour
l'immatriculation à titre possessoire. Une légère prime,
prélevée à l'occasion de la première vente qui suivrait
l'immatriculation, servirait à couvrir le fonds d'assu-
rance des fraudes ou d'erreurs qui pourraient exister et
qui donneraient aux personnes lésées, droit à indemnité
en vertu de l'art. 7 de la loi de 1897.
L'une et l'autre de ces réformes nécessiteraient l'inter-
vention du législateur dont la décision pourrait être long-
temps attendue. Aussi, le Registrar, en administrateur
pratique, propose-t-il de simples modifications au règle-
ment général qui pourraient être réalisées sans l'inter-
vention du Parlement. Il attribue le petit nombre des de-
mandes d'immatriculation à titre absolu à trois causes
principales : les propriétaires ne savent pas la plupart du
temps qu'ils peuvent faire une telle demande : ceux qui
le savent ont l'impression que les frais sont très élevés ou
que leur titre de propriété, quoique parfaitement valable,
peut être cependant refusé comme base de l'immatricu-
lation à titre absolu pour une raison théorique.
Les propriétaires ignorent le plus souvent qu'ils ont le
droit d'être inscrits avec un titre absolu, car l'inscription
est considérée comme une simple formalité accomplie
(1) Report of the Registrar cf..., p. 30, § 147 et suiv.
APPRÉCIATIONS SUR LES LOIS ANGLAISB:S 245
d'office par le soliciter, pour le compte de son client. Le
Registrar voudrait que le Bureau d'immatriculation fût
autorisé à envoyer aux Landlords un avis les informant
des droits qu'ils possèdent en vertu des Land Transfer
Acts.
Les propriétaires croient que le Land Registry cherche
à découvrir les défauts des titres de propriété et à faire
avorter les demandes en immatriculation. Le rapport re-
pousse cette accusation. Si un certain nombre de deman-
des ont dû être rejetées, c'est que plusieurs propriétaires,
connaissant les difficultés qu'ils auraient à trouver un ac-
quéreur, avaient espéré que le Bureau d'immatriculation
pourrait passer outre et leur délivrer un titre excellent.
Ce n'est pas là le but du Livre foncier : a II n'est pas une
maison de retraite pour les titres atteints de maladie, mais
plutôt un bureau d'essai où un titre ordinaire est, en quel-
que sorte, poinçonné de façon à être dispensé d'essayages
successifs dans les transactions postérieures (T). )> Il serait
toutefois facile de rassurer les propriétaires sur les dis-
positions du Bureau d'immatriculation en autorisant le
remboursement des droits perçus en cas de rejet de la de-
mande.
Enfin, les propriétaires estiment que les frais de l'im-
matriculation à titre absolu, sont très élevés. Les recher-
ches et les documents à fournir pourraient être notable-
ment réduits, lorsque la demande aurait été précédée
d'une immatriculation à titre possessoire. Car la posses-
sion non troublée pendant une année ou plus est une ga-
rantie très sérieuse des droits du détenteur. Les taxes
pourraient, dans ces circonstances, être très diminuées.
Ces propositions présentées par le Registrar ont été
en grande partie adoptées dans les nouveaux règlements
faits le 18 décembre 1903 pour remplacer le règlement
général et le tarif de 1898.
Lorsque le propriétaire qui demande à être immatri-
culé à titre absolu a déjà été inscrit à titre possessoire
ou qualifié pendant 6 ans sur le Livre foncier, le Regis-
(1) Report of the Registrar..., p. 32, § 158.
246 l'introduction des L1\ RES fonciers en ANGLETERRE
trar peut le dispenser de produire tout ou partie des ti-
tres qui pourraient être légalement exigés (1). Il est à
présumer quun certain nombre des propriétaires qui
ont déjà fait immatriculer leurs immeubles profiteront
de cette facilité et que les immatriculations à titre absolu
deviendront ainsi plus fréquentes. Le tarif du 18 décem-
bre 1903, pour encourager de pareilles initiatives, a de
plus, autorisé le Registrar à accorder telle réduction sur
le tarif ordinaire qu'il peut lui sembler juste (2).
Une autre disposition du nouveau règlement permet
au Registrar d'immatriculer à titre absolu, en soumet-
tant lobtention définitive de ce titre à larrivée d'un
terme où à l'accomplissement d'une condition. Jusqu'à
ce moment, le titre sera selon les cas considéré simple-
ment comme un titre qualifié ou possessoire (3). Aupara-
vant les intéressés ne pouvaient obtenir qu'un titre qua-
lifié ou poss'cssoire, sans ;pouvoir espéror qu'avec le
temps ce titre serait transformé en un titre absolu.
Enfin, en ce qui concerné les leaseholds, une autre ré-
forme a été introduite. Depuis l'application obligatoire
de la loi, la plupart des demandeurs en immatriculation
de leaseiiolds avaient, comme pour les freeholds, requis
l'inscription à titre seulement possessoire. Une raison
spéciale au contrat de lease expliquait cette préférence :
pour pouvoir obtenir un titre absolu en leasebold, il fal-
lait que le bailleur consentît à produire ses titres de pro-
priété : l'immatriculation à titre absolu entraînait, en ef-
fet, la preuve que celui-ci avait qualité à consentir le bail.
Mais il est très rare en Angleterre qu'en faisant une lo-
cation, le bailleur permette au preneur d'examiner ses
titres : et, néanmoins, il est d'usage de considérer le li-
tre ainsi obtenu comme très stir. Il en résultait que tous
les bauy ne pouvaient être immatriculés qu'à titre pos-
sessoire. Cependant il existait au point de vue de la va-
leur du titre une grande différence lorsqu'il avait pu être
établi que les droits du preneur actuel remontaient va-
(1) Art. 36, § b (2) General Rules.
(2) Art. 10, Fee order 1903.
(3) Art. 48, General Rule.s.
Al'PRl'XIATIONS SUR Li;s l.ulS ANGLAISES 247
lablement jusqu'au premier preneur, ou, au contraire,
lorsqu'il y avait eu seulement production du dernier acte
de cession de la location. Dans le premier cas, un acqué-
reur ordinaire se serait contenté de l'inspection du regis-
tre, dans le second cas. il aurait dû demander les preu-
ves légalement requises. La confusion de ces deux espè-
ces de titres sous la même qualification pouvait, jusqu'à
un certain point, préjudicier aux bénéficiaires de lease-
holds, et dans tous les cas elle semblait plutôt créer des
ennuis, que procurer des avantages à certains de ces
bénéficiaires. Le nouveau règlement distingue ces deux
catégories de titres. Il laisse aux bénéficiaires de lease-
holds qui ont été inscrits sur simple production du der-
nier contrat de vente, l'immatriculation à titre posses-
•soire ; il crée pour ceux qui ont prouvé qu'ils avaient
réellement droit de se dire propriétaires du bail, un au-
tre titre « le bon titre de leasehold », ce qui peut être tra-
duit, le titre marchand. Ce titre participe de la validité
du titre absolu, en ce qu'aucune réclamation ne peut
plus être élevée contre lui à raison d'actes non inscrits
consentis par les preneurs successifs ; mais il est sou-
mis comme le titre absolu à toutes les l'evendications ba-
sées sur ce que le bailleur n'avait pas ({ualité pour con-
sentir le bail. Malgré cette restriction, et conformément
à la pratique des transactions occultes, le titre marchand
sera considéré comme un bon titre qu'il sera possible
d'accepter sans procéder à d'autres vérifications que
l'inspection du certificat terrier ou du registre. Cette ré-
forme qui paraît au premier abord, être plutôt une ré-
forme de détail qu'une réforme de fond peut, par la clarté
apportée dans la situation et la valeur respective des di-
vers titres en leasebold, avoir les plus beureux effets sur
les transmissions postérieures de ces biens.
Le rapport du Registrar avait aussi préconisé le rem-
boursement des droits lorsqu'une demande en immatri-
culation avait été rejetée : les propriétaires ne croiraient
plus, disait-il, que le Bu.reau d immatriculation chercbe
à plaisir à soulever des difficultés et à faire avorter les
demandes.
248 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
Le tarif de 1903 prescrit, en effet, qu'en cas de rejet
total de la demande en immatriculation, la majeure partie
des droits perçus seront remboursés aux intéressés (1).
Jusqu'à 1.000 livres, il ne sera retenu que 5 shillings,
jusqu'à 10.000 livres, il ne sera retenu que 10 shillings,
et au-delà de 10.000 livres, il sera retenu 1 livre.
Mais l'une des causes pour lesquelles les propriétaires
ne demandaient pas à être immatriculés à titre absolu
était les frais relativement élevés qui devaient être payés
par eux. Le tarif de 1903 a introduit une mesure destinée
à leur rendre moins sensible le sacrifice pécuniaire en re-
portant à une date plus éloignée la perception d'une par-
tie des frais. Il a autorisé, dans les districts où l'immatri-
culation est obligatoire, les propriétaires déjà inscrits
ou en instance d'être inscrits à titre possessoire, à re-
quérir leur inscription à titre absolu, moyennant de lé-
gers frais supplémentaires. S'il s'agit, par exemple, d'un
immeuble acquis pour 500 livres sterlings, les dépenses
nécessaires de vente et d'immatriculation s'élèvent à 13
livres sterlings environ. Un versement complémentaire
de 2 livres sterlings permet d'obtenir un titre absolu ; de
même pour un immeuble de 5.000 livres sterlings, les
frais indispensables s'élèvent à 84 livres et le coût d'un
titre absolu est de 6 livres sterlings ; pour un immeuble
de 50.000 livres sterlings, les 450 livres perçues ordinai-
rement ne sont augmentées que de 33 livres sterlings (2).
Le recouvrement des sommes, qui restent dues par ap-
plication du tarif légal, est différé. Une mention portée
sur le registre, fait connaître les sommes qui n'ont pas
encore été acquittées (3). Pour se délibérer, le propriétaire
possède deux moyens : ou bien il peut payer soit en tota-
lité, soit par acomptes ce qu'il reste devoir (4), et il lui
(1) Fee order, art. 7, § (f).
(2) Return showing the work done in the Land Registry from
the first day of January 1902, to the 31 th. day of Decembcr
1902.
<3) Fee order, art. 7, § (a) et (b).
(4) Ibid., § (d).
APPRÉCIATIONS SUR LKS LOIS ANGLAISES 249
est ainsi possible de répartir sur un certain nombre d'an-
nées une dépense qui, faite en une fois, aurait été oné-
reuse pour lui. Ou bien, il peut attendre de vendre ou
d'hypothéquer son immeuble et, dans ce cas, les frais
perçus à l'occasion du contrat seront augmentés de moi-
tié : cette augmentation servira à parfaire les sommes qui
n'ont pas encore été payées au Trésor (1). A ce moment,
le propriétaire touchera un certain prix et il pourra sup-
porter plus facilement cette légère surcharge. Si le pro-
priétaire continue d'après ce système à payer des frais
aussi élevés qu'auparavant, il ne les paie en quelque
sorte qu'à son heure et au moment où ils lui paraîtront
le moins lourds. Une concession importante est, en ou-
tre, faite aux propriétaires d'immeubles d'une valeur in-
férieure à 1.000 livres sterlings. La partie des frais, dont
la perception est différée, leur est totalement remise lors-
qu'une Société de: construction, de Secours mutuels,
de prévoyance ou industrielle leur a déjà avancé plus de
la moitié de la valeur de l'immeuble.
Tels sont les divers moyens par lesquels le Bureau
d'immatriculation va, désormais, essayer d'inciter le^
propriétaires à immatriculer leurs immeubles à titre ab-
solu ; ces modifications suffiront-elles à rendre désira-
ble l'obtention d'un tel titre ? Il est encore trop tôt pour
pouvoir le dire. Elles n'apporteront pas dans tous les
cas un remède aux autres imperfections que nous avons
signalées.
-Néanmoins, quelque insuffisante que soit, sur certains
points, la nouvelle, législation, quelque; embryonnaire
(jue soit sa première application, il est permis d'en at-
tendre d'heureux résultats ; car elle répond à un besoin
en quelque sorte inéluctable, éprouvé par les proprié-
taires anglais d'avoir en leur possession un instrument
approprié aux besoins modernes de la propriété foncière
agricole ou urbaine. Ses effets ne semblent, d'ailleurs,
pas devoir se limiter aux seules institutions juridiques
qu'elle a entendu modifier. Il est permis de présager que
(1) Pee order, art 7.
■^50 L IM HODimON DES LIVRES FONCIERS EN ANGLETERRE
toute la pratique des conventions immobilières, intime-
ment liée au mode par lequel se constate la propriété, se
transformera sous son influence et qu'au point de vue
économique, létendue des immeubles diminuera, grâce
aux facilités données par la réforme, aux ventes et aux
emprunts des petits propriétaires.
CHAPITRE III
LA QUESTION DES LIVRES FONCIERS EN FRANCE.
En faisant la critique des institutions juridiques an-
glaises avant 1897, nous avons été frappés des nombreu-
ses similitudes existant entre la situation de la propriété
foncière en France et en Angleterre. Le Code Civil de
1804. même amendé et modifié par la loi du 23 mars 1855,
ne répond plus aux besoins actuels ni aux mœurs mo-
dernes. A limmuabilité dans la même famille des pro-
priétés foncières, ont succédé, à l'instar de la circulation
croissante des valeurs mobilières, des transmissions plus
fréquentes et des constitutions de droits réels, plus nom-
breux, multipliant les chances d'erreur que le Code Ci-
vil laisse subsister. La clandestinité de certaines con-
ventions, l'élévation des tarifs (1), les difficultés d'ouvertu-
res de crédit, la multiplicité des procès (2), conséquences
nécessaires de cette incertitude, ont placé la propriété
foncière française dans une situation analogue à celle où
se trouvait la propriété anglaise sous le régime des tran-
sactions occultes. Depuis longtemps (( les pertes incalcu-
lables qu'il (ce système) a fait éprouver aux capitalistes
justifient suffisamment les réclamations dirigées contre
cette partie de la législation (3) ».
(( Actuellement, a dit un jurisconsulte, les registres
d'hypothèques contiennent à peu près tout ce qui n'est
(1) 24,43 0/0 pour une vente de 100 francs; 10,98 0/0 pour une
vente de 500 francs; 10.61 0/0 pour une vente de l.OÔO franc»;
8,61 0/0 pour une vente de 10.000 francs; 9,96 0/0 pour une vente
de 200.000 francs. Cf. Proposition de loi de M. Maurice Viol-
lette tendant à exonérer de tout droit d'enregistrement la vente
d'immeubles d'une valeur inférieure à 500 francs. Chambre des
Députés. Session extraordinaire de 1903.
(2) 80.000 procès immobiliers environ par an, d'après le
Compte de la Justice civile en France.
(3) AuBRY et Rau, Cours de droit civil trancais, T. I, p. 27.
252 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
pas la vérité ; ils contiennent une foule d'inscriptions qui
ne devraient pas ou ne devraient plus s'y trouver, des
références à des titres qui n'ont aucune validité, des ins-
criptions de créances qui ont été payées et qui, dès lors,
n'existent plus. Au contraire, ils ne tiennent aucun
compte d'actes parfaitement réguliers qui affectent la
propriété ; ils ne tiennent pas compte, notamment, des
actes déclaratifs de propriété non plus que des muta-
tions par décès. Ils laissent ignorer aussi toutes les char-
ges résultant des hypothèques légales. Ils ne mentionneat
aussi que par aventure, les cessions de créances hypothé-
caires. En réalité, vous le savez aussi bien que moi, le
registre des hypothèques est un grimoire abominable (1). »
La révision des lois hypothécaires et la modification
de la loi sur la transcription est depuis de nombreuses
années demandée. Des projets et des rapports ont été dé-
posés sur les bureaux de l'une et l'autre Chambre, sans
que les propositions aient pu aboutir (2). En étudiant la
(1) Challamel, Comm. extrap. du cad. Proc.-verb., T. VII,
p. 321.
(2) Depuis 1870, voici la liste des diverses propositions pré-
sentées: proposition de M. Emile Bouchet tendant à étendre
à tout prêteur sur hypothèque les dispositions édictées, en fa-
veur du Crédit foncier exclusivement, par le Décret du 28 fé-
vrier 1852 et la loi du 10 juin 1853. Chambre des Députés, S.
12 mai 1897, n° 933. — Même proposition de M. Cesbron, Cham-
bre des Députés, S. 1^^ avril 1878, n° 587. — Proposition de
M. Dethou. aj^ant pour objet l'ouverture d'un crédit agricole
à un taux modéré en faveur de la propriété foncière. Chambre
des Députés, S. 10 février 1885, n° 3528. — Projet de loi por-
tant modification de l'art. 9 de la loi du 23 mars 1855 (Hypo-
thèque légale de la femme), présenté par M. Cazot, Garde des
Sceaux,S. 26 novembre 1881, n° 138. (Repris en 1886 par M. Bris-
son, ce projet a abouti et est devenu la loi du 13 février 1889.)
— Proposition de loi de M. Fleury, ayant pour objet la mobi-
lisation partielle de la propriété foncière. Ch. des Dép., S.
19 juin 1883, n" 2022. — Proposition de loi de M. Manoury con-
cernant l'hypothèque judiciaire. Ch. des Dép., S. 9 mars 1889,
n° 3687. — Proposition de M. Barbe, ayant pour objet la subs-
titution d'un droit proportionnel de transcription hypothé-
caire au droit fixe de timbre actuel, et l'exemption des droits
LA QUESTION DES LIVRES FONCIERS EN FRANCE 253
législation anglaise qui marque un si grand progrès,
nous nous sommes souvent demandé, s'il ne fallait pas
appliquer, en France, les principes de l'immatriculation
tels qu'ils ont été adoptés au-delà de la Manche.
Les avis sont, sur ce point, très partagés. Les uns dé-
fendent au nom du grand principe de la liberté des con-
trats l'œuvre du législateur de 1804 et de 1855. Tout en
admettant la nécessité d'apporter au régime hypothé-
caire certaines améliorations, de soumettre à la trans-
cription toutes les mutations de propriété et de ne plus
pour les ventes au-dessous de 500 francs. Ch. des Députés, S.
12 mars 1890, n° 526. — Proposition de loi de M. H. Pontois
ayant pour objet la réforme de la constitution de la propriété
immobilière en France et dans les Colonies. Ch. des Députés,
S. 6 mai 1890, n« 533. — Proposition de loi de M. H. Pontois,
ayant pour objet la réorganisation du cadastre et sa conser-
vation. Ch. des Députés, S. 6 mai 1890, n° 532. — Proposition
de loi de M. Victor Prost sur le Crédit foncier. Ch. des Députés,
S. 12 juillet 1890, n° 835. — Proposition de loi de M. Lévêque
sur le Crédit foncier. Ch. des Dép., S. 19 janvier 1891, n° 1134.
— Proposition de M. J. Siegfried, ayant pour objet la réduc-
tion des droits d'Enregistrement et de timbre sur les ventes et
échanges d'immeubles dont la valeur ne dépasse pas 500 francs.
Ch. des Dép., S. 14 mars 1891, n° 1308. — Proposition^ de loi de
M. Honoré Pontois sur la réforme du cadastre. Ch. des Dépu-
tés, S. 27 mai 1891, n° 1442. — Proposition de loi de M. J. Co-
det, ayant pour objet la création du Crédit hypothécaire à
long terme et à, taux réduit. Ch. des Dép., S. 15 janvier 1894,
n« 246. Rapport de M. Jean Codet, S. 26 novembre 1895,
n° 2135. — Proposition de loi de M. Gendre, relative à la ré-
forme du cadastre. Ch. des Dép., S. 20 janvier 1894, n° 273. —
Proposition de loi de M.Boudenoot tendant à rendre plus rapide
et plus économique la révision du cadastre. Ch. des Dép., S.
10 février 1894, n° 373. Rapport de M. Delombre, S. 10 avril
1895, n° 1299. Transmise au Sénat le 12 décembre 1895. Rapport
de M. Morel, S. 24 février 1895, n° 33. Représentée à la Cham-
bre des Députés le 25 février 1898. Rapport par M. Boudenoot,
S. 28 février 1898, n« 3077. Loi du 17 mars 1898. — Proposition
de loi de M. Thézard, relative à la publicité des actes intéres-
sant la propriété immobilière. Sénat, S. 28 octobre 1895, n° 8.
— Projet de loi sur la réforme du régime hypothécaire présenté
254 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
admettre l'existence de privilèges et d'hypothèques lé-
gales ou judiciaires non inscrits, ils se refusent à recon-
naître la nécessité d'instituer un Livre foncier, réunis-
sant sur un même feuillet toutes les inscriptions relati-
ves à un immeuble. Ils craignent de rendre trop aisées
les mutations de propriété et, d'accélérer encore la dépo-
pulation déjà si inquiétante des campagnes. Facilement
transmissible, la propriété perdrait, suivant eux, son ca-
ractère d'immuabilité dans une même famille, caractère
qui fait, aujourd'hui encore, la force de nos paysans. Les
agents d'affaires s'insinueraient chez eux, leur feraient
signer des actes d'hypothèque dont ils ne connaîtraient
pas suffisamment les conséquences et les dépouilleraient
ensuite. Dès lors les habitants des campagnes, n'ayant
plus aucune attache au sol, viendraient grossir les rangs
par M. Darlan. Sénat, S. 27 octobre 1896, n° 2. — Proposition
complémentaire de MM. Thézard et Brusset. Sénat, S. 4 dé-
cembre 1896, n.° 147. — Projet de loi sur la réforme du régime
hypothécaire présenté par M. G. Cochery, ministre des Finan
ces. Ch. des Dép., S. 11 février 1897, n*' 2283. —Proposition de
loi de M. Bertrand, relative à la transformation en une taxe
proportionnelle des divers droits perçus sur les formalités hypo-
thécaires. Ch. des Dép., S. 25 octobre 1898, n° 286. Eapport de
M. Klotz, S. 1^^ mars 1900, n° 1477. — Proposition de loi de
M. G. Graux, ayant pour objet de 'donner des garanties spé-
ciales aux prêts chirographaires consentis aux agriculteurs et
de constituer le crédit agricole immobilier, S. 2 mai 1899, n° 905.
— Proposition de loi de M. Klotz, ayant pour ol^jet de dévelop-
per le crédit agricole par le dégrèvement des petits prêts hypo-
thécaires. Ch. des Dép., S. 19 juin 1899, n° 1037. Rapport de
M. Klotz, S. l^"" mars 1900, n° 1477. Projet de loi de M. Cail-
laux sur la transformation des droits perçus à l'occasion des
formalités hypothécaires. Ch. des Dép., S. 19 février 1900,
n° 1429. Eapport de M. Klotz, S. P^ mars 1900, n° 1477. Trans-
mis au Sénat, le 28 juin 1900. Rapport de M. Boulanger, S.
6 juillet 1900, n° 296. Représenté à la Chambre, le 9 juillet 1900.
Rapport de M. Klotz, S. 10 juillet 1900, n« 1855. Loi du
27 juillet 1900. — Proposition de loi de M. G. Chastenet sur la
sécurité du Titre foncier. Ch. des Dép., S. 22 juin 1900, n° 1741.
— Même proposition de M. Chastenet, S. 4 mars 1903, n« 796.
LA QUESTION DES LIVRES FONCIERS EN iRAI^iCE 20D
(lu prolétariat industriel parmi lequel certains partis ex-
trêmes recrutent leurs plus fidèles adeptes.
Mais la plupart des économistes et jurisconsultes Iran-
gais s'insurgent contre de semblables théories qui ten-
dent à considérer le petit propriétaire comme un inca-
pable dont il faut, sans lui et quelquefois contre lui, sau-
\egarder les droits. « Il est difficile, a dit un auteur, de
comprendre qu'on traite de mineur, le paysan investi
de tous les droits civils et du droit de suffrage, pour une
chose qui regarde ses intérêts les plus immédiats (1). »
« Ce sont les paysans qui ont su le mieux faire leurs af-
faires depuis 1789. Ils ont acheté le sol, ils l'ont fécondé
dans les plus petits recoins et fertilisé, comme on la rap-
pelé souvent, jusqu'au roc stérile. Ils ont augmenté la
plus-value de la petite propriété dans une proportion su-
périeure à celle des domaines étendus. Sous quel pré-
texte, les expulser du droit commun ? Est-ce qu'ils ont
subi parfois des entraînements et compromis des épar-
gnes en des mains peu sûres ? Nous dirions dans ce cas :
que ceux qui n'ont pas péché, leur jettent la première
pierre (2). » Ne faut-il pas dire, au contraire, que <( s'il
coûtait moins cher pour négocier la terre, si la transmis-
sion était rendue plus libre et plus facile, il y aurait en
France moins d'exploitations affermées et plus de pro-
priétaires exploitants, ce qui serait à tous les points de
vue un grand progrès (3) ». Il y aurait aussi plus d'em-
prunteurs ; mais, offrant un gage plus sûr. ils paieraient
un intérêt moins élevé quaujourd'hui. et ne seraient
plus fatalement conduits par le crédit hypothécaire à la
ruine.
Si, pour ces diverses raisons, presque toutes les per-
sonnes compétentes sont d'accord pour demander la
création d'un Livre foncier, la discussion renaît lorsqu'il
s'agit de préciser les conditions dans lesquelles il sera
constitué. Faut-il ordonner Fimmatriculation des immeu-
(1) Baudrillart, Revue des deux Mondes, P^ juillet 1891,
p. 164.
(2) Ibid.
(3) FoviLLE, le Morcellement.
25G l'introduction des livres fonciers en ANGLETiaiRl::
blés dans toute une région à la fois ? Faut-il, au con-
traire, autoriser les propriétaires de n'importe quelle
région à demander séparément l'immatriculation de leurs
biens-fonds ?
Deux objections sont faites au second système. Il crée,
dit-on, une double législation applicable en même temps,
dans un même pays ; or, l'unité de législation est un prin-
cipe qui ne souffre, en France, aucune exception : la loi
doit être la même pour tous. Objection qui nous touche
assez peu. Même en admettant que l'immatriculation soit
prescrite pour tous les immeubles, cette opération de-
mandera de longues années pendant lesquelles coexis-
teront des communes dotées du Livre foncier et d'au-
tres qui en seront privées : l'inégalité entre les propriétés
situées dans deux communes différentes sera aussi cho-
quante que celle entre deux propriétés situées dans la
même commune.
Alais une autre question plus grave se pose. Pour
établir un Livre foncier, il est nécessaire de demander,
à l'occasion de chaque immatriculation, la production
d'un plan de la propriété servant à la reconnaître et à
l'identifier sur le terrain. Or, quelle base allez-vous don-
ner à ce plan ? Le cadastre actuel ? Mais il est complè-
tement insuffisant. Etabli de 1807 à 1850, il n'a pas été
tenu à jour depuis qu'il a été terminé dans chaque com-
mune. L'enquête à laquelle il a été procédé en 1891 a
démontré que, dans 173 communes prises dans tous les
départements, le cadastre ne représentait plus qu'excep-
tionnellement, la situation des lieux ; que, si une simple
révision suffirait dans 28 d'entre elles, à rendre au ca-
dastre son exactitude primitive, la réfection intégrale
s'imposait pour les 145 autres, soit 84 0/0 (1). Le cadastre
(1) Les principales causes de modification sont: la création
d'agglomérations, le déboisement, le progrès ou le recul de cer-
taines cultures et notamment de la vigne, enfin le morcelle-
ment, sinon de la propriété, du moins des parcelles. Celles-ci
ont, en effet, passé de 125.997.345 à 151.091.992 (d'après l'en-
quête de 1891), ce dernier chiffre représentant 119 0/0 des par-
celles primitivement cadastrées.
LA QUESTION DES LIVRES FONCIERS EN FRANCE 257
ne peut pas, dans de telles conditions, sei^ir de base à
l'immatriculation. Il ne peut donc être question que d'un
levé fait aux frais du propriétaire, après un bornage con-
tradictoire avec les propriétaires voisins, soit à l'amia-
ble, soit en vertu de l'article 646 du Code Civil. Or, avec
ce procédé, dit M. Cheysson, dans son rapport général
sur les travaux de la Sous-Commission technique de la
Commission extraparlementaire du cadastre, « il est à
la fois très coûteux et très difficile d'obtenir des résultats
d'ensemble. Chacune des opérations va être grevée de
frais généraux qu'on éviterait en les combinant et en les
pratiquant à la fois, par exemple, pour toute une com-
mune. L'examen des titres d'une seule propriété entraîne
parfois celui des titres de tous les propriélaires d'un
même confm ; et il est bien préférable d'évoquer du même
coup dans toute sa généralité, au lieu d'appeler successi-
vement en cause, les divers intéressés. Enfm, au point
de vue technique, le jour où 1 on voudra juxtaposer ces
mêmes plans livrés par morceaux, on aura beaucoup
moins de chance de les raccorder aussi exactement que
s'ils avaient été l'objet d'une opération unique (1). » S'il
est possible, continue-t-on, d'obtenir une précision satis-
faisante en Tunisie, en Australie, et même en Angle-
terre, et de se contenter de levers partiels, c'est qu'il
existe dans ces pays des plans généraux qui donnent les
points trigonométriques nécessaires pour rattacher ces
levers au plan général et prévenir les erreurs techniques.
En outre, ces trois pays ne connaissent guère que la
grande propriété ; de vastes domaines occupent même
sur une carte ordinaire un espace appréciable. La France,
au contraire, est privée d'une carte à grande échelle, et
notre carte au 80.000' ou au 50.000^ est d'autant plus in-
suffisante, que la propriété est chez nous plus morcelée.
Il y a donc lieu, semble-t-il, d'attendre pour ces divers
motifs la réfection du cadastre, car « perpétué à l'aide
d'un système de conservation perpétuelle, il ne serait
pas seulement un instrument fiscal et administratif, il
satisferait à d'autres besoins. Des abornements généraux
(1) Comm. extrap. du cad. T. VI, p. 533.
L. 17
258 l'introduction des livres fonciers en Angleterre
et une triangulation rigoureuse précéderaient le renou-
vellement des opérations. Le cadastre constituerait la
base de la propriété foncière ; il assurerait la sécurité
des hypothèques et la régularité des transactions immo-
bilières ; il fournirait enfin à lagriculture, par le déve-
loppement des institutions de crédit, les moyens d'action
qui lui font défaut aujourd'hui. En un mot, il deviendrait
le Grand-Livre terrier de la France (1). » La Commission
extraparlementaire a, malgré l'opinion de certains de ses
membres (2), adopté cette manière de voir et décidé que
le Livre foncier ne serait constitué dans chaque com-
mune, qu'après la révision ou la réfection du cadastre (3).
On ne peut contester que la décision de la Commission
soit celle qui satisfasse le mieux à toutes les opérations
de la constitution du Livre foncier. Précédant l'imma-
triculation, la réfection ou la révision du cadastre per-
mettrait de beaucoup simplifier les recherches relatives
aux titres de propriété, lorsqu'il s'agirait de procéder à
l'inscription- des immeubles sur le Livre foncier. Mais
cette solution présente à nos yeux le défaut capital de
transformer la (luestion de la réforme foncière en une
question d'argent. L'administration des contributions
directes, l'un des rapporteurs delà Sous-Commission tecli
ni(]ue de la Commission extraparlementaire, certaines per-
sonnes compétentes ont cherché à évaluer par des métho-
des différentes, ce que coûterait le renouvellement du
cadastre français. Tous sont arrivés à évaluer une dé-
pense probable d'environ 600 millions. Si ce chiffre n'est
certainement pas exagéré, eu égard à l'utilité du cadas-
tre, tant au point du vue fiscal qu'au point de vue éco-
nomique, il ne laisse pas, cependant, d'inspirer certai-
nes inquiétudes au sujet des ressources avec lesquelles
(1) Exposé des motifs du Budget de Texercice 1891, présenté
par M. Rouvier, ministre des Finances, p. 27.
(2) MM. Marques di Braga, Degouy, Boudenoot.
(3) Conclusions du Comité d'Enquête adoptées à la Séance
du 25 mai 1894. Comm. extrap. du cad. Proc.-verb., T. V, p. 43
et suivantes.
LA QUESTION DES LIVRES FONCIERS EN FRANCE 259
il y sera pourvu (1) ; dans tous les cas, il fait présager
une longue période d'exécution pendant laquelle la pro-
priété foncière ne pourra pas bénéficier des avantages
des Livres fonciers. Pour avoir voulu mériter la statue
que Napoléon P"" promettait à celui qui ferait une bonne
loi sur le cadastre, la Commission a peut-être perdu de
vue le caractère pratique et l'urgence de la réforme à
laquelle elle a été appelée à concourir.
M. Boudenoot se rendait si bien compte de la nécessité
de hâter une opération qu'il savait devoir être fort lon-
gue et pénible, qu'en 1894, il déposait à la Chambre, une
proposition de loi tendant à rendre plus rapide et plus
économique la révision du cadastre, proposition qui a
abouti et est devenue la loi du 17 mars 1898. Les rensei-
gnements, fournis par le rapporteur du budget du minis-
tère des Finances pour l'année 1904, sur l'application
de cette loi, nous montrent que les départements et les
communes ne témoignent que d'un empressement rela-
tif à voter les fonds nécessaires à la réfection de leur ca-
dastre. 44 communes ont déjà demandé à l'Etat les sub-
ventions auxquelles elles ont droit ; il est prévu que 16 au-
tres réclameront à l'Etat son concours en 1904. C'est donc
en tout, 60 communes (2) ^ qui seront dotées à brève
échéance d'un bon cadastre.
Il est certain que la Commission extraparlementaire
propose des mesures propres à rendre plus rapide cette
colossale opération. Nénamoins, faute de personnel suf-
fisant, faute peut-être de crédits disponibles, à cause
aussi de résistances locales, l'introduction du Li-
(1) La Sous-Commission des voies et moyens a, en mars 1904,
décidé, pour pourvoir à la dépense, l'émission d'obligations
cadastrales, garanties par l'Etat et remboursables par annuités
au moyen du produit de centimes additionnels spéciaux.
(2) Ces communes sont ainsi réparties: Haute-Marne, 13; Pas-
de-Calais, 2; Seine, 2; Seine-et-Marne, 12; Seine-et-Oise, 4;
Somme, 5 ; Vosges, 6. Les opérations cadastrales ont été en-
treprisees dans 23 communes; en 1904, le cadastre de 10 nouvel-
les communes sera commencé. V. Doc. Parlementaires, Cham^
bre, 1903, p. 1512 et 1513.
260 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
vre foncier sera renvoyée dans de nombreuses commu-
nes à une lointaine échéance. Pourquoi, dans ces condi-
tions, refuser aux propriétaires qui voudraient bénéficier
de la nouvelle législation, la possibilité de ne pas attendre
la réfection du cadastre dans leur commune ? Ils feraient
rectifier le plan cadastral ou procéder à un lever nou-
veau, s'il y avait lieu ; ils appelleraient, conformément
aux règles posées par le code, les propriétaires voisins
à procéder au bornage contradictoire de leurs immeu-
bles ; puis, ils feraient vérifier leur plan par des agents
officiels. Peut-être les frais seraient-ils un peu plus con-
sidérables ; mais les propriétaires recouvreraient rapide-
ment, soit par la plus-value immédiate donnée à leur
immeuble, soit par les facilités qu'ils trouveraient à con-
tracter des emprunts, la légère dépense qu'ils se seraient
imposée. Ainsi les deux opérations, réfection du cadastre
et constitution du Livre foncier, au lieu d'être successi-
ves, seraient concurrentes. Au lieu d'être subordonnées
l'une à l'autre, elles se prêteraient un mutuel concours,
car les levers partiels simplifieraient le travail cadastral,
lorsque celui-ci serait enfin entrepris.
Après avoir ainsi déterminé les conditions dans les-
quelles le Livre foncier serait constitué, la Commission
extraparlementaire s'est préoccupée d'assurer sa conser-
vation et de prescrire les règles d'après lesquelles les
mentions 'doiventi être opérées. Désormais, toutes les
transactions immobilières devront être inscrites. De
même que dans la législation anglaise, la Sous-Commis-
sion juridique, a, dans son projet, maintenu la validité
des actes, même non inscrits, entre les parties. Il est à
craindre, bien que cette concession ait moins d'impor-
tance en France qu'en Angleterre, qu'elle ne puisse ce-
pendant être une occasion de difficultés et de procès inu-
tiles et nuisibles.
Mais, les hypothèques occultes et les hypothèques géné-
rales seront spécialisées et soumises à la publicité, les
privilèges immobiliers devront être également conservés
par une inscription ; les privilèges généraux du droit ci-
vil seront primés par les droits et privilèges immobiliers.
LA QUESTION DES LIVRES FONCIERS EX FRANCE 261
mesures qui, jointes à robligation de faire désormais
mentionner toutes les mutations de propriété, donneront
aux tiers traitant avec le propriétaire inscrit entière sé-
curité. En ce qui concerne les droits des créanciers hypo-
thécaires, la création de bons hypothécaires, accessoires
de la créance, mais dispensés de toutes les causes de
nullité ou d'extinction qui peuvent exister, soit au mo-
ment où l'emprunt est contracté, soit pendant la durée
du prêt, assure les cessionnaires contre tous risques et
leur permet d'acquérir les créances transmissibles par
simple endossement (1).
Tels sont les grands traits de la vaste réforme qui
sera, sans doute, proposée par la Commission extrapar-
lementaire du cadastre, à l'attention du législateur. Trou-
vera-t-elle auprès du Parlement, l'accueil auquel elle a
droit ? Il n'est pas possible d'émettre à ce sujet, une opi-
nion ferme. Mais cette œuvre restera dans tous les cas
comme un des monuments de droit les plus sérieux, en-
trepris depuis de longues années ; si toutes les concep-
tions et tous les projets n'aboutissent pas immédiate-
ment, il est à présager néanmoins, que bien des réformes
dans notre Code Civil, quelque peu vermoulu, seront ins-
pirées par les travaux de cette Commission. L'obligation
d'inscrire toutes les hypothèques et privilèges immobi-
liers, et de transcrire toutes les mutations de propriété,
de quelque nature qu'elles soient, serait déjà un pas im-
portant fait vers la transformation de nos lois foncières.
La réfection du cadastre, et l'organisation de sa conser-
vation, permettraient aussi d'envisager le jour où, par
(1) La Sous-Commission juridique n'a pas voulu introduire les
hypothèques indépendantes des créances qu'elles garantissent:
le bon hypothécaire de la loi du 9 messidor an III ou la dette
foncière allemande. Elle a eu raison, selon nous. Certains au-
teurs croient cependant que le meilleur moyen de mobiliser le
sol est de créer l'hypothèque sur soi-même et de constater cette
création par un billet hypothécaire. V. notamment, la mobili-
sation du sol en tant qu'élément de crédit en France et à l'étran-
ger, par M. H. Pascaud, Nancy, Borgor-Levrault et Cie, 1903.
262 l'iMRODUCTION des livres fonciers en ANGLETERRE
de simples écritures, les feuillets du Livre foncier pour-
raient être établis.
Mais ce n'est que la création de ces Livres fonciers qui
peut donner à la propriété territoriale l'essor qui lui
manque actuellement. Elle seule facilitera la transmis-
sion des immeubles, donnera des titres excellents aux pe-
tits domaines presque toujours « exposés à de désobli-
geantes surprises (1) » ; ne se reposera plus sur le fonds
inaltérable de franchise et de loyauté de notre peuple
pour protéger nos paysans relativement simples, contre
les détours habiles de la chicane et de la procédure (2).
Pour relever la propriété foncière, il ne suffit pas, en
effet, de créer sur le papier de magnifiques institutions
de crédit mutuel agricole, il vaut beaucoup mieux inciter
les petits capitalistes à acquérir la propriété, à la faire
valoir et à l'améliorer avec le montant de leurs épargnes.
L'agriculture française est, actuellement, entravée dans
ses efforts, par ces multiples liens qui l'enserrent de tous
côtés et qui stérilisent toutes les initiatives. C'est de ces
liens qu'il faut la délivrer ; c'est, en assurant la sécurité
du titre foncier, qu'il sera possible de (( donner au cré-
dit du fermier, la liberté des gages qu'ils possèdent et
dont les défectuosités de notre législation et l'énormité
des impôts et des taxes d'honoraires, leur interdisent
l'emploi ». x-Yinsi on rendra sa véritable valeur à la terre
de France, et, on permettra au travail opiniâtre du
paysan, de féconder notre sol c^ue, selon le mot de Mi-
chelet, il a fait « en y enfouissant, avec les ossements des
morts, la sueur des vivants ».
(1) FoviLLE, RéfectiiDïi du cadastre et Livres fonciers. Econo-
miste français, n°^ des 25 juillet et l^'" août 1903.
(2) Flour de Saint-Genis, La propriété rurale en France, Pa-
ris, Armand Colin, 1902.
CONCLUSIONS.
Le Livre foncier qui existe ou a été établi dans les pays
à vieille histoire comme les Etats européens, qui fonc-
tionne dans les pays neufs des colonies françaises ou
anglaises, semble donc être la base véritablement mo-
derne de la propriété foncière ; résurrection des anciens
terriers ou polyptyques féodaux, il semble être le régime
normal des transactions immobilières.
Adapté à tous les besoins, modifié suivant les coutu-
mes^ les législations ou les mœurs, il assure, dans ses
formes variées, la transmission rapide des biens-fonds
et le développement du crédit hypothécaire. Il répond
ainsi à deux des caractères de la société moderne. Il ca-
dre avec le principe de la constante circulation des ri-
chesses, car, il permet d'incorporer aujourd'hui, au soi
une parcelle de la fortune nationale qui, hier, était repré-
sentée par un titre de rente, et demain, sera transformée
en outillage industriel. Il répond à la loi de la progres-
sion constante des entreprises humaines, car il favorise
l'emploi rationnel des ressources du sol : les produits, ob-
tenus par une culture purement empirique et routinière,
insuffisants pour rémunérer les capitaux engagés, peu-
vent, grâce aux coûteuses améliorations, aux acquisi-
tions de machines perfectionnées, que le Livre foncier
rend possibles, donner au propriétaire des plus beaux
revenus.
L'immatriculation développe donc l'esprit d'initiative
et l'amour du sol. La France est restée en dehors du mou-
vement qui entraînait les divers pays vers les Livres fon-
ciers. Dédaignant pour elle-même les présents d'Ar-
taxerxès, elle se contentait de l'imposer aux pays de pro-
tectorat ou à ses colonies. On en découvre, sans doute, la
raison dans la nature particulière de la propriété foncière
en France. Suffisamment morcelé sans être éparpillé en-
tre un trop grand noml^re de mains, notre sol est possédé
264 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
par une sorte de petite bourgeoisie rurale, travailleuse,
économe et prudente, attachée à la terre plus encore par
ses traditions, que par son intérêt : elle a su, à force de
privations, attendre sans trop souffrir, la fm d'une crise
qui, partout ailleurs, exerçait d'effrayants ravages.
Il semble cependant que le moment soit venu pour la
France, d'entrer dans le cycle des nations qui ont ins-
titué avant elle le Livre foncier ; qu'il soit presque indis-
pensable pour le développement de notre agriculture de
posséder un levier de transformation, mis déjà à la dis-
position de l'agriculture des autres pays.
Les essais heureusement conduits dans les provinces
rhénanes et en Alsace-Lorraine, offrent un grand inté-
rêt pour le législateur ; car ces régions sont soumises
au droit civil français que l'occupation de la Westphalie
par les armées impériales y avait introduit ou que la
possession, jusqu'en 1870, de nos provinces perdues y
avait conservé. La réforme se présentait dans ces condi-
tions, à peu -près comme elle se présenterait en France.
La tentative faite en Angleterre, pour être d'une applica-
tion moins directe, a cependant une importance tout aussi
exceptionnelle. Elle prouve que nonobstant les difficul-
tés juridiques les plus sérieuses, les complications léga-
les les plus ardues, le Livre foncier peut être établi, ré-
pondre à tous les besoins, se plier à toutes les transac-
tions. Elle montre, en outre, la possibilité de constituer
sans un cadastre, les feuillets réels immobiliers. Enfin
elle prouvera certainement que, même dans un pays
vieux, où de multiples droits et de multiples servitudes
s'enchevêtrent et se contredisent, les réclamations, les
erreurs, et par suite les responsabilités pécuniaires en-
courues, sont excessivement rares et presque invraisem-
blables.
A ces divers titres, la législation anglaise de 1875 et
de 1897, peut être étudiée avec fruit par tous ceux qu'in-
téresse et préoccupe la réforme de la législation immo-
bilière française.
ANNEXES
Loi du 10 août 1875 pour simplifier les titres de pro-
priété et faciliter le transfert des terres en Angle-
terre .
Art. 1. — Cette loi sera appelée : The Land Transfer Act.
1875.
Art. 2. — Cette loi ne s'applique pas à l'Ecosse et à l'Ir-
lande. Ne seront soumises à l'immatriculation en vertu de
cette loi, que les propriétés en freehold ou les propriétés en
leasehold, ces dernières devant avoir leur origine directe ou
indirecte dans une propriété en freehold. Le freehold coutu-
mier ne sera pas soumis à l'immatriculation toutes les fois
que l'intervention du seigneur du manoir sera nécessaire pour
rendre valable la vente consentie par le tenancier coutumier.
Art. 3. — Cette loi entrera en vigueur le V^ janvier 1876...
Art. 4. — (Définitions.)
PREMIERE PARTIE
• Inscription des immeubles sur le registre (oncier
I
FREEHOLDS
Art-. 5. — Un registre foncier s^era établi et, à partir de là
mise en vigueur de la loi,
a) Quiconque a contracté pour acheter à son profit person-
nel un bien-fonds en toute propriété, sujet ou non à des
charges ;
b) Quiconque a des droits en son nom personnel, soit en
vertu de la loi, soit en vertu de l'équité, à un bien-fonds en
toute propriété, sujet ou non à des charges ;
266 l/lXTRODUCTIOX DES LIVRES FONCIERS EN ANGLETERRE
c) Quiconque est capable de disposer à son profit personnel
par vente d'un bien-fonds en toute propriété sujet ou non à
des charges ;
Peut requérir du Registrar en vertu de cet act. l'enregis
trement en son nom ou, à son lieu et place, au nom d'une ou
plusieurs personnes dénommées, comme propriétaire avec un
titre absolu ou simplement possessoire, pourvu toutefois
que dans le cas de vente, le vendeur consente à la réquisition.
Art. 6. — Quand il devra résulter de l'inscription un titre
absolu, l'enregistrement au profit du propriétaire n'aura lieu
qu'après vérification du titre et son approbation par le Regis-
trar.
Quand il ne s'agira que d'obtenir un titre possessoire, l'en-
registrement pourra avoir lieu sur la justification des forma-
lités qui pourraient être exigées à cette époque.
Art. 7. — L'immatriculation comme premier propriétaire
inscrit avec titre absolu, investira la personne ainsi imma-
triculée du droit de propriété avec tous les droits et privilèges
accessoires, sous réserve :
a) Des charges qui pourront être mentionnées sUr le regis-
tre ;
b) De toutes les affectations ne rentrant pas dans la caté-
gorie des charges, telles qu'elles sont désignées par la loi,
sauf mention contraire au registre.
c) Lorsque le propriétaire inscrit n'aura pas un droit propre
sur l'immeuble enregistré, sous, réserve de tous les droits des
tiers, mais libre de tousi autres droits quelconques, même
ceux de Sa Majesté et de ses héritiers et successeurs.
Art. 8. — L'immatriculation d'une personne comme pre-
mier propriétaire, inscrit à titre possessoire seulement, ne
préjudiciera pas à la reconnaissance de tout droit de propriété
dérogeant au titre du premier propriétaire : ledit droit exis-
tant ou susceptible de naître au moment de l'inscription dudit
propriétaire. Sauf cette restriction, cette immatriculation aura
le même effet que l'immatriculation avec titre absolu.
Art. 9. — Quand il doit résulter de l'inscription un titre
absolu et qu'à l'examen du titre, il paraît au Registrar que le
titre ne peut être admis pour une période limitée, ou est sujet
à certaines réserves, le Registrar pourra, sur la demande de
la partie et par une mention portée au registre, limiter le droit
selon les documents qui lui sont soumis. Le titre enre-
gistré avec ces restrictions s'appellera titre qualifié. L'en-
registrement avec titre qualifié aura le même effet que l'en-
LOI DK 1875 267
regislrement avec titre absolu, sauf que cet enregistrement
ne pourra préjudicier à la reconnaissance d'aucun des droits
réservés.
Art. 10. — Lors de l'inscription sur le registre du nom du
propriétaire, le Registrar devra, s'il en est requis, délivrer
au propriétaire un certificat dit certificat terrier, qui énoncera
si le titre est absolu, qualifié ou possessoire.
II
LEASEHOLDS
Art. il — Un registre séparé sera tenu pour les leaseholds
et à partir de la mise en vigueur de la loi :
a) Toute personne qui a acheté un bail, soumis ou non à des
charges d'une durée supérieure à 21 ans ou dont la durée
serait subordonnée au moins à une ou plusieurs vies ;
b) Ou toute personne ayant qualité en droit ou en équité
de se dire bénéficiaire d'un bail dans les mêmes conditions;
c) Ou pouvant en disposer à son bénéfice par voie de vente;
Pourra demander l'immatriculation de ce bail en son nom
personnel ou au nom d'une ou plusieurs personnes, dans des
conditions analogues' à celles prévues à l'art. 5. Le bailleur-
vendeur d'un leasehold devra consentir à ce que la demande
en immatriculation soit présentée.
Tout contrat de leasehold contenant une prohibition gé-
nérale d'aliénation ne pourra être soumis à l'immatriculation.
S'il ne contient qu'une prohibition particulière d'aliénation,
il ne pourra être enregistré qu'à condition de mentionner sur
le registre cette prohibition, afin de prévenir les aliénations
contraires à la convention.
(Application de cet article aux sous-locations) (1).
Art. 12. — (Abrogé.)
Art. 13. — L'immatriculation en vertu de la présente loi
comme premier propriétaire inscrit d'une terre en leasehold,
avec titre absolu, investira le locataire de la possession de
la terre comprise audit bail avec tous les droits exprès ou
implicites qui en dépendent sous réserve :
à) De toutes les conventions ou obligations expresses ou
implicites qui peuvent peser sur la propriété ;
b) Des servitudes, s'il en existe ;
(1) Ajouté par le L. T. Act, 1897. Oédule I.
268 l'introduction des i.n res fonciers en Angleterre
c) (A moins de mention contraire sur le registre), de tous
les droits qui affectent la terre en leasehold et que la présente
loi ne considère pas comme des servitudes ;
d) Lorsque le propriétaire n'a pas droit en son nom person-
nel à la propriété, de tous les droits auxquels la terre peut
être soumise de ce fait.
Mais le leasehold sera libre de tous autres droits quels qu'ils
soient, y compris ceux de Sa Majesté, de ses héritiers ou suc-
cesseurs.
Art. 14, 15 et 16. — (Abrogés.)
FREEHOLDS ET LEASEHOLDS
Art. 17. — Le Registrar procédera à l'examen des titres
suivant les règles prescrites.
1. Il donnera avis à toute personne ayant formé opposition
à l'immatriculation et lui donnera toutes facilités pour s'oppo-
ser à l'immatriculation.
2. Il décidera sur les oppositions qui ont été formées, sauf
appel de sa ^décision à la Cour, dans les formes prescrites.
3. S'il reconnaît, après examen, qu'il y a doute sur la valeur
du titre, mais que néanmoins le détenteur actuel ne paraît
pas devoir être troublé dans sa possession, il peut procéder
de lui-même à l'immatriculation ou inviter le requérant à de-
mander à la Cour d'ordonner qu'il y soit procédé.
4. Le Registrar peut accepter comme preuve tous papiers,
états, ou actes authentiques ou sous-seings privés, ainsi que
toutes déclarations statutaires, pourvu que ces pièces aient
plus de vingt ans de date.
Art. 18. — Toute propriété immatriculée sera, sauf men-
tion contraire au registre, réputée soumise aux obligations
et droits, dont le détail suit. Ces obligations ne seront pas
réputées être des charges dans le sens employé par cette loi.
1. Obligation de réparer lesi chemins, à raison de toute
tenure féodale ou censitaire.
2. Droits de mutation par décès, impôt foncier, dîme ou
toute redevance représentative.
3. Servitudes de « Common » (1), de pâturage, de parcours
et toutes autres servitudes.
(1) On entend par le mot common des servitudes de pâture,
de pêche, des droits de prendre de la tourbe ou de couper du
bois, etc.
LOI DE 1875 269
4. Droits aux mines créés antérieurement à l'immatricula
tion de Vimmeuble ou à la promulgation de la présente loi (1).
5. Tous' les droits nécessaires à l'exercice du droit aux
mines : droits d'entrée, de recherche, d'usage, créés antérieu-
rement à r immatriculation de Vimmeuble ou à la promulga-
tion de la présente loi (1).
6. Droits de pêche, de chasse, droits seigneuriaux et fran-
chises de toutes sortes, dont est grevée la terre immatriculée,
Vobligation de réparer le chœur d'une église, les obligations
relatives aux endiguages et aux talus de rivières, les servi-
tudes de drainage, les servitudes coutumières, droits du pu-
blic et prolits à prendre (1).
7. Baux ou locations n'excédant pas vingt et un ans dans le
cas où il y a occupation en vertu de ces locations et sous
réserve des dispositions de la loi de 1897, les droits acquis
ou en cours d'acquisition, en vertu des lois sur la prescrip-
tion (1).
Observations : a) Dans le cas où il serait prouvé au Regis-
Irar que la terre dont il s'agit est exempte de l'impôt foncier
ou de la dîme, il pourra le mentionner sur le registre.
b) Sur réquisition des intéressés, les commissaires des con-
tributions pourront certifier que la terre est libre de tout
droit de succession. La mention de l'existence de ce certifi-
cat sur le registre constituera la preuve du fait.
c) Le Registrar pourra, sur des justifications suffisantes,
enregistrer le propriétaire de la terre comme propriétaire des
minesi et minières.
d) Ou, à l'inverse, il mentionnera le nom du propriétaire des
mines et minières, quand la propriété sera distincte de celle
de la terre et sur la demande du propriétaire de la surface
seulement.
Lorsque l'existence d'un des droits mentionnés dans cet
article aura été révélée au Registrar, celui-ci pourra, s'il le
juge utile, les mentionner sur le registre. Le pouvoir conféré
au Registrar, sera exercé par lui dans tous les cas où l'extrait
du titre produit au moment de l'immatriculation avec titre
qualifié ou absolu révélera l'existence de l'une des charges
désignées aux § 4 ef 5 ci-dessus. Lorsqu'une servitude est
enregistrée comme charge loncière, les fonds dominant et
servant doivent, autant que possible, être définis et mention
d'un droit de réméré ou de réversion peut être inscrite sur le
registre en vertu de ce paragraphe (1).
(1) Ajouté par le L. T. Act, 1897. Céduip I.
270 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
Art. 19. — Lorsque ces droits ont été inscrits lors du pre
mier enregistrement, le Registrar pourra, sur preuves suffi-
santés, radier les charges ainsi mentionnées. (Cet article s'ap-
plique également aux décharges partielles.)
Art. 20. — Le Registrar devra mentionner, sur preuves suf-
fisantes, l'expiration des baux.
Art. 2L — (Abrogé.)
DEUXIEME PARTIE
Opérations enregistrées concernant les propriétés enregistrées
HYPOTHÈQUES DE LA PROPRIÉTÉ ENREGISTRÉE
Art.^ 22. — Tout propriétaire enregistré d'un freehold
ou d'un leasehold peut grever la propriété du paiement à une
époque déterminée d'une somme d'argent, productive ou non
productive d'intérêts, avec ou sans pouvoir de vente à une
époque fixée. Le nom du bénéficiaire, les détails des charges
et le pouvoir de vente sont mentionnés au registre et il pourra
en être délivré un extrait au bénéficiaire sur sa réquisition.
Les cliarges uisées par cet article sont soumises aux pres-
criptions de la présente loi, relatives aux titres qualiliés et
possessoires (1).
Art. 23. — En cas de création d'une charge grevant un
freehold, il y aura, entre le bénéficiaire et le propriétaire
enregistré ou ses ayants-droit, convention implicite, sauf
mention contraire au registre, par laquelle le propriétaire
enregistré ou ses ayants-droit s'engagent à payer le princi-
pal et les intérêts aux époques et au taux indiqués et, dansi le
cas où le principal ne serait pas remboursé à l'expiration du
contrat, à payer les intérêts semestriels, au taux fixé, sur la
partie du principal non remboursée.
Art. 24. — En cas de création d'une charge grevant un
leasehold, il y aura présomption entre le bénéficiaire et le
propriétaire enregistré ou ses ayants-droit de l'existence d'une
convention implicite, sauf mention contraire au registre, par
laquelle le propriétaire-bailleur enregistré oUi sesl ayants-
droit s'engagent à obserxer les clauses et conditions du bail
et le preneur à exécuter fidèlement le bail et à indemniser le
prêteur ou ses ayants-droit de tous frais faits par lui, en cas
(1) Ajouté par le L. T. Act, 1897. Cédule I.
LOI DE 1875 271
de non paiement à l'échéance des loyers ou de non exécution
des. clauses de bail.
Art. 25. — Sauf inscription contraire sur le registre, le
propriétaire enregistré d'une charge pourra, afin d'obtenir
paiement de toutes les sommes qui lui sont dues en vertu
d'une charge, prendre possession, à toute époque, de la terre
hypothéquée ou de partie de celle-ci, ou en toucher les loyers
sous réserve des droits! d'un créancier qui lui serait préfé-
rable et des obligations imposées au mortgagiste en posses-
sion.
Art. 26. — Sauf inscription contraire sur le registre, le
propriétaire enregistré d'une charge peut demander la for-
clusion ou la vente de la terre hypothéquée datis les mêmes
formes que celles prévues en cas de transfert par voie de
mortgage avec faculté de rachat.
Art. 27. — Sauf inscription contraire sur le registre, le
propriétaire enregistré d'une charge avec pouvoir de vente
pourra à tout moment, passé un certain délai, transférer la
terre sur laquelle il a une charge enregistrée, de même que
s'il était le propriétaire enregistré.
Art. 28. — Sauf mention contraire, les cliargcs inscrites
prendront rang selon la date de leur inscription.
Sur réquisition du propriétaire enregistré d'une charge ou
sur preuves suffisantes, le Registrar opérera la radiation de
la charge par annulation ou autrement.
Cet article s'applique également aux décharges par-
tielles (1).
transfert de freehoi.d
Art. 29 — Tout propriétaire enregistré de freehold peut
transférer dans la forme prescrite tout ou partie de sa pro-
priété. Le transfert sera opéré par le Registrar qui inscrira
l'acquéreur comme propriétaire. Jusqu'au moment de l'ins-
cription, le vendeur sera considéré comme le propriétaire.
Une fois l'inscription faite, l'acquéreur pourra se faire déli-
vrer un certificat terrier. En cas de vente partielle, le Regis-
trar pourra aussi délivrer au vendeur un nouveau certificat
contenant une description de la partie dont il reste proprié-
taire.
Art. 30. — Une fois inscrit, le transfert à titre onéreux
d'un freehold immatriculé avec titre absolu, conférera à l'ac
(1) Ajouté par le L. T. x\ct, 1897. Cédule I.
272 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
quéreur la propriété et tous les droits qui s'y rattachent, libres
de tous autres droits que ceux réservés à l'article 18.
Art. 31. — Le transfert à titre onéreux d'un freehold im-
matriculé avec titre qualifié, aura les mêmes effets que ceux
prévus à l'article précédent, sous réserve toutefois des droits
mentionnés dans la qualification.
Art. 32. — Le transfert à titre onéreux d'un freehold im-
matriculé avec titre possessoire, ne préjudiciera pas aux
droits contraires aux titres du premier propriétaire immatri-
culé et existant au moment de la première immatriculation.
Sous cette réserve, il aura les mêmes effets que le transfert
à titre onéreux d'un freehold immatriculé avec titre absolu.
Art. 33. — Un transfert à titre gratuit d'un freehold imma-
triculé sera sans effet en ce qui concerne les droits même
non enregistrés conférés par le cédant sur la propriété. Mais
sous cette réserve, il aura à tous égard et notamment en ce
qui concerne les transactions immatriculées consenties par le
cessionnaire le même effet qu'un transfert à titre onéreux.
transfert DES LEASEHOLDS
Art. 34. — Tout propriétaire enregistré d'un leasehold
peut transférer tout ou partie de son droit. La cession sera
complète à partir de l'inscription. Jusqu'à ce moment, le
cédant conservera tous ses droits.
Art. 35. — »- Le transfert à titre onéreux d'un leasiehold im-
matriculé, avec un titre absolu ou qualifié, conférera, une fois
inscrit, au cessionnaire la possession du leasehold cédé tel
qu'il est décrit sur le registre, avec tous les droits qui y sont
attachés, soit expressément, soit implicitement, sous réserve ;
P Des conventions spéciales relatives au leasehold, ex-
presses ou implicites ;
2° Des servitudes inscrites ;
3° Sauf mention contraire, des droits résignés à l'art. 18,
mais libre de tous autres droits ou intérêts quelconques, y com-
pris les droits de Sa Majesté et de ses héritiers, à l'exception
toutefois des droits ou intérêts qui ont été exceptés de l'imma-
triculation et qui ne seront pas affectés par le transfert.
Art. 36 et 37. — (Abrogés.)
Art. 38. — Toute cession qui n'est pas faite à titre onéreux
laissera le cessionnaire soumis aux droitsi même non enregis-
trés qui grevaient le cédant. Sous cette réserve, elle aura les
mêmes effets qu'un transfert à titre onéreux.
LOI DE 1875 273
Art. 39. — Le transfert d'un leasehold, à moins de conven
tion contraire, impliquera de la part du cédant, l'exécution
complète du bail dans le passé, tant par le bailleur que par le
preneur, et de la part du cessionnaire, la garantie de l'exécu-
tion complète du bail à partir dudit transfert, de telle sorte
que le cédant ne puisse plus être inquiété.
TRANSFERT DES CHARGES
Art. 40. — Le propriétaire enregistré d'une charge peut
transférer dans la forme prescrite cette charge à un autre
propriétaire. Le transfert sera accompli par l'inscription du
nouveau propriétaire. Le Registrar délivrera aussi, s'il en est
requis, un nouveau certificat de charge. Le cédant restera
propriétaire jusqu'à l'inscription du cessionnaire.
Le cessionnaire à titre onéreux inscrit d'une charge et ses
successeurs ne seront pas atteints dans leurs droits par une
irrégularité ou une nullité ayant aHecté la charge dès son ori-
gine, quand le cessionnaire n'a pas été instruit de ces irré-
gularités au moment du translert (1).
TRANSMISSION DE LA TERRE ET DES CHARGES
Art. 4L — A la mort du seul propriétaire enregistré ou du
survivant des propriétaires conjoints d'un freehold,le Registrar
enregistrera le nouveau propriétaire sur la réquisition de toute
personne intéressée, en tenant compte des différents^ droits
existant sur cette terre et en se guidant pour le choix du nou-
veau propriétaire sur les titres dérivant de la loi.
Toute personne à laquelle la décision du Registrar pourra
faire grief, aura la faculté d'interjeter appel devant la Cour.
Art. 42. — A la mort du seul propriétaire enregistré ou
du survivant desi propriétaires conjoints d'un leasehold ou
d'un droit réel, l'exécuteur ou l'administrateur des biens de
ce propriétaire décédé aura qualité à être enregistré à ses
lieu et place.
Art. 43. — En cas de banqueroute d'un propriétaire enre-
gistré d'un immeuble ou d'un droit réel ou en cas de liquida-
tion amiable, son fidéicommissaire pourra être enregistré à
ses lieu et place.
Art. 44 et 45 (articles relatifs aux immeubles appartenant
(1) Ajouté par le L. T. Act, 1897, Cédule L
L. 18
274 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
aux femmes mariées, devenus sans application pour les femmes
mariées depuis le P"" janvier 1883.)
Art. 46. — Toute personne inscrite à la place d'un de cuius
ou d'un failli détiendra la propriété ou la charge aux lieu et
place de celui qui était inscrit sous réserve de tous droits
non enregistrés qui grevaient la propriété ou la charge. Pour
le surplus, l'inscription aura les mêmes effets qu'un transfert
à titre onéreux.
Art. 47. — La personne ayant qualité pour être inscrite
comme propriétaire' d'une terre ou d'une charge, par suite
du décès ou de la déconfiture du propriétaire enregistré, devra
fournir la preuve de son droit.
Art. 48. — (Abrogation de l'art. V du Vendor and Purcha-
ser Act, 1874.)
TROISIEME PARTIE
Opérations non enregistrées, relatives à la terre enregistrée
Art. 49. — .Le propriétaire inscrit a seul le droit de trans-
férer ou de grever la terre par disposition enregistrée, mais
toute personne a3ant titre suffisant, pourra constituer des
droits sur cette même terre comme si elle n'était pas enregis-
trée et les garantir contre tout acte émanant du propriétaire
enreaislré, en faisant inscrire tout avis, défense ou restriction
mentionnée dans cette loi, conformément aux articles 53 et
suivants.
Le propriétaire inscrit a seul le droit de transférer une
charge enregistrée sur une terre enregistrée, néanmoins il
peut être sur ces terres et charges constitué des droits non
enregistrés, sauf à respecter le droit du propriétaire enre-
gistré.
MENTION DES BAUX
Art. .50. — Tout preneur ou toute personne ayant un inté-
rêt à un bail d'une propriété enregistrée ou à une convention
y relative, peut demander au Registrar de mentionner ce
droit de bail sur le registre, lorsque la durée sera de plus de
A ingt et un ans ou soumise à une ou plusieurs vies ou lors-
qu'il n'y aura pas occupation. Une fois inscrit, le bail sera
considéré être un droit réel qui grèvera le propriétaire et
tous ses ayants-cause, sauf toutefois les propriétaires de
charges inscrites antérieurement à la mention du bail.
x\rt. 51. — Pour faire inscrire la mention d'un lease, si le
LOI DE 1875 275
propriétaire enregistré n'y consent pas, le demandeur devra
obtenir de la Cour une ordonnance l'autorisant à prendre cette
inscription. Il la présentera au Registrar avec le bail ou une
copie de celui-ci. Le Registrar sur le vu de ces pièces men-
tionnera le bail au registre et le lease ainsi déposé, sera pré-
sumé être le titre véritable du locataire. Si le propriétaire
enregistré consent, la mention sera faite sur le vu de preuves
suffisantes.
MENTION DES DROITS DE DOUAIRE ET DE COURTOISIE
Art. 52. — Toute personne investie d'un droit de douaire
ou de courtoisie sur une propriété enregistrée peut requérir
l'inscription de cette mention sur le registre. Le Registrar
fera cette inscription sur le vu des justifications suffisantes.
Une fois mentionnés, ces droits seront considérés/ être des
droits réels pouvant faire l'objet de transactions.
OPPOSITION A l'inscription DE TOUS ACTES TRANSLATIFS DE
DROITS
Art. 53. — Toute personne ayant des droits en vertu d'un
titre non enregistré ou créancière en vertu d'un jugement exé-
cutoire peut former opposition entre le& mains du Registrar.
Cette opposition aura pour effet d'empêcher toute cession de
la part du propriétaire inscrit, sans qu'avis ait été donné à
l'opposant.
A l'appui de cette opposition, l'opposant ou son mandataire
produira un affidavit dans la forme prescrite.
Les personnes mentionnées aux articles! 50 et 52 ne pour-
ront former cette opposition.
Art. 54. — Postérieurement à cette opposition, aucune
transaction ne pourra être enregistrée sans le consentement
de l'opposant. Avis lui sera donné, l'avertissant que passé un
certain délai, l'opposition cesserait d'avoir effet. A l'expira-
tion de ce délai, l'inscription aura lieu comme si l'opposition
n'avait pas été formée, sauf décision contraire du Registrar.
Art. 55. — • Si, avant l'expiration du délai, l'opposant ou
son représentant comparait devant le Registrar et lui donne
des garanties suffisantes d'indemniser le requérant pour le
retard apporté à l'enregistrement de la transaciioîî, le Re-
gistrar peut donner tel nouveau délai qu'il juge bon.
Art. 56. — Si une personne fait opposition sans raison
2/6 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
sérieuse, les parties lésées pourront demander des dommages -
intérêts qui seront recouvrés comme une dette par la partie
lésée.
Toute personne lésée par une décision du Registrar relative
à une opposition, peut interjeter appel devant la Cour.
Art. 57. — La Cour ou le Registrar peuvent, à la requête
d'un intéressé faite dans la forme prescrite, après toutes en-
quêtes, publications ou citationsi jugées nécessaires, ordonner
d'inscrire une défense, soit pour une période déterminée,
soit subordonnée à l'arrivée d'un événement, soit jusqu'à l'ins-
cription d'une mention d'annulation, interdisant toutes tran-
sactions relatives à une propriété ou à une charge enregistrée.
La Cour ou le Registrar peuvent subordonner cette ins-
cription à telles conditions qui leur semblent équitables, et
en ordonner la radiation quand il leur plaît.
Toute personne peut en appeler à la Cour d'une décision
du Registrar lui faisant grief.
Art. 58. — Tout propriétaire inscrit d'une terre ou d'une
charge (1), pourra exiger du Registrar qu'aucun transfert
ou constitution de droit réel (1) ne soit effectuée sur le registre
que s'il en a été avisé par une lettre à lui adressée par la voie
de la poste, que si le consientement d'une personne désignée
comme mandataire est acquis ou sous toute autre condition
im.posée par le requérant et approuvée par le Registrar.
Art. 59. — Le Registrar inscrira cette mention sur le
registre au \ u de justification suffisantes du droit de propriété
et aucun transfert ne pourra être fait sans l'accomplissement
des formalités requises. Le Registrar aura cependant le droit
de refuser cette inscription si la requête est conçue dans une
forme irrégulière, s'il juge cette inscription mauvaise, dérai-
sonnable ou calculée pour causer des difficultés inutiles.
D'ailleurs, toute personne intéressée à l'existence de cette
mention pourra en demander l'annulation au Registrar. Un
ordre de la Cour peut aussi l'annuler (2).
(1) Ajouté par le L. T. Act, 1897. Cédule I.
(2) Cet article est applicable aux charges foncières aussi
bien qu'aux immeubles en vertu du L. T. Act de 1897. Cédule I.
LOI DE 1875
QUATRIEME PARTIE
Dispositions supplémentaires. — Opposition à V immatricula
tion d'une propriété
Art. 60. — Toute personne ayant ou prétendant avoir des
droits sur une terre non encore immatriculée peut faire au
Registrar une opposition en vue de recevoir avis de toute
demande qui pourrait être faite en vue de l'immatriculation
de l'immeuble.
Art. 61. — Cette défense sera accompagnée d'un affidavit
ou déclaration dans les formes prescrites indiquant la na-
ture du droit de l'opposant, la terre qui en est l'objet et tous
autres renseignements nécessaires.
Art. 62. — Postérieurement à l'opposition, aucune inscrip-
tion ne pourra être prise, tant que l'opposant n'aura pas reçu
avis et que les délais que cet avis lui aura imparti pour com
paraître ne seront pas écoulés, à moins que l'opposant n'ait
comparu.
Art. 63. — Si une personne fait une opposition injustifiée,
elle devra indemniser tous ceux qui auraient été lésés. Cette
indemnité sera recouvrée comme une dette.
Art. 64. — L'opposition ainsi faite ne préjudiciera au titre
d'aucune personne et n'aura d'effet que pour l'application de
la présente loi.
Art. 65 et 66. — (Dispositions spéciales pour les terres
DE LA Couronne.)
formalités précédant ou accompagnant l'enregistrement
Art. 67. — (Mentions nécessaires si la terre est détenue
en vertu de titres complexes.)
Art. 68. — Toute personne disposant sur une propriété
d'un pouvoir de vente en vertu d'un fîdéicommis et tout créan-
cier mortgagistc a3^ant un pouvoir de vente peuvent autoriser
l'acquéreur à faire une demande en immatriculation des biens
vendus. Ils peu\ent consentir à ce que l'accomplissement du
contrat soit subordonné à l'immatriculation. Ils peuvent eux-
mêmes demander à être immatriculés, sauf le consentement des
autres întéressés.qui peut être requis en vue de leur permettre
d'exercer leur pou\oir de vente. Le montant des frais acquit-
tés par cette personne, sera déterminé par le Registrar et ?cra
recouvrable, comme des frais dûment faits, sur toute somme
278 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
dont elle disposerait en vertu de son pouvoir de vente, sans
être tenue de rendre compte de cet emploi suivant la jurispru-
dence d'équité.
Art. 69. — Les copropriétaires, au cas d'indivision peuvent
requérir leur inscription comme propriétaires conjoints,
dans les mêmes formes que s'il s'agissait d'un seul proprié-
taire.
Art. 70. — Le Registrar peut exiger du requérant un affi-
da\it par lequel celui-ci affirmera n'avoir retenu aucun des
titres qui doivent être soumis à l'examen du Registrar. Si le
Registrar juge la preuve de la propriété suffisante, il peut
arrêter l'examen des titres.
Art. 71. — Au cours de l'examen des titres le Registrar
peut requérir la production de pièces retenues par les tiers.
Toute personne lésée par cet acte du Registrar peut interjeter
appel devant la Cour. Le refus d'obtempérer à l'ordre du
Registrar sera puni comme s'il s'agissait d'une contravention
à une ordonnance de la Cour.
Art. 72. — L'n timbre ou toute autre marque sera apposée
sur les titres produits, afin de révéler l'enregistrement à tout
acquéreur. Toutefois, en cas d' enregistrement avec titre pos-
sessoire, le Registrar peut accomplir toute formalité sur la
présentation de preuves suffisantes ou sur le vu de la dis-
pense, de leur production dans des circonstances spécia-
les (1).
Art. 73. — (Taxation des frais par un fonctionnaire de la
Chancellerie.)
questions DOUTEUSES s'ÉLEVANT SUR LE TITRE
Art. 74. — Au cas de doute sur un point de fait ou de droit
relatif à un titre, le Registrar, sur réquisition de la partie
intéressée, pourra préparer une espèce destinée à être sou-
mise à l'une des Cours supérieures de S. M. avec faculté pour
la Cour de déterminer le point de fait à soumettre au Jury.
Le Registrar pourra indiquer le nom des parties et les forma-
lités à suivre pour saisir la Cour.
Art. 75. — La décision de la Cour sera souveraine à moins
qu'elle n'autorise l'appel.
Art. 76. — Le Cour pourra, sur la réquisition des intéres-
sés, prendre telles dispositions qu'elle jugera utile, afin de
(1) Ajouté par le L. T. Act, 1897. Cédule I.
LOI DE 1875 279
sauvegarder les droits des enfants, femmes mariées, fous,
idiots ou absents, sur la propriété dont le titre fait l'objet de
la contestation.
Art. 77. — La Cour pourra entendre les allégations de la
partie comparante, consacrer ou annuler les actes du Regis-
trar, nommer un gardien ou une autre personne pour assister
les enfants, nés ou conçus, femmes mariées, idiots, fous ou
absents, et si la 'Cour juge que ces personnes sont suffisam-
ment représentées, elle pourra rendre une ordonnance déci-
dant que toutes les personnes sans exception sont liées par la
décision de la Cour qui avait connaissance de la situation
dans laquelle certaines parties se trouvaient.
CERTIFICATS TERRIERS. COPIES ENREGISTRÉES DE LEASE.
CERTIFICATg DE CHARGES FONCIÈRES.
Art. 78. — (Abrogé.)
Art. 79. — Le titre primitivement donné pourra être re-
nouvelé, pourvu qu'il soit présenté au Registrar.
Art. 80. — Tout certificat terrier ou tout certificat de
charge vaudra comme preuve des mentions qu'il contient.
Toute copie enregistrée d'un lease vaudra comme preuve des
mentions contenues dans le lease.
Art. 8L — (Abrogé.)
IMMEUBLES d'uNE NATURE SPÉCIALE
Art. 82. — Les immeubles d'une nature spéciale tels que
l'advowson, le droit aux mines et minières et autres droits
incorporels, pourront être enregistrés comme la terre.
Le Registrar pou'rra également enregistrer toute rente
foncière ou autre concession avec réserve de rentes ou de
services à laquelle un freehold enregistré ou pouvant l'être
peut être soumis, avec mention de la terre à laquelle elle
s'applique, des services exigibles, des conditions prévues en
cas de non paiement de la rente ou de non-accomplissement
des services. Cette mention servira de preuve de son contenu.
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Art. 83. — 1. Ni le Registrar ni aucune autre personne dis-
posant d'un immeuble enregistré ou d'une charge enregistrée
ne pourront voir leurs droits modifiés par la mention d'un
280 l'introduction di;s livres fonciers en Angleterre
fidéicommis formel, implicite ou par induction ; les références
aux fidéicommis seront autant que possible exclues du régis-
tre (1).
2. (Abrogé.)
3. Si le nombre des propriétaires se trouve réduit au-des-
sous d'un certain chiffre, un ordre de la Cour ou du Regis-
trar (sauf appel à la Cour), sera nécessaire pour autoriser
l'immatriculation d'une disposition relative à la propriété.
4. Lorsque les biens sont enregistrés au nom du mari et
de la femme, aucune disposition ne peut être enregistrée tant
que la femme, si elle est vivante, n'aura pas donné son consen-
tement, en dehors de la présence de son mari et après avoir
reçu des explications complètes sur ses droits et les effets de
son acte (2).
5 et 6. (Abrogés.)
7. Avant toute immatriculation ou tout enregistrement pos-
térieur, le Registrar doit s'assurer du paiement de& droits exi-
gibles, comme s'il ne s'agissait pas d'une disposition enregis-
trée.
8. Les dispositions de la présente loi relative à l'obligation
réelle pesant sur la propriété enregistrée pour l'acquit de
droits de succession, à la délivrance par les commissaires de
l'Inland Revenue d'un certificat constatant l'exemption, à la
notification au Registrar de cette exemption ainsi qu'à ses
effets, s'appliqueront avec les modifications nécessaires aux
charges enregistrées.
Art. 84. — Au moment de l'immatriculation ou d'une vente,
peuvent être mentionnées sur le registre toute servitude non
œdificandi ou autre condition grevant la terre et relative à son
usage. L'acquéreur et ses ayants-droit devront respecter cette
servitude. Un ordre de la Cour peut la modifier ou la suppri-
mer sur preuve que cette modification ou cette suppression
sera utile aux personnes intéressées à son existence. Cet ar-
ticle s'appliquera à toute condition restrictive capable d'affec-
ter les cessions par voie de mention. Des conditions grevant
la terre peuvent être inscrites à tout moment sur le registre (1).
Art. 85. — Application do la loi aux biens enregistrés en
vertu du Trustée Act de 1850.
(1) Ajouté par le L. T. Act, 1897. Cédule I.
(2) N'est plus applicable aux femmes mariées» depuis le
l^*" janvier 1883, ni à la propriété dont une femme mariée est
investie pour son usage personnel.
LOI Di: 1875 281
Art. 86. — Le Registrar, l'assistant Registrar ou tout autre
fonctionnaire subordonné ne sera pas responsable de tout
acte ou de tout fait accompli ou omis de bonne foi dans
l'exercice réel ou supposé des pouvoirs qui lui sont ou seront
conférés par la loi ou les règlements.
FEMMES MARIÉES
Art. 87. — Lorsqu'une femme mariée propriétaire pour
son usage personnel et sans interdiction d'aliéner, désire don-
ner un consentement ou être partie à une procédure engagée
en vertu de cet acte, elle sera réputée être une femme non
mariée ; mais dans les autres cas, lorsqu'une femme mariée
désire donner son consentement ou être partie à une procédure
engagée en vertu de cet acte, elle subira unexamendanslaforme
prescrite et il sera prouvé qu'elle agit librement et volontai-
rement. La Cour peut, si elle le juge bon, désigner une per-
sonne pour agir comme son ami proche en vue de la procé-
dure engagée pour l'exécution de cet acte.
ENFANTS ET ALIÉNÉS
Art. 88. — Lorsqu'une personne pourrait, si elle n'était
pas incapable, faire une demande ou un acte, donner un con-
sentement ou être partie à une procédure relative à une terre
ou une charge, et que cette personne est un enfant, un idiot
ou un fou, le gardien ou le Comité d'administration des biens
de cette personne peut faire tous ces actes en son nom.
S'il n'a pas été nommé de gardien ou de Comité d'adminis-
tration des biens d'un enfant, fou ou idiot ou lorsqu'une per-
sonne est faible d'esprit ou incapable de faire ses affaires
mais n'a pas été déclarée folle après examen, la Cour pourra
désigner, en vue de l'exécution de cet acte, un gardien à ces
personnes.
Art. 89. — Toute personne inscrite soit comme proprié-
taire de la terre, soit comme opposant à une immatriculation,
soit comme personne ayant qualité pour recevoir avis, doit
élire domicile dans le Royaume-Uni et le faire connaître au
Registrar.
Art. 90. — Tout avis sera remis à personne ou adressé par
lettre recommandée marquée à l'intérieur du timbre du ser-
vice et envoyée à l'adresse indiquée. Cette lettre sera censée
282 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
être parvenue dans le délai déterminé par le Registrar (au
moins 7 jours), si elle n'a pas été retournée au Bureau d'im-
matriculation.
Art. 91. — (Retour immédiat des lettres au Land Registry
en cas de non-distribution).
Art. 92. — L'acquéreur à titre onéreux n'encourra aucune
déchéance, soit que l'avis prescrit n'ait pas été envoyé, soit
qu'il n'ait pas été reçu.
EXECUTION DES CONTRATS
Art. 93. — Lorsque l'exécution matérielle d'une obligation
relative à des charges ou à des terres enregistrées sera de-
mandée à une Cour, elle pourra faire appeler en cause toute
personne inscrite sur le registre comme ayant des droits réels
ou ayant fait mentionner une opposition ; elle recherchera la
cause de l'inexécution du contrat et assurera à l'encontre de
toutes les parties l'exécution de sa décision.
Art. 94. — S'il s'agit d'une vente de terre ou de charge, les
frais de ces interventions resteront à la charge du vendeur
(sauf décision contraire de la Cour), et seront taxés comme
les frais des solicitors.
RECTIFICATIONS DU REGISTRE
Art. 95. — Les tribunaux pourront, en adjugeant à une per-
sonne des droits sur une terre enregistrée, ordonner comme
conséquence de cette décision, les rectifications nécessaires
au registre sous réserve de tous droits acquis par l'enregistre-
ment.
Art. 96. — Toute personne lésée par un enregistrement,
un défaut d'enregistrement ou un retard inutile dans l'enre-
gistrement peut, sous réserve des droits acquis par enregis-
trement, recourir à la Cour pour faire opérer la rectification.
La Cour peut, soit rejeter la demande avec ou sans condam-
nation du demandeur à des dommages-intérêts, soit si la de-
mande est fondée, faire opérer la rectification au registre.
Art. 97. — Le Registrar déférera aux injonctions de toute
Cour compétente, relativement à une terre enregistrée, sur la
remise qui lui sera faite de la décision ou d'une copie offi-
cielle.
LOI DE 1875 283
DISPOSITIONS EN CAS DE FRAUDE
Art. 98. — Sous réserve des dispositions de cette loi, rela-
tives aux actes à titre onéreux enregistrés, tout transfert ou
toute charge foncière qui serait frauduleuse ou nulle, si elle
n'était pas enregistrée, sera nonobstant l'enregistrement con-
sidérée comme frauduleuse ou nulle.
Art. 99. — Au cours de la procédure devant le Registrar
ou la Cour, toute suppression coupable ou toute tentative ou
complicité de suppression de titre sera punie d'un empri-
sonnement ne dépassant pas deux ans avec ou sans travaux
forcés ou d'une amende ne dépassant pas 500 livres sterlings.
Art. 100. — Les mêmes peines sont applicables à toute
personne ayant procuré ou tenté de procurer une mention ou
une radiation frauduleuse sur le registre. Toute inscription
ainsi obtenue sera nulle et de nul effet pour les auteurs et
les complices de la fraude.
Art. 101. — Les mêmes peines sont applicables à toute
personne ayant sciemment et volontairement fait une décla-
ration statutaire fausse, alors que cette déclaration était né-
cessaire, en vertu de la présente loi.
Art. 102. — Les condamnations pénales n'affecteront pas
l'action civile de la partie lésée.
Art. 103. — Personne ne pourra invoquer cette loi pour
refuser de répondre au cours de tout procès aux questions
qui pourront lui être adressées. Mais aucune réponse ainsi
faite ne pourra être invoquée dans une procédure criminelle
contre la personne qui l'aura faite.
consultation des registres
Art. 104. ■ — Sous réserve des règlements et exceptions,
ainsi que du paiement des droits fixés par un règlement gé-
néral, les personnes enregistrées comme propriétaires, d'une
terre ou d'une charge foncière et les personnes dûment auto-
risées par le propriétaire, par un ordre de la Cour, ou par un
règlement, sont seules admises à consulter et à prendre copie
intégrale ou par extraits du registre ou d'un document confié
à la garde du Registrar et relatif à la propriété ou à la charge
foncière.
Art. 105. — (Réserve des droits de S. M. à la déshérence ou
à la confiscation.)
28i l'introduction des livres fonciers en Angleterre
CINQUIEME PARTIE
Dispositions réglementaires et diverses.
I. — bureau d'immatriculation
Art. 106. — Il est créé à Londres un service dit Bureau
d'immatriculation, sous la direction d'un Registrar nommé
par le Lord Chancelier et assisté de tels fonctionnaires, que le
Lord Chancelier (d'accord avec les commissaires de la trésore-
rie sur le nombre) déterminera.
Pour être Registrar, il faut avoir été barrister pendant au
moins 10 ans. Pour être Registrar-adjoint, il faut avoir été
barrister, soliciter ou avoué chargé spécialement des actes
translatifs de propriété pendant au moins 5 ans.
(Appointements déterminés par les commissaires de la tré-
sorerie et acquittés ainsi que les dépenses accessoires sur
les fonds votés par le Parlement.)
Le Lord Chancelier peut de temps à autre, faire des règle-
ments fixant les attributions du Bureau d'immatriculation, les
devoirs respectifs des fonctionnaires, les actes qui peuvent
être délégués au Registrar-adjoint. Ces règlements auront
les mêmes effets que s'ils avaient été sanctionnés par cette loi.
Art. 107. — Il y aura un sceau spécial pour le Bureau d'im-
matriculation.
Art. 108. — Le Registrar dirige le travail du Bureau d'im-
matriculation.
Art. 109. — Le Registrar ou tout fonctionnaire du Bureau
désigné par lui, peut déférer le serment ou recevoir une décla-
ration volontaire en vue de l'exécution de cette loi. Le Regis-
trar peut adresser, sous le sceau du Bureau, une réquisition
d'avoir à se présenter à toute personne dont l'audition lui
paraît utile ; il peut aussi, par une semblable réquisition, de-
mander la production de tous documents; il peut interroger
sous la foi du serment toute personne se présentant devant lui
et lui demander de prêter serment, il peut allouer à toute
personne citée une indemnité raisonnable pour son déplace-
ment.
Art. 110. — Si une personne néglige ou refuse d'obtempérer
aux injonctions qui lui ont été signifiées, de produire les
LOI DE 1875 285
cartes, plans, livres ou autres documents qu'elle a été invitée
à communiquer ou de répondre sous la foi du serment ou
autrement aux questions' qui peuvent lui être légalement
posées en vertu de cette loi, elle pourra être condamnée à une
amende n'excédant pas 20 livres sterlings; recouvrable comme
en matière de juridiction sommaire; mais aucune personne
ne sera convoquée ou mise en demeure de produire des docu-
ments, sans que les frais de son voyage ou de ses démarches
lui aient été payés ou offerts.
Art. 111. — Sous réserve des dispositions de la présente
loi, le Lord Chancelier peut, sur l'avis et la proposition du
Registrar, faire, modifier, annuler ou augmenter les règle-
ments généraux tendant à déterminer :
1. La manière de tenir le registre.
2. Les diverses formalités à observer, au cours de l'imma-
triculation.
3. Les conditions dans lesquelles seront conservés ou dé-
truits les actes remis au Registrar.
4 et 5. Les frais à percevoir par les solicitors ou les avoués
à l'occasion de toute opération relative à l'immatriculation.
G et 7. Toutes questions relatives à l'exécution de la pré-
sente loi.
Tous les règlements faits en exécution de cet article, seront
considérés comme promulgués en vertu des pouvoirs con-
férés par cette loi, auront la même force que s'ils avaient été
consacrés par une loi et seront notifiés judiciairement.
Tous les règlements faits en exécution de cet article seront
soumis aux deux Chambres trois semaines après leur pro-
mulgation si le Parlement est en session et trois semaines
après le commencement de la session suivante, si le Parlement
est prorogé.
Art. 112. — ■ Le Lord Chancelier peut, avec le concours
des commissaires de la trésorerie, faire tous les règlements
relatifs aux frais à percevoir, en vertu de la présente loi
pourvu que les frais soient proportionnelsi :
1. En cas d'immatriculation ou d'un transfert de propriété
à l'occasion d'une vente, à la valeur d'achat de la propriété.
2. En cas d'immatriculation ou d'un transfert de propriété
sans qu'il y ait eu vente, à la valeur de la propriété déterminée
d'après une règle déterminée.
3. En cas d'immatriculation ou d'un transfert de charge à la
valeur de la charge foncière.
Art. 113. — (Abrogé.)
286 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
DÉTERMINATION DES TRIBUNAUX COMPÉTENTS : LEURS POUVOIRS
Art. 114. — En vue de l'application de la présente loi, la
Cour signifie la Cour de la Chancellerie ou du Comté, suivant
qu'il sera prescrit par les règlements généraux.
La Cour du Comté aura, dans tous les cas où elle a juri-
diction en vertu de cette loi, les mêmes pouvoirs que la Cour
de la Chancellerie.
La juridiction conférée à la Cour de la Chancellerie ou du
Comté, en vertu de cette loi, peut être exercée par un juge de
ladite Cour, soit en audience publique, soit en Chambre du
Conseil.
Art. 115. — Le Lord Chancelier peut déléguer à un ou plu-
sieurs juges de ces cours les pouvoirs confiés à la Cour toute
entière.
Art. 116. — Toute personne lésée par une ordonnance d'un
juge de Comté peut en appeler à la Cour de la Chancellerie.
La Cour, saisie par cet appel, peut confirmer, infirmer ou
réformer l'ordonnance, décider qui supportera les frais de
première instance ou d'appel.
Art. 117. — Toute personne lésée par un jugement de la
Cour de la Chancellerie, rendu sans qu'il y ait déjà eu un
jugement de la Cour de Comté, peut appeler de ce jugement
de la même manière que pour les autres décisions de la Cour
de la Chancellerie sujettes à appel.
DISTRICTS d'enregistrement
Art. 118. — Le Lord Chancelier, assisté des commissaires
de la trésorerie, peut par des ordonnances générales :
1. Créer des bureaux de districts en vue de l'immatricula-
tion.
2. Porter cette création à la connaissance du public par un
avis public dans la London Gazette.
3. Commencer l'immatriculation dans un ou plusieurs dis-
tricts.
4. Nommer des Registrars, Registrars-adjoints ou autres
fonctionnaires pour diriger et faire le travail d'immatricula-
tion dans le bureau de district.
Le Lord Chancelier peut, assisté des mêmes personnes,
modifier ou abroger les ordonnances ainsi rendues.
Art. 119. — Nul ne pourra être nommé Registrar du dis-
LOI DE 1875 287
Irict, s'il n'est pas barrister (avocat), solicitor, ou avoué chargé
spécialement des transmissions de propriété depuis au moins
10 ans ; Registrar de district adjoint, s'il ne remplit pas ces
fonctions depuis au moins 5 ans. Un Registrar ou un Regis-
trar-adjoint de district peut, avec l'autorisation du Chance-
lier, exercer une autre profession.
Art. 120. — Il y aura un sceau spécial pour chaque district.
Tout document produit revêtu de ce sceau pourra servir de
preuve ; si ce document est une copie, elle servira de preuve
comme l'original.
Art. 121. — Sous réserve des dispositions du Règlement
général, le Registrar de district et le Registrar-adjoint de dis-
trict auront les mêmes pouvoirs et traitements que ceux con-
férés ou alloués aux Registrar et Registrar-adjoint du Bureau
central ; leurs décisions seront sujettes à appel et pourront
être homologuées par la Cour. Mais le Chancelier peut, par le
Règlement général, prescrire au Registrar de district, en ce
qui concerne la procédure de la première immatriculation, ou
les affaires soumises à son examen, d'en référer au Registrar
ou au Registrar-adjoint du Bureau central et de n'agir que
sous son autorité. Ce règlement pourra être modifié ou abrogé;
il aura la même valeur que s'il avait été inséré dans la loi et
sera notifié judiciairement.
Art. 122. — Les règlements généraux, ordonnances, for-
mules, instructions et tarifs applicables au Bureau central
seront applicables aux Bureaux de district, sous réserve des
modifications qui pourraient être introduites par le Lord
Chancelier, assisté des commissaires de la trésorerie.
DISPOSITIONS transitoires
Art. 123 à 126.
Art. 127. — (Les terres situées dans le Comté de Middlesex,
dans les trois Ridings du Comté d'York, dans la ville et le
Comté de Kingston upon Hull, seront au cas où elles seraient
immatriculées conformément aux dispositions, de la présente
loi, affranchies des formalités établies précédemment dans ces
districts.)
Art. 128. — (Les Registrars de ces districts pourront récla-
mer une indemnité pour l'atteinte portée par l'article précé-
dent au montant de leurs émoluments.)
Art. 129. — Abrogation de l'article 7 du Vendor and Pur-
chaser act de 1874.
11
Loi du 6 août 1897 pour établir un ordre de repré-
sentation pour les biens réels et modifier le Land
Transfer Act de 1875.
PREMIERE PARTIE
Etablissement de représentants pour les biens réels
Article premier. — 1** Lorsqu'un bien réel est possédé
par une personne sans qu'une autre personne ait sur ce bien
un droit de survivance, à la mort du propriétaire, il passera
et appartiendra, nonobstant tout testament, aux représentants
pour les biens personnels du de-cuias. Il deviendra leur pro-
priété comme s'il s'agissait de biens immobiliers temporaires.
2° Cet article s'applique à tout bien immobilier sur lequel
une personne a, par testament, un pouvoir général de dispo-
sition équivalent au droit de propriété.
3° Le jugement d'homologation du testament et les lettres
d'administration peuvent être accordés pour les biens réels,
seulement alors qu'il n'y aurait pas de biens personnels.
4° L'expression « bien réel » ne doit pas dans cette loi être
considérée comme comprenant les biens en copyhold ou en
freehold coutumier, toutes les fois qu'une concession ou un
acte du Lord du manoir est nécessaire pour parfaire le titre
de propriété de celui qui acquiert d'un tenancier coutumier.
b° Cet article ne s'applique que pour les décès postérieurs
à la loi.
Art. 2. — 1° Sous les réserves ci-dessous mentionnées, les
représentants personnels du de cuius détiendront en fîdéi-
commis les biens réels pour les personnes ayant qualité pour
en bénéficier. Ces représentants personnels pourront requé-
rir le transfert d'un bien réel, comme les personnes ayant qua-
lité pour bénéficier des biens personnels peuvent requérir le
transfert de cesi biens.
2° Toutes les lois et tous les règlements réglant les effets
des jugements d'homologation et des lettres d'administration
LOI DK 1807 289
en ce qui concerne les biensi immobiliers temporaires, leur
gestion avant l'obtention du jugement ou des lettres, le paie-
ment des frais d'administration, toutes les autres questions
relatives à l'administration des biens personnels et les pou-
voirs, droits, devoirs et obligations des représentants person-
nels eu égard aux biens personnels, sont, autant que possible,
applicables aux biens réels.
On agira comme si ce bien réel était un bien immobilier
temporaire, sous cette réserve qu'il ne sera pas possible pour
un ou quelques-uns des représentants personnels, de vendre
ou de transférer le bien réel sans obtenir l'autorisation de la
Cour.
3° Dans l'administration de la succession d'une personne,
décédée, après la mise en vigueur de cette loi, ses biens réels
seront soumis aux mêmes règles et obligations, que s'il s'agis-
sait de biens personnels. Toutefois, rien dans cette loi ne modi-
liera l'ordre dans lequel l'actif réel ou personnel est actuelle-
ment affecté au paiemerxt des frais funéraires et testamentaires,
des dettes et legs, ni ne préjudiciera au privilège dont peut
être grevé un immeuble pour assurer le paiement du legs.
4° Quand une personne meurt en possession d'un bien réel,
la Cour doit, en accordant des lettres d'administration, pren-
dre en considération les droits et intérêts des personnes qui
prétendent à ses biens réels. Son héritier d'après la loi, s'il
n'est pas le plus proche parent, peut obtenir la délivrance de
ces lettres au même titre que les plus proches parents. Une
modification devra être faite dans les règlements de la Cour
pour adapter la procédure et la pratique à l'accord des lettres
d'administration, lorsqu'il existe un bien réel.
Art. 3. — 1° A toute époque, après la mort du propriétaire
d'une terre, ses représentants personnels peuvent consentir
la délivrance des legsi contenus dans le testament ou peuvent
transférer la propriété à toute personne à ce qualifiée comme
héritier du légataire. Les représentants personnels peuvent
consentir cette délivrance ou cette transmission, soit sous ré-
serve d'une hypothèque garantissant le paiement des sommes
dues par les représentants personnels, soit libre de charges.
Cette délivrance ou transmission, subordonnée, s'il y a lieu,
au paiement d'une somme d'argent que les représentants per-
sonnels se sont engagés à verser, fera cesser toutes leurs
obligations relatives à cette propriété, sauf celles résultant
des actes ou des contrats passés par eux avant la délivrance
ou la transmission.
L. 19
290 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
2° Lorsqu'un an après la mort du propriétaire d'une terre,
SCS représentants personnels n'ont pas encore transmis la
propriété à l'avant-droit, quoiqu'ils aient été mis en demeure
par lui de le faire, la Cour peut, à la requête de cette personne
et après avis aux représentants personnels, ordonner d'opérer
la transmission. Si la propriété est immatriculée, elle peut
décider que l'ayant-droit sera inscrit sur le Livre foncier soit
seul, soit conjointement avec les représentants personnels.
3° Lorsque les représentants personnels d'un de-cujus sont
inscrits comme propriétaires d'une terre au moment du décès;
aucun droit ne peut être perçu à l'occasion des transferts qu'ils
peuvent consentir, à moins qu'il ne s'agisse d'un transfert à
titre onéreux.
4° Sur production du consentement donné par les représen-
tants personnels dans la forme prescrite, le Registrar pourra
inscrire sur le Livre foncier la personne indiquée dans l'acte
de consentement comme propriétaire.
Art. 4. — P Les représentants personnels d'un de-cuiiis,
en l'absence d'une disposition contraire expresse du testament
et avec le consentement des légataires particuliers ou à titre
universel, ou; si les intéressés sont fous ou mineurs, avec le
consentement de leurs conseils de famille, fidéicommissaires
ou tuteurs; peuvent employer une part de la succession à payer
ces h gs et pour cela peuvent évaluer, suivant les formes pres-
crites, et de la manière qu'ils jugent préférable, tout ou partie
des propriétés du de-cuius. Avant que l'affectation devienne
définitive, avis de cette intention doit être donné aux béné-
ficiaires du reste de l'hérédité ; chacun d'eux peut, dans le
délai prescrit, en référer à la Cour : cette affectation et cette
évalutation deviendront définitives, sauf décision contraire de
la Cour.
2° Lorsqu'une propriété est ainsi affectée, son transfert
par les représentants personnels à l'affectalaire ne sera pas,
par le seul fait que la propriété ainsi transférée est acceptée
par ïa personne à laquelle elle est donnée en exécution d'un
legs particulier ou à titre universel, sujette à un droit de
timbre plus élevé que celui qui est perçu à l'occasion d'un
transfert de biens personnels effectué dans un but similaire.
S*' Lorsque la propriété est immatriculée, la production d'un
document prouvant la réalité de l'affectation en vertu de cet
article, autorisera le Registrar à inscrire sur le Livre foncier
la personne à laquelle la propriété a été ainsi transmise.
Art. 5. — Aucune disposition de cette loi n'aura pour effet
LOI DE 1897 291
de modifier les droits dus pour les biens réels ou d'imposer
aux biens réels d'autres droits que ceux actuellement perçus.
DEUXIEME PARTIE
' Amendements au Land Transler Act de 1875
Art. 6. — 1° Tous immeubles soumis à une transmission
limitée peuvent, au choix du bénéficiaire viager, être imma-
triculés, soit au nom de bénéficiaire viager, ou des fidéicom-
missaires (s'il en existe ayant le pouvoir de vendre l'immeuble)
ou des personnes ayant un pouvoir général de disposition de
la toute propriété (si ce pouvoir a été concédé à une ou plu-
sieurs personnes).
2** On inscrira aussi sur le registre telles restrictions ou dé-
fenses qui peuvent être prescrites ou être nécessaires pour
la protection des droits des personnes intéresséesi utilement à
la propriété.
3° Lorsqu'une propriété déjà immatriculée est assignée à
un tiers en vertu d'un settlement, l'acte de transfert peut être
rédigé dans une forme spéciale qui opérera comme une trans
mission par settlement. Le devoir des fidéicommissaires (s'il
en existe), sera d'intervenir dans cet acte et de demander fins
cription sur le registre des restrictions ou défenses néces-
saires d'après cet article. S'il n'y a pas de fidéicommissaires,
le Registrar s'enquierra des termes du settlement et inscrira
sur le registre toutes restrictions ou défenses qui peuvent être
nécessaires ou qui peuvent lui paraître conformes au présent
article.
4° A la mort du bénéficiaire viager inscrit comme proprié-
taire de l'immeuble soumis à une transmission limitée, les fidéi-
commissaires (si'il en existe), devront demander finscription
de son ou de ses successeurs avec mention de telles restric-
tions ou défenses conformes/ à cet article. Si les fidéicommis-
saires négligent de le faire ou s'il n'y a pas de lidéicommis-
saires, le Registrar procédera dans les formes prescrites par
i'art. 41 de la loi de 1875.
5° Lorsqu'un settlement est créé par un testament ou prend
naissance de toute autre manière à la suite du décès du pro-
priétaire unique inscrit d'un immeuble ou d'une parcelle indi-
vise, ses représentants personnels devront requérir finscrip-
tion de la personne qualifiée pour être inscrite comme pro-
292 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
priétaire et de toutes restrictions ou défenses conformes au
présent article.
6** Le settlement, un extrait ou une copie de celui-ci doit
être déposé au Bureau d'immatriculation, afin qu'il soit possi-
ble de s'y référer, mais ce dépôt n'afiectera pas les droits
d'un acquéreur ou créancier mortgagiste à titre onéreux, tenant
son titre du propriétaire inscrit avec mention de ses disposi-
tions. Il n'autorisera pas non plus cet ayant-droit à demander
la production de l'acte de settlement ou à requérir tels éclair-
cissements ou preuves relatives à son contenu.
7° Le propriétaire inscrit d'un immeuble soumis à une
transmission limitée et tous les autres intéressés (s'il en existe)
devront, à la requête et aux frais de toute personne ayant des
droits ou une hypothèque à elle transmise ou cédée en garan
tie d'un prêt, consentir une hypothèque sur la propriété, dans
la forme prescrite pour garantir le remboursement du prêt
8° Sous réserve du droit du propriétaire inscrit, de disposer
de la propriété dont il est le propriétaire inscrit, par actes en
registres ou par voie de mortgage, par nantissement, les biens,
droits ou intérêtSN des personnes investies de ceux-ci par le
settlement, ne seront pas modifiés par l'immatriculation du
propriétaire.
9° Une personne dont les droits sur l'immeuble résultent
d'un fidéicommis peut requérir toute immatriculation autori
sée par cet article, y concourir ou donner son assentiment.
Si elle est inscrite comme propriétaire, elle peut faire tous
actes de transfert ou d'hypothèque dans la forme prescrite
en faveur de toute autre personne, dont l'inscription est ainsi
autorisée.
10° Dans cet article, les expressions « bénéficiaire viager »,
« immeuble soumis à une transmission limitée », « settlement »,
« fidéicommissaircs », ont la môme signification que dans les
Settled Land Acts de 1882 à 1890.
Art. 7. — 1° Lorsqu'une erreur ou une omission est faite
sur le Livre foncier ou lorsqu'une inscription sur le Livre
foncier est faite ou obtenue par suite d'une fraude ou d'une
faute et que cette erreur, cette omission ou cette inscription
ne peuvent pas être rectifiées en vertu de la loi principale,
toute personne lésée par ces faits aura droit de réclamer une
indemnité, suivant les; règles prévues par la présente loi.
2° Lorsqu'une convention enregistrée serait absolument nulle
si elle n'était pas enregistrée ou lorsque, par l'effet d'une
erreur, d'une omission ou d'une inscription, une personne se
LOI DE 1897 293
trouverait privée d'une propriété, dont elle était en possession
ou dont elle recevait les loyers ou fermages, le registre sera
rectifié. La partie lésée par la rectification, aura droit à une
indemnité.
3° N'aura droit à aucune indemnité, toute personne qui aura
causé la perte ou qui y aura contribué par son acte, sa négli-
gence ou sa faute. Sera réputée être une négligence pour l'ap-
plication de cet article, l'omission d'enregistrer une caution,
mention, défense ou autre restriction, destinée à garantir l'exis-
tence d'un mortgage par nantissement, d'un autre intérêt équi-
table, d'un droit ou d'un intérêt créé en vertu des dispositions
de l'art. 49 de la loi principale.
4^ Lorsque le registre est rectifié en vertu des* dispositions
de la loi principale à la suite d'une fraude ou d'une erreur qui
s'est produite à l'occasion d'une convention à titre onéreux
enregistrée, dont le cessionnaire n'avait pas connaissance
et qu'il ne pouvait pas découvrir en procédant aux investiga-
tions habituelles, la personne subissant une perte du fait de la
rectification du registre aura droit à indemnité.
5° Le Registrar peut, si le requérant le désire et sauf appel
à la Cour, décider s'il y a lieu à indemnité en vertu de cet
article et dans ce cas déterminer l'indemnité. En cas d'appel
à la Cour, le demandeur ne supportera que ses propres frais,
même s'il est débouté, pourvu toutefois que son appel ne soit
pas déraisonnable.
6° Lorsqu'une indemnité est payée, le Registrar peut, sur
l'ordre de la Couronne, en recouvrer le montant sur la per-
sonne qui a causé cette perte ou y a contribué par son acte, sa
négligence ou sa faute.
7*^ Une demande en indemnité en vertu de cet article, est
considérée comme un simple contrat de dette, et pour l'appli-
cation du Limitation Act de 1623, l'action sera considérée
exister du jour où le demandeur connaît qu'il peut l'exercer,
ou devrait le connaître ; cet article s'applique à la Couronne
aussi bien qu'à un particulier.
Art. 8. — 1° Tant qu'un certificat terrier, une copie offi-
cielle d'un bail enregistré, ou un certificat de charge foncière
existe, il doit être produit par le propriétaire enregistré de
l'immeuble, du bail ou de la charge à l'occasion de chaque
inscription sur le registre, de chaque transmission ou de cha-
que rectification. La mention de ces inscriptions, transmissions
et rectifications sera officiellement portée sur le certificat
terrier, la copie officielle ou le certificat de charge foncière.
294 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
•Le Registrar aura les mêmes pouvoirs pour exiger la produc
lion de ces certificats, copies officielles ou certificats de
charge que ceux qui lui sont conférés par les articles 109 et
110 de la loi principale pour la production des cartes, levés
de plans, livres et autres documents.
2° Lorsqu'un de ces certificats a été délivré, le vendeur doit
le remettre à l'acquéreur pour la conclusion de la vente. Si une
partie seulement de la propriété est vendue il devra, à ses
frais, produire le certificat nécessaire pour conclure la vente
en vertu de cet article. En cas de perte ou de destruction du
certificat, le vendeur paiera les frais de la procédure rendue
nécessaire pour permettre au Registrar d'agir sans lui.
3° Un nouveau certificat ne peut être délivré par le Regis-
trar en remplacement d'un autre certificat antérieurement dé-
livré et depuis lors perdu ou détruit, qu'après une déclara-
tion statutaire faite par le demandeur et la production par lui
de toutes preuves pouvant paraître utiles au Registrar : ces
indications établiront les faits et les circonstances de la perte
et de la destruction. Il devra également être inséré auparavant
au moins un avis de la demande dans la Gazette de Londres,
trois annonces dans un journal quotidien du matin de Londres,
ces publications étant faites à 9 jours d'intervalle au moins,
et trois annonces dans un journal local du district où l'im-
meuble est situé. Le Registrar pourra en outre demander au
requérant telle indemnité qu'il jugera bon.
4° Lorsqu'un transfert d'immeuble est fait par le proprié-
taire enregistré d'une charge foncière en vertu du pouvoir de
vente qui lui a été conféré, ce transfert peut être enregistré et
un nou\'eau certificat foncier peut être délivré à l'acquéreur
" sans que l'ancien certificat terrier soit produit, mais le certi-
ficat de charge doit être produit en vertu de cet article. Sauf
toute stipulation contraire, le propriétaire d'une charge fon-
cière enregistré n'aura pas le droit de demander à avoir la
garde du certificat terrier ou d'exiger du grevé qu'il demande
la délivrance du certificat terrier.
5° — ■ 1) A l'occasion de la première immatriculation d'un
freehold ou d'un leasehold, ou de l'immatriculation d'une
charge foncière, un certificat foncier, une copie officielle du
bail enregistré ou un certificat de charge foncière, suivant les
cas, sera préparé et sera délivré à l'immatriculé ou déposé
à son nom au Bureau d'immatriculation, suivant qu'il le pré-
férera.
2) S'il est déposé au Bureau d'immatriculation, ce certjfî-
LOI DE 1897 295
cat recevra les mentions prévues dans cet article, ainsi que
toutes les indications relatives aux inscriptions postérieures
affectant l'immeuble ou la charge à laquelle il se rapporte.
3) Le propriétaire immatriculé peut, à toute époque, deman-
der la délivrance du certificat soit à son nom, soit au nom de
telle personne qu'il désignera et peut ensuite de nouveau le
déposer au Bureau d'immatriculation.
4) La préparation, la délivrance, l'annotation et le dépôt au
Bureau d'immatriculation du certificat seront effectués sans
frais pour le propriétaire.
6** Le propriétaire immatriculé, d'un freehold, d'un lease-
hold ou d'une charge foncière, peut constituer sur cette
terre ou cette charge un droit par dépôt de l'un des certificats,
sous réserve des droits, charges ou intérêts déjà enregistrés.
Ce droit sera, sous les réserve» ci-dessus, équivalent à un
droit créé par dépôt des titres de propriété ou du contrat d'hy-
pothèque d'un immeuble non enregistré, dépôt effectué, soit
par un propriétaire ayant une propriété entière, ou une pro-
priété pour une certaine période, soit par un créancier mort-
gagiste ayant un intérêt utile au mortgage.
Art. 9. — 1° Les dispositions de l'article 8 du Conveyancing
and Law of Property act 1881, s'appliqueront, autant qu'il
sera possible, aux transferts de biens immatriculés, comme
si ces transferts étaient opérés par actes authentiques. Un
transfert d'immeuble consenti par le propriétaire d'une charge
foncière investi d'un pouvoir de vente, aura le même effet
qu'une vente faite dans l'exercice des pouvoirs conférés par
ladite loi.
2** Les dispositions des articles 19, 20, 21 (sauf les paragra-
phes 1 et 4), 22, 23 et 24 de la même loi s'appliqueront de
même aux charges enregistrées.
3° Tout propriétaire immatriculé d'immeuble peut, dans les
formes ordinaires, grever cet immeuble du paiement d'une
annuité ou d'autres paiements périodiques. Les dispositions
de la loi principale et de la pressente loi relatives aux charges
foncières s'appliqueront à ces charges. Tout propriétaire
immatriculé d'immeuble peut le grever en faveur d'une société
de construction et en vertu des lois sur les sociétés de construc-
tion, d'une hypothèque constituée dans les formes prévues
par les statuts de cette société. Ce mortgage sera considère»
comme une charge foncière créée avec les formalités pren-
crîtes et sera enres^istré en conséquence.
296 l'introduction DF.S livres fonciers en ANGLETERRE
4° Aucune convention Sipéciale d'une charge foncière ne peut
avoir pour effet :
1) D'enlever au propriétaire de celle-ci le pouvoir de la
transférer par un contrat enregistré ou de requérir que men-
tion de son extinction soit faite au registre.
2) D'affecter aucune convention enregistrée concernant un
immeuble ou une charge, si la charge concurrente n'est pas
protégée ou enregistrée expressément d'accord avec la loi
principale ou avec cette loi.
5° Le Registrar peut, sur la demande ou avec le consente-
ment du propriétaire enregistré de l'immeuble et des proprié-
taires enregistrés de toutes les charges foncières de rang égal
ou inférieur à celui du propriétaire, modifier les termes d'une
charge foncière.
6° Lorsqu'une personne, à laquelle le droit d'être enregistré
comme propriétaire d'une terre ou d'une charge a échu par
suite de la mort ou de la faillite du propriétaire enregistré ou
a été conféré par un acte de transfert ou de charge conformé-
ment à la loi principale et à la présente loi, désire soit trans-
férer ou hypothéquer l'immeuble, soit céder la charge fon-
cière avant d'être lui-même enregistré comme propriétaire, il
peut le faire dans la forme et sous les conditions prescrites.
Sous réserve des dispositions de la loi principale relatives aux
cessions à titre onéreux enregistrées, un transfert et une
charge ainsi consentis auront les mêmes effets que si la
personne qui les consent était déjà enregistrée comme proprié-
taire.
Art. 10. — Toute personne qui, n'étant pas avocat, solicitor
dûment habilité, notaire public, conveyancer, avocat consul-
tant ou agent d'affaires reconnu, soit directement, soit indirec-
tement, pour ou en vue d'un salaire, d'un gain ou d'une récom-
pense, écrit ou prépare un acte de transfert ou de charge, ou
une demande en enregistrement de conditions restrictives en
modification de charge ou en changement des conditions d'une
charge enregistrée, ou tout autre acte prescrit, encourra une
amende n'excédant pas 50 livres sterlingsi, recouvrable devant
une Cour de juridiction sommaire, de la manière prévue par
le Summary Jurisdiction Act.
Cet article ne s'étend pas à :
a) Un officier public écrivant ou préparant un acte ou une
demande dans l'étendue de son pouvoir.
b) Une personne employée simplement à grossoyer des
actes ou des demandes.
LOI DE 1897 297
Art. 11. — L'article 2 du statut 32, Henry VIII, chapitre 9,
qui interdit les ventes et autres conventions aux propriétaires
qui ne sont pas en possession de l'immeuble depuis plus d'un
an, est abrogé.
Art. 12. — Aucune possession, quelle qu'en soit la durée,
ne peut faire acquérir un titre contraire ou dérogeant aux
droits du propriétaire immatriculé. Le propriétaire immatri-
culé peut, en conséquence, à toute époque, intenter une action
en revendication ou reprendre possession de l'immeuble. Tou-
tefois, si une personne acquérait, mais seulement par applica-
tion de& dispositions de cette loi ou de la loi principale, un
titre par prescription d'un immeuble immatriculé, elle pourrait
demander la rectification du registre en vertu de l'art. 95 de la
loi principale. La Cour pourrait, à sa requête et sous réserve
des droits ou intérêts acquis à titre onéreux et inscrits con-
formément aux lois, ordonner la rectification du registre.
Toutefois,, cet article ne saurait préjudicier au droit d'une autre
personne se prévalant d'une possession prolongée, lorsque
l'immatriculation de l'immeuble a été demandée seulement
à titre possessoire et lorsque la prescription était commencée
au moment de l'immatriculation.
Art. 13. — 1° et 2° (Le Registrar doit, à l'occasion de toute
inscription, s'enquérir du paiement des droits de succession,
mentionner l'obligation qui pourrait exister de ce fait.)
3° Les droits de succession ou de transmission ne peuvent
être recouvrés sur un acquéreur à titre onéreux de bonne foi,
bien qu'il puisse avoir eu connaissance extérieurement de
l'existence de l'obligation, à moins que :
à) Mention en soit portée sur le registre.
b) Au moment de l'immatriculation à titre possessoire, cette
obligation existât ou pût exister.
c) Cette obligation fût spécialement réservée dans les res-
trictions apportées au titre qualifié.
Art. 14. — 1° (Abrogation de l'art. 83 en ce qui concerne
la défense d'immatriculer des propriétés indivises, la limita-
tion du nombre des propriétaires conjoints, les descriptions,
limites et étendue de la propriété immatriculée.)
2" La propriété immatriculée sera décrite de la manière
prescrite au moyen de la Carte officielle ; pourront être jointes
à cette carte telles particularités ou indications que le deman-
deur peut désirer voir mentionner. Le Registrar ou la Cour en
appel doivent donner leur approbation à cette description
verbale, en prenant en considération la nécessité d*assurer la
298 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
rapide identification de la propriété ou de ses parties et en
assurant l'uniformité dans la pratique.
Art. 15. — (Dispositions spéciales aux biens possédés par
les titulaires de bénéfices religieux.)
Art. 16. — 1° Un acquéreur de terre immatriculée ne devra
pas demander d'autres titres de propriété que ceux résultant :
1) De l'inscription du registre, d'une copie certifiée conforme
ou d'un extrait du registre.
2) Une déclaration statutaire relative à l'existence des droits
qui, d'après l'art. 18 de la loi principale, ne sont pas réputés
constituer des servitudes.
3) Si le propriétaire est immatriculé à titre absolu el qu'il
y ait des servitudes inscrites sur le registre comme existant
au moment de l'immatriculation, la preuve de l'existence de
ces servitudes ou de leur fin.
4) Si le propriétaire est immatriculé à titre qualifié, la
même preuve que pour le titre absolu et la preuve relative à
tous les droits ou intérêts exclus des effets de l'immatriculation
ainsi qu'il pourrait être exigé si la propriété n'était pas imma-
triculée.
5) Si la propriété est immatriculé à titre possessoire, la
preuve de l'existence des droits du propriétaire inscrit au
moment de l'immatriculation ainsi qu'il pourrait être exigé
si la propriété n'était pas immatriculée.
2° Lorsque le vendeur d'un immeuble immatriculé n'est pas
inscrit lui-même comme propriétaire de cet immeuble ou d'une
charge foncière conférant le droit de le vendre, il devra à la
requête de l'acquéreur et à. ses frais, nonobstant toute stipu-
lation contraire, soit se faire inscrire lui-même comme pro-
priétaire de l'immeuble ou de la charge foncière, soit procurer
à l'acquéreur un transfert en due forme émané du propriétaire
inscrit.
3° Sauf disposition contraire, le vendeur d'un immeuble
immatriculé avec un titre absolu ne sera pas astreint à faire
de déclaration sur ses titres et le vendeur d'un immeuble
immatriculé à titre qualifié ou possessoire ne sera astreint
à faire de déclaration qu'eu égard aux droite et intérêts exclus
des effets de l'immatriculation. Les conventions tacites exis-
tant en vertu de l'art. 7 du Conveyancing and Law of Property
act, 1881. seront interprétées en conséquence.
Art. 17. — 1*" Le propriétaire immatriculé d'un immeuble
situé en dehors des districts où l'immatriculation est obliga-
toire peut, avec le consentement des autres personnes qui,
LOI DE 1897 299
'd'après le registre, paraissent être intéressées à l'immeuble
et sur le dépôt du certificat terrier, de la copie officielle du
bail immatriculé et des certificats des charges foncières exis-
tantes, faire annuler l'immatriculation.
2** Une fois l'immatriculation de l'immeuble annulée, il ne
sera plus fait de nouvelles inscriptions y relatives sur le regis-
tre. Le registre peut être consulté et des copies officielles peu-
vent être délivrées dans les formes prescrites par les règle-
ments.
3^ Si l'immatriculation ainsi annulée vise un immeuble situé
sous la juridiction des registres du Middlesex et du Yorkshire
rappelés dans l'art. 127 de la loi principale, cet immeuble sera
de nouveau soumis à cette juridiction, à partir du jour de la
radiation.
Art. 18. — (Amendements moins importants par la Ce
dule I, annexée à la loi.)
Art. 19. — 1° Lorsqu'un Conseil de Comté demande en
exécution de l'article 10 du Small Holdings act de 1892, à être
inscrit comme propriétaire d'immeubles, il peut être immatri-
culé a\ec tous les titres, que la loi autorise.
2°Lorsqu'un Conseil de comté, après avoir été ainsi inscrit
transfère un immeuble à un acquéreur d'une petite tenure,
celui-ci sera inscrit comme propriétaire à titre absolu sous
réserve seulement des droits réels qui peu\cnt être créés en
vertu du Small Holdings Act de 1892. Dans ce cas, toute per-
sonne revendiquant la propriété de l'immeuble ou se préva-
lant sur celui-ci d'un droit supérieur au titre du Conseil de
comté, recevra seulement des dommages-intérêts qui seront
recouvrés contre le Conseil de comté.
TROISIEME PARTIE
U immatriculation obligatoire et le Fonds d'assurance
Art. 20. — 1° Sa Majesté peut, par ordonnance en son
Conseil, déclarer qu'en ce qui concerne un comté ou une
partie de comté désignée dans l'ordonnance, l'immatriculation
sera obligatoire en cas de vente, à partir d'une date fixée dans
cet acte. Toute personne désormais ne sera investie de la pro-
priété légale d'un freehold dans cette région en vertu d'un
acte de vente passé après la date fixée, que si elle se fait ins-
crire comme propriétaire de l'immeuble transmis.
300 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
2° Dans cet article, l'expression « acte de vente » signifie
un acte exécute en auc d'une vente, par l'effet duquel un titre
de propriété est conféré ou complété, et relatif à un immeuble
qui peut faire l'objet d'une demande en immatriculation en
\ crtu de la loi principale.
3° Le titre qui sera délivré au propriétaire d'un freehold
immatriculé en vertu de cet article, sera au moins un titre
possessoire; mais cet article ne saurait défendre à un proprié-
taire de se faire délivrer un autre titre, si le Registrar juge que
les justifications fournies par lui sont suffisantes.
4"^ Sa Majesté pourra, par une nouvelle ordonnance rendue
en son Conseil, révoquer ou modifier une ordonnance anté-
rieure rendue en vertu de cet article.
5° Lorsqu'on se propose de rendre une telle ordonnance en
vertu de cet article, avis en sera donné, six mois à l'avance,
au Conseil du comté, visé dans cette ordonnance. Un projet
de l'ordonnance contenant le nom d'un endroit au moins situé
dans le comté ou près du comté où un Bureau d'immatricula-
tion de district, sera établi, sera transmis avec l'avis et sera
publié dans la Gazette.
6° Si, dans les trois mois qui suivent la réception du projet
d'ordonnance, le Conseil de comté, à une séance spéciale-
ment convoquée à cet effet et réunissant au moins les 2/3 des
membres en exercice, décide qu'à son avis l'introduction de
l'immatriculation obligatoire n'est pas désirable dans ce comté
et transmet sa délibération au Conseil privé, l'ordonnance ne
devra pas être rendue.
7° La première ordonnance rendue en vertu de cet article
ne devra pas viser plus d'un comté.
8° Aucune nouvelle ordonnance ne pourra être rendue en
vertu de cet article, à moins qu'un Conseil de comté ait pris,
à une réunion à laquelle les 2/3 des membres en exercice étaient
présents, une délibération faisant connaître son désir que
l'immatriculation soit rendue obligatoire dans le comté ou une
partie du comté. Dans tous les cas, aucune ordonnance nou-
velle ne pourra être rendue dans les trois années qui suivront
l'émission de la première ordonnance. Les dispositions du
paragraphe 6 ne s'appliqueront pas dans ce cas.
9° Toute ordonnance rendue conformément à cet article
sera déposée sur le Bureau des deux Chambres dans les lientc
jours de leur promulgation, si le Parlement est en session ou
dans les vingt premiers jours de la prochaine session, si le
Parlement est prorogé. Durant les quarante jours qui suivent
LOI DE 1897 301
le dépôt, si une motion désapprouvant l'ordonnance est votée
par l'une des deux Chambres, l'ordonnance sera tenue pour
nulle et non avenue.
10° Toute ordonnance rendue en vertu de cet article sera
conçue de façon à utiliser (si possible), les Bureaux fonciers
existant déjà dans le comté où l'immatriculation est rendue
obligatoire ou dans un comté voisin.
11° Pour l'application de cette loi, le mot « comté » a la
même acception que dans le Local Government Act de 1888
et comprend un bourg du comté. Le mot Conseil de comté
comprend aussi le Conseil de ce bourg.
12° — 1) Dans le cas où une partie d'un comté régie par
une ordonnance rendue en vertu de cet article, serait rattachée
à un autre comté ou à un comté-bourg pour lequel aucune
ordonnance n'aurait été rendue, cette ordonnance cesserait
d'être en vigueur pour la partie du comté ainsi rattachée.
2) Dans le- cas où une partie d'un comté, non régie par une
ordonnance, serait rattachée à un autre comté ou à un comté-
bourg pour lequel une ordonnance aurait été rendue, cette
ordonnance s'appliquerait à la partie du comté ainsi rattachée.
Art. 21. — 1° En vue d'assurer le paiement des indemnités
prévues par la présente loi, il sera créé un fonds d'assurance
constitué par des prélèvements annuels sur les recettes perçues
par le Bureau d'immatriculation. Le Lord Chancelier et la
Trésorerie détermineront par ordonnance la manière dont ces
prélèvements seront opérés.
2° Le fonds d'assurance sera géré par les personnes et de
la manière que la Trésorerie le décidera.
3° Si le fonds d'assurance est à un moment donné insuffisant
pour payer les indemnités dues, le déficit sera acquitté par le
fonds consolidé du Royaume-Uni ou ses revenus, mais toute
somme ainsi avancée par le fonds consolidé ou ses revenus
devra leur être remboursée par les excédents de recettes, pos
térieurement acquis au fonds d'assurance.
4° Les comptes du fonds d'assurance seront tenus et apurés
comme les comptes publics, suivant les règles que posera la
Trésorerie.
QUATRIEME PARTIE
Dispositions diverses
Art. 22. — 1° Des règlements peuvent être faits par le Lord
3U2 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
Chancelier, en vertu de l'article 106 de la loi principale pour
modifier les instructions officielles, du Registrar et des autres
fonctionnaires, ou y ajouter certaines dispositions en vue de
l'application de cette loi.
2° Les règlements généraux seront faits conformément à
l'article 111 de la loi principale par le Lord Chancelier avec
l'avis et le concours du Registrar, d'un juge de la Division de
la Chancellerie de la Haute-Cour, choisi par les juges de ce
tribunal et de trois autres personnes, dont l'une sera élue par
le Conseil général du Barreau, l'autre par le ministère de
l'Agriculture, la troisième par le Conseil de l'Incorporated
Law Society.
3° Leà ordonnances rendues en vertu des articles 112 et 122
de la loi principale seront faites par le Lord Chancelier avec
l'avis et le concours des mêmes personnes et assisté de la
Trésorerie.
4° Les tarifsi relatifs à l'immatriculation seront fixés de ma-
nière à produire un montant annuel suffisant pour acquitter
les salaires et autres dépenses (y compris la contribution an-
nuelle à ce fonds d'assurance), nécessitées par la mise en ap-
plication de la loi principale et de la présente loi, mais pas
plus.
5° Sous réserve des modifications qui peuvent être appor-
tées en vertu des articles 112 et 122 de la loi principale et du
présent article, lesi frais à percevoir dans les districts où l'im-
matriculation est obligatoire seront fixés suivants le tarif de la
Gédule II ci-annexée pour les opérations mentionnées dans
cette cédule.
6° Des dispositions peuvent être faites par des règlements
généraux en vertu de l'article 111 de la loi princpiale, modifié
par la présente loi pour assurer l'application de la législation
et notamment :
a) Pour mettre en œuvre les dispositions de cette loi, rela-
tives à l'immatriculation obligatoire.
b) Pour adapter à l'immatriculation des leaseholds les dis-
positions de la loi principale, relatives aux titres absolus
et possessoires et aux certificats terriers.
c) Pour adapter aux sous-hypothèques et aux servitudes
existant avant l'immatriculation les dispositions de la loi prin-
ci])ale relatives aux charges.
d) Pour régler les conditions des recherches officielles rela-
tives aux oppositions, défenses et autres matières de même
nature et pour habiliter le propriétaire inscrit à demander par
LOI DE 1897 303
télégraphe, qu'il soit procédé à ces recherches, pour fixer le
mode dans lequel les réponses seront retournées par la même
voie à lui ou à telle personne qu'il désignera.
e) Pour habiliter les ayants-droit à faire opposition à l'im-
matriculation à titre absolu ou qualifié d'un titre qualifié ou
possessoire.
{) Pour habiliter les créanciers mortgagistes par nantisse-
ment, à aviser le Registrar par lettre recommandée ou autre-
ment du dépôt opéré entre leurs mains du certificat terrier,
copie certifiée d'un bail enregistré ou certificat de charge.
Les irais d'inscription de cet avis ne pourront pas dépasser
un shilling.
g) Pour appliquer aux concessions de baux et aux transac-
tions relatives aux leaseholds les dispositions de cette loi, rela-
tives à l'immatriculation obligatoire.
h) Pour permettre l'insertion sur le registre et les certificats
terriers du prix payé ou de la valeur déclarée au moment de
l'immatriculation, des transferts, ou des transmissions.
i) Pour régler toutes les mesures'' qui peuvent être prescrites
en vertu de cet acte.
7° Toutefois, dans les règlements faits en vertu de cet arti-
cle, aucune disposition ne pourra avoir pour effet d'autoriser
l'inspection du registre à d'autres personnes' qu'à celles pro-
duisant un consentement, pour ce donné par la personne inté-
ressée à l'immeuble ou à la charge foncière à laquelle l'ins-
cription se rapporte.
8° Des dispositions peuvent être faites par des ordonnances
générales, en vertu de l'article 118 de la loi principale, en vue
de modifier les dispositions de cette loi, relatives à la formation
et à la constitution des Bureaux de district et de déterminer
la manière, d'après laquelle les Registrars de district seront
rémunérés. Aucune disposition de ces ordonnances ne devra
toutefois modifier les règles relativesi à la qualification, posées
dans l'article 119 de la loi principale.
Art. 23. — (Autorisation donnée au Lord Chancelier de
conclure une convention avec le Conseil du comté de Yorkshire
pour racheter les bureaux d'enregistrement d'actes y existant.)
Art. 24. — 1° Tous les biens réels corporels et incorporels
seront considérés comme immobiliers au sens de la loi prin-
cipale et de la présente loi. Toutefois, aucune disposition.de
la présente loi ne saurait rendre obligatoire l'immatriculation
de biens incorporels, de mines ou de minières distinctes de la
surface, d'un bail d'une durée inférieure à 40 ans ou subordon-
804 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
née à moins de deux vies humaines, de partie d'une propriété
immobilière indivise, d'immeubles en freehold mêlés et indis-
tincts d'immeubles d'autre espèce, de biens corporels, parcelle
d'un manoir ou compris comme tels dans la vente d'un ma-
noir.
2° Dans cette loi, l'expression : représentant personnel si-
gnifie : exécuteur testamentaire ou administrateur.
Art. 25. — Cette loi entrera en vigueur le P'" janvier 1898.
Art. 26. — Cet act sera appelé le Land Transfer Act
1897 et sera interprété avec la loi de 1875.
m
Extraits du Règlement général du 18 décembre 1903
rendu en exécution des Land Transfer Acts de 1875
et de 1897.
PREMIERE PARTIE
Le Registre
Article premier. — (Définitions.)
Art. 2. — Le registre comprend trois parties : le registre
des propriétés, le registre des propriétaires, le ivjgistre des
charges foncières. S'il s'agit d'un bien corporel, un plan de la
propriété doit être déposé au Bureau d'immatriculation. Le
titre de chaque propriété immatriculée portera un numéro dis-
tinct.
Art. 3. — Le registre des propriétés contient la description
des biens-fonds compris dans le titre avec référence au plan
déposé et les mentions qui peuvent être inscrites relatives à la
propriété des mines et minières, à l'exemption des obligations,
droits ou intérêts mentionnés dans l'art. 18 de la loi de 1875,
modifiée par la loi de 1897, aux aisances, droits aux profits à
prendre, conditions et conventions pour les bénéfices de la
propriété et autres affaires semblables; et à la valeur de la
terre.
Art. 4. — Lorsque des parcelles sont ajoutées à la pro-
priété ou en sont distraites, l'accroissement ou la diminution
seront, autant que possible, inscrites sur le registre des pro-
priétés et portées sur le plan déposé.
Art. 5. — S'il s'agit d'une propriété en leasehold, des ren-
seignementa sur le lease enregistré, les particularités de ce
lease, ainsi que les exceptions ou réserves y contenues, sui-
vant la volonté du demandeur et sous l'approbation du Regis-
Irar, et un renvoi au titre du bailleur (lessor), s'il est imma-
triculé, seront inscrits sur le registre des propriétés.
Art. 6. — Le registre des propriétaires établira la nature
du titre et contiendra le nom, l'adresse et signalement du pro-
L. '^0
306 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
priélaire et les oppositions, défenses ou restrictions, affectant
ses droits.
Art. 7. — Le registre des charges contiendra les charges
antérieures à l'enregistrement, les charges et autres servitudes
(y compris les mentions de leases et de propriétés en douaire
ou en courtoisie), et telles mentions nécessaires relatives aux
conventions, conditions et autres droits grevant la terre ; il
contiendra aussi toutes les transactions relatives aux charges
et servitudes enregistrées ou qui peuvent être enregistrées.
Art. 8. — Les charges et autres servitudes peuvent, si le
Registrar le juge bon, être inscrites sur un livre séparé et s'il
en est ainsi, le registre des charges renverra à ce livre. Les
transactions postérieures seront immatriculées par inscription
sur le livre dans lequel la charge ou servitude a été enregistrée.
Art. 9. — • (Dans lesi districts où l'enregistrement du titre est
obligatoire, le registre sera réuni en volumes, suivant les pa-
roisses.)
Art. 10. — Lorsque plusieurs inscriptions sur le registre
ont lieu, aiïérentes à une partie d'une propriété ou d'une
charge, un plan peut être fait, montrant les parties visées ou
grevées par chaque inscription et le registre renverra à ce
plan.
Art. 12. — Une Carte-Index sera conservée au Registry
qui montrera la position et l'étendue de toute propriété enre-
gistrée au moyen d'une teinte de couleur avec le numéro sous
lequel elle a été immatriculée pour la première fois. Une Carte-
Index distincte des propriétés tenues en leasehold sera faite
ainsi que des propriétés soumises à des droits incorporels.
Il y aura aussi un Index des noms des propriétaires par
ordre alphabétique, donnant les; numéros des titres, charges,
ou servitudes, desquels les diverses personnes qui y sont ins-
crites sont propriétaires. Il sera tenu à jour par l'annulation
des noms et numéros inutiles et par toutes les additions jour-
nalières nécessaires.
Art. 13. — Une liste des demandes d'immatriculation, en
instance sera également tenue. Elle indiquera la paroisse ou le
lieu, le nom et l'adresse du demandeur et le numéro de la
demande dans chaque cas.
Art. 14. — Les Cartes-Index et la liste des demandes d'im-
matriculation en instance (à l'exception de tout autre livre,
carte, plan ou document), pourront être consultées par le pu-
blic. L'Index des noms des propriétaires pourra être consulté
par les propriétaires enregistrés seuls. Si une personne peut
EXTRAITS DU RÈGLEMENT DE 1903 307
cependantprouverauRegistrarqu'elleaunintérêt général dans
la propriété d'une personne, par exemple comme syndic, en
cas de banqueroute ou comme exécuteur testamentaire ou ad-
ministrateur, elle pourra aussi consulter cet Index.
Art. 15 et 16. — (Rectification d'erreurs matérielles dans la
tenue des Livres fonciers.)
Art. 17. — Le Registrar peut, à toute époque, après telle
enquête ou tel avis qu'il jugera bon, et sur la production des
pièces exigées par ce règlement, annuler tous lease, servitude,
charge, mention, avis ou autre inscription qui ont cessé de
grever la propriété ou ne s'y rapportent plus. Il peut aussi faire
toutes modifications de forme dans le registre qu'il jugera bon,
en ce qui concerne les changements de nom ou d'adresse d'un
propriétaire immatriculé ou de toute autre personne.
DEUXIEME PARTIE
Premier enregistrement
titre possessoire
Art. 18. — La demande d'immatriculation avec un titre
possessoire sera faite en déposant au Registry une demande
écrite, suivant la r° formule de la 1" Cédule de ce règlement
accompagnée :
a) Soit d'un acte authentique ou de tout autre document con-
férant au demandeur le droit de requérir l'immatriculation de
sa propriété.
b) Soit d'une déclaration réglementaire faite par son deman-
deur ou son solicitor, suivant la deuxième formule de la
V' Cédule.
La demande contiendra ou sera accompagnée dans tous les
cas, de renseignements suffisants, d'un plan ou autres men-
tions destinées à permettre d'identifier complètement la terre
sur la carte officielle (Ordnance Map).
Dans les cas prévus au paragraphe a), où le titre de propriété
produit est un acte d'homologation, des lettres d'administra-
tion, une ordonnance de la Cour ou tout autre acte d'ar-
chives et dans tous les cas prévus du paragraphe b), la de-
mande sera accompagnée du dernier titre de propriété autre
qu'un acte d'archives en la possession du demandeur.
308 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
Si la demande est faite en vue de l'immatriculation au nom
d'une personne désignée, ou est formulée par un acheteur, le
consentement par écrit de la personne désignée ou du vendeur,
ou de son soliciter, sera aussi joint à la demande.
Art. 19. — Il ne sera pas nécessaire d'établir dans la de-
mande, si la propriété est grevée de charges, etc., et si elle en
est grevée, quelles sont ces charges, conditions ou autres ser-
vitudes. Cependant, un état écrit des charges, des servitudes
ou autres conditions grevant la propriété au moment de l'im-
matriculation peut être dressé par le requérant, son solicitor
ou par le propriétaire après l'immatriculation. Il sera conservé
au Bureau d'immatriculation et mentionné sur le registre. Des
états subsidiaires indiquant que ces charges, servitudes ou
autres conditions n'existent plus ou sont modifiées peuvent être
également déposés au Bureau d'immatriculation à toute épo-
que.
Art. 20. — Aucune mention de ces charges, servitudes ou
conditions, ne sera inscrite sur le registre, mais on y mention-
nera le dépjôt des états subsidiaires. Des copies et des extraits
des documents visés dans ces états peuvent être avec l'état lui-
même, déposés au Bureau d'immatriculation.
Art. 21. — ^ Le titre du demandeur ne sera pas examiné par
le Registrar et l'immatriculation ne préjudiciera à aucune
propriété, droit ou intérêt contraire ou dérogeant au titre du
propriétaire le premier immatriculé, existant ou capable de
naître au moment de l'immatriculation de ce propriétaire,
qu'une telle propriété, droit ou intérêt soit ou ne soit pas
inscrite sur le registre.
Art. 22. — Les demandes faites au Bureau seront inscrites
sur un registre dans l'ordre où elles sont déposées et recevront
un numéro d'ordre à cet effet. Les plans et inscriptions seront
préparés au Bureau et seront approuvés par le demandeur
ou son solicitor, à moins que le Registrar ne le juge inutile.
L'immatriculation sera faite et aura effet du jour de la demande
et suivant l'ordre dans lequel elle a été faite au Registry.
Le Land certifîcate sera préparé et sera soit délivré au de-
mandeur, soit s'il le préfère, déposé au Registry.
Art. 23. — Les projets d'inscriptions sur le Registre, ap-
prouvés par le demandeur ou son solicitor, peuvent si le Re-
gistrar le juge bon, être acceptés aux lieux et place d'une
demande rédigée suivant la formule 1 annexée.
Art. 24, 25 et 26. — (Estampillage des titres produits.)
EXTRMIS DU RÈGLr.MENT DE 1903 309
TITRE ABSOLU
Art. 29. — ■ Lorsque le droit du premier propriétaire imma
triculé est ou peut être soumis à une restriction au point de vue
de la vente, le Registrar inscrira cette inscription de la manière
et dans la forme qu'il jugera bon.
Art. 30. — 'La demande d'immatriculation à titre absolu
sera faite par le dépôt au Registry d'une demande écrite rédi-
gée suivant la troisième formule de la P^ Cédule. Une telle
demande établira le comté, la paroisse ou le lieu dans lesquels
la terre est située, le nom de la propriété et d'autres rensei-
gnements, courts, suffisants pour l'identifier.
Art. 31. — Si le demandeur en immatriculation désire sou-
mettre la propriété à certaines condition?., conformément aux
dispositions de l'article 8i de la loi de 1875, modifiée par la
loi de 1897, de telles conditions doivent être établies dans la
demande et déposées avec elle.
Art. 32. — Lorsque la demande est faite en vue de l'imma-
triculation au nom d'une personne qui a été désignée (nominee)
ou est faite par un acquéreur, le consentement par écrit de la
personne présentée ou du vendeur ou de son solicitor doit être
déposé avec la demande.
Art. 34. — 11 sera déposé également avec la demande un
résumé des titres dans la forme ordinaire ainsi que les actes
et documents relatifs au titre que le demandeur a en sa posses-
sion ou sous son autorité, y compris opinions de conseil, es-
traits, contrats et conditions de vente, réquisitions, réponse»
et tous autres papiers similaires en ce qui concerne le titre,
ainsi qu'une liste des tenanciers et occupants de la terre. Tous
autres documents qui doivent être produits à l'appui de l'abs-
tract seront aussi déposés avec la demande ou à partir de
celle-ci, un délai et un lieu seront désignés pour leur produc-
tion. Une liste de tous, les documents laissés au Registry à
l'appui de l'extrait sera jointe à ces documents.
Art. 35. — Toutes les recherches et enquêtes considérées
comme nécessaires par le Registrar au cours de l'examen
du titre et à son sujet seront faites par telle personne et de telle
façon, que le Registrar le déterminera.
Art. 36. — Le titre sera examiné par le Registrar ou sous
sa direction, selon la pratique habituelle des transmissions,
sauf les exceptions suivantes :
310 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
a) Tout ou partie de l'examen peut être confié par le Régis •
trar, s'il le juge bon, pour avis à l'un des examinateurs de
titre nommés par l'art. 313 et le Registrar peut agir d'après
leur avis.
b) 1° Lorsque la terre a été vendue d'après un ordre d'une
Cour ; 2° ou qu'elle a été enrgistrée, à titre possessoire ou
qualifié, pendant les six années précédant la demande en imma
triculation à titre absolu, le premier propriétaire inscrit ayant
été un acquéreur à titre onéreux à l'occasion d'une vente ;
3° ou si le titre a été complètement examiné pour un achat
récent, l'examen peut être modifié de telle manière que le
Registrar le jugera bon.
Art. 37. — Avis de la demande sera Inséré au moins une
fois à la London Gazette et sera aussi inséré dans tel journal
ou journaux locaux ou autres, tel nombre de fois et à tels in-
tervalles que le Registrar fixera pour chaque affaire. Il don-
nera le nom et l'adresse du demandeur, le nom et une courte
description de la terre, le comté, la paroisse ou le lieu où elle
est située et demandera que les oppositions soient faites avant
l'expiration d*un délai fixé, qui ne sera pas inférieur à deux
mois à partir de l'insertion du dernier avis.
Art. 40. — Le demandeur fournira au Registrar toutes les
explications que celui-ci désirera avoir et des avis seront
signifiés aux tenanciers occupants ou autres personnes dési-
gnées par le Registrar.
Art. 41. — Toute personne peut, par avis écrit, signé
par elle ou son solicitor et déposé au Registry, s'opposer à
l'immatriculation. Un tel avis établira d'une manière concise
les motifs de l'opposition et donnera l'adresse dans le Royau-
me-Uni de l'opposant, et si elle est faite par un solicitor,
donnera le nom et l'adresse de celui sur l'ordre duquel elle
a été faite.
Art. 42. — ■ Le Registrar, donnera avis au demandeur do
l'opposition et l'immatriculation n'aura pas lieu, tant que
l'opposition n'aura pas été levée. Le demandeur peut citer
l'opposant devant le Registrar à huitaine franche. Si l'oppo-
sant ne se présente pas au jour fixé, son opposition sera con-
sidérée comme retirée, à moins que le Registrar ne permette
qu'une autre convocation ne soit faite. Toute partie peut être
entendue en personne ou par son solicitor ou son Conseil.
Art. 43. — Si une personne faisant ainsi opposition à l'im-
matriculation, désire qu'une inscription soit faite sur le régis-
EXTRAITS DU RÈGLEMENT DE 1903 311
tre, elle procédera comme pour les demandes faites en vertu
de l'art. 226, à moins que le demandeur en immatriculation ne
consente à ce que cette inscription soit faite.
Art. 44. — Lorsque toutes les réquisitions ou objections
ont été écartées, les inscriptions nécessaires pour le registre
seront faites par le Registrar, et approuvées par le demandeur
ou son solicitor. A l'expiration du délai fixé par les avis et
par les avertissements, et après l'accomplissement des formali-
tés requises par les art. 70 et 72 de la loi de 1872, l'immatricula-
tion sera faite; les titres de propriété autres que ceux qui doi-
^vent être, d'après les règlements, conservés au Land Registry
seront rendus au demandeur.
Art. 45. — Le Land Certifîcate sera préparé et sera, soit
délivré au demandeur, soit, s'il le préfère, conservé au Land
Registry.
Art. 46. — Les servitudes, conditions ou autres charges
auxquelles la propriété peut être soumise, seront inscrites sur
le registre conformément au titre produit et peuvent être ins-
crites, soit directement, soit par renvoi aux actes par lesquels
elles sont créées, soit par l'enregistrement d'extraits de ces
actes.
Art. 47. — La preuve pour montrer que les prescriptions
de l'art. 70 de la loi de 1875 ont été remplies, sera une décla-
ration statutaire, selon la formule 5 de la 1" Cédule.
Art. 48. — • Si le Registrar est d'avis qu'un titre absolu peut
être délivré à l'expiration d'une certaine période ou à la suite
d'un événement déterminé, il peut inscrire une note de ce fait
et à l'expiration de cette période ou sur preuve fournie que
cet événement s*est produit, s'il le juge bon, inscrire en consé-
quence le titre comme absolu. Dans l'intervalle, le titre sera
inscrit dans la catégorie à laquelle il appartient pour le mo-
ment.
TITRE QUALIFIÉ
Art. 49. — Si au cours d'une demande pour un titre absolu
il apparaît au Registrar, d'après un examen du titre, qu'un
.titre qualifié seulement devrait être inscrit sur le regis-
tre et si le demandeur averti demande par écrit l'inscrip-
tion d'un tel titre qualifié, le Registrar fera un projet des
inscriptions à faire sur le registre, le soumettra à l'approba-
tion du requérant et immatriculera en conséquence le titre
qualifié.
oI'J I.'lM !î)l)UCTIOX DES LIVRES FONCIERS EN ANGLETERRE
PROPRIÉTÉ EN LEASEHOLD
Art. 50. — (Application aux leaseholds des dispositions des
articles précédents, relatifs aux freeholds.)
-\rt. 51. — Le lease, dans tous les cas où il est en la posses-
sion ou sous l'autorité du demandeur, et, dans^tous les autres
cas, une copie ou un extrait ou la preuve suffisante de son
contenu, doit être remis avec la demande.
Art. 52. — La demande peut être faite pour l'immatricula-
tion d'un leasehold avec un titre absolu, avec un bon titre de
leasehold ou avec un titre possessoire.
Art. 53. — Lorsqu'un titre absolu est demandé, aucune
personne ne sera immatriculée comme propriétaire de la terre
en leasehold, jusqu'à ce que les titres du leasehold, du free-
hold et de tout leasehold intermédiaire aient été approuvés
par le Registrar. Lorsqu'un bon titre de leasehold est demandé,
aucune personne ne sera immatriculée comme propriétaire de
la terre en leasehold, jusqu'à ce que le titre du leasehold ait
été approuvé par le Registrar.
Art. 54. — Lorsque le premier preneur est immatriculé
comme propriétaire, il lui est délivré un bon titre de leasehold,
pourvu qu'il prouve au Registrar qu'il n'a pas, depuis le con-
trat de bail, cédé des droits ou grevé son leasehold de servi-
tudes qui ne seraient pas établis par les titres de propriété.
Art. 55. — (Même effet de l'immatriculation à titre absolu
que celui prévu par l'art. 13 de la loi de 1875.)
Art. 56. — L'immatriculation d'une personne comme pre-
mier propriétaire d'une propriété en leasehold avec un bon
titre de leasehold, ne préjudiciera à la reconnaissance d'aucun
droit ou intérêt modifiant le titre du bailleur ou y dérogeant,
mais sous ces réserves, elle aura le même effet que l'immatri-
culation à titre absolu.
Art. 57. — L'immatriculation d'une personne comme pre-
mier propriétaire d'une terre en leasehold avec un titre posses-
soire ne préjudiciera à la reconnaissance d'aucun droitou intérêt
(relatif soit au titre du bailleur, soit à tout autre), contraire ou
dérogeant au titre de ce premier propriéaire immatriculé et
existant ou pouvant naître au moment de l'immatriculation
de ce propriétaire; mais sous ces réser\ es, elle aura le même
effet que l'immatriculation à titre abolu.
Art. 58. — Lorsqu'un titre absolu ou un bon titre de lease-
hold est demandé et que, à l'examon du titre, il apparaît au
EXTRAITS Dl RÈGLEMENT DE 1903 313
Registrar que le titre soit du bailleur, soit du preneur peut
être établi seulement pour une période de temps limitée ou
sous certaines réserves, le Registrar peut, sur la requête écrite
de la personne demandant à être immatriculée, excepter de
l'effet de l'immatriculation, par une inscription au registre,
tout bien, droit ou intérêt ayant son origine avant une date
spécifiée ou en vertu d'un acte déterminé, ou décrit d'une au-
tre façon dans le Registre.
Art. 59. — • L'immatriculation d'une personne avec un titre
qualifié, ne saurait modifier ou préjudicier à la reconnaissance
d'aucun droit ou intérêt ainsi excepté sur le registre ; mais
sauf ces restrictions, ce titre aura le même effet que l'imma-
triculation avec un titre absolu.
Art. 60. — Application des dispositions précédentes aux
sous-locations.
Art. 62. — L'immatriculation d'une propriété en leasehold
tenue en vertu d'un lease, contenant défense de vendre sans
alitorisation, ne peut avoin lieu qu'avec un titre qualifié
et toutes les propriétés, droits, intérêts, pouvoirs et « reme
dies » ayant leur origine dans une aliénation sans autorisation,
seront expressément exceptés de l'effet de l'immatriculation.
Art. 63. — • Lorsque un lease relatif à une propriété déjà
enregistrée est immatriculé en vertu de ce règlement, avis de
l'immatriculation de ce lease, doit être donné au propriétaire
immatriculé de la terre, ou du lease supérieur en vertu duquel
le lease est concédé suivant les cas ; et si aucune objection
valable n'est faite dans les quatorze jours qui suivent cet avis
ou si le propriétaire déjà inscrit consent par écrit à l'imma-
Iriculation, mention du lease sera portée sur le titre du freehold
ou du leasehold supérieur de la même manière que les men-
tions de leases sont inscrites conformément aux articles 50 ol
51 de la loi de 1875 et à ce règlement.
Art. 65. — (Application aux leaseholds des dispositions de
la loi relatives aux certificats fonciers).
Application à la concession de leases et aux transactions de
terres en leasehold des dispositions de la loi de 1897, en ce qui
concerne V immatriculation obligatoire.
' Art; 68: — Une ordoïinancé en Conseil, renduer en vertu de
314 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
l'art. 20, § 1 de la loi de 1897, en l'absence de disposition con-
traire dans cette ordonnance, étendra ses effets aussi bien aux
ventes de leaseholds et aux concessions de leasesi et de sous-
locations qu'aux ventes de freeholds.
Art. 69. — L'effet d'une ordonnance ainsi rendue sera qu'en
ce qui concerne la terre, située dans le comté ou la partie du
comté comprise dans l'ordonnance, un transfert par vente
d'une location ou d'une sous-location ayant au moins 40 ans
à courir ou deux vies encore à durer et une concession de
location ou de sous-location pour une durée de 40 ans ou
plus, ou pour deux vies ou plus, ayant eu lieu après le jour
indiqué dans l'ordonnance et capables d'immatriculation, au-
ront l'effet d'une simple convention et ne transféreront aucune
propriété légale au cessionnaire ou preneur, jusqu'à ce qu'il
soit immatriculé comme propriétaire de la location et de la
sous-location. (Exception à cette règle en cas de constitution
d un settlement par cession à bail aux fidéicommfssaires, le
tenancier à vie conservant le droit de retour.)
Art. 70. — Les expressions « transferts par vente » et con-
cession d'une .location ou cl'une sous-location dans le présent
règlement auront une signification correspondante à l'expres-
sion transfert par vente (conveyance on sale), de l'art. 20, § 2
de la loi de 1897.
Manoirs, droit de patronage, redevances, dîmes et autres biens
incorporels, mines et minières séparées de la surface, caves,
étages, et biens similaires, et parts indivises de propriétés
foncières.
Art. 71. — Les demandes d'immatriculation de ces droits in-
corporels seront faites conformément aux règles ci-dessus pres-
crites et de la même manière, sauf les modifications que la
nature des droits peut exiger et que le Registrar peut approu-
ver.
TERRES SUBSTITUÉES
Art. 78. — La demande d'immatriculation d'une terre gre-
vée de substitution peut être faite par toute personne capable
d'être immatriculée comme propriétaire avec le consentement
des autres personnes, s'il en existe, dont le consentement ou le
concours sont nécessaires à la vente faite par cette personne.
EXTRAITS DU RÈGLEMENT DE 1903 315
Art. 82. — Le contrat de substitution, qu'il consiste en un
ou plusieurs documents, ou en une copie ou un extrait de ce
contrat, peut être déposé au Registry pour y être conservé et
au besoin pour s'y référer. Le registre n'y renverra pas, mais
il sera conservé séparément sous le numéro du titre auquel il
a trait.
Art. 83 à 86. — (Dispositions spéciales, pour l'immatricu-
lation des biens possédés par des corporations charitables.}
Opposition à Vinscription d'une propriété sur le registre, en
vertu de Vart. 60 de la loi de 1875.
Art. 88. — Une opposition à l'inscription d'une propriété
sur le registre, faite en vertu de l'art. 60 de la loi de 1875, sera
rédigée suivant la formule 14 de la F® Cédule. Elle sera signée
par l'opposant ou son solicitor, indiquera l'endroit où avis
des demandes en immatriculation doit lui être adressé et sera
accompagnée de détails suffisants, plans ou autres documents,
pour identifier sur l'Ordnance Map la propriété à laquelle cette
opposition se rapporte.
Art. 90. — Le délai fixé par l'avis donné à la personne
ayant fait opposition d'après l'art. 62 de la loi de 1875, sera
de quinze jours ou telle autre période (n'étant pas moindre de
7 jours), que le Registrar peut fixer dans certains cas. L'avis
sera donné suivant la formule 16 de la Cédule L
Art. 91. — (Possibilité pour un acquéreur de faire inscrire
sur le registre un avis tendant à réserver ses droits à l'imma-
triculation. S'il requiert dans la quinzaine son immatricula-
tion, celle-ci rétroagira au jour de l'insertion de l'avis.)
TROISIEME PARTIE
Transactions immatriculées relatives à des terres immatriculées
GÉNÉRALITÉS SUR LES DISPOSITIONS IMMATRICULÉES
1** Forme.
Art. 97. — (Se servir autant que possible des formules
officielles.)
Art. 98 à 106. — (Formes à usitcr dans certains cas parti-
316 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
culiers. Pouvoirsi discrétionnaires du Registrar pour autoriser
ou modifier ou défendre telles ou telles formules.)
2® Passation et attestation des actes.
Art. 107. — • Tout acte de transfert, charge, échange ou
division de terre immatriculée ou d'une charge immatriculée,
doit être passé comme un contrat (deed). Si les parties le dé-
sirent, tout autre acte requis d'être par écrit, peut être passé
dans la même forme.
Art. 108. — Tout acte devant être passé comme un contrat
sera attesté.
Art. 109. — Tout acte devant, d'après ce règlement, être
allesté, sera passé en la présence d'un témoin qui écrira ses
noms, adresse et qualité dans la clause d'attestation.
3° Immatriculation
Art. 111 à 117. — (Les demandes en immatriculation pren-
nent rang à partir du moment où elles sont déposées au Bureau
d'immatriculation.)
Art. 118. — A la suite du dépôt en vue de l'immatriculation
d'un acte ou d'une requête, avis de ce fait sera adressé à la
personne qui l'a passé. Lorsque l'acte est une cession ou un
transfert passé par une personne exerçant un pouvoir de vente
ù elle conféré dans un mortgage antérieur à l'immatriculation
du bien ou dans une charge dûment enregistrée, avis de ce fait
sera également adressé au propriétaire du bien et aux proprié-
taires de toutes les charges foncières postérieures.
L'avis donnera à la personne à laquelle il est adressé, un dé-
lai de trois jours francs à partir de l'envoi, pour s'opposer
à l'immatriculation. En l'absence d'opposition, l'immatricula-
tion peut avoir lieu à l'expiration du délai fixé.
Art. 119. — Sauf disposition contraire dans ce règlement,
tous actes, demandes ou autres documents sur lesquels une
inscription sur le registre est fondée, seront conservés au Re-
gistry et n'en seront retirés que sur un ordre écrit du Ucgis-
trar ou en vertu d'un arrêt de la Cour.
4° Droit de timbre.
Art. 123 à 125. — (Aucune immatriculation ne peut avoir
lieu avant que les droits à percevoir sur l'acte passé aient été
payés.)
EXTRAITS DU RÈGLL.MLM DE 1UU3 oIT
Art. 120 el 127. — (Emploi de la formule 20 de la cédule 1
pour les translerts partiels. Dans ce dernier cas, production
u un plan de la parcelle distraite.)
Art 128. — Ln transfert de propriété en vue de la constitu-
tion d'un settlement sera fait par un acte dans l'une des formes
22 à 27 de la Cédule 1 avec l'addition des restrictions ou
défenses à inscrire sur le registre, suivant les principes établis
à l'art. 80 de ce règlement et le Registrar, au reçu de cet acte
enregistrera le cessionnaire y dénommé comme propriétaire
et inscrira sur le registre les défenses et restrictions conte-
nues dans le transfert.
Art. 129 à 137. — (Dispositions spéciales relatives à certains
transferts.)
Art. 138. — Le transfert d'un leasehold sera fait par un
acte suivant la formule 35 et on peut déroger, si on le désire,
à tout ou partie des clauses impliquées par l'art. 39 de la loi
de 1875 pour un transfert de leasehold, par l'addition de dispo-
sitions convenables à l'acte de transfert et dans ce cas, une ins-
cription dérogeant aux clauses implicites sera inscrite sur le
registre. Si l'on désire substituer d'autres clauses aux clauses
implicites de l'art. 39, les additions nécessaires seront faites
au transfert.
Art. 14u. — - Le trarisfcrl a litre uuéreux d'un leasehold
immatriculé a\ec un titre absolu ou qualifié aura, une fois
enregistré, l'effet prévu par l'art. 35 de la loi de 1875 pour le
transfert d'un leasehold immatriculé a^ec la déclaration que
le bailleur avait un titre absolu à concéder le lease, en vertu
duquel cette propriété est détenue : sous la réserve, lorsqu'une
propriété, un droit ou un intérêt est excepté de l'effet de l'im-
matriculation, que le transfert ne préjudiciera pas à l'existence
d'une telle propriété, d'un tel droit ou d'un tel intérêt indiqué
sur le registre, comme ayant été excepté.
Art. 141. — Le transfert à titre onéreux d'un leasehold im-
matriculé avec un bon titre de leasehold, aura, une fois enre-
gistré rclïct prévu par l'art. 35 de la loi de 1875, pour le
transfort d'un leasehold immatriculé avec la déclaration, que
le bailleur avait un titre absolu à concéder le lease, en vertu
du(iuel cette propriété est détenue : Toutefois, cette inscrip-
tion no préjudiciera pas à la reconnaissance d'une propriété
d'un droit ou d'un intérêt contraire ou dérogeant au titre du
bailleur à concéder le lease.
Art. 142. — Le transfert à titre onéreux d'un leasehold im-
318 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
matricule avec un titre possessoire aura, une fois enregistré,
le même effet qu'un transfert à titre onéreux d'une même terre
immatriculée avec un titre absolu ; mais^ ce transfert ne préju-
diciera pas à l'existence d'un droit ou d'un intérêt (concernant
le titre du bailleur ou d'une autre personne), contraire ou
dérogeant au titre du premier propriétaire immatriculé et exis-
tant ou capable d'exister au moment de l'immatriculation de ce
propriétaire.
Art. 143. — Les dispositions en ce qui concerne les land
certificates de l'art. 29 de la loi de 1875, modifié par l'art. 8 de
la loi de 1897, s'appliqueront à la propriété en leasehold.
Art. 144 à 157. — (Dispositions spéciales à certains trans-
ferts.)
CHARGES
Art. 158. — Une charge sur une terre immatriculée sera
consentie suivant la formule 44 et une copie de la convention
créant cette charge, sera déposée en même temps que l'acte
de transfert. -
Art. 159. — L'enregistrement d'une convention de charge
contredisant ou dérogeant aux dispositions desi articles 23 à 27
de la loi de 1875 ou à certaines d'entre elles sera considéré
comme une inscription suffisante pour annuler ou modifier les
dispositions de ces articlesi.
a*. ...... as*. ... .••
Art. 162. — Lorsque partie seulement de la propriété est
comprise dans un titre ou incluse dans une charge, la partie
ainsi grevée sera (sous réserve de l'art. 101 de ce règlement),
identifiée par un plan qui sera signé par les deux parties.
Art. 164. — Lorsque le propriétaire d'une charge immatri-
culée obtient une ordonnance de foreclosure absolue, l'ordon
nance ou une copie officielle, sera déposée entre les mains
du Registrar qui inscrira en conséquence le propriétaire de
cette charge, comme propriétaire de la terre (sou& réserve des
charges antérieures), pour laquelle le paiement de l'indemnité
de rachat ne peut plus avoir lieu. Le certificat de charge, et si
le Registrar le demande, le certificat terrier accompagneront
la requête.
Art. 168. — Le transfert d'une charge sera opérée en vertu
d'un acte rédisré. suivant la formule 49.
EXTRAITS DU RÈGLEMENT DE 1903 319
Adaptation aux servitudes (Encumbrances) antérieures à l'im-
matriculation et aux sous-mortgages des dispositions de la
loi de 1875, relatives aux charges.
Art. 175. — Lorsqu'il apparaît qu'une personne a titre à
une servitude créée antérieurement à la première immatricula-
lion, le Registrar devra, sur la demande ou avec le consente-
ment de l'ayant-droit, sur preuve de son titre et après avis
donné au propriétaire immatriculé, enregistrer cette personne
comme propriétaire de la servitude ; mais- lorsqu'il y a plus
d'une servitude de cette sorte, leur priorité relative ne sera
pas modifiée par l'immatriculation de quelques-unes seule-
ment ou par l'ordre dans lequel celles qui sont immatriculées
ont été inscrites sur le registre.
Art. 176. — Du moment où l'immatriculation du proprié-
taire d'une servitude a eu lieu, tous les transferts et autres
actes y relatifs seront inscrits sur le registre et prendront
(sauf inscription contraire sur le regitre) rang, entre eux,
dans l'ordre dans lequel ils sont immatriculés et les ser-
vitudes cesseront d'être soumises à la juridiction de tout enre-
gistrement local d'actes.
Art. 177. — L'emploi des mêmes formes et procédures sera
usité, en ce qui concerne les transferts et autres actes relatifs
aux servitudes, que pour les charges immatriculées-.
Art. 178. — Le propriétaire immatriculé d'une charge ou
servitude peut à toute époque, charger celles-ci du paiement
d'une somme de la même manière que le propriétaire immatri-
culé peut charger la terre.
Art. 179. — Une telle charge sera appelée une « sub-
charge » et sera consentie, transférée et radiée dans la même
forme. Sauf inscription contraire sur le registre, une « sub
charge » impliquera, vis-à-vis du constituant et des autres
personnes, sur lesquelles cette charge confère pouvoir, les mê-
mes clauses et conférera les mêmes pouvoirs qu'une charge.
Sauf inscription contraire sur le registre les « sub-charges »
immatriculées sur la même charge ou servitude prendront
rang entre elles, suivant l'ordre de leur inscription sur le
registre et non suivant l'ordre de leur création.
Art. 180. — ■ Au moment de l'immatriculation d'une « sub-
charge », le certificat de charge sera produit et une note sera
inscrite sur lui.
Art. 181. — Des certificats de servitudes et de « sub-charge »
seront préparés et délivrés dans les mêmes formes qu'un cer-
320 i.'iM IKJDUCTION Di.s [.iviii^s ru.\Gii:iis EN AN(.i.i;i j:i{iu:
lilicaL de charge. On pourra en user pour créer une obligalioii
par dépôt. Ils devront être produits dans les mêmes occasions
TRANSMISSIONS DE PROPRIÉTÉS ET DE CHARGES
P En cas de mort.
Art. 183. — Sur la production d'un acte d'homologation
du testament ou des lettres d'administration des biens d'un
propriétaire immatriculé (seul ou seul survivant) d'une terre
ou d'une charge, mourant après 1897; le représentant person-
nel nommé dans cet acte ou ces lettres sera immatriculé
comme propriétaire aux lieux et place du propriétaire décédé
avec la mention : Exécuteur testamentaire ou administrateur
de décédé et si une exécutrice ou administratrice est
une femme mariée, ce fait sera noté.
AiiT. 185. — Sur production : P de l'acte d'homologation
ou des lettres d'administration avec le testament annexé et
d'un acte d'assentiment ou d'emploi dans l'une des formules
51 et 52 ou 2° d'un transfert par le représentant personnel et
de l'acte d'homologation ou des lettres d'administration, l'hé-
ritier ou légataire nommé dans le consentement ou l'emploi
ou l'acquéreur nommé dans le transfert, sera enregistré comme
propriétaire de la terre ou de la charge à la place du de cuius.
2^ En cas de banqaei ouïe ou de liquidation.
Art. 193. — Sur production d'une copie officielle d'une or-
donnance de la Cour ayant la juridiction des faillites, décla-
rant un propriétaire failli ou décidant que les biens d'un pro-
priétaire décédé seront administrés conformément à l'art. 125
de la loi de 1883 sur la banqueroute, ainsi que d'un certificat
signé par le receveur officiel établissant qu'une propriété ou
charge immatriculée fait partie des biens du failli ou du pro-
priétaire décédé et peut être répartie entre ses créanciers, le
receveur officiel peut être immatriculé comme propriétaire à
la place du failli ou du de cuius.
Art. 194. — Lorsque le receveur officiel a été immatriculé
comme propriétaire et qu'une autre personne est ensuite dési-
gnée comme syndic (fîdéicommissaire), elle peut être imma-
triculée comme propriétaire à la place du receveur officiel sur
production d'une copie officielle du certificat délivré par le
lionid of Trade de sa nomination de Svndic.
EXTRAITS 1)1 HÊGLLME-NT DE lUO') 321
Art. 195. — Si le receveur officiel n'a pas été iiiimatiiculé
comme propriétaire, le syndic peut être immatriculé comme
propriétaire sur la production des copies officielles de
l'ordre déclarant le propriétaire failli, du certificat de sa
désignation comme syndic et d'un certificat signé par le syndic
établissant que la terre ou la charge fait partie des biens du
failli à répartir entre ses créanciers.
Art. 196. — Lorsque le receveur officiel ou le syndic est
immatriculé comme propriétaire, les mots « receveur officiel ou
syndic de la propriété de A. B. failli » seront ajoutés sur le
registre.
Art. 199. — Lorsque le receveur officiel ou un syndic a été
immatriculé comme propriétaire et que par suite d'un acte,
d'une omission ou d'un ordre, il a été dépouillé de la propriété
ou de l'intérêt qu'il a dans la propriété, il peut donner avis au
Registrar suivant la formule 53, lequel avis sera inscrit sur le
registre en même temps qu'une défense générale contre toute
transaction jusqu'à nouvel ordre. Par le fait de cette inscrip-
tion, le receveur officiel ou le syndic sera dégagé de toutes les
responsabilités! qu'il aurait pu encourir, à raison de son ins-
cription sur le registre comme propriétaire. Lorsqu'un tel avis
a été inscrit sur le registre, aucune inscription ne peut être
faite d'après l'art. 151, sans avis au propriétaire immatriculé
ou sans enquête relative à l'exécution par lui d'un transfert.
QUATRIEiME PARTIE
Inscriptions diverses sur le regisire. — Mentions de leases ou
de conventions.
Art. 200. — La demande en inscription de mention d'un
bail ou d'une promesse de bail, en vertu des art. 50 et 51 de la
loi de 1875, peut être faite par le preneur, par toute- personne
intéressée ou par le propriétaire de l'immeuble grevé par le
lease. Cette demande sera accompagnée du lease ou de la pro-
messfc, ou d'un extrait de l'acte et d'une copie du plan. Le
consentement par écrit du propriétaire immatriculé de l'im-
meuble grevé par le lease dont mention doit être inscrite,
ou une ordonnance de la Cour autorisant l'inscription de cette
mention, seront déposés au Registry, à moins que le proprié-
taire lui-même ne requière cette inscription. Le consentement
peut être antérieur ou postérieur à la passation de l'acte.
L.
21
322 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
Art. 202. — La mention inscrite sur le registre se référera
à la copie annexée du lease ou de la convention, en indiquera
la durée et contiendra toutes les indications sommaires qui
peuvent être portées. Lorsque le lease ou la convention con-
fère un droit de préemption, il sera noté sur le registre. Le
lease ou la convention sera marquée d'une mention de la date
d'inscription, puis retournée au demandeur.
mentions DE BIENS EN DOUAIRE OU EN COURTOISIE
Art. 207. — La demande faite conformément à l'article 52
de la loi de 1875 en vue d'inscrire la mention d'un droit de
douaire ou de courtoisie grevant une propriété immatriculée
sera faite suivant la formule 54. Elle indiquera, d'une ma-
nière concise, les droits des diverses personnes intéressées à
la propriété de l'immeuble visé dans' la demande. Les litres
à l'appui de la demande seront déposés avec elle et l'affaire
sera instruite suivant les indications du Registrar. Mention
d'un droit de douaire ou de courtoisie sera portée sur le re-
gistre des charges, comme s'il s'agissait d'une servitude.
Art. 208 à 2n. — (Mentions relatives aux droits de suc-
cession.)
Art. 212. — (Exemption de l'impôt foncier des dîmes et
autres redevances pécuniaires les remplaçant.)
Art. 213 et 214. — (Dispositions relatives aux mines et
minières détenues par le propriétaire de la superficie et à la
vente par celui-ci des mines et minières.)
Art. 215. — (Mention de l'existence d'autres obligations,
droits et intérêts désignés dans l'art. 18 de la loi de 1875, mo-
difiée par la loi de 1897.)
DÉCHARGE DES SERVITUDES INSCRITES LORS DE LA PREMIÈRE IMMA-
TRICULATION
Art. 216. — • Lorsqu'au moment de la première immatricula-
tion d'une propriété, mention d'une servitude la grevant a été
inscrite sur le registre et que la cessation de cette servitude est
requise en vertu de l'art. 19 de la loi de 1875; le demandeur de-
vra, s'il n'y a eu aucune transaction ou transmission de cette
servitude, produire soit l'acte constitutif, accompagné d'une
décharge ou d'un reçu écrit sur l'acte même et signé de
l'ayant-droit ou une décharge rédigée dans la forme prévue
par le R-èglemenl. S'il y a eu une transaction ou lransmission,y
EXTRAITS DU RÈGLEMENT DE 1903 [VS-\
le demandeur produira au Registry, un extrait prouvant son
droit à introduire cette demande. Sur production de ce docu-
ment ou de cette preuve, le Régistrar peut mentionner sur le
registre la cessation de cette servitude, soit par annulation de
l'inscription originale, soit en notant le fait de sa cessation.
Art. 217. — Lorsqu'une personne a été immatriculée comme
propriétaire d'une servitude visée dans l'article précédent,men-
tion de sa cessation peut être portée sur ie registre sur pro-
duction d'une décharge faite par le propriéiaire immatriculé.
Art. 218 à 222. — (Mention de l'expiration des baux.)
CONDITIONS RESTRICTIVES
Art. 223. — Une demande faite à tout autre moment que
lors du premier enregistrement ou d'un transfert, en vue d'ins-
crire des conditions restrictives en vertu de l'art. 84 de la loi
de 1875, modifiée par celle de 1897, établira les conditions à
immatriculer. Elle sera signée du demandeur, et s'il n'est pas
le propriétaire immatriculé de la terre, par ce propriétaire
également. Les signatures seront certifiées. Une copie des
conditions ou des actes les contenant, sera délivrée au Regis-
try.
Art. 224 et 225. — (Inscriptions interdisant au dernier pro-
priétaire survivant, de disposer de son immeuble.)
Oppositions (à V exception des oppositions à l'inscription d'un
immeuble sur le registre), délenses et restrictions.
Art. 226. — L'opposition à toute transaction avec une pro-
priété ou une charge immatriculée, faite conformément à l'arti-
cle 53 de la loi de 1875, sera rédigée suivant la formule 58. L'op-
position à l'immatriculation d'un titre possessoire, qualifié ou
d'un bon titre de leasehold, comme bon titre de leasehold, ou
comme titre qualifié ou absolu, sera rédigée suivant la for-
mule 59. L'opposition sera signée par l'opposant ou son soli-
citer et indiquera le lieu où devront être envoyés les avis. La
déclaration à l'appui de l'opposition, sera rédigée suivant la
formule 15; elle contiendra une référence à la propriété ou à la
charge à laquelle elle s'applique et au numéro d'ordre du titre.
Elle établira aussi la nature de l'intérêt que l'opposant a sur
cette terre ou cette charge.
Art. 227. — Il n'est pas nécessaire que la propriété à la-
quelle une opposition s'applique, soit décrite d'une manière
particulière, pourvu que des indications suffisantes soient don-
324 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
nées par le plan ou autrement, pour permettre d'identifier
sur rOrdnance Map cette propriété.
Art. 229. — Lorsqu'un acte sera déposé en vue d'être enre-
gistré et que le consentement de l'opposant ne sera pas joint,
avis lui sera donné.
La période à fixer par l'axis à envoyer à l'opposant, sera
de 14 jours ou de toute autre période (non moindre de 7 jours),
que le Registrar, suivant les circonstances spéciales, peut dé-
terminer. L'avis sera rédigé suivant la formule 55.
Art. 230 et 23L — (Durant celte période, l'opposant doit
faire valoir ses moyens d'opposition.)Le Registrar décide, après
instruction, si l'inscription doit avoir lieu.
Art 232. — Lorsque l'avis nécessité par l'opposition a été si-
gnifié, que cet a^•is avait pour objet tout l'immeuble visé dans
1 opposition et que la période fixée est expirée, l'opposition sera
considérée, sauf décision contraire du Registrar, comme péri-
mée et sera annulée.
Art. 234. — Une demande en vue d'inscrire une défense faite
en vertu de l'art. 57 de la loi de 1875 ,sera accompagnée, soit
du consentement écrit du propriétaire immatriculé, soit d'une
déclaration statutaire du demandeur, et de toute autre preuve
(s'il en existe), que la Cour ou le Registrar, suivant les cas,
peut juger nécessaire.
Art. 235. — En l'absence du consentement du propriétaire
immatriculé, avis lui sera donné de la demande et s'il est
nécessaire, une citation lui sera adressée.
Art. 240. — Lue demande en \ue d'inscrire une restriction
au droit de transférer ou grever une propriété ou une charge
conformément à l'art. 58 de la loi de 1875, modifiée par la loi
de 1897, sera faite suivant la formule 64 et établira les termes
de la restriction, dont l'inscription sur le registre est requise.
Il sera procédé comme le Registrar le décidera. Une demande
faite en vertu de l'art. 59 de la loi de 1875, en vue de supprimer
ou de modifier une restriction, sera faite suivant la formule
65 et sera signée de toutes les personnes ou par leurs solici-
tors, paraissant à ce moment être intéressés à la restriction
d'après le registre.
EXTRAITS DU RÈGLEMENT DE 1903 WS)
MENTION DE DEPOT d'uN CERTIFICAT
Art. 243. — Toute personne à laquelle un certificat terrier
ou un certificat de charge est donné en dépôt comme sûreté
d'une .'somme 'd'argent peut, par lettre recommandée ou par
tout autre écrit, donner avis au Registrar de ce dépôt, de son
nom et de son adresse. Elle décrira (par indication du comté,
de la paroisse ou du lieu et du numéro du titre), la propriété
à laquelle le certificat a trait. Au reçu de cet avis, le Registrar
l'inscrira, sur le registre des charges et en accusera récep-
tion. L'inscription sur le registre de cet avis aura l'effet d'une
opposition faite en vertu de l'art. 53 de la loi de 1875.
Art. 244 à 248. — (Le mortgage par dépôt peut avoir lieu
pendant qu'il est procédé aux formalités de l'immatriculation.)
Art. 249. — (Tant que la mention d'un dépôt est inscrite sur
le registre, aucun nouveau certificat ne sera délivré en vertu
de l'art. 8 (3 et 4) de la loi de 1897, sans avis préalable à la
personne qui a donné avis de dépôt.)
Art. 250. — La mention de dépôt peut être annulée sur re-
quête écrite et signée de la personne qui a donné cet avis bu de
son ayant-droit, ou lorsque cette personne donne son consen-
tement écrit, sur la requête du propriétaire immatriculé, qui
doit être accompagnée dans tous les cas du Land certificate ou
du certificat de charge.
Art. 251. - — L'obligation créée par le dépôt du certificat
ou par l'avis donné au Registrar en vertu de l'art. 244, sera
soumise à tous les droits ou intérêts non enregistrés protégés
par une opposition ou toute autre inscription portée sur le
registre au moment de la création de l'obligation. Lorsque le
titre est qualifié, possessoire ou est un bon titre de leasehold,
l'obligation sera également soumise à tous les droits ou inté-
rêts, exceptés des effets de l'immatriculation.
Inscription de la valeur de la propriété sur le registre
Art. 252. — • Lors de l'immatriculation de la terre et à tout
changement subséquent de propriétaire, le Registrar inscrira
toutes îes fois qu'il sera possible sur le registre et le Land cer-
tificate le prix payé ou la valeur déclarée. Le montant original
de chaque charge sera aussi inscrit sur le registre.
326 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
CINQUIEME PARTIE
Dispositions diverses.
CERTIFICATS
Art. 258. — - Le Land certificate sera rédigé suivant la for-
mule 66 et scellé du sceau du Land Registry. Il sera divisé
d'une manière correspondante aux divisions du registre de
façon à laisser de la place pour l'addition d'inscriptions sub-
séquentes sur le registre. A cet effet, des pages nouvelles peu-
vent être ajoutées au certificat de temps en temps, suivant les
nécessités.
Art. 259. — Le certificat de charge certifiera l'immatricu-
lation de la charge et contiendra :
1° Une copie officielle et l'acte de charge ;
2° Une description (si elle n'est pas contenue dans l'acte
précédent) de la propriété grevée ;
3° Les noms et adresses du propriétaire immatricule de la
charge ;
4° Une liste de tous les créanciers antérieurement inscrits.
Le Registrar ajoutera à ces renseignements tous ceux qu'il
jugera utile. Le certificat sera scellé du sceau du Land Regis-
try ; mention des actes postérieurs affectant la charge, sera de
temps à autre, portée sur le certificat.
Art. 262. — Toutes les fois qu'un certificat est délivré par
le Registry, un reçu devra être d'abord signé par la partie
prenante. Toutes les fois qu'un certificat est déposé au Land
Registry ou délivré par lui, une mention à cet effet sera ins-
crite sur le registre des propriétaires.
Cartes et descriptions verbales de la propriété.
Art. 269. — L'Ordnance iVlap à la plus large échelle qui
existe, sera la base des descriptions immatriculées de la terre.
Art. 270. — Les limites de la propriété seront indiquées par
un liseré de couleur rouge. Des agrandissements et des notes
explicatives peuvent aussi être faites, si on le juge utile.
Art. 272. — Si on désire indiquer sur le plan annexé ou
définir autrement sur le registre, la position précise des limites
EXTRAITS DU RÈGLEMENT DE 1903 327
de la propriété ou de certaines de ses parties, avis sera donné
aux propriétaires et occupants voisins, dans chaque cas, de
l'intention de déterminer et de fixer la limite par le plan, le
tracé ou l'extrait des descriptions verbales de la terre, suivant
qu'il est nécessaire pour montrer clairement la limite fixée
que l'on se propose d'immatriculer. En cas de doute ou de
contestation résultant de cet examen, la question litigieuse
sera résolue comme il est prévu par ce règlement.
Art. 273. — Lorsque la position et description des limites
de la propriété ont été ainsi rendues certaines et déterminées,
Jes mentions nécessaires seront ajoutées au plan annexé, qui
sera alors répufé définir exactement les limites fixées et une
mention à cet effet, sera faite sur le registre des propriétés.
Art. 274. — Sauf dans les cas où la limite de la propriété
a été ainsi déterminée, la carte sera réputée indiquer seule-
ment les limites générales. Dans ce cas, la ligne exacte de la
limite sera laissée indéterminée (par exemple, si elle est au
centre d'un mur ou d'une haie, ou à sa face interne ou externe
ou à quelle distance en deçà ou au delà de celle-ci, ou si la
terre immatriculée s'étend ou non jusqu'au milieu d'une rivière
ou d*une route). Lorsqu'on désire inscrire seulement une limite
générale sur le registre, il n'est pas) nécessaire d'aviser les
propriétaires ou occupants voisins.
Art. 275. — Lorsque, et autant qu'il n'existe pas de limites
physiques ou de bornes, les détails les plus complets possibles
des limites seront ajoutés au plan.
Art. 276. — Un plan ne sera pas accepté pour l'immatricu-
lation, s'il n'a pas été approuvé par un fonctionnaire du Regis-
try ou par telle autre personne que le Registrar autorisera à
cet effet.
Art. 277. — Lorsque le plan nécessaire ne peut être établi
sans une révision de l'Ordnance Map, les fonctionnaires du
Registry feront, si le requérant le demande, la révision néces
saire. Dans les districts où l'immatriculation est obligatoire,
cette révision sera faite sans frais.
Art. 278. — Lorsque le requérant désire inscrire des indica-
tions et descriptions verbales de la propriété sur le registre,
elles seront soumises à l'approbation du Registrar. Ces indi-
cations contiendront un renvoi au plan annexé et seront com-
parées avec lui par un fonctionnaire du Registry.
328 l/lMRODLCTION DF.S LIVRES FONCIERS EN ANGLETERRE
RECHERCHES OFFICIELLES SUR LA CARTE-INDEX
A HT. 281. — Le renouvellement, la révision ou la correction
de plans ou descriptions verbales de la propriété peuvent être
faites à toute époque sur la demande écrite du propriétaire
immatriculé, sur la production de telle preuve et l'envoi de
tels avis c|ue le Registrar jugera nécessaires.
Art. 282. — Lorsqu'il y a conflit entre le plan et les descrip-
tions verbales, le plan sera préféré, à moins que le Registrar
n'en décide autrement.
Art. 283. — Toute personne peut demander par écrit au
Registrar, de faire une recherche officielle ser la Carte-Index
et de lui délivrer un certificat constatant le résultat. La de-
mande décrira l'immeuble qu'elle vise au moyen d'une copie
ou d'un extrait de la Carte officielle à la plus ii^rande échelle.
Le Registrar procédera à la recherche, au reçu de la demande
et délivrera un certificat. Le certificat établira si la terre est
immatriculée ou ne l'est pas, si elle est immatriculée comme
îreehold ou comme leasehold, et s'il s'agit d'un leasehold, il
indiquera la date du contrat de bail et les personnes qui y ont
été parties.
EXAMEN, RECHERCHES ET COPIES DU REGISTRE
Art. 284. — Toute inscription du registre et tout document
conservé au Registry et mentionné sur le registre, peuvent être
consultés par le propriétaire de l'immeuble et celui d'une
charge ou d'une servitude le grevant, ou avec leur autorisation.
Art. 285. — Le registre des propriétés et le plan annexé au
titre, peuvent être consultés par toute personne intéressée à
la propriété ou à une propriété voisine ou à une charge ou ser-
vitude la grevant. Les autres inscriptions du registre, les do-
cuments qui y sont visés, et la déclaration statutaire faite à
l'appui d'une opposition, peuvent être consultés par toute
personne intéressée, après avis donné trois joursi à l'avance au
propriétaire ou sur preuve fournie au Registrar que par suite
de la mort du propriétaire immatriculé, ou pour toute autre
raison, il ne peut obtenir l'autorisation requise et qu'il a besoin
de consulter ces divers documents.
Art. 286. — Le propriétaire enregistré d'un immeuble,
d'une charge ou d'une servitude peut, par un écrit rédigé sui-
vant la formule 67, autoriser à demander au Registrai' de con-
sulter les inscriptions existant au registre à la date de l'autori-
EXTRAITS Dl RÈGLEMENT DE 1903 329
sation ou antérieurement à cette date. Une copie de cette auto^
risation peut être déposée au Registry. Le Registrar devra four-
nir à la personne en possession de cette autorisation, des ren
seignements suffisants sur l'état du registre, à la date mention-
née dans l'autorisation.
Art. 287. — Sauf les cas où il en est autrement disposé,
l'examen des livres et documents sera discrétionnairement
accordé ou refusé par le Registrar.
Art. 289. — Toute personne autorisée à consulter les ins-
criptions du registre relatives à un titre, à une charge ou à une
servitude, peut demander au Registrar, par écrit, sous sa si-
gnature ou celle de son solicitor, de faire une recherche offi-
cielle (en décrivant la nature de la recherche qu'il demande),
relative à ce titre, cette charge ou cette servitude et de délivrer
un certificat de son résultat. Le Registrar, au vu de cette de-
mande, fera la recherche et délivrera le certificat. Ce certificat
sera rédigé suivant la formule 68.
Art. 290. — Tout propriétaire immatriculé peut demander
au Registrar par télégraphe, de rechercher si une caution,
restriction, défense ou mention a été inscrite contre un titre,
une charge ou une servitude spécifiée depuis une date déter-
minée, qui ne peut être antérieure à celle de la délivrance du
Land certificate ou du certificat de charge au propriétaire.
Art. 291. — Au reçu de cette demande, la recherche sera
faite et le résultat « oui » ou « non », sera télégraphié à la
personne nommée à cet effet dans la demande, répétant le titre,
la paroiss-e ou le lieu, la date à laquelle la recherche a com-
mencée et au cas d'une charge ou d'une servitude, la descrip-
tion de celle-ci.
Art. 292. — Lorsqu'une personne ou un solicitor obtient
un certificat officiel du résultat d'une recherche, il ne sera pas
responsable d'une perte qui peut provenir d'une erreur y con-
tenue. Lorsque le certificat est obtenu par un solicitor agissant
au nom de fidéicommissaires, exécuteurs testamentaires» ou
autre personne dans une position de fidéicommis. ces person-
nes aussi ne seront pas responsables.
Art. 293. — La copie officielle d'une inscription sur le re-
Qfistre ou d'un document déposé au Registry, sera délivrée à
toute personne ayant qualité pour examiner cette inscription
ou ce document, sur demande écrite signée par elle ou par son
solicitor.
330 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
APPELS ET DEMANDES A LA COUR
Art. 296. — Dans toutes les affaires de pure forme la déci-
sion du Registrar sera définitive, à moins que le Registrar ou
la Cour n'autorise l'appel.
Art. 297. — Dans tous les autres cas, les questions s'élevant
devant le Registrar au sujet des demandes d'immatriculation
d'un titre de propriété, d'une servitude ou d'une charge ou au
sujet de toute transaction relative à un titre de propriété, à une
servitude ou à une charge immatriculée, ou au sujet de toute
affaire inscrite, mentionnée ou omise sur le registre, ou au su
jet de toute modification ou retrait du registre d'un certificat
ou autre document ou au sujet d'une demande en indemnité née
de questions relatives soit à la validité, à l'interprétation ou à
l'effet d'un acte, soit aux personnes intéressées, soit à la nature
ou à l'étendue de leurs intérêts ou pouvoirs respectifs, soit à
l'ordre de priorité ou au mode dans lequel une inscription de-
vrait être faite ou traitée sur le registre, soit autrement, seront
solutionnées par le Registrar, sauf appel à la Cour. Mais le
Registrar peut, s'il le juge bon, au lieu de prendre lui-même
une décision, s'en référer à la Cour pour cette décision.
Art. 298. • — Sous réserves des dispositions des deux articles
précédents, toute personne lésée par un ordre ou une décision
du Registrar, peut en appeler à la Cour.
Art. 299. — Tous les pouvoirs et devoirs de juridiction que
les lois ou ces règlements ont confiés à la Cour de la Chan-
cellerie ou à la Cour, y inclus la compétence d'un appel, en vertu
de Tart. 116 de la loi de 1875, seront, jusqu'à une ordonnance
contraire, exercés et remplis^ par le Juge Senior, actuellement
en exercice, de la division de la Chancellerie, de la Haute-Cour
de Justice, En son absence, ou sur sa requête un autre juge
de la division ; et durant les vacations une personne agissant
comme juge des vacations, peuvent agir pour lui.
DEMANDES d'aVIS
Art. 313. — Les examinateurs des titres de propriété en
vue de l'application de ce règlement, seront le Conveyancing
Counsel de la Haute-Cour ou tels autres avocats expérimentés
dans le notariat que le Chancelier désignera de temps en
temps ; les affaires qui leur seront renvoyées, leur seront dis-
tribuées à tour de rôle.
EXTRAITS DU RÈGLEMENT DE 1903 331
Art. 314. — Toute personne peut discuter l'opinion donnée
par un examinateur de titres de propriété et le point en litige
sera tranché par le Registrar. Il peut, s'il le juge bon, dans cer-
taines circonstances spéciales, décider ou transmettre une
affaire à l'un en particulier des examinateurs de titres de
propriété.
Art. 315. — Lorsqu'au cours d'une procédure, une question
surgit qui, suivant l'opinion du Registrar, nécessite pour sa
solution, la connaissance spéciale exceptionnelle de quelque
branche du droit, le Registrar peut requérir l'avis où l'assis-
tance d'une personne compétente, qu'il peut choisir et peut agir
sur cette opinion.
Art. 324. — Tout avis envoyé par la poste sera, sauf renvoi
par l'administration des Postes, réputé avoir été reçu par !a
personne à laquelle il était adressé dans les 7 jours, Fans compter
le jour où il a été mis à la poste et le délai fixé par l'avis pour
prendre une décision, sera fixé en conséquence. Copie de cet
article sera placée au bas ou au dos de tout avis.
Art. 325. — Sur retour, par l'administration des Postes, de
toute lettre contenant un avis, le Registrar peut, soit demander
qu'un autre avis soit envoyé, soit autoriser une notification à la
place, soit agir sans avis si, d'après les circonstances et eu égard
à ce règlement, il pense bon d'agir ainsi.
POUVOIR discrétionnaire du registrar
Art. 341. — Le registrar, s'il le juge bon, dans un cas parti-
culier peut étendre le délai fixé ou faire fléchir les règles po-
sées par le règlement général; il peut à toute époque, ajourner
une affaire, faire une nouvelle citation et si, à un moment, il est
d'avis que la production de tous actes complémentaires ou de
toute preuve, ou l'envoi de tous avis complémentaires! est né-
cessaire ou désirable, il peut refuser de terminer ou d'accom-
plir l'immatriculation, ou de faire un acte ou une inscription,
jusqu'à ce que ces documents complémentaires, preuves ou
avis, aient été fournis ou donnés. Le Registrar aura, en général,
un pouvoir discrétionnaire dans toutes les affaires de pure
forme.
anciens règlements abrogés
Art. 344. — Les règlements généraux de 1898, de juin 1899
et de février 1901 sont abrogés.
332 l'introduction des livres fonciers en ANGLETERRE
TITRE ABRÉGÉ ET DATE d' APPLICATION
Art. 345. — Ce règlement peut être cité comme le règlement
du Land Transfer de 1903 et sera mis en vigueur le 1" jan
vier 1904.
IV
Principales Formules Officielles.
V^ Formule. Demande d^ Immati^iculation à titre possessoire.
Land Registry
Land Transfer Acts,' 1875 et 1897.
Moi, A. B., de... (etc.), demande à être immatriculé comme
propriétaire à titre possessoire de Timmeuble situé dans la
paroisse de , délimité en rouge sur le plan ci-joint (ou
compris dans l'acte ci-joint ou toutes autres indications suf-
fisantes pour identifier l'immeuble sur la carte officielle). La
valeur de cet immeuble, avec toutes les constructions et les
bois, n'excède pas, selon moi, livres sterlings.
Signature du requérant ou de son soliciter.
3*^ Formule. Demande d^ iiiunatriculation à titre absolu.
(Même en-tête que pour la l'"^ formule)
Moi, A. B., de .,. (etc.), demanae à être immatriculé
comme propriétaire à titre absolu de l'immeuble situé dans
le comté de et la paroisse de appelé
et consistant en (rendre possible par de courtes
indications de l'identifier). La valeur de cet immeuble avec
les constructions et les boîs n'excède pas, selon moi, livres ster-
lings
Signature du requérant ou de son soliciter.
14*^ Formule. Opposition {en vertu de V article 60 de la loi de
1873, à V immatriculation d'un Immeuble sur le Livre fon-
cier.
(Même en-tête que pour la 1'"^ formule)
(Date) A. B. (l'opposant) de a droit de recevoir avis
de toute demande qui peut être faite pour l'immatriculation
d'un bien en freehold (ou en leasehold possédé en vertu d'un
bail passé le entre A. B., de , d'une
part, et C. D. d'autre part, pour une durée de . ^
334 l'introduction des livres EONGIERS en ANGLETERRE
partir du ou autrement, suivant le cas), tel qu'il
est délimité par une ligne rouge sur le plan y annexé.
Signature au requérant ou de son solicitor.
20^ Formule. Formule de Transfert de rropriété.
Land Registry
Land Transfer Acts, 1875 et 1897.
District...
Paroisse...
Numéro du titre...
(Date) moyennant un prix de livres (£ )
moi, A. B., de , je transfère par cet acte à C. D., de
la terre comprise dans le titre ci-dessus visé.
Signé, scellé et remis
par A. B., en la présence
de E. F., de
Signature de A. B.
Sceau.
42® Formule. Formule d'Echange.
(En- tête comme la. formule 20)
(Date) moyennant les transferts ci-après mentionnés et (s'il
y a lieu), la somme de livres (£ ), payée par
C. D., comme soulte. Moi, A. B. de , je transfère par
cet acte à C. D., la terre telle qu'elle est délimitée en rouge
sur le plan y annexé et signé par moi et ledit C. D., et moi,
C. D., je transfère audit A. B. la terre telle qu'elle est déli-
mitée en vert sur le même plan (et, s'il y a lieu, moi, A. B. de-
mande à réunir ladite terre indiquée en vert, à la terre com-
prise dans le titre n° ,dont je suis le propriétaire im-
matriculé, et moi, C. D., je demande à réunir ladite terre in-
diquée en rouge à la terre comprise dans le titre n° dont
je suis le propriétaire immatriculé).
Signé, scellé et remis
par A. B., en la présence
de E. F., de
Signatures de A. B. et C. D.
Sceaux.
PRlNCIl'ALi;S FORÎVIULES OFFICIELLES 335
44*^ Formule. Formula de constitution d^ Hypothèque.
(En-tête comme la formule 20)
(Date) moyennant la somme de livres (£ )
moi, A. B., de , j'hypothèque la terre comprise dans le
titre ci-dessus visé en garantie de la créance de C. D., de ,
remboursable le montant en principal à la somme
de livres portant intérêts à 0/0, par
an, payables (semestriellement, trimestriellement) le
et le de chaque année.
Signé, scellé et remis i
par A. B., en la présence
deE. F., de
Signature de A. B.
Sceau.
Stipulations pavticulières qui peuvent être faites:
(1) Le créancier ne pourra pas entrer en possession de la pro-
priété.
(2) Le créancier ne pourra pas demander la forclusion ou la
vente de la propriété.
(3) Le créancier n'aura pas le droit de vendre la propriété.
(4) Le créancier peut vendre sans donner avis au débiteur.
(5) Cette hypothèque prendra rang concurremment avec une
hypothèque de même date consentie à de ,pour
garantir ou sera la (l'"^, 2^, ou 4®, ou suivant
les cas), danfe l'ordre de priorité d^ trois hypothèques de
même date, l'une de ces hypothèques a été consentie à
de pour garantir ; l'autre, à
de pour garantir et la 3®, est cette hypo-
thèque ou aura la priorité sur une hypothèque en date du
immatriculée le en faveur de A. B., de
pour.
48® Formule. Formule de radiation d' Hypothèque.
(En-tête comme la formule 20)
(Date) A. B., de , reconnaît par les présentes que
l'hypothèque datée du et enregistrée le dont
je suis le propriétaire enregistré, a cessé d'exister.
Signé par le propriétaire de l'Hypothèque et certifié.
ov)(j i,'iiMRouucno.\ i)i:s livres foxcieus en an(j.ei;tj:uue
66^ Formule. Certificat foncier.
Land Registry
Land Transfer Acts de 1875 et 1897.
Land {Armes) Certificate.
Ce document est délivré pour certifier que le freehold (ou
le leasehold) situé dans la Paroisse de et le Comté
de (ici une courte description de la terre ou une ré-
férence au plan annexé), est immatriculé avec un titre (absolu
qualifié, possessoire, ou marchand, s'il s'agit d'un
leasehold), sous le n" . Copies des inscriptions portées
sur le Registre (ou du plan de la propriété), est ci-inclus.
Le de 19...
Signature:
V
MODÈLE DES REGISTRES
District de Londres
PAROISSE DE SAINT-GEORGE's
Hanover Square
Titre n» 20.000
Registre de la Propriété.
N»
Description de la propriété
Le 2 janvier 1899 5/99 {^) La maison d'habitation en freehold
située dans la Paroisse de Saint-Heorges Hanover Square,
comté de Londres, 50 Buke Street, Mayfair, telle qu'elle est
délimitée en rouge sur le plan annexé (1/4) N^ 20.000.
(page blanche)
B. — Registre des Propriétaires.
N»
Propriétaire, etc.
Observations
1
2 janvier 1899 5/99 (i) Immatriculation à titre
possessoire.
2
2 janvier 1899 5/99 (*) Propriétaire Sir James
Robinson, demeurant 50 Duke street May-
fair. S. W.; Bar^ M. -P.
Valeur déclarée
10.000 Livres st.
(page blanche)
C. — Registres des Hypothèques.
N»
Hypolhèqnes et charges foncières
Observations
1
2 janvier 1899 5/99 (i) Il est établi qu'il n'y a
pas de charges foncières.
(1) Ces deux chiffres indiquent, le premier, le numéro sous
lequel la demande en immatriculation a été enregistrée, le
deuxième, l'année où la demande a été faite.
TABLE DES MATIÈRES
Préface i
Avant-Propos 1
Bibliographie 5
PREMIERE PARTIE
Le Régime de la propriété {oncière anglaise avant 1897.
Chap. I. Historique des modes de transmission des droits
réels jusqu'à la théorie des Uses 9
Chap. II. La théorie des Uses et ses conséquences. Les
dangers des transactions occultes 17
Chap. III. Divers systèmes de transmission de droits
réels. Avantages et Inconvénients. L'Act
Torrens 29
Chap. IV. La Publicité des Actes en Angleterre 38
Chap. V. Premiers essais d'introduction des Livres
fonciers. Le Registration of Title Act de
1862 et le Land Transfer Act de 1875 45
Chap. VI. Causes d'échec de la réforme. La concentra-
tion de la propriété foncière. L'opposition
des solicitors 55
Chap. VIL Réponse aux objections des solicitors. Les
causes d'adoption de la loi de 1897 69
Chap. VIIL Les projets législatifs de 1888 à 1897 81
DEUXIEME PARTIE
Les Lands Transler Acts de 1875 et 1897.
Chap. I. Le vote de la loi de 1897. Sa portée 89
Chap. IL Les organes de l'Immatriculation 96
Chap. III. Les demandes en immatriculation. La pro-
cédure 101
Chap. IV. Les formes de l'immatriculation 114
Chap. V. Les effets de l'immatriculation 124
Chap. VI. Les principes de l'immatriculation obliga-
gatoire 139
Chap. VIL Les transmissions à titre onéreux. La
Vente 152
— 340 —
Chap. VIII. Hypothèque 169
Chap. IX. Les conventions non enregistrées relatives
aux propriétés immatriculées 181
§ 1. Transmissions à titre gratuit, opé-
rées conformément aux Land Trans-
fer Acts 183
§ 2. Actes à titre onéreux passés dans
les formes prévues par les lois sur
l'immatriculation mais non enregis-
trés 186
§ 3. Conventions à titre gratuit ou oné-
reux qui n'ont pas été conclues dans
les formes prescrites par les Land
Transf er Acts 187
§ 4. Baux, Settlements et autres droits
subsidiaires que les lois foncières ne
donnent pas expressément pouvoir au
propriétaire de créer 187
Chap. X. La prescription et les Livres fonciers 194
Chap. XL Le fonds d'assurance 198
Chap. XII. Les droits perçus par le Bureau d'immatricu-
lation 211
TROISIEME PARTIE
Les résultats de la ré{orme en Angleterre. L'introduction du
Livre foncier en France.
Chap. I. La Constitution du Livre foncier dans le comté
de Londres 221
Chap. II. Quelques appréciations sur les lois foncières
anglaises 234
Chap. IIL La question des Livres fonciers en France.. 251
Conclusions 263
Annexes I. Loi du 10 août 1875 265
— IL Loi du 6 août 1897 288
— IIL Extraits du Règlement général du 18 dé-
cembre 1903 305
— IV. Principales formules officielles 333
— V. Modèles des Registres 337
Paris. - Typ. A. DAVY, 52, rue Madame. — Téléphone.
)*'XJ
Réseau de bibliothèques
Université d'Ottawa
Echéance
^'^^feë^%^/
%■
y^
4f
Library Network
University of Ottawa
Date Due
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7
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