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Full text of "Revue de l'histoire des religions"

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I 



r 



REVUE 

L'HISTOIRE DES RELIGIONS 

TOMB QUARANTE-SEPTIÈME 



ANOEUB. — IXP. ORIIRTAU A. lOnDIN Kl C'*. 



ANNALES UU MUSÉE GUIMET 



REVUE 



L' 





PDBLlIlt BOOa LA DilKCTION UR 



M. JEAN RÉVILLE 



jLTK u cvncouni ui 

MM. E. AMËUNEAII, Alla. AtJDOLLENT, A. BAUTII, R. BASSET. A. BOUCHE- 
LECLEHCQ, J.-B. CnAfiCIT, E. ClIA VANNES, P. ÙECHARME, E. db PAYE, 
A. FOUCUEB, Co¥TB GOBLET d'ALVIELLA, I. GOLDZIHEB, L. LÈGEB, 
l8«*«l. LEVI, Stltai» LÉVt, G, MASPERO, Eu. MuNTET, F. PICAVET, 
C. PIEPENBRING, Albèbt RÉVILLE, J. TaUTAlN, ne. 



Secrétaire de lu Rédaction ; M, Paul ALPIIANUËRÏ. 

VIN GT-OUA riUÈME A NNÉË 

TOME QUARANTE-SEPTIÈME 




PARIS 

KHNEST LEROUX, ÉOITKUH 

28, RUS BONAPAKTE (VI'') 



DE QUELQUES PROBLÈMES 



RELATIFS 



AUX MYSTÈRES D'ELEUSIS 



TROISIÈME PARTIE' 

LES MYSTÈRES ET l'oRPBISHE 

C'6votaMon mysUqae da oalte de Dtoiiysos. 

L'hymne homérique à Déméter ne mentionne point Dio- 
nysos parmi les divinités éleusiniennes. Nous pouvons sup- 
poser que ce dieu s'introduisit à Eleusis, quand furent orga- 
nisés les petits Mystères ou Mystères d'Agra, qui ne sont 
pa^ cités davantage dans l'hymne. D'après Etienne de By- 
zance, les mystères d'Agra commémoraient les aventures de 
Dionysos*. Il est possible qu'ils aient d'abord formé, àAthènes, 
un centre indépendant ; les Eumolpides se les seraient annexés, 
comme premier degré d'initiation, afin de se débarrasser 
d'une concurrence gênante. Une tradition rapporte qu'ils 
furent institués originairement pour permettre d'étendre aux 
étrangers les bienfaits de l'initiation'. 

1) V. t XLVI, pp. 173-201 et 339-362. 

2] "Arpa ^Cr(m tûv mp\ tbv Ativuffov ; au mot "Aypai, éd. Meîneke, p. 20. 

3} Schol. <id ArUtopk. Piut., t. 1013. 

1 



DB OL'ELODES PROBLÈMES «ELATIFS AUX MTSTÈaES d'ÊLEHSIS S 

Oïl ne pourrait indiquer plus clairement que le joyeux 
Dionysos est aussi un Apollon hivernal, nocturno (NujttUto;) ou 
souierraiQ (X^i'-wî), uqe sorte d'Osiris grec*. Il est donc 
devenu un doublet d'Hadès en sa qualité de nokuZUrrtZt Celui 
qui reçoit la multitude, et IlÀsu-ccSiTTiç» Celui qui distribue la 
richesse. On le donnera pour époux tantôt à Coré, tantôt à 
Déméter elle-même. Ainsi se trouvera naturellement pré- 
parée à Eleusis k pénétration de conceptions et de rites^ qui, 
comme l'a si bien vu M. Jules Girard, d'une part îtitroduironl 
dans le culte des Grandes Déesses un accent plus passionné 
et plus tragique^ d'autre part préciseront ou développeront 
lathéosopbie des Mystères dans le sens des doctrines orphi- 
ques '. 



K^'OrpblBDie, uéfJaode |ilufùt qne doctrine. 

11 est très difficile de formuler des vues d'ensemble au 
Bujot de rOrphisme. Cette école couvre de son nom toute une 
*êtie d'hymnes, de poèmes et de fragments qui vont du 
^'siècle avant notre ère aux derniers jours du paganisme. 
Ses 'œuvres, qui ne sont ni datées ni signées de leurs véri- 
tables auteurs, reflètent les idées de tous les systèmes phi- 
losophiques qui se sont succédé depuis l'ythagore jusqu'aux 
oéo-platoniciens*. En réalité l'orphisme, — et c'est peut-Ôlre 

i) Pour lea épilhëtea de Dionysos et les détails dâ Boa culte, cr, Gtrb&rtj, 
firiecA. Myllwl. ; Maury, Myth. de la Grise antique, i, pp. 510 et buÎt ; aurloul 
{•SDannanl dans Dargmberg et âaglio, t. 1, pp. 591 et suiv. 

2) J. Qirard, Le itniijnent religieux en Qrice, d'HomCre à Eschyle, 1" éd., 
p. 237 et suiv. 

3) Lifl mouvemeaC orphique forme encore un ûbs chapitres les moins appro^ 
ftitidJs d« riiiBloïre de la pensée grecque. Ea UtËadaiiL l'édiLion des Orphica 
pramice par MU. Dielrich eL Kroil, aous devons nous ea rérérer, pour lei; 
!(iil<^!.au second voinm^ de VA y laùphamus de Lobeck ainsi qu'aux Orphica 
dljermaoïi (Leipsijj', 1&05J et d'A^bel (LQipsig, idiSb); pour les commâalaires, 
aux trtkVBJDJi d'AtFred Maury aur les Coirmffonies orphiques dans la Revue ar- 
ekioloi/iijue [t. Vil}; de M. Jules Girard sur le Sentimeni rflig\vu:i: in Griae 



6 



ABVtlË DE LillSTOiRS DES REUGlOitS 



ce qui explique soa succès en même temps que sa longévité 
— fut une mélbode, plus qu'une doctrine^ moins un essat de 
fonder une pLilosophie ou môme une religion qu'une tenta- 
tive pour concilier tes traditions mythiques avec les exigences 
do la culture ambiante et pour mettre au service des écoles 
philosophiques en vogue les ressources du sentiment reli- 
gieux. La seule condition qu'il exigea des systèmes auxquels 
il prêta les ressources de son mysticisme, c'est qu'ils don- 
ua^sent satislaclioa à la tendance panthéislique par laquelli^ 
s'est traduit d'une façon conlinue l'effort du génie grec pour 
introduire l'unité et l'harmonie daas la conception de l'uni- 
vers. 

Au fond, cette tendance qui s'affirme nettement avec 
Platon et qui atteint son cooapkt développement dans la 
philosophie dexandrine, mais qui s'ébauche graduellement 
à partir de Thaïes et de Pythagore, aboutit à formuler une 
double conception ; 1" derrière toutes les manlJestaLions de 
la nature, il y a l'Être indéterminé, que, faute d'un meilleur 
nom, on appellera indifféremment le Chaos, la Nuil^ l'Océan 
sans limites, le Temps sans bornes, l'Un, rinelTable, le Père 
inconnu; 2" de cet Être indéterminé et indéterminable se dé- 
gage un agent mystérieux, opérant suivant des lois fixes, au- 
quel se ramènent, en dernière analyse, Ions les phénomènes 
de l'univers. Les uns le nomment Zeus ou Éros, d'autres 
Nous ou Pneuma, quelques-uns Perséphonè ou la Nature ; 
Platon en fait le prototype (15^) de l'univers; Philon, le Logos; 
Herbert Spencer^ la Force ou l'Énergie". 



(Pa/is, 1** éd., i86Q] et de M. Gruppe dans le Lixieon dur Mytholcgie d« 
KôBcbec (article Oi't'fi.sun,]. Il convient d'y ajoutcir l'ouvrage de M. Ma&B : 
Orphxus (Mtinîch, tS%), ûù l'autear a'ùppïîqae à rechercher les traces de 
l'inQueDce orphique dKDs les religions grecque «l romaine aussi bien que ûms 
Je christi uni aine j^rimitir. 

1) Dans certains systèmes, ce« Dieu SBcond » se Iraclionae en plusieurs hy- 
postaaes qui përsonnlQent les opérations successives de l'acte créateur et «ori- 
BtituËDt, AU queique aorle, un noureau polyUiélsme : le Dém.LOurge et le Coa- 
mDs de Numéniua; — la Bien (t» xaïôv), l'Intelligence (û •*o\n) et l'Ame (*i 'l\'ïn) 
de PlotJQ — Ja cbafne des éoDS guostiquea, etc. Toutefois, ces liypostaees, ai 



REVUE 



DK 



L'HISTOIRE DES RELIGIONS 

TOME QUARANTE-SEPTIÈME 



10 



RBVUE DE L HISTOITIB DB» RELIGIONS 



"kiyo^), l'opinion qu'en Dieu est le commencement, la On et] 
le milieu de toutes choses ' , 

Une fois formée cette conception unitaire de l'Ame su- 
prême ou de la vie universelle, il importait peu d^ quel aom 
on la revêtait. Les dieux devenaient tous des personnalités! 
équivalentes, ou du moins interchangeables, qui pouvaient) 
indilfêremment assumer k tour de rôle le rang de divinité 
suprême dans les hymnes où ils étaient invoqués. C'est 
l'état religieux que Max Muller a baptisé â'hénothéisme' ; il 
implique h la fois le syncrétisme et le symbolisme qui vont 
caractériser de plus en plus la théosophie du paganisme] 
antique. Les poésies orphiques proclament formellement 
que Dionysos n'est autre que Zeus. Hadès, Hénas\ — Au _ 
fond, c'est toujours la Nature (4»y3.;} ou plutôt la force vîlale fl 
de runivers que célèbre le poète: « nature, Reine-mère de 
toutes choses, mère inépuisable, vénérable, créatrice, qui 
domptestout, innommable, resplendissante, née la première» 
qui détruis tout, qui apportes la lumière,,,, fin qui n'a point 
de fin, commune à tous, mais incommunicable, née de toi-l 
m6me,.*. mêlée à tout et sachant tout,... amère aux mau-{ 
vais, douce aux hommes pieux — Bienheureuse, qui fais^ 
croître et qui dissous, —père et mère de toutes choses.... 
ouvrière universelle roulant dans un tourbillon sans Ha, con- 
servatrice qui t'entretiens par d'éternelles transformations... 
Vie éternelle^ immortelle Providence à qui tout appartient et 
qui seule fais toutes choses, Je le supplie de me donner la 
paix, etc. ' ». 

Ll n'y a peut-être pas, dans toute la littérature religieuse 
de l'antiquité, à part la sublime prière de Cléanthe, un hymne 
dont l'émotion religieuse puisse être mieux saisie par Tâme 



Jm«ov ànivTov ifxi»*. Platon, Leges, IV, ta. Didol, p. 326. 

2} Max MuUer, Origines et développement de ta Heligion, irad. Dârmesleler, 
Paris. 1879» p. 237. 

3) Macrobe, Saium., t, ch. 18, 

4) Rymw IX (X d« latrad. Lecaote d« Lisle), 



DI QCTBLOUEfi PROBLÈMES RELATIFS AUX MTSTËftES d'ËLHUSI» 14 

I moderne, qu'oa le lise dans ie texte grec ou dans la belle 
I langue du poète français. Sans doute la rédaction en est 
d'one époque assez avancée, poslérieure en tout cas au dé- 
reJoppemcE)! de la philosophie stoïoieiine. Mais lo syncré- 
lisme, dont ces chants sont l'expression, se révèle du jour 
où les Orphiques se sont groupés autour du culte de Diony- 
soi. On lit dans on fragment d'Euripide, reproduit par Clé- 
ment d'Alexandrie: «A toi, souveraic ordonnateur, j'apporte 
cette libation, à toi Zeus ou Hadès, suivant le nom que tu 
préfères... C'est toi qui parmi les dieux du ciel liena le 
ic«pli-âde Zeus ; c'est toi aussi qui, dans les Enfers, partages 
letrûne d'Hadès » '. 



L'eaietiataloglc orphique. 

Cn corollaire fopcô de cette cosmogonie panthéistique, 
c'est la notion que les âmes individuelles sont dus parcelles 
temporairement détachées de Tàme universelle. Celle-ci 
étaat le souverain bien, c'est-à-dire l'existence dans sa plé- 
nitude, toute existence séparée, individuelle, est un mal, une 
;<ouffrance, uu exil; par suite, pour donner satisfaction à 
irÊilée de justice, remprisonaement dans un corps tie peut 
ïlre qu'un châtiment ou une épreuve, k Les disciples d'Or- 
ihée, fait dire Plalon à Socrate, donnent le nom de a^^a 
'(foiubeau) à la peine que subit l'âme en expiation de ses 
iules et ils regardent l'enceinte corporelle comme une pri- 
)a où Tâme est gardée » *. 

Un pareil système implique la croyance, sinon nécessaire- 
lent à la métempsycbose^ du moins à la transmigration des 



1) Clément d'AI«x&Qdrie, Htromat., V, 13, 71. — La plupart, des ërudils esU- 
■eût que ce fragmeal provient *!eB Crétoisi a!. Ëurip^ fraymenCa, éd. Didol, 
ïngro. ses. 

3)Cfd/yIe, XVtr. 



nSYCE DE LHlSTOni DES RELIGIONS 

âmes ; les conditions de la vie présente sont la résultant 
des actes commis dans une existence précédente ; les acl< 
de la vie présente délerminent les condi lions de la vie future? 
la vie future^ à son tour rournira aux âmes « tombées dans 
la génération « selon Texpression de Porphyre, l'occasion 
d'efTacer leurs souillures passées ou de les aggraver ', et 
ainsi de suite, jusqu'à ce qu'elles aient retrouvé leur pureté 
première. Les Orphiques doonaietit à la semence Kumun^ 
Je nom de tiîTs; (trarae) et ils comparaient la naissance d'i 
enfant au nœud d'un fileL qui représente dans ses matl]esl| 
succession des existences individuelles*. 

Ce cycle des renaissances qui rappelle les eschatologit 
de l'Inde peut se poursuivre sur terre à travers l'échelle dt 
créatures animales et humaines. Ou hien il peut se dérouh 
parmi les mondes sfellaires qui peuplent Timmensilé. 
bien encore — et c'est par là. que nous rentrons dans la mi 
thologia — il pourra utiliser les traditions relatives ai 
séjours dans le Tartare et dans les Champs-Elysées. « Musé^ 
etBon tîls Eumolpe, rapporte Platon» attribuent aux justaï 
de magnifiques récompenses. Ils les conduisent, après 
mort, dans la demeure d'Hadfes et les font asseoir, couronna 
de fleurs, au banquet des hommes vertueux, où ils passeï 
leur temps dans une perpétuelle ivresse- Quant aux mi 
chants et aux impies, ils les croient relégués aux enfei 
plongés dans un bourbier et condamnés à porter l'eau dai 
un crible*». Ailleurs, Platon fait intervenir les juges de 
Enfers qui prononcent des sentences où la peine est propoi 
tionnée an déht. Il s'en faut» toutefois, que ces rémunère 
lions posthumes aient un caractère de finalité incompatîhli 
avec le principe de la transmigration. Platon lui-même 
montre les âmes passant d'une enveloppe animale à un cor} 



1) Cr, le Inogage d'EmpédacIe dans Plutarque, De BxiUo, 17 : « Mni tiussi 
suis nie.iiLCenaiil un de ces eill^a qui errent loin de Diej pûur &?oir écouté 
diecorde furieuse n, 

2) Maury, Bel. de la Grèce, t. Ill.ip. 313. 

3) DeRepubi., U (éd. Didol, p. 26J.' 



DK OUELQtlBÏ PROBLÈMiiS RELATrFS AUX MYSTÈRES d'ÉLEUSH 13 

astral ou éthéré, suivant la conduile qu'elles ont tenue dans 
clitique ciistence ' : la traversée de l'Hadès n^est plus qu'une 
puritication ititermédiaire. Pindarc est, h ce propos, plus 
explicite encore et il semble bien l'écho des conceptions 
orphiques, quaod il écrit; » Ceux de qui Peraéphonè accep- 
tera la rançon d'uDe faute antique, seront renvoyés par elle, 
au bout de neuf ans, vers ta lumière supérieure. Telle est 
l'origine des rois magnlliques, des hommes puissants par 
leur force ou grands par leur sagesse, à qui la postôrité dé- 
cernera le nom de héros sacrés » *. 

Kd ud mot, les âmes, dans la mesure oîi elles font le bien 
ou le mal» •« montent » ou " descendent ». Se dégradent- 
elles au cours de leur passage sur terre, elles seront, après 
la moH, reléguées dans les sombres bourbiers de l'IIadès 
ou même géhenoées dans les supplices dont les Mystères 
exhilient le tcrrifianl tableau. S'épurent-elles, au contraire, 
en â'alïfanchissanl des passions et des appétits charnels, 
elles se rapprochent de leur source divine oh elles trouve- 
ront une béatitude dont les Champs-Elysées fournissent tour 
à tour l'image ou le symbole, suivant l'élat d'esprit des ini- 
tiés. Celte épuration est l'objet delà « vie orphique » — c'est- 
à-dire d'un ensemble de préceptes qui tendent à assurer 
lubservation de certains rites symboliques, en môme temps 
fue la pratique de la continence et de la vertu'. Sous ce 
rapport, les Orphiques sont bien les continuateurs de Py- 
Ihagore. 



L'Urphteme et le oulte de ZasreuB- 



Paasanias attriliue à Onomacrite d'avoir raconté en vers la 



Dfl hepttbl.^ X (éd. Didol, p. 456). — limée, XVII. 

2)PJridAre. froKPî. XVI (98). 

3) PUtoa, Uges, VI, W. DiJol, p. 371. 



u 



RBVDS DK L HISTOIRE DKS RELIGTONS 



passion (icaO^tiara) de Dionysos '. A la (in du vi" siècle, ce dîea 
comme nous l'avons vu plus haut était déjà devenu le sym- 
bole de la Vie universelle : il grandit, soufTre, meurt el se 
réincarne dans des condiliûns nouvelles. Après s'ôlre ratta- 
ché leà mystères de Dionysos Sabazios, le Bacchus de la 
Thrace et de la Phryg^ie, les Orphiques s'approprièrent les 
mystères du Dionysos crétois, et il semble même que bien- 
tôt ils y avaient ajouté ceux de Zeus Idéen, ainsi que de la 
Grande Mfere (Cybèle). Voici en effet le langage qu'Euripide 
fait tenir, dans ses Crèioîs^h un chœur de bacchanls : « La 
pureté est la loi de ma vie depuis le jour où j'ai été consacré 
aux mystères de Zeus Idéen ; oîi. après avoir pris part aux 
omopbagies suivant la règle de Zagreus, ami des courses 
nnclurnes, et élevé les torches en l'honneur de la Grandej 
Mère, j'ai reçu saintement le double nom de Curète et de] 
Bacchant. Couvert de vêtements d'uTie parfaite blancheur, 
je fuis la naissance des mortels; je n'approche pas des sé- 
pultures et je n'admets parmi mes aliments rien de ce qui a' 

vécu n •. 

La Crète — terre de syncrétisme où les croyances hellé-] 
niques se mélangeaient aux religions de l'Asie et même dej 
l'iigypte — pratiquait dès les temps les plus anciens un) 
usage qui se retrouve chez un certain nombre de peuples, 
barbares ou sauvages el qui apparaît à quelques ethnologues' 
comme une survivance lotémique. Les clans qui s'abstien- 
nent ordinairement de manger la chair de certaines espèces 
animales, parce qu'ils regardent celles-ci comme trop sa- 
crées, immolent et consomment dans les circonstances so-] 
lennelles un représeutant de ces espèces. Parfois, ils dépè- 
cent la victime encore pantelante el s'eu disputent les lam- 
beaux tout crus, Robertson Smith, qui a étudié chez les 
Sémites celte forme de sacrifice, l'exphque par l'idée qu'en 
absorbant la chair et le sang encore frais d'un dieu, on sa 



{) Pausan'tas, VllI, 37, 3. 

2) Fr&gm., dans Porphyre, De Abslinentia, 1V> 19, 



m oiiifLODBS MiOBLesntit relath 



i& d'êledsis 15 



procure comme un nouvel iailiix de vie divine ', Il est pro- 
bable que les plus andpiis habilanls de la Crèle déchiraient, 
dans des circonslaiices analogues, un taureau auquel Us 
avaient readu des hooneurs divius. A une époque indéter- 
minée, ils assimilèrent ce taureau à un dieu Zagreus et ils 
invonlëreni ou adoptèrent une légende exposant que ce 
rite représentait la mort du dieu dépecô par les Titans*. 
Sans doule, la coutume s'était introduite de mettre en 
réserve le coeur de l'animal pour Toffrir h un Zeus local. 
Où expliqua cette offrande — peut-êtro sous l'influence de 
la légende osiriaque relative au phallus du dieu dépecé par 
Typhon — en supposant que le cœur de Zagreus avait été 
porté à Zeus, atin que celuî-cî lui restiluât son corps et sa 
i^e. Enfin, plus tard, Zagreus fut, à son tour, assimilé à 
[Dionysos. Celui-ci fut représenté tantôt comme un adoles- 
cent à tête de taureau, tantôt comme un taureau chaussé de 
cothurnes et l'omophagie trouva naturellement place dans 
le culte du dieu de la vigne ^ 

Les Orphiques firent de Zagreus, non pas seulement le 
dieu de la destruction et du renouvellement universels, un 
véritable démiourge qui rappelle le Çiva brahmanique, mais 
encore^ en sa qualité de premicr-iié (i^puTSYcvo*;) de Zeus une 
sorte de logos pré-philonien. 11 se révèle derrière tous les 
noms: — il est le Pan aux milleformes, — le souverain univer- 
sel \llîv-.clwiTrr,iî) . D'autre part, — s'il est le grand Chasseur 
qui prend les hommes dans ses rets, comme dieu de la morl, — 
Best aussi Celui qui leur assure l'immortalité, en sa qualité 
de dieu de la vie et de la régénération. Il justifiera ainsi son 
appellation de Dionysos Sauveur (Swnîp). Ses adversaires, les 



l)Hobertoon SmlCb, Retig. of the Semiles, p. 283 etsuîv. 
2) M. Fruer se demainde $'0 ne fiiut pBS chercher un usage de ce genro & k 
iree du oiTtbe d'Oairis dépecé par Typhon, Golden Bough, t. 1, p, 306. 
Z) L'animal dépecé vivant dans les baccliaHal^s, nVHa-it pu toujours un tau- 
lu, maie parais aussi un chevreau, Gomine on le voit parmi les peintures de 
lieurs r&ses antiques (CLdrac, ilfuii^e de sculplwre, pi. 126, n" 119 ; 135, 
■* ifS); Burlout un vase actuelleaienl au Musée Brilanaique [Panofka, Mutie 
». pL XIll). 



16 



REVDË Di: l'histoire DES HlfLlGIOMS 



Titans, personniiient les forces désordonnées et les pass^3 
mauvaises qui triomphent momentauément, mais qui soni 
définitivement vaincues et châtiées. Son apothéose symbt 
lise le triomphe de l'ordre dans l'univers. Le mythe ajoute 
que l'homme naquit des cendres des Titans, foudroyés par 
Zeus après qu'ils eurent dévoré les chairs du divin enfant : ainsi 
s'explique qu6 l'homme ail une double nature : l'une titani- 
que, démoniaque, dont il doit se délivrer; l'autre, divine, 
dont il doil assurer le développement par un efîorl de volonté 
persistante. — Il n'est pas jusqu'à Tomophagie qui ne four- 
nisse le moyen de participer k la vie et à Timmortalilé di 
dieu par l'absorption de sa chaîr et de son sang '. 

La grande différence entre les mystères de Dionysos Za^ 
greus et ceux d'Eleusis, c'était à Torigine que, dans lesprt 
miers, l'initiation suftisait à assurer le salut, tandis que dani 
les seconds, il fallait en outre que l'initié se cantorraâ.t à unt 
certaine façon de vivre : la vie orphique. 



Coniment l'Orphlsme s'introdnislt A> Eleusis. 

On a supposé que Torphisme s'était introduit à Eleusis ei 
assimîlanl Dionysos h lacchos, — Vairhégète des Mystères,] 
comme; le qualifie Strabon — ; le divin conducteur de la pro-* 
cession qui reliait aus grands Mystères les purifications préa- 
lables surle territoîred'Athènes*. Celle procession, ignorée, 
comme au reste le personnage même d'iacchos, dans 
l'hymne homérique à Déméter, est mentionnée pour la pre- 
mière fois par Hérodote k propos de la seconde guerre 
médique'. Mais rien n'établit qu'à cette époque lacchos eû( 
cessé d*6tre le simple génie dômôlérien dont Strabon rap- 



1) Girard, Du iantimenl reHgiemt en Grèce, i" éd., p. 261. 

2) SLraboD, liU. IX, chap. i, § 9. 

3) Hérodote, Hwt , VIII, 65. 



DE QDBLQUSS PROBL^HCS REtATIPa UJX HTSTÈRE^ d'ëLEUSIS (7 

pelle les origines locales. Il résiillerait môme une présomp- 
tion en sens coulraire du fait que, dansles GrenouiUea d'Aris- 
lophane\ Dionysos rencontre le cortège des mysles, conduit 
par lacchos, sans que le poëte ait l'air de s'apercevoir do ce 
double emploi. Cependant Euripide nous dit déjà que, dans 
les Eufers, la fille de Dôm6ter doit témoigner une consi- 
dération particulière aux amis d'Orptiée', En outre Platou, 
dans sa Rê[,ublique^ fait d'Eumolpe Je fils de Musée'; ce 
qui montre que les Orphiques avaient déjà réussi à établir 
on lien de filiation entre leur théologie et les Mystères 
d'Eleusis, Pour Aristoptiane et Démosthëne, Orphée est 
ÎQConlestablement l'auleur des Mystères". Nous ne pour- 
rons donc pas nous tromper de beaucoup en plaçant dans les 
dernières années du v" siècle ou dans les premières du iv* 
rinfUtratloQ de l'orphisme dans les Mystères d'Eleusis *. 

Comment s'opéra-t-elle? Suidas rapporte que les Orphi- 
ques avaient écrit, sous le nom d'Eumolpe, un ouvrage de 
trois mille vers sur les Mystères de Déméter, sur les aven- 
tures de la déesse chez Céléos et sur rinitialion des filles de 
ce dernier*. Cependant il n'est guère vraisemblable que les 
Orphiques bouleversèrent les cérémonies existantes. Celles- 
ci étaient définivement fixées par les traditions écrites et 
orales des Eumolpides. Même gagnés à l'orphisme, l'biéro- 



1) Ranoe, v. 324 el suk. 

2) TQÙf 'Op;êu; Tijjiùaa fxJvsTSai fElavc. Eurîpidep R}ieaaSt v. %S (ëd. Didot, 
p. 363]. Voy. aussi «ers 943-944. 

3) Platon, De hepublica, ii?, II, S 6(éd. Didot, p. 26), 

4) AïiatophiDe, Ranae, »era 1032 : 'Opçtùi; ^i yip ttletci; 6' T|jitv xcnfBnii» 
fiMB* x' i-'^tfîatxi. ; \)émQsthène, Advers. Ariitogiton, 1, 172,26: 'O îasâTiditâiaiî 

5) L«normaat a même cru pourvoir établir I& da(e «lactei en 3S0, quvad I* 
charge de Dadouqui;, par suite de J'extluctiaQ des Kerycea, auraîL p&ss£ & ia 
branche des Lycomides. CeUe>ci prati((UBil à Pb lia des Ujatèires analogues à 
ceux d'ÊleusîB. On y chanlail, au dire de Pausanias {K^ 27, 2; I, 22, 7) dei 
hymnes en l'hùDneur d« Démâter, dont U çompostlion êlail alLribuèfl àOrpLée, 
i MuaéK «t à Pamphos. Mais M. Foncarl a établi que aelon toute vraissutblunce 
les fûncliûDâ de dâdûuqua ne eortireqt jeloimb de la FacDilIe des Keryces (JU- 
therehes, 2* mémoire, pp. 47-45). 



18 



REVDE DE L HISTOIRB DBS RELIGIONS 



phanie et le dadouque n'auraient osé altérer la forme exté- 
rieure des rîtes. Les Orphiques accomplirent ce qu'es- 
sayèrent, dans la première moitié du xviii siècle, les Jaco- 
bites anglais, lorsqu'ils tentèrenl de superposer aux organisa- 
tions franc-maçonnique? de la Grande-Bretagne, des grades 
nouveaux, destinés à grouper les partisans des Stuarl. L'Or- 
phisme concentra ses innovations dans un troisième degré 
d'initiation qui fut placé a la suite des grands Mystères : 
l'époptie. 

C'est probablement alors que Dionysos fut assimilé à 
Iticcbos. Par suite de ce rapprochement, Dionysos, qui était 
déjà îdentiBé à Hadès, comme époux de Gorë, devint aussi le 
frère de celle-ci, en tant que (Ils de Démêler. D'autre part son 
assimilation ^ Zeus avait fait également de Dionysos l'époux 
de Déméter ; on le fit donc s'unir successivement h la mèi-e et 
à la tiUe. Enfin il semble qu'on l'ait représenté comme te tîls 
de Corè et d'Hadès*. Ces identifications complexes et même 
contradictoires n'avaient rieu qui effrayât les Orphiques. 
Jamais ils ne se mouvaient plus à l'aise que quand il s'agis- 
sait d'extraire une haute vérité d'affirmations absurdes ou 
une moralité profonde des images les plus choquantes. Aussi 
ne devaient-ils pas hésiter à introduire dans Tépoptie, non 
seulement les omophagies. mais encore les obscénités mytho- 
logiques que les premiers apologistes du christianisme ont 
si vivement reprochées aux Mystères et qui révoltaient jusqu'à 
certains auteurs païens. 

Les hiérogamies, c'esl-à-dire la représentation des unions 
plus ou moins légitimes entre dieux et déesses, n'avaient pas 
toujours un caractère licencieux, témoin les noces de Zeus et 
de Héra^ qui se célébraient avec toutes les formalités des ma- 
riages légaux. Dans le drame démétérJen, c'étaitrenlèvement 
deCorè,etnou la consommation du rapt, qui formait l'épisode 
principal. Mais dans la légende dionysiaque que met en scène 



1) Cr. dans le (iictioQDaire de Daremberg el SagUo l'article consacré à Bac- 
chus, par F. Unarmaat (t. I, p. 632 k 636). 



DB OCRLOtJES PROBLÈMES RStATIfS AUX MVSTfiBES d'kLEU&IS 19 

l'époptie, les amours volontaires ou forcées, parfois inces- 
tueuses, de Déméterel de Corë prenaient un caractère réaliste 
et bru(alqiie ne rachelaient pasles formes bestiales ou mons- 
trueuses dont les divinités se rev&taienipourla circonstance'. 
AucuQ détail n'était épargné. Tout au plus, dans les 
moments scabreux faisait-on l'obscurité sur la scène, à l'ins- 
tar de ces romanciers qui traçaient naguère une ligne de 
points pour sauvegarder la bienséance, en laissant l'ima- 
^.gination du lecteur supposer le resle*. Évidemment le jeu 
pdesacleursn'étailqu'un simulacre. L'auteur des Philompkûu- 
mena rapporte même, peut-5tre par ironie, qu'on faisait 
préalablement avaler aux hiérophantes une potion d'ellé- 
bore à raison de ses vertus anti-aphrodisiaques*. — Ces re- 
présentations n'en altéraient pas moins les traditions jusque- 
là sobres et chastes des grandes déesses d'Eleusis. 



D« l'enselsnemeot dootriaal dans l«s MysMres, 

De ce qui précfcde résulte que, si les Orphiques s'étaient 
bornés à introduire dans les Mystères d'Eleusis les pratiques 
flu culte dionysiaque, sans y introduire également leur 
eschatologie et leur morale, on devrait en conclure avec 
Lobeck que leur intervention eut simplement pour résullat 
de corrompre et de dégrader l'antique institution des Mys- 
tëres^ Or de nombreuï savants estiment que ceux-ci ne 
comportaient aucune espèce d'interprétation, ni, par consé- 
quent, d'enseignement philosophique ou moral. C'était une 



l)Z«UB s'unit lour à tour à DéœËlersous ta rorme d'un tnureau, et k leur 
ftUe Coté souA la. [ormed'uD serpent ou d'un dragon. 

2] Diodore de Sicile dît que le outte de Dionysos Sabazios se célébrait dons 
[•- BHtl et le myïtërÉ, parce que \(i déssse camoividc de voiler le secret des rap- 
porta outre les lexes (IV, 4, I}, 

3} PttOoâophoumem lib. V, 1, 171, étl. Uigne, p, 31i9. 



20 



REVCE: de L histoire des RËLKHOiSS 



leçon de clioses, à laquelle chacun attribuait lu signification 
qui lui plaisait. A l'appui de celte thèse ou a surtout fait va' 
loir deux textes, l'un de Plularque, l'autre de Synésius 
M J'écoutais ces choses av^csimplicitéjécril le premier, comme 
dans les cérémonies d'iDlLialion qui ne comportent aucune 
démoDstfaLion^ aucune convîcUon eutratnée par le raisonne-^ 
ment »'. — « Arislote, écrit de son côté Synésius, est d'avisfl 
que les initiés n'apprenaient rien d'une façon précise; mais" 
qu'ils recevaient des impressioasj qu'ils étaient mis dans une 
certaine disposition à laquelle ils étaient préparés coaveaa-^ 
hlemenl*. « 

Il est h remarquer que le texte de Plutarque, dans leal 
termes généraux ob il est formulé, affirme simplement l'exis-l 
tence de cérémonies qui ne comportent aucune démonstra-j 
tion ; mais il n'ajoute nullement que c'est là toute rinitiationj 
Quanta Synésius, son opinion de seconde maiu n'imphque 
pas davantage l'exclusion de commentaires qui auraient pré- 
cédé ou suivi l'initiation proprement dite. Clément d'Alexan- ^ 
drie nous apprend lui-même que « les petits Mystères renfer-fl 
maieut un certain fondement d'instruction et une préparation 
à tout ce qui va suivre » \ C'est exactement ce qui se passe^ 
dans la Hturgie chrétienne, notamment dans les cérémonies" 
de la Messe oilest représentée symboliquement la passion du 
Christ. Là également, « il n'y a qu'à contempler et à appro- 
fondir la nature et les actes » ; mais des instructions préa-i 
labiés onl mis le fidèle à même de saisir la profonde portée] 
du rite dans le sens de la théologie admise par l'Église. 

Il est très possible qu'à Eleusis l'instruction ait eu simple-l 



1) Pluiftrque» t}e defect. oracul., ah. xxit. 

2) SynesJus, Orativn., éd. Pctau, p. 48. 
3] a Ce n'est pas sans raison que dans les My<ttères des Gtecs onl lieu' 

d'abord les puriGcaLion» analogues aux ablutionS' des BarbarBâ. Viennenl enBuite i 
les pelilB Myalères renfermant un certain fondement d'instruction ifit une prépa-j 
rfttioD à. tout ce quidoit suivre. Quant aux grunds Myatèreg, il ne ruale pJuB d^as 1 
leur ensemble rien & apprendre; il n'y a. plus qu'à canl«oip!er &l à approroadir 
la nature et les actes » (ÉnQTrravîiv & »ai -Kip»Ei3»v t^» fii»(v %a\ ti npâriieiTa)» 
StrumaS., V, Éd. Bekker, p. 682, 



DE ODELOUES PBOSLÊMËS flBt-ATlPS AUX MTSTÈIIKS c'ÉtEDSIS 21 

ment pour but de faire comprendre auxiniliéslasig^nincation 
lég'endaire des scènes qui allaient être jouées sous leurs yeur 
et de les préparer ainsi aux impressions dont parle Synésius. 
Toalefois ces explications, qu'elles fussent données par l'hié- 
rophante en personne ou par les mystagogues antérieurement 
iniliés, n'en offraient pas moins l'occasion d'orienter l'inler- 
prÉlation des cérémonies dans le sens d'une doctrine partî- 
cnlière. D'autres instructions pouvaient et devaient suivre; 
c'étaient sans doute les commentaires renfermés dans le 
Mérm logos oîï suivant Hérodote on expliquait le symbolisme 
des Mystères* — Galien, de son côté, parle de livres réservés 
Rux seuls initiés*. 

D'autres Mystères encore que ceux d'Eleusis consistaient 
également en cérémonies purificatoirefi, exhibitions symbo- 
liques, tableaux variés; cependant nous savons qu'on les 
faisait servir à un enseignement philosophique et moral. Il y 
avait même quelquefois, à côté d'une interprétation naturiste 
des symboles et des rites, une seconde interprétation philo- 
sophique, plus sublile ou plus profonde, réservée aux 
degrés supérieurs. Tel paraît avoir été le cas dos Mystères 
mithrîaques'. 

Le» représentations hiératiques des Grands Mystères et de 
l'Époplic n'étaient pas de simples pantomimee. Les textes 
réunis par M, Foucart démontrent surabondamment que 
rhtérophanle accompagnait de commentaires les diverses 
parties du spectacle*. Ces instructions constituaient même 
les secrets par excellence, i^i àitif^^a -, le rhéteur Aristide en 
atteste suffisamment l'importance, quand il écrit à propos 



l)R«rodote, liv. H, 48,63. 81. 

2) « Qiieliiu«3-UBS oDt osé lîr« les livres des myttères, ssas élre initiËs 1 
ceiu-ei. n De simpl. medie.. Vit, ch. i, cité par Maury, Rei. de ia Grèce, t. Il, 
p. 137. 

3] Cumont, Mystères -di Mithra, t. I, page 13. -~ Porphyre rapporte quo Isa 
ritai d« nnitiKtioQ aux diirérenU gradeB des myslère» mitbriaques étaient des 
tUuKÎoni symboliques aux aigoea du lodiaque; maÎE il ajoute qu'en réallLé ils 
■e rapportaient aux d»sLinë«B F>osthumes d« l'Am& (De Abâtin^ntia, IV, IS). 

4j Foucan. Recherches, 1*' inèin., p, 59 et buÎt. 




tT>-H«afJrtaaÉcey'o«ToitiiiJMiLMàeBi 
fB*M eÊÊmà *'? â. la véfilé, M. r«oart Mtime 

Vitiaénin k urne 4aw TaBlre marnât fomt atteindre le 
•éfocr àf dn. JUk D y srsiU eït outre, les cfason dool 
rorffouaikm reroMil à rhiérophule ci au tUdonqne'. Les 
«siesn putonf de ckub banaoQieaz qm affumpegMiept 
le< appuitioos raifie M B i *. Ssivut E««èbe. on exposul les 
atoilvref dea èlres ^arfamnaioa. • d'après les traditions 
aaliqnes el les docCrioea secrèles, an moyen des hymnes e| 
des dunU qui cooc^naieat les dieux » \ — De celle façoi 
encore» le faeerdoceéleusiaiên se IrouTail en mesure de coi 
aaniqaer aux initiés dei eoseignemeots d'aalant plus efB- 
caee« qu'ils faitaient eo quelque sorte partie du rituel con- 
sacré . 

Il n'est pas dinicile d'établir que ces chants lilargiqueaj 
étaient empruntés au répertoire des hjnBoes orphiques. Pen--' 
danl toute la domination romaine, les mystères de Dionysos 
firent partie de la liturgie d'Éleuâis. Cicéron, dans son traité 
De nalura fjeorum, rapporte que les Mystères étaient consa- 
cré! conjoiiilement à Liber (BaccLus), à Cerës et à Libéra 
(Proserpi^e)^ Trots siècles plus tard une inscription latine dé- 
clare encore en termes Formels qu'à Eleusis on était consacré 
timullaoément à Baccbus, à Cérès et k Corè *. — Un passage 
de Pausanias montre que les livres orphiques étaient devenus 
la littérature des mystères. 8'excusanE de ne point expli- 
quer pourquoi les initiés ne pouvaient manger de fëves^ tl 



1} Ariitldc. P.Uu»in.^ p. 3S6. 

Z) Pdiltwtmle. V««SopAûï,, H, 20, Ôd. DJdol, p. 252. 

3) PluUrniue, EaopWfl jc(iiiimajl,6jjiiglin Martyr, Coftor(. otf genUs, 38; 
Tli«m»ti[LB, (Jrat. XX, 

k) Knt^Xtt,, l'ratpariil, ffoaa^., lîb. Hl, Proorm,^ 1. 

l)D«mt. Jsvr., tib. II. 2'i. 

6} Snerala apud Eieutiaam Jeu B'iccko, Ceieri et Corai, C, I. L., t. VI, 
H" 17«0. 



DE i^tlELQniSS PBÛBLÈitES HKUiTIFS AUX MYSTÈRES d'ÉLEDSIS 23 

ajoule : <( Ceux qui ont vu les iuitiations d'Eleusis ou qui ont 
luleslivres orphiques savent ce que je veux dire' w. — Il esta 
remarquer que ces écrits avaient assumé en couséqueDce un 
caractère esotérique. Un fragmeni d'hymne, reproduit par 
Eusèbe, enjoint de fermer la porte aux profanes', et Firmlcus 
Malernus rapporte qu'on imposait aux initiés dans !a doc- 
trine d'Orphée le serment de n'en rien divulguer « par crainte 
de révéler les secrets de la religion aux oreilles profanes*». Au 
témoignage de Suidas, 11 exïMaît des commentaires diony- 
siaques {^xf.ya.k èztffiâ^^st^ii] relatifsaux mystères de Déméter; 
on les attribuait à une pythagoricienne do Samos, Arigno- 

d est même possible que les enseignements des Mystères 
aient compris, h cdté de leurs doctrines théosopbiques, un 
enseignement moral.plus direct. Saint Jérôme rapporte qu'à 
l'époque du philosophe Xénocrate, on voyait encore, dans le 
temple d'Eleusis, trois des lois attribuées h Triptolême : « ho- 
norer ses parents; vénérer les dieux par des oflrandes de 
froils ; ne pas détruire les êtres vivants » '. Ce dernier précepte 
nous reporte directement à la vie orphique. 

Platon parle d'un discours tenu « dans les Mystères » 
{h à^ïsff^Tii^;) OÙ l'on enseignait que l'homme occupait un poste 
qu'il ne lui était pas permis de déserter*. Olympiodore, dans 
son Commentaire sur le Phédon^ dit que les ioitiés s'avancent 
par plusieurs grades vers la morale {rfiK-f.À\) et la vertu (■TToXtTotal 
jtfîTz-V- l^iSn Séiiëque, Élabiissant un parallèle entre les 
Mystères e( la philosophie, laisse entendre que ces deux 
institutions comportaient un double enseignement; l'un 



1) PauiAnks, 1, 37, 4. 

2] EuBèbe^ Préparai, evang., lili. XIII, ch. 12. 

3) FtrmicuB Matarnus, MaCftesis VU, Bàle 1532, p. 193, 

4) Suidi&B,. L'^xkon, au mol 'Apirvûrr^. 

5) r^vcT; TiitLfv, Bt«ù; xap-noT; â^ândv, tAa p.^ atvEufat. Saint JArApie, Adv. 
Jorinian,. tib. Il, cb, iz, Anvers 152d, p- 169'. 

6) fhédon, \'\. 

7) VvmmenlaiTc du Phêdon, cUé par (te Sacy dans l'ourrage de Saînte-Croir, 
HeçAfTtha sur les Mystirts du Paganisme, Paris. 1817, U I, p, 422. 



m 



REVtTK DE L niSTOtRE DES BELIGIONS 



formé de secrets qui éJaîent réservés aux initiés, Tautre 
de préceptes qui avaient également cours parmi les pro- 
fanes ' . 

D'ailleurs, il suffit presque du bon sens pour trancher la 
question. Peut-on sfïrieusernenl admettre qu*un Platon, un 
Cicéron, un Plutarque auraient vanté Taction moralisatrice 
des Mystères s'ils n^y avaient trouvé qu'une couception do 
ia vie future en contradiction avec leur propre idéal? Est-ce 
que quatre siècles avant notre ère, l'orateur athénien Ando- 
cide, plaidant sa propre cause devant un tribunal d'initiés, 
aurait pu dire à ses juges: «Vous avez contemplé les /ijVra des 
deux dées8e8,afin que vouspunissiezceuxqui commettent l'im- 
piété et sauviez ceux qui se défendent de Tinjnslice* ». Pour 
que les néophytes revinssent de leur initiation, suivant l'ex- 
pression de Diodore : « plus pîenx, plus justes et meilleurs en 
toutes choses» » il fallait bien qu'il s'en dégageât des ensei- 
gnements conformes aux meilleures aspirations de l'époque; 
qu'il y eûtdans ces cérémonies autre chose que des symboles 
vides et des rites magiques. 



Morale vsrsùs atngle. 

Ce n'est pas que les Mystères se soient jamais transformés 
en une simple école de morale ou de pbilosophie, une suc- 
cursale de l'Académie où du Portique, L'Orphisme ne cessa 
jamais de présenter les purifications matérielles comme un 
élément essentiel de l'absolution et d'attacher une valeur 
sacramentelle aux actes symboliques de Tinitiation. Platon 
dénonce les Orphéolélestes, ces devins ambulauts qui, en 
invoquant des livres attribués à Orphée et à Musée « enfants 



i) Sënèque, Spist,, XCV. ■< Sîcut sancLiora sacrorum tantom tniliati Bciuot. 
ita io ptiilosophia arcaita illa admisBis receptisque in sacra oatcnduntur; at 
prœcepta ?t alia ejusiDodi proFanis quoque nota gunt, » 

2] Andowde, De Mysisrivi, 31 ; éd, Dîriot, p. 53. 



DS OUBLOOKS PBODLÈWKS RHUTIPS ADS mSTftBES D*ÉLIî05r5 3& 

deSêlenè et desMuses»^s'en allaient de porte en porte offrir, 
moyeananl une honnête commission, de racheter les péchés 
de toute la famille elmème ceux dcâ ancêtres »^ Go matéria- 
lisme religieux prit une împortaDce croissante dans les der- 
niers temps du paganisme, k l'époque des crioboles et des 
tauroboles qui pénétrèrent jusque dans l'enceinte d'Éleusjg. 
Slaia faut-il juger une inslilnlion exclusivement par ses trafi- 
quanls de reliques et ses marchands d'indulgencea? Les écrits 
que nous ont laissés les Orphiques, leur conception mâme 
de la vie bacchique attestent qu'ils entendaient surtout la 
purification au sens moral, et c'est avec celte acception que 
leur doctrine prédomina dans les Mystères, alors même 
que les pratiques de la règle orphique, telles que l'usage ex- 
clusif de nourriture végétale et de vêtements blancs, y tom- 
bèrent en désuétude ou restèrent Tapanage de quelques phi- 
losophes'. 

On se demandera peut-être comment on peut faire dé- 
pendre le salut dans la vie future de deux facteurs aussi dis- 
semblables queraccomplissement matériel des ri tes etl'obser- 
vatloii des règles morales. C'est encore la religion égyptienne 
qui nous fournira la solution. Les Égyptiens avaient admis 
la nécessité des formules inscrites dans \e Livre des Morispoar 
uderle double à gagner le^^ champs d'Ialou. Ils n'écartèrent 
jamais cette conception. Mais ils y superposèrent la notion 
d'un tribunal qui jugeait les défunts d'après leurs mérites et 

fleurs démérites. Le double des coupables était détenu dans 

lies Enfers; celui des Justes était admis à lutter contre les 
périls et les embûches du monde souterrain, qu'il oblenaîf. 

de déjouer à l'aide des puissantes incantations dont il 

étoîl muni par la sollicitude des survivants. 

Non que je croie davantage, ici, à Tintluence directe de U 



1) Plftton, De Kejiuh., IT, éd. Didol, p. 27. 

2) ^u troiBÎime BÎécIe de nijlF* ère, il eût été difficile de dislinguer la Via 
orptuc]!!^ i)^ la " ^6 pythagoricien nfl i", leJle que I& prariqu&Lcnt lâa nëa-py- 
Uï«^ricienB de répMXjuo. Cf. Philostralfl, Viia Apottm. {éd. Teubner, Lipslœ, 
|«70),I, 2,7, 8, 13, 32, etc. 




RBVlIE ÏJB LHlSTOrRE MS WELIGlonS 



religion égyplîeune. Mais les procédés généraux de révoîôî 
tion religieuse ont une portée universelle. Partout, en religîoi 
on superpose plus qu'un ne rempluce. D'ailleurs où est 1< 
culte historique qui, à côlé de la moralité, n'ait pas plac< 
des obligations rituelles parmi les conditions smû quàn&n 
de l'admission au paradis'? H 

Il est à remarquer qu'une autinomie analogue se révfel^" 
jusque dans les œuvres de Plalon. Tantôt il laisse entendre 
que seuls les initiés jouiront de la société des dieux*. Tantôt 
aucoatratre, comme nous l'avons vu plus haut, il réserv 
aux justes de s'asseoir, après la mort, au banquet divin. 



Le mouvemeat pblloâopblque ik ÉI«astSr 

Ce qui est certain, c'est que, du jour où l'orphisme s'im-l 
planta dans les Mystères, leur développement devint un com-- 
promis entre ces deux éléments en apparence contradictoi- 
res : l'élément moral dont l'importance devait grandir avec 
la décadence des mœurs, et l'élément magique auquel l'in- 
vasion des superstitions orientales vint donner une impulsion 
nouvelle. Cependant il ne faut pas perdre de vue que, chez 
les Anciens, la morale ne fut jamais séparée de la religion 
ni de la philosophie. La thèse de Creuzer, qui Taisait sortir 
des Mystères tout le mouvement philosophique de la Grèce, 
est simplement une erreur de perspective. L'immutabilité des 
rites n'empêcha jamais le changement des interprétations; 
celles-ci se conformaient aux idées des écoles dominantes 



f] Le mStne phëDomèDe s'observe également dans le bouddhUroe qui, lui 
aussi, place le sa.Uut dans une vie de pureté el de renonceinent analogue A I& 
Vie orphique, maifl qui cependant, surtout che^ les bouddbîaLe» du Nord, sub- 
ordonne l'obLeation du &i;rva,na k ruccomplissemont de pratiques lEiagiques 
hérilëes de l'hiadouisme (cf. Louis de la Valtêe Poussin, âi>uJi£Aisme. 'Ètwhi 
el mat^riauf dans Ce t. LV des .M6id. couronn. de l'^caii. Aos/. dr. Belf^ique, 
pp. Ji7 el Bs*). 

2) Fhédon, Xlll et XXIX. 



M ODELOUBS PBOBI-ÈMES RELATIFS ACî MT9TftRES d'éLE^SIS 27 

suivant les diverses époques. Ainsi le voulait la logique de la 
îilualjori, comme l'a fait judîcieusemenl observer M. Jeaa 
Révjlle ; u Les Mystères étaient deslinés à révéler la sagesse 

Iprotoade des vieilles légendes; les hiérophantes devaient 
donc y retrouver ce qui élait considéré de leur temps comme 
la sagesse suprême parla philosophîela mieuxaccréditée'". 
Aa pylhagorisme qui, jdus ou moins modifié par lesdoc- 
Iriues de TAcadémie, dut s'introduire à Eleusis avec les Or- 
phiques, succéda le stoïcisme, dans le siècle qui précéda la 
conquête romaine. Autrement on ne s'expliquerait guère que 
Chrysippe€ùt attribué aux Mystères le mérite de fournir des 
riijliuns exactes sur la divinité". C'est également la doc- 
trine stoïcienne dont Cicéron semble constater la présence 
lorsque, faisant allusion aux cérémonies sacrées d'Eleusis 
tussi bien que de Samothrace, il fait dire h. Cotla : « Les ex- 
plic&tions qu'elles comportent, ramenées à la raison, révèlent 
tinaluîe des choses, plus que celle des dieux' », 

Sénèque^ lorsqu'il fait allusion aux Mystères, nous laisse 
bmôme impression, et l'écho s'en retrouvera encore dans les 
appréciations d'Eusèbe : « La science antique de la nature, 
chei les Grecs comme chez les Barbares, cousiste en opi- 
aioQ» sur les choses oalurelles, cachées sous le voile des 
iii)Lhes,., C'est ce dont on s'assure par les vers orphiques. 
parles traditions de l'Egypte et de la Phrygie; mais ce sont 
surtout les rites orgiastes des Mystères et les actes symboli- 

l^uej des cérémonies sacrées qui mettent en lumière les idées 
<I«s Anciens' ». 

*) ta Migion 6 ntmt sous les Stvires, Pari*, l88tJ, p. 178. 

*) tlymoiog. tnaynum, aii mot Te>EtTi. 

']>Qiiibtu «ipIicaliB, ad ralionemqus revertis, r^rup) magis natura cogncs- 
otui f^uuB deorum n {De nat. âeor,, I, 42). DanK un autre traité (Tusculan., I, 
") Ciecrgi] avcoble admettre que la doctrine des myelèreB sa rapproûbait de 
I i<*liéaiéhanifl. Eo réalité, Beul des principaux sysLëoies de l'aDliquité claseique, 
IrfucuTiime pa,rait 4vo<r élè iacQulpatible avec la tradiUOQ orphique. Duas 
noiUtioD dee MyElërea instituée par Alexandre le Paphlagonien, celui-ci com- 
Bmet par proclam>er feicluBîOD de& athées, im épicunenï et dfiB' cbrëtiens 
j(Uqea, jJcr^nd.. 38). 

t) EuMbe, l'raijjur. evong., lib. 111 PrQ«inium, 1. 



2A 



BBVDB CIE L HISTOIRE DES RELIGIONS 



jNéaamoins la principale révélation devait porter sur Ici 
rémunérations poslbumes. J^ai déjà relevé, & cet égard, U 
témoignage de Platon. Cel&e déclare que leâ Mystères enset- 
gaient la doctrine des rêmunératioDs futurespar des'exemplei 
tirés de la destinée des démons (c'est-à-dire des âmes et des 
génies) et Origène, qui rapporte cette opinion, s'abstient d'y 
contredire'. De son côté, Plularque, adressant des consola- 
lions à sa femme après la mort de leur filles lui écrit : « Tu 
entendras d'autres soutenir qu'après la dissolution des corpsJ 
il n'y a plus ni mal, ni affliction. C'est une doctrine dont je' 
te sais préservée tant par les principes hérités de tes pères, 
que par les symboles sacrés en usage dans les Mystères de 
Dionysos, que nous connaissons pour nous les ôtre commu- 
niqués l'un à Taulre >»'. 

A en croire saint Augustin, Varron était plus explicite en- 
core, îl interprétait exclusivement les Mystères d'Eleusis ei 
tant que s'appliquanl aux destinées du blé; tout au moîni 
soutenait-il que beaucoup de détails ne s'y rapportaient 
qu'aux découvertes de ragriculture'. C'est bien là l'inler-j 
prélafion rationaliste des mythes qui faisait partie de la doc-' 
trine stoïcienne. Néanmoins cette cocslatation de Varron est 
une présomption nouvelle qu'il existait k Eleusis un ensei-j 
gnement philosophique plus profond, comme, au reste, dnnsl 
les spéculations de l'orphisme. Autrement les Mystères] 
n'auraient plus d'autre but et d'autre résultat que de démon~J 
Irer leur propre inanité. 

Les stoïciens, tout en regardant les dieux comme autant del 
mcunifeslations divines correspondant aux divers aspects dâ 
la Nature, s'appliquèrent à asseoir la morate sur les néces-i 
sites de la logique plutôt que sur la perspective des sanctions 
posthumes. L'école alexandrine qui leur succéda à Eleusis, 



1) Origène, In Ceis., lib. Vni, ch. 48. 

2) Plutarque, Consot. ad wror., X. 
3] « V&cTo de Eleueiqîis nitiil interpretatur aisi quod attinet ad frumenluTO...' 

Dîcit deinde mulu in mysLeriis Iradi quEenon nisi ad frugum inrenlionem per-j 
tineant », De CivU, Dei, II, 20. 



QnELOUEÏ PnOBLÈMBS RELATIFS AUX MYSTÈRES o'ÉLEL'SIS 29 

ÎDsisIa davantage sur te côté escbatûlogii[ue des Myslères; 
îl est hors de doute que, là comme ailleurs, le& néoplatoni- 
ciens aussi bien que les néo-pytbagoriciens s'efforcèrent de 
concilier l'observation et même la restauralioa des rites tra- 
ditionnels avec les points de vue les plus élevés atteints par 
la philosophie et la morale de leur époque. A eeL effet ils 
n'avaient qu'à marcher dans les voies tracées parTûrphisme. 
£d dehors même des œuvres orphiques de câtle période^ qui 
reflètent les idées et les tendances des Alexandrins^les écrits 
de Porphyre et de Proclus attestent guflisammerii que le 
néo-platonisme était devenu la philosophie des .Mystères. 
Maxime, Eunape, Julien, sans aucun doute Proclus^ étaient 
des initiés d'Eleusis, et la charge d'hiérophante, au m" et au 
IV* siècle de notre ère, fut occupée plus d'une fois par des 
philosophes n^o-plaloniciens*. Jamais peut-être l'accord ne 
fut plus étroit entre la religion et la philosophie. Mais ce fut 
le chant du cygne des Mystères comme du paganisme lui- 
même. 



Apogée et destruction d'Êleusls. 

L'élargissement des horizons intellectuels et religieux 

amené par les conquêtes d'.AJexaudre favorisa dans tout le 

monde grec le développement d'un panthéisme syncrélique, 

qui tendait, d'une pari, à identifier les principales diviuitéa 

de tous les cultes alors connus, d'autre part h faire de ces 

divinités lesagonts, les formes ou les noms d^un Dieu unique, 

véritable âme du monde. Nous avons vu quel'orphisme dont 

Éleuâis était devenue le quartier général, avait donné 

^l'exemple de ce double procédé. Ainsi s'explique la faveur 

, croissante dont jouirent les Mystères d'Eleusis partout où 

I s'implanta la culliire hellénique. Déjà au lendemain de la 

'mort d'Alexandre, quand Ptolémée Solôr,monté surle trûno 

I) Eonipe, VUa Jfcunm., éd. Dîdol, p. 476, Ptiilostrate, Vitx SopMsl., Il, 
20, p. ÎÔ2. 



32 



RïVtrE DE t-HISTOritS ntS RELIfilOXS 



tin, môme après que Gralien et Théodose eurent proDonc 
ta Confiscation des biens des temples et Interdit les cérémo" 
□i&a du culte païen, alors qu'à Rome les sanctuaires de Mi; 
thra étaient saccagés et fermés. 

Cependaal Tissue ne pouvaitôtre douteuse. Les apologislea 
du christianisme avaient bien saisi le côté faible de leur ad- 
versaire, lorsqu'ils eu revenaient sans cesse à l'argumeni 
ainsi formulé par Grégoire de iVaziance : k Ce a^est pas dans 
notre religion qu'une Corè est enlevée, qu'une Démêler va^ 
gabonde, que des Géléos et des Triptolème sont représentés 
avec des serpents etc, » '. Au point de vue pWlosophique et 
moral, les Mystères inculquaient des doctrines peut-être aussij 
élevées que celles du christianisme; ils ne firent ainsi qui 
précipiter leur défaite. M. Jean Réville a toucbé juste, quant 
il a montré que la suprême floraison de la société antiqut 
avait tait surgir un nouvel idéal : » l'héroïsme de la sainteté, 
la régénération, le salut par la pureté du cceur, commea- 
çant dès Ici-bas pour se perpétuer dans un monde supérieur; 
la fraternité universelle, par dessus les distinctions de rau( 
social on de nationalité; la sollicitude pour Les petits ou lei 
opprimés; l'aspiration au progrés et au perfectionuemenl spi- 
rituel; la soif de communion vivante avec les dieus; lecuU< 
des grandes incarnations du divin dans l'histoire o. Mais il 
n'a pas moins raison, quand il démontre qu'ainsi les réforma- 
teurs syncrélistes travaillaient pour l'Évangile'. — Du jou| 
où à Alexandrie, une fraclion des néo-platoniciens passa av( 
armes et bagages dans le camp de l'Église naissante, lacliul 
du paganisme ne fut plus qu'une question d'années. 

Eleusis ne vil point ses Mystères abolis par un décret îm* 
périal ou profanés par ses anciens fidèles. Sa fin fut plus IrsA 
gique. Sous Gallien, un hiérophante d'Eleusis avait détourna 
une invasion des Golhs qui menuçait la ville sainte'. En 396j 
les Goths reparurent en Altique, conduits par Alaric, et le* 

i) Grégoire de Nautiance, Orat,, XXXIX, 4. 

2) Jeaa RÔTÎUe, La ReUijion saus les Sivère, pp. 208 et ss. 

3) Corp. imc. Grxc, n« 401. 



DE QOKLQUBS PAOBLÈHGS RELATIFS AUX MYSTÈRES d'ÉLEUSIS 33 

moines qui avaient acquis assez d'influence sur l'envahisseur 
pour lui faire épargner Athènes, durent lui persuader aisé- 
ment de se dédommager sur le sanctuaire des Bonnes 
Déesses qui fut livré au pillage et à Tincendie'. On a exhumé 
de nos jours, sous les débris calcinés des Propylées, le cadavre 
d'un Goth reconnaissable à son armure, qui avait péri dans 
Técroulement de Tédifice ', — barbare enseveli sous les ruines 
d*un monde. Une fois déjà — après la bataille de Platée, Eleu- 
sis avait été saccagée et brûlée par les barbares. Les Athé- 
niens n'avaient pas tardé à reconstruire le sanctuaire plus 
vaste et plus beau. Après le passage d'Alaric, personne ne 
songea plus à le relever de ses ruines. Mais ses rites ne de- 
vaient pas périr tout entiers. 

GOBLET d'AlVIELLA. 
(A suivre.) 

i) Euaape, VU. Maxim., éd. Dldot, p. 476. 

2) P. LflDormant, Revtte fie l'Architecture. Paris, 1868, p. 14. 




DANS LA RELIGION 3AINA 



!Siillu secle religieuse u'eul à uo aussi liauL degré le res 
pect des ôlres vivants ijue ks Bouddhisles et les Jaïuas. I*ci 
soanen^élail adniis dans l'un ou l'autre de ces ordres s'il 
ne faisait au préalable le sermealde ne pa^ luer. El eo jurant 
ce vceu, le futur moine s'engageait à ne priver de la vie rie 
de ce qui en est doué. 

Plus encore que les Bouddhistes, les Jaïnas restèrent 
fidèles il ce dogme. Bien des anecdotes que l'on altribue sou- 
vent aux premiers se rapportent en réalité aux seconds. Ce 
sont les Jaïnas, par exemple, qui se couvrent le visage d'un 
voile afin d'éviter la mort éventuelle de petits Insectes. 

Mais s'engager à ne Lucr aucun être vivant suppose la con- 
naissance pn^cise de ce qui possède ou non le principe de la 
vie. Aussi à plusieurs reprises les Sltiaviras ou g:raiids 
prôties jaïaas &e sont-ils préoccupés d'Instruire sur ce point 
les adeptes de leur religion, lien résulte que la doctrine des 
êtres vivants est exposée dans plusieurs sùtras. Pourtant, 
sauf quelques divergences de détail, cette doctrine est restée 
identique à elle-même au cours de la tradition. iVous essaye- 
rons d'en indiquer les éléments principaux d'après un des 
plus anciens sûtras, VUttatajjhayawa, et un traité relative- 
ment moderne, le Jivuvi^&ra. 

L'Utlarajjkaf/awa est le premier des quatre Mûlasùlras. A 
ce Ulre il fait parlie du Siddhâuta ou canon des Jaïnas Çve- 
tâmkaras. Il ejjt attribué au sage Suduarman. 



il 



tA DOCTBINE DBS ÈTRE& VIVIMTS DAHS LA RiCLIGIOH JAÏNA 3S 

Sadharman fui l6 cinquième dos onze ga^iadharas (apôLres] 
dcMïliâvtra. Alamorl de celui-ci» versl'aii 526av. J,-C.^ il 
pril la dirticliori (le l'église jaïïia. il jouit d'uue aulùi-ilû cou- 
«Mérable parmi ses coreligionnaires. Dans les pa//dva]ls ou 
listes chronologiques de sages jaiiias, il esl toujours cité 
immédiatcnieuL après Mahâvtra; ou bien il occupe la pre- 
mière pbce si le fondaleur du Jaïuisme u'est pas i^ignalé. Le 
Knljjdsulra (Slhavircival/, § 1) dit de lui qu'il Ht Imslruclion 
religieuse de cinq ceitU i^raiiia;tas ou ascètes'. D'après les 
témoignages concordants du Gurua.vaàsuira* et de la /'atta- 
raCwara/m*, il aurait vécu cent ans et serait mari vingt aos 
après Mahâvîra. 

Cesl au chapitre xxxvi el àaraiar de VUilarajJÂa^ana que 
Sudharmari traite des êtres vivants. Il en établit la classilica- 
ti&n,el. à propos de chacun d'eux, indique le lieu oii ils ba- 
Mteutj la durée de leur existence individuelle (aulA/i) el le 
lemps peniiaul lequel, quelques transformations qu'ils hu- 
biistiiU d*iidleurâf ils persistent sous une miàme forme corpo- 
relle (hijat/tti) '. 

Le Jwaviy^ra fut composé par Çàntisùri, qui rappelle 
wunoin à l'avant-dernicr vers. 

Çâniisùri s'appelait encore ÇântyîicâryaV La plus longue 
uwliwijue nous possédions à son sujet est celle du GwvMvati- 
fli'rjî'. [1 appartenait, y Ilaoûa-nous, à la secle desTliàràpadras 
^M'orlaille surnom de Vàdivetaïa. U écrivit sur VUttunij- 
M'j'HMi un comuculaire daus lequel il se donne comme le 

ilXoIpcuu^'ii, ëilîtion H.JacobI, Ltipcig. 1^9, p, 77. 

■^ In A. Weber, Vcr^w/nmi d. Sanskrit -und h'dkril-Uamiscfu'iflm d. 
{^irC bMiothek zu Ilurtin. 1I« vol., 3* part.» Berlia lii92, p. !^. 

ï!liiA.\V*b«r, /J. id.. p. 1031. 

4| L'trtbirtQJAuydna &élû êdiléàCulfiuUii eu 1880 elIraduiL pur M. II. Jncobi 
' ^lO^ltt Sùr.red Bo-iks af the hatt. vqi. XLV, Oxford, 18D5. — Nous «lesigne- 
■•■•««Iràité parla lelire J7,elaouB n'imliijueroDsque la numéro dce aunces, 
PO'XIu'il est enteadu qu'il s*agil seulement du ch. 36. 

5) A. W«ber, Ver:eichniss, II, 2, Berlin, i>*SS, p. 731 ; H. G. Biiaiidarkar, 
|J^pni on the search for SuiwArîf Uaniucripls Uurinij Utc yûar lS83-t4t Bom- 
|H tHg:, p. 129. 

«ila A. Weber, Ven-oichniis, U, 3, p. 1005. 



36 



REVtlB DE L HISTOIRE DES REXtGIO:«5 



disciple de Sarvadbva el d'ABHWADEV^sÛBi '. Il mourut 
l'an iOSGde l'ère Samïa!,c'esl-à-dire en iOiOap.J.-C. 

Le Jinarî f/Ara esl un court traité on 51 vers. Il cuoiprei 
deux parties. La première (v. i-±o) éoumère et classe U 
êtres vivants. La seconde {v, 26-51 ) traite, en autant de su! 
divisions : 

1' De l'étendue de leur corps {sarira-pamAna); 

f* De ta durée de leur existence individuelle (au) ; 

3" De leur persistance dans leur propre corps [i/iJi sa/ia.i/am- 

4* Du nombre de leurs principes vilaux (/latia pamRtia)^ 
3" De leurs naissances successives {joni pama.nay. 



Les êtres vivants se partagent en deux catégories gén< 
raies : 

I" Les êtres en état de perfection, vîrfrf/^cï, ou de délivrance 
mutta; et 

2" Les êtres en état de transmigration, saxùsm{V.^^^\ 
A 2). 

Êtres ea état de perfection. 

Les êtres en état de perfection, ou Siddhas, sont ceux quj 
jouissent de la béatitude finale et suprême [U. , 67). Us n'oi 
plus à subir de métempsycose; ils sont à jamais délivrés d\ 
« lojrbillon » des existences successives, ^am^ara. Ils soi 
dépourvus de corps matériel {U., 67; /., 48); aussi ne poi 
sèdeul-ils aucun principe vital et n'agisseul-ils pas (X, 48] 
Leur essence est la vie, yiî'ff^^ana(/7., 67}. S'ils ont eu u| 
commencement danà le monde inférieurde la Ira nsmigr-a lion, 

1) H. J^aohi, AasgiW'ihlte Bn-Xlilungen in MihdrdsKlri. LL>ipj:ig,1886,pi, viii 
H, G, Bliiiud-irltar, RcpOFl for f/ISS-S4, p. 129. 

2} L.Q iwavius.ra, qu<^ nous Llisiguecons pir U lettre J., a élé publié à Bom-' 
bay arec une traduction en gujer<iti, d'abord tn 1876, puis en 1885. Nous en 
avons donné uau nouvt^lle èdiUoa, avac trailucllon françaiie, dans le Jour 
cuiadrjue, n" de iiLarS'a.vrU 1002. 



U DOCTBOK DES tttiSS TITAITTS IIA3tS U UUOOS JAÎSA 37 

ilsQ'aDront pas de fin; leur persistance est indéfinie (C. 66 ; 
/., 48). Ce sont les saints, les bieDheareax. les Arfaats. 

Ils habitent an sommet da monde, logaggattum ^C, 64\ 
sur QQe vaste terre, longue de 4500 milliers de yojanas'et 
lai^e d'antant ^r*., 59;. qui a la forme d'nne ombrelle et 
qu'on appelle /^tpràgbhâra {C. oS}. D'après le /iniriyara. 
\«s Siddhas constituent quinze espèces et se dÎTÎsent en Tir- 
thasidhhasetenAUrthasiddbas(/., ±5). Mais, suivant l'Cf/a- 
rajjhai/ana, ils ne comprennent que six classes, à saroir : 
des âmes !<> de femmes, UtM ; i° d'hommes, purha ; 3" d'her- 
maphrodites, napumsaga; 4* d'orthodoxes, saliuga ; 5" d'hé- 
térodoxes, annalinga, et 6° de chefs de famille, gihilmga 
(P.. 50). 

Etres es état de tnmsBigntioa. 

Les êtres en état de transmigration Tivent ici-bas dans le 
monde de la douleur sans cesse renaissante. Ils meurent et 
revienneut à l'existence, tantôt dans leur propre corps, tan- 
tôt dans un corps différent, pendant un temps variable, jus- 
^'à ce que lears œnvres pies leur permettent enfin l'accès 
de la terre de délices où ils trouveront la délivrance et Tapai- 
semeat. 

Ils sont ou inanimés, Marora, ou animés, tctsa {U,, 69; 

ÊTRES INANIMÉS 

Par êtres inanimés il faut entendre ceux qui n'ont pas en 
etu-mèmes le principe de leur mouvement. 
VUttaraJjhat/ana les divise en trois groupes : 
1" Les êtres terreux, pudhavi-Jiva ; 
2* Les êtres aqueux, au-fiva, et 
3' Les plantes, vaQassai{U., 70). 
A ces trois catégories, le Jivavij/Bra ajoute : 
Lefeu,7a/ana, 

1^1) Ua yojaoa est la distance de 8 & 9 milles anglais. 



38 



KKtVZ DE L niSTOlRK DES RELlGlOKS 



Elle Tent, tmtiJ,. t). 
que VlJUarojjhayana range parmi les êtres aminés (P., lOS]* ^ 

Nous suivrons do préfi^rence la classifîcalion du J'waviifara^^ 
et nous parlerons ^uccessiTemenl des êtres lerrcux, des èlrû^^ 
aqueux, du feu. du vent et des plantes. 

Terrr:. — Les Êtres terrt^ux sont de deux sodés: 
Hi/arrt, ou subslilâ, su/ntma ff/., 71 ; /., ;i-4 et 14). 

Les GHOsMreslerroux.^ leur tour, — mais d'après Ti 
rajjhat/ann seulement, car \'^ J'waviysirn irélablit pas col 
nouvelle dislincliou — sont rugueux, kkara, ou lisses, sanh^ 
{V.. 72). 

Les espèces mt/uemes sont au nombre de 36 et comprei 
n*?nt entre autres: les sables, les gravier?, les rochers» h 
pierres ; les métaux ; les pierres précieuses : les sels ; l'argH 
ou terre commune, etc. [U,, 74-77;y., 3-4). 

louant aux espèces lisses^ on en compte sept qui sont conî 
liluécspar les poussières de diverses couleurs {f/,, 73). 

Sous quelque aspect qu'ils se présentent, les gros êtrt 
lerreux se rencontrent dans une partie du monde seuli 
ment, Inga'dexe {U., 79). Ils sont d'une étendue infinitési- 
male qui ne dépasse pas a une fraction incalculable d'un 
angula ou doigt », a\\gttla-mavùkha~bh-Aga (/., 27). La duré^ 
la plus longue de leur existence individuelle (aw) est d 
22.000 ans ( î/., 81 ; /. , 3i) et la plus courte est d'un mubrtrti 
c'est-à-dire d'un instant [U.^ 81). Us persistent dans let 
propre corps ([A/'O pendant « un temps incalculable» a^fatnkht 
knfa (fJ., 82), que ne saurait mesurer un nombre déterminj 
d'avasarpinis et d'utsarpÎTîîs' (/,, 40). Toutefois» durant cet! 
succession indéfinie, ils ne sont pas sans subir des transfoi 
mations variées; ils meurent et renaissent 700.000 fo9 
{J.y 45). Enfin, parmi les dix principes vitaux admis dans 



1) [.es tenues avasarpini et utsarpim désîgaenl. l'un la période de décroii 
sance, rstilre la période de croissance du monde', leur ensemble cODBtitne a^ 
yuga ou •■ âge da monde n. 



U tM)r.Tni\E DBS ÊTRES VIVANTS DANS Î,A BELTCIOtf JAÏNA 39 

docïrine jaina, quatre suffisent k assurer leur existence 
(•/., 42). D'après Ratna, un commentateur àaJirnvii/fira qui 
vivait îi la tin du xvi' siècle, ces quatre principes vîlauxsont : 
l' le corps raaiériel, ^ayrr; 2" la durée temporelle, ai/usl 
3" l'air respiratoire, Hcc/tvasa; et 4*16 sens du loucher, spar- 
çona. 

LesÔtres ferreux subtils ne comportent pas de subdivi- 
sion : ils sont tous de la même espèce {U., 78) et consistent 
«n des particules infiniment peEiles, invisibles, addissa 
(•/. ,14), répandues dans tout runivers,.ï(/t'i"(7-/(y'/yfrmm/(t/.. 79; 
«'•f f4) et dont la durée n'excède pas un iiiuhûrta, antamu- 
ftumu{J.^ 14 et 38). 

Eav. — l.es élres aqueux offrent la mftme sulidivïsion 
lelesMres terreux: ils sont ou gros ou subtils {U., 85; 
,5el li). 

Les GROS, d'après VUllâraJJhaf/nna, ne seraient que de 

I^ÏDq sortes : l'eau pure, les exsudations, la rosée, le brouillard 

^t la neipe (f., 86). Le Jh'aiiy^ra signale un plus grand 

Nombre de variétés. II distingue d'abord l'eau de l'océan, 

^'"feau lerreslre et l'eau almosphérique; on outre, comme es- 

'■^cesde cette dernière, il cite la gelée blanche, la neige, la 

■'•*le, la rosée, le brouillard et les nuages {/., 5). 

Ces êtres aqueux de grande dimension possèdent les mAmes 

^^^ractères que les gros êtres terreux {V,, 87, S9 et 90; .A, 

-"7,W, 45 et 42); toutefois la durée la plus longue de leur 

existence individuelle est de 7.000 ans et non de 22.000 

(0.,89;7.,34). 

De leur côté, les êtres aqueux sriints ne différent âbsn- 
^t^menl en rien, quant aux caractères, des particules 1er- 
^eii«es(£i',87;7., 14 et 38). 

Fùu. — Comme les précédents, les êtres ignés sont de 
dm sortes : gros ou subtils {f/., 109; 7., 6 et 14). 
Le» premiers comprennent d'une part : le feu. In llamme, 



10 



nEVDE DE L niSTOthE DES DEUaiONS 



le charbon, les cendres ardenles, etc.; et d'aulre pari : les 
météores, la foudre, l'éclair, elc.(f/., llOet 111; /., 6). 

Sauf leur exislence individuelle, qui est, au maximum, de 
irois jours enliers, ahoratta (U., 114; /,, 34), leurs carac- 
tères sont identiques à ceuv des èlres Icrrcux et aqueux 
(U., tl2, ll4et 115:7., 27, iO. 45 et 42]. 

U n'en est pas aulremenl des êlres ignéa subtils, comparés 
aux parliculcs vivantes delà lerreetdes eaux (P., 112 ; y., U 
et 38). 

Vent. — Les êtres venteux se prêtent ?i la même classifi- 
cation que les ètre^ dout il a été traité jusqu'ici; ils on rap- 
pellent aussi les caractères (i7., 118, 130. i'2\, 153 et 124;/., 
7^ 14,27, 118, 40, 42 et 45), Une seule exception s'applique 
aux grosses espèces dont l'existence individuelle ne dépasse 
pas 3000 ans (f/,, 123; 7., 34). Ces grosses espèces sont : le 
soufile respiratoire, le vent ordinaire, les tents légers et les 
vents violents tels que la bise, les tourbillons, les rafales, les 
bourrasques et le samvartaka qui cause la destruction pé- 
riodique dmnonde(f/., 119 el 120; X, 7). 

Plantes. — Les plantes, comme tous les autres êtres ina- 
nimés, sont grosses ou subtiles (f/., 93; /.^ 8 el 14). 

Les GROSSES se subdivisent en : 

l* Plantes à corps commun, ^a^arana; 

2" Plantes à corps spécial, /Jûï/e//a {{/., 94; ./., 8). 

On appelle plantes à corps commun celles qui, dans chaque 
groupe respectif, n'ont qu'un seul corps pour elles toutes 
(7., 8), Elles sont en quantité innombrable (/., 8). Les prin- 
cipales d'entre elles sont : les lichens, les mousses, les cryp- 
togames, les légumes, les plantes médicinales, lesdilTérentes 
sortes de gingembre et toutes les plantes à fruits tendras 
(P., 97-100;/., 9-11). 

On les reconnaît à trois caractères particuliers : 
, Elles donnent à la coupe une surface égale et unie, c 



LA OOCrnifJE DES ÈTRBS VrVAIÏIS DâNS LA HEltGlON JAÏNA H 

les nervures et les nœuds de leurs différentes parties sont io* 
risibles; 

2* Elles ne laissent pas ôcouler d'exsudations résineuses; 

3" Elles se reproduisent par boutures (/,, 12). 

Constale-t-oti des caractfefcs opposés à ceux que nous ve- 
nous de rappeler, on esl alors en présence depffinieji <t rorps 
xpécial {J., 12), c'esl-à-dire dont chacune consfilue un Être 
vivant particulier (X, 13}. 

Ces plantes, telles que les énumère V [J/farnî/har/ana^ sont 
les suivantes : les arbres, leâ arbustes, les arbrisseaux, les 
Uauês, les plantes rampantes, les graminées, le» palmiers, 
les plantes h lige noueuse^ les champignons, les planles 
aquatiques, les plantes annuelles et les herbes [U,, 90). 

A quelque catégorie qu'elles appartiennent, les grosses 

plantes se trouvent dans une seule partie de l'univers, et non 

p&rtotil (t^., loi). Les plantes h corps commun, pareilles 

•iu\ èlves inanimés dont il a été précédemment question, ont 

une étendue infînitésimale (./,, ^7), mais les plantes à corps 

spécial mesurent plus de mille yojaaas [/,, 27). Les unes et 

les autres vivent, d'une existence individuelle, 10.000 ans au 

plus, et au moins le durée d'un muhùrta (C/., IQIi; ./., 34 et 

^^). Eiles persistent dans leur propre corps pendant un temps 

'icommensurabie [f/., 104; ./., 40); cependant les planles ?l 

*^ûrps commun ne comptent que 140.000 naissances succes- 

''*es, et les plantes à corps spécial meurent et reviennent h 

*^lre un million de fois seulement {J., 46). Enfin les grosses 

plantes, quelle qu'en soit l'espèce, sont douées des quatre 

I"''ncipes vitaux nécessaires et suffisants h assurer l'exis- 

'"fïCe de tout être inanimé {J.. 42). 

Quant aux plantes siîhtiles, elles n'ont pas <i nous retenir. 

Icsg ressemblent, abstraction faite de la difTérence de na- 

i**c, à toutes les autres particules vivantes {U.^ 101 ; ./., 14 



12 



RBVTE DB L^BISTOlftE DES BSLEfilOHS 



ÊTRE*! \NniilÉS 




4 



Les êtres animés sont capables de se mouvoir cax-mêmes 
et sont pourvus d'un corps organique, orala [D,, 127). 

Ils se dîvisenl en qualre classes, suivant qu'ils possè- 
dent deux, trois, quatre ou cinq organes senBorieU (f/,, 
127). 

Êtres poTtrptis de deux sens, — Les êtres pourvus de deuj 
sens, bc/ndh/a, comprennenL d'une façon générale : les con- 
ques, les coquillages, les vers et les larves des insectes {U^^ 
129-131; J., 1o). " 

Ils vivent dans une partie du monde seulement {^., iSlj^et 
représentent par l'étendue de leur corps la longueur de 
douze yojaT]as{/., 28). La durée la plus longue de leur exis- 
tence est de douze ans (f/,, 133; 7., 35) et la plus courte 
d'un muhûrta (Î7., 133). En ce qui concerne le temps pen- 
dant lequel ils persistent dans leur propre corps, aucun deaH 
deux traités ne l'indique d'une façon précise; toutefois il 
s'agit d'un o temps mesurable » f^avakhijja-k^ia {V., 134 ; /., 
41). Ilsraeurent et renaissent 200.000 fois(/., 46). Enfin il 
possèdent six principes vitaux (/., 42) qui sont, d'après \{ 
commentaire de Raina sur le JiravTi/iira, d'abord les qualrç 
principes dont sont doués déjà les êtres inanimés* plus U 
voix, j'ac» et Torf-ane du goùl, rasand. 

Elres pourvus de troix xcns. — Les petits insectes de toul 
ordre constituent les ôtres doués de trois organes sensoriels, 
teindit/a. Nous citerons entre autres : les fourmis, les arai-^B 
gnées, les puces, les punaises, les poux, les blattes, les téné-™ 
briûus, les cochenilles, et un petit animal appelé kunthu^ 
célèbre dans la tradition jaioa* [U., 138-140i/., 16 et 17). 



1) Le Kalpas\itTa [.Jinacaritrajâ 132), p. 65 de YH. H. Jaoobî, dit de ce petit 
insecte que • quand il reslfl en repos et ne se meuL pas, il n'est pas aisément 
aperçu par les uoineii et les nonnes qui n'uni pas encore alteinl l'éLaL de per- 
fecUon ; ci?u.x-ci Le voient facii«menl, au contraire, quand i] se meut et ne resLe 
p&s ÈD re^ios • . 



U DOCTRirre DBi; ÊTRES VIVANTS DAKS LA RBLmiON JAÏN4 43 

Ces filres ont les mêmes caraclèrea que ceux pourvus de 
deux sens relativement au lieu qu'ils babitent {U,. 140), à la 
(lurée mtrîÊmum de leur existence individuelle (U., 142), au 
leinp? pendant lequel ils persistent dans leur forme corporelle 
(t7.^ 143; J., 41) et au uombre de leurs naissances succes- 
*>Ve8 {y., 46). D'un autre côlé, Télendue de leur corps me- 
sure trois gavyillis, c'est-à-dire un yojanaet demi (/., 28); la 
'*ïilite exirfime de leur existence individuelle est de 4!) jours 
( t^., i\t;J., 33), et enïin ils possèdent naturellement un 
^**09 de plus (J., i±), h savoir l'odorat, ghr^wa, que les ani- 
<ïlaux doués de deux organes sensoriels. 

Êtres povn:us de quatre sens. — Ces êtres sont représentés 
par les insectes de grande dimension, tels que les abeilles^ 
les guipes, les scorpions, les sauterelles, les taons, les grillons, 
les moucbes et les moustiques (^., 147-150; </., 18). 

Mur corps couvre une étendue d'un yojanaseulemenl(J., 
18); leur existence indiviiluelle ne dépasse pas six mois {U.^ 
152; J., 3a), et le quatrième organe sensoriel qu'ils posaè- 
denl est l'œilf ra/'su.v, ce qui porte <i huit le nombre de leurs 
principes vitaux {7"., 42). 

Par leurs autres caractères, ils sont identiques aux i^tres 
JÏesdeux calégories précédeotcs {U., 150, 152 et 153; J-, 
41 et ¥i). 

Ètrea jyiUTJMts de cinq sens, — Nous abordons maintenant 
la description des ôlres supérieurs, ceux qui sont pourvus 
de cinq sens, /?ûnrtn<////(ï. 
Ces êtres sont de quaire sortes : 
!"Le8 habitants de l'enfer, neraiya; 
2" Les animaux, tirihhha ; 
3'^ Les hommes, matitti/a, et 
■l" Les dieux, deva [U., 156; 7., 10). 
A quelque classe qu'ils appartiennent, trois caractères leur 
sODt communs. 

D'abord Ils habitent dans une seule partie du monde, et 

non dans tout l'univers (f/., 159,174, 182, 188, 197 et 2t0). 

En second lieu ils possèdent neuf ou dix principes vitaux, 



ii 



REVUE DE L BI6T0IHE DK5 REUGCOrTS 



suivant qu'ils sont ou non doués de conscience (/., 43). Les 
ôlres inconscients, assanni, ont l'organe de l'ouïe, çrotra^ 
qui constitue d'ailleurs la marque distïnctive de tous les êtres 
pourvus de cinq sens; les êtres conscients, .vanni, oui de plus 
la pensée, mitnm. 

Ënlin, jamais ils ne renaissent sous la même forme; car 
le temps pendant lequel ils persistent dans leur propre corps 
est précisément égal à U durée de leur existence individuelle 
[V., 168, t77, IS5-I86, niI-192, 200-201 et 2ii). 

Il itous reste à parler en particulier de chacune des quatre 
classes d'êtres supérieurs. 

Habitants de l'enfer. — Comme l'enfer jaïna se divise en 
sept régions, les Gtres qui y séjournent forment sept catégo- 
ries {./., 1!)). Les noms en sont les suivanis : 

i'LestiayanâbhasirlesSakkarâlitïas: SMes Vàluyâbhas , 
4' tes Pankabhas; 5" les Dhùmabhas;G° les Tamas et 7* les 
Tamalamas (£/■., 157-158). 

L'étendue de leur corps s'exprime en dhanuset fractions 
de dhanus (hastas et ari^ula3)\ [£lle est, pour chuquc caté- 
gorie, deux fois plus considérable que pour la catégorie im- 
médialenient précédente (/., 29). Ainsi les RayanAbhas me- 
surent 7 dliauus, 3 tiaslas, 6 angulas. En doublant successi- 
vement, on obtient pour les classes suivantes : 15 dhanus, 
ihastas, 12 a;zgulas; '.]\ dhanus, 1 hasta; (32 dhanus, 2 bas- 
tas; 125 dhanus; 250 dhanus ; et enfin 500 dhanus pour les 
Tamatamas. 

Les habitants de Tenfer meurent et reviennent à l'fetre 
chacun 400.000 fois (/., 47). La durée la plus longue et la 
durée la plus courte de leur vie so[>t respectivement {£/.,! 61- 
167) : 



1) Un iJbanu vaut quuLre b&aUs et ud basta représente24 cngulaa ou lioigls. 



DOCTRINE DES ÊTRI 



ÎTS 



RELIGION JUNA 45 



dans la i'" région de l'enfer : de Isfkgaropama' et de 10,000 ans; 



: de 3 

:de7 

:detO 

:del7 

:de22 

:de33 



el de 1 sâgaropama; 
el de 3 - ; 
et de 7 — ; 

et de 10 — ; 
et de 17 — ; 
et de 22 — 



Animaux. — Les animaux sonl de Irois sortes ; 

t" AfjualiqupSj jakifjara ; 

2" Terrestres, Ihatai/ara ; et 

3- Aériens, khayara [U., \ 72 ; .A , 20). 

Usnaîsseal: 

Les uns, d'une matrice, (fuhbhaifa ; 

Les autres, par génération équivoque, saxamucchma^^Çihi- 
à-dire sans l'inlerventÈon d'un père ni d'une mère {U.., 171 \ 
J., 23). 

Tous les animaux sont semblables sous deux rappoiis. 

D'une part le nombre de leurs naissances successives est 
de 400.000 pour chacun d'eux {J,, 46). 

D'autre part la durée la plus courte de leur existence ne 
dépasse pas un muhûrta {U., 176, 184 et 190; /., 38). 

Les autres caractères qu'ils présentent varient avec chaque 
e^>ftce. 

Animaux aquatrquea. — Les animaux aquatiques com- 
prennent cinq variétés : 

r Les marâouins du Gange; 2" les poissons en général; 
3" les tortues; îMes requins et 5' les dauphins [U., 173; /., 
20). 

lis vivent, au maximum, dix millions de piirvas* {U., 176; 
\J,^ 37). Ceux qui nuissent d'une matrice mesureul mille yo- 
(janas(J., 30); quant k ceux qui sont produits par généra- 
lioti équivoque, ni V Uitaraj Ihai/ana^ ni le J'ivavii/ara n'in- 
diquent quelle est l'étendue de leur corps. 



1) Ua s&garopamii raut 1.000.000,000.000.000.000 d'années. 

2) Ua p&rra est un miUioii d'annésK. 



46 



BEVCB DE L HISTOIRE DES REUGIONS 



Animaux (erreslres. — Les quadrupèdes, cauppat/a^ et les 
ivptileg, jjarUappa, coQsLiLuenL les deux classes des ani- 
maux qui vivent sur la lerre {U., 179; /., 2\). 

Les quadrupèdes $e subdivisent eu quatre espèces : 

I ' Les unionguiés^ tols que les chevaux ; 

"l" Lgs btongulés,dout les vacher sonL pour aîusi dire le 
type; 

3" Les rauUiongulés, comme les âléphanU ; et 

4° Ceux dont les doigts sout pourvus de griffes, le^ lions 
parexem|de(i/^., 180). 

Tous los quadrupèdes ont une durée de trois palyopamas' 
[J., yfi); mais Téleudue de leur corpa est dïBérenle suivaal 
qu'ils naissent par géaéralioti équivoque un d'une matrice; 
elle esld'uagavyùli chez les premiers (J"., ^1) et de six ga- 
vyûtiij ou lroi& yojanas chez les seconds (7.^ 3:2}. 

Les reptiles forment deux catégories : 

Les ophidiens, Mra^rfma/7/jia, c'est-à-dire les serpents; el 

Les sauriens, hkuyaparisappa^ tels que les lézards (£7., 
181 iJ., 2i), 

Les uns el les autres ne vivent pas au delà de dix mil- 
lions de piirvas {J.^ û7). Quand ils sont nés par généraliou 
équivoque, ils couvrent l'espace d'un yojana {/., 31); si» 
au contraire, Us sont issus d'une matrice, les serpents ont 
une étendue de mille yojanas et les sauriens mesurent un 
gavyûti seulement (/., 30). 

Animauj; aériens . — Les oiseaux comprennent, d'une part, 
doux espèces communes et bien connues, /;ayadi2 (/., tt) : 

I" Ceux qui ont les ailes faitesdeplumes,rowiffyfl-;:>Oit//jî, et 

â"Geux qui ont les ailes membraneuses, minmaya-palikhi ; 
et, d'autre part, deux espèces plus rares qui vivent « en de- 
hors du monde des bumains » jima-Iot/ao Aa/iï'm (J., 22), 
savoir : 

1° Ceux qui ont les ailes en forme de botte ronde, samug- 
f/a piiM/i'c, et 

1} Un palfopima. Tant un mUlion de pArras, c'e8t*â-dire l.OOO.OOO.OOO.OOO 
d'anoÉes. 



L& DOCTBINE DES ÊTRES VIVANTS OASS LA KSLIGIOJH JAÏKA 47 

2° Ceux qui se reposenlsur leurs ailes déployées, vii/aya- 

Qu'ils naisseat d'uno maîrice ou bien par généralion 
équivoque, les animaux aériens onl une étendue d'uu dliauu 
[J., 30 et 31 )j et la plus longue durée de leur existcaec con- 
siste en » une fraction incEiJculabie d'un palyopama » 
asamkha-bfiAffO palii/asaa [U., 190 j J"., 37). 

Hommes. — LesJiorames se parlagenl en trois groupes : 
1' H y a d'abord ceux qui satisfont aux prescriptions reli- 
gieuses el vivent sur les terrus du Karœu, knmma-maJtiija 
(//., I9S; y., 23). Us se âubdiviseni en quinze espèces [Ù., 

-" A cette promlère cutégurie ^'opposent les hommes qui 
mï'nenl une existence impie, demeurent daus les régions de 
l'Atiarma, akamma-mahhja {U.^ 195jy., 23) et dont les es- 
pèces sont au nombre de trente [U., 196); 

3" Enfin les lïabitanls des sept îles inférieures^ situées aux 
extrémités de rifimâlaya, antamd\va[U.y 195; 7., :â3),cons- 
litueutvingl-iiLiil espèces suivant VUUaraJjkaijaQd (19ïi) et 
cinquante-six d'après le commentaire du Jkutriyara, 

Tous les hommes, sans distiucLiou de catégorie^ mesurent 
trois kroças^par l'étendue de leur corps [J,, 3^), ils meu- 
rent el renaissent l.-iOO.OHO fois (J., 47}. La plus longue 
durée de leur existence est de trois palyopamas {U., 199; 
J., 3ti) el la plus courte d'un muliûrta {U.^ 109; 7., 38). 

Dieux. -^ Les Jaiuus diâlinguenl quatre espèces do dieux : 

1" les Bhavanavùsis ; 
^ tes VAiiumaotaras; 
3* Itis Joisiyaa; 
et 4" les Veinàîiiyus {(/., 2CU ; /., 24). 

1. — La plus longue durée des Bliuvanavàsis est un peu 
âupérieure à un sâgaropama; la plus courte est de dix mille 



1) tJn kroii& eel laauftrt d'ua f^fuia. 



48 



RSVire DE L HISTOIRE DlilS tlEUGTONS 



ans {£/., 218J. Ils se divisent eu dix classes qai sont : 1" les 
Asurakcimâras; 2" les Nâgakumàras ; 3" les Suva^i/iakumâras ; 
4* les Vijjukumâras; 5" les Aggikutnâras; fi' les Dîvakumàriis ; 
V les Odahikumàras; 8" les Disakumàras; 9" les Vâyakumâ- 
ras, et 10» les Cihaciiyakuinàras (f/., 205). 

II. — Les Và«amantaras, qui i^ivenl au plus un palyopama 
et au moins dix mitîe an8(f/, , 219), forment huit classes, 
savoir : \° les Pisâyas: 2" les Bhùyas; 3* les Jakkhas ; 
4" les Rakkhasas; 5" les Kinnaras; fi" les Klmpurisas; 7** \&s 
Mahora^as, et 8" les Gandbavvas [U., 206). 

III. — Les Joisiyas comprennent : 1* les lunes, canda; 
2° les soleils, mra-, 3" les constellations, nakkhatta\ 4* les 
planètes, ffûka, et 5" les étoiles fixes, /araff., 207). Ces cinq 
espèces de dieux oat une existence maximum d'un palyopa- 
m a plus 100.000 ans, el une existence minimum égale à la 
huitième partie d'un palyopama (£/., 220). 

IV. — Les Vemàttiyas se subdivisent en Rappovagas el en 
Kappâîyas{^., 208), 

1 . Les kappovagas seul de douze sortes : 

1^ les Soha.caiaas qui Tivent su plu» 3 sigaropuinu et au moms l patyopsiDa 

— D |H pis it L pal- 

— i aA^ropam. 

— Il f fiai a» s =4^1 

— 1 ÙgUYipStD. 

— 10 — 



2» 1m IsAjt&s 


_ 


»* 


mfilu '• 2 sAtf 


3* le» SanAnkuuiSras 


— 


1 sâgaropaoïss 


i* les lUAhludas 


— 


a 


|M|lul»7 sA^ 


5° leB Baoïbbalogaâ 


— 


14 


ïftgaropBiuas 


$■ les Ladlvg&e 


— 


li 


— 


1* lei HAbÂsukluE 


— 


n 


— 


%• lee S&baBE&r&s 


— 


18 





ï* lei A^ayas 


— 


19 


— 


lO"* ka Pfln&jaa 


— 


SO 


— 


U" les Àranas 


— 


21 


— 


12* lu Accnyu 


— 


2£ 


— 


{V, dlt»-âlO et 22l-23â) 









2. A leur leur, les Kappâlyas se partagent en deux grou- 
pes; les Gevijjas el les Anultaras [V., 21 1). 

a. — Il y a neuf espèces de Gevijjas, dont la classification, 
telle que la donne V [fitarajjàai/aaa, semble au moios étrange. 
Ce sont en effet : 



LA DC>CTRLVB DJÎS ÊTRES VIVANTS DiNS LA RÏLlGlOM JAÏNA 49 

les iafârieurs i 

les iitlerraëdiaîres ? desiaférieurs; 

les supérieurs \ 

les inférieurs \ 

les inlermédiïires [ des intermédiaires ; 

les supérieurs î 

les inférieurs \ 

Iqs inlerm^disiires > des supérieurs. 

les Supérieurs ) 
{U., 212-214), 

l)'après Raina, le cotmoentateur du Twavîy^ra^ ces dieux 
porïent les uoms suivanLs : 1" les Sudatasa/ms; 2" lus Suppa- 
chuddhas ; 3" les MaMoramas; 4" les Savvabbaddas ! y les 
Suvisâlas; fi* les Somanasas; 7' tes Soinâ«asas; 8" les Pli- 
karas, et 9^ les Nandikaras. 

La durée la plus longue et la durée la plus courte de leur 
existeuce sont rcspecLivement pour chacun d^cux : 
1* de 23 sâgaropamas et de 22 sâgaropamaa 



2" — 24 


— 


— 


23 


3' -25 


— 


— 


24 


4^ — 26 


— 


— 


25 


5" -27 


— 


— 


26 


C- — 28 


— 


— 


27 


7- — 29 


, — 


- 


28 


8" —30 


-^ 


. — 


29 


0" — 31 


— 


— 


30 


(ff., 233-2 il), 







b. — Enfin les Arautlaras se partagent en ; I" Vijayas; 
2* Vejayantas; 3° Jayantas; i" Aparâjiyas et 5° Savvalhas 
(£/., £14-215). L'existence des quatre premières espèces ne 
dépasse pa^ 33 sâgaropaoïas et n'est pas infC'rîeure à 3i sa- 
garopamas [II., t\±). Chez les Savvatihas, il n'y a pas de 
dltTéretice entre la durée la plus lungue et la durée la plus 
courte de la vie : celle-ci est toujours de 33 sàgaropamas 

Pareih au\ habitants de l'enfer, et quelle que soît leur 
claire, les dieux comptent iOrj.OOO naissances successives 



so 



>Enn OK LBISTOIRB DS5 REUClOirS 



Quanta l'élendoe delear corps elle e&l variable sajranl les 
espèces. ElJe est de sept hasias pour les Bbâva/iaTâsis, les 
VAnomanlaras, les JoJaiyaâ el les deux premiers groupes des 
VemÂniyas Kappora^as, c'est-à-dire les Sohammas et les 
Isânas (/., 33). Elle dimiDoe ensuite progressivement. Les 
Sjjnankumâras et les Mâhindas mesurent six haslas; les 
Bamlihalogas et les Lanla^as. cinq; les MahAsukkas et les 
Saha^^sâras, quatre ; el les Kapporagas des dernières classes, 
troU baittas. De leur c&té, les Gevijjas ont une étendue de 
deux haitas, et enfin le^ A/iuttaras d'un hasla setilemenl 
(A, 3:1). 

iNous avoDâ énumëré les différenles espèces d'Êtres que 
Ie«Jaïnas considéraient comme vivants. A part les dieux et 
les habitants des enfers, imaginations communes à toutes les 
doctrint-s religieuses, il ne s'agit rien moins que delà nature 
tout entière dans ses manifestations variées, depuis la pous- 
sifere infime jusqu'à l'homme, en passant par l'inseclele plus 
humilie el l'anioiai au corps le plus développé. On comprend 
dès loris à quelles dîflicullés presque insurmontables les 
exposait le vœu qu'ils juraient de ne raellre à mort rien de 
ceqtji vil. 

A. GUÉRIKOT. 



DE L'EMPLOI DU MOT « CIIAMANISME » 

V La terminologie de la science des religions yst encore si 

m peu fixée, les notions dont elle Iraite sont lellement coni' 

plexes et leur étude si peu débrouillée qu'il est nécessaire 

de n'employer cliaque mot destiné à df^slgnerun ensemble 

de coutumes el de croyances qu'en lui donnant le sens le 

Iplus esact possible. Du temps od la science des religions ne 
s'était point encore aflranchie de l'histoire en général nous 
sont restés un certain nombre de ces termes fort vagues et 
qui s'appliquent à tout ce qu'on veut... ou même à rien du 
lûut; d'autres ont été créés par les voyageurs, adoptés 
ensuite &Aas r^tlexion par les dilettantes de l'ethnopsycho- 
logie et employés aussi à tort et à tiavers. Parmi ces mots 
va^eâ, l'un des plus dangereux est celui de Chamanmne. 

On lui voit couramment donné, même dans des publica- 
Uoos spéciales, te sens de « forme religieuse » d'un certain 
genre. C*esl ainsi qu'on parle du chamanisme des popula- 
Uons de Sibérie, des nègres d'Afrique, des Amérindes de 
l'Amérique du iNord, du Centre et du Sud, etc. Et rôcem- 
fflenlM. L. Feer l'appliquait aux Assyriens'. 

Or, c'est là un étrange abus de langage : il ne peut pas 
plus y avoir de croyances cbamanisles que de culte cbaraa- 
lisle, donc de religion chamaniste, pour cette simple raison 
1116 ce mot ne désigne pas un ensemble de croyances, se 
"litiifestant par un ensemble de coutumes, mais aflîrme seu- 
'"^Eeot l'existence d'une certaine sorte d'hommes jouant un 

I) a. fl. a., 1902, fi' de juillel-aoùl, p. l-il, d'après la Kei>ue Critique du 
14 Juillet, MAnifl défaut de préciBÎon ebez M. Siero&iewsbi, H. H. h., 1902» 
Q* da Mpt.-oct., pp. 206-6. 



S2 



REVDE DE L HISTOIRE DtS REUG10NS 



rôle religieux el social. Oserail-on parler de la religion mrciê- 
resque (qu'on me pardonne le mot) du moyen âge en France 
ou dLwne Zitiiherer-religion en Allemagne? V.n se servant du 
substantif ckamtmmne et des adjectifs chamanute, ckama- 
nique, un a accepté des termes forgés par les explorateurs en 
Sibérie des xvm" ot xix" siècles qui, dénués presque tous de 
connaissances d'ethnographie et d'elhnopsychologie géné- 
rales ont cru trouver on ces pays une forme spéciale, carac- 
li^rîsliqne, de croyances et de pratiques religieuses. Puis le 
mot a eu du succès auprès du grand public ignorant et en 
mémo temps amateur d'exotisme euphonique. 

On croyait par là opposer ia religion confuse, parce que 
non lixée en des livres sacrés, des Sibériens à l'islamisnie, 
au Bouddhisme, au Christianisme, qui arrivaient du Sud el 
de rOuesl, religions à ce qu'il semblait uniquement caracté- 
risées par uu ensemble de dogmes écrits. 

Or, dès qu'on a quelque connaissance des croyances el 
coutumes, non plus sciileuieiit des Sibériens, mais des demî- 
civilisés de toutes les régions du globe, ou sait qu'elles sont 
à peu près partout les mômes, que les Sibériens ne consti- 
tuent nullement une exception et que par suite il est mutile de 
leur emprunter un mol, de le détourner de son sens étymolo- 
gique et deTappliquerenfin ailleurs alors que d'autres termes 
existent, plus précis, plus compréhensifs et plus logiques. 

« Chamanisme » vient de chamane (êaman) mol qui n'est 
employé que parlesTougouses.IesBouriates et les Yakoutes, 
et est proprement tongouse, les Bouriates {comme les 
Mongols leurs frères) ayant déjà ho pour les hon:imes et 
outygan pour les femmes; les Yakoutes ont oïown, les 
Turcs altaïons /cama, les ^amoyhdes tadi&eïj les Kirghizes 
bakcln{bukh)^iiic^, etc. C'est donc le mol tongouse qui a eu la 
fortune de passer dans le vocabulaire ethnologique ; pour 
désigner l'ensemble de pratiques propres au chamane, les 
i;usses ont emprunté au turc altaïeale moK kama pour forger 
hamlanie; et nous-mêmes n'avons pas de terme unique cor- 
respondant. 



DE L EMPLOI DD MOT « CBAMArnSMB " 



53 



Le cliamane, on le sait, est un sorcier qui ne se distingue 
en neii.essenliellemeni, deshommes-on^decîne amérindiens, 
DfegTés, malais, etc. De sorte que le mol dérivé; chama- 
nisme signifie... quoi donc?Ou'oii -"idore les sorciers et qu'oa 
leur rend un culte '? Cela est impossible car le sorcier n'est 
ni un esprit ni un dieu. Peut-être, qu'on croît aux sorciers et 
qu'on les regarde comme dou^s de pouvoirs spéciaux, ma- 
giques, surnalurels? Maïs le fait d'avoirdes sorciers, de croire 
en leur puissance supérieure est un fait, socio-religieux sans 
doute, mais qui ne suffit pas à constituer une refiyion ; les Si- 
bériens ne sont passeulsii posséderdes individus dont le rôle 
est de servir d'inlermédiaires entre les divinitésel les hommes 
ordinaires; et cependant on ne qualifiera pas le catholicisme 
de prêtrisme, le prolestantisme de pasteurisme, le boud- 
dhis^me de àonzisme. On parle il est vrai do lamaïsme mais 
ce mol est aussi impropre à. désigner une aforaie religieuse» 
que le mot de cliamanisme. 

Quel est le rôle du chamane dans les sociétés sibériennes? 
On a recours ^lui toutes les fois que lei^ puissances surnatu- 
relles vont pour faire du mal ou font en effet du mal aux 
geos du commun, c'esl-i-dire à ceux qui ne sont pas revêtus 
d'une puissance suffisaDte pourluttercontre elles, La maladie 
étant causée par un esprit nuisible, on appelle le chamane 
pour qu'il rende cet esprit incffensiT; de même, au momen, 
de la naissance, de la puberté, du mariage, des meiistruest 
de l'accouchement, elc, Thomme ou la femme ordinaires se 
trouvent dans un état de faiblesse plus grande par rapport 
aux divers esprits et aux diverses puissances: le chamane, 
par des paroles et des actes appropriés, donne de sa force ^ 
ces faibles et les enveloppe d'une sorte d'armure prolectrice 
afin que les elTorts ennemis deviennent înoRensifâ; ou bien il 
oblige les esprits h l'inaction. C'est à ce rôle d'antagoniste 
des puissances surnaturelles, de protecteur et de guérisseur 
que se borne l'acLivilé du chamane sibérien. 

Mais une activité de ce genre et la croyance à son effica- 
c(té[ constituent-elles une reiigiùn'î Évidemment non ! Ce qui 



u 



HEVOH DB LHISTOIHK DRS nBXTQIONS 



constitue la religion des peuples ayant des chamanes ce sont 
les croyances qui nécessitent e! expliquent le châmane. Or 
ces croyances sont diverses et souvent contradictoires; en 
tout ca«elles nese laissent pas classer sous une seule rubrique. 
Jadis, surtout après Tylor, on avait une tendance prononcée 
à nommée animisme^ la religion des demi-civilisés, qu'on sup- 
posait portés à douer les êtres et les choses d'une âme; à cette 
croyance correspondaient des rites; rites et croyances consti- 
tuaient la religion animi&le. H. Spencer voulut ramener la 
religion des non-civilisés au culte des ancêtres; mais sa 
théorie ôtail trop absolue et ne put être admise; on cons- 
tate cependant chez de nombreux peuples un culte spécial 
adressé aux ancêtres, différent de celui qui s'adresse à d'au- 
tres puissances divines. C'est ce culte et les croyances qui lui 
servent de base que Frobenius a proposé d'appeler manisme. 
D'autre part, à mesure que l'ethnopsychologie prop;ressait, 
on constatait que le mot animisme élait à la fois trop précis 
et trop comprébensif. Lea mots totémisme et anîmathme 
(Maretl) vinrent à leur tour désigner certains groupes spë- 
ciaus de croyances et de rites. Et il faudra créer encore d'au- 
tres subdivisions. 

U faut donc parler des religions animatiste, animiste, 
totémiste^ matiisle^ etc. mais non de religion chamauiste; 
car les peuples qui Ont des cbamanes ont précisément des 
croyances qui se trouvent désignées par les termes spé- 
ciaux énumérés ci-dessus. 

La mesure dans laquelle chacune de ces Termes religieuses 
coDiribue à constituer la « Weltanschauung 'i des Sibériens 
et en général de tous les groupements humains ayant des 
sorciers, est loin d'être déterminée. Pour certains peuples 
nous commençons à avoir des documents suffisants : c'est 
ainsi que l'esprit protecteur du chamane yakoute, celui au- 
quel il emprunte sa puissance et dont il demande l'aide, est 
peut-être son totem, etc. D^une manière générale^ cependant, 
Télude sociologique du chamane est encore à faire. 

Or, peut-être veut-on désigoar par chamanîsme un état 



DE L BMPLOI Dtî MOT " CUAMARTSME « 



5R 



socio-religîeux où le chamane est non pas un prêtre mais un 
simple sorcier, sans puissance politique ou sociale? peut-être 
veul^on opposer les Sifaérieus aux nègres de rAlrique occi- 
dentale, oî) règne ce bizarre dualisme de gouvernement du 
chef polilique et du prêtre en chef, tous deux se partageant 
l'empire du monde et s' aidant l'un l'autre dans la direction 
des affaires? S'il en était ainsi — j'avoue pour ma part n'avoir 
jamais rencontré le mot de chamanisœe pris dans ce sens — 
je n*âurais aucune objection à formuler, car ckamaniume vien- 
drait alors se placer à côté d'autres termes comme rishisme, 
lamaïsme, etc. On désignerait par là un état social où l'in- 
termédiaire entre l'homme et les puissances surnatu- 
relles, entre l'homme et les esprits, entre l'homme et les 
dieux joue un rôle social déterminé^, même un rôte poli- 
tique. 

Ainsi dnns le rishibme le père de famille est prêtre, ofliciant, 
magicien — et il n'y a point do prêtres, officiants^ magiciens 
autres que les pères de famille. Le lamaïsme est une théocra- 
tie de moines bouddhistes qui ont en même temps le gouver- 
nement des affaires terrestres etdes divines; mais Ja religion 
même des lamaïstes(Thibolains, Mongols, Kalmyks,elc.),est 
un mélange d'animisme, de manîsme et de bouddhisme. Le 
chamanisme enfin ne serait plus alors qu'un état social où le 
sorcier-guérisseur n'a rien à voir dans le gouvernement des 
affaires terrestres : il existerait chez les tribus sibériennes, 
chamanistes dans le sens nouveau adopté, une séparation des 
pouvoirs ; le chef politique assisté des anciens dirige la tribu 
contre l'ennemi animal ou humain; le chamane en protège 
les membres contre l'ennemi surnaturel. 

A!ais qui donc protège la tribu eu bloc contre ces ennemis 
surnaturels? Est-ce le chamane? Non, car il n'intervient qu'en 
faveur dea individus: ce n'est pas un prêtre, à ce qu'il 
semble. Je n'ose affirmer^ parce que le rôle du chamane 
n'est pas encore connu effectivement; peut-être une élude 
plus approfondie des populations et des documents permet- 
Irail-ellede trouver au chamane quelques-uns des attributft 



REV^B DE l'hISTOIBB DES RELIGIONS 

du pi'êlre^ En tout cas il faui remarquer que là où des reli- 
gions avec prêtres (bouddhisme, islamisme, chrislîa&isme), 
ont pénétré, oîi par suite a 6t6 introduit un être protégeant et 
soutenant des communautés, des groupes de fidèles, le cha- 
mane-sorcier a continué à vivre et à jouer son rûle de gué- 
risseur et de magicien. Tout au plus en certaines régions 
les prêtres de religions écrites ont-ils assumé quelques-unes 
des fonctions doschamanes. 

Je ne prétends évidemment pas résoudre la question si 
complexe de la différence entre le prêtre et le chamane. El, 
d'autre part, en admettant ce sens du mot chamaiiUme, en 
tant que désignant un certain stade social, la forme de civilisa- 
tion où la religion est l'animisme et le chamane un individu 
maître des puissances surnaturelles à l'aide de la magie, il 
resterait à déterminer : 

1° Lesquelles, d'entre les populations sibériennes sont pro- 
prement chamanistes ; 

2° Et h quels autres groupes humains de demi-civilisés on 
peut appliquer l'épithèle de chamanistes. 

Une étude de ce genre, mais viciée dfes l'origine par une 
incroyable confusion dans la terminologie, aété entreprise, 
puis abandonnée h et qu'il semble, par M. Milihailowski, qui 
a cru pouvoir nommer chamanhme la religion de tous les demi- 
civilisés en bloc, simplement parce que tous les demi-civilisés 
possèdent des êtres dont la fonction ressemble — avec des 
nuances — à celle des chamanes. C'était évidemment aller 
trop vite; et surtout la méthode est mauvaise suivant laquelle 
on caractérise des croyances par l'extérieur. Sans doute, il 
nous est fort difficile de savoir au juste à quoi et com- 
ment croient les demi-civilisés, et à mesure que la science des 
religions progresse, elle constate que même dans ces mi- 
lieux qui semblaient de prime abord fort peu complexes, 



I) Voir Je rûle du chamane lors du mariage bouriale (C. R. d'un a.rtj(;le de 
M. KhangaloT («(noe-ra^icfteiSoe OhozTienie, 1898), Jt. H. K. , t. XL, n- 2, pp. 32| - 
3^, 



D8 I.*BMFL01 DU HOT « CHAMANISUE » 57 

des nuances existent, et même des évolutions bien nettes. On 
sait quels étonnements accueillirent la publication des belles 
recherches de Spencer et Gillen chez certaines tribus lolé- 
mistes d'Australie. Leur livre nous conseille à nouveau la 
prudence et nous oblige à définir le sens exacides termes de 
notre vocabulaire : religion, magie, totémisme, prêtre, sor- 
cier, etc., etc. 

Ce dernier mot éveille trop en nous Tidée qu'il s'agit de 
l'Europe moderne ou du moyen âge: pour les demi-civilisés, 
il vaut mieux employer celui de chamane. Mais en ce qui con- 
cerne le mot chamanisme., qui ne s'applique à rien de défini, 
aalaut, me semble-t-il, le laisser de côté. 

A. VAN Gennep. 



A PROPOS 



DE DEUX MANUSCRITS « BABIS » 



DE LA BIBLIOTHÈQUE NATIONALE 



Il s'agit ici des deux manuscrits provenant de la bibliothï 

que de feu M. de Gobineau et qui sont inscrits sar le Cats 

lo^ue de ia Btbliûlhëque INatlonale sous les numéros su! 

vants ; 

Supplément Persan 107Û. Bktùire de la secte des Bâbi 

[Voyez le n" sukanl). 

Sdpplément Persan 1071. Histoire de la secte des Bâbisl 
C'est t ouvrage complet dont le n" précédent nest qu'une purtit 
L'auteur est probablement Hadji Mirza Djani. 

Ces deux cotes sont erronées et ne répondent pas au] 
titres des deux ouvrages qu'elles prétendent désigner. 



Et tout d'abord quoti me permette de présenter ici unj 
observation sur le mot Bûbi qu'on emploie pour désigne! 
plusieurs choses en réalité très différentes et qui ne décrit, ei 
aucune f'açoDt le mouvement religieux créé par le Bâb 
qui va s'élargissant tous les jours. 

Ce mot de Bàbu — d'autres disent Babktes — n'est pi 
celui que Ton devrait employer. Inventé par les musulman^ 
de la Perse pour désigner les sectateurs d'un hérésiarqut 
suivant eux « monstrueux », il ne s'applique, en aucune 
façon, aux gens que l'on prétend désigner, ou du moins 



A PHOPOS DE DKtrX «AîTCSCBlTfl B BAEIS m 



39 



sai-ciont-Hs toujours repoussé ce litre devenu rapidement 
'en Perse un terme de mépris et d'abjection. 

»C.e mot a évidemment été construit commerçât été ceux de 
Mou<;abi [Mosaïstes) pour désigner les EsrHëljlçs et Icévi 
(iésuites) pour indiquer les chréfiens. Ce sont là termes vul- 
gaires^ de langue courante, impliquant un cerlain dédain, et 
qui ne devraient, h aucun titre, être admis dans la langue lit- 
téraire où ils sont remplacés par ceux de la nation (h Moïse 
— las ijens de h Bible — les Béni Jsraëls ^ — ou /a nation de 
Jésus — les gens de C Evangile — les Nasronis. 

Les musulmans ne se sont jamais donné le nom de Maho- 
mélara et se désignent sous ceux de ci Moslims » — « de la 
nation de Mohammed » — « les gens du Qoran » et, — spé- 
cialement en Perse sous celui de « Chyâ Esna — « Achârî ». 
Cette forme de désignation — je parle des mots Bâbi^ 
Iceti. etc., — ne peut être employée en Perse que pour dé- 
nommer soit les retardataires conservant la loi abrogée d'un 
prophète précédent — tels les tsraéli tes à l'égard des chrétiens, 
ceiH-ci vis-à-vis des musulmans; soit une secte se formant 
«Uâeip d*UDB religion déjàconstituée, une hérésie qui pren- 
drais nom de celui qui pour la première fois donne une in- 
terprétation nouvelle du livre sacré — Bible^ Évangile ou 
Qoraa — on bten encore qui rejette les idées du clergé officiel 
pour revenir à une autre conception du prophète originel. 
Le« orthodoxes, les calvinistes, les luthériens^ les catho- 
liques apostoliques sont chrétiens; musulmans sont les 
cbiites, les sunnites, les malôbiles, les ismaïliS;, etc., etc. 

Ilfaudrait donc, pour que le mot « Bàbi » fÛI exact, qu'il 

rappliquât à une secte musulmane, aune hérésie issue de 

nslaoïfjt se rattachant directement à lui, ayant comme pro- 

_P«fele l'apôtre des Arabes et comme commentateur un indi- 

s«ûommant le Bâb. 

Or, ce n'est pas le cas. L& Bâbisme ^&i une religion^ pos- 



1) U» a Qéiimia it disent les babis qui foBl dériver ce mot du Burnom de 
l'a**" : QéJim OuU&h. 



63 



SKVTB DH L HISTOIKE DES KBLKIOXS 



révéUlnccs » des trois prophètes que nous venons de nom- 
mcr. 

1270 ans après Mohammed, Seyyèd Ali Mohammed est 
venu sur celle lerre accomplir la mission que Dieu lui availl 
confiée; U se proclama donc le Messager Divio, révéla qq 
Livre qui vient du Ciel, établit des règles et des lois et dispa- 
rut, exécuté h Tauris. Son successeur, je veux dire son kha~ 
life — au sens que nous donnona en Europe à ce mol — fut, 
soit Mirza Yahyah Xourl Soubh Ezel, soit Minta Houàseïn Ah 
Mouri Béha Oullah. Je ne veux pas entrer ici dans uue discus*] 
sion qui nous conduirait trop loin. Mais l'un de ces deus 
personnages n'est donc que le Ubaiire, comme Abou Bècre 
esl celui de Mohammed. Ceci est le premier point et nous 
voyons déjà qu'il est discuté. 

C'est là que devrai! s'arrêter le titre de a bâbi » s'il [n'était 
déjà impropre; c'est là que s'arrête le qualificatif de^ 
•( Béyàni ». 

En effet, tout le monde conuaît la théorie chiite de « l'ima-' 
mal t>. Dès lors on peut se demander si le « khalife » du Bâb] 
est simplement son successeur au litre temporel ou s'il n'est] 
pas un c( imam » chargé de continuer la fîévélaLion^ commej 
AliTa fait à l'égard de la manifestatioD qoranique. Or cette 
deroière hypothèse est la seule vraie^ nettement prouvée par 
la théorie des « Lettres de la Vie' ». 11 s'ensuit que le Béya- 
niame va évoluer, comme l'Islam a évolué dans le chiisme. 
Sous l'impulsion d'une des Lettres de la Vie, Soubh-Ezel, 
les Uâbis auraient probablement continué à se nommer Béya-{ 
nis, si une nouvelle manifestation ne s'était produite qui] 
attira à elle la grande majorité des sectaires, pour laquelle 
ceux qui restèrent (idèles à Mirza Yahyah Kouri devinrent 
des Ezélis — objets de leurs malédictions. 

Voici comment cette nouvelle manifestation a pu se pro- 
duire. Comme Moïs^i avait annoncé le Messie, comme Jésus 
avait annoncé l'envoi du Paraclet, comme Mohammed avait 

I) Voir Bétjin Persan Cnilê, II. porte i. — U. III^ p. 7, qa'il faut rapprocher 
dei portes 2 i 19 de k premitre Umtê, pour avoir la clef du système bâ bu 



A PltOPOS Of: DBCX MÂNTTSCRITS R BABIS n 



&3 



Crédit l'arrivée de rimam Melidi, de même Seyyèd Ali 

lohainmed pr^^vient* les « B«^yanis » de Tarrivée k une dale 
iaciélermince ou déterniint''e' peu imporlo, puUqu'eii tout 

ilat de cause celle date a prêté à discussion — de Celui que 
iBifU doit manifester. 

Or, quelques années après la mort du Seyyèd, u Celui qne 

Dieu doit manifester » proclama sa mission sous lus traits de 

Mirca Hausseïn Ait Nôuri Béha ûullali\ 

buil-on dire que cel Housseïn Ali est le successeur du 
Bâh? — Non, si l'on comprend par là qu'il était lié parle 
Bi'yaTi*, qu'il n'élait qu'un « imam » une porte de la révéla- 
lion béyanie, ou si l'on préfère un nouvel Ali jouant vis-à-vis 
de ce aouvcau Mohaanued le riMe que Mourteza Ali remplit 
àl'igarddu prophète arabe; — oui, si l'on admet, — id6e 
eiseoliellement béyanie — que le Christ est k successeur de 
UùUe, Mohammed celui du Christ, le Bâi) celui de Moham- 
Bled. Je veux dire ai l'on accepte — ce que nous acceptons, 
iioiis autres chrétiens — que tout renseignement de Moïse n'a 
éii donné aux hommes que pour les préparer à recevoii' l'en- 
«dignement supérieur du Clirîst qui devient ainsi la tleur 
dcrarbrc planté par Moise, la moisson du grain jeté par le 
[irophète hébreu; si l'on accepte encore — ce qu'acceptent 
les musulmans — que le Christ n'est venu sur cette terre 
^oe pour préparer à son tour l'humanité e'i un enseignement 
supérieur encore au sien, celui de .Mohammed; si Ton ac- 
ceple enfin — ce qu'acceptent les Dâbis — que Mohammed 

est venu jouer le même rôle pour préparer les voies à Seyyèd 

Ali Mohammed. Le globe terrestre, comme un immense col- 
[iège, reçoit à divers moments des professeurs instruits à 

rtiniversité de Dieu et qui nous font passer de l'enseigne- 



i) Le Kfàn Ptnan tout entier est plein de ceLle promesee. Voir plus parti- 
lUdreoieat à cti sujet Unité III, portes 3, 4. 5, d, 13, etc. 

2) Voij Béyén l'man, Unité li, porte 16, 

3) Cet événement se produisît à Andrinople, appelée depuis la Terre du 
Hystira. 

4) Bi$iin Persan, Uoité 111, porte i. 



lŒVCB DE L HTSTOTAB DES BKLtGIfflrS 

ment primaire à l'enseignement secondaire et de celui-ci 
rcnseignemenl supérieur. Ce qu'exprime ce hadis de Mohai 
med, mal compris jusqu'à ce jour ; « Les Prophètes c't 
moi ' ». 

En vertu de cette conception, les sectateurs de Beha(celi 
que Dieu doit manifester) doivent émettre la même opinion' 
en ce qui concerne le rôle du Bâb vis-â-Tis du nouveau Pr( 
phète. Il en est ainsi en principe, ma.U non en réalité. 

En elTet, les Béhahis, pleins d'enthousiasme pour Béha, 
rahaissent — sans s'en douter — la personnalité du Bt 
iMoîse, .lésus^ Mohammed sont des prophèlescomplelsclc'ea 
la prétention du Bàb d'en être un. J'entends par Prophèt 
complet' un personnage venant de Dieu — par quelqi 
processus que ce soit — pour juger « la nation » du Pr( 
phète précédent, la rejeter dans le feu de la « négation »| 
ou la faire entrer dans le Paradis de l'assenliment, poi 
révéler un livre nouveau — qui est une feuille arrachée dt 
l'immense et éternel livre de Dieu* — pour établir 
nouvelles règles et de nouvelles lois, complétant d'un côl 
l'œuvre de son prédécesseur, préparant de l'aulre celle dé' 
Celui qui lui succédera et qui est celui que Dieu doit mani^ 
fester. 

Or, si j*ouvre le livre intitulé férahed^ j'y lis ceci : tt Saclij 
ce que croient les BéZ/ahin. Ils croient que tous les écrits 
Dieu, tous les livres divins qui existent dans le monde, soi 
d'accord à donner la bonne nouvelle que, à la fin des tempf 
l'humanité entrera dans l'âge de l'adolescence parle tevei 
dans ie Ciel de l'Ordre de Dieu, de deux Soleils immenses 
Alors sera terminé le cycle des vaines imaginations ef d( 
erreurs j alors les ténèbres des différences de religions seroi 

1) Voir le Livre des Sept Preuves. 

2) Il estliien entEndu que je parle ici uniquement au point de vue Bôyam. 

3) L'enfer. 

4) Nous expliquerans. OËtte conceptloa uo peu plus loin. 

b) Par Mina. Aboul FasI MobainmiDd ibn Mohammed er Rîza Coulpar^ 
Gel ouvrage a été composé en réponse aux objections de Mina Abd ous Salan 
Cbeilil] oui leiam du TiQis. 



A PROPOS Sï DCTTX MANUSCHITS K B&BIS i> 



6!S 



léanliesdans ce monde qui désormais s^appuîera sur une 
?arulfi Utiique, sur une Seule Loi Religieuse; alors s'effa- 
ceront les haioûs implanteras daas les coeurs; alors se chan- 
jtftronL en amour et en fralernîté l'animosité el l'aDUpalhie 
de loules les confessions; alors les inslmmenls de guerre se 
IrnosPormeponl; en outils d'agriculture ou de commerce; 
alftPA les vérités mises en dépôt secret dans les livres se 
manifesleront : alors ies bula originaux cachés dans le sein 
des II versets » se dévoileront, et les sciences s'élanceront 
"ers le progrès ' ; alors les lumières de k Vraie Conduite en 
w monde — qui se nomme chez les Prophètes l'esprit relî- 
gif^ux — illumineront le monde entier. Qu'il souffle enfin le 
iÈjihyr de lu miséricorde I que le nuage delà justice s'élende 
de loue ctltés, qu'il se résolve en une pluie de bienfaits, pluie 
qui abatte là noire poussière des ?ioleni^es et les tourbillons 
delà tyraiiniiîi! 

«Alors i< les cieus des religions diverses' seront repliés » 

H le monde prendra un nouvel ornement : les os pourris de 

la religion relrouveront un nouveau corps, UQe nouvelle vie, 

Afors éclatera le vrai sons de cette parole : (( Tn vois une 

nïEaiiE AUTRE QUE LA TERRE »; alors brillera la signification de 

ce TGrset : « Et la. terre devint luminedse ne la lumière de 

» soH Seigneur ». Dans la Bible ce jour se nomme Le Grand 

\JiMr, Le Jour de Dieu, et ces deux manifestations sont 

rdiles ; Retour d'Éih et Mamffxtnihn de Dieu. Dans les 

[vaogiles il s'appelle Jour du Seignpitr, Jour des choses 

ïvixibhsfii il s'agit du retour de saint Jean-Baptiste, et delà 

deuxième descente de Jésus-Christ. Dans le Qoran ou le 

lomme Jfmr rlfi Dlau, Jour du salaire^ Jour du Désespoir^ 

Tour de ta rencontre. Jugemml, f'Heure^ etc. Dans leâ 

Uadis » du Prophète, commentant les versets du QoraDj 



I) C*Mt fttj pITbI pir 11 to4nifeîl.alïon (îu B5b que fes Blbis eipliquent le 

. soudain et ineroyAble dea sdencea en Europe. 
S) D'«pr4>9leaBAbi» les sept deux signiticnl les s«pt ^randeBretigioiis qui si? 
it le globa : Idolàlris, Bouddliisme, Brabmanîsire, MagiamB, Judaïsme, 
aisnie. Ulain. 

6 



66 



RKVDE DE L niSTO[|lK DIS RELrUIONS 



la premiferc manifeslatioû esl celle, du Mebdi, La ileuxlème 
celltî de riispril de Dïen'; enfin dans les « hadis » des 
imams, la première est celle riu Qaein, lu deuxîkme esl la 
maiiifeslatiDn Houssemie h. 

ArrGloiJS-nous donc aux lermes des Évangiles qui nous 
»ocit plus familiers : Jean-Baptisle n'a jamais été pour nous 
un Prophète, au sens complet du mot" : s'il !*est pour le* 
musulmans, du moins n'esl-il pas un porteur de Livn' [U?vélé. 
un « charà h c'esl-à-dire un fondateur de loi religieuse noii- 
vi'llc. Son litre de » Précurseur » l'assimile-t il :i quHquc 
degré que ce soit à uu Prophète? Admetlons-le un inâtaint. : 
qui U6 voit les dîlT^rencês qu'il y a entre lui elle Christ? 
D'ailleurs, et le Bèb lui-même l'affirme, ce rôle a été reoipti 
vis-à-vis de lui soit parSeyyèd KazeurHechii. soit par Cheikh 
Ahmed Ahçahï'. C'est malgré cette affirmation, que lea, 
Béhahis ne manquent pas d'assiguer ce rang inférieur ai 
Uâb vis-à-vis de Béha. Et j'estime que c'est là une gr&v< 
erreur de leur pari. Une étude plus attentive des texte* 
sacrés leur eùl évité une conception dans laquelle le rôloj 
prodigieux de Seyyèd AU Mohammed esl amoindri el ra- 
baissé*, 

Quoi qu'il en soil, nous nous trouvons eu préseoce de; 
trois groupes distincts : les Béyaais qui n'ont pour lexte 
sacré que Irt lïéyan, les Ezélis qui au Béyan adjoignent la 
production littéraire de Soubh-i-Kzel, et entîn les Bélmhis 
qui considèrent la loi du Bflb comme abrogée par celle dej 



1) JéBUB-Christ. 

2) Le BAb » lui-mêiu'; écrit un livre sur le Nûubouwel-KImss, Qu'il nous ^ 
sulljse pour t'inslant d'appeler «pro|ilicLe» un fondaleur de religiuci.Ela voixs^ 
un précurseur, un voyaqt, comme Is&ie ou le Baptitt6> 

3) Bcydn PerMii, lînilé 1, porte IH et i9. 

4) De plus, le passage que nous venontj d^ traduire semble im(>liquerqut 
B«li» Oiillah Ml le ■Jernier R^elaleur. Je u'ose iLitiimer c« point, nies étud«*< 
avant iivu>ul tout porté sgr ]« umnifestuliuii mAtûe >lu BAb. J'ai laissa lorcémeut 
de cAlë Soubh-Ezel et BrIia Outlah. Muis, si c'est liien h lu cro^anc*: 
H Bûbdhie " rIIb esL en conlradiclion rormclte avec l'ciiBeignennïnt de ^«yyùd 
Ali MotiiimtEied, d'npcds lequel Dieu noua enverra, daos l'éLeruité des siùcles, 

» ceui qu'il doit m&nifesUr «. 



A PROPOS DE DEUX MANUSCRITS « B&BIS >> 



67 



Béhji cl fioat les livres sacrés sont riqan et l'AqdîîS, dus à la 
pJutuij de iHirza Housseïa Alt. Ces derniers se donnent le 
Ut m Je Ahbab, pluriel de Habib. 



Il 

Ces données une fois iidmises, il dous reste lî examiner les 
>leux manuscrits en question. 

1^ premier celui qui est catalogué sous le n° 107(1 n'est 
autre que le « Béyan n persan. 

Il semblerait que cette désignation dût suffire, mais je 
croiâ cependant ulil6 de détruire tes légendes accréditées à 
ce sujet par M. le comte de Gobineau. 

Il dit en effet, h la page 31 ï de la 1*" édition de ses ^e/> 

Sionx ei pkitosophies dans l'Asie ventrale : « Le mol liit/i/an, 

"Do fois eai[iloyé par (e Bâb, lui parut convenir 1res bien 

pour désigner la sphère d'idées dans laquelle sa pensée se 

niouvait, et il le donna dès lors pour titre à tout ce qu'il 

'îonipOBa. Il conserva de même dans ses œuvres ultérieures 

la forme qu'il avait donnée à celle-ci ('?). Il y l'aut remarquer 

^Tlout un Biyyan écril en persan yu? n'est pas ie Kominentaire 

'^" /ireiriter liujyan écrit en anibe {\\V car il ne cherche nul- 

'''*>*enl à en éclaîrcir les ditlicnllés (!); c'en est plutôl une 

■■^production grossie: les développemunls y sont plus accusés 

^' par cela même les subtilités souvent plus raftinécs. II ne 

'fUidrail pas supposer que, parce que la langue dans laquelle 

•^^ livre est rédigé l'sI le persan, le texte otîpe plus de prise à 

'"ïlelligence du vulgaire. C'est nu persan oii il ne parall 

P'^squo que des mots arabes choisis ^tarmi les plus relevés 

*' Ir.'s plus rares, et ou se combinent les formes grammati- 

^tis des doux langues de manière à exercer singulièrement 

» Sagacité, et, il faul ly dire aussi, la patience des lecleurs 

^fevolset confiants (!) 

" Outre les deuï Biyyans que je viens de nommer, il y en a 
encore un troisième, composé également parle \" Bdb, Sttus 
*iiro ni plus diftîcile ni plus facile à comprendre que liis deux 



^ UCnrC M LMUTtMM DB 

aatres, il les réfame dons on formai relalÎTeméal coarl. Oa 
trouvera la traducUoo de ce catéchisme À ta fin Aa volame ». 

De luul e«b deox cboMS sonl à retenir : l'exislence de 
deux ■ Béyftnf •• — Vun «rabe, Taulre persan — et la dinî- 
collé qu'il T a, pour on lecleor européen, à se rendre 
maître du texte. 

Kt lonl d'abord, ponrqooi ce titre d'Expiieationi^ykn)? 
Les raisons en sont simples et ooas allons essayer de les ré- 
sumer brièvement ici : 

Dieu ûÈt savant en toutes choses, avant toute? choses 
comme après toutes choses, ce qni revient à dire que sa 
science! emliraAse W passé, le présent el l'avenir. Ayant créé 
l'homme el rLnivers & l'aide de ce que les chréliens ont ap- 
pela n le Verbe « el que les Bàbis nomment : le prenaier 
Zikrr la Prioiitive Volonté, la Vérité Mohammédlque. le 
Propiiéli«me, leSoieil de la Vérité. — il îasiruil rhumanité 
par l'inturmédiaire de celle première émanation de Sa Vo- 
lonté. Or il est dit : 

J^étnù un tréior caché, et U me plut d^étre connut : alors j'ai créé 
Chomme afin qu'il me fonnût. 

On le voil, l'acte de Dieu est : il me plut d'être connu ; cet 
acte est une Création : cette création crée à son tour, qui? 
rUnivers. Non 8«ulemeiil elle crée l'être qui doit connaître, 
mais encore — J^af crH thomme afin qu'il me connût — 
le moyen de répandre cette connaissance. Et ce moyen quel 
est-il? Le prn[)héLisme. Est-ce à dire l'incarnalion de celte 
l*rimitive Volonté, comme le croient les chrétiens qui ap- 
poUenlJ^suililsde tiieu? Non. Est-ce par la révélation, ainsi 
que l'cntond Ja pure église musulmane, c'est-à-dire par l'in- 
tnrmédiiiire d'un messager — Gabriel — chargé de porter à 
l'apûlro Jtîs paroles du Dieu éternel? JSon pas : Dieu est trop 
haut, trop inaccessible, trop incompréhensible pourque nous 
puissions mêler Son Essence sublime à des rapprochements 
quelconques avec la matifere. 

LeprocCdiîest tout autre^ et l'explication qui en est donnée 



A PROPOS Di, DEUX HANUSCHITS a JJaBIS m 



«9 



est neuve et origmale, L'expression persane, pour dire qu'un 
miroirroflèle les objets qui sont posés devant hii, est : « Aïnô 

nikayet mikouned ez. » ; nous la conserverons donc en 

français, elle abrégera cet exposé. La Primitive V»>lori1t\ — 
qui participe aux attributs de Dieu' — est compiarabie ;iu 
soleil. Elle brille de toute la splendeur de la vérité. L'homme 
— que nous appelons Moïse, Jésus, Mohammed, à tort, car 
leur personnalité matérielio n'a aucune importance — h 
Tàme pure, au cœur poli par les exercices nécessaires à 
éloigner de lui les souillures do la matière, le Prophète en 
an mot, est placé vis-â-vis de ce soleil comme un miroir 
«qui raconte » ce qu'il y voit et ce qui y est. Ou'y voil-il?que 
raconte-t-il? la Vérité, c'est-Ji-dire la Science Divine. Les 
parties de son enseigiiemeot qui péiiMrent dan& les cceurs, 
que sont-elles? des feuilles arrachées au livre de la Science 
de Dieu, livre unique et éternel. Chapitre de ce livre que les 
Évangiles : autre chapitre que Ig (Joran : autre chapitre la 
production littéraire de Seyyfed Ali Mohammed, Il est donc 
exact que quand Jésus parle c'est le Verbe — el par consé- 
quent Dieu — qui parle; que quand Mohammed formule 
c'est le Premier Zikr qui rédige; que quand Seyyèd Ali 
Mohammed expose, c'est la Primitive Volonté qui explique. 
(Jue sont le Verbe? le Premier Zikr? la Primitive Vo- 
lonté? une seule et même chose : la première émanation de 
Dieu, Que sontJésus, Mohammed, le Bâb?une seule per- 
Hine, le Prophète. Que sont les Évangiles, le Coran et les 
ladis, les œuvres de l'apôtre persan? les feuilles d'un seul 
livre, le livre de Dieu. Pourquoi ces divers chapitres porlenl- 
iU des noms différents quoique faisant partie d'un tout 
unique et indivisible? exactement pour les raisons mêmes 
pour lesquelles les hommes ont appelé l'un des révélateurs 
Jé$U9, l'autre Mohammed, l'autre le Bâb — au lieu de les 
nummer simplement le Prophète — c'esl-à-diro à cause de 
rignoraace et de la faiblesse humaines, incapables de péné- 



i) Voir Ift livre des Sept Prmoes de la Mission du Bùit. Malaonneuve. 



70 



BEVUE DE L BrSTOlBB DES KËLIGIOHS 



Irer le secret de rUnîlé d'Essence, de l'Unité de Noin&, de 
rUnité d'attributs, de l'Unitôdes œuvres de l'Être Suprême. 

La preuve en est en ceci que iMohammed n'a pas senle- 
men( produit le Qoran; il existe aussi delui le recueil des 
paroles qu'il a prononcées [les hadis). Ce recueil fait-il au- 
torité? Certainement et sa valeur est égale — supérieure 
même chez les chiites — à celle attribuée au Ooran. Donc, 
ces " paroles » sont œuvres divines, elles émanent du Pre- 
mier Zikr, elles font partie intégrante de la Révélation Mo- _ 
hammédique. Dfes lors comment faudrait-il s'exprimer au % 
sujet de lu production littéraire du prophète arabe? II fau- 
drait — Tcmbrassant tout entière d'un seul coup — dire : 
les feuilles arrachées au livre de Dieu parle Prophète que 
ses contemporains appelaient Moliammed. 

C'est la faiblesse de notr(3 entendement qui nous force à 
distinguer entre ces deux sortes d'ouvrages et nous conduit 
aux discussions d'où sortent les schismes. 

Donc « Béyan « est le mot qui convient pour désignerun 
ouvrage quelconque — arabe ou persan, verset ou oraisons 
jaculatoires, khotbfes ou polémique — sortant de la plume 
du Bàb. Et le mot est admirablement choisi, car il « expli- 
que » — ou du moins cherche à exphquer • — le processus 
des manifestations divines précédentes. Il les réunit, les re- 
cueille toutes et en fait sortir la notion exacte de l'Unité 
Divine. 

Cependant, s'adressant k des hommes, le Bâb se Irouve 
dans l'obligation de leur parler le langage des hommes : c'est 
pourquoi, suivant la matière qu'il traite dans chacun de ses 
écrits, il donne à celui-ci un titre différent. Une encyclopé- 
die, 50US prétexte qu'elle est divisée en une infinité d'arti- 
cles traitant des sujets les plus variés, doit-elle être considé 
rée comme ne formant pas un tout — un bloc? Ferdra-t-elle 
son titre d'encyclopédie? non certes et il en est de même 
piiur le Béyan. 

L'exemplaire dont il s'agît ici a été corrigé par une main 
inconnue avec tout le soin dont les Persans sont capables en 



A PROPOâ DE DEUX SUl4USCRltS " BADI5 » 



71 



ces matières. Le lexle en a été relu, coUigé avec le plus 
grand soin, cl les ralnres, les surcharges, les renvois aux 
marges, donnent une idée 1res nette de la façon dont le co- 

||>iâle et son cliefont agi. 
Cependant, à la Un de ?on travail, le copiste, laissé libre 
quelques jours, et ayant reçu à copier un fort volume conle- 
nant deux ouvrages distincts , s'empressa avec la belle insou- 
1 ciance qui caractérise les gens de ce métier, de copier le 
second ouvrage à la suite du premier, sans laisser d'inter- 
valle. 

Le Béyan se termine en effet, au bas du ver^o de la page 
384^ avec celte indication : « Cette copie a été terminée en 
l'an f279pourS. E. le Ministre ». 
■ \in haut de la page 285 commence la copie du second 
I texte, ce qui amène cette annotation du maître du copisie : 
« II ne restera pas caclié aux gens intelligents que ce Lexle 
^qui eâl au commeiicemcut de cette feuille n'a rien à voir avec 
le béyân », et il continue en expliquant qu6 le Béyân et le 
Nouqié-el-Kaf, reliés en un seul volume, avaient été remis 
au copiste et que celui-ci les a copiés l'un h la suite de 
l'autre; ce qui l'incite en terminant k s'écrier : « Tant il y 
a qu'un croyant au ItéyâD l'a écrit, mais qu'un autre ouvrage 
se trouve dans un même volume avec le Itéyàn; cela esl 
contraire à la justice et à la loyauté. » 
Cet annotateur a constaté l'erreur du copiste avant que 
^I*i)t]vrage ne fét terminé. La second texte resta donc incom- 
plet dans le manuscrit 1070 et fut recommencé, et cette fois 
mené à bonne lin, dans ce qui est devenu le manuscrit 
_I07I. 

H Ce manuscrit n^esL pas « l'histoire de la secte des Bâbîs », 

^nnais bien l'histoire du Bâb. Et il semble, jusques ri un 

certain point, que cotte histoire ne soit qu'une incidente, dans 

la pensée de l'auteur, puisqu'il nous prévient « que le but 

I ^primordial de son écrit esl t'élude de l'Unité et celle des 

■causes premières et des causes tînales qui sont la base 

méoïc de la Religion. » 



t2 HEVUE DE l'histoire DES RELIGIONS 

L'ouvrage débute ainsi : 



Ce début est caraclérislique et demanderait un gros vo- 
lume de commentaires que je uai pas Tblentiou de donner 
ici aux lecteurs. 

Je fournirai simplement quelques explications très brèves] 
qui, s'appuyant sur le titre » Nouqtet cl-Kâf >j, démonlre-l 
ront le synchronisme entre le litre même et le début de l'ou- 
vrage. 

Le point est le principe de toutes choses, il est — commaj 
la cellule — dans le développement de toutes cboses. La] 
Vôrilé qui est Une et qui court k travers les milîe aspects de] 
ce monde, est donc assimilable à ce point, — la k vérité » 
c'est-à-dire le Prophétîsme, le Verbe, la Vérité Mohammé- 
dique. 

Le premier signe de ce livre, le premier mot de son tilre" 
nous sont dès lors expliqués. Le * qui suit ce point a un 
double but : tout d'abord rappeler que le Point a cinq de- 
grés, secondement invoquer le Grand Nom de Dieu qui est 
j^ et que nous rétrouvons inscrit immédiatement uprësj 
IcA- 
^ veut dire Lui et la formule : 

qui veut dire Lui est Tinaccessible et le très saint, vient d6-l 
terminer l'étroite union qui existe entre Dieu et le point», 
entre le Père et le Fils, entre Dieu et le Verbe. Elle déler-l 
mine (également, d'une fayon nette et précise, les premiers] 
attribut» de Dieu, qui sont l'inaccessibLlité et la sainteté,. 



A PROPOS DE DEUX HAHUSCRITS H BÂBIS » 73 

c'est-à-dire son action d'être inaccessible à l'être, hors de 
toute atteinte de la matière et de toute compromission avec 
elle. Puis, suit la formule musulmane qui donne le nom de 
Dieu 4f et les qualificatifs connus. 

Il s'ensuit dès lors que Dieu ne peut être le Créateur du 
monde visible, ce qui nous est immédiatement confirmé par 
le titre même de l'ouvrage : Nouqtet el-Kaf. Ce Kaf, l'au- 
teur l'explique, se rapporte à la formule : 

Sois et elle fut ! 

nous confirmant ainsi — ce qui est la véritable théorie bâ- 
bie — que c'est le Verbe qui construisit ce monde. 

A. Nicolas. 



REVUE DE PÉfllODiaUES 



JUU4LSMË IMBLIQUË 



Tlieologîach TijdBclirift iLei'leii, ^an Doeshurgh). 

Dr. J. C. MiiLlhçs. II0U.W en doodenvirefring in hra^L 1900, p. P7-128J 
193-234. — Noire auteur, en s'gccupanl précédfliBmenl, dans la môme Hevue J 
«le I& purMlé et de k'imporeLé relÉ^ieiiqes au point de vue israélile, avait ausail 
[inrk (lu ciijle des Diùrls, les «i^ux questions se toucliarit de prfrs, puisque ce] 
culte ne cadrait ps^s avec le «uHe eEcluisif de Ja.hTé et c&nstiluAÎl p&r suite uti 
ces d'iropurelë. M. Frey, agrégé k la Faculté de* théologie de Dûrpai, ayant 
soutenu une thèsfï opposée A celle de M. M&ttbes, dans un Lr&vail spécisl caD< 
sacré â la mort el au culte des moris, notre auLeur crut HeTOir rii^prendre «vj 
approfondir davantage c^lte quAftttoD, dans k nouvelle étude que nous signa-l 
Ions, en suivant priacipalemenL l'ouvrage de bod conLradicteur. Il commencs-i 
pur l'usage ii>raéliLe d^ drahirer les vÉLementa, en cae de deuil, géEieralemenLj 
Runsidêré comme TexpresBion pas&ionnée de la douleur. Ce point de vue peut] 
apparemment e'appuyer sur quelques exemples bibliques, mais qui doivent ^tral 
reijliOiig par d'autres exi^m'pieB, où l'on voit que cel usage est plutôt le BÎgnej 
qu'on se sent abandonné de Dieu, soii daa& le deuil, «oit Aa.ns d'autres cas. Un] 
pen'.innt rie l'usage mantionné était celui de se vèlir du sac ou habit de deuîl, 
qui Bymbolisail d'une manière positive ee que l'usage do déchirer Ips vfitements 
ne représentait <^ue négativement, qui remplaçait le vêtement ordinaire, qu'on) 
ne pouvait plus meMre, parce qu'on était dans un état d'abandon de Dieu. Le 
s&c était pfobahlement le vétemtnt primitif des Hébreux et prit un caractère, 
sacré ilanG la suite. Il était donc tout indique pour le culte des morts. 
M. Mallhe£ croit ea ouire retrouver ce {lulte dans les usages suivante : celui 
de se couvrir le visage et la tâte, d'ôter les souliere et de se dépouiller de ses 
parures, de se eouper les 'cbeveux ou de les porter peudants, de su couvrir de 
pouwière et Je cendre?, de ne pas ae Iflver ni se oindre, de se faire des inci- 



REVUE DB P£R]00IQUES 



75 



naos dans le corps ou de «e tatouer. H pense mSme quR le Jeûa« se tronroit 
prinitiremenl en rapport, avec le culte des aiorls. Les lrace« «le repas Tunèbres 
«Irftt repas d* morts dans l'Ancien Testament, sont pour lui des ttidicea t^H'on 
nlofiit l«s morts el qu'on leur oircaîl des sacrifices À efttle occasion. EnTu] le 
tiitnteil k muKtquequi se faisaient entendre rnii semicesTunÂbres, impliquaient 
^«ineDt, d'après lui, l'adoration ou le culte des morts. 

J. J. P. Vilelon Jr. rtehemia, im : 6. 1900. p. 225-226. — M. Valeton 

WJIiTPc Kosters que, non seuktaenl liéh., tn, 27 sa., cmnia aussi Nch., siii, 

1>3I, doit être [ilacé chronologiquement avant les cbapitres ix, x et rui, ces 

^icrs se suîrant dans cet ordre. Mais par suite, il lui sfiinblo que In 

32*Miièed'Artaieraè3 doBl parle JV^A., un, 6 est une erreur, et qu'il faudrait 

(iw Il2':i' aTinée. Il pense que 22 fut Qhtmgé en 32, pur^e que le récit en 

ficejlian 99 troure par erreur à la Qn du livre, au lieu d'âtre à sa place DbIu- 

nlle. 

M. Ta, Houtsma. De mbrceuwsche Siracft^TfXt. 1900, p, 329-354. — Cet 

artide a principalement pour but de «outenir le point de vue de E. Kôuig, quia 

attada^ A&ns un travail spécial, la cause de 1 originalité des rra^ments du 

telle tiëbr«u d* VEccléiiasti'jue di^couverts jusqu'ici, contre ceux qui nient celle 

orifïîiialitA et prétendent que ces fragments proviennent d'une relraduclion du 

len que&lion^ fuite .111 moyen âgfl, de 3a Bible syriaque en hébreu laïmu- 

L'auttiur montre toutefois que les arguments mis en avaut par M. Kûnig 

•oal lois d'âtre tous égaleoiunL probants et qu'il faut faire d'autres éludes soi- 

iMfl pour résoudre, d'une maniËre sulisfaiBaute, ce problème tant agité ces 

«rnifn temps. 

Th. W, Juynboti. De Lfvit in Rkhlsren XVII-XVlU.i9iiO, p. 355-361. — 
L'siileur prf^pufie ici une nouvelle solution du problème littéraire que présentent 
fw deux chapitres en question du Uvre des Juge» et qui a d^jà souvent occupé 
critique biblique. D'après lui, il faut distinguer entre un récit primilif, où il 
l'eet nullement quealioQ d^un Lévite, et un autre rÉcJl, combiné plus tard a#ec 
lui et où un I^^vite de Betbiéhem Joue un grand rôle. Les parties principales de 
c« récit pO'glérieur seraient Jug., xvii, 7-xviii, 1, puis xviii, 3-4, 15 e( 13-20, 

Dr. J. C. Maltties. Df doo,(enverffnng ty hrad. 19UI, p. 320-34^. — Cette 
M^de est BU fond un complément de celle dp mdiDe auteur mentionnée plus 
bftat »ouS an titre un peu diiréreot. Le but en est également d'établir l'existence 
rMlle du culte des morts au sein du peuple bébreu. M. Grûneisen ayant exposé, 
dans un ounragepapu «n 1900, un p-jinl de vue opposé â eelui de M. Matihes, 
oeluî'Ci a surtout réfulé les argumeuls du nouvetiu ci>n(radicteur. Ce dernier, 
oieux défendre aa cause, a recours & la tbèje radicale, que les Isrseltites 
l'oat pu cru â la surviTanco des morts, ce qui aurait naturellemeot rendu 
jMJble leeulte de ceux-ci, M. Matihes t&cbe de redresser cette erreur et 
t^MttfW du même genre. 



^ftt DI LSISTOIRE DES REUGIONS 




jtg ^ altteitamentliche WlsBonschaft 

(Gieuen. Ricker). 

:^JitBntfei Makk. 1, i-ii, *S. 1900, p. '^24-242. - Notre 

"" "^^—j-Beminqués tous les essais faits pour expliquer le teite 

'-' "'* ^^\_ ^jj ponnllA explication. Dans ce but, il rattache tout 

■ — *'" ^ffMdi lellre renfermée dans ce morceau, et noii à la pre- 

~*** ■MtrMit&î'- ]l soutient ensuite que les deux lettres datent 

— '** , . j-| pour but d'engager les Juiis égyptiens à céiébrer de 

— -•*^^' nMeuif, d^ji antérieurement connue et célébrée; que ces 
■ .— — ***^ ,fcàon i AntiochuB Épiphane et à Judas Maccabée, mais à 

■=■— -**^. j_^i'Antiochus Sidétès; qu'elles proviennent de deux 

— ■^*'*^^ jBon da rédacteur de notre livre; qu'elles furent peut-être 
L—A-JI^^ gj[ y(tenr les a traduites en grec; enfin qu'elles ne 

ÂlMUldri»w und Sinailicus zum limhe Tolil. idOO, 
r"_- ^ «jticle. l'auteur cherche à prouver, contre M. ?Jestie, 
■ ■ gg question, la première oITre un texte plus ancien et 
^laieoonde. 

_ jfii yerwendbarkÉit der Peschita zum Bûche Ijob fur 

a(MV D 264-3OT- — Cet article est la fiii d'une série d'autres 

^taRw" ('• XXXIX, p. 503, et XLI, p. '280). L auteur y 

I ^ qae la version en question doit être prise en sérieuse 

là criliiltiB ^'^ texte maasorétique de la Bible hébraïque. 

jw jirariiHseAen Stàmme. 1901, p. 1-70. — Notre auteur 

^^^■^^' gntique lumière sur les subdivisions des tribus, c'est-â- 

— ^"^^ -lUi at Im clana, qui jouèrent le rôle principiil, tant que les 

^lm nomadea, tandis que les tribus ne gagnèrent leur impor- 

unni historiques et furent alors surtout des grandeurs ter- 

^ itfl dfl l'établissement des Israélites en Palestine, qui ne 

* ivgsieDt. 1^1 envahisseurs adoptèrent, uveu la culture des 

■ de Ixf villes et des différentes réglons du pays. Les 

' (tffireQt iion à désigner les tribus israélites, qui étaient 

ihdiii J"'*'^ n'étant mis en rapport avec Israiil que par David, 

'^^ Inda 1^ deux principales parties de la nation hébraïque, 

** ^jirtiBdért» oomme des frères. Juda ne devint un fils d'Israël 

o& Mlnî-IJL perdit en importance et fut même momenlanê- 

mtVIIDB d'Israël. Les douze tribus figurent pour la première 

a( sont un produit tout artificiel. Ce chitl're, euipruuté aux 

Lm est en connexion avec la division territoriale introduite 

' ' tinil iv)' ^* génti;logie de ces tribus, do date récente, eut pour 

\* Alffalua), Is&ac et Jacob, le premier passant pour le père 

lo lecond à Beerscbéba et le troisième à Béthet, On concilia 




ItEVUB DE PÉRIDOtOUES 



T7 



(M truesHifTéreDles, en unisaanL les trois patriarcbea par un lien defamllle. C»W» 
(nobintisoD ayanl et'- faite dans ta ré|?ron épbraïmile, Jacob devint le ppffi 
dlrfclde UKiles la tribus isra^iites. Fi(;uriLnL d'abord datia la source Jahïiste 
h PenUieu'jue, elle ne remonLe psa «.u delà du ii' siècle. Il est erranft de 
fifnssr i;]ye cçs Irîbus Tiirenl d'abord repféftenlée» par les femmes des pa- 
Imrchts, que leur mariage signifiait l'union de daai Iribus^ la p!u3 fnibie étant 
Q^rïB p&r ta ktama et I& plua Ibrle par Le mari, ou la plja illustre par une 
online I^pîlîme p.t les nutrea par des concubines* Les femmes sont tout aim- 
p^ment nécessaires dane nos généalogies, parce que sans elles il n'y B-ucait 
pu de fils. Les Irîbus israélites furent toujours considérées comni'e àei Gia ds 
Juoh. Finalement l'auteur examine encore spâcialeTnenl les noms rie Jacob et 
■l'Ura^l, j>gur établir que Jacob était primilivemenl le nom d'un dieu cttn^néen. 
<pi Tut en lutte avec un autre dieu, san« doute ceh: d'un cl&n isrAèliie. De là 
1» rfcJt de Iti Genèse où Jncob IuLte avec Dieu, tsaftc,. de mime, était sana Houle 
^mitivvnicnt une (livinitê. Quant i Israël, c'est iiti héros èponyme dénué de 
hMii truL personnel, qui Fut identifié avec Jacob, deveou Sut-mècDe un titnple 
A/fOS, BOu» l'inBuence du ruOQOlbt^ismë israèlile. 
Paul Voiï. I>ie Vaniiauflfigung fisïm Opfer. 1901, p. 93-100. — D'uprès notre 
jauleur, t'usa^e israèlit?, de poser la main sur la tète d'une victime expiatoire, 
i^Difiaît ia transmission du péché, d^ J'impurelè et de la ma.Iedictioni sur cette 
)s. A la t|uestion, comment alors ces victimes pouvaient tire oflertes ï 
|Të, il répond que, primitirement, ces victimes ne furent pus offertes à 
iTé, mats â d>*B d^moTia^ Et comme il d'autres victîmea on imposait égale- 
nt la main, it pt^nsa que c'était une simple iœlt&l.io'n machinale dn l'usage 
[cODcernsnt les victimes expiatoires. 

Stade. />ie KegâciM'aflsn des so/omoniscAeTt Tempeis I. Hun. 7, ï7-*J*. 1901, 
u 145-190. — M. Stade, dans son Histoire du peuple d'Israël, s'est laissé 
iHler par des modules assyriens et égyptiens pour recoTistruî re les hassins 
»!«« dont parle le texte mentionQÔ de 1 Rois. Bien que d'autres savants 
"BicDtiuivï d&os cette voie, i| croît devoir reconnaître maintenant qu'il s'est 
jk ce Sujet et que deui bassina d« ce genre d-fcouverls récemment 
de Cbypre peuvent aider à corriger son erreur, ainsi qu'à mieux 
éciaireir le passage biblique en question, Celuî-ci doit Atre considéré comnie 
DM rocBpilation dr deux textes diiféretits, se rapportaoït au ni^ine objet. C'est 
ec que notre savstit cherche Jt démontrer, en soumettant le passage à un nou- 
examen fort minutieux. 
E. Budde. Bit ursprûngliche fiedeutung d<^ Ladtjahve's. 1001, p. 193..197. 
M. BdltJe, reprodiii&atit partieitement un article plua ancien, paru en anglais, 
lie à établir, cont^a)^ea1ent à l'opinion de M. Meinhold, que l'arche de 
Iabr4 HaÀK un coffre et non un Iràne, comme le soutient ce demÊer, 
Wiltiam R. Arnold. T/je C'-'mpoiUxm of ^nhum i-« : s. 1901, p, 225-265. 
ileur critique d'abord les essais Eailt par MM. Brckell et Gunkel pour explî- 
ar le ttile dont il s'agit et où ils ont voulu trouver an poème alphabétique 



78 



RCVTTE DE L HISTOIRE DES RELlGIOflS 



altéré par Im copialea. Il reconnaît qu'il y a des traces ^videnlts d'un lef 
|>oéiiie. M&is d après lui» («Iles ne proTiennetit pas du prophète Na.hom. Il pensfî 
qu'un rédacteur postérieur, ne troumnl pas le commencement du \ivve rie ce 
prophËle Trniment 8atiftrn.iEanl, y ajouta. {Wmme iatroduction des p&rties d'ui 
poème alphabétique et d'iutrea réminiscenceB, oiftis d« mémoire et sans 
douter du car&cLère alphabétique be la plupart de ces additions, il se livre ; 
uDb i^tude 1res détaJU-^e de la matière pour justifier ùe point de vuê. 

Stade, Konig iuram vùn Juja und Jer Text von i Hm. s, H-Si, 1901, 
p. 337-340, — Ces quelques pages ont pour but de j^ter une nourelle lutni^re 
sur ce texte et sur la Bn du roi en question. h 

H. Holïinger. Der ScKnubrntlixh des Titusbogcns, ISOi, p. 341-342. — ^ 
M. Holilnger propose ici un nouveau plan pour la reconstruction de La tabl« 
des pains de proposition. 



TheologiBcfa» ■ tuctien und Kritikec (Gotha, Perlhi^s). 

Juliiis Ley, CkaraktçriAtUi iIlt drei Freunde Biôbs und der Wandlutt'jtn in 
Hiobs TeligiFisen Auicfiauungen. 1900, p. 331-303. — Notre auleur, croyant 
au caractère dramatique ilu livre de Job, cherche à. en l'ournir la preuve, en 
donnant d'abord une caracléristjqu& des trois amis de Job, Eliphaz. Bildad et 
TBopbnr, !l s'applique À montrer que chacun d'eux apparaît, dans ses discours. 
comme une personnalili.^ dlistiocte et bien marquée. Puis il s'efforce de mettre 
en relief le drame de la vie intérieure de Job, aiguisé par les accusations diffi-- 
rentes et successives dirijçées contre lui ; d'abo'riJ soumission résignée à la 
volonlé de Dieu; puis révolte de plus eo plus ouverte contre son sort, en face 
des accusations injustes de ses aoiis, qu'il combat sans se lasser; enBn point 
culminant et (ritimphe du martyr, au ctiapitre xix, lut permettant de revenir i.i 
des congldÉralions finales pluB calmes. M. Ley croit même pouvoir saJair 
indiquer, entre ces grandes lîgTies, toutes Borlee de nuances interméilmires. 

V. Hy^ael. liii: rtcuifi hetiriiischen Fragmmie des Bûches hsus Siracft und^ 
Vtre Hcrkujift. 1900, p. 363-403, 505-541; 1901, p. 75-i09, 2b-9-294, 547-599. 
~~ Notru auteur, qiri, dans la Bible de K.auti&ch, a fourni entre autres la tra- 
duction de l'Ëcclàsiastique et qui y a àé^à pris en considération les fragmoBU.^ 
du texte hébreu de ce livre découverts alors, oITre dans ces articles multiples biB 
étendus, qui auront une suite, une étude approfondie des autreg %a,gi»enls d« 
ce texte découverl-s depuis : à la fois une traduction et uo. coininenlaire. Dana^ 
celui-ci, M. Ryssel compare fia» tesse la version des Septaote, celle de 'a^| 
Peschîta el le texte hêijreu. La suite et la fin de ces belles éludes, renfermant 
lea conclusions de rauttiur, ne pourront être prises en considération que p]u8 
Urd. M 

Ludwig Couard, Uie Hehandlun^ unri L'isung iliis Probicms der theailîcee t'n 
dcn Psalmen >?;, iit und ^3. 1901 , p. 110-124. ~ D'après M. Couard, ces trois 
Psaumes répondent au besoin de savoir commont le Dieu juste et saint peut to> ' 



aKVUlC DE PÉRIODIQUES 



79 



InKfqtie l'inpii? soit si sauvent beursuz sur la terre, l^tiidis que l'iiomme pieux est 
rriqueintDPDl malheureux. 11 peaae r|ue lïhacun àrs Iroie abouiUti unesoluLion 
diff<'r0nLo. Le Psaume 37 s'en tient encore ru {uint de vue dt^s ineiens pro- 
pbùtes. qui crofaidut à une rémuDÉration pa::aile des anltons liumaines dans 
ta monde. LePeauroe 49, au contraire, date J'uae épcque postérieure, où cette 
canvifliDd traditiotinelle èlait déjà ébninlé^ et où- Toa avatt reconnu qu« la, 
jMlice djrtne ne ae ma-niteslrtit pas aranl tr;at dans les récompeasies des justes 
tllu càttimestâ des méctiams durant I&ur vie. Aussi !e paolmistâ se demande- 
l'il turtûot pourquoi Im justes et lé» m^Vhajiila sont également voués t la 
oorl. El la solutioa à laquelle il arrî-ve, c'eat ^ûé cëâ demirrs. reçoivent le 
cbii}[Q»it mérité dans le scheol, par l'aniûantisG entent, Landis que les justes 
toDtprjiervés de ce sort, ce qui implique un commeacecnent d'âsp^rance de 
U TÎe elomelle. Enfin le Psaume 73 marque un nouveau progrès : s'il admet 
itusi raocatiliâsement final des méchants et la vie éternelle des justes, il iniL 
10 vatre ressortir que la eommunioa avec Lieu est, déjà sur la terre, le meilleur 
putige de ci-ux-ci et que ce sera également leur suprême fàlicitc dans la vie 
future. Nous avons donc ici un point de vur qui dËpasse tout l'AnclBu Testa- 
BKBt tt te rapproche du point de vue chréL>eo . 

Lie. Dr. Boebmer. Die prophelîavhv //e«,.r jcdiyï Eiedfiels. iSOl, p. 171- 

23S. — M. Boelinier part d« E'idee que le piLphètfi Ez«cbiel est l'un de ceux 

' tp» les exègètes ont le moins bien compris au le plus mècunau. Son ûtude doit 

r^r ce tort. Il cherche à Tn^ttre en relief le râle qu« le prophète avait k 

arant et aprC-s la ruio« d« Jerusalecu. et la manière <iont il s'en est 

litt^. Dans ce but, il examine BuccessivemeRt toutes les parties de notre 

' livre, tlctiant d« saisir et de montrer les uotirg qui ont guidé le prophète dune 

la rédaction île son écrit, ainsi que la valeur de l'ensemble, comme de^ détails 

de w& prophi^ties. 

Uai^arele Plalli. Zum Buck TobiL 1901, p. 377-114. ^ Duns la première 
partie de ceti« étude, l'autour analyse le livre de Tobie et aboutît â ta conclu- 
noD qu'il n'est pa£ une œuvre de cotripUution, mois un récit bien suivi d'un 
bout i l'autre U'aprës lut, w livre, composé sans doute environ 200 ans avant 
Dotre ère, «t trop artistique pour être simple taecit emprunté à: la tradition popu- 
iftire. Dans la seconde partie de son travail, il g'occupe de la provenance du 
load de notre livre. Il déclare que celui-ci n'est pas de Ea pure histoire m un 
fimpte produit de l'imaginalton, que l'auteur en aura puisé les éléments easen- 
lieb dans la tradition, mais les aura retravaillés, devetoppés et arran^'és libre- 
laenl, IJ s'applique a reconstituer ces éléments prioiilifa de U « fuble «. en re- 
courant à d'iotres récits sembliibles répandus en Orient et en Ûccidenl. Cette 
eompamistin Tamène à la eoitciusion que tous proviennent d'un typo utiit^ue. 

i. Meuibuid, Oie Lettre; Jahvcs. 190L, p. 593-017. — Ctl article est une. 
réponse à celui de M. Budde eité plus haut, toucbauL l'arche de Jahvé. L'au' 
t«iir y défeati son point de vue arec de nouveaux arguments et tend à prouver 



80 



EWtie DE L HISTOIRE DES H^KIONS 



eiirtont que cstle i.rehe pouvait être un trfine du Di«a d'Ixnët, tout en ftAot 
un «oITrf . 

Jtilius Ley. Zar Erktâruns dir Bideutunfj d^s Knec-hlei Jnhvt m dén toge- 
nnnnifa El>e'i-M\.t"f-Ue4ern. 1901, p. 6ôfl-689. — M. Budde ayant soutenu. 
rlaiia ua opuscule paru en t90(), l'opinion d^ji souvent émise, que le Senriteur 
lie Js.hvé qui Biiuredans une s^rie de textes du Second EsaTe est Urafil, elque 
ce sont Ub pajana qui parlflot d;ins Esait, un, notro autour défend contre lui 
le ptiinl de rue opposé, prûtenJaut que l'expression en question désigne un 
iudividu et que les païens aa s&uraiflDt Hr& le BUjet parlant dan» le cbBpitra| 
cité, 

Revae biblique Internationale (Parla, Victor LecolTre). 

Aibprt Condamin. Éludes sur l'Sedéfiaate . 1900. p. 30-i4, ^4-377. — Cei' 
AtudtiS s'occupent surtout d« la question d'aulhenlicité àé nolffr livre. Elle>e 
eiamiaent sunaessivernent i^ ce sojvt la Irarlilion, [« témoignage de Pëerîl lui- 
m^Die, les allusions, le ton et Ja languf! de l'écn?ain, enfin la date àf compo-j 
BUion du livre. L'auteur arrive à la conclusion que celui-ci fut composé veri 
200 arai^t J.-C et que c'est par pure Betion que le oonlenu en est mis dans la 
bouch<: de Salomon. 

J. Touzard. Nùtive/ttix fragments hébreux de l'EccUsiaatiiue. 1900, p. tô- 
62, 535'563. ^ Il s'agit ici d*s fragments découverts depuis 1896, Notre 
auteur raconte cammenl furent faites ces dêaouveiliis, a queliles ntudË>s elles 
ont donné lieu, quelles discuesions se sont éleviiee k ce sujet, dont la plus tm-j 
porlantc est celle relative à l'origiTinlitÉ dps dits frn^menl», admise par heaii-l 
coup de savants, conleali'e par pluaieore autres. Il arrive â la concluaion qu'il 
faut encore un long trafail de critique textuelle, pour qu'on puisse se pronon> 
eer en pleine connaissance de cause sur ces problèmes. 

M. J. Lagran^e. L'itinéraire des /sraétites <Iu paijs de Oessen aux hords du] 
Jourdain. 1900, p. 63-S6, 273-387, 443449. — Dans c«a articles, l'auteur fonr< 
nit une ^îtud<• critique à la fois des tPXLeE bibliques qui se rapportent au sujet] 
pt 'tes questions topoi^Taphiques qui y ont trall. Il pense que, s'il reste enconti 
à i'-e sujet bien des points obacurs, il a pourtant établi que les Israélites otït 
suis! le fond de l'Araba, pour n* remonter 9uf l4s plateaux de l'Orient qu'au 
Bud de la mer Morte. 

M. J. Lafirang*. Débara. 1900, p. 200-225. — Dans cet article, sont d'aboM 
exposées leâ dilFèrflnLos opinions qtii ont él& émises par la critique moderne sur 
le récit en prose d^ Juyts, rv, et 3ur le cantique du chapitre suivant. Ces deux 
morceaux aont eoauite soumis h. une âtude critique ayant pour but de lever les 
difficultés qu'ils présentent. Puis vient une nouvelle traduction du cantique de 
pAboru. 

Albert Gondamin. Vunilé d' Ab'lias. 1900, p. 261-SÔâ. —Notre auteur cherche 
& défendre Tunité du petit écrit d'Abdias contre I«b critlqu>es mo'dernes qui la 
nient, en mettant surtout en avant dee argumenta lires du rythme, de la 9lnic< 



REVUE DE PËRlODtODÏS 



81 



turf et lie Is diAposilion des strophes de celte prophétie, Il souUvfit en outre 
rjue celle-ci est plus ancienne que le texte parallèle du livra de JArémie. 

flâbftrt Gniome. Milreg et dtropfurs dans tes fragments du taanuicril pari^he- 
mm ou A du Sîraeide. lUOO, p. 400-413; 1901, p. 55-65, S&0-S67, 423-435. 
— C«t article doit coatribuer à élucider le problème si comptexe et si contro- 
versé touehADl les rragœents hébreux de l'Ecclésiastique, eo y appliquant Isg 
règ'lea de It métrique, Ou cherche k y constater les difTèrents métrés qui se 
renconlrcnl dans ces rragmenta, et à e&isir la forma alrophique dont le Siracide 
• coulaoïe de se servir. 

Ni?ard ïichloegl. Ètvdes métriques^ tl critiques sur U livre des Proverbe, 
1000. p. 518-524- — Cet article renferme le premier chapitre du livre des Pro- 
verbes atit eu strophes ei accompagné de notes critiques. 

L, Hackapjiï, Eludes tur it milieu religieux e( iiileiiecluvt ■confcmporam da 
JïowMW Teilaraent. 1900, p. 56i-5î7; 1901, p. 200-215, 377-3&4. —Cas 
éttHlfts, qui auront uoe Euil«, doivent êtr« 5ignB.]éeB ici, parce qu'elles ne repro- 
duisent psa Mulemeol les coocepliona juives du temps de Jésus «t des apâtres, 
mais «n exposenl aussi les origines reculées dans l'Ancien TeBlamenl. Les 
Articles parus JQSqu'ici s'occupent de l'idée de Dieu et des êtres in terni édiaires : 
la Stresse, le Logos. 

Albert Coodomin. Le piélendu « fil â plomb » dans la vision iJ'Atnsi. 1900* 
p. 3S6-5d4. — L'ftuUur part de l'idée que le passage du prophète Amas, vu, 
1-0, n'ft re^u une interprétation salisiaisanle ni dans la version de Jérûme dÎ 
ttans l«s ouvrages des exégèles nodernea. Il soutient que l'interprétativri qui 
introduit dans ie texte d'iVuios im nireau ou un fil â plomb, force le sens des 
nots el oCTre, comme symbole du châtloieal, uae image vague et inintelli- 
gible. C'est ce qu'il l(tch« de prouver par une étude exégétique du passage ep 

<|tlCtliOD. 

G. Marinier, La campagne de Sisera contre Baraq. 1900, p, 594-59$. — Cet 
artiele veut apporter quelques corrections, surtout géographiques, & l'étude 
seolioDiaâe plus haut sur le cantique de Déhora et le texte prosaïque paral- 
161e. 

A. Van Hoonacker. Nvtei sur ThUtoire de lareslaurati'ynjuiee après l'exii 
deBabj/tone. 190t, p. b-26, I75-J99. —Ces noies ont pour principal but da 
«MCsodre, par de Douveaux arguments, l'opinion eoulenue prudemment, par 
•OtM auteur, que Néh6mie*'ut à remplir une mission ea Palestine avant Esdras, 
tBn sent lorioul dirigées contre M. Nika), qui, dana une élude récente, s'eit 
prononcé en faveur de l'opinion inverse et traditionnelle. 

Albert Condamin. Les chants lyriques des prophètes - slrophe$ et chaun. 
tWl, p- 352-370. — Tous les critiques reconnaissanl aujourd'hui d«s strophes 
daas les écrits des prophètes, sans être d'accord sur la Totme el la combinaison 
de C0I slropties, notre auteur essaye du formuler les lois de celte poésie. Sui- 
Tsat lui* le sjrstim* de chant choral découvârt dans les psaumes par le K. Zen- 
per, M IXDUre exa^lement Le nn^aie dans les poèmes des prophètes. C'est ce 






Mnmc DE L SISTOIRS DBS RKUGIOKS 



f i* diaoBtnr, en èUidUul, à ce poîiiit de vue. Les principaux iqc 
MMB Ai Urt* d'An*», «ion qu'une série de cbapilres du IJrre d'Esaje, 

f, VnL 1« •!>■■ 4min al-it intensif en hébreu'- 1^1, p. 497-511. — Nolrê" 
Miail u>»^t» * recùli<r cet aphofisme de Gesenius : Une chase est dite 
DÎMk ^tMAd lUe «si tminenle en aod genre, aphorisme que beaul^^up de si 
Tffi rtf Itr* ■""— un uiome, sans pourtant s'accortfer eur t'eiplicalîoiïj 
A|Ms avoir wnioA aouibr« d'expressions de cçtt« catégorie, il arrive aux coof 
■laMwa MtruiBS : i) il n'f a pas daos l'Ëcriture un seul exemple certain où 
Ik MA divùi lasïe roiJCtiOD d'augmentatif ou de sjperlalif ; 2) il peut se faîr 
ItWTl" t^ut) l'ailkiiLiûii d'un nom divin élève un objet à eon ptu^ haut degrâ 
■■■ l'uvetlvoM de ce$ objets tient i ia aature et Don à l'adjorictioa d'iit 
Mlfcèl* dnui« ; 'S) le num diriâ modiBànl un autre uonnâ l'tUit constiutt n'éqiihj 
ftvl p«* i UM epitbâle, <;'est toujours au génitif, ordin^iremeiit posBessir^f 
^■Ml«(v«fM« objtctir ; 4} îles montagnes de Dieu, par exemple^ soai donc celles 
>M M iMAU«ab) raatbvilé pr-ividentielit: du crËaieur, sans âtre nidêe ui coalr»^H 
rt4* put I'hUod de Tbouiuie. ^| 

3t|. J. La^rau^, U'imQriptwn de Hésa. 1901, p. 5^2-543. — Cet article reo-^^ 
9um* UB aouToau texte critique de i'iDscripLiou en qUKsUoo, une traductian de 
••lut** *!•* iiotet esplicatires sur le mècae sujet, ainsi que sur II Hois, 3, 
Wito 4m coiieluaiouB hisiorirtues, devant âclaircir le» faits dont il s'a^jîl «t corri- 
MC «1 |*rll4 Ih rues de M. Stade sur ces inê[Q«B laits. 



latUohrlfi Air wisBeuBChaftliche Théologie (Leipug, Reieland). 

Afthur Hiriolat. TuxtkrUiiche Unlersuchum^en uber das iJucA Amûi. laOl, p. 
i\'7S. — Le but de ceile étude eet de comparer lie texte bêbreu du livre d'Amoi 
HHO l«a plu» anciennes traduclÎQiis du même livre, pour déteroiiner la valeur de 
AM daroièrM eu vue de corriger les passages oorroaipU6 de l'original, L'auteur' 
OMHUMnat par donner une caractéristique de ces versions ; Septtiaginta. ItaJa 
(ndtioUons arabe, copte, élhiopianue, Aquila, Symmachua, Théodotiwn. Targum, 
k^oliiU. Vulgata. Celte caractèriatique eal suivie d'un commentaire du livre 
il^Amo*. tuitie dû ne sont pris en cnasidêralioTi que les points principaux, qui 
ttiatrviit dan* le cadre de cette étude. 

Dr. Karl Linoke. Die Entslehung des JudeiU/iums. 1901, p. 48l-50i. —Cet 
ftitielo «st une naquLSse du développement religieux du. royaume d'Epbraïm, 
jmqu'A ai ruia»> et de Juda, dapuis lorigme de la royauté jusqu'à Esdras. Il 
l«nd * monlreriiue le premier était spintuellaioent supàrieur au second, tandis 
uti'O eriluhoi a, di^s les anciens temps et non seulement depuis Esdras, lesqud- 
lit^B «l le» vicpï du judaiaine p^ïBtérieur : une grande fiupiriorité miellée tualle, 
dwublAft tl'uHB (Énergie qui a tort peu d'âgards pour les autres. D'un côté, it y 
Attrait uti piincipo rnligieux et éthique progreasir, dordulrc, un sacerdoce in lo- 
ltl«ali svvc un dogme sLèrîlc et une loi etruile. 



REVUE DE PABIODIQIIES 83 

SohweiMriiolie th«ologi8ch« Zeitsohrift (Zurich, Frick). 

Fr. SWtlM. Veber, Hiob '», fS-sr. 1901, p. 230-245. — L'auteur trouve 
dans ce texte ane prophétie de la résurrection du Messie, l'espérance de la vie 
élemelle partagée par Job, enBo la JustiBcation de celui-ci dans cette vie par 
une manifestatiOD divine. Il cherche à établir tout cela exégétiquement. Dans la 
dernière partie de son travail, sont tirées des conclusions pratiques touchant 
U foi chrétienne et le rapport entre l'Ancien et le Nouveau Testament. 

Bems de Théolo^e et de Philosophie (Lausanne, Georges Bridel). 

C. fonslOQ. Le cantique de Débora. 1901, p. 144-172. — M. Bruston est can- 
vùnen que ce magnifique chant de victoire reorerme encore de nombreuses 
obaearités malgré tous les commentairet dont il a été l'objet. Dans sou étude, 
il Tent donc essayer d'éclaircir, au moins eu partie, ces obscurités. 

Jemes BarreleL Le serviteur de l'Éternel d'après des travaux récents. 1901, 
p. 236-2C5. — Cette étude ne veut pas être un travail de fond sur ta notion du 
serrîtaor de l'Étemel dans le Deutéro-Ësa'te, mais une simple orientatiou sur les 
^ïncipaax courants d'idées qui se partagent & ce sujet le monde tbéologique. 
L'aoteor passe donc en revue les opinions les plus marquantes émises sur ce 
point, depuis le milieu du dernier siècle jusqu'à ce jour, pour donner la préfé- 
rence à celle de Delilzscb, qui a vu, dans la notion en question, une pyramide, 
dont la base est Israël et le sommet Jésus-Christ. 

C. PlEPKnBMHa. 



REVUE DES LIVRES 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 



ËHNîisTCRAU'LiiY. — Tho Mystic Rose. A. study ol prlzuitii 
marriage. — Loadoû, Macmillan and Co, 1902, 1 vol. 8" de 4^ 
pp., avec index. Prix : 12 sh. 

Le livre de M. C. est une très imporlaote contrLbutioQ à la connai 
sance des croyances et des inslitutiûDS des peuples à demi civilisée. 
théories qui s'y trouvent énoocêes étaient sans doute coanues en 
par deux articles publiés jadis par l'auleur, l'un dans le Journal of tl 
Anihropologicai /nslituCe (1895), l'autre dans Fatk-Lore (1895). Da 
son livre actuel M. C. a repris ses théories pour les préciser, les dêveli 
perel lesjustiQer â l'aide dun plus grand nombre de faits. La pi 
miêre critique à faire porte sur le classement de ces faits : l'auteur 
a recueillis et juxtaptués sans bien savoir ïea coordonner ; il n'a pas 
choisir les plus caracléristiques, pour rejeter ceux qui ne présentai 
qu'un intérêt secondaire; et, ce qui est plus ^Tave, il les a emprunt 
indilTéremment à ces ouvrages de compilation comme à des publicatîûi 
de premier ordre. Nous ne dirons rien du procédé qui t0ttsi«te à exIraU 
des documenta d'un livre de première main, et i les résumer, en fu 
saut abstraction du milieu social par lequel les faits se conditionnent 
M. C. a en effet adopté de parti pris la méthode des anlbropologistes 
anglais; il a suivi en ceci plus Gdèlemeat Sydney Harlland que Frazer 
auquel The Mystic Rose est dédié. 

M, Frazer en efTet ne craint point les citations longues et 
tuelles, et, surtout, la masse des documents ne lui fait point perdre 
vue k fil qui doit le guider parmi eux; au lieu que M. C. a manifes 
ment perdu pied : d'où de& répétitions, des longueurs et une confuai^ 
parfois; fatigante; la lecture du livre est certainement ardue. L'aut 



A!«lI.rSE9 ET COMPTF* ftEMODS 



S5 



D'à p48 SU mettre eu ffisaoi ruent en. lumière le lien mtéfne qui reliait 
les documents les uns aux autres; peut-être ne Ta-t-il pas aperçu bien 
cettement lui-môme, puisque le développement de l'idée fondameïltale 
n'avance pas progressive me ni mais par sauts bruaques en avant suivis 
de retours en arrière. En sorte qu'avec une méthode plus riE;oureu!«e 
rou%-rage aurait pu t-tre aUé^é d'un tiers. 

Quelques mots encore à propos du titre et du sous-titre. Ce titre de 
Thf Sfijicic Hose est maairestemcot une imitation du titre adopté par 
Fn'KT {The (iiild'^n Bough) mais il ne a'explique pas aussi bien. Car il 
ne s'apit nulle part dans le livre de M. C. de la Rose Mystique^ loul au 
nioiiia eu adoptant le sens que l'auteur donne à celteeipression poétique 
A la p. 485, où il termine un très couit paragraphe relatif aux divi- 
aitis du mariage, par une allusion ^la Vierire Marie. Mais i^e même titre 
s'expliquerait mieux au cas oCi on l'interpréterait autrement : dans 
l'antiquité et même de nos joura l'exfiression de Rose Mystique désigne 
scmre&l l'organe sexuel féminin; or c'êsl bien de la vie sexuelle des 
demi-drilisés qu'il est quesLion dans ce livre. Si M. C. y parle de ma- 
riaijçej c'est comme d'un phénomène basé uniquement sur telles concep- 
tions relatives à la vte de? sexes; et l'exptic&tîon des cérémonies du 
mariage y lient tonl juste la m<^me place, logiquement, que l'esplica- 
tioa de l'endogamiê, de la couvade ou du tabou de la lielle-mère. Cm\. 
dire que le sous-litre n'est pas bien choisi non plus. 

Ces quelques défauts n'empêchent point le « Myalic Rose » d'être un 
outrage de premier ordre, tant pour la quantité et l'intérêt des docu- 
meola rouais que pour l'originalité les lolulions proposées. H. C, a 
cherché à donner une réponse satisfaisante aux questions suivantes 
fpp. 2-3) : 

1) Poun|Uoi. conformément à un usage trëa général, les maris et lee 
frramea, les frères el les sreurs ele. doivent-itg s'éviter réciproque- 
méat de diverses manii'res, et nolammetit. ne pas man^^er ensemble? 

% Pourquoi des couples amis doivent-Ils ausaî, comme c'est fréquem- 
inenl le cas, s'éviter avec soin ? 

3» Pourquoi, en outre, ce même genre de barrière s'élève-t-il entre 
les hommes d'une part el les femmes de l'autre? 

4} pourquoi, ainsi que le veut un usage répandu, le ûancé doit-il 
Fentparer de sa liancéepar La violence (mariage par enlèvement)? 

5) Pourquoi le fianct/ et la fiancée sont-ils. au Bengale, d'abord 
niari^ à des arbres? 

6) Potirquoi la fiancé*, à Argos, portait-elle une larbe alors quelle 



fi6 



It^VUlE DE L^HESTOIHE t>ÊS KELII^ION^ 



se trouvait dans la cbacnbre nupUale, et pourquoi à Kos habillait-on 
le fiancé de vêteraenis de femme? 

7) Pourquoi, coqformément à une coutume des plus répandues ua 
homme et sa belle-ni«re doivent-ils s'éviter l'un l'autre au point d'avoir 
à se cacher la figure et d'éprouver un sentiment de honte quand Ils 
Irouveot en présence l'un de l'nutre? 

8) Enfin pourquoi^ ainsi qu'iE est dit des Tibarenoi chfz Les auteurs] 
grecB, eldu roi de Toretore dans la (leile d*Aueiuiin et de /VicùUUe, le 
mari prend-il le lit quand sa femniie va accoucher ou vient d'accou-j 
clier? 

Les. réponses à œa questions, dit l'auteur, ne s^e trouveront que ai 
l'on examine les croyances religieuses des non-civilisés, la religion étant] 
chez cPâ peuples le suhstratum de la vie individuelle et scctale; et 
parmi ces croyances, le^ plus importantes sont celles qui se rapportent à 
la vie sexuelle. Les individus d'un Rexe sont dangereux pour ceux de 
l'autre : il faut donc réglem'^nier leurs acte^ à l'aide de tabous ; car le 
taboues! à la fols une règle et tine armure; il s'applique â tout ce qui 
ffît anormal, inconim, nouveau, à tout ce qui est daCFéi'ent : tout être, 
par cela seul qu'il est diltêrent des autres êtres, est pour eux potentiel* 
lement dangereux et lui-même a tout à redouter d'autrui. 

Jusqu*ï-là M- G, suit J, G. Frazer dont il reprend et développe les] 
idées [cL au surplus l'article Talrou, de L. Marillîer, dans la (Jrande Sa- 
cyctopMie). Le chapitre ni ne traite que des taboufi sexuels; il n'est! 
d'ailleurs qu'un développement, parfois à l'aide des mêmes documents, 
de la Gq du chapitre ii. Puis (ch. v] vient une étude sur les noLiona de] 
contact, de contagiod. de trimsosisslbiUté des propriétés, par la cura- 
mensalité par esemple (ch. VJt). /Vvei: les chapitres viu et ix nous re- 
venons aux relations sexuelles, et M. C. reprend la question du dDntïer 
du contact. Les iilées 4ur le contact, dit-il (ch. v) dont à la base de 
toutes tes conceptions sur les relations humaines. Il est l'expression de 
la joie, de l'amitié, de l'amour (shakehands, baiser; frottement du nez, 
tapes aur l'épaule elc.J ; de même I» où il n'y a ni harmonie, nî amitié^ 
ni amour, on redoute le contact (malades, étrangers, ennemis etc.) 
même qu'au point de vue ptiysiologique, doâ différents sens ne sont quai 
les transformations du sens primaire, celui du toucher, de même aaJ 
point devuepsycholog^ique, ce sont les opinions sur le contact qui âontàl 
labaaede la vie sociale : de par leur nature m^me, elles i^oal primUivet . 
A ces croyances correspond un tabou primaire, le plus important de 
tous, celui qui ïatardit de toucher, d'entrer en contact avec quelqu'uaj 



AKALTSES ET COMPTES RENDOS 



87 



OU quelque chose. Si on altache un sens au contact, c'e«l par suite delà 
eroyance à la traDsmîbstbililé des propriétés (nalurelles. humaines, spi- 
rituelles) et celle notion de la contagion est une des principales de la 
pbilo«opbie des demi-civilieés, M. G. étudie les difrérentes formes de 
contagion et montre que c'est à les éviter que servent les tabous. Or le 
labonqui interdit le contact entre d^iix élre humains et les met en état 
de» Personal isolation » est trèscaraclêrisé cbe2 les Narrinyeri de l'Aua- 
tralie du Sud qui le nomment ngia ngiampe; ceux qui y sont soumis 
ne peuvent se toucher, s'approcher l'un de l'autre, se parler etc. M. C. 
■dopte donc ce mot (p. 238) parce que, dil-il» nn retrouve celte même 
concflpiion chez un grand nombre de peuples et parce qu'elle est carac- 
lique et précise : c'est ainsi que c'est en état de ngia nginmpfi 
fp. 39i) que se trouvent l'homme et la fem.me qu'a unis une cérémonie 
^léciiJe; ils sort à la Fois destinés à vivre en éiat d'union psychique et 
sociale — tout comme deux Narrînyeris sont par l'échange du cordon 

ibilicalunifi pour la vie — et en même temps des restrictions spéciales, 
tabous, les séparent. De sorte qu'en dernière analyse les croyancea 
i-jacentes du mariage et des cérémonies qui l'accompagnent se ra- 
mèneraient à la QolioD de la transmissibilité des propriétés et à la eigni- 
ficalioD reli^euse du contact. De tous les contacts, c'est le contact 
eexuel qui est le plus dangereux étant donné que la lemme est un être 
iœpnr et faible qui peut transmettre à l'homme son impureté (alors 
l'boDnme est impropre aux cérémonies religieuses) et sa débilité {en ce 
cas l'homme est impropre au travail (chasse, pèche, guerreetc.) c'est 
le tabou qui s'oppose k un contact trop fréquent et trop prolongé des 
deux sexes ; en sorte qu'il est et a été un adjuvant de la nature (cf. 
ff. 213-215). 

Dans h deuxième partie de son livre (chapitres r-ïiv) M. C. passe 
«1 revue les dîfTérenla moyens employés pour briser le tibou. Il est en 
eflet de foute nécessité que les hommet^ et les femmes puisiient avoir 
des relations mondaines et sexuelles. D'une part on emploie des moyens 
de protections matérielle (barrière, voile etc.); ou bien on sldeatille 
l'un à l'autre par l'inoculation^ par le repas en commun elc^ Pour l'union 
sexuelle notamment II faut user de précautions préalables nombreuses 
el minutieuses. Et c'est ici^ au chapitre iiv, qu'on voit apparaître la 
premiëre grande théorie de M. C. 

Ponr lui. te mariante est chez les demi-civilisés un acte individuel et 
DOD pas, comme on l'a dit jusqu'ici, un acte social. Toutes les céré- 
moaiss du mariage sont, dit-îl, uniquement destinées à écarter ou & 



88 



RBTUE DE l'mSTOlTlE DKS RELIGttNS 



briser {to remove) le tabou qui e'élève entre deux èlrea dangereux l'un 
pour l'autre parce q\i6 nouveaux l'un pour l'aulre et de sexe difléreot. 
Si le coolact avait lieu sans L'accomplissemeni préalable de ces cérêroO' 
niei, il se produirait toute tine série de malheurs (impureE^, débilité, 
impuissance, maladie, mort). On neutralise le danger de contagion : par 
des purilications, en faisant la cérémonie de nuit, en cachant l'un A 
l'autre les tiancés (soit en les enrermaat, ou en les revêtant de voiles, 
ou eti leur substituant de faux Gaucês), en les mariant k des arbres^ en 
nccompliesant U délloralion préalable, en simulant un enlèvement on 
un viol (explication du mariage par rapt); et on unit les Gan ces soit 
par une double inoculation, ou en les faisant manger ensemble, et dans 
Id m^ine plat, ou d'un même mets (explication du labou de commen- 
salité. 

Kafin 1^ chapitres xv à xvti canstiluent la troisième partie, >ceUe^ 
dw tabous secondaires. M. C, y étudie te tabon de ta belle^mère (qu'illH 
rapproche du tabou de maria femme, de celui de trère à sœur, de 
Celui de parents à enfants etc.), les tabous de la naissance (dont lacou- 
vade) pour en revenir encore à sa théorie individualiatique du mariage i 
«t critiquer celles de ses prédécesseurs. ^M 

C'tttévidemmentcette théorie que M- C regarde comme originale et^ 
nouvelle et par laquelle il s'oppose à Mac Lennan comme i Bacbofen, à 
Wilken comme â. .Hoberlaon Smith et à bien d'autres dont Wester- 
marck. A première vue M, C. semble avoir rafSon de prétendre que les 
cdrémonies du mariage n'ont peur objectif que d'aî'surer la vie et 1» 
santé (physique et relig^îeuse) des conjoints, e) que le mariage n'est 
point, comme on le pensait, une arCliation h h famille, au clan, à lin 
tribu^ une identîQcation du membre nouveau, adjoint par alliance, aux 
niembres anciens qui constituaient le groupe de par leur naissance. 
Mais, autant l'explication, par le danger du contact, de maints acte» de 
la vie (les demi'CiviHséa est solide, autant l'est peu li conclusion de M. C^Ê 
qui ne repose que sur le défaut de définitions précises^ ^" 

L'auteur a commis en effet une confusion regrettable en identifîatit 
deux formes de mariage, l'une qui est ce qu'on peut appeler lemariag-efl 
libre, l'unton libre ou l'union tout court ; et l'autre qui eet le marijtg« 
proprement dit; et, parallèlement, il laut distinguer de même entre 1 
rites d'union et les rites de mariage. L'union n'a rien à voir avec Toi^' 
nisation sociale, politique et économique ; c'est simplement un faitpa 
ticulier, un événement qui n'intéresse que quelques individus d'un grou- 
pement social au point de leur sécurifâ (physico-religieuse) maïs non 



% 




ANALYSES ET COMPTAS RÏSPCS 



89 



V 



fe 
» 



ce pVDfwnnit social tout entier au point de vue de sa coastitulion etde 

sadur^; c'est sur l'union, événement particulier, individuel, que le 

lirrc de M. C. <Kt ncbeen documents de lous genres; ainsi que sur les 

litM mai^iques qui la précèdent, l'accompagneol et la suivent; mais par 

contra l'auteur a précisément laissé de câté tous les phénomènes qui 

présentent an caractère social : l'inlerventlon du chef, ou des anciens, 

oa du prêtre, ou du père de Tamille orficianl comme prêtre, etc. Quant 

i rechange des nourritures et des sangs, où M. C. ne voit qu'une 

double inoculation, comme M. C. n'a pas tenu suflisammeot comptedes 

•apersttlioDS relatives au sang, ni des expressions même par lesqueUes 

le« ooo-civiliséa formulent leur <!royance, il est impossible de s'en tenir 

i l'explication proposée * l'auteur affirme que c'est une inoculation 

destinée à préserver les individus, mais sans démontrer au préalable la 

fausseté de l'opinion courante qui y voit un phénomène social, inté- 

reasant la communauté fornnêe par tous Us individus considérés comme 

parents. La confusion faite par M. C. entre l'union et le maria-^^e est 

pr^Uémenl UD bon exemple du danger qu'il y a & examiner les fail^ 

iadépendammeot du milieu auquel ils appariiennenl. Quant aux rites 

qui accompagnent l'union, ce sont des rites de prégervntion, de purîti- 

eatioD, de fécondation, de prise de possesâion du domicile, etc. ; ils fe 

leirouveut, â un degré v:trî-ible, dans le mariage; mais il s'y ajoute ces 

rit«« d'agrégation que M. C. a ijînorés systématiquement quand il n'a 

pas Uchë de leur donner un sens différent. 

Faut-il attriluer cette unilatêralité d'enamen de l'auteur à l'influence 
dtf théories blolog-iques de Westerraarck, influence ù laquelle M, C. s'est 
laMBë soumettre avec plus de force qu'il ne se L'avoue à lui-^mâme? Il se 
peut; mata le mal eût été moindre si M^ C. avait bu mieux délimiter et 
restreifldre son aujel, de manière à écrire une monographie complèîe des 
opinions et des institut ions ayant trait à la sexualité chez les non-civilïgés. 
If^me i ce point de vue^ l'ouvrage de M. C. est incomplet. Parti de la 
phTaiologie, l'auteur aurait dû laisser de câté toute fausse pudeur et tenir 
ci'inple des documents publiés soit dans les revues elhnpgiaphiques et 
médicales, soit dans la collection des 'r.^u-rm.lia; la lecture dequeEqties- 
uMS«ulement d'entre eux fui aurait montré que le problème des rapports 
anueb et des tabous sexuels était bien plus complexe qu'il ne le 
croyait. M. C. s'en eettenu à l'espliL-ation psychologique, laissant de 
eôW l'étude physiologique et l'étude sociologique; c'était son droit; mais 
fi'esX Là précisément ce qui l'a amené à faire du tabou eexuel le pivot 
d« la VM sexuelle» du labou même, le pîvot d* la vie sociale. 




ftS 



BEVUK DE l,*HlâTÛinE 



brisar {to removf] le tabou qui «'élève 
pour l'autre parce que nouveaux Ttin 
Si le contact avtit lieu sang raccompli 
nies, il se produirait toute une aérû: 
impuissance, maladie, mort). On nen 
des puriticalions, en faisaat U ch ' 
Tauti-p les tiadcès (soit en les enf.-; 
ou en leur anbsliluant de faux fiaoi 
accomplissant la défloration préat' 
un viol [explication du mariage 
par une double inoculation, ou ci 
le m^me pi*t. ou d'un même m- 

KnCa les chapitres iv i xvr 
(les tabous secondaires. U. C. 
rapproche du tabou de man 
celui de parents à enfants etc. 
vtde^ pour en revenir encore 
ol eriliquer caUes de se« prfd. 

C'esi èvidemmpntcetleUi 
nouTelte et par hquelle il ï 
Wilken comme & .Koberts 
muck. K première tu» M 
cMSmonieo du mariag» n 
s*nl* iphysaque et r«l';; 
point, comiat on le pen 
tribu, une Ktentiftealion 
mMttbres aaei«ns qui 
Mais, ««tant l>xpïîea' 

<(uî ne repoa* qM stj ; 
L'aatrur a cxtmin> 
4wx tonMB lie nml 



ui-'me en idme*- 

• 1.1? propres ion 

• iniT -.ie parallèle 
breciions d'abord 

.»» H. C. le remarque 
' , ^'associer enire 
.. _.jQB qu'il existe et 
. ri'one part, les seies 
:■■,: l'être humaÎQ. le 
■ Mais, pourrait-on i 
que les mots de 
, x[iriment autre c!io?e 
■-il pas tout aussi. 
L.'.iionet ri'oliéissancej 
: \\' ester jaKc\, que n'a- 
i..larité etd< sociabililé qu*oo 
Tis .lu'on puisse trouver chei 
eur affirme que le tabou est^ 
irtle comme primiiif {c't 
lie iropgriBde facilité). Riei 
rflosidèn U compleiilé de * 
, rerftt, teUe qu^on esl oblif _ 
„uoo ÎDlellectoelle et sociale l'a 



[iiifl 



atdit: o: 
ùntion «ociat*. . 
^MMMltfràalan 



'A comme primitif, sur le laboj^ 

taboa s*im1 comme piw>i de U 

cooM^liMi pi-reoonelle de Tindi 

cette eoocepïion o*es« eiposèe nul 

',.ïÎ8 rile p«^l « n»"^'^» pages ^dtt 

, t irt LiitonniesJa nnHage n'e*l 

M U feMM. mUd le CMS), à ' 

..^ Il «'jap-tnwdec* 
.nmili«. bi- ViM «ri*e te faij- 

..J^•«^teW•. V^ •• taii p»e«.fôBdpe 
wr r«taiwi««»»«* • ** *"*™**"* *** 



l*^»f.T»IW BT f;OMI>TE& RENDUS 



91 



riiitmme uinme d'autant plus commuoiste qu'il est 



—i—11 arfirmalions théoriques, qui ne peuveol sembler 
. . >-- dû r^tude des faits que si l'on ne considère lea 
Ict «vAîr iiiïléi de leur milieu; d'aitEeurs l'auteur 
: If vrai sens. En quoi, par exemple, ta croyance 
: „ i.'i la coutume de l'atrrétfaliion rituelle au clan 
l-«ll<s oe'te qualiGcatioD de « socialisme sentimental > ? Cette 
cxtle coDiume, d'aulres croyances et d'autres coutumes 
Ibn |Mir exemple qui constituent le totémisme, jouent en etVet 
>rtaut daita ta vie sociale et contiennent et présupposent un 
Y^ tffeetlf ; nuiAtout ensemble de phénomènes sociaux de ce genre 
lis un « socialisme » et encore inoin? un " socialisme 
d'ailleurs il âufTit que celte épitbèle s'applique à toute 
itibD de la vie sociale, au totémisme par exemple, pour que 
t'tion de M. C. : qu'il n'existe pas trace dans les sociétés primi- 
l'un cocialtsme sentimental de ce ^enre, perde toute sa valeur. 
il-éire Vauteur range-t-il parmi « les faits qui ont pu faire 
àtti It aou existence » les faits concernant le totémisme. En ce {»& 
lB une opinion personnelle, individualislique évidemment, du totê' 
, qui ne pourra manquer d'èlre iniéressanie à connaître. Quant à 
c^lslic impulse ■>, il mérite les critiques que M.C. fait ailleurs à la 
lion de l'instinct, et n'est autre choae qu'une virtus dormitioa. 
L'aRIrraation la plus grave est la dernière, suivant laquelle l'évolution 
étm soctétée s'est fiite de l'individualisme au socialisme. 11 est bien 
44tnoalré, sans doute, d'une part que la communauté des femmes n'a 
jamais existé, et de l'autre qu'on tend de nos jours à la socialisation des 
moyettsdecommunication.deconsommilionetde travail. Mais cetlesocia- 
HsalioD moderne, pas plus que l'ensemble de tbéories qui constituent le 
socialisme, ne se peut confondre avec ce qu'on nommie communisme; 
et notre communisme moderne lui-même est tout autre chose que le 
communisme des non -civilisée. Il est vrai, à ce qu'il semble du moinS|. 
qae M. C. entend parler de socialisme^ de communisme et d^individua- 
liame psycholog^ique» , peut-être, en laissant de côté ces mois trop vagues, 
faut-il comprendre que, d'après l'auteur : -<> Dans les sociétés des demi- 
civUiflés, la notion d'individu est plus précise et plus puissante que I.'i 
DvtioQ de société; le progrès a consisté en la lente subordination de 
rindividu au groupemenl dont il fait partie; l'honime a commencé par 
éfre individualiste^ pour devenir de nos jours, et plus tard, social, » Or, 



90 



RKVtlE DK t'HIâTÛf-' 



S'il en él«it ainsi, la vie soiuak - 
lani le!> explicalionBpar le < remo» " 
sexe lemleot à .lonaer à tous h-t iw^ 
A celle des iadivjilus de l'autiv 
paraliftlea lendraienl ensiiUn ;. 
(p. SSpflreiecnpIe et ailleu, 

eux et les feinmea eolre ell.- 

dflB races et des sociétés. C ■■ 

(*e repoussent, de J'anlr-^, 

l»«oio de vie sociale «( ij,- 

répondre, ce besoin (ct 

fwsoin, d'inslincl, etc.. ■ 

qu'une simple coQ£tat.ii 

;iDden.plijsancienp- 

q«»'ûn leur accorde? 

l-il tenu compte c*-*. 

oonstito chez wrtai, 

ell*s une Umiiff ■' ' 



aussi incien qu 

dailti'ursunnti^i 
n'otili^re A ,.■ 
nolion du t 
d'admettre <: 
p»i produirp. 
Les apinir-fï- 

wxuelle or<) 

dualism ' 



«^ I acqu 

«Mrréiol 

- Impart tu 

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- 4 uaenéi 

I. «D livre 

i:as leâ plu 

. r-f moderne, 

»ymrs t'individi 

A -oit tout acii 

i non avîfi, pou 

jMfli-pris que I 

- ^r la tranaïuisail 

.^^vdulabou. Jj 

'^4C«t fauteur en nu 

v4r «ia il est obUgé 

M MlesolJdiTJtt^seï 

.«.«al A plusieurs repri 

_, ^^iirff \ rindivitfualisti 

^mÊt (oDte solidarité, ou a 

3*lk des hûDDnies, celle 

* Jh psrenle éloi^rnès, tx 

' 4. «lli* de 1.1 couleur, elc, 

.«c la* «utres, lîes faits aul 

ik'wiieurs de ceux qu'il a 

vhdle luiimnt aussi bien 

(^ OuftDt à, la formule, q\ 

« w, de la chair au du stoe 

^^rtd»ra»oad'Mre:or. cènes 

^fe^H Mil 'orstfrcesexpressMHia; i 

<^ lc« lin|;uies desdemi-dTaii 

■*•*. MO pM fifnr», nais pr 

„ M MotfaM lÉur lien at«c leta 

^Mft IN» iaUnn^ M. C. ; poortanl 

na numifinlemest lotémiqM. 

k>«t U piopoee km «ipUetba 

^uecoanuk* «n pW-MMtae w 



ItETDC DC L HISTOIflE DES nELlGIOn& 



dans fe choix de son plan. lorsqu'il a traité séparémunl tes dilTérents 
toci, au lieu de dooner une vue d'ensemble de lapeiisée du V^gveda et 
des Upanisàda, «vaut de \^& mettre en parallèle avec \^s. cu^nceptions 
grecques, celles de la religion d'Uraël et du chrialianisnie. Cette dtspo- 
silion des malières am&oe des redites inuliles ; de plus, elle fail ressor- 
tir davaut^i^e eacore la tendance de l'auleur — tendance dool on ne 
peut guère le louer ~~ à éludier les idées propres aux diverses relig^ious 
d&n^ leur état idéal, éternel, et noua leur place dans tes cocdilions 
hi6tqrî(}Uea propres à chacuae. L' auteur semble considérer l'indivîdtia- 
Utâ des dilTéienls peuples comme des entités originales et constantes, 
lia pareil Bystème reprûseute une rèaclion bien explicable contre un 
èvolulionnisme qui prétend tout explique!- par des circonstances exté- 
rieures et plus ou moins fortuites^ et sous ce rapport, l'auleur a de fort 
Lionnes choses à nous dire. Mais, de eon câtê, sa conception ne laisse 
pas que d^t^veiHer quel<]ues doutes lorsque, par exemple (p. 3)^ il alLri- 
bue aux Hindous en quelque sorte primitifs, une faculté spéciale, ori- 
giActle et créatrice dans le domaîae de la religioD et ds la philosophie 
(< eine Lesondere schopferiHche relî^toa-philosopbische Begabung »] 
qui les distingiierait, par exemple, des peuples non-civilisés actuels. 
D'ailleurs, l'auteur a soin de nous dire, dans sa préface, qu'Un juge des 
plua compétents, M. Wiudisch, professeur à l'Université de Leipzig, i 
approuvé et loué sa manière de comprendre le caractère particulier de 
l'âme religieUiie hindoue. 

L'ouvrage de M. Happel se divise en cinq parties : I. « Les vérités tes 
plus profondes et les plus impérissables de l'Hitidouisine original dans 
Siês conceptions de la divinité ». L'auteur, après un excellent exposé de 
la composititiD du pantliéon védique^ juge que les dieux du RgMùd* ne 
possèdent ni l'individualitâ ni la « force mâle » (a munniiche ki-aft >) 
des anciens dieux ^germaniques. Il est déjà permis d'être étonné^ lorsque 
l'auteur nomme, comme types de r^a uv-germanische fjOltertvesçn, des 
personnages comme Sigurd, Siegfried, Hùdhr, dont aucun n'appartient 
à la religion germanique 'proprement dite. Mais une plus grande sur- 
prise nous est réservée par la phrase suivante où l'auteur regrette l'ab- 
sence dans le /fgvéda de puissantes divinités féminines analogues à 
celles que l'esprit germanique a créées (p. 34). M. Happel est encore 
moins satisfait de$ divinités védiques lorsqu'il les compare aux ûlym- 
piens, soit au point de vue des formes plastiques, soit au point de vue 
de leur signification religieuse et morale. Il fait à ce propos la judicieuse 
remarque que les intérêts de la, société humaine ne sont pas représen- 



ANALYSES. I£T COMfïËS RIHI>tIS 



95 



tés par les divinilés védique? comme par celles d'Homère. Les dieux 
Tédiques restent toujours plus barbareâ^ pluB naturisles et plus m&^i- 
ques que les dieux grecs. Cck lient en plusieurs cas À une décadence 
réelle, et aon pas seulement à des cjnceplioua et à ud rilualUme ph- 
mitils. Ce fait niagistrateuieat mi» en lumière par M. Vod^kov dans 
aoD ouvrage sur te naturisme et l'aDimistne, que j ai eu i'occa:âioa d'a- 
nalyser ici fuAiQe (XXXVIII, p. 13(>}, a été géaér«lieê, il uie aemble, 
oatrenaesure par M. Uappel, qui est heureux de trouver des ar^unienli^ 
ooutre révolutionDÎsine ntoderiK:. AjdsI les formes aDimales des dieux et 
le culte d'animaux en ^rénéral ne datent pas, d'après IuL| d'une é^ioque 
jinlérieure et de eroyuDces inrérieures à la religion anslocraUt^ue des 
pltu aiiciens bymnes du /t^véàn, mais ce &ùtd qu'uue dé^'éDêrescence 

alMeun; (p. 39 a. j. Trùasouveut dans l'histoire des reli^iuuâ, des rites 
et des crojaacefi populaires u'apparaïasent que tard daiiâ la littérature, 
tout en se perdant dans les temps pt'êl4iâlorique8. Mais aucuau religion 
iirvenoe n'a oouçu une idée aussi piifenieot morale de la divinité que 
oellê du prophéliame d'Urael. L'auteur a juatemeiit apprécié une des 
données les plus «aseiitielles de U phtiosoptiie de l'iiisloire deb religions, 
toraqu'il établit la difl'érence loncière entie let^ divimlés, uonciues au 
fond par la na,turç, el celle que l'on considère comme révélée dans les 
qualités disliuctives de U vie tiuniame. 

Le développement de l'idée spéculative de la diviuité aux Indes, dont 
l'auteur nous donne ensuite un exposé, constitue une dea meil- 
leuTtia parties de sou livre. 11 estime, il est vrai, que t la conception 
■pdculative la plu» élevée que la pensée hindoue se isoit faite du divin >, 
est pauvre eu loutce qui duoneà U vie humaine sa réelle valeur (p. ()3), 
m^ ilasu bieo apprécier etdéunir la grandeur du brahmanisme ela&- 
ûqne des UpaaisaJs. Toutefois, il nianifeate un esprit de prudent con- 
servatisme vi»-â-vis de l'admiration moderne pour l'idéali&me brahma- 
nique. Les travaux de M. Deuasen et d'autres ont jeté une vive lu- 
mi^e sur l'admirable force et l'imposant pea^imisme qui ae révèlent 
dans la littérature des Upauisads, et notamment sur les ressemblances 
qui existeot enlre le travail iûtérieur de l'âme auï Indes et dans U 
civiUâaUoq occidentale issue de la Grèce antique. Cette lumière a ébloui 
de* gens cependant pénétrants, à tel point qu'ils croient [tercevoir non 
•euleroeul dt;s similitudes, mais une identité presque complète. 

.teole différence que l'on admette réellâiuent sârait, en fmde compte, 
une certaine iulériorilé souts le rapport de la force et de lu logique dans 
la petiÂce grecque et occidentale. 



% 



REVUB DE L HISTOIHE DES RILlUtONS 



Il y a une pari d'exactitude dans cas révélations de M. DeuB&en et 
d'autres savants, et nous assiatoaa ici à la revanche de la pensée hin- 
doue loDt'tempg ignorée sur la gloire jusqu'ici inconleslêe des philoso- 
phles grecques et modernes. Mais M. Uappel ne s'est pas laissé entraîner 
parce courant ultra-moderne. L'irréductible diflérencequi sépare Tidéa- 
Hsme hindou de l'idéalisme grec ne s'explique pas par un plus ou moins 
haut degré de logique et de sérieux ; elle r^évèle quelque chose de plus 
profond. M. Happel discerne dans i'àiae grecque l'espéneoce d'une vie 
commune, nationale, plus élevée, un idéal collectif de la vie sociale 
(nous pourrions ajouter une ardente curioailé, un besoin de recbercbe 
et de science]; d'où, dans leurs sysLèmes philosophiques, une simpli- 
cité moins radicale, la conception d'une vie humaine moins slrictenieol 
illusoire, mais, ea revanche, une réalilé plus riche que celle qu'a connue 
et analy&ée l'âme hindoue avide de délivrance cl de paix. Et M. K, s'op- 
pase avec raison à l'opinion toute conventionnelle, adoptée par le^ ad- 
mirateurs actuels de llnde ancienne, sur t la gaielè, la légèreté joyeuse 
de l'dme hellénique >• qui, d'après M. Deussen (Systemdes Vedanlay 86], 
ne touche qu'en passant aux derniers et plus hauts problèmes de l'exîa- ^J 
tence ». D'autre pari» M. H. a bien mis en lumière ce fait que l'idéa^ ^^ 
lîame (ou le panthéisme) absolu du brahmanisme, tout en s'élevaot 
aux sommets de l'abstraction » laisse subsister les pratiquer d'un féti- 
chisme grossier et leur fournit même, par aa paiLie ésolérique, une 
excellente apologétique. En général, d'ailleurs, M. H. se méfie avec rai- 
son de la méthode trop répandue qui consiiïle à négliger les caractères 
individuels des peuples et des conceptions religieuses pour les jeter pèlt> 
ïûêle dana le« catégories; fétichisioe, animisme^ totémisme, idéa- 
lisme, etc. Peut-on dire cependant qu'il ait au lui-mêmie toujours éviter 
cet écueil? P, 26» nous apprenons qu'aucun peuple, sauf les Égyptiens, 
n's été au même degré que les Hindous influencé et ■■ secoué d'une façon 
tragique dans sa vie entière s par la mort et la vie d'outre^lombe. S'il 
est vrai que les conceptions de la vie d'outre-tombe aient pris, dans 
l'ancienne Egypte, une place plus grande que dans la plupart des reli* 
giODS., il est tout aussi vrai que ces conceptions n'ont rien de tragique, 
mais qu'elles accentuent, au contraire, la plénitude d'un bonheur qui 
se prolonge dans une autre vie, 

La seconde partie traite des u vérités les plus profondes et les plus 
élevées de l'hindouisme original dans sa conception de la création et de 
Tordre du monde ». L'Âme hindoue a considéré le monde comme une 
prison, comme l'a falL l'Apùlre (Ép. aux Romains, vm, 20s.). Et c'est par 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 



97 



li, d'après M. H., par celte perception si déticale, ^i liae du mal de 
l'existence, que les ancien^ Hiniicrus s^ sont rapprochés le plus du pesi^i- 
tuîsme de l'ÈvaD^âle. Mais M. H. oppose à 1 ordre mécanique de l'exis- 
teoce aelon l'bindutiisine, l'univers conçu comme l'œuvre d'art d'une 
raison divine — sans tcutefùis signaler toutes les difficullés que soulève 
tiD« lelle CDDceplion. 

La troisième partie concerne les « concepLions les plus profondes et 
les plus durables des Hindous relativement à l'esseoce, la dignilé et le 
but de l'homme «. L'absorption de tous les êtres dans l'unité abstraite — 
image ûdële, dan^ le monde de la pensée, du despotisme dans la société 
— - ne laisse à l'individu aucune valeur propre, ni aucune làcbe indé- 
pendante. Les ancienâ Iraniens ont eu une idée plus élevée de la tâcbe 
iipéciiique morale dévolue à J'homme. L'organisme corporel de l'homrae 
n'est cpi'une illusion^ un agrégat plus ou moins accidentel. L'art grec 
l'a idéalisé : les dieux i^recs Unissent par ne pa^ souffrir une représenta- 
tion aDimale, tandis qae les dieux thériomorphes ou de forrnt* putement 
ùatastique &ù multiplient toujours dans l'Inde. (Ajoutons que cela n'a 
pas empêché l'orphismev le platonisme, etc., de iionsidérer le corps hn- 
jtiaÎD comme un mal, le eigne d'une chut*, et de le déprécier ainsi plus 
radicalement encore que ne l'ont fait lea «loctrines bindouiRtes du salut 
qui ue l'ont considéré que cûinicie une tllusioti ) Le but de l'individu, 
ftussi bien que celui de la société, se perd, sans bigoilication réelle, dans 
l'abîme de l'Infini, si les deux ne se réunissent dans l'idée d'un royaume 
d« iJieu. 

La quairiëme partie traite des t> vérités tes ^Jufi profondes et les plus 
impérissables des plus anciens Hindous sur la conception du péché». Le 
pvcfaé n'ect pour eux qu'nn obîcurcissement de l'intellect et non une 
perversion de h volon(é, Et c'est pourquoi »t les vérités les plus pro- 
fondes et les plus impériâsables de l'hindouisme $uf le salut » ne des- 
cendent pas jusqu'aux réelles profondeurs de la nilgére humaine: au 
Itea de pénétrer le inonde et de le transformer de plus en plus parles 
(brc^ de l'esprit, l'hindouisme se contente de délivrer l'esprit des 
Ibniies changeantes. 

Ce court aperçu fait ressortir plutôt la pensée ;,'énérale de l'auteur 
que sa frolide docuraentalion et ae» nombreuses ob:iervaUoiis, juâleii ou 
ing^oieuseê. 

Nathan SAderelom. 




Raftiux HixujRi. — Crteto e Budda e aitri iddii 
OrtoBte. Stttdli dl religione comparaca. Firaiie. 1 
— G. Birt)èra. Ti^344 p. 'm-9\ 

GcnAT Nmianak. — Jàmforelse meilan Baddhismen och 
KricteDdomeo 1 nâgra centrala ponkter. — Tpe^ta, 1903. 

W. Scbnlit, 8U p. m-»-, 

Atrat» BatTMoLKT (a. o. ProfesMOT der Théologie laEtael). — 
dhiamiu txiul ChrtsteDtnni. — TûbôieeD oad Lb|bc. 
i. C. B. lfotir(p4iil Siebtt^]. 64 p. M. 1.3d. {Sammiu»^ yemeimvrr- 
iUindiir:her Vortrâ^f undSchriften au dvm Gebiet éer ThrcUfit 

Ijëê comoaraisoiu entre l« efarûtianisme et le boaddhisme aboaileot, 
«t |«ur valeur «*t trù iné^ate, depuis l'apotog'éliqoe plus bieiii«ilUnt« 
qu'éclairée, jusqu'à l'appréctattoa profonde et sérieuse des deux plus 
puiHaaU pbéoomèiMf de l'hietaire religieuse de ]liumuuié actuelle. En 
effet, la coaiuuMncede pitu en plus répandue de ceriaii» écrits bouil- 
dhjquei qu'ont rendus accessibles d*exc«llentes traductions, le néo- 
bouddiiiame occidental, et les idée» bouddhistes ou quasi-boaddhîst» 
de la propa^nde thëc»ophique invitent à des comparaisons qui dans la 
plupart dH cas arriveDt à être forcément dogmatique et superQciellea. 
Elles ne peuvent en effet qu'être faussées, soit par une admiration 
naïve pour l'antique sagefise bindoae. soit par une crainte excessive de 
l'altrail exercé sur nos contemporains par le Nirvana'. — L'bistorieQ et 
le philosophe des religions qui onl parcouru tant bien que mal. à l'aide 
de guides sûrs et hien renseigaés (dont le nombre va grandissant), le 
domaine des grandes religions de l'humanité» Gnît. par la nature même 
descbose;!, parfi'arrËler devant le bouddhisme el le christianisme en ^j 
les plaçaût l'un en face de l'autre comme les deux sommets et aussi^H 
coinnne le? d^ux aboutissants opposés de l'histoire des religions telle que ' 
nous pouvons l'embrasser aujourd'hui'. Aucun des savants qui ont 
étudié la philosophie des reFigions, n'a constaté ce fait d'un point de 

1) Ud des traducteurs les plus méritants d'écrits bouddhistes, H. Neottann 
aiuiDDCfi que « 1b. lumière de I& doctrine bouddhiste est enfin montée sur noire 
lioriïon; et elle luira à tous ceux cjui peuvent supporter la face de l'i vérité >. 

2) M. OI(]cnberg parle " du contraste implacuble qui sépare^ pour toujours» 
c«B deux religions i>. 



AWAtTSBB er COMPTES HEKDtlS 



99 



vue plu$ élevé, avec un sens bislorique plus sûr et plus pénéiranl. que 
M. RadolfEucken, dans son ouvrage intitulé : Der Wakrkeiisgehall 
der Hetigion [Leipzig, 19CH). H dislingue dans les deux >■ reUgions d^ 
U délivrance >• (<■ ErldEungsreligionen i\) un type indien el un lype 
chrélierr, chacun faisant dériver le mal d'origiines différentes et en cher- 
chant l'abolition dans des ttirectiotis difTérente^. Les pag«3 9-15 (1« cet 
ouvrage appartiennent, à mon sens, k ce qu'il a été écrit de meilleur 
sur ce sujet si délicat et si loin d'être épuisé. 

Pour M. HatTaele Mariano l'opposition eqtre 'es deux religions est 
[également des plus nettes. Dans l'analyse de l'essence de la doctrine 
>uddhîque U me semble forcer le problème métaphysique plus que ne 
lé coirtporte ta pensée des plus anciens documents pâEîfi. et il attribue à 
Bouddha un nMede " médiateur «^ de <.< médiation es:'^entielle de la ré- 
demption "j qui est étranger au bouddhisme authentique'. La première 
tiê dii livré net 6n lumière quelques différences caractéristiques 
^entre les deux religions, étudiées au point de vue des questions méla- 
phjfaiqoes, du problème de la souffrance, du mal et de la liberté, de 
rîdéal moral et de l'influence sociale et historique, et enfin quant au 
même de la rédemption. La faiblesse radicale du bouddhisme ré- 
)e, seloD M. Mariano, dans son pessimisme. Mais, à en juger par le 
pIoB intéressant des essais, qui forment ta seconde moitié de son livre, 
c'est en grande partie à son pessimisme avéré que la doctrine deGotama 
Bouddha doit son attrait sur certains esprits modernes. Le chapitre xiu 
renferme la critique de deut travaux italiens relatifs au bouddhisme. 
M. Catellani, l'auteur du premier, a comparé le bouddhisme européen 
lodeme au stoïcisme du monde antique. Pas plus que celui-lj, le 
luddbisnae ne représeate un remède au mal de l'âme et de la société 
moderoâs, mais, comme lui, il fournit une »orle de consolation, si bien 
ufjprupriée à l'état intellectuel et mor^l de la société conleinporaiae, 
que, pour reprendre un mol célèbre, >• s'il n'eiistait déjà, il faudrait 
l'invenler >'. M. Manlovani, auteur du s6i:ond dd ces travaux^ a t'ap- 
proche le bouddhisme de la philosophie de Kant — d'un Kant, ajou- 
cloDB-Ie, considéré comme le père du positivisme et du pessimisme mo- 
l«S. La doctrine As Sid<ibaLtba est, d'après M, M., une morale <;t 
non une religion, une philosophie et non une métaphysique. U n'y a 
donc pas lieu de s'étonner eI le gcepticisme el le pessimisme modernes 
reCQOQaiasent en Siddhattha le maître de sagesse, non seulement le 

IJ Anal d'aborder la comparwHci,. I'aul94ir discute la prétendue dèpendiinct: 
biatorïque de J'Ëvaagile des iradiLioas bouddhistes. . ,. 



100 



REVrE DE L HfStOCRE CES RËLltilOfT» 



plus subtil ât Ië plus sage, inaîs aussi le plue siqcèrie et le plus modeste, 
qu'ail «coulé le ijenrc humain. M 

M. Mariano a, d'ailleurs, une plus jasle compréhetkaion de l'œuvre de ™l 
Kaat et uq idéal plus riche et plus forl de la peoséeetde la vie hu- 
maiaeB. flj 

Ce livre dont les principales parlïes sont réimprimées pour la seconde™ 
ou pour la troisième fois, torrae le premier volume d'uDe série dans la- 
quelle récrivain infatigable et diiitÎDgué qu'est M. Mariano est en train fl 
de réunir toutes se& études d'bistoire Et de philosophie religieuses, de- 
puis ses travaux sur t'essence du bouddhisme eL les origioes du cbris- ^ 
tianiâmejusqu'à ceux sur la questitm religieuse actuelle en Italie. Ces | 
volumes omstilueronl, sous uue forme altrayanle, une belle manifesta' 
lion de l'aspiration élevée de l'auleur vers un calhuUcisme idéal el af- 
franchi, dans lequel il voit le salut de la société moderne. 

M. Norniian a, pour ce même parallèle, bisu utilisé le livre classique 
d'Oldenberget cerlains travaux contemporains. 

Le distingué exégète de Bàle, M. A. Berlholet, doit éli-e félicité pour 
le précieux service qu'il a su rendre, en un opuscule de 64 pag^es, à tous ^ 
ceux qui veulent posséder \ies lumières suflisamment précises sur les 
caractères distinotifâ du uUrisliaDiâme '.t du bouddhisme, et ne peu- 
vent recourir à des ouvrages de docuiiKîntation très développée. Il a 
condensé, avec beaucoup de clarté et de logique> l'essi^nliel de ma sujet 
enuD p«l]t ouvrage ijui se distingue de la plupart dea travaux analogues, 
non seulement par une conuaiseance beaucoup plus approfondie des 
texteii originaux, mais aussi par une plus Qne comprétiensLon des phé- 
nomènes religieux. Je note, en passant, deux objections que j'aurais à 
faire : p. 24, l'auteur oppose au pessimisme du Bouddha u die seligen 
Gelilde ■■ de l'espérance chrétienne; à quoi un bouddhiale opposerait 
aisément ce fait, que le bouddhisme pùMrieur et aoiénque ouvre à ses 
sectateurs des cieux resplendisËanls, J'admets que la réponse à cette ob^ 
jection se trouve implicitement contenue dans ce qui, dans le contex^te, 
précède celle phraje de M. Berlholet. Ua.h il n'est pas exact que le boud- 
dhisme n'ait pas connu de cieux; il en connaît, mais les trouve peu en- 
viables. L'auleur eslime (p. 41) qu avec U morale bouddhiste, c'est celle 
de Laolse qui se rapproche le plus de la morale chrétienne. Kt la nao- ii 
raie grecque? Ce n'est pan méconnaître la grandeur de certain^ préceptes H 
de Tao-te-Kingj que de trouver exagérée la gloire dont jouissent depuis " 
quelque temps les philoaophes de l'ani^ienne A^ie orientale aux dépens 
des sa{fe9;bAl|éniqiie^ï;. 



AJiftLTSss ET canms U-^dt» 



m 



Os obi9c(io&! de 4ét»l fte m'«»p^cb«nt d'tilWirs pas de reconaaliR 
que la brochure de M. Berlbolel m'a foomi maicites obserratiaBS il nt- 
marques otites. 

NllHluH SADEltBLOH. 



Pierre Botet. — L« Di«u de Platon d'après Tordra chro* 
Qologiqae des dialogues. — (îenèTe. 1902. 

C^ oQVTTige, iDlèressaitt sa plus haut point et par te sujet traité et 

fai le talent de l'auteur, a pour base la chronologie des dialogues telle 

qa'elle a été établie par M. LuLoslawski dans son livre : The oriyin imd 

yromrtA ùf PttUû's togic- PrpcMant des résultats auxquels était pan^nu 

Campbell dans sa mémorable Mitîon du £'opAûi«> et du Poliûqu^, cette 

dasaîiicatioQ répartit en denx classes les dialo^es postérieurs à la 

pMÎâde Bocralique. Bans la preinière Ogureat les ouvra^res qui exposent 

b Ibâoriede L'idée; ce sont le Crotale, le Banquet, le Pkr'don, la Ré- 

puhlujuf ei le Phèdre, k la deuxième apparUenneol les dialogues ou la 

doctrine de l'idée fait place à Une nouvelle théorie de la scienu; ce 

soal lie Thfitête, \e Parmfnide, \e Sophiste, le Politiqtf, \ePhilèb^, le 

Timét, le Crilias et tes Lois, Les vues ori^i^ales de M. Lutoslawskî 

aoal loin d'avoir r^>nconlré l'assentimeat ^êoéral, £n les adoptant «^ans 

f fae rn ts . H. Bovel asan.'t doute un peu alTaibli sa th^se. Ce qu'il y a de 

plitf contestable dana Touvrape de M. Luto$]aw9ki, ce n'^t p4S l>nl 

l'Mdre chronologique assigné aux dialogue que cette afTirmation, qui 

eit à la base du livre : la théorie de l'idée n'a f'ié qu'une pha^e de la 

pliîlo«ophîe platonîcietine. Or la thèse de M. Bovet repose sur celle^ 

albmslion. 

Celte thèse est la suivante : Dieu n'a point de place dans le premier 
Sfttêtoi philosophique de Platon, c'est-ù-dir'?daD$ h théorie de l'idéf ; 
■■ eODiraire, dans ia deuxième phase de la philosophie plalonicienne. 
Dm est une âme parfaite, créatrice du monde, et tes idées deviennent 
leiMAiocis de cette dme parfaite. 

n bnl doQc, d'apréâ M. Bovel, distinguer deux périodes dans la pen- 
sée de Platon : l'une, dans Uquelle la théorie de l'id.-e .?sl préportdé- 
nali; Tautre dans laquelle cette théorie se Iransfoimt? en hqS autre 
toate différente. Car il ae faut pas s'^ tromper : ai l'idée cp^e d'être 



SEVOB DB L'mSTOIRB DES llFLIGI'>>5 



cèe par les traditions orphiques. Pour l'étudier à fond, M. Bovet aurait 
dû lui consacrer des développements horss de proporlion sans dont* avec_ 
le sujel de son livre. 

iju'esl-ce doDC que ce Dieu? tl esldîrficîle de le dire. Faut-il ad- 
mettre, avec H. Broch.ird, que c'est un composé d'idi^e*, comme tout**' 
les choses apparlenanl au monde du devenir? Celte conjeclure n'est pas 
certaine. On ne comprend pas bien comment, Ee mélange des idées ne 
Commenpaat à s'efïectuor que \:.\t l'action de Dieu, Dieu serait luj-j 
même un produit de ce mélanine. Il n'est pas probable d'ailleurs que 
Dieu appartienne au monde du dev^iair. Nu<us pensons qu'il est plutAi 
un intermédiaire entre ce monde et les idées. Somme toule, ÏL faut,f 
croyons-nouSj fl'en tenir à cette affirmation sommaire : d'aprfts les der- 
niers dialoj^ues, le OieU de Plalon est un principe servant à expliquer 
comment àea essences immuables a pu naître la fuyante mullipticilé 
des choses sensibles. 

Nous sommes maintanaot en mesure d'appi-écier la première partie 
du livre de M, Bovet. La thèse qui y est soutenue esl la suivante : Dieu 
u'a point de place dans le premier système philosophique de Flalon«| 
Pour M. Dovel, le premier système philopopbique de Platon est la 
Iboorie de l'idée. Ainsi entendue, la proposition est inacceptable pour 
ceux qui, comme nous, n^admetteni pas qiue Platon ait renoncé i cette 
théorie. Il faudrait donc dire : Dieu n'a point de place dans les diaîjgties 
où la théorie île l'idée est exposée dans sa simplicité première. 

La grande majorité des historiens dg la philosophie ont cru que Te 
Dieu de Platon n'est autre que l'idée du bien. M. Bovet discute l'mij 
après l'autre \e% ar^^uments invoqués par les défenseurs de la tradilion.l 
Il s'attaque ensiûle à l'opinion de ceux qui placent Dieu soit au-dessuB, 
soit au-dessous, soil à cdtë de^ id^es. Ealiu, dans un appendice^ trop 
loDg* à cette place quoique ln>p court en lui-même, il cherche à établir 
que la divinité ne joue aucun rôle ilans^ tes systèmes philosophiques an-, 
lérieurs au platonisme et qu'il n'y a, en conséquence, pas lieu de s'éton-j 
ner de son absence dans la premiè'E'e phase de la doctrine platonicieDne.j 

Cette thèse auditcieuse est soutenue par une arg^umentalion très forte. 
Nous sommes diisposés, pour notre part, à l'admettre dans stm ensembi e- 
Mais nous voudrioDg qu'elle fût tant soit peu atténuée dans ce que son] 
énoncé a d'abrupt et de paradoxal. Nous sommes pleinement d'accord 
avec M. Bovet, lorsqu'il soutient que le Dieu de Plntun n'est ni au -des- 
sus ni à cftté des idées. Qwant à l'interprétation qui fait de Dieu un être 
inférieur aux idées, elle ne vaut évidemment que pour la deuxième 



ANALTSBS ET COMPTAS RHWDOS 



105 



phase lie la philosophie platonicienne: on a vu les nriaons pour les- 
quelles nous nous y sommes ratlaché. Enfin nous eslimons que Ton s'est 
trop bâlé d'identifier le Dieu de Platon avec l'idée du bien. La critique 
à laquelle M, Bovet soumet l'opiTiiort traditicyEïhelie est une de;; parties 
les plus solides et les plus inléressantea de l'ouvrage, Cependant» en 
affirmant que Dieu ne tient aucune place dans la première p&rtie de ta 
spéculation platonicienne, on contredit, nous semble-t-il, par trop ab- 
solnmenl l'ioterprêlation ordinaire. N'est-ce pas trop s'attacher aux 
termes seuls que de se refuser à trouver Dieu dansles dialogues de cette 
période, comme d'ailleurs dans toute la philosophie antérieure i Platon , 
parce qu'on n'y rencontre pas le mot 6îi; employé de telle ou telle façon? 
Il est p&rmi» de croire que l'identification de Dieu avec l'idée suprême 
est tout au moins implicitement réalisée daos la philosophie de Platon. 
Qu'on se rappelle la théologie spiritualisle sortie de la doctrine plato- 
nicienne. Pour prendre l'exemple le plus proche, le Dieu d'Aristote 
n'«st-il pas une essence pure? Or, Aristote, malgré la critique péné- 
trante qu'il a dirigée contre la philosophie de son maEtre, est resté pro- 
fondément platonicien. On sait, en outre, qu'il in^iate volontiers sur 
lea défauts de la théorie de l'idée et sur Timporlance des corrections que 
lui' même y apporte. Ce n'est donc truère probable qu'il se soil séparé 
radicalement de Platon sur une question aussi capitale sans raention- 
ni-r par un seul mot la nouveauté de sa doclrine pmpre. 

On le voil ; nous ne sommes pas toujours d'accord avec M. Bovet sur 
la façon dont il interprète la modification survenue dans le système et 
la Ihéùdicée de Platon, Maisceltedîvergence d'opinion ne nous empêche 
nullement de rendre un hommage sincère aux rr érites de ce livre: 
critique loyale, quoique subtile et ingénieuse; intelligence parfaite de^ 
texte*, argumentalion lumineuse» reposant sur une connaissance ap- 
profondie du platonisme et dei^ écrits qui s'y rapportent. Il est impc^- 
Bible de mècon naître la valeur des résultats auxquels aboutit cette étude. 
M. Bovet a démontré, d'une manière que l'on peut considérer comme 
délinilive, qu'à la trana formation de la philosophie platonicienne cor- 
respond élroitennecit un cbaog'enaËal dans la manière de concevoir la Ai- 
vinilé. Ce neet pas tout. De aoD livre ressort — pour peu que l'on 
n'admette pas que le canceptualisme ait succédé, dans la pensée de Pla- 
ton, A la théorie de l'idée — que l'union de la mythologie et de la science 
o'est pas faite dans la doctrine de Platon, non plus que chez les pbilo- 
■ophen ^recs antérieurs à Platon. S! la divinité Ë^ure dans ces systèmes, 
c'est k titre subalterne; elle ne 9e confond pas avec les principes des 



100 



REVUE DR L HISTOldE DES RELTGIÛS3 



choses. Cette conclusion e&t très inaportanle. Il «erail eitrèmement in- 
téressanl d« savoir «u juB^te quand, dans quelle philosophie. Dieu est 
devenu le principe suprême el unique. Ce n'*at pas encore chez Aria- 
Ute, bien 'que la divinité joue un râle beaucoup plus considérable iatts 
le péripalélisme qu« cb«z Platon, Peut-élre M. Bovet nous renseî^era- 
l-il quelque jour sur ce point. Il nous doit une continuation de cet ou- 
vrage, un des pltiâ remarquables assurément qui aient paru, ces der- 
niers temps, sur Tbibtoiie de la pensée grecque. 

Chables Werner. 



AitûLF BiicHLER. — Das Synhedrion in Jérusalem und das 
grosse Bet-Din in der Quaderkaxnmer des Jerusa- 
lemitischen Tempels — Vienne. 1902, Alfred HDlder, 1 vol. 
in-S" de 252 pages; prix. 3 niark [6 l'r. 25). 

DaDB cetouvrageM BûchlerG'est proposé de monlrcrqueleeécrivains 
qui ont traité de l'histoire des Juifo à l'époque de Jésus, Schùrer à leur 
t^le, ont eu lort de rejeter les données lalmudiques sur rorganisalion 
des Iribunatix religieux, parce qu'elles semblaient contredire les récits 
dfl Flai'Lu$ Josèphe et des Ëvangilee. B'après la Mischaa legrand Saabed- 1 
rin ^tait présidé par un docteur de h Loi, tandis que d'aprëâ les Évan- 
giles le chef du tribunal était le grand -prêtre. En outre, les sources tal- 
roudiques donnent au chef de l'école, à partir de HUIel, le titre de A'tmi 
(prince); or ce titre, d'après les bistoriens modernes, n'aurait pu ap- 
partenir à un simple docteur tant que le te'mple existait et que le grand- 
prétre était le véritable cbet religieux d'Israêt. Le Talmud aurait projeté 
(lins les temps anciens l'or^'uniaution religieuse établie après la destnic-| 
tion du lemple. 

Stton M- Bùchler, le» contradictions eûtre le Talmud et les autr«*' 
sources se résolvent 1res facilement^ si l'on admet que le Sanhédrin ou 
Bet-Din dont parle la Mischna nVrien de communavec le Synhedrion de 
Joï'èpbeetdes Évangiles, Le premier siégeait dans la litchkhat haggazlt 
[salle despierres détaille), dont le nom ne viendrait pas du tout de Xysto^, 
un peint de la ville haute de Jérusalem, comme l'a cru Schûrer. Celle 
gïlle était au sud du leuiple sur la limite de reacêi&tê intérieure el devait 
avoir deui enlrèes, l'bne donnant dans la cour intérieure, réservée aux 



ANALYSES ET COMPTES BENDDS 



107 



prôlres, l'autre dans la cour extérieure, où avaient accès les laïques. Elle 
devait être en partie sacrée, en partie profane, et pouvait servir de lieu 
de réunion à une assemijlée mixte de prêtres et de simples Israélites. 

Ce triiiuital avait à régler toutes les questions coDcernol les sacrîti- 
ceii. les loiH agraires, comme ladlme, ]&péa, etc., et ea général toute la 
casuistique relij^leuse, Mais ce irîLuQal ne fonctionnait pas comme corps 
judiciaire et, si on s'adressait à lui dans des alTaires pénales, il remplis- 
sait en quelque sorte le râle d'un tribunal dus, contlits ou d'un corps, de 
Juriscouâultes, maÎB il nejug^eaît pas lui-même lesaccusés. 

A l'origine ce tribunal était surtout composé de prêtrea et devait avoir 
des tendances saducéennes, mais il dut faire une place aux i^prà- 
sentanls de la science religieuse. Ceux-ci, grâce à l'appui du peuple, 
obligèrent les prêtrea à se conformer aux doctrines phariBÏennea, et fini- 
rent par devenir les chefs du tribunal. Même dans les. temps anciens^ les 
chefs d'école, mentionnés dans le Talmud comme ayant été nasi (père du 
Iriliunal] ont pu être présidents du Sanhédrin, car à certains moments, 
l«s PLarisiens avaient le pouvoir. Le titre de at/ bel dm (père du Uibu- 
nal), qui après la destruction du terûple» désignait le vice-président de 
recule, a dû d'abord s'appliquer aux personnages importants du Sanhé- 
drin. 

Legrand-prèlre, à l'époque à laquelle ise rapportent les indlcaLions 
talmudiques, n'avait plus aucune importance politique, et ne représen- 
tait pas le peuple auprès A^a Romains. 

Le SynhedrioD, dont parlent Josèpbe et le» Évangiles était, au con- 
traire, une assemblée cbargée de juger. Ce tribunal garda beaucoup plus 
longtemps que le .ÇaiiAerfrm son caractère aristocratique; il était surtout 
composé de prêtres et était pr&sidé par le grand-prétre. Dans les Évan- 
giles on nomme cocnme faisant partie du Synhedriou les prêtres, les 
chefs municipaux et les doclears de la loi. Toutefois en certaines occa- 
sions, on voit que le S'jnhedrion ne fonctionné pas, mais que le roi ou 
d'autres convoquent un tribunal cocaposé de membre nommés spéciale- 
nienl pour la circonstance. 

Telles sont, en résumé, les tlièses que soutient M. Bùchler, en s'ap- 
puysnt sur une connaissance approfondie des sources talmudiques. Pour 
suivre l'auteur sur ce terrain H faudrait une compétence toute patlicu- 
liière. Certaines de ses idées ne laisseront pas que de surprendre. On est 
habitué à penser que les fonctions de jurisconsulte et de juge étaient réu- 
nies jadis dana les mêmes mains ; i I e&l donc étonnant qu'il y ail eu des 
assemblées séparées pour les unes et les autres. Il est étracige aussi que 



108 



REVTE DE L RfSTOTBt DBS RELIGIONS 



Flavius Josèphe ne noua aïl pas mieux Tait connaître l'organisation rell 
gieuae el judiciaire deSvTuifa. Enfin le nam même de tribunal semblerait 
devoir s'appliquer avani tout à un corps Judiciaire. Mais aous n'avor 
voulu qu'analyser très sommairemenl le livre de M. Bûchler, et nt 
laissons aux spécialistes le soin de discuter «t de juger le volume 
nourri de M- Bûchler. 

Ajoutons en terminant que le volumie est pourvu d'un index, qui per- 
mel au lecteur de se retrouver dans les nombreux points de détail traita 
soit dans le texte, fioit dans, les longues note^ mises au bas des pa^«i. 

M AVER LaHBBRT. 



DoH k. B. RttTPËFis. — The Prayer Book ol A.edeluald the 
Bishop commonly called Ths Book of Cerne. — Cam- 
bridRp, tJfiiveriity Press, 1902, -I vol. 4" de xxxvi-286pp. 

L'édition dû c Livre de Cerne » que vient de publier tt. Kuyperi 
édition êtablie^elon les règles d'une rigoureuse critiqU'e, fournil A U* 
science un texte riche en documents sur un mode de la pîéfé médiéTale, 
inlérK:!iant entre tous : là forme irlandaise de la prière uofl Hturgiquf 
« privée ■% intime dans une certaine mesure. Le Livre de Cerne ne nouiieo 
présente pas, & vrai dire, le type originel : ijg'est produit d^ns. les traits 
constitutifs de ces prières des déviations nombreuses sous l'iufluence de 
la liturgie et de renseignement parénétique veuu de Rome, mais U 
périodes de transition HOnt. surtout dans l'histoire de la dévotion indi-' 
vJduelle, d'un Intér&t assez vif pour que la pubticaliou due à M. Kuy- 
pers soit accueillie avec une réelle gratitude de tous ceux dont les ëtudea 
portent sur les manifestations de la piété quotidienne au moyen âge. 

Déjà, M. H. Br^dahaw avgit voulu éditer le Livre de Cefne ou tout 
moins le signaler à l'attention des savants, et c'est d'api t'a le ms. aignt 
par lui dans son Catalogue of iVnnrtscripIs pre.served in ihe Liltrni-t^ 
tkfi UniMi-iilij ûf Cambridge qu'est réalisée la présente édition. Leaoïtt^ 
de Livre de Cerne, communémeat appliqué au recueil de prières con- 
tenu dana le ms. LK 1, 10 de la Cambr. Univ, Library» lui a êlê im- 
proprement attribué par l'usage et il serait plus eiact de le désigner 
sous le titre de ■ Linre de prières d'/Edeluald Tévêque »„ L'identité de 
cet évéque jCdeluald est assez difficile à établir : de 731 à 1013, H. K, 



AXÂLTSJtS ET COMPTES RX^tCS 



109 



compte neuf prélats de c* oom dans le h«ul cl6rgé anglais. Or, M. K. se 
rallie pleineroeal à li'opiDioo de BradshaA^ qui avait placé la dale de la 
compoÂÎlioQ du livre dans la première parue du ix* siècle, — Le texti; 
de L'Évaagite renfermé dans la première partie est fuocièremeal celti- 
que, seulement inllueccé par les versioDS northumbrienoeset nulJemeDt 
atteint par lare£eii£ioDd'Alcum. L' auteur ne peut donc être ÎJ^niiâéavec 
aucun des évêqucss qui, durant les v et xi<> siècliis, ont porté le nom 
d'^Ëdeluald (.^ihelwold). ResLeot, pour la période comprise eolre lA et 
850. le* trois èvéques de LiûdUftkiae, de Lichfield et de Dunwich. Les 
fragmcDls angto-eaioos qui accorapagueQl le teite apparai&saut, à uue 
analysé phonétique mèuie sommaire, couime de dialecte iDercien, c'est 
à l'éTêque .■Elhelwold de Uchûeld (818-830) qu'il semble possible d'at- 
iribuer la paternité du cet ouvrage, paternilè loule relative, car cer- 
NLines parties de cet ouvrage, sinon sa tolaiité, De semblent rien moins 
qu'originales et l'èvèque merciâD a pu n'être qu'un compilateur, d'ail - 
leors érudit à sa manière, ou tout au moins collecteur soigneux des 
prières uu des « eicerpla « propres à faciliter chez les fidèles de son dio- 
oèM les exercices pieux et la counaifisance Bommaire de» Ëcritures. Plu- 
sieurs prières se trouvent m extenso dans le Livre de Nuanamineter, 
d'iiupifation, de compûailioD -àl de date ddilleufà atialog-ues; d autjes 
■ont des amplili cations — iiia^'uliérement instructives — de prières 
pliH anciennes dont les orï^ÎDaux se rencontretit quelques pages plus 
loin. Ainsi, i] con\nenl de u'attribuer qu'une un^^inalité loule relative à 
la plupart des éléments qui couiposdnt le livre de l'évèque .Edeluald — 
0t surtout on peut lui dénier toute bomogéaéilé et toute composition, 
même rudimentaire. 

H. K. a donc tenté d'établir efttf6 les pièces qui le composent et no- 
tamment parmi sesVi prières, unedivisioa crjlîque; voyons dana quelle 
mesure il y a réussi, La formti générale des prières est la lîtaaie, mais 
la litaïue plus ou moins rudimentaïre, plus^ ou moins enrichie d'élé- 
fnenilA adveolicës; d'oùj seloa M. K., deui types auxquels peuvent se 
ramener toutes 1^ formes de prières représentées dans le livre de Cerne : 
l'un est la litanie « romaine n relativement sobre de développements 
dans tes formules d'adjuration et de pétition ; — l'autre est ta litanie € ir- 
landaÏK n où les formules sont d'une abondance extrême et spécifient 
avec une étonnante minutie les personnages sacrés dont le Qdèle qui prie 
récUme l'iolervention, les parties du corps divin dont il demande la bc^- 
aéditMion, les vertus qu'il oppose à ses vicea supposés innojnhr4lilÊ3- De 
ee tjpe l'onifine celtique semble indéniable IM. Kuypen>qui établit une 



10 



KCVUt ne 1- HISTOIRE DES nELIfiIQ>'S 



sén« de rapprochemenls!, convaincants à coup sur, ealre certains pas-^ 
sages du livre d'.-Kdeluald el des traits empruntée à des productions 
indiscutablement celtiques, comme la Lorica de saint Patrick. Q'ailleursJ 
notons ici que ce n'est pas que par des ressemblance» accessoireç qu< 
le livre de Cerne rappelle ces productions : la pièce 4 est une u Lorica >] 
biflii caractérisée, la Lorica d^ Loding (Lalnacan, Lodgen ou LaidiecnJ 
fila de Baeth, prince îrlanilais du milieu du vu' siède) d'ailleurs maintes 
fois publiée et commentée déjà. Enfin, plusieurs des prières du recueil 
semblent avoir él« à cette époque d'uea^e courant en li laûde ou dans 
les régions atteintes par Tinlluence irlandaise : c'est ainsi que U 
pièces du livre de Cerne, numèroléesS, 6. 54,60 dans l'édition actuelle,' 
ee Irouvent aussi dans le ms. irlandais du vin' ou du ix* Riécle, U_ 
Harl. ms. 7053. De même, le Iris/i Liùer hymnorum (éd. Bernard 
Atkinson) contient les n"* 4, 61 et 70, le Slooe Missal (éd. Warren 
et Mac Cariy) le n" 9. Les p"' 8 et 10 sont des Confessions de mèmei 
l'amille littéraire que les " Canons d'Edgar i>, la Confeâsion de Fulgen- 
tiufi, les Gonfesaions d'E(;bert, etc. Le n" 70, bien caractéristique d'uni 
époquâ de transition et peut-être aussi de désarroi liturgique, est u[ 
hymne gallique auquel ou a tant bien que mal accolé une suite irlan' 
daiee. Tout cela — caractères littéraires et identité avec d'autres piè 
de recueils irlandais coatempûrâios — prouverait la parenté du livre de' 
Tévèque iïldeluald avec les autres monuments delà littérature religieuse 
d'orijïiQe irlandaise — et cette parenté s&rait encore confirmée par le 
nombre relativement restreint des pièces de type» romaiax.Geiles-ci.de 
lignes beaucoup plus sobres, procèdent évidemment des « Collectes » du 
Missel romain. Les pièces 9, 98, 38, 39, 40, 41, peuvent entrer dans celte, 
catégorie. Pour sentir toute la différence littéraire et morale qui sêpari 
les deiiit guerres, il sera bon délire les deux « Confessions » 8 et 10, 
toutes pleines ct& formules éuumératives et où le « mea culpa » lui* 
mËme ne va pas sans quelque grandiloqueace, avant de lire la ConfeB- 
sioD 9, d'une réelle élévation et d'une langue plus concise et plus forte. 
M. Kuypers n'a pas sigaaté. parmi les pièces île ce type, la prière n<^ 2( 
qui. encadrée elle aussi de pièces de caractère irlandais, étonne par U 
senlimeot sincère qu'elle exprime, sans fausses élégances et sans les re- 
dondances obligées delà litanie. En revanche, M. Bisbop, dins les co- 
pieuses et savantes notices qu'il a consacrées aux quelques particutarilês 
liturgiques des prières du Livre de Cerne, a accordé une importance 
exceptionnelle à la pièce 53 Oralio ad archangeinm Mkhaelum où 
trouve une formule dont l'origine caastitueà coup sur unprobtëoie 



ANAtVjlS CT COMPTES IIENDtr» 



m 



ÎDlêressaot : Ul... perducas cam {aniviam meam) m [ovuiu lef'ngerti 
paeis et quîetis. Itefrigrrium employé concurremment avec quies èquî- 
T«ut, s«inliie-t-ii, à iiD.e conUrmaLion Ae la provenance directemeal ro- 
maine de ceU& prière, confirinatioD que M. Bishopn'adioel qu'avec d'Jn- 
litiies précautions et ù la aiille d'une discussion de textes dont l'intérêt 
eft îQdédidble, mais qui semble néanmoins quelque peu dispropor- 
tionnée à l'importanca du problème. 

€^ priùres ne représentent pas la totalité du contenu de ce précieux 
ou U. 1, 10. Elles ne couvrent que les fP" 40 '' à S7 ^. Des pièces d'un 
bioindre intérêt (fragment en langue saxonne, récits dei la Passion ei- 
Irjil* des quatre Évangiles d'après le texte de la Vulgate, acrostiche but 
les mois : Aedetuald ep'tscoput) occupent les IP» 2''-41'. A la suite des 
prières ae trouve (II" 87 ''-■98'] un psautier ou, moins ambitieusemenl, un 
centoû des psaiitnes liturgiques analogue, comme l'a fait remarquer 
M. Kuypers, à la CollecCio Psalteni Bedae, bien qu'avec un sens moios 
exact àa texte hiéronymien (même en tenant compte des innombrables 
erreurs peul-èlre imputables au copiste). La dernière pièce est encore 
ane prière, et non la moins inléressante ; le titre en est : c ffoc est ora- 
ttûinnumêrabUit sanctoruni poputt qui tenebnntur in inferno captivilaie 
iacrimabili voce st oùssrvalione salvatorem deposcuni dicenles quando 
adinferot diteendif. » C'est là un document très estimable pour l'his- 
loire des apocryphes au moyen à^e. >f. Kuypers indique sa parenté avec 
le Psalmut Protoparenlum, publié par Fabricîus, dans son « Codex pseu- 
dephigraptiaB V, T. >. D'autres rapprochements nous semblent pouvoir 
élre suggérés par ce texte, ne FiU-ce qu'avec l'Évangile de îîinodèrne, si 
explicite sur le sort d'Adam et ses plaintes aux Enfers. 

Ko appendice, M. K. a publié un teste important du viu" siècle, tiré 
du nu. Royal 3 A XX et qui présente certaines analogies avec quelques 
piëeesdu Livre de Cerne. Notons-y^au milieu de textes évang-éliques, la 
lirétâDcede la lettre du Christ au rot Abgiare, de l'Hymne de la Vierge, du 
Cantique de Zacharie et dei^ trois jeunes gens. Les apocryphes, il importe 
de le remarquer, sont aussi utilisés dans le Livre de Cerne ailleurs 
q':e dans VOrado innumeyabilis que nous aigualions plus haut. Des 
fragments de l'histoire apostolique de saint Jean, de ta Passion de SS. 
pierre et Paul, de la Passioo de S. Atilré, ont été démirqués par 
j£deluald oo par des auteurs de compilations antérieures. Il est intê- 
rcBsant de noter que ces pièces, la prenière surtout (bien qu'elle se 
trouve aussi dans Vfrith, Liher Hymnorum) procèdent visiblement de la 
liturgie romaine. La créance accordée aux pseudépigraphes ne 



RBVUE DÉ 



tiBS RELIGIO.ME 



serait donc pas un des ttailn génériques de l'Ëglise celtique. 

U. Bi&hop, Qouii l'avons dit. a stiumis chacune des pièces conteaues 
dans ce recueil à une savante et minutieuse investigation pour en àé-i 
gager les éléments liturgiques «t eu discerner les origines irlandiiises. 
.( galliques ■ et romaines. Peut-être pourrait-on reprocher justement le 
caractère trop absolu de ces divisions et notamment de celle qui sépare 
nettement l'apport romain de l'apporl galli'jue [iVistale AicAenooienïif,] 
Missale Golhkum, Galitcanum, Francoruni) perceptible dans un nombre 
si restreÎQt de pièces. Peut-être eût-il été prérérablede s'en tenir, dans 
cette critique toujours périlleuse des influenceB, à n'envi sa;;er que les] 
types primitivement indiquée par M. Kuypers : Irlandais et Romaîa.l 
Cela n'enlève d'ailleurs rien à la haute valeur des recherches el à laao' 
lidité des conclusions de M. Bi&bop, conclusions qu'il résume ainsi ; L^-ti 
documents liturgiques avec lesquels les prières du livre de Cerné ont] 
des aifrinîl'éis {ceux avec lesquels les auteurs de ces prières semblent» voir 
été familiers à quelque detjrë) sodI, en premier lieu, les documenls d'o- 
rigine irlandaise — ensuite viennent les documents wiâigotbiques et ro-] 
œaine. Les auteurs durent avoir sous les yeux d'autres prières wisigo-J 
thiques et irlandaises que celtes qui nous ont été conservées. Mais il] 
^^(^mble bien que les seuls matériaux d'origine roruaiue leur iitient été] 
roumis par le Gelasîanum (première recenaioo, éd. Wilson, Oxford, 
I894J> ou plus exactement par les parties de ce recueil que M, B- estime 
être des interpolations gauloise:!! du vu* siècle. Les recueils de prières du 
groupe <i gallique s n'ont fourni qu'un appoint relativcmenl négligeable 
et les reasemblances qui existent entre le Livre de Cerné et le Mixiaivt 
Boèiietiie portent sur des passage de ce dernier dont l'oriijine gaHiquei 
doit être rejelée. 

En terminant, M. Bîsbop estime que Le Livre de Cerné est pai-râitement 
caractéristique du sentiment religieux dans l'égUse anglo-irlandaise au 
temps de la jeunestie des Bonitàces^ des Willibrord, des Willibatd, det> 
apôtres de la l'^ermanie. M. Kuypers lui attribué un intérêt plus vasie : 
« Nous voyons, dit-il, d'après le recueil des prières d'Alcuin et d'autres, que 
des prières de caractère analogue à celles du Livi'e de Cerné or.t eu leur 
place dans la renaissance carolirg^ienne, ont influé aav tout le dévelop- 
pemenl de la piélé dans la vie chrétienne de l'Europe occidentale : d'où 
une série de questions passionnantes, que noua ne pouvons traiter ici, 
telles que t'influence du caractèie et de l'aëcétisme irlandais sur la cfaré-j 
tienté d'Occident ». M. Kuypers ne s*illusionne-t-il pas un peu sur la] 
valeur de ces prières en tant que véhicules de la pensée religieuse I 



ANALFSBS KT COMETES RENDUS 



413 



propre à l'église d'Irlande? Les pièces que contient le Livre de Gertie 
oot UQ intérêt documenlaite très réel, mais tlles renrermeitt bien peu 
dee traits cpii caracEërisent U piétié telle que li'enleadaienl les disciples 
imm^iats de Columba. Il ne reste, dans ces prières, que des traces in- 
sîçDLfiaDtes du particularisme liturgique d'iona; il a disparu presqge 
complètement devant la discipline ramaine. L'individualité religieuse du 
Rionachisme irlandais n'y apparail pas mieux; comme il est arrivé si 
aouveol au moyen âge, de tout un passé de vie religieuse apoulanée et 
abondante, il n'est resté rien qu'une profusion de formules machinales. 

P. Alpu&ndékv. 



MAhriM HiRTMANN, — D6r islâmischa Orient v- Mesreb der 
weîse narr und fromme Ketzer. — Berlin, Feiser, 1^)02, in-â. 

De nos jours, rislamisme populaire a élé l'objet de recherches im- 
poitanles et consciencieuses et, en Algérie surtout, on s'est occupé de 
« qui concerne les marabouts et les derviches du nord-ouest de l'Afrî- 
qve. Cesl une étude semblable que M. Hartmann a consacrée à UD 
pofite tark-oriental, Baba Mecbreb, autour duquel se sont groupés di- 
vers Irdils atlribuéï à des personnages analogues, eu sorte qu'il est de- 
venUf snivanl l'expression de M. Grenard, c le joyeux dervicheje plus 
é4rtuige des saints du Turkistân et le plus selon le coiuc du peuple... 
Chemineau incorrigible, ne possédant que sa besace et son bâton» 
tnendiant impudent, raillant et vitupérant sans peur les grands de ce 
tDonde, indulgent et secourable aui peUU, tour â tour sage et fou» 
bacnliodieur et sérieux ». C'est comme on le voit, le portrait du derviche 
marocain Sîdi Abd er-Kâhmàu el-M^jctoub', La léy^eode de ce perâon- 
o*ige, mêlée des vers qui lui sont attribués, doit avoir été rédigée entre 
1720 et 47S0. Nous la connaissons par deux lithographies, l'une de 
Constaûlinople, l'autre de Tachkend. Il naquit à Namengân, dan^ celte 
partie du Turkestdn où prédomioa l'esprit scolastique, mais, par ses doc- 
trines, U appartient au Turkestdn oriental, voué au mysticisme. Ext;- 
calé en W30 hég. (1688), par suite d'une méprise, sur l'ordre du ICbAn 
«le Balkhf MaAmoud, qui ne lut survécut pas, il devint l'objet de la vé- 

I) De CaJtrieB. Les Gtoses de Sidi Abd er-hahman el-Medjidoub. Paris, 189tj, 
io-16. 

B 



m 



REVUE DE t'mSTOllIE DBS El£LlOIOMS 



nératioD du peuple, et son tombeau, un but de pèlerinage. M. Hart-] 
mann nous donne en abrégé la Eraduction de celte !éË:eode qui renferme 
de nombreux traits communs auï ouvrage de ce geore, Par exemple 
[p. 159), l'épisode du maître d'école à qui Mechreb demande l'ioterpré- 
lalion des lettres, se trouve dans les récits bouddhistes et chrétiens '. 
Il faut aussi menlionner l'ênumératioû des noms des Sept Dormants] 
(p. 1GÛ)î les aventures de Mechreb chez le saint Afdq Khodjan» [mort eu ' 
IDOIJ hég.) qui l'a^isimile, par un singulier rapprocbement, «u martyr 
panthéiale llallÂdj. sa rencontre avec Khidhr, la miracledu balouri dan: 
le désert [p. 171); la façon dont il échappe au Imcber à Madou chez leai 
Kirghiz ; ses aventures à KUodjend chez Aqboulâ-Bi (p. 174-i761i, à Tur- 
kistân, Tancienne Yasi (p. 176], IL se met en roule pour la Mekke, sans' 
arriver jusqu'à la ville eainte, mais un miracle lui permet de s'acquiller] 
de 3ûn pélerinag^e, la Mekke apparaît entre ses doigts (p. i78]; il a en-J 
suite dan« l'Inde des aventurés avecAbouM Ghazi K.hda, le prince uzbeg 
de Khiva, qui régna de 1<J43 à. 16^ et u& mil jamais Le pied dans cette 
contrée : aprèa divers incidenls â la cour de 'Ahd Allah Kbdn, un des' 
princes de la dynastie tatare d'Astrakhan (p. 183) il arrive chez M.aJt- 
moud Kbdn, le chef afghan qui rè^^na de 1722 à 1724. Celui-ci ordonne 
de le mettre à mort, et cet ordre, qui n'était qu'une plaisanterie, est exé- 
cuté : des miracles accompagnent le supplice de Mechreb. Chacune de 
ces aventures, est accompagnée d'uo ou plusieurs ghazels attribués aui 
derviche qui les aurait composés pour la circonalance. On voit par ce 
rapide résumé quel vif intérêt présente le mémoire de M. Hartjpana; 
nul doute que de k mission qu'il accomplit maintenant dans le Turkis- 
tàn et la Kachgarie, il ne rapporte sur t'IsUm particulier de ces régions 
les élémenla d'un, ouvrage d'ensemble qui nous manque encore. 

HeȎ Basset. 



i) Cf. mes Apucryphvs iChhpienii, Vill. Let règles attribuées à S- PafJiéme,\ 
Paria, iS96, pet. in-8, p. 13. 



NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES 



p. HEQttAuo. — Le Rtg-Vèda. texte et traduction. Neuvième man- 
dila : le culte Tèdique du Soma. (. I. - Piiris. Maisonoeuve, IflÛO, 
gnnd iB-8*, uvii-^if? p. 

DâaB c« premier voiutne. M, P. R, noua donna la trad uclion. &<ccoiQpagD'6e 
du texl« «l àe copieuses nùt^s explicatives, des 114 hymnes du neuvième mOû- 
<!dlâ du RJg-VcMa. Comme U l'expliqua dans sa préface, et comme rinijîque 
MO souB-cilre, ÎL a choisi tout d'abord celle section parce qu'elle était la plui 
favorable à l'exposé de aes ihÉoriea sur t le culte védique du Soma •« C'est 
qu'eD eOel, daas L'élat actuel des f'tudes, on trnduil beaucoup moins le Rig- 
Veds qu'où ne l'iolerprèle ; la tournure entière «tU raleurmdme de la traduction 
dîpviident d>e la méthode d'interprétation adoptée. Avec l'âcole naturaliste, les 
byiBDQs védiques ne parlent, comme oq l'a dit ptaiaamimeot, que de la pluie et 
du beau teoip? ; cb«i M. R. ils ne résonnent que du crépitement d« la UtMltion 
danf la feu du sacrifice. CeeL qu'en efTel pour lui, à la difTérence des autres 
v4di»aQt8, le soma ne vient plus d'une plante; il ne se pressure ai ne se cla- 
rifie plus : en revanche il s'enHamme dans le feu du sacriOce qu^il nourrit du 
taêtat coup, et c'est la CociBlniailon perpétuelle de cette expérience toujours 
réuisift que \es hymnes védiques ne se Utaent pas de ressasser. D'attieurs, 
«61 bfroncs Boni antCTÎeurs au riluel brahmanique et, fetlétanl les conceplioriB 
d« l'epotiue de l'unità indo-européenne, doi?ent s'expliquer en ooi et par soi, 
sans tenir aucun compte de 1a tmdilion indienne. Telle est, en deux mots, la 
Hietliodi: dp M. B. A nos yeii«,elle â le tort grave d'abandonner délibèrémiot 
le seul terrain historique pour se jeter dans l'abeolu, c'est-à-dire dans Tarbi- 
tnirc En lui demeurant uniquemeut lidéle el en consacranl i. sa justification 
eet èoonne elTorl de travail, M. B. a donné un bel exemple de constance : c'est 
ee 4|Q4 Dcus en pouvons dire de mieux, 

A. FoubUEa. 



}. Gromkt. — Bhàratlja-MAt5'a-Çàstr&, t. I [Annales tte rVnivçtii té dr 
iV^n, fase. XLj. —Paria et Lyon, 1»9S. In-â*, zzvLti-S80pa^«E. 

LV'tition critique du letle du •■ Tfaîlé de Bharalâ sur le thèilre «, commeO'- 
44« par M. 0., et que la publication du inéfn>: texte dans la ÂVh></uW^f ti'a nul- 



Ilfî 



REVUE DK L HISTOIRE DES RELICilONS 



lemenL rendue inutile, on esl oaiillieureusemeal réglée jnequ'Éci au premier VO' 
lume. Cfllui"CÎ coalient, — outre une iolÉrE^ssanlfl préfac>e de M. Regn&uc{, doal 
M. G. esl relève, et- une introduction dû ce dernier sur les sources et le pl&o de 
son éiiilion, — te tëXle, les variatiLeg et la table analytiquË des 4ju&torze premiers 
chapitres de rourraga. Or, le trait€ mis bous le Dom d« Bbir&ta en compte irente- 
ftix eLdemsniierait, pour être complètemeDl édité, deux auLres rolumes. Nous ne 
pouvoTiB que rejreller vivemeoit la fâciieiiae interruption d'une si e?linmijle en- 
Ireprise et exprimer le souhait de la voir mener à bo'nue ta par son auLeur. 

A. F. 



A. GHiiNWBo&L, — Hytholog-ie da Buddhiame aa Tibet at an Hon- 
goiie. — Pa-riseL Leipzig, 1900^ Un vul. grand iU'S". XLXva-2i7 pages, 
188 ill. 

Nous avons déj& eu l'occasion de dire dans la BuUttin de t'Ècote française 
d'Extrême-Orient le grandi bien que nous pensons dii livre <ie M. Grunwedel, 
l'eslime plus que mâdiocre qus nous inspire la iraduclioti prétendue FraoçAiBe 
de M. Ivan Goldscbtnidl, et l'étal que iloug faiaons de U superbe collection, de 
la préface quelque peu iDcohéreDle el du portrait très chamarré du prince tles- 
pèreOuJtJjtûaiisky — leaquets gerycnt respectivement de frontiepice, d'introduc- 
tion et de fandemeat â l'ouvrage. Nous n'adressions à M. G. qu'un reproche, 
c'était d'escamoter trop habilement la question des origines des types du PoD- 
th^oD bouddhique (ra[is-him&lay«n et de sauter avec une adresse par trop d6- 
sins-olle de l'ancienne école gréco-bouddhique du nord-ouest de l'Iode aiu 
plus bBBjes productions de l'imagerie tibétaine. Il y aurait au mobs un cha- 
pitre intermédiaire à écrire sur le double courant d'îafluence indienne qui s'exei^ 
ga au Tibet — l'un passant du MadbyadS'Sa eL du BeTigale à travers les mon- 
tagnes du NcpàJ el du SJltliiai, l'autre lui arrivant par le détour du Turkestan 
et de la Chine ^ el que personaïQ'ent dans l'histoire les deux épouses boud- 
dhistes, l'une népalaise, Tautre chinoise, du grand roi Sron-san-gam-po. Sur 
l'apport du premier, des travaux, en partie eeulemenl postérieurs &u travail 
de M. G. «t rciatira tant aux statues du Magadha qu'aux miniatures, inscrïtec des 
manuscrila népalais et bengalis, ont récemment jeté quelque lumière : pour ce 
qui est du second, l'expédition de M. Klements au Turfan, sur la route septen- 
trionale du Turkeatan en Chine, et surtout celle^ si bien menée et si féconde, 
du Û' M. A. Stein le long de la route du Sud, de Kactigar à Niya, viennent 
d'étoS'er par une masse de faits et de renseignements positifs toulea les hypo- 
thèses que les témoignages des pàlerins chinois nous permeltaienl dé\i d'ad- 
mettre. M. 0. lui-môme vient de partir, en compagnie da M. Huth, pour une 
mission nouvelle dont nous pouvons espérer les pïua beaux résullats, el ainsi 
la tseutie que nous signalions — et dont lui-môme convient dans b& conclusion 




BIBLTO(inArRt(^l 



m 



p. 196, — lui sen plus Tacile à. combler qu'ï personne. Tel quAl, notu iiooi pUi - 
MDS â l« répéter, son livre, vcoanl aprè» ceui de 5chiAgintw«it, de Waddsll 
et upropn édition du panltiéoo da Tsch&agUcbA Hutuktu.eit le manuel le plui 
dur,, le plus pr&tîi^ue et le mieux documenlê ^iie noua puitsioas actuelleinent 
pOM«der sur La mjthologieet l'iconographie du lamaiime. 

A. F. 



V. Catt-nn. — Z^e Jet d«s pierres au pèlerizi&ga de la Mekks. 

AaverB, impr. Hacker, in-S. 

Dm de* otrélDonies, d'obligilioD cMi00K]ae, do pèI«nRig« <!« It Mekke, ett 
«•Ht qaî conaitU à jeUr dacB la ^ti\èe ée Miu, eontre trois tortu d'*ot«li ai 
lifffw brtttcs. BO cpnaio oombre d« petilee pierres d^ ]■ grosHnr d'au !%**• 
Mie, Cette eérimotiifl, ul^rieure à l'islam est expliquée par Lee Matulnus 
eoaae aoe eotaméanomioa d< U teaUlion d'Abrabuo, Eoreqne le déaoti Miaja 
iIb loi perwwdcf de déHÏiéir à Dîeo va rergcaot d'immoler uo flU Itmall 
({■ae). CcUt cxpScslioii ne proBTe qvnat choK : 1* Uadaou 1 raneacr i la 
Tiaia nà^m d«* fèr^aioilî«« d'origîô« it>wDl«itA|>leiiieDi p«ieoBe, Elle m 
Vérile ft* qn'on s'r urUe. Pcd «itiirmil <}«■ mterpr^ttOOt doBDèca MF 
t, Li^'brecht, Dotj, Vin VIotèb, H. Qiâa^^ia «s hian^ bm 
^ a le mtâu d'au nr« ie^BKicîte, appnjéc lur une eo&najJHaee appro- 
àt la ^lalîo». Ce Krait aa Hareair du rite «aployé 4éà les temps 
nr far aae Mrte d< prise aiiiui«iJe da (tnaieaiîaa tlimala- 
t ém tamtoMB aleeniif» à faeeMapIiwatteal dea pfowwîBai H d«« eoaraea 
temfK da pgaawf. J*a«aoe ^ae eatle esplieatioa aa a'a paa eaaraiaca : 
I « da laala, rbeoavteieat, coane H. QMaria la neaaaail aa barte bw^ 
(p. S6-2S7) de ne pas mdra eaafta de eertaiaw partiariariUa da aetta 
. T; nia plul^t aa acte rcCcwas païea jéBamàB par le ja. de fiung) 
a délaani^ de aoa teaa, «■ mtmt laapa ^'U le < 
b ■■**'^"' é m mmre mt àm jn i faTiMf *. 



LcR.P. LiwwT. - Sait HUalra. daai h Trilanina d» t aitata 
I voL m-Vt de 186 p. Para, Laea*r. MdS. 



I délai 



««• 



f] r. «5^ MU 4. Le 



lis 



RCVnE DE L HISTOWE DES RELIGIO^S 



raux de certaines quMLiong souvent dëballues el mBrqcie toyaSeraent l'incerti- 
tude où nous noua trouvons par rupport à <!'auLres> Maïs, en dernière analyse, 
ÎJ semble que ce aoil là un bien pelil livre pour un si gros sujet el cerlaînes 
siinpIiflc&Lions forcées amènent l'auteur — ou le lecteur — à des eonclusions 
quelque peu pi^rilleuses. D'autres Toib, il sur^L de digTeEsions, mâme courtes, 
ou de citations, pour alourdir ni relardi^r sensiblement ia narration ; ainsi, pour 
les H morceaux n »ur 3e m&rmge fpp, 33-5i). d'un caraclère purénélique Irop 
évident, sur l'œcumênicitë du connilede Ritaini, sur le temps des perBécutio<ns. 
la nécessité des Tormules dogmatiijues pour écarter Iqs lêmêntés ou les équi- 
voques, etc. i de mâoie, pour les çilatîoos d'auteur's conlemporainB, du duc 
A. ilç Broglie (cellea-ci par lro;t abondantes) du cardinal Fie, etc. Les eilraîts 
dês UËUvres d'Hilaire au ruuyi>n desquels le R. P. Larg^ent lui fait racoaler à 
lui-mémë son évolution morale (cli. i) sant ttitéressanls, mais ne nous font pas 
connaître avec assez de précision l'étendue de l'influence bellenique — alexan- 
drine surtout — sur l'éducaLion religieuse du saint. Paa plus que Justiiit il n'a 
traverse les systèmes grecs sans en garder cerLaioes formes de rELiaonDemcnt 
et da piéU^, Ses commentaires sur la Bible parlent l'indiscutable empreinte de 
l'Ecole d'Alexandrie. Comme l'a bien remarqué Ebert {Litlér. latiiie au S--A., 
p. 153), l'exégèse de Philon et celle d'Htlalre ont plus que des points de contact 
isolée, c'est une presque idleulité de méthode. Par contre, l'ceuvre anliarienne 
de saint Hitaire et surtout son activité unitaire durant ses années d'exil sont 
expos^ies de façon très claire et leur principe suffisamiiûfent défiui, U& grandes 
lignes du m Db Trinitate >< et du «■ De Syno(fis » sout indiquées avec autant de 
précision que le permet la nature de l'ouvrage du P. Largent. Ce sont évidem- 
ment là les parties sacrlflées dans des travaux de vulgarisation ; reconnaissons 
que l'auteur en a sauvé le plus possible. L'opinion qu'exprime M. Bardenhevrer 
(p. 59) ne saurait suffire à convaincre d'erreur les savants qui eat combattu 
l'authenticité du « Lucis largitor b et du « Ad coeli clara «. Elle n'est d'ailleurs 
citée que pour appuyer de« raisons de sentiment et nous vaut une très élé^nte 
traduetioiD des deux hymnes. La narration des actes d'Hilaire à Sëleucie «t & 
Constantinople, t'an&lyâe du » Contra Conslantium » ont Us mêmes qualités 
que le chapitre Ëonsacrê aui ann-ées d'exil. La période comprise entre 360 et 
364, capitale pour l'Itistoire de l'ÊgEise des Gaules dans son dévcSoppement 
niatëriel et morale est traitée un peu rapidement; La post-hletolre de saint Hi- 
laire et de la dévotion & ses reliques, riche de faits précis ou d'indications de 
sources, serait de tout point utile et louable, si elle n'était un peu déparée par 
oertaines violences polëmiques, dirigées sait contre Erasme, solit contre les 
u audaces sacrilèges n de Strauss ei de Renan. Le aoin d'apprécier la caractère 
litlàr&ire de l'évéque de Poitiers revenait bieu, aemble-L-il, à son biographe 
actuel et M. Largenl en a peui-ôlre trop facilement charge saint Jérôme et 
M, Eberl, L«b arfirmatioas de ce savant sont, en matière d'arl Ultératre, trop 
aisi^menl subjectives pour paiiser poaf îtidiscutablea. De mdoie, dans l'eBlima- 
tion de la doctrine bilarienne, Ee P. Largent cëde la parole au P, de hbgaoa avec 



nOTICK BmtlOGRAPBIOUES 



M9 



te TÎaibte désir d'aUéDueraulanl que possible !e caraclère eubordinntlun 4e la 
throrie Irloitaire <ie saint Hllaire el des PËres de son Lemps(pp. I40-Ii6): enfin» 
& propos <ie sa concepLion presque docétiste de la deuxième personne, le 
P. Lardent s'etlace encore, calte fois devant D, Cellier, Pe(a,u, l'sbb* P. Mar- 
tin, Tournely, mii, un peu pële-mâl», s'expliquent sur le degré d'orlhadoxie 
qu'ils a.ltr)bueut ftuï paroles d'Hilatre sur les dernièrt^s souffr&neei d« JAbub 
(p. 157 «t SUIT,). 

L'ouvrage ee termine sur une pntfessian de fai qui nous rappelle que nous 
lotnmes en présence d'une œuvre ha^ograpbîque^ conçue dana ud esprit qui 
Q>st pas uniqueiui?(it biâLonque, œuvre cependant honorable et qni peut 
oonsiiluer, à l'usage des travailleurs, un ulile inémerilo. 

P, AlphakdErv- 



Dr. W. KôBLts. — Documenta zun AblaiHtreit von 1B17. — i vol. 
in-8 de viii-l60 p. Tubingue el Leiptig, t9Û2. 

L«priTicipe même de publicatioDï comme celle dA M. K, peut âtre éTidedi» 

B»ni discuté : ee n'est neiLlemeot un « Corpus i> de docuoiônts sur toute l'his- 

Viiredes îiidulgenees que ce mince Tolume de 160 pa^ee, et d'autre part on 

ptut coDceïoir quelque méfiance h t'ëgard du sjratème des « Setectae », du 

moment où le choix s'étend sur des pièces de caractère, d'époque, d'esprit si 

dlfférentg el de oouibre si considérable. iM. K. b« î^it nuit» dil^Fli^ulté à déclarer 

l.p. v)que <' l'orientation n de bqd r^Queil de « ouorceaux choisis y lui a éié 

tuaTHiit par l'article qile M. Brieg'er a coTisacré â l'histoire des indulgences 

iluilaS* édition de k Reiil-Encfclôp&diâ de Hersog- et Hauek, et à coup sûr 

iMugn^coQnaissons qu'on ne isuralt choisir môilleur guide. Le plan gènéra.1 

•M il'iilleuf S très net et rigoureusement SQiTi el les textes puïaÉs aux sources 

l« meilleures : M. K. place sous nos yeux les premières indulgences [Ponltus 

■l'Arles, Urbain 11), les indulgences de dilTérenls co.raclërea : indulgenoea de 

croJudeB. de jubilas, d'autels privilégiés, occordàe^ aux morts, indulgence de la 

^riioneuie, indulgences a puma et culpa de Célestin V. Ouel<{ues tcxleit i-bou- 

(hcnU'biaioire des premières polémiqueG à propo» des indulgences <AbËlard, 

Thooiu d'Aquin); d'autres notent lesproleslnlions qui s'élevàrenC contre l'aiius 

ifu'en toisait la Cour de Borne (Thomas de Cantimprë, Chroniques allemandes). 

Ealia quelques pages, tirées dep ih^orieiens du %y et du xvi* siècles (Trar.talus 

it indatgenliis de Jacob von JQlerbock, Cixiifodina de Johannes ?on PlaU) 

iKHis préparent i l'apparitian de la grande indulgence de Léon X (1515) 

•t i la lutte entre Luiher el Telsel dnal M. K. réunit les documents les plus 

jFfpiques. On le roil, ce livre, d'une composition d'ailleurs nigénieuse et al- 

Irayante, ne pourra gu^re salisfaire que ceux qui n'ont besoin que d^une doeu- 

menlaiion réduite à l'indispensable, de textes déjà triés avec un inévitable ar* 



120 



news DE L'mSTOtBB DES BELIOIONS 



bitraire. Pourt&nL aoug nfl pouvons nous empécber d'être étonné» en ne 
rencontrant pas d^ng le livra de M. Kôhler, bon nnmbre de listes quj 
annooeent on expliqu'ent la poléaiiqi]>a d« 1517 au n]^[D<; iilte, sinon plus, que 
quelques-uns de ceux qui sont admis dans ses excerpta : quAlques pagfeS 
dU'i Liber pffiniUDtiatiâ nd'AIain de Lille pouvaient servirde conlre-parCieïntè- 
r^Asante au UiIë «l'Abèlard^ Au sujet de la lutte contre l'abus des indulgetices, 
il eût été intéressant de voir la rorme q je lui avait primitiTemenl donnite l'Hglise 
ronvaine dans les canons 60-62 du Conn'ile de Latran IV. Quelques fragmenta 
rie Chaucer ou de William Langiland (puiaq u'aussi bien M. K. ne s'en lennît 
p.is aux text^â d'origine purement ecclésiastique) auraient sufli ii dessiner le 
personnage ai typique du ' Pardoner » ang-lais au iit' eiècle, La. question des 
indulgences ne Tut omiBe ni au concile de BHIe, ni au concile de Conatanee, 
et l'opinion de Gerson ea cette délicate matière avait assez de prh pour que 
M. Kôhler lui accordât un p?u delà place qu'il a si gênËreusemeat octroyée à 
). V. Jûterbocit «t à F. v. Plal£. En6n l'abdence de toute mention des protes- 
tations wicitliffllf et huasite contre les indulgenL;ea peut surprendre, et nous 
eussions ru ^ans déplaisir, ciler parmi les devanciers du grand protestataire de 
Wittemberg, l« frère Jacquea Vitrier dont TUniversité de Paris condamna, dans 
les dernières années du sv siècle, les attaques, aussi virulentes qu'isolées, 
contre le Iralîc des indulgeaces. Ces quelques textes n'eussent pas démesuré- 
ment grossi la collection de M. K. ; ils l'eusaeDt peut-âtre rendue moine «Iric- 
Lemecit locale. 

P. A. 



H. Drruxa. ^ BUdâr aos d4xi roUgi^sen and BOzîaleD Unrahea i& 
Mûnater w-ibrend des 16 Jâ.brhmiderti, I. Jobaon voa Leiden. 
— i vol, tn-Sde71 p. Mûaster, 1903. 



Après les belles et précîees études de M. L. Keller, il ne semble pas qu'il y 
ail encore beaucoup à connaître sur le royaume anabaptiste de M(in«ter. 
Aussi M. H. Dôlmer ne poratl-il paa avoir eu, dans la plaquelle qu'il publie 
aujourd'hui, d'autre ambition que d'olTrir aulecHeur — peut-être plus spéciale- 
ment aux habilanlg de Mûîister — quelques « t&bleftux •> de cet étrange mouve- 
ment social et rflligieu^, d'ailleurs si aisémejil pittoresque^ Ce qnî ne veut pas 
forcÉmeot dire que M. D. s'en soit tenu à des effets taciles de description tbeâ- 
Iralei son livre est évidemment un OMîrage de vulçarisaUon absolue, mais da 
saine fulgarisalion. où les. faits ne sont nullemeat défonnês pour augmenter l'at- 
trait du récit, où les personnages ne prenaeiit point une allure romiTHique ou 
une paychologie par trop moderne. Tout au plu s pourrait-on reprocber i. l'auteur 
les premières pages qui restent dans des généralités aa&ex indécises, et suppo- 
BBol une conuaissani:e nnlérieure des primcipaux événements. Si mAoïe l'on 



HOTFCES BIBLIÛGRAPHIOEES 



124 



admet ««p1i.n un. peu déroutant, il reste encore h remac-qUAr c)ue 9'état moral 
el social rfe Mijnst«r est à peine indiqué, qu» le caractère myslîqué du moure- 
nient et en p&rticulisr le râle de l'inspiré Rothmann n'appariiiasenl pas claire~ 
menl. A partir de la page 21, l'action de Jean de Leyde, « sa personnaiité et su 
lituation dans !«■ royaume de Miii]$l«r >' sujet même de cet opuscule, sont êlu- 
diées de plus près et a»ec un souci plys rigoureux d'analyse eiBctfl. Certaines 
parties ia sdûl tout à faiL ititér«SSftâLes, c«lles notamoient sur les propres de la 
eonquète de Muniter par les «nB-baplistea. sur l'élément cbîliaale dans leurs 
idées théocratiqués, sur les débuts du pouvoir de Jean de Levde, etc. btt;n que 
Pactioa — en soiDiiie d« second plan— de Jobaan Matthys goit looguement 
exposée peut-filreauï dépens de celle, beaucoup plus intéressante et rpelle, de 
Mekhior Hormann. Mais M. D. a restreint son étude amx prédicateurs de 
Mufislef. «t cela encore montrerait le danger de travaux qui localisent k Teicès 
l«s Tut* religieux, ne tiennent compte qae des int1uenc«9 qui se sont exercées 
ttdQs les étroites limites d'une viile. Ce petit livre, d'une leclure attrayante, se 
urmîtie i la mort de Jean de Leyde; l'&uteur nous annonce, pour paraître dans 
Is fDii[ue série, des études sur les mouvements sociaux et communistes, sur Ea 
eoneeptiou a.DBbaptiste du coariage et l'iRtroduclion de la polygamie â Mûns- 



lar. 



P. k. 



D> Paul Cakus. — The Histoiy of th$ Davil and th^ Idea of EtU 
from th« earllest Timâs to th« présent Day (L'Htaloire du Dinble et 
t'td^e du Mal, depuis les plus anciens temps jusqu'à nos joursl. — Un beau 
TOlutne relié de 496 p. gr. in-8, avec de nombreuses illustrations. — Chi- 
cago, Open Court publisbing C*. et Londres, Kegan Paul, Trescli, Triibner 
et Coœp. 1900. 

C'est un beau livre, trda intéreesant à parcourir pour ceux qui savent, ins- 
irucLif «I so^iJe pour ceux qui ne savent pas. Pour peu que ces dernii^rs aiment 
le& lectures sérieuses, on peut le leur recnmmander, mi^me à titre de livres 
d'èlrennes, car îl est abondammeat orné de gravures bien ch^iisies. Dire qu'il 
80)t detUné à faire époque dans l'hiatoire religieuse serait dépasaer notre pen- 
•ée, bien qu'en somme notre appréciation lui soit favorable. 11 y n déjA beau 
Kmpi que des Hisloirti du DlaUe ont paru avec l'iqtvnlion de décrire [en 
ort^nea et l'évolution de cette idée, si l'on qb veut paa djce d« ce caucli«!o&r, 
qui, sous divers noms et diverses formes, a banlè les imaginations pendant tant 
de sitcle; et donné lieu A tant de superstitions, de sottises et d'applications 
ttisuit frècair l'biimaaïtè. Celte histoire o'apu 'ftreéEaboréaque par les soins de 
tÊVf lui étaient délirréfteux-mâines de cette obsession déprimanle etfallacieuse. 
Hais, mainleoBot qu'elle est fuite ou à bfen peu près, elle contribue à émancippr 
««uz,pliii nombreux qu'on ne croit, qui sont encore assujettis aux terreurseuggè- 



422 



REVUE DE L mSTOIllE DES RELIGIONS 



rées p'iir ce viliim ptrBO'nQagf? mythique qui inciirne le m&l el surlouL le rnali 
Riorat souB sea formea les plus hi<le usée. A ceux-là aurtoullR lirra du O' Cams 
peiiL reeiilr>e d'émirianl&spmces en Leur TDOul^Tanl les on^ioes et les vari&tions 
deceUe mythologie mTerDate. 11 n'y a pasEÏ longtemps qu'elle tyrannisait «ncore 
les esprits les plua vigoureux. Se r&pp«lle-t-OT] l'empire qu'elle exerçait sur un 
Luther, non pas aeuleioent dans ea cellule d'au^u^lin à Ërfurt, non pas seule- 
inenL pendant les nuila solitaires et Uborieuee» de la Warlburg, maisauasi dans 
l'ensemble de ses écrits jusqu'à la fin de sa rie! 11 s'en faut que '^sds lei i 
classes dites éclairées celle haotise ait entiôremenl disparu. Seulement on n'osoJ 
plus trop dire qu'on en est encore alleint. 

Gela ofiBignifie pas que nO'US «oyons délivrés de la puissance du mal d-ont 
SatQm n'«l.t que ]e symbole IradilÎQnnel. Si lè livre du D' Caruâ relËgue duia 
la catêg^orîe des êtrts magin^ireâ le Diable cornu et fourchu du Moyen-Agp. 
son auteur, qui est religicui, se préoccupe Bérieustment de la queslioa du mal 
en soi pour aboutir à la théorie métaphysique, facilemenlmal comprise, d'après 
laquell» le mal physique et moral rentre comme le bien d!ana le plan divin, 
meisavec ueLte clause qu'il ne peutserTir qu'au dégagement final du bien pour 
l'ensemble et pour l'individu. Noue n'avons pas ici à le suivre dans lu, discus- 
sion de celle doctrine, dont nous nous bornons à. signalerla portée philosophique, 

A. RÉvitLï. 



Nalliho. -^ L0 odieme teadenze deirislamo. — Flor^nce^ 1902, iii-8,1 

lo, — Chrestomathia Qorani arabica. — Leipzig, lib, Wolfgang Gerbard.l 

1893, in-8, vt-64,78p. 

Dana cette conférence, lailè au commencement de l'année acolûre à l'ias*! 
tîtuL oriental de Naples. l'auteurexpose avec non moinsd'exacliludeque de clarté,] 
les tendances actuelles de l'islani. 11 rnoolre que sa foriiiQ d'expansion esl indé- 
pendante d'e son alTaibltssement politique ; que, s'il recule devant les nations 
civilisËea, il s'étend au i dépens des populations iaféneureA cbeï lesquelles aes^ 
adhérents se recrutent par millions ; il signale le danger que fait courir le panis-' 
lamlsme quiteod à réunir louiez les forces del'ialam cvootre l'ennemi commun, 
la civilisation, età faire du Sultan deConelantinopJe le obef de ce raouvement.J 
Dan» un exposé sommaire, ilTait connaître lerûle joué par les confréries uiu&ul-' 
maneB depuis les circonstances où eUes ont pris naissance et qui oal favorisé 
leur expansion jusqu'à nos jours. On doit signaler les lignpis où M. Nalllno 
indique bien nelleRient comment, à un tournant de son histoire, la Turquie eut 
le choix antre deux partis ~ se transformer en un étal européen et civilisé en 
établissant l'égalité entre tous ses habitants, sans distinction d'origine ou de 
religion, ou bieq devenir le foyer islamique. C'est à ce dernier parti que s'arrôta 
Abdul Hamid U et dont il poursuiint l'exécution pnr les maAsscreg d'ArmënJei 



NOTICKS BIBLIOGRAPHIQUES 423 

la terreur constante et les intrigues universelles <. Une politique à courtes vues 
engagea rAllemagne à l'appuyer, et aujourd'hui la visite de Guillaume II au 
bourreau de l'Arménie est représentée dans les pays musulmans comme un 
bamble hommage rendu par un vassal k son suserain. Cette courte brochure 
Mt un excellent résumé de la question. 

Je saisis cette occasion de rappeler l'excellente chrestomalhie du Qor&n quo 

U. Nallino a publiée, il y a une dizaine d'années, et qui a conservé toute son 

importance. La plupart des chrestomathies arabes contiennent des extraits du 

Qar&D et même nous possédons une chrestomalhie spéciale de Muir' dans 

liquelle la traduction anglaise qui accompagne les extraits ne compense pas 

ribtence d'un glossaire et de notes. Ce sont précisément ces dernières parties 

qui font le mérite de l'ouvrage de M. Nallino. Les étudiants y trouveront les 

nowgnements philologiques et exégétiques indispensables & ces études el 

ni< au courant des derniers travaux : ce sera pour eux une excellente pré- 

pintion & l'étude de l'islam et l'on ne saurait trop recommander ce livre qui a 

n place à cdlé de la Chrestomathie aus arabùchen PnsosckrifsteUem, de 

Brûniiow (Berlin, 1895} et du DeUetus veterum Arabicorum de Nceldeke et 

UôUtr (BerUn, 1890). 

RsNfc Basset. 



I- Cf. dans la Revue générale des Sciences pureiet appliquées (ISjuillet 1 902' 
h publication par M. A. Le Ghatelier de la correspondance entre les Touaregs 
dles Seaousya ei entre ceux-ci et le Sultan. 

2. Kxtraet» from the Coran, Londres, 1880, in-12. 



126 



mVCZ DE t BI&TÛJRE DES RELIGIONS 



jncomplélemeDl reconstituées pour pouvoir Cire èludifeB &vec fruit. M. 
âuppùSA que leâ blocâ de cal«ï&ire rocigë dont U s'agît, fa.isaieal partie 
ptilit. sancluatre apparUDant à l^nsemble des constructions que la reins MbIK' 
sou âleva dans celte partie du grand temple de K&rnak. Voici commeot il ré- 
sume l'intérêt hijtoriquia de ces dêcouvertee : v> Dans ces sculptures du temple 
du Kamak, nous voyons TouLhmès III rendant un culte 4 la reine défunts; 
c'est donc Sut qui doit avoir acbevi l'édilice aprËe la mort de Halshepsou (c'est 
ainsi que M. NavillB Iraiiscrit Je nou de la reine}. Il rci^sorl aussi de eea in- 
scriptions que c& a est pas lui qui a fait elTacer la iij^ure et les noms de la reine. 
Si l'on doit encore mettre sur le compte de ToutliEQôs lU un« partie des des- 
Iruclions «xercëes aux dépens du la reine, ce qui me pareil toujours plus dou*. 
teux, il «8t certain que l'ère dee » persécutî'Ons » n'a commeDcé que beaucou 
plus- tard^ et non pas au début àë son rè^ne n (p. 21). 

La deuxiècna partie es-t l'œuvre àt M. Ai. Gayet : L'^xploralian des n^crt 
poUs gréeo-bffsanlvus d'Anlinoe et les sarcophages de tombes pharaoniqutx 
la viile aRtiifue. Dès le prinlemps de 1898, M. Gayet a exposé au Mtisi^e Gui" 
met lea merveilleuses AtoiTcs et broderies qu'il avait découverLea dans une né» 
cropole d'Anlinot. Durant Thiver de 1896 à 1899 et L'année suivante il a exploré 
de nouveaux quartiers de eelte même nécropole. C'est le résultat de ces tioï 
Telles fouilles qu'il expose dans les Anu&les et celte publication es^t du pli 
haut latérAt. M. Gayet montre comment les divers quartiers étaient aCTectés à di 
catégories trancliiies d'habitants et fournit la preuve de Tbypothèee émise pa^ 
lui, dés le début) que la nécropole nous renseigne sur la civilisation i^réco- 
égyplienne depuis les orîgiTies de la fondation romaine d'Anlinoe par Hadriï 
jusqu'à la fin du v" aièlce, mais pas au delà. Ll y a là i^otume autant d'échan^ 
tillons de l'art industriel et des pratiques funéraires dans leur évolution depuis 
l'époque romaine jusqu'aux abords de l'époque de Juslinien. Les bisloriens dl| 
christianisme égyptjen, Dolammenl, y puieeront des renseignements eitrécnt 
ment précieux, tels que : le testament grec (le premier que l'on ait découvert] 
d'Àurèlius CollutliuS', de la seconde moitié du v* »iècle, par lequel il lègue ses 
biens à sa femme et fait un legs pour qu'on célèbre les saintes offrandes et les 
repas fu.nèbres pour le repoa de SOn àmt dev&Cit le Dieu lout-puîaa&nt; — les 
objets trouvés dana U tombe de la bienbeureuse Thafe : des corbeilles de jonc 
tressé destinées & contenir les eApècee de L'euchrarietie ; un iré-s curieux cbapetet 
de boia et ivoire, une croix ansée, des palmes et une rose de Jéricbo; le coa- 
tbime retrouvé dans la tombe de Sarapîon, composé d'une robe d!e bure brune 
et d'un maoïeau. de bure noire, de sandales garnies de clous, un biîton gainé de 
cuir, des ceiaturea de fer. des aituBaux enlouraut le corps, les bras et les che^ 
villes, un collier portant une croix. Les images des broderies noua font assister 
& toute la transition de l'art païen il l'art chrëllen. 

Ce qui complète l'intérêt de cette publication, c'est que M. Gayet a eu il 
bonne fortune de pouvoir reprendre ses fouilles sur le flanc de la montagne, à' 
un mille et dtiini en aval d'Antinoc, et de retrouver la nécropole pliaraoniijue, ires 



CHRONIQUE 



«37 



ddvBStée KâsuremeDl, ni&is où 11 a né&nmoms découvert deux tocubea ri;iiionl4iil 
iu8<4u'4 1« Xil* dynasLie. On voit quelle vaste période ^J'histPire égypUeUDe 
dtina unv t^ule et m^me IocuLiCè se dërouie gous nos yeui dans la. succession de 
ces Lombes. 

— Dans la « Bibtiolbèi^ue d'Études ■> uaus avons à gi^iiuLer l'apparition du 
l, XiV : Le rHutt du twtfç divin jour Tiatier en Egypte, pur AUxaiuirv Moret, 
chargé de conférences d'égypLoiogie à l'École àes Haut^-Étud«« (Parie. Leroujt, 
gr. in-S de 'ZS3 p., avec 111 pi.). C'est la traductioti, avec cumuentairQ, du nluel 
conservé daAs le papyrus n" 3055 de Bcriiû, lequel «si la reproduction de edui 
qui t été retrouve sut les uiufS du It^oiple de Sëti I", à Abydos, Mqub avons 
t]Q»i dei^x docUiDStiLs, l'un d'origine tbcbuîne, l'autre originaire il'Abydos, 
<]ui coacordeni dans toutes leurs parties csBeotielIes. D'autre part, dit M.Mor«t, 
les ciiapilres clasEès aux riiuels de Tlièb«E et d'Abydos ses retrouvent plus ou 
moins rassemblés ou epars^ ttéveloppê» ou réduits, sur les murs des temples de 
louies les époques. Les lestes d'Abydos ou du papyrus de Berlin nous dODnent 
U ■ service journalier m, tondis que ilaus les temples on reprôsente le plus 
Mtaveal ie culte tel qu'il est cil'llébre Us jours de grande fôte, 

Dans uneiDlroducuODEubstauLieliti M. Aluret donne quelques reuBeignemenls 
giaéraux &u.r les conditions du culte dont ,1«b forpiulvs sout éludiées, Dans sa 
MUluiioa U éDonca une vue gârjùralu sur le culte divio «n Egypte : Je cuitu 
fuDtrure oain«n a été le prototype du culld de tous les âtres divinises, Maie 
[«•rites portent la trace de deui traditions successivea et contradictoires; 
d'après l'uue, la piuB ancienne, on reviville le cadavre oï^u'ien parleuépuceuieiil 
I loin de la reconstituliion du corps î d'après l'autre, on laisse le corps inLacL et 
ri>D t'elTorce de le conserver dans son intégcilé par la momiBcation. M. Morel 
naltacbe le tulle, suivant une observalion à laquelle on tend aujourU'liui à 
doooer uns portée peut-6tie trap gëneraie, au sacriâce ongiiisl du dieu lui- 
tnécae, destina â aseurer la vie à ses adorateurs. 

Deux appendices et deux indu^L complèleuL ce travail qui mei à la porlàe des 
hitftorieas de la religion un InAtruuieQt d'âtudea très précieux. 



FusUCations RiGuiTEs : 1' L'Rgiise et les grigines de^ia hsTutissance (Paris, 
LeooUre, 1902; la-S), par M, Jean tiuirauil, premier volume d'une étude sur 
ks rapports de la Cour dts Rome avec la Renaissance: car, pour M, Gmr&ud, 
r£glise semble se «otiTondre avec la papauté, quoique durant le kiV et le 
EV* sièclft une grande parlie de la cbrétientë — el l'on peiut ajouter, saua crainte, 
rlft plua religieuse, — soit en lutte avec la papauté. M. Cuiraud a fait une étude 
^trt* solideœ>!Ot documentée sur les relations de la papauté avec les lettrés et 
artiates de Booilace Vill à Nicolas V. 11 n'a pas de peine à montrer que dés 
dMHlt d-e la RenaiseaRcc les papes oui été bicu disposés pour elle, qu'ils ont 
Lire auprvs d'eux les turliâtu» qui pouvaient coatribuer à illustier le si«ge de 



las 



RBVUE DE L HISTOIRE DES RELIGIONS 



leur pouvuir et qu'Us ont favorisé la créaLîon àes tnBlruoietil^ de travail qui a 
été l'un des premiers el des plus durables bien Taita de la Renais saa ce. Il ne nous 
parait paa qu'ils aienl dîrectemeiil exercé une action quelconque sur la forma- 
lioQ et l'onenlQliao dee s^vanls ou des artistes. Ils ont chercbé à en proûler 
pour leur grandeur lemporelle. Majs jis se EODt compl^lem^iit désintéressés de 
l'itiQuence morale ou religieuse que les lettres renaissantes pouvaient exercer 
sur le monde chrétien. En ce sens ils ont l*ur part de respujisabilile dan» le 
triomphe des tendances païennes au sein d« la Benaissance italienne. Dans 
le» paya du centre de ['Europe, où l'esprit chrétien s'était mieux coaservé, It 
Keaaissance ne prit pas ia même tournure, Pour M. Ouiraud la papauté fut 
Bubmer^èe par le paganisme de la HeDaïssance après avoir cbercbê h s'en dé- 
fendre. Ce sont Les preuves de cette défense qui ne ressortenL pas bien de 
l'étude e'i ïuLéressanLe qu'il noua présente, 

— 2" M. Léon LaUemand a commencé une Histoire Je la eharilè, dont le 
1" Foluroe a paru chez l'éditeur Ptcard (in-S de x et 188 p.). Celte première 
partie est consacrée À l'étude de la charité d&na l'antiquité, chez les HébreuXt 
tes Ë^pLiens, les AsEyro-Babyloniens, en Grùce, « Bom^, ep OauEe et en 
(jËrmanie avant l'occupation romaine. Cette simple ènuméralion suffit i montrer 
qu'il B'agît ici d'un ouvrage de rulgarisatton. Comôie tel il mérite d'être si- 
gnaJé, d'autant que la littérature historique frangaise n'est paa bien riche en 
ces matières. 

— S" (W. Louis Talani a publié à rimprimerie Coueslanl, 6 Gahors, une étude 
sur habeiaisel la Réforme (in-8 de 129 p.), dédiée à M. Abel Lefranc, profes^ 
aeur à l'École des Hautes Éludes, Il conclut que, si Rabelais: fut un moment 
l'allié de la Réforme bililique et antipapate, La cause du protestantisme et sur- 
tout du calpinieme ne fut jamais la sienne. Il se sépare de l'égilise catholique 
plutôt par la travail de la peu'sée et l'amour de i'indépendan-ce qu'à la suite 
d'uQe crise de couBcience. Il favorisa la Réforme tanl qu'elle confondit ta cau&a 
avec cette de la Renaissance. 

— 4' M. John Viénol a publié chez Fischhacher, k leçon qu'il a prononc^e^ 
le 3 novemb;e 19C^, à la séance d'ouverture des cours de la Faculté de tbéo- 
logi« proleaianle de Paris, sur Pierre Charpentier, un apologiste de ta Saint- ' 
Barifiélemy, Avec sagacttè M.JoJin Vienot a su rfémGler la trame de Texist^nce 
agitée de ce Charpentier qui, aprfea avoir été prolesseur à Genève el avoir dQ 
quitter cette ville pour cause d'immoralité, trouva auprès de CEmoipagnev. 
troisième frère du cardinal de GrnRvcHe, les ressources dont 11 avait besoin en 
acceptant le râle (i'es[)ioii et de délateur des Hugueuols. ,M. Vignot a fourni la 
preuve d^finiilive de la félonie de ce triste personnage, dont Je léatoigoage a 
été souvent eiploité pour appuyer l'apologie des auteurs de la Sainl-Barthé- 
temy. 

— 5' Dana l'Annuaire de la Section des Sciences bisloriques et philologiques 
de l'École des Hautes-Études pour 1903, M, Clennont-Ganumu a publié un 
court fflémoire — ûd éiait l'embùachun du Jourdain à l'époque d4 Jùgu^l — 



«AN 1 QUE 



!29 



rlans lei^uel il montre que celle embouebiurc <jevail i^lre li 6 ou 7 kitumèlros 
plus au Dorri qu'elle ne l'est actui;llement, quanil furtiuL rédigés cerlaine clO' 
cuBtenls du Livre de Josué, savoir lea passages où boq! déterminées IdB Itmiles 
des Lribui de Juda cl de Benjamin. E-Il!e ëtaîL alors vraisemblnbleoient k l'en- 
droit r«préseal^ de nos jours par les ruinesde Kasr-el-Yaiiaiïd. 

J. R. 

— 6° A une question qu'il se pose eu oes lermes ; Portn/uot te Dieu des Juifs 
a conduis le momie otddenial, M. Hervé Bloodel a enlrepris de répondre Hans 
UQ court mémoire qui, précédeotLaeni publié datis li Elevue tnleraatioDale de 
Sociologie, vient ds psraîlre eu un opuscule de 2S pages (Paris, tiiard «l 
Bfière, 19Q3). Les divisions en sonl ainsi indiquées par l'auteur : m 1 et II. Du 
polythéisme moDarcbtque aryen «t du polythéisme oligarchLqu>e ou hêuatliêisoie 
sémitique; comment celui-ci «SL le pluâ apLe à conduire au monothéisnie ; 
maîj lenteur de la tra.a3îtiob. 111 eL IV. Paganisme initial des Juifs et 
eomparaison entre lee trois GeoÈsea, ch&Udeetine, êlobi^le «i jéhoviste ; com- 
DWDt 1« point de vue naturaliite fait graduellemeot place au point de vu« 
moral. V. Naissance et développement, eelon les circonstances ambiantes, du 
Prophélisime : comment il sacrilie tout à la morale sociale. Vl. C'est parce 
qu'il ne croit a aucune vie future réparatrice que le prophëtisme sacharue u 
poursuivre l'avëoement de la JubIjc« sur U terre, avec une vigueur inconnue 
cbes tout autre peuple. Comment, par ae procédé moral, rbêDothéisEne juif 
louroe naturelEement au mono'Lhéisme universel , et coiitmeiit le monde gréco- 
mmaÎD se met à judsiser ; transition d'ordre moral el non ralionciet. V|[. Le 
ebristiauisnie non encore hellénisé n'est que du prophétiame juif, mais escbalo- 
logique. VIH. Le propbétiame ancien est la première apparition du socia- 
Itsme dans le monde. IX. Malheureuseaierit, c'est un nêo-prophâlisine, 
c'est-&<dire escbatolo^que, qui a tout d'abord tnùmitfiéisè le monde » (p. 4), 
Ce simple sommaire montre assez que les conclusions de M. H. B. ne pèchent 
poÎQt par excès de timidité : les bypotbeses y ont souvetut beau )eu et l'auteur 
iW Uiue aller parfois à des généra Fisations par trop h&tires. NËanmoins, par 
■on souci de synlbétiser lesdemiera faits scientifiquement acqui? à l'histoire, de 
primer leur valeur du point de vue de la n sociologie dynamique «^ M. H. B. 
■ su doaaer à son ouvrage, si bref soit-il, une indéniable ori^Dalité. 



— 7* Dans son n" de juillet- octobre 1902, la Revue des Écoles lU i'AliiantiÉ 
brailiie s publié une série d'inli^ressantes notities relatives au Folk-lore des 
communautés juives de 1a Tripoli taioe, Les coutumes, croyances et légcuJes 
qui j sont recueillies ont Irait iiotammeal à la célébration des fêles de la 
PAqoe, de Pourim, Ro»ch-HaBcbana et Kippour, a.ux rites du ujiriagâ, A la, 
situation d«a CotuAnim parmi leurs coreligionnaires, 

S 



132 



BEVITE DE L BISTÛIRE DES RELIGIONS 



donl le eyrabolisine esl usa plus complexes. C'est un dieu assis, Cenanl deux 
vases loagiquea, d'où les eaux jaillissent eponlan^isent. Un jel êalermMi&ire 
les fttil communiquer entre eyx, Undis qy^ l-rois autres tlgla relombeol, aux 
pieds du 1^(^D&, dâ.ns auLanL d« vsses semblables, d'où ils reboiidissent de 
nouveau en doubles Jets. L'étude tooiparée des allribuis et des symboles 
alféi-ents à ce personnage divin prouve que ce doit être le dieu Ba, considéré 
comme maître de Téiéuieiil bumide. Sur le même eacliel, le cartouche de 
Goudéa est supporté par un quadrupède aîlë à Lâle de serpent, coifTé de k 
tiare t deux cornes des divintlés clialdêennes, et présentant la plus grande 
resBembbncQ avec \e& dragons fanta8tique& d'un gobelet à Utration déjà connu 
(G. R. d'après la Rsvue Critiqur. a" du 19 jaoï,), 

M. Daniel Serruys a découvert au mon^alère de Vatopèdi (MoaL Athoa) des 
lettres tnêdiles de l'adverBaîrc de PUotius, Ignate, patriû.rebft de Gotislantï- 
nople. C«B lettres perraelteui de juger de la siLuaHon du patriarchal vi^'à'Vts 
du pouvoir de» évoques sufTragants el des ofQcîers impériaux. Non eeulemeat 
elles précisent la pliyaionooiie de ce patriarche Ignace, tour-à-tour adversaire 
et défenseur de Ja séparation dee cgiÎBes, mais «lies aident à pénétrer les 
cauEes iolérieur» du schisme de Phoiius, 

M- Bieulafoy cammunique une note de M. J. Gesloso y Ferez sur une statue 
de Diane rÈceoimenl découverte à Sant'poncs (ancienne Italica). 

— Séanze du 16 janvier. — M, CUrmont-Ganntau annonce qu'il a reçu 
du ComUé du Palesltn': Exploration Pound l'estampage d'une inscriplion 
grecque et liébraf<iue récemment deçquTerle à Jérusalem, Elle est relative à un 
certain Nioanor d'Alexandrie qui jr esl dit avoir i< Fait les portes ». Selon 
H. Ckrinonl-Ga.rineau, il s'agirait ici de la lameuse porte du Tample de Jéru- 
salem dite H porte de Nicanor 41, Le Talmud el fja.ïius Jo^èphe la décrivent 
ongnement. Nicanor, riche Juit d'Alexanririe, en avait Tail exécuter dans cetle 
▼ille lea battants en bronse qui étaient ornés de ciselures d'or el d'urgent. 

— Sêanca du 33 Janvier. — M. Ciermont-Ganrteou continue la lecture de son 
mémoire sur le mont liermon et son dieu. 11 Ta actievée dans la séance auivaDte. 

— Séance du ^0 janvier, ^M. Daniel Serrut/& termine sa communication sur 
les lettres d'Ignace, patriarche de Conslanlinople, commencée dîLns la Ëèaoce 
du 9 janvier. 

M. Pfi, Serg^r Tait part 4 l'Académie d'un mémoire de M. Perdriiet sur une 
îdBcriptioQ grecque que oelui-ci a reJevé^ à Antioche. Il a pu en restituer le 
texte qui est celui d'un oracle en vers r^endu par Alsximdrc d' Abonoteichos 
que cite Lucieo. Gel orade obtint un très grand succcs et Fut gravé sur toutes 
les portes pour préserver les maisons de la peste -, <• PhAbus à la chevelure 
viarge écarte If^ nuage de la pesl« ". 

M. G. Schiumberger \il une nale de M. firéhier, professeur & la Faculté des 
lettres de Glermont*Fcrrand sur ["introduction du eriiCijU en Gaulf, 
«M. Bréhier établit que c'est en Syrie et probablement chez les Nesloriens 
que la cruciQxion a d'abord été représentée, Un pasaage de Grégoirs de Tour» 



CHRONIQUE 



133 



(In gkria Martyr., 23] montre que le cruoifli apparali |eii Gaule dans une 
pemture d'une église de Na.rboiine. La vue du Cbml étendu sur la croix, 
presque nu, exciu le scandale, t>l k la suiLe dj songe d'un praire, l'ôvfque dut 
ftîre féiouvrir l'image d'un voile. Of Narborme él&ît au VI* siècle une des 
priacipftlea colonies de cee marchands ayrleas établis dans touteB les grandes 
viUu de l'Occident. Il est donc permis de croire que ce Turent des Syriens 
qui introduisirent en Gaule cette nouveauté ; uais de longues années se pas- 
sèrent Kv-ant qu'elle entrât dans la vie religieuse des OccidenLaux •> (C. H. 
«■''après la Revue Critique, n* du février 1903). 

P. A.. 



Côrptis Scriptorum chriatianorum orîentaUam. — Nous recevons d« 
M, J, £. Chabot la comnmnicfttion suivante : 

L'utilité d'une CoELeclioD orientale analogue à la Patrahtfie latine et à la 
Patrolagif grecque de Migne devient cliaque jour de plus en plus évidente. 
Cette collection rendrait inconlefrUl>leiaeEil s.vx éludes ecclëaîqsihqueB et aux 
études profanes un trée grand service. Depuis longtemps J^s amis bien- 
TeilUolB roë pressaient vivement d'enlfepreadre celte œuvre. Le concours dé- 
sioltreesé que m'ont offert spontanément plusieurs orientali^teA éminente, et 
surtout l'adhésion des savauls professeurs Guidi, Hyvernat et de Vaux, qui 
ûol bien voulu prendre la charge de diriger respeclÉvement tes parties élhio- 
piAiine, copie, et arabe, m'ont déterminé à commencer la publication. 

Dans quelques Jours, un progrumme délailléi accompagné d'un spécimen 
des caraclères orientaux, la Tera connaître d'une façon plus précise. Nous n'en 
doQBODi ici qu'un aperçu sooimftire. 

Noire intention est de publier dans une série de volumes in~S^, sous le titre 
général donne plus haul, tout ce qui nous est parvenu des ouvrages rédigés 
par les écrivains chrétiens ea syriaque, en êllilçipien, en copie et en araire, 
louchant l'eié^se, la liturgie, le droit canonique, la thëologii?, la philosophie, 
rbîstoii's et l'hagiographie. Nous n'ignorons pas llmpoilance des auteurs armé- 
niens dans la littérature chrétienne orientaEc ; s'il se trouve un savant qui 
puisse assumer la direction de cette branche, nous leur donnerons Tolofltiers 
place dans notre eollection. 

Noos nous proposons de publier principalement tout d'abord des textes 
iBéditi, et aussi les lextes htsloriques dont lea éditions sont devenues rares. 
L«8 ouvrages édités récemment, ou actuellement en cours de publication, ne 
prendroDl pince dans la eglleotion qiu'en dernier lieu et pour la compléter ; non 
seulement parce que le besoin d'une nouvelle édilioD n'est pas urgent, naie 
aussi pour necauser aucun préjudice «ux editeur^de ces ouvntgfs. 

Nous nous attacherons â donner des textes corrects, tsuuis dfi l'eppartil cri- 
tique utceesairr, et acconipsgnés d'une tib^juctioti lutine. Nous n'y ujoulerous 



BEVOE DE L HlSTOnE DES KELIGTONS 



que les noleg indtapene&bleB pour rinLtllig«tice du Uxt« ou da la traduction, et 
nous nous nbstiendrons syiitêai&tiquetneTit de toute di^reBSîon ou disMrlation, 
Vae courle prërace fera connallre l'ajlBur et les ntanuacrita. 

Gr&oe h rautorîsalion qui nous a été ac^ordËe de recourir aux alelLers 
orienlaux (Te rimprimerie Nationale, nous pouvons promellre une éxecution 
matérifille Irréprochable et noue espêroDs pouvoir donner asa«i rapidement une 
série importante d'ouvrages. Selon aos pr^Ttsions^ quatre ou cinq volumes plus 
DU moins eonsidérablea paraîtront chaque année, 

Chaque volume paraîtra sous le nom et lia responsabilité persoDiiçlle du 
savant qui aura pris le aoln de l'éditer at de le traduife. 

Chaque ouvrage b« vendra ftéparément. Le texte et ta traduction pourront 
mSme fltre achetés isoléoieat- — Le prix de vente sera fixé pour chaque 
volume proportionnel le ment au nombre de reuilles, à raiaon de 1 franc par 
Teuillede texte oriental et de fr, 50 par feiuille de traduction. 

Nous potirons déjà nommer parmi les collaborateurs qui noua ont promis 
leur coacoura dès la première heure ; M. Rubeaa Duval professeur au Coll^K^ 
de France; le R. P. Cheikhs, S. 1., professeur à fUniverEité de Beyruut ; 
M^' Ad. Hebbelyock, recteur de l'Université de Louvain ; U. J. LabourI, 
docteur çii théologie ; M. P. Lsdeuïe. M»' Umy^ M, A. Vao Hûoaackér, pro- 
fesBCurs à rUniversilé de Lôuvain ; D,-J. Parîsût; M. Ad. VaacliBlde, profes- 
seur à. l'Univeraité eath&liqtie de W&shington; la R. P. Zapletal, 0. P., pro« 
fesseur & l'Université de Fribourg (Suiaae}. 

Nous espérooft que tous les Orientalistes qui en auraient la possibilité vou* 
dront bien joindre leurs efforts au nOtres pour mener à bonne fîn cette g-rande 
publication. Nous aollicitona in8La.mmeDt leur collaboration qui sera toujours 
accueillie avec empreafiement et reconnaissance. Le domaine de nos études 
communes est assez vaste pdur que chacun puÎBfte y trouver un ou plusieurs 
auteurs à éditer, aeloti sa prêrércflce ou sa commodité. De notre pari, nous 
ferons tout notre possible pour racUiter 1@ travail k ceux qui voudroat bien 
□Oui venir en aide, en leur procurant les copîea ou colletions de textes qui 
pourraient leur être utiles. 
Nous avoDï actuellement sous presse, dans Ja série des auteurs syriaques : 
Chronica minora (Par» 1^ Chronicon Edfs^envm et Chromcon anffnymum, 

curante I. Guidi, 
Dionyaii Bar Salibi, Eipositio Liturgis, curante L Parisot. 
Chronicon Pseudo-Dionysianum, curante I.-B, Chabot. 
Dans la série des auteurs éthiopiens : 

Hislaria régit loftannij, curante Ign, Giiidi. 
Viendront ensuitflj dans la série syriaque : 
Les lettres du patriaclie neslarîm Jg:iuifahl !U (647-660), éditées et tru- 

duiles par M. Rubens Duval. 
L's Oeui>r« dupatriache nestorien Timothée !■" (780-823), éditées et tra- 
duites fiar M. Labour). 



CHHOniOUE 



<35 



Vfs Homélies 'îe saint Cyrille SACexandrii sur aaint Luc, féé^ité«s et tr&- 

duitec par iis^ Lamy. 
U traité sw ta Triniié et l'Incarnation <îe PHiotém du Mabboug (i85- 
523), édité et traduit par M. Va«childâ. 
Dus I& térie étbiopienne : 
Les différeDtSB Chroniques élhiopiennes, dont l'éillioi est pr^.nar'e 
p&r U. Quidi. 
û«a« is fénê copie ; 

Les Uturgies, qui serûtit publiées par M. Hyvernat. 
nans la BËrie arabe : 
Le traite iTAbùù 'tBarakâl, intitula U Ftaiabeau des Tinittres, dont 
M. Carra de Vaux prépara l'édition. 
Le premier folume p&r&ILra inceafiamm^Dt. 

Les BouBcripteurs qui auraient le désir de recBrair ki Tolumas aussiLût 
•près l«ur apparilioD peuvent «n donner avis dès muialenftnt à M, CbaboL. 

Les OrieaUlistes qui roudra-ieul collaborer & la colLectiOA sont également 
priés de ftLire cohnaftre leur ititenLioa. I« pluj Idt passible, et d'inliquer lea 
duvngAB qu'ils pourraient publier. 



ANGLETERRE 

M. Andrevf Lang a publié dans Is. livraison de iécembre de PoUt-Lore (vnl, 
Xllt, Q^ 4) un imporlanl article intilitl^ : Tke origîn of totem namex and b?/)V/'s'. 
Il connienee par restreindra l'usage du mot totem à l'cLniaial, k la plante ou à 
l'Ôtre qui est le prolecteur héréditaire de son groupe d'apparentes; il ne veut 
pu parler de totems iadividuels ni i^e totems sexuels ni de totems de eoeièlés 
magiquee, parce que ne n'est pas la même chose et que les noD-ciritiséB ne les 
désignent pas d'un oi&me Dom que h toUoa de groupe d'apparentés. U demande 
^ue l'on: ne confonde pas non plus avec les totems lea élrea qui, par eteiople à 
SamoA el aux Iles Pidji, passent pour rânfermer des dieux. Il n'y a pas, dit-il, 
de « loiem god a. 

Uea peuplée totémistes ne peuvent pas expliquer «ux-oièineâ l'origine Hf' 
cette iostîlulion. Ils n'ont i^ce sujet que des mythes. Cependant l'humanité ne 
proeÈde jamais sans que son action soit SDatirêe par une raison, qui peut nous 
paraître ma.u«Bis€, mais qu'elle a jugée bonne. M. Andrew Lang passe alors 
en revue Ses très nombreuses Lhëories qui ont été proposées. îi se refuse à ac- 
Mf>ter Mlles qui dérivent le totem de j^roupe d'un toiem individuel primitir. 
Pals il expose la sienne. Les groupes primilirs, dit-il, devaient se composer 
d'un très petit nombre d'être humains, où les femmea étaient la possession d'un 
BMil ou de quHïlq ues-UDS peu disposés à les câder, en sorte que Eea jeunes 
hooiaies avaient à s'en procurer dans d'autres groupes. Ces coupes devaient 
arriver k se déiig'ner respectivement par des noms; ces notnâ pouvaient Aire 



lae 



KEVTE DE [.aiSTOlRE DES REUCEOXS 



Buggér<fS Mit p«r oerUines ressembluiMS &«m ud uiim&l, mûi pu ]> présence 
d'uD toimtl ou d'une pimùte aur IVaptucement où >éiouniût le groupe. 

M. Laag B«nl ttt* bî«n qu'en pareil cas il eût été beuicoup plus simple de 
dire : ■ les g«ne de la montaf^ne ou de la. riTÎère ou da la for^l », qu« m les 
gens du loop it ou « de la grenoaille ■< ou toute autre déaomÎDtilioQ analoga** 
Mais, dît-il. ces dénomiDaiiong sont bien généralts. De plus les bomme^ ont aa 
de tout temps une (eodance à bc donaerdes Eobriquets et i s'in$ylLer. En s's- 
poatrophs.nt par ces Kobriquels ils auraient fixé les qocds qui senient deveDU» 
de« désignations des groupes, puîtdes noms totemislique&. Plu» Urd les mythes 
se aéraient [onnëa pour les ezpiiciuer. 

Nous craignons que cette théorie ne soît s njouLer à la longue série de celles 
que H, Luig rejette comme ingulBMTil^ï.Ce soolU des hypothèses arbitraires. 
Mieux vaut avouer qu'on oe GHtt pu. 

J. R. 



Un ministre anglican d'Alger avait demandé à M"' Hay-NewtOB !de pré- 
aider des conférences de dames où devaient se discuter les preuves de la. tèté~ 
lalion chrétienne. Comme personne n'y prit lap&role,il Tut rêBolu ai subslîtlier 
à l'objet cû diBctiBBion l'élude des Gifford Lectures de M, le professeur Caird 
sur les idées Tondam en taies du ChnslLanisiue. Celtfi fois encore on eut une 
Ëance blanche et il fut suggéré que la présidente écrirait un précis des Confé- 
rences (\e M> Caird, aGn de fournir uùe base à !& diâcussion. C'est te précis 
que Miss Hsy-Newtoti livre aujourd'hui k la publicité sous le titre àe Readings 
on the Evotuiion of Keiigion (Loudres, BUckwood ; tn-12 de ix et 322 p.). 
L'ouvrage de M. Caird a ëlé analyse longuement dans la Revtte parU. Maril- 
lier (t. XXX, p. 243 et ïuiv. «t t. XXXIII, p. 177). 

— Nos lecleur» n'ignorepip^B que M. Pawi Saftnfier s'est fait, depuis quel- 
que! «nnéeï, le resilaurateur «n France des éludea critiques sur l'histoire fran- 
ciscaine : on sait .SOQ érudition précise et claire et diifisi les hautes qualités 
d'écrirain, qui lui permettent de faire; pénétrer jusqu'au grand public la presque 
totalité des résultats de la science actuelle sarde difSciles problèmes d'bisloire 
religieuae médiévale. Récemment la Conlemporary Ràview a publié de M. S. 
d'ardenleft pages inlituléus : « ià. Francis and the twentielh Century u (dé- 
eetnfare 1902). L'auteur s'applique & discerner quai intérêt présentent l'ensej- 
gneœ^nl et Totuvre morale de saint François pour les hommes d'aujourd'hui et 
ootamraenL pour ceux-là mêmes, qui ne cherchent que daos la science leur fomae 
de pensée et le but de leur action , et ce sont, peut-être, au dire de M* S., ceux 
qui, dans le temps présent, lapparaissenl comme le moins éloignés de Hdéa] 
fraDcÎBcatn ; i'eeprit d>e lu scolaslique était en eUTet tout orgueil, tout intérêt 
humain el saint Krançois l'a çondamiiè; au contraire « reepril scieulilîque 
mod»rne est tout humilité, tout sacritice » et, par sui|«, se Lroufe plus près de 
la pensée même du FovercUo d'Assise. 



CHBONIOUE 



137 



<-^ Le luxueux recueil de documentB publie p&rla librairie T. Flshcr UDWtn, 

de Lonrlrea, sous Ib titre d« indonesian Art a'n p&s qu'un inlérât slriclemenl 

artistique et fournira sans nul doute une aboodaatfl con tribu lion à l'iconographie 

des reli^one de l'arcbipel Indien, Ses 25 planches en hè)id|;r)kriii'6 aonl kcËOtn- 

pagn^es de nottceBsutiaLunlLellfiB du«s à M, C, M, Pilf'yle et M. G. H. Reai^r, 

«laoKrvateitr d«s dèpartemerkls elfanog^raphit^ueet atëdiéral au Briiifh Muséum, 

D lUFTi^illé l'exéeutioo matérielie de celte belle publication, 

F. A. 



ITALIE 

Nous aTons dëji signalé en son temps l'Inlëressante entreprise tentée par 
M. S&lvatore Minocchi pour acclimater en Italie, notaminenL dans le clergé, les 
éludes moder&ea de critique et d'histoire rellgieuBes, au moyen d'une revue : 
les Stadi Religiosi, rivist<i CTiti<ia e storîca, promotrice deila cuilura religiosa 
i» llaiia (XioceaMf 21, Via Ricasali; Home, Pustetj Piaua Fonlana di Trevi, 
St-8S]. 

C«Ue ftfi'u* vient d'achever sa seconde année. Dans la lifraison de novembre^ 
'décembre que Dousreoons de recevoir, la direction se félicite du succès obtenu, 
mais en mSioe temps elle manifeste l'iotentioD de faire, pour répondre aux 
*(Bux de ees lecteurs, une pSace de plus en plus grande à la TulgarisaUon des 
trsT&ux de science religieuse et aux articles destinés à établir l«» conclusions 
de 1» pensée moderne sur les relations de la sqtence et iv la foi. Lu Revue 
s'occupera dç l'faisloire générale des religions, deg orig'ines du chrislianisme et 
d« rhét>raîBme, de l'histoire de rÉ.i{;lLse dans ses f^randeâ lignes pItilAl que sur 
]m points de détails Ed même temps la rédaction caaajresterinlecition de donner 
un caractère pEua nettement apologétique à son <iuvre. 

Peut-être est-ce là une nécessité de la situation en Italie? Mais noua nous 

permeitona de rappeler à dos confrères que les traraux perdent en autorité 

scieniiDque tout ce qu'ils peuvent RaRiier en caractère apologétique. Les études 

d'histoire religieuse n'ont de valeur sciçQiifique qu'à la condition d'élredegagés 

de tout intêrièt confessionnel, de n'avoir d'autre but que la recherche d^sinlâ- 

ressèe de la vérité. Dès qu'un auteur peut être soupçonné d'avoir travaille pOUr 

sa ehapelle ou sa cathédrale, on n'a plus de gafanlie qu'il ail été un abBerva- 

leur judicieux et impartial. Cela ne signifie nullement qu'il faille n'avoir aucune 

conviction religieuse pour pouvoir faire deâ Études de critique ou d'histoire 

Kligieuaes. Il parait, au contraire, qu'un homme qui ne sait pBs par luî-méme 

ce que c'est qu'une conviction ou une émotion religieuse, est mal qjalîAé pour 

coisprendre celles dea autres. Mais cela aignille que, pour faire de l'hisluire 

entique dans le domaine religieux, il faut faire complète abstraction de ses 

propres croyances et ne jamais se demander quelles conséquences auront pour 

«lleB les faits que l'on découvre ou les idées que l'on reconstitue, parce que 

«'est le plus sdr moyen de fausser sa vue et son jugement. 

/, R. 



<38 



HEVUE ttt tmSTOfKB DES RELIGIONS 



BELGIQUE 

U. L. de la Vallée PoiusÎd coatioue d&ni le dernier □uioêr'a du MutfOfT 
(nouv. série, to!, III, a' i, pp. 391-412:) ses imponaalea éLades sur le Boud- 
dhisme d'après les sources brahmaniques. Il comptèle. celt« fols, par des cor- 
rections, notes aiJditionDellee el indices, rédîtion — parue daos les précédents 
nuinÉroB (n" 1 et 3| du Museon — du traité brahmanique Sarradarç^^naBam- 
pruba. ATfrc la collabontion de M. F- W, TboniM, U publie un autre traité. Ig 
SarvQEiddbaDlasamgraba, avec d'aboadantés notés sur les difficultés d'ordre 
philologique elbîstorique quGprésenteatfrëquemiDeal ces textes précieux. 



ÉTATS-UNIS 

La librairie Burrowt frères, de C)etf«Iand, rioni de comineacer la publicttlion 
d'une colleciion de documenta de première importance pour l'histoire re[i|^ieu»« 
de TAmérique du Nord. Ce Bonl tes relations des voyages d'ëvangêiisation ou 
de Bimple découverte accomplis par ks Jésuites français chei lee Indiens du 
Canada et de la partie nord et nard-ouest du territoire acluel des Étals-Unis, 
durant lia période comprise entre tes années 1010 et 179K Le texte de ces re^ 
latioDs écrites en français, en latin eL en italien, sera publié intêgratemeat et 
accompagné d'une traduction anglaise De nombreux rac-similés, portrailâ et 
cartes accompagne root le texte. Celte édition, qui comprendra 73 volumes de 
^00 pa^4 chacun, e^t entreprise sous la direction sciealîGque du secrétaire de 
la Société hi3tonque de rÉtàl de Wiscûtisiti. M. Reubea Gold Thwaites. 

— M. ArLh. Fairbanks consacre, dans VAmerican Journal of Archeologj/ 
[oclobre-déceoibre 1903^ p. 4(0^116;, un article à l'étude du tfpe : ■ Athèna 
afQigée » dans Tari hellénique, à propos d'un bas-r^Iierdu Musée de l'Acropole ; 
M. A. F., malgré le pénélrant esameo auquel il eoumel cette œuvre et, d'ajlre 
part. un« figure peinte aur ud lécylhe du Mus'èe d'ALbènea qui présente avec 
l'AlbÂna du bas-relief quelques analogies d'attitude, arrive seulement à préciser 
l'hypothèse de l'existence, à l'origine, d'une statue d'Albèni slUigée dont se 
seraient inspirés ensuite sculpteurs et peintres. 



JAPON 

Le capitaine C. Plotindea, de Kobe, Hiogo (Japon), l'un des membrM da 
Y n Adïiaory Council )• du Parlement des Religions, de Chicago, a pris j'ini- 
liaUve d un confjrês qui se réunirait, dans [e courant de celte année, à Osaka 
et à Kioto. Cette assemblée aurait plus spécialemenL pour but d« inetire en 
rapport les OriéntaltsLes des dilTéretlIs pays, d« leur permettre de se CO'nslilrjer 
en une Union internationale qui, dani la peniëe de M. Proundes^ MiULerait 



CHRONIQUE 139 

^ruidflinent les recherches comaïunes, la coIIbUod «1 l'échange des documents. 
Il serait en même temps donné des conférences sur des questions de métho- 
dologie, de science, d'art, de littérature, de sociologie ayant trait i l'objet gé- 
nenl des travaux du Coogrés. 

P A. 



Le G&ant : Errest LnoDX. 



DE QUELQUES PROBLÈMES 



HELATIFS 



AUX MYSTÈRES D'ELEUSIS 



QUATUIEME PARTIE^ 

LES SURVIVANCES DES MYSTÈRES 



De i^ transniisftibiaiê des Rites. 

Tous les Mystères de l'antiquité classique avaient originai- 
rement pour objet de mettre Tinitié en rapport avec certaines 
diviDitùs, en vue de lui procurer des avantages dont ces divi- 
nilés étaient réputées les dispensatrices. 

Quand les progrès du syncrétisme eurent Tait admettre 
réqutvaleneedes dieux et la transmutabilïtéde leurs attributs, 
il n'y eut plus de motif pour que les rites susceptibles d'agir 
sur quelques êtres surhumains^ ne fus^senl estimés propres à 
exercer sur tous une action analogue. Les rites des Mystères 
n'avaient d'ailleurs jamais cessé de posséder une valeur in- 
trinsèque, comme tous les rites d'origine magique. Une fois 
brisé leur lien spécial avec tel ou tel culte parlicnlier, ils de- 
venaient plus ou moins utilisables dans toutes les occasions 
où Ton avait à solliciter Tinterventioa d'une puissance surhu- 
maine. Aussi les derniers lempsdu paganisme révèlent-ils un 
rapprochement et même une pénétration réciproque des pria- 

4) V. L XLV(, pp. il3-201 et 333^2, el t. XLVII, p !.33. 

10 



142 



RKVOB DZ LeiSTOtRE DES B^IGT0?t5 



cipauK Mystères, lant sons !c rapporl des rîtes que des doc- 
trines. 

Dans le récit à demi voîlé de son inîtiation aax Mystères 
d'Uiâ, Apulée recourt à des images qui rappelleal la mise en 
scëoe d'Eleusis : » Je me suis avancé jusqu'aux confins de 
la mort et ayant foulé le seuil de Proserpine, j'en suis revenu 
en passant à Iravers les éléments. A minuit, j'ai vu la soleil 
brillant de toute sa splendeur. Je me suis approché des dieux 
de l'enfer el des dieuï du ciel, etc. * » Un caveau des cala- 
combes romaines a depuis longtemps attiré Tattention des 
archéologues par des peintures el des inscriptions qui té- 
moignent d'un véritable mélange entre les Mystères de Corè, 
deSabazio3et peut-être de Milhra : une défunte, Vibia, est 
conduite par Hermès dans la région infernale ; elle y est mise 
en présence de Dis Pater et d'Abra Cura, c'est-à-dire de Ha- 
dès el de Perséphonè; enfin, après un jugement favorable, 
elle esl introduite par son bon génie au banquet des justes'. 
J'ai montré précédemment comment, à Eleusis même, les 
MyâtÈresde Dionysos s'étaient intimement mélaugés, dès l'é- 
poque de Cicéron, avec ceux des Grandes Déesses, Les des- 
criptions fragmentaires que les écrivains chrétiens du 
iT^ siècle consacrent aux initiations païennes font souvent 
douter si leurs allusions se rapportent aux: Mystères de 
Démêler et de Corè, de Dionysos, d'Attîs, de Cybè|e ou des 
Cabires. A Eleusis on a constaté de nos jours la présence 
d'une fosse paraissant avoir servi aux tauroboics qui carac- 
térisent les Mystères de Cybfele^ Il n'y a donc pas lieu de 
s'étonner si, dans la seconde moitié du n' siècle ap. J.-C, 
comme la famille des Eumolpides s'était éteinte, on alla 
cherchera Thespies un grand prêtre de Milhra, pour eu faire 
l'hiérophante d'I^leusis'. 



i) Apulée, ilttamorph., 1, XL 

2) Garrucci, Le* myjCfrej du syncrétisme phrygien dans le t. IV 
iFarckéalogie de Martin et Cahier, pp, 1 et «b. 

3) F. Lenormanl, Re\'uc de farcfUtscture, Paris, 1S6S, p. 59. 

4) Euaap«, Vil. Mainm,, éd. Didol, p. 470, 



Méiangei 



DE QUSLCIDBS PHOBLÈHKS RBLATIF» ADS MTSTÉIieS d'ÉLEHSIS 143 

Ces efQpnints se sonl-ils étendus aux communautés chré- 
tiennes qui, dan» le déclin de la société antique, s'orgacis aient 
sur le sol gréco-romain ? Peudaut longtemps on a exclusi- 
vement cherché en Judée, non seulement les origines pre- 
mières de la théologie chrétienne, mais encore les antécé- 
dents de son orgaaisation et de son culte. Les piogrès de la 
critique historique ont fait comprendre l'impossibilité d'ex- 
pliquer le développement des inâtilulioQs chrétiennes dans 
le monde gréco-latin, si on persiste à faire abstraction de 
l'induence exercée par les philosophies et les cultes du pa- 
ganisme. Il est superflu de rappeler l'œuvre célèbrç où Er- 
nest Renan a esquissé, avec autant de sagacité exégétiquâ 
que de mérite littéraire, la part des deux courants ethniques 
gui ont définitivement constitué TÉglise. Après les travaux 
de l'école de Baur, nous avons eu les œuvres de ces deux 
maîtres de l'exégèse chrétienne contemporaine : Adolphe 
Harnack et Edwin Hatch» — le premier qui a montré, pour 
employer ses propres termes, comment n le chriâtiaDÎsme 
dogmatique, les dogmes dans leur conception et leur slruc- 
lure, sont l'oeuvre de l'esprit grec sur le terrain de l'Évan- 
gile » ' ; — le second qui a étendu cette démonstration à l'or- 
ganisation ainsi qu'aux rîtes des communautés chrétiennes 
en terre helléuique'. — Les rapports entre la liturgie chré- 
tiemie et les cultes païens ont fait, en outre, dans ces der- 
nières années, l'objet de plusieurs monographies impor- 
tantes, parmi lesquelles il convient de citer en premier ordre 
celles de MM. Anrichet Wobbermin'. Ces travaux me permet- 
tront de passer plus rapidement sur certains développements 
de la question. La méthode à suivre a été nettement posée 
par Edwin Haich: 1° Établir ce qu'était le culte chrétien 



1] Hamack:, Précis de l'Mstùîrc des Dogmes, trait. Chois;, Pat'ib, 1893, p. x. 

2) E. Rtlcb, Influence af Gffek idem and Vmgcs upûn ihe Christinn Church. 
Uîbtwrt Lectures. Londres, 1^90. 

S) G. Anricli, Dm Anlike ifij$i£rienweim in scimtn BinftUit auf 'ias Ckrii- 
tCKium (G>ÏUiag«a, 1494). — 0. Wobberinia, Ifra-je der Befinltusmng des 
Vrehrittenlumi duTch das Aniikc Uysttrimwexen (Berlin. iAHHVj. 



lii 



REVUS DC L niSTOlAE DES RELIGtOMS 



avant et après son entrée en contact avec l'hellénisme; 2" Re- 
clierclier si parmi les élémenls nouveaux qui apparaissent à 
la suite de ce contact, il on est qui se retrouvent également 
dans les Mystères; 3" Examiner si ces éléments ne peuvent 
provenir d'une autre source. 



Lies Mystères «t. Iê inoosliolsine. 

Ainsi qu'il arrive fréquemment dans les périodes de tran- 
sition, le christiaDisme des premiers siècles "vit ileunr des 
sectes qui prétendaient relier le nouveau culte à ses prédéces- 
seurs. C'est surtout dans les milieux gréco-syriens et alexan- 
drÎDsque se produisirent ces tentatives. L'empereur Hadrien 
écrivait d'Alexandrie, en raillant la versatilité religieuse de 
ses sujets égyptiens : « Ici l'on voit des cbrétiens qui adorent 
Sérapis et des adorateurs de Sérâpis qui &û disent évèques 
du Christ' ". Il s'agissait vraisemblablement de chrétiens 
guoslîques ou semi-païens, comme les sectes contre les- 
quelles polémisent à la fois Origène et Plotin, tes apologistes 
de l'Église et les docteurs du néo-platonisme*. Des critiques 
contemporains soutiennent que les gnostiqnes du second 
siècle étaient des continuateurs de l'orphlsme*. La thèse ac- 
quiert une autorité nouvelle, si l'on admet, comme je l'ai sou- 
tenu précédemment, que l'orphisme fui une méthode plus 
encore qu'une doctrine. Le gnosticïsme^ en effet, révèle une 
tendance toute orphique à fusionner, sous l'égide de la foi k 
un dieu rédempteur, les principaux systèmes de théologie 
qui s'étaient développés, dans les anciens polythéismes, au 
contact de la spéculation néo-platonicienne. Les gnostiques 
se rattachaient au néo-platonisme, en tant qu'aprfes avoir sta- 
tué à la fois la réalité et l'incompréhensiliilitë du premier 

1) FI. Vopiscua, Vila Satarnini, 8. 

2] Cr. ce que i'auLeur défi Phiiosophoamena dît des Naaséniens (V, I. éd. 
Gruice, PariB, 1860, p, 176 et suii?.). Voir stisbi irénée. Contra haereies, I, 23, 
à propos <3e Simon le MBgicieTi (éd. Migne, 671 el es,). 

3} M. WobberimQ appelle te gnoGUciBiue un orphUme cbrûtien> 



DE QUBLOUES PROBLÈMES RBr^TlFS *IIX MÎSTftflES o'ÉLEtîSHi 145 

principe, ils faisaieni émaner de celle snurce myslérieuse 
une série parallèle de mondes se terminant au monde sen- 
sible, et en tant qu'ils expliquaii;nE cette chule graduée du 
la force créatrice dans la mali^TQ par une faute ou une 
défaillance des puissances intermédiaires. Us relevaient 
du christianisme, en laaf qu'ils aHribiiaient à l'ôtincelle di- 
vine emprisonnée dans l'homme le pouvoir de remonter 
vers le plérôme on monde supérieur, grftce h l'interven- 
tion (l'un éou charitable, Christos, descendu dans la per- 
sonne dû Jésus pour divulguer aux hommes la gnose lib(5- 
ralrice. 

La plupart des sectes gnostiqnes partageaient l'humatiiLé 
en trois fractions : les hyUtjueft ou matériels, les psfjchiques 
ou initiés du degré inférieur et les pneumatiques, qui seuls 
obtenaient la plénitude de la révélation. Quelques-unes, 
comme les Carpocratiens, estimaient la possession de la 
gtjftse suffisante pour assurer le salut et même^ s'il faut en 
croire leurs adversaires, pour délier de toutes les lois reli- 
gieuses el morales- Mais aux yeux des autres, el c'étaient les 
sectes les plus nombreuses, il fallait y joindre certaines cé- 
rémonies théurgiques, comme le baptême qui cnnstiluait l'î- 
DÎtiatioQ proprement dite et la cène quî ré;ilisait l'union 
avec les puissances supérieures. Avant de recevoir le baptême, 
ou devait prêter le serment de ne rien révéler des myslbres 
qui allaient être communiqués^ Quelques écoles multi- 
pliaient les degrés d'initiation *. La cérémonie initiale com- 
prenait, suivant les sectes, en outre du baptême, l'imposi- 
tion des mains; la marque par an sceau (î??otYî;) ; l'onction, 
dont les gnostiques introduisirent peut-6tre la pratique dans 
le christianisme; la récitation do formules à double sens, 
comme dans les Mystères païens; enûn la communication 



1) fhUoiOf'hmimrna , lib, I, proœrfi. 

2) M.AiDi^lineau.inlerjiréunt d'une fa^n très ingénieuse ua Lejcled'Ëpiphane, 
croil retrouir«r cliéz lea V»leûUnie^ns les trsceg de s«p| gradeE succeEEiTs : Bor- 
borirDt Coddiea, Soldat, Paune. ZAcliéen. el Fils Ju Seig^ieur (Eisoi sur /ff 
gn^liàsiM igyptien, fan^, 1&87, p. 240 et ss.t. 



IM 



KETtTB DB T-'hISTOIBR DES KELIGIOXS 



d'objets sacrés et Finlerprélalion d'images symboliques, 
telles que le diagramme des Ophîles décrit par Origène'. 
Deux manuscrits coptes de source valentînienne, relrouvés 
en OrieDià une époque relativement récente, Ia Phtis Sc- 
pkia et le papyrus d'OxFord intitulé (e Livre du grand Logos 
selon h 3Iysière^ exposent en détail quatre scènes d'iuitlaUou 
successives : le Ijaptème d'eau « qui introduit dans le lieu de 
Vérité et dans le lieu de Lumière »; le baptême de fea « qui 
range parmi les hérltier^du royaume de lumière» ; le baptême 
de l'Esprit ; enfin « le Mystère qui oblige tous les Archons à en- 
leverleurs iniquités de dessus les disciples et qui rend ceux-ci 
immortels ' u. 

L'idée que les sacrements et particulièrement le baptême 
ont une vertu par eux-mêmes et transforment moralement 
le Adèle, semble avoir fait son apparition chez les gnostiques 
avant même de s'introduire dans les communîiutés ortUo- 
doxes'. Déjà Simon le Magicien, qui passe pour le Toodateur 
du gnoslicisme, et son successeur Ménandre. enseignaient 
que le boptëme assurait l'itnmortalité*. D'autres se bornent 
à affirmer qu'il lave de tous les péchés antérieurs ; ce serait 
plutôt la cène qui assure la vie éternelle. 

Le lut du gnosticisme est essealiellemeot escbatologique; 
il s'agit de procurer h. l'àmc individuelle le retour vers le 
plérOme ou tout au moiris Taccès de l'ogdoade, laquelle con- 
stitue le monde intermédiaire. D'après les Extraits de Théo- 
doie^ qui reproduisent ia tradition valentinienne d'Orient, 
les pneumatiques iront dans l'ogduade prendre part à un 
banquet éternel, qui rappelle le Banquet des Justes de Pla- 



1) Origène, Contra Calsum, liv, Vt, 640 (Mlgne). — Ce lableau a été re- 
consliluê par Muttiir cî'aprèe Jes dontu^es d'Oriyèiie (fli%toirç a-ttt^ue du tjnoi- 
tlcinmf. Paris, 15^3, ch. ivii]. 

2) AmÉlineaUj Gaostidsmf éi}ifpUeTi, p. 2-43 et Buiv. — M. Amèlineau a publié 
iiltôrieurePienL iine traduction frjiiiçiiisft de la Pi-itis Sophia, Paris, 1895, 

3) Eugène de Faye-lnlrorl. 4 t'tml'itrc ^u gnostieisme dans lo. Rev. île l'Hfst. 
ites m%»onï, l. XLVl(l!lU2),p. 396. —Cf. Edwin Halch. Irt/luence of Grof* 
\drOi. and Vsai/ts upon (Jv: CkrÏHtiun Church, p. 305 et suiv. 

4) irénée, Çonti'a haercs., l, 33 (Migne, p. 673). 



UE QUELQUES PBOBLÈMBS BELATIPS AUX HTSTÈRKS D ÉLECStS i47 

ton. Bien plus, «.les pneumatiques^ ayant dépouillé V&ms 
psychique, recevront les auges pour é'poux.,.; ils entreront 
dans la chambre nuptiale de l'ogdoade en présence de l'es- 
prit; ils deviendront des éons iiilelligents; iU parliciperont à 
desnoces spirituelles et éternelles'. » Labaptfatëredes Valea- 
tiniens s'appelait en coDséquenceNu|jifuiv, « la chambre nup- 
tiiale* I). Voilà un terme qui, tout spirilualisé qu'il puisse ^ire, 
rappelle sÎQgulièremeQt le «Ut nuptial wjezjcsrsïde l'époptie 
èleusinienne *. Aussi ne faut-it pas être trop étonnés, ^i Tertul- 
lien, avec remgéralion de parti pris qui caractérise ses atta- 
ques, accuse les Valentinicns d'avoir copié les Mystères d'É- 
leusisetmômc » transformé les Ëleuainies en prostitutions^ n. 

Cn autre chef d'écolo gnostique^ Bardesane allait jusqu'à 
promettre aux pneumatiques une union nuptiale avec Sophia, 
i'épouee céleste de Chrjstos '. C'est bien l'idée mystique qui. 
chez les Grecs, faisait des initiés, après leurmort, les époux 
de Perséphonè'. 

On est d'accord pour ajouter plus do créance aux rensei- 
gnements fournis sur les gnostiques par l'auteur des PAUo- 
scphnumena qu'aux allégaliorii: deâ autres apologistes. Or cet 
ouvrage rapporte que les Séthianiens, une seclu alliée aux 
Opbites. avaient emprunté leurs dogmes aux gnostiques et 
leurs rites aux Mystères de Phlya^ où, comme nous l'avons 
TU précédemment, on pratiquait un rituel analogue à celui 
d'Éteusis'. En ce qui concerne les Ophites eux-mêmes, l'au- 
Uur des Ph'tiosophoumena montre qu'ils s'étaient approprié 
les principaux rites d^ l'époplie pratiqués à Eleusis, en 



1) Sxcerpt. Theodot., o»Ci (datia Atnélinêiu, Gnottieisme égijptién, p. 228). 

£) Jrcnée, Conlra hatres., I, 21. 3 (Migtie, p. 662). 

3) Ce terme (l« ^"j^i^ûv était égntement appliqué à un tfiiup'le, près de Phlya, 
consacre à Dionysos, Déinéler el Corè (PauBanins, H, 11,3]). 

4] Tertullien, ■■ £leiJsinï& Vslentîni îecerunt Leiiodnîa » (AUvers, Valenlian. 
Pans. Î634. p. 289). 

&i Mttter, Hiit. critique du gnoiticùtftt, 1. 1, p, 378. 

6) Voir les Textes réunis pur Fr, LeiLormB.Dt daaa aa Monographie de la Voie 
Mcrrfff rieujitnicnnr, Pans, 1864, t. I, p. 52. 

7) phUosophr.umena, I, V, 3, éd. Cruice, p, 219. 



ISO 



BBVUE DE LmSTOTRK DKH RFI.IGro:^5 



chères de Cyrille de Jérusalem, la Liturgie de saint Jacques, 
les Sacramenlaires ambrosien, grégorien, léoniea, elc. ■ — 
Ce travail a été considérablement facililô par l'érudit et con- 
sciencieux ouvrage de M. l'abbé Duchesne sur les origjaes 
du culte chrétien'. 

On a prétendu parfois que Jésus avait eu un double ensei- 
gnemenl : l'uu exolérique pour la masse des fidèles, Tautre 
ésotérique, pour les Apôtres qui auraieul été chargés spécia- 
lement d'assurer la transmission secrfete de la doctrine 
mystérieuse, en allendant le jour où celle-ci pourrait 6lre 
impunément publiée. Celte thèse qui, déjà souienue par Va- 
lentin et d'autres gnoslîques, a encore trouvé, au y^x" siècle, 
d'ingénieui d^renseurs', est aujourd'hui complètement 
abandonnée. S'il est une vérité historique désormais évi- 
dente, c'est que le culte chrétien, à ses débuis, n'avait rien 
de caché. Il était accessible à tous ceux qui acceptaient le 
Christ pour Messie. Les seules conditions d'admission étaient 
purecieut morales. Cependant, voici qu au iir siècle, le chris- 
tianisme est devenu un mystère au sens grec du mot, avec un 
rituel complexe qui implique une iDltiation sacramentelle, 
et co caractère s'accentue surtout dans les communautés 
qui sont le plus en contact avec la culture alexandrins. D'où 
proviennent ces éléments nouveaux? 



Empraots chré:llen!i A la teriiilDo1o£i« des Mystères. 

Déjà saint Paul emploie les termes de f/ûcnjpLoi» et de 
T^AEiss pour d^^signer respectivement la révélation divine el 
le jiarfait chrétien'. Les chrétiens néo-platonisanls d'A- 
lesandrie, et, en général, les écrivains ecclésiastiques du m' 
au v° siècle, renchérissent fortement sur cette phraséologie, 
en appliquant au nouveau culte le vocabulaire éleusinien : 

i) L. Ducliesne, Origines du culte chrétien, 2« éd., Paris, 1S98. 
ï) NotamnieiiL gmilâ Buraouf, dana sa Science des hei'^iom. ParU, 1876, 
pp. 92 6L sulv. 
3} I Corinth., II, 6 *l 7, — Voir ftussj l'Éjs. awp mbreus, v\, l. 



M QUELQUÏS PSOBtÈMBS ttEtATIFS AIT. MYSTÈRES d'ÉLEUSiS H9 

plus l'influence du maQicbéisme. Aussi est-ce plutôt h ce der- 
nier courant qu'il convient de raltacher les hérésies du 
moyen âge tant en Occident qu'en Orient: Pauliciens, Eu- 
chiles. Bogomiles, Caibares, Manichéens. 

Ces derniers avaient, eux aussi, leurs doctrines secrët6s; 
leur subdivision en trois degrés : Croyants» Élus et Parfaits ; 
leurs initiations, nolaramenl le consoiamentum où on leur 
communiquait le Saint-Esprit par l'imposition des mains. 
Toutefois leur symbolisme, comme celui des sectes ultérieu- 
rement greffées sur la même souche» révèle, ainsi qu'il 
fallait s'y attendre, des origines plnlûl orientales qu'hellé- 
niques. C'est par un autre canal que certains rites d'Eleusis 
se sont perpétués jusqu'à nous. 

£«a nifstéres et le «bristlAulame, 

Il existe heureusement des documents qui permettent de 
reconstituer les principales élapes du développement litur- 
gique dansTÉglise entre l'âge apostolique et le triomphe du 
christianisme au IV' siècle. — Aux indications fournies sur les 
promtères communautés chrétiennes parles Actes des Apôlres 
et les Epitres de Paul, nous pouvons ajouter, dans les com- 
mencemenlsdu ji" siècle, la Dtdachè*, tout au moins pour les 
communautés gréco-syriennes, et un peu plus lard, VApo- 
loffieàQ Justin Marlyr;auiii° siècle, les écrils des autres apo- 
logistes; ceux de Clément d'Alexandrie et d'Origène, les 
Constitutions apostolique*, enfin, pour constituer notre point 
d'arrivée,, les liturgies officielles dont on croit pouvoir re- 
porter la formation au iv* et au v siècle, comme les Calé- 

1) Voir te texte et U tra.âLiclîan dSQS k tbèse à.& M. PauI Sabstier, La Di- 
daehi ou l'Enseignement des Dauze Apâtres, Paris, 1885. — M. Sa-batler recula 
coosid^rableoii^nt l'dg'6 de ce document; il le fait remonter jusffu'â. l'âgâ apOS- 
jue, Toire nu milieu du premier siècle. — Il est eerLftin que le chriatlanisme 
le La Dida^hèa'a rien de do^iâaili(|ue, nidYtelèslastique; l'uniqui« critérium est 

moralité; la parousic y est présentée comnie iiumioetite. Cepen>jaal les épis- 
copês y sont dëjà memionaés iiomme ane institution r^^tiUère et non pluaex- 
opUonaellemeEit, uosi qus daas le» lipltres dâ Paul. {Philipp., r, i.J 



BOTUE DE I. mSTOntB DBS BEXlQfOMS 



DtntidciloD d«A rmféchniaéik«s et des Gdèles. 

Il est superflu de faire observer qu'aucune disLiriclion de 
ce genre n'exislait aux temps apostoliques. Les Ades éta- 
blissent surabondamment que juifâ ou païens n'avâiënt au- 
cun stage à faire, une fois qu'ils se déclaraient conrerlis 
par la prédication de rÉvan^ile. Aussitôt convertis, aussilM 
baptisés'. Mais dbs la fin du ii' siècle, les chrétieos eux- 
mêmes sont partagés en deux Ordres ou classes, sépanïes 
par le baptftme. « Les chrôliens, écrit Origène, avant de re- 
cevoir dans leurs assemblées ceux qui veulent être leurs dis- 
ciples, leur font diverses exhortations pour les fortifier dans 
le dessein de bien vivre; enfin Us les admettent, quand ils 
les voient dans l'état où ils les désirent et ils en font un Ordre 
à part (t?(Gv -âyi^x); car ils en ont deux parmi eux; composés, 
l'un, des initiés qui le sont depuis peu et qui n'ont pas reçu 
le symbole de leur purification; l'autre, de ceux qui ont 
donné toutes les preuves possibles de leur résolution de ne 
jamais abandonner la profession du christianisme». » Ter- 
tullien signale même comme une marque d'hérésie labsence 
de cette distinction parmi les adeptes de certaines sectes : 
« On ne sait chez eux qui est catéchumène, qui est fidèle. Ils 
ne sont pas plus tôt auditeurs qu'ils se joignent aux prières. | 
et leurs catéchumènes sont parfaits avant d'avoir terminé 
leur instruction »*. Nous avons ici la triple classification : 
auditeurs, catéchumènes, et fidèles. Elle n'est pas moin^ 
marquée dans divers passages des Comlitutiom Aposlo^ 



Wobbermin.pp. i43.!15.— M, Wobbarmin reir&ee égalemenl dans rorplusmp 
les antécédents dea Leroiina ûiioo'/s'.^t et i^s-^or^"^^- 

1) Actes, 11,38, Ai: ïui, 12, 13,36-38; i. iT^iSixn, 15,33; XTni. 8; xix,5,] 

2) Origême. Contra Celsvm. lib, III, '181 (Migiie). 
3} a Anle 6unt perfecli (^uMn edocU >*. TertullÎBii, De prxser. a^verini* 

Aaertrr., ïli. Opéra, Paris, 1630. t. II, p. 95. 
4) .ipostol. Conslit., lib. VIII, cap. vi-xm. 



{!Ué:loi;es pboblèwes relatifs aux xtstèubs d'éleusis 153 

Oa passait d'auditeur catéchumène, en se soumeLlant aux 
prescriptions d'un rituel spécial. Il y avait là comme ua 
premiâr degré d'initiation qui comprenait: Tune exsuffla- 
tion accompagnée ou suivie de formules d'exorcisme; 2* le 
Iracé du signe de la croix sur le front'. — C'est ainsi qu'à 
Eleusis les aspîrauls à la plénitude de l'initiation devaient 
d'abord passer par les petits Mystères, qui se composaient 
surtout de cérémonies purillcatrices. J'ai exposé précédem- 
ment que ces cérémonies formaient invariablement dans 
l'antiquité le préliminaire des initiations*. Le rapprochement 
a dû se présenter de lui-même à l'esprit des Pères grecs, car 
nous les voyons décerner ans diacres cliargés d'accomplir 
les- exorcismes le titre de Gathartisles (naOapxiAûQ, qui rappelle 
directement le terme «Qa^T^ appliqué à cette partie dea 
Mystères. — Un passage des Catéchèses de Cyrille implique 
que le néophyte se tient la tète voiîée, pendant qu'on pro- 
nonce les formules de conjuration*. N'est-ce pas la scène 
peinte sur un vase anlique^où on voit le néophyte assis sur un 
siège, la tête voilés, tandis qu'une prêtresse agite sur sa tète 
le van mystique*? 

Les calécliumènes occupaient une place spéciale à l'en- 
trée de l'église et assistaient à la célébration de la partie de 
l'office dénommée « messe des catéchumènes »; elle se com- 



{)îi\ichMm,OiigifKS ciucu^.(ec/irriften,p. S&Setsuiv. — M, l'abbé DuchesnSi 
<tui iolitule BOD ch:ip. ix:«c L'JDÎLiaUO'D ctirÉtieQD^ >>,a'y exprime en ces termes : 
•'Les ^al^cbumèntis étaient coasidèri^s cODime appartenant à la. société chre- 
lienQe, camifae ctirâtîens ; les rituels qui consacrant l'entrée des catéchumànes 
<l4tt9 ceUe c&lëgorie Inrérieure porteal dana ]«s vieux livres lilurgiques la ru- 
Viqiie t Ad Chrislianns fad<;ndum ou une autre du même seos^ ■•* 

2) Cf. l'article Lusiratio de M. Bouché-LecJercq dans IB' Dictionnaire de 
MM. Paremberg et Saglio : t Les cultes naysliques 'étaient de Térit^bUs offi- 
cines dâ puriQcalions, d'où l'hall soitait tout prêt à. affronter le voy^a^e d'outre- 
UiQibe, allégé de ses fautea, m&rqité du âttAu {a7p/xyii) des élus et assuré de la 
bienmil&Dce des divinités soulecraiDes » (rascic. 31, p. 1424, cal. 1). 

3) EBxÉBaoTai sou ïô -spinoiTto», Cyril. Ilterofiol., Praefat. catcch., V (éd, d'Ot- 
lofd, Î7u3, p. 7). 

i) Vu vaso àturario dans le BuUet. de la Commiss. municiji. ixrcluolag., 
Etome, 1879. pi. 2-3. 



!5i 



REVOE DE l'hISTOIRB DBS REUGiflNS 



posait de chants, de prières, d'homélies et de lectures ■. On 
pouvait rester catéchumène toute la vie. Ceux qui voulaient 
prendre place parmi les fidèles avaient à subir une nouvelle 
initiation. — C'est ainsi que les inilitl^s des petits Mystères, 
s'ils voulaient être admis aux grands, deraienttoul d'abord ae 
soumettre à une nouvelle sôrîe d'épreufes et de luslrations. 
Le parallélisme a frappé mâme les Pares qui ont attaqué les 
Mystères païens avec le ptuâ d'énergie, tels que Qlémeiil 
d'Alexandriô*. 



f« PMtc<^|iBA du lieere^ 



J'ai constaté plus haut <^u'au témoignage dd& Actes des 
Apôtres, la doctrine nt les rites des premières communautés 
n'avaient rien de secret. La situat)0|i reste la même dans la 
Didachè ; celle-ci se borne à recommander do ne pas donner 
reucbarislie aux non-baptîsés, « c&r c'est de ceci que le Sei- 
gneur a dit ; Ne donnez pas le Saint aux chiens » ». Encore 
vers le milieu du n' siècle, Justin Martyr dans rjt/>o/o(?iV qu'il 
adresse à Antoniu le Pieux, c'est-à-dire k un empereur païen, 
décrit sans hésitation la célébration dq baptême et de I4 
cène*. Mais, au commencement du m' sibcle, Tertullien e| 
Ortgène constatent l'existence de rites et de formules qu'il est 
intcrditde révéler aux noniniliés. Tertullien, Orisène, Basile 
n'hésitent pas à justifier celte interdiction par l'exemple des 
Mystères païens^ Celse en avait fait un grief aux chrétiens. 

1) M. ra.bbâ Ducheane fait observer que c'«bL toute la parLie du culla cbri- 
tien direcleœenl empruolfee 4 la synagogue. Origints, p. 59. 
2)Stroinat.y V^ *. 

4} JuBLJn Marlyr, Apolog., I, ch. lu, éd. d'téDa, ppi, ^7 el ss, 
âJMgr.P. Batiiïola réceoiiaeat publié uii voluoie inlilulé Rtudis d''histoiTe 
cl de tk^ologie poiilives (Paris, lâ02),. où il maintient que Ia diAciplina de Vfic- 
MDQ ne Tul jamajs une Iqî de l'IigUse, oia^s aimpl«ment i< une règle caléchétique 
dont on eia^re Ja portée. De faîl aucun conciJe ne l'a farmulée u. — Dans ua 
compte-rendu, plulô! aêvèti, imtjçréta courlgiaiei de la forme, M, A. Van Ho»e, 
prole&âeui' d'iustuir^ ecdesibslique à rU^nÎTerBltë do Louv&in, répond (Builetin 



DB OUELQtTF-S filOBLeNES nELUFFS AUX MTSTÈJtBS d'ËCGUSIS I5S 

Origèneluirâpond: » Oapeutreinarquerla même chose dans 
loules les secLes de philosophes qui oot certains dogmes exté- 
rieurs et d'autres moins exposés à la vue de ohacuD... Et 
pourtant, dans tous les Mystères, soit dâs barbares, soit dus 
Grecs, onn'arieD trouvé à redire àrobservationdusëcrel' m. 

11 arrive fréquemment qu'Origène et ses sucoesscurs dans 
la prédication cbréiiennc, quand ils traitent de questions en 
rapport avec les sacrements, s'interrompent brusquement 
pour s'écrier : « Les initiés savent ce que je veux dirai » 
— G'esl littéralement la formule dont se servent Pausantas, 
Plutarque, Apulée, quand ils effleurent de» âuJËta donl les 
Myslftreâ se réservent le monopole. 

C^tte partie ésotérique du chrisliantsme comprenait non 
seulement la célébration du baplémaeidelacène*, mais en- 
core les formules sacramentelles, ainsi que les termes du/ja/er 
et du credo. Ces symboles devaient être appris parcœur et ex- 
clusivement récités de mémoire. Le texte n'en ligure même 
pas dans le Cfl^^fA^.'c où Cyrille explique aux nouveaux bapti- 
sés le canon de la messe- " Prenez garde, écrit-il, de ne pas 
divulguer ces choses, non pasqu'elles soient indignes d'être 
redites, mais parce que des oreilles profanes ne sont pas di- 
fgnes de les entendre'. 3» De même, Sozomène s'abstient de re- 
produire le symbole du Nicée dans son Histoire ecdèdtutiquc 
,« parce que des non initiés pourraient avoir accès au livre*. » 

Dans les églises d'Orient, l'autel, parfois l'abside étalent 
ichés par un voile qu'on lirait après la stirlie dos caléchu- 
mfenes*. Ceus-ci devaient se retirer quand l'officiant pro- 



bibtitKjraphiqxit (i/u Musée Hflqf, avril 1903) : n NediseutoM p^asaurles mois: 
UQ oaage ne peut-il avoir force de lo'i ? Qud concile b «lonc éubli le caléchumé- 
oat et fXii IhdL de poiats de \k discipline eco 14s i astique Y » 

1) Contra Celmm, lib. 1, 32« (Migne). 

2) B Qu'est-ce ((ui v\x9i nous tf^i secret et non public, écrit Baint Au^bUd? 
L«8 BJureoiealB dubapieine et de l'eucharîstie » {in P^salBvum, Clll), 

3) Cyril. Hierosol., Pmfat. calèches., VII, p. !0. 

4) oO T*p àiatiwï x«1 -îôv ànvintMV Tiviç T^Si tti ^i&.if Èvtuxilv, Aùlijr. «elfe*., 
ob. XI, ciL lie Couibriilgi-, [• ïlO. 

5) •> Ce Toile, écrit M. l'abbs Uuchesae, est encore bd usage dana let rit«s 



tS8 



ltX\TE DE L HISTOIRE DES REUGIOKS 



Ia fûrmule ; « Les choses ââloles aux saints ». iJn' 
^mÊOtt s'avançait alors en disant : « Que personDe ne reste 
^•B catéchumènes, des auditeurs, des intidëies, des hàré- 
ti^MC Ceux d'entre eux qui ont participé aux premières 
prArMy qu'ils sortent. Que les m&res emportent leurs en- 
fants'.» Subsliluezaus termes dlafidèles, d'auditeurs, de ca- 
téchumènes ceux d'athée, d'épicurien, de chrétien, vous au- 
m U formule par laquelle Alexandre le Paphlagonien fai- 
»îl l'ourdrture de ses Jflystères*. Nous avons vu qu'au dé- 
but d«^ grands Mystères l'hiérophante d'Eleusis proclamait 
eu toruies analogues l'exclusion de ceux qui n'avaient pas la 
v\MX intelligible e! la conscience pure. D'après les ConsliLu- 
tîoBs apostoliques^ le diacre devait demander encore : uQue 
Mil ttt) reste, s'il a une querelle avec un autre ou s'il est en- 
l»ch* d'hypocrisie! (Iv i,Ks*piim)' ». 



I.et» <l*Kr4« Ile l'IalUallon ebrèticanc!, 

\M divers i^piïiodes do l'initiation aux Mystères chrétiens 
K^Wt tf^numért^K dans le curieux et important passage où Ter- 
WUvt^» di^cril les vertus spirituelles de ces opérations : k Le 
\M4-kui r»t liaî^né ulin que l'âme sotl lavée de ses taches; le 
^•rfut^Ht oint, nliii que l'âme soiL consacrée: le corps est muni 
Ju *^w, aHu quo l'Âme soit fortitiée; le corps est ombragé 
tmim^tm) sou» l'imposition des mains^ afin que l'âme soit 
^lUMmVv |»*v l'Kîîprit: le corps est nourri de la chair et du 
lAM Ju CUri^t. ulin que l'i'ime se repaisse de Dieu* )> . Nous 
^'VM*^^^!^ lmpl6mo, rouclion, te signe de croix, rimpositiou 



MMiMki Ml I* tc"^ Hcvunt 11 ports centrale de ric&nosUM; il est titi fit 
^W4 M> «kW*J^U intliquM dans 1m ineiennes liturgies. > Orig^ du culte 

^teiMlw. (VmTH., lib. VIII, c&p. zn. — La formule latiae était : Si qui» 
^^^^MM'i rrtt^Ut, etc. 

> V«* »^«* ' ^''•'' *-•" *^^- ««(«fA^ XIV, 2. 

^Mf^HHi, (M HttHTTfet., ch. Tin, opéra (1630), I. n. p. S53. 



DB QCELQCeS PROnLËHES REtATIFS AGX MTSTËRES d'ÉUCSIS IS7 

des mains et la commanion^ daas l'ordre où se succédaient 
ces sacrements. 

J'ai rappelé qu'aux temps apostoliques le baptftmâ suîraiL 
îmmédiatemept la conversion, te rituel élait des plus simples. 
Le néophyte était plongé dans Teau d'un bassin ou d'une ri- 
tière ; un membre de la eommunaut*5 prononçait sur lui la 
formule : « Je le baplise au nom de Jésus-Christ' », ou : « Je 
te baptise au nom du Père, du Fils et du Saiiil-Esprit'»; puis 
un des anciens lui imposait les mains. A l'époque où. fut 
rédigée la Didachè, il ne semble pas que le bapiéme exigeflt 
l'inl^rvenlioii d'un ministre spécial. «Celui qui baplise (i^arri- 
Xfiït] » semble s'entendre de n'importe quel membre de la com- 
munauté \ On commence à parler d'une în.struction morale 
préalable, mais sans la régli^menter; on se borne à prescrire 
tm jeune avant la cérémonie'. A partir de Justin Martyr, le 
baptême est désigné par des expressions empruntées aui: 
initialions païennes (tr^pr^Eçt çwxtoiiii;, liusn^^iov) ; bientôt il ne 
sera plus conféré qu'une fois par an. Parfois, comme dans 
les cas bien connus de Constance et de Constantin, il sera 
dilTéré jusqu'à la fm de la vie. C'est qu'il a ces^é d'être la 
coodition préalable de l'enlrée dans les rangs de la société 
chrétienne, pour devenir le couronnement de l'initiation à 
un degré supérieur des Mystères. 

Les catéchumènes qui aspiraient à cette nouvelle initia- 
lion, formaient la catégorie des Élus ou Compétents (ïutiÏs- 
vi£ys[, ceux qu'on illumine). Us devaient d'abord se prêter 
à ane série d'instruclious et d'exercices qui avaient lieu 
pendant le carême. Ces séances se nommaient des scrutins^ 
soit parce que les néophytes y étaient soumis à de nou- 
relles épreuves, soit parce que les fidèles y étaient appelés à 
se prononcer sur l'admissibilité des candidats. Voici com- 
meat se passait le premier scrutin d'après le manuscrit des 



<)4cfei,u, 38; VIII, lâi x, 4S. 
t)Math, ix»m, 19. 
Vi Didaehe, tu, 3. 

4)id. 



Il 



4B8 



RHVtTR DE t'H!»TOIIte DEft BELIG10>43 



Pérêgrinatima f/#S//Af'fl!'quîdéf rivent le culte chrélien de J? 
rus&Iem k la fia du iv' âiècle : L'évêque demandait aux voisins 
de chaque candidat : « Est-il de bonnes mœurs? Esl-il obéis- j 
aant envers ses parents? N'esl-i! pasintempérantou vain . etc.? »^B 
L'évfique Inscrivait alors lo nom de ceux qui avaient obtenu 
des témoignages favorables et renvoyait cbacuudesauLres en 
ajoutant ; « Ou'il se corrige et quand il sera corrigé, qu'il 
vienne alora recevoir le baptôme «.L'étranger qui n'avait^ 
pas su trouver de répondants n'était pas facilement admis '.^Ê 

N'est-ce point 1?l encore une fois la séance initiale des " 
grands Mystères oii rhiérophante^ avant Tinscriplion dea 
candidats, enjoignait de se retirer ci tous ceux qui ne réunis- 
saient pa»l«e conditions morales exigées des myâles? 

Ici égalenaenl l'analogie est constatée par Ort^ène. quand 
il reproduit cotte pbrase de Gelse : « Lorsqu'on célfebre les 
Mystères des autres religions, on n'initie que ceux qui ont 
les mains pures et la langue discrète, ou ceux qui sont 
exempts de tout crime^ dont l'âme nW travaillée d'aucn 
remords, qui ont toujours bien et justement vécu' ». 

Immédiatement après l'inscription commençaient les pu- 
rifications ot les exorclsmes qui se prolongeaient k Rome pen- 
dant sept séances*. (Nous avons vu qu'à Athènes, ils pre- 
naient les trois premiers jours des grands Mystères). — Dans 
ravant-demier scrutin, on faisait la tradition du symbole. 
Cette cérémonie, dans le rituel romain, portait le nom signi- 
ficaiif de « Ouverture des oreilles* ». Le dernier scrutin aval 
lieu la veille de Pâques, jour fixé pour le baptême ; on y p 



J) Le ÏmIo latin est publié en appendice dans l'ouvrage de M. Duchejn*, 
Onginti du cuiit chriiifn, p, 472 at luiv. — Cette S jlrii était originaire de la. 
Gaule ; aaiiant cerlaina auteurs elle aiiratt élé la ateur du célèbre Rufin, 

2J Pnregrin. Si/lviac, dans Duchesne, Orig. du cuUe chrétien, p. 499. 

3) Origène, Contra CeLnim, lib. III(?d- Mig'ne, 4813). 

4) Les Mystères He Mithra coniprBDa.ient sept degrés d'épreuves par lesquellj 
âoTaiBol passer [ee ncopbytes. Peut-être les différente scrutins nuraiant-ils Qn 
pu- M dàrelopper en autant d'initiations successives, si l'évolutiua dv li litur- 
gÏB chrétieRtie a'dv;iit ceeié de &v poursuivre dans cette voie. 

5) Ducheane, Orig., pp. 286 el sb. 



DB OFELOItE* PBOBLfeMKS RELATIFS AHÏ MTSTÊBES d'ËLEQSIS 4S9 

cédait à h rciidîtion du Symbole, oâ le candidat devait prou- 
ver qu'il savait par cœur le texte du Credo*, 

Les Sacramentaires ropiains pous montrent ensuite les 
ÉluB, se formant en une procession, qui, (guidée par le pape 
et ses clerce, gagne le bapti&lëre en chantant des lilaniee. 
Précédé de deux diacres qui portent chacun un long cierge, 
lu cortfege pénètre dans le baptisl&re tout brillant de lumière. 
Le iouveraia pontife consacre Teau de la piscine en souf- 
tlantsur la surface, en y dessinant iesigncdeoroixeten y dé- 
versant de l'huile préalablement consacrée; ensuite le^ dia- 
cres plongent dans l'eau leura cierges allumai. Le but de celle 
dernière opération est clairemenl indiqué dans le Mixxale 
JRomanum aujourd'hui encore en vigueur, lorsque, dansl'of- 
ficedu samedi saint, on fait dire au prèlre qui pbnge trois fois 
dans le fonla ha plîsmal le cierge pascal préalablement allumé 
au moyen du briquet : « ijue par sa vertu il féconde toute !a 
substance de celle eau* «. — Cliez les Grecs Taclion purifica- 
trice de l'eau était fréquemmeutacctue par l'immersionde ti- 
AODsou de torches dont lallamme avaitétéempruntée aux au- 
tjoIs;c'étail une façond'njouter l'action hicilraledu feu àcolled*- 
l'eau*. — L'insufflation repréâentaiLle troiâièmemodfl de pu- 
riticaliou que nous avons vu en usage dans lo paganisme clas- 
ftique. L'eaudubapLème renfermailainsilestroifiéléments es- 
santioliparlesquels devait naguère! passerl'inttiéauxMyslëreg. 

AsstLFéœent, il serait absurde de prétendre que le» chré- 
tiens ont emprunté h la Grèce le plus ancien de leurs rites*. 

1] Dhd« l'Église Syrienne, tout n'était pas dit ericore. Les candidutH élaienl 
lavïLés i deseendte dans la cfypte du Saint SëpuJcre. pour f recevair Is cotn- 
munifatioii d'uD « Mystère lupéiieur » qui éUit la formule mente du b«pt#iii6, 
.1 verba quœ eunl mysterii BlÛQris, id «si ipsius b&ptÎBmi qujc tcdbuc cat«cbu- 
ïaeoi ftudire n&n potestis ». Peregrin. Sylv., dans Ducbesne, p. gÙO. 

3) Mmale Homanum, éd. de Tournay, 1379, p. 270. 

3) Euripide, Hercule furie as;, ver» m28; Arislophania, Vaiv, 959, Ci. Boucbé- 
Leclercq au mot Lustrafion dans Le DiclionDaire de MM. Daremberg et Sa- 
glift, l. V, p- 1*0 9. 

4) Le bspli^me «tait pratiqua cb«i les Juita avanila venua du Chriel. Maïmo- 
nide le place a ciMe de la circonciftioa comme ffl&rqu&nt l'introduotïoD des 
protétjtes dans >e judiisme (S»bali«r, La Uiimhè. p. H^). Des le» pr«miiers 



âa bain lus- 
Jfystères et fa- 



11 n'en est pas noôu Tral ^s l'âne* 

Inl a pa ameoer oa rappmfWlMri* 
cîliLef l'emprnat de rites i wpIfiMi ■!■■! ■ eatièrement 
étnogef^ an christiAnbme primitif, coimm ks Instrations 
par rhuile et par le feo. « Ce a'esl pas sans raison, constate 
Clémeat d'Aleiaodrie, qae dans les Mrslferes en n^age chez 
les Grecs, lea liutralîons lieDaenl la preiuère place' ». Le 
jeAne qui précède le baptême et la co m— aî oOj est un antre 
poiol commun avec Un pratiques d'ÉIénâis. 

Cependant le» néophytes ont prononcé la formule de re- 
nonciation h Salan, en se (oamant vers l'Occident, région 
des léuèfire** ; puis le te%le da symbole, en se tournant vers 
l'Orient, séjour de la lamière. Ils sont déshabUlés et ia- 
Irodaîts dans la piaciae. L'évéque, après lear avoir posé 
trois questions où se résume le Credo et reçu les réponses 
qu'ils y font, prononce sur eux la formule du baptême; aus- 
sitôt ils sortent de l'eau et ayant revëln une robe blaoche 
reçoivent sur la lAte l'onction de l'haile consacrée. On les 
mène alorâ au tignatorium ofi le pontife leur trace sur le front 
le signe de la croix avec le pouce préalablement trempé dans 
le saiot-chrème, Dès ce moment ils 5ontscellés,0E>mj^/i4fi. — 
Nous ignorons si, k Eleusis, les mystes ou les époples étaient 
marqués d'un signe \ mais le rite exislail dans d'autres Mys- 
tères^ tels que ceux de .Mitbra\ en vue d'indiquer soit que 
les initiés avaient passé par certaines épreuves, soit qu'ils 
appartenaient à un nouveau ^fatlre. 

Cependant le cortège se reforme et se rend dans la Basi- 
lique. Chacun des initiés tient un cierge en maîn. Dans la 
liturgie alesandrine, il revôt en outre une couronne'. 



temps du christiaDiame iil apparaît avec le double caracLère de puriQc&tîon el 
d'iUuminalioQ qu'il arail également rerêlu dans les My^lères. L'eipr«sstdA 
fUTiiHifvTEï se rencontre dâj&daas \'Êp. aux Hébreux, vi, 4. 

I) Cléraenl d'Alexandrie, tUramat.y V, i. 

2J {Mithra)« BÎgtiatillic m (ronlibus tpiJîies suos ■». Terlullien, De prxseript. 
ar.lv, fixrtlic., eh. ïl. (Optra, l. II, p. 92.) 

3J E. Hatcb, Infiuewc ofGrtek ideiu und Vsayes, p. 208. 



T>B CrPELOUES PROËLâMKS HBLATIFS AI'X MTSTÈRe» D^Ér.EIlStS IGî 

— C'est bien la procession d'Eleusis oùlesmyslesvêlusde 
blanc, une couronne sur la tête, un flambeau à )a roaîn, 
eomme on peul le >'oîr dans le bas-relief dessiné par Spon', 
déniaient au chaiil des hymnes en se ilirij,'ean( vers le sanc- 
tuaire. — La Basilîqiieest toute resplendissante de lumière; 
l'image du Christ s'y montre au milieu dûs anges, sous un 
flot de clarté. Les descriptions dêChrysôstome.de Cyrille, du 
Pseudo-Aréopagile semblent ici rivaliser avec celles de Clau- 
(lîen, de Themistius et de Plularque, qui nous montrent les 
portes du télestérion s'enlr'ouvrant au chant des hymnes 
pour découvrir la Divinité rayonnante d'un éclat céleste. 
La cérémonie continuait par la célébration de la Messe, où 
les initiés communiaient dans ua calice qui renfermait non 
pas du vin, mais, comme le cycéon de la communion ékusi- 
nienne, un mélange d'eau, de lait et de miel, « afin, expli<ine 
uti vieil auleur, de leur faire comprendre qu'ils sont entrés 
dans la Terre promise' ». 

L'office s'était prolongé jusqu'à l'aurore. Le soir venu, on 
se réunissait de nouveau dans la Basilique porr la célébra- 
fiion des vêpres; après quoi Ton conduisait les nouveau:!^ ini- 
rtiés visiter les principales églises de la ville. Sylvia nous ap- 
prend qu'à Jérusalem la visite comprenait le mont des Oliviers, 
le jardin de Gtstlisémané, la colonne de la Flagellation^ le 
Golgotha, eQ un moi tous les lieux illuslrés par la passion 
du Christ*. Ce pèlerinage qui se renouvelait plusieurs soi- 
rées, dans la semaine de Pâques, ne rappelle-t-il pas la cou- 
tume analogue que nous avons constatée dans les Vïgiles 
sacrées d'Eleusis, le soir du dies lampatfum^ où les mystes 
[■ïisilaienl les principaux sanctuaires de la ville ainsi que les 
[les lieux jouant un rôle dans la légende locale de Démêler'? 



1) SpoD, Voyage d'Ilaiieet du Levant, Lyon 1768, t. Ih ^. 26%. 

2) Dans Hatch, op. cit., p. 300. — Porphyre Tait Taioir que le miel bTfi.it àts 
propriëlêfi'CiLtliartiques, aussi bien que préEerTalrioes,x3WgiTsp!)tj(^;èiiT< tvvé\U(as 
j»'t ouvropfiTi«r,(, Da Antro iVi/mji/j., XV, 

3) Diichesnp, p. 4S6«l st. 

4) Les déïdls du baplAme tétaient ù. peu prra lei mMea dans les Eglises 



DE OrSIOl^'ES }>Ri>B[.ÈMàS HEL«TlFS AUX UEâTÈiUS d'ÉLSL'SIS 163 

C'est même là un des traits qui (ioiment i& plus d'originalitô 
et de fraîcheur aux Évangiles. Mais ces îmageG, comine on lo 
Toil surtout dans les paraboles, onl pour objel de rendre la 
pëasée plus claire el plus attrayante. Au contraire, le symbo- 
lisme dea Mystères pajienâ avait pour double but de Qxer cer- 
taiai enseig'DemenU en les dérobant aux prolaDeset de four- 
nir aux initiés un moyen exclusif de se reconnaître entre eux. 
A cotte catégorie de symboles appartenaient entre autres ; le 
tableau qui, d'après l'auteur des /*/iîVoso/>*^o»»ïeHn, décorait le 
tabernacledePblyadans le sanctuaire de laGrandeDéesseet où 
ie trouvait pêînle « rimaiie de tous les dogmes exposée'» ; — 
le groupe de Mithra lauroctone qui, suivant Firmicus Mater- 
nus, scî rapportait au triomphe du l'eu»; — l'ôpi de blé que 
rbiérophanle d'Eleusis exhibait silencieusement dans l'épo- 
ptie. — Tels étaient encore les tessères ou objets gravés d'i- 
mages symboliques que les initiés emportaient de leur récep- 
tion, sii/nn et monumenia a sucenioliôus (radfia, dit Apulée*. 
— Or toutes ces applications du symbolisme sa relcouvenl 
dans les premières communautés fondées enterre païenne, 
témoin l'art des catacombes ^ 

Le Christ y est représenté par Ik Bon Pasteur ou même par 
Orphée, le sage que Tauleur dos Phitonophoumemi appelle 
a celui qui fut par excellence Je révélateur des initiations et 
des mystères »\ L'immortalité de Tàme est figurée par la gra- 
cieuse image de Psyché; le paradis par une vigne où grap- 
pillent des colombes en compagnie de petits génies allés. La 
plupart des allégories, toutefois, sont emy^runtées, comme il 
faliail s'y atleudre, à l'Ancicri Testament et à la tradition 
évangélique : ainsi la Résurrection est représonléo parJonas 



\\ PhilniOpKaumena. V, 3 (éd, Gruice, p. SIB], 

2) FirmicuB MaKrQUâ, Ih crroreprof. re%,, ir. 

3) Apulée, Apoiag., bi. Didot, p. 23&. 
41 Voîr les ouvrages de Robbî. ho'na satlfrraTwacliristidHa {3 roi, 1894-1877) 

P« (!« Ch. Raller^ Us Cafacombfs de ttome (2 toI. l^^St). 

5) toQ ta; TEM-rji |LÎ>iaTn xa\ ri jLum-^pici MiTtiâelïtiY'rot 'Opf£wt. PhHosOph,, 

V, 2. — Cl. Artitoptiane, RdnjE, 1032. 



lU 



ItHVUE DE L BISTOIRK DES RBUG10IT& 



sortaot de U balcîne, Lazare quiltaot son tombeau, Élie 
eoleréau ciel sur un char'. La Croix se révèle ou se dissimule 
sous les images les plas diverses: ancre, fridenl, mât de 
navire, etc. Les allusions au baplëme et à la cène sont très 
indirectes: c'est Moïse faisant jaillir l'eau d'un rocher avec 
sa verge; un pêcheur jetant sa ligne dans le fleuve; le pa- 
ralytique qui sort de la piscine en ecaportantson lit de ma- 
lade ; — le sacrifice d'Abraham; une table avec des pains et 
un poisson ; les sept corbeilles dans le miracle de la multi- 
plication des pains, etc. 

Le symbole par excellence, celui qui semble avoir donné 
k la fois le mot de passe et le signe de reconnaissance, c'est 
le cryplonyme de Jésus-Christ, fîU de Dîeu, Sauveur : '.y^j^*. On 
fCraTttil la re présentation figurée du poisson sur des chatons 
de tiagues, des lampes^ des pierres tombales, etc. U y avait 
uns&i des lessère^t eu forme de poisson qui ont pu jouer un 
râle analogue h celui des contre-marques retrouvées dans les 
f^nvlrous d'Élousis ; cellçs-çî portaient un symbole en rapport 
avec les Mystères'. — Le symbolisme du poisson ne semble 
pas antérieur à la (indu second ëiècle ; c'est-à-dire à Tépoque 
où le culle chrétien prit la forme d'un Mystère '. 

Les Grecs appliquaient le terme de symbole non seulement 
AUX signes et aux images, mais encore aux formules sacra- 
tnculelles dont la connaissance était réservée aux initiés. 
G'eat avec cette sîgnîtîcatiou que le mot apparaît chez les 
chrétiens du iv* siècle *. Il y a sans doute cette grande diffé- 

I) U. Cuiaoïit » démontré que ce d»^rnîer thème *sl direcUmept copié sur les 
iwirtinnlnli^"' tnilbrUques d'Hélios Taisunt moatar Uilbra d&ns sûh char 

9) « lia Ohnst. tlil Orîgëne, qui esl l^uratirement appelé Pûcson ■ Xfmi< 

A iH<t^v4s )iiTfl|ii**ï 'ï»âî (Côrtiflwnl. in Mjlt. jni, éd. Migo^. 58Ï). Les 

,4^i|li9iM «llai«iitjuiqu'À3edtreaQisdu Poisson » (saint Jôrd^me, £;iïf.7, Mîgne, 

3) MM** ^t" cvrrespuvutance kiiiéaique, 1S8(, pk, II. 

D Mttr. CatiKvmbcs. l. I. p. 107> 

^ fiiMiiiiUI U&ternus, parlant des rormotes ea usage dans ics Mjslères, 
mt : * MhbMt «aiui praprïa signa, propria respddsâ, qnit illis in ipsîs sacri- 
MPM«MlilHM dkabolilnilidUdiscîpliiii » [lie ei-ron prof.rtUf/,, X). 



Dl QL'BLOUES PR0BLÈ»£3 MLATIFS ÀDX HTSTiltES d'ÉLECSIS 165 

rence avec les formules ésotériques des Mystères que celles- 
ci étaient à double sens^ c'est-à-dire qu'en dehors de leuriû- 
terprétatioQ liltérale elles devaient avoir une signification 
seconde et cachée, taadis que le texie du symbole chrétien 
disait clairement ce qu'il voulail dire ' . Mais l'usage même du 
terme Symbole prouve que les chrétiens, quand ils l'em- 
ployÈrent, avaient l'esprit tourné vers les usages des Mys- 
tères. 

La traditio Si/m&oH ne se bornait pas à la communication 
du Credf), elle comprenait également le texte du Paler et, 
à Home, celte des autres docuuienls essentiels du christia- 
nisme, jmtrumenta sacrosanciae legis. Bien plus, on y faisait 
pour la première Tois passer sous les yeux du néophyte le 
corps même des quatre Évangiles. Quatre diacres les appor- 
taient solennellement de la sacrislie, pour les déposer re&pec- 
liiTemenl aux quatre coins de l'autcL Si on y ajoute les com- 
munications d'objets sacrés qui s'opéraient au cours de la 
messe, on relrouve l'équivalent de la Tzapaîiïiç twv îepwv, oil 
l'hiérophante d'Eleusis exhibait aux iniliésles Ai(*raduléles- 
lérion et leur enseignait les formules mystiques^ en y joi- 
gnant sans doute quelques explications *, 



IJ Cepeadanl vers le t* aiheXe, & Jérusalem, l« symbole rormail l'objel d'une 
double iDlerprétaLioD, ['un« litLérale et l'autrespirituelle ; c'esL du moins ce que 
<Iis«Dl les Pérégrinalions de Sylvia {primum camatiter et sic spiritualit^r , 
ila et iymfioium eJSponet ; dans Duchesoe, Oriffinci, p. 500). Ceriaicies sectes 
^nostii^ues poseédaieDl. des sj-mboles se rapprochant de ceux qui élsient em- 
ployas dans !ea Mvstères. T«lle celte Tormule équivoque que Celse reprofibd 
sbusÎTemenl aux cbrélien^ «t qu'Origène rejeUe avec une indt^uatioD légitime 
au compte des Ophitcs ; u Celui qui applique le sceau s'appelln te Pore; celui 
qd le reçoït le Fi!s ou le Jeupe ; oe dernier doU dire : « U suie oint de l'onction 
blanche, prise de l'Arbre dévie v {Ki-^pia^uLi xP'*''!***' ÀiMni i* tulou Cmî,;, Contra 
Ctbum, lib. VI, 6^0 (Migue). 

2) M. l'abbé Uuehesne croît retrourer une représentatÊon figurée de la (m- 
ditio symbcli dans une scâne plusieurs fois r«présenl>âe paroiï les monumeats 
ciirêliens des catacombes : le Cknst assis sur un IrAne au soniimet d'uoe mon - 
ta^e d'où «'échappent lea quatre Qeu?es|; autour de lui les Apôtres ou d'au- 
tres fidèles qui reçoîveDl un livre sur lequel est écrit ; Domtnia dat iegetn. 
Duche&ne, Origines, p, 291, 



466 



FIEVUE DK r, HiSTOlEli: DH8 BELICIONS 



L,e Rituel d« la. iii«qi««. 

[| h'sle à parler de la messe prûpremeiil dite, ou ptulôt de 
laoënequieu formait la partie centrale et qui conetiluuil, 
plus encore que le baptême, ïe Mystère par escellence. — 
C'asi ainsi qu'à Eleusis il y avait origiiiairement deux espèces 
de rites : ceux qui avaient pourobjel d'introduire le uôophylo 
diins la vie mystique et ceux qui devaient lui permettre de 
réaliser Tobjet des Mystères. Plus tard ils se confondirent. 
Mais il dut toujours y aToir une distinction entre les rites 
auxquels I0& adeptes participaient une fois dans leur vie, au 
moment de leur initiation, el ceux ausquel^îU prenaient pari 
chaque fois qu'ils revenaient assisler à la célébration dea 
Mystères '. 

La cène, il est inutile de le rappeler, était aux temps iiposlo- 
liques un repas pria en commun dans le double but da rap- 
peler la dernière agape de Jésus etd'affirmer l'existenced'uïi 
lien consubstanliel tant eutre les participants qu'entre ceux-ci 
et leur Maître. La Didachè menlionne simplement les for- 
mules d'actions de grâce h prononcer pour consacrer à Dieu 
le pain et le vin^ dont chaque fidèle apportait sa part'. Peu à 
pou l'agape fut séparée de reucharislie et finalement stip^ 
primée, ia n'ai pas à m'occuper ici de révoluLion de la cène 
au point de vue doctrinal, Le^ mcuIs points que jeu doive 
retenir sont les suivants: i*Au m* sifecle, l'eucharistie est de- 
venue un sacrifice dont refficacllé dépend dea formules pro- 



1) Voir pr'éc^demoieiit Revue de tiSist. lies Rel., lïTraisao de D0vembr9*dé- 

ceuilvre i902, pp, 338-3iS, 

2) Cb. IV, 1 : 1 C'£Bt l'a^pe ou (aient Ia eommunion au sens stricl du taol, 
— écrit M. P. Sabaljer dans son Commeiilnire de la Didacliê, p. 104. — La 
pitrlicipalidii au aififfl» vin el au tnémâ pain eât ûonsidëré* cornniQ un lien rèci- 
prQque el ren 4l)Solumeat oe riejiL Irtusroraivr ce repu QH un m^moriat do ]« 
EQûrt de Jéau» u. 



DE UiUELQUeS PnUQLàKSS ReiATXFÂ AUX UTBTËneâ o'âLEU&IS 167 

noQcées par le prêtre lui-mÈme, devenu le sacrificateur par 
excellence, i" Tandis que, pour les uns^ comme Clément d'A- 
lexandrie, elle est restée un symbole myëliqUe, pour d'autres 
elle est devenue une opération réaliste et magique tendant 
à procurer la vie étemelle; un phylaclfere d'immortalitâ 
(faptwxaïâûavisdç)', 3' Elle est uiiiversellemeot tcnue pour un 
Mystère, non seulement en ce sens que sa donnée dôpttïiie- 
rait la compréhension iiumaine, mais encore en ce qu'eild 
constitilc uji rite dont la conteraplalion ou même la coutini - 
s&nce doivent Att'e soigneusement cachées aux non-iiiilléa. 
4" Elle s'est entourée de cérémonies qui nous rauièuetit en- 
core une foif* ans Myslères des Grecs, et en parliculier h 
Eleusis. 

Ces cérémonies constiluent la partie essenlielle de la 
mee&e, célébrée à pdrles fermées après la sortie des cutéchu- 
mènes. On y commémore symboliquement non plus seule- 
ment la dernière cène, muis encore la passion, la mort et la 
résurrection duCbrisl.^lciégalemeniilyapiiralh'liBmeaven 
le« rites de l'époplie, où la passion d'un Dieu est représenléa 
dans dus rîloâ dont la célébration a«murait aux p^irLicipantA 
les félicités de la vie posthume. Je ne sache pas qiiL^ leâ divi- 
nités des aMyalères païens, Dionysos, Cor«*ALti3, Adonis, Osl- 
ris, aient jamai:i été dépeinte* comme ayant mhiuaircment 
affronté laaoufirance et la mort pour assurer le salut de tour» 
fidèles. Mais par leur passion et leur résurrection ces dieuK 
n'en ont pas moins joué le rôle de Sauveur que nous rolrou- 
Yooâ dans la conception du Messie cbrdtien '. — Il n'est pus 
jusqu'à l'absorption de la cbair et du s»nj|r divins en vue de 
s'assurer le bienfait d'une vie supérieure qui n'ait un équiva- 
lent grossier dans ce rite de l'omophagie qu'un écrivain ap- 



1) Voy. Hftroack, Prictt, p. 15 el 67. 

2) MM. Amrich (ch. m) et Wfrbbaruiio ont mis «ti Imai^re que 1«e PutoraJes 
et les ÊoilreB d'J^nace, quand ellsB appliquent à J('Iub l'épidiàUj da Suureur, 
doaaenl k kp terme In sîf,'niKostion qu'il somporlait 4snB les A1filèr«ii (SVob- 
bermin, Aatiki Mjtiterienweien, p. lOô al bb). 



m 



HEVLi: DE I. EUSrOlRS &ES HSLl&ÏOSS 



partenanl h l'orlhodoxie protestante a dénommé « une eu- 
charistie mylhologrque »'. 

D'après les Sacramenlaires. la messe commence par des 
prières pour l'Église, pourTévêqueelson clergé, l'empereur, 
les malades,les pauvres, les voyageurs, m&me les hérétiques, 
lesjuirs, et les païens. — A Eleusis également on commen- 
çait les Grands Mystères par des sacrifices « pour le Sénat et 
le peuple, pour le bien des femmes et des enfants » \ — Ces 
prières terminées, i'évêque descend recevoir, avec l'aide de 
ses clercs, îes oblatîons de pain, de vin et d'Iiuile qu'ont ap- 
portées les fidèles. — C'est ainsi qu'à Eleusis on présentait ies 
prémisses de la moisson, soit en gerbes, soit sous forme de 
gâteaux. — L'archidiacre choisit, parmi les oblalions, les 
pains qui doivent servir k la communion et les range sar 
l'autel à côté du calice qu'il emplit. Dans la liturgie orientale, 
où les oblatioDS du peuple ont disparu de bonne heure, celte 
préparation se faisait, avec des prières consécratoires et de» 
rites particuliers avant l'entrée solennelle du clergé ofUcianl. 
Il semble qu'il y ail eu là une tentative pour greffer un Mys- 
tère sur un autre \ Cette cérémonie, la plus importante 
peul-6lre de toute la messe, s'accomplissait sur un autel spé- 
cial, laTtpoQefft5,hors de la vue des fidèles; le clergé seul pou- 
vait y assister. Aussitôt qu'elle était terminée, les objets 
sacrés, c*est-à-direle calice, la paLèneetletabernaclequi ren- 
fermait les pains, étaient enveloppés dans trois voiles, tissus 
de lin, de soie, d'or et de pierres précieuses, puis portés pro- 
cessionnellemenCsur l'autel principal, pendant que le chœur 
entonnait un keroubkon ou un allehna *. — On se rappelle 
que les hièra destinés à la célébration des Mystères étaient 



1) E. de Pressensë, L'Ancien Monde et le Christianistne- Paria, 1867, p. 463. 

2) Cf. Fr. Lenormanl dans Darembttg et Sogiio, l. H, !'• psrt., p. 560, 
cal. 1. 

3) La forAïule qui serva.iL è, consncrer les êlémenlg était secrëLe. Basile TaîL 
observer que les paroles de l'inTOctition eucharislique ne figureDl poinl pannl 
leg rites et l«s doetrined cûnfièi?» à l'écriture, bien qu'elles fussent d'origine 
apostolique. De Spiritu Sancto, 27 (Pan», p. 324). 

4) ûucljesne, Origines du culte chrétien, p. 7&. 



CE 0U£LQT]E8 PROBLÊMES RELATIFS AUX UrSTËElES d'ËLEUSIS 169 

solennellement transportés d' Athfenes à Eleusis, cachés à ïous 
les regards dans des sacs d'étoffe précieuse. 

Vienl ensuite la récitation du Canon où l'officiant développe 
l'origiaË et la signincation de la cène, de même que le 
« drame mystique » exposait rinstitution et la portée des rites 
élablispar Déméter. — C'est h ce moment que se placent dans 
la liturgie romaine, au jour de l'Ascension, la bénédiction des 
fèves; le (i août, celle du raisin» le Jeudi-saint, celle de l'huile 
destinée au soulagemeni des malades'. 

Alors seulement on procède à la cène. Celle-ci achevée, 
l'ofliciant prononce les actions de grâces; puis congédie l'as- 
sistance par la formule Ite, mis sa est, de même que l'hiéro- 
phante annonçait la fin des Mystères par la sentence encore 
inexpliquée : Conx Ompax*, et que le grand-pr&tre des 
hiaques renvoyait sa congrégation par une véritable formule 
de congé, A^sTs açssfç'. 

Il y aurait encore it montrer comment l'influence des Mys- 
tères a agi sur le développement de l'idée sacerdotale. Nous 
sommes loin, au iV siècle» de l'époque où tous les chrétiens 
étaient appelés des prêtres*. Le prêtre, désormais, est l'hié- 
rophante qui seul peut célébrer le sacrifice, parce que seul il 
connaît le dernier mot des Mystères. Le pseudo-Aréopa- 
giteaécrit ce curieux passage ciproposda la cène : « Làoti 
leplus grand nombre s'ioclins pour ne voir que des symboles 
divins, l'hiérarque, toujours sous l'inspiration de l'esprit 
tUéarchique, est amené, selonlamanifered'ungrand-prèfre, à 
saisir dans une bienheureuse et spirituelle contemplation les 
saintes réalités des Mystères* ». On ne peut s'empêcher de 



1) DucbeBoe, <y^igmes^ p. 175. 

2) K^yï 5|iiTâÊ iïtiç(ù[j.:v« tEltaiiivoL; {Sesyck. Lexic, Leyde, 1766, t II» p. SSO). 
Maurice SchmiJl lit : Koyl i^r^iatz irâî (lena, 1800, t, U, p. 505); ce qui ne «nd 
paa la formule plue claire. 

3) Apulée, Métamorph., X(» 17. 

4) Cepetidani encore dans saint Augustin, Cilé de Uku, I. XX, ch. x (Migne, 
p. G76> 

5) îGiv icoUav iiii eïî nfixj ti OeI* ii-i(t5ol« x^pHrx'j'Jiântiuy, çL\na^ iixi âtï tû 
ItxpX^x^ KvtO|iati «pi( fin «ÏIB4 tÈv «louijiïui.» Àpxàî «v iiajioipïn: »a\ yoTiTots 



J6S 



nSVLX DE 



parlenant à rorlhodo\ 
charislte mylhoJngïquf 

D'après les Sacram. r 
prières pour TÉ^Iise, [10.. 
les malades.les pauvre, 
lesjuifs, et les pakn 
ç-ait les Grands Myslr, 
le peuple, pour le l.i. 
prières terminées, f. 
ses clercs Jesohiali. 

portées les fidèles. 

prémisses delà cnu 

gâteaux. -^ L'arcii 

pains qui doîvom 

l'autel àcôté du . 

où les obUtions 

préparation ?e 1 

rites particitlif i 

Il semble qu'i 

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I raison de ce 

reoahie ' ». 

asran caractère 

il célébré pour 

ies, assurer 

bat origÎRaîre 



18 païennes 

les chrétiens 

paganisme. Deux 

de ces simî- 

Ti^clio alTaJbli et 

au chrétiens par 

vttficâdu diable qui 

. MlÙÊi iTjfo diabolus 

4 IMfiH de la résur- 

Msfaotaisiftes, 
ÛMiiuisânaTaQt 
È«lr4tieti£ de déro- 
Sne du Secret, 
-^uaUctt lie Ceîse par Ori- 
mii»hifta;eUeauto- 
^kfMliU de chré- 
(lessupplices. 



(DioD. Areop., 



I0B9 ?noB[.ÈwE8 fiELàTira kox Hr»Ttftes d'ëlecsis (7t 

Soyons, dureate, ee malntonîr al mftnia s'accentuer 
triomphe du cbriatianisiiie, quand il ne petit plus 
lOsliQnde ce prétexte. 

a invoqué également le désir d'attirer des prosôlytos 
l'qpp^U de révélations myilérieuBea. Pareil calcul pou- 
«ûiirire à un Alexandre d'Abonoleichos; il est en contra- 
^liort absolue avec ce que nous connuiasoDa dolaaimpli- 
fit de ta sincérité des promiëres commuQauléa chré- 
lennee. 

Ilatch me paraît He rapprocher davantage de la véri té, quand 
il attribue celte transformation à rarfluenoede^convarlîsqui 
avaient quitté le paganisme et qui apportaient arec eux les 
procédés de culte auxquels ils étaient accoutumés '. D'autre 
part, comme le dit judicieusement M. Harnack, les Mystères 
étaient devenus, dans la société hellénique, une tnâlitution 
dont 00 ne pouvait plus se passer*. -^ Toutei les religions 
Atrangères avaient dû se coubr dans ce moule, qu'elles vins- 
sent de rÉgyple ou de la Syrie, de la Chaldée ou de la Pêne. 
Seul la judaïsme orthodoKe avait prétendu s'y dérober ; c'était 
là, pour i& propagande, une causa de faible&se qu'évita le 
christianisme. 

Néanmoins, ces attaches, conscientes ou non, aux formeB du 
passé n'eussent pu décider les ecdésies chrétienne» à se ser- 
vir de» rites employés dans le paganisme, si ceux-ci, comme 
je l'ai montré au commencemenldu chapitre, n'avaient rompu 
toute solidarité avec le culte de certaines divlnitéâ détermi- 
nées. Désormais ils n'élaient plus que des symboles, des 
formes d'organisation ou des procédés de culte à Indisposi- 
tion de Tvimporle quelle foi : dé^ lors pourquoi lee commu- 
nautés helléniques du christianigmo auraient-elles éprouvé 
quelquescrupuleàenaccepter le transfert et même bientâlà en 
réclamer le monopole? 

D'ailleurs résoléri^me ehr-éliett n'aut qu'un temps. Après 



1) HaLob, Greek In/luence, p, 292. 

2) H&roack, Vt^Hs, p. 15. 



172 



RBVIB DE LIllSTOini: DES HEITGÎONS 



s^Êlre œaioteiiu jusqu'aux abords du w" siècle, il disparut 
brusquement, presque sans soulever de discussion, alors que 
des réformes relatives à des poiats m&me secondaires du 
dogme^ de la discipline et do la liturgie suscitaient d'inces- 
santes controverses et de graves déchirements. La classe des 
catéchumènes se raréfia, à mesure que diminua le nombre des 
païens et que se généralisa ThabiLude du baptême infantile. 
Le rituel de Constanlinople a conservé jusqu^^ nos jours la 
formiile du renvoi des caléchumènes, mais la liturgie ro- 
maine du viii* sifecle n'en renferme plus de traces. A la fin du 
vi' la liturgie gallicane proclame encore ce renvoi, yiir/o an- 
ticum Ecdesix rilum. MaîSf quand elle ordonne ensuilo de 
surveiller les portes — pour empêcher l'entrée des pro- 
fanes — , saint Germain de Paris interprète ce passage comme 
une allusion aux portes de l'âme'! 

La tradition et la reddition du Symbole furent traasposées 
parmi les instructions qui se donnaient aux enfants en vue de 
leur première communion. L'eucharistie dâviut une cérémo- 
nie publique. Les lieux de culte restèr&nt ouverts à tous^ el, 
s'il subsiste aujourd'hui quelques vestiges de l'ésolérismequi 
parut, durant quatre siècles, essentiel à la constitution de 
l'Église, c'est, dans le rite grec, la présence de l'iconostase 
qui se dresse entre la congrégation et le clergé; dans le rite 
latin4'6^plc>i' d.'une langue morte comme idiome liturgique, 
l'habitude de prononcer à voix basse l'oraison dominicale 
dans l'office et l'interdiction de lire les Écritures en langue 
vulgaire. 

Cependant les rites empruntés aux Mystères antiques n'ont 
pas complètementdisparu arec la discipline du Secret, laquelle 
a tant contribué à les introduire dans rÉgliââ. Il en est qui se 
célèbrent encore sons nos yeux et, àcet égard, on ne peut s'ex- 
primer enmeilleurs termes que le théologien anglican dontles 
recherchesontsipuiasamment concouru à mettre en lumière 
les relations du christianisme avec les doctrines et les cultes 



1) DuchesDfl, Origines, p. 194. 



DE QUELQUES PSOBLÈHES RELATIFS AUX HTSTÈMS D^ÉLBUSIS 173 

de l'hellénisme : n Dans le splendide cérémonial des Églises 
grecque et latine, écrit Edwin Halch, dansTéclat deslnmières, 
dans l'isolation du rite central, dans laprocession des porteurs 
de torches entonnant leshymmes sacrés, nous retrouvons la 
survivance, et parfois la survivance galvanisée, de ce que je 
n'ai pas le cœur d'appeler un rite païen; car, bien qu'ex- 
pression d'une foi moins éclairée, il n'en était pas moins of- 
fert à la Divinité par une âme aussi sincère que la nôtre dans 
sa recherche de Dieu et dans son aspiration vers la sainteté. » 
La continuité des religions, tout antipathique qu'elle soit à 
certains théologiens, reste la meilleure preuve que la Reli- 
gion a ses racines dans la nature humaine et que son déve- 
loppement peut se conformer à la loi générale du progrès. 

GOBLET d'AlvIEUA. 



12 



UNE APOLOGIE DE L'ISLAM 

PAK UN SULTAN BU MAROC 



En dépouillant aux archives des Affaire s- Étrangères la 
correspondance de Moulay Ismaïl, empereur du fliaroc 
(1672-1727), nous avons rencontré deux lettres, qui, en réa- 
lité, n'en forment qu'une, adressées à ta même date du 
26 février 16^8 par ce souverain k Jacques il. On sait que 
l'ex-roi d'Angleterre, réfugié en France, vivait à Saint-Ger- 
maÎD d'une mensualité de 50.000 francs que lui avait accordée 
Louis XIV pour la tenue de sa cour et d'une pension annuelle 
de 70.000 francs qu'il avait eu la faiblesse d'accepter de sa fille, 
la princesse d'Orange, par laquelle U avait été détrôné'. 
L'une de ces lettres est écrite en arabe*; l'autre, qui n'en est 
qu'un résumé, est écrite en espagnol'. 

1) V.Dangeau, Jowmaitie la cour de Louis XtV ei Voltaire, Si^de de Louis XIV. 

2) [| existe dans lea archives des Affaires t^lrangères, AtiQleteire. Mém. ft 
Dock., 75, f^ 54, une copie troDqa^ de la Ir&duction de cette lettre qui est, 
peut-iïtr(>, un brouillon commencé par l'interprète. Celte copie de nulle v&l^ur 
est seule oientiunnéfl dan? l'inîrint«ire imprimé des archives de cedêparteoienl, 
— L'arifi^inal de la leUre aribe, accompagné de ?a traducLion par Pélîs de la 
Croix, Bçtrétftir» interprète flu roi pour les langues orientales, se trouve su fonda 
Maroe. CorrespondaFice, 1, t"" 42-45 pour la traduction, et f'ISpour le teste arab?. 

3) Aff, Etr. Maroc, Correspondante, 1, f" 40 pour la traduction et 41 pour 
le leste eapa^rol, — Les destinées de l'Espagne et du Maroe ont êlé bÎ long- 
temps mëlanK^ea que k langue espagnole était très «n usage dans j'empire 
des chérifs â la fin du iviC siëclB. Nous croyons cependant que Moiietle gèùé- 
ralise trop, quand il écrit, 4 ta date de 16SZ, que cette [angue <■ y est encore 
aujounl'huy aussi commune que l'arabe ». Uelaliontie ia captivité du S' Moûftte 
dans ir$ royaumes de Fez et de Maroc,. .Paris, lfi82, iiii-12, — .Préface. Un «aptil 
Trançnis, Bernard BauRsel, enseignait in langue espagnole auK enfanls de 
Moulay Ismnîl. Ibid,, p. 9i. 



Cire APOLOsrE r>x r/tSLASï par es sultam dv matioc |7Î 

11 nous a paru iotéressanl de publier ces lettrés qui mettent 
en [amière un trait peu connu de la physionomie si étrange 
de I^loulay Ismaïl, de ce sultan que les relations des auteurs 
européens ont représenté comme le dernier des monstres, 
alors que sa mémoire est rôvérôe au Maroc où il est appela 
encore aujourd'hui « le grand et k pieux Sultan ». Moutay 
Ismad nous apparaît dans celle lettre comme tm théologien 
de l'islam', et c'est bien là le phénomène le plus déconcer- 
tant pour notre mentalité d'aryen et de chrétien que ce des- 
pote, aui inalincts sanguinaires, discutant les mérités de sa 
religion et cherchant à amener à sa croyance ce roi d'Angle- 
terre converti au catholicisme et auquel il reprochait d^avoir 
perdu son royaume * pour adorer des images* ». 

Avant de passer au texte des lettres de Moulay Ismaïl. il 
nous paraît nécessaire d'expliquer en quelques mots l'origine 
des relations amicales de ce souverain avec Jacques 11, rela- 
tions qui persistèrent après la r<^volation de IHHH et la dé- 
chéance des Stu&rts. 



1) L^es conUw6rs«s religuuses avaienL un grand aurait pour Moulay Ismail 
bI il les recherchait avec ke religieux Merc^dsires et Trinitaires qui se trou- 
't&îeat au Maroc en missÊû-n de rèdemptioTi; ceux-d, médiocreB Lhéologienst 
EwqHiTaîeaL le plus possible ces embarraB^auLes cpnversfttiouB- En 16â0, uo 
Veerta.in vendredi, ds retour de la mosquée, Moulay Ismail Qt mander A sa cour 
le Përe Jean de Jèsus-Maria, trÎDLtfttre espagnol, w Apr^K que le Pire n fut 
Qprèsentâ devant le Roy et Juy eut fait la révérence, le Roy prit )a parole el luy 
[Âl qu'il VDUioït disputer de ]« loy avec luy, eL le vuulaît convaincre par Ie:> 
bntsoDS qu'il luy 3ll«gueroit; et que sî, après l'avoir fait, le Père se «ouloit Tairo 
. Maure, qu'il lui donneroil les plus beaui emploîa de Sa Ccmt, Moulay SmAin 
(uj Ql plusieurs questiona imporlanteB et des plus relevées, sur lesquelles le 
Pin s'excusa de répondre, i cause qu'il ne a&voit pas la langue Arabesque. 
H£ bien, luy dit le Roy, lora que tu le voudras fajrei j'amènerai d«Ë geue ({ui 
nous reront entendra; Lu upporlsras tes livres et moi j'apporterai les miens; Je 
a donnerai tonte liberté de parler el, si Lu triomphes, je t'en estimerai beau- 
coup. l<e Hoy se retira ensuite gt laisao aoslre Père tout oontrtsté, d'autant qui- 
rB'estant pas bon Ttièuloi^i-en, il a'esioil v^^s biea aise de se trouver dans ces 
Itortes de coDverB&tioaa ». Mouette, Histoirr des Conqucstes de Moulay Areliy ., 

tt<ie Mouley hmat'l ou Séméin aoa Uém Tarie, 16S3, in-12, pp. 28Q'2^~. 

2] V. la lettre espagoole p 201. Cliarles II dUait de bou frère Jacques ; » Moti 
kfrèru perdra trois royautues pour une mesE^e. el le paradis pour une Me ». 



17G 



BÊTDB DE l'hT&TOIRB DÈS BELIGIONS 



Au temps où Jacques 11 n'était encore que duc d'York et 
où il avait la dignité de grand amiral du royaume, ua vais- 
seau anglais avait capturé sur mer l'amiral Abdallah ben 
Aâîcha', le fameux corsaire de Salé, celai que Moolay Ismaïl 
qualifiait daus sa correspoDdance » le plus grandde nosrau,. 
le capitaine général et surinteadauL de toute la marine 
dont nous l'avons rendu maître absolu après Dieu Très Haut». 
Ben Aâicha resta trois ans en captivité en Angleterre. Le duc 
d'York, s'étant intéressé à lui, demanda à son frère Charles 11 
de le renvoyer en liberté sans rançou. Plein de gratitude 
pour son bienfaiteur, l'amiral marocain s'employa à faire 
partager ses senlîments de reconnaissance à son maître 
Moulay Ismaîl qui, tout jaloux qu'il était de son pouvoir per- 
sonnel, ne pouvait connaître par lui-même les affaires de 
l'Europe et les caractères des souverains chrétiens. Des rela- 
tions amicales s'ensuivirent entre le Maroc et l'Angleterre 
dont on favorisa les intérêts commerciaux, en contrecarrant 
les nôtres. Lors de Tavènement de Jacques II, Ben Aâicha 
fut envoyé en ambassade à Londres pour saluer le nouveau 
roiel lui confirmer les bonnes dispositions du sultan à sou 
égard. La révolution de i688 et le renversement des Sluarts 
amenèrent un revirement dans la politique du Maroc vis-à-vis 
de l'Angleterre, mais n'altérèrent pas les relations de Moulay 
Ismaïl avec Jacques II. Nous ne pensons pas cependant que ces 
sentiments d'amitié suffisent à expliquer l'envoi spontané de 
la lettre qui nous occupe. U est plus probable qu'elle est une 
réponse h une ouverture faîte secrètement par Jacques II ai 
l'empereur du Maroc. 

Quant à Ben Aàïcha, il fut rencontré et canonné en 1698 
par un bâtiment français. A la suite de cette attaque oîi il 
avait failli être fait prisonnier^ il persuada à Moulay Ismaïl^ 
de se rapprocher de Louis XIV et de s'éloigner de l'Angle-- 



1} Il B élé appelé k tort Ben Aissa d&ns les rel&tioQB du xvii* si^cl« et c'est . 
k nom que lui onl cooserré depuis tous les biatorienjs. Il y a pluBieura lettre» ■ 
de lui lidreesées à Poolchartmin dans les B.rcbives des AQ'a.ires Ëtnngères etj 
tl De peut suUisier aucun doute eur l'orthographe de son nom. 



CHE APOCOGtE DE l'iBLAU PAH UN SULTAN DU HkROC 177 

lerre qui avaU chassé le roi Jacques, son bienfaiteur, pour 
se donner à un Hollandais. C'est pour l'exéculion de ce des- 
sein quelamiral EDarocain fut envoyé en ambassade à La cour 
de France en 1690 ; il retrouva à Paris et h Versailles tous 
les succès qu'il avait eus autrefois à Londres ; le Mercure et la 
Gazette de France racontëreul ses mots heureux. Louis XIV, 
qui savait les services que l'amiral Ben Aàïcha^ le seul 
homme du Maroc qui fût au courant des aâaires euro- 
péennes, avait rendus h l'Angleterre, ne négligea rien pour 
donner à l'ambassadeur marocain une haute idée de sa puis- 
sance; mais ce qui produisit sur Ben Aûïcha, plus encore 
que les pompes et les fêtes, cette impression de grandeur, ce 
fut de retrouver à la cour de France le roi Jacques II, son 
ancien bienfaiteur, vivant sous la protection de Louis XIV. 
Il alla plusieurs fois le visitera Saint-Germain, lui renouve- 
lant l'expression de sa reconnaissance et l'assurant qu'il se 
dirait jusqu'à son dernier jour son esclave affranchi, « Lors- 
qu'il le vit pour la dernière fois, il se jeta à ses genoux, en 
le priant d'accepter un présent et en versant un torrent de 
larmes qui en fil couler à toute la royale famille desStuarls*. » 

1) Sur l'aoïbassacla de l'amiral A.bdallah beo Aàïcha à la. Cour de France. V. 
Qicttte de Frflnte, Herairt de France. Dangeau, Journal de ta Cour de Louis XIV, 
aux mois de février et atars 1099. ThooiusGV. Le l^arçc. ttelations de !a France 
avtc cet tmpire, Paria, 1859, in-8*. Plantet, Mmlaff ismad, empereur du Ma' 
roc et la Princtsse de Conti, PanE, 1393, În-S*'. Il y avait dans celle attUuda 
une pari d'exagération orieatale el. une part de roucrlfl, Ben AAïcha est le type 
acbevé du plénipoletiUaire marocain habile aux atermoienients el se dérobant 
& la Gn d'une longue nêgocialion, bous prétexte de pouvoirs insuftlBanls^ se 
JQuaot tour à jour des piLisg&Qces européennes et faisant crcire i. chai:uQe que, 
grflce à lui, elle eal seule à avoir l'oreilte du suilan. Nous avons dît 
quel accueil il avait reçu en Angleterre, soit lors de sa captivité, sojI pen- 
dant son ambassade eL cependant, à la date du 13 juin 1TÛ9, il écrit à Pont- 
cbirtmin : « Nous vous avertissons de *ou* donner bien garde de vous laisser 
aiiuser aux paroles des Anf^lai», car le5 Anglais n'ont point de jugement. Vous 
n'ignorez peut-^tre pas qu'en moa particulier j'en veui beaucoup aui Anglai» 
& o&use deft malhonnfttetja qu'ils ont eues pour moi, dans le temps que j'étais 

esclave thèx eiil Notre Maître ne veut plus entendre parler d'eux, il les a 

en bo.rreur... Si vous vouiai eolrer en nL-gocialion avec nO'US, faites diJ.ifeoce, 
etc... » A/f. ECr. Maroc. CoTrespQncimctt i, t" 12(1. 



tts 



nSVCfi I>E L HISTOIRE iJ£$ BKLIGIUH:» 



La lettre arabo de Monlay Ismaïl à Jacques 11 est écrite 
inrle reclod'uno fouille de papier grand format de 0"Ji sur 
0^,46; «ifiUK baodfrs d'or larges de O™,!)!, coupées h angle 
ilroil. s^par^nt à droite une marge de 0*,I7 de largeur et 
Uisst'Ot t'ti haut un blanc de môme dimension. Le khodja 
(secrétaire) du sultan arrivé au bas de la page, a continué h 
dcrjr«dftn»liiniargc droite et dans le seas diagonal. La lellre 
cM d'une ^^crîlure maghrébine relativement soignée, mais 
|ieu ^It^gajvle. 

!Hiu)it rappelons que le protocole musulman, en maliëre de 
Ciirrupondanco, comme en toute autre matière, est un code 
inînulitMiT. Voici le dispositif le plus généralement adopté 
tlauft Im onrrospondances un peu relevées : 

Kn ifti' <c\ à droite do la feuille, on place toujours la for- 
luulii' : touemfft au Dieu ttni'fite*] h laquelle correspond sur 
U [Vfcrtio gauclie de la feuille une brfcve invocation soit à 
DitfU, *oil A son prophète Mahomet. Après un intervalle de 
t|Uf>U)ilOA lignes, te secrétaire mentionne le nom du persoo- 
kviki^v qui t^cril, en le faisant précéder d'une énumération de 
MU. wrtUH et do ses pieuses qualités. Parfois — et c'est le cas 
tl« U U>ttrc qui nous occupa — le nom est remplaçai par i& 
Mehft du personnage*. Viennent ensuite des souhaits de 
^vtlhour ot de gloire formés pour l'auteur de la lellre, puis 
U»t«lul«lion et les compliments adressés au destinataire el 
w\\(HU'liounés h f^m rang. Enlin on arrive à l'exposé de la 
^Ira MUS autre transition que les mots fHsttitt, oprès^ etc. 

(M ii«m« Mt fftaind et tesmustUttiM t'y eoabmnt lÎMnipiileasNMDl 
5fi^ a^MtTWt I4S trot* Biûis, sus lu îùn ^Htkèm d« Mita braBl»; il m- 
%M>W*» lulbun YiMHtb «t-Husour^llSI tt9'?;.iC*Mtlai<rai, (tpieinierdN 
«n««HMM fttnotMdM. écrivit, d* n luiA. •& t^u éê ats leui«s : Loatta^t « 
|IM M^>ll•t On M ottatdnw pwtoot à aH saf*, *■ oimmm^ftmi MB In 
«Hlft |«r «M b«UM p«n>«i 4« t«llMn*at ^ c«b«aif«it «t «tuwb&niit mmh 
4^|M «. llMWÙr. T^^ktetfiM Al IwiA rf-JCaHBs Pkhi. 18». ia-9*, p. 3tl&. 

aift^ MMMtnbM. psisqnll nt K'af^it p^ ■(%■ sBlwi «ppIiqaJ nr de ta un, 
m^^twt MfnM* (ùIp *t«c «a UmfaM hoùfo M «auc» d'à duBra >f«a 
^Hjj» lili H litywlytf ta i m rt l i i r *, «a— • «ImI h e» po«r k Jett» da 



CNJ£ APOLO&IK Dl£ l'iSLIM PAR UN STJLTAIV DO MAROC 179 

Une brève saluIaLioa termine la missive, qui n'est jamais 
signée. 

Ld. Iraduclion que nous donnons est celle même de Pôtis 
delà Croix, secrétaire inrerprète du roi Louis XiV pour les 
langues orientales'; elle est assez fidèle, à l'exceplion (If 
quelques erreurs de sens que nous signalerons. Les versets 
du Coran cités par Moulay Ismaïl ont générolemeot été assez 
bien identifiés par l'interprète qui les a placés entre guille- 
mets. Il n'en est pas de même des /;^rf/V" que Pôtis de la 
Croix ne semble pas avoir reconnus. Noua avons conservé, 
autant que possible, fi cette traduction sa forme archaïque, 
car les répétitions, les Jrçttx^ les icedes, etc. permettent de 



I) PiStis (Jfl la Croix (François) Iij53-I713, ii\a de François Pétis, secrétaîre- 
iûterpîète du roi pour les langui-a urieûtates, fut tui-mèmB un savant orienla- 
lïste: il se lorma pur de nambrËUX ruyague en Turquie, en S]rria et ea Perse, 
fut noatcDé en 1G82 secrétaire inlerprèle au aerviee de k Wanne. Il accompagna 
bu .Uaroc M. de Sainl-Amant envojé par Louis XIV au^vrès du sulla» Moiilay 
Itmiïl e\ « prononça en arabe la harangue (te l'ambassadeur avec tanl d'i^lô- 
gance et lie pureté que le monarque et loul« sa cour avouèreut sa supénorité ». 
11 fut plusieurs fois employé comme négodateur dana les affaires avec lût fté- 
gvncBs barbare sques. Il exerçait, eu Tait, les fonctions d'ioterprcte du roi, sauf 
dans les audiences où son përe, titutilre de la charge, était obligé de paraître. 
Louis XIV le nomma en 1602 professeur d'arabe au Collèg'e royal,, avec la sur- 
vivance de la ehsf^e d<! son père. 11 a publié plusieurs ouvrages sur rOrietit et 
ea a laissé un certain nombre i^e manuscriLs. Quelques bibliographes lui attri- 
buent & tort la Rttation ttnivcraHle rie l'Afrique aneiennt et mûdeme. Lyon, 
16Slf, 4 vol. iD'i2. Cet ouvra;?e médiocre, démarquage de celui de Dapper, & 
pour auteur un Lyonnais, Phérotée de la Crorx (?-17i5]. 

2] Le Coran est la purole cte Dieu, sans qu'il y ait dans cette expreBaion la 
moindre métaphore; les liiHU sont les paroles de Mahomet conservées dans des 
recueils qui piraiRseol [trèseriler des garantira d'authenticité. Dans le Coran, 
la première personne du pronom peraonnel eat Dleu; fllle est Mahomet dans lea 
hâdlt. Le Coran est la loi révélée par Dieu, les liidlt (tient le sens du Coran 
el établissent la jurÎBprudencâ de la toi. Étant donnée la très g:rande importance 
des lildîl qui sont le Talmud de la religion musulmane, il est étonnaul que le 
Sal>lh (recueil authentique) de el-Boukliari n'ait pas encore été traduit. Il faut 
fivoir grand gré au envant professeur M. llou«Ias d'avoir entrepris ce travail 
considérable. On ne conniittra bien l'ialam que lorsqu'on possédera une lionne 
MitioD du Sal,i)(i avec tables, index et concordances. Ibo KhaLdgun, parlant 
du Coran et des l^adll. dit : h La religion a pour base ces deox livres ». Prùli- 
gominet, II, 316. 



180 



KKVCK I>C LHtSTOIRC DES nEU€IO?(S 



mi&ax suivre la phrase arabe; nous en avons sealement 
modernisé l'orlho^aphe. 

On lit en tèle de la traduction : « Lettre de Moula Ismael, 
Roy de Maroc, à Jacques secoad, Roi delà Grande Bretagne 
du 2G févn'er 1698, écrite en langue arabesque, v 

Puis le texte suit en ces termes : 

Loué soit Dieu seul I II n'y a de force et de puissance que 
dans ce Seigneur très haut et très grand; il n'y a point 
d'autre maître adorable rnie lui. 

De la part du serviteur de Dieu, qui se conBe en Dieu, qui 
en toutes ses aflaires se résigne à Dieu, qui se passe, l'ayant 
avec soi, de tout autre que de lui, le prince des vrais 
croyants, qui combat pour la Religion de Dieu, Seigneur de 
ce monde et de l'autre. 

^Ici lo sceau ou chiffre du Roy de Maroc qui contient ces 
termes en or' :) 

« hmael, fis du ckêrif de fa lignée de Hassan'; çue Dieu 
ie rende victorieux et triomphant l » 

[Kl autour du sceau est écrit aussi en or ;) 

a, Dieu veut sur toutes cko&es vous nettoyer de toutes iovil- 
ïures, 6 princes du sang du Prophète et vous purifier entière- 
ment^. » 

f) Ce chiffre de forme oblongue a 11 centimèlreB de graad axe gur 8 cenli- 
m^Lres de petit axe. 

2) Hasan, (tla d'^AIi et d« Fathma, Gll« de Mahomet. 

3] « Dieu TQuL Éloigner de vûus touta souiliuro, gens de la miiaon (c'âsl-&-dire 
membres de Iti famille du Prophète) et tdu9 assurier une purelè parfaite. » 
CeUe eier^Uf! eat tiréo du Coran, sourate 33, Tereat 33. Quelques théologiens» 
parmi ceux qui uni le rélichiBine de la doBcendance du Propliète. donnent d» 
ce verset t' interprétation suirante. Dîeu a. voulu {jue lu couche d'un ehérif fût 
préfiervêe d« la souillure dç l'adultère et que I«s enrutits de la glorieuse lignée 
de Mahomet fusBent loujoure légitimes. — Ibn Kihikldoun, Vtfïtfgomèncs., l. I, 
p. 50. Contester, d'aprôs ces commentateurs, la lôgitimilè dl'un chêrlf, ôu pIulAl 
accuser d'aduElérc la femoie d'un chërjf, eat pécher contre la foi. La r^mino d'un 
chérir, pas plus que celle de César, ne doit hUt aoupgODOée. On siit que la 
teûdre Aâïcba, l'épouse bien-aimée du Prophète, n'avait pas €Lé à l'abri de la 
calomnie. Un certain aoir, au retour d'une expËdilion où. elle accompagnait. 
l'apOtre de Dieu, oa ne i'&Tsit pas trouvée dans son palanquin, et elle n'était 



VRB APOLOGIE ÙS I. ISLAM fAA DM SULTAH OU SU.ROC 



18i 



Dieu donne un heureux succès à ses entreprises, liiï fasse 
la grâce de l'aider de son aide, de lui faciliter toutes ses 
affaires, lui perpétuer les bonnes mœurs et les bonnes 
œuvres de l'oraisoiï. Ainsi soit-îl par le Seigneur de ce 
inonde el de Fautre. 

Au roi ' des Anglais, demeurant au pays de France, Jacques 

rentrée au cantp que le ]en>(i!ecDaiii malin aceompagaée pat SarwAnben MoAtUi; 
les mëdisATices ou l?9 calomnies étaienl &IIée3 leur train el Mahomet, pour leur 
imposer silence, Hut recourir à la rÉv^lalion ; la sourate 24 descendit du oi«l 
pour dissiper les derniers doutes du ProphçLe et venger l'honneur d'Afliclia. 
Dozy, Essai sur CAistoire de l'islamisme, p. 79. — Il faut lire dane Coussin de 
Percevait Bssai sut l'histùire de$ Arabes, le délicieux récit de celle ai^etiturG 
fait par Aâïcha efle-niôme, t. lU, p. i6i et as. Celle Bdôlité des épouses de 
cbêrifs est loin d'être admise comme un do^mc par tous les musulmaaa; un 

leliré sceptique, arec qui je traitais ce sujet délicat^ me tîl cetLa répoase : ^^^ 

Jaj «taJUI frfjj ^) CB qui peut se traduire boaDétemenl par : H n'y a p&s 

de cadenas pour la vertu des femmes. 

i) Tèphfa i-^Lt, mol qui signîQo : tyran, usurpateur, souverain d'une 
nafif»! iiiotiilrc. Ce nom est celui donné aux grands moiiarqueB non-musul- 
mans dans les premiers temps de l'islam, celui par lequel Charlemagne est 
désigné dans les chroniques arabes. Les appellaliouB el le» titres donnés aux 
rois cbrètleijs dans les acl^a diplomatiques et les letlreB offlcieLles par les sou- 
veraina du Maroc ont varié suivant le degré dfl f&nitiaiB8 de ces derniers et 
les nécesailés de la politique ; mats il leur a toujours râpugaé de conférer à des 
chrétiens des litres qu'ils pensaient n'appartenir qu'à des oroyanK- Us ne pou- 
«aient pas évidemment les qualifier de khalifes (lieutenants du Prapb&te), mais 
îEs n'avaietit aucune raison pour ne pas les appeler suUans, puisque ce litre, 
porté è, l'origine par des princes muaulinans qui avaient entevè aux kbidifes le^ 
pouvoir temporel, n'avait niucun carsclère religicu-s. Cependant les chérlCs du 
Maroc, ayant eui-mômes adopté ce litre en 1637, ne voulurent plus le donner 
i des rois chrétiens. Moulay Ismaï! ne s'en sert jamais dans sa correspondanee 
ivec Louis XIV qu'il qualilie suivant son humeur : i Le plus grand des Roum 
(Européens), le ehef du royaume de Ffaisce n [18 août 1693) ou «e Le tyran (ta- 
gtia) de France (5 septembre 1609). Quand il [ai écrit eti espagnol, il emploie 
la formule plua brëve du protocole européen : » A Dotn Louis XIV, par la gr&ca 
de Dieu, roi de France et de Navarre h (21 juillet 1709), Les Euccesseurs de 
Moulay Ismaîl firent de m^me et qi]«lqueâ-uiia crurent éviter toute dilOculté 
diplomatique, en s* servant du mot espagnol el rci [la roi). Cette intention ma- 
Difesle de refuser am rois de France le titre de sultan 6nil par paraître incon- 
venante, et, en 1782. Louis XVI fit Taira des représentations au sultan; Sidi Mo- 
hammed (1757-1790) qui ne loi avait donoû que ce titre de et rei-, le chërif lui 
répûodil par un véritable sermon sur riiumilitè. «i Quant i la demande que 
voua faites pour que nous voua donnions le titre de sultan, il laut que vous 



I8â 



ItHVUK DE l'histoire DES RELIGIONS 



second^ appelé en leur langue James, hô salut soitsur C6uk 
qui suivent le droit chemin et qui s'êLoigncnt delà voie d'er- 
t-eur et de mal, qui croient en Dieu et eu son prophète et qui 
ont été dirigés ", 

Ensuite, nous vous Écrivons ces lignes pour deux raisons, 
l'une qui regarde la religion et l'autre qui concerne la poli- 
tique. Ce qui nous a porté à cela, c'est le désir de vous 
éveiller, de vous donner conseil, de vous avertir et de voua 
diriger, le tout en considération de ce que le feu Roi d'An- 
gleterre, votre frère, nous avait fait connaître ses sentiments 
véritables au sujet de sa croyance en Dieu et Je sa religion 
et, comme il était divinement inspiré et persuadé que noire 
religion était U plus excellente de toutes', et, 4 cause de 
cela, il nous demandait la paix pour Tanger et envoya à cet 
effet à notre haute cour un de ses officiers et cela plus d'une 
et deux fois*, dans le dessein d'honorer notre dignité de 



sacbieï que l'on n« pourra reconnaître que dans l'autre vie qui sont ceux qui 
roéritent ce nom, Geoi qui auront ftté agréabliêa à Dieu, qu'il regariJera faco- 
r&blemeDt, qu'il rerâlirn. de Tâlemenls impériaux et auxquels il mettra, la. cou- 
ronne sur I& léle, ceux-là seront dîf;nca du titra de sulLan.... Quant k cti\}X^ m 
coDlraire, qui seront dans celle vie l'objet de h eoière de Dieu, auxquels on 
passera unecorJe eur le cou,.,, ils seront bien loin de porter le litrg desullan... 
Ne nous donnez doDC pUn dêsormuiË, quand vous nous £crirei, le litre de sut- 
tau ni aucun autre tîlre hûnOfitique, et contentGî-roua de nous appeler du nom 
que nous avons reçu de notre père qui est : MnEtamaied ben Abdallah, aine' 
que nous !e ferons nous mSmes, en ferifanE aoll à tous, soîl & d'autres..... Si 
les Régences de lu parlifl orieat&le de l'Afrique si servent envers vous de la 
dénomination de sultan, c'est uniquement pour vous complaire qu'elles en 
agissent ainsi. Quant aux lettres qu« vous rec«vex de la cour ottotuEtne dans 
lesquelles on vous donne ce titre, elles Bout écrites par' le vicir et ne sont pal 
uj^uie lues par le prince ottoman, car s'il les lisait^ il voue dirait la même chose 
que nous, " Cf. Aff, Étr. Maroc. Carrcsponiianes , Silvestre de Saty, Ch.resto- 
maiAiti arabe, t. 111, p. 332. Ihn tvbtiJyuti, Prolécj^imênes, l. 1, p. 3B7, et t. Il, 
p. 10. Tliomasay, lac. tri., p. "J^i. 

1] Ce E&lul plutôt D^galU, puisqu'il n'est ED>uh3il6 au destinataire de la ieltre 
qu'autant que celui-ci est datiB » la droit chemin ■ est Ee seul admis de musul- 
mttu à cbrftien. 

2) Los disposilioos manifestées par Charles [I en faracr de l'islam paraissent 
asBËi invfLtisoDpblûljles. l>es lettres de Moulay jsmail à Charles I[ couservéeB 
au ruhlic îiecorii Office ne runrerm'Snt aucune aPlusion A ces sentiments. 

3) Ambassade de Eoid llenry Howard tn 1672 et en 1675, -- Mîsaiun du co- 
lonel Richard Kirke et du lieutenaat Nicholsoa en 1683. 



Cnt l^OLOGIE DE L'lSLi.11 PAB DX SVLTâ.5 DC MAROC 1$3 

Cbérif. Selon nos- lois, en effets U correspondance de lettres 
est permise entre les Rois, nonobstant la diversité des 
langues et la dtfTérence des religions. 

Nous Tavons approuvé en ce qu'il a fait et nous avons 
satisfait à ce qu'il â désiré de nous, puis nous lui avons 
envoyé un do nos orCciers en qualité d'ambassadeur, qui «st 
arrivé à sa cour et s'est présenté à lui comme vous avez vu '. 
Vous avez mdme été témoin de la joie qu'il a éprouvée de le 
voir et de la bonne réception qu'il lui a faite, tellement que 
cet ambassadeur est revenu joyeux et content, de quoi nous 
avons eu une grande salisfactioa. Nous avons toujours eu 
cela en considération et nous lui avons tenu parole en tout ce 
que nous avons géré et conclu à Tanger*, Cela est si vrai 
que, lors de l'abandon qu'il Ut de cette ville, nous n'avons 
pas seulement voulu prendre garde à ce qu'il lit, comme 
d'en transporter leâ munitions, les canons et les habïtauts, 
quoique les Maures voisins de celte ville en fussent témoins 
oculaires et nous informassent de ce qui s'y passait. Mais 

1) Atxl&llab beti A&ïclia, v. suprà. 

?) La ville de Tini^er', p>oaséiiê« par les Pf>rlU)^aîs «depuis j\11, avait élë don- 
nas en doL à Caltieriiie -le Bra^auce, inrante da Portu^Hl, à l'oocABion de son 
tnariage avec Charles II fl'A oglelerre (IBd'ï). >. L«3 Anglais slo^liiUànîiit dans 
Tsager çgiDiD« dans une ¥ille prise d'assiiut... Iransforamot eu êfiurifs les 
leriipIi^-9 (!u Seig-neur, monumenla de la Toi poftwgnîse. » Leur accuitalion res- 
tr^iale à ce seul poioL fut très précaire ; le? Uibus des environs «t les Irovpes 
de Moulay Ismaïl EenaieDl la garnisoa étroileineDl bloriuêe ou bien ritUirairat 
dans des embuscades meurlrières. En 10Si3, le parlenien! anglais ayiint reTugé 
des subaides pour l'i^ntreLiei de Tang-er, Gli&rïes II se décida à l'abandonner. 
Don Pedro II, roi de Purluf^ai. (tt de pre^saot^s dêmanti^s pour gue cetlo place 
fOL rendue au Portugal, moyejiHanl une indemnise pi^cuniaLre, mais la rai d'Au- 
glel^rre, d'accord arec son frûre, le duc d'York, ainiial du royaume (depuis 
Jacques 11} persista dans bu ri>solu!Îon; « il envoya h. Tanger une HoUe sous 
le connnan dément du Comtfi âe D'Armoutb, avec ociits de démolir la ville et 
les chUleaux, aussi bien que le mûl'U et de rendre le porl iiniLîîe. Il employa eovi- 
Toa six moii à exécuter ta. mijsioa '>. La ville fut évacuée en ltiS4 êl T<jpeuplée 
par des RtfaJns. Pendant les 32 ans qu'avail dura leur occupation, les Anglais 
araie-ol été en continuelJeâ ni^^ocia.tîâiis &vec: \<* Maroc, et c'esL sans doute aux 
nombreuses trêves si^nè^s de part et iJ'uulrt^ que fait alluBion la leltre ilu Mou- 
Uy famaîl. — Caetell.inos, llittoriu de M'irruecos, Tarper, IS98. — Brailliwaite, 
The UUti)>!/ lift fie licvotulion in thc Empire w/" i/np/tto, London, Ï7'J9. — Cf. 
Arebives du Service llyiirogriphiiue, carton 59-i : « Mémoire sur les plaeea 
et costea des Estait du Roy de Maroc... » 



tdi 



REVCK TB LHlSTOrRE DES BEXIGIONS 



nous n'y voulùtneB pas faire réOexion ni nous en mêler en 
aucune manîèrt-, Nous n'en usâmes ainsi qu'en reconnais- 
sance des honnêtetés qa'il avait exercées envers notre 
ambassadeur et en exécution de la parole que nous lui 
avions donnée à sa réquisition. Certes I nous aurions désiré 
qu'il fût resté en vie pour voir l'ouvrage que Dieu a opéré 
par nos mains à la conquête de l'Aratbe sur les Espagnols ^ et 
pour voir le siège de Ceuta * que nous faisons aujourd'hui ; 



1) L» ville de L&r&che (El Araï<:h) était à L'Espagne depuis 1610; elle «valt. 
été occupée sans coup férir : Moulay ech Cbikb, qui avait hérité en i6û3 du 
royaume de Fer, se vit enlever le pouvoir par son frère Mùulay Zîdan; complè- 
temenL baUu en 1609, Moulay ecb Cbikb dut Ee lêtu^l^t k Laraclie d'où il 
entra ea négôciâtiûn a.vec PKilippe 111 par J'întermédiaire du Génois Juançtia 
Mortara; la roi d'Esp&g^ne lui accorda un se cours de200.00t) ducats et 6.000 fu- 
sils, à la eondilion que la ville de. Larache resterait à l'Espagoe èù ^araalie de 
l'exéeuUan du traité. Le 21 Dovembre 1610. Don Juaa de Mendoïa, marquis de 
San GËfiïian, prËDaît possession de la plaee, el les Espagnols, justifiant une 
foÎB de plus un dicton bien connu, y bûtissaieut tout d'abord un couvent de 
rranciseaiti s ; ta ville tut par la suite entourée de Bolides: fortificationa. Vers k 
Ba du ivii" siècle, Laracbe, comaïc les autres presidios de l'tÎBpagne au Maroc, 
servait de lieu de dépûflatioii pûup les condamnés et de lîcii d'eiil pour Us olll- 
ciers en disgrâce qu'on y envoyait Taire leur service, v Les FranciacaiDs, dit 
un contemporain, étaient repliement les maîtres de la ville, comme les gens 
d'ÉglÎBs le sont en Espagne u. Le seul avantage que les Espagnols attachaient 
à la conservation de cette ptace ela.it de bénéficier du privilège de la croisade. 
Aussi, quand en (689, Moul&y I^mm'l vint y mettre la -siège, elle se rendit sans 
opposer de résistance sérieuse, m Très certainement, dit Braithwaîle, les Mores 
ne durent celte conquête qu'4 la trahison des moines dont le rentre affamé ne 
put soutenir le retrancbement des vivres. » Cette assertion mérita d'être téiî- 
flêe, niais ce qui semble établi, c'est qu'à l'exception de toute Ea garnison, les 
Franciacaina et les officiers ne furent pas réduits en servitude, Le consul Estelle 
rapporte que les ofTiciers mis en liberté furent dirigés sur Ceuta pour y être 
échangés à: raison de 20 Maures pour un oflicier. Quant aux soldais espagnols 
qui restaient en captivité, îl:a ne cachaient pas leur mécontentement et disaient 
hautement que « c'était leurs officiers qui avaient perdu la ptace, tandis qu'eux 
avaient fuit leur devoir; le plus grand nombre prit le turban, n Cf. Castellaqos, 
toc. cit^ Braitbwaite, loc. cit. Ockley, Relation des états du Fez et lie Maroc, 
traduit d« l'unglais, Parts, 1730, in-12, et Aff. Élf., Mém. et Bocs. Maroc, 3, 
f»S9. 

2) C*ula âvBit été pris par les Portugais en 1180; lors de la réunion, en 1580. 
du Portugal k l'Espagne, il devint poseessio^o espagnole et resla telk, même 
après la révolution de 16i0. alors que les anciennes places du Portugal dans 
les quatre parties du monde faisaieiit retgur iiJe&n IV, duc de Bragaoce-, Après 



CSa àPOLOCIE DE L ISLAM PAR Dîf SULTA!* DD MAROC 



183 



il verrait les dépenses extraordinaires que les Espagnols 
sont obIig:és d'y faire el le nombre innombrable de piastres 
qu'ils emploient pour la fournir de provisions. Par tout cela 
il connaîtrait la fidélité que nous lui avons gardée el comme 
nous avons fermé les yeux sur tout ce qu'il faisait à Tanger, 
Il verrait que la parole el les traités que nous avons avec lui 
n'ont jamais souflFert d'altération ni de prévarication de 
notre part» tellement que la bonne conduite de votre frère et 
les témoignages qu'il nous a rendus de sa bonne conscience 
et la persuasion où il était de la vérité de Dieu ', sont les 
causes qui nous partent à préseat à vous écrire aGn de té- 
moigner notre reconnaissance à ses honnêtetés. 

avoir cbassë les cbrëtîens de Tangftr, de la Mamora ei de Larkche, Mouloy 
Umail voulut leur enlerer CeuLa et vint investir catLe place en 1594. Ce Tut 
plulflt un long blocus qu'un îénlable siège; les Marocains ealûutèrcnt U ville 
d'une Vigns de trincbëes et, una Tois à l'abri des. coups des cLirétieDS, lia bAti- 
renL des m&LBons, une mosquée, cultivdrent les terres etplantèrAnt des jardins, 
se coDlentsnt de repousser les sortiies dirif^ûe» conUe eux uu d'attaquer les 
points oïl la surveillance des assiégée leur paraissait en défauts L'inlention de 
Moulay Isma.i] Élait d'épuiser ainsi fee resBourcesdes Espagnols et de lei ame- 
ner à livrer la place, comaie ils l'avaient Tait à Larache, ou à l'évacuer^ comiue 
les Anglîiie avaie^nt évacué Tanger. Cet investissement de Ceuta, qui sa pro- 
ongea pendant 26 ans (l691-17âÛ), coulait fort peu au sullun qui entrelenaît 
Beulemeol dacis l'armËe as8>Ëgeanle un détactieaient de ea garde noiro ; les con- 
ling'eals des tribus 7 venaient passer un mots â tour de rûle et les juifs four- 
nissaient cbaque vendredi une con tribu lion de poudre que l'on dépensait aved 
beaucoup de fracas inutile. La garnison espagnole, composéd de t.ÛOÛ fantas- 
8inB, de 100 cavaliers, de 80 artilleurs, de 60 marins etde2fK) religieux, paysan* 
et forçats, put être constamment secourue et ravitaillée pnr mer, grAca à la 
position de Ceuta située à l'e-xtrépilé d'une presqu'île. De leur cfllé tes troupes 
marocaines recevaient des vivres et des niitinitions de L'Ani^deterre. Pendant la 
guerre de la Succesaion d'Espagne, Louis XiV agita le projet de débloquer 
Ceuta, mais les Espagnols, se déGanl de nos intenliona, n'acceptèrent pas ren- 
voi d'une troupe française. l£nSa,!e 15 dOTetnbre 1720, une brillante s&rtie con- 
duite par te marquis de Lëde mit les assiégeants en complète déroute et Mou- 
ky Ismaîl tnourâil sept ins après, sans avoit pu réaliser com pi élément la pen- 
sée dominante de son règne qui était de >< dÉbarraBaer le Maghreb du la souil- 
lure de l'infidélité, o Godard, ïhstoire du Maroc, Paris, I8G0, 2 vol, fi'. Ché- 
nier, Aeeherehei historiques sur Us Maures et histoire de l'empire du Maroc, 
Pans, 1787, 3 vol. S'. Castellanos, toc, cit. Àff. Etr. Mém. et Doçs. Marot, 3, 
M95. 

Ij La s'arrête ta copie que nous croyons élre ua commeQceiotnt da brouillon 
du traducteur et >qui est dana le Fonds Angkterre, Mém. el Ûocs., 75, f* l&l. 
V. la note 2, page 174. 



186 



KEVUE DE L RISTaiRH DES BOUGIONS 



Cette missive n'est donc que pour vous représenter detix 
alTaires, comme nous vous l'avons déjà dit; l'une qui regarde 
la religion et l'autre^ la politique. 

A Tégard de cello qui regarde la religion, vous y trouve- 
rez de l'utilité pour ce monde et pour l'autre, tant par les 
bons conseils que nous vous y donnons que par les lumières 
de la direction dont vous pouvez vous éclairer. U faut donc 
que vous sachiez que Dieu — dont !e nom soit glorifié et les 
attributs sanctifiés — n*a créé toutes les créatures que pour 
le servir et le reconnaître uomme le seul Dieu, sans lui don- 
ner de compagnon. Les paroles divines de ce Seigneur en 
font foi lorsqu'il dit : « Je n'ai créé les génies et les fionimes 
que pour me servir et m' adorer ;yV ne leur demande poiftt de 
richesses et je ne feux point qu'ils me donnent à manger 
parce que c'est mol qui suis le nourricier universel et le 
maître de La puissance invincible '. » Mais ce culte, que Dieu 
a enjoint à ses créatures, a besoitt de médiateurs pour faire 
savoir de sa pari à ces mfimes créatures ce qu'il leur a or- 
donné. Or, par un effet de sa bonté et de sa miséricorde pour 
les hommes, U leur a donné des médiateurs de leur propre 
espèce qu'il a envoyés vers eux et qu'il a choisis parmi eux- 
mêmes. Il leur a envoyé des apôtres et, par eux, Il leur a fait 
savoir ses commandements*. Ceux qui ont cru en eux, ce 

1) Crti-rtu, sourate ti, verseta 56, 57, 58, Nous écrirons en italiquÈS, pouf 
les meLtre en évidence, les passages A\i Coran cités par MouLay Ismaïl, La 
cray^anc6 aux Génies (DjÏhr, pi. ; fl/^noun) TaiL parlîe du dojme raugaiman. Les 
Arabes, avant L'ieiant, supposaient que les Géiii-es élsieiil. des Sis et des Qlles 
de Dieu ; celte doctrine est réprouTèe par le Comn ; les Génies sont des créa- 
tures delà DîvÎDité nu môme litre que l«s hommes, mais iW ont été créés avsnt 
Tbomme, non de !a boue,, mais d'un l«u sans fumée, d'un feu sublil; il ne sau- 
rait y avoir de par>entâ entre ies Génies et DieUr Dieu «B.t trop AU-desaug de 
pareilles imputations. Cr. Coran, lv, li; iv, 27; vi, 100; xiivn, 158. 

2} H y eut des enucn/tf^ chargés tf annoncer ei d'avErtir, afin que trs hommes 
n'oient aucune p.j^i:use devant Dieu, apr?s iss misfions des apâlres...,. Corûn, 
IV, 1G3. enfants d'Aitam 1 il sV(('yer*a au miliçu do vaus des apôtres, Uf vous 
réciteront mes emeigTiemsnts. Ibîd., vu, 33. Dieu s'est servi de trois eapècesi 
d'icilermëdi&ireK, dit médiateurs pour annonrer aur bomoisB ses comiiiau>de- 
raenls, pour leur enseigner sa doctrine, pour 1?a dirigei', pour les avertir, pour 
le» prêcher ; ces trois interonidiaires sont les prophètes, les iipàtres et les mea- 
aagers. D'après les docteurs musulmans, le prophète n'eei point oâcesBoireoieat 
»pOlr« et le messager peut n'être ni prophète, ni apâtre, et ci'avotr eié cb&r^ 



mr APowGrc he lisu» par cm soltam du uaroc 



1«7 



sont ceux dont Di&u avait prédestiné la béatitude ûternelle 
et ceux qui n'ont pas voulu croire, ce sont ceux dont 11 a 
écrit le malheur et la damnation éternelle et qui sont ré- 
prouvés ^ 

Là dernier et le sceau de tous ces médiateurs, apôtres et 
prophètes et le premier et seigneur d'iceux' est notre sei- 
gneur Mahomet — à qui Dieu donne ses bénédictions — . Il 
a rendu sa religion la meilleure des religions^ sa loi la plus 
excellente des lois et sa secte la meilleure des sectes. H n'y 
a rien de plus certain que Jésus a annoncé la venue de 
Mahomet et sa mission', comme Moïse, fils d'Amran, — sur 



que d'une mission d'avertissement : ainsi Turent HoucI, SAteh, Cbaaib «t mftiqe 
Alex&ndre ic Grand (Dou e3-K«Tn«în). Abrabam. leaac el Jacob Turfliit aimple- 
menl des prophêles, ne reçurent mission que pour l'inlériiflur de leur famille, 
Mo)fi&. JiéBus, Maliomel, »u contraire, ri^unissaîent les roocLioas de prophMe 
et d'apAIre ; ils agirent en dehors de leur cercle intime, B'adresaènmt & l'iiuma- 
uild tout entière, Cf. La Bauoe, Le Koran analysé. 

i) Sfriis avons envotjé des apôtrea vers tous le» peuples... tes uns ont cm, /es 
autres ont iU prédestines à fVydrc/nfnl. Coron, xvi, 38, Ctux qui ne croi<^t 
poi en Dieu et à ses apôtrvs... tinus avons préparé pour eux un supplice igm- 
miTÔeux- Cetix ipti cfoiail m Dieu et à jfcs apûtres... oitticndrojit leur ré- 
compense, Ibid., ir, 149, 150, 151. Ces versets et (quelques autres de mSmc 
BStnra établiraient d'une façon irrèrragable le tatalisme de l'islam, si l'on oe 
pouTUt leur en opfiuBer autanl d'autres qui conlreilisent cette doctrine : » Les 
Sémilts n« sont pas des caractères entiers, nourris de dia]ecti(]ue, suiris dans 
leurs rarsoDiiamenla ; leurs prophètes n'ont pas enseigne une doctrine unique 
et consl&Enmenl la même. Cet faûmmes admirables cbangeaienl «l se conlrHJi- 
saieol beaucoup ; ils usaient dans leur vie trois ou quatre théories ; ils raianient 
des emprunts h ceux de leurs adversairt^a qu'ili avaient \c plus durement com- 
battus... Ce qui Tait laBxité des opinions leur élail àlranger. » Renan, L'Anté- 
dtrût. 

' 2) Uabomet, quoique venu le dernier dans la succession des prophètes, au- 
rait cependant, d'après la tradition, été créé le premier. V. ei-après, p. 188. 

3) Jésus, fiis de !dane, disait ; enfants U'IsraiSt! ii suij Vapôtr*: de IHeu, 
envoya \crs vous pour conitnuçr ie Pentaleu^ue qui vous a i^ié donni avant moi 
et pour voxf» anmtnccr la vtnue d'un ap^ire après moi dont le nom stra Ahmed^ 
Coran, lxi, 6, Quelques docteurs musulmans font application il Mshomet des 
p&BSagea du Nouveau Testament où ÎJ est question du second avènement df> 
Jésus-Chrisl. Matthieu, xxiv, ji. Lui;, xii, 40. D'autres préLeodenlque tout tv 
qui est dit dans l'évangile relaliv^menl à i'Espril-&ïint [Roulj-AilaJi) concerne 
Mahomet et il s'est irouré des thijologiens qui, faisant dériver le moi Paraclet 
de KtfttX'jrii Oe Otorifi^). o"t prétendu que Mohammed «t Paraclet étaient un 
seul et même nom. Il est à peirie 'lécsssairu de relever L'inezactilude da cette 



188 



KEVt'E at t BISTOUtE DES AELIOIO^S 



qui soit le salul' — a annoncé Ja venue de Jésus'. Et, quoique 
noire prophète soit le dernier venu de tous, cependant U a 
été créé le premier'. 

ét^mologie : l'EspriL-Saint eel appelé dans l'Ëcriture le Par&det nspnl.<^Tii>c 
c'ç II- à-dire le Consolateur, l'InlerceBieur. 

1] a Jésus sera son envoyé aaprës des enfants iflsraéL U Itw dira... Je 
VC4JU pcur confirmer le PenlaUurjvc qmvoui avet reçu avant moi. « Coran, in, 
43, 44. Cf. J«aD, iv, 46 ; Luc, xxw, 44. Les muaulmans admettent la révélation 
de^ plusieurs livrée de l'Aaci'eD Testament ainsi qae celle de L'Évangile. D'&près 
eux, les juifs el les clirélieiis ne croiraieal pas â. cette révÉLaLion et ils auraieiil 
&!térë ces Eivres qui ne sont plus dans la fotme OÙ ils Ifeiircynt été donnés ; aussi 
ne peuvent-ils Aire miï sur pied d'ëga.litë avec le Coran donné &ux Arat>âs, qui 
reste le «eul livre sacré, le livre par excellence {el KitaJi). Il est dit â&ns le 
Coran au sujet des altératioas faites dans le PeotaLeuque par les Juifs : « Ce 
livre /jue voua étriwei sur des feuilleta, ce livre que vous montrci et dont ce- 
pendaDt vous cacbez une grande partie n, tt, 9], 

2} Le Créateur aurait pris une parcelle de sa lumiëre et en aurait fait le pro- 
pEiële Mahomet, ptjts il aurait pris une parcelle de la lumière mabomélique et 
en aurait fait le reste du monde. Voici, commeiit est rapportée cette tradition 
sur 1& priïïttire naissance de Mabomet- *• Lorsque Dieu voulut créer l'uULvers, 
il commença par l'eAsence mahométtque. Pour cela, Il prit une poignée de la 
lumière qu'il venait de former et dit : Sois Mohammed! Sois prophète de 
cbarilè, d'amour et de gloire! Alors la lumière devint uae colonne lumineuse 
qui se mît il chanter la pulBEauce de Dieu et sa gloire, et ce, avant l'apparitioa 
de toute apparition. C'est de cette coloone qu'il lira tous les univers^ C'est 
vasi que le Prophète est l'origine de lout ce qui est, la source de tout ce qui 
a été créé et la lumière d'où émane toute Lumibtre ». 

11 est à peine utile de relever ce qu'a d'ultra paalhéiate une telle doctrina qui 
fait de Mahomet une émanatjon de Dieu, el de l'univers une émanation de Ma- 
hooiet. Cette théorie de la naissance de Mahomet n'est pas conforme à l'ortho- 
doxie musulmane et eat en désaccord avec de aombreui pasasiges du Coran où 
il est dit que Mahomet n'^est qu'un homme d'entre les hommes, un envoyé, un 
avertisseur, un prophète iUeltré ne CQtmaissant pas les choses cachées, etc. 
Cependant, d'après d'autres versets, Mahomet serait hoDoré de Dieu el des 
anges et on 7 donae à enlendre que c'ëtait par une modestie excessive que 1« 
PropbèlB ebcrchalt & rabaisser sa personnalité. << croyants! n'entrer point 
4ans permission dans Us maisons du Prophète, fxceptè lorsqu'on vous permet de 
prendre un repas avec lui et sans vous y attendre. Mais, lorsque vom y itet 
invites, enlrei-y, et dés que vous aurez jTMtnjé, sépare--vous et n'engage- pas 
famitiàrement des entretiens, car cela lui cause de la pane ; le Prophète rougit 
de vous le dire, mots Dieu ne rouj^ii point de la vériië... Évitez de faire de ta 
jjriMi à l'envoyé de Dieu... Dieu et les anges honorent le prophète. Croyants * 
Adresser sur son nimi des paroles ds vénération el prononcez son. nom atiA: ta~ 
ttitation. » xsïiii, 53, 56, 

Un badi^ rapporté par Abd cr-Rewalf, d'après Djahsrlbn AbJalUbjreproduit 



DKI APOtOGIB DE L ISLAU PÀTt L'N SULTAN Dt MAKOC 



169 



C'est un article de foi parmi nous de croire eo tous les 
prophètes et nous ne mettons point de différence entre eux'. 
Nous croyons que le Messie, Jésus, fils de Marie — sur qui 
soit le salut — est un des prophètes envoyés de Dieu, mais il 
n'a jamais prétendu aux titres que vous soutenez lu! avoir 
été donués ni aux formules exagérées avec lesquelles vous 
le louez. Dieu a dit au sujet de la sainte mère de Jésus : 
«■ Marie, fille cTAmrau ', s'esl CônStrvée vierge inténiérée, 
c'est pourquoi nous avons soufflé une partie de notre esprit 

cette doctrine panthéiste de la aîussance du Propbèle. « Je demandai au Pro- 
phète : Quelle êst I& première chose que Dieu créa Avant toule choee? Il ma 
rëpondil : Djaber ! avant toute chose. Dieu créa la îumiÈfe de ton Prophète; 
!l la cféft 'le sa lumière c'est-i-dire d'uoe lumière qu II cré&. ei qu'il qualiSï 
■îenne pour l'honorer da?anUge. — Celte lumière se mit à tojroer, errant daus 
le Royauioe iMaUkout] de par la toute puissance et selon la toIoq!*^ suprâme. 
Alors il n'y smt ni table (litouh, table du destin), ni plume (^alanii, la plume 
avec laquelle on écrit Ibb deelinëes sur la labié du destin), ni paradis, ni enfer, 
ni anges, ni ciel, ni te'ire, ni soleil, ni lune, ni ji^énie, ni hopame- Lorsque Dieu 
voulut accomplir la créalton, il partagea cette lumière en quatre parties. De la 
première (1 : 4) il [arma la plume, de la seconde (1 : 4), la lable, de la troî- 
siâne (I : 4] le Irdne (el orcb); de. la quatrième partie (1 : 4) il Bl quatre 
autres partî^i ; la première (1 : 4*J, ce aont les angea qui supporteat le U6p« 
(hamalal el areh) ; la seconde (1 : 4*). c'est le siégerai kourai); la lioiaïème 
(1 : 4*), c'est le reste dùA aogea. Quant k la quatrième (I : 4*), il la divisa en 
quatre ; la première (1 ; 4*) fut les cieui ; ia deuxième {1 : 4*}, les terres; la 
troisième (I : I'), le paradis et l'enfer. Le quatrième fut partagée en quatre : 
la première [1 ; 4*] devint la lumiàre des yeux des croyants, la seconde (1 : 4*), 
la lumière de leurs csurs qui est la connaissance de Dieu, la troisième (i : 4*) 
fui la lumière de lejr confiance qui ee^l ]« monothéiemu (et toubld) exprimé par 
la formule : Il n'y a point de dieu, si ce n'est le Dieu el Mahomet est le Pro- 
phète de Dieu. Ici se termine le i^Ladtt san^ mentionner ce qui a élé l'ail de la 

1 
dernière fraction (1 : 4*], soit ::ngg e de la lumière pricQiLiT«. 

1^ « Ceux qui croient en Dieu et en ses apôtms i?f ne mettent point de diffé- 
rence entre aucun d'eux obtiendront leur récompctisc ». Coran, iv, J5I. Il est 
dît, avec une apparence de conlradictlon : « JVoua éiewûmci ies prophètet tes 
uns att'dtssus 'ies autres; lâs plus étet>4s sont ceux à gui tHeu a parle. ■ 
Coran, u, 254, 

3) Y a-l'il confusion dans l« Cùran entre Marie, fille d'Amran, el sœur de 
Moïse el d'Aaron el la sainte Vierge Marie, llile de Juachin el de Hanna, ou 
bien Les mola " Marie, fille d'Atnran h doisfint-ils Site traduits par u Marie, de 
la rai^e d'Amran »T Nojs ne nous prononçons pas sur cette question, mais 
nous rappelons que daits la saurais tit, 29, Marie, mère de Jéaus, est appeléâ 
Bocur d'Aaroa. 

IS 



BEVCB ÙK L*H1ST01»E PIS «BXIGIOIIS 

en son sein '• EUe a cru aux paroles de son Seigneur et elle a 
été au nombre des obéissantes'. Ce même Dieu a dit au sujet 
de Jésus ces paroles : « Jésus, à l'égard de Dieu, est sem- 
blable à Adam qu'il a créé de terre, puis U a dit : fiai et 
facium est^. U ajoute celles-ci : « Le MessiCt fils de Marie, est 
seulement C envoyé de Dieu ei son verbe et une partie de son 
esprit qu'il a projeté sur Marie. Croyez donc en Dieu et en 
son prophète et ne dites pas que Dieu a trois personnes, vous 
vous en trouverez bien. Certes l Dieu est seul et est bien au- 
desstis de la qualité d'avoir un fils ; tout ce gui est dans les 
cieux et dans la terre lui appartient et il me suffit d'avoir 
Dieu pour garant de ce que j'avance. Le Messie lui-même ne 
disconvient pas de celte vérité et il ne refuse pas la qualité de 
serviteur de Dieu y non plus que les anges qui approchent du 
trône divin » '. Tout homme qui reiuserait d'être serviteur 
de Dieu serait un orgueilleux et Dieu ferait connaître son 
orgueil dans l'assemblée générale, au jour du jugement. 

On doit croire que Dieu a élevé à Lui le Messie et que les 
JuiJs — que Dieu les maudisse I — ne l'ont ni tué ni crucifié, 
mais qu *il s'est déguisé à eux ' et qu'il descendra (sur terrej 
avant le jour (du jugement), qu'il y trouvera le Mehdi qui est 
de la nation musulmane, descendant de la lignée de Fatime, 
tille de Mahomet, notre prophète, qu'il fera la guerre à l'An- 
téchrist. Il trouvera que le monde aura déjà réglé de prier 
Dieu derrière le iMehdi (et de le reconnaître pour imam c'esU 



1) « El Maria fîlia Imrani, qu» rimam suam tuila est, in qnam (rimam) JaQd-' 
vimas epirilua Loslri parlera, n TrwivctKn iittérale donnée par Kasimirski. 

2} Coran, tivi, 12. ,, ,, ^ . 

3) Coran, ïtx. 16-35 ; m, 40-53. Pélig de la Croix a traduit en latin : j^JCj j^ 

k) Ctiran, \v, 169, 170. 

5) l' iVun ils [les JuirsJ n«^oni( pvint CucT, ils ne l'ont point erudfi-ë; unliotnme 
qui lui ressemblait fut mis à mort à sa place... lia ne Vont point tué rédlsment. 
Dieu l'a éitvé d lui, » Coran, tv, 156. Celte lé^end» n'est pas (Je l'inventmo d« 
MahomeL Les Manichéens, les Marcilas, et d'autres docètes avaient déjà admis 
ce fuit de la subsLilulign d'^in iDconnu àJéaus. Cf. Mar&oci, Refulalio Alcuranr, 
l. U, [>. lia. Le passage suivuiiL do la prophétie de Daniel a p«gt-ëtre été le 
point 4s départ de cette croyance coruniqufl. V. Dan., a, 26. La lexle hébreu 
p&rlit : « Le Messie sera Teiranché, et ce n^esl pus lui. >. La Vulgate cooaidére 
ce second membre de plirase cûnime incomplet et elle traduit en le complétant: 
« £t U ne sera pt^ svn peupU, te peuple qui doit h renier. » 



n.1E APOLOGIE ai L'i&LjLM par U:4 sultan DD MAROC 191 

à-dire grand prêtre). Medhi dira à Jésas : « Avancez, ô pro- 
phète de Dieu, ou bien. 6 âme de Dieu (et soyez, le prûtre) ». 
Mais Jésus lui répondra : « C'est à vous que cela est réglé. » 
Ainsi Jésus fera la prière derrière un homme de la secte de 
Mahomet; puis iî gouvernera le monde selon la loi de Mahomet 
— Bur qui soit le salut ! — et ensuite il tuera l'Antéchrist, 
Alors les chrétiens renieront'Jésus-Christ; c'est pourquoi il les 
tuera et U tuera les juifsjusqu'à ce que la pierre lui parle et lui 
dise : « O prophète de Dieu, ce juif vous a voulu faire mourir, 
tuez-le ' ! )' Tout cela nous a été annoncé par le Seig-neur Dîeii, 
lors qu'ail dit : « Ce que nous annonçons à Mahomet lui-ni6mo 
qui âe plaint que Le Messie, ITIs de Marie, fera tomber sur 
nous un. gouvernement de justice rigoureuse, car ii brisera 
la croix en pièces et tuera le pourceau'. Il établira le tribut 
et il recevra les richesses tellement que pec-sonne ne l'ac- 
ceptera et il n'agréera que les musulmans et mâme il sera 
compté du nombre des amis de notre prophète Mahomet, n 

[Nous croyons ulile de donner une traduction un peu dé- 
veloppée de ce passage qui rsL assez obscur, par suile de 
l'entrée en scfene de trois personnages : le Mahdt, le Messie 
et l'Anlëchrist. Pëtïs de Ia Croix n'a pas ssurfisammenl 
édairciles difficultés dj texte arabe, bien qu'il ait inter- 
calé dans sa traduction quelques mots el même des phrases 
pour en compléter le aons. Nous userons d'une plus grande 
lalilude, subsHtuanl une paraphrase à la li'aductlon, quand 
l'interprétât ion littérale sera trop obscure el donRaotdans 
des notes les explications nécessaires : 

» Le Messie' descendra du ciel sur terre aux approches de 

t) Contre- MM. V.ct après la tmiluctlon reeliSée. 

2) Ce passage eit absolumcnL inconiprAlienaible et commence pur an eontre- 
wm ; ce eonl rfes pargle-s à» Prophi^Le jliâdll) que cita Moulny JsBBail et noû 
pas les paroles de Dieu {Caran). — V. ci-apres la iratlLCtioD recliflée. 

3) El'iloiih *i" ^ Jj «si par élymologie, en arabe comme en hébreu, celui 
qui a 6tê Trcuè, tjm a élé oïnl J'^buile et pariicuti>i>reii]e>nt de l'huile sacrce ; de 
là 1*9 surDooaa atléquaU de Chriil (X^iorii] et de Meiaie iterenuB des noms 
propres d« Jésus. D'nprès la tradïlion rnuKulmane, Je Messie, qui u élé sous- 
ir&il k ses pcrtécuLeurs, »â mButleAlera, à k Qu des temps, pour prouver aut 



192 



HEVCTB de L HISTOIRX des RELWTOnS 



l'heure'; il y trouvera le Mabdi qui est de la nation mu- 
sulmane descendant de Falbma la fille du Prophète* — 

JuîFs qu'ils ne i'onl pas tué, ainsi qu'ils le préteadenl. C'esl pour éUblir h. 
preuve contraire, pour mettre les Juifs en face de leur crime et leur en raontraffl 
finsnité que [a psrougie eal uinoiicëe dans Zacharie, fif, 10. Une tradition 
(hadli) fail du Meseie le porirvl Euivant : " Il Bera de laille moyenne, son teint 
sera blanc et rose, sa ctievelure sera brillanlQ el ruisaeianle, comme s'il aott&i 
de l'eau ». Quelques musulmans ajoutent qu'il aura la planLe des pieds eotière- 
roent pleine, ce que les Arabes appellent masîti. Il est des iMologiiens. mats, sa 
petit nombre, qui, sur rautorité du hadit où i! est dît ; u Point <3« Mahdi. 
ei«pté iésm, fils de Mane », n'admetleiit pas t'apparilion du Mahdi el îtienli- 
flent ce personnage arec le Messie. Celle opinion est assez plausible, car les 
prèilictioas d? J'Amcifin Testament relatives su Messie attendu p&f l£S Jithfs 
comtDR UQ UbéraLeur terrestre, comme un roi politique devant régner sur toutes 
les nations, Hembkol aroir été transport'éBS au Mahdi, 

1^ Es-Siti est l'heure par excellence, l'heure suprôme du jugemeitl derniet. 
Moiilay es-Sda, le Maître de l'Heure, est un des noms donnés au Messie el plus 
souvent au Mabdi. Dana les prières de la liturgie chrétienne, ou troure aussi 
les roots jour et heure employés sans aucuu déterminatif pour désigner le jour 
et l'heure du jug^enaent dernier. 

2) Ei-Ualtdi, le dirigé, le bien den^^. On appelle aussi ce personnage le Fa- 
thêmide (Cf. le Da»idide des Juifs), pour rappeler »on orig"ioe- " De lotit temps, 
dit Ibn Khaldoun, les musulmans ont entretenu Topininn que, vers la consiom- 
matioD des siècles, doit nâeessaî rement paraître un homme de la famille du 
Prophète afin de soutenir la religion et de faire triompher la justice. Emmenant 
k sa suite les vrais croyants, i) se rendra maître des roy&Limes tnusulmanB et 
s'intiiuJera cl-Mahdi. o Prolégomènes, II, 158. Ibn Khaldoun consacre un long 
chapitre à rapporter et k discuter Eea traditions relaLires à cet Atre surnaturel; 
la première Tait un dogme de cette croyance, ear Mahomet a dit : u Quiconque 
est incrédule: i l'égard du Mahdi est un intldèle. « Voi:ci, rapprocbë» et combi- 
nés eqlre eux, les principaux dires du Prophète relatifs à ce personnage mys- 
térieui. « C'est un homme réel descendant de Falhma... Quand mAtoe le monde 
n'aurait plu» qu'un jour 4 ejî&ter, certes, Dieu prolongerait ce jour jusqju'à ce 
qu'y resauseilàt un homme i moi ou un miembro de ma. famille dont le nom sera 
le même que le mien et dont le père portera le niâme nom que mon père..- Cet 
homoie régnera sur les Arabes... A son arrivée, la (erre sers remphe d'oppres- 
sion, d'iniquité et de violence,.. Il la remplira d'ëquilè et de justice, autant 
qu'elle avait été remplie d'iniquité... Il di^livrera l'humanité du polytbéi&me, 
c'est par nous (notre famille) que Ûieu doit achever son ouvrage, de même qu'il 
l'a Dommeucé par nous... Toua les muaulmans devront se réunir s lui, quand 
liien même, pour le rejoindre, ils devraient ramper aur la neige... Il établira 
solidement t'ielamisme sur terre où il restera sept ans el ensuite il mourra... 
Il aura le front Uiisant, le nez aquilin,.. Peod&Qt sou passage sur terre, on 
jouira d'un ibien («I qu'oo n'en «Jamais entendu de pareil; la terre produira 
toute cbase bonne à manger et ne refusera rien; l'argent sera comme ce qu'on 
foule aux pieds et un homme se lèvera et dira : « Mabdil doDne-moi >• el le 



CNE APOLOGIE DE L'tSLAM PAR OW SULTAN DU MAROC 193 

sur lui soit le salut — et il fera la guerre à TAnLé - 
chrisl'. 



M&tidi répondra : m Prends a..,. Pour lui, Dieu versera la pluie... Il hEibil^ra 
JérusAlem... elc. i> 

Gea citAlîons safGsent pour faire le raftprochâOiênL entre l'idée tnahctisLe et 
l'idée mesBiB-nique d'Israël. Mais, si la croyance au Maiidi e&t un dogme pour 
les musulmans, etFe n'a pas pour eui ^'importance qu'a pour les Julta la croyance 
«n la venue du Messie et ib KOril loin d'être, comnie ces damiers, inuDobilisés 
dans l'attente d'un libérateur et d'un restaurateur. On p«ut dire que ta plupart 
des musulmans croient «u Mahdi comme les cbrëliens croient au secoud avè- 
Dément du Christ ; les uns et Icb autree ont réalisé, en Tail, les anctennes pro- 
messËS; la rèTélatioit est clos? dans le christianisme comme dans r'islamisaie. 

1) L'Aatécliriel est appelé par les Musulmans eti-DeddjAt, jLa^jJI l'impoK' 

leur par excellence, ou tacotb tt-Maslh edd-Deddjal jL»-jJI a ■ — ■ J|. le Faux 

Mflswe, Cerlains docteurs eipliquent qu«' le nom de Masili sans qualiûcalif 
s'applique à l'Antéchrist, parce que ce mot peut être Identilïë (?) avec celui de 

ilainauuh pj r- t - qui e&t donne à. un homme ayant un ixit sans paupières n. 
prunelles, infirmité caractétisti'que de cet &lf^ diabolique. La croyance au Ded 
djll, à UQ Antèclirist concret ayant une personnalité réelle, est un article de 
l'ai comme la croyance au Mahdi. i< Ijuiconque, a dit Matiomet, est incrédule à 
Tiïgard du Deddjtill est un JTil3dàle, » Lï description, en termes probiiblcaieiit 
symboli>que3, de ce persoeinage maifaiflanL fait L'objet de plusieurs ffdit où il 
eat parlé égaJemeni de la perHâcutian que le Deddjàl doit Taire subir à l'bucoa- 
nité, avant que celle-ci n'entre dans l'ère de félicité mahdique, qui correspond 
h l'ère de félicité mesBÎanique dea Juifs. « Le DcddjSl, a dit le Prophele. appa- 
raîtra dana un momenl où la foi sera mour'&nte et la science presque éteinte 
(Cf. UaUh.i XXIV, 12, 24). II vi?ra quarante nuîls, pendant lesquelles il par- 
courra la terre. De ces quarante nuits, il en est une qui durera autant qu'un 
an, une autre autant qu'un moi», une autre autant qu'une semaine, et le reate 
autant que des jours ordinaires (Cf. Dan., vu, 25; Apoe., xi, 2, xiii. &). Il 
montera un Ane dont la lëte aura 40 t>ra?se$ d'une oreille à Tacitre. Il dira aui 
gens : c Je suis votre Dieu •>, et pourtant il sera borgne et votre Dieu n'est pas 
borgne. IDfltre lea yeux il pO'rt«rii écrit : K F H, ro^créaul, et tous les croyants^ 
lettrés ou non, liront ce mol. II boira & lotîtes Ire sourcee, aauT à c^lle de la 
Mecque et de Médine que Dieu lui interdira et dont les anges garderont l'en- 
trée. Il emportera avec lui dea nianlagnea de pain et tous ceux qui n'auro'nt 
pas embrassé son parti «eront dans hi misûre. Il Hurti deux fleures que je con- 
nais : l'un qu'il nommera fleuve du paradis, L'autre, lleuve d'enter; quiconque 
entrera dang. le prétendu fleuve du paradis se trouvera en enfer et inversement, 
Dei démons l'accompagneronl, prâebant lea geuB pour les induire en erreur 
(cf. Malth., XX1V. Il, 23, 24; Marc, nu, 22; Apoc. im, 11» 12). 11 fera des 
miracles qui causeront de grandes perturbations dans [es esprits [r.ï. llatl., 
ut Bup, ; Il Tkeii., il, 9j. Il ordonnera ao cie! de pleuvoir, et la pluie lombeni; 
du moine il semblera ainsi ; U tuera un bomme et le resauscitera ; du moins il 



196 



RUVUE D£ L'âlSTOlBE DES RSLICIOKS 



ne descende le Messie en juge équitable pour briser la crois 
etlu&rle pourceau. U établira le Iribul sur les cations non 
musulmanes qu'il aura soumises el il répandra le^ richesses 
avec une telle profusion que personne n'en voudra plus; Il ne 
tolérera plus que l'islam, il sera compté au nombre des Com- 
pagnons de notre Prophète — sur lui le sdut el la bénédic- 
tion I »] 

PluaieurB princes et rois chrétiens ont bien su celât 
lesquels Dieu a dirigés et leur a fait la grâce de les persua- 
der et de le suivre comme te Nedjachi, Roy des Abyssinsi 
tellement qu'il a été mis au nombre des Compagnons de 
Mahomet' . Le Prophète ftTait prié Dieu pour lui et l'avait 
invité à embrasser la religion musulmane, tout de m6me 
qu'il invita aussi César (ou Hératliiis) Roy des Roiim. aïeul 
de ce Roi a la cour duquel vous résidez, Mahomet — sur qui 
le salut soit — ayant écrit à cet Empereur pour l'inviter à se 
faire musulman, il lut sa lettre et son invitation avec ré- 
flexion^ car il possédait, ce grand Prin(!e, toutes les sciences 
les plus profondes ; puis il interrogea îes Arabes de sa cour 
touchant les qualités de Mahomet, touchant ses affaires, ses 
mœurs el les choses auxquelles il invitait 1& peuple el tou- 
chant ce qu'il commandait et ce qu'il prohibait. Ensuite il 
dit : « Vraiment, c'est là le prophète attendu qui a été 



procbe el que la géDèraLion préveote ne pasgerail pas, sans que ces cboses n'arri- 
Tssseol. « En rérilé, je ïqos le dis : Il ;■ en a quelques-uns ici présents qui ne 
go&leront paa ds' la mort, jusqu'à ce qu'ils voient le Pila dertiomme v^n&nt 
dans son royaume. >i Hntth.^ m, 23. V. Ibid., XKiv, 34. 

C^lte croyiince i la venue procha.ine du Mesaie el du Mahdi fuL le point d» 
départ <3e calculs ?l {3e cotnbiiiiLiBoniB duns lesquels s'ejEer^ I& subtilité des 
premiers docteurs de TLSlau. Quuad les années sufcèdftnt aux années eureol 
rendj V'iines toutes Ses prédicUoDS pour la date de La (In des (empa, an inventa 
le jour mohammédkn qui commençaH & In morl: du Propiiête et durait mille aihs. 
Ce fui l'origine du aiUlénansoie musulman. 

1) Ce fal dân9 le dgruver mois de U sixième année dâ l'hègire, que Mahotnet 
envoya un caessa^er eu Abyssin le peur inviter le Nëgu&Â embraader l'islamisme. 
Le Néçua qui, au dire des historiens ara.b9B, était déjà nausulruin de cœur, 
aucueillilavec honri)!ur le ixi4:jsa^er, baisa res-pscLueuseatenl la lettre du )'ro- 
pbète, et fit proression publii^u-e -et rormsite de la foi musulmane. CauBsin dâ 
Percevais fw. ciL, t. lli, p. 190, 191, 193. 



VUE APOLOGIE DE L ISL&U PAR UN SULTAN DU MAROC 



!97 



annoncé par Jésus et il régnera au Ueu de mes aïeux pendant 
deux cents ans. » Puis il tint conseil avec leB principaux de 
son Etat et les chefs de sa secte touchant sa conversion ; ils 
Ërent du tumuUe et se retirèrent comme des Ânes sauvages. 
It les encouragea et les consola et ce par l'intérêt de conser- 
ver la couronne. Et lorsque notre prophète eut appris cette 
nouvelle, il dit : « C'est l'intérôt du Royaume et de la cou- 
ronne qui retient cet ambitieux, car la connaissance de la 
bonne religion est fortement gravée dans son coeur et il est 
persuadé de l'excellence de notre loi au dessus des autres, 
mais il ne peut se résoudre à risquer sa couronne '. u 



1) L'ambassadeur envoyé vers la C^s^r (K^l^ir), empartiiar' dns Grecg (Héra- 
clÎBs), par MaboBieL ns partit que dans la septlâme année da l'hëgire, aprâe la. 
vicloire du Khaïbar, Le meeaager, porteur de la lettre du Prophète inTit&nt ce 
prince i embfaaser L'islaoïisiDe. s'appelait Dihya bea Holaïla et app^rlenajl k 
ta Iribu des Benou Kelb. Hér^clius, raconte Abou l'Fèdu, fit à Dihya iiii« rècep* 
lioQ honomblie, plaça la lettre du Prophète sur un coussîa st y St une ril'poase 
gPttcieu86. Vie de Mahomet, p. 67. On ne voit pas que la miESiân de Dihyâ ail 
dtë suivie d'un autr« réBuItat; le fait de placer la lettre de Mahomet sur un 
câuaiin ae peut être interprété comme la martjue d'un grand respect, et il est 
probable qu'Heraclius «tendu sur des coussins plaçia, suivant l'usage oriental, 
entré deux d'«ntre eux ia lettre que lui râmettaît Dihya. Les hésitations d'Hë- 
radius sur le point de se convertir k l'islaoïisme, auxquelles tait allusioa Muu- 
lay Ismari, Boot rapportées par quelques bislarienB arabes, L'année qui suivit 
l'ambasHade de Uibya |3< de l'hëgire), Mahomet envoya une armée attaquer ua 
prince gba.sBanide qui commandait, sous ^autorité d'Héraclitis, aux A.rabes de 
Syrie; celle armée fut ci>mpl'ètem6nt battue à Mouta, Malgré la victoire de 
reoLpereuir grsc, un dd ses oTâciera, dit-on, qui était Arabe et s'appelait Parwa 
b«n Amr, abandonna le cbrlBLianisine et «e fll masulman. Il Tut arrêté par 
ordre d'Hêraeltus qui voulut d'abord le Taire revenir au christianisme, en lui 
propoatat Je pardon et m^me Bon rétablis 9Bm eut dans sou etoploi. Faifwa ré- 
pondit Sûrement qu''t{i''rac)iuE savait bien lui-méine que Mahomet était le Pro- 
pbëte de Dieu «t que lu. crainte de perdre son rang aupréme l'empAchait seule 
de l« reconnaître & la face de tout l'empire. La mort fut la prix de son opJniA- 
Iwté (Nowaîri el Djennabi.op, CBUSSÎndePerceval).— Moulay Ismaïl, qui faisait 
d'iïêraelliis i'ancttre de Louis XtV, avait la convictioa que la lettre de Maho- 
met ^ c^i emparegr d'Orient était, conservée avec le plus grand soin par les 
rots de France et que cette précieuse retiiifue était la cause de toules les pros- 
pérités de la monarabie frani;iii3e, « J'ai toujours cru, disait ce sultan en 1^77 
à un ambassadeur portugais, que le roi de France, dont j'esticne la valeur, ne 
l>auvait (QBoquer d'avoir de grand» avantages sur ses ennemis... recevant pour 
y parvenir des gr&cee particulières du Ciel, pour la vénération... qu'il porte â la 
lettre qu« n Arà graDt! Prophète écrivit El ses prëdêceBseura, lorsqu'il vivait aur 



498 



BIVUE DE L HISTOIRE DES BBLIGTOBS 



Enfin, de quelque manière que la chose soit, il est certain 
que cette religion est lavérîiahle. la Hanyfyenne', celle que 
Dieu a élevée et dont il a élïibli Mahomet pour inlenJ-int et 
celle qu'il a rendue la plus excellente des Religions. Dieu a 
dît dans l'Alcoran, qui est le livre de nos lois, que Dieu ne 
reconnaît de Heligion que le Musulmanisme et que qui- 
conque en suivra une autre, il ne lui en sera point tenu de 
comple et il sera en l'autre vie au nombre des damnés *. 
Ainsi celui qui fera une sérieuse réfllexion, pensera de bonne 
foi et pèsera les religions à la balance de la justice et de la 
raison, il connaîtra que la Religion musulmane est la véri- 
table religion et que toutes les autres ne sont que fadaiseset 
badineriea, depuis Itj jour que Dieu a envoyé notre Prophète 
après lequel il n'en veut plus envoyer d'autres, et c'est pour 
cela qu'il est appelé le preau des prophètes'. Il sera per- 
suadé que toutes les autres religions sont vaines ou supersti- 
tieuses et que leurs sectateurs seront damnés. 

I& terril laquelle il lient eafermée dans un prtit coCTre d'or^ « Moîielte, (oc. cit., 
p. 238,239. Une autre fois, en 1680, Moulay Isnifiïl fit appeler le Père Jean He 
JéBus-MirJa, Irinilaire espagnol en rÈsideuce à Fe», et lui ■demanda « s'il vou- 
lait cntraprendire un voyage en Franche pour venir demander au Rai une Lettre 
de Mïhoiïiel, qu'il croit qu'on canaer»* encore à Paris,,, et qu'il donnerait 
fin échange tous \eB Français qui ëlaifint dans ses ËIbIs. Le Père s'excusa du 
voyiiR*, sur les gu&rres qu'il* avaient avec nous, ce qui Til que le Roi n'insista. 
pD.B Ha^-antatre. " !bid., p. 28i, 285. En 1699, AMallah bea Aâïclia, l'ambas- 
saJeur de Moulay l»miul aupiès rie h pour d« France, 6t demander àLoi^îsXlV 
comme une ^rAce parliculière qu'il pûl baÎBer et mellre sur sa ISte cette fa- 
meuse lettre. Le rgi lui r«ipondit qu'il n'en avait jamais entendu parler, mais 
<[u'i\ conaentîrail volontiers à la lui montrer, si on la Iraurail dans sa bîblin- 
tbèquç. V. /tfercure i/alanl et Gazette de Praire, année 1639, Thomossy, foc. cH, 

1) La religion hanétienne. c'est-à-dire la religion ortbodoie, celled'Abrahani, 
l'aalixjue lEonoIhéismedont il ne restait plus que quelques sectAteurs en Arabi*>, 
au temps de Mahomet. Cau&aiu de Perceval. loc. cil., l, l, 323-336 et I. III, 191. 

2) " Celui qui trahira sa foiperdra tf {mil de ses /iotin» œuvres et sera lIiuu 
l'autre momie au nombre des malheureux. » Coran, xi.vii, 1 el uii. 7, 

3) D'apirêa une tradition rapportée par Bl Bnulchari dans le chapitre qui 
traite du sceau des prophètes, Mabomel & cEit : « Je auïa à l'égard des prophètes, 
mea prédéceaaeurs, comme cette seule et dernière brique queJ'homiiiB bJtli&sani 
una maison n'a plus qu'à poser en place pour achever saconEtruction. r On 
désigne donc pas l'expression sceau des pro}>hèleg ou par celle de la hriqne le 
personnage qiai a obtenu le don du prophéliatim parfait, — De uiËme qu'il ^ a 
une dernLàre brique qui ccmplëte l'édifice du prophétiEine, il y a une idemiëre 



tTNE APOLOant DK L FSLIM FÂR VJi SVWVt DV ««SOC: 



1\ 



Vu certain grand docteur d'entre les chrélletis voulut 
nn jour connaître les différents sentiments (tes sectiileurs 
des difféfentcs religions pour juger de celle qui t-triit la 
meilleure. Il fit attention à ce que professaient les musul- 
mans, à ce que professaient les chrétiens et à ce que profes- 
saient les juifs, et kl voulut s'informer d'eux par la voie du 
raisonnement. A ret effet il s'adressa à un chrétien et lui 
dit: 

— Quelle est la meilleure des religions, la chrétienne, la 
juive ou la musulmane ? 

— C'est celle des chrétiens, répondit le chrétien. 

— Et quelle est la meilleure de la juive ou de la musul- 
mane ? 

— C'est la musulmane, dit le chrétien. 
Puis le docteur s'adressant à un juif: 

— Quelle est, luî dit-il, la meilleure des trois religions, la 
musulmane, la chrétienne ou lajuive ? 

— C'est celle des juifs, répondît le juif, 

— El quelle est U meilleure, de la chrétienne ou de la 
musulmane? 

— C'est la musulmane, 

Knûn le docteur s'adressa à un musulman. 

— Quelli; est, lui demanda-t-il la meilleure des religions ? 

— C'est celle des musulmans, répondit-il. 

— Et laquelle des deux, ajouta le docteur, est la meilleure 
de la juive ou de la chrétienne ? 

— Elles ne valent rien ni Tune ni l'autre, car la vérîlahle 
et solide religion est celle des musulmans. 

Par ce raisonnement, le docteur chrétien connut en son 
esprit que la religtou musulmane était la véritable, que les 
juifs el Igs chrétiens n'étaient rien et que toutes les autres 
religions n'étaient que pure erreur. Celte vérité est bien 
marquée dans notru livre de l'Alcoran, lorsque Dieu dit ce 
qui suit : 

« Les juifs ont dit que les chrétiens n'étaient pas dans la 

brique qui parachève Tédiflce dfl la Ba^iiLeté. — C'est arec cette acception 
•ymbolique que les soufis Appellent p«rFois Mabomt-t ta brique ti'or tnnrUs 
iiu'ils désignent le Mahdi, le sooau des saints (kha^em el ouili), par l'eiprrâ- 
noo : ta brique chargent. IbnKhaldouo, Im.cU., t. H, 193, I9i. 



303 



HEVOE DE L HISTOIRE DBS RELIGIOVS 



père et il« voire frère à un autre et que vous souffriez qu'un 
Hollandais se soil impatronisê de votre couronne pendant 
Votre vie? Par le grand Dieu! je ne puis souffrir que votre 
maison el voire royaume soient en la puissance el sous le 
gouvernement d'un Holiaudaia, ni d'aiicun autre. II vaut 
mieux que vous abandonniez ce qui vous a cî-devant mis en 
dîfTérend avec votre peuple, car vos sujets croteatque c*est 
une obligation de leur conscience de vous renier, à cause de 
la religion dans laquelle vous leur êtes contraire. Demandez- 
leur excuse, accablez-les d'bonnôtetés aûn de les faire reve- 
nir. Oui, par Dieu je lejure l si nous n'étions pas gens arabes, 
barbares non stylés à l'art morilîme, ou bien si nous avions 
quelqu'un chez, nous <{ui fût habile en cet art et à f|ui nous 
puissions confier des troupes et les lui donner à commander, 
j'écrirais aux Anglais et je vous enverrais des troupes avec 
lesquelles vous ferlez descente en Angleterre, vous rentre- 
riez dans vos biens et remonteriez sur votre trône. 

Mais il y a un obstacle que je veux vous faire savoir, c'est 
qu'il faudrait que vous délogeassiez d'oij vous êtes et que, 
quittant le pays des Franrais. vous vous rendissiez à Lis- 
bonne, pays de Portugal. Voilà que la Reine, épouse de (eu 
votre frère, la Portugaise', est à présent en ce pays là, quoi- 
qu'elle eût voix et autorité en votre Parlement. Si vous étiez 
là, il y aurait moins de distance el de difGculté entre vous et 
votre peuple; il vous serait bien plus facile d'entrer avec lui 
en conférenceetcnajuBtemenl, Mais il faudraitque cela se fit 
en telle manière que les Français n'eussent aucun avis de ce 
que vous tei'iez, car, s'ils s'apercevaient que vous eussiez ce 
dessein et intention, tlsnevous laisseraient pasaller et ils vous 
arrêteraient pour deux raisons : la première, parce qu'ils ne 
voudraient pas que vous abandonnassiez leur religion pour 
reprendre celle de votre nation, l'autre est qu'ils craindraient 
que, retournant avec votre peuple, vous devinssiez leur en- 
nemi et leur fissiez la guerre, et principalement après avoir 
eu connaissance d'eux elde l'excellence de leur pays, car les 
Rots redoutent toujours ces sortes de choses'. 

Ij Calherine de PortugiU, feiuoie de Chadeb II. C'èUH cette princesse qui 
avuil apporté en dot l l'Angleterre la. ville de Tâfig'er. 
2) Louis XIV orientait sa politique en prévîaron de La successi'aD ileCtiarEesIl 



DE L^13ti^^!n OH SDtTAN DD HAROC 201 

à celte félicité. Faites comme César (ou Héracliiis) qui la 
croyait en son âme et en était persuadé et faites choix de 
cette foi tant au péril de votre vie que de vos biens; je le de- 
mande à Dieu de tout mon cœur. C'est là l'affaire concernant 
la religion dont nous avons voulu vous avertir. 

A l'égard de raffalrequi regarde la politique, c'est que, si 
vous voulez rester dans votre religion infidèle, il est certain 
que celle de votre nation anglaise est plus légère et plus 
commode pour vous que l'adoration de la Croix et l'obéis- 
sance à ceux qui donnent un lils à Dieu et dont les moines se 
moquent^ Quel avantage trouvez-vous â vous être retiré de 
votre patrie, éloigné de votre peuple et de vos sujets et 
sorti delà religion de vos pères et aïeux pour embrasser une 
religion autre que celle de votre peuple? El quoîqu'en gêné' 
rai toutes vos sectes soient un tissu d'erreurs et de four- 
voiement, cependant votre véritable secte â voua est celle 
d'Henric* qui est plus raisonnable que les autres qui sont 
embourbées dans l'infidélité*. IL n'y a pas ju&qu'à la reine, 
votre épouse, qui est française qui vous a porté a embrasser 
sa religion et vous vous êtes séparé des autres pour suivre 
3on parti*. Et pourquoi faut-il que vous restiez, chez les 
Français, abandonnant votre peuple et le royaume de votre 



1) V. ci-après p. 204. 

2) L« roi Henri V!ll. 

3) Les musulmans mettent le protestantisme au-dessus du caLEioliciame auquel 
ils r«prûcb6nl l'adoration fies images el le chiite de» s&iats. V. la traduction dç 
la lettre 4^ Moulay hmajl à Jacques II écrite en eapn^nol, p. 204. En 1680. 
Cbaries II ayaot écrit à Moul&y Umall pour lui aDOOticer l'envoi d'un amhaS' 
aadeur charge de né^^cier la paix (l'occupation de Tanger par les An^laiia était 
une cau&e continuelle d'hos-lUilés), le saltan consulta les principaux de sa cour 
sur la question de savoir si, eans coritresetiir ^ui lois du Coran, il pouvait hire 
ua traité de paix avec les Anglais. Ahmar Kheddr>u, te gouverneur de Ksar «1 
Keliir se prononça pour l'arfirmative et entre autre* iDotifs, il mit en avant 
« que la Religion Protestants que les Anglais profassaîenl, les rendait beaucoup 
approcbana de la leur, qii'ila n'adoraient qu'un Dieu et quoiqu'ils crusseal au 
Cbriat comme à son Fils, que toutefois îts n^avaient dans leurs temples ni Croix 
Qi Images ni autres couvres f&ilesltf main d'homme pour les adorer, comme 
faisaient les autres Cliritiens ■. Mouette, loe. eiu, p. 510, 51t. 

4) Jacques II itait èfnoiisé, eti seconde noces, en 1673, une princesse catho- 
lique, Marlede Modène, p«tite-oièce de Maz^rin ; il s'était converti au catboli- 
cisme en 1671, après lamort de sa premièire Iftmme, Aaoe, fille du ctiaacelJer Hyde. 



304 



■EVIIE HE L HtSTOTBK DES RELIGIONS 



donnons ci-après. L'original est écrit sur le recto d'une 
feuille de papier de in&ine formai que celui de laleltre arabe. 
£d lèle de la feuille se lit la formule : 

« Au Dom d'un seul Dieu tout Puissant » . Au dessous de celte 
forniule est apposé le graod cachet ou plutôt le chiffre arabe 
de Moulay hmaït ; puiâ le lexfe suit en ces termes : 

A Jacques. Roi d'Angleterre, que Dieu garde? Le grand 
nombre d'honnêtetés que votre frère — que Dieu aye — a 
eues pour mon ambassadeur et la bonne correspondance que 
nous avoQ8 eue ensemble, tant au sujet de Tanger que 
d^autree afTaires qui ont été entre lui et moi^ m'ont porté à 
vous écrire cette leltre par laquelle j'ai deux choses à vous 
faire savoir; l'une est spirituelle et l'autre temporelle, 

A l'égard de ta spirituelle, je ne croîs pas que vous igno- 
riez qu'il n'y a qu'un seul Dieu et que Jésus Christ est l'âme 
de Dieu et l'ait de son ouvrage comme nous sommes; que ce 
Dieu est tout puissant et qu'il n'a point de compagnon dans 
son Royaume. Et, si vous aviez perdu le vôtre pous une chose 
aussi Juste que celle-là, vous auriez été plus agréable aux 
yeux de Dieu que de le perdre pour adorer des images. 
Erreur si grande que je ne puis m'imaginer qu'elle puisse 
exister dans votre jugement, sachant que Dieu a dit : Maudît 
soit l'homme qui adore les Idoles'. Et je suis dans le dernier 
étonnement que vous ayez abandonné la loi de vos pères 
pour en prendre une pire et non pas pour en prendre une 
meilleure. Cela m'a porté â vous écrire, poussé de compas- 
sion pour que vous preniez une meilleure loi. Et, afin que 
vous jouissiez du temporel aussi bien que du spirituel, je 
vous conseille de passer en Portugal ; vous serez plus proche 
des Occasions de demander pardon à votre Royaume de votre 
faute^ car jamais votre peuple et vos sujets ne trouveront un 
si bon Roi que vous, ni vous ne trouverez jamais un si bon 
peuple. A mon égard, si j'avais sur mer une puissance assez 
forte, je vous secourerais de bon cœur et je ferais tout au 

i) » La plupart [des tiomints] ne croient point m Diçu,'sa7is ntêUr (i mn euUt 
celui des idoles [te culte d^s ttcages eLiussi dea sainis]. Sont-tU donc sirs que 
le chiitimeitt de Dieu ne les enveloppe pes,,, » Coran, m, 106, 107. V. Jbîil., 
ziv, 35:zTiiJ, 102; XVII, 59; iv, 54. fô. V. &&. 



VNB APOLOGIE DB l'iSL&H PAR UN STILTAIf DD MAROC 305 

monde ce qui dépendrait de moi comme vous le verriez. De 
plus le Roi de Portugal ayant été votre beau père', il n'y a 
point de doute qu'il ne vous reçût à bras ouverts, suivant 
l'exigence de votre rang jusqu'à ce que vos [ou nos] accom- 
modements fussent achevés. Certes, si vous retournez en 
votre Royaume, comme j'en prie le Seigneur, nous aurons 
ensemble une paix générale tellement que vos vaisseaux 
pourront venir à nos ports en toute sûreté et sans aucun 
risque et les nôtres aux vôtres. Et il y aura entre nous une 
fraternité réciproque sans aucune sorte de tromperie, ni par 
autre motif que de faire connaître que je ne suis pas ingrat 
des honnêtetés que votre frère m'a faites. 

Recevez donc celles-ci comme une marque du chagrin 
que je ressens de votre malheur, désirant avec plus d'estime 
que qui que ce soit que vous retourniez à votre premier état. 

Écrit le 26 février 1109, c'est-à-dire 1698. 

1) Houlay IsmaS commet uae erreur. Le roi de Portugal, Jean IV, pire de 
l'infaDte Catherine, et beau-père de Cbaxies II et non de Jacques II, était 
mort ea 1666. 

H. DE Castries. 



14 



NOTES SUR LE DOMOVOI 



L'opinion couranln sur la nnlnre du domovot' et sur la si- 
gnificiilion de la vénération dont il jouît en Russie^ se trouve 
Gxcellemmenl résavaûe dans la dernière publication de 
M. L. Léger sur ta Mythologie â]av« publiée d'abordpar frag- 
ment» dïkue la Revue tk V Histoire des Religion». 

Au chapitre qui Iraite des Pénates*, M. Léger constate 
que les anciens chroniqueurs Helmold et Cosmas affii-ment 
i'exi»ttinc& du dieux pénales chez les Slaves de la Baltique et 
chez les Tchèques, el que le folk-Iore de tous leâ peuples 
«laves attente la croyance à de^ dieux domestiques : chez 
Idi linsÀës le dieu domestique est le dkduska domovoi (L'aïeul 
de la maison}; JL a la figure d'un vieillard, se plall dans les 
endroits oJ!i il y a un Teu allumé, prend difTérenls noms sui- 
vant la partie de la maisoû où il réside. Et c'est, suivant 
M. Lé^er, « l'âme d'un ancêtre. Toute maison doit avûir 
itûii domovoï; une maison nouvelle n'en a pas; elle n'eu a un 
que lorsque le premier palrou est décédé. Le paysan qui dé- 
ménu^^e invite le domovoï à venir habiter avec lui dans sa 
nouvelle résidence, tl lui adresse des invocations, il lui ofTre 
dos sacrifices. 11 est protégé par le domovoï de sa maison; 
en revanche il redoute le domovoï du voisin qui vient lui 
voler son foin ou sa volaille. » Et M. Léger renvoie à Ralston 
et !\ Macbal. 

On le voit, M. Léger assimile bien les domovoï aux pé- 
nates elles considère comme des âmes anceslrales. Or, dès 

i) Prononcer : jEjjïioi''^. 

2) A. H. H., 1900, mara-aml, pp, 150-152. 



NOTKS .SDH LK DOHOVOÎ 



201 



qu'on examine plus e& détail les documents sur le domovoï, 
OD constate que sa nature est beaucoup plus complexe eL l'o- 
rigine de son culte plus diverse qu'il ne semblerait d'après 
le résumé ci-dessus, où se manifeste rinfluence classique de 
Grimm, d'Afanasiev et en général de l'école mythologique. 
L'assimilation des domovoï aux pénates latins, aussi ancienne 
que les chroniqueurs ilelmold et Cosmas eux-mêmes, a été 
admise par les liisloriens des religions du sibcle dernier et 
a passé, en quelque sorte, à l'état de dogme. Et cepeudaat 
Afanasiev seul fournit déjà précisément dans les trois vo- 
lumes de son excellent recueil sur les « Conceptions poé- 
tiques des Slaves' » tous les éléments nécessaires pour une 
élude relativement détaillée de la notion du domovoï chez 
les Russes. 

Je me contenterai de citer Afanasiov, en le complétant par- 
fois à l'aide de documents publiés postérieurement, mais 
Sans prétendre k épuiser un sujet qui mérite d'être repris à 
Fond, et comparalivemeut. 

Avant de classer les faits, je citerai in extenso, un docu- 
ment intéressant, parce qu'il montre nettement combien 
sont diverses, contradictoires même, les opinions sur la na- 
ture et la forme du domovoL. M. A, Zvonkov* a étudié tout par- 
ticulièrement un coin reculé * (entre les rivières Oka et 
Mokcba) du district de lelatma, gouvernement de Tambov : 
<' Le domovoï est un des êtres démoniaques les plus aimés. 
Selon les uns, les domovoï sont les ancêtres du clan (rorf) 
maudits par Dieu pour une durée limitée, non admis dans le 
sein de la terre. Le domovoï est condamné pour plusieurs 
années à servir de manoeuvre aux membres du même clan et 
à chaque mort d'un chef de famille il prend la forme du dé- 
cédé. Le domovoï vit au grenier; à ceux qu'il aime iJ peut 



1} Ptieticeshiju V'urenja SlauiVin nu Prirodu. Moscou, 18B5, 3 vol. 8». 
'i)<Jcefh wruvanji krcstjian Eiuiombhagù \iaz.'lii Tambovikaj Gubemii, Ki- 
nogr. Ot^ofr. Liv, 11 a«»9;, PI'- f^TI, 
3) Oll les anciennes croyauiws se fioat coDscnrÉes admiraljlecaeQ.t {ibidttii. 



Faire cadeau d'an « chapeau qui reod innsible» de bottes de 
sept lieues «Id'un rouble îochaogeable ».UAsu\'ÉeaaOBÛeài>- 
mettiqae. îl prend particulière ment êorn des cheraiu : ceux 
qui ODt le poil de U couleur qui ïm pUli, il leur donne de 
l'avoine qu'il a volée; les antres, îl les loaraienle, en lesche- 
TaoclianL de ouil, eu leur relirant lenr nourrilure, en ridani 
leur auge. U lu Ile sans merci ni Irève avec les roosalkas 
(fées, esprits féaiiDÎDs} de^ champs quand elles s'approchent 
des mai»008 pour abîmer les légnmea et répandre les graiiis 
engrangés. 

w Le domoroï est un être impur. înTÎsible, qu'on ne peut 
connaître que par le loucher. Dieu a ordonné qu'il ne pût 
voir ni les gens, ni la lumière du jour. C'est pourquoi p«r- 
soane ne peut le voir, et qui le voit, meurt ou devient muet. 
On dit qu'il a L'air d'un ours, mais avec une plante des pieds, 
des mains el une IMc humaines. En sa qualité d'être dé- 
moniaque du clan {rntiovfiie). le dumovoi ne se trouve pas 
dans toutes les Tenues. Par exemple à Temireva (village de 
Fauteur) on en compte 10^15, pas davantage. 

« On aime beaucoup le domovoi : on met à son intention 
du pain cujt et des crêpes sous l'avant-toit. Rares sont ceux 
qui osent lui reprocher des désordres daas Téconomie do- 
mestiqjue : en ce cas, par exemple, on suspend une lanterne 
h la crÈche, on ouvre une lucarne qui laisse enlrer la lumière 
du jour, on accroche une tële d'ours, ou bien, si les bestiaux 
sont malade», on leur donne à manger du foiu h. l'odeur d'en- 
cens : alors le domovoï se met en colère, sort en hâte de la 
cour et abîme tous les ustensiles domestiques qu'il trouve 
Mur son chemin. 

« On racûntu beaucoup de choses sur l'union des domovoï 
avec les jeunes femmes de soldats [partis au service de sept 
ans] et avec les veuves. Les enfants [de ces unions] meurent 
avant qu'on n'ait pu les baptiser et vivant dans la cave, et 
derrière le poôle, ou dans la petite niche du po6le. Souvent 
aussi c'eRt là que se produisent les rencontres entre le do- 
movoï et le serpent : dès que celui-ci se pose sur la maison 



HOTES SDR LE DOMÛVOl 



209 



et pénètre par la cheminée dans la salle, le domovoï se jêtle 
sur loi et une lulle terrible s'engage. Kt jamais le serpent ne 
serait le plus fort, s'il ne connaissait ranalhème jet(! sur le 
domovoï [ne pas voir la lumiferej : il lance du feu par la 
bouche, et aussllùt le domovoï disparaît. 

« Ce n'est que depuis peu que le domovoï se tient au gre- 
nier : il n'aime pas les maîtres de maison actuels, qui ne 
s'Ofcupent nullement de leurs affaires. Autrefois il vivait dans 
la s^alle et dormait à côté du maître ; c'est pour lui qu'on in- 
stallait cl qu'on installe encore la kazèiûa (petit banc prfes 
du poêle) qui est un endroit impur [= tabou] où l'on ne doit 
déposer ni pain ni croix ». 
La comparaison de ce document avec le résumé de M. Lé- 
îr montre que le domovoï est un être assez complexe qui 
n'est pas seulement un ancêtre de famille mais parfois un 
ancêtre de clan : c'est pourquoi il ne s'en trouve pas dans 
K toute maison ». Mais ce qu'il y a de plus intéressant, et 
c'est là un fait dont on n'a pas jusqu'ici tenu compte suffi- 
samment, c'est que le domovoï n'a pas forcément une forme 
humaine; il ressemble parfois à un animal, à. un ours dans 
le district de lelalma, à un cheval ailleurs, et il s'occupe 
spécialement des animaux domestiques. C'est parles rela- 
tions du domovoï avec le monde animal que je commence- 
rai celle courte étude. 



I. — Le domovoï et les animaux. 



a) Serpent. — Je n'insisterai pas sur les relations du do- 
movoï et du serpent, car elles ne se rencontrent guère que 
chez les Russes Blancs', lesTchèques\ en Lilhuaniê et eu 

1) Afanasier, iae, nt,, IIj pp. 70-7i ; 540; DemidoTitch, Elnogr. Oh'jir. 
Liv. XXVUl, pp. Ï18 sq. Le domoTOf est nommé par eux tsmok-dûmuvik 
= damovoï-serpent. 

2) Afanasier, Joe. Cil., II, 541 : Aud-AospoiIdnA = dçrniçvoï-set^mt. Les 
Tebèquea avaient aussi un donumoi'grenouilif. 



aïo 



BirV-EC DE L'HISTOniK DFS BEï-IGIOWS 



Pologne'. Cependant les paysans russes contemporains re- 
gardent comme un bon signe qu'une couleuvre vienne de- 
meurer dans leur chaumière et lui donnent du lait; tuer un 
leiserpeulestle plus grand descrimes'. Les serpents élaienl- 
ils des totems ou l'incarnation d'âmes ancesiraLes? C'est ce 
que des recherches nouvelles seules détermineront; en tout 
cas la théorie de Frazer sur l'âme extérieure s'applique aux 
domovoi-serpents des Tchèques. 

b) Cheval. — Outre le Ismok, les Russes Blancs ont encore 
d'autres domovoï, par exemple le yaviliï et le bagan. Le vasAa 
est le protecteur des chevaux; on se le représente sous forme 
humaine^ avec des oreilles et des sabots de cheval; il vit dans 
l'écurie*. Un peu partout, en Russie, le domovoï est consi- 
déré comme éprouvant une passion spéciale pour les che- 
vaux'. Dans certains districts du gouvernement de Voronège, 
quand on amène à la maison un cheval qu'on vient d'acheter, 
on le laissr- aller sans bride par la cour; le domovoï saura 
bien, pense-t-on, lui choisir une place convenable; on bâtît 
l'écurie là où le cheval s'arrête j c'est pourquoi on change 
souvent les écuries de place. Dans d'an Ires gouvernements, en 
faisant entrer un cheval nouvellement acquis dans l'écurie, 
on s'incline vers chaque coin en criant au domovoï : « Tiens, 
domovoï, voici une léte poilue, aime-la et nourris-la bien* »l 
Dans le gouvernement de Toula le domovoï passe presque 
tout son temps avec les chevaux, animaux qu'il préfère, et il 
loge sous l'auge: mais si la famille n'a pas de chevaux, illoge 
au grenier, derrière la cheminée ou dans le hangar au foin \ 
Parmi les chevaux, il en est que le domovoï prét'fere : il leur 
tresse la queue et la crinière et leur ondule le poir. Le plus 



1) Afa-oasiev, im. «ij )t. 634. 
2Utidem, in. p. 450. 
3}fbJ(Jem, II. p. 72. 

4) Ibidem, p, 73. D'où l«s noQts de koniu^nxh (à« ftom'usn'a, Sourie), de 
tahunnik (de tabvn, troupe de cheTaux)^ 

5) Ibidem, p. 73. 

S) K. K&Iein, Etnogr. OboLr. Liv. XLTI (1899, n" 3). p. 29. 
7) Afanssie», toc. ciL, l, p. 631 ; H, p. 73, 



noTis son le oohovoT 



21i 



souvent le domoToï préfère les chevaux d'une certaine cou- 
leur, comme ou \ù vfirrà plus loin. 

c) Bétail. — Parfois le domovoï préfère les bestiaux^; nous 
avons vu que chez les Russes Blancs le vasi/a s'occupe des 
chevaux; le bagan, lui, a sa place spécialement dans tes 
élablesel bergeries; il soigne avec amour les bêtes à cornes'. 
Dans le district de Solvycegodsk (g:ouvernemenl de Vologda) 
le domovol se notnnie soit batamuski^ soît « le nourrisseur de 
bétail w el vit toujours dons l'étable '. Ailleurs le domovoï aime 
beaucoup les chèvres et pour apaiser un domovoï en colère ou 
l'amènera serendre visible ou bienfaisant, îIsufBl, en accom- 
plissant certains rites magiques, de s'engager à toujours 
avoir une chèvre à la maison*. C'est encore sur une chèvre 
que le domovoï aime à se promener la nuit*. Pour apaiser 
un domovoï irrité il suffit parfois d'enterrer un crâne de 
chèvre devant la maison, ou de brûler du poil de chèvre, ou 
d'introduire dans les fentes de Tenclos et des murs de ta 
maison des morceaux de peau de chèvre avec ses poils*. Un 
paysan du gouvernement de Toula raconta HKol&in^ que tout 
un automne son domovoï s'était promené sous forme de 
bouc. 

d) Volatiles. — Le domovoï aime beaucoup les animaus 
de basse-cour. Quand on sacrifie une oie au vodianoï (esprit 
des eaux}, il faut conserver la lÊle et la pendre dans la coup 
afin que le domovoï ne s'aperçoive pas de la disparition d'une 
de ses bétes et ne se mette pas on colère '. Ce n'est pas tant 
aux oies, d'ailleurs que le domovoï a'attacbe, qu'aux poules 
dont, en maints endroits de Russie, il est le protecleur atti- 

\) « Principale richesse dpa peuples pasteurs i>, dit Afanasiev, Laissant en- 
[ tendre àin« qu'il admetlAît l'exisLence ancieoDe de Husscs pasteurs et proba- 
fblamenl une sorte <9e cuile du bétail. 

2) Afanasie», lac. «(., Il, p. 72, 

3) iT&nitskji, Zivaja Starina, 1898, p. 09. 

4) AfanAAiev, ibidem, pp. 108-109, nût$. 
5J ibidem, p. 73. 
6) Ibidem, p. lOS. 
1)L<Mî. riï.vp. M. 
S] Atsn&steT, Xoc. dt,. II, p. 88, 



a» 



■■TCB DK L^HISTOntE DES TtELXGIOTTS 



trA:c*esteiil^OQneardn domovoî^àce quepens^ Afanasier*, 
que se célèbre le 1" novembre la Fête deà Poales {Kurinye 
iWMiii'n^]* L'animal à «ftcrifier de préférence au domovoï esl 
le coq' dont le cri, si redoutable aox antres esprits impurs, 
ne l'effraye nullement*. 

Dons le gouTeroemenl de Perm* quand on change de mai- 
son, le chef de famille fait entrer devant tous, dans la nou- 
velle demeure, un coq et une poule^ et l'on attend pour péné- 
trer dans la maison, que le coq ait chanté. Ailleurs on iutro- 
duil dans la maison les icônes, un coq, une poule et un chat. 
Je ne citerais pas ces faits si Afanasiev n'y voyait la survi- 
vance d'un ancien sacrifice au domovoi lors du changement 
de demeure* alors qu'il n'y faut voir qu'un de ces rites pro- 
phylactiques étudiés, entre autres, par Sarlori dacs son tra- 
vail sur le Bauop/'er (sacrifice de conslructioD)^, 

Dans le gouvernement de Toula il existe un mol spécial, 
celui de kudem pour désig;ner le rite, accompli par le sor- 
cier, consistant daus le sacriâce d'un coq au domovoï afin de 
l'apniâer*. 

U. — Forme do domovoÏ. 



Si Ton veut avoir une idée nette de l'origine du domovoï, 
il faut chercher sous quelle forme les paysans russes se le 
représentent. Or les avis sont fort partagés sur ce point. 
Tantôt on s'imagine le domovoï sous une forme humaine, 
tantôt sous une forme animale ou demi-animale. 

I) JbùJtrm. p. 107, 

î) Ou : Surjacji praidnik; et. sur cette eérëmonia Booiiellej AfimasiaT. loe. 
«I., 1. p, 46S. 

3) ibi-irtit, II, p. 106. 

4) Ibititm. p. 107. 

^ IMikm, p. 117. Âfanaeiev ne diL paa b"iI &'agil des Russes de ce g^ouveme- 

Mil 011 dts PermiçDs, Zyriènas, VogOules, etc. 
^ Ikidem, pp. 110, 118 «( note. 

T) ttHschrifl far EthnolùQie, 1898, pp< i-54 et noUmment pp. 22-23. 
!^ Wtoariev, foc. ri(., IIl. pp. 423-4. 



SOTES SCR LB DOMOVOl 



213 



a) Forme humaine. — Pelil vieillard en chemise rouge*; 

Vieillard grand comme un enTant de cinq ans, en chemise 
rouge serrée k l'aide d'une ceinture bleue, visage ridé, barbe 
blanche, cheveux jaune sale, yeux comme du feu (gouv. de 
Vialka)*; 

Pelil vieillard chevelu à longue barbe (Russes sibériens); 

Vieillard Irapu, do petite taille^ en petite veste courte ou 
en caftan bleu, avec une ceinture rouge vif, ou en simple 
chemise rouge sans ceinture; barbe grise ondulée, cheveux 
longs et retombant sur le visage, voix rauque et sèche (un 
peu partout en Russie)' ; 

Un ramoneur qui ne craint pas le gel* ; 

Semblable au maître de la maisoa ou k un des membres 
morts delà famille'; 

Absolument identique au chef de famille, dont il porte 
hubituellemenl les vêtements, pour les déposer dès que le 
maître en a besoin*. 

C'est d'ordinaire sur celle dernière conception, qu'Afa- 
nasiev semble donner comme générale en Russie, qu^on s'ap- 
puie pour afOrmer le caractère ancestral humain du domo- 
voi et pour expliquer les termes amicaux de khozîain (matlre 
de maison), kitoz'iàinuiko (petit matlre de maison). 

Chez les Polonais le nom de krasnotudek (l'homme en 
rouge) s'applique aux autres conceptions. On sait que chez 
les peuples germaniques le petit protecteur de la famille et 
de la maison est de même, le plus souvent, habillé de rouge. 
Et il serait intéressant de comparer à ce point de vue les 
croyances slaves avec les germaniques. 

Même sous sa forme humaine, le domovoï n'est pas conçu 
partout en Russie de la même façon, et à la courte énuméra- 

i)Afana8ie7, foc. nl.^It.p. 71. 

2) Ibidem, p. 92. 

3) Ibidem, pp. 84 &(\f\. 

4) ïbi'Um, p. 69. 
5)I6i(fCTn, p. 83. 
6) îhidtm, p. 97. 



244 



RETIIE tS t HISTOIRE DES RELIQlOnB 



lion donnée ci-dessus d'après Afanasier on pourrait certai- 
nement ajouter encore. Mais il vaut mieux examiner quelques 
cas de forme animale du domovoï. 

A) Forme aûimaleet semi-animale du domovoû — Dansledis- 
drict de SohyCegodsk, le batamuiko ne se montre jamais que 
sous la forme d'un chat' ; et dans le gouvernement de Toula, 
la forme prér^rée du domovoï est celle du chien et du chat'; 
d'une manière générale, le domovoï peut se présenter sous 
la (ij^Lire de toutes sortes d'animaux'. 

Très souvent encore c'est une manière d'êlre liumain 
recouvert d'une épaisse fourrure, ce qui le fait ressembler 
aux esprits des Lois, disent le? uns*, à un ours, disent les 
autres'. Dans le gouvernement de Voronège' on affirme 
que môme les paumes des mains et les plantes des pieds 
sont couvertes de poils, et qu'il n'y a d'endroits nus qu'au- 
tour des yeux et du nez ; dans le gouvernemenl de Toula 
on dit que les domovoï sont « aussi laids à voir que des ours ; 
leurs bras et leurs jambes sont couverts entièrement de 
poils; leur tête ressemble à celle d'un homme et porte de 
petites cornes; ils sont munis d'une queue naturelle; il 
en est de rou\, de noirs et de blancs' ». D'autre part nous 
avons déjà vu que ie vasiia est un être humain à sabots et à 
oreilles de cKeval, et que le tsmok est un domovoï-serpent. 

Ici encore il serait facile d'augmenter le nombre des cas ; 
ceux-ci suffisent pour démontrer que la petite divinité do- 
mestique n'est pas toujours identique à un être humain; 
c'est parfois une sorte d'animal qui protège uue famille hu- 
maine. 

Si maintenant on recherche en quels lieux de la maison le 

1) [vanilskji, ioc, ciC„ p. 69; cP. encore Afanaaiev, I!, p. US, 
1) Koltin, loi;, cit., p. 31. 

3) Gouv. de Toula : l^olcin, iùidem. pp, 30-3i ; gouvernemeTit de VoFonftge, 
Etftogr. Stiomik VI, p. 147, 

-i) Crpyanciî très répandue ; Afeoasiev, ipu. cit., II, p. 7*. 

5) Zvaakoi, loc. dt., p. 77. 

6) AfanasieY, ibidem, 

7) Kol«in, ioe. àt. 



NOTES SUR LB D0M0V01 



domoroï réside, od constate de nouveau une assez grande 
complexité. 



III. — Résidence dd domovoL 

Il no faudrait pas croire en effet que l'unique demeure du 
domovoï soil le foyer, le poêle. « l'endroil ofï il y a un feu al- 
lumé ». Nous avons vu en effet cerlains domovoï résider 
dans rétable, dans l'écurie, dans la bergerie, au grenier 
[ferdak), dans le hangar; ceux qui protègent les poules vi- 
vent darrs le ponlailler. M6me dans la maison, la place du 
domovoï n'est pas fixe : tantôt il loge dans la niche du poêle, 
tantôt dans la cheminée du poêle; ou bien il couche sur le 
petit banc appelé kùzenka. Sans doute Afanasiev considère 
tous ces cas comme des déformations. Il affirme qu'en rè^le 
générale le domovoï habite partout oh il y a un poêle et uni- 
quement \k : dans la salle, dans la chambre de bains, dans le 
séchoir a grains ou ovin, danslo cellier'. Mais voici comment 
pensent les paysansde Toula* : «Le domovoï aime beaucoup 
les chevaux et demeure parfois cous l'auge; quand il n'y a 
pas de chevaux, le domovoï va s'asseoir au grenier contre la 
cheminée, ou va dormir dans le hangar à foîn i en hiver il se 
glisse sous le poète et vit là, ou bien s'installe près du seuil 
ou sous un angle delà maison. » Si donc le domovoï vient 
auprès du poêle c'est qu'il craint le froid. 

En admettant cependant que ce document ne puisse O^tre 
invoqué parce que datant de 1892, il reste qu'Afanasiev lui- 
même cite un cas bizarre de détermination du logis du 
domovoï par un sorcier. Dans le gouvernement de laroslav. 
le sorcier du village délimite un emplacement dans ta cour 
à l'aide de petits bouts de bois: il dépose à cet endroit un 
gâteau, du pain et du sel et appelle : « Oh! loi, petit parent, 



1) Ar&naBÎev, toc. cit., [î, p. 89 at 72. 

2) Kûlcin, lix, cit., p. 29. 



2Ï6 



REVUE DE L HISTOIBE DES RBLIGTONS 



nourrisseur, petit pfere ! » Puis il prend le gâteau et s'en ya*. 

Si le domovoï 6lait par essence un anc&lre prolecteur at 
fâché au foyer ou 'i la partie de la maison qui primitivement 
abritait le foyer, comment se fail-îl qu'un sorcier puisse im- 
pérativement, non seulement le faire venir k demeure, mais 
même lui désigner un doinicite et cela non pas dans la 
maison mais dans la cqur?On pourrait, il est vrai, prétendre 
que les ancienoes conceptions ont disparu ou plutfit se sont 
transformées sous rinfluence du christianisme. Encore fau- 
drait-il analyser de près les phases d'une évolution de ce 
g^enre, où l'esprit ancestraJ indépendant, primordial, devient 
une sorte de vagabond soumis à la puissance d'un sorcier. 

Quoi qu'il en soit, suffisamment de documents existent qui 
prouvent la nécessité d'une enquête nouvelle et approfondie 
sur les domiciles des différents domovoï. Et je ne fais pas ici 
allusion seulement aux domovoï tels qu'on les conçoit en di- 
verses régions de Russie, mais surtout aux domovoï qui ha- 
bitent la même maison ou la même ferme. 



IV. — Noms et nombre des domovoï. 



On écrit en effet souvent qu'il n'y a qu'un domovoï par 
maison; mais cela n'est vrai que très rarement. D'ordinaire 
il y a un domovoï pour chaque partie de la maison : côte à 
côte coexistent chez les Russes Blancs le tsmo/c qm vil dans la 
chambre commune, où se trouve le poêle, le vasiia qui vit 
dans l'écurie^ le bagan qui vit dans Tétable ; ailleurs on 
trouve ensemble le domovoï ou âomovik (dans la maison), le 
dmrovik (dans la cour), Iç^bannik (dans la chambre de bains], 
ie gumennik (dans la grange appelée gumno)^ elc. 

Il ne faudrait pas croire que ces noms de ôannik^ gumennik^ 
etc-, ne sont que des épitbètes s'appliquant au même esprit 
protecteur. Ce sont de vrais noms désignant des &lrea 

1] AfanaBiev, ;oc, cit., II, p. 72. 



nOTBS StTR tE DOMOVOÎ 

distincte; certains de ces noms se comprotinetit âisémenl, 
d'autres comme ôtf^flmW^i s cU\ lhun\ etc., sonlassez ob- 
scurs et d'étymologie diflicile. 

En ce qui concerne les noms d'appel et d'invocation 
comme dèd, dèduJka {aïeul, petit aïeul), etc., je ne puis que 
renvoyer au résumé de M. Léger, en faisant observer toute- 
fois que leur valeur de sigDifîc.atioR religieuse est bien dimi- 
nuée, en tout cas bien transformée, par les faits cités ci-dessus. 
Os ne sont d'ailleurs pas employés partout en Russie; le plus 
souvent on appelle le domovoï à l'aide des mots ôrt/JwiA-tz (petit 
père) ou klwz'miuuika (petit patron). Les mots dzèdt/, dziad^j 
désignent parfois simplement les Morts et non pas uniquement 
les morts-appareutés; le diminutif dèduika (petit aïeul) sert 
non seulement pour le domovot, mais également pour tous les 
esprits, ceux des bois comme ceux des eaux' qui n'ont (évi- 
demment aucun caractère ancestral. Enfin une appellation du 
domovoï, celle da sosèd, susèd/co (voisin, petit voisin) est un 
terme d'amitié qui n'a pas, je crois, l'importance sociale ni 
raattquilé que lui assigne AJanasiev' alors qu'il prétend que 
ce mot nous reporte au temps où tous les membres d'une 
même famille vivaient dans le même village, côte à côte ou 
mieux, si je puis dire, cour à cour. 

Nulle part il n'est dit qu'une maison ne possède yu'un 
seul domovoi; en revanche, en maints gouvernements on 
pen$eque le domovoï a femme et enfants"; tel n'est pas le cas 
daos la partie du gouvernement de Toula étudiée par M. Koi- 
6in^; là le domovoï n'a pas de famille; mais certains êtres 
soumis à ses ordres vivent dans diverses parties des communs, 
dans les greniers, les granges, etc. Peut-être ces domovoï-su- 
bordoDQés répondent-ils à ces maliutki'mitr^ doal parle Afa- 

1) 7i7aj& Slarina, ISSS, p. €9. 
2)aiJçm. 1890, I, p. tl7, 

3) Afanasieï. loc. cit., I, p. 728. 

4) AFanaBiev, loc. cit.. Il, p, 345. 
b) Ibidem. Il, p. 78. 

6) Ibidem, II, p. 81. 

7) toc. cit., p. 29. 



»9 

âetmorU: 

tt arrire loaTenl qae l« drrer» ilu^inni 'i 
hatteni, caqui nuit iafioifflenl la km ordre 4es. 
WMtînmf»; oo bieo dMdomoTolétmigêr«6tMieat de péné- 
trer d« rire force duu la maiioa, K>it poor s*y éUUB-fSotl 
ififl de loatl>riferet«bImer;c«8 lattes àootfféq*eBteseBtr« 
Im domoffiH de nwitoDft appartenaot à diver» membre» d*Bae 
même famille. Rnfio toote maison abandonnée poarqaelqoe 
caïue que ce loit est aasaîtAt prise d'assaal par on domoroî 
00 par pliuîeura qui »e battent afin de s'emparer de ce ^le 
délaiMéV Or, dam tous ce« ca» on oe conçoit pas très bien 
qne ces domovol nombreux et eaDemis &oieal uuiquenienl 
deaftmei ancealrales; pourquoi cd effet des dieus-ancélres 
M baltraienl-ilii, tâche raie ni- ils de se nuire réciproquement 
et mémo iteraient-iU des f^ortesde va-nu-pieds sans abri? 

A fMia question et auï autres déjà posées on ne peut ré- 
pondre qu'en admettant la complexité de nature da domovo!. 

AcluuiJemerit^ h mon avlii, le mol de domovoi sert à dési- 
gner ded J^lrûK de nuture liumaine et noa-bumaine, d'origice 
et de qu'dité» divcrBOH. 

Une premijjre classe de domovoï serait celle qui a pour 
domicile le foyer; c'était peut-être aussi, h l'origine, une 
torte de divtnilôdu feu, le feu étant considéré comme le 
rt'jctiptai^le viitiblo de l'ilrne du clan; on trouve encore par-cï, 
par-là doH vuMiges de Tune ou Tautre des qualités de ces do- 
movoï, et c'est principalement à eux que se sont intéressés 
AlHimsiov, M. Léger et d'autres. L,es domovoï de famille elles 
douiovuï deB dépendances immobilières (séchoir, chambre 
de bains, etc.) seraient une déformation de ces esprits protec^ 
leurs du clan. 



1) Cf. Ahaivitv, (oc cit., Il, p. Si el surlout lOO m>\. Les relKtions entra 
lu domovol 8t IvB Biarai nml ttucore ù. éluilier <lo [m'ès. 
ï)K(ilriii, ton. f-it., p. ï«. 

9) Aftniiiior, bw. oit., pp. tM-W. 



NOTES SUR LE D0310V01 



219 



D'autres puissances surnaturelles inférieures seraient sim- 
plement des esprits des morts, sans gîte ni parents précis; 
ce sont des esprits acocymes, loujonrs nuisibles h moins 
qu'on ne réussisse aies rendre inoffeiisifs au moyen de rites 
magiques de coercition etdê propitiation. A l'origine indé- 
pendants des vrais domo'voïjls leur auraient été ensuite ideu- 
ttfiés, grâce surtout à l'influence chétienae qui mettait toutes 
les divinités antérieures sur le même plan en l^s dénommant 
M impures » et « diaboliques ». 

Enfin on a encore confondu avec les domovoï, jusqu'à les 
leur assimiler, des puissances d'origine différente. Les an- 
ciens esprits protecteurs des récoltes, des bestiaux, des che- 
vaux, des animaux domestiques de tout ordre se sont vus do- 
mestiquer à leur tour et nommer domovoï. Les domovo'i des 
étableSj ceux des écuries el du poulailler, ceux des greniers 
à grains et des hangars à foin, possédaîenl anciennement 
leur vie propre et recevaient des hommages spéciaux dont 
quelques restes survivent encore par endroits. 

Mais la classe la plus intéressante est celle desdomovoï- 
animauK, eux aussi h l'origine protecteurs du clan, souvent 
incarnation d'une mullilude d'dmes. Actuellement les souve- 
nirs de l'ancienne forme animale de ces esprits protecteurs 
sont déjà, fortement effacés. Tout au plus saît-on que ce genre 
de domovoï ne se montrent jamais sous forme humaine, ou 
hîen qu'ils sont couverts de longs poils, ou qu'ils ressemblent 
à un ours ; il faut noter avec soin qu'on ne dit point de ces do- 
movoï qu'ils ont le pouvoir de se métamorphoser h volonté an 
toutes sortes de bêles : ce sont bien exactement des bètes à 
allnres et à intelligence et, de plus, à âme humaines. De leur 
ancienne forme animale ils ont gardé celle prédiledion bi- 
zarre pour telle ou telle couleur de poils chez les animaux 
confiés à leurs soins, et où je crois pouvoir reconnaître l'ultime 
déformation de leur propre animalité. Chaque domovoï, de 
celle classe bien entendu, a sa couleur de poil préférée : l'un 
aime le blanc on le grJs, Tautrele noir, etc. Nombreuses sont 
les histoires de paysans dont la fortune périclita pour avoir 



ÎSO 



nVTK DC L HISTOUB DES WTliarWW 



amené à la maison de* cbet'aox. des bestiaoi, det poules, des 
duls d'une couleur odieuse au domoroL On connaît beoreu- 
•emeot des moyens pourdéWi^Der la couleur que préffere 
chaque domoTol *. 

Une dernière particularité des domoToï d'origitte animale 
Mt qu'ils muent à cerlaiof*& époques de l'aimée ; à ce mo- 
ment ils s£ mettent en colère, s'altaqaent à loul et à tous : 
récoll«», hommes, bêles. iU n'épargnent rien, mèm^^ pas 
leur» animaux favoris*. C'est surtout le 30 mars qae certains 
de ces domovoï sont terribles : dès que le coq a chanté, 
ils se mettent en furie^ ne reconnaissent aucun des habitants 
de la maison, battent les chevaux, mordent les chiens, re- 
poussent les vaches de leur crèche, triâenl la vaisselle, etc., 
tout cela parce que, disent les paysans : a en été il perd sa 
vieille peau » (i/"«ra), ou bien parce que « la folie le prend ». 
ou bien parce que « ils ont envie de se marier avec des sor- 
cières » •. 

Ajoutons, pour terminer, que parmi les pratiques magiques 
destinées à apaiser le domovoï irrité, celles qui consistent à 
suspendre des cadavres ou des membres animaux sont répu- 
tées comme très puissantes. Ces animaux sont Tours, la chè- 
vre, le faucon, la pie, etc. *. 

Je crois que l'origine animale de toute une classe de do- 
movoï ne saurait maintenant être mise en doute. Mais une 
question se pose : ces domovoï sont-ils les descendants éloi- 
gnés, presque mécoanaissables, d'anciens totems? Actuelle- 
ment il est impossible de répondre par l'affirmative ; il serait 
d'ailleurs également prématuré de nier. La question est à 
étudier à l'aide de documents nombreux et précis. A qui 
voudrait entreprendre Cé travail intéressant, on ne saurait 



1) AfanaaiBs, he. Ht,, II, pp, OO-OT. 

2) Ibiiiem. 11,07-103. 

3] tbidem, II, p. 104. Oa n« peut se conlenler de l'explicalioD naturiste 
(soItLirei) d'A1'anasi«v ni assintiler les domovoï aux vodianoï (e^priU des eaux) 
qui Tont déborder lee rivièree lors de la foDlQ des neiges, 

4) ArasuieT, lûc. cit., Il, pp. 108-liO et poêtim. 



HOTES SUR LB DOXOVOÏ 221 

trop recommander de localiser exactement les faits et, si 
possible, de dresser des cartes donnant l'aire de chaque 
croyance considérée isolément. II faut avant tout se garder de 
généraliser trop vite afin que le risque soit moins grand de 
confondre les biens des Slaves avec ceux des Germains et 
surtout avec ceux des Finno-Ougriens, antiques occupants 
du sol russe. 

A. VAH Gennep. 



15 



REVUE DES LIVRES 



ANALYSES F.T COMPILA RENDUS- 



Edtuid LKMUxmi (D*)' — Zaratïiustra. en bog om Perser- 
nesgamto tra. 2 Tolnmei :l, IflSelxi p.; U,36B p.. 1890-1903. 
— K^beDharn. Det Scbuball]«>>ke forlag. ^m 

U- E. Ldiroan, doc«nt de l'histoire des religions à l'Université de Co- 
penhagiuif ett de ceux (juî se !iod1 entièremeiit dévoués i la scîeacie à 
laquelle e»t consacrée cette Revue, et qui oDt po, depuis l'acbèreiBcat 
de leun études générales, se préparer d'aae façoo libre et méthodique 
il celte (fnnde Idehe. Celte prêparatjna. M. Lehroann l'a acquise par d« 
longues anOié^ de labeur k Copecliagiic, à différeotes uQÎTersités alle- 
mande!!, en Hollande et pendant des %'oyages d'études à Lnnd [cet ou- 
vrage est dMié à M. P. Eklund, professeur de tfaéoEo^e et doyen d«j 
cathédrale k LutiA, Suèdej, à Paris, es Italie. La seconde édition 
Manuel île F'. 0. Cliaatepie de la Saussaye (1897; porte le nom 
U. Lehmann cojnme auteur des parties du manuel qui concernent 
reliffion* de l'Inde et de rirau, et comme collaliorateur du principal ai 
tour pour la religioa grecque. Depuis quelques années M. Lehmanl 
écrit le» hulletina annuels des éludes des religions non bibliques dana. 
le Thaolofiifcher JakrcjtbencUt , et l'on sait quec'est là un domaine da^H 
lequel le nombre des publications augmente considérablement chaqiM^ 
annûe. Parmi le» autres con tribut ions, moins généralement connues, de 
M, Lehmann k l'biatoire et i l'élude comparative des religions, je me 
borne à ciler sa Ihèse de 1890 sur les rapports entre la religion e1 la ci- 
vilisation fcclon l'AvesIa, publiée en danois et en hollandais, ses mono- 
graphies sur Hûdemk monotbéisrae, une contribulïon i l'hisloire de 
l'iilée de la divinilé (1897), et sur Gudn- qq /feiie {« Dieux et Héros i) 
en 1898, enfin, une étude des plus ingénieuses sur l'origine de Fnnda 
otdemor{t la graud'mère du diable u). parue en 1902. 



A.NALTSES ET COMPTES RENOrS 



22:^ 



Comme eon nouvel ouvrage, le plus importaot de lous, a paru en partie 
«111899, la critique a déjà eu l'occasion (tê faire coniwitre les mérites du 
premier volume de ce travail. Parmi les critiques compélents *jui ont 
porté un jugement des plus favorables sur la première moilié de l'ou- 
vrage, je cite le eâQscritiste de Cûpeabague S~ Sorengen (décédé demie- 
remenl} et le véuérable doyen des Jranologues, encore en pleine activité 
scientifique, Ferdinand Justi, de Marburg, dans l'Archw fur Relîgiom- 
tciisenchaft. 19*30, p. 194-^7. 

Une dea parties les plus originales du second volume a paru dans la 
même revue en 1902, p. 202-218, sous le titre : Zut Chnra/cl^rislsk de* 
Jûngn-en Avetta. Mais l'ouvrage entier n'existe jusqu'ici qu'en danois. 

L'ouvrage de M. Lehmann fournil plu^que ne le laisserait Boupçonner 
te simple nom de Zarathu:^tra,qui est le titre priocipal du livre- Lalè^eaJe 
defancien propb'^te d'Iran, dont M. Jackson a ramassé tous les éléniejitt) 
dans un ouvrage que j'ai eu l'occasion d'analyser ici même [t, XL, 
p. 427 Tt.), n'occupe qu'une vinglaine Je pages. 11 s'unit en eQet d'une 
hisloire sucuîncte de la religion dans l'Iran ju&qu'à l'avènement des 
Arabes. L'auteur se fait connaître par son altitude vis-à-vis des grands 
problèmes relatifs à l'origine du Mazdéisme, comme un disciple de Ju»ti 
et de Geidner. mais il contribue maintes fois^ de (açon très u lile et vrai- 
ment originale, à la compréhension des textes et des faits. Déjà la re- 
marquable clartt^ dont il fait montre dans sa manière d'exposer les 
problèmes, et le bon sens historique avec lequel il apprécie leur portée 
aident souvent à les é^ilairer d'un jour nouveau. 

La première partie de ToiiTrage de M. Lebmana traite de ce qu'il appelle 
«le paganisme iranien 9, et des traces qui en subsistent dunâ le miazdêisme 
loroaslrien des cultes et les conceptions prégâthiques. Dans le culte dea 
FravasÎB il soupçonne, avec raison selon moi, non st^ulem-unt l'ancienne 
puissance des âmes des morts, mais auseî des es^irits de la nature. II 
«appose même que les Frava^is ont absorbé nombre de a divinités spé- 
ciales t.^onrfpr^'iîïfer, du genre éludié par UsenerdansuGotlernamen ». 

U me semble suivre une direction plus sûre en rangeant parmi les 
snciens « SondergDtler > plus ou moins eiTacés de l'Iran Geui -uniati, Go- 
iurun, t l'âme du boeuf >, et Geitt- laèa, « le créateur du bœuf i. de 
l'Avesta. Le parallèle, établi par M. Tiele, avec Marduk et Tiàmat du 
mylbe babylonien, n'est guère concluant, étant donné le caractère ton- 
cièremeot différent de ces deux êtres, l'un Tiimal, ennemi des dieux. 
Vautre, le bœuf primordial du Mazdéisme, prototype sacré du bélaîl 
qui constituait le trésor le plus apprécié et Ee plus religieusement traité 




tàift-n 



mmmmU. 






■MMMi, lâsA» ^pw IM htftn aoMceal J*Mrf—|ir taate vie, caaciilB 
4«M Md «M roa s'y «inB |m 1m «oiki, b Imb «t le «M — si Tob 
ln4aK mIoa h tradiliMrdilvM: «•<■ la^ OH 1 irra dns iMie h Hi- 
Uratare anrtiqM 00 ygfltewtiyie mctm» bétililM» pOMiMa ^tiit agx 
■ iMWaw 4t Vins • : ce ne Mat nafle paxl dei norta. eeMHl des sÎTuts 
friutféÊ et b catamKé iltaidue ponr poêler b DOorcUe lem, loBt 
Mmnw l« devx étrea bamaiiu qii ae eaeheiildaa* b bocage de lËmer 
dmal b grand birer de U tumtion aorrobe. 11 me aeoible inutile de 
raonirir Ici ii un ADcieo royauinA d«a morts ; noais i« Tama. mdi«a? n 
pml bbn (pie b premier homine, Yama^Ytina. (]ui a trooTé. aux lodea^ 
b chemin conduuiant aurnytiuioedet mom, ait été absorbé, en Inm^an 
eonttnancement, par le mylbe de U (testniciîûD da monil«. Même sans 
un In] myllie, l'aacieaoo conceptioa populaire grecque, reproduite par 
nieiii[il« pur Hf^raiudo, diMingiie le séjour au pays des morts de l'exis- 
UiWJb Aa timx qui ont quitta U terre «aiia mourir. — Quaot am diviôii 
ulitoulonnai, Armait) en eat uae, et M. Lebmaan estîoie que c'est Vu- 
obaiiifadaa Gdlbaïqui porte ce noin féminin par « humilité >, mais 
(jiJi ddrivar cotla ligniflcation de l'ancieiine divinité populairâ de l 

lOITO. 

M^ I<aliman[i éludioeniuitelaconceplîondeta nature des plantes che: 
Itm iWHflJi ni iliinH rA.vMta, U t^^rapbiedaua la mytbologie iranienne, 
IfM uncirnnufl divinités do l'eau et de la pluie, enBn les luttes mythiques 
Iriitc^hitvuui juiiu'aiiideti mytliologiosaryenne^JesDioscurea, les A^^vioa 
■nnl ((«vvnun, dann lu mythe iranien, te cbeval hkuc et le cheval noif] 
TlAtrj'a vt Jo diiiiuu Apaoàu, — qui luUeni l'un contre l'autre près d 



'-à 



âSALYSSS ET COMPTES RENDUS 



Uc Vourukosa, Ya5t 8, — la sainteté du (eu — soit comme AiaT, gardé 
dacs ta Ibéologiïe avestique avec soa caraclôre originaire aryen comme 
moyen puriûcateiir et préservaleur contre les esprits et (esdémoDs, cpr. 
atkarvan du Véda, mais devenu plus lard, aux Indes, le feu consomma- 
teur du Siicriûce, soit comme htmreno^ d'alxini le feu sacré d'un ancien 
centre du culle du feu dans Alropalene (Adarbaijan) près le lac Cekast 
(Urumia), où l'on avait les phénomènes extraordinaires des flainmes de 
naphlâ, ensuite c la gloire >. « la mj^jeslé », $igne de la royauté — les 
Ahuras et les Daèvas, le Haoma-Soraa, les héros de Vasna 9 et VaSt 19, 
et enfiu la disposition religieuse particulière aux Iraniens. O premier 
volume débute par ua exposé des plus vivants de l'historiographie de la 
religion aveatique. 

Le second livre traite de celle religion elle-même, Kf. Lehmann y 
distingue trois périodes : l'époque prophétique des Gilthas, antérieure A 
l'avènement de Darius au trdne de Perse en 532, l'époque classique 
Sous les Acbéménides, lorsque les parties uon-^^lhiques du Yasna, les 
Yai^tB, peut-être même le noyau du Vendidâd, auraient vu le jour, et 
enSn la renaissance sous las ^âsanides. Je dois confesser que les argu- 
ments bien connus invoqués par l'auteur en faveur de la thèse de la 
religion zoroagirienne des Achéménides, ne m'ont pas convaincu. La 
question resie pour moi indécise. Par exempte le nom Phraortes ^ 
Fraparetat - le confesseur », grand-roi de la Médîe, mort en 625, peut' 
]| réellement présenter quelque rapport avec Ea nouvelle religion de 7.&- 
ratbu^tra? Le prophète aurait vécu, d'après la tradition, dan» la se- 
conde moitié du vu* siècle avant J.-C. Est-il probable que la nouvelle 
reii^on. dont l'horizon ne s'étend jamais dans les Gâthas au delà des 
domaines des petits princes rivaux, ait déjà donné son nom au grand 
roi médique Phraorles (et à ion fils Kyaxares) dans U première moitié 
dn méroe siècle? Il est vrai que la chronologie traditionnelle n'a rien de 
certain; mais il me semble cependant qu'une conclusion opposée peut 
tout aussi bien se Justifier : je veux dire que des term^ comme frnva- 
reta, même Ahura manta dans les ioscriptioDS achéméuides, se rencon- 
treat même avant l'œuvre de Zaraihustra. 

Près de la moitié du second volume est consacrée aux Gâtbas, » a la 
docirîae de Zarathuslra « p. 234^6; celte doctrine comprend c le 
monothéisme. Abura Mazda, Spenla Mainyu — le saint e-iprit, 
la puissance dis'jernanl'f! dans la divinité elle-même, le judicium 
divin qui ae révèle dans l'ordalie par le feu, devenue un jugement 
suprêm,e par t feu et esprit >» (Yasoa 31, 3, p. 45) — les Amesa. 



226 



UWE DC L HlSTOiaS KttS lEUGIOMS 



Spesilai, le dualisme, la mœtin et les lois, le culte et retetatafagie t . 

Lehmana ToitdaDs le ^£!^; ôviï'^î^^e Ptutarqtw, oouiiDe d'habiliHle, le 

Khfcatlira vairya. Ouest cepeDd«iil teotéii'a-eocier. avec U. Tiele, cette 

eV»:-/^ â la ranabi daèDa de t'énumération Yasna 37, 5. — Uaw», dans 

\<ibtx HaDO', «erAÏl'il le Uana ïoilien? U. Lebmann tiàl t^mv^aer 
qulla »od1 loaa les deui les graadd lé^iislate'irs et réTêlalËtirs de l'bu- 
nunilé. Dan» le Ixeuf de Haoo, le liêJail, objet de la aolttcitnde d« Voha 
MaaodâjidaDS les Galbas, îl recoQqalt le MiuoUuros u'rec, sans toQle- 
fois perdre de voe qu'il ne s'agit ici que de supposi lions. — Kbsjlhra 
vajrya. le rti^ne dé»iré, ne me semble gtière aroir une «Hiroure aussi 
forteTiient esctisMogrîque ({ae celle que lui attribue M. L. daos les Gà- 
ihae. Je crois que soq caractère est plus théocfatîque qu'eiclusÎTeroent 
eKbaloloirique Je ne saurais non pluit penser que les vaches, les che- 
vaux et les clum^ux meatioanéd Yuoa 46, 19 el 44, 13, dussent 
participera l'ejcislence d/:rèi lejugemeat (lecaier. D'^iilleurs l'escbalo- 
tojï'i» gllhique e^l exposée d'aprèâ YaBoa 33, par U. Lebmaim, av^c 
quelque réserve, daûs l«s ligaea fiuivaQtes, p. 1*23 : 4 Le sujet qui va 
4tre jugé dans la dernière épreuve (l'épi-euve pji' le Jeu] consiste en un 
curpê aussi bien qu'en une âme. Urvan est la ilésjgnalîon physique, 
da^a Is 'lésignation morale de l'âme qui subsiste après la mort. L'Ur- 
van, l'Âme revient île l'étal temporaire iolermédiaire où elle a subi son 
sort, et ell>; est réunie nti corps quia reposé juïque-là sur la lerre. 7'evî%is 
et Mofjùii, la force et la vilalilé (rénerjfie \-iIalêl Ys. 33, 12, sont le« 
condilioDs physiques de celle résurrectioa et de celte réunion de l'dme 
avec le corps. En efTet, c'est Armait!, le péoie de la (erre, qui accorde 
et^M forces vivitcanleit. Les qualités de force et de puis^ADce ::iUrtbu^'es à 
l'homme sauvé sont conférées aussi à son corp^, et Haurvatdt et Amere- 
lâl, qui représentent la pliiaîluile de U restitution et de l'immortnlité. 
foiici tonneront à ce moment n. Le remarqiialile passag-ç Yasna 8-12 
païk-ruit donc du |,^raad jour du jugement suprême et de la résurrection. 
Le duel au verset 9 dédaignerait s le feu et l'espril i dans la grande or- 
dalie décisive, Don |)a^s Amevatât e1 Ilaurt.ttât qui viennent d'être nom- 
mées dans 3e verset précédent. Ulajùli et Teviyï auraient unrappojl 
particulier avec ta résurreciton, etc M. Lehmann croît pouvoir coDsidé- 
rer le Savi^yant commi; un personnage eschatolo:^ique bien défini déjà 
dans les Cftlbas. Il émet l'hypothèse que ce SavSjant dési^jnerait Zara- 
thuSlri lui-même resBUacilé. Il importe, on le voit, de mettre en ces 
questions pis mal de points d'iotenogalion. Mais on se sent très recon- 
naissant à l'autiiur de son ei^èse énergique et hardie et de la léoaclié 



ANALYSES KT COMPTES BBUDuS 



227 



«oungeuse avec laquelle il pénèlre dans chaque détail de ces phrasës 
embrouillées et lourdement savantes des Càthas. M. Lêbmann, pus 
plus que M. Tiele dans sa GeicMedenit van den Godsdiensl in de Ou- 
dktid, n'a accepté naa thèse de l'enibrasemcDt du inonde connu déjà p:)r 
les Gâlhas. lis n'y voient qu'une simple ordalie par le feu. Je ne voie pas 
de raison de refuser aux auteurs des Gâthae la connaiesauc^e du métal 
fondu sur la terre enseigné par la théologie poslérieui-e. Il est difficile 
de rien prouver dans un sens ni dans l'autre. Il s'ag-it de savoir si 
le mythe de rembrasement fulur du monde était une croyance popu- 
laire indig^ène chez les peuples aryeos, ou bien, si celle conception fut 
introduite plus tard dans les eschatologies iranienne et norroise. 

C'est dans l'analyse de U théologie raide et sèche des Gâthas que l'au- 
teur montre combien il sait donner de vie et de couleur aui choses les 
plusarides. Personne n'a su faire rrvivrecomme lui les tendance» et les 
luîtes dont les Gâthas sont le réeîl tronqué, p«rfuii presque méconnais- 
eahle^ loieque l'Abura local d'un clan ou d'une famille iranienne (en 
Uédie^ pense M. Lebmann avec la plupart des iranologues modernes) 
fut érigé par le zèle prophétique et social d'Un Zarathu^slra en divinité 
suprême et feule souveraine, OE>pi:>sëe aux dieux ]ir>pulaii'es, dxw dai^vus 
des tithus avoisiuanles, non »u]emëDlt>Dtour^e, selon je iiioJe du pa- 
ganisme, d'une quantité de tabous el de règles néi^alives, maïs associée 
fi un idéal posilif, l'idéal du paysan bon et travailleur, bon pour le hé~ 
tail, travoilleur dans ses cbimps. 

Il faut de réellesqualités d'imagination pour rendre ce tableau vivant. 
M. Lebmann nous en prévient; mais il diel.in};ue nettement ce qu^il pro>^ 
posa comme possible ou même probable, des résultats absolus de ses 
recherches. — Dana lea YoSls 14 el 17, le paysan des Gâlhas est devenu 
chevalier. Cette piété chevaleresque représente la daëna, l'âme, l'bypo»- 
tase de la piété, aprôiî la mort, comme une jeune liile, re?ptenUifisa]:ile 
de beauté et de famille noble, Y4M 22; même les Ame^i Spentas revê- 
tent une certaine forme plastique» YaSt 19.. Les mythes et les saga's 
reviennent eu honneur, même les dieux naturistfs repoussés par les 
Gâtbas, avant tout Mitbra, le dieu chevaleresque par excellence. La 
science babylonienne devient à la mode. Nous la reconnaissons dans les 
sept parties du monde, dans les sept êtres suprêmes, dans ta théologie 
sidérale el dans la chronologie du monde (?]. 

Je relève dans l'expoaé du parsisuie pOï>térieur, à côté de l'iûtrodui:- 
Uon sur le changement de l'idéaL agreste des cultivateurs des Gâlliaâ 
en l'idéal chevaleresque des preux des Ya.^ls. l'appréciation des près- 



2as 



BEVUE DB 1,'ïnSTOraE DES RELIGIONS 



crïptions sur la pureté, enfin la caractériBtique de la morale avestique, 
comme des chefs-d'œuvre de jugemenl juste et fin el d'eïcelleote expo- 

SitJOQ. 

On ne peul pas lire cet ouvrage^ si attrayant par La forme et si solide 
par le fond, sans eiprîmer le tcbu qu'il soit fendu accessible à un 
groupe de lecteurs plus vaste par une traduction dans uae autre langue. 

Nathan SOderblom. 



E. Kautzsch. — Die Poésie und die poetischen Bbcher 

des Alten Testaments, seçhg Vorlrage, — Tùbingea und Leip- 
zig, Verlag von J. C. B. Mohr, 190S; io-S', 109 pages. 

On sait que nous sommes redevables à l'auteur de ce volume d'une 
traduction des livres de TAncieD Testament, qui a été accueillie avec 
une faveur méritée; c'est peut-être actuellement la seule version de la 
Bible en une langue moderne gui permette de se passer en quelque 
mesure de Toriginal, c'eat-àndire qu'on puisse en dehors de l'hébreu 
Consulter avec le légitime espoir de pénétrer dans l'esprit de ces textes, 
venus au jour dans des conditions si distantes et ai différentes de celles 
où noua nous trouvons nous-mêmes ; j'ai donc donné au nouvel écrit de 
l'émiaent exég^te toute Tatlention que méritaient et sa personne et le 
sujet traité. 

M- Kautzsch débute par des considéi'ations sur la poésie hébraïque et 
ses différents genres qui réunissent avec précision les résultats généraux 
de la philologie et de In littérature proprement dite. Après quelques 
indications sur d'anciennes colleclions de pièces poétiques auxquelles 
il est fait renvoi eu un petit nombre de passages des écrits bibliques, il' 
aborde le livre des Psaumes et nous conetalons avec salisfaclion qu'il a 
sacrifié sans hésitation les vues traditionnelles qui associent le nom de 
David et son temps à ces compositions, dont les allures et la doctrine 
reflètent si visiblement les sentiments du Judaïsme des temps de la res- 
tauration. Sous ce rapport nous n'aurions que des éloges à lui adresser, 
s'il n'avait cru devoir s'excuser en quelque mesure de sa hardiesse 
grande en glissant à cette place un panégyrique de Luther, tout au plua^ 
supportable dans le discours, mais qui devait ètrÉ écarté du moDaentoù^ 
en livrant ces conférences à rimpressiori, on les destinait à un public 
plu3 étendu, c Quels trésors recèle le Psautier, dit M, Kaulisch, per- 



ANiLTSBS ET COMPTES BENDCS 



330 



sontiê ce l'a rscoDDU à la fois plus profondément et plus clairement que 
le U' Martin Lutber. Il a travaillé à la tradiiclioQ des Psaumes avec une 
prédiEeclion qui nous autorise & y voir le joyau le plus précieux de l'en- 
semblë de sa traduction des livres saints. Et cet élc^e ne doit pas souf- 
frir de réserves, en lautque certaines erreurs de sens étuiiefit inévitiibles 
pour l'époque. En effel, si aujourd'hui en maint endroit nous pouvoDS 
r€Qdre le texte original avec plus d'exactitude, la version de Luther 
reste supérieure parce qu'elle a su mieux reproduire l'inspiration du 
livre. NoB traductione de certains psaumes, k ^', le 90% le 10> sont 
pltls correctes, mais elles ne possèdent point U vertu édilianle qui se 
àégafB de la version de Luther. Il est remar:]uat)le combien souvent 
Luther avec sa. traduction libre, peut être même positivement erronée, 
a cependant rencontré et rendu le seas profond de la parole biblique 
ptus que ne le pourrai! la traduction la plus correcte. ■ Voilà, en vériié, 
d'étranges déclarations et qui seraient faites pour surprendre sin^uliè- 
riment sous la plume de n'importe quel eité||Çète. Combien plus quand 
OQ lit ce stupéfiant éloge des contre-sens ou faux sens de Luther sous la 
signature du plus distingué et consciencieux des Iraducteuiis modernes 
4i là Bible? De pareilles concessions aux préjug-és du public aous ont 
désagréablement impressionné, et nous en dirions autant de quelques 
paasages où le confèreGcier tient le langage du théologien, pour ne p^s 
dire du pasteur : «...L'Ancien Teatameul, c'esl-i-dire l'époque de la 
Pr^aralion. — Il n'est pas possible qu'on ne s'aperçoive même dans le 
Psautier de certaines insulfisances religieuses qui tiennent à ce qu'on 
est encore dans les temps de la Préparation, a La comparaison entre le 
point de vue relig-ieux des livres de l'Ancien Testament et celui de 
l'Évangile, éUH en dehors de la tâche de l'écrivain et nous ne voyons 
point en quoi elle peut servir l'intelligpnce d^s écrits hébreux. Un peu 
plus loin, à propos du livre de Job, M Kautzsch dira ; u Comment con- 
cilier les souffrances de l'homme véritablement pieux avec la jusiice di- 
vine? K El il se répondra à lui-même : c C'était une énigme insoluble 
pour Pbomme livré à ses seules lumières... Pour nou», chrétiens, la 
difficulté est résolue par la croyance en la vie future. » 

Ces réserves ne nous emjiécherout pas An signaler à nos lecteurs 
l'ouvrai^e ci-dessus comme une élude solide, instructive, judicieuse, 
propre à mettre dans leur vraie lumière plueieum des livres les plus 
connus de la Bible. 

A 1* suite des Ptaumest l'écrivain a traité des Lamentations dites do 
Jérém^ie, du Canliguef qu'il a ingénieusement rapproché des chants 



230 



REVCE DE LHISTOllE DKS R£LlGIO!l5 



nuptiaux en usage âaa» ta Syrie cootemponiine, de /od où il ce nfose i 
retuiDtijilre nn livre populaire aodea, anlérienr an poème propranent 
dit. des pTOterbtt. 

En somme, si raul«ar n'a pas su toujours prendre et ^nler le Ion 
du Uttérattnir, si le tbèolojïien «i lecrû^anL percent en plusieurs places, 
l'œuvre n'en est pas iuoîdb écrite dans un réel esprit de liberté. En 
Altenu>£ne Comme en ADgletfrre les matières de rbîstoire religieuse 
aoDt désormais aborJêej avec une indépendance croissante, prélude de 
l'émancipation définitive. 

HiUBice Vernes. 



D. Friedrich GiESEBREctfT. — JDer Knecht Jahves des Deuta- 
rojesata. ^ KOnigsberg, Thomas et Oppermann, 1902, grand in- 
î<, p. 208. Prix : ra. 5,60 ou frs. 7. 

Cette Ravantâ i^lude e?l conna-^rée aux morceaux caractéristiques du 
S<?cond E»ale an le &erTil6ur àtf Jahvè se prés^ole suu5 un jour tout par- 
ticulier : xui. 1-4; xt.ix, 1-6; l, 4-9; m, 13-liii, 12. De tout temps, 
ces morceaux ont causé de grandes difficuUés à l'exégèse. Nous faisons 
abnlraction de l'upinion traditionnelle, qui a voulu trouver ici des pré- 
dictions messianifjiieâ se rapportant direclement à Jésus-Chrcsl. Mais 
même rinlerprétalion bislorique de l'école moderne s'est beurlée à des 
dîfijcuJiés forl embirrassflTiles, D'un côté, en eflel, le Second Esaïe donne 
le litre de servileurde Jabvéau peuple d'Israël uveu^fle, pécheuretcou- 
pnble. Ailleurs, au contraire, surtout dans les morceaux menlionnés. le 
serviteur d« Jabvé est une figure îdé^ile, cliari^ée d'une haute mission. 

Taul qu'un croyait à l'unité d'EsJÏe SL-Lxvf, on cbcTcbail à concilier 
ce doutiEe poïiil de vue en pensant que le prapbète etivise^^e tour à tour 
Israël dans sa réalité concrète et aous un jour idéal. Ou bien on admet- 
tait qu'il dJBliniçue du gros de la nation l'élite fidèle, le parti prophéti- 
que. Dans la suite, on reconnut au contraire que leSiicond Eaaïeest loin 
de provenir d'une seule et même main. On en di^stinj^ua même un 
Trilo- Esaïe. On arriva égaleineint à la conviction que les quatre morceaux 
spéci;ilement en question ne «ont pas une partie intégralité de cet ou- 
vraiîe, soit que I auteur les ait empruntés ailleurs, soit qu'un réiiacteur 
postérieur les ail intercalés. 

Celait là un premier pas pour se rapprocher de la vérité. Mais on fut 



A^*LYSE5 ET COMPTES ^E^DUS 



231 



loin de saisir «lle-ci du premier coup. Nos morceaux renfernienl des 
IraUe qui teadenl à foire du serviteur de Jabvé une personnalité collec- 
tive, d'autres semblent avoir un caractère individualisle. Dans ceux-ci, 
la théologie traditionnelle a trouvé son principal point d'appui pour son 
interprétation messianique, eL l'école critique a cru y nxoatiallre 
succesaivement le prophète Jérémie, le roi Joïakin, ZorobaKe! ou quel- 
que docteur juirinconau. Comment concilier cette interprétation indi- 
vidualiste avec les traits de collectivilé? Une autre question controversée 
a élé celle de savoir &i le serviteur de Jahvé doit eicluEÎvement remplir 
sa missioq auprès des païens ou également auprès d'IaraëL Beaucoup 
d'exé^ètes se sont prononcés en faveur de cette dernière opinion» con- 
tredite par d'autres. 

Nous pensons que M, Giesebrecht» par son trav.)il si substantiel, con- 
tribuera, dans une large mesure, à dissiper ces divergences de vues. 
Déjj en 1890, où il publia une autre étude Tort bi«n faite sur certains 
morceaux du livre d'Esaïe, il avait consacré une quarantaine de pages 
i Es.» Lir, 12-Lin, 12 et démontré que, dans ce morceau, le serviteur 
de Jahvè eal Israël, qui expie les fautes des nations païennes, par ses 
souffrances endurées pendant l'exil. Celte élude n'ayant pas êlé suCli- 
aamraenl appréciée et prise en considération, Tauleur a cru devoir la 
reprendre et la compléter, en étudiant aussi les trois autres morceaux 
qui font avec celui-là un seul tout. Il démontre, avfc évidence, que tows 
ces morceaux s'expliquent le mieux quand on identifie le serviteur de 
Jabvé avec Israël, envisagé ici com-me le dépositaire de le conuaissaute 
du seul vrai Dieu et charg'ë de faire partici[>erle monde entier àcegrand 
privilège. Il critique quelquefois vivement ses coniradîcteurs, surtout 
DuLm et Sellin; et nous pensons qu'il a le droit de défendre énerpique- 
ment sa cause, parce qu'il a sûrement la vérité pour lui et que tant 
d'autres études qui ont paru depuis une dizaine d'années sur c& sujet 
auraient moins fait fausse route, si Ton avail prèle plus d'attenlion à 
l'article précédent de noire savant. 

L'auleuf après avuîr consacré la première partie de sou travail à 
l'i^lude de ces morceaux considérés en eux-mêmes, étudie, dans la se- 
conde partie, le rapport entre ces morceaux et le corps du livre dont ils 
font partie. Il expose et discute en détail les diverses opinion» qui ont élé 
émises à ce sujet, dans ces derniers (empa. Il considère d'abord le rap- 
port général de nos morceaux avec le livre du Second tsaïe, qui embrasse, 
d'après lui, cbap. xl^lv. Puis il examine de pr^s le rapport qui existe 
entre chaque morceau séparétnent et son contexte. Touies ces études 



Ï32 



ReVUB DE LSISTdlHB DKS hEUGTOIfS 



minulieusee l'anifenent à la conclusion que ces morceaux, foui en ayant 
éti? composée Indépendamment de notre livre, y ont élé soigneusera^Qt 
incorporés et que les autres parties du livre y ont égard, au lieu de 
teur êlreélrangères. comme on l'asouvenl prélendii de nos jourâ. 

M. Gîesebreeht fait en outre ressortir la grande reïsemhtaûce de style 
et les nombreuses analog'ies de pensve qui exislenl entre nos morceaux 
et le reste du livre. 11 arrive, par suite, à la concluttîon finale que l'au- 
teur de celui-ci ou le Second Esaïe est aussi celui des quatre morceaux 
en question etquî se délacbent si facilement du reste, mais qu'il a d'a- 
bord compO'Sé ceux-ci et s'en est ensuite servi pourlacomposilionde son 
grand ouvrage. 

Nous n'oserions afllrnner que touslee détails^ souvent Tort minutieux, 
du travail de M, Gieaebrechl soient à l'abri de toute critique; car ï 
s'agit en partie rie qu68lion3 extrêmement tapineuses el fliftjciles à résoudre. 
Mais nous n'hésitons pas à déclarer que ce travail est supérieur à tout 
ce qui a été produit depuis lon^i^lemps c^ur la matière. Il ne sera donc 
plus permis à ceux quî s'occupent de notre snjel d'ignorer ces p^ges ma- 
gielrales ou de passer légèrement là-dessus. Notre savant est allé au 
fond des choses. Il a envisag-é le problème sous toutes ses facea. Beau- 
coup pourront sang doule apprendre de lui, comme nous l'avons fait 

noua- même. 

C. Ptspenbring. 



Israël Lévi. — L'Ecclésiastique ou La Sagesse de Jésus 
nia de Sira (Deuxiènje Partie). — Paris, Ernest Leroux, 1901, 
grand in-8, Lxï el ^243 p. 

En 189S, M. Lévi publia la première partie de cet ouvrage, le leite 
hébreu du livre biblique sus-mentionné, chap. xxxu, 15 à xux, 11, 
avec une traduction française, un commentaire et une savante intro- 
duclion, où nous trouvons l'historique de la découverte de ce morceau, 
sa description et sa caractéristique, ainsi que d'autres considérations se 
rapportant au sujet. D'un bout à l'autre de son travail, l'auteur partait 
de la supposition, d'abord giéoéralement admise par le monde savant, 
qu'il avait devant lui et préseolail au public le teste original du livre de 
fien Sira, altéré, il est vrai, en bien des endroits, mais néanmoins assez 
bien conservé pour permettre de corriger, bous beaucoup de rapports, 
la version grecque des Septante et la version syriaque de la Peachilô. Il 



ARALTftES ET COMPTES REffDOS 



S33 



faisait en outre valoir une série d'argumenls pour corroborer cette ma- 
nière d& voir. 

Mais bjenlât des doutes furent émis, de différents côtés, à ce sujet. 
M. Lévi fut lui-ni'ëme fagi^^ p^f '^ doule, qu'il oxpoaa avec une grande 
loyauté. Puis il $e mît de aouveau k douter, «lans quelque mesure, de 
SDD doute. Toutes ces lluctuations. it nous les fait connaître franche- 
ment, dans l'inlroductioti à son nouveau travail, annoncé plus haut et 
reuferjnant le texte béhreu, avec trmluction et commentaire, des frag- 
ments suivants de l'Ecclésiastique : m, 6 à xvi, 56 ; extraits de rviiT. 
xtx, xivet ixvi; xxxt, 11 à W3UI1.3; xxxv, 19 àxxxviii, 27;ilix, 11 à 
fin. 

Dana l'introduction, M. Lévi nous fournit de nouveau une description 
^A Une caractéristique de ces divers fragments. U expose ensuite les 
raigons qu'on peut faire valoir contre l'origiDalilé de nos textes et qui 
tendent à prouver que ceux-ci aont plutôt une retraduction de U ver- 
sion syriaque de ta Pescbîto. Soutenir pourtant cette thèse dans un sens 
absolu, c'est aller trop loin. Il faut au contraire recoonailre que le pre- 
mier de nos fragments ou A et le fragment B, c'e3t>à-dire la plus grande 
partie de ces textes bêbreux, sont les restes d'un exemplaire de t'orîgi- 
nal, enrichi plus tard d'un cantique alphabétique â la lin, de doublets, 
ainsi que de corrections ou d additions isolées, toutes interpolations ou 
modilîcations faites k l'aide de la version syriaque mentionnée. La 
pensée, momentanément admise par M. Lévi, que tout le conlenu de ces 
importants fragments est l'œuvre d'an écrivain postérieur, consultant 
simultanément les Septante et la Peschito, doit donc être corrigée dans 
le sens indiqué. 

Notre auteur ne perd-il pas toute autorité par ces tergiversations? 
Nous ne le pensons pas. Ces tergiversations ou variations s'expliquent 
piT la complexité et les nombreuses difûcultés du problème. Celui-ci 
présente réellement des faces très dlCTëreDles el peut amener à des con- 
clurions divergentes, suivant qu'on envisage de préférence tels traits 
qui plaident en faveur de l'originalité de nos fragments ou d'autres qui 
renferment des indices opposés. C'est parce que M. Lévi, et» homme 
consciencieux, a tour à taur envisagé le problême sous »eB diverses 
faces qu^il s'est successivement arrêté à des solutions différentes. Sui- 
vant nous^ son double travail eat une excellente orientation dans la ma- 
tière.el peut fort bien servir de point de départ pour approfondir davantage 
le sujet. Mais nous croyons qu'il faut réellement le prendre seulement 
comme point de départ, ce qui est d'ailleurs le cas d^e autres études 



33i 



REVUS DE L EtSTOIRE DE& neUGlOIVS 



nombreuses, qui ont élé faites sur celle cjjucstiùn duns ces dernières 
années. Les critiques les plus compétents son! tee premiei^ â avouer 
que bi^D des points restent encore forl obscurs dans cette questioa 
épineuse. Mais la critique LibHque, qui a déjà su résoudre d'autres 
probtèmes non moins ardue, jettera certainemenl plus de lumière 
a«r celui-ci. Nous espérons que M. Lévi y contribuera. Et si, dans 
la suite, il change encoru d'uvls sur tel ou lel poini el se corrige lui- 
même, noua l'en remercierons sincèrement, au lieu de critiquer ses va- 
riations. 

Il ne faut pas penire de vue que nos différents fragments ne provien- 
nent pas d'un seul et même manuscrit, mais d'une série de maouscrila, 
de provenance el dédales différenles. Aussi faul-ïl <5ludier chacun sé- 
parément el ne point vouloir étendre à tous la solution qui convient 
Beulemeiit à l'un ou, l'autre d'entre eux. Puis ces manufcrits oui pas-^é 
entre les. mains de certains glossateurs qui y ont fuit leurs remarques. 
Tout cela et d*autres faits encore compliquent singtilièremeTit noire pro- 
blème. Mais le teste hébreu avec la traduction française, lecnmmen- 
taife cônSiCiencieux et les eXjilicaliûns préliininaire-< si instructives, que 
M. Lévi nous l'ourail à ce sujet, coatribueronl pour leur paît à éclairer 
la route qu'il s'agit de pourauivre à cel épard. 

C. PlEPENBRING. 



L. Paulot, — Un pape français, Urbain II. — Paris. V. Le- 
colTre. 19CW. 1 vol. gr. S" de xxxv[-5e3 pp. 

Le livre de M, P.mlol e&l de ces ouvrages où le dessein el l'esprit de 
l'auteur se nianiretitent formellemenl dès les premières pages, mais qui, 
par leur inflexible bonne foi, commandent le respect du lecteur; en 
toutes Ses parties, l'intention apologélique y e^it évidente, m^iis c'est de 
loyale apologie qui se déclare elle-même et n'use pas de faux-luyanls, 
Tauteiir estimant que s l'Ë^ipliâe ne peut avoir de meilleure apologie que 
la vérité historique » (p. xiv). 

Ceci cotistiité. fadIons-Dous de dire que nomhre de chapitres, dans 
l'œuvre de M- Paulot, renferment de très intéressants résultats de re- 
cherches menées selon les bonnes mélbodcs et d'un intérêt historique 
des plus réels. Sana doute le récit de l'enFance d'OJon de Lajrery con- 
tient des hypotbëaea et des descriptions parasites, l'amiliê de Bruno et 



ANALTSES ET COUPTIS BENDDS 



23â 



d6$on dîscjple ÛJon /oumit prét«x.lee â de» développe ment s plus çenli- 
meniaux qu'bistoriques, l'expueéde k vie matérielle et morale de Cluiiy 
a un caraclère idéal singulièremenl prononce el ruljlisâtion des travaux 
de M- Sdckur{iloïil oq peuls'étoDner de ne pas même trouver Vouvr^ë^ 
célèbre meDtionné k la biblio^rapliJe) e\\\ peut-être ramené es tableau 
k Mue couleur moins uniformémenl céleste ; la fondatioa du prieuré de 
Binsoa ne se rattache que par un faible VKfa k l'histoire de la jeune?» 
du futur Urbain 11 et ne saurait avoir que l'intérât d'une très subslaii- 
Uelle monographie d'archéologie locale. Mais les vrais débuts de la car- 
rière d'Odon. à partir du moment où il est appelé auprès de Grégoire VII 
par riotermédiaire d'Huyues, abbé de Cluny, sont Iraités par M. Paiilot 
avec une précision qu& dépare à peine pa.r ^adroit quelque pompe dans 
le récit. Les premières années du ponliUcat d'Urbain Jl, sa iull3 contre 
l'empereur et l'anlipape sont relraoées de manière à en bien faire res- 
soitir les dinérenles pbases el c'est à peine &i, çk el là, la narraliou cri- 
tique laisse (ransparaUre la tendance de l'auleur à idéaliser la politique 
habile el. somme toule, assez positive d'Urbaio II vjâ-â-vis dea Nor- 
mands et de la comtesse Malbilde. Au sujet de celte deruj<-re, l'on 
pourra èlre surpris de quelques identillcalions un peu hasardées de k 
graode-comtefeiâe avec U Mal«lila de Danle el même la Ciorinde du Ta&se. 
— MjIs de tout le Lvre de M. Paulot, c'est aux truis cbapitres sur la 
discipline de l'Église et sur l'œuvre réformatrice accomplie ou pluîôl 
termloée par Urbain II que vont nos préféreDces (ch. u du livre II. 
Lutle côulre la simonie; ch. m. Urbain II et les régulieis^ ch. iv. Ur- 
bain il et les églises particulières}. Il arrive bien que l'auttiiir cède par- 
fois avec trop de conkplaisance la parole aui conCemporains; des lettres 
ou des docuin-^iits Conciliaires cltés in exleniô ralentissent le récit et 
gagneraient à être réduits aux citations essentielles, mais M. P. reprend 
se^ droits d'historien pour traiter certains pointa de détail <lovtl plusieurs 
d'un intérêt tout particulier ; tel est un heureux résumé des recherches 
de UM. Duchesne et N. Valoia sur le curius des bulles [.>onliri(;ale3, les 
brèves études sur les exemptions conférées par lu (chancellerie d'Urh^tn II» 
sur l'affaire du rachat des autels, sur rinlervenlii^n du pape dans les 
élections èpiscopales (bien que l'œuvre du concile de &ènév<;nt eût pu y 
élre précisée davaotai^e}, sur la question du rétablissement de l'évéché 
d'Arras, <>lu. 

Sur les originea Je la Croisade, M. P. a profilé des recherches de 
MM. Hagenmeyer, ïjybet el Itiaut et a résumé quebpies-una des résul- 
tats londamentaux désormais acquis grâce à ces savants. Msis lea actes 



236 



WMWVU DE LH15T01KI DSS UPJfilOflS 



et l'œDvre Aa Concile de OenDont «lal espoiés dans ud esprit moini 
stnclement crili^ue^ : il est rinble qoe M. P. a voidu grouper lotite Vac- 
tifité du Coacile auloor de l'id^ de U Croisade que TÎeot prAclier Vt- 
baîD II. Les travani des prélats, leure dêci&joBs disciplinaires, toat s'ef- 
face devaat c«tl6 < ËD prinapale », tout se Uît devtint ce •> conp de 
clairon • — et e'edt ainsi que se trooveot mentionnés a^ec une singulière 
brièveté des ^ts aussi importants que la déposition de Richer de Sens 
et de Guillaume de Rouen, significatiTes au plus baut point pour liais- 
totre de la politique intransigeaitteet quelque peu brutale d'Urbain II & 
l'égard du haut clergé rojali&te de France; pareillement lliistûrique delà 
Trâre de Dieu, mèDctedans la seconde moitié du xi" ai^^le^ alors que la 
papauté prend la direction des institutions de paix créées par répiscopftt 
des Gaules et de l'Empire, est à peine ébauché. 

Lor^ue M. P. arrive à la prédication de la Croisade et qu'il compose 
avec lea différent» discours attribués k Urbain II par les chroniqueurs 
une mosaïque d'ailleurs ingénieuse et de couleur altrajaute, il en pré- 
vient le lecteur en ces tenues : u Qu^on nous permette d'user de ce pro- 
cédé, peut-être peu sciéntiiîque, mais qui nous procurera l'avanlag^e : 
1* d'avoir, dans son ensemble logique, le leRel de la pensée totale du 
Pape, ou du moins, si les chroniqueurs y ont mêlé de leurs appréciations 
subjectives, le rellet de U pensée des contemporains sur le but» l'oppor- 
tunité, les moyens d'action de la croisade; S* d'éviter les redites, ce qtû 
était absolumenl inévitable, en citant tous les discours, ou même eim- 
plemeat plusieurs, l'un après l'autre ». M. P. ne doit pas se dissimuler 
qu'on peut faire des réserves sur la valeur absolue de ce mode d'expo- 
«ition des idées d'Urbaio II. 

Après son triomphe à Glermont, les dernières années d'Urbain U ap- 
paraisfient comme d'un intérêt bien moindre. M. P. note avec une 
louable miputie îea moindres étapes de son voyage en France et de son 
retour k Rome; presque toutes d'ailleurs sont marquée par de nou- 
veaux succès pour l'absolutisme pontilical. Le poiint culminant de cette 
dernière phase de la carrière d'Urbain II est peut-être le concile de 
Nimea où le pape fait résolument l'apologie des réguliers, donnaût ains 
une consécration publique k cette alliance entre la papauté et les ordres 
monastiques envera et contre le clergé séculier, maintes fois taxé d'in- 
dépendance au coura des récentes luttes de la papauté contre les pou- 
voirs temporeU. 

En appendice, l'ouvrage de U. Paulot comprend une série de 
noticea érudites sur l'hagiographie d'Urbain II et sur diverses ques* 



AHllISES ET COMPTES nEFTDOS 



237 



tîons de diplomatique relatives à des actes de la cbancellerie de ces 
pape. 

P. Alphandéhy, 



H. Delacroix, ~ Essai sur le mysticisme spéculatif en 
Allemagne au xiv siècle. — 287 p. Alcan, 1000. 

Il est UD peu lard pour parler de celte thèse'. Notre excuse sera, si 
l'on veut bien, que le sujet n'en étant pas d'une actualité spéciale, a le 
Lonheurd'écbapper aux caprices de la mode et reste tout aussi vivant 
aujourd'hui qu'il y a trois ans, 

Dédié à MM. Brochard et Boutroux', le livre commence par un hom- 
mage aux travaux de Charles Scbmidt el de sou élève Jundt, de Preger 
et de Denifle; puis, aprt>3un tableau bibliographique des ouvra^i?^ cités 
jlX'Xvi), il marque l'importance de la tuatière traitée, (jui se rattache 
directement aux origioea mâmes de la philosophie allemande', enfin 
jusliQe le titre de mysticisme spéculatif donné au système d'Eckart. Eu 
eflel, ce dernier et ses disciples ne ressortissent pas simplement à l'his- 
toire ecclésiastique : ils « ont interprété très librement le dogme; leurs 
idées philosophiques s'en accommodent comnte d'un cadre traditionnel, 
mais leur prétention â le rendre inleilî^Ible, à tout expliquer par des 
idées, sans recourir à la révélation ou au mystère, suffit à lea ranger 
parmi les philosophes (p. 5)... Il ne fini pas que le prétendu caractère 
religieux du mysticisme d'Ëckart Fasse illusion; rdrae sent sa dépen- 
dance absolue à l'égard de Dieu ; mais, en même temps, elle sent la dé- 
pendance absolue de Dieu à son égard : le^ deux courants s'annihilent : 

1) Cette thèse a été soutenue le 23 février 1900. 

2] Sa compôtenee n'a pas besoin d'ëtra soulignëe k emx qui se rappellânt 
ica èludQ aur Le phiiosaphe attemand Jacob hoehme (Alcan, iâ88}. 

3) Qui ne cesse de maintenir « l'idée que le rèel et l'inlellfgible, rôtre et la 
pensée, ne différent point pur nature n ; c'est m une des nombreuEes formules * 
Leù ('idéalisme u proclame la réalité gouveraine de l'Esprit <■ ^p. 15). ^- a Comme 
:kart et Tsuler en face du rationalisme tfaotuiste, HeMer, Jacobi, Baader, 
dnq siècles plus Uird se sont èlevC'S contre Leibniz, Kant, Ficbl, He^cl v 
(B, rf* Hélaph, tt de tfor., mai 1900, p. 9 du Supplément). Au aiêrae endroit. 
H. Boiitroux rappelle que Zeller votl poindre le géaie allemaDd dans tickan, et 
que Feuerb^cli raiiaetis Hegel i Ëck&rt en dôfinisaant Tbégiélïaaisœe une mys- 
tique rationnelle, 

16 



238 



BETUB de LniSTÔTRE DKS RELietONS 



la di8tinctioacle Oîeu et du monde ayaot disparu, il ne reste plus 
l'àme comme en Dieu qu'un égal sentiment de plénitude infinie, qoi c'i 
plus rien de commun avec la religion > (p. 17). 

Kckart procède de la tradition néoplatonicienne, transmise par le 
Pseudo-Aréopagite et par Erigène, Ce dernier déjà a Toilé en vain « par 
des formules orthodoxes la hardiesse » de ses lliêories; pourrai déjà, 
« les mystères de Ea religion disparaissent devant IViplication ration- 
nelle. L'abime qui séparait le créateur de la créature se oomble; 
Nature est le développement de Dieu ; plus d'émanation incomprébi 
«ibie, plus de rédemplioa " ; plus de médiateur : « l'homme; n'a qu' 
prendre conscience de soi pour trouver Dieu; il porte en soi la raison 
suprême du monde et se connaît en elle »*. La conséquence la plus grave 
de ce panthéisme mystique, celle qui va mettre le comble à l'hérésie, 
c'est que, « s'il en est aÎDSÎ. l'Êglii^e perd ses privilè^ et sa dignilé n 
(p. 30], n est vrai qn'uil y a deux religioDs, l'une pour l'ignorant, 
l'autre pour l'inspiré : la religion traditionnelle de l'observation et de la 
lettre, celle de l'indépendance et de la libre spiritualité » (p. 60). Mais si 
le peuple u laisse la foi et veut connaître, rien ne l'en peut empêcher; 
il suit la route frayée par le gnostique, apprend l'inanité des sacrements 
et des promesses chrélienoes. Le mal n'est pas, puisqu'il c'est que pri< 
vation et non être », etc. 

Le trait d'union' entre Eri^ène et Eckart e&t formé par Amaury 
Chartres, et l'histoire des Amalriciens' sert d'introduction à celles des 
sectes rhénanee; car c'est chez eux « qu'il cous est donné de saisir sur 
le vif l'influence des idées d'Erigène et que nous apercevons le momen t , 
où &â philosophie se transforme en une religion populaire » (p. 32]. £1:1^1 
tirpês de France après le concile provincial de 1209, les Amalriciens se 
dispersèrent, Coraitie ils avaient surtout pris racine dans l'Est^ ils se ré- 
fugièrent peut-être en partie dans les villes du Rhin et purent y donner 
naissance k la secte des Ortlîbiens, qui semblent avoir professé à peu 
près les mêmes doctrines que les Frères du Nouvel Esprit ou du Libre 
Esprit. En effet, le manuscrit 331 de Mayence* désigne Orllieb d^^ 

1) P. 29. Ne Rfûirtit-on pas «ptendre tm précorseor de Nifttische? ^H 

S) A noire point de vue, car le Bccond ne semble pas avoir connu le premier. ' 

3) Satomon Reinach dit : Amaiirigns daiiK sa trB.duction de VHistoirt d<_ 
rin'jiiisition de Lea, dont le t. III a été sigTinlë par la A. historique de ma 
{p. 319), par la R. univers, de di^c.^ p. 485 ot par beaucoup d'aulres péri« 
diques. 

4) Découvert par Haupt, Z, f. Kirchengeschichte, 1884-^. Cf. Il, historiq 
mai mm, p. 63. 



A.HALTSES ET COMPTES RËMDD8 



239 



Strasbourg comme le fondaleur de la secte àvi Nouvel Esprit. Or, Harl- 
maon [Annal. Eremî) raconte qu'en 12:16' in Ahalia et etîam m 7ur- 
ffooia hasresis nova et fudenda emersit adsifrenfium carnium etum 
quQcumque die, tum vero omnis veneris usum nnila piacuto corUructo 
iicitum et «eeundum naturam eue. Cette idée de la liberté de la chair, 
dans les deux seas, semble, ajoute M. D., commuoe à la secte d'Amaury 
et à celle du Libre Esprit (p. 52, n. 1). Ce n'est que le contact des Vau- 
dois qui aurait donné à la première « une certaine sévérité morale, par- 
faitement conciliable avec leurs principes, mais qui jusque-là semble 
leur avoir été étrangère; i]a gardèrent leur mépris du dogme et de 
rKglise, leur croyance que l'homnie est une apparition passagère de la 
divinité. La combinaison de cet aacétîsme moral avec les thèses fonda- 
mentales d'Amaui-y devait se retrouver chez les OrtlibieDS » [p. 53), 
dont les principes nettement panthéistes <r ne permettent pas qu'on les 
confonde avec les Vaudois et les Cathares, ce qui pourrait arriver, si l'on 
ne Considérait que leurs manmes morales » ^p. 69, q. 1). 

L'auteur consacre encore deux chapitres [iv et v) au Libre Eaprît et 
aux Beghards hérétiques, avant d'arriver â ma!lre EIckart, qu'il traite 
dans les sept chapitres restants ; VI sa biographie et ses ouvrages, Vil 
l'ensemble de son système. VIII l'âme, IX les degrés de la vie spîri- 
luelte, X les démêlés avec l'Inquisition, XI et XII les rapports avec le 
Néoplatonisme et avec les principes de la Scolastique. EnOn un appen- 
dice (p. 276) pol émise contre leP. Denifle qui, en publiant les fragments 
latins d'Eckart découverts par lui, prétend bouleverser entièrement les 
idées admises jusqu'ici et " faire d'Eckart un scolastique accompli* ». 
Comme le? œuvres allemandes du grand dominicain portent la marque 
indéniable du plus pur mysticisme, Tlenifle le met c an compte de l'im- 
perfêctiûii et de U gaucherie de la laof^ie allemande el du caractère 
même des sermons et traités d'Eckart ». Le développement de l'appen- 
dice veut précisément montrer ce que cette explication a de sommaire et 
â'mexact. et prouver qu'Eckart n'appartient pag à la scolastique : « S'il 
s de nombreux points d'affinité avec le thomisme, l'idée m€me de sa 
doctrine t'en distingue radicalement. Il prétend expliquer tout l'Être 
par l'Être seul, suivre le mouvement par lequel la divinité sort de soi- 
mitmc et s'achève dans l'Univers, Vue de cet endroit, sa doctrine appa- 
raît comme un tout très cohérent, et les lacunes que XigniOe lui reproche 



1) Ortlleb fut encore condamné par Innocent UT. 

2) Archiv fur lÀteralur und EiTfMnge^chichte dti Mittetalter, il, 416. 



210 



REVUE DE L BISTOIRE DES KELIGIOK5 



soat l'effet de son InlerprétatioD inexacte f {[>.286]- D'ailleurscet appec- 
dice ne fait que compléter l'esameii critique des iêcrits d'Eckart, au 
ch. VI. p. I&i et SUIT., où M. D. coosUte qna t nous devons à DeniQe la. 
preuve ioconteslable que la Mystique d'Ëckart ne se développe pas en 
conflit radical avec la Scolaslique ■ et reconnaît U part de vérité conte- 
iiue dan& la thèse outrée de Benifle-' et les précieuses indications qu'on 
en peut tirer' >«. Ajon tons que dès riotroductioD (p. 67), H. JJ. rappeU« 
c quelle prudence est requise et quelle mesure il convient d'apporter au 
commestaire lorsque le texte est mal assuré,.. La critique même à& 
textes, sans prétendre à la certitude scientifique, peut suppléer parfois 
a U philologie >■. Elle " et la discussion logique a'étayent V-aa laotre et 
Boutiennent la construction », qui. élevée avec une prévoyance si cons- 
ciencieuse, aura des cbacces d'être durable; sans doute « l'exactitude 
absolue n'est malheureusement qu'uu idéal ». 

Tl convient de ne pas oublier non plus, pour juger avec équité le livre 
de M. D., qu'il ne comprend qu'une partie du sujet et ne forme, pour 
aiofi dire, qu'une unité provisoire, que l'auleur espère " compléter en 
un prociiaîn volume ■>•- Ce dernier « contiendra l'école d'Eckart^ Tauler 
et SUSP et le développement des théories do Maître dans le« traités des 
disciples i>^ essaiera c d'inlroduire un peu de clarté et d'ordre dans la 
classiËcation des QQmbreuxou^Ta^es anonymes qui semblent se rattacher 
i la même luQuence ». cherchera n les modiOcatious que le mysticisme 
de RuysbroecJi peutavoïr apportéesdans la conscience del'Altemagne n, 
étudiera * la curieuse Ûgnre de Kulman Merswin et,,, le personnage 
apocryphe appelé l'Ami de Dieu de l'Oberland ", exposera cette curieuse 
Tkéoiogie aliemande qui rattache Lulber au mouvement religieux du 
Tiv* ^:ède «t analysera » dans la littérature, dans U vie et t'art alle- 
mand les ^rmes qu'y a déposa » le mysticisme, Gxera i ta part du 
joacbimisnie * el des idé>es franciscaines, à la formation du mysticisme 
p(^laiieen Allemagne », mesurera = l'influence flamande...; enfin 
qud<pies idées d'EcJLart sur la morale ou la pratique religieuse trouve 
ront lenr naturel achèvement dans les écrits de ses disciples ■ (p. 3-5). 

1) V. eacon, p. 146. n. 3. Quant i TédilioD critique de I^eiffer, ell< est au> 
miaèe, p. 1(9 et suit,, et complétée, p. ISS-lfô. 

2) V. il. /fûrorfgm d« mai 1806, p. S6-73. oùH. G«bhaneonpare dans d«« 
SfcVrcA^s ti«iT«llM tmr CkisUnn dm Jaaekimisme, les ooadusioiu d'HermanD 
Hanpt, Zta (ï<-4cAwAt( cki JàvMtmâmMs {Qaiiti, Pecibte, 1S85), avec celles do 
P. DeniQe, au 1** ■• île Vàrelm f»f Uurttvr-tad itjftt&eafCsdUohfc (BeriHL 
Weidnàan, 1685). 



1NA.LTSBS ET COMPTES RSNDDS 



241 



A cette vue d'ensemble que nous avons easayé de donner sur le livre 
de M. D., joignons encore quelques critiques de délai). Parmi celles qui 
furent lormulées à la soutenance même [fi. di? métaphys. et de morale, 
mai tSÛO, p. 9}^ citons d'abnid l'avtg de M. Boulrûux, qui conteste que 
la philosophie mystique ne soit pas oécesssairement relig:ieuse : « Le 
caractère religieux, dit-il^ semble faire partie de l'essence même du 
mysticisme; car Le mysticisme prend les choses k leur source... use tou- 
jours d'une méthode synthétique àprfori.^ car il part toujours de l'Esprit. 
L'anticipation scientifique qui prépare la découverte de la loi participe 
du mysticisme '•. M. D. répond t que le mystique va toujours du prin- 
cipe aux conséquences quand il prétend expliquer. Par la morale seule 
il va des conséquences aux principes ». Cette argutie n'a d'ailleurg pas 
besoin d'être poursuivie ici. M. Boutroux défend aussi la sincérité de la 
rétractation d'Eckart, qui croyait naïvement être orthodoxe, attaque les 
rapports, trop intîmesàsongré, que M. D. statue eutrePlotiuel Eckart, 
et se refuse à voir un prototype de l'hégélianiame dans la manière dont 
ce demiar explique la proce^âion du monde. Nous sommes plu&de l'avis de 
M. Séailles, quand il relève dans la thtrse de M. D. une tendance à ratio^ 
naliser le mysticisme. C'est bien là l'impression qu'elle nous laisse. 
D'autre part, M. Séailles signale, avec non moins de justesse, la grande 
diflicuKé qu'il y a à vouSoir faire à la fois oeuvre historique et œuvre 
doctrinale. Par contre, nous ne pouvons prétendre, avec lui, que M. D. 
n'ait pas assez insisté sur les rapports entre Erigène et Eckarl. Ces rap- 
porte nous semblent, au contraire, très vivement éclairés, d'autant plus 
qu'il q'est même pas prouvé qtie le second ait connu directement les 
écrits du premier. Leur source commune, lei Pseudo-Aréop agite, sufôt 
à lea unir fortement. Enfin le troisième examinateur. M, E^ger, re- 
trouve chez Molinos la morale d'Eckart.. 

M. Kuyssen, si avantageusement connu par son beau livre sur Kaut, 
a consacré à la thèse de son collègue un suggestif article dans la U. de 
Métaphysique et de Morate (jaov- 1901. p. 100-!10). Après avoir rappelé 
la continuité du courant mystique dans l'histoire de la philosophie, il 
fixe l'intérêt du livre qu'il analyse, dans le fait « d'avoir découpé une 
période assez vaste pour pouvoir montrer successivement le double as- 
n«ct, personne) et anonyme, du mysticisme» ; de ne noua initier v pas 
seulement à une importante renaissance du néo-platonisme théorique ». 
mais d'ouvrir <( aussi un chapitre, et l'un des plus curieux, de l'histoire 
morale et religieuse du rnûyen-fti^e alletnand s. Il regrette toutefois «que 
M. B. n'ait pas chercbé a déterminer quelques points de repère dans 



3i2 



RETTÏ ItE L mSTÛILM DES RELIGIONS 



cette période obscure » qui va d'Erigène à Amaury, donl la théorie a 
peut-être été inlluencêe plus que ne l'admet M. D. par les Arabes. En 
effet, ajout emns-nous, n'est-ce pas aussi par L'intermédiaire des Aj-abes 
qu'AristJte atteint Eckart, qui lui reprend la thèse de l'Ëternité du 
monde, thèse rejetée par saint Thomas? De môme, Amaury, que M. Geb- 
bart appelle {/i. histor.^ m«il886, p. 61) « le disciple direct d'ErJgène d, 
n'a-l-il pas, plus prûLablemeut eDCore» u ressenti l'action de son com- 
patriote, le Beauceron Bernard de Chartres, mort moins d'un demi- 
BÎÈcle avant lui? w M. Ruyssen fait ensuite l'essai assez risqué de dis- 
tinguer les Orllibiens des frères du Nouvel Esprit : u Les uns et les 
autres admelteot, au-dessus de la reliiîion tradifionnelle el tittérale. 
une religion qui supprime tout médiateur, proclame rîaanitê des sacre- 
meulB et rédui l le Christ au rôle de modèle de la sainteté. Mais les Orl- 
libiens conservaient, comme nécessaire à l'aËTranchissement de TEspril, 
la mortiflcation Ae la chair; les frères voient au contraire dans le jeûne 
et la prière un asservissement de l'Esprit à des rites matârietg », Pour 
maintenir une démarcation aussi tranchée» il faudrait des preuves bien 
nettes, plus nettes que nos sources actuelles ne semblent pouvoir en 
fournir. Si nous nous rappelons bien, M. D., usant de plus de réserve, 
les considère simpSement comme deux variétés d'une même espèce, sé- 
parées plutt^t par U différence des mœurs que par l'opposition des doc- 
trines (p. 73 et 53]. Il est vrai que Preger et K. Mûller c ont soutenu la 
distinction de ces deux sectes ». 

Parmi les autres criliques formulées par M. Ruyssen, noua n'en re- 
lèverons plus que deux. Tune pour la décliner, l'autre pour l'adopter. 
S'il >< regrette que M. D. n'ait guère qu'indiqué U conclusion morale 
du système d'Eckarl [qui n'est pas l'ascétisme absolu) », M. D, pourra 
le renvoyer à s^on Introduction (p. 5), ùù il ^péciCe que» quelques-unes 
des idées de maître Eckart, surtout en ce qui concerne la morale ou la 
pratique religieuse, trouveront leur itiustration et leur naturel achève- 
ment dans la personne ou les écrits de ses: disciples, Nous avons ^aayé 
de flgurer par de brèves indications l'importance que ces points un peu 
négliges prendront par la suite; il ne nous a pas paru possible, sans dé- 
truire l'unité de notre travail, de les traiter tout au long ». — Parconlre, 
M. Ruy;53en nous semble avoir raison de constater le manque à' a une 
mise au point des conceplioua et du langag'e môme de la philosophie 
moderne >. Ce manque ne serait pas sensible pour Socrate ou Ariatote : 
* Notre peûsée est l'héritière de la leur ». Mais, « vis-à-vis des mysti- 
ques, nous éprouvons deux sentiments contraires, également vifs. Nous 



A!tA.LTSES BT COMPTES RENDUS 



243 



aâmironseA eax l'extraordloaire intensité d'une vie spiritueMe, dont le 
reflet a souvent même illumina leur vie; mais nous restons inquiets, 
m^ûanli, noua ne tommes pas assurés déparier la même langue ». Suit 
une trèsbelledétinition du caractère mystique, trop longue pour être 
reproduite, et qui éclaire, dans cetle critique, <c d'apparence toute lilté- 
raire ", un côté qui touche au fond même de la mélliode ; < S'il y a 
dans le mysticisme une âme de profoude vérité, pourquoi s'en tenir, 
pour nous la faire entrevoir, au vocabulaire nébuleux des mystiques 7 
Pourquoi ne pas tenter la critique psycholog'ique de leur élat d'Ame?... 
Ne transporlent'ils pas arbitrairement dan» l'absolu le processus inté- 
rieur de leur propre pensée?... Tant que cette analyse restera à faire» 
on pourra se demander avec inquiétude s'il y a au fond du myslictsme 
mieux qu'une creuse log'ûmachie ». 

Comme on peut le voir par ces quelques exemples, les reproches que 
les juges les plus autorisés ont su adresser à M. D. sont en somme, peu 
graves et n'altèrent eu rien la valeur de son ouvrage, que tous les amis 
de la philosophie allemande liront avec fruit, et auquel nous souhaitons 
de tout cœur, d'abord une large diffusion, puis surtout une prompte 
suite. Nous tenniaons en allongeant un peu sa liste d'erratft '. 

P. XIV, I. 13, au lieu de Meichi, lire lieidu. 
xr, I, 5 et 32, au lieu de in, lire im. 

I. 30, au lieu d« gescMcMe, lire Gescftichle. 
1. 31, au lieu de pMlasûphîe, lire Philosophi. 
ivi, 1. 8, — — 

IS, n. 1, l. 1-2 et 4-5, traDBpOBfir les dernières lettres de ce» lignes, 
145, a. au lieu de Svester, bre Swtster. 
182, n. 2, texte fautif, etc. 
204, n. 3, id. 

Te, Schobll. 



I) L'erralum indiqué pour la p. xni, 1, 28 n'existe pas et doit être biETé. 
Ceux que nous signitloos cî-desEus sont tnBÎgnifiants et n'ont d'autre but que 
de moaU'er 4 M. D. l'aLteattOQ soutenue que nous avons prëtse â. la lecture de 
«on tieau livre. 



a44 



nsvcB Dfi l'histoceie ûbs beuctoks 



P, Frikdmann. — Lady Anne Boleya, traduil de l'ançlais par 
MM, Lugfié-Philipon et Dauphin Meunier. — Paris, A. Fonlemoiog, 
1903. 2 vol. in-8 de ïivi-3e7 pp. el 411 pp. T. I : Vers U schùme. 
T. Il : Après ie schisme^ 

L'ouvrflge de M. P. Frieiimann doul une traduction élégâûtâ et cepen- 
dant ûdèle vient de nous être donnée par MM. Lugné-Philipon et Dau- 
phin Meunier, n'a guère subi depuis son apparition cfue des retouches 
de ijela.il et nous apparaît, sous sa forme franfaise, avec ses mêmes 
grandes qualités et ses quelques défauts. Ces défauts tiennent surtout à 
un man((ue de proportion aisément perceptible entre k bit^raphie 
d'Anne Boleyn, en principe le sujet du livre, tt le nombre en même 
temps que l'importance des événemeats qui sont rappelés au cours du 
récit de M. Friedmùnn, événements auxquels Anne Boleyn n'a pris 
qu'une part dea plus restreintes. M, F. a une trop absolue sincérité 
historique pour tenter d'user de procédés plus ou moins littéraires 
destinéâ â ramener l'attention sur 1' u héroïne " de son livre, ou pour 
exagérer son râle dans le grand mouvement politique et religieux qui 
Se dessine â ce moment dans l'hlsloirâ d'Angleterre; d^où une sorte de 
déséquilibre dont n'a d'ailleurs à soullrir que le plan de l'ouvrag'e el qui 
n'âte rien de leur mérite intrinsèque aux résulials des savantes et impar- 
tiales recherches de l'auteui- sur une époque où Ju passion n'a jusqu'ici 
trouvé que trop de motifs de dénaturer l'histoire. 

Si peu décisive, si dispersée qu'elle soit, l'action immédiate d'Anne 
Boleyn sur les événements qui ont préparé le schisme d'Angleterre a été 
notée par M. P. avec une érudition si minulieuse et si précise qu'on 
peut en reconstituer sans peine le dessin suivi, même en ne s'altachant 
qu'aux faits strictement religieux. Lorsque le cardinal Wolaey entreprit 
les premières démarches devant le tribunal secret de "Westminster, puis 
provoqua la consultation des évéques d'Ang^leterre au sujet d'un di- 
vorce possible entre Henri VIII et Catherine d'Aragon, le soupçon ne 
lui vint pas que l'antipathie marquée par Henri à l'égard de Catherine 
pût lui venir de rattachement qu'il éprouvait pour Anne Boleyn. Le père 
de celle-ti, lord Rochford, poussait au divorce, mais aux yeuï du car- 
dinal^ il devait à sa qualité de gentilhomme pensionnaire de France de 
montrer une franche hosliUlé à l'empereur, et par suite â Catherine qui 
représentait nelienieat en Angleterre l'idée impériale, Mais W&Iaey 
était loin de soupçonner qu'Anne — dont les relations avec le roi lui 



ANALYSES ET COMPTES UENDDS 



S4K 



semblaient devoir être très passagères — put un insiâïil avoir la pensée 
de proQter de cetïe intrigue. Lorsqu'il s'aperçut du pouvoir qu'elle avait 
acquis sur le roi et aussi de l'impopularilë sans cesse croissante donl elle 
était eotourée et qui iiieQaçait les partisans du divorce royal» îl imagina 
UD plan qui pouvait lui faire atteindre le but sans assumer autant de 
responsabilité personnelle. Il s'agissait de faire appuyer le divorce par 
le pape alors releou prisonnier par Charlea-Quinl et que l'empereur serait 
amené à laisser libre par l'actioD combinée de Wolaey et de Louise de 
Savoie, la mère du roi de France; ou, k défaut du pape resté captif, les 
cardinaux réunis à Avig-noo pourraient prendre le gouveronment de 
l'Église et élre amenés à une solution conforme aux vues de Henri et de 
Wolsey. Hais ce dernier avait compté sans rbabilelé et la décision 
d'Anne Boleyn qui le soupçonna, avec Henri Vjll, de n'avoir proposé ce 
moyen que pour faire trainer l'affaire en longueur — et lorsqu'une dé- 
marche auprès du pape k l'insu du cardinal fut décidée par le roi el par 
elle, ce furent d^une partie premier secrétaire du roi, M. Knight, et de 
Tauire John Barlow, aumônier du père d'Anne^ lord Rochtord, qui furent 
cb^rt'éï de cette mission. John Barlow, et ce détail a son importance, 
semble avoir été leur principal conseiller dans cetle intrigue. Lorsque 
Wolsey rentra de France après le traité d'Amiens (1597), ce fut pour 
apprendre, par l'accueit presque dédaigneux qui lui fut fait par le roi et 
par la favorite, que son règne était près de finir. 11 lit d'ailleurs belle 
contenance et, rendu enlin perspicace par l'affront qui lui était fait, il 
laissa entendre qu'Anne Boleyn trouverait aisément en lui ua allié, 
voire même un serviteur pour ses projets ambitieux. D'ailleurs les deux 
nouveaux alliés aèrent l'un envers l'autre sans sincérilé : Anne comp- 
tait bien, une fois reine il l'aide du divorce obtenii par Wolsey, se retourner 
contre le cardinal qui, lui, espérait que le roi se délacbant d'Anne 
Boleyn, durant les longues démarches nécei^sitées par l'obtention du 
divorce, rien ne s'opposerait plus, ni Catberine, ni Anne,àladDmiDatîon 
absolue du premier ministre sur son faible souverain. Knighl, au cours 
de son ambassade 4 Rome, se laissa duper sans difficulté, et Henri et 
Anne, pleinement convaincus qu'ils ne parviendraient jamais i la réus- 
aile finale sans l'aide de Wolsey, se résignèrent et consentirent dès lors 
à tout ce qu'il propoiîa. Wolsey d'ail leurs, s'était départi bientôt delà 
raideur de son attitude à l'é^^ard de la favorite; les agents choisis pur 
lai pour représenter au pape la nécessité du divorce étaient chargés 
d'instructions qui furent soumises â l'approbation d'Anne Boleyn et d'un 
message destiné à Être remis au Pape et qui contenait sur sa personne 



246 



RRVUK DE L HISTOIRE DES RELIGIONS 



les louaages les ptus emphatiques. Dks lors < Henri et Anae ouvrirent 
un large crédit de confiance au lé^at i>. Anne proclama hautement sa 
gratitude envers lui, et ces bonaes dispo^iliDus ne tirent qu'augmenter 
lorsque l'eQVO^é du cardinal, Foxe, de retour de Rome, lui Ol cr{)ire que 
ses eifort» avatë^nt abûuti — sans que Wolsey qui ne pouvait se faire 
d'illusions sur les înls'nlions de la Curie, Ht rien pour le démentir. — 
L'Affaire de l'abbessede Willon faillit détruire cet accord tacite, mais 
Wolaey s'humilia et contiaua k se croire s^fir de l'appui que pouvait lui 
prêter Anne Boleyn. Mais les retards dans la réunion du tribunal des 
légats, les chaogeipeotis d'attitude du légat Campeçj-gio irritèrent Anne 
Boleyn qui ne tarde pas a accuser Wolsey de créer» par des machinations 
secrèiea, une part des empêchements suscités au divorce du roi. L''in9u[- 
fisance, la lenteur des moyens préconisés par Wolsey lui était apparue, 
grâce à l'expérience qu'elle commençait à acquérir des choses et des 
hommes ; elle fit la fortune rapide du secrétaire même de Wolsey, 
Stepheu Gardiner, un homme énergique et capable, qui tout de 
suite eut la faveur du roi. Wolsey, malgré Thumilialion et l'abandon de 
tous ses biens amquels il fut contraint, fut renvoyé; les parents et par- 
tisans d'Anne Boleyn, les amis de Gardiner devinrent tout puissants. 
Triomphe précîiire qui ne fut définitivement assuré que lorsque Wolsey, 
redevenu populaire et sur le point de reprendre une part de sa puissance 
passée, fut brutalement arrêté, soua une inculpation mensongère de 
trahison, fut Conduit à Londres et mourut en chemin, à Leioéster. M. F, 
se montre sévère à l'égard de Wolsey; nulle part il n'&dmet, même à 
titre de circonstance atténuante pour quelqu'un des actes de ea poli- 
tique, que le cardinal ait été guidé par un motif loyaliste, par ua souci 
désintéressé de la grandeur royale. Faut-il donc révoquer ea doute le témoi- 
gnage du lieutenant de la Tour qui affirmait avoir entendu le mourant 
se confesser de « n'âv&ir regardé qu'à satisfaire son pritice et non à 
servir Dieu «>7 M. F. n'a voulu nous montrer en lut que le négociateur 
du divorce royal, le rival puis l'allié d'Anne Boleyn, avec ses ruses et 
SOS faiblesses; encore eùt^il été juste peut-être d'accorder quelque impor- 
tance à ses disposùtî ons vis-â-vis du clergé anglais au moment de la con- 
vocation du tribunal de Westminster; Wolsey reçoit vers ce moment la 
lettre de Richard Fox De necessUale refonnalionis Cleri Anglicani 
(v. Stnjpe : Memorabil. Ecclesiaat. Reform. Anglic. Soc. Tom. I, fol. 19). 
Thomas Cfomwell. nommé secrétaire du roi en 1530, se dévoua à la 
cause d'Anne Boleyu, sitôt que disparut sou ancien protecteur WoU 
sey. Il eu fut récompensé par aa nomination au poste de conseiller royal, 



A»A,LrS£S ET COMPTES RENDDS 



347 



et, dès lors, il travaillera, par sa politique rapide et hardie, à briser les 
résîstaoces des ennemis d'Anne Boleyn et du divorce, en dépit de l'im- 
popularité grandissanle qui jnenavaiL l.i favorite, Mais U menace trop 
directe adtesaùe par Gromwell au haut clergé isous leprélesle de viola- 
tioQ de liïoi de Praemunire pouramen^rlêsév^quesàcéder au roi, amena 
pour le parti d'Anne Boléro un grave échec et la tentative de Cromwell 
i Rome fil une impression si Tùclieuse qti$ Iç pape lança un ordre de 
comparution contre Henry VIII. Ce message Jarutal ne Ht qu'aggraver la 
situation : A.Qne, de plus en plus violente, excitait contre tous ceux 
qu'elle devinait ou croyait ses eonemis ce roi indolent et soupçonneux 
que par ailleurs la résistance de Catherine irritait chaque jour davan- 
tage. De misérables scènes de ménage innuaient k ce monaent &ur la 
politique au moins autant que les intrij^ues de Cromwell; mais l'action 
d'Anne Boleyn était sans cesse relardée par les défections de la plu- 
part de ses partisans. De plus, lorsque le Parlement s'ouvrit le 15 jan- 
vier 1532, on s'aperçut que les évèques étaient prêts â repousser tout 
projet qui eût semblé une rébellion contre l'autorité du Saint-Siège. L'ar- 
cbevéque Warbam, presque mourant, manifesta la même répugnance, 
et tes laïques consultés ensuite — pairs et membres de la Cliainbre 
basse — refusèrent de connalli'e de cjuses qu'ils savaient du reâsort 
exclusif des juridictions spirituelles. Henri et Anne que cette série 
d'écbecs (exaspéraient étaient disposés â an mariage eansaulre délai. Mais 
lord Rocbford pressentit qu'une telle unioa avant le prononcé du divorce 
soulèverait une réprobation générale et persuada à son futur gendre 
d'abandonner ce projet, Anne et Cromwell recommencèrent à agir de 
concert. Ma.is une nouvelle attaque contre les privilèges du clergé 
n'aboutit qu'à une prot^tation énergique de la part de Warbam. Ce 
temps d'arrèl dura peu ; le 23 août Warbam mourait; Aune Boleyn était 
élevée au rang de marquise de Pembroke, devenait reiaeen fait; Thomas 
Cranmer qu'on savait partisan du divorce et incapable de résistance à 
Cromvs^ell et au roi, fut élevé au siège de Csnlorbéry en décembre 1532, 
Le '25 janvier le mariage secret du roi et d'Anne était célébré peut-être 
par l'auguslin George Brown; les partisans des Boleyn devinrent de 
plus en plus insolents et menùçants. Henri brusqua les choses : au 
milieu de mars 1523, il soumit au Parleinent un bill interdisant tout 
appel au Saint-Siège et attribuant à la juridiction suprême de l'arche- 
véque-primat la connaissance des causes matrimoniales, sauf en certains 
cas spéciûès qui ressor tiraient de la convocation [Assemblée du clergé). 
La Chambre des communes manifesta un esprit d'opposition formelle; 



252 



REVUE DS L BISTOIRl DES nELIGrÔNft 



montrer que c'était là une position intermédiaire, iniis peut-être eûMT 
été bon d'indifiuer ce qui distingue ici lecrilicîsmede l'écleclisme banal. 
Cette distinction est d'ailleurs assez fortement faite dans le troisième 
chapitre : B'où vient que le mauvais principe coexiste avec le bon? lai 
position de Kant entre Augustin et ses adversaires, au sujet du pécbé 
originel, y est caractérisée de la plus heureuse façon. Ces pages et celles 
qui forment la conclusion de la première partie sont certainement parmi 
les plus fortes du livre, et les mieus inspirées d'un authentique esprit 
kantien. 

La seconde partie est consacrée à cette portion du livre de Kaotquîj 
est inlilulêe : De la lutte entre le bon et le mauvais principe pour le] 
gouvernement de l'homme. — Ici notre auteur semblant abandonner 
son dessein, primitif, ou n'y rattachant sa pensée qu'incidemment et 
comme par parenthèses, s'attache surtout à montrer la concordaûcil 
des enseignements de l'Évangile ou de la dogmatique pauUnienne avec 
les conclusions kantiennes, qu'il paraît considérer comme leur couron- 
nement. L'oeuvre de Kant n'était point oiseuse, s'écrîe-t-il. même après 
les pen&ées évangéliques I — D'autant moins oiseuse, ajouterons nous, que 
Kant avait en vue ce que cerles l'Évangile n'a jamais fait ni voulu faire 
—et devant ce complément apporté à la penséechrétienne par les thèses 
criticistes, M. H. R. s'étonne un peu, et admire beaucoup. — Nous 
avouons ne partager ni celte admiratioUr ni surtout cet étonnemeat.i 
D'abord, rien ne nous parait aussi faux^ aussi artîQciel, aussi indigne 
d'un grand penseur, que ces efforts pour reconstruire dpi-î'ori les cadrer 
d'une religion historique, et avoir l'air de découvrir par une méthode 
nouvelle ce que l'on savait déjà d'autre part. — Et quant à B'dlonner t^ue 
lamorale de Kant soit d'accord avec l'epseignemeul donné dans les Pa- 
raboles, il n'y a vraiment pas lieu de le faire. Chacun sait que les ques-j 
tions fondamentales, points de départ de sa réOexîon critique, sont:; 
comment la science, comment la morale sont-elles possibles a priori'!^ 
mais qu'elles soient possibles, il n'en doute pas un instant; la morale' 
— puisque c'est elle qui nous occupe — est pour lui un daium dont il 
pari vers de nouvelles conclusions. Or, que recouvre pour lui ce terme 
si va^ue : la morale? Évidemment la morale régnante dans les milieuï 
allemands à la fin du xviii* siècle, et plus particulièrement dans les mi- 
lieux; piétistes où avait été élevé le philosophe. Est-îl étonnant dès lors ■ 
que nous retrouvions dans ass conclusioas ce qui se trouvait implicite- 
ment tout à la fois dans ses prémisses et... au fond de son esprit? 

Ayant ainsi examiné les deux premières parties de l'œuvre de Kant» 



ANALTSEa BT 



RBNDtlS 



353 



qui en compte quatre, M. H. R, s'airëte brusquement aur uqe conclu- 
sion de qitelqiies lignes, qui nous fait espérer une prochaine conlioua- 
tloD de son intéressante étude. Nous ne vaudrions donc pas préjuger de 
la valeur générale d'une œuvre encore inachevée, mais justpi'à présent 
elle nous apparaît comme manquant souvent d'ampleur dans les vues- 
La question est traitée par les petits côtés ; qu'est-ce donc que relever 
une phrase dans laquelle Kaut distingue les choses telles qu'elles sont 
en soi. des choses telles qu'elles sont pour nous? Ce sont là remarques 
fort superflues : il est bien cerUin que l'auteur des Critiques ne va pas 
se mettre tout à coup à parler en cartésien ! 

Et pourtant la thèse de notre auteur est vraie; d'une Etçûn plus 
profonde et plus générale encore qu'il ne semble le supposer — 
sauf peut-être dans quelques passages du début — œ la Religion » sup- 
pose l'ensemble deâ Critiquet. Quelle est en effet la conclusion der- 
nière de la Critique de la raison pure? la liberté, la vie future. Dieu, 
posés comme concepta-l imites de nog connaissances, c'est-à-dire l'eits- 
tence, purement formelle, d'un monde intelligible. — Quelle est la con- 
dusioQ dernière de la Critique de ta raison pratique ? les postulats, qui 
permettent de donner, pratique ment, aux coccepts-Hiuttes un contenu 
objectif, et (ont de ce qiii n^était encore que le monde inlelli^ble, con- 
cept négatif, le monde moral, concept positif. — Quel est l'objet de la Cri- 
tique du jugement tout entière? légitimer — déduire, comme dit Kant 
— le concept de tinallté £ur qui reposent en définitive les postulats de 
la raison pratique, et qui fait du monde moral le Royaume des Fins. Or 
ce Royaume des Fins n'est paa «utre chose que le Rojaume du Bien dont 
Kant détermine pratiquement les conditions dans son volume sur la re- 
ligion. 

Voilà dans quel sens profond M. U. Roraundt avait le droit d'appeler 
le livre dont il traite « eine Frucbt der geaamten Vemunftkritik. > 

K.-îi. BERtRAND. 



John Gregorson Caufbell. — VSTitchcrait and S«coad Sigbt 
iu the Highlaads and Islaads of Scotland. — Glasgow. J . 
Uac Lehose and Sons. 1902. 1 vol. de 314 pp. Prix : 6 ah. 

J. G, Campbell, pasteur à Tire* avait laissé deux ouvrages manuscrits 

i7 



2S4 



BEVOe DE L HtSTOIRf: DES RELIGIONS 



doat l'un a èlé publié en 1900 {^tip^sùtions ûf the Scottiik Highlands; 
ef, R. H. R. 19(>1, nov.-déc, p. 4ti4) et dont l'autre paraît aujourd'hui. 
Les documents présentés dans ces deux volumes ont tous été obtenu? 
par l'auteur d'inlormaleurs directs ; c'est dire qu'ils méritent tous deux 
uoebouoe place daua toute biblioltièque da sociologie religieuse et de 
l'olk-lore. 

Le premier volume traitait de Fée«, de Chevaux-de-Mer et d'autres 
êtres surnaturels de même espèce; ils se distingruent des esprits 
méchants dont il est parlé ici» en ce que les premiers ne pouvaieqt 
être forcrés ou amenés par les mortels à sç manifesler à eux ou à entrer 
à leur service; au lieu qu'il suflit de coaaaitre les gestes et les incan- 
tations ad fioc pour oblig-er les sdcuads à se montrer et à se plier aux 
fantaisies d'ua simple mortel. Ces praliques n'étaient cependant connues 
que dca seuls magiciens; il est à remarquer que ces sorciers et sor- 
cières d'Ecosse ne présentent aucun caractère effrayant ou répugnant. 
Jamais M. C. n'a entendu parler en ce pays de succubes ou d'iocubes, 
de réunions nocturnes ou de danses avec le diable, de supplices infli- 
gés par les sorciers à de pauvres, femmes, de promeuadËS aérieniies ïur 
des manches à balai, ni d'évocations de morts. Leur puissance leur ' 
venait du diable, mais pour l'obtenir il n'était point besoin de pacte. 

En (général c'étaient et ce sont encore de vieilles femmes, dont la 
puissance n'est nulltment infinie, car elle ne peut s'exercer que de 
certaines maDi>ërês bien détermioées. Les sorcières peuvent - prendre 
le lait des vacbes du voisin; faire venir le poisson auprès de la oAte où 
elles résident; assurer une pèche frucluense auï pécheurs ; aller elles- 
mêmes en mer et rapporter de grands paniers pleins de poisson; 
soulever des tempêtes, faire sombrer des navires, noyer ceux qui les 
ont ûffensées ; donner aux marins des cûides à nœuds pûur Iç vent; 
s'enivrer Jusqu'au malin de vin dans les caves de Londres et d'Irlande 
ou elles se rendent en volant à travers les airs avec une vitesse prodi- 
gieuse; traverser les rivières, les lacs et les mers sur toutes sortes de 
véhicules bizarres (tamis, coquilles d'œufs, etc.); causer des maladies 
incurables à des ennemis; égarer et mettre en danger les voyageur*; 
empêcher raccouchemenl normal en obli^^eant l'enfant à rester dans le 
sein de sa mère ; traire les vaches en suçant le pie ; se métdjnorphoser de 
diflérentes manières, par exemple eu moutoQ (p. 30], en lièvre (p.33]'i 
en chat (p. 34), en rat (p, 42), en mouette (p. 42), en cormoran (p. 43} 

I) J. G. Fraier, The Golden Bough, 111, 403, voit dam cette métamorphose 
ua cas d'fixténorisatioei de l'ame, laaia a. tort, selon aoua. 



AKALT&K8 ET COHPT£S RBHODS 



a»5 



6t «□ baleine (p. 41}. Les sorcières d'Ecosse pratiquent l'eavoûlement 
au moyen d'une slaluette d'argile. Elles sont iavulnérahles, siaoa pour 
leâ balles et iioutoas d'argent, Il est rare cju'elles viennent faire du mal 
après leur mort. La demeure d^uue sorcière sa reconnaît à ce que le 
premier lundi de chaque saison, la fumée qui sort de la cheminée va 
contre le vent. 

Haifl H est d'autres sorciers et sorcières qu'en Ecosse on distingue 
trëâ nettement de cenx dont il vient d'Mre question çn ce qu'ils ne 
font que du biea, leurs pratiques constituent la Magie Blanche. Ils 
gaérissent les maUdies des hommes et des animaux, iJoonent de la 
chance, avertissent d'un danger au moyen d'ioi^antalions, de rites, de 
plantes et de pierres k vertus et en observant le temps et le cours des 
astres. Les formules dont Jts se servent ont forlemeul subi l'empreinte 
du catholicisme ; on y invoque la Trinité et certains saints, ûolùmmeil l 
saint Patrick, saint Columlian, saint Michel et saint Pierre. On dis- 
tingue i Veoiàs (connaissance) ou leagasg [enseignement) qui est un 
charme pour ^érirdes maladies passagères (mal de deuia, busses, etc.). 
se garantir du mauvais ireiL {pp. 59-t}6); le sian est destiné à ^ranUr 
lea hommes et ]é& animaux d'un danger, par exemple d'être fait prison- 
nier, d'être bl«8é par une épée, une flèche ou une balle; ou le pro^ 
DDQce chaque soir sur les animaux pour les protéger pendant la nuit; 
on 1b met au cou des enfants; la maîtresse Ifi donne à son amant ; on le 
récite en entrant dans la salle du tribunal afin de gagner son procès. 

Les objet? qui servent en Magie Blanche sont principalement des 
pierres, par exemple Toiuf de serpent appelé aussi verre de serpent 
(pp. 84-8S), la pierre de grenouille, la flèche des Fées, etc. L'eau de 
certaines sources, le boiâ Ae certains arbres constituaient également 
des remèdes efficaces. Le traitement de l'enllure des gUndea axil- 
lairea (maladie nommée tiiàm) est des plus curieux : un vendredi, 
on marmotle certains mots au-dessus de la lame d'un couteau ou d'une 
hache d'acier ; on l'applique ensuite sur l'endroit malade qron fait sem- 
blant de découper en neuf morceaux ou davantage, après chaque trait 
ainsi dessiné, on dirige la liacbe ver* une montagns à commet arrondi 
(dont le nom commence toujours par iridw; ex. : mara-an-t-anôid etc.) 
e( on répète l'opération autant de (ois qu'on a tracé de lignes; une fois 
l'enQure t comptée ■, on dirige le coupant de la hache vers le sol en 
disant : Que le mal aille dans le sol et la tristesse dans la terre. 

Les Écossais croyaient et croient encore fermement que certains phé- 
oomèoea peu communs sont les signes avant-coureurs d'une mort. 



25« 



KZTTX DE LHISTOIU PB «lU610!t& 



CerUtae* fiuniUes étaient «Tcniei par nn préoge sp^al : poor le» 
BnidftllAiu c'éttùt le mafiMemefil il'oii tioreau ; pour an« branche 
dei llwGTegoraDsiffleiiMiit.poQr [«3 Mac L^chiin TappuiUoD de car' 
tain petit «iaatD. Les étoiles fiïaauaei la oMDète sont on signe de mart 
poor lenolfle mt U tombe future dgqaelelles tombent. Le pliu redouté 
de ton» CM présagea èUit l'apparitMa lie Hagaes-à-la-petîte-iète ; i) se 
préante mot U forme d'un onvlter saoa tète à cheval sur on petit 
eouTSier naîr avec une lacbe blancbe au froat et dont les pieds laiasoit 
DDe trace aembUble i celle d'une jamba de bois; Hugues annonce la 
mort d'un des Maclaine de Lochbay en Hall. D'antres présagea d« 
mari sont : le burlemeat des cbienfi, )>ppari)ioa soudaine de lumières, 
OD bruit de gëinisaementa, etc. 

La croyance k la (acuité que posséderaient cenaines personnes de voir 
dea esprits est aus^i répandue eo Ecosse qu'aux lies Hébrides, dans l'Ile 
deMan eten Irlande^ L'auteur pense qaetacrojaiH»au don dr accondt 
Tueestane survivance da paganisme celtique; en réalité elle se m- 
troQve à un d%'ré plus ou moins éJevé chez tous les peuples de la terre. 
Le nom (raéliqae da-ikeailadk signifie proprement : deux rues, celle 
du monde réel et celle du monde des esprils, le mol esprit étant d'ailleur» 
inexact puisque le To^aot croit à la résiitê matérielle du Tantâme qu'il 
voiit. Le nom de td,R\^ai^ est laUiks {prononçât faiiAj et 8e latlacbe à la 
racine îd qui adonné fonnaf (spectre, général emeot d'^unœort), lamAatg 
(pron, taùsg) l'ombre ou double d'un vivant), tàslaich (avertissement 
surnaturel entendu ou senti, maie Doapasvu^\ tàradh (bruits nocturnes 
mystérieux), laran [esprit d'un enJant non baptisé], etc. I 

La croyance à la seconde vue repose sur la doctrine dualiste suivant 
laquelle tout être humain a un double de lui-même, assez indépendant, 
et que tout le monde ne peut pas voir. Ce double n'est ni la vie, ni 
l'ftme, mais quelque cbose comme un deuxième individu de même 
fomiB que l'autre mais cependant immatériel. U a la faculté de dor- 
mir; la mort neratleint pas; il se mBDifesIe où et quand il lui plaît. 
On ne sait au juste si chaque homme possède un double de ce ^^enre ; 
on ne sait pas davantage comment le faire apparaître; parfois il sulïït 
pour cela de vouloir fortement sa présence; mais en règle générale, 
même les gens doués de seconde vue ne peuvent l'apercevoir que sous 
cerlaines conditions, très spéciales, par exemple lorsqu'elles sont assises 
la nuit auprès d'un feu, ou lorsqu'elles attendent un smi, un 
ennemi, un événement important. Le don de seconde vue était plul6t 
considéré comme un malheur; il ne dépendait point de ta volonté du 



f V • 



ARALYSE3 ET COMPTES BKHDUS 



i57 



Toyasl àe Tavoir ou non ; on cite des cas d'hérédilé du don. Le 
vopnt lire des présages de la façon dont te taîsh esl bahïtlé; le plus 
souvent celui-ci vient annoncer la mort de la personne à qui il ressemble; 
plus l'apparition se produit lard dans la journée, plus la mort e!»t 
proche. Parfois on rencoulre la nuit des proc«5$it>Ds de taiish se rendant 
au cimetière et eiécutant strictement les rites des funérailies; si ces 
tti'&h voient un vivant, ils Tobligent à porter lii bière; c'est pourquoi 
les voyants marchent la nuit sur les côtés de la roule aûn de pouvoir 
se cacber dès qu'ils voient de loia s'avancer une de ces redoutables pro- 
cessions. Le taish est souvent le double de la femme qu'on épousera, 
de l'ami absent, d'un voyageur qui arrive. Pour se débarrasser d'un 
laïâh dont les visites sont trop fréquentes on peut s'adresser au vivant 
dont ce taisb est le double; le vivant éprouve une émolion violente. 
car il ne pouvait se douter des promenades de son taîsh, et cela sufût 
à rendre le double tranquille. Mais d'ordinaire leii voyants n'aiment pas 
dire de qui le taisb qu'ils voient eât le double, car le taish, furieux^ 
attaquerait le voyant qui ne peut se défendre contre cet ennemi imma- 
tériel. Très gûuvedt le taïsb apparaît chaque nuit, à la même heure, ou 
bien assigne un rendez-vous quotidien (hors de la maison, parfois très 
loin dans la campa^'oe) à celui qu'il persécute. Les gen$ doués de 
seconde vue ont d'ordinaire unregardparlîculier, très mobile et alarmé. 

En soiy toutes ces hallucinations, on le voit^ n'ont rien d'extraordi- 
naire; mais il esl inléressant — et c'est pourquo' j'ai insisté sur cette 
partie du livre de M. Campbell — de voir comment les iËcf^sais ont 
conçu cette notion du taJsh, ni homme ni esprit, qui a été reprise et 
développée sur le continent par les spiritisles. Le spiritisme, Tylor 
Tavail déjà montré, n'e.^l en elïet qu'une renaissance et une syslémati- 
sation pseudo-scientifique des vieilles croyances celtiques et !e corps 
astral n'est dans certains cas pas autre chose que le corps immatériel 
du taîsh. 

Cest dans son chapitre sur la double vue que l'auteur a rangé les 
quelques cas de télépathie venus à sa connaissance. On sait que récem- 
ment M, A, Lang avait, dans la première partie de son Makimj of /{,•- 
lig^ion'f attiré l'attention sur les cas de vision à distance et de prévision 
tétépathique des événemenls; il donnait notamment, pp. 86-89 de son 
livre, deux documents très curieux sur l'Ecosse; on y ajoutera ceux 
que fournit J. G. Caropbtll (pp. 148 sqq. et 180), oii la vision des pro- 
cessions funéraires tient la plus grande place. 

1. Cf. Complu rsndu m H. H. H.. 1902 mars-avril. 23--235. 



258 



REVUE DS L HISTOIRE DES BELIGtONS 



Les hommes ne sont d'alUeurs pas seuls à posséder la faculté âevoÊ 
des uisb : parmi les animaux qui en sont doués, le cbi$n et le cbev&l 
sont tes plus remarquables. 

Le chapitre V traite des hnekdan (prononcez bauean) c'esl-â-dire 
tous les phéDomènes d'apparence anormale et qui causent l'épouvante 
c'est un homme ou une femme qui passe en silence à côté de vous, 
vouloir répondre à vos queslioDs; c'est un Imisson qui brille sou& I 
lueur de la lune; cVst un arbre qui agite ses branches fantastique 
ment; c'est un chien noir qui vous :suit sur la roule ; c'est comme u 
corps s^ns tât«; c'est un objet sombre, de forme indéterminable et 
qui se meut; c'est quelque chose qui produit un bruit comme d*un 
grincement de poulie ou d'un cliquetis de chaînes. Le bauean est tou> 
jours le signe svant- coureur d'une mort wudajne et violente ou d'u 
épouvantable malheur ; ce n'est donc ni un taish, ni un esprit, ni un 
revenant, mais quelque chose d'indéterminé, d'inconnu, d'anorm;iI, 
Et on sait que rinconou el l'anormal onl toujours elTrayé l'humanité 
ignorante. Les procédés de défense contre les bauean dépendent de 
la nature de ceui-ci : on les touche avec de l'acier froid ou du fer; on 
se fait accompag'ner d'une chienne, ou bien on ne monte qu'uu étaloS] 
car ces deux animaun attaquent toujours les êtres surnaturels, au lie 
que le chien et la jument se retournent contre leur maUr^; le meilleur 
moyen consiste à tracer à terre autour de soi un cercle tout en invO' 
quant la Cfoixet le Christ. La lorme la plus bahiluelle du baucau e^^l 
celle d'un petit vieillard qui montre, de nuit, sa QgUre aux fenêtres en 
grinçant des deot&j on Tinvoque aussi pour faire peur aux enfants indo- 
ciles. D'autres bauean très connus sont le Corps- Sans-Tète, dont on 
raconte diversement la défaite et la disparition, et la Palle-Grise q 
hantait les églises : presque chaque èglj&e des Hig-falands en possëd«i 
Un exemplaire. 

Dans le dernier chapitre, consacré à l'année celtique, J. G. C. donne 1 
quelques renseignements sur différents noms et lètes classés d'après )â^M 
calendrier. L'élude ta plus intéressante esl celle qui a trait aux con-^1 
lûmes du samkain {haUawinas, premier jour de l'hiver ou Toussainlj ^j 
(pp. 281-2S9) puis vient une courte étude sur les jours de la Gemame et^| 



une autre (pp. 304-307} sur la lune el son influence sur 1, 
hommes et des plantes. 

Un index très détaillé lermine le livre. 

A, VAM Geknep. 



vie des 



NOTICES BIBLIOGRAPHIQUKS 



D'Fn«NZ ScHLHCdL. — Die Duldung in BabjrlDnien-Aasyriea, Per- 
Aie& und ChinA [La Talèrftûce en Babylonie-Assyrie, en Perse el en 
Chine). — Cîolha, !902. 

C'est QTie brochure de 108 pa^es que ]e D' Schleichl ajoute à la Eérie de 
monographies consacrées au mètnt sujet depuis 1896 et où ÎJ & paesé en revue 
les id^es en patièr« de tolérance qui ont prièvalu sucoeBsivement ou réf^ressU 
Tcmeni eo Espagne, dons les pays musulmans, sous les régimes bouddhîsteâ 
«l dans l'ancienne ËgTple. Ce sont auLant d'ubregiég boNs à coosutler à tilre de 
mémentos, gr&upant autour d'un même princkp»^ I^s appltcalions ou les contra- 
jliotions multiTormes dont ce principe a profils ou soufTerl dans les divers 
pays et tes dirers lt>mpB. Celui que nous annonçons un peu tardiventent se re- 
eoramnnde par le aoio couse iencirËUx que fauteur a pris de ne puiBer ses ren- 
apig^emectls qu'à des sources bien renseî^néfe elIeB-oi^infs. Il n'apprendrn, rien 
de nouveau a ceux qui ont pu ëtudjer du prés l'histoire relij^ieuse des rêgioDS 
dont il parie. Mais ceui-là. sont rares et. quand il s'agil d'une question qui 
demeure, quoi qu'on en dise, à l'ordre du jour, de noire temps comme autre- 
fois, il est C'jmoiode de trouver n'unis dan» une exposition spéciale dea doiinres 
^arpillées dans un si grand îiombr?: d'ouvr»ges qui n'avaient pas fait d^e oetla 
question leur ot>j«t pricicipal, Od y trouvera des preurçx nombreuses du fait 
aignitlcstif el à notre âvis très tuai obii«Mr^, qu'il ne euIGt nutletnenl qu'une 
religion prË.che la InléraDce pour qae ses adhérents lamellenl en pratique. Qa 
dirait que l'homme, d'abcrd indlEférent tant quelaqueslion de vrai oudefaux en 
religion ne se pose pas devant s<>n esprit, «st naturellemejit, instinctiveuent 
intolérant dès qu'il en a «onscieoce et n'arrive à la loléranue considérée comme 
un devoir qu'à un degré supérieur d« son développement Jnieliecluel ex moral. 

A. Rétiue. 




AoH. LtcLÈRE. — Le livre de Vésand^, U roi oIiaritabl«, d'après la 
leçon cambodgienne. — Paris. Leroux, 1902. Grand in-^", 96 p.. ill, 

H. Adb Leelère, ré^sident de France au Cambodge, eit bieft connu par ses 
nombreuses publications relatives à ce pays. Il vient d'éditer, en un volume à 
part, ta traduction du plus célèbre deB><l(aAddu Bouddba. C'esL le récit de son 
4ï»n(-demiêre renaissance sur celte terre» alora qu'en qualité de prince héritier, 



260 



REVtlB DE L HISTOIRE DES RELIGIONS 



soaa le nom d« Vicranla» [ptUi : Vessaotani) le Bodhîsattva donna successive- 
meot en aumâne l'êlephant roy&l, pins — sur le chemin de l'exîl que lui arait 
valu cette géoérositë iocoDsidérée — b«& cbefsui, sob cbar» ses deux eofanU et 
jusqu'à u femoie : & ce prix «eulameol on derient un Bouddba. Oa dwl 
«a»oir grand grê 4 M. L. d'a»ôir ainaî min â. la portée de tous la l^çon cambod- 
gienne lib la lëg«nde, d'ailleurs à peu près fidèle au texte pâ.11; le service readu 
au public français eal même d'autant plu5 grand qu'il n'en exiale pas d'aaln 
version en notre langue, La Iraduclioa de M. L. eal en général aisée à lira; 
encore aurait-elle beaucoup gagné à Aire allégée d'un hybride mélange de 
termea cambodgiens qui la bèrisBeat elTeDcombrentet auxquels il eût été pos- 
sible el prëfêrabJe de subdtiluerdes Équivalents Français. iJ est assuréoienL plus 
commode pour le traducteur de reproduire ces expr^ssiQQS telles quelles : mais 
o'oublions pas que c'est pQur la commodité du lecteur que lea traductions 
doivent ^tre failea. Il y aurait auisi beaucoup à dire sur la préface et les notes 
de M. L. La plupart de cCj derniêrCB alfectent uQ luxe d'èrudiliou d'autant 
plus superflu qu'il est loin d'être impeccable : aous ne demandons pas mieux 
que de passer condamnation sur ks incorreclîons qui émailleal ces « restitu- 
tions B piUids, mais nous ne pouTODs laisser â leur auteur la moindre illusion 
sur leur compte. Les noiea les mieux jusliliéessont celles qui se rapportent aux 
divergences des diverses leçons, bien que M. L, semble parCotB prendre vrai- 
meot trop au sérieux, comme s'il s'agissait de documents bisloriques. les 
variantes de ce> vieux contes. Ses observa tioue sur le caractère «a-humatn » {su) 
de son héros et les v proLeslstions indi^nôes de la coDscience cambodgieune » 
s'accordent assez mal avec L'èpitbète de' ■< cliantable » dont un sous-titre mal- 
beureusetaent cboisi gratiTie Vesandur : c'^st qu'en réalité dai»8 cette « plus 
belle pflige de la blt^ralure bouddhique '• il ne s'agit nullement de cbarïlê, au 
sena DÛ nous l'entendons, mais d'une ivresse de sacriSce poussée jusqu'au u- 
crili^e des autres en vue d'un but déterminé, l'oblenlion de ta parfaite Bodbi — 
c'est-à-dire au fond l'exact pendant des surhumains el raroucbes expiaitS' des 
rieux ascèles brahmaniques. On ne voit pas non plus pourquoi M. L, s'excuis 
de traduire le préambule qui place le récit dans la bouche du Bouddba et qui, 
avec la conclusion sur les destinées subséquentes des divers personnages mis 
en scène, forme te cadre oblige de tout iâtaku. En revflncbe on lira avec in- 
térêt [es détails vécus que l'auteur du Bouddhisme au Cambodge nous donne 
sur la populnrilË actuelile de la légende et le» allusioiiB dont elle est encore 
l'objet dans le tangage courant. Nous considérons aussi comme 1res heureuse 
l'idée d'eit^oir illustra le texte i Taide d«B dessins traditionnels que continuent 
à reproduire les anisles i&dîgèaes et dont plusieurs ne sont pas saus charme 
dans leur naïveté. 

A, FOUCHSH. 



ISOTICE& BIBLIOGRAPHIQUES 



261 



H, M. Chadwlcx. — The cuit of Othin. An eiiay in the anclent reli- 
gion of the North. — Loadon. C. J. Clsy &ad Sons, 1399. 82 pp. în-16. 
PrU:2«h.6p. 

Dans cette consdencieuEB mooogrspbie M. Cb. & réani tous les retiseigna- 
m«nls qu'on poBaë')« sur le culte d'Odin; il a doac laisESè de côté les mylheg; 
tout nu plufl, trouTe-t-oo, note JII, uae courte ëude sur Je mythe d'Ygi;drQsill; 
l'auleur s'y élère contre is théorie de Bugge. Les c&racténsti^g'ues du culte 
d'Odin sont les «uirantes : les aacriflces se font au moyen <Je la, javetine et de 
la pendaison ; la mort liaae la bataille élaiL considérée comme rituelle. On Lrou> 
verait des alluBion« à ce rilueL dans l«s dDcuiii.eDt9 sur les peuples de Germanie 
et d'Angleterre. Parmi les cas de sacriSce k Odin M. Cb. range la mise à 
mort des vieillards cbet les Hénilea, pp. 33-3^, «t ce à tort  notre avis, uae 
telle cDutum? ayant existé cli«t mainte peuples de IVotiquitè, «tant fréquente 
chei les demi cifiligés et ne présealant point, même daos le cas des Hèrulesje 
caraelire d'un sacriSee : bien des motifs ^teuirenl âlre invoqués pour expliquer 
eelle mise à mort dea vielUards bërulea ; elle se faisait au tnoyen de la dague el 
M. Di. est mal venu, lui qui attache tant d'importance & l'usage de la JaTeline 
(arme d'Odin par eKcellenoe) de supposer ici une erreur du copiste ou de l'écri- 
vain [Procape], Les conclusions de l'auteur sont les suivantes : I) le culte d'Odia 
était très probablement connu dans le Nord dèslecommeEicement du vi' siècle, 
el il n'y a aucune raison pour supposer que oe culte fût nouveau k ce moment; 
2) le culte d'Odin ne semble pas avoir été pratiqué par les Suédois au premier 
demi-siècle de notre 4re ; 3) sî IVloption de la crémation dériv» du culte d'OdiQ^ 
c« cutte n'a pu être ifitroduil eu Suède plus tard que la âa du i'( siècle. 

A. TiJi Gbkaip. 



A. TI1.LI. — Taie and Clirlatmas. Th.eir place in tbe &ermaaio 
yoar. - London. D. Nutt. 1899, 8-, pp. 2(8. 

Uae Étude approfûndiede tous les documenta qu'on possède sur l'anate ger' 
manique. l'année anglO'gRrmaaiqufl et l'anaée Scandinave amène l'auteur à for- 
muler les conclusions suJTanles : 

Alors que l'histoire des institutions indique une triparlilion de Vannée g^er- 
manique, l'élymologie est en faveur d'une division en deux partie». Cela tient A 
ce que les Aryen s acceptèrent très anciennement une divison tripartile d'origine 
orientale ; l'année se trouvait ainsi divisée en trois saisons de deux mois chaque. 
Yule était une de ces saisons et s'étendait orig-inellement de la mi^novembre à 
lami-jaavieri chez les Golbs du vi^ siècle, Yul« «mbrassût novembre et dé- 
cembre, et chei les Anglo-Saions du vti» siècle, décembre et janvier. 

LesGerniaioj du Nord commençaient l'aiméâ au Milieu d'octobre^ les ûer- 



362 



RKVtlE DE L HISTOIRE DES RBLIGIOnS 



maïns de l'oueêt d'AlIeiaïkgnd et d'Anglelerre Btulemenl Ters le milieu dfl 00- 
vembre. 

Comme 00 B&iL d'une manière c«rt«in« que vers le commencement du i" lîèele 
après J. -G. 1«b G>er[ii&.in3 nvaienl une fëted&ne la première moitiâ de novembre, 
OD a de boTiTies raisone de croire que la Saint-Martin, qui tombe le 1 1 noTembret 
a euecédé â. la fête ancienne. LaSainl-Marlin Tut la plus grande Tâle de l'année 
jusque vers la (in du Moyen-Age. 

Rien d'étonnant, par suite, a ce que la Saial-MartÎD Boit en relation avec 
l'ancienne division tripurliteid'où Fd'CjualitA de terme [égal dans lea aDciennes 
lois germanique et ang'la-EQXonne ; les autres termes légaux étaient la mi- 
printemps et la mi-autonme. D'un teroieàraulrt^on complsil environ cent jours. 
De même lit Saint-MarÇin était en relation av6c I& divigioa bi-pïrtilË-. Jusqu'au 
%vi* siècle, la Saint-Martin el la mi-mai étaient des lermes lègaui en Allemagne; 
il en est«Acore de mSme en Ecosse. Aux Champ s- de- Mai ont succédé les g^rancJes 
fêles. chfélienoes dea flogations. Ce n'est que vers 755 que l'Église lixa Ia dais 
rfea de:ux fêtes au l*'marB el au 1" octobre. 

Tous les documents prouvent abondamment que l'autre grande fSte du 
Moyefi-Age, la Saint-Michel, est bien postérieure à la Sainl-Marûn. La tSaint- 
Michei doit son origine A la division en quatre b&isods empruntées i l'Eglise 
de Rome. 

Parcontre les Germains ignoraient les Sobtic^a et les Ëquinoxes : c'eist aux 
Romains qu'il en durent la connaissance; c'est à euï égslemenf qu'ils durent 
les; Calendes de janvier et les fêtes qui les accompagnaient. Comme tracaforma- 
tion de coutume on peut citer l'adoption des fêtes de (in-diicembr« el de com- 
meoceme^Qt de janvier dérivées des Tabula Poriunie. 

De même tio^ï est uae simple ÎPpQrUtioo nïmaine IraDsformée parl'Égliie, 
LCiâ premières formes du culte de la Vierge à Noël se trouvent eïposâeS dans 
Ëeda, Di Meoiiltis Anglorum, chApilre xi de son Ds Tettifiorum Ratione. Puis 
on voit la coutume évoluer peu a peu jusqu'à devenir notre Noël, le Clliriatmas 
des Anglais^ etc. 

Enfin chez les Scaniiinavea on trouve également des restes d'une division 
bipartite', on y trouve aussi la dirisioD Iripartite el ce n'esL que plus lard que 
fui importée ].& dJFision romaine en quatre guisons. Le ïule Scandinave dale 
du ix> sïèclg : on le célébra d'&bord vers la qiî-jaiiTÎer ; el ce Ifut le roi HakoD 
k Bon (910-963) qui eo ordonna la. cËlébratton nu moment de U Nativité. 

A. VA» GsjtHEP. 



Dr M. J. S. BAuo.f. —^ Commentar op het ETangelîe van JohoneB. — 

Utreebt. van Boekhoven, 1902. 

M. le professeur Baijon poursuit la série de ses )QtéreBB.antB commenlaireA 
sur le N, T, Celte fois, c'est son commentaire sur le IV* évangile que noua 



NOTTCBS BlBtTOGHAPHrQUES 



263 



avons le prÎTilëg^ de présenter et de reconitiiBader à. tous ceus qui s'JDlëresfienL 
aui mulliplea questions que soulève toujours ce livre m/slérieux. et auxquelleB 
plusieurs esT&cits travaux viennent de donner encore un regain d'acLualitë, 
M. B. relflve soigoeusemenl, al S-ans prt'ndre parti la plupart du lemps^ les idées 
de ces récents critiqu«e., saur pour Battienapefger el van Eerde dont il combat 
ies hypothèses parliculières, ainsi que quelques Interprétations àeJtan BévilU. 
Il se contente en général de citer KrcyÉtiiHihl el Griil, et indique, & la fin de 
chaque chapitre de l'ËvanglIe, les TrngmenLe qui feraient partie du noyau aU' 
Ihenlîquement johannique tel que Wendt a essayé rie !e constituer. L& teinte 
neutre de ce coiisciencieui ouvrage est encore accentuée par k fait qu'il est dé- 
pourvu ij'vne Introduction où nous aurions pu connaître le£ iâéRE personnelles 
de r&uteur et la solution qu'il donne au problëniA jobs-nriiLue. M. B. nous ren- 
voie pour cela à son « Histoire deï Livre? dy N. T. ", parue l'année précédente, 
et dont In Hevue a rendu compte >. Nous y apprenons {Oeschiedenis... p. 3651 
que M. B. ne penae pa.s pouvoir attribuer l'Évângiie à l'apAlre Jean, non à 
cajse du caractère philosophique de l'oeuvre, de lu. pureté relative de son g^rec 
ou des aulres raisons généralement mises en avant contre l'authenticité, mais 
parce que L'altération que U qua.irième év&ngëliste Tait subira rhistoîre, pour la 
plier à ses thèori>e& religieuses, lui parah ÎJicoDcevahie chei un disciple immédiat 
de ièBus. 

Avec seft qualités d'objectivité et de solide ôrudiUo'n, cet ouvrag-e est di(,'ne 
de ses prédécesseurs, sortis de la même savante plume, et nous Tait attendre 
avec impatience le prochain commeolaire que M. B. nous promet pour celle 
année sur les Actèi des Apàtri$. 

GBORâts DuFOnr. 



F. X. Flnk. — Die apoatoUscliea Vâter h&rauBgefebfla. — Tubingen. 
Mobr, in-S" de xuvi et 252 p.; prix : 1 m. dO; relié : 3,80. 

Le» étudiants qui p'r>cctipent de la Uttérature chrétienne primitive JODt ts- 
sufétuent parmi les plus faTorisés. De toutes parts on s'efforce de mettre à leur 
disposition de bonnes éditions critiques des textes â étudier, non seulement du 
Nouveau Testament, mais des écrits Toisine de la littérature canonique, à des 
conditions de bon marcha tout à f&il exception ne lies. M, Krùger, dans sa col- 
lection « susgewà.bller kirchen- und dogmen geschicbtticber Quelle nsctiriften » 
a eu l'heureuse idée d'adjneltre une édition des Pères apostoliques. Elle forme 
Le premier fascicule de la 2* série et elle est T'iUTre du professeur de théologie 
catholique bien connu, P. X. Funk. 

Celui-ci publiait en 1901, ches Hinrichs, une nouvelle édition, partiellement 
revue el augmentée, de sa grande publication des Pères apostoliques ïrec notes 



l)TomeXLV. p. 286. 



36i 



RK\'IIE DE L'aiSTOntK DES RBUGrONS 



el co m meei terres, en 2 Tolomea. Il te propostûL d'en donner aussi uoe * «ditÎQ 
DÛnor •- M. Krûger peosA qu'il sérail facbein de publier en même lempa daps 
sa uoUectïoQ une autre édition i. bon marché. Il s'enleadil donc avec M. Funk 
at avec son éditeur pour faire passer celle préparée par celui-ci dans wn ne- 
euel de •• Quellenachrifien ». Il en résulte quelques anomalies. L'inlro<luclicid, 
ècrile h 1& deaiande de M. Krûg'er, esl en alIemaDd, les réKrences au N. T. au 
bas des psg^ps sont en latin, ainaî que l'indei. Le pagioalion e« double, d'une 
part conlinwe, d"4utre part en trois séries qui Irshiesent la composilion deatinée 
à former trois fascicules séparés, Oe SQnt lÀ deï déLalls peu importais. 

La telle est établi avec la correction el la prècisioa babiluetles i M. Funk. 
L'impreasion est eicêil«iit'e, ce qui nVal pas toujours le cas pour les édiiions 
grecques à bon marcbé. L'introduction est tout à Tait eommair». Elle ne donne 
qu'une npide indication sur l'bisioire du texte et sur La place que ta critique 
asBig-ne dans l'histoire de la première lîtlt^ralure chrétienne à. chacun des écrits 
ëditt>fi. Elle ne saurait à aucun titre dispenser le lecteur de recourir h des édi- 
tions plus développées et suz commentaires, pour se renseigner sur les nom- 
breux problèmes d'ordr» critique soulevés par iies ixurres des Pères aposlotiques. 
Le nature mime de cette petite édition ne nous autorise pas à en demander 
plus. 

U. Funk a admia dans aon rpcueti la DidocM, qu'il avait dtjâ ajoutée à une 
réimpreesioD du premier voluiae de ta grande édition en 1887| le fragment de 
f Apologie à« Quadratus qui nous a été conserifè el le Marlyrium Potycarpi. 
Il j' a oiAiiiienu VEpUre à Dioj/nète, quoiqu'il ne la conaidère pas comme 
l'auvre d'un. Père apostolique. C'est une concession i. la tradition. Nous ne 
nous en plaindrons pas, puisque celte Ëpttre, quelle que soit La date de sa com- 
position, est un écrit cbarmeol, dont il est agréable d'avoir un teiLe à meUre 
entre lea mains des étudiants. 

Peu de temps après la pubttcstion de ce petit voCume, la librairie Hînricbs 
publiait la quatrième édition de» Patrum ^poslolicorum Op^ra, d'après la re- 
oension de too Gebbard, Harnsck et Zabn, {editio minor). La composition en 
est & très peu d« choses près ta mèue que celle de Fuok. Il n'y a pas le frag- 
ment de l'Apofogwde Quadralu», mais il y a, dans l'une comme dans raulre^ 
la Dtdaclié et VEpitre à DiognèK. Nous regrettons que les éditeurs aient cru 
devoir supprimer lea traditions des Presbytres, conservéett par Irénée. L'ab- 
surdité méma de ci!s traditions eat bien propre à nous édiOer sur ta rapide dé- 
générescence de la tradition orale, pour autant qu'elle n'avait pas ^té Gxée par 
écrit de bonne beure. L'édition publiée par Hînricbs a un index nomioum et 
un index locorum S. Scriptur&e. Celle de Faak n'a pas le premier^ mais dans !a 
eecond elle donne aussi le renvoi aux apocryphes. 

jEaN RxTl|.Li, 



HOnCK BnLtOâRAPHIOUES 



265 



Jean EBBnâOLT. — JCsB ActSA ds Biôïxl JacÇtP^B 6t l6i Actes d'Aqoilas, 

publies d'après deux □m.nuscrits grecs de la. BtUiothôque Nationaie. — 
Paris, LerouK, 1902; 1 îoI. gr. in-S» deii «t T7 p. 

M. Jean Eber^oU. âj^ve de I& Faculté de lhèc>lQgî« do Paris ei de l'École 
prall>iU'ede3 Haulas Études, s débuté dans la cârriëm d'Iiiatonempar la publica- 
tion d'uoe thèAe qui f&it honneur à U précision de ea méthode. Il noiis danaa 
ici l'édilion princeps des Actes de saint Jacques, RU de Zébédèe, et de ceux 
d'Aquilas, le mari de Prîadlle, Les premiers sont édiles d'&prôs l« manuscrit 
grec 1334 de la Bibliothèque Nationale, un beau parchemm du xri" siècle con- 
teo&nt des ries et des martyrea de saints, qui ng'urenl au calendrier hagiogra- 
phique entre le 1*'' mars et le 31 mai. UeB seconds sont donnés d'après un 
mBDUsccit beaucoup plus néglige, portant le n" 1219 du fnnds grec, qui 
contient d'autres vies de saints, dont quelquas-unes ont été déjà publiées. 

Il est à peine begoio de dire que ces documents tardifs n'apportent aucun 
renseignement biitonque sur les sa.ints perâonnages dont il e'agil. Ce avnt des 
légendes tardives. Les Actes de sAint Jacques ont dû être r^igés dans la 
seconde moitié du viii" siècle (p. 43). L'Église latine possédait bien avAut 
l'Égiiae grecque une légaade sur l'apAtre Jacques ; es n'était qu'une ampllG- 
calion du récit de Clëmenl d'Alexandrie, dans le VIP lirre des Hypot^oses, 
dont quelques fragments nous out été conservés par l^usâbe. O'apr'ËK ce récit 
le Juif qui conduit l'apâtre au tribunal est à tel point impressioDiLé par le pri- 
aonniar, qu'il se converti! et subit li martyre avec lui. M. Ëbersolt suppose 
que l'auteur des Actes grecs aura voulu réparer la né^Jigeace de ses coreti- 
gionaairea â l'égard de la méoioir^ de l'apôtre ; puisant ft des e^ources anté- 
rieures, il aura voulu réunir en quelques pages Louh les renseignemeuts qu'il 
possédait. Son récit se disliogue ntanmOma des écrits similaire-s par uufi 
sobriété relative. 11 s'inspire des pa^sa^es du N., T. relatifs à Jacques et i Jeun, 
de Josèpbe, de Clément d'Alexandrie et surtout d'Hippglytç de TlaèbeB. Les 
dÉtails empruntés à ce derniar a^ileur amènent M. Ehersolt é. faire una asses 
longue étude des curieuses traditions qui se rattachent à la sainte Sîon : c'est là 
4]u'aurait «té la charnière haute où se réunissaient les apiîtrea ; c'est \k que 
JéauE aurait iùstitué la Cène j c'est là qu'aurait vCcu et serait morte la vÎBrge 
M&n«. malheureusement il a'j a aucune conclusion hi«:tohque i tirer de ces 
légendes. 

Quant aux actes d'Aquilas, c'est une compilation, sans aucune valeur, qui 
ne saurait être antérieure à la lin du ri* sî&cle, puisqu'il y est fait tnentioci d'ua 
certain UaurikiioB qui fut général de Tlbâre Constantin et qui lui succéda 
en 582, 

Jean PévlLLl. 



266 



REVtre DE LBISTOini DBS religious 



H. Acatus. — Virginos labîntrodnctaa {Bin Seitnff zu I Kor, vii). 
— J. C. Hinncbs'eebe BuchliiinrHung: Lrip«g,2 mk. 60 pï. 

Dans Ml élégant petit livre 'le 7& psKes, le pnifetsegr H. Achetis abnrd» ud 
des points les plus inléreAsants de l'histoire de I^Ëglise. TouL le moDde sait 
ou croit HVOJr ce qu'^Iaient les € Virgijus «liftiniroifuctas ■, dont tant ile 
coDcile» et tant de P*f«a de l'Éçlise se sont occupés. El le jqgement des histo- 
riens pa.ratfiS&it d^Bnilif. M. Ach^ïia Fntrepreod de le rè-'ortoer, el sî la dé- 
monslratioD n'est pas loujours décisive, il btU cependanl reeannallre qu'elle 
e&t dans l'eafemble suIIisaRte. 

Noua QeBuivroQ» pas M. AcbelÎB dans le détail de sod argTimeiita.lion. Nous 
noua boroeroQs à. eo noter les points essenlieLs, eo (aisanl deux réserres 
générales : pOnr la forme, Taiiletir nous partit oatiqaer de clarté. Pour si 
caplivant qu'il eoîL, cet opuscule n'est pas propoïliaûné. C'est udsÎ que la 
discustîon tout accessoire sur la râleur du « iV satfulariU cUrieorum » altri- 
buè & Cyprieo, el de l'écrit i Ad Oceaawn - allribué nan moins faussement â 
Jérdine, prend une dtiaine de pa^s. Bien d'autres détails, plus condenses, 
aurnienl pu fLre reliég-ués au deJiiêœe pUn ou dans des noies. 11 en résulte 
une sorte de eonrusiOD qui rend la lecture du lirre ptutûl pénible. 

Deuiiëme réserve, pour le fond : l'auteur s'appuie trop facilement sur des 
argumenlE, dont il reconnsll parfois lui'Qiéme la fragilité. A être trop subtil 
on ne persuade pas toujours, au conlrsire. 

Ces réserres faites, 'û ne nous reste j'Ius qu'a louer l'iagéaiosîté de la thèse 
de M, Aehelis. Il réTule sicloneuaemerit l'opinion IraditioiiDelle qui ce veut 
Toif dans l'instituliot) des Virgines iubtnlroducttâ <5u'une coutume immorale, 
d&Lant du Ut' siècle, une accommodation très peu honorable entre là chair el 
l'espiil, que pratiquaient en grand nombre des moÎDes et des prfitreg. 
L'instiiulion est ptus ancienne. Et si elle a dégénéré, si leg coneiies l'ont 
pendant des Giècles si énergiquemenl caœballue, si CbrynosLome et tant 
d'autres s'élevaient avec T«bémence contre d'étranges cobabit&tîoas, il n'en est 
pas moins vrai qu'elle fut connue, sous sa véritable fonoe, beaucoup plus 
pure, dans Is primitive Eglise. M. Acbelis, pour le proitv*9r, analyse le fragnieDt 
de la tirailitude IK du pasieur d'Hermas qui semble se rapporter à cette cou- 
tume. Bien plus, il rémOule à saint Paul, En doun&nL une eiegèse nouvelle da 
passage I Corinthiens, vii, 36-38. Il ne s'agit pas là pour lui d'un père à qui 
l'apatre conseille de marier la 6lle, ni même d'un tuteur et de sa pupille (sui- 
vant re]tptLCB.tion de Meyer-Heinricî], mais d'un couple, imprudeffliOËut uni par 
un mariage spiritual, et près de faiblir. L'hypothèse est certain eoueat Iras 
întÈressanle et bien que Tauleur luî-miSme fasse certaines restrictions, il Q'«Bt 
pas impossible que nous Boyons en face du vérila.ble sens. 

Pura puris. Il est des ailuatione que les premiers chrétiens ont envisag'ëes 
plus libremenl que DDus. Le mariage spirituel, l'amour platonique, pouvaient 



FiOTtCES BIBLCOGRAPHIQUES 



967 



ALre une soluLioa pour les laïques el les prêtres qui ne voulaient pas vieillir 
seula, ou pour lea veuves eL les vierge» isolées et eaoa di^fens«. Ce sentiment 
iDul religieux se tran&forma, par suite de son exaltation m^me, en Bentiment 
très profaoe- C'éLail raLal:, et l'on comprend que l'ËgCtse l'ait condsqiné. 

Mais i] Taul disUng-uér les époques et ne pas rejeter superrioieUeioent el 
comme " en bloc >i, UDe iûetilutîoa qui naquit d'un cITorI siocëre pour réaliser 
un idéal impossible. 

riardons-nouâ surtout — c'est \h la judicieuse concLuaion Ad M, Achelis et 
daus Doua y associons pLeln«raent — de juger des choses anciennes av>ec nos 
préjug'és modernes. Il faut se transporter dans une époque, pour ta com- 
prendre équilablement. C'est la premièrB règle, et, pourrait-on clire^ laxiome 
de ïa méthodij bistorique^ 

P. PaiLiP DK Baiubau. 



LtisNKL DB LA Skllk. — SouVâiiiïi duVtAlix T«mpB. Le Bértj. Mohairs 
•t coutumes. Leâ littËratures populaires, tome XLIV, — Paris, 1^03, 
J, Mai^onneuTe. 



M. A. Laisnel <)e la Salle, 6ts de l'auteur de la (DOQO^raphie bien connue sur 
les légendes et couttimfs du Benf, a «ru bon d'en publier une réimpression^ 
qu'il a même augmentL^e par endroits; i] aurait bi«n dâ. profiter de l'occasion 
pour supprimer loua les rapprochera enls avec les folk^lores étrangers faits p« 
son père à. une époqu« oti l'étude compufëe des légendes, des crûyances et des 
coutumes ne faisait que commencer, et ne faire ainsi du rolume qu'un recueil 
de documents locaux. D'ailleurs, les Irafaiii de Laisnel de la Salle ne méritent 
pas tout à tait leurcëlebritê, due peut- Stre aussi au parrainage de George Snod, 
Les faits n'ont Èlé étudiés que d'une maniàre superficielle, parbis vraiment 
trop somioaire ; le souci littéraire a déformé maintes légendes et caché leur 
Daivetè premïère; et les renvois à des publications antérieures, auxquelles 
Laisoel de la Salle a fait plus d'emprjTits qu'il ue semble à première vue, ob 
sont jamais donnés en détail. 

A. TAN Genutep. 



CHRONIQUE 



FRANCE 



IffAerolO>gl6.— La Revue ne Baurait numquer (ïe»"aBBOcierau deuîlqti'a fiiiï 
éprouver- au monde savant tout enlier.la p«rLe de M. Gaslon Paris. Au coure de ses 
incessants Irairayx, te maître émineot n'avait élé amené à traiter qu'acceasoire- 
menl des questions d'hÏBtoîre reli^eute, mais il avait apporte ea ces délicatee^re- 
cherches son habituel souci d'eriiiîition mînulieuïe et pênélnulej y avait fait ad- 
mirer ses hautes qualités ^l'indépendance, d'impartialité w&imentacientifiquet.En 
maintes occasions,d!'ai]]eur8, il avait prou Vi^que.délaissantpourunt^aipâ le domaine 
de Ea atricle érudiUon, il savait s'élever avec une remarquable aisaace Jusqu'aux 
vues d'ensemble «ur les conceptioca des philosoptiiea modernea : qu'on relise, 
pour ï'en convaincre, lel de bëb articles de critique — notamment celui qu'il 
consacrée l'œuvre île J. Darmesleter — ou lel de sesdiËCours — et c'eet à celui 
qu'il prononi^a sur Ja tombe de Renan que nous pensons en ce moineEit. Il est 4 
peipe besoin de rappeler avec quelle perspicacité il élucida cerlaios problèmes 
de littérature religieuse et de folk-lore médiéval : en quelques papes il propo- 
sait des conclusions presque toujours déGnitives sur dea sujets de caractère si 
divers ; Le PelU Paucvi et la Grande Ourse {(875), Le Juif-errant (ISSO), 
L'Ange et CermUe (1880), Si^fer de Brnbmtl (1881), La pambolf Jes Ttois^ 
Anneaiu^ (1885), Saint Josaphat (1896), etc. De p!us, M. G. Paria ava.il eu, 
6n publiant de nombreux textes de littérature pieuse. L'occasion de les enri- 
chir de notea, préfaces, comiceiilaîres, où se révèle la même intelligence daa 
faits religieux ; citons, en cet ordre de travaux, ses magistrales éditions de la 
Vie de saiiU Alexis (1872 et ISSS) des Miracles de Ifolre-Dame (1876-79), du 
Mystère de ta Passion d'Amoul Greban (1878), de la Vie de saint ailles (188t), 
de trois versions en vers de l'Evangile de JVtcodéme (1 885), de ÏBtst'iire de la 
gueTTt satiUf, d'Ambroise (1897), etc. Quelle que fût d'ailleurs l'œuvre litté- 
raire & laquelle il appliquait sa rigoureuse ώtbode de recberctieB, il savait 
toujours 7 discerner Les traces profood^s delà vie morale des hommes <3ti 
passé '. « La action poétique, disait-il dans la prifaçe d'un de ses derniers 
livres, est une des Forajes sous lesquelles les bgmmei ont Is plus n&ïvecneat 
exprimé leur idéal, c'eat-i-dlre leur coaceplioâ dt la vie, du booheuf, de la 



CQHOrdQL'B 



269 



morale, et c'est en ce sens qu'on peut dire avec Aristote (tnsis en se plaçant k 
QD «ulre poinL de rue) qu^ la poésie eet ptus philosophique que l'histoire >i. 

P. A. 



L'AcaH^mïe de Stanislas, fondëe à Nancy en HSO, est à coup sûr une des 
plus LtitéreEsanLes et des plue adirés de nos lociëtés BavaDtes de provineo; 
l'étude de cette histoire el de celte eirtiteation torraines si complexes, si VB- 
riées, si ricbe? en Taits politiques et moraux, pourrait rouriLir amplle iDattëre 
aui recherches des érudits qui font partie de cette sociale, mais plusieurs d*entre 
eox ne lîmit£Dt pas à J'bîstoir? de leur province le cbamp de leurs inresliga- 
lions BcientifiqueB et se répandant sur le domaine de l'archéologie antique ou 
inéd9èTa.le. Combien il semit âouhnitable qu'un pareil exemple proQLâl à laint 
de earants dëparteEnentaux dont le labeur tenacâ ae dispensa et B'inutilîdedans 
d'iasigniâantes besogneB d'histoire locale! A ceux-là on ne saurait trop re- 
commander l'èdîQante lecture de la Table alphabéltque des pubUcatiotu de 
VAvidéiitii; de Sianislos (Ï750-18O0J que vient de dreaser et de publier M. J. 
Favier. M. Ch. Pfisler, l'éminent hiatorien de Nancy, a fait précéder cotte pu- 
blic»lioo d'uue eubstaotielle mono^pbie de l'Académie de Stanislas; il en 
montre sans parti-pris de pan%yrique, saos fétichisnie local, les dâveloppe- 
meuts sucteMifs, t'actmtë scientifique et philanthropique. Stj^alons en paesaot 
l'ialérâttoul particulier des trente premlèrea pages qui présentent, avec une 
sobriété qui n'exclut pas le pittoresque, un tableau de la vie îotime d'une Aca- 
d'êmie de province dans !& seconde moitié du xvui* siècle. Dans la partie pure- 
ment bibliographique de r>uuvrage,bamoa9-CLOUs h sigaalËr^cofume iDlér«8sattt 
plu» directement l'histoire des religions, les articles suivants du répertoire dû 
A M. Favier : Age d'or. Bénédictins. Bbagavad Gîta, Buddhisme, Bumouf, 
Saint Etienne^ Fénelon, Pierre Fourier, Jésuites, Juifs, LaiDeaDais, Saint Louis, 
Uah&bbarala, HoDOsIères, Réforme, Réformés, Saint-Sacrement, Scholastique, 
Vie érémilique. 



L'Hlstotra des Rellgioiu k l'Académie des Insoriptîona et Belles- 
Lettres. — Séana' du 6 février 1903. — M, Cie.rTnfmt-Ganneaa communique et 
commente des photographies de monumeols antiques nourelleioent découverts 
qui viennent de lui être envoyées par le R. P. Paul de Saint-Aîgnan, de Tyr. 
Signalons, parmi ces documents, deux grandes statues de style égyptien dé- 
couvertes près de Tfz et qui portent des dédicaces phéniciennes Ttutea à un 
dieu dont le notn est eU'acé, par un persounage appelé Bailchillem, fils de Baa- 
lyaloo. Ces deux statue» doivent se classer à l'époque ptolémalque, 

Séance du 20 février 1903. — M. S, Reinach coeimdnique , de ia part de 
Hundi Bey, dïreeleuf du Musée de Constanlinopte, un rapport d'Bdbem bey, 

IS 



272 



DB L'EtSTÔins DES BELIGlONS 



trine Katechismpii n. Le nom de a catéchisme j. ne doil pas nous îndaire eu erreuT. 
Rien dfl moine dogmatique que ce liFte. C'esl à propremecl parler un ■ ma- 
nuel » composé arec une f^ande imparlialité, à un point de Tue réellemeat ob- 
iftclir, et dans lequel ont été condensés un nombre très considérable de renaei. 
gncRifints. L'auteur eipoee d'abord les diiïi^renlea théoriee but J'oripinede la 
religion, quï se laiasenl ramener à quatre types principaux : revhémêrismf , 
l'origiae surnaturelle, le nativieme {ralfgion innée) et l'évolutionnisme anthro^ 
pologique. Après cette partie historique, l'auteur examine les ditTerenteg métbodes 
qui p'ermetLent d'observer la genèse de La religion ; mëtb^de etbaologique, par 
l'étude des peuples dod civilisés ; méthode pédago^iqU'O, par Télude de la vie 
spiriluejie do l'enrant; enfin l'étude psychologique de l'homme civîUsèet adutte. 
Ces diiTQrsfla méthodes le conduisent à la couelusion que la religion procède 
d'une disposition propre à l'homme et qui eat sensiblement ta même partout. 
Parmi le& facteurs qui la mettent en mouvement i! dislingue i l'élémenl émo- 
tionnel, désir ou crainte; l'imag-i nation spontanée, dans le rere oj daas k com- 
bindson consciente des représentations de l'capriit; le besuin intellectuel d'ex- 
pEiquer lee myatèrea de l'exiaLetice; la tendance de la volonté morale ; euBu 
rînf]ueDi;<? du langag'e. 

Une récÂpiLulation des donnée» ainp-i acquises et un complément de notices 
historiques aoiëAent M. Runie à déterminer Tessence de Eareligioti, Ost la 
partie la moins claire. La religion, eBl-il dit, u'a son siège ni dans la volonté, 
ni dans ta pensée ; elle est un état de l'âme^ dans lequel la volonté active n'est 
que puissance inconsciente et la connaissance n'est encore q;u' intuition. La 
morale ne se confond pas avec la religion, elle s'en déduit; la philosophie, en 
étroite reiatiun avec elle, en est néanmoins distincte; l'arl et la religion soûl 
étroitement asaociés comme fonction» l'un de l'autre. EnOn. d&ns uce dernière 
partie, l'aaieur cherche i retracer la loi de l'évolution historique de la reiigion 
et présente un tsWeau de la valeur relative des différentes formes religieuses. 
Il re^onnsHdaDsl'hialoiredeareligÈDnB une tendance constante à lasimpliScation 
de Es vie religieuse, au monothéisme et A la prépondéraxice des élémeats mo- 
rauï. 

M. Runze ne s'est pas proposé de justifier théoriquement tel ou tel système 
de conceptions religieuses, Il a voulu faire œuvre d'historien. Dans l'ensemble 
il V a réuâsi. Avec un peu plus de clarté dans le langage, son manuel répondrait 
bien à ce que l'on peut demander actuellement comme lalroducttOD à. la philo- 
Eophie de la religion, 

^-2aThtiolO'qische Abhandlungen^eme Festgabe ïuni |7 n3.i 1902 fCir Heinrich 
Hoitzmann (Tiibingue, Mohr, in-B de 297 p,; prix : 8 m. 60). L'émtnenl 
ezégète de rUnirerBitè de Strasbourg a fdté le 17 mai 1902 son soixaute-dixi'ème 
anniversaire. A cette occasion ses collèg-ues de la Faculté de tbéotogie lui ont 
oITerl un volume de Mélanges, dont voici la composition : Der bihlische llades, 
par G. Béer, étude très Instructive sur un sujet encore insuffisamment élucidé 
A la lumière de l'hiEtthire religieuse comparée; — Die ZukunJtabolTnungeBlarRela 



CBHONTOtlB 



273 



in der assyriefiben Zeil, pur H. W. Nowaek; ^ Dus Ma^iâeat, «n Psalm der 
Maria und oichl der Elisabeth, par M, f r. &piUa ; — CîemeTiB und Orig-enfiB ala 
Begriinder der Lflfare «om FcRfeuer. par M. fi. Anrieh, élude ton inléreseante 
oil M. Anrich, non gealement an&lysa Icb doctrin^B de Cl^ai«înt d'Alexandrie e| 
d'Origèn^ sur les destinées îles Ames avaQl et après l'mcamatioQ e\ sur le feu 
^uriGcaleur, mais encore montre les liens qui ratlacfaent ces «iaËlrinsË à cttlleg 
de PlatOD et à l'Orphiame; — Daa mônchiscbe Lebea des IV* und V" Jahrhun- 
derts in der Beleucbtung eeiner Vertreter und Gfinner, par M. Lucius. Nous 
avons déjà ftignalé ceUe élude (t. XLVI, p. 139). EIIb aura été la dernière pro- 
duction scientiâque du Taillant et modetteèrudit, Peu de mois aprtisil élafl en- 
levé brusquement en pleine maturité de la vie, laissant un très ^rand nombre 
de matériatix laborieusement accumulés en vue du ^rand ouvrage qu'il préparait 
sur le Culte des Héros. M. Holtïmatiti lui a rendu rhommag«t qu'il mérilait et 
auquel souscriront ceux qui l'ont connu; -^ Zum evangelischen Lebensideal in 
aeiner lulharischen und reformierten AuBpragung, par M. P. Lobstein; — D&s 
Konntanzer Bekennlniss fiir den Reicbstag su Augsburg (1530), par M*. J. Pic- 
ker. — Les deux autres méni'Oiree de M. Mayer sur la mission de 1a Dog- 
(oalique el de M. Smtvd sur le rOle du sermon, ne sont pas de noire ressort. 

— 3* L. Deubner, De incubaiiont capUa quattuor (Leipzig. Teubner; in-8 
de (38 p.). Les trois premiers chapitre» Iraîlenl de !s terminologie, des pro- 
cédés d'incubation cb» leâ anciens, de* cooditionB exigàes dans les divers 
sauetuaires où l'on venait passer la nuit pour recueillir eu rfi«e ou par use ap- 
parition divine l'oracle que l'on récUmaiC (c'était le plus souvent pour obtenir 
la rèvèiation du remèda qui devait vous; guérir). Un paragraphe spécial est con- 
sacré à l'aracLe de Delpbes. Le dernier chapitre est le plus ioslructil. Il est 
consacré aux exemples de la persistance de l'incubation chez les cbrëtiens. 
L'auteur montre par une séri« d'exemples empruntés aux cultes de ajint Micbel 
archange, de» saints Came et Damien, Cyrus et Jean, de saintti Thècie et de 
saint Tbérapon, que les aiâm«9 proc:4dés constatas dans l'élude de l'incubation 
chez les païens se retrouvent cbet: les cltrëtieDï. Cetle dissertation est une pré- 
cieuse contribution à L'ëlude de la transforOialiOD du culte des dieux psTenc en 
culte d>6 saints ebrëtiens. L'auteur a, en outre, donné une édition soignée de 
l'éloge de saint Thérapon, martyr de l'ile de Chypre, dont on ne possédait qu'un 
très mauvais texte. 

— 4* La nouvelle l'édition des Œuvres de Pbilon, par MM. Wmdlaïui et 
Cohn {^PhUonis Oper.i. quae supersunt. Berlin, Heimer) s'est augmentée d'un 
quatrième volume qui contient les traités De Abrahami}, de Jonepho, I et II De 
Vita Moris, De decalogo, M. Hetnnci a consocrÉ une étude ciiliqu« déuùUée à 
ce volume dans la •' Theologiacbe Litteratuneitung » du 31 janvier 1903; il y 
propose plusieurs corrections au texte admis par lèi éditeufâ. En même temps 
il hit fessorlif i. quel point Pbilon est resté foncièrement Juif, Mit en mainle- 
nanl à la Loi de Moïse son caractère sacré, intangible, soit par i'importaHCê 
qu'il attache & l'observance du sabbat, soit par l'afÛrmation d'un particularisnie 



274 



REVUE DE t IttSTOfRE DES RELrGIQNS 



Dationul qui subeiel^au fond de sa pensée mStue la plas libérale. M. Heinriel n." 
même jusqu'à riedarer que Pbiion a exercé de l'influence sur Je» Ptres rie' 
l'Ëgltse, pas »i>r t« chrialianisme originel. C'est là une aeserUon trop absolue. 
Bile peut »B justifier pouf l'enseignement proprement ivangélique. Uais per- 
sonne ne saurait contë&lfer E'iii(1uenCe die la théolag'te judéo-al^xuidriDe sur le 
IV< Évangile ou sur rÊpIdre aux Hébreux. Ces documents, cepe&dant, appar- 
tienTient bien au christianiame primitif. 

A ce même point de vue, le même critique reproche fort juAtâment à M. i, 
itartmitz., auteur du plus récent ouvrage sur la pbûËosopbie de Pbiion Unter- 
such'iKgcn ueiter Phiions und Platons Lehre von der WettucMpfung, Marburr, 
Elwert, 190O, in-8 de un et 127 p.) d'avoir beaucoup trop accentue I& dép«D~ 
dance de la cosmologie philooienoe à l'égard de celle de Platon. Pbiion ne borne 
à uEîliiser les matériaux t^ue lui fournil Platon, en les combioant avec des élé- 
ments atoîctenA et pythagoriciens ; son but unique est de faire valoir les rccits 
de la Genèse, sans aucun aouoi de se conformer i. tel sjst^rae pbilosopbique 
plulfil qu'à un autre. Il eet apologète avant tout. 

— 5" La brochure du profeBseur W. Sottau, inlillée Die Geburlsgeichichtf 
CkrUti (Leipiig. Dietericb, 1902; in-8 d« 43 p. ; prix : 0.75) est une œuvre de 
pnrti pris, mais d'une lecture très suggestive. Que kg légendes sur la nalsEanee 
du Cbrifil soietiL nées «n leire paieuae et non en Palestine mâme, cela est très 
probable. Qu'elles aient été conQueE par analogie avec des légendes païennes 
de mËm« nature, c'est «également vraisemblable (cfr. le mémoire d» Seun Réville, 
sur le ■ MithriacisiDo comme facteur religieux du monde antique » dans !«■ 
£tu<ies de phiiasophts et d'histoire publiées par les priifi'sseurs de ta Faculté de 
tftéùlogin de Paris, 1901). Mais M. Sollau va plus loin; it ne se b&rn« pas & 
réunir les texlBB et les inscriptions du monde antique, utiles à aatfaese, ÎJ préload 
«ncore décomposer lea textes évaogéliqueB de manière à restituer les divers 
étiageâ âucceBBÎI'D de la légende et les expliquer chaque fois par l'aciion d'un 
ou de pllusieurs documente paieoB correspondants. A vouloir trop préciser en 
pareille matière ou compromet Ba tbése. 

— 6" Die urchjTVitiKhm Gemeinden; SiliengeschiehUichu Bitder, par E. von 
DobBchùli, professeur à rCntrerBÎtâ de IeQB(Leipxig. Hinrichi, in-8, de xvi et 
300 p.; lyOli; prix : 6 m.). Voicî un beau iivre, bien fait, reposant sur une 
connaissance mîAUtiouse des documents, mais ne ee perdant pas dans le détail. 
L'auteur a voulu tracer un tableau de la vie morale dans la chrétienté prîmitiva 
jusque vers le milieu du if siècle. Apre* avoir posé le problème et fatt eonniiftre 
leB documents qui lui Tgurairoat les ëléments de la solution, il décrit suecessi' 
vemenl l'étal moral de» communautés pauliniennes, des groupes judéo-cbrétiena 
et des chrétientèE d'of igme païenne après saint Paul. Ici il s'occupe d'abord des 
églises i)ui sont encore! sous l'iaUuence de Paul, puis du groupe jobanniqus 
des premiers gnoetiqueE, de la chrétienté pendant la période de formation de 
l'église catholique. Les ^pitres de Paul aux chrétiens de Cortnlhe lui four- 
nissent les éléments du tableau initiai; ie Pasteur d'Hermas la renseigne sur 



COnOTTIQUE 



STB 



l'eutt lie I& tommunauts rom&ine rers le milieu dj n* BÉècie. tS. Ton DobechQU 
a relégué quelques diseert&tions plus Lecbniquas dann une série d'appendices : 
de Ia statisLique d&as l'antiquité; l'esclavage antique; U jm^ement de Dieu i 
Corinlhe; Jacques, le frère du Seigneur; >« végéUnsm« «ntique; Ifi termino- 
logie morale. Des indei copieux facililenL beaucoup l'usage' de ce livre qui «!l 
appela à rendre de nombf'eaX âervicAâ. Le jUgeiDent de l'auteur est peul-étre un 
peu oplimial*, en ce sens qu'il ne distÎTigue paa asseï entre l'êlat moral de 
l'ëlile «L celui de lï moyenne des âdèles. Il «at dif^cOe aussi, à. cette époque, 
de délimiter exactement ce qui eat chrâtiea et ce qui ne l'est plus ou presque 
plus, dans l'extraordinaire faisonnement de doctrines et d'associations qui ca- 
ractëri9« la p*^riod«' de reiivahissement de la chrélientô par le gnoBlicisme. On 
pourra coutest'er aussi certaiaa ju^meols littéraîres qui déterinîtient la valeur 
cbroQologique et locale des témoignages invoqués. Mais, dans l'ensemble, ce 
livre comble une lacune de la littérature cependant sur^ondaote concernant 
les origine» de k société cbrétiemne. 

— l'*R,liàcbtenhan..DieO/fenfrarttugimGnostidrâus(Gôlliagea;VAaàeinh09ck. 
et Kuprecht ; in^H de nii et 16S p. ; prix : -l m. 30). Cette <ËU?rë de début est 
pleine de promesses. Nous sommes trop habitués à ne voir dans le gnoaticisme 
que des tentatives pour substituer ù la religion révélée des cbrétieas des sys- 
tèmes de spijculation fantaisiste. M. Harn&ck, dans son IlisloLTe des Dogmes, 
le présente comBie une confiscation du chnslîani&me au proflt de doclriues du 
mouile ambcant. M. Liecbtenhan, fort justement, semble-t-il, met en lumière 
le fait que les ^oatiques m réclament générale meut d'une révélation qu'ils op' 
posent â la sagease de ce monde^ avec non moins de résolution que les chrétiens 
non gnostiques prenant la rérf^latiflQ de l'Ancien TesLameiiC et de Jèfius. On 
pourrut ajouter que, parmi les abrétieas de la grande église eux-mi^mea, jus- 
qu'à La crise majitanisLe, tout cocume pour les gnostlques, lu rà?6lation n'est 
pas étroitement circouscnt>e dans les écrits ssicrés dont ils font état, tuais qu'elle 
sa continue par il 'inspiration individuelle des apocalypticiens et des propbétes. 
Seuleoient la réveUlion gnoatique a géiiâfalement un caractère plus intellectua- 
liste que dans la grande église. Il ne faut jamais oublier que nous ae connais- 
sons la plupart des gnostiques que par leurs adversaires, et par des adver- 
saires qui ne sont pas tendres pour eux. Il s'en faut encore de beaucoup qu'on 
ail fait au gnosticisme la part qui Jui revient d^ns la rocmation de l'Église cbru- 
Uenae. La tlniologîe ufScielle de l'ancienne Église n'a»t, au fond, qu'un gnosti- 
cisme canalisé. 

— a* A. Hjeit. Oie atuyrischr Emngeiuntieberutiung wid Talian's Otatessa- 
Tvn iL«ipïig; Delcùerti iu-S de viii et 166 p. ; prix : 6 m.). Cette «tude forme 
le premier fascicule de la ^* partie dus m Porscbungen £ur Geschichte des o«U' 
testamentlicben Kaaons uud der altidrciilichen Literalur », dirigées par 
Th. ZauD. ËLle a^tt; composée en rue d'un concours institué par J'Unirersité de 
Helsingfors. L'auteur v a groupé tous les renseignemeata sur U version dite de 
Cureton et sur le SiaaiticuB syrien retrouvé il y a q'uelques ann^ées, ainsi qaa 



276 



BZTCE DE L OtSTOlBX DES RKU&IOkS 



sur Ib Piïtessaron de Tatiea. Bnaaile il eompura cm textes lei uqk ■.rec le* 

dutres et il Aboutit &uz Mtidutïùns suhT&nles : ce q'^1 pfcs le DiUea«&ron, 
encore bien moins la Peshita» qui est la Tcrsion avriAque primitiTe. Celle^d h 
retrouve bteo plutôL dans le Sioaiticus syriaque, ce qui reporte l'antiquité dr ce 
texte jusqu'au ntiUeu du u* siècle. Taliea raurail utilisé irte libremeat dus le 
Dis.[e8Earon. Le teitt: dit de Curetoo représenterait une rêrisioo de la mAmc 
version priaiilJTe, inspirée par l'influeoce de Tatieo, Enfin \a, Peshilo senit om 
rêvisioD ultérieure qui aurait eu pour but, justemeiii, de hire dtap^raUra le« 
tracée de l'ÎDÛuQEice de Talieu. On voit que M. HjeU professe sur l'aDtènohti 
du Sinaîticus si^iaqu« p^r rapport au Diateasaron une opinion aaaJogue à ceilie 
de M. Burkîl (*oif Rarue, t. XLVl, p. 12! et suit.). Celte question a une greode 
importance pocrrla critique du Leile du Noureaii Testament, eomme nous TaToni 
montré {ibid., p. 2&i et suit.). M. Hjelt croit m^me |>ai]voîr établir que les 
quatre éTangiles du Sioaiticus ayri&que ne sont pas l'œuvre du même tndiie- 
leur: celui du premier évangile poGsède une cODOois&aace des p&rtieuluitis de 
la vie Juive psiaBliuienne qui ne se retrouve paa chez les autre». 

Ce» études de critique des textes évangélîques syriaques sont mainleaanl 
facilitées par la publleation, en 1901, par la Clarendon Press, à Oxford, de U 
maniaque édition critique des évangiles aelen la Pesh-.lû : Tetraevangelnim 
sanctum jux(ts Simplv:em Sj/riirum u^r^ion^in, due i M. Q. H. GurtXIûn 
(prix :2 livres 2 sh,). 

— E^ La eoUectioD dea Auteurs grecs chrétiens des trois premier* siëclesp' 
publiée eouB les auspices de l'Acadèoiie des Scienees de BeHin, s'est aceruCf 
en 1902, de l'édrlion des OraaUa SibyUina, par M. J. GeSckea (Leiptig. 
Hiaricfaa ; iQ-& de lti et 340 p. ; prix : 9 m. 50). L'éditeur ne s'est pas borné i 
noter les variantes des manuscrits, tous mauvais d'ailleurs; il a donné des ren- 
voi» très noiiLbreux à tous les auteurs où i^oQ trouve des parallèles au texte. De 
plua il a publié danA ta collection des < Texte und Untersuchun^en a (Noarelle 
sëriej un fascicule où i! émel ud jugement motivé sur la composition et la date 
dea oracles (Komposilion und EntstehungszcU der OracwJa Sibj/iJina). U y a 
peu de queatîons de critique littéraire aussi complexe que celle-là. U Uni Lir 
le mémoire d'un bouL à l'autre pour s'y reconnaître. 

Dans la même graïade collection M. HeJket a édité le premier volume des 
CEuvres d'EiM^te de Césarèe conlenanl la Yie de Consfantin, VOrMio ad sanc- 
tum eœtum et la Laus Constantini. La première moitié du second volume 
vient de paraître. CHe contient la première partie de l'Hisfoirt: Ecclésiastique 
ffEusibe, dans le texte grec et daas la traductiou latiae de Ru&d (gr. mS, A 
507 p. : prix, 16 m.). Le texte grec est édité par M. Ed. SchwarU, professeu 
k rUuiversité de GûtLing-en ; U, Th, JHommsen n'a pas dédaigné d'établir lui- 
même le texte latin de RuSn. El la commission de l'Académie de Berlin a 
joint celte traduction latine à son édition des auteurs grecs cbrr^tiens, parce 
que l'Histoire Ecclésiastique d'Eusébe a été utilisée ta Occident surtout dans 
le texte latin de RuQn. L'Histoire Ecclésiastique d'Eusèbe eet le document fo»' 



4 
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CTIBONIOrE 



277 



I 
I 



dsœental de l'hiatoire littéraire el ecelësi&Elique cbrêUenne des trois preDai-ers 
siècles. El no fallait donc rien épargner pour eu donner enSii un tenle qgi filt 
établi avec toutes les ressources de la oritiqoe moderne. Avec U IraductîoD 
latine d« Rufin al les traductions syriaque «t arménienne, an poiïsâd« main- 
tenant louG l6s iùLruaientg néc«ssair«e pour apprécier l'œuvre du grand histo- 
rien chréliende t'antiquilé et suivre les transformations qu'elle a subif>s. Nous 
rappelons, pour ceux qui ni' peuvent pas lire les texieis originaux syriaque ou 
arménieD, que M. ISeatJe a donné récemment une iraduclion allemande de 1b 
version syriaque et que M. Preuscben rient de publier, ebei liinrichs, ta tra- 
duction aileoiaDde des Livres VI et VII de la verEtion arméniennej qui manquent 
en syriaque. Comme Js version arménieiLcie a été Faite sur le teste syriaque, 
avec use littéralité servile, elle peut suppléer BurGsamoaent le Eacune de 
celui -ci. 

La seconde partie de l'édiliiOn de MM, Schwarti et Mommsen est 80UE preBSe. 
Klle contiendra le« Proléjromènes. 

— 10" Avec l'ouvrage de M. D. Sch/tnfetd, Dtr iâUndiècht Bauûrnhûf und 
tein Betrieb sur Sagaieit nitcA dm Quetlen dargestelit (Strasbourg, Tcilbiier ; 
ÎG-8, de 1V1 et 2S6 pp. ; prix : 8 m.), nous abordona un domaine bien éloigné 
de celui du chriEtiaoïsioe primitif. Mais en nouB faisant connaître les ub et 
eoutunieB du paganisme germanique et Scandinave, il nous apporte des ren- 
•eig'nemenls non moiiiB utiles & enregistrer sur les éléments qui composèrent 
\a religion populaire des peuples du norà de l'Europe. Ce livre fait partie de 
la collection des « QueUen nnd Foracbungen zur Spracb^und Culturgeschichte 
der germanischeo Vûlker ». Il décrit la vie rurale en Islande dans les temps les 
plus anciena acc^ËSitiles â Tbistoire, !«« usages COnserTÉs du paganisme, les 
superfllitions relatives aux propriétés magiques des bétes et de certaines 
plantea. M. Sehônfcld ne fait pas d'études comparées ni rte théorie. Il rapporte 
des faits. C'est un livre à consulter; il fournit des documenta à l'historien 
des rellgioQS, mais l'auteur lui-même ne les met pas en auTre. 

— 11° Aux tiistorienB du christianisme moderne on peut recommander deux 
recueils susceptibles de rendre des serviees: celui des confessions de foi des 
églises réformées, qui ne renferme pas in.>ins de 58 documents, qui tous ont 
eu la prétention d'ôtre orthodoxes [Die Bekertntnîssuchriften der refurmirlfit 
Jtircfcfn, par *- P. K- /UtiUer ; Leipiig, Dekhert; 1903) ; l'auteur y a joini 
UD4 introduction générale et des renseignements historiques, mai* surtout un 
précieux inilex qui permet de retrouver facilement dans eette multitude de 
textes les paasaf^es relatifs à une même doctrine. — Et un volumn de la collec- 
tion bien connue «• Grundriss der tbeologisoben WissenschaHen b publiée par 
l'éditflur Mobr, à Tiihiripsn : Si/mbolik o:ieri:hrisltirhe CoTifcxsUtnskundc (in^M, 
de XV et 430 p. ; pris : ti m. 60), par M. P. Looft, où l'on trouve l'histoire 
des symboles romains el orf«>nlaux ut uue analyse, avec renseignemenis histo- 
riques, des confessioDs dans les églises orientales et dans l'Église romaine. 



378 



>HWS 



s.maa 



Ms intiir-r 



Ub témoigiu^ teUtif au •Ajour da l'apOtre Pi«rT« 4 Bo— . 
DiH k TWa^n^tceàc librabffsattav ^ ^ oetofaR 190^ ML Ad. BanMâki 
■finli m IteatfBigc Khitf an rfjpt de ra|i«R Pien* à Roa*. ^ 
■.voir pupé iuperça jon^a'à prtMSt t( fû m'ai pn dénnè d* T al aor . Ce 
■B pMHfla da rApnMtiiH de Muum» Ib^ei (ID. 22). Rifpiilwi ipn i 
écfit Ml ■■■ Ëfalo^ du ifaWiaiiinM eonpoMc «tu abordi éa Tib IOB i 
wrtovt n«—nâilitii pu k ^ibbcI nooLbre de eîLalîoiM d'an «vmgt nUrior 
d^g» pu aa ■éoptifawîei eq CD&tre la religion cfarâtiesBe (vuf > ce sajf L II 
dîtwrUtîoa <je M- L, Dvebmw, Oe Maeario MagmeU it ijm ter^tis). L'âdiof* 
lUK cOmb«llii ^àr H«carïas e«t Irè* vrtwahkbleBeat Porphyn dont 
réfute W A£to< ixr^ ^cmn^ (Da3i>eiiKiueiMOt ptrAu. Of voici d« 
BUAière «L adrersAÎre. donc probablamenl E^icpliyn ki-ntaie, s'c 
au injel de Pierre : « On est en droil de l'êtooBer qoe Jèsoi ail pu coofierles 
deb du rormume des cieux & un homme camme Ken« A qnll ût pu dira 
quelqa'DO qui k troublwt pour st pta el se laisBUt ibtUre pu de pueill 
cboees ; ■ Pais mes brebia >>... Opeaduit ou rwonte que Pierre, après avoir 
fut |>aJU« l«s brebis pas mAtne un petit nombre de mois, fut craci&é, alors qu 
Jteus avait déclaré que lef portes de l'enfer fi'auraÎËQt pu r&iaon de || 
(&(u«c Iw^^i-Ui pt|8' â>ifDU( (ûivac fl««K^ad(c « «fwGsïU i Qit^z fvmf 
etc.). 

M. Hamadc obiene fort justetneat que Porpbyre esl ua éeriraia conseiet 
cieux et précta. Dans la seconde moitié do m* siècle on rocontaii doue eoeora < 
Ronte que l'apAtre Pierre n'y 3T8.il séjourné que quelques moi^. On peut obs 
ver cependant que déjà à cette époque il devait j avoir en c^rculatioa df 
listes épi scopales qu.i lui atlribuaient un èpiscopal de beaucoup plus loi 
durée, Mais une tradition conforme à ces calculs de cfaronogniphei d'^ 
encore établie. 



LaoirconciaiOD chez les Ërgyptieun. — Dans 1' « Archiv tùr Papyrus- 

forBobang und verwandle GebieLe v (t. II fasc. 1, p. 22 à. 31) publié ches 
Teubner, à Leipzig, par M. U. Wilcken, U. Paul Wendlatui a ^groupé et com- 
tnenté è nouveau les témoignages contraint ctoires des auteurs grecs sur la oir- 
coDCÎBion chez les Égypliens, générale d'après tes uns, lioLit^ à la classe 
BBCerdatale d'&pr&a les autres (f>te Mlentsctien Zeugnisse ueber die xgyptit 
Beiciaieiduny). Ua point inléreBeant pojr lequel il a apporté un témoigaa 
décisif, c'est que les KgyptieQS pratiquai^ol la circoocision à l'Age de lA aoï. 
PbiJon l'atteste exprËHBèmODt d&cis les << Quoëstiooea io Geuesin ■». III, 47 
(éd. Aucber p. 218 ; efr. encore p . 220), où il dit r # Priaiui& enim Ae^ptî 
per consueludinem regionis anno aetatis decîmo quarto, quando mas ti 



CHBoniQUE 279 

seaÙDis usum gerere et femina Banguiais eruptionem sentire, tam spcHisum 
quam spoDsam circumcidunt. » 

J. R. 

ITALIE 

C'est, parmi tous les moDuments de la mythologie ossyro-babyloaieDne, le 
poème de la descente d'Istar aux Eofers qui, pour de mulUples raisoDs expo- 
sées dans UD court avant-propos, a le plus particulièrement retenu la curiosité 
scientiâque et littérure de M . Rinonapoli ; cet 6rudit s'est mfime plu & en écrire 
en vers italiens une très élégante paraphase {La diseeza (ïlshtar aW Infemo. 
Leggenda Babitonese. Cagliari, 1903. Pièce de 34 pages et 3 pi.). Le carac- 
tère primitif, la ligne fruste de l'orignal y sont quelque peu sacriSéa à l'efTel 
littéraire; mais M. R. a fait suivre son essai d'interprétatioa poétique d'une 
version littérale du texte établi par MH. Sayce, Jérémias et Jensen. On ne 
peut que regretter que cette aimable plaquette ne se termine pas avec cette 
traduction et que M. Rinonapoli ait cru utile d'y ajouter une iconographie 
plus que rudimentaire de la déesse Istar, 

P. A. 



Le GéraTit : Ebhkst Lkboux. 



PLOTIN 

ET LES MYSTÈRES D'ELEUSIS 



Les articles Fort inLiiressants que M. Goblel d'Alviella & 
publiés récemment dans la Hevue de l' Histoire des Rdiffiom 
complèlent lieurDusemeul les travaux de Lenarmaiil et 
Poltier, comme ceux de Foucarl'. 

Avec M. Jean Rôville', M. Goblel d'Alviella estime que les 
hiérophantes retrouvaient, dans les Mystères d'Eleusis, « ce 
qui était considéré de leur temps comme la sagesse suprême 
par la philosophie la mieux accréditée », Puis il dit, en s'ap- 
puyant sur les témoîgaages de Chrysippe» de Gicérou, de 
Sénèque, de Plutarque. de saint Augustin el de Varron, que 
le sto'icibiae y succéda au p\lhagoriâme, plus ou moins mo- 
difié par les doctrines de l'Académie, dans le siècle qui pré- 
céda la copquèle romaine. 

Enfin il signale la subslllulion du iiéo-platoiiisme au stoï- 
cisme : « En dehors même des œuvres orphiques de celte 
période, qui rellêtêiil lès idées et les tendances des Alexau- 
drins, les écrits dePorphyro et de Proclus attestent suftisam- 
menl que le néo-platonisme était devenu la philosophie des 
Mystères. Maxime, Eunape. Julien, sans aucun doute Proclus 



1) Lenormitnt a écrit l'arlkle Rleusinia du (tioUonDaireDaTeinberg etSaglio; 
Pouier Ta revu, l-'oucarl a ilontiô deax études : B^ch«ychei sur ('oj-igine H la 
nature iUi itfjsièrcs d'ÉUusis (Mi'to, de l'ABad. des Inscrîptîoaaj l. XXXV, 
2« partie, Klinclisteck, itf95) ; Len Granth Mijst^res d'Èicusis, personnrl, cércmo- 
nies (Dùâcne collecLion et mâme écliteiir, 1900], — Les AfLioles de M. Goblet 
d'Alviella. «ni paru en seplembre-oclobr*, novembfe-déceJnbfe I9i)2, jàpvier- 
fSvrier, mars-avril 1903. 

2J La Rxii'ji'in à Hffme sous ht SAjfrei, p, i78. 



étaieal 4m nHiéi ffliarit, et U ebat^ ^Vérafbnte. u 
«' cl aa tV «ècle ife BotreHr. Taf occupée plosCaBe Céb 
p«r Ar» pliAMopb«4 néo-pUlrioifiens. ianus pu i ltt rc Tae- 
cord B^ fol plus élroil entre U reti^oo et U phflnifffliiB ». 

Je vondrau lodHiaer bnèvemeol commenl PfoUn, do«l le 
MMO el le* ouvres n'ont pM «té rappelés, à notre coosab- 
•anee. par c«nx qui onlle mieui élvdié les -pjTllrmrnrniii . 
a Mibftîlné à rinlerfjr^tJitian »lfiîcienne celfe qai a été ac- 
ccfrtée parcoa école el par lespartisansde l'heUéaisne, poisi 
en lirer quelques conséqoeaceft qui ae »emtilent pas san; 
valeur pour 6cUirer l'hiBloire du christianisme lui-même. 



La ptiiloftôphie aéo-plalomcienne se présente d*abord 

comme une initiidîon réi^ervé^ âceuT qu'on en a jugés dignes : 

« H^reaniux, Ori]|:èiie et Plotin, écrit Porphyre dans U Vie d^ PtothL, g 
étaient mn venus de tenir «ecrëte la docidne qu'ils dfaieot reçue d'JUc-^H 
monius. l'Iolin observa cette cooventioD. Hà-eoDiuA fut le premier quî^^ 
la viola, ce qui fut irnitû par Origêne. Ce dernier se borna à écrire on 
llvrp Sur In IhHnon»; et sous le rëi^ue de Gallteo, il en fit un autre 
pour prouverque Le livi çi( seul créalnuriou jpo^^e). Plolin fut longlemps 
MiM ricD éf:rire. Il «e coateotaîl d'enaei^er de ¥ive voix ce (ju'il STail 
uppri» (l'Aminonius. Il pusa de U ^orle dix auDées entières à instruire 
ijunl'gues disciple», n*.Xïn rien inetlre par écrit; mais cooame il permel- 
tail qu'on lui fit d^x quevtioiw. i3 arrivait souvent que Tordre manquait 
dAnK ï^oD i'ij'fffi cl qii il y avaîL des discussionà oiseuses, ainsi que je l'ai 
•u <V\ta.<i\\ufi.., l'Ioiio commença, la première anoéedeGïlIiea.â écrire 
•ur quelques quei^tions qui se présentèrent •. 

Lor» ml^uie que Plolin écrit, il ne s'adresse pas à tous; î| 
fait un rhuiipntre ceux qui souhaileraîcnl devenir ses lecteurs, 
comme wnlrc ceux qui se présentent pour être ses auditeurs ;] 

Il Ln diiiême année de Oftlien, dît Porphyre, qui est c^lle où je le 
fréquentui pour lu première roÎBt il avait écrit 21 livres ifui n'avaient 
Mfi eammunii)u6» qu'à «n très petit nombre de persomies; on ne tes, 
donnait pas faâli:mi:nl pI il n'Hait pas aïst^ d'en prendre cortnaissamt •. 



PLOTirf ET LES NVSTËIRSS b'tLZV5l& 363 

on ne ta communi^uaU t/u^avec précaution tt après s'être anuré du 
jugement de ceux qui les receoaient ' «. 

Enfin Plotin annonce par les jugements mêmes qu'il pople 
dans son école, l'eslimo qu'il Fait desiMystèreseirimportance 
qu'il leuraUache : 

X Un jour, écrit Porphyre, ^^u'^ la fêle de Pldlon je lisais un pcrème 
sur le Mnriaije sncrt^ tfuelqu'un dîl i^iie jelaîs fou, parce qu'il y avait, 
flans cet ouvrage, de reathousiasme et du mysUcisDie. Plolin prit alors 
la pâroleet me ditd'uDe l'jçoa à être enlendu de lout le monde . •' Vous 
« venez He nous prouver que vous é.tes en même temps poète, philo- 
c s<fpbe 6t hU^rophaiite^ », 

L'élude de l'œuvre révèle, chez Plotin, les mêmes préoc- 
cupalioDs et nous explique comment, en prenant pour point 
de dépari les cérémonies, les pratiques et les formules des 
Mystères, il y a fait entrer »a philosophie tout entière. Mais 
pour que cela apparaisse nettement, il faut la parcourir, en 
suivant Tordre chronolof;ique de la composition et non l'ordre 
arbitraire que lui a imposé Porphyre'. 

Dans le livre sur le Beau, que Plotin écrivit le premier et 
qui est, pour les éditions porphyriennes, le sixième de la pre- 
mière Ennéade, se Irouvenl, pour ainsi dire, le plan et le but 
de l'œuvre tout entière. Plotin entreprend de montrer com- 
ment, par la vue du Beau, ou peut purifier l'âme, la séparer 
du corpâ, puis s'élever du monde sensible au moude intelli- 

iï>« |u^i fliïTic *pi^s<.i; tbiv > TiijJîflivAwTtuv {A Vild Plolini, g 4). La traduclîon. 
fniafane est prise il Bouillet «t k Eugène Lévèque, Les Knnéttdes de Plotin^ 
3 TuN Pari^, llacbelte, Honl un ne sikurail trop recommsnder la lecture aux bift- 
toriens des religions comme des pliiloEoplu«s. 

fo* ï«l ïbï Upoî^âvTTiv • (de Vita Ptadni, g 15). 

3) Porpliyre (Vie 4e l'toiin, ^^ 4, 5, Q] donne la liste chronolojçiquQ des &< 
lirrea lians son édition; il (| 24) les a partagés bu six EnnéailpB, en Choniifiur 
des nombres parraili xix «t notfl il a réuni dans chai|ue Knaéa.de les livres qui 
traiteot de la mdme matière, mettant toujours «q tète ceux qui sont les moins 
important*. Kirchhoff a édité (Leiptig, Teubner, 1856) les livres dans l'ûfdffl 
cbronologiLq ue. 



384 



REVUE DE l'hISTOIRIC DSS BEUGIOSS 



gible et contempler le Bien qui est le principe du Beau. Par 
ie vice, par rignoranee, l'âme s'éloigne de son essence et 
tombe dans la fange de la matière ^ par la vertu, par la 
science, elle se pu ri lis des souillures qu'elle avait contractées 
dans son alliance avec le corps et elle s'élève à l'intelligence 
divine, de laquelle elle tient toute sa beauté. 

Dès ce premier livre, Plotin fait intervenir à trois reprises 
les Mystères pour en expliquer rinstitution, les rites, les pra- 
tiques et en esquisser l'interprétation : 

c Ainsi (S 6), comme le dit une antique maxime, ta courage, ta tem- 
pérance, toutes les vertus, la prudence môme ne sont qu'une purifica- 
tîoQ, C'est dooc avec sagesse qu'on enseigne, dans les Mystères, que 
l'homme qui n'aura pas été purifié séjournera, dans les enfers, au fond 
d'un ttourbier, parce que tout ce qui n'est pas pur se complaît dans la 
fange par aa perversité même : c'est ainsi que nous voyons les pourceaux 
immondes se vautrer dans la fange avec délices^ x. 

Qu'il s'agisse bien, dans ce passage, des Mystères d'Éteusis, 
c'est ce que prouve le texte de Platon auquel Plotin y fait 
allusion : n Musée et son fils Eumolpe, dit Platon, attribuent 
aux justes de magnifiques récompenses. Ils les conduisent, 
après la mort, dans la demeure d'Hadès et les font asseoir, 
couronnés de fleurs, au banquet des hommes vertueux^ où 
ils passent leur temps dans une éternelle ivresse. Quant aux 
méchants et aux impies, ils les croient relégués aux enfers, 
plongés dans un bourbier et condamnés à porter l'eau dans 
un crible »•. 

Dans le paragraphe suivant [§ 7)^ Plotin continuant à dé- 
velopper ^a pensée, dit que, pour atteindre le Bien et s^unir 
à lui, nimedoilse dépouiller du corps» comme dans les Mys- 
tères s'avancent entièrement nus ceux qui, purifiés, sont 
admis à pénétrer dans le sanctuaire : 



1) "Ean ykp S:^, tôi; i kcùmÙh; Htfai, xal i\ crwf poioûvr] xai i\ avÔfiiiot sn'i ii5«a àf>CTt| 

xâQapoi; xaV Y], çpiïijin; Gcûtî] ' Sih xcii al ïi>iîal ôpîùj a'rtitïOUTai tÔv [it| ncxaQap- 

(I. 6, p. 55). 

•-) noXiTCLoit p' p- ooa, L. D,.. louî Sk «rvoscou; av xnl i6!)i.ouçilî iCY]Xiii «va xa* 



PLOTtrî ET LES MTSTfefiES d'ÉLEDSIS 2Ho 

o II nous resle mainlenant à remonter au Bien auquel toute âm« as- 
pire '. Quiconque l'a vu, connaît ce qui me reste k dire, sait quelle est 
la beauté du Bien, EnelTeL le Bien est désirable parluirnème; il est le 
but de nos désire. Pour t'atteinrlre, il faut nous élever vfîrs le;; récrions 
supérieures, nous tourner vers elles et nous dépouiller du vêtement que 
nous avons revêtu en descendant ici-bas, comme, dans les mystères 
ceux qui sont admis à pénétrer au fond du sanctuaire, après s'être pu- 
rifié», dépouillent tout vélemeat et s'avancent complètement nus. » 

Aa paragraphe suivant, PlotÎD substitue sop idéal de 
l'homme sage el heureux à celui des Stoïciens et indique 
plus clairement encore son inteulionde remplacer leur inter- 
pfétalion allégorique des My^lèrs!^ par celle qu'il puisera 
dans sa propre doctrine. Celui qui est malheureux, dit-il 
d'ahord, ce n'est pas celui qui ne possède ni de belles cou- 
leui*», ni de beaux corps, ni (a imiesance, ni la domination, 
ni la rovauté, mais celui-là seul qui se voit exclu uniquemenl 
de la possession de la Beauté, possession au prix de laquelle 
il faut dédaigoer les royautés, la domination de la terre en- 
tière, de la mer, du ciel même, si l'on peut, en abandonnant 
et en méprisant tout cela, contempler la Beauté face à face. 
Puis il ajoute ; 

< Comment faut-il s'y prendre, que (aut-il fairepourarriveràcootem- 
pier cette IBeauté inelTable qui, comme ta divinité dans les Mystères, 
nous reste cachée au fond d'un sanctuaire el ne se montre pas au dehors, 
pour ne pas être aperçue des profanes? Qu'il s'avance dans ce sanc- 
tuaire, qu'il y pénètre celui qui en a la force, en fermant les yeux au 
spectacle des choses terrestres el sans jeter un regard en arriéfe sur les 
corps dont les grâces le charmaient jadis*. » 

Le livre que Plotin a écrit le 9° et qui porte sur le Bien et 



flgii tIBiv aOr'j oïîrv B iéifrrt, Zitttii anlfiv ■ lytti)^ [xbi ■fip lù; iyailAv na'i -ri X^ioii icp'aç 

^lUttlhtv i-nt/hism, tAiv n{>cv noit tô y^C^oï^ âvtjvai ' 

2) I> 6- § 8. Trt aûv i Tp^RQ;; tU ^i^-/aiv-^; fcôt; n; tiâtnau xîUa; kfLrtittniiy oîav 
Iw&Av 11 iriois (ï(JoU (U^ov vjli lEpQtôv tït M ÏSii». "ws TK *«t ^iBfl^o; ïîtii Ctw 5t| 

aïtitv e"; ri; npot^pï; «Ylatia; autiâ'Wijv. 



286 



HEVtTG DE L HISTOIRE f>ËS tlBUCilONtS 



rUn, a paru d'une importance extrême à Porphyre, qui l'a 
placé le 9* dans la VI* Enuéade, c'est-à-dire le dernier de 
toute son édition. En fait c'est un de ceux qu'on étudie avec 
le plus grand profit, quand on clierche à saisir rapidement, 
dans ses traits essentiels, la philosophie néoplatonicîenrvd, 
Plotin y traite d'abord de l'Un qu'il distingue de l'Intelligence 
et de l'Être ; qu'on ne saisit, ni par la science, ni par la 
pensée ; qui est le principe parrailement simple de tous les 
êtres, indivisible, infini, absolu, le Bien considéré d'une ma- 
nière tout à fait transcendante. Puis Plotia affirme que nous 
pouvons nous unir à l'Un et que cetle nuion, momentanée 
dans noire existence actuelle, est appelée à être perma- 
nente, pent-fttpe définitive. Être uni k Dieu, c'est notre vie 
véritable. Et nous sommes en état de nous unir à lui, d'un 
côté, parce qu'il est présent à tous les êtres, de Tautre, parce 
qu'il Dous suffit pour cela de faire disparaître eu nous toutâ 
dilTérence, Cetle union, qui est la vie des dieux, des hommes 
divins et bienheureux, conslitue un état inefTahle, extase, 
simplification, don de soi, etc. Si l'âme ne peut la maintenir, 
c'est qu'elle n'est pas encore tout à fait détachée des choses 
d'icî-bas, qu'elle ne s'est pas encore identifiée à l'Un. 

En somme, ce livre est bien caractéristique de l'époqua 
théologique ou médiévale ', puisqu'il est tout entier employé 
à déterminer ce qu'est la première bypostase ou le Dieu su- 
prême, et de quelle manière nous arrivons à nous attacher à 
lui et à atteindre ainsi la vie bienheureuse. 

Or Plotin y fait deux choses également significatives au 
point de vue qui nous occupe. On sait que la formule célèbre 
altribuée à saint Paul — c'esten Dieu que nous vi von^, que no uâ 
sommes et que nous nous mouvons* — rattachée par l'apôtre 
lui-mérac aux doctrines stoïciennes, a trouvé dans ce livre 
de Plotin, une interprétation toute spirilualistequi, par saint 
Augustin et ses successeurs médiévistes, est passée à Bos- 

Ij Voir le Moyen-Àge dans Enïrc Casmrades, Paris, Alcan, et dans les Mé- 
moires de rAcadèmie îles sciences morales et poliliqudg, 1901. 
2) Acles, ivu, 27,:»; Etméades, VI. 9, §9. Voyez Bouitiet, III, p.557»tiq. 



PLOTt:< ET LSS HTâT^HEl^ D^ÊLEtfStS 



287 



suct, à Malebrauche et h Féneion. Par ce côté, Plolin a donc 
grandement contribué à l'élalioralion de la tliéologie chré- 
tienne. Mais il a aussi, en cela même, Iravaillé k introduire 
sa philosophie dans les .^lystèros dont il offrait une explica- 
tion moins matôriaJiâle et plus satisTaisante pour les ten- 
dances religieuses de ses contemporains que celle de ses 
pr(^décesseurs les Stoïciens, 

Il faut citer, eu son entier, le jj 1 1 qui termine l'édition 
de Porphyre et qui, en raison mAme des principes qui l'ont 
dirigé, lui parait tenir une placu considérable dans le sys- 
tème: 

■ Certtt c'eti cela que vfut montrer tordre de» myslèrns, de ceux où 
U y a défente de produire au dehors, pour li^s Aommes f/ul n'ont vas été 
iniùés, €e qui \j est enseigné : comme le divin n'est pas de nature ix être 
divjjpué, il a été interdit de le montrer à «lui à qui n'est pas écbûe la 
bonne fortune de le voir lui-même. Or puisqu'il n'y avait pas deux 

IêLre, mais qu'il y en avait un, le voyani identique au vu. de fiçon qu'il 
n'y eût pas un être vu, mais un être unifié, celui qui serait devenu te), 
s'il se souvenait du temps oCi il était uni au Bien, aurait en lui-même 
une image du Bien. Kt il était un et n'avait en lui aucune diirérence, 
ni rËlativejnentà lui-mêine, ni relativement aux autres. Car rien de lui 
n'était inH', en lui, revenu eu haut, n'étaient présents ni appélîlni désir 
d'aitre cliuse; en lui, il n'y avait ni raison, ni pensée, quelle qu'elle 
soil, ni lui-même ateotument, ?'ii faut dire aussi cela. Mai» comme 
^ ayint été ravi ou porté en Dieu, il était constitué tranquillement dans 
B unr iusUtllalion i^litaire, ne s'écàtlnat en aucune façon de sua essence. 
~ qu est aans tremblement, ne se tournant pas vers lui-même, se tenant 
de toute façon en repos et étant devenu pour ainsi dire stabilité'. // ne 
t'iccupe plus des choses belles^ a' élevant déjà aussi au-dessus du Aeau, 
axant dépassé déjà atusi le chœur des verdts, comme ijneltju^un qui, 

Iatant pén^lri'- dans Cint^-rvatr de rimpénétraUe [du srtneluaire). iiiiS' 
tMl jtar derrière tes statue* qui sont dans te vxi^, statues ^ui, fiour 
c'iui ijui sort du sanctuaire, sont de nouveau Irn premières, après, le 
tpectade du dedans ci la rommunication qtiit a eun (à, non aeec dex 
dahtes ou des images, mais avec lui. Spectacles certes tfui sont tts se- 
1) LVmploi de ce mot v^a'^ii est k notier cbex Plotin, (1 désigne unu des ciuq 
ca.tegune'S di] rnood^ InleMî^ibie, c'«sL r^Wat à PétaL de repos. Plolin en lire 
d'autres mots <jui revîenneni souvent et di>ol l« &cda n'est clair que si on les 
rtpprocbe du stoipte, ÛTCÏ9Tftoi£. ôn^iMïtiic. Ettoiasif. 



288 iKnre de l iirsTOteB db rcugious 

€ondt. El peu(-$li^ û'«Uît-C6 pu li ud spectacle, mais un autre mt 
de vision, une «itas« et noe simplificatîon et un don àe soi, et on désir 
d« loucher et une stabilité et one pensée tout entière tournée ^ers ITiar- 
monisation, il toutefois on contemple ce qui est dans le sanctuaire'. 
Mais ti'tl regarde autremoit, rien ne lui est présent D'un cAU domc, 
cfi imagfM ont Hé ditet n mots couvrit par lei xagta certer ittiiOre te^ 
Ttrophètex ponr indiqun' df qwUe manière ce />ieu fit vu, Of ravi 
le tage hiérophante ^ aijant prn^trr Cénigrne, ferait, étant v^rni, ta e* 
letnptation véritable du lancfitaire. Et n'y éiant pas emu^ mais at/t 
pentf. qup te tanetuaire, celui~Iâ qui est en quettion, e$t uiM cAom n- 
viiible et une tource ei un principe^ U saura qu'il voit un prineiot 
comme pn'napç {ou le principe par rxcell^tce) et lorsqu'il y est Tt 
avec lui, i! «it qu'il voit aoi^gi le semblable par le eeinblable, ae lïij 
s«nt: en debors^ de sa vue, rien des choses divines, de toutes cell^ 
l 'âme peul avoir, f^t a%-ant la coDtemplalioa, elle réclame ce qui reat* â_ 
voir de la contemplation. 

Mais ce qui reste, pour celuiquîs'est élevé au-dessusdetouleschc 
c'est ce qui est avaol toutes choses. Car certes, ce n'esl pas au noo-éi 
absolument qu'ira la nature de Tâme; mais, d'un côté, étant allée i 
bas, elfe viendra dans le mal et ainsi vers le non-étre, non tootel 
vers le non-être qui le serait d'une Tapon achevée. De l'aulre, ayant pu 
eonru la voie contraire, elle viendra non à autre cbo&e, mais à tàt 
même et ainsi n'étant pas dans autre chose, il n'en résulte pas qu'dl 
n'est dans aucune chose, mais qu'elle est en elle-même. El celui qui 
en elle-même seule, non dans l'éEre» est dans celui-là. Gir il devit 
ainsi lui-même non quelque essence, mais supérieur k l'essence ds 
la mesure où il a commerce avec celui-là. Si donc quelqu'un se viij 
devenu cela, il a lui-même une image de celui-làel Ei\ passe au-dessi 
de lui-même, comme une imat^e allant vers son archëlype. il alteindi 
la (în de sa marche. Mais tombant et perdant celle vue, il éveillera 
nouveau la vertu, celle qui est en lui-m^me. il s'observera lui-même. m| 
en ordre de toute façon; il sera de nouveau aliéné et il ira par U vert 
vers l'intelligence, par la !=;agesse vers Lui (le Bien ou rUn). El telle e^ 
la vie deR Dieux, telle est la vie des hommes divin-; et ayant en eux u^ 
lion démon, détachement des autres choses, celles d'ici, vie non renduJ 



i) Tous CBS termes employés pour désipeier la Ti»iûn de Dieu et l'union av^ 

liiisoTilcîiracLénstiqiies.ioùBlaïAa, àXïi(ï>lo;Tp^floe«5 l5iîv, ïttuTMi; Xïl a91l.ua 

Lea mystiqufiB des aiècles suivanlî, cfirétiena ou muaulmans, oot choisi l'ua 
ou Vnalre de ces v-rmiîs.. f|ui impliquent des procédés différents ; tous pelèvenl 
ainai de PlolJn el de sou éoole. 



PL0T17< £T lES MTSTÈHXS d'ÉLEDSIS 289 

flgréalile par les choses d'ici, fuilede celui (jui est seul vers celui qui est 
Eeul' 9. 

AÎDsi Plolin liébute par rappeler la défense qui est faite 
dans Ips Myslères d'en dévoiler le secret aiii hommes qui 
n'ont pas été inilii^s. On sait qu'il y a interdiction absolue, 
quoi qu'en iiil pensi^; M. Alfred Jlaury, do révéler aux pro- 
fanes les actes ou les paroles qui constituaienlles secrets 
{fi àsippTpa) de riniliation. Lenormant et PoUier, Foucart et 
Goblel d'Alviella sont absolument d'accord sur ce point'. 
Mais Plolin explique ceKe défense par une rai&on philoso- 
phique : c'est que «^ le divin n'est pas de nalure h fttre divul- 
gué, c'est, comme le disait déjà Platon dans un passage du 
Tbme souventreproduit par Plotîn, « que si c'est une grande 
affaire de d<5couvrir l'auteur et le père de cet univers, il est 
impossible, après l'avoir découvert, de le faire connaître à 
lous»{r/>?ïe'e, 28C.).Kt sur cette explication repose, outrel'îa- 
[erprétalion des .Mystères d'Eleusis, la conslllution de la théo- 
logie néf^ative qui, avec le Pseudo-DenysTAréopagîte. prendra 
une place si grande dans le christianisme. 

ij Nous avons essayé (i« traduire ce [exl« ausEÎ lillérBlement {{ue possible, 
la Iraduclion An BociiUsl ne nous ayanL pas loujours paru sufRaamment exucle. 
On peul consulter In tf«'!ucl.îciii anglsise He Th. Taylor. SWecf V/nrks of Ploti- 
nux, p. 46S eL suivantes, Noua ne donnons du tezlp preu que les passais r«- 
InUrsauxMyslèrosetcSont E» Iraduction est Egulïgni^f;.,, invn ir, èâÉXov iiiXoùv tb 
Tw'v itvrrripiuv tSivSe cKtiterrii^t tQ ('n èxS'ÉpELv eÎ; |i.y) ^^ti-j-rniivouCi «^E oûx ÏHçopqv 
IkcTvo St «RETitE i^XoOv npb< aXlni tb 'Itîav, ^k.^ \Ii.\ xa\ sCtù tjsiv EÙTv-^tKi.... ùCii 
tâv xa)^Cjv, àX^i Ttat t« xcùht rfir^ u-nepâiuv, visif^it ïi&i] xn't vit r£i« âpEtûv );frpâv, 
W7KEC tic t'i tô ei'ffii) To-û aSùtou eit^-u: ek tvùnîo'u xïraXtnùv is Iv ïû vbiÏi ayàli- 
lUTa, a if^EÏBivTt toO dtiiîtQU nctXiv r>^E*B' TipûTn ]t»oc t>) ËvStkv Sfetiui )is\ rîj^ JMi 

ffvveuffiav it^b; eux £Y>)>t^ ovi' ûxivoi, ââX' kOt^ - tbOih |i£v oùv |i,LM.i^|j.aiTa, %eà 

nlt «ùv «090ÎC tûv icpe^i^Tûv aîvErTETg», Zitua ithi Ëvcîmo: fipSfat • «fàt S^ \tptli to 
ai^lY(i« 'nivti^t àïq6iU7)V Sii itoicî» jkeÏ fEvâiLCVoc »0 âj'Jtou tv^v QJxv - xaï |i.r) 
Ycv&iuvoc à^ îb SiuTS^ toOh ctâpaTov ïi '^pT{|i^ voiiiiroif kv'i iti'.y^'* xa'i ^p'/V EÎ^-riaEi, 
Ûe i;!i>,£5 ipjcv 0^5 

S) Lfés LiQB rappellRiil 1a peine de mort portée contre toute profnnation d«B 
mystères et la condamnaltoti t mort, par coatumacç, d'Alcibiniie. Le dernier 
Acrit (I" article, p. 174, n" 1) ; « Les Grecs eux-mêmes font ?enir vj.jtE>ipia de 
i><jii> (dore Ia bouche). En réalité, la célébraLion des niyatëreB pouvait com- 
preTidri* feirlaines c^r^inonieâ publiques;, mais leur èlècnent essentiel n'en restait 
pas moine le secret, avet: sa <^'0n9équeuu:e nécessaire, l'inîLialiuu ^i. 



â90 



wm!t De L BisroiBT bEs «lueiats 



Plotin rappelle ensuile le rôle du hiérophaole, en ce qnî 
conceroe La comoiunicalLOn aux inîtiés des objets louchaal 
de très près aux diviniléa des Mystères, probablement mAme 
leur* effigies {-liU-.Krj-^x). Cessfatues ouatlribuis ditféraienl 
des allribuls el de» repré5ertlaUon& exposées en dehors do 
péribole ; elles élaJenl enfermées dan? un sanctuaire (ii£7a^. 
ârix-ws^f) oh le hiérophante pénélrail seul. Elles en sortaient 
pour la fêle des Mystères : sous la garde des Eumolpides, 
elles étaient transportées à Athènes, mais voilées et cachées 
aux regard.^ des profanes. Pendant Tune desnuils de rinilia- 
tîon,, les portes du sanctuaire s'ouvraient et le hiérophante, 
en grand costume, montrait aui mystes assemblés dans le 
-zù^Tctipai les '.ipi éclairés par une lumière éclataute. De là 
même venait son tiom d'hiérophante (s Upii ezîvwv). Pour Plo- 
tin, ce sanctuaire — qui rappelle peul-étre aussi le Saint des 
Saînt« des llébrçnjï' — et ce qu'il contient figurent l'Un uu 
le Bien, l'bypostase suprême avec laquelle nous devous cher- 
cher à nous unir; les statues qui sont dans le va»; ruprésen- 
teutf comme il l'indiquera ailleurs^ TAme et l'Intelligence, la 
troisième et la seconde hypostase, avec lesqueUes il faut 
s'unir pour atteindre Je Bien. Knfin, pour lui, celui qui arrive 
aui sanctuaires a dépassé le chœur des ver(u$, idéal des 
Stoïciens, comme son interprétation dépasse celle qui par 
les Stoïciens avait été longtemps acceptée pour les Mystères. 
Bnuillet dit (1. III, p. îidi) que ce magnifique morceau de 
Plolin est assurément ceque ratUiquîté nous a laissé de plus 
beau sur les vérités religieuses enseignées dans les Mystères 
d'Eleusis. Ilconvienlde modifier cette formule; nous voyons, 
diins ce passage, la manière dont l'école néo-platonicienne 
piopaf^e sa doctrine parmi les partisans des Mystères et 
comment, lorsque les Mystères ont disparu, elle l'a laissée à 
ceux mêmes qui l'avaient combaltue, parce qu'elle restait, en 



1) tl faut ee souvenir (juc Philon, par Numénius, cgmine le signale Porphyre 
daiiB la Vie de l'iuin, b. agi sur Plolin, tout en se gardant de ne voir eu lui 
qu'un diacipl« lidèlâ de l'ua eld« Tautre. 



ftOTÏH BT t-ES HTSTtRES o'ÉLBUSIS 



291 



plus d'un point, l'expression la pius parfaite des concepltons 
chères h loute la période Ihéologiquë, qui s'étend de Phïlon 
àGalili^e el k Descarles. 

Le livre qui traite des Irois hypostases principales, le 
diicièiue dans l'ordre chronologique, le premier de la cin- 
quième Enn^iade chez Porptiyre, développe ou complète les 
doctrines que nous avons signalées dans le livre sur l'Un ou 
le Bien. L'âme voit qu'elle a une affinUiî étroite avec les 
choses divines; elle se représente d'abord la grande âme, 
toujours entière el indivisible, pénétrant inlimemenl le 
corps immense dont sa présence vivifie et embellit ioutes les 
parties. Ensuite l'intolligence divine» parfaite, immuable^ 
éternelle, qui renferme toutes les idées, et constitue l'ar- 
chétype du monde sensible. Enfin, l'Un absolu, le principe 
suprême, le Pfere de l'Intelligence qui est son verbe, son acte 
et son image. C'est par la puissance que l'Iutelligence reçoit 
do son principe, qu'elle possède en elle-mfime toutes les 
idées, comme le fout entendre les Mystères et les mythes : 

« lovoquoti» d'abord Dieu mftme, dit Pl&tin {'^ 6), ma en pronon- 
çant dës paroles, mais en éleva.nt noEre âme jusqu'à lui par la prière; 
or la saule manit^re dtt l« prier, c'est de Qous avancer sûlitalremeat vei^ 
l'Un, qui esl solitaire. Pour contempler l'Un, il faut se recuieillir dans 
son for intérieur comme dans un temple el y demeurer tranquille, en 
eslase, puL'^, considérer tes sUtues qui sont pour ainsi dire placées 
dehors (l'Araeel l'Inteltigence) et avant tout la statue qui brille au pre- 
mier rang (l'Un), en la contemplant de Is manière que sa nature eiige*. x 

Ainsi Plotin, parlant de l'âme du monde, en termes qui 
sont stoïciens et qui transforment le stoïcisme, montre com- 
ment il en fart une partie constitutive el, en une cerfaino 
mesure, secondaire^ de son système. Puis il continue son 
interprétalion des mystères, en Idenliliant avec l'ûme et avec 
rintelligence, les statues qui sont en dehors du sanctuaire. 

tt) ♦ujt^ ÎTtTitvao-Lv Ixvïoû; eÎ; tvy^v itpî>s èntîv»u, fj/erfai ï«v Tpdnov tovtoï îuvs- 
(Jvov; iiivoy; Tipàc (l4vùï ■ i'.J T*i»w¥ 4tat»i'i) tutîvov tv ïû emicii oIqu vîù, Iç' tav^olJ 
(lv»E> iii^ovtos >,ffnj/ou Iziitwa inâvrujv, ta oÎûv «pis :» ?ltù ïiBi] àrii't.iivci. iffiûTd» 
|k&l^lùv ii ë-fai-v^j, fô n^Cinv Èxf >vtv Viâvilsi KtpTiVDï i«vtsv nv tpinav ' 



393 



hkTTB ne LHtSTOlBK DBS MUeiOXS 



On (tourrail retroorcr, dans la plupart des livres important 
de Ploliîi, des allusions, directes ou indirecles, aux. Mystère»' 
d'ÉK^usJs, Il Dous âunira d'en menlionner quelques-UDes, 
puisque nous avons^ dans les citations précédentes^ une 
jolerprétation complète. 

Le second livre sur l'Ame, le ^* dans Tordre chroDolo-' 
pqa**, le 4* de hi 4* Ennéade dans l'édilion de Pot^lirre. traite 
des âmes qui font usage de la mémoire et de l'imagination. 
des choses dont elles se souvieaneut. Il se demande si les 
Ames des astres et Tâme universelle ont besoin de la mé- 
moire et du raisonnement on si elles sa bornent à contem- 
pler l'intelligence suprême. 11 cherche quelles sont les dilTé- 
rences inteEleclueUes eptre l'âme universeUe, les âmes des 
astres, l'âme de la (erre et les Âmes humaines, quelle est l'in- 
nuence exercée par les astres et en quoi consiste la puls-^ 
sance de la magie. tJouilIet signale, avec raison, un be&u 
passage qni se termine par ces lignes: « Avant de sorlirde la 
vie, rhommo sage connaît quel séjour l'attend nécessaire- 
ment et Tespérance d'habiter un jour avec les dieux vientj 
remplir sa vie de bonheur « {IV, 4, ^ 45}. C'est, dil-il^ le] 
développement d'une pensée de Pindare : « Heureux qui a vu' 
les myslères d'Klcusis, avant d'être mis sous terre î 11 connaît 
les fîns de la vie et le commencement donné de Dieu » . 

Ainsi dans son explication synthétique, Plolin fait entrer 
les poètes et les philosophes, loiis ceux qui, avant lui, four- 
nissent des éléments propres à figurer dans les construrlionsi 
eschatolo^lques. Et comme le P. Thomassin ' a tmcore auj 
xvn" siècle, commenlé ce paragraphe de Plotin, avec biei 
d'autres paragraphes d'ailleurs, nous pouvons conclure que 
les théories du uéo-platonîsme ont continué à inspirer les, 
chrétiens. 

Enfin dans le hvre, qui est le 'iG' par l'ordre chronologique"! 
et le S' de la 5' Knnéade, Plotin s'occupe de la beauté intel* 
ligible et fait figurer » toutes les essences dans le monde 



i) Dogmata phil-nùphic^, 1. p. Si. Voir BouiHet, II, p. 405. 



PLOTIN £T LUS HYSTÈRKS d'ÉLEL'513 



293 



iiilolligible, comme auEaiil de j/hUues qui sont visibles par 
elles-mêmes et dont le spealaclc donne aux spectateurs une 
^ inetTable Télicité ». 

H En résumé Ploliu, dans les divers passages que nous avons 
Brappelés, superpose sa philosophie II toutes les parties cons- 
titutives et essentielles des Mystères, de façon que tous 
H ceux qui, préoccupés du divin, placent un monde intelligible 
^au-dessus du mande sensible, substituent le principe do per- 
I fection aux principes de causalité et de contradiction, seront 
■conduits à accepter son interprétation, s'ils conservent les 
Mystères; à prendre pour eux ses doctrines, s'Us renoncent 
à tout ce qui rappelle la religion antique. Et il faut noter que 

kPlolin se met^ à cet égard, dans une position unique. Il 
pense bien moins à défendre les anciennes croyances qu'à 
faire accepter son système. S'il invoque !es mythes, les 
Mystères ou môme les croyances populaires, c'est surtout 
pourmontrerqu'il les complète, elqu'il en don ne l'explication 
la plus satisfaisante. Comme l'écrit Olympiodore, dans son 
^mCommeiitaire sur le Pkédun^ Plolin, Porphyre{cola est moins 
Hvrai pour celui-ci que pour son maître) attribuent le premier 
rang à la philosophie. EL il ajoute que d'autres, comme 
Jamblique. Syrianus et en général tous les hiéraLiques 
placent la religion avant la philosophie '. 
B On peut dire en effet qu'après Plotin^ les tendances sont 
' religieuses, bien plus encore que lhéologic|ues et philoso- 
phiques : la lutte se poursuit, ardente, implacable eutre les 
partisans de la religion hellénique et ceux du christianisme. 
Sauf Synésius, le Pseudo-Denys l'Aréopagîte et Boèce, dont 
^Ues doctrines philosophiques sont très nettement plotiniennes 
et néo-plalonicicnnes, taudis que leurs croyances ont pu les 
faire rattacher tantùt à l'une, tantôt à l'autre des deux reli- 
gions, les philosophes de celle époque se prononcent pour le 
christianisme ou pour l'hellénisme. Aussi l'interprétation 
i Mystères sert-elle surtout à défendre, chez Jamblique et 



1) Cousm, Fniijmmi& de philosophie aneienne, p. 449. 



294 



RirUE DE t BtETOtnE DES RELIGIONS 



ses successeurs, la religion poar laquelle ils ont résolu de 
combaltre. C'est co qui apparaît manifeslemenl chez le com- 
mentateur Thi^mlstius, mort après 387, chez Olympîodore Ip 
jeuae, le coulemporain de Stmplicius, comme chez iam- 
bliquo, Proclus ou Tauïeur des Mr/slèrex des Efjyptien* : 

" La sa[^esse, écrit Théraistiua, fruit de son géoie et de son tra 
Arislote l'avait recouverte d'obscurité et enveloppée de îénèhres, 
voul.inl ni en priver le.'^ bons, ni la jeter dans les carrefours; toi ( 
père) tu as pris à part ceux qui ea étaieol. dignes el pour eux tu as 
sipé les ténèbres et mis à nu les statues. Le néopbyle. qui venait 
s'approcher des lieux saints, était saisi de vertige el frissonnait; tri 
el dénué de secours, jl ne savait ni suivre la trace de ceux qui t'avaient 
précédé, ni s'attacher à rien qui pût le ^ider et le conduire dans l'in- 
térieur : lu vins alors t'oQrir comme biérophaote, tu ouvris la porte du 
vestibule du temple, tu disposas les draperies de la statue, tu t'ornas, 
tu la polis de toutes parts, ci tu la montras à l'initié toute brillante et 
toute resplendissante d'un éclat divîa, et le nuage épais qui couvrait seâ 
yeux se dissipa; et du sein des prolondeurç sortit l'intelligence, toute 
pl'eine d'éclat et de aplf^ndeur, a,pr&s avoîr été «tiveloppëe d'obscttiHt^^ 
et Aphrodite apparut à ta clnvlé de ta torche que Imait VhiéfophaiU 
et tes Gràçss priyenC pari rt Cinitiaticn ' i . 

■( Dans les cérémonies saintes, dit d« sûn câtéOlympiodore, on co: 
mençail par tes lustralions publiques ; ensuite venaient les puririeatl 
plus secrètes ; â. celles-ci succédaient les réunions ; puis les inîtiatioi 
elles-inêmies ; enfin les intuitions. Les vertus morales et politiques coi 
respondent aux lustrations publiques ; les vertus purîficatives, qui n< 
déirapenl du monde extérieur, aux purifications secrètes : les vertus coi 
tempîatives, aux réunions; tes mêmes vertus, dirigées vers l'unité, a 
initiations; enfin l'intuition pure des idées à Tiotuition mystique. Le 
but de'i mystères est de ramener les âmes à leur principe, à leur étal 
prtrailif et /înal, c'esl-à-dirc à la vie en Zeus dont elles sont descendue, 
diiffc Dionijs'ws qui tes y ramène. Ainsi l'initié habite avnc les die' 
selon la porhJe des divinités tfui prr^sidsnl 'i Vîniitnlion. II y a deu 
sortes il'initialions : les initiations de ce monde, qui sont pour ai 
dire préparatoires; et celles de l'autre, qui achèvent les premt&rea* 

M. Goblet d'Alviella. après avoir écrit, à propos de l'iatro^ 

1) Thémialijs, Di^cùurs, XX; Ehgt de noa père, ch. iv; BouUlet. I([, p. 

2) CouEin, Fraainents de philosophie ancienne ; Olympiodore, Commentai 
swU Phédun,p. MB. 





PLOTIN ET LES MTSTËRES D^ÉLEUSIS 



ifôs 



duction du néo-plalonisme dans les Mystères, que « jamais 
peut-être l'accord ne fut plus étroit entre la religion et la 
philosophii^ " ajoute : « Maïs ce fut le chant du cygoe des 
Mystères comme du paganisme lui-même ». M. Jean Réville 
a, de son côté, pense que les Mystèreiî, en inculquant des 
dorlrines peut-être aussi élevées que celles du Christianisme, 
ne firent ainsi q^ie pri^cipiter leur défailisque travailler pour 
rtîvaogile- M Uujour, dit en terminante. Gotjict d'Aviella, 
oii à Ak'xandrie, une fraction desni^o-plaloiiiciens passa avec 
armes et bagages dans le camp de l'Égtise naissante, la chute 
du paganisme ne Tut plus qu'une question d'années ». 

Il faut distinguer, ce semble, entre le plolinisme el la 
religion helli^iiique. La ruine de celle-ci semble avoir été 
avant tout la conséquence de luttes politiques ofi la violence 
eut inlinimenlplus de part que les convictions philosophiques. 
.\insi Constantin place la croix sur le labarum, permet aux 
chrétiens d'exercer librement leur culie par l'édit de Milan 
eu 3i;-t, les favorise ouvertement, préside un concile, cons- 
truit une église chrétienne à Constantinople et porte h son 
casque un clou delà vraie croix; mais il reste Grand Pontite, 
il laisse représenter te iJîeu-Soleil sur les monnaies, édifie à 
GoflsUinlinople un temple do la Victoire etne se fait baptiser 
qu'au moment de sa morl. [)e même en ce qui concerne le 
sanctuaire d'Eleusis, M. Goblet d'AlvietIa écrit : « En 396, 
les (iolhs reparurent en Afrique, conduits par Alaric; les 
moines i^ui avaient acquis assez d'intlufince sur l'envahisseur 
pour lui faire épargner Athènes, durent lui persuader aisé- 
mentde se dédommager sur le sanctuaire des Bonnes Déesses, 
qui fui livré au pillage et à l'inceudie ». Knfin, quand le mari 
de Théodora, Justiiiien, fermait en 529 les écoles d'Athènes 
oh Simplicius el ses amis défendaient encore, avec le néo- 
platonisme, la religion hellénique, il semble bien qu'il ne 
songeait guère à faire triompher les « doctrines les plus 
élevées ». 

Le néo-platonisme survécut à t'hellénisme. M. Goblet d'Ai- 
viella a montré rinfluenue des MysLèreâ sur les g:nostique:i, 



206 



UVCE Dl LHUTOtU DES UUGrOTS 



&ur les chrétfeDà qui foui des emprunts à leur lermitiologie, 
qui distiaguenl des catéchumènes et des fidèles ; qui insU- 
tuenl des rites et des formules dont on ne doit pas donner 
connaissance aux dou initiée ; qui ont des degrés d'iuitiatiou 
et qui utilisent, dans toutes les communautés Tondéês en 
terre païenne, coomie on le voit par l'art des caUcombes, 
les applications du symbolisme des Mystères; qui s'en ins- 
pirent pour la cène et pour la messe, comme pour le déve- 
loppement de l'idée sacerdotale. Si donc rinterprélalîon de 
Plotin s'est jointe aux Mystères et si Plotin s'est allaché à 
développer une théologie, plutôt métaphysique que liée à la 
religion antique, il en résulte que sou système fut transmis 
aux chrétiens en même temps que les Mystères. 

En outre M. Goblet d'Alviella est d'accord avec Edwjn 
Hatch, pour qui l'orfi^nisation et les rites des communautés 
chréliennes on terre bèlléuique, avec Rarnack, pour qui les 
dogmes dans leur concepliou et leur structure, sont l'œuvre 
de l'esprit grec sur le terrain de l'Évangile, Je crois qu'il est 
possible d'aller plus loin et d'être plus préci$. Le Ploti- 
nisme a été la synthèse, d'un poiut de vue théolo°;ique et 
mystique, de la philosophie el de la pensée grecques, de 
celle mémo qui, avec Philon, tenta de concilier les Grecs 
et tes Hébreux. Il constitue, pour cette raison et aussi à 
cause du génie de son auteur, la doctrine la plus complète, 
la mieux liée, la plus exlensive et la plus exacte dans les dé- 
tails qu'on puisse souhaiter quand ou admet l'existence d'un 
monde intelligible,tirë par abstraction de l'analyse do l'âme, 
quand on prend pour règle de sa pensée et pour règle aussi 
des choses existantes, le principe de perfection, tout en 
s'efforçant de laisser aux principes de contradiction et de 
causalité, une place aussi grande que possible dans le monde 
sensible. Aussi a-t-il été la source où ont le plus souvent 
puisé tous les métaphysiciens et tous les théologiens qui ont 
placée au premier rang de leurs préoccupations, rexistence, 
la nature de Dieu et l'immortahté de Tâme humaine. Mais 
comme la doctrine philosophique des néoplatoniciens qui 



PtOTffl BT LKS MVâ-iâiies p'fcLr.UMS 



297 



continuèrent Plolin fut souveul unie à dâ& croyances oppo- 
sées au chnstianisnie, comme elle suivit celle du mallre, et 
n'en fui pas toujours distinguée, elle fut plus d'une l'ois 
mise à eonlribution par les hélérodoxes. De lelle sorte que 
le Diâo-plaloiiismc a alimente loule la spéculfilion des dogma- 
tiques et des mystîqueâ du moyen Âge, qu'ils se réclament ou 
non de l'ortliodoxie. Il faudrait plusieurs volumes pour l'éta- 
blir, pour montrer qu'il constitue, bien plus que l'arisloté- 
tisme^ \e facteur le plus important, on deiiors de l'Ancien ei 
du Nouveau Tcstiimonl, au sens large du mol, comme du 
Coran lui-môme> auquel il cocivieni de rapporter Tinslitu- 
(ion des doctrines médiévali;s. Qu'il nous suf5se de rappeler 
les noms d'Origfene, qui semble bien avoir été le condisciple 
de Plotin, des trois lumières de l'Eglise de Cappadoce, saint 
Basile, saint Grégoire de Nysse, saint Grégoire de Nazianzc, 
de saint Cyrille, l'adversaire d'Hypatie, qui combat Julien 
avec Plotin, de aaiul Augustin', du pseudo-DenysTAréopagile 
et de ftoèice, de Jean Scot Érigène et de saint Anselme, des 
Viclorins et d'Avicebron. de Maimonide el d'Averrofes, des 
Amauriciens, de saint Thomas et des mystiques allemands, 
de Descartes, de Spinoza, de Alalcbranche, de Bossuel, de 
Ttiomassin^ de Fénelon et de Leibnilz. L'examen des textes, 
empruntés à la plupart d'entre eux, que BouiUet rapproche 
de ceux de Plotin et de ses continuateurs, nous permeltrait, 
sans même procéder à une recension exacte, de conclure 
une fois de plus que l'on ne peut comprendre la spéculation 
théologicQ-métaphysique et mystique du moyen-âge, si Ton 
n'y fait rentrer Plotin el son école'. 

François Picavët. 

I) Voir le travail préparé ànotreconrârenca des Hautes Éludes pQrM. Grand- 
georg« $ar Saint Augustin çtte Xéo-ptalonisine (BiblLulbèque des Hautes Éludes, 
secLiim desscÊences religieuses). 

2} Voir la Moyeu-Age, CaractùrisLlque thiéolQgico-uiâUphjsiqLici ûam Entre 
Cnmarades, P&ris, Alcan, 1901, et dans Mémoires ds l'Académie des &c. m. H 
pol., 1901. Voir aussi La valeur <ie Ift icohsti'fite i\Am Biblioliièque duCongrès 
inttraatMVil da Ptiilosuphiid, IV, fans, OuLin. 



20 



SIR LNE THADLCTION CUINOISE 




DL EECUEIL BOUDDHIQUE - JATàKVMALi >' 



La traduclioa chinoise de ce recaeO porle le titre de 
« Poti-sa-pen'CÂmff-mon-htm • : elle se Iroave dans le, 
tome 136 de U coUcclion de» J ivres bouddhiques (Son- 
t/ttng)\ KUe contient 16 chapitres (kiaen)- l^es «jftUkas* 
(14 en (oui) remplissent les quatre premiei^ chapitres; 
les M autres sodI, pour ainsi parler, un commealaire 
thëologique {hunl) des « jâlaltas ». Ce commentaire est 
lui-même subdiviâé en parties (de II à 34, conrormémeol 
au nombre des « jâlakas »). Le texte en est extrêmement 
obscur et le sens est dirticile h saisir : la raison en est, vrai- 
semblablf^ment, que la traduction chinoise est mauvaise, 
atleadu que le commentaire est certainement de provenance ^y 
hindoue. La traduction désigne comme auteur des «jâlakas» ^M 
et du commentaire kry^çûra.{C/ienff-t/ounff'pou-sa) et d'autres 
{teng)^ comme traducteurs Ckao-té, Hoei-siun et d'autres 
encore qui vivaient sous la dynastie Soung (960-1279]. Le 
catalogue bien connu de livres bouddhiqnes « Yué'ts'anf}' 
icheu-tsinff » désigne Âryaçûra comme auteur des «jâlakas », 
et attribue le commentaire (jusqu^à 34} h un certain Tsi-pitn, 
à un certain Ckenij-ùen (Àryadôva?) et à d'autres encore*. 

1) TrtJuit rfti russe sur i« Urage â part At> IViginal publié dans le l. VII des 
Méitiftirei de ta itction orientale de la Société impériale rutse d'archéotogtc 
(Pétersbtmrg, i893). 

2) Catalogue de Iji Biblîoliièque de l'Univenitô, Xyl., 431; Bunyiu Nuijio' 
{Â Catalogue of the BuddkUt Tripi\fikQ]. d< 13l3etbg{te XIX, vol. 5 de Vèài- 
tioQ JKponaisejl. 

3] Hunyiu Nanjio, à ce qu'il eeiable, prend ù lort iei qu&lre caractères pour !•] 
nom d'un seul pflr&oooage. 



'WTB THADirCnON CntVOISE DU RECUEIL BOUDDHIQUE MtakfXmâlâ 299 



C'est ainsi que l'enlend, vraisemblablement, l'auLeitr d'uu 
autre catalogue « Tcheu-yueu-fa-pao fian-toun^-isoung-lou » ' 
où il est dit (tt. 9, 1. 16) que les auteurs de cet ouvrage soûl 
Cheng-young (Âryaçùra), Tsi-pîec, Cheng-tien, el d'aulres 
encore, que la traduction est l'œuvre d'un çramana du temps 
des Soung, Chao-lé, et de plusieurs autres. Ce catalogue ne 
mentionne pas do texte tibétain correspondant à cet ouvrage» 
En effet, il n'exisle pas de texte libôtain qui corresponde au 
texte chinois, mais l'ouvrage d'Âryaçiira (les 34 jâtakas) existe 
en tibétain. On te lit au commencement d'un recueil de 101 
« jàtakas ■> Ston-pa-thanin-cad-mkbi/en-pa'i-skf/es-rabs-phre-a': 
il constitue un ouvrage particulier el l'auteur est désigné 
sous le nom de Dpa-bo c'est-à-dire Çùra'. Ces 3'i- « jâtakas » 
concordent avec les «jâtakas » sanskrits. Ces 101 a j, » sont 
comptés par dizaines, à partir du premier; chaque dizaine 
se termine par l'indication du titre des « jàtakas » qui la com- 
posent. Quelques-uns des « j. » du recueil chinois concor- 
dent avec certains des » j. » qui figurent dans deux traduc- 
tions d'un ouvrage bien connu, le Damamùka : dans la 
traduction tibétaine' mizans-àlim {Dzang-loun) et dans la 
traduction chinoise « Hkn-ytt-yin-yuen-km'j' w. On trouve 
aussi quelques « jâtabas » correspondants dans l'ouvrage inli- 



1) Xyl.. Q. 22i. Catalogue de la Bibl. de rUnireraité. Cf. SchieCner^A. Hél' 
\A$.. r, 406. 

2) iJuDyiu NanjïO't n" IfflS. Plus bas, il cbL désigné soue la forme &brégé« 
Kan-hu -- il figure Haas le tome 47* du « Saa-ts'»ng .< avec un autre cstalogue 
« Ta-Wang-chengkiaa-fa-paa'pian-mau » (N* 1611 A'i Bunyiu Nanjio; plus 
bu, B0U5 1a forme abrégée : Piao-mou). [Ed. j«pon„ bolle XXXVIII, vol- 8J. 

3] Mélanges Asiatiques^ I; traduit par VidyâkarSBtmtia, savant indien et pan- 



H dit, el par ie grand correcteur Manjuçrt. 



i] Nous l'appelons Dil. : le texte et h iraducUon ont élë èdilés par SchmiJt 
en i8(3 soub le tîLre de >■ Hcr Wciseumi lier Thor ». 

5) Nous rappelons Hien.-k. — Bunyiu-Nanjio, n» 1332 [éd. jap.> boEle XIV, 
roi. 9]. Elle est plus coinplèle que 3s Iraduclioa Libëlaiae - elle compte €9 cbs- 
pitres (le texte ttbMain n'en comprend que 51 (bi).] Les titres des ctiapilres 
aapplémentairea sont citis à la fin de cet arlicle. Par suite, coonoe l'ordre d« 
cti deuï ùUTfftges n'eftl pas le mâoie, j'ai aussi dressé utte lable qui permet la 
comparaison. 



900 



lETCr DK LRtSTOlU DES 



tul6 Shien-ti't-pai-yuen-inng*, el encore, sons la Tonne de 
rédU isolés, dans le « San-tsany (Tripilaka). Je les ai Ions 
comparé*, et les varianles soot citées danA les remarques. 
Dans l'origiDal saa&kril de U * JilakamâlA ■ figurent 34 
« jàlakas » : la traduction chinoise ne contient qne 14 ré- 
cib. Tous ces récits n'ont pas le caractère d'oa • jâlaka • : 
certains retracent des scènes de la vie réeUe, et »onl 
visiblement antérieors aa ■ jÂtaka » absent. Commenl e\- 
pliquer ce faîl? En comparant d'^autres lextes chinois, sans* 
kritt et pâlis (p. ex. Saddharmapundarlka, Milindapanba, 
Vinaya, etc.) noas coDslatoos que les traducteurs chinois se 
permettaient plus ou moins d'abréger le teiLe ; ils laissaient 
ton]l>er leià menus détails, abrég'eaieat les vers, mais l'impor- 
tant et Tessentiel étaient transcrits avec une exactitude lit- 
térale. Par suite, on pourrait se croire autorisé à admettre 
hardimentqae le texte saniïknt de la « JAlakamâU » . au temps 
où fut écrite la traducîioû, n'était pas encore dé&nitivement 
Bxé, et qu'il variait suivant les régions. Celte supposition 
apparaît encore plusTraisemblable, si l'on réfléchit an respect 
que professaient etprofessent encore pour leurs « Ecritures » 
lesbouddiiisteii del'Iude et de la Chine. Les deux hypothèses 
sont également peu admissibles; ni le texte sanskrit n'a pu 
arriver aux traducteurs sous une forme altérée et incom- 
plète, ni les traducteurs chinois n'ont pu le traduire avec 
négligence et par fragments, laissant ainsi leur tâche ina- 
chevée. 



§ 1 , Par le sacrifice de son corps il nourrit une tJgresse. 

Bouddha, accompagné d'une grande foule se rend au Pân- 
cAla. 11 entre dans une forêt et ordonne à Ànanda de lui ins- 
taller une retraite. Une fois assis, il demande à tous les 
moines s'ils ne veulent pas voir les reliques [ché-li, çarlra) 
qui substsIenL d'une de ses existences méritoires dans le 

i) Uana !« 13S* tocae du « SbD-ts'ang p c'est le PAmunciktia-aTadÂData^»!». 
Bunyiii Nanjio, n« 1324. [Ed. jap., boite XIV, toI. 10.] 



05K TKADUCTtOH CBlNOtSE DU AECUElL VOJJDlim<iUE Jâlakamdiâ 301 

passé. Tous en expriment le désir. Bouddha louche la terre 
de la main. Le sol tremble (des dix sortes d'agitation). Alors 
apparaît un strtpa fait des sep( pierres précieuses. Il contient 
un» botte faite des sept pierres précieuses : Ânanda l'ouvre, 
sur la proposition de Bouddha. On voit ses reliques, blanches 
comme l'agate ou comme la neige. Bouddha dit que ce sont 
les ossements « d'un grand homme j> {ta-chen, Bodhisattva), 
puis il prononce une courte « gâlhâ. » ' , et ordonne h ses dis 
ciples d'honorer les reliques (çarîra). Il fait alors ce récit : 

« A une époque très reculée, vivait un roi nommé « le 
(ijrand char » [Ta-tche-want^^ tib, Çin-rta-chen-po') Mahâra- 
Iha. Il avait trois fils : Mah!lbala[Afo-Ao-/)0-/o, lib. Sgru-rften- 
}tu], Mahàdeva{i*/y-//o-/?-y>o, lib. /,An-r/'eH-/jo), etMahâsalIva 
[Mo-ho-sa-touo, lib. Sems-cHH-chen-po), Ils se promenaient 
tous trois quand ils aperçurent dans un bois de bambous une 
tigresse qui avait enfanté 7 jours auparavant 7 petits. L'aîné 
des fils du roi dit : « Ses petits renlourent et no lui donnent 
pas le temps de chercher sa nourriture : épuisée par la faim 
et par la soif, elle va certainement les manger (ses petits) w. 
Le second fils, à ces mots, dit : « Hélas! celte tigresse, à 
bref délai, va mourir, comment pourrais-je sauver sa vie? » 
Le plus jeune fils réfléchit : « Mon corps, au cours de cen- 
taines et de milliers de renaissances, s'est inutilement gâté 
et anéanti; jamais il n'a rendu le moindre service. Pourquoi 
ne pourrais-je le sacrifier aujourd'hui?... Il faut contraindre 
mon corps à faire une grande et généreuse action, ii devenir 
sur la mer de la naissance et de lamortune grande barque... 
Je dois donc maintenant (le) sacrifier pour obtenir le suprême 
et véritable nirvana. Alors le fils du roi; Mahàsaltva (après 
avoir dit à ses frères de marcher en avant, car il les rejoin- 
drait) entra dans le lïois de bambous, ôta ses vêlements et se 
coucha devant la ligresse. Celle-ci ne lo toucha pas. D'un 



1} K i\etdt-vft% : • Le BodhtsAllffaj a'exerçant nui six piramiiaa, gagne viri- 
leol la " boJlii ■ : [par suite] le seiititcenl He la magnanime nlin^gatioD ne 
s'ftiïalbljl pas [dans son Imel, 
2) iVous cil{}n» les noms libêlains d'après le Dil, 



302 



KKVOE Ùt L'UTSTOIRE DIS 1ieiJ610}tS 



lerlre il s'élança sur la terre el, ayant réfléchi que la U 
h cause de sa faiblesse, ne pouvait le dévorer, avec un mor- 
ceau de bambou dessécbé il se fît une blessure au cou, et fil 
jaillir le sang. Tremblement de terre. Ténèbres, comme celles 
que produit une éclipse. Pluie de fleurs. Louanges des êtres 
célestes. La ligresse lécha tout le sang, et mangea (oate U 
chair, ne laissant que les os. Les frères [de Mabâsattva], après 
une longue attente, commençaient à s'enuuyer : ilsrelour- 
nërentà Tendroit où ils avaient vu la tigresse, el aperçureol 
les os de leur frère. Ils ne reprirent leurs sensque longtemps 
après et s'éloignèrent en pleurant. La reine (la mère) a an 
songe prophétique ; (ses deux seios sonl tranchés, ses dents 
sont tombées sur la terre; de trois colombes qui ont apparu, 
l'une a été ravie par un faucon). Elle va trouver le roi et li 
dit qu'elle a perdu son plus jeune fils, qu'elle chérissait, 
roi est affligé, mais U la calme et, avec sa suite, va se meltr 
en quête de son fils... Deux seigneurs apparaissent et ra-' 
content comment le fiU du roi s'est volontairement sacrifia.! 
La reineet le roi se rendent à l'endroit où le « bodhisattva 
s'est immolé. Leur tristesse. Les restes du bodhisattva soi 
déposés dans un stùpa de pierres précieuses. Bouddha ezpl 
que à Ânanda que ce sont ses reliques, que Mahâsativa c'es 
lui, Bouddlta, — que le père de Mahâsativa (Mahàratha) c'ea 
le roi Çuddhodana, — que la reine, c'est .Mâyà; le fils ait 
c'estMaitreya(J!//-/e,tib. /?yawM-/îa), le second fils, c'est Mai 
juçrl {Wen-chouy tib. -ôû-/H/-iw-//'fl Yasumitra?), la tigresse," 
c'est la tante de Bouddha, les sept jeunes ligrcs, ce sont le 
grand Maudgalyâyana, ÇAHputra, et les cinq grands bhik^us. 
Allégresse générale. Le slûpa de pierres précieuses dispa- 
raît de nouveau. 



§ 2. Ae roi Çibisauvê la vie d'une colombe. 

Bouddha dil à tous les bhikRus : f< Autrefois dans le Jam- 
budvtpa régnait un grand roi du nom de Çibi. !^ capitale 
s'appelait Ti-po-ti. Le roi était très riche : beaucoup de vas^. 



DME THADUCTCON CHFNOISi: DU HECUICIL OQVDUUIQES Jâlaka/llâld .'103 

Baux, de femmes, d'enfants et de fondionnaires. Le roi se 
distinguail par toutes les qualités de l'âme r il regardait »es 
sujets comme ses jeunes enfants. 

Çakra.devetidva. {Ti-cfieu fien-tchou) se décide à quitter les 
33 dieux, alteudu que renseignement des Bouddhas a disparu 
du monde et que les grands bodhisattvas n'apparaissent pas. 
Son familier le grand seigneur Pi-cheou-t*ien-t:^eu\u\ indique 
le roi Çibi et Je prie de l'éprouver, Çakradevendra ordonne il 
Pi-chou de se transformer en colombe ; quant à lui, il prend 
la forme d'un faucon. A cette occasion (pour rassurer Pi- 
cbou) il prononce une « gàthù » en 4 demi-vers : 

Jâ n'ai point propremeat de mauvaise inleotion': 
Comme avec le feu on éprouve l'or vrai. 
Âiosi par ce moyen je fais l'épreuve du ]iodh,isattva ; 
Je saurai s'il est autheolique ou uon^ 

Une colombe vient se réfugier sous l'aisselle du roi. Un 
vautour dit au roi que la colombe est sa nourriture, qu'il a 
faim : il demande qu'on la lui rende. 

Le roi répond qu'il a juré de sauver toutes (les créatures). 
Le faucon déclare que, dans le cas contraire, lui, faucon, 
périra de faim. Le roi se décide a racheter la vio de la co- 
lombe par sa propre chair. Le faucon en réclame un poids 
détermiaé. 

Il découpe de la chair de ses deux hanches. C'est trop peu : 
la chair enlevée aux mams et aux côtes est encore insuffi- 
saote. Le rai tombe en faiblesse, mais il revient à lui et se 
place tout entier sur le plateau de la balance. Tremblement 
déterre. Joie des êtres célestes. Çakradevendra reprend sa 
forme réelle, et demande au roi ce qu'il désire (veul-il èlre 
Cakravartin, Indra, Brahma, etc. ?),Leroi déclare qu'il désire 
obtenir la voie du Bouddha. Çakradevendra l'interroge de 
nouveau : ne regrette-t-il pas son acte, en voyant son corps 
ainsi mutilé? Le roi répond qu'il ne le regrette nullement, et 
pour prouver qu'il dit vrai, sur le désir qu'il en exprime, son 
corps reprend su forme primitive. Allégresse. 



Mi 



BEVUE bC L*StS10IBS Btt rtHSlOB» 



Le roi Çibî c'est lo Boaridtu Çak/amoni. Joie de toute l'a»- 
leoblée'. 



^ Z. Le Botihisattra erre en demandmt FntmÔne. 

Bouddha se frouvaif dans le pars de Magadha, dans ime 
retraite pure, située dans une forêt de bamhous. Arec 
Ânanda il ^e rend à la ville pour demander l'aiimAne. Il voit^ 
deux areugles, on vieillard, tine vieille femme, qui \vft. 
daoft ane afî*reuse pauvreté- Leur lits uniquet ^A de seplansJ 
lus nourrit avec les dons qu'il recueille : il itonoe ce qu'il a' 
de meilleur à ses parents, el garde pour lui ce qu'on lui 
donne de plu» mauvais. Une fois de retour, Anaoda demande 
h Bouddha de lui expliquer ce fait. Bouddha dit que, daos le 
monde comme dans les moiiaslères, le respect filial est la 
première vertu, que lui-mi^me autrefois, pour sauver la vie 
de sei parents il a entaillé sa chair^ et que, en récompensp,^ 
il a été le matlre des cieux (Indra), le roi des hommes 
(î)akravartin), et qu'il est même devenu Bouddha. Anaudi 
'ui demande de lui raconter son aventure. Bouddha fait le 
récit suivant : 

a Autrefois dans le Jambudvipa 6tait le grand royaume d( 
Taksaçtla [Te-UbaH:ki-lo), Le roi s'appelait Deva {Ti'po„ 
moDg. Tenf/n). Il avait dix fils, Chacun gouvernait uaJ 
royaume. Le plus jeune avait nom C/ien-lckou {«. celui qui] 
est bien «établi ><) : sonroyaumc jouissait d'une grande tran- 
quillit<!J. Il fulallâqué par un méchant voisin, le roi Lo-heot 
{Râhu).Le roi Chen-tchou dut céder à desforces supérieures. 
11 s'enfuit dans le royaume de son père avec sa femme el soi 
fils Chen-rhenfi {" le bien-né w), qui était à l'flge où l'on porli 
une touffe de cheveuif, el où les dents de lait font place 



1) SuitlB conolusîon. Ce aonl, à quelques modifîcalions près, les paroles M 
Brahœa qm ngurmtl dans le » De], « UtiéLain fLrad, allemaDde, p. 120); elle 
n'oni aucun lien uvec le « jàLaka » lui-mfime^ N'y a-l-il pas W une marque qui 
le récit a été direclêment emprunt^ h- un« aourca quelconque? 



c»& THADUcno^r orirfoiBE i>u itscirEiL BOCTDDatotrs Jâtakamâlâ 305 

d'aulres^ Il y avait deux: roules : l'une demandait sepi jours 
de marche, l'autre quatorze, lia avaient des vivres pour sept 
jours ; ils s'égarèrent. Les vivres étafenl épuisés. Affamé, 
désirant sauver son fils, le roi résolut da tuer sa femme. A 
cette intenlion, il lui ordonna do prendre son fils par la 
main, et de marcher devant: lui, les suivait par derrière, 
armé d'un poignard. L'enfant, en se relouruanf, vit son pfere 
lever le poignard. U le supplia d'épargner la vie de sa mère 
et de prendre de la chair sur le corps de son fils. Pour que 
cette chair ne se gâte pas, il lui conseille de ne la couper 
qu'au fur et à mesure. Les parents ne peuvent se décider à 
la couper: l'enfant entaille lut-mfme son corps. Ka quelques 
jours, ils onl dévoré foule la chair : il n'en reste que quelques 
lamt^eaux entre les os, Les parents les enlèvenl, couvrent 
leur nis de caresses et rabandt^nnent. Tremblement de terre. 
Çakradevecdra apparaît sous la forme d'un tigre pour mettre 
à l'épreuve la fermeté de Tenfanl. Celui-ci, loin de s'effrayer^ 
se réjouit que ses os puissent aussi rendre service, Çakrade- 
vendra reprend sa forme réelle. L'enfant exprime sa ferma 
intenlion de chercher la voie suprême du Bouddha. Son 
corps reprend sa forme primitive, » 

Bouddha dit à Ananda: Le vieux roi, c'était le roi Çud- 
dhodana, sa femme, c'était Aldyà {Mo-ye),le fils du roi, Chen- 
cheng, c'était moi, Bouddha. 



§ \. Transformations miracukuses. 

Le texte chinois reproduit, mais sous une forme beaucoup 
plus abrégée, le XIII* chapitre du Dzang-Ioun tibétain, qui 
raconte la dispute de Bouddha avec les six docteurs TIrIhikas. 
Au début les deux textes se ressemblent davantage^ mais le 
texte chinois a supprimé presque tous les dialogues et les a 
réduits à quelques mots. A partir du royaume de Kauçambi. 
il se borne k éuumérer les noms des royaumes. Par contre 

•l)7 0lia»DB. 



prement du Çramanal : il devait, k celte întentioo, faire ^em- 
btanl d'adhérer aux doctrines de Boaddha, rînriler à dîner, 
et préparer aux portes de sa maison ob tosêé «rec des ma- 
tières inflammables, dissimulé ^oas de& pOttb«s de fer el 
sous un amas de terre : il devail, de plsâ, mêler du poboB 
aux aliments qn'OD loi senînii. 

Le âlharira fit tous ces préparatifs, en dépit des repréicc^ 
tations de son tils,noiiuné Tue-ko^s > LvnÂre de la Imie •) : 
ce jeune homme, 4^ de seize ans, d'an esprit aTÎàé el boa- 
Dftte, lai alHma qne le Booddba «nul toutes rfannp^, qae 
les hén^tiques étaient des sols et qu'il était impossBile de se 
fi«ràettx. Le Bouddha ac«Map^ué dé qattre iihlrija i , de 
ÇricradOTegdi>,deBtmh««^dBf»,dB ili ■ftiMi,dcdéMftiKet 
d'esprits avec loos le$ bhib>«s. ipparvt «vcc des sAfles» Avec 
une darlé d'or il éclaira loale la bûvb, reafG In-al^^ de 
grandeur: Ions les meiadeahTeetgaéna^ les efa^glfeaTireal, 
les sourds caUediie^l, ce«x qn'oa éveil emf&mmmès rc- 
vùrael à la sâelé, les bas i U raisOB. etc. La toese fiât 
fihMi|;fn ea ee grand éteag aiec ■■ hMas de aflle feoffles, 
MT le^ad Beaddhe pessa avec Hs disâphs. Le sthnica^ pion 
de tCfOiâr, ^nahit Ure prèpercr ■■ amBfl icfes, Baîs 
owie^HB M evBBSBHoe senv les euBee^s caepeMKBE^ cl 
prOMWca ■»« pt^dJrelÏBB : 3 dit qall a'exêtail qae trots 
genres de poisoa dees le Beade, bcaenaitiic, k cettreH 
11tiwee.da*ta llril eBMiM Mfm le^fiâpi .H^a'i 

^>MM fi>$se eaiiBBee de h t^eaiter de rOefaa. Eaiailt 
3 «fdoH« WKL eoBTÎivs de Heacer et pctaeaBe a'£fie«ie le 

s^Mi efcvcAL Boaddha SI aw pi ^rHi ia iar ke qaeln 
nJriWe. te rthaitta teaftese k fci^ sTaJae et s' 

$«.— Lr raidi» «im 



dlMl k rgi 



D» 



une TiiADircrncHï CBirroiSB du BECtiEtL dododbiode Jâlnkamâld 309 

naissances prôcédeates, même sous la forme d'un lièvre, il 
avait gardé le don de la parole, il était plein d'honneur el de 
droiture, jamais il ae menlail; d'une rare inlelligence, plein 
de compassion pour la àOLiffrance, jamais il n'avait songé à 
faire le mal ni à luer. Il occupai! le premier rang au milieu 
d'une mullilude innombrable de lièvres et il les intruisail. 
Telle était sa doctrine : « Votre élal actuel résulte de vos 
renaîasances précédentes. Il a quatre sources : la convoitise, 
la colère, l'ignorance et la paresse; les uns, dont la convoi- 
tise leur a fait commettre les dix mauvaises actions, renais- 
sont comme prêtas (éimmération de leurs tortures) : d'autres, 
en punition de leur colère, renaissent sous la forme d'ani- 
maux; d'autres, chàliés de leur ignorance, renaissent dans 
l'enfer (énuméralion des tortures de L'enfer); d'autres en 
raison do leur paresse, renaissent parmi les Asuras (des- 
cription de leur élat). De la mCme façon, vous êtes punis, 
sous la forme de lièvres. Il faut vous exercer aux dix bonnes 
actions n. 

Un jour sa prédication fut entendue par un brahmane [faJi- 
tchi)^ de la caste des brahmanes {po-Io-men), qui vivait dans 
une forêt. Il fut frappé de la profondeur et de l'excellence 
de la doctrine du Bodbisattva : il vint h. lui et le pria de lui 
enseignera fond sa doctrine, attendu que les leçons brahma- 
niques {po-lo-men) qu'il avait suivies d'abord, lui paraissaient 
aussi superflues que s'il perçait de la glace avec une vrille 
pour avoir del'eau. Entretien entre le lièvre el le brahmane. 
Le brahmane est transporté de joie, mais il veut s'éloigner, 
car \\ a passé dix jours san^ prendre de nourriture, et il 
craint de nuire k sa vie et d'anéantir le fruit de ses mérites 
antérieurs. Le lièvre, touché, le quitte au moment où il va 
s'endormir el le prie d'accepter au matin son offrande. Le 
brahme pense que [le roi des lièvres] a trouvé un cerf tombé 
ou une bêle tuée. Le roi des lièvreâ^ en prévision du départ 
du brahmauer passe la nuit à enseigner aux lièvres sa doc- 
trine {sur l'instabilité de la vie eï sur la rémunération) : il 
leur donne l'ordre d'amasser le malin venu le plus possible 



310 



BEVUE DE L taSTOlHB DES BEUeiOaS 



de branches sèches. Le matiD, ils melUnl le feu au bûcher, 
et te roi des lièvres dil au brahmane qu'il lui offre tout ce 
que sa. pauvreté lui permet do donner i il se jette d^s le 
feu. Douleur du brahmane. Il s'incUne devant le cadavre du 
lièvre, et, l'embrassant, s'élance sur le bûcher. Apparition 
de Çakrade vendra'. Le Botiddha* dit à tous tes bhiksus : 
« Le vieux solilaire^ c'était Mi-ié (Maitreya), le roi des liè- 
vres, c'était moi, Bouddha •>. 

§ 7 . — Le roi des dragons par smi cœur compatissant anéantit 

r inimitié. 

Bodhisativa autrefois, en punition de sa colère, tomba 
dans [le monde] des dragons : il eut trois venins* mais, en 
récompense d'autres actions louables, sod corps avait une 
couleur semblable à celle des sept pierres précieuse», et qui 
rivalisait avec la lumière du soleil et de la lune. Entouré 
d'une foule de dragons, il vivait joyeusement* dansant avec 
les femmes des Dragons, et retiré dans un lieu solitaire de 
ta montagne Pi-to : il resta dans cette situation un nombre 
incalculable d'années. Dans ce temps-là. passa en volant le 
roi Garuija {kin-lcM-niao)^ qui voulait saisir el dévorer tous 
les dragons. A son approche, le vent sifflait; les ailes de Ga- 
ruda renversaient les montagnes, pulvérisaient les pierres, 
desséchaient les sources delous les fleuves.Tous les dragons, 
et leurs femelles, furent saisis d'effroi. Toutes les guirlandes 
qui paraient leurs corps tombèrent sur le sol. Le roi des 
dragons, confiant en la vertu de sa vie constamment irrépro- 
chable, leur ordonna de l'accompagner : il parut devant Ga- 
ru(jaetlui tint le langage suivant : «Tu as constamment 
nourri de l'inimilié contre moi, jamais je ne l'en ai témoi- 
gné; de mauvaises actions, commises einférieurement, sont 



1) Ar^c difTérentes pierres prëcifeUSAB II élève un stup3. 

2) Au début, il n'a pas ê(.ù question iIë lui. 

3) Le tourne, k vue, le loueber. 



UHK TRlDCCnON CHLNOISI! DU RECUEIL BOCDDHÏVLTE JAtakamâlà 3il 

cause que j'ai revCtu celle forme monstrueuse; bien que j'aie 
les trois venins Jamais je n'ai eu de haine Cûnlro personne ; 
je pourrais te résister, m'enfuir, en volant loin de toi, mais 
tous les dragons mettent en moi leur espoir... la rémunéra- 
tion s'attache aux mauvaises actionSj si insig^nifiantes soient- 
elles, comme l'ombre suit le corps... souviens-toi des paroles 
de TathcLgata : ce n'est pas par la haine dans le cœur que l'on 
peut briser les nœuds de rinimitié, mais seulement par la 
miséricorde et par la résignation ». Garuda, àcesmots, sentit 
s'évanouir sou inimitié el de bons aentiraenls s'éveillèrent en 
lui; il reconnut que le roi des dragons par la vertu de sa mi- 
séricorde el de sa résignation avait apaisé sa colfere, comme 
l'eau ^^leinl la flamme. Le roi des dragons lui rappela qu'ils 
avaient tous deux autrefois reçu du Bouddha les prescrip- 
tiens des vœuj[, mais que l'impureté de leur cœur l^s avait 
empêchés de les garder, cl que, désirant la gloire, ils avaient 
éprouvé i'un contre l'autre de la haine el avaient été soumis 
à des renaissances déshonorantes..., par suite, il l'exhortait 
(Garuda) à s'exercer aux œuvres brahmaniques. Garuda ré- 
pondît qu'à partir de cejouril n'inquiélerait plus les dragons, 
et^ quittant leur palais, regagna sa demeure en volant. Le 
roi des dragons rassura ses sujets et leur demanda s'ils 
avaient constaté l'elTroi de Garuda, Tous répondirent que 
ses craintes avaient été très vives. Alors le roi des dragons 
dit que les gens qui vivent dans le monde, à la vue des dra- 
gons, éprouvent aussi un grand effroi, el que les dragons, 
s'ils ne peuvent se résoudre à sacrifier leur virt, ne se dis- 
tinguent en rien des créatures vivantes ; le thème de sa pré- 
dication fut que la miséricorde est le seul moyen efficace de 
résister à la haine. Un sentiment de vive compassion, à l'égal 
d'un excellent remède, peut guérir les graves maladies cau- 
sées par les agitations (moba,/frn-ntfi5) des créatures vivantes : 
comme un clair tlambeau, il peut dissiper les ténèbres amas- 
sés par les trois poisons des créatures vivantes; comme une 
barque il peut faire traverser à ces créatures les trois mers 
des tourments; comme un compagnon, il peut conduire les 



312 



REVl'C DE L IIISTOmE DES ItELtGlOHS 



ôlres h travers les funeslc-s renaissances qu'accompagne la 
Jouleur delaoeissanceelde JamorI, el semblable à la pierra , 
précieuse mani [mo-ni), il -peut salisfairo lous leurs désirs. { 

Cette prédication anéantit la colère de tous les dragoas, 
cl fit naîfre on eux le senlimenl de miséricorde. 

Ensuite lo roi des dragons parla des qualités {Âvuny-ié) de' 
l'homme qui contracte les huit vœux, et, sur la prière des 
dragons, Énuméra en détail ces huit vœux. 11 conseilla auil 
dragons, pour s'y exercer, de se retirer dans un endroit so- 
litaire. (Los dragons répondirent qu'ils répugnaient à s'é- 
loigtier, même pour un temps très court, de leur roi, et que 
renseignement du Bouddha pouvait se donner en tous lieux.) 
Ils firent choix d'un endroit solitaire et s'occupèrent à des 
exercices métiloires, A la suite d'un jeûne prolongé peitdaul 
uu grand nombre de jours, le roi des dragons devint d'une 
extrême maigreur. Des gens pervers L'aperçurent. Ils furent 
saisis d'un grand efTroi, mais ensuile, déduits par la beauté 
de la peau, ils résolurent de l'enlever et de l'offrir au roi, 
dans l'espoir d'une bonne récompense. Désireux d'accom- 
plir jusqu'au bout son exercice méritoire, le roi des dragoas, 
en dépit d'une effroyable soulTrance, laissa (les gens pervers) 
accomplir leur œuvre. Avec des couteaux pointus ils enlevè- 
rent la peau et se retirèrent. Le roi des dragoas exprima le 
désir que, pour prix de sa patience, dans l'avenir, l'intînie 
richesse de son enseignement permît h ces gens de réaliser 
leurs désirs. De son corps déchiré sortaient sans cesse des 
flots de sang qui attiraient une foule de vers. Il exprima le 
désir de les nourrir plii8 tard de son enseignement. Tous les 
dragons, saisis de pitié, contemplaient les soutTraaces de 
leui' roi. Alors celui-ci. pour manifester que dans l'avenir il 
serait un Bouddha, exprima le désir que sa peau reprit son 
ancien aspect. Son vœu fut accompli, àla grande joie de tous 
les dragons. 

Conclusion : ainsi Bodhisattva, au milieu de renaissances 
déshonorantes, par la vertu do sa miséricorde et de sa résî- 
gnalîon observa rigoureusement ses vœux. 



VVIt TBADCCTTO!! CQTF^OISE DU RECDIIL 1MTiDTia\QUE Jàtakanià/d 313 



§ 8» Le roi Maitribala {T^eu-li « ia forre de fa mhêncorde ») 
fe perre le corps et donne son sang à ànq Yaksas (i/e-tcha ). 

Bouddha se trouvait k Çrâvaslt au Jelavana, el y passait 
la relraile estivale. Ânanda, i^ midi, aprë^ avoir distribué les 
alimenla, prit une sébile et avec tous les bhiksus enira dans 
UD bois. Là ils se mirent en commun à rechercher pourquoi 
Ajnâlakaundinya [Kiao-tchen-jou) et les quatre autres, qui, 
dès le dôbul, avaient fait lareticoaLre du Bouddha el reçu 
son easeignemeDl Loucbant les quatre vérités daus le jardin 
de LumbinI [t-ou-yé-i/of/an)', avaient les premiers obtenu la 
délivrance. IIj^ demandent l'explicalion de ce Tait au Bouddha. 
Celui-ci leur répond qu'autrefois il s'était percé le corps et 
que son sang leur avait sauvé la vie, avait anéanti en eux la 
«ensalioD de la faim et de la soif et leur avait assuré la tran- 
quillité. Sur la prière d'Ânanda, il Ht le récit suivant : 

« Aulretoisdans le JambùiJvlpa vivait un roi nommé Mailrl- 
bala. (Description de ses vastes domaines ei de ses vertus. 
grâce auxquelles ses sujets s'exerçaient aux dix bonnes 
allions, sans avoir rien à craindre des démons,.. Ensuite^ la 
traduction diffère du texte sanskrit : il n'est pas queslioD de 
l'expulsion des Yaksas ni de la rencontre qu*i|$ font du 
berger. De prime abord} les cinq Yaksas vont vers te roi et 
disent qu'en raison de ses vertus lU ne peuvent plus trouver 
de nourriture. Le roi, à ces mots, est d'avis qu'il doit les 
sauver. Sur cinq endroits différents, il se perce le corps : les 
cinq Vakças recueillent le sang dans des coupes et s'abreu- 
vent abondamment. Alors le roi dit que son sang a sauvé 
leur vie, mais, en échange de ce bienrait, il ne désire rien : 
que les Yaksas, seulement, s'exercent aux dix vertus. Le roi 
souhaite, dans l'avenir, d'être un Bouddha, et, d^s le com- 
mencement de sa prédication, avant tout, de les sauver m... 
Il explique alors àÀnanda que les cinq Yaksas sont Ajôâta- 
kaunHIinya, etc. Tous les bhik!:ua, pleins de joie se retirent, 

1) [lîrreur : Lou-ye signilîti* guQJlc •; Je^&rdiD Lou-ye (_tou-ye v°uan) cvt 
\a mr^ïd&vs de B6a«rè« oit Te Bouddha îDsl/uiait «o effiat Im cinq bbikiuj.J 

21 



314 



RtVcC PC tHTSTOntE DCS l>KU«tO^ 



.^ î*. />« atméquenrei d'une atanône {ie /teu ttimportame. 

Le Bouddha se Iroavail à Kâjagrha, à TAnÂlhapindikâ- 
ràma. qui esl dans le Jelavaoa, avec liâO grands bbik^us.Eu 
ce lemps-là, ud marcbaïad [chanfj-tdiou) tûulait avec cinq 
cents hùmmes s'embarquer sur un graod navire pour aller 
pêcher dans l'océan des pierres précieuses. Pleîn de foi, le 
marchand voulut recevoir dass sa demeure le Bouddha cl son 
escorle, pour s'assurer par là le bonheur el une puissante 
intercession. l<e Bouddha accepta l'offre (du marchand). Le 
lendemaiD malin une ma^nitlque réception eut lieu. Quand 
elle fut terminée, le Bouddha, dans une pr/'dlcalton. exalta 
la vertu de l'aumône. 

Ua beureux retour sur cette mer si dangereuse était as- 
suré au marchand, disait-il, s'il prenait les cinq vœux el 
devenait upâsaka. Le marchand s'<^tait toujours distingué par 
ses vertus el par sou intelligence, il connaissait parfaitement 
le bon et le mauvais temps, el fous le priaient d'être leur 
guide. 11 choisit un beau jour, el ild s'engagèrent sur Tocéan. 
Après quelques jours de navigatioUf de tous côtùs s'élevèrent 
des vagUËS écumantcs. On aperçut un esprit de la mer sous 
forme d'un Yaksa : son aspect était repoussant, il était tout 
noir, et de sa bouche sortaient ses dents enllammées. Il sai- 
sît le navire, el demanda au marchand s'il avait vu dans le 
monde un être plus effrayant que lui. Le marchand' par une 
prière aux Trois joyaux cliassa de son âme la frayeur et dît 
d'une voix forte qu'il avait vu les êtres les plus hideux, qui 
remportaient sur lui incomparablemeni : c'étaient ces sols 
qui, dans le monde, mènent une vie constamment répiében- 
sible, accomplissent les dix mauvaises actions, s'enfoncent 
dans dès idées fausses, et tombent dans l'eûfer où les râkçasas 
leur infligent d'alîreuses tortures (d^^nombrement de ces tor- 
tures), qui sont plus effrayantes que lui, l'esprit. L'esprit, 



1) l'IuA bas, U «BtcoQEUTDiiictnt appelé hûn-tche « l« «a^c ■ \=^ Bbadnj. 



iî?« TRADCCTioN cniKoiSE DV PEcotsiL ttovmKiQVt Jtttukam'îld 3(E* 

sans dire moljSiSlûigna. Quelques jours après il reparut sous 
la forme d'un humme d'une maigreur efl'ruyable : la peau 
B était collée sur les os. Il demanda au nitarchand s'il avait va 
dans le monde un homme aussi maigre. Le marchand ré- 
pundit qu'il CD avait vu de plus dccliarn<5s : c'ôlaierilies êtres 
stupides que leur avidité, leur haine, leur ignorance [de la 

■ vertu] de l'aumône,^ précipitent dans la condition de prêta, 
qui oui la télecommc une grosse montagne, le gosier comme 

■ uneaiguille, k visage d'un ooirbrii^lé et qui pendant la durée 
d'un long kalpa n'entendront parler ni de manger ni de boire- 
L'esprit lâcha la barque et disparut. 

■ Quelques jours après l'esprit de la mer reparut encore 
sous la forme d'un jeune homme d'une rare beauté, A sa 
question — le marchand avait-il jamais vu nn homme aussi 
jeune et aussi beau? — le marchand répondit qu'il y avait 

H des gensqui le surpassaient infiniment, c'étaient les hommes 
sages, qui accomplissent les dix bonnes actions, qui^ dans 

Ileur cûrps, dans leur langage, dans leurs pensées et leurs 
actions, observent constamment la pureté, croient aux Trois 
joyaux, leur présentent une offrande en temps opportun, et. 
en récompense, renaissent, après leur mort, dans le ciel, où 
ils brillent d'une telle beauté, que rien ne leur ressemble, 
dans le monde ; son aspect extérieur [celui de l'esprilj com- 
f paré au leur, ressemble à celui d'un singe aveugle, que l'on 
comparerait h des apsaras {sieii-gniu). L'esprit de la mer, 
plein de confusion, garda le silence : reconnaissant à pari 
lui la sagesse, l'intelligence, la souplesse dialectique du mar- 
chand, il résolut de lui poser la question la plus simple 
[kin-cheu)'. Delà main droite il puisa quelques gouttes d'eau 
et lui demanda ce qui avait le plus détendue, les gouttes 
d'eau (dans le creux de la main) ou l'eau de la mer. Le mar- 
chand répondit que ces gouttes d'eau avaient plus d'étendue: 
l'esprit répliquant qu'il était difficile de l'en croire, celui-ci 
:pliqua que l'eau de la mer. si considérable que fûl sa 



1} [Le cbinoia indique plutôt ; aur UM ohoM qui se pré3<!DLiiLt loula procb*.] 



316 



REVUS DE L HISTOIRE DES «EUGIOKS 



maBfie, disparaîtrait avec le monde entier à ta fin du kalpa, 
mais que cesgouHes d'eau, recueillies par un homme d'une 
foi pure et offertes au Bouddha, ou données aune créature 
vivante', ou présentées aux parents, ou bien à un mendiant, 
ou même à un oiseau, à une bète. représentent un service, 
une bonne action, i'i petite soîl-elle, dont la verlu ne peutj 
être anéantie pendant la durée de kalpas innombrables. 

L'esprit de la mer, plein de joie, donna au marchantî 
{chang^tche) de belles pierres précieuses de toute sorte, qu'il 
devait remettre au Bou-ldha et à sa communauté. Les mar- 
chands, de relour dans leur patrie, présentèrenl au Bouddha] 
des pierres précieuses qui leur avaient été confiées par l'es- 
prit de la mer et d'au 1res qui avaient él6 apportées par eux 
en reconnaissance de l'aide qui leur avait été donnée, ils de- 
mandèrent h devenir ses disciples, et, s'étant affranchis d( 
tous les biens, ils parvinrent à l'élat d'arbat. 

S 10. ' — Tathâgata possède t ommscience et n'envie pas ie Heai 

d' autrui. 



On lit d'abord [3 pages) la description du miracle accompli 
par le Bouddha au temps où il allait en prêchant : il marche 
dans les airs, sous ses pieds apparatt une roue à mille rais; 
entre chaque rais s'épanouissent 84,000 nénufars, chacun de ^H 
84.000 feuilles : sur chaque feuille sont des bouddhas, etc. ^ 
Joie el admiration de Çuildhodana et de toute rassemblée. 
Le Bouddha eipllque le bonheur de celui qui mérite de voir 
ce spectacle 1 il s'adresse àÂnandaet lui fait connaître com- 
ment les disciples doivent se conduire après le nirvana di 
Bouddha. 

Le Bouddha descend et vient s^'asseoir à sa place, Çud- 
dhodana demande par quel moyen {li-cheu) le Bouddha peut 

1) Tthouns-cKtng ; touleroisonlit daneleleite tibétain (I^s^., Irad^ailemuide, 
p. 37) : « dem geicUichen Vereîn iv ce qui laîase supposer que cheng » crè&Lur** 
vivunie » lient La piftce dç &eng « moine >', Ëo rsisoD de La similitude de eoD, It 
f&ute du copiste esL très probable ; eu outre, plus b&s, on parle d'oiaeauz el 
bétêE lèrO^ei. 



V^Z TRADUCTION CHINOIS! DU RECOEIL BOUDDBtOU£ Jàlakamdfd 317 

assurer aux créatures vivantesle calme, l'isolementelle çon- 
tenlement. Le Bouddha Tait le récit suivant : 

» Dans la ville de ÇrÂvasIt chez le slhavira' Siu-ta était 
une vieille femme nommée P't-ti-h '. elle s'occupait avec 
zèle du ménage, tout lui était contié. Un jour la slhavira in- 
vita ie Bouddha et les bhiksus à un repas. Il y avait des bhlk- 
sus malades et il fallut bien des choses pour eux. La vieille 
femme, Irritée, &e plaignit avec acrimonie des « quéman- 
deurs w {ki-cheu) et elle ajouta : « Ouaod cessera-1-on 
d'entendre te nom du Bouddha, le nom de la loi, de voir des 
gens à Face rasée, avec des vêtements sales? » Ses paroles 
circulèrent dans la ville et arrivèrent aux oreilles de la reine 
Mo-(i, qui s'en offensa fort. Elle manda la femme de Siu-ta 
pour eu délibérer. Celle-ci Tapaisa, en disant que le Bouddha, 
vainqueur de Mâra, ne pouvait prendre souci (de? vivacités) 
d'une vieille femme. La reine d'inviter le lendemain le Boud- 
dha : la femme de Shi-la devail envoyer la vieille économe- 
Siu-la envoya celle-ci, avec un vase d'un grand prix plein 
d'ojejs précieux, pour aider (les gens di la maison) dans les 
préparatifs de cette réception. Le Bouddha entra par la 
porte principale; ilavaitNanda(Nan-to)à sa gauche, Ànanda 
à sa droite - derrière eux venaient Ràhula et les autres. A la 
vue du Bouddha, lu vieille femme^ saisie d'effroi, aurait 
voulu se tapir dans un chenil : elle se cachait le visage avec 
un éventail, mais le Bouddha se tenait devant elle comme 
dans un miroir : elle avait beau se tourner de tous les côtés. 
partout, en haut, en bas, elle voyait le Bouddha; elle se 
couvrit le visage de ses mains, mais entre ses doigis s'insi- 
ouaient des « bouddhas magiques n [Hoa-fo). Elle ferma et 
ouvrit les yeux, mais dans les dix directions elle voyait des 
Il bouddhas magiques ». A la vue de ce miracle t'i filles de 
Cândâlas, 50 tilles de brahmanes hérétiques, 500 filles d'au- 
tres castes se convertirent. Le Bouddha leur imposa en ex- 
piation de leurs péchés, une durée de SO kotls de Kalpasi et 



1) tehtnç-lcKe = plulAl grbap&U « miiUe d« maiioD n. 



318 



KEVU1L DE L HI&TOIHE DES BEUâtO?[S 



pour provoquer eo elles le senlîmenl (liliéralemeal « te 
cfEur «) de ramillara-samyaksambodhi, il leur prescrivîl de 
prononcer son nom, cVsl-à-dire " hommage au Bouddha 
Çàkyamntini " (.'Vûm-om Cheu-kia-meou-ni-fo) deux fois. 

La vieille femme courut à l&maUon.el dlLâ son maître (/o- 
kia] que le i,Tamana Gautama était un grand magicien : die 
se cacha dans un coffre de bois préalablement dissimulé 
sous un grand nombre de peaux de bu;u1'. La reine layanl 
prit! de convertir la vieille femme» le Bouddha s'y refuse, 
mais il envoie Râhula^. Celui-ci prend la forme de Cakravar- 
lin. avec les 1 .200 bhik&us, comme fils; il disposait à profu- 
sion des 7 sortes de pierres précieuses et di?* 4 espèces 
de troupes [calura«gabala]. Sur un char préciiMH, dont les 
roues sont d'or, il apparat! dans les airs et entre dans la de- 
meure de SiV'la. Le yaksa qui la gardait s'écrie d'une voix 
forte : » Le saint roi vient d'apparaître dans le monde pour 
bannir les gens pervers et pour répandre la doctrine su- 
prême. « A ces mots, la vieille femme est toute joyeuse de 
rapparilion du iJakravarlin, car elle recevra le cinlâ-mani. 
Le Clakravarlin s'approche, porté sur un brancard précieux, 
au son de» cloches el du tanihour. La vieille femme avance 
la tôle hors du coffre : elle se réjouit, car elle ne pourra plus 
être vîclime des prestiges du çramona. Le Cakravarlin en- 
voie vers elle son trésorier (/îflo-//a;î^-/'://e«). <Ti' lui déclare 
que le (Cakravarlin veut faire d'elle son épouse {t/u-ffnru-pno). 
Elle refuse, alléguaol l'humilité de sa condition. Le roi s'a- 
dresse Ji Siff'ta, lui dit que sa vieille [économe] (/ao-^nm)» 
possède tous les signes et qu'ii veut faire d'elle sa Temme ; 
il obtient le consentement de ce dernier. La vieille femme 
conçoit une joie folle. L'^ Cikravarlin l'illumine de pierre* 
précieuses et elle prend la forme il*une belle femme. De nou- 
veau, elle accuse iotôrieuremonl les çramanas de fierté et 
d'outrecuidance, et ravie delà bonté du saint roi, subite- 

1) La raison en eut que Igi rsciite de ^i^s pécbée est profoqd'^menl «nToncèe : 
^lle n'a pas de dispos liions pnr rapport à lui, tandis qu'aupariiviitil eEle arait 
d«B relations anUËBlM svecKaJuuln. 



csi TRADircTio.v CHINOISE DO RKCUBIL BovJiuanjc& JdlakamâM 319 

menl rajeuaie, elle tombe aux pieds du Cakravarlin. Le Iré- 
sorier lui tranâmellt-siuslrucliousdu roi : elle devra accom- 
plir les dix bonne* actions. Ensuite ftâtiula reprend sa forme 
r<^eUe. La vieille femme, à la vue de cette immense assem- 
blée, comprend (oui et pleure, affligée : elle reconnatl la pu- 
reté el la douceur de Teoseignenient du BôuddliA et lui de- 
mande de lui enseigner les 5 vœux. Râhula lui esposa la 
doctrine des 3 refuges el des 5 vœux : elle atteignit le degré 
de crotûpanna. Ensuile Etàliula apparaît avec elle ou Jela- 
vaua : elle rend hommage au Bouddha, exprime son repen- 
tir et son désir de recevoir la doctrine du Bouddha, et de 
devenir relij^ieuse. Le Bouddha lui ordonne de se montrer à 
fiteou-tan-mi fGaulamt) et de se livrer avec ardeur à des exer- 
cices (pour ne passe corrompre, comme fait no bon feutre 
t)Unc qui contracte vite des souillures). Le temps venu, elle 
obtint la voie d'arbat. 



ï; 1 1 , Lf finiiddha verse de teau sur la télé d'un bhiksu 
mafadfiy et h guérir. 

Le Bouddbase trouvait à Rajagrha, dans une pure retraite, 
à savoir, dans la Kor^t de bambous. Un bhîksu souQ'rait de 
hideux ulcères, d'où coulait un sang corrompu. Personne i*e 
pouvait supporter sa vue et on l'avait relégué bien loin. Le 
Bouddha l'appprit. Il rendit sa suite invisible, et, paraissant 
Atre seul, s'avant-a vers le bhiksu. Il lui prodigua ses caresses 
et le leva, (^^ukradûvcndi-a et tous les devat>.nmàras furent 
attirés à cet endroit par une force invisible, quiltèrenl la 
salle où ils siégeaient. Le Bouddha allongea la matn el de 
restrémilé de ses cinq doigts fit jaillir une vive lumière, 
qui réunit tous les devas. De la lumière qui émanait du som- 
met de sa lëte il éclaira le bhiksu malade, dont les plaies 
furent guéries. De la main droite il répandit de l'eau sur la 
têle du bhiksu, de la main gauche il polit son corps, dont la 
chair devint lisse. Le malade, au comble delà joie, exprima 



320 



UVtrZ DE t. BISTOIU DES &EL46IO!tS 



son respect pour le Boaddha' el le pria de lai donner le 
remède de la foi [de la loi] propre à gaénr les plaies de soa 
coeur Le Goudiba dil qu'il lui avait reoda ce service en ré^ 
compense d'un bïenfaîl dool il l'aroit atïlrerois ^atîHé. lui 
révéla la doclrine «ur les quatre vérilé», et celui-ci obtint la 
voie de Tarbal. Eosuite pour éclaircir les doutes de Çakra- 
devendra et des autres, il fit te récit suivant : 

a Autrefois existait un village (domaine, tsiu-lo) nommé 
«• Croissance et augmenlation » [tsfing-koan). Le paya était 
1res riche. On avait nommé un vieillard avec pleins pouvoirs. 
BienlAt un vieil upÂsaka fui impliqué par un bomme pervers] 
dans ur>e alTaire et dut ëlre mis en prison. Toutefois, 1( 
vieillard instruisit cette affaire et le fît mellre en liberté. 

Celui qui avail instruiU'afîaire, c'était le bhik&u malade: 
l'upâsaka, c'était le Bouddha (« dans cette circonstance 
c'élaiE mon corps u). Oq lit ensuite* : « De cette façon le Bodhi- 
sattva pendant le cours de siècles innombrables, en échange 
de bienfaits de peu d'importance, fit de grands présents, et, 
devenu Bouddha, ne les oubliera jamais. Çakradeveadrael 
les autres se réjouirent, s'incllnèreat et sortirent. 

§ 12. Vertu { ^6 ffel) d'une prière adtèssée aux Trois joyaux A 

Autrefois le Talbâgata, ayant apparu dans le monde, ensei^^ 
gna à son père et à loule la grande assemblée « les portes de 
la doctrine de la samâlhi de la contemplation du Bouddha » 
[Koan-fo san-méi-fa-men. Le Tathâgata possédait les 32 
signes et les 80 marquer, et répandait une lumière incom- 
mensurable d'une couleur dorée. En ce temps-là, au milieu 
d'une réunion, 500 Çâkyaa. ayant vu que le Bouddha ressem- 
blait k un brahmane amaigri, au teiuL couleur de cendre, 
versèrent des larmes amèrea, s'arrachèrent les cheveux, sej 



\) Adontion à ÇnJtjrafQunl, ddoratioa ku père grand st compaUsMol, adora- 
tion & L'è<iii'i9nl Floi des m^decinB. 
2) ifiamxat ai c'était l4 puoia du Bouddha même.) 



nrre TAiDocrioN chinoise du RECOErL B.ovDDniQVK Jâtakamâiâ 321 



I 



jelferenl sur le sol, el de leur bouche et de leur nez jatllîl le 
sang. Le Talbâgala, k celte vue, les rassura, et leur fit le 
récit suivant: 

Jadis il y avait le Bouddlia Vîpaçyin [Pi-po-chi). Après 
qu'il fut enlri^dans le nirvana, dans lasecnnile période (celle 
du bouddhisme extérieur [siang-fa^ la loi fijîuréc) il fui un 
slhavira^ nommé « Les vertus de la luoe » {Yue'te). Il avait 
cinq Cents lils, tous inleittgents, sachant bt^aucoup de choses, 
instruits dans toulesles sciences. Lui. croyait aux trois objets 
précieux, mais ses Ris se distinguaient par leurs idées fausses 
et n'avaient pas la Toi. Au^si firent-iU une grave maladie. 
Leur përe, loul en pleurs, les adjura de se rappeler et d'in- 
voquer le nom du Bouddha VipHçyin. Quand ils eurent rendu 
hommage au Bouddha, à la Loi el à la Comciunaulé, en ré- 
compense [de leur piété], ayant lerminé leur vie, ils na- 
quirent à nouveau dans les cteux des quatre maharajas. 
Ouand ils eurent achevé leur lempa d'existence sur cette 
(irre, en punition de leurs \Aè?.% fausses, ils furent jelés dans 
l'enfer, où les râksasas, les serviteurs inTernaux, avec une 
fourche de fer brillanle leur crevaient les yeux. Se souvenant 
des instructions de leur père, ils prononcèrent ^^ la formule 
de rei^pect en rhonneur du Bouddha », sortirent libres de 
l'eafer, et fureol appelés h une nouvelle vie au milieu des 
hommes, au sein de la pauvreté. Quand les Bouddhas appa- 
rurent dans le monde, ils entendirent seulement leurs noms: 
ils ne vivent pas les Bouddhas eux-mômes. (|ui étaient six 
en tout (y compris Vipaçyîn) : Viçvabhû (Pî-càe feou-fo). 
krakucchanda [A>OM-/ïo« -joim/b), Kanakamouni {Keou-na- 
han-meou-nî-fo), Kâçyapa {Kia-c/ie-po-/'o) '. Vu qu'il» avaient 
entendu les noms des six Bouddhas, ils obtinrent le droit, eu 
même temps que lui, Tulhâgata, de naître dans la race des 
Çâkyas. Le corps (de TalhâgHta) était semblable h l'or Jambu 
{Yan-feoa)^ el s'il leur apparut sous l'aspect d'un brahoiaoe 
BU teint couleur de cendre, cela vient de ce qu'auirefûis ils 



t) 4 bODU lealvment »til etUi : à kia-che-po eompArex l« ciioi9^1 gaehib 



322 



BCVCE DE L HISTOIRE DES BEUGLOTfS 



araient dé^laign^ le Bouddba et avaient laissé s'enraciner en 
eux des idées fausses. Ensuite il leur ordonna de prononcer 
le nom des ancir'nfï Bnuddha<!, son nom. le nom du bouddha 
Maiireya (Mi-ié), le nom de leur père» elc, puis de se loar- 
nerver^ la grande assemblée, de se jeter à terre en présence 
dûia communaulùaux g^randes y eriui {l&-te :ieny=f>/iatfaniai, 
et d'exprimer leur repentir des péchés qu'îU avaient cooî- 
mis en professant dns idées Tausses. Lne fois qu'ils eurent 
exprimé leur repentir^ ils virent le Bouddha sous sa forme 
réelle \ Pleins de joie, ils obtiureni le premier fruit, demao- 
dèreolau Bouidha de les recevoir parmi les moines, et peu 
à peu ils obliurenl le fruit d'? l'anhat. 

En^iuite le Bouddba s'adresse h Anand^ ; ^i après U 
Nirvana du Bouddha, on invoque son nom ou ceux des autres 
Bouddhas, alors, le bontieur el les dons, qui en seront la 
récompense, seroni sans mesure el sans bornes. Il fait 
remarquer à Ananda que (en raison des excellentes qualités 
et des bonnes actions dont le Bouddha a donné l'exemple 
anlérieuremenl) toute la nature est à son service et s'incliae 
devant lui, ^ans en excepter la montagne Sumeru, d'une 
hauteur de 84.000 yojanas, ce qui i^^ale la profondeur de la 
nier, ni de la monlapne à l'enceinte de fer qui a 1 80.000 (corr. 
128.000 yojanas) de hauteur. 

Enfin, comme le cœur du Bouddha est pur et à l'abri de 
toute souilliiie., par quelque endroit qu'il passe, ses pieds ne 
sauraient se salir, les insectes et les fourmis ne sauraient lui 
nuire. Les raisons pour lesquelles le Bouddba ne nn-l pas de 
chaussures sont de trois sortes: 1** il veut que dans le cœur 
des passants peu de passions s'éveillent ; 2' il désire mr.nlrer 
au bas du pied le sii^ne de la roue aux mille rais ; 'A" il veut 
que ceux qui verront ce signe éprouvent de la joie au cœur. 
Lorsque le Bouddha marche, ses pieds s'éloignent de la terre 
d'une distance de quatre pouces, de ce fait il y a aussi trois 
raisons : r il a pitié des insectes et des fourmis qui sont sur 



1) L& dcïCripUou indiqua plus b«ut «si reproduite ici. 



rmiE TRADUCTION CBi!tioisE DL< REcuBiL aovbDBiQvt. Jâîamalâkâ 323 



la terre ; 2" il veut épargner l'herbe qui croll sur le sol ; 3" il 
îcui montrer le pied divin du Bouddha. Par conséquciil, les 
bhik^us doivent, conlormémenlaui paroles du Bouddha, s'ap- 
puyer sur sa doclriuc {Kiao), s'exercer aux œuvres mo- 
rales el aDéaulir les Iû\irt:ci6nls{fk0u-/a « les limites deâ loin- 
Iments »). 



13. Grâces èminentes tjui sont donnêex à ceux gui édifteni 
des « stupas ». 



§ 14. Vertu de t accession à fa vie monacale. 



Éloge de ceux qui construisent des slùpas. Nous avons ici, 
'visihlement, une introduction à un récit quelconque. En g<î- 
^néral, par les idées, le morceau rappelle l'inlroduclton uti 
Hl 4' chapitre du Dzang-Ioun, bien que ce dernier parle (avec 
Hun plus grand développement de l'accession à la vie mo- 
Hnacûle. 

H Pendant la vie du Bouddha, à Râjagrha était un slha- 
vira |?f/^e/?y-/(.'Aiç — grhapati] nommé «* l'accroissemenl du 
bonheur .> {Foit-tseng )' , âgé de plus de cent ans : ses dents 
étaient tombées, ses forces avaient décru. Il avait entendu 
parler de l'utilité, de la nécessUé, pour qui voulait assurer 

un salut, de la profession monacale : il se rendit au lieu où 

Mtdait le Bouddha. Celui-ci était absent: il était allé prè- 
. Le slhavira 5'adro.5:^a à Çàripuira. Celui-ci, en raison 

:& l'âge avancé du vieillard, refusa d(i le recevoir. Les 
500 ftrhats opposèrenl tous le même refus. Le slhavira aorlil 
du monastère (veM) et pleura bruyamment. Le Bouddha 
venait derrière lui : il l'apaisa. Il donna Tordrp à Maudgalvil- 

l'anu de le rccpvoir parmi les moines et d'accepter ses 

ic ». Les jeunes bhik^us raillaient sans ceitâe le nouveau 

venu : il se précipita dans l'eau, pour se noyer. Maudgalyâ- 



1^ ÇriHrddhi. 



324 



REVUe Ùt t aiSTOIM DES RXLIGJOÏtS 



yaoa l'aperçut et par une Force miraculÊose le fil remonlâr 
sur le rivage. Ayant appris le molifde celle lenUlive de s 
cîde. il lui ordonna île saisir rnrterafinirexlrémité de sa ro 
H de s'envoler vers le rivage de l'océan. Là " rAcçroisseroen' 
du bonheur u vit une bi'lle femme morte récetameal. Un ter 
sortit de sa bouche, entra dans le nez. sortit par an œil et pé- 
nétra dans une oreille. Maudgalyâyana le rejeta à l'écart et 
expliqua que c'élaïUaremme d'un grand marchand' delavîtie 
de Çràvastl. Complant sur sa beauté, elle avait négligé le* 
bonnes actions; et Tamour immodéré qu'elle portait à soa 
maril'avail jelée dans une immoralité profonde. A la Iîq elle 
se noya", mais la mer ne la re(;at pas, et elle échoua sur 
te rivage. Comme elle aimait son ancien corps, elle prit la 
forme de ce ver. Plus tard elle sera précipitée dans Tenferel 
paiera pour toutes ses actions. 

Ils virent ensuite une jeune fille, qui se déshabillait el 
même et se jetait dans un chaudron rempli d^eau, posé s 
un brasier. La peau et la chair diminuaient, les os se volati^ 
lisaient (en bouillant) et reprenaient ensuite leur aspect p 
mitir. Ëilesaisitsaproprechair et la mangea. Maudgalyâya 
expliqua [k son compagnon] que, à Çrâvasil, un upâsaka ho^ 
norait les Trois joyaux, invitait les moines, et leur envoyait 
sans cesse par une servante des mets délicats. Celle-ci, dans 
une chambre retirée, mang>^ait ce qu'il y avait de meilleu 
Le mallre de la maison {Ta-fiin) ayant fait une enquête à 
sujet, elle ouvrit la porte et déclara qu'elle ne mangeait q 
les resles des moines^ et que si elle mangeait avant eux 
qu'il y avait de meilleur, dans une prochaine existence e 
mangerait son propre corps. 

Plus loin, ils aperçurent une montagne d'ossements, q 
mesurait, en hauteur et en largeur, 70Û yojanas: elle cacb 
la lumière du soleil, et son ombre obscurcissait la 
Maudgalyâyana gravit cette montagne; alors ils aperi;ureal 



le^ 



'^1 

10^ 



1) Him-h. : SbIk>. 

2) iOen-k. : kvk mq mari «t 500 marchsDdf . 



UNS Tii*iïtTcrroK csmoisE du recitbil bodbdhique Jâtakamâiâ 325 

I 

Hun grand os de côte. « L^Accroîi^semant du bonheur » de- 

~ mande ce que c'était que celle naonlagne d'ossemenls. Maud- 

gdlyâyana expliqua qu9 ces ossbmuDts étaient ceux de soa 

n anciea corps (de « l'Accroisseoieut du bonbeur »)■ Cului-ci, 

■ plein d'eQroi, demanda des éclaircisseuimits. Maudgalyàyaaa 

BdiL : « Lacit'culalion de ta vie eL de la mort est iaUétiule; la 

I rénuméralion du bien et du mal esl infaillible, comoie l'ora- 

bre el l'écLio. Aulrelois dans le JambûJvlpa élail uu village 

[isiu-io], dont les habilauU étaient riches. Eu ce temp&-là 

vivait uo slhavira [grhâpaLil. nommé << rAccroissemeoL de Ja 

loi 1» (Dbarroavrddhi)'. Comme ses vertueux aucèires, iUvait 

été choisi pour gouverneur par les habilunla. Mais l'yisivelô 

lui fil prendre l'habitude des jeui de hasard (proprement du 

■jeu d'ëchecâ), el des amis pervers s'emparèreul de àavolonlé. 

^Son administration tomba en décadeace et la juâlice ne fut 

plus observée. 

Une fois, l'atlention absorbée par le jeu, il condamna à 
mort un prévenu. Le lendemain il se souvint de sasenleuce, 
malà il était trop tard. 11 regretta amèrement sa faute* et 
mourut peu aprë:^ : il revint à la vie sous la forme d'un pois- 
son [mo'/de), de 700 yojanas de long. Le Bouddlia avait dit à 
Maudgalyâyaaa que tous les gotivercaurs qui^ conSanls dan^ 
leur puissance, condamnent à mort, à la légère, le peuple, 
pour la plupart, renaissaient sous la forme des grands pois- 
sons rnukara. De petits verâ^ lout autour, pénétrent dans son 
corps, et son sang colore la mer sur une étendue de 9 li. Le 
poisson dort pendant cent ans : à son réveil, il bott une quao- 
■lité d'eau équivalente au débit d'une grande rivière (c'est ce 
^qui se produisit aussi chez ce poisson makara). 

Eace temps-là des marchands, qui cherchaient des pierres 
précieuses, arrivèrent lout droit vers la gueule ouverte du 
poisson. Leur navire, comme s'il avait élé saisi au vol, allait 
pénétrer dafis la gueule du poisson. Tous les marchands. 



1} Uùn-k. ; Dan-mo-bi-U ; en tibét&iQ, rscboilachi Pègpa. 

'i) Hitn-k. : il «tnadoDua bm foncûoQs et se reLir» duu loi mouugiitts. 



330 



nxvvt Dt L msToni ms itctiGiOffs 



§9 

Le cbapitre v du /^^il. et le § â du Uienk. wavX ideotiques : il oe 
manque que 1« débul, 40 il est qa^^ou du marcbani) et des iostnic- 
lioQs du Bouddita. Les maKhaads ^ décident, du premier coop, à] 
agréer cooune pîtote un homme espèrimeûlé «t prenneat TupâsakA, qui 
a coQtruté )« cinq vœux. Par contre, â U Gd du r^it^ qne^iues B aflt»i 
de coudoeioa dépeignenl la joie de toute l'assemblée. 

S 10. 

A SiuHa le Sau-ts'ang^ consacre 2 sûlras : le iian-kQe\'Ou-kie-U^%i-tm-^ 
ytn-l\-koung-te-king et le S\u^ta-k\ng (Nanjio. n" 6(fô-ti06 :èd. jap., 
boîte Xil, vol. &j). D'après le Piao-mou, ils ressemblent au Â*tu-fo-(a- 
Jtinji dans S^'^à* chapitre du M^dbjama àgania (NaiyiD, n'Siâtéd.jap., 
boite Xll, vol. 6]. Les deur sûtras &oM courts |le l"esl d'une feuille, 
le 2' de 3 feuilles 1/2} et de conlietuient que la prédication, sur la valeur 
prépoodératite et incoiuparable de l'aumône et ta coulessio» des trois 
relûmes, faite au sthavira Siu-ta;on cite eo exempte Taotiquebrahmimei 
Pi-lo-mo (\" siAm) ou Pi'kien (2' BÛtra) qui distribue d'immenses 4U- 
œûnes. Les deux sûtras ne disent mot de notre histoire. 



§14 

Lecliapitre xv ânOzi. elle 08du Hisn-k. quicorr^pondentàcejâtaka 
commeuceut par une ^glorification dea mentes de celui qui entre dans| 
la vie monacale ou engage les autres à radopter(cemérileest inUoiment 
plus élevé que l'aunidne). Le sthavira porte le nom de PaUschei Çri- 
vrddhi {Chi-ti-pi-lî, traduit par Fou-tseng). Il est repoussé par Ç4- 
riputra, Mahikàçyapa, Up^lî, Anîruddfaa, et par 500 autres arbats. Le 
voyage aérien qui suit e3t, en général, plus détaillé : en outre, Maudga- 
Ijûyana montre un plus grand nombre de spectacles (ainsi, après la 
femme qui dévore :sa propre chair, il montre un arbre, que des vers 
cuuvrent, «t qui gémit bruyamment, un jeune homme, entouré d'hom- 
mes armés â lôtes de bètes féroces, un homme qui se jette du baut 
d'une iiioutagn>e sur des épéea). De plus, il ne donne pïs l'explication 
immédiatement, mais il dit : « Quand le moment sera venu, je racon- 
terai >K II éclaireil loua les myslêres après qu'ils ont vu la montagni 
d'ossements, l^es éclaircissements socit plus développés. 



UNE TRADUCTION CBINOISB DU RECUEIL BOUDDHIQUE Jâtakamdlâ 33j 

COMPARAISON DES CHAPITRES DBS TRADUCTIONS TIBÉTAINE 
ET CHINOISE DE l'oDVRAGE (( LE DAHAMÛKA » 



DzaDg-loun 
I-VI 
VU-XI V 
XV-XXI 
XXII 
XXIII 
XXIV 
XXV 

XXVI-XXIX 
XXX 

XXXI-XXXUI 
XXXIV 
XXXV 
XXXVI 
XXXVII 

xxxvm 

XXXIX 

XL-XLU 

XLIU-XLVI 

XLvn 

XLVni-XLIX 

L-LI 

(UI) 



UieD-yuei-yuen kiag 
I-VI 

vni-xv 
xvm-xxiv 

XXVI 
XXXlIi 
XXXI 
XXXU 

xxxiv-xxxvn 

XXXIX 
XLVIII-L 
XXV 
XXVII 

u 

LUI 

LXVl 

UI 

LIV-LVi 

LXU-LXV 

Lxvn 

LX-LXI 

LXVIII-LXIX 

VII 



On trouve donc dans le Hien-yu-in-yutn king, 17 chapitres de plus. 
Je doine ci-après leurs titres '. 

XVI. Le roi c la Grande lumière » Ta-koang-ming pour la première 
fois manifeste une tendance à la sainteté (cf. XLIV). 

XVII. L'upâsaka Sâo-ho-seu-na (Hahâsena). 

XXVIII. 500 aveugles vont à la recherche du Bouddha (qui va de 
royaume en royaume). 

XXX. Conversion de Ni-ti (il a contracté des impuretés dans la ville 
de Çrâvasti). 

xxxvm. Kai-ekeu, 2 rois : Brahmadeva, qui possède 3 rivières, et 

1. L'existence d'uoe réd&ctioa ctiinoise plus développée a 6t6 ponr la pre 
aùtra lois sigoalée par St. Julien {ftimairtt $ur te* Ctmtr. Oee., U, xvin-xu). 



332 



HBVDB DE L HISTOtItE DBS BEUGIONS 



Vajragai'ija {Fa-ehé-kien on : (o fî < amas de diamanU *], qiu possède 
une rivière, 

XL, Suprématie d'Aaanda. 

XLl, Un upâaaka, esl tué par son hère aine (pour avoir épousé sa 
lenime, pendant une abseace où il n'avait pas doaué de nouvelles). 

XLli. Un Jils par erreur tua son père. 

XLUI. 'S'iU'/a fonde « une pure retraite ». Controverse de Çariputra 
avec 1 élève des 6 tirthikas. 

XLIV. Le roi < la Grande lumière n^ {Ta-koang'mint]'tvang)miDif^l« 
paur la première fois une très haute intentioa, c'est-à-dire uae tendance 
vers l'ânutiara), 

XLV. Le-na-che-ije [Ratnajâjâ] (grand m-po dans le royaume de B*- 
narès, le roi Fan-mo-ia). 

XLVI. Kia-pi-U {* la Tête ]aun« ») le grand poisson aux cent tètes. 

XLVII. Le deva .« Pure-Retraite i demande l'ablution. 

LVU. pQ-po-li (nom d'homme] ; un fils naît, à ijui un devin donne 
Je nom de Maïtreya. 

LVIII. Deux perruquetsentendentl'enseignement des qualres vérités. 

LIX. Une corneille enieud les LLik^us parler de l'enseignemeat, et 
elle renaît dans le ciel. 



Taèh des matières du recueil des (01 jâtakas 



1. Premier avadàua (le maître, la tigresse). 

2. Jdtaka du roi du pays de Çibi '. 

3. (Kulmâsapinrfl). 

4. Le chef des marchauds, 

5. L'invincible chef des marchands. 

6. Le lièvre. 

7. \gusta (Àgastya). 

8. « La vertu de la miséricorde ». 

9. < Celui qui sauve tous les êtres ■. 

10. Celui qui accomplit le sacrifice. 

11. Indra. 

12. Le brahmane. 

13. L'affolante. 

14. Celui qui irrive bien à l'utre bord. 

t. Li même fonuule e^t partout rêpétèt! : pour ibrtgtr, j'iadiquerai UABle ■ 
m6Dt la forme sous laquelle le peraoaiuge retiKlEt 



CHE TRADUCTION CalMÛlSS OU HECUElL BOUDDBlQUB Jâtakwnôld 'i'i'i 



15. Le poissoD. 

16. Le petil de la perdrîK (delà gâlinatle}. 

17. Le vase. 

18. Le riche de race royale. 

19. u La r^iciae du lotus ». 

20. Le cHef des marchands *. 

21. (Curfrfabodhi). 

22. Le cygne, 

â3. « La grande sainteté ». 

24. Le grand singe. 

25. L'animal ÇaraLha. 

26. L'animal Ruru. 

27. Le roi des singes. 

S8. u Celui qui parle de la résignation >. 

29. Brahma. 

30. L'éléphant. 

31. Le fils (d'uD certain) Sudâ^a. 

32. La naissance dans une maîsoD de fer. 

33. Hahe [mahisa]. 

34. L'oiseau c[ui perce (?) )e bois (le pic?). Ici se termine l'ouvrage 
d'Aryaç&ra. 1-34 = .ràtakam!llâ. 

35. Le roi des lions ■ ir Le vœu fermement maintenu ■ . 

36. Le capitaine du navire « La g^rande assiduité ». 

37. Le foi « La couleur rouge (Suvarna-vama) i. 

38. L'animal sauvage Kunda'. 

39. L'humble origine (le bourreau Cantfâla?). 

40. Le BhikjU c La lumière de la gloire ». 

41. Le maiire de la maison a Celui qui désire la solilude ». 

42. Le roi < La lampe qui éclaire >^. 

43. Le Bodliisattva u Le lièvre qui se plaU dans la solitude ». 

44. Le roi (Sarvajfia?). 

45. Deui jeunes gens (enfanls}. 

46. Le roi (? (Jgradatta). 

47. Le Bodhisatlava « Le don du bien, le bonheur n. 

48. Le bbiksu < La lumière de l'agrémenl, de la gloire '^. 

49. Le lotus {litt. celui qui est né dans l'eau). 

50. Le roi « qui se plaît manire^lemenl à louleE sortes de mondes * 
['jig-rlen'SQa-tsogs-ta-mrion-par-dga'-ba]. 

1. cr. le 4* rAcîl. 

i. DaDs le ttil. te ch. lui porte ce liire : Sen-ea-yi-dam-brlan-pa ; le iUett-k. 
meotioDae au^al son Dom lanaerit Tc/Ha^kta-lû-pr, tt qui «□ tradûOiUan si^jn» 
kiert-c/ttu (le ferme serment). 

3. Oî/.. Cb. HT. 



334 HRVUK DE LHlSTOrHE DES flEUCIOXS 

51. Le MÎ Br»limadalta. 

52. Le Bodhisaltva ■ qui désire clierch«r c«iiiplè1&tO$nt la foi 

53. - Celui qui possède la cannaissance». 

54. Cha-"ber(?)-mal?). 

55. Me-lort-gdon. Cf. Dzl., XXXI. 

56. l* brahmaner 

57. u L^ÎDtelligence hardie, l'^prit ». 

58. Le roi des dragoQS (Nâgaraja). 
50, Chu-Breg 7 
GO. Le maître ■ Les diverses coonaissances >. 

61. Le capitaine du navire t La grande magnanimité *. 
6% Ri;ja!-po-gïon'nu-si"iin-rje-cher-aeias (^). 

63. L'entant •* L'étoile «. 

64. Indra (v. 11). 

65. Le maUre-brahmaoe. 

66. Le danseur. 

67. Na-la-nu{?). 

68. Le roi des dragons fv. 5SJ. 

69. ¥an-!ag-ma-smad. 

70. Le QU du brahmane u le nuage » Meghakumârti}. 

71. Le roi t qui a la lumière ». 

72. Le brahmane c La voix très cél&bre ». 

73. Celui qui orne (te décorateur). 

74. « Le noble ». 

75. L'éléphant aux sepl défenses [Sa/idanta]. 

76. Le Parivrâjaka ■ Le lever » [Udaya?]. 

77. Le roi « qui a la richesse >. 

78. Le brahmane o. l^ joie de ta lune i. 
78. Le roi « Le ciel ». 

80. Le noble, le g6ntilbomme. 

81. « La grande force de ràm«i ». 

82. Le roi a La lumièr^^de la lune » *. 

83. Le roi Çibi. 

8i. Le maitre « la jante de roue ". 

85. Le Dodbisaltva .> q\xi oppose la, résignation ù. l'outrage ininter- 
rompu ». 

86. Le lion. 

87. Le capitaine du navire. 

88. K La richesse brillante s . 



i. Otl., ch. ix«. Le Bien-k. donne le onm BaJiakrit Tchan-to-pn-lo-pi (Cnn- 
'draprabliu). 



UNE TRADOCTIOM CBINOISE DO RBCDEIL BOUDDHIQUE Jâtokamâiâ 335 

89. Suçadeva. 

90. « La Tertu ». 

91. « La belle lumière ». 

92. Le Mi. 

93. L'intelligence... 

94. Le bleu-clair. 

95. Ni-sren-spon. 

96. Le chameau. 

97. Le pourtour- 

98. La contenance du bhiluu (de la bbikiurtl) Utpalâ*. 

99. Le BodhisattTa c de la vaillance ». 

100. « Le vif éclat, la magnificence ». 

101. Le Bodhisattva c qui possède tous les avantages ■>. 

A. 0. IVANOVSKI. 

Traduit du russe par H. Duchesne. 

\. Cf. Ds^., XXV. 



INTRODUCTION 

A L'ÉTUDE DU GNOSTICISME 



AU II* ET AU ni< SIÈCLE 



(Dernier article'.} 



Nouâ avons monlrë que dès la troisième gèDératioD des 
disciples de Valentin, des aspiralions et des tendances nou- 
velles se font sentir daas l'école. Les Extraits de Théodole 
nous les révèlent. Eu même lemps^ tout indique que le gnos- 
ticisme met plus que jamais l'Église en péril. A aucune 
autre époque, elle ne s'est défendue avec autant d éuergie que 
du temps d'Irf'-nC^e, de Terlullien, de Clément d'Alexandrie. 
Ses plus fermes soutiens tremblent pour elle. H semble 
qu'elle soit alors k deux doigts de sa perle. De telles alarmes 
n'ont sfirement pas Été sans foadement. Puisqu'il inspirait 
pareil effroi. le gnoslicisme devait Être en plein ascendant. 
jNoIoijs aussi que Clément elOrigène l'ont constamment pré- 
sent à l'esprit; ils ne négligent aucune occasion de réfuter 
ses doctrines; leurs livres sont pleins d'allusions aux auteurs 
gnosliques. S'ils font à l'hérésie une si large place dans ^H 
leurs préoccupations, c'est que, bien loin d'être en déca- ^1 
dence, elle n'a jamais été plus prospère ni plus redoutable. 

Ainsi de sérieux indices donnent à supposer que, vers la 
ftn du II' siècle, se produit un véritable renouveau au sein du 
gnoslicisme; il se transforinu lui-même et en même temps 
sa propagande gagne du terrain, 

Voir t. XL V, p. 299à3i9(miii-juin Ï902); t. XLVI, p. 31 à57[juiUel- 
aoûl), p. 115 à 172 (sepleabH-oclobre) «t p. 363 à. 399 (DOvembrv-d^MIAbre). 



ISTROUDCTIOM A L ÉTtrOl CO GtCOSTlCtSMK 



337 



Si nous n'avions à notre disposition qu& les écrits d'Irénëe. 
de Tertullien,d'Épiphane, il serait à jamais impossible d'éta- 
blir ce qui vient d'être artirmé. Ce sérail une pure hypothèse, 
fruit d'impressioDS toutes subjectives. Tout ce que l'héréséo- 
logie ofticielle permet de constater, c'est que le gnosLicisme 
continue d'exister au m' siècle, que certaines de sessectea 
paraissent se développer^ et notamment qu'elles tombent^ 
peut-être pour la plupart, dans les plusgrûssières aberrations 
morales. Jamais les écrivains ecclésiastiques ne nous feraient 
soupçonner qu'une nouvelle période dans l'histoire du gnos- 
ticisme s'ouvre au ni' siëcle. 

Fort heureusement nous ne sommes plus exclusivement 
dépendants des béréséotogues chrétiens. ISous possédons 
précisément pour l'histoire du gnosticisme au iir siècle les 
documents authentiques les plus étendus qui nous aient été 
conservés. Ce sont d'une part les analyses d'écrits gnoitiquea 
anonymes qu'HippoIyle a utilisés dans les Philosophumena et 
d'autre pari, la Pistis Sophia et les deux écrits du papyrus 
de Bruce. 

11 a fallu les longues discussions critiques dont les docu- 
ments d'Hippolyte ont été l'objel pour qu'on piil en faire 
usage en connaissance de cause. Ces écrits ont connu tour 
à tour les faveurs et les rigueurs de ('opinion. Peut-être est-ce 
trop présumer que de croire qu'il est maintenant possible de 
le^ apprécier à leur exacte valeur, ISous pensons néanmoins 
avoir montré dans quelles limites il convient de les considé- 
rer comme de» documents historiques. Ce qu'il y a certaine- 
ment d'authentique, c'est le fond qui leur est commun. Alors 
même qu'on soutiendrait que ces systèmes inédits des Phi- 
iotopftumena n'ont été que des variations fictives du même 
thème, qu'ils n'ont par conséquent existé que dans l'imagina- 
tion de celui qui les a inventés, pour tromper la bonne foi 
d'Hippolyte, encore ne ponrrait-on nier que le thème lui- 
même ne soit authentique. A tout le moins le système que 
l'on a revêtu de déguisements successifs appartient à This- 
loire. Il demeure comme le témoin d'une forme de gnostî- 



338 



RKVUE DE L aiSTOIRE DES REtlfilOH& 



cisme qui apparaît à Rome au début du lu' siècle et qui a sud 
caractère propre. 

Nous pensons avoir prouvé que la critique doit se montrer 
moins sceptique en ce qui concerne l'auttienticité de ces écrits 
anonymes d'Hippolyte.ïl s'en dégage un typedegnosticisme 
très net, et, ce qui est capital, les traits, essentiels de ce 
gnosticisme s'harmonisent avec tout ce que nous apprenons 
parles autres documents du gnosticisme du tu* siècle. 

Les textes qui jettent le plus de lumière sur cette période 
de l'iiistoire du gno^^ticisme, ce sont les documents de langue 
copte. M. Cari Schmidt a démontré sans peine, que les 
écrilB qui composent la Pislis Sophia émanent du même 
groupe gnoslique que les documents du papyrus de Bruce. 
Or, nous l'avons vu, tous ces ëcritss'échelonaecttà travers la 
première moitié du in* siècle, lis constituent donc noire 
principale source pour la connaissance du gnosticisme à 
celle époque. 

Fait très important, les écrits anonymes des Pfàlosnphu- 
mena sont issus aussi de sectes congénères de celles dont 
les écrits copies ont été les livres secrets. Nous avons ainsi 
dans les documents coptes comme dans la Refutalio d'Rip- 
polyte une documentation de première main pour l'histoire 
du gnosticisme au lu" siècle'. 

C^âat à celte époque, en effet, que l'on rencontre parmi , 



1) La Pistis Copiait et l« pfi^yruB de Bruce sont 1«b principaux docuOieati 
de l'histoire du gnosticisme au ni" siècle. Ile surBEenl pour Teequisse de cetU 
hisLoire que nùus donnons ici. H y 3, cependant, d'autres sources, IL serait à 
désirer que la critique liltéraire les soumtL ^ un examen approfondi Parmi cet 
BOurces, l'une des plus sûres, c'«st le rrï^menl dont Trente se fiert pOUr décrire 
l'héréaie des Barbelo-gnûBtiques (kdv. haereses. lib. 1,29). Voyez les pages que 
M. C Schmidt a consttcrèesà ce fragmeot, Gnost. Schiiften in Hopiischer Spracht, 
p. 6i9. 1893. [I faudrail ajouler aussi les partifB évidemment plue récentes do 
& descriptioD que donne Irénée ctu système de Ptolémée, L*aDa3fse tbitéraira 
d« Heinrici aurait besoin d'être refaiLe. Enfin il faudrait mettre de plus en plus 
«n ligne de compte tous ces fragments gnoaliques qu'une critique eiercée d*- 
cnurre dms 1p3 écrits pseud épigraphes, évangiles, actes, apocryphea. On 
pourrait alors tirer de toutes cu pièces Un tableau à peu près complet du 
gnoatici&me au m* siècle. 



IHTRODOCTION A L ÉTUDB DU GNOSTICISME 



339 



les gGOstiques un ^raad nombre d'écoles cl de sectes dont 
les unes sont inconnues au il* siècle el dont les autres n'y 
jouent qu'un rûle effacé. Les noms des Ophites, des Nico- 
lattes, des Gnostiques, des Severiani, des Arcbontici, des 
Barbelo-gnostîques, des Sethiani, des Cainttes, des Simo- 
niani deviennent famUiers, Certaines de ces sectes existaient 
sOrement dans la seconde moitié du ti" siècle. Le trailë d'Hip- 
polyle mentionnait les Ophites, les Cainitos, les Sethiani. 
Clément d'Alexandrie connaît la secte des Nicolaïles, celle 
des Gaïniles, celle desSimoaiani.lrénée notis apprend l'exis- 
tence de« BarbélioLes, Jusqu'à la fin du n" siècle, ces sectes 
se perdent dans l'ombre des grandes écoles. Basilide, Va- 
lentin, Carpocrate, Marcion occupent alors le devant de la 
scène. Les écoles qui ne se rattachent pas à ces matires n'at- 
tirent pas l'attention. Mais dès le commencemeûl du siècle 
suivarit un revirement se produit. Les grandes écoles dimi- 
nuent d'importance; il semble qu'elles deviennenl moins 
fécondes; elles ne produisent plus autant d'hommes distin- 
gués ni d'œuvres remarquables ; surtout elle» perdent de plus 
en plus leur caractère primitif. Seul le marcionisme se main- 
tient a peu près intact et prospère, grâce à sa forte organi- 
sation et à son isolement. A la place des grandes sectes, sur 
gissent celles que nous avons nommées. Elles s'avancent 
rapidement au premier plan. Au m" siècle, ce sont elles qui 
incarnent le gnostîcisme. 

Quels sont les faits sur lesquels se fonde cette affirma- 
lion? 

Kous avons d'abord les gnosliques anonymes des P/iihso- 
phnmena. Ils prouvent à eux seuts l'importance grandissante 
des sectes qu'ils représentent. Sur les neuf écrits dont la 
Refutatio nous donne l'analyse, il y en a quatre qui ont pour 
auteurs des Ophites'. Ces gnostiques appartiennent doncà 
l'une des secles les plus considérables de celles que nous 
avons nommées. L'étude que nous avons faite des docu- 



t^ Ce sont tes noUcns sur les NuutBènes. les Përetes, 1m Sathiani. Justin. 



34a 



RBVIX DE L HISTOIRE DIS IltLIGIOPS 



meoU inédita d'Hippolyte a mis en lumière un double fait 
C'eal d'abord que ces quatre systèmes ophites dérivent d'un 
système commun. Ce système est probablement l'œuvre d'un 
maître gnoslique, en tout cas, il a été élaboré et enseigné au 
sein de la secte vouée au symbole dn serpent. C'est ensuite 
que cet enseignamenl ophite s'est iuGlIré dans d'autres 
sectes, notamment dans celles de Basilide, de Valenlin, des 
Simoniani. De tels faits dénotent chez les gnostiques ophit 
une certaine fécondité et une force d'expansion remar- 
quable. Bien loin de végéter, leur secte renouvelle sou en- 
seignement religieux, le propage et fait rayonner son action 
jusque dans les écoles les plus illustres. Quelle plus jgrande 
preuve de vitalité pourrait-elle donner? 

M. Cari Schmidt a démontré que la Phtis Sophia et le: 
livres de Jet^ du papyrus de Bruce proviennent du même mi- 
lieu, de la mftme secte gnostique. Cette secte paraît avoir 
été celle des Severiani. Il a établi, en outre, que cette secte, 
quelle qu'elle soii, est très proche parente de ces Barbé- 
liotes dont Irénée a exposé en partie les doctrines*. Ainsi 
les écrits gnostiques de langue copte émanent aussi de 
vaste groupe de sectes asse?. diverses dont relèvent les héré 
tiques anonymes des PhHcxophumvna , A leur tour, iU lé- 
moignentde raclivilé religieuse qui régoaitdansces milieux 
On y produisait beaucoup. L'esprit de spéculation y étail 
très développé. D'ardentes discussions s'élevaient h. propos 
du sort réservé aux âmes après la mort. Surtout on était très 
préoccupé d'expiations, fort avide de recettes de saint. 
Certes les milieux gnosliques où fermentait tout ce monde 
d'aspirations et d'idées^ et qui donnait naissance à une littéra- 
ture aussi loufTae que ceUe des documents coptes tx'élaienl 
pas en décadence; nous avons affaire àungnoslicismequies^Jj 
en pleine maturité. H^ 

Une autre preuve de la prospérité de ces sectes et de 
l'ascendant qu'elles exerçaient vers le milieu du ni' siècle 

1) C. Schmidt, Gnastisbhe Schriften m KapUschcr Spraehe, lâ92, p. âtS 
etsuiv-, p. 649 el suivinles. 



rNTftODUCTlOir A L'trUDC DU GNOSTICISME 



341 



nous est dunnée par le phîlosoplie Plotln. Il y a parmi les 
traités qui composent TEnûéade, un écrit qui a été intitulé : 
Ilpoî *jù; YvwcTTixDu^. Dans une étude extrêmement suggestive, 
M, Cari Sctimidt montre que c'est bien de gnostiques qu'il 
s'agit dans cet opuscule; il extrait de la critique que Plotia 
fait de leurs idées les grandes lignes d^un système gnosiique 
el enfin il établit que ces tiérétiques relèvent eux aussi de ces 
sectes dont la Pistis Sopkia et Les livres de Jeu sont les livres 
secrets*. La seule diCTêrence» c'est que les gnostiques de 
Plotln sont à Rome; les autres sont en Egypte. La secte a 
essaimé. Vers 264, elle fleurit à Home, comme elle avait 
prospéré eu Egypte. Que le grand Déoplatonîcten se soil vu 
conlraiut de combattre nos gno&tiques, que l'on ait discuté 
leurs idées dans son école el que finalement, il leur ait con- 
sacré un traité en Torme, sans parlerdes nombreux passages 
de sesi écrits qui font allusion à quelqu'une de leurs doctrines, 
o^est-ce pas encore un signe incontestatilc de leur vigueur ol 
de leur vitalité'? Plus on s'attache aux traces de notre gnos- 
ticismer plus on le suit à travers le ut" siècle et plus aussi se 
multiplient les preuves de sa féconde prospérité. 

U était encore plein de vie pendant la première moitié du 
IV* siècle. Épiphane raconte qu'il faillit être entraîné par des 
sectaires qui faisaient partie du vaste groupe de nos gnosti- 
ques. U est très significatif que tandis que l'auleurdu Pana- 
rium dépend entièrement de ses prédécesseurs pour ses ren- 
seignements sur les grandes écoles hérétiques du n"^ siècle, il 
possède pour les Ophites, les Archontici, les Severiani et 
autres sectes congénères des sources d'information person- 
nelles. Quelle qu'en soit la valeur historique, le fait qu'il 
les possède prouve que ces sectes, bten loin d'être éteintes, 
étaient les plus en vue au temps d'Épiph&ne. C'étaient elles 
que l'on connaissait, elles qui se propageaient dans l'Église, 
elle» dont les ôvêques sentaient Faction souterraine; bref 



1) Cari Sehmidt, Ptotin's Steiiuag :um Gneslicttmia und kirchlichefi. CArif- 
itnthum daas Texte u. CiUeriucAunyen, 1901. 



343 



wnm DK L'msToui pis uhaio^s 



c'étaient elles qui absorbaient et représentaient alors le 
gnoaltcbme. 

Les faits que nous venons de noter prouvent claSr^men 
qu'au début du ni'' siècle se produit un changement profond 
au sein du gno^ttcisme. C'est une véritable révolation. Une^ 
nouvelle couche de gnostiques succède aux anciennes. ^fl^Ê 
écoles illustres do m* siècle font peu à peu place à des écoles^^ 
et h des sectes autrement nommées et, on va le voir, d* esprit 
et de caractère bien différents. 

Il n'est pas impossible de se faire une idée delà ditTusiou 
dans l'Empire do ce gno&licisme d'un genre nouveau. Sur 
point les notices qu'Epiphane a consacrées aux diverseï 
sectes de ce groupe, sont explicites. Elles nous renseignen: 
exactement^ semble-t-il, sur leur situation au iv* siècle. C< 
sectes sont partout u celte époque. 11 y ena dans la haute et 
dans la basse Egypte. C'eât leur patrie de prédilection. Les do- 
cuments du papyrus de Bruce prouvent combien elles étaient 
florissantes dans ce pays un siècle auparavant. En Palestine 
en Syrie, en Arménie, les Archonticî, sans parler d'autr 
sectes du même groupe, sont encore en nombre lorsqu'Ëp 
phane écrit son Panariwn*. Cependant, elles n'étaient pi 
aussi prospères. Eu Syrie notamment elles déclinaient. 11 y 
donc tout lieu de croire que vers le milieu du iir siècle, elles 
pullulaient dans tout TOrient. Depuis longtemps, elles avaient 
pris racine à Rome. Les gnosliques inconnus d'Ilippolytc 
prouvent l'activité dans la capitale de l'Empire de la plu- 
part des sectes dont îl s'agit. L'intérêt passionné que l'an- 
leur de la lîefuttitio met ù les dévoiler, en analysant leu 
livres secrets, s'explique par la proximité du danger qu'i 
l'ont courir h l'Église. O^e dire enfin des gnostiques de l'en- 
tourage de Plolin? Ils sont la preuve éclatante de l'ascendant 
qu'exerçaient nos gnostiques à Rome même vers 260. Ainsi 
ce n'est pas seulement le gnosticisme en général qui se pr 
page dans toutes les provinces au m" siècle, c'est une formé' 



1) C, Sflbraidl, Unast. S<^tnrten m Kopliselitr Sprache, p. 587. 



INTRODUCTION X L STUOE DU &NOSTICISMK 



3i3 



particulière dugnoslicisme. C'est le gnosticîsme des diverses 
sectes que nûus avons nommées. 

Ce qu'oa peut encore affirmer de notre gnoslicisme, c'est 
qu'il s'iasinue partout. Il excelle à s'inlîltrer subrepUcement 
dans les églises et dans les milieux où on ne ^'attendrait 
guère à le rencontrer. Il a tous les caractères d'une secte 
secrète. Dans un passage curieux de son grand ouvrage» 
Epipbane raconte qu'il avait été, au temps de sa jeunesse, en 
rapport avec des gnostîques. C'étaient des Nicolaïtes. Us 
cherchèrent par tous les moyens à l'attirer. Les ftmmes de la 
secte y employèrent tout leur talent. Il alla fort loin, jusqu'il 
lire leurs livres. Ueureusemenl un jour le charme fut rompu. 
Le jeune Epiphâne cessa de fréquenter ses séducteurs et s'en 
fut les dénoncer à l'évëque. 11 découvrit jusqu'à quatre-vingts 
personnes qui faisaient secrètement partie de la secte. On les 
expulsa de la ville'. AJn>i l'une des pires sectes de noire 
gnosticiâme avait pu s'aj^réger impunément, sans même que 
l'on s'en doutât, ce nombre considérable de lidèles ! Cet inci- 
dent en dit long sur les procédés de propagande de nos gnos- 
tiques. Il est évident qu'on ne les tolérait plus depuis 
longtemps et qu'on les pourchassait dès qu'on les décou- 
vrait. 11 n'en avait pas toujours été ainsi. Au u" siècle, les 
écoles gnostiques jouissaient d'une bien plus grande liberté. 
On ne les considérait pas encore comme exclues de l'Église 
parle seul fait de leur gnosticisme. Sans doule des excom- 
munications individuelles, comme celle de Marcion, se pro- 
duisaient, mais on a été longtemps avant de contester aux 
hérétiques leur droit de s'appeler chrétiens et de l'aire partie 
de l'Église. Tertullien est le premier qui ait nettement posé 
et résolu la question. Non seulement i! refuse catégorique- 
ment aux hérétiques le droit de se réclamer de l'îigtise chré- 
tienne, mais il ne permet même pas que l'on discute avec 
eux. Il les écarte par la question préalable. Combien Juslin 



344 



RKVUB DE L HISTOIMC DES KELIGIONS 



Martyr est encore éloigné de cette netteté de principes ! Il se 
plaint précisément que les hérétiques font mal juger des 
chrétiens ; it ne lui vient pas à l'esprit da nier qu'ils soient 
chrétiens ; on sent qu'il a fort envie de les répudier, mais il 
ne peut le faire. Toute sa défense consiste à demunder qu'on 
ne soit pas plus sévère pour les chrétiens qu'on ne l'est pour 
les philosophes. On admet bien que ceux-ci se partagent en 
écoles qui professent des doctrines opposées'. On peut aussi 
relever maint fait qui prouve que chrétiens et hérétiques se 
confondaient dans la même Église au n" siècle ; on ne s'en 
étonnait pas encore. Eusëbe nous raconte que la dame chré- 
tienne qui recueillit le jeune Origène apr^sle martyre de son 
père protégeait un hérétique du nom de Paul ; il donnait chez 
elle des conférences fréquentées par les fidèleâ aussi bien 
que par les hérétiques, Après le formidable effort des Irénée, 
des Tertullîen, des Clément pour défendre le christianisme 
mis en péril par le gnoslicisme, l'atlitude de TÉgUse change 
de plus en plus. Il n'est pas douteux que l'idée que les 
gnosiiques n'ont pas droit de cité dans l'élise chrétienne 
gagne du terrain. Très significative est l'attitude de l'auteur 
des Phitosopkumena. Les gnostiques sont décidément pour 
lui une secte secrète. De là la joie qu'il éprouve d'avoir mis 
ta main sur des écrits qui les dévoilent jusque dans leurs 
plus intimes pensées. 

Ce n'est pas seulement dans les églises que s'insinuent nos 
goostiques, ils pénètrent jusque daos l'entourage des philo- 
sophes. M. Garl Schmidt nous parait avoir amplement 
démontré que Plolia comptait des gnostiques parmi ses 
élèves à Rome. Il y avait notamment Adelphius et Aquilînus. 
Ce qu'il y avait de curieux, c'est que ces gnosiîques, tout en 
s'affiliant au néoplatonisme, n'abandonnaient pas leurs doc- 

\) Jurtin Martyr, Apologxa, I, cbap. 7 (56 D> ; xaOAïou ^ o4y xixtîvo éjioX»- 

àvi^ATi çiXoffoipîa! TTpoaaïopcilDVTat -xaînEf ï&v Se^iicitwv îvavriiuv fin-tùiv, oj-oj^ xal 

im. XpioTi.aiv«i Y'P «»^"î npoaaY^P'yoviau Cette dernière phrase ts-\ Ifèa *i- 
laiBcitive. 




INTHODUCnoS A l'ÉTDDK DO GTiOSTICISMB 



34$ 



trînes parliculières; ils semblent même avoir tenté de les 
propager autour d'eux parmi les philosophes. Plotin les a 
jugés assez dangereux pour combattre leurs tdées dans un 
traité spécial. Ainsi notre gnosticisme nous apparaît au 
m* siècle comme une secte secrète aux multiples ramifica- 
tions: elle mine partout le sol sous les pas des philosophes 
comme des hommes ecclésiastiques. C'est le caractère du 
groupe de gnostiques qui nous occupe; ce n'est pas celui 
de tout le gQosticisme au m' siècle. Le marcionisme n'est 
pas à cette époque une secte secrète ; il combat ouvertement 
la grande Église ; il ne propage pas sa doctrine sous pavilloa 
ecclésiastique. D'ailleurs, presque dès le premier jour, il s'est 
constitué en dehors de l'Église catholique en Église rivale. 
Il a eu de bonne heure sou baptême, sa règle de foi, son 
canon du Nouveau Testament, sa morale, ses évêques, ses 
martyrs. Notre gnosticisme n'a jamais été une Église; il A 
toujours été à l'état de petites sectes. C'est aussi ce qui 
explique l'influeDce qu'il exerça alors dans l'Église. On a 
remarqué avec raison qu'il y a plus de points de contact 
entre ce gnosticisme et le christianisme ecclésiastique qu'il 
n'y en avait un siècle auparavant entre les grandes écoles 
hérétiques et l'Église catholique V Le rapprochemeol s'ex- 
plique par le Tait qu'au iti' siècle notre gnosticisme se dissi- 
mule dans l'Église^ il est attaché à ses flancs ; ses adeptes se 
mêlent aux ^dèles. C'est ainsi qu'il accomplit clandestinement 
son œuvre de propagande, qu'il propage sournoisement des 
notions et des rites qu'il emprunte aux mystères grecs. Il 
agit comme un levain dans l'Église chrétienne et sert ainsi 
d'agentde transmission entre te christianisme et les religions 
populaires du nf siècle. 

Nos gnostiques ne constituaient pas un groupe homogène. 
S'ils avaient en commun les principaux éléments de leur 
métaphysique^ ils se divisaient en partis contraires sur la 
morale. Les uns prêchaient l'ascétisme le plus austère, les 



I) KirHAck, Texte! u. Vntertuchungen, VU, 2, 1891. 



23 



346 



RBmZ DE L ntSTOlBt DES RELIGIONS 



autres avaient des mœurs drpravées. Ceux-ci étaient en 
scandale à ceuï-1». En eB'et, il y a dans nos documents gnos- 
tiques copies deux ou trois textes parrailement explicites sur 
ce point. On y dénonce avec virulence des gens qui avaient îa- 
venté un rite inavouable, lis en étaient arrivés au dernier 
degré de dépravation. Ces gens étaient desgnosliquesel, ce 
qui ressort ctâîremenl de l'un de ces textes, leur secte fai- 
sait partie du mëcne vgste groupa que leurs censeurs; ils 
proTessaient la môme foi métaphysique'. El cependant rien 

1) On lit d&bs [a l'Utii Sophia, § 3S6 : u tiixit Thomas, audivimus ef$t wm- 
mtUos m terra qui sumentts o^i^ii» muTis et memiruum feminat tndani ea iR 
ItnUi ad edendumt dicentes : fci7T!Ù«|iEv in £siiu et Jacobam... >■• Ces dentien 
mots tudiqueDl cUîreoifpt qu'il s'tgil de gnostiques. Dana le reste de ce pa>- 
tagOi le Ressuscité déclare que ces pécheurs seront précipités dans les 
ténèbres du dehors; ils périront en un lieu où il n'y a ni miséricorde nî lu- 
mière. AiLleura^ § 322, c'eel encore d'eux qu'il e'agil dans un discours deJé^us: 
Hi fliSpondena aurrr.f dixit Marîae, ducunl nuilam 4"'"xi'' ad fificiuiivTa per ft<wc 
Oslia aXXa 4'ux^'' bSasphemanlium el verirantitim in (ioc'rina n'hav*;: et unïu^ti- 
tu«vii docetttii in nXavaiç dlifue eliûm r,oncuhita.ntiutti cdm maribui algue etititn 
homintim inijuinaiurum et «aïëti<>v H homtnum omnium impiorum... » Le piks- 
sHgB le plus eiplicili* se IrouTL' dans le 2* livre de JeQ, g 55 : Ne les commuai* 
quG'i (les mystiireâ) à aucitiiG Tpaïaie ui a, aucun liomine qui croient ea uoe me- 
sure quelconque i ces 72 ^rclionlea ou qui leur olTranl un culLf ; ne les révélex 
p&s davantage à cpui qui vénèrent les huil puissances du grand Arcbonle, je 
veux dire, à «eux (]ul mangent le aang des tnenstruee de leur impureté et It 
semence des mflleB en disant: ^lous poesMong In vraie connaissance et ado- 
rons le vrai Dieu. » Ce passage ne laisse aucuTi doiile euc- ce que foul les 
adorateurs des 72 arcbonle^ et des 8 puissances. Ce sont des gnostfqurg, Ils 
se disti»(;ucnL de l'auteur des Urres de Jeu d'abord par la morale et ensuite par 
le culte d'aj'iilioDtes et de poÎEsaiicea qui S^urent dMJs le système de leur cen- 
seur, mais qu'il range dane la catégorie des mauvais archontes. Ainsi les uns 
et les autres émanent du même groupe gnosiique. 

Ces texcea des documents captes courirment fort heureuscmenl les renset- 
gnementE tout pereonneLs qu'Bpiphane donne dans les aecLlons oij U «xposeles 
systèmes des diverses Eeclea de nos gnosliqueg. Voir nolaminenl le passai 
déjà cité sur ses premières rekliome av^c bsgnosliques, XXVI, 17. On a cru 
qu'il eiagi'rait. Sans doute Kpiphane noircit bien souvent les liérêliques &on- 
truiremeEit a la vi^riié; mais il y a lieu cependant de se Ger à ses InTornit- 
tions lorsqu'il en est personnellement responsable. Quoi qu'A en toit, tl es! in* 
contestable que le léuioîiçnaKe des gnostîqu)<'5 des écrits copies lui est tAVoratils 
au plus h&uit point. M. C. Schmi<It est le premier à avoir clairement mie ces fails 
eo lumiftfe. Voir ion ètude déjà citée sur les écrite gnoatiques copies, p, 577 
et suivantes. 



raTBODUCTtOS A LÉniDE DD r.NOSTICISME 



347 



n'égale FindignaLion qu'ils in^^pireut aux auteurs de la Pistis 
Sophia et des livres de Jeu, On les voue à l'exécra lion univer- 
selle; dans l'autre monde leur peine sera irrémissible. Il est 
évident que la scission eulre les deux fractions de notre 
gnosticisme ne comportait plus aucune conciliation. Issus du 
même tronc, nourris du même fonds de conceptions méta- 
physiques, ils obéissaient à des tendances morales diamétra- 
lement opposées. 

Combien notre gnosticisme dill^re du raapcionisme qui est 
encore si florissant au in' siècle! Autant celui-ci est forlc- 
menl organisé, cohérent dans son enseignement comme dans 
sa constitution, autant le nôtre paraît dépourvu d'unité. Il 
n'a môme pas un nom qui lui appartienne. On l'appelle im- 
proprement ophitisme. A première vue, on n'aperçoit qu'une 
variété de sectes, aux appellations les plus diverses. On re- 
marque ensuite qu'elles se partagent en tendances morales 
opposées. On se demande quel peut ëlre le lien qui leur soit 
commun. Ce lien existe néanmoins. C'est dans les idées, 
dans les notions fondamentales de Diea, de l'origine du mal, 
du Christ, de la rédemption, qu'on le trouve. Nos sectes, si 
diverses qu'elles soient et si divergents que soient les cou- 
rants qui les entraînent, ont une sorte de sysli^me qui leur 
est commun à toutes. C'est ce que M. Cari Schmidl a mis en 
pleine lumière. N'y aurait-il pas avantage à marquer celte 
unité qui perce au milieu même d'une si grande diversité? Ne 
serait'il pas commode en même temps que conforme aux 
faits réels de désigner nos sectes gnostiqties par une commune 
appellation? Celle de néo-gnosticisme nous paraît tout indi- 
quée. Elle implique nettement que le gnosticisme du m* siècle 
ne doit pas èlre confondu avec celui du siècle précédent. 
Il a sa physionomie à part. Elle marque aussi ce fdil 
capital : le renouveau du gnosticisme au tu' siècle. Il n'a 
jamais été plus dangereux pour l'Église. C'est le signe de sa 
renaissauce. Enfin M est au gnosticisme en génér&l, ce 
qu'est le néo-plalonisme ;t la philosophie grecque tout entière. 
L'appeler néo-gnosticisme, c'est faire songer à l'analogie 



348 



lEVrC r>K LfftSTDIU DES BEUCIO.V-<t^ 



du râle qu'il a joué avec celui que Plotin a illustré. 

L'originalité de ootre gnosticisme se roîl avec évideace 
dès que Ton en dégage les traits essenliela. W est facile alors 
de reconnaître qu'ils lui sonl propres et que c'est par là 
qu'il se distingue du goosticisme anlénear. Quels sont ces 
traits? 

Remarquons tout d'abord que le néo-gnosticisme (ead k' 
absorber dans son sein les écoles et les sectes qui l'ont pré- 
cédé. II attire à lui notammeat les survivants des grandes 
écoles gnosliques du ii' siècle. Il s'approprie leurs doctrines 
qu'il amalgame aux sieunes, en même temps qu'il se les an- 
nexe eux-mêmes. C'est ce que nous révèlent avec la plus 
grande clarté les écrits anonymes des PkUomphumena. On 
a vu que les systèmes divers qu'ils nous font connaître pro 
cèdent, selon toute vraisemblance, d'un système ophitaj 
unique. Ce qu'il y a de très significatif, c'est que parmi ces 
systèmes il y eu a deux qui figurent sous les noms de Basi- 
Hdeetde Valentiri.Orqu'y trouve-l-OD? Le même fonds d'aidées 
que dans les autres systèmes anonymes. 11 est clair que ces 
systèmes que l'on attribue à Basilide el à Valentiu, dérivent 
eux aussi du système ophite dont tous les autres ne sont que 
des variétés. En dépit de l'étiquette, c'est la même marchan- ii 
dise» et comme les systèmes ophites des Philosophumena, ils ^Ê 
relèvent du n6o-gnosticisme> D'autre part, ce n'est pas tout 
à fait sans raison que les noms de Basilide et do Valentin ont 
été accolés à deux variétés de gnosticisme que rophitismo 
aie droit de revendiquer. Il s'y môle, enetret,de trèsaulhôn- 
tiques doctrines et de Basilide et de Valentin. La part est 
largement faite à quelques-unes de leurs principales idées. 
Les systèmes que Fauteur des Philosophumena met sur leur 
compte, d'après les écrits anonymes qu'il possède, présentent 
ainsi un curieux mélange de doctrines d'origine et de date 
très diverses. Ils démontrent ce fait, c'est que le néo-gnosli- 
cisrae.dans ce cas particulier l'opliitisme, tendait 1 s'infîltrer 
dans les écoles plus anciennes, à se combiner avec des doc- 
trines qui n'étaient pas las siennes, et à marquer de son em- 



ISTHODITCnON A l'ÉTUDE Dtl GNOSTiaSMÏ 



349 



preinle d'aulres formes de gnoslicîsme. Cela nti dénole-l-il 
pas une force remarquable d'absorption, el ce trait, ciitle ap- 
titude h s'assimiler d'aulres éléments, n'esMI pas le signe 
mômo de la vigueur vitale? 

Les écrits gnostiques de langue copie trahissent la même 
tendance. On a longtemps cru que la Pîsfis Sophia était un 
ouvrage de Valenlin lui-même. M. Amélineau retrouve Basi- 
lide et Valenlin dans cet écrit el dans ceux du papyrus de 
Bruce. Il attribue à ce dernier celui de ces écrits qu'il consi- 
dère comme le plus ancien. Ce sont 1<^ des hypothèses qu'il a 
fallu abandonner. Elles n'ont pas, cependant, été émises sans 
raison. Uy a beaucoup de valentiuianisme dans nos écrits 
coptes. Certes le système dont ils témoignent ne relève pasde 
Vatectin; il a manifestement d'autres origines. M. Schmidt 
en a, par sa minutieuse analyse, établi l'indépendance et l'ori- 
ginalité relative, il n'en est pas moins cerlain que ses auteurs 
ont emprunté d'importants éléments à la métaphysique de 
leur illustre devancier. Leur doctrine, notamment de la Pis- 
lis Sopbia elle-même, ne faitque développerune notion toute 
valentinienne. Qu'est-ce â. dire, sinon que nous avons dans 
les écrits coptes comme dans les systèmes anonymes des 
Philoxophumena ^wn^iorme de gnoslicisme dont c'estle propre 
de s'assimiler et de s'amalgamer daos les doctrines guos 
tiques plus anciennes ce qui lui convient? Cet éclectisme té- 
moigne d'une rare souplesse, signe elle-même de vigueur. 
C'est ainsi que les organismes robustes absorbent les élé- 
ments qu'ils rencontrent el n'en sont pas absorbés. 

Nous ne craignons pas d'affirmer qu'une analyse minu- 
tieuse du système néo-gnoslique aurait pou r résultat do mettre 
en pleine lumière le trait que nous venons de marquer. Du 
même coup, on se rendrait compte de la différence essentielle 
qu'il y a entre le gnosticisme du m" siècle el celui du siècle 
précédent. Que l'on songe, pur exemple^ au système de Va- 
lenlin, non pas tel que Ta fait la tradition ecclésiastique, mais 
tel qu'il se dégage des fragments aulhontiques. Il n'est nuU 
lement éclectique à ia fatjon du néo-gnoBticisme, Sans doute, 



330 



KEVCI bC l'uISTOIBE usa (tetlGIONS 



il s'inspire de ces tendances générales qui régnaieal at&al 
lui et qui consLituaientce qu'on pourrait appeler le gnosU- 
cisme avant la lettre. Mais il y a loin de lu à eaiprunler h 
d'autres systèmes des idées et des doctrines toulfsfatles, fù!- 
ne pour les démarquer et les faire siennes. Le valenlinîanisme 
primitif est simplement ua compromis entre le chrisliaDisme 
et la pliilosophie. C*est une ébauche de théologie gréco-cUré- 
tienne. Les deux éléments qui le composent rornaenl ua loul, 
homogène et compacL Jamais il ne s'incorpore, comme 
néo-gnoBticisniti, des doctrineâ qu'il juxtapose à câté d 
siennes sans les modiUer. 

A l'exemple d'Hippolyte dans sa Rtftitalio, les écrîvam? 
ecclésiastiques reprochent volontiers aux gnosliques d'être 
plagiaires des philosopher. Il est cerlain qnc les hérétiques 
du II' siècle étaient bien plus versés dans la connaissance de | 
la philosophie grecque que leurs émules catholiques. Il y a, 
eependant, à cet égard une notable difTéreuce entre le gnosti-' 
cisme classique et noire néo-gnusticisme, L'infériorilé phi- 
losophique de celui-ci est frappante. Basilide, Valentin, Gar-j 
pocrale sont desphilosoplies de race. Clément d'Alexacdrie 
nous a conservé d'Épiphane, fils de Carpocrato, un fragmenl 
qui est un modUe de discussion philosophique. O^i^ l'on com- 
pare ces hommes, si mince que soit le hagage littéraire au- 
thentique qui nous en reste, aux Justin, aux TalieD, aux Alh6- 
nagore, on n'hésitera pas à les placer comme philosophes 
hien au-dessus de ceux-ci. Pourrait-on en dire autant de nos 
néo-gnosliques? Leurs plus brillanls philosophes sont les ano- 
nymes des P/iilosophufUena, et parmi ceux-ci, deux en parti- 
culier, le gnostique de la notice des Pérates et le pseudo-Ba- 
sîljdo, Ils formulent, en effet, avec netteté une ou deux notions 
de provenance incontestablement philosophique. Ils ont tout 
l'air d'avoir fréquenté les écoles. Mais dansquel fatras d'idées 
disparates empruntées tantôt à l'Écriture sainte, tantôt à la 
mj'Ibologie, Ces deux ou trois conceptions philosophiques se 
trouvent-elles noyées! K\\ vérité, ci^a écrits anonymes dont 
tlippolyle faisait tant de cas, sont de bieo pauvres produc- 



IMTRO&L'CTtON Â l'éTUDE DU GSOSTICISMB 



351 



fions. Quel abime les sépare des spéculations de sii ftère nllure 
d'un Valenlinl Quelle cbuLe de la pensée philosophique! 

Elle esl plus seusible encore dttns la Phtis Sophia et les li- 
vres de Jeu. Sans doule, on peut extraire de ces écrits une 
sorte demétaphysique, de cosmologie et de théosophie. C'est 
cequ'afaitM. Schmidl. Mais peut on domier, kun litre quel- 
conque, le nom de philosophie h ces élucubralions de nos 
gnosliques coptes? Elles relèvent bien plutôt de la mytholo- 
gie. On cherchepait en vain l'idée philosophique dont s'est 
inspiré l'eâprlt qui les a imaginées. Au lieu du monde intel- 
ligible (Ks9ti-s^ voi^iâ;) des platoniciens^ on nous présente ce 
qu'on appelle le » trésor de lumière ", c'esl-à-dire un monde 
lumineux, et au lieu des idées éternelles, on déroule devant 
nous une longue hiérarchie d'archontes etc. La seule chose 
qui rappelle la philosophie^ ce sont, dans la Piiiis Sophia^ les 
questions que font les disciples au Ressuscité au sujet des 
châtiments qui ^oM réservés aux pécheurs après la mort. 
C'était là évidemment un sujet de préoccupation et de dis- 
cussion très vives chez nos gnosliques'. Pour le reste, ils 
s'abandonnaient à leur imagination ou s'inspiraient de leurs 
besoins religieux beaucoup plus qu'ils ne raisonnaient. 

Dans son élude si documentée sur les rapports de Plotin 
avec les gnosliques, M. Schmidl fait revivre toute la codLto- 
vcrse que le célèbre philosophe entama avec ces derniers*. 
Toute rargumenlalion de Plotin lend à démontrer que ses 
adversaires pèchent contre la philosophie, son esprit et ses 
priacipes. Leurs doctrines sont donc absurdes pour un phi- 
losophe. C'est ce que Plolîu n'a pas de peine à prouver. Un 
exemple typique est la critique qu'il fait des hiérarchies 
d'hyposlases dont les gnostique? peuplaient le monde trans- 
cendant. Pour lui, la pensée et 1 être ^onl inséparables; en 
réalité, ilssont identiques. CeprincipeassureTunité du monde 
transcendant. En y introduisant une série d'hypostasesîndé- 

i> Pij(wS<»pAfo,§380et9ttivanU. 

2] PloliH't Sietiung ium Gnostieismus unti Ktrefttiehen ChrùUntum, i^î, 
p. 30. 



ISTRODDCnorf A L ÉTUDB DU GSOSTiaSMB 



353 



Brahmanes, les Mages, les Égypliens, et môme chez les Juifs. 
Nos gnosUques ont poussé le syncrôlisme jusqu'à ses der- 
nières limites. Ainsi les notices d'écrits anonymes des Phtio- 
sophumena nous offrent ua pêle-mêle inimagiaable des ays- 
(èmes, des (radilions, des croyances les plus disparates. Celle 
qui l'emporte à cet égard sur les autres, c^esl la notice sur 
les Naassènes. C'est uu toul-y-va. Textes bibliques et mythes 
grec», philosophie el astrologie, la Grèce, l'Orient, le Cbris- 
lianisme s'y rencontrent, se mêlent et se fusionnent au hasard 
des rapprochements'. ËvidemmeQt l'homme qui a imaginé 
le système des Naassènes était un esprit sans aucun discer- 
nement, ouvert à loua les vents, puisant n'importe où images 
et idées. 

Le syncrétisme n'est pas moins caractéristique du gnos- 
ticisme des documents coptes, quoiqu'il soit peut-âtremoinï 
apparent. Il se trahit par le nombre et la diversité des nom» 
bizarres qu'on y attribue aux hôtes du monde suprasensible. 
En voici quelques exemples ; Barbelo, Jaldabaolh, Sabaoth, 
Adamas ; toulela série des archontes, Kronos, Ares, lliirmès 
Aphrodite, Zeus, Paraptes, Ariuth, Hécalé, Parhédron, Ty- 
phon, Jachthanabas, etc. ;le groupe des iourmenteurs. Per- 
séphoné, Ariel, Jaluhas, etc. Quelle est la provenunce de ces 
appetlalioQs ? L,'hellénisme aussi bien que le sémilisme, la 
mythologie classique comme l'Ancien Testament, sans par- 
ler d'autres sources inconnues, ont concouru à les former. 
Il n'en va pas autrement des multiples formules d'iacanta- 
lion, des sceaux, des gemmes dont il est question dans les 
livres de Jeu. Notre gnosticisme de langue copte faitrefTet 
d'un vaste océan alimealé par d'innombrables cours d'eaux. 
Ce qu'il y a de fâcheux, c'est que Ton n'est pas encore 
bien fixé sur l'origine de tous ces cours d'eaux. Derrière le 
gnostîcisme de la Putis Sophia el des livres de Jeu, se pro- 
lilenl vaguement la Grèce, rÉgypte, la Perse, Babylone. Dans 



1) Un aiempte Iris curieux du syncrétisme des gnosUques d'Hippolyte doui 
est otterl dans ta nO'Uoe de Justin legnoslique. 



RBVUB DE LniSTOlRE DES HCUGtOHS 



•qui 

1 



quelle mesure leurs diverses Lradilions oDt-eltes contriliaé 
h former le gnosticîsme copie, on ne peut encore le dire 
uvec précision. Mais ^e que l'on peut affirmer, c'est que 
toutes y ont collaboré. Ce néo-gaoslicisme eslun Truil datjn.' 
crélisme. 

En cela encore, il âs distiague netlemeiil du giiostîci 
lie Tâge précédent. Assurément Marcion n'esl pas ua s 
crétisle. Ne voulaJI-il pas affranchir le christianisme de t 
judaismeel en éliminer jusqu'au levain de r Ane JenTestami 
VaientiD sembiuil, par la souplesse et la largeur de son 
prit, plus ouvert aux îatluences du detiora. En réalité, cotre 
]r' chriâiianisme, il n'y a eu que là philosophie grocqu 
qui ail contribué à former sou génie. Elle a façonné sa p 
sée à lel point que même lorsqu'il s'approprie une idée e 
tique, comme celle des syzygies, il la transforme t'I 
marque à l'empreinte du génie philoiiophique de laGrè». 
Que l'on dégage, d'après les documents les plus authentique'^, 
le valentinianismc primiliF des superfêlations posiérieurei 
qui le recouvrent, et l'on n'y trouvera qa'une philoso[>hif_j 
chrétienne^ simple combinaison de christianisme et d'helllH 
nisme. Il n'y a pas trace decelélrange mélange de toutes l« 
mythologiês qui remplit les notices d'Hîppolyte. 

Ainsi tandis que, dans l'âge classique du gnostîcîsme, les 
matires sont des hommes de talent, presque tous si forlem^Dl 
imbus des préjugés du philosophe grec qu^ils ne peuvent 
s'accommoder même de l'Ancien Testament; au siècle hii- 
vant on a affaire à des hommes de demi-culture, beaucoup 
moins Grecs d'esprit^ ne possédant qu'une connaissance m»?- 
dlûcre de la philosophie. 11 n'est pas surprenant qu'ils aieol 
donné avec tant de complaisance dans le syncrélisrae de 
temps. 

Ce qui est bien caractéristique du néo-gnoslicisme, c'nt 
rimporlancc qu'il allache au rite. Les livres de Jeu sont une 
sorte de manuel de riti alismegno&tique. Dans le qualriè 
livre de la Pisiis Sophia, on nous montre Jésus le hes3U»ci 
instituant soltinaellement un rite qui rappelle k la foi» 




INTRODUCTION & l'ATUDE DU GKOSTICISMË 



36S 



baplêma et Teocharisiie ■. Il Tâppelle un mystère: dabù 
voèis lAJimipiov reffnl caelorum ut vos quoque faciatis ea homini- 
hus. Après divers préliminaires, la cort^moiiîe commence. 
Les disciples apporlent du feu et des palmes Jésus présente 
TolVrande; il met deux vases de vin ï'un à droite, l'aulre à 
gauche de celle-ci. Il place l'offrande en face des disciples. 
11 pose une coupe d'eau devant le vase de vin qui est à droits 
et une coupe de vin devant celui qui est à gauche. Il met entre 
les deux coupes autant de pains qu'il y a de disciples et der- 
rière les pains une coupe d'eau. 

Jésus est debout devant l'offrande; les disciples vêtus de 
lin sont derrière lui. \h tiennent dans leurs mains le caillou 
(f|rf;çoî) portant le nom «du Père du trésor de lumière ». Puis 
Jésus prie. Son oraison est coupée par de longues séries de 
mots bizarres, sortes d'éjaculalions sans aucun sens. Ua 
signe d'exaucement se produit, Jésus déclare alors aux dis- 
ciples que leurs pochés leur sont pardonnes et qu'ils appar- 
tiennent au royaume de son Père. 

Nous possédons, dans le deuiième livre deJeû, une des- 
cription du mémo rite qui éclaire d'une vive lumière celle de 
la hislis Sopfm '). M. Schmidt estime que ce rite n'est autre 
que le baptême gnoslique. Nous inclinons à croire qu'il a rai- 
son. Uesl cependant d'un intérêt secondaire de savoir si ceiitii 
est un baptême ou une sorte de sacrement de pénitence ou en- 
fin une eucharistie. Ce qui neTcst pas, c'est le genre d'efficace 
que nos gnosliqucs allribuenl ati mystère qu'ils nous dé- 
peignent avec tant d'onction. [)'aprës euXj il possède le pou- 
voir d'elTacer les fautes et de procurer la rémission des pé- 
chés*. Il suffit d'avoir accompli le rite pour être assuré du 

i) P;(tisS«pAi«i, IS 375-377. 

2) Papyrus d* Bruce, ^ 54. C'eit le dAbirt du H. livra de J*û. lE sulHt iIb 
medre en coIonnaE parallèles, comme ]'& Xiyt M. Schmidt, Fes deux testes, c,.lui 
de la Pt'sCts Sùphui et ââlui Aa p.ipyru3 île Bruce, pour se convaincre que ces 
testes noue olTreat deux descriptions -lu mAme rite. Toute ta dilTérence, c'eoC 
que In Hestripliiin du papyrus est plug étendue, Voif C. Scliraidt, op. cit., p. 
4?7. 

3) Après la cérémonie Jésus s'écrie, dftni lu PtutU Sôphia, en s'adreMont 



356 



REVU! DE LSISTÛIRC OSS EllXtCïOttS 



pardoD. Le geste en soi a une verlu purificatrice. C'est! 
opérai If t?t. 

Le mystère que célèbre le Ressuscité est suivi de deui 
autres plus solennels encore. La description en est doDoé^ 
dans le deuxième livre de Jeu. Ces trois mystères sont ap- 
pelés le baptême d'eau, le baptême de feu et le baptéi 
d'eâprit. En même temps, Jésus donne à ses disciples d^ 
sceaux. L'effet eu est une effusion croissanlede pardon. Je: 
célèbre un dernier mystère, qui a pour rt^suUat de faire diti^ 
paraître la malveillance des Archontes et de conférer J'im^ 
mortalitô aux disciples. 

Après les mystères qui s'accomplissent sur la (erre, vi* 
la série de ceux qui appartiennent au monde Iranscendar 
Les disciples y seront initiés après leur mort, Jésus leur fi 
connaître les t'ormules et les gestes qui leur donneront accl 
à ces mystères. Tout le reste du deuxième livre de Jeu 
rempli des recottes magiques qui leur ouvriront successive 
ment les régions que gardent les Archontes et autres enlît^ 
du monde suprasensible *. 



aux diBciptes.; Gaui'efe, laetemmi quod remheruni veÈiTapeccata. Il AJ-ouWqTit 
ce [LvaTr\piav aura la Tnèine erficace pour les liommea qui croiront ; at'2Uf fornu^ 
peecata eorumiMe luoiica; delehunt usque ad hum diem dunlibus vatiis 

hoc ti-uimipiav Hoc est ttvvTf,ptaw oXïiEkiaî panTus^Tni; horum qui remit 

eorum peccQta et occulenl eorum ccvoii-cci;. Jfuc est ^aTtTia\ui primat T^poirçft^i; la- 
troducvntis in touov aiïietion et tnfwî îfi Toitox [umitiis. Dès le déhul ait 
II' livre de Jêù, nous lisons que Jésus déclare à b«b disciples que les mvgUnt 
qu'il va leur révéler eir&c«nt Lous les pécliéa : n Und alleSunden welcbe si vti- 
geailÎËh odërunwUseiiilich began^en haben, IcrscbenÊienlle^us. n Après twoir 
célébré te mysLère (|iie In. Pistis Sophia nous fuit conaallre, JèEua baptî&e m 
diBcipleB. Auâsltai fr die Jiinjger wafcn in aelir grosser Freude d^gg ibreSi 
den vergeben vv^ren », § 62. 

i) M. C. Schmidt consacre aux mysières de no^RnosCiques un des cbapiires 
Les plus remarquables de son étude. Il l'a. inlîlulé, Die Lehrc von den Mffit 
p. 475 et suivantes. L'auteur mantre d'abord ce que Et>nC eee niys|^r?s, i] él 
1res ea détail [es- deux descriptions de en qu'il appelle le baptt^m? gnosliquei 
en6n, s'appuyant sur les lexles coptee, il cair&cLérisele gnosLicisme toul«Dl» 
C'est UD^ E-elïgÎQn el non une ibéologie ; les gnostiques sonl des myst 
On B'est trompé lorsqu'on les a pris pour desphilaiopbes trop pressés d'tc 
moder le cbrielianienie i la philoaopbie. La tbèse de M. Scbmidt s'appliquel 
merreillA au nëogno&ticlsiae, mais de quel droit gënèr«lise-t-on les donnée» 



UtTBOOlICTIOH A L ÉTUDE DC GNOStICISMB 



357 



C'ei^ttoutun système de rites eipialoires, de sacrements 
efficaces accompagnés de Formules étranges, qui tous ont 
pour effet d'effacer, par une sorte de vertu implicite, les fautes 
elles péchés. Itn'y a pas^dans tout ce fatras^ un mot qui Im^ 
plique une préoccupation vraiment morale. 11 n'est pas ques- 
tion d'une purification intérieure, Le rileà lui seul oblitère 
la faute et procure le pardon. L'idée que nos gnosliques se 
font de la rédemption relève essentiellement de la magie. 

L'origine de ce rilaalisme gnostique n'est pas douteuse. 
C'est dans les mystères grecs qu'il faut la chercher. On sait 
qufll puissant essor prennent dès le n' siècle de notre 
ère ces formes de culte, A cût6 des anciens mystères, de nou- 
reaui paraissent. Tous jouissent d'une égale popularité'. 
L'analogie que l'on conslale entre les rites caractéristiques 
des mystères, notamment les notions que symbolisent ces 
rites, et, d'autre part, les rites de dos gnostiques en même 
temps que les idées qu'ils atlachaieut h ces rîtes, est assez 
frappante pour que la parenté ne puisse être contestée '. 

Le ritualisme est particulier au néo-gnosticisme. C'est 
peut-être son caractère le plus saillant. Il est évident qu'au 
m" siècle la plupart des écoles gnostiques se transforment 
ea associations religieuses. La foi au rite, k sa vertu effî* 

Lezte& Aulh coliques 1»$ plus réi^als ? OCl Eoal les tâxtâi do premièrâ oi&in 
ëtablUsant que le» Tondateurs ies grandes écoles avaienl la mâine cOQ'cepLioH 
toute rilualiftle ? 

1) n surnt de rearover le tirciteur è. l'ourra^e de M. S. Héville, La religi9n 
iOUS Itt Sévirts, 

2} Ceet ce que M. Anricb a fort bien démontré, dans le chipître de son besu 
livre 'ju'il a eonsAci^ aux inyslères dana Igurs r&pporLs avec le gnoKliclstue : 
Dos antiie Myeterienweîen, 189\, p. 74 et suivanleâ. Il meL eti pleine lumière 
ce que nouB appelons ici le riLualisoie gnostique. M. Annch^ ik l'exemple de 
M. Schmidl, y voit le caractère essentiel du ^0Bticis[ii« lout entier. Fort 
heureusement, il nûus dftone lai-mônift le moyefl de corriger ce qu'il y & d'exa- 
géré dans son polol de vue. Où trouve-l*tl les textes qui ètabliesent sa IhèseY 
ttnïquement dans les 'lûcuments copies etdafia Its parties d'Irénèe qui reposent 
sur deadaiiaées plus récentes que le reste, c'est-à-dire, dans les documeDlB miimes 
du néognosticiame. Le seul tieite qui attribue à un gnosLique àa premier :\ge 
l'inslitutioq d'un rite efTicace en toi, se n^duil >i un mot d'Irénée den^ »a Dotîce 
sur Ménandre. Or ce trait n« se trouve pas daae le ^Sûw-raYpa d'Hîppolyle t 



35B 



BEVtiE DE LBISTOIHÉ DES ttELtOIONS 



cace fait du gaostique, du chrétien épris de connaissane 
un mystagogue qui cherche dans des rites et dans des for- 
mules sacramentelles la rémission de ses fautes» le pouvoir! 
monler jusqu'à Dieu et l'immortalilé. C'est une vérflablei 
vôlulion qui s'accomplit au sein du gnosltcisme. Elle s'a 
nonce et se prépare dès la troisième génération Le valet 
DJanisme offrait un terrain sinfulièrement propice au rilo^ 
lisme. Le%Exrerpta T/iÉodolJ ,Uè âocutnents les plus rCcenL» 
dont Irénée sesert pour sa (îescriplion de la doclrine di? V^ 
lenlin, les procédés que l'habile Marcus mettait en oeui 
pour faire des dupes, ce ?ont là des documcats et des fai 
bien authentiques, qui marquent le moment précis où legot 
ticisme entre dans une phase nouvplle et s'apprête à devenir^ 
dès le début du tu" siècle, ce que nous appelons le néo-gnc 
ticisme. 

Le résultat le plus clairde la discussion critique des doci 
menlsdugnoslicisme, n'esl-il pas de nous faire une obligalion" 
sé'vère de n'accepter qu'avec les plus expresses réserves, toul 
ce que les écrivains ecclésiastiques affirmetit au sujel de^ 
grands gnostiques du u" siècle? Le peu de lumière qui nous 
vientdesdocumeuts ou fragments de documents aulhenliqufr> 
de cette époque, nous les montre sous un jour tout nouv{>au. 
Leur vraie physionomie ne ressemble en rien à celle que leur 
a prêtée la tradition. Les écrivains ecclésiastiques ont et* 
victimes d'une illusion d'optique encore plus que de leurs 
préventions, De même qu'Eusèbe s''est fait du christianisait 
des deux premiers siècles une idée qui ne s'appliquait pàs 
cette époque^ et qu'il a transporté le présent dans le pas^j,' 
de même aussi les écrivains antignostiques ont vu le gnos- 
ticisme à travers le gnoslicisme qu'ils avaient sous les yeoxj 
Erreur involonlaire^mais qui suffît pour lesdtsqualilier.NoL 
n'avons pas à tenir compte ni des portraits qu'ils tracent ai 
maîtres gnostiques, ni des appréciations qu'ils formulent 
leur sujet. 

Or quelle idée nous donnent de ces maîtres les fragments' 
qui nous ont été conservés? C'est qu'ils ont pour ta plupart. 



INTBO5DCT10N A L ÊTUJDK DD GSOSTICISMÈ 



3$9 



fréquenlû les écoles des philosophes, qu'ils soni imbus de 
Tespril el des doctrines de la philosophie de leur lemps et 
que tout leur effort a consisté à conciHer celle-ci aveclechris- 
liatiisine. Valentin n'est-îl pas, d'après ce qu'il écrit lui- 
même, un spéculaUf plafonicieD? Héracléon et lauleur de 
l'épttpc ?l Flore ne sont-rIs pas de savanls ex^giites et dof^ran- 
tîciens?Basilide, Epiphane, Isidore discutent absolument eu 
philosophes. Quel rapport y-a-t-il enlre de tels hommes el 
les auteurs de la Pisiis Sopkia ou des livres de Jeu? Ce sont 
deux tempéraments essentiellement différents. Les premiers 
ont leur place naturelle parmi les pythagoriciens ou les pla- 
toniciens du II' sifecle ; les autres se rangent par leurs affinités 
avec les myslagogues, les sectateurs des rehgîoas populaires, 
les gens curieux de magie et de recettes miraculeuses. 

Ce sont eux qui ont fini par l'emporter. Dès la fin du se- 
cond siècle, le rilualisme apparat! au sein du gnosticisme. 
U envahit complèlement certaines sectes, comme celles que 
nous révèlentles documents coptes. Il en chasse tout inlellec- 
iualiame. Ailleurs, il s'allie à une certaine culture philoso- 
phique. Tel le gnostîcisme des documents inédits Aa^ Philo- 
sopltumcna. Il se peut même que certains guostiqucs 
soient restés étrangers aux tendances qui entraînaient la 
plupart des sectes vers la magie et les mystères. Ceux que 
Plotin comptait dans son entourage avaient sans doute des 
préoccupations d'ordre plus philosophique que leurs frères 
de langue copte. 

Il est essentiel de ne pas confondre les gnosliques du pre- 
mierâge avec ceux qui étaient contemporains des Clément 
d'Alexandrie, des Irénée, des Tertullien, des Flippolyle, des 
Origène. Ce aérait tomber dans la même erreur que ces 
Père». On fausserait toute l'histoire du gitosticisme. Autre- 
fois on faisait indistinctement de tous tes guostiques des 
philosophes et de leurs sectes, des écoles. Depuis que nous 
possédons les documents coptes, ou ne voilplua dans les gnos- 
liques que des myslagogues, el dans leurs sectes que des as- 
sociations religieuses. On eslime qu*en réalité, la théologie 



360 



HBfUB I>i: L HISTOrilE DIS REL16T0NS 



n'était pas pour eux d'au$si grande importance que nous 
sommes portés à le croire ; l'essentiel, c'élait le culte el les 
rites. Mies uns ni les autres n'ont complèlemeol tort. Les 
uBCiens cHliques oct eu raison de prendre les maîtres du 
gnosticisme au u' siècle pour des Ihéoloj^iens. Ces théo- 
logiens ont jeté les fondements de la théologie et de l'exégèse 
eccfésiasiiques. D'aulre part, les criliques comme M. Schmidt 
ne se trompent pas en se représentant les gnosliques comme 
des myslagogues, pourvu qu'il soit entendu qu'il s'agit des 
giiostiques du m' siècle. 

Nus documents gnostiques de Ungue copte font jouer à 
Jésus, après sa résurrection, le rôle de révélateur. Dans la 
Pisik So/ukia, c'est lui qui dévoile à ses disciples les mys- 
tères du monde transcendant, qui les renseigne sur le sort 
des âmes après la mort et qui les initie aux riles purificaleurs 
du quatrième livre. Dans le papyrus de Bruce, c'est encore le 
Ressuscité qui communique aux siens les formules magiques 
qui leur livreront passage jusqu'au trésor de lumière. CTesl 
donc de lui qu'éntane îoul renseignement de ces écrits 
sacrés. Il en est le garant irrécusable. En donnant ainsi leur 
plus important enseignement comme une révélation du Christ 
lui-même, nos gnostiqnes ont-ils simplement voulu se ré- 
clamer de lui et juslifierleur titre de chrétiens? On l'a pensé. 
U nous semble qu'ils ont obéi à une préoccupation plus 
profonde dont ils n'étaient peut-être pas eux-mêmes bien 
GODscienIs. Us vivaient en un temps qui avait^ en toute 
chose, un besoin irrésistible d'autorité. Ce besoin se faisait 
tout particulièrement sentir dans les écoles de philosophes. 
On y poussait le culte des maîtres jusqu'à la superstilion. 
Péripatéliciens, stoïciens, néo-pythagoriciens et platoniciens 
exallaienlà l'envî les fondateurs de leurs sectes respectives.] 
Jamais on n'avait autant commenté Aristole et Platon. Jamais] 
Pylhagore n'avait reçu autant d'hommages. Plularque n'osaj 
pas hasarder une opinion sans la mettre sous le couvert de| 
Plalûu. Mais l'autorité des illustres fondateurs ne suffisaill 
pas h la pensée hésitante et timorée; celle-ci ne tarda pas il 



rNTHODDCTIOB JL l'ÉTUDE DD GMOSTICISM» 



361 



invoquer Taulûrilé des religions en vogue. Dans son De Lvde 
et Ostride, Plutarqae, à l'aide d'une savante exégèse allégo- 
rique, retrouve toute sa philosophie dans les vieux mythes 
égyptiens. Il ne la croît bien assise que sous la luLelle delà 
religion. C'est à un besoin analogue que les gnostiqnes 
obéissent lorsqu'ils font de Jésus lui-m&me le promulgateur 
de leurs plus chères doctrines. Elles n'auront de valeur el ne 
s'imposeront qu'à la condition d'émaner du Christ lui-même. 
Comme il était impossible à Texégèse la plus hardie de les 
déduire de ses paroles authentiques, ils l'ont fait parler 
après sa résurrection. 

Mais n'avaient-itspas autre chose encore en vue, lorsqu'ils 
faisaieatdu llessuscité un révélateur? Si l'on invoque l'auto- 
rité du Christ, ce n'est pas seulement parce qu'elle remonte 
aux origines du christianisme et qu'elle a pour elle le prestige 
de l'antiquité, c'est évidemment parce qu'elle a un caractère 
surhumain. Le Jésus de nos écrits de langue copte vient des 
sphères les plus hautes du monde transcendant, il en a ex- 
ploré toutes les régions, il en connaît tous les mystères; il 
en possède tous les mots de passe. Il apporte donc avec lui 
le secret des choses. Voilà pourquoi sa parole a une autorité 
incomparable, que ni la sainteté de sa vie, ni sa qualité de 
fondateur du christianisme ne lui auraient conférée. Devant 
un enseignement véritablement venu du ciel et communiqué 
par Jésus lui-m&me après sa résurrection, tous les doutes 
devaient dispara!treUa raison timorée pouvait se rassurer; 
il lui était permis enfin de s'appuyer sur une autorité irré- 
fragable. En ceci encore Je gnosticlsme ne fait que suivre son 
siècle. Lui aussi demande des autorités divines. L'antiquité 
ne lui surfit plus; il lui faut les garanties que seules donnent 
les religions. Pourquoi Plutarque consacre-t-il cinq ou six 
traités aux questions religieuses? pourquoi Iraite-t-il en 
détail des oracles, de la Providence, de l'interprétation du 
mythe d'fsis et d'Osiris? Assurément ce n'est pas simplement 
pour se mettre en règle avec les superstitions de son temps 
el so montrer accueillant aux idées populaires. Il s'exprime 

Si 



3ft4 



RIVDt DE L HISTOIRE DES K|L|GII>ir$ 



uussi éloigné que possible de celle inquiétude maladive qai 
pousse nos gnosliques k demander au œysière de suprêmes 
révélalions. 11 a une allègre confiance dans la raison et dans 
soD sens propre que a'ont jamais connue ses successeurs da 
m' si&cle, IMe faut-il pas en dire autant de Marcîon? Ne 
montre-t-il pas la même fermeté de propos et la même 
sobriété de pensée datis l'effort qu'il fait pour retrouver, à 
travers saint Paul, le christianisme vrai? Moins cuUivé el 
moins imbu de philosophie que Ptolémée ou Héracléon, il 
est du même tempérament iutellectael. Ils ne sont eacore^ 
ni les uns ni les autres, possédés du besoin de révélations 
suprasensibles et ne se croient pas perdus, s'ils ne peuvent 
s'appuyer sur une autorité surhumaine. Ainsi ressort une foi& 
de plus la profonde différence entre les gnosliques du pre- 
mier âge et ceux du ut' siècle. Ceux-ci sont bien des aéo- 
gnostiques'. 

Les observations que l'ont vient de lire établissent assez 
clairement que le gnosticisme du ni' siècle a son caractère 
propre. La plupart des sectes hérétiques se sont transfor- 
mées en associations religieuses et en confréries de mysta- 



t) M, Rudolf LLechte[ih8.n , doQt nous venons de mentionner les arUoIes, a 
spéci&lemBQt étudié C6 caraclère du goosticistne d&ns un livre intitulé : Die Of- 
fanbaniTig itn Gnosliçismus. [*a Ihèae de l'auleurest que in gnoBltqufls eaten- 
daienl représenter LouLe leur doctrine connne uoe révélation, nullement cocnine 
une philosophie ou ud« Ihaologie. Noire critique s'inspira des vues de MM. 
Koiïmanc (Die Gnosis nacfi ihfer Tendem und Organisation, 1S8I), Anrich, C. 
Schmidt, D'&prês lui, le gooslici^me a ùié unâ religion et non un^ tbÀolo^îe ; 
les g:nosti(]u(!s Bunt des hommes esseiiliellGcnenc religieux. Il le prouve en dé- 
Tuoiklranl qu'ils doiioaieot leur finsrigncmeiit pour une rërâlation. M. LiecbtCO- 
han a miB dd lumière un fait historique que l'on mûconnaisaail enticrement 
iiupa.ravaiil. La fteule critique qu'on doive lui Faire, c'«5t qu'il n'a pas «xk* 
temenl délimité le fait qu'il remet eti lumière. Sa thèse s'applique à mer' 
Veille Qu nëo-gnoaliciame ; elle n'est pus juste en ce qui concerne le giiosti* 
oisme classique. M. L. luï-mâme accorde que les maîtres tels que Builide, 
Valênlin, Marciont Epiphane étaient bien des thiologiens el ne se donnaient pas 
pour des prophètes. 1] ne trouve de Lejctea Traiment probants que dans tes do- 
djineatB du 111' sîÉcIe ou dans les données plus que su^pe^cties d'Irënée, d'Hip- 
polyte, d'Epiphaoe, Ici encore c'est une question de dëlimitatioa. N'appliiqoei 
pas au gnoslicisme tout entier ce qui D*est vrai que de sa dernière période. 



bSTllODlJCTlu.V A l'étude DU GSOSTICTSKE 



3«3 



avait la tradition el les Écritures ; mais lorsqu'elle voulait 
consacrer quelque pieuse légende ou accréditer quelque 
enseignement nouveau, elle suivailTexempIti du gDOSlicisme; 
il lui fallail un supplément d'autorités. Il est piquant de 
constater tout ce que l'Église doit au gnoslicisme! Après le 
riiualisme et les sacrements, c'est toute la littérature apo- 
cryphe et avec elle, la source même, où artistes et poètes 
chrétiens ont si longtemps puisé. 

Le besoin d'une autorité suprascnsible esi-il plus spêcia- 
Igmeni caractéristique du néo-giiosticisme?Ce qui csl cur- 
lain, c'est que, c'est bien au iri" siècle que ce besoin est le 
pins sensible chez les ;a;nostiques, Les documents qui nous en 
font connaître la nature parliculiëre sont tous de ce temps. 
C'est aussi au iir siècle que ce besoin produit son plein eQ'el. 
C'est alors que fleuritlapsi^udépigrapfaiegnostique. II semble 
donc que ce Irait, aus^i bienquele ritualisme, appartienncen 
propre au nijo-gnosticisme, llpst vraiquelesgnosliques con- 
temporains des mattres du second siècle, ne se sont pas l'atl 
Taule de prétendre à des origines apostoliques et de désigner 
nominativement les hommes de t'âg'e apostolique, qui leur 
avaient transmis la doctrîm^ qu'ils proft;ssaient. En cela, 
qu'oDt-iU fait de plus que les catholiques? Il y a encore loin 
de cette prétention qui veut se rattacher aux ancêtres apos- 
toliques à l'audace qui consistai! à évoquer, pour les mettre 
en scène et les faire parler, les plus vénérables personnages 
bibliques et notamment le Christ lui-même. D'ailleurs l'esprit 
même qui perce dans les quelques fragments d'écrits gnos- 
liques du ti" siècle, n'est pas compatible avec ce besoin 
morbide de révélations supraseosibles qui caractérise nos 
aéû-gnosliques. (Jue l'on se souvienne de ce petit chef* 
dV-uvre de critique religieuse qu'est la lettre de Ptoîéméc à 
Flore. Avec quelle liberté^ et en même lemps avec quelle 
modéralion, l'autour discute la valeur morale el spirituelle 
de l'Ancien TesUmentI Avec quelle netteté, il érige les 
paroles de Jésus, conservées dans les Évangiles, en critères 
abi^ulus de morale et de religion! Assurément celui-là est 



366 



«tvrc »> t'aiSTOitE dis itzLiaions 



cisme, nouaavuus conclu qa'îlfAut mettre au pr<:iDierplanks 
documents gnosliques eux-mèmeâ el que, c'esl d'enx seob 
qu'U cooYÏeal de tirer te crilère qui permet d^apprécîer 
l'exacte râleur hiâtorique des sources ecclésiastiques. 

n a suffi d'appliquer ce principe ou celle règle avec on peu 
de rigoeur pour constater qu'il y a lieu de distinguer, dans 
rhistoiredu gno^ticisme, des périodes qui se succèdent mais 
qui ne se ressemblent pas. A la lumière des documents 
auUiealiques, si faible qu'elle soil, on voit se dessiner les 
grandes phases d'une évolution des diverses écoles goos 
tiqaeâ. L'ordre commeDCa à se faire dans cecbaos; la logique 
et avec elle la psychologie reprennent leurs droits; oq dis 
cerne enlln dani les ténèbres épaisses du guosJieisme quelques 
points lumineux. Voilà ce que la Iraditîon ecclésiastique ne 
nous aur&it Jamais permis de soupçonner, pas plus du reste 
qu'elle n'a l&ï^é mâme entrevoir le vrai caractère du chris- 
tianisme du premier dge. Dan$ l'un comme dans l'autre cas, 
ce sont uiniquenient les pièces authentiques qui oui révélé la 
Térité historique'. 

On arouera que du moment que l'on accorde que le gno5- 
tici:<ime a évolué au n' el au [u" siècle, son histoire prend 
Dêct^ss^airement un Lout autre aspect. Elle cesse d'être une 
collection fort curieuse de systèmes et de sectes, simplement 
juxtaposés comme des rameaux issus d'uu même tronc : elle 
udevienl une histoire d'idées et d'aspirations qui prouvent 
'^ti*eUes sont vivantes et liumaines par cela seul qu'elles se 
développent, se transforment, apparaissent et disparaissent. 

ItCesl un (nie <ju'à la fin du ii* siècle, on ignore, daoE l'Église, es qu'a èle 
h faMlictsme & ses débuLs ; on se le représente tel qu'o-n le voyait sous ses 
fia.?tou8 n'eivoyoïis le lecieur à. ce que nous &Tons exposé au rommence- 
■Mk<t* aotrv iroisiême partie, Clénieal d'Alexandrie est le seul qui sache ea- 
«mtbMnlé. Nous avons cilé le texle capital qui prouve à la fois sa cott- 
MiOMM des faits et la. IranKfQrmalton proronde qui 3'èta.il produite dans 
rm 4ês prinoipales sectas. GlémeEii: fait exception parmi les hommes 
4*4^bk4l*>n t«mpï. Ir^nèe, TeirLullien, Hippalyte n'ont pai plus l'idée dece 
(|i'Wlli pMlicisnie de Basilide, de ValenlJn ou de Marcion. qu'Eusèb« n'a 
Ti V«« 4* «« ^«'4tn>it r^piacopat la début du ii* siècle ou l«s croyAnci^s chT«- 
Tinnii k h wimt époque. 



INTRODUCTION A l'ËTUOS DU CNOSTICISMB 



367 



Les grandes lignes de cette histoire se dégagent aisémeLil dus 
documents, une fois qu'on les a classés. 

Le gnosticisme fermente déjà, dans l'ambre, au siècle apos- 
tolique. C'est la période obscure oii s'élaborent les diverses 
tendances, qui donneront naissance aux grandes écoles du 
II* siècle. 

Celles-ci apparaissent avec tes Gaâilide, les Valentin, les 
Marcion, le& Carpocrale. C'est l'époque créatrice. Ces mattres 
formulent toutes les idées maîtresses dont vivront leurs suc- 
cesseurs. 

Vient ensuite une troisième pi^riode : c'est celle des suc- 
cesseurs immédiats des fondateurs. Ptolémée, Héracléon, 
Isidore, Épipliane, Apelle n'ajoutent rien d'essentiels Vhd- 
rilage des maîtres, mais ils en classent et ordonnent les 
ricbesses. Cela est particulièremeiil sensible dans l'école de 
Valentin. 

On pourrait appeler la période que remplissent les fonda- 
teurs et leurs premiers disciples^ c'est-à-dire tout le milieu 
du 11' siècle, l'âge classique du gnosticisme. 

En effet, vers la fin du ti' siècle, ici un peu plus tôt. \k un 
peu plus tard, sans qu'il soit possible de préciser une date, 
se prépare une transformation radicale de toutes les sectes 
guosliques. 

C'est à ce momenl-Ià, que l'on peut dire que le marcio- 
nisme fausse compagnie aux autres sectes gnosliques. Il s'est 
transformé en une église fermée; il va suivre des destinées à 
part. Il ne sera bientôt plus possible dcrassimiterauxaulres 
écoles ou sectes guosliques. Il serait plus exact de le rappro- 
cher du montauisme. Vers la fin du u° siècle, montanistes et 
marcioniles ont plus d'un point ea commun et, à bien des 
égards, auront des destinées analogues. 

Les dernières années du it" siècle marquent ta période de 
transition entre l'ancien et le nouveau gnosticisme. Enfin au 
m* siècle, apparaîtra ce gnosticisme syucrétisle, avide de 
spéculations qui témoignent d'une tournure d'esprit plus 
mythologique que philosophique, adonné tout entier aux 



368 



tlWVCZ DK l BÏSTOIfIC bES IIEUeiO!tS 



rites et aux formules magiques, que nous avoDs dépeint 
d*aprèâ les textes. liAas sa dernière phase, le gDOSticisine 
est deveoD aoe religion semblable à celles que Dons révèlent 
les mystères et les cultes exotiques de la m^me époque. 

Ce que Ton accordera sans peine, nous semble-l-il, c'est 
que le gnosticîsme ne doit pas être envisagé comme mte 
sorte de bloc homogëDe. Plus on étudie les documenta orig- 
naux, et plus un est frappé delà variété et de la richesse des 
aspects et des formes qu'il revêt. 11 faut s'attendre à ce quâ 

toute nouvelle découverte d'écrits ou fragmeoisd' écrits gnos^ 
tiques, ait pour résullal de rendre plus évidente encore la 
comptexilé du phénomène, que nous avons l'habitude d'em- 
brasser sous une même rubrique. Déjà la critique se demande 
s'il n'y a pas lieu de détacher le marcionisme entièrement du 
bloc gnostique'. Il faudra lût ou lard en faire autant, sinoQ 
pour les autres écoles gnostiques, du moins pour les périodes 
successives de leur existence. Le préjugé, hérité d'une tra- 
dition tant de fois séculaire^ que le gnosticisme forme ud 
tout compact, pèse encore sur nos critiques les plus récents. 
INous l'avons montré, ils ont raison de soutenir que les 
gnostîques des écrits coptes ne sonl rien moins que des théo- 
logiens, mais ils ont tort d'étendre au gnosticisme tout entier 
une afiirmalion, qui n'est juste que lorsqu'on l'applique aux 
associations gnostiques du m' siècle. On ne serait pas tombé 
dans cette nouvelle erreur, si l'on avait au préalable fait, dans 
te gnosticisme, tes distinctions nécessaires. 

Ce qui prouve combien on s'égare lorsqu'on veut englober 
dans un même tout les divers phénomènes de caractère 
gnostique, c'est l'impossibilité, oii se sont trouvés les meil- 
leurs historiens, de donner du gnosticisme une définition 
adéquate. Christian Baur, dans l'introduction de son livré sur 
le gnosticisme, montre avec raison que les déSnilioiis pro- 
posées par Neander et Motter sont inacceptables. Mais lui- 
même a-t-il réussi mieux que ses prédécesseurs, à définir le 



1) Litebleoban, opus cil,, p, 34. 



INTRODUCTION À l'ÉTUDK DU CNOSnCISMC 



369 



Protée qui leur échappai l ? La vaste synthèse qu'imagine son 
puissant esprit, synthèse qui enveloppe les gnostiques de 
tous les temps pour les absorber finalement dans l'hég^^Iia- 
nisme, relève peut-être de la philosophie; elle n'a rien k 
voir avec l'histoire. Il faut y renoncer. Le gnosticisme est uno 
expression commode, mais elle désigne un phénomène intini- 
ment complexe, ondoyant et divers. 

Ce qui nous paraît décisif en faveur de la méthode que 
nous préconisons, ce sont les avantages qui en découlent. 
Ne rend-elle pas le gnosticisme un peu plus intelligible? 
Ernest Renan le déGnit « une sorte de croup des plus dan- 
gereux qui fut sur le point d'étouffer le christianisme' n. 
Certes l'image est frappante, mais elle ti "explique pas le phé- 
nomèue dont il s'agit. Aux yeux de Tilluslre historien des 
OHffines du Chrùlianisme, le^noslicisme était une espèce de 
maladie, une aberration de l'intelligence, une bizarrerie dont 
on ne peut dire qu'une chose, c'est qu'elle était morbide. 
Autant dire que l'on renonce à l'expliquer. Tout autre appa- 
raît le gnosticisme. lorsqu'on en peut marquer les phases de 
développement, en suivre pendant deux siècles l'évolution et 
se rendre compte, que ce n'est que dans sa dernière période, 
qu'il donne décidément dans les extravagances, qui lui ont 
valu une si déplorable réputation. Combien alors il devient 
plus intéressant! Même sous la plume d'un Renan, il demeure 
fastidieux. Il le sera toujours tant qu'on n'appliquera pas à 
son étude d'autres méthodes. S'il semble revivre, dès qu'on 
lui restitue son histoire vraie, n'est-ce pas déjà un indice 
certain que I'od est sur la voie de le mieux comprendre? 

On voit mieux aussi le rôle qu'il a joué. Le gnosticisme 
semble rentrer dans l'histoire eJ y reprendre racine. Sa 
parenté au début avec la philosopfiie religieuse du ii* siècle 
s'aperçoit clairement; ses affinités, au m' siècle» avec les 
mystères et les divers cultes alors en vogue sautent aux yeux. 
Il apparaît de plus en plus que ce phénomène, donton sedé- 



\) ÊgtUi c^rétiiA1U, p. 140. 




BEVDE DE L niSTOISE DES RCLIGIOJIS 



barrassait en le IraJlanl d'anomalie, se rattache à 1a réaUté 
bUtorique par une foulo de lien» ténus el profonds. Qae Ton 
marque les étapes de son évolution^ qu'on le considère dans 
son pleiti épauouissemenl el l'on sera frappé de Tanalogie 
qu'il présente avec le oéo platonisme. Ne commence-l-il pas 
comme celui-ci. purune sorte d'iDiellecluaU&me hautain pour 
finir comme celui-ci aussi, par le mys1icisme?ComiDe le néo- 
platonisme, le ^noslicisme est une philosophie qui tourna 
boDQe heure h Ja religion. Cette similarité des tendances 
des aspiraltoDs cbe;e les goostiques et chéries philosophes 
dont Plolin fut le chef, nous doit être un avertissement de ne 
pas isoler legoosticisimedc son siècle cl de l'envisager cnmmp 
une sorte de bloc erratique, échoué dans le champ de This- 
loire. La vérité est qu'il aélé en plein dan» le courant de sod 
temps. Avec la philosophie elle cbristîani&me ecclésiastique 
il en a été l'un des principaux facteurs. 

Un dernier avantage, et non des moindres, d^une conceplron' 
plus historique du gnosticisme, c'est que l'on s'explique 
mieux son iniluerice sur le christianisme traditionnel. Csttei 
influence est incontestable. Pour ressenliel. la thèse célèbre 
de M. Harnack est vraie. A bien des égards, le gnosticisme 
trace d'avance h l'iilglise les voies qu'elle suivra. Celle-ci 
accomplira, avec plusde mesure el de prudence, uneévolution 
dont sa rivale plus aventureuse lui a donné l'eiemple. Le 
dogme comme les sacremenls de l'Église portent l'empreinte 
du gnosticisme. Cequi manqueencore aux Imilanles démons- 
trations qu'on a données de cette thèse, c'est plus de pré- 
cision, tl s'agirait de délimiter plus exactement l'influence 
qu'on attribue aux sectes ^nostiques. Elle varie beaucoup 
selon les temps el, sans doule, selon les lieux. L'influence 
qu'exercent Valentin et Iléracléou ne ressemble aucunement 
à l'action plus sourde mais plus étendue du néo-gnosticisme, 
sur la piélé et le culte chrétiens. Que l'on replace bien les 
diverses générât ions de gnostiques, qui se succèdent pendant 
près de deux siècles, dans leur vérilable cadre historique el 
qu'ainsi l'on se rende bien comple de ressentielle ditTéreace 



les 



INTRODUCTION A l'ËTUDK DU GII09TICISME 371 

entre les hommes de l'âge classique du gnosticisme et ceux 
de sa malurilé ou de son déclin, et Ton comprendra aussitôt 
que la nature de leur influence n'a pas pu être la même. Les 
grands gnostiquesont puissamment contribuée former la théo- 
logie de Clément et d'Origène, tandis que les gnostiques des 
documents copies ont presque exclusivement fait sentir leur 
influence dans le domaine de la piété et du culte. Ce sont là 
des distinctions qui éclaircissent mainte difficulté. 

Notre conclusion achève de préciser l'objet de cette étude. 
Nous nous en sommes rigoureusement tenu au dessein 
qu'annonçait le titre de notre travail. A notre sens, ce qui 
manque aux études gnostiques pour les rendre tout à fait 
fécondes, c'est une bonne méthode. En toutes choses, le 
progrès sort de l'ordre. Que l'on apporte aux recherches sur 
le guosticisme^son histoire et ses origines un peu plus d*ordre, 
et l'on verra se faire très vite la lumière sur un sujet qui 
passe pour le plus difflcile de l'histoire du Christianisme. Le 
gnosticisme cessera enfin d'être l'énigme qui a si longtemps 
rebuté les historiens. 

Eugène de Faye. 



ÉVANGILES CANONIQUES ET APOCRYPHES 



Ua de mes lecteurs français m'a conseillé de résumer, aossi ^ 
brièvement et «ussî clairement que possible, U doctxioe que j'si I 
exposée dans mes denx ouvrages snr les Évangiles de saînl Jeas 
(1899^ et de saint Luc ({901), publiés chez Williams et ^'or^&[e 
àLoodJrej. Je défère rolontiers à cet avis. Un troisième ouvrage 
fiùaut suite aux précédents, sur les Évangiles de saint UaltJiieu i 
et d« saÎDl Marc, est actuellement sous presse '. ■ 

1- Le témoignage de Paul sur Jésus est le premier en date qoe ~ 
nous possédions ; malheureusement, il se borne a peu de chose. Il 
nous apprend que Jésus a été crucifié et a ressuscité (Som. « i, 4 ; 
Xt9);qa'il a été enseveli après la crucifixion (l Cor. xv. 4); qu'il 
avait OD groupe de âdëles appelés les Douze (I Cor.j xv, 5}| 
parmi lesquels Cépbas ou Pierre, Jacques et Jean (I Cor.,xv, 
S, ' : Gai., u, 9) et d'autres qu'il appelle « tous les apûtres • 
(1 Cor., XV, 7); que Paul lui-même était l'un de ces derniers , 
(ICor.^xVf 9): il fait une allusion indirecte au procès do' Jésus fl 
(I Cor., xij 33), une allusion douteuse â la Irabisoa dont il fut ' 
victime {I Cor., xi, 5$). Paul et beaucoup d'autres onl vu Jésus 
vivant après la crucifision {I Cor., xv» 5-8); Jésus était vivant 
quand l'Épure aux Romains fut écrite {Rom,, vi, 9, 10), mais il | 
était mort lorsque fut écrite la seconde Ëpître aux Corinthiens 

l\ Mklheur<^ UPC ment, l'auteur ne poum p&e acliever de diriger lui^mbiie 
ffBBnsfton de ce nouvel ouvrag-p. M. P. C. Sensé esL décédé quelques se- fl 
■■■Mtt peine après &roir résumé, & rialeation des lecteurs fr&nçûs, l«s coq- V 
dÉMBs d« sestr&vAui antériears. La préaenle nalicb auraëté sa dernière œii' 
^& Pies ses opiDÎons &'écsrlent de celks qui ODt généralemenl cours para 
tevlHM* *ct>J^'3 '^^ ^''"^^^'^ '^^3''"'°^''^' plua elles EeroQl accueillies avec 
^«■■M imparlialil^ que l'un doit aux esprits libres et sincère!, et tout par- 
ité ceux qui ne sont plus là pour esdéreodre. i 

{Kate de ia Rfdaetion.) 



rANGlLES CANONIQUES ET AP0CRTPH23 



373 



Cor.f V» 16). Enfin, Paul mentionne l'instilulion de la Cène 
ftl Cor., XI, 20-26). 

II. Un second témoignage contemporain de la mort de Jésus 
[est celui de Jacquês (Jacques, v, li); à mon avis, Jacques écri- 
[vait aprës PauL 

Ni Paul ni Jacques ne font aucune mention des Évangiles câ- 

Aniques; ils ne témoignent connaître d'aucun des épisodes 

senliols de la vie de Jésus, tels que les relations d'Hérode «t de 

[Jeaa-BapLisLe avec Jésus, les paraboles et les miracles, la nais - 

iB&Qce miraculeuse, l'ascension; dans TEpltre h. Jacques, il n'est 

[pas davantage question de la résurrection. 

La chronologie des écrits de Paul offre de g:randea difficultés. 
[Suivant l'évangile de Marcion, qui date de ta première moitié du 
[II* siècle, Jésus aurait commencé à enseigner en public la quin- 
ssifemc année de Tjbfere, c'est-à-dire en 30 (Luc, m, 1). Par suite, 
Paul aurailÛeuri dans la première moitié du t"*^ siècle, conclusion 
'en accord avec ses écrits, qui reOëteuL le stage le plus ancien du 
chrislianisme. Jésus, Paul et Jacques étalent des Juifs; rien, dans 
.Paul ni dans Jacques, n'indique qu'ils aient repoussé la religion 
[juive. Le christianisme était un système philosophique qui n'était 
'pas incompatible avec la profession du judaïsme. Paul, absorbé 
par l'exposé et la défense de ses idées personnelles, parle peu de 
■ la philosophie de Jésus, qu'il se contente d'appeler son Évangile. 
^Mais ce qu'il en dit suffit à prouver que ce système de pbiloso- 
L phie était une éthique. Nous voyons celaclairemenl phritom.,!, 
Hl5'3^2,oiïFaul énumère tes sujets sar lesquels il voudrait prêcher 
aux Romains; on trouve des indications concordantes dans 
Hom., ïii, 9-:^l et xui, 1-14, D'autres fragmciLls de l'Évangile 

Ide Jésus sont semés dans les autres ÉpUres, 1 Cor, vi, 9; vu, 
10; xni, etc. 
L'ÉpUre de Jacques est une homélie morale écrite par un 
Juif pieux, gui se dît serviteur de Dieu et de Jésus-Christ, à 
l'adresse des Juifs dispersés (sans doute après la ruine de Jé- 
rusalem). 

IIL Un autre écrit chrétien du t" siècle» rÉpilrc aux ïlébreus, 
[adressée par un Juif chrétien à d'autres Juifs chrétieus {Béà.y 



574 



RBVnS DE I, FnSTOlRE DES RELIGIONS 



m, i), est l'cEuvre d'un homme qui, comme Paul, expose si 
propres idées plulûl qup l'Évangile de Jésus, dont il ne (a 
mâme pas mentioa. Il appelle Jésus " TapAlre et le f^an^ 
prélre de notre 5|ioXofîa " et il emploie celte espression cbaque 
fois qu'il parle du système chrélien {Oéb., m, 1; iv, \\\ 
23). 'OfjLaXûfia ne signifie pas une religion, qui se dit Se^iî 
ûpir;3n*CŒ, OsûciÈÊîJij mais une convention ou uQconlral înaposaQtJ 
ses adhérents certaines règles de conduilc. 

Il y a quelques autres écrits du i" siècle où le christianisme ne 
parall pas à l'étal de rcLij^ion : la première Épitre de Clém< 
aux Corinthiens cl le second livre d'Esdras, l'un ei l'aulrc écriÉ 
par des Juifs dévots, et la première Épllre du Jean, œuvre d'q 
(ïrec ou d'un païen. Dans le premier de ces écrits, ch. xin,]^ 
paroles de Jésus qui sont citées (Faites naiséricorde. pour obtenir 
miséricorde; pardoûnez, afinqu'oa vous pardonne, etc.). oui ui 
portée exclusivement morale, non religieuse- 
La tendance des écrivains du T'' siècle était évîdeminont d'il 
troduire des idées religieuse dans le système chrétien; mi 
l'enseignemenl du maître, transmis dans les cercles de fidèlea 
conserva longtemps un caractère moral. Nous en avons la preu^ 
dans la lettre de Pline le Jeune à Trajan (110 ou 111), où W 
apprend que les chrétiens du Pont, dans leurs assemblées^ a'* 
bligeaient par serment à ne commettre aucun crime; ce carmi 
qu'ils répétaient, les repas « innocents ti qu'ils prenaient en coi 
mun, conalituaient tout leur culte. 

Si la résurrection était connue au i" siècle, la naîssanc* 
racoleuse, l'iocarnalion et l'ascension de Jésus ne sont pas mei 
lionnées. Suivant le cardînnl Newman, un des seuls théologiei 
i|ui aient constaté ce fait, Dieu croyait les chrétiens du i*' tM 
cle incapables de comprendre la naissance miraculeuse et, 
celte raison, en diCTéra la révélation jusqu'au ii*^ siècle. A m( 
avis, les chrétiens du i" siècle ne considéraient pas Jésus comr 
Dieu; mais pour démontrer cela, il me faudrait insister sur d< 
textes que je considère comme falsiOûs, en particulier Bom.t U 
g ; ftébr., i, 3; Jean^ v, 20- 
IV. Le premier quart du second siècle cet une lacbc blanchi 



ÉVAIîGltCS CAWOrfrOUES ET AWlCRYPHES 



37S 



dans rhiâloire de la liClérâture chrétienne. Le professeur A. 
Schechlpr, cfans son ouvrage Sutfres in judalsm {iS^6], nous 
fournil lea moyens de combler en partie c^Ub lacune. Ce savant 
Israélite moiilre qu'après la destruclion du l'eniple une pùriodo 
d'excilatioii Inlen^e comcuença parmi les SqUs et que cette agi- 
tation fui encore accrue par l'actitude agressive du chrisiia- 
ti;i9(ii.e. " Celui qui étudie le Tatmud, écrii le professeur 
Schechter, obi^erve que des miracies leh que la prédiction de 
l'avenir, la résurrection des morts, TexpuLsioa des détnons, la 
Iraversée de rivières à pjed sec, la guérison des malades par 
coDtacL ou par priàre^éLait^nt alors accomplis par des multitudes 
de rabbiûs. Il est souvent question de voix, célestes, de visions 
étranges, etc. a Ces miracles étaient exploités par des rabbins 
ambitieux pour autoriser leur interprétation personnelle de la 
Loi ; mais d'autres aflïrmaieuL que les miracles ne devaient in- 
Duer en rien sur celte interprétation. Cela && passait vers 1 20 ap. 
J.-C. (Schecbter, op. cit., p- 229-231). 

Le lecteur aura remarqué i'aualogie de ces miracles, meation- 
néspar les écrits lalmudiques, avec ceui qu'on commence alors 
à rencontrer dans les écrits chréùcns. L'excitaiion religieii5e qui 
prévalait parmi les rabbins Juifs s'étendit aux apAires chré- 
liens qui s'éloignaient de plus eu plus du judaïsme, victime de 
terribles calaruités, Lea circonstances étaient favorables k la 
naissance d'une religion nouvelle ; pour la premiero fois dan* 
son histoire, le christianisme admit des éléments surnaturels 
incompatibles avec Icjudaïsme. 

V- En 123 parut ÏApoloyie d'ArislidOt où, pour la première 

'^fois, le christianisme est qualifié He religion, où le fondateur du 

christiiiDi^me est donné comme le fils de Dieu, au sens pby'*io- 

I logique du mot: « Dieu descendit du ciel, se revêtit de chair; 

[le tiis de Dieu résida dans une tillu de l'homme... Il mourut et 

fut enseveli et l'on dit qu'après trois jours il ressuscîiaet monta 

I au ciel » (p. 36j.^ous apprenons par Aristide qu'il y avait, au 

u'&iècle, beaucoup d^écrits du m^me caractère; ils composaient 

[une partie de la collection que Justin, eo I5U, appelait les 

tUémoires des Apôtres et qu'irénée^ en 190 appelait les 



376 



BEVUE DE L HISTOIRE DES REtlCIOKS 



ÊvaagUes des Apdtres. Je dois faire observer ici qne les apô- 
tres n^étaiçnl pas les Douze, mais des foncUonnaires chréliens 
désignés sous ce nom, qui, assodés à des prophètes el à des 
docteurs, se comptaient par centaines, même par milliers, daoï 
les communautés chrétiennes du i*' el du n" siècle; il& ijispi- 
raissent dans la seconde partie du n* siècle. Le dernier prophète 
chrétien que nous conaaissions est Feregrinus Proteus, dootlç 
suicide, eo 165, est relaté par Lucien. Le derûier apôlre chré- 
tien connu est Jean, sous le nom duquel, d'après le fragment 
de Muratori, le quatrième Évaugilefut publié en 1GS, 

VI. Irénée (I, 20, 1) parle d'un nombre infini d'écrits apo- 
cryphes de cette époque ; quelques-ans ont survécu et peuvent 
être identifiés. Justin cite l'un d'eux, les ÂcCt^s rf« Piiate, comme 
une source de son récit {ApoL, I, 36). Nous sommes autorisés i 
identiGer ces actes aui Gesia Pihii, aussi nommés Acta Pifati, 
de la collection de Tischendorf. Le même Justin [Tnjph., 106) 
dit que Jésus a changé en Pierre le nom d'un de ses apOtrea et 
que cela était relaté dans ses JUëmoires. Or^ le changement de 
nom en question est raconté dans TEviiDgile suivant Marc, dont 
la source était une traduction d'un écrit de Piurre, comme Papiss 
nous l'apprend en 160 (Eusèbe, Hist. EccL, III, 39). Ainsi, les 
Mémoires de Pierre, connus de Justin, août identiques h Técrit 
appelé plus lard Évang'ile de Pierre, qui est lui-même identique 
à rÉvangtle selon les Hébreux, comme il y a He bonnes raisons 
de le penser. Ce dernier écrit était en hébreu et fui traduit en 
grec au n* siècle par Marc et GlaiKuas, le maître de Basiltde 
(Clem., Sirom., VI, d7j 106); Jérôme, au iv* sifecle, le mit en 
grec et en latin [De Vîr, iii., 4 Jacobus), 

VU. La qualification d'apocrj/phes, donnée à ces ouvrages par 
Irénée, porte notre aUeution vers la collection d'écrits connus 
sous ce nom. La diTËculté qu'on éprouve à les identifier tient en 
partie à ce qu'ils furent publiés sans Litres ni noms d'auteurs. 
Les anciens Pères étaient embarrassés pour les désigner et l'on 
trouve des traces de cet embarras depuis Justin jusqu'à Epiphane. 

Pour un petit nombre de ces ouvrages, le nom de l'auteur 
était donné dans le texte; Tidentificatioa est alors plus aisée- 



ÉVANGILES CANONIQUES ST APOCRYPHES 



377 



^es flocûm&nls aujourd'hui ioUtulés le PTotévangiieoaVÈvan- 
gtle de Jacques, l'Évangile de Thomas^ VÊvangikde Pierre, ainsi 
que V Apocalypse de Jean, sont cités par les Pères sous Iça noms 
de leurs auteurs ; or, les Evangiles apocryphes qui nous restent 
répondent auï cilations qu'en font les Pères. Un très itnportaat 
apocryphe, sans titre ni noui d'auleur, est celui qui porte le nom 
de Pseudo-AïaUhaei Evangelium dg^ns le recueil de Tischendorf. 
Une comparaison avec le ProiévangiU convaincra tout critique 
clairvoyant que ce dernier ouvrage est antérieur et qu'il est 
Torlginal dn Pseudo-Matthieu, qui amplifie et délaye l'histoire 
racontée par Jacques. Jérôme dit avoir trouvé un exemplaire du 
Pseudo-Mat LhÎBu dans la bibliothèque de Pamphile à Césarée, 
qu'il était en hébreu, qu'un Inconnu l'avait traduit en grec et 
qu'il en a. copié pour son usage un exemplaire prêté par les 
Nazaréens de Baerœa; mais il n'ajoute pas qu'il l'ail traduit en 
grec ou en latin (De Vir. Ul, 5, Matthaeus). Cet écrit différait 
évidemment de l'Évangile de Pierre ou de l'Évangile des 
Hébreux. Dans son commentaire sur Uatthieu (III, 5}, Jérôme 
ditqoe cetÉvangîle hébreu (le Pseudo-Matthieu) était l'original 
de l'Évangile canonique de Matthieu. Il y avait donc deux Ëvan- 
giles hébreux de la première moitié du ii' siècle, l'un et l'autre 
traduits eu grec. Il y avait encore un troisième docutneol hébreu^ 
signalé par Papias comme les Aôv'.a de Matthieu, dont il ne fut 
pas fait de traduction grecque {Eusèhe, ffist. EccL^lW, 39). Il 
est probable que le Protévangile et les Gesia Pilati forment la 
totalité ou une partie des écrits cités par Aristide en 125, car ils 
contiennent le récit des événements de l'histoire évangélique 
auxquels îl fait allusion, et que les autres Evangiles apocryphes 
ontétépubliésplus tard, danslapremi&re moitiédusecond siècle. 
VIII. Cette période était celle des hérésies qui, d'après Clé- 
ment d'Alexandrie, le plus savant et le plus véridique des Pères, 
commencèrent à s'élever du temps d'HadrleOr verâ 117 ap. 
J. C, [Slrom., VU, 17). Le mot A'héréùe désignait alors un 
système dans lequel des idées religieuses diverses étaient asso- 
ciées à l'Évangllo de Jésus ; il y avait un grand nombre de ces 
retigioQs chrétienaes, qui se combattaient entre elles. La plus 

25 



^w 



REVUE DE l'bISToIRE DES BELIGIONS 



ancienne, fondée par le Juif Jacques dans le Prolévaogile, 
amplifiée par révang^éliste hébreu dit Pseudo- Matthieu et par 
t''auteur inconnu des Gesta Piiati, était certainement la plus 
répandue ; ce fut la religion de Justin Martyr (ISO ap. J. C), 
qui croyait à la naissance miraculeuse, à la résurrection et ï 
l'ascension. D'autres hérésies élaieuL celles des guostiques, 
comme Simon le Mag^e, Cénnlhe, Valentin, Basîlide. Justin 
place à. tort Simon sous le règne de Claude, parce qu'il le con- 
fond avec un homonyme ; mai« Clément le fait vivre au 
a" siècle [Strom., VII, 17). A cette époque, Pierre publia son 
Évangile et Marcion essaya d'arrêter la corruption croissante 
du christianisme par un retour au système de Paul ; ses efTorls 
furent d'abord heuroux et lesyaième paulinien qu'il fonda dura 
plusieurs siècles. 

11 n'y a aucune trace des Évangiles canoniques jusqu'à Justin 
(150) et même pendant quelques années au delà. Les arguments 
mis en avant pour en établir la publicalioo antérieure me 
semblent futiles. Comme Justin dit expressément que se» 
sources sont les Mémoires des apAlr^s (il nomme l'un d'eux» 
Pierre) el les Gesta ou Acta Pilait, il est peu raisonnable de 
prétendre que Justin cJte les Evangiles canoniques. Dire que les 
Évangiles canoniques ne contiennent pas de meutious relatives â 
la ruine de Jérusalem et du Temple, maïs seulement des pré- 
diclionS; cl conclure de là à leur antériorité, c'est simple folie. 
Un écrivain qui rapporte des événements d'une certaine époque 
n'a point à parler de ceux de l'époque suivante. Les affirmations 
d'irénée, de Clément, de Tertulllen, qui placent la publication. 
des Évangiles au i" siècle, ne peuvent être acceptées, car ces 
auteurs n'étaient pas des coulemporains et ne client pas de té- 
moignages contemporains. Il u'est pas moins puéril d'établir une 
relation entre la date du troisième Évangile et le séjour de 
Paul à Rome, ou d'alléguer l'allégorie d Hermas suivant la- 
quelle l'Église est assise sur un Ht & quatre pieds. £n réalité» iE 
n'est question des quatre Évangiles canoniques que dans les 
écrits de Théophile et d'Irénue, qui datent de la seconde moi^ 
du u' siècle. 



ÉVAKGIi^S CAnonltiUES KT APuCFirPUIï!» 



379 



IX. Les Ëvang'iles caDoniqueg ont nalurellement pour sources 
des écrits chrétieus antérieurs. J'ai été frappé, dès le début de 
mes recherches, de Tiiiiatogie ealre la colombe des Evangiles et 
la colombe de Cérinlbe (Irénée, 1,26» 1). L'analogie était toute- 
fois înlerrompue par lo fait que, dans les Évangiles, il o'esL pas 
dll ijuu lii colombe s'envola au momeut de la mort de Jésus. 
Mais ce défaut de parallélisme est supprimé par le récit du mar- 
tyre de Polycarpe, dont les incidents, nous disent les chroni- 
queurs, sont pareils à ceux du martyre de Jésus <c suivant 
l'Évang'ile <>. Un de ces incidents était ua coup de sabre donné 
à Polycarpe, à la suite de quoi une colombe et un flot de sang 
sortirent de son corps. Voilà donc l'envolée de la colombe de 
Cérinthe» détail qu'Ëusébe a pris soin de supprimer dans son 
récit du martyre (Hist. EccL, IV, la), Lu conclusion naturelle 
de ceci, c'est qui; l'tLvangile lu à Smyrno était celui de Cérinlhe, 
qui forme le fonds du quatrième Évangile, Un témoignage 
direct et contemporain à l'appui de celte manière de voir osl 
fourni par la secte des Aloges qui, au second siècle, relu»aieDt 
d'accepter le quatrième Evangile el ratlribuaient à l'hérétique 
Cérinlhe (Irénée, III, 11, 9: Épiph., 51]. Le chang^emenl de 
colombe en eau dans Jean, :£ix, 34 ne coulait pas un g^rand 
elîorl aux théologiens du ri' siècle, inqwiétés peut-être, d'ailleurs, 
par la satire de Lucien. Cérinlhe ne connaissait qu'un seul Eon, 
la colombe. Le Paraclel, qui se rencontre aussi dans lo quatrième 
Évangile, ne venait pas de lui, maïs de Valeuliu (Irénée» L 1,2; 
IV, 5)^ dont les écrits furent également mis â contribution. On 
fit de même avec l'Évangile de Pierre ou des Ilébreus, auquel 
on emprunta l'histoire de la femme adultère (Euâèbe,//i.s/. Ecd.^ 
II, 39). J'ai donné des raisons pour fixer en l'an 168 la publica- 
tion du quatrième Evangile, qui eut lieu à Éphèse. Un apôtre du 
nom de Jean, aidé d'une commission d'apôtres et d'évèques, 
fut le compilateur en litre de cet Évangile, comme oa peut le dé- 
duire du fragment de Muralori. 

X. Dans mon volume sur l'origine du troisième Évangile, j'ai 
essayé d'établir que ce texte dérive de l'évangile de Marcion, des 
Évangiles apocryphes do Jacques, Pseudo-Matthieu et Thomas, 



380 



RSVTIE DE L HISTOIRE 



DES FtELIGlONS 



de l'Évangile de Pierre et d'autres sources perdues. La pubHca-; 
tioQ eut lieu eotre 168 et 177; il est à présumer que lelieude la 
publication fut Alexandrie el que le compilateur fut Paataenus, 
le maître alesandria. Le aom de Luc fut emprunté à celui 
l'auteur de l'Évangile de Marcion. 

Je compLe montrer prochainement que l'Évangile de Marc 
dCrivc directement de la Iraductton grecque, due à Marc, de 
l'Évangile hébreu de Pierre. Le premier Evangile m'a causé 
beaucoup d'embarras. J'ai lieu de croire que la source principale 
de cet écrit est l'Évangile de Basilide, autrement dit TÉvan- 
glle des Égyptiens; comme sources secondaires, je compte le 
Livre de la génération, TÉvangilc hébreu du Pseudo-Matthieu 
etd'atilres ouvrages perdus. L'Évangile des Égyptiens apoui 
sources immédiates la traduction, faite par Glaucias, de t'Évangil< 
hébreu de Pierre^ et Técrit de Matthias qui était probablement 
identique aux Aif.a attribués par Papias à Matthieu. Ces dcuï' 
documents hébreux, avec d'autres que nous ignorons, sont aussi 
les sources de l'Évangile de Marcion, L'attribution de la com- 
pilation des deux premiers Évangiles à Pantaenus» le pre- 
mier maître alexandrin, n'est fondée que sur des présomp- 
tions. 

XI. L'histoire que je viens d'esquisser a pour caractère essen- 
tiel une déniarcalioD nette entre le premier et le second si&cle 
du christianisme. Au premier siècle, l'Évangile du Christ éfail 
un système moral; au second siècle, il donna naissance à une 
théologie. La première partie du second siècle vit naître de nom- 
breus systèmes de théologie divergents el hostiles. Dans la 
seconde partie de ce siècle parurent les Évangiles canoniques, oii 
l'on trouve mêlés et harmonisés les enseignements des sectes 
les plus importantes. Il est donc permis de présumer que les 
Évangiles canoniques furent rédigés et publiés dans un dessela 
d'apaisement, de conciliation et de synthèse. Ce dessein peut être 
attribué à Irénée, évêque de Lyon, qui joua un rOle trbs 
imponant dans TËgHsc à l'époque de la publication des 
évangiles. Eusébe le représente comme un homme actif, in- 
Huent, prenant part à loua les événements religieux de son 



ÉVANGfLES CANom^UBS ET APOCRYPHES 



Wl 



teoips, d'ailleurs ami el confident do Tévèquc de Rome 
VicLor. 

La religion cbrélieDiie d'aujourd'hui est un mélange des doc- 
trines professées par les sectos principales du ii" siècle el dérivo 
de la publicalion des Évangiles. Ou peut considérer Irénée comme 
son fondaleur. En attribuer la foudatioD à Jésus, c^est faire vio- 
lence à l'évidence el è la chronologfie. 

XU. Il serait essentiel, pour les hommes de notre temps, de 
constituer un texte aussi exact que possible des Évangiles cano- 
niques. A cet effet, nous disposons d'un Leste continu et authen- 
tique datant de 383, la traduction latine de Jér>Ome. La traduc- 
tion est si littérale qu'il est aisé de la retraduire en grec, surtout 
avec le secours des anciens manuscrits grecs que nous possédons. 
Ces derniers n'ont rien qui en garantisse rauthenlicîté, mais on 
peut s'en servir pour une opération toute mécanique comme une 
traduction. La version de Jérôme étant prise comme base, des 
corrections peuvent y être apportées d'après les citations des 
Pères du u% du w et même du iv' siècle. Ces témoignages des 
Pères ont une valeur documenLairo et historique sur laquelle il 
est superflu d'insister. 

Mais la méthode actuellement suivie pour la pubUcâtioa des 
Évangiles est éminemment erronée et décevante. Le point de 
départ n'est pas un texte authentique et accrédité dans rÉ^Use, 
mais un texte artlliciel composé au xvi' siècle pour l'usage des 
érudits et appelé le texte grec reçu. Pour corriger ce texte arti- 
licieU on a recours à des manuscrits sans autorité et sans histoire, 
comme le Vaticamts, le Sinaîticu^ et d'autres. Les éditeurs mo- 
dernes ne méconnaissent pas l'importance des citations des Pèff s; 
mais, en même temps, ils tendent à les représenter comme déri- 
vant do manuscrits corrompus. La date de nos plus anciens ma- 
nuscrits grecs étant le iv* siècle^ te iexte reçu ne peut être anté- 
rieur à celte époque; U est donc absurde do présenter ce texte 
comme l'équivalent exact de l'original- 

La différence qui existe, k cet égard, entre la méthode suivie 
par les éditeurs el la mienne, ressort des études sur le quatrième el 
le troisième Evangile que j'aî publiées en 1899 et ^901^ L'k agneau 



38A 



mnrCE t>E lri&toiss des keligioits 



de Dieu » est éliminé par moi da quatrième Evangile, comme do 
emprunt à l'Apocalypse. Je montre, surraulorité d^lrénée, que 
le repfts de la Pique av&nl la crucifixion figurait dans TorigiÎQ&l 
du quatrième Évangile. Dans le même original, les paroles de 
Jésus au sujet de la Lrahison de Judas (jïiu, 18) étaient les sui- 
vantes : « Ne garde pas la paîï, Dieu de ma louange, car la 
bouche du méchant et la bouche du trompeur sont ouvertes contre 
moi »; cola, sur l'autorité d*Origène [c. Ceh,, II, 20), à la place 
dti texte de noire Evangile r k Celui qui mange du pain avec moi 
a levé le pied contre moi. ■> Le passage Jean, kx, 21-23, sur ta 
remise des péchés, est une interpolation due à OrigÈne, agis- 
sant sous la pression du p^ipe Zépliyrin et de son successeur Cal- 
liste. Dans le Iroisifeme Évangile, un long passage relatif à la 
visite des Mages, à> la conduite d'ïlérode et à la fuite en Egypte 
manque au second chapitre de notre Evangile actuel; les para- 
boles du Fils Prodigue et du Bon Samarilaîn n'étaient pas dans 
le texte original; le Pater était beauconp plus court que dans la 
rédaction actuelle; le prologue n'élaitpasau début, mais h la Hn; 
p^^s d'un quart du contenu actuel du troisième Évangile manquait 
à l'original. Marc et Matthieu ont été moins modiHés; Loutefois, 
le passage sur le pouvoir des clefs, Matth., xvi, 18 et 19, a été 
interpolé par Irénée et Victor, évèque de Rome. La méthode 
moderne de constituer les testesévangéliques apour conséquence 
inévilahle le maintien de toutes les interpolations faites du n' au 
IV* siècle: celle que j'ai adoptée et que je recommande tend à 
écarter toutes les interpolations, toutes les additions bonnes ou 
mauvaises, pourvu qu'on puisse étabhr que ce sont des additions 
poslérieures. Des paraboles comme celles du Fils Prodigue et du 
Bon Samaritain appartiennent au trésor moral de l'humanité; il 
ne peut être question de les effacer de nos mémoires ; mais il e^t 
désirable de ne pas les laisser figurer dans des testes auxquels 
elles n'appartenaient pas à l'origine. D'autre part, parmi les in- 
terpolalion^t que les éditeurs modernes respectent, il en est, 
comme les passages sur la remise des péchés et le pouvoir des 
clefs, qui ont exercé sur le momJe une influence funeste, en per- 
mettant « l'Eglise de Rome de fonder et d'exercer sa domination 



ÉTANGfLKS CAIfONlQCES ET APOCRYPHES 383 

tyrannique. Le savaot se préoccupe seulemeat d'établir si un 
teste est interpolé; son devoir est de le débarrasser des interpo- 
lations, abstraction faite de toute considération étrang'ëre à. son 
office d'édité nr. 
F^TTier 1M3. 

P. C. Se(Ssi. 

1) Résumé, d'après le maaiucrit anglais de l'auteur, par S. Reinach. 



REVUE DES LIVRES 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 



S. EtTRBk. — Dift gottllchea ZwllIîDge bei den Griechan. 

— In Vid.-Selsk. Skrifter, H.-F. Kl.^ 1902. — CLristiaiiia, 1 vol. 

gr. S-, m p. 

Dans la mythologie grecque od rencontre ud assez grand nombre d« 
dyadëfl divines, formées de deux frères ou de deux s<&urâ presque tou- 
jouTB conçus commedes èlres jumeaux el apparlenact en général A utte 
catégorie de divinités que postérieurement on appela demi-dieux ou 
héros. Dans l& conception relig-ieuse d«s Hellènes, ces jumeaux divins 
étaient pour la plupart mêlés iotimement à la vie des mortels : d« la 
naissance à la mort ils accompagoaient les hommes, tantôt menaçants el 
tantôt secourables, «t cette dualité dans leurs fondions semblait en cor- 
respondance avec leur nature même dedyade. Ce type de divinités, très 
populaire, fut extrêmement vivace, et on en trouve de» ezempl&îreBJ 
facilement reconn&issables dans beaucoup de cilés grecques. M. Eîlrem 
s'est proposé de T'Ochercher et de comparer les divergea dyades de cette, 
espèce. 

Il commence par les Dîoscures Péloponnésiens, qui en sont le type le 
plus connu et dont la fortune surtout a été considérable dans la relig-ion 
banale de Tépoque romaine, L'auteur expose rapidement et sans aper- 
çus nouveaux les caractères essentiels des Gis de Zeus, en insistant sur 
les symboles q;ui marqueut leur intime union : deux poutres, deux ser- 
pents, deuj; étoiles. Cette parité d'ailleurs n'empêche pas chacun des 
Dioscures de garder sa persounaliié propre et son rùle particulier d'an 
bout à Tautre de leur histoire mytbtque. 

ILs sout eu rapports hostiles avec une autre dyade semblable à 
eux-mêmes, celle des Apharides; la légende de leurs querelles et de 



AifALÏSES ET COMPTES RENODS 



38!! 



leur mort p&raît se rattacher à des événements liîstoriqiies, et sans 
doute ils symboliaeat les luttes entre Me&séniens (Apharides) et Laco^ 
niens (Dioacures]. De l'étude de ces deux couples M. E. essaie de dé- 
gager certaÎQs éléments constitutifs du mythe schâmatique, ai je puis 
aiosi parler, des jumeaux di?ins : leur oaissaDce. leur mort, leurs 
combats, leurs rapports avec la lumière d'une part et les ténèbres de 
Taulre, enfio leur union avec une dyade fëminiae qm leur correspond. 
Pais il vériGe la présence de ces élémeols et rideotilé originelle de 
mythes liocalisés dans des pays divers, ett passant «n revue toutes Les 
dyades grecques de ce t)'pe, masculines ou féminines. Ce sont d'abord 
les Uoliona, les jumeaux de TÊUde, qui d'après Phêrécyde auraient eu 
cbacuu deux têtes, quatre mains et quatre pieds, symbole nouveau de 
ranion inlime des deux membres de la dyade : deux eu un et un en 
deux. Ce sont ensuite des couples féminins de mémeorigineet de même 
signiDcation, les Leucippides, adorées, i. Sparte, — les Hippocoonlides, 
aimple doublet des précédentes, — les Charités, Phaemia elKlêta, qui, 
comme Ses Dioscures, procurentaux hommes la victoire, primilivemeot 
sans doute dans les courses de chevaux ou de chara, ensuite dans les 
combats, qui sonl eo même temps les rayons de lumière et de cbaleur 
du soleil (cr. les haritas védiques) et â Orchomèi^e les divinités redou- 
tables des profondeurs de la terre (cf. le double aspect des Dioscures)^ 
qui enûn avaient un temple commun avec les fils de Léda à, Sparte et à 
Argos. 

Beaucoup de personna^s divins qui apparaisBent isolément dans les 
légendes ont fait partie à rorigioe de dyades pareilles aux précédentes; 
mais, l'un des héros ayant prédominé peu à peu dans le mythe, l'autre, 
laissé dans l'ombre, a ûoi par remplir à l'écart du premier un rôle tout 
i fait secondaire, ou même par disparaître complèlemeut. 

Ainsi Hélène est née d'un œuf comme Kastor et Pollux; elleest successi- 
vement eolevéeet ramenée dans sa patrie par un couple d'amis [Thésée et 
Pirithoos)et une dyade de Frères {les Dioscures); l'enlèvement est ici le 
Uit-moliv mythique^ mais primitivement 11 y avait aussi un couple de 
vierges ravies, puis reconquises, peut-être Hélène et Clytemnealre. 
Hélène est en relation éLrcite avec la vie de la nature, comme ses IJères 
les Dioscures, comme ses proches parentslesLeucippideset les Charités. 
Elle se lève, dit TLéocrite. i comme la lune dans une nuit de prin- 
temps >, et, par son nom même, elle se confond avec ia lune. £ile 
apparaît, comme ses^ frèreit, sous forme d'étoile aux navigateurs en 
danger; comme les Dioacures, elle est morte, mais, sacriHée durant 



386 



BEVUE DE tWTOIRE DES RËUCION* 



une pesle, elle devint une cause de mIuI : elle est donc ffwtttpa comme 
la plupart des divinités de ce type. 

Par des raisonnemenls analo^es. M. E. s*efforce de montrer (ja? 
d'autres héros ou dieux precs ont appartenu à des dyades primitives, 
dont ils restent comme les t^moEns isolés : c'est Pénélope, sœur dis 
Leucippides et des Cbarltesi, — c'est Alexandre l'AmycIéenne, doublet 
d'Hélène» — c'est Alexandroa qui eat li Alexandra comme HéléDOS à 
Héléna; — Néméïis est en général isolée, mais elle constitue une 
dyade avec sa sœur Aidôs^ et d'aillenrs on adorait â Smyme deui 
Némésie ; ds même â Trézène on trouve le culte d'une double Thémis ; 
à Rhamnus, Thémis et Némésis sont confondues en une dyade : toules 
ces dualités sont typiques; les appellations peuvent varier, au hasard 
des cultes de chaque peuple ; mais certains caractères des vierçes gé- 
minées sont toujours les mêmes, surtout celui de aÙTv.pxi. 

M. E. revient ensuite aux dyades masculines avec les fils de ZeiM 
et d'Antiope, Amphion et Zéthoe, — avec les flls de Poséidon et dlphi- 
médéia, les deux Aloades. Les m&mes dyades se retrouvent dans les 
mythes relatifs aux vents. Le rôle prédominant dans l'HeUade des veols 
d'Ouest et du Nord a su^èré le couple typique de Zéphyros et Boreas. 
De même il y a deux (ils de Borée, qui tous deux soufflent du Nord, le» 
jumeaux nés d'Orithyîe, Zélés e( Kalaïs. Knfin par leur nature cheva- 
line (Borée sûus torme d'étalon fécondant les juments d'Erîchthonios, 
sacrifices de cbevaux aux vents dans différentes régions delà Grèce) 
les Venta sont en rapport étroit avec les Dioscures (cf. les Açvïns-Che- 
vaux dans l'Inde) et ramènent ainsi à la dyade-type qui sert de point 
de départi toute l'étude. 

Les figures féminines qiU correspondent aux Boréades sont les Hâr- 
pyies; elles apparaissent aussi sous forme chevaline, car unies à la 
dyadê masculine elles enfantent des chevaux ; elles ont le double 
aspectf bienfaisant et malfaisant, commun à toules ces divinitéB; d'autre 
part, soufflant de l'Ouest, elles habitent les régions où demeurent I«i 
morts, elles sont donc en rapport avec le monde d*en bas. et on ne 
saurait les séparer des Érinyes, qui elles aussi revé^tent à l'occasioa la 
forme chevaline (légende de Déméter-Erinyes violée sous forme de ju- 
ment par PoseidÔn-étalon. et xo&non à tète de cheval de Démêter Phi- 
galieniîe). 

Des Harpyîes et des Erinyes, M. E. passe aux Heures, aux A^Iau- 
rides, aux Erechlhéides. L'aspect salutaire de ce dernier couple se 
manifeste dans le BacriCce volontaire grâce auquel les filîea d'Ereththée 



ANALYSES ET COMPTES BENDUS 



387 



|taiiveDt leur patrie. Mém& motif mythique dans la. légende des deux 

sœurs^ Hellolionè et Enrytionè, à Coriathe, — d« AejxtpiSEç T:apO;voi 
en Déotie, — des filles d'AntipoÎDOs à Th&bes. 
P Enfin la dualité se rencontre d'une façon indéniable che* les diem 

guérisseurs et devins, Podalire et Machaon, — Got^asos et Niko- 
.machos» — Aleicanor et Euamérion, — Trophonios et Agamédès, — 
[Ëiâs et Méliampuâ. Tous cee exemplets laissent supposer qu'Ââklépios 
[lui-inème est peut-être le résidu d'une dyade primitive; en tout cas de 

nombreux faits montrent que son culle était ea intime relation avec 
I celui des Ûioscures. 

Les couples jumeaux de xipoi et de %if,x. apparaissent encore aous un 
[sutre aspect : à Délos, on rendait UQ culte à une dyade formée de deux 
IJeunes femmes, Hyperochè el Laodikè ; elles étaient venues du pays des 

Hyperboréens et avaient apporté dans Pile les céréales,. De ce couptd 
,M. E. passe aux deux déesses [tiIi Q^i,!) Démêler et Korè, La dyade 
[féminine, foute pareille, de Damia et Auxêsia, adorée A Trézéne et à 

Ëpidaure, montre que le rapport des déesses éleusiniennescomme mère 

et GlJe est secondaire, et repose sur un compromis entre la représenta- 
[tion des deux divinités jumelles, d'une part comme xipas, d'autre part 
[comme mères fécondes. 

Enfin d'autre séries de dyades ou de jumeaux divins se rencontrent 
' encore dans la mythologie grecque, par exemple celle d'HérakIès-Iolaos, 

EurytoM philos, etc. M. Eitrem se réserve de les étudier dans un autre 
t travail. 



Tai essayé de résumer aussi Ûdètement que possible ce livre de plus 

[de 12Û pa^es, oii la surabondance des faits, des ciiations et des notes 

■ apporte peut-être un peu de confusion et d'obscurité mais témoigne d'une 

[louable conscience scientifique. Partout M. E. accumule le plus grand 

nombre possible de textes, d'arguments empruntés à l'archéologie ou à 

l'histoire des cultes, et, si on n'est pas toujours de son avia^ du moins îl 

faut lui rendre cette justice que, par sa riche documentation, son livre 

restera une mine précieuse de renseig^nements pour ceux qui i l'avenir 

[«'occuperont de quelqu'une des dyades de la mvthologieifrecque. 

Toutefois j'ai un cerlslnnojribrede réserves à faire sur les conclusions 
[de H. E. D^abord n'a-t-il pas singulièrement exagéré sa thèse en 
; voyant dans un certain nombre de héros ou de dieux isolés (Asklépios, 
1 Ulysse, Pénélope. Hélène) desdyadesprimitivesréduites à l'unité? J'avoue 



388 



BEVUE DE r. HISTOIRE LES RfiLlGlONS 



que ses raisons ne m'ont pas toujours semblé përemploires, et que Aa 
plusieurs câs elles m'ont même paru (oui à fait ■ii9urn34nte4. Ainsi 
ronis^ amanle d'Apollon et mère d'Asklépios^, aurait fait partie d'un 
cO'Uple de Bœurs, et l'auteur pense que les rapports de Koroni» arec 
Apollon, mis en relief par h légende^ auraient fait Oublier l'autre sœur, 
second élément de la dyade ; seulement il reconnaît lui-même que celle- 
ci n'a laissé aucune traee t {p. 92 inil.). 

Cet[6 Systématisation à outrance là pûusâe aussi à se contenter ' 
resBemblances hien vagues et bien générales entre les figures mythîc 
qu'il s'ag'it de rapprocher : de ce qu'un dieu est sauveur ou guérùteur 
ou de ce qu'il se trouve en rapport accidentel avec le chevalf et de ce que 
ces caraclérÎBtiquea lui sont communes avec la dyade des Ûic«cures, U 
n'en résulte pas nécessairement que ce dieu faUait partie À l'oris 
d'un couple de jumeaux divins. M. E. 3e contente parTois de rapi 
chements plus superOciels encore : les 'A-cajtEiAvdvîta sçiix-i lui aut[ 
pour rattacher le culte d'Agamemnon à celui des eaux (p. 32-33); 
compte ne pourrait-on pas tirer des conclusions singulières de la px 
aence fréquente dans nos régions des pierres de Cfiarlemagne ? 



M. E. ne recherche pas l'origine et la signification dernière de ce8_ 
dyades divines, si nombreuses à son avis dans la mythologie grecque, 
ne saurait lui en faire un reprosbe, car ainsi se trouve augmenta 
la valeur documentaire de son livre, où pourront puiser presque in- 
différemment les disciples de Lang ou ceux de Max Mùtter. Pourtant 
c'est vers la méthode de l'école philologique que M, E. semble pencher: 
il multiplie les rapproche men ta linguistiques, même il acceple parfois 
trop facilement certaines étymologies douteuses, et il paraît admettre 
que les Dioscures représentent l'Étoile du Matin et celle du Soir. Ses 
idées sur ce point sont d'ailleurs un peu hésitantes. " S'il semble aûr^ 
dît-il, que les Fils divins ont élé identifiés dès l'époque la plusaDcieai 
avec l'Ëtoile du Malin et du Soir, cependant il est peu probable que cet 
Étoile ait fait naître dans l'imagination religieuse des peuples primîttf 
la conception de jumeaux. Il faut plulùt conclure à une tendance coi 
mune aux différents peuples et créatrice de mythes qu'on pour 
nommer avec Usener ^(ci(//mj3-''>/(fuiî9. * La question ainsi posée 
intéressante, mais pour la résoudre il me parait indispensable de cher" 
cher des points de comparaison dans les croyances des non-civi 



ANALTSES ET COKPTES BEHDUS 

Beaucoup de peuples sauvages coDsîdèreut comme mystérieux «1 divioe 
la naissance de jumeaux; letrattement de ceux-ci varie d'ailleurs selon 
lestfibus : les unes reg^ardanl l'événemeût comme funeste et se débar- 
rassent des jumeaux; les autres les enloureni d'hoaaeurs, quetcjuefois 
leurreodent un culte et voient en eux un gage de prospérité. C'est peut- 
être dans des faits de ce genre qu'il faut chercher l'origine des Jumeaux 
J)ivcni de la mythologie grecque^ 

Ch, Renel. 



M. Besnibiu— Deregione Paelignorum.— Paris, Kontemoing, 
1D02. ln-8, 129 pages et une carte. 

M. Besnier a consacré sa thëae latine de doctorat ës-letlres h l'étude 
d'une petite contrée de i'Ilalie ajicietine, la région des Péligniens, con- 
tiguû au pays des Marses, auquel Fercique a consacré un travail sem- 
blable en 1880 ; et il faut le louer vivement d'avoir repris ces recherches 
de topographie et d'histoire locale (iptîques, d'autant plus qu'il l'a £ait 
avec toute la science et la netteté désirables. 

Le livre de M. Besnier est divisé en trois parties, d'une longueur à 
peu près égale, comprenant chacune trois chapitres. 

I. Description géographique de la r^ion des Péligniens. La confîgu- 
ratioû du ^ol rend raison de ses destinées historiques, aussi est-ce p^r 
une étude géographique qu'il faut commencer. M. Besnier L'a faite avec 
raison longue et détaillée. Il nous a montré, au cœur de TApennin, 
entre deux plis des Ahruzzes, escarpés, rudes et sauvages, couverts de 
forèls, fréqueclés à la belle saison par les troupeaux qui émigrent l'hiver, 
le centre du pays des Péligniens dans la plaine, la concha di Sulmona, 
où se groupaient les villes de Corfinium et de Suimo, où l'irrigation 
favorisait les cultures, où poussaient les moissons et les vignes, oâ 
étaient la fertilité, ta vie et la richesse. 

II. La seconde partie est réservée à l'histoire des Pèligniens, à 
l'époque préromaioe (ch. i), sous la République (ch. H) et sous l'Em- 
pire (eh. ui). C'est un exposé précis et complet de lous les événements 
auxquels ce peuple a été mêlé, en particulier au moment de la guerre 
sociale. Le premier chapitre est le plus intéressant, particuUèreme'nt 
en ce qui coDcerne les sépultures, la langue el la religion primitives 
des habitante. 



390 



RETITE DK L BISTOIIIC DEâ REUGIOUS 



m. La troisième partie ««t lotilulée Choro^pbie aji1it{Qe de II 
région des PéU^leos. Limites du pajs; voies de communicatioa qui le' 
traversent et le mettent eo rapports avec ses voisins; enfin position etj 
histoire des grandes villes (CorGnium, Sulmo, Supera^quiun} <l ii 
pagi. 

Le volume de M. Besnier, écrit dans un latin fort élégant, se 
mande par sa documentation âollde et sa darlé limpide. Cette premij 
esquiese nous fait vivement souhaiter que M. Besnier nous donne bien- 
tôt l'étude plus étendue qu^il nous promet dans sa: préEiuie sur le même] 
«ujet». 

A. Mebun. 



M- BESHtER. — L'Ile Ttbérine dans l'antiquité (Bibliothèque 

des Écoles franvaibes d'Athènes et de ilome, (asc. 87), — Paris, Fod- 
temoing, 1902. Un volume ia-8 de 357 pages avec 32 gravures. 

H. Besnier a voulu tracer, dans sa thèse françaîâe de doctorat ës-j 
lettres, une n monographie de Ule Tlbérine » (p. i[). Taire pnar ce petit 
coin de la Rome antique une étude historique et topographique qui le 
repUce dans son cadre naturel, qui précise avec exactitude le rôle qu'il I 
a joué dans la vie générale de la cité et la situation particulière qu'il a| 
eue parmi les autres régions de la ville. C'était là une entreprise dou- 
blement méritoire, d'abord par l'intérêt que ce projet présentait enj 
lui-même, et aussi parce que celte enquête minutieu&e était la prémîèrej 
Je ce genre que Ton tentait sur le double domaine de la topographie et 
deThisloire, pour un des quartiers de l'ancienne Rome. Il faut dire que 
M. Besnier s'est montré tout à fait à la hauteur de la lâche qu'il avait 
assumée el on doit le féliciter vivement des qualités qu'il y a déployées- 
Son livre mérite de rester, pour les travailleurs qui s'occupent de la 
Home antique, comme un modèle de documentation étendue et appro- 
fondie, d'exposition claire et d'ordonnance lumineuse. 

L'ouvrage est divisé çri quatre livres. 

Après avoir traité dans rintroduction de i'iic Fibérine daru ki temj 



I) Du mflme auteur, dans les Mémoires de la SMidtê nationale des Anli-\ 
(/narres de Frante, t, LXI, 1903 : Monument) taures du pays des Pib'smemil 
m pages. 



ANALYSES ET COUPTES RENDUS 



391 



modernes el dam l'antiquité, M. B. nous donne dans te Uvr« I une vU6 
d'^ensemblesur VhUioîre de i'Ue Tibrrme dans t'aniiquUé. C'est d'abord 
la lérjende des origines (ch. t), à laquelle l'aulëur trouve une explica- 
tîoD personaelle, qui ec rend ud coiapte exact; puis le vaisseau (Cè'scu- 
lape [ch. Il) et la déconilioD en pierre de l'île' exécutée à la lin de [a 
république. Le cb. m est consacré à l'ile Tiùérîne a Cépogue rrpubU- 
Cttine ; le ch. iv â l'île Tiliérifte à l'épot/ue impériale : Textes et inscrïp- 
Udos soDt pas&és en revue avec soia^ Élucidés avec tous les commeotaires 
désirables. Ud dernier chapitre traite de Vinsuitt Lyeaonia, nom qtie 
prit l'Ile dès le v* siècle ât dont l'origine est obscure. 

Le second livre est réservé à la description et à l'hiâtoire des ponu de 
nie Tièérine; le pont Fabricius [ch.. i), le pont Cescius (ch. li). Le 
ch. m eipoM la topographie de Vite < inter duoa pontes » et le cb. iv, 
la queetion controversée des plus amtens ponts de file [H. B. se pro- 
nonce contre l'opiaion de Mommaen et Jordan). 

La partie la plus importante du volume commencu avec le livre IIL 
L'Ile du Tibre « était avant tout l'ile sacrée d'^icutape » (p. 12j. Aussi 
était*!! nécessaire de s'étendre avecdéluil sur le iimctuaire de ce dieu. 
M. Besnier lui a consacré tout le livre III. Il examine d'abord les ori- 
gines du culte (ch. ij, en exposant les débuts de la médecine à tiome 
et les premières divinités médicaleji des Komains; puis, dans le ch. ti, 
Carrioée du serpent d'Epidawe, il retrace toutes les circonstances qui 
accompagnèrent L'introduction de la religion d'Aeclépios à Rocne. Le 
ch. lU, le temple d't'sculape et ses dépendances, nous m^t sous les 
yeux l'histoire du sanctuaire, nous dit quels étaient son emplacement, 
son aspect et sa décoi-atlon, et ce qui en a survécu jusqu'à nous. Avec 
le ch, IV, le culte d'â'scuhpe dans Vile Titérine, noua entrons dans les 
aecrels de cetle dévotion; nous assistons aux cures qui s'accomplissent; 
noua revoyons toute la clientèle pauvre et misérable du sanctuaire qui 
passe la nuit sous les portiques, altendant l'apparition d'Asclépios et 
qui, après avoir reçu l'oracle sacréel accompli seâ prescriptions simples 
et hygiénique!, s'en vient suspendre auprès del'autel de^ e^'^iwlo riches 
ou humbles, en argent ou en terre cuite, qui, pour un bon nombre. 



I 1) Il n'est peut-ALre pss hors de firopoK de faire remarquer 4 c« sujet que le 
fragment de décoration sculptée, dont purLe M. B. pp. 3t}-37. f]g. 6 de la p. 35. 
qui êla.il «nToui et menagait d'être complilement enseveli $0U5 l»S alluvions, 
est aujourd'hui visible par suile d« la disparitioo des sables qui s'étaient accu- 
mulés daos le petit br&s du Tibre et que l'on s'occupe d'enlever depuis l'inon- 
dation il'! décembre IS'.K). 




392 



BEVCE DE L HISTOIRE. DES BEUGtONS 



Qotts sont encore un lémoigtiaêe palpable de la recoofïaissiûce dfis ma- 
lades au dieu bienfaiaanL qui les avait soulagés ou guéris. C'est un des] 
chapitres les plus vivants «t les meilleurs de Touvrage. Le cfa. v corn-] 
prend la fin du culte à Rome. 

Les cultes secandairts occupent le IV* livre. Outre le grand sanctuaire 
d'Evcubpe, (jui élatt le plus &nctea «t le plus considérable des édifices 
que nie renfermait, il y avait aussi sur son territoire des temples de Jupi- 
ter Jurarlus et de Faunus., une slatue de Semo Sancus et une chapelle 
de TiberinuB, Ce sont ces divers cultes que M. Besmer passe successive*] 
ment en revue^ en commençant par Ju^iier/urorîus et Vejom$ {ch. i), 
La qti^lion complexe du cuHe de Jupiter etde Vejovis dans l'île soulève 
des problèmes nombreux et difficiles, que M. Besnier a exposés aveej 
méthode et auxquels il a apporté des solutions très TraisemblableB„ 
Pour lui, il n'y a pas eu, comme le pensait Jordan, substilulion de Ju- 
piter à Vejovis sous Auguste. Les Romains ont associé étroitement ces 
deux divinités en les fâtant au même endroit le même jour par suite de 
« Tanalogie de certaines de leurs fonctions » [p 271). Jupiter Jurarius 
étant ie dieu des serments et des promesses ; Vejovis^ celui des expii-i 
tiens. Mais c'est au premier seul qu'était dédié le temple de l'Ile; od 
offrait simplement au second dans Hle un sacritice te 1*» Janvier, jou 
de la dédicace du sanctuaire de Jurarius. 

Le cb. u traite le S&mo Sancus, génie des serments et de la bonnt 
foi» dont la statue se dressait près du temple de Jupiter et qui, d'apr 
M. B.» se serait ialroduît dans l'ileversle milieu du ii' siècle aprèaJ.-C 
— Le culte de Faunus (ch. in) el celui de Tiberinut [ch. iv) font l'ob- 
jet des deux deraiers chapitres : Emplacement du temple, date de sa 
construction, caractère du dieu, fêtes. 

Le ïolume se termine par un cbapifre sur ta Topographie de CUe Tî*' 
bérins dans tanUquité, Dans tout son ensemble, il est enrichi de nom- 
breuses gravures, reproductions et plans et il est complété p4r des ap- 
pendices liibliographique. iconographique, etc. 

Il serait difficile de souhaiter un exposé plus net et plus complet, 
seul reproche que l'on puisse faire à l'auteur, c'est d'avoir été parfoii 
un peu trop abondant et d'avoir consacré, — au reste sans rien sacrifier 
i la clarté générale, — plus de place qu il q'était nécessaire à certain* 
développements, {en particulier, livre I. ch. i. — Livre 111, ch. ii.) — 
Mais cette légère critique ne diminue en rien la très réelle valeur d'un 
livre qui est bien documenté, hîen composé et bien écrît. 

A. Merun. 



ANALTSEB £T COUPTES BENDCS 



393 



AJ4T0N ThowseN- — Orthla, en rêUgiûTtshittoritk under sôgette* — 

Coi>e[ihague, 1902 ; 42 p, 

^0. ScHONiNc. — Dtidsriger i uordisk taedentro. — Copen- 
hague, 1903; 54 p. 
(FucLCules 56 et 57 des Étwits, éditées par ]& SociéU philologique 
^U et hisloriquç d» COpeUbague.) 

Les éphèbes de Sparte étaient battus de vergée une fois par an devant 
l'aulel d'ArtemÎG Ortbia. Pourquoi? Les bîstnriens modernes de la rc' 
H ligiou oui adopté l'explication proposée déjà dans l'anliquité, i savoir 
que cette flâgellatîan était un souvenir d'anciens sacrifices humains. 
M. Tboaisen trouve cette hypothèse invraisemblable. OITrir à la déesee 
■ tous les jeunes gens adultes aurait été la ruine complète de la société. Et 
la substitution de g-outtes de sang d'une «juântiiè de personnes à une 
seule viclime humaine serait un fait sans exemple dans l'histoire de la 
religion. Dureste» si l'on veut du sang, on a recours à des procédés 
bien ptus pratiques que l'usage du fouet. 

Selon M. Thomsen nons n'avons nullement alTaire ici à un sacrifice, 
mais à un hacremeni. [^es coups avaient pour but de communiquer aux 
jeunes gem ta vertu surnaturelle contenue dans les branches de l'arbre 
K divin qui servaient à les fouetter. Nous ne savons pas, il est vrai, avec 
^ quoi les éphèbes étaient bailus. Mais Pau^nias raconte que deux 
hommes, Astrabahos et Alopehoa, trouvèrent une image en bois de la 
déesse Orlhia enveloppée de Lygas (Xi-cs;, vitae agnua eastus). La déesse 
s'appelle aussi en effet Lygo<lesma. Le Lygos jouail an rdie mystique 
et religieux dans d'autres endroits de la Gr&ce aolique. Orthia, dont le 
nom est mis en rapport, par l'auteur» avec ùrdbv4*« en sancril, racine 
vardh-, et sîi^nifierait u celle qui a poussé, a grandi ■ serait donc une 
déesse de la Tertitité, dont la planle sacrée fut le Ly^'OS. L'habitude de 
(Isgelier des personnes avec les branches de l'arbre sacré surtout au 
moment de la puberté, avant le mariage etc.. a été très répandae en 
Europe comme ailleurs, et les traces en subsistent encore (voir Mann- 
hart, Wald' und FeldkuUe), 

L'analyse parfaitement méthodique et intéressante de M. Thomsen est 
accompdffoée de quelques réQeiioQs d'une portée plus générale sur l'es- 
sence et le développement de la religion. 

26 



3Ôi 



nBVDË DE L^aiSTOlRC D£s!fftBUaiON& 



i 



l-^J 



Le séjour desgéantsjde la littérature Dorroîse s'appelle Jotunfaeimar, 
toujours au pluriel daos les textes les plus ancieDs. M. Schoning croit 
que ces <> mai&ons des géants » ont élu jadis un pa^s des morla dans 11 
croyance populaire en Norvège. Oa dérive généralement le com des 
géants, joiann, de eta, « manger s et on le traduit par èc^at^ mais oa 
ne s'e&l pas posé l<( queatiûû, qui semble cependant s'imposer ; qu'est-ce 
qu'ils ont niante, ces jolunn sV M. Subonio^ uroit pouvoir donner la ré 
ponsa : ils ont été, on^finairement, des mangeurs de cadavres, et leur 
monde lut un séjour des morts. Encore aujourd hui la population de la 
cAiede l'ouest ue k Norvège uonnali les géanls qui se rêgaleDlde larl 
viaade humaine. Les noms de quelques géaats de l'KUda paraissent reo-| 
fermer la même idée, iirœsvelgr veut dire <• dévoreur de cadavres *.' 

Nithhoggr suce Jes corps des morts sur •■ la côte des cadavres i>, J^à- 
xtroTui, identique^ selon M. Scbouing, au séjour des géants sur le rivage 
glacial au nord du monde des hommes. Le loup, qui va dévorer le soleil, 
se rassasie, selon Voluspa 41, « de la viande d'hommes morts, et it 
souille la maison des dieux avec le saag rou^e ». Le chien Garmr et le 
loup Fenrer ne sont peut-être que deux autres nome du même mon&tre. 
Comme le Kerheroâ grec, Garmr duii avoir mangé les cadavres. Un 
chien ou plusieurs chiens (Fjulsvinnsmài 19, Shirnisniiâl 11, Saio] 
gardent l'enLiéedupays des géants, Ji>luiiheimar, c'est-à-dire Nâgrindf> 
t la grille » de I endroit » des cadavres n. 

M. Scboning croît même avQÎr trouvé enfin Torigine énigmatique d«^ 
Loke. Ce personnuge si compliqué des mythes norrois serait toui bim- 
plemstiL un démon aviUe de cadavres comme les autres géants dans 
Jotuuhtsimar. Utgdidbr^ cù » Utgaruhaloki ''> demeure selon le récit de 
G^ltaginning, n'est autre chose qu'un nouveau nom de Jotunheimar.j 

Dans le huitième livre de son ouvrage Saxo Gritmmaticus nous ê\ 
donné une description affreuse du Jolunheimar. M. Schoning en réunit 
quelques traits qui s'accpr dent à représenter le monde des géants comme 
un endroit puant où Jes cadavres sont mangés par des chiens et pae 
d'autres èlres gloutons. 

Il tâche d'établir une distinction nette entre cet endroit des cadacres, 
où la chair humaine est la nourriture ahjecte de démons voraces, et le 
pays des omLies, Hel, a le cachot ?• des âmes des mûria, piiv^ de leurs 
corps par le bûcher. Ce ne serait que plus lard que les divers endroit* 



A.TALVSEA ET COMTTBS HEIIDCS 



•M 



des morts auraient été confondus, comme par exemple dans LokaseDna 
62. où la roule conduissol à Hel est censée passer par Nâgriadr, Ori- 
{i^DaireiDeiilr Nâgrïndr c l'entrée de l'endroit des cadavres »,eL Helgrindr 
« l'entrée de Hel, au pays des ombres », auraient élé diatiacls l'un de 
l'autre, 

Naglfar, le vaisseau Tait des ongles des morts se détachera, à la fin 
des jours. D'après la Voluspâ il aura les gens de Hel à bofd. Mais 
H. SchoiuDg fait observer qu'il D'est dît nulle part dans la litlérature 
norroîse qu'il Taille traverser la mer pour arriver à Hel. La Voluspâ 
aurait donc fait confusion enlre Hel, le séjourrles âmes, et Jotunheimar. 
le rivage des cadavres au oord Je la mer. En effet, la strophe 50 de 
Vûlaspâ nomme Naglfar avec les géants. 

Dans la roei* même, les morts sont dévorés par des ^tres de la race 
des g^nts. Hrimgerlbr est appelée par AUe, « monstre glouloa de 
cadavres o. et elle racocitait que son père fui le plus fo^rl géant qu'elle 
eût couQU- Greudel et sa mère furent des gèant«, des * mangeurs > 
(«ofen^jolunn) dans la mer. M. Schoning croit pouvoir conclure que 
la Rân elle-même, la dangereuse souveraine de la mer, a appartenu aux 
géants du Jotuobeitnar. Les géants auraieut donc une origine bien dé- 
finie, ils seraient des démons mangeurs de cadavres dans un triste pays 
au nord de U mer mondiale et dans les profondeurs de la terre et de la 
nisr. 

L'origine du paradis plus récent des Vikings norrois, Valball, serait 
d'âpre M. ïîchoning toute différente : le jardin des (lieii.<c à l'Ouest^ où 
les êtres rejoignent les divinités. 

Comme on voit^ M. Scboning a vaillamment entrepris une révision 
considérable de nos idées sur les séjours des morts selon l'ancienne 
croyance norroise. Nolammenl les géants, les tburs ou les jolunn, 
apparaissent sons un jour nouveau qui peut, en quelijue mesure, éclai- 
rer leur origine, bien qu'il leur soit si franchement défavorable, 

Nathan SQderblom. 



HAuniCE GoGUEL. — La notion joUaunique de l'Eaprit et 
ses aQtècédents bistoriques. — PdrÎB, Fiscbbacher, 1902; 
gr. ÎD-:8 de viii et 171 p. 

La thèse de théologie biblique par laquelle M. Maurice f^o^el a cou- 



39G 



KBVUE bS L HISTOIRE DES RELIGIONS 



ronaé ses éludes à la Faculté de Ihéolog^îe de Paris, dépasse de beau- 
coup la valeur moyenne de ce genre de pubEicatioDS de jeuD&sse. Je 
D'bé3it6 pas à écrire que c'est une dps mëtlIëureK études que nous pos- 
sédions, dan» la littérature scienlilique de langue française, sur l'hiatoire 
des idées religieuBes dans le christianisme primitif. A part quelqu» 
pa^es ûaaies d'une généreuse iDspifalion, où l'auteur énonce les 
conclusions théologiques à tirer des résultats auxquels l'a conduit 
l'ekamen attentif des textes, son livre est tout entier d'un caractère 
strictement historique. La méthode est précise, vraiment critique. L'èi- 
positiou est claire, dans la bonne tradition française. La documeaUtio^^ 
est abondante et sûre. ^M 

M. Goguel a été frappé de l'âxtrëme importance du Pneuma dam la 
première pensée chrétienne etnotamtiientdans la théologie johanoique. 
Qu'isst-cé que ce Pneuma, cet E&pril qui apparaît partout comme le 
principe de vie 7 C'est ce qu'il a voulu approfondir en s'attachant partH 
culièrement au IV* évangile. Mais pour être capable de comprendre li 
pensée du quatrième évangéliste (lequel n'est pas pour lui Tapâtre Jean), 
il a reconnu qu'il fallait d'abord se mettre au clair sur les aDtècêdents . 
de la notion dite johannique. k Comme toutes les doctrines apparuea^^ 
dans l^istoire, la théologie johaanique a été conditionnée par UM^^ 
série d'idées et de théories antérieures n. 

De la le plan de la thèse : I. Les autécéd$at3, non chrétiens (hê< 
braïsme, judaïsme, philoaisme) et chrétiens (enseignement de Jean- 
Baptislti, de Jésus; conception populaire d'après les évangiles synopti-^J 
ques, d'après les Actes et d'après V Apocalypse: notion paulinieane).— ^B 
U. La conception johannique ; les sources; le monde de l'Esprit et celui 
de la chair; racliou spirituelle avant et après le ministère de Jésus- 
Christ; la n&ture et l'œuvre de l'Esprit. Dans une section spéciale l'au'^j 
leur s'occupe à part de la I''* ÈpHre jobanmque. ^| 

Pour l'Hébraïsme la conception de l'Esprit est essentieltemeat dyiu»^^ 
niique, L'Hébreu ne se préoccupe pas de la substance, il ne voit que 
l'action. La rouaek est pour lui d'abord le principe de la vie et comme 
la cause détermioante de tous les phénomènes psycholo^quee et même 
physiologiques. Puis, l'inâpiratiou prophétique est peu à peu mise à part 
et considérée comme une action spéciale et plus haute de l'esprit de 
Dieu, réservée temporairement aune élite. 

Dans lejiUdaisme la notion hébraïque de l'esprit se transforme en 
notion juive de la Sagesse. Les penseursjuifs ne lui rapportent que Im 
phénomènes rcligicus et moraux. Lesprit saiiil tend à devenir un or- 



ÀHALTABS ET CUMPTES RENDUS 



397 



gtne d* transmission et de commimicaLion de la Sagesse. Maïs it n'y a 
ici que des doctrines en formation et non un syslème dialectiquement 
acheré. 

Étant arrivé au philonisme, M. Goguel, sane souscrire entièremeol k 
l 'identification du Pneuma et du Log-os, ne distingue cependant pa?, 
dans son exposé de l'action divine sur l'âme humaine d'aprè? Philon, 
entre ce qui est attribué au Logoa et ce qui est attribué à l'Esprit. L'ac- 
tion du Logos, pour le philosophe judén-aleicandrin, D'est pas quelque 
chose de mécanique et de brutal ; « c'est un germe mis dans L'âme pour 
ensuite se développer suivant un procédé psychologique normal » (p. 34). 
— C'est ici que l'on regrette — sans oaer le lui reprocher, puisqu'il 
était difficile, dans une première publication scientifique, d'étendre in- 
définiment le cbamp des recherches — mais on regrette néanmoins que 
l'auteur n'ait pas analysé davantage les antécédents grecs de U pensée 
philonienne. Je crois que l'étude de la dynamique stoïcienne et l'analyse 
de U combinaison intéressante de ce dynamisme s.toïciea et de l'idéa- 
lisme platonicien chez Pbilon, auraient éclairé la conception du mode 
d'action du Logos pbilonten, sans résoudre assurément tous les pro- 
blêmes d'un syncrétisme dominé pardes préoccupations religieuses bien 
plus que philosophiques. 

M. Goguei a raison d'insister sur le caractère profondément chré- 
tien du ]V* ÉTangilê- Mais le moule dans lequel il a coulé la sub- 
stance chrétienne qui lui venait de Jésus, était bien judéo-alexandrin, 
c^est-à dire judéo hellénique. Ce que le quatrième évangéliste Uent 
du Cbriat, c'est l'élément spéciÛquement religieux de son œuvre; 
la tradition chrétienne telle qu'il l'a recueillie lui apportait la reli- 
gion du Christ exprimée en des formes de provenance juive- Il a 
éliminé celtes-ci en grande partÈe et les a remplacées par des représen- 
tations judéo-helléniques. Si l'Ëvangile tel que l'enseigne le quatrième 
évangéliete ne procède à aucun degré de la pensée grecque, la théologie 
par laquelle il a cberché à expliquer et à justifier cet évangile pour son 
entourage helléniste relève, au contraire, à beaucoup d'^rds de la 
philosophie grecque. La question des relations entre le Logos (Christ) 
et le Pneuma est si obscure, justement parce que c'est ici que se ren- 
contrent les notions juives de l'Ë^prit de Dieutr&ascendaotel du Logos 
stoïcien immanent au monde. 

M. Goguel me semble apporter la confirmation de ce que Je viens de 
dire, en reconnaissant que dans l'enseignement de Jésus l'idée de l'Es- 
prit n'a pas joué un grand rdle. Jésus considérait son inspiration 



39S 



HEVlTi: DE L HtâTOlKE DBS RELIGIONS. 



comme aQjilogue à celle d^ aDciens prophètes et admettait qu'uofi 
inepiration $âmbla)ile pouvait deverir le partagé des âieas (p. 41)- 
D'autre part, il admellalt l'actioD dee^ mauvais esprits sur rfaomme. U 
semble donc, pour autant qu'il est possible de connaître sa pensée, 
être resté i cet éj^ard sur le terrain de l'hébraïsme biblique et des, 
croyances populaires de fion temps. Or, ce D'est plus du tout ct^lui du 
qufttrièine évjtn^^ùliste. L'une des dîlTérences les plus caractérjsriquM 
du IV* évani^ile par rapport aux sjrnopliques, c^eat qu'il passe absolu 
ment sous silence les g-uérisons démoniaques. Il repousse donc sur c« 
point les croy^Dces populaires juives. Eu outre, la conimunicatiou de 
l'Esprit n'est plus seulement pour lui un < donum superadditum i, 
un supplément divin procurant à celui qui en est favorifé une puissance^ 
supérieure k celle de U nature humaine ordinaire. Le Christ, pour lut, 
esi l'Esprit. Le Logos demeure dans la chair. Telle est la nolioD fonda- 
mentale du IV' Évangile. Elle ne lui vient pas de Jéaus^ mais de la spé- 
culation judéo alexandrine, de rhielléniame. 

Celle transformation s'opère déjà dans la théologie paulinienne. 
M. Go^uel, d'accord avec Pneîderer, Ta fort bien nnontré (p. 64). Toute* 
fois Paul ne nous a pas laissé une relation du ministère terrestre de| 
Jésus. Bans les écrits que nous posséiioas de lu! il ne connaît et ae veut 
coQQailre que le Christ glorîtié, céleste^ l'être supra terrestre. Nous ne 
savoDS donc pas comment il accordait cette conception avec rhlstoire 
terreslrft de Jésus de Nazareth. L'originalilé du quatrième évangélisle, 
c'est justement d'avrir prétendu nous raconter celte histoire èvan^ll- 
que comme l'histoire du Logos incarné, qui est Lumttire et Vie. A par- 
tir du mocnent, en efTel, où le Cbrisl retourne auprès de son Père, c'est] 
le Pneuma qui agit sur les hommes. 

La question des relations entre le Christ et le Poeuma touche donc au 
fond même de la pensée jobannique.^ Aussi n'esl-il guère possible de la trai- ' 
ter à part de Ui théologie (générale de l'évangèliste. Dans la deuxième | 
partie de son livre M. Go^uel expose, d'une part, ta théologie dm 
IV» évangile^ d'autre part celle de la première épitre johannique. 

Le IV' évangile n'est pas un traité de métaphysique. C'est u& récit 
dominé p:i[- l'esprit religieux. On nesaurail doncs'étonner qut; la pensée 
de l'évan;rélisle ait souvent quelque chose de vague, mais M. Goguel me 
semble lui avoir prêté urie conii^iiiction qui ne s'y trouve pas. D'une 
pari, iî est amené à conclure (p. 124] que les textes ne statuent pas de 
difTérence SDéciPique entre le Christ ressuscité (je préférerais l'expres- 
sion : glorifié] et l'Esprit. D'autre part, il tend i recoauallre la subor- 



AViLTSES ET COMPTES KEHDUS 



399 



ctinalion i]e l'E-^prit au Christ (p. 126). Cette subordînation n'existe pas; 
it y a simpletnenl succession de moHes d'ai^tion Les Tonclions au Para- 
clel sont les mêmt>s cfue celles du Cbrisl; it» ^edislinguent en ce que le 
Christ est le rérèlaletir de Dieu sous le mode de l'incarnation, tandis que 
le Paraclet, continuant et développant l'œuvre du Chri^l, est le révéla- 
teur de Dieu après la (ïo de l'inicamatioa, sous le mode exclusivement 
apirifuel. Il n'y a pas de Poeuma lant que le Christ n'a pas été ^loriSé. 
pulsriue le Poeuma, au moins comme révélateur, est incamé en Jésus 
le Christ. Le P&raclet eat donc autre que le Christ, parce que son mode 
d'action est autre, mais il est identique au Pneuma qui est incarné en 
Christ. Les versets 16 à 18 du cbapiire xiv sont Hécisîfa: u et je deman- 
derai au Père de vous donner uo autre Paraclet. afin qu'il soit avec vûtis 
éternellement |le Paraclet, sous le mode de l'incarnation, n'est que pour 
un lemps], l'esprit de vérité qtie le kosmos n^ peut pas recevoir, parce 
qu'il ne le voit pas et ne te connaît pas , mais vous, vous le connaissez, 
parce qu'il eit auprès de vous et qu'il «era ea vous* ; je ne vous laisserai 
pas orphelins, je viendrai vers vous n. San-o doute le Paraclet prendra 
de ce qui est à Cbrisl pour l'aunoncer ^xVt, 14], puisqu'il conriimera ce 
que le Chiisl adéjà annoncé, m^HÎs le Christ ne possède rien en propre; 
tout ce qu'il a, il le tient du Père et tout ce qui est au Père est «i lui 
(xvi. 15; crr. xvii, 10), de telle sorte que prendre ce qui est à Christ, 
ce n'est pas èlre subordonné à Christ, mais èlre dans la même relation 
que Christ & l'égard de Dîêu. U faut bien se garder d'interpréter ces 
paroles mystiques et alexandrînes en pensant, par devers soi, aux con- 
troverses uliérieures sur les relalione des trois personnes de la Trinité. 
Les préoccupation» de cet ordre sont encore bien étrangères au quatrième 
êvanifélisLe. 

Je crains, par contre, que M. Goguel n'ait trop précisé la pensée de 
l'évaûi^éliste, peut-être sous l'inQuence de concepliona modernes, en. 
soutenant qtie, s\ Tacriviié de l'Csprit est bien une prolongation de celle 
du Christ, elle s'en distingue néanmoins en ce que l'Esprit agit directe- 
ment Sur le cceur de rbomme, sans Tintermédiaire de son iatelli^eoce 
(p. 144}. L'Esprit, assurément, est représenté C'<mme agissant & l'inté- 
rieur deThomme et non pas du dehors comme soua le mode de l'incir- 
natioD^ Mais agir sur l'homme du dedans n'équivaut pas à agir sur le 
UBUr, en dehors de Tintelligence. Le Pneuou est l'E^piit de aérité 
(XIV, 17; IV, 26; xvi. 13} qu'il faut connattre (vtvuîxiiv). Le salut tel 

1) La leçon tv w^iiv (arsit pstult flurBsaœment atiesl^e pour être admise 'Oomma 
bonne. 



400 



RrVÏÏE DE LHISTDlRfe DES RELIGIONS 



qu'il est conféré par le Pneuma aussi bien que par le Chiist est uite 
Y^cTictç.Ilspoui' condition que le ndèle saisisselavérité^c'eslàdire le seul 
-vrai Dieu, U Cbdst, < toute la vérité ■, M. ûoguel a raison de dire qu^il 
ne faut pas voir là de Tinte llectualisijie pur et simple. Adhérera la vérité, 
pour le IV' évangile, ce n'est pas seutemeni la Froide recon naissance 
d'une formule, c'est se pénétrer d'une vérité qui porte en elle U vi« et 
devenir ainsi une nouvelle créature. I[ s'agit d'une connaissance mj^ti* 
que. M-iis si mystique qu'elle soit et si intuitive, ce n'en est pas moim 
une connaissance, c'eat-Â-dire un acte de l'intelligence. 

Il importe d'aulant plus de bien s'entendre suc ce point, que M Go- 
^el raltache à cette conception johannique de l'Esprit touie une tbéolïh 
gie de l'Esprit à laquelle il croit que l'avenir appartient. Avec TintentioD 
louable de dégager la relij(ion du dogmatisme et de rintelleclualîsmet il 
ne faudrait cependant pas aboutir â nier la participation nécessaire âé 
rintelligence à toute représenialion <le l'objet de U fui q1 à toute déter- 
mination consciente de son contenu Car ei l'aspir- lion de l'âme humaine 
vers Dieu, la conscience du lîen qui unit l'éire fini et relaiif à TÊIre in- 
Qni et absolu, l'être dépendant a l'Être souverain, et lamanifeslationia- 
dividcielle de la vie a lit Source de toute vie, Bont des puissances de 
l'âme humaine inrlépendant. s de rinlelligence et de k raison, des réa- 
lités dVrdre religieux que la science positive n'a pas le droit de nier, 
puisque ce sont des fattg, il n^est pas permis de mettre à couvert sous 
l'autorilé de ce sentiment religi^uiL des doctrines surson contenu ou sur 
son objet qui ne sont pas autre irbose que des produits de l'intelligence, 
coordonnant el jut^i^ant <les représentations auïquelles le senliinent re- 
ligieux s'allacbe, mais dont il n'a pas qudlilé de justifier l'eiacle corres- 
respondance à la réalité objective. 

JEA.M HÉVILLÏ. 



F.M\CT-BR. — Histoire de salut Azazall. texlesyriaque inédit avec 
introduction et traduction française, précfidée des Actes grecs de saint 
Pancrace putjliés pour la première fois. Bibliothèque de l'École des 
Hauies-Éiudes, 141* fascicule. —Paria, Emile BouiUoa,190i; grand 
iii-8, p. 64 et 37. 



L'édition du panégyrique de saint Azazail a valu à M. Micler le titra 



A.NALtSE3 ET COMPTER HEHODS 



401 



d'élève diplômé de la secticn d'histoire et de philologie de VËcole prati- 
des Hautes- éludes. Elle eat basée sur un manuacril unique du xt* siècle 
conservé au couvent syrien jiCAbite de JérusAlem. Ce manuscrit rao- 
ferme une collectloTi de vies de saints et martyrs iJont Ms' Rnhmani 
H tiré les Actes de Gauria et Schamouna que l'on croyait perdus en 
■yriaque. 

Ce panégyrique aDonyme est d'une basse époque à en juger par la te> 
neuret Iftstjledu récit. L'exposé du dogme de la Tri oiié qu'il renferme, 
rappelle les discussiocs théologiques des cbrétiens avec les musulmaiis 
et notamment la fameuse controverse du patriarche Timottiée avec le 
calife al-Mabdt. Il n'est pas un écho des luttes ehristolo^ques du 
IV* BÏècle. comme le peuse l'édiceur, p. 39, note 1. Écrite avec emphase 
elrempHe d'hyperbolee, celte compoaitinn m'a laissé froid et u le réel 
Uleot aratoire de l'auieur >< «îj^aalé par M. M'der m'a paru extviéré. 
Un Oriental tel que révëijue j;tcobi(e de Jérusalem y lisait du beau 
syriaque, mai» nos goilta en Europe ne sont pas leij mëmen que ceux des 
Orientaux - 

Selon ce panég-yriqire, Azazaîl élail un bel enfFint de quioae an-^ qui fut 
{Ofldaità llomedeS;imo»ate, son lîeude tiaissance, poiirysubtr le mar- 
tyre pendant la pert^écutloacontre les chrétiens ordonnée parD oclélieoet 
Maximien. L'ange du Sei^eur guérit miraculeusement les afFreuaes 
blessures du jeune saint, torturé d'une manière invrai5emt)lable à 
plusieurs reprises. Avant son exécution^ Azazall fait une long'ie prière» 
énonçanl let béoédicliona réservées il ceux qui honoreront sa mémoire* 
et les châtiiiienta n^Servéi^ aux pervers q<ii ne re^ip-'cteront pas le Jour 
deu fêle. Cette prière achevée, il est décapité. L'événement eut lieu 
pendant la pleine lune du mois d'aoùi 304. La commémorai&oa était 
fixé«au deuxième lundi de ce mois; mats une autre fêle dusaiat tombait 
le 12 mai. On éleva à Rome sur sa tombe un couvent mis sous son vo- 
cable et une i^ande et belle basilique. 

Azazaïl était un saint toul puissant; ses reliques jouissaient d'un pres- 
ti^ peu commun ; elles guérissaient les maladies «t le? défauts physi- 
ques Ior pluîreiioQiéa. Cependant ce grand naint n>st pas mentionné 
dans lea anciens documenla des Syriens fti zélés pour le culte de leurs 
martyrs. Aziaai! martyrisé à Rome est cité danala Ckrùrtiquéde Mkhel\ 
et, tu moid d'août, dans le calendrier jacobile du manuscrit du Berlin 



1) Et atisfti ttanf la Chrùn'iqut de Barhebranii, probablement d'après Michat, 
éd. Bruns et Kinub, 6S, uJc, éd., Bedjan, 5et, 4 d'en bht. 



402 



BCTCl I>ff t'tflSTOlRï DES REUGlOyS 



n»156. dalê'JAl!»*^^: aioninns : et risne If mn. Ail'). 14709 du Britiib 
Mnwnin. AMé A^ H'^é, voir Wripht. Cattt . 175 fr. 

M. Maf ler ■ r^rhnrrhé l'f>rizine âe ce panésTriiii^. #t ses reehefdM* 
l'ont amené » une h^urensfi Ironvnrlle qui fait le principal mérita d^si 
puhlicAf inn : les act(>it d? futnt Pancrace nnt «S'errî de ttilre à l'auleur du 
panétrvriqtie. Saint P-turrrace, cnivanl les arles jrrecs publia r<**ir ^ 
la rTf^mT^re fnï't pnr M M^rl^r H'anrèn le eodux parisinus 1470, était na^H 
enf^n* i^e ipiinz" nna, d'illosire familliï, «nii vint rî^ Fb>'yiri$ à Boffl# oii^^^ 
il Bnhît le Hunptî'-e rie N d^Jinidtînn, aprë« avoir fait ane prière, le 
49 mai. lu neiivibme annAe .Ip Dirtclétien et la huilîèmeannée de Uaiî' 
mi^rt. Tillf'iiionf, cité par H Markr. rapjxirte que la fè'e du sain' était 
céléhrée k 12 mai : qu'on aviiit Mfî une éfrli^e en son honneur, et que 
son tomheau était particulii^remenl célèbre â cause ri» miracles qui y 
avaient lîéu. 

Grande e-t t'analf>(riR entre les deux récits : dans le prec comme dans 
le Rvriariiie. le martyr est utï enfant de quinze ans. venu de TOrienl ï 
Rome. L'empereur, DioclAtien on ^faximi^?^. frappé de la heatité et de 
la jeunespede ce chrétien, rherrhe â le ramener an culte des dieoi 
païens etft Itii éviter leg donlnnrpUT supplices du martyre Ijps bourreaux 
accordant au saint le tempri de faire une prière avant de le décapiltf 
hors les mur* de Rnme. Sa fét** est célébrée le 12 mai; une ér;liâe 
s'éli've 8fin8*tnn voc^tble; son tnm beau f^l le lieu de nombreux, miracles. 
Plusieurs pa<!F<a?eR tli^nntent nn emprunt d'un dorument h l'autre. 

M. M^cler*^laildrtnca"i'nrtité à reconnaître que lepanépyrîsle «yriaqoe 
s'est insiiiré des arles Errec«. Mais il va plus loin; il eetime que le nom 
syrîaqne Aznzill n'e^t qu'une adan'alînn du nnm (rrec P-incrace qui 
sifcniHe touf-nH'Sfnnl. L'^lynnlniK'ie syriaque n'y contredit pas; lepané- 
(ryiiate eYpIirjtie \iAzni), comme M. Mader le rapfrelle. par ••■ la force de 
Dieu, lorlet précieux par Dieu' n. ]| conclut que s. Azazaîl n'a exisié 
que dana l'innapî nation du panéjtyrîate qui a transformé un saint prec. 
bistorique mi léirendAire, enun saint syriaque. «Nous constatons ici sur 
le vif, ajoiite-l-il, comment une Ëi^rlise nalînuaUs'e un saint dont ellea 
besoin. L'lî!!f;li>i> jacobite a emprunté un saint à rÉglîse grecque et t 
babillé à sa façon. > Cette conclusion me semble trop absolue. Il 
probihFe qiie, en dehnrs du panégyrique, il n'exista pas d'Actes àt 
8. AzaraîK main la TAte du saint est fiiée dans le calendrier jacobite au 
lundi du mois d'août précédant TAesomption. La seconde fête* celle du 

1) MIaut o chi>r t Dieu x (j/a^ir 'al alohù), P^cieuz ne se dit d^uo ÎEidîïii! 
'que dans ua maurais aeos. 




ANALYSES ET COMPTES BBNDBS 



i03 



12 n)«i, & é1^ ïntroduileeo conformité <îes aclea de Paint Pancrace. On 
pOF^ëde des actes r?es cbrélieos qui subirent le martyre à S'^mo^ate pen- 
dant la persêculîon de Maiimien Hercule ou celle de Maximien Galère. 
|0d peut dùnc accepter comme vêrîdiqne la tradrtioD <:yriBquâ d'un mar- 
' tyr AzazaTi à Samosale, supplicié le 12 août 304, au temps de Bioclétien 
et d« Maximien. Celle Iradition a été iransforraé^ diaprés les actes de 
liot Pancrace et a fourni le panégyrique faDtaisisleque M. Macler a eu 
te mérile de nou^ faire connaître. 

Le ttïte syriaque de ce pQtiéj?yrit:tue ne présente pas de aérieufles dif- 
ficullês et se lit aisément. Le manuiicnt renrerme des fautes de copiste 
bévidenles. M. Macler n'en a noté que quelques-nues. La correction de 
' la noie 1. p. 29, est mauvaise; le teste est ici correct. Les fautes; d'im- 
pression sont demeurées en grind noiobre et trAhissent une lecture ra- 
pide des épreuves mal corrigées, 

La traduction française de ce texte facile eat claire et donnera une 
idée suffisante du document aux personnes qui ne liseit pas le syriaque. 
Cependant elle aurait gagné à être plus littérale et plus précise, Le tra- 
ducteur, parfois embarrassé, ajoute des mots qui ne rë trouvent pfts 
dans le texte : » digne de notre respect i, § 5; " je suis Uien disposé 
pourtot n, ji 11 ; < et aucun autre roi nVn afait de si 'beaux], § 19, au 
llieud^ ; et aucun outre roi n'agit commt eux- ou il omet d'en traduire 
qui s'y trouvent : " â la gloire de leurs dieux, > |j6, lire: avec des Uba- 
liûm il la gloire de leurs oaint dieux. Les à peu près y fourmillent : 
■ les bourreaux, ifuaesCiûaùfii, soù\ transformés fantdl çn soldats, § 6, 
tanl6len i^ardïens, §§ 53 et 55, ou en gardes, §§ 5fl et 61;, ils ne re- 
prennent leur vrai râle qu'à la Hd. S 86 Lire : gui fait triompher au 
lieu de « qui honore >>, § 5; vaillant au lieu de u honoratile », % 5, çt 
|de <> modeste », § 58; tortures au lien de « outruges », !j 5. par les me- 
I nace$ et l«$ contraintes, au lieu de *■. par «es décrets et les menaces w ; 
I et des Itllris de menaces et de contratnlet. au lieu de « pour exercer la 
.Tépressiort et la contrainte >; un hioer rtgourettx d'incrédulité^ au lieu 
de «un hiver d'JDcréduEitè rigoureuse»; ('exAttfaif.au lieu de c brûlait >; 
et le roi impie s'efforçait d^asiujettir tout le mande à son pouvoir {\6 
dalathà«y»nimatko doit être supprimé), au lieu de « cbacun était obligé 
de se courber sous la tyrannie du roi itopie >: tout cela dans le même 
paragraphe. § 6. Nous bornons c&s critiques aux para^^raphes 5 et 6; 
inutile de le^ étendre aux paragraphes suivanis, 

Ce^ péchés véniels ont l'inconvénient d>; faire prêter au panégyriste 
[syriaque des naïvetés dont il est innoi^nt : «. aie pitié de ton Ame de 



40i 



KEVVE DE LHtSTOIRË DE» RBUGIONS 



peur qu'elle ne meure d'une mort amère », )$ 18; au lieu de : aie pilii^ 
de toi-même^ de peur çue tu ne meures tPune mort amèrf, l'âme 
meurt pas ; « et (les dîeux) ont lotis d^ noma tti d«s préaomB », § 19 ; les 
dieux n'avaient pas de prénoms: il Taut lire det noms et det épithètea; 
c la mer et le aec Bt|25, pour ta mer et te continent. 

Plus g^raves sont les contresens: « ils assiègent notre paya et dé- 
tournent quelques-uns de notre crainte... que nos envoyés n'oublient 
pas que... >, § 7,lire : ili circulent dans notre paytet détournent quel 
ques-'um de notre religion^., ne loyons pat oulrapé$ par nûs envoyi 
parce que,..; « les dieux sont puissants i, § 11, lire : parce qu'ils 
tant véooiléi contre les dieux puisiants (il faut dans le texte lahhè aa' 
lieu de aiohé) ; « nous sommes fatiyués «, § 30. lire ; noit$ l'avons for» 
luré; u puis les bourreaux tinrent le saint et ne laissèrent aucun endi 
sans le torturer », § 49 lire r alors le vertige s'empara du saint, 
Une restait en lui aucun endroit qu'on n'ait torturé; « ne viennent 
froid, ni chaud, ni incendtes, ni eauteretles, ni maux, ni accidenta, m 
aucun mal », § 62, lire : ne viennent ni grêle, ni sécheresse, ni rouil 
[dès céréales). ni sauterelles.., ni châtiments crueli, ni dommages,' 
accidentt, ni calamitéi. 

Ia traducteur trouve obscur te paragraphe 66 qui est clair dans le 
fezie, mais il faut traduire ses dépenses ei non pas « ceux qui sortiront 
de sa maison », ei maintenant et dans le monde dont les biens ne périt- 
seni pas, non pas « maintenant et dans les siècles; que leurs biens 
périssent pas; ». Le dernier paragraphe est traduit à tort par des sub* 
joncrira comme s'il s'agissait de vœux. En Fait, les verbesau parfait mi 
queotuD passé etindiquent les heureux résultats produits par lamartj 
du saint. 

RUBENS DOVAL, 



Acta sanctorum confesaorum Guriae et Shamonàft' 

exarata lyrtaca Ungua a Tkeopkih Edesseno anno Christi 29 7. num 
adjecta laiina versione primus edit iltuttratque Iqnatius Sphraem il, 
Hahtnâni patriarçha. anliochtnus syrt^Tum. — Roma, E. LoeschsF 
1899. In-a', Axvu-19-28 p. 



Les actes des martyrs de la ville d'ï^desse forment comme un cyt 
dans la iittérature syriaque. La plupart de cet actes, rédigé$ en sj- 



A5AtTSIS ET COUPTKS KBNbDS 



iÛ5 



riat^e, étaient coddub et édiles dans U laogue qui servit â leur rédac- 
tion première ; tels sont ceux de Barsamya, de Scharbil,, de Habib ; ces 
derniers renfârment une ctauEUle où Vauteur, Théophile» déclare avoir 
également rédigé en syriaque et peu auparavant, les actes du martyre 
de Gouria et de Scbamouna. 

Ces actes, jusqu'à la publicalioû de Mk*^ Eabmâpi. ne aous étaient 
pas parvenus dans leur teneur première. Ils liaient connus par uoe 
version grecque donnée dânô la Patrahgiê de Mignê, t. CXVI, p. 127 
et par une version latine publiée dans Surius^ De probatu Jianctorum 
viiii y au 15 novembre ; en -1896, M. GaLousL Mkertcbîan eut la bonne 
fortune de découvrir une version arménienne des actes de Gouria, plus 
complète que les recensions i^recque el latine; il donna ce lexte nou- 
veau dans le journal .tmrai^ août 1S9€, leile qui fut traduit en anglais 
par M. CûQybeiire dans The Guardian du 10 février 1S97. 

£u 1893, Ms^ Rabiuani assistait, à Jérusalem, au Congrès Eucharis- 
tique ; il eut le bonheur de découvrir dans le couvent de Saint-Marc des 
Syriens jaçoljites un manuscrit du xv* siècle, qui reotermait les actes 
syriaques de Goitria et de Sch:.mouoa. 11 ea Bt prendre copie et l'édita 
avec une version latine el une introduction ; le tout ne parut qu'en 
1899- M^' Rabmaoi n'bésile pas à voir dias les actes de Gouria édités 
par lui, un des plus anciens monumenls de la littérature syriaque: 
« Ista porro acta, praetef v^rBiODêm pskidam uihusque Foederis, per- 
bibent veluslius Syriacae linguae cbriBliuDum documentum quod ad 
nos usque superstes pervenerit » {Pvoiegomena, p. 5). 

Gouria et Scbamouna subirent le martyre sous le règne de DJoclétiea, 
& Ëdesse, lors d'une violente persécutioa dirigée par cet emt>ereur 
contre les églises de son empire. Gouria et Scbamouna se faisaient 
remarquer par le zèle de leur foi, encourageant leurs frères à persévérer 
dans la bonne doctrine et à ne pas brûler de l'encens devant la statue 
de Zens; ils parcouraient les villages et les campagnes, suppliant les 
chrétiens de ne pas renier le Messie, morL pour eui. L'igouraêne 
d'Édeate apprit toutes ces cboa« el pour réprimer un zèle si ardent 
manda dans la capitale les deux témoins du Cbriat. Sommés de renon- 
cer à leur foi, ilfi prélërent subir les tourments les pins cruels et les 
plus variés, jusqu'au moment où ils furent eiécut^ à Betb Olob 
Qouqlo, au nord d Édesae, le 15 novembre. 

Nous présenterons quelques aimples remarques sur le travail de 
H(' Rahmani qui, en dehors du texte syriaque édité par lui, avait à sa 
disposition, un texte grec, deux latins (Surius «t BolLandiâtee}, une 



406 



REVUE DE LBI&TOIRl DES RELletO^IS 



ve rEion arméniecne avec IraducUon en anglais «l une version cu^ounie 
des Diâmes actei, également au couvent jacobite de Jérusalena. 
Hf |{«bin»Di ne semble pu «voir su proCler des documents dont L 
disposait pour douDeruoe édition cri'ique àes actes de Gouria eldé 
Scfaamouna, surtout s'ils soitt vraiment de la date qu'on leur assigQe 
et s'jlft «inl bien cooleinporaios de la Peschitlo. 

Les ac'es ^recs et latins [.laceat le martyre de Gouna el Scbamûiini 
êo l'âq 600 des Séleucides (289 ap. J.-C.) <• agebatur quidem seiceo- 
tesimus annua ab imperio AlexandrL Macwlonis s, lizz [aI** ^ Tf,; 
'AXt;(ivsp3W T35 Msuiejsvsi; àp/ï}; i^axsaKTtàv j^v... » ; la version anné- 
nienûe les pla^^e en 615 ; Mb* Rabmani date ces actes de 6U8 (]tjfiii_^ 
^JJoio) ; en noie ii ajoute que le cod. porte 618 JilaL^ A-L302o , 
et il explique celte erreur par une coarusion frèqueDle entre s^^* [S)el 
■ .j-toLii (18). La copie des actes syriaques de Gouria, que nous avoQ$ fait 
prendre à Jérusalem, porte ; en l'an 655 du règoe d'Alexandre, 
(■ -"-^ --1* , ^ ^V -^« 1^ A *.A é>i.At] et celle date, comme on 
le voit, e&t écrite en toutes lellreï ; il n'y a pas de confusion possible 
entre des abréviatioQS au des chitîres mal interpréta; la date fournie 

par la version cari^unie difS^ti eocore : ût^U^Koo oM^oa .* 

p ^^ of|.jckiiiâo(1'an 615). Les élémentsétaientsufûsanls pour établir 
un synchranienie tout au moins relatif; ces seules diQérences monlrent 

4]ue les versions ont été faites sur des textes divers et rien ne prouve i 

que notre syriaque soit le plus ancien. ^H 

Le même synchronisme donné en tête de nos actes fournit deediver-^^ 
gences dans les noms des personnages contemporains du martyre ; le 
grec et le lalîn mentionnent Diodélieb et Maximîen [novem aulem 
annos jam transegerat Diocletianus, sceptra tenens Romanorum, et 
sextum jam consutalum obtinebat Maximianus: Auganisaiiterrt,Zo8ne 
filius, bis temporibus eruL praetor. et Cognatus eral episcopus Edeese- 
norum.,.). Le te\te syriaque mentionne la 8" année du consulat 
Dioclétien et la b' de Musonius; la leçon Aîusonius est exacte, mais ce 
doit Mre une erreur de copiste pour Maximien^ comme lisent le car" 
souni et les autres texies. Ce Musonius était gouverneur d'Ëdesee, il 
se nomme Antanius dans les versions grecque et latine, et Musoniiu 
était gouverneur d'Antioche (accersîto Musonio praeside Antiochiae}. 
C'eût été l'ceuvre d'un savant d'établir Funité dans ces données dîfl'è- 
rentea. 

A Ja page 5, le texte et la traduction de Mit' Rabmani portent MusJ 



■ANALYSES ET COMPTES RBNDUS 



i07 



Ttiit' (■ r"^ ' ■ ""* ^) comme nom derigoumèned'Ëdesïe; la cofieque 
DOUB avoos fait prendre à Jérusalem porte Loucianous (- mi l .irft N 
comme Dom du mèaie gouverneur; c'est *ias'\ qu'it se nomme dans lea 
aotea de Habib (... et Lysaatas crealus tuîsset praeses Edesuaej. Pour- 
quoi tte pas sigaalsr et ne pas discuter ces nuances qui ae sont pas saas 
îm[>orUnce au point de vue lîllèriiire? 

Encore une rumar^ue : Jusiju'à la publîcalion du texte syriaque de 
JA^' iUhmdai, on tenait Guuiia et Scbarnouna pour deux jeunes iiiaT' 
tyrs; les adeB ajfriaques nuus HppreaoeaL que la filie de Schamouna 
faisait piirLkit diu i^roupe dt; ctnéiienâ. i^ui recbercbèreiil les corps des 
msrljrs pour les «lubaumer; il était inléreasdat. non ^euleuieut de 
signaler la cbose. mais d'en rechercher l'origine. 

Au demeurant^ iâ publication d« H^ ttahmanî e&t intéressante et 
utile ; au point d« vue scientifique, elle laisse à désirer. 

F. Maoler. 



A. D. KïRtAKos^ — GeschicblederOrleDtalIscheDKirchea 

Toa 1553-1898. — Tiadiiciion alleiiifinde p.ir le liucieur Khwin 
lUUfiCH.. — Ltijpzii^. Deicherc, 1UÛ2; pet. in -8 de x et 28U p., avec 
index. — Prix : 4 luarka. 

/auteur de ce livre est professeur à la Faculté de théologie de rUai- 
Tersîté d'Albènes et s'est lurmé aux écoles de théologie d'AHemai^ne. 
Il ae récUine de Karl Hase pour maître.. Il a publié en 1881 une 
Jiiifoire de lÉgliie en tiois volumes qui a dtja eu deux éditions 
et c'eal le preijiier ouvrage de ce g«ni%, vraîm<*tit scienlîlique.p'iru en 
Grèce. M. le Doeieur Krwin Raus;;b, déjà connu par une fitaiotre 
de la pMa'jogit el de l'enseignement lupérieur, a rendu service au 
public, qui n'est pas familier avec le j^rec moderne, en traduisant en 
allemand une partie de rhistoire ecclésiastique de D. Kyriakos, celle 
qui a trdit aux églises orientales, depuis la prise de Ckposlantinople 
par les Turcs jusiju à nos jours. La révi&ion de celle version faite par 
l'auteur nous est gtirante de sa flilélilé. Les troubles politico-religieux 
qui ensan^^lantent depuis sept ans, à la boule de l'Europe, l'Arménie et 
la Macédoine, donnent un inlérél d'aiilualité h cette publication, faite 
par an savant bien informé et de tendance libérale, Le livre se divise en 



412 



REVUS T>K LHISTOIHK t)FS RELIGIONS 



«nnonçons ici, n'oublions pas, en le lisant, que ce n'est pQÎnt un chi- 
pîlre à'htsloirt ecclésiastique, ni même reUgieusCy mais une éludt de 
sociologie qu'il a voulu doUs donoer. S'il fallail se placer au point d« 
vue de l'historien pour le juger, trop de choses y manqueraient : les in- 
dications précises sur les origines et les groupements des Églises d'Amé- 
rique, les menu» détaïU de leur existeace, les notices biographiqua 
indispensables sur leura personnalités les pluï marquante?, les faits «t 
détails c h ronol Doriques, les statistiques eiactra 9ur le nombre de leurs 
Cdëlea^ le récit des lutt^ et d6â rivatitéa entre les commumons di- 
verses, etc. ^ 

Mais ce n*est évidemment pas cela que M. Eargif a voulu nous racoo-l 
ter et ce n''est pas cela qui l'intéresse, L'auteur a choisi dans le passé 
comme dans le présent des Elats-Unis d'Amérique, une certaine 
de dODdée» «l de faits qui aboulisseat & établir une thé^ç générale sx 
l'inQuence réciproque du sol américain et de ses habitants^ ù, ti^vers les' 
si^les, dans le domaine des notions théologiques et des émotions reli- 
gieuses. Cette thèse, c'est que toutes les Églises de rAmérique du Nord, 
protestantes, catholiques, juives» voire même les groupes de libres-pen- 
seurs, ont une physionomie commune, éminemment nationale; qu^eUes 
sont plus voisines d'esprit et d'allures entre elles que chacune d'entre 
elles avec son EgHae-mère d'Europe'; qu'il y a donc, dès aujourd'hui, 
et qu'il y aura de plus en plus une région américaine, essentiellement 
soeiaîey essentiellement positive ou plutôt positiviste^. Grdce à la loi de 
réTOlulioa religieuse', qui De change pas les dogmes, qui ne brise pas 
les sectes, mais en oblitère peu à peu le souvenir, en tournant les esprits 



1) Ainsi il âerait mpassible k quelqu'un, qui ne le sai^rsH déjà, de se !ùn ; 
la. lecture ds M. B. une idée nelte et alaice de ce que fut el de ce qu'ejl uda 
communauté religieuse aux Ët&ts-Uûis, comoieâl die recrute ses. pasteurs 
Bes memhres, etc. 

2) C'est ainsi que — d'après M. B, — un c&tb'olîqiiti améric&ia rassemble 
plus à un protestant américaia qu'4 un catholique allemand ou fFançais; aa 
presbyl^érien d« BobLoq plus a un calholiqite-rootiain de Ndw-VorEt qu'à uq pres- 
bytérien d'Ecosse ou à. un réTorcnê suisse; ua israélite américain plus à un bip- 
ttfite ou un catholique de son pays qu'a un juif de Berlin ou de Varsovie, 

3) Le mot po$Uifç^l cna! choisi puisque dans le jargon théologique protestaii 
des pays de langue française, il est fréquemment employé comme synonyms 
d'orthodoxe, ta opposition aux négateurs Eibéraui, 

4) M. B. lient à ce qu'on sache bien — il y revient souvent — qu'il ae s'a^fit 
p&B du louL de l'e&prlt de variation^ spécilique au protealanlîsuie, el uuilemeiil 
progresBir, 



AHâLTSES ET COMPTES REHDUS 



413 



vers l'avenir, et qui ■ se fait sentir dans rÉglise catholique, aux fitats- 
Unis autant que datis lâA Églises juives, protealanles, indépendantes -, 
il se prépare au cleli\ de l'Atlantique t une religion de {'bumanit!' où 
viendront se confondre toul^s les religioûs existantes », 

C'est là l'idée mère que M. Bargy a essayé de démontrer et de déve- 
lopper dans les sept livres de son volume, en suivant 1^ développemeal 
religieuxet moral des États-Unis depuis les origines de la colonisation pu- 
ritaine du xvn' siècle jusqu'à nos jours. Il croit pouvoir démontrer qu'iJ 
y eut, dès les premiers jours, dans ce qu'tl appelle le Mrt>fi<inism# .i?o/o- 
nmJ. une base civique, un instinct de solidarité sociale qui prédomine sur 
tout le reste ; que ce christianisme •> ne fut à aucun degré Ihéologique * ; 
quels profession de foi des premiers colons « n'imposait pas de dogmes 
et que teur notion du surnaturel se réduisait à peu de chose j>. S'il ne 
peut nier entièrement qu'il y ait eu , U-bas aussi, de véritables persécu- 
tions d'Églises à Églises et d'Égii&es à individtts, il voudrait du moins 
nous faire admettre que ces pei^cutions « furent toujours des mesures 
d*i)rdre politique >. Si cela ne nous menait trop loin, je croîs bien qu'en 
scrutant les annales ecclésiastiques de la Nouvelle-An g leterr* el d'autres 
colonies au xvii* et au xviii* siècle — (et même au xix*) — on y pour- 
rait relever une série de mesures Tort peu en harmonie avec les asser- 
tions de l'auteur, et si les cotons des districls septentrionaux n'ont pas 
formulé plus fréquemment leurs croyances dogmatiques, ce n'est pas 
fl qu'ils n'en eurent pas i» comme le croit M. B. (p. 34} mais vraisem- 
blablement parce qu'ils ne songeaient pas même qu'on ne pût pas en 
avoir". D'ailleurs l'intolérance est toujours l'intoEérance, et qu'elle soit 
religieuse ou politique, c'est le même principe, quand même les persé- 
cuteurs agissent « par zèle conservateur plus que par zèle orthodoxe ». 

Assurément le dogmatisme et surtout la doctrine de la préde&linatton 
caivintsle, d'un Hooker, d'un Shepard, d'un Edwards, s'atténuent peu 
& peu pour disparaître presque entièrement au xix' siècle, quand l'uni- 
tarisme grandit, que par la grande voix de Channing, par les t'ssais 
d'Emerson il pénètre dans les masses et commeace à agir puissamment 



1) ■ Nous ne cous séparons des Éf^trses d'Outrtifti«r (ii cOTifession de foi 
siricte) qu'en maliôre de conetitulion eccléci as tique >i, dÎBoil le Syoode de 1648: 
l'Acte d'&doplion de l'Jii'd proclitiiie la coîirfssîon iJe Toi de Weslfuinaltyr; le 
Syaode de Philadelphie exclut les méthodistes en t74l, etc. — Il Tau', observer 
A celte ocrasioa que l'auteur eet bien parcimonieui pour ses renvois aux sourt as ; 
assurément il a cansciencieuBemecit étudié son sujet, mate presque partout 
« l*fcppareil crtLique m fait défauL 



4U 



RBVTE DB L HISTOIRE DBS RELIGIONS 



dans la république américaine. Puisée sont les premiers essais du cAri*- 

tianisme sociat, qui s'essaie à la réïlisalioa de !a vie commuo^ dans le 
phalanaiftre idéal de Brfwic-Farm, et celte tendance nouvelle, devenant 
de plus ea plus puissante et géaérale, dans uae société quasi nouvelle, 
fait surgir Hans ioules les dénominalioDs eccléaiaBliquea ce qu'on ap- 
pelle, avec plus ou moins de raison, ïaméricanisme religieux, c'est-à- 
dire des tendances humanitaires et socialistes, destinées & transformer 
l'humanité misérable et souffraote, sur cette terre même, au lieu de 
iravaiUer. comme autrefois, à la conversion individuelle du pécheur, es 
vue du paradis. C'est à ce mouvement d'une intensité si féconde, et 
qu'on ne peut suivre qu'avec une admiration profonde pour ses initia- 
teurs, que M. Cargy consacre la majeure partie |de son volume. Il noue 
en retrace le tableau avec une sympathie visible, soit qu'il parle de l'u 
ou de l^autre des communautés rêlii^ieuftes qui rivalisent d'eFforts sur 
ce vaste terrain de l'aclivilé phi ta al b repique et sociale. On lira avec un 
intérêt tout particulier les deux chapitres consacrés au catholicisme so- 
ciologique et au catholicisme ariffio-iaxon, dans lesquels il nous décrit 
les principes et l'aclivUé dea deux convertis, le D' Brownson et le 
P. Hecker, cet ex-garçon boulanger, à la physionoinie ai vivante et si 
profondément originale, qui s'eng:ag'ea dans les ordres, <« poussé pir le 
sens de la solidurilé humaine •< et dans la conviction naïve^ que sous 
l'autorité (utélaire de l'Église, >< l'dme peut marcher, courir ou voler i 
son choix, en toute sécurité et parfaite tilierté, dans les voies de la sain- 
teté '> [p. 172). Les créateurs de ce calAolicâme national ^deux lû' 
qui hurlent de se voir accouplés I) oui dOi éprouver d'ailleurs plusd' 
mâcomple sur le degré de liberté qu'on veut liien leur accorder à Ro 
et je doute fort qu'on permette aux éminenls prélats et aux docteur* 
qui le représentent, de « professer l'oubli du dogme au profit de la mo- 
rale »; M. B. s'imag-ine-l-il vraiment ['archevêque de Saint-Paul renon- 
çaut jamais à un seul des dog'meâ de TÉg'lîsê, même au plus récent? 
Si l'auteur se trompe ci et U, en parlant de l'Église catholique', 
n'est pas toujours mieux renseigné sur les Églises proiestantea ou i 
moins il se donne le tort de le paraître en négligeant nombre de faits 
de personnages qui devaient nèceasairem;eQl figurer dans son livre, d 

1) Je citerai Eeulement r&fCtrmalion qu'elle « est la SQii3e daai le inonde 
proclafûflr l'ègaiilir des races » {p. 183), nlora qje les nègres du Marylaud sont 
aussi bi«n exclus des àg;lis<!a caliioliques que des temples anglicaaa, ou celle, 
&fnrinA.tionatiipàrmnleqi]e Romelais^ te champ plus libre à 1a critique bibliqui 
que les Églises proteslanles (p. 276). 



1- I 



lin- 1 

I 



ANALYSES ET COMPTES RENDUS 



MS 



mompnl q\x'H prétendait traiter à fond son sujet. Oa dirait vraiment 
que, dirigeant ses déductions vers un bul déterminé d'avancet if a sim- 
plement éliminé tout M qui ne reûtratt pas dans le cadre de ses Ihéorî&s 
favorilesV II est vrai que s'il avait dû parler de Théodore Parker, par 
exemple — dont le nom même n'esl prononcé nulle part— ou de Henry 
Ward Beeclier, il lui aurait été bien difficile de f3.ire eûtrerce$ deux 
illustres repréaenlants de tendances divergentes au sein du prolestan- 
ti^me, mais également el profondément chréiieas, dans les cadres de 
cette Église américaiDe qui n'est plus, selon lui, qu'une c évolution vers 
l'Ooiversité populaire, une Église au service de l'intelligence humaine 
mais non plu» l'Komme au service de Dieu s. et dont it le but est le pro- 
grès dans les arts e( les sciences de la terre >t. Il eat si convaincu de cette 
évolution radicale qu'il assure que les Sociélét de cuilure marais ^ asso- 
ciations fort respectables et certainement utiles d'ailleurs, fondées par le 
D"" Félix Adier, fils d'un rabbin juif, sont * le terme de l'évolution du 
chrietiauisme américain. > 

Même dans cette question spécialement étudiée de Vinftuente sociale 
de la relig'ion sur le peuple américain, l'on est étonné de voir que fau- 
teur s'ea tient presque partout aux généraliléâ anouyines. sans s'arrêter 
à DDua nommer tout au moins les chefs, lea plus connus du mouvement 
Mùciai, k Thêure actuelle. Ses lecteurs n'apprendront à connaître ai 
Charles Shel4on de Tupeka (Kansas) et ses fameux romans-sermoDS, 
pas même /it hts stept, traduit dans toutes les langues d'Europe, ni le 
D' Georges Herron, l'auteur de Christian SiAfe et de Christian Socieltf, 
ni le D' Charles Parkhurst, léloquent prédicateui' de Madiâoo S<iuire, 
à New-York, l'adversaire outrancier des corrupteurs politiques de Tara- 
many-Hall. En étudiant ces g:randa hommêa de bien et leur travail im- 
mense et fructueux» il est bien difllcile de nier qu'ils aient une foi relï- 
ifieuse spécifique^ et il nous semble bizarre et faux de résumer leur 
activité en disant que « /« culte de l'humanité g'iustAlle en Amérique. 



I) Ainsi, puisque nojs parlions tout â l'heure dey nëgres, on sera fort élonne 
dp ne pas rencontrer un mot SUr les millions de chrétienB noirs ou mulfitref, 
kur influence sur la mentaltlt; religieuse des États-Unis, leurs nombreuses 
Ë.gliMabiptisteseLaulr'es.Ieur* rfwitwis, etc. — L'auteur ne cOnoalt pas.semble- 
r&it-il, beaucoup mieux \v protesiantisme d'Europe, puisqu'on le voit accenEuer 
l'a^bience des dogmes, l'èliminaLion As. la mL-tapbjsique re]jçieu«(>, comme chose 
spùcïnquecnent natmiale, américaine, alors que les ruiSaies et identiques teu- 
db.aces se aonl manirestéesavec un semblable éclat dans lea œllieux du proles- 
taaliiine Libéral eo France et en Mleoia^e, eu Suisse comme aux Pa;a-6u. 



U6 



nKvoE DK L msroiRE tes keugions 



tans déplacer U mite de Dieu, .. .à péti près, comme il y a seize sUu<=b,| 
les imag-es cfaréliennM se $ont superposées insensiibl>9m«at aux idoles' 
païennes des autels rualiqu^ ». Je trouve plus équitable et plus exact 
d'y Toir refïloresceDce tardive, mais puissante, du vrai christianisme 
libéral, émaocipé dti joug des orlboiloxies de tout genre qui le UeDû^l 
en laisse, le contrecarreal et l'aigrissent dans notre vieiHe Europe. 

Je ne formule d'ailleurs toutes ces observation* critiques qu'avec m 
certaine réserve et cela pour une raisou fort simple; n'ayant jamais tra- 
versé rAllautique, je ne connais ta société et les Églises d'Amérique 
que par les livres et les journaux religieux et quelques Américains atec 
lesquels le hasard m'a mis en coulact. Je ne songe doDC pas à m'înscrire 
en faui contre les observations persortnelle-s, sans doute autrement a| 
profondies de l'auteur; je les tiens pour exactes mais peut-être tro'p sj 
lémalisées, et surtout je m'imagine qu'elles n'embrassent pas l'horizon 
religieux des Etals-(Jni!ï lout enlier. D.(ns les articles, bourrés de chiffres 
que publiait récemment M. Albert Scbinz dans la lletiue chrétienne^' 
j'ai rencontré, sous la plume d'un auteur évidemment orlhodoie, de 
r^rel» et des doléances qui conrirment, daus une notable mesure, U 
appréciations de M. B;irgy. u Si l'on continue, di) M. Scbinz, à marcbc 
au nom du priocipe : Le cbrisiia-nisme est une vie et non une doctrine 
le seul résultat possible serait la disparition graduelle de tout élémei 
religieux dans les paroisses*, a II y a donc accord sur certains faits, mais 
ces faits — qu'où les signale avec satisraction ou non sans tristesse — 
ne me semblent en définitive se rapporter qu'à un seul coin du vaste 
tableau de la vie religieuse aux Ëtats-Unis. Eu dehors de ces Ëglise$ 
lalitudioaires et pour ainsi dire laïques, il s'y trouve nombre de sectes 
fort strictes et des Églises nombreuses fort confessionnelles, comme 
par exemple, les Églises allemandes de la Coofession d'Âugsburg. El su^ 
tout rien ne nous garantit que ce qui est l'esprit d aujourd'bui resien 
l'esprit de demain. Le voyageur que je citais taatùt, loin d'y voir une 
évolution définitive, déclare qu'il « est impossible que les fidèles d'Aui^ 
rique ne réiatroduiseat pas avec un protestantisme doctrinaire ta raisos] 
d'être de la -piHé qu'ils semblent avoir perdue... Les conceptions actuel- 
lemeal prédominantes de la religion ne sont que passagères... un sj's- 
tème de tbéologie reprendra le dessus sur le simple système de morale] 



1) L'église actuelle âm litats-Unii d'Amérique, Revue chrétienne, septembre- 1 
novembre 1901. 
Z) Op, eit.t p. 367. 



ANiLTSES ET COMPTES BËNDDS 



in 



déCguré par quelques excroissances métapbynques qui rèf^ne à l'heure 
qu'il est. " 

Il est impossible, k dislance, de trancher ces quealioas si déHcales, 
de jaui;er la vitalité de doctrioeâ canlradictoires, d'affirmer d'avance 
quelles seronl les tendances géaérales qui triompheront demain et si 
leur triomphe est assuré peur ravenir. En tout élat de cause, il nous 
semble prématuré pour la science sociologique, comm^ pour la science 
religieuse, et dan^^ereux pour leur r'éputalion même, de prononcer des 
jugements auasi catégoriques, de poser des conclusions aussi formelles 
que le fait notre auteur, avec la hardiesse sereine que les théoriciens 
ont manifesti^e de tout temps '. Mais nous ne lui en Bommea pas moins re- 
connaissants d'avoir tenté celte synthèse, fruit raisonné d'une étude 
consciencieuse de la société d'outre-mer, et de ces courants intenses 
d'une vie supérieure à la vie puremeni matérielle qui l'agitent, la Ira- 
vaillent et la font a-çir. Cela repose des métaphysiques et du dOb:[natisme 
du vieux monde, qui s'agite, lui aussi, &e dispute et s'entredéchire, mais 
sang arriver encore à 1 action féconde que nom admirons chez le peuple 
américain. 

Rod. Keuss. 



1) Nous avons relevé à la lecture, qnelqgem fautes d'iropression : p. 18. lire 
leSO au lieu de 1830,— P. 44 Jire nHfnojjier pojrmÉ^naffe. — P. 260, lire tSS9 
pour iS69. — P. 282, lire livra pour ivrts. — P. 180 et 271, l'auteur a deux 
fois reproduit la citation de la CArtsftan ITnion, 



NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES 



Alfaeo BsRTnoLBT. — Die Geâlde der Selig'ea. — Tubingue et Lùptig, 

Motir; 1903, 33 p. 

Tr&s ftoUTS&t, dto« l«9 croyancgH papiilaires, 1« p«.ys d«E morts Mt sèp«r« d« 
celui des TÏVanlS par un fli'uve ou un lac, aoil qu'on y arrive dans une barque 
ou sur un pont, iM. Berthol^'t rallache «e înil à deux ordres de prèocciipnluant : 
1° La Iribu ou le peuple ae rappelle avoir rencontré, pendanl ses Enigrationi, 
des eaux difUcilea à traverser. Les morts n^lournent au pays d'origine; c'est la 
Dostal^iedu Lomé qui sVxprime ainsi ; 2" On se pr^'occupe découper aui morts 
dangereux le retour paroii les vivants. 

QuelqueFois le pays des morts est complèlemei;! entouii! d'enu, comme l?stles 
dfls bienheurçuK ch^i les Grecs, mentioniiéts pour la. première fois dans Hésiode, 
apparentées aux Champs Ëlyst'i's de VOdyssée, el ^mprunlêes peul-ftLre aux 
BabylûJïieûâ par l'inlermi'^îîaîre des Pb'('nii;ieos. D'abord ces Jieux laÎDlains «t 
bienheureux sont peuplés, par les favoris d«s dieux, qui col pu échB.p;>«r 4 la 
tnort; eusuilë tous \ei hammés pieux y arriveal après la mort. 

Les anciens croyaient ferinetûenl à TieiLslence g'?of;raphif|ue dea îla dés 
bienheureux. Encore aujourd'hui M. Hommel, !'uri4>nl3lisle bien connu de 
Munich, cKerche à établir la eitualion de ces Eles uiyst^Tieuses {Die Inset iter 
Siligen in Ui/thus ujft Sane der V^nnl, Muuich, 19ttl). Il y en & bien 
d'autres, 

La vie dans ]« loiolaln pnyB des bienheureux est en contraste avec la faieh- 
rable existence ô'-s fiipes dans l« séjour Bouterrain des moirlB. Celle idée d'une 
vérit&We vie après la mort, non eeuleoieot dVne survivance pflu Jigne bVlre 
appelée vie, celle idé'e de bonheur éternel après la mort, qu bien s^ns mourir, 
d'où vient-«lle? M, Berlhol^t Fait un« large pari aux rSves, aux apparitions 
dans les rèvâs. La fioncie'ptioa plus élevée de la divinité et les exigenceâ d« U 
juslicB y ont colkbo'ré. 13 faut se rappeler surtout que la religion a toujours 
counu des ■ ipitiêa <>, créateurs de nouveaux symboles éducateurs des coassiPS 
de simples croyants. 

Voilà I« principal contenu dA cette c&nfëreoce, qui téiinoi,^ne de v&sl«x lec- 
tures et de g^gilllilLérairâ, M. Berlhoteta pris, comme point de départ, le L&bleaa 
bi«a connu de son immorlel eompatrioie Arnold B&ckliD, « l'Ue des morta v. 




I 



M. Viclor Henry a rendu ua service signalé à cetix de noa i;ampatPiû[e« qu 
ne surent pas l'alLemind ou qui ne sont p%& assez (smiliariïés avec celle 
langue pour lire aieéoienl un gros toIiitd« sur un sujet peu accessib)* aux non* 
initiéB, en traduisant l'ouvrage classique de M. Oldsnbefg sur la Religion du 
Vèài. Comoie il l'obsâfSA lui-mâme dans la PréTaoe qu'il a mis€ en lAle du sa 
InducLion, la connaissance du Véda esL la condition indispensable pour l'tntel- 
ligenc« des origines du BoufidhisTne. L'hisloire religieuse de l'Inde préaeale 
une continuité exceptionnelle, par le Tait qu'elle s'est déroulée en une lente 
érolulion iaterne, aans être alTecl^e par l'inlroijucliou vioileute «J'élëinenls étrïu- 
ge» qui en aient modifié le cours rég^ulier, comme cela s'est produit pour la 
plupart des autres Kf&Qdes histoires religieuses dont les phases successii'frs 
nous sont connues. C'est mâme là ce qui en Tait le principal înlérêt peur l'bis- 
lOrien des relrgions, que celle évplytion aulonome soil considérée comme avan- 
tageuse ou dèFarorable à la réconditê religieuse de la race. En religion Comme 
dans lei autres domaines de la vie humaine il semble que les croisetnenls soient 
ravorables au prog^rfs, 

Les Irois volumes de la Religion Véiilque de Ber^signe iionâlituent un ou- 
irra^e roai^iatral qui a renoureli^ la critique historique du Véda. Atais il Tant 
bien rfiGOnnailre qu'ils nR se prêtent guère h l'inslruclioti du lecteur qui n'SBl 
pas sanscriiiste el TËdi^anl. L'ouvrage de \f. OLdenberg a le grand at'anlage 
d'être accessible i tout homme instruit et quand des Bp^cialislea d'une compé- 
tence universellement reconnue, comme M. Victor Henry, nous affirment que 
les ffiéuagements pour le lecteur n'allèrent pas la Ëolidiilè de l'intormation et la 
valeur scienliGque du récit, noua deroag nous rëlïcîter, nous qui ne Bommes pas 
des védisants, d'être mis à même de comprendre k pensée religieuse de l'Inde 
dans df3 liTres comme ceux que, M. Poncher' et M, Henry oui traduits en 
français et que M. Alcan a admis dans sa « Bcbliotbèque d« philosophie god- 
lempuraine ». Peut-être, cependant, eût-il été bon de rappeler que, sous une 
forme sommaire, nous avons en français, dans L^s ile^iotu de l'tnde de 
H, Barib un remarquable résumé du sujet. La seconde édition, considérable- 
meut Duguieiilée, en esl depuis longtemps annonces et atleudue avec impa- 
tience. 

M. Victor Henry, dans sa. Prétace «l dans plusieurs notes, rappella que 
M. Oldenberg fait à l'interprétation ethnographique ptus de concessions qu'il 
n'est dijpoAé i *n corisenlir. Je ne pense pas que ce soil uniquement « cour- 
ir nidenber^f, I,- Boaditfui, Z* id- 



420 



REVUB DS L HISTOIRK DES REUGIONS 



toiete icâenUf^qu* • de la part du proresKur de Kiel. La ir&dueleur s'en 
console en observant qu'aprée tout « rimprestsion qui se dé^ge de ta IkIuo 

du livre de M. Oldenberg^, c'est que la religion védique esi naluraiisle, êASttt- 
lîetlement et presque exclus iwement n«lurnli8lfi =■ (p. ivin). II n'est pas pr»- 
b«J?le que J«a pB.rtiB&nB raisonnables de la méthode ethnographique v contre- 
disent. Nous ne possédons pas de témoîg'nages des formas primitires de la 
religion des Aryaa de l'inds. Les parités Enëme les plus anciennes du Vèda os 
nous sont parvenues que dans des rédactions qui correspondent à une épo{|u« 
de civilisation rcIalÎTe, où les particularités caraetërisliques de l'ét&t sauvage 
ne sont plus ^ue des aurvîv&nces. L'inLerpréLation philologique, sous son 
apparente rigueur, n'est le plus souvent qu'une hypothèse cotnoie l'ialerprêta- 
tion «Lbnog'mphique. Il faut décider dans chaque cas particulier l&qu«[le mérite 
la préférence et surtout ne pas prétendre appliquer une seule et même explica- 
tion aux aas mllnitaent variés qui se présentent. 

M. Victor Heury «st bien près de partager celte opinion, u La vérité, dit-il, 
a'tst pas si simple : ni Tliq ni l'autre système ne saurait la contenir a [p, xvi et 
ITEI). A lire sa Pn^Tace il m'a paru qu'il était devenu moins intransigeant h 
l'égard de ceux qui prétendent rauacher les riteSt lesinslilulionB, les croyances 
ou les mythes àl'élat de civilisation auquel ils correspondent. Est-ce une fausse 
impression ? Ne faut-il voir là qu'un eflTst de celte « courtoisie: scientifique * â 
laquelle il reproche à M. Oldenberg d'avoir trop sacriGé? Je suis enclin i 
penser que c'est plutôt parce que les deux mèthodea lui paraissent conciltables 

(p. ïVll]. 

Il est inutile d'a^ouler, quand le traducteur est M, Victor Henry, que l&tn* 
duciion est excellenie, c'est-Mire à la fois Sdèle et en bon français. 

Jean F18TIU.E. 



Pàitl Fikbio. — D«r H^uacbeniolui. J«ia SelbstbeEeîclmtiiig-. — 

Tûbingen, Mohr, 1901; 1 vol. ifi-8 de vu et 127 p. ; prii : 3 m. 

M. P, Fiebig. licencié en thiéclogie, a repris à nouveaux fraïs l'étude de 

l'expression êvang-ëlique : a te fllEde l'homioe. v Après Oalman (IForfc Jesu. l, 
1898) et Wellhausen iSkizz.en, VI, ISîK)), après Lietzmann {Der Menscktmohn, 
1S96}, il a soumis â une enqui^te minutieuse les expressioos araœéennes qui 
oDl éH l'original des termes grecs : i utô: loO R«tpiû«>i>v et il en pourGuiL La \ 
dëtarminalion exacte à tmvers le largoum d'Onkelos, les tar^oums samaritains, 
les Talmuda et les Midraschicn, la lillératurei syriaque, etc. Le résultat c'est 
que [H)'tt7JK 13( dès les temps acciens, signiHe » rhomme ■ et non u l'enfaRt 
de l'homme », et s'emplo'e aussi pour désigner « un homme » ou même Biot- 
plement <> quelqu'un ■. 

Partant de tes. conclutionit acquises sur le terrain linguistique, l'auteur en- 
treprend dans une seconde partie l'étude des passages du Nouveau Testament 



NOTICES RIBLIOURArniCrES 



43< 



qui se rapporlenl à la qneetion. Il montre d'abord qu'il n'y a pas de raUoQ de 
■oupçjonner les rédacteurs du texte grec d'avoir m&l compris les termes ara- 
nléens «qu'ils Iraduisaienl, maiA que ceux-ci étaient dès le début susceptibles 
rl'inl«rpr«t4lions difTérenles. L'upplicalion de la dénonninalî&n barnascka par 
Jésus à lui-même e$t déiermioée par le sens qui lui êiail attribué dans le livre 
de I>&Diel (vti, 13) : le Messie. Mais dans les évangiles elle n'eet cependant pas 
identique à ce qu'elle est dïAS Daaiel, su d'aulres termes Jésus n» se borne pas 
i reproduire purement et Bimplemeiiil la notion expricné$ daos l'Apocalypse da- 
piéliqus. Le IV* Esdras et le livre d'Hënoch sont inroqués p&r M. Fiebig- pour 
itablîr que l' exprès eioti « rhomxe • était employée pour désigner le Messie. 
liais elle élaU auscepUbie atiBsi d'autres ai unifications, comme l'auteur l'a prouvé 
pluB bauL. On s'explique ainsi que Jéeua ait pu ae qualirier de bamastha, sans 
8« procLamer par cela ni4me le Messie, et que les apAtres aient pu Tenteadre 
s'appliquer à iui-mâme œUe e-xpressioo «an-s en cout^Eure tout de suite que 
leur Maître était le Messie, 

C'est iâ l'idée earactéristique du travail de M. Piebig. C'tet en mSme temps 
son point faible. La dilSculté oe peut être résolue, écnt-il p. lOO, qu'en ad- 
mettant « que toutes les fois oii Jésua employait celle expression, ïl devait 
être possible de s'imaginer qu'on l'avait compris, alors même qu'on ne l'ar&it 
pas compris. •> Ce serait même la principale raifion pour laquelle Jé^us aurait 
choisi cette qualillcalion (cJr. p. 120). Elle lui permeltait de préparer ses dts- 
cîples À l'inlelligeDce de la messianité réformée qu'il ae aenlail appelé k faire 
prévaloir. 

Le livre de M. Fiebig présente de sérieus>e8 qualités. Dans un sujet de nn- 
lure très embrouillée, i'auleur a su rester parfaitement clair. 11 dispose d'une 
éruditicin philologique très étendue. Il atiorde une question délicate sans parti 
pris. Mais on regrette de tie pas retrouver au mùme degré, cbëK lui, les qua- 
lités du critique historique et du psychologue. Il semble, à. le lire, que les 
évangiles soient une relation chronologique de la vie et de l'enseignement de 
Jésus, rfue les paroles et les événements se sont DécesaaireEnenI succédé dans 
l'ordre où lies ëvanKlles les présentent, alors que la moindre élude critique de 
leur composition révèle des groupements arLi&ciels de documents antérieura, 
dans lesquels déjà, k Irsdilion orale primitive avait été consignée sans préoc- 
cupalioad'un récit historique Guivi. Comment est-ii possible, dans de pareilles 
coadiUoni, de prëteudre reconstituer les phases de l'usage de irexpretsion 
bamascha par Jésus? Comment être «UBsi sûr des ouances qui disUtigueut 
l'ialelligenue des paroles de Jésus par ses disciples aux diverses périodes de 
Mo ministère, aJors que aous ne connaissons la lettre de ses paroles qu'à tra- 
vers des remaniements de IraducUon^ grecque* d'une tradition araméenne, 
qui Tul elle-méiDe d'abord orale? 

La solution de M, Fiebig ne parait pas davantage acceptable au point de 
^Vdt de la &ainë psychologie, i^ucllo que soit l'idée que l'on se fasse <le Jésus, 
à quelque moment de son miniature que l'on place l'éclosioa de sa vocation 



i22 



REVUE DE LRtSTOIEIE CES RELtatOHS 



raessîanique, on De s&urail admettre qu'il ait> pendant toute la première 
riode de »a prédication, joué sur Les mots, comme un habïl« diplomate. d9 
manièrs à se faire reconnaître comme Messie par l«8 una, tout en »e prtvaiaal 
auprèB des aiilre* d'une interprétaLion dilTérent* de «s p&roles. Jésus a pu n- 
conimaiidier h ses disciples de ne pas divulguer sa fflisesianité avaril l'heur 
fftVûrable, pour &e paa ËotnproinetLre le suwèa àf son œu»re ; maïs riea n'e 
plus comr&ire à as aature que de dire à la fois blanc et noir, oai et non. 

Le travail de M. Ficbig restera eomtoe un précieux recueil d« documeots, Cs* 
D'eilpasiui qui nous, apparie Ja soliiLioti du prolilëme, peut-être insulubLe, 
auquel il «'eet attaqué. 

Jean Rëvills, 



Ad. Jacoiiy. — Ein biaher nnbeaclitfltor apokrypher Berieht aebl 
di» TaufQ Jeau. — Strasbourg, TriibDer. 1902 : 1 vol. îb-S, de n et' 

107 pages. 

L'ouvmge de M, Jacoby renrerme beaucoup d'observalioDE inléreeeanles su 

les repreE.Eint.ions légendaires du baptême de Jésus et leur répercusBÎoo dan» 
l'art cbrëtieu. Mais il ne sa pr^te gu&re & une analyse. L'&uleur semble avoir 
eu conscience de ce qu'il y a d'inorganique dans son écrit; il y a mis uu index, 
mais pas de table des maLiërea. .Ses 407 pages forment un seul bLoc, saux di> 
ïÊona. Et cependant il y est parlé de beaucoup de choses dilTérentes. 

Il cbercEne d'abord à prouver rejcîslence, en Kgypie, d'un écrit distinct de la 
Diiîach^ elà« la Ditia^fiatia qu^ nous possédons en syriaque, et qui aurait eS 
pouf titre : Didaskaliké des apAtres. IJivërS passages de documeota coplieu k 
servent â cet elTel. Il en rapproche .un frafzciient dëji connu depuis Inn^lempxj 
publié par Cottlier dans Iëh « Patrum aposLolicorum opéra ". I, 197, SOUG la 
titre : » tûv nif^aielticùv SutâUuv «Epi tr,; li»^a.\i'.tiLt to4 xvpisv, qui dont 
d'après le calendrier égyptien une biaarre chronologie d« Ih, naissance, dfl 
baplfime eii de Ja mort de Jésus (à rapprocher du fragment correspondant de U.\ 
Chvmiqut Pû$cale, éd. de Bonn, p. 420 et suiv. et d'autres teitea signâtes par 
M. Jacoby, p. 18 et 19}. L'étudecriliqiie de ces textes et leur comparaison lu^ 
gàrenl t l'uuteur de nombreuses remarques sur la f^eni^se possible de i^etle dé'l 
termtnation cbronoEogique par ^nnëe, par mois, par jour et par heure. It Iti 
parait probable que le fragment publié par Cotelier doit provenir de la 
Icalifi* égyptienne. Celle-ci, à son tour, impliqueraU un évangile antérieur. 

M, Jacpby ne se dissimule pas ce qu'il y a d'aventur«ux dans sfs prof 
sitions. U sait garder une sage r£serT«, Mous serions donc mal venu i lu 
reprocher de prétendre voir clair dâos i:et[e obscirrité. Il se borne à ploîderl 
pour BBS hypothèses. Par contre on lira a«ec intérêt les pages où il compatt' 
les dévelûpperoents légendaires du récit dj baplétne dans des le;iles d'ongtoe 
égyptienne etsyriemift puis dans des relations de pèlerinages, chercbe i eu 



KOTICES BtBLIOGHAPBIOtJES 



423 



découvrir les on^ioes et en poursoilleB illuMrittîoaB dans l'ancienne iconogra- 
phie chriîlienne. 

L'hisinfian des religions pourra trouver ici dee exemples inléressanls de la 
manière dont de* intérpréisiioris errùnéea de lexUs ou d'images, a l'ongine sans 
&ucua rapport arec \6 suj^it de la légeaJe, y prut'oqiienL des modiQ cations, des 
altëritiona, des enrkhiss^oietiU. â CeL point quë le thème primitil disparu'l 
presque soub les embellisBements ultérieurs. 

Dans un app>endLce M. JacAby a 1res heureusement rapproché, d«B (rB.dliE.îons 
étudiées par tui, la légende mandèenne du baptâme de Mandlà d'H&|Jt^ par .lean, 
publiée par W. Bran<jl, dans ses Mandiiische Sehriften uebersetst und erktârt 

(p. m). 

îun Rkvillb. 



0, van Gkbhaeidt. — Passio S. Theolae Tirg-înii. Dis lateiniscboa 
Uebertetzuagea der Acta PooU et Theotae. — Leipzig, Hitiricbe, 
1002 ; 1 vol. io-S, de c»viu et 18^ p. ; pc» : 9 m. 50 (Twle und Unler- 
Buchungep, Neue Foige. vii, 2j. 

La Pasaion de sainte Tliecla a èiè l'un des apocryphes les plus populaires 
dans la chrétienté d'aulreTois. Elle [ajaiit partie d'un recueil d'Aetes de Paul, 
qui GomprenaiL aussi U correspondance apocrypbe de Paul et des Curintliiens, 
suivant la décourerie faite par M. Cad Schmidi, eu ISl^â, dans des pupyrus 
achetés par la Bibliothèque de Heidciberg (voir ■ Neue Heidulherger Jdbrbil- 
cber », t. VII}. Mais elle a une biâtoire tiltèraire indepecidaute, parce qu'elle 
fut de bonne heure séparée du reste du recueil. Il en existe de uuiotiruiix ma- 
nuscrits, soit du texte grec, soit de la Iraduction laliue. L'élude des manuscrits 
grecs s été Faite pai* .U, Lipsius, Ceile des miinuacrits Ulina vient d'être lui:s 
par M, 0. von Qtbbardt d*une manière mo-gistrale et qui pourrait servir de 
modèle & toute entreprise oe ce genre. 

M. von Gebhardt n'a pas réuni moins de 48 manuscrits. Il en a utilisa 
27 pour la lecetision du texte, te qui lui a permis de reconnallre citK^ versions 
ditrérenies. A, B, C. l), E. La première et la troisièiiie sont complèlesi ta 
seconde à peu de choses près. De la quatrième il reste des fragments consi- 
dérables, de la cinquiâme un seul. 11 publie les trois premières iolégrakmunl en 
un tableau synoptique, suit sur une pa^e I4 version A et au dessoua les dilfè- 
rentes [ormes du type U (Ua, Bb, Bc), sur la page qui fait face les quatre 
formes du type C à la suite les unes des autres. Kq note sont données les 
variantes des manuscrits de chaque espèce. Ce qui resis des verrions D et K 
est publié à pan, kinsuite vieiiurol sept epitoniae (d'apréa le c. Mellicûnsiis, la 
Légenda dorée, Vincent de Beaur&ia, d'après le type le plus répandu dans les 
Légeninirea lutins, (J'apres AdoD, Pelcus de ^aLaiJbus, enfin d'après un ma- 
posent autricbienj. En appendice M. von Gebliardt a publia ies Miracles dç 



i2K 



BBVDE M LHISTOntE DIS IIEUeiOffS 



sainte Thecli TÏerge d'après le ms, d« Lâmbelh 9i, le Pânégyriqu* 
PboUui sur B&inteThedâ «t ce qui concerne la 6&int« dans le Sjn&xare copie, 
L'Ariitfur & écarlë, de propws délibéra, les textes ^cb el arieaULux, 

La T«reion A se rapproche le plus du texte original que ]h comparùson da 
rlivers types de manuscriis grecs permet de r^coD^liluer. Elle provient dons^ 
rraisetoblablement d'une époque antérieure à la téparalion des direrâ tTpei 
grec», mais elle est mal coDî^ervée et la Iraduclion esl souvent libre. La verEÎoo S 
s'&ccorde avec le texte retrouvé sur papyrus, ce qui semble dênoler que la 
texte grec lut-méme o'étaiL déjà plus pur. 

L'édition de M. von Gebbar^lt est ]e fruit d'urt kbeur persévêraat dt^ 
25 annéeï^ Elle 9enrlr&, non seulement â l'élabligEenienl dv texte de ce roman 
si populaire jadis, niaia aussi à la philologie latine. Sou &dmirB.t>)e <iifipoBJLioa 
typt>p(r&pbique la rend particulièremenl propre à servir d'iûsifutneut dans Isa, 
racullËfi pour ioitier les jeunes gens k la comparaisoD dea manuscntâ. 

JXAH RÉTILLK. 



Ad. Dribsuahh, -^ Elu Origlnal-Dokament ans d«r DiokletUlDiieheo 
ChristenTerColgung, — Tuhingen et Leipzig, Mohr ; 190:;^, iu-tjde tu et , 
36pag». 

Si les coaimetilaires de M. DeiB&maDi) sont fondés, le texte dont il s'occupe 
esl, en eiïet, un (iocument de grande valeur. Ce ne gerail rien moins que Ce 
plus ancien original d'une lettre chrétienne. [I g'agjt d'un texte inscrit fiur 
un des papyrus retrouvés dans la Grande-Oasis libyenne, dite aujourd'hui 
rOasis d'EI-Kbargei^ el conGervé au Musée Brilauoique. Il a été publié par 
MM.GrenrellelHunt<^9.ngle3Gi'''^et /^u/}(;ré,Sene$ II, mi ta lettre en question ports 
le n" 73 (p, 1 15 «t suiv,). Ces papyrus proviennent d'une localité sîluêe au sud ds 
l'Oasis, l'adcierine Kysis, actuellement Dûsch el-K&ia. Une inscnpUon grteque 
retrouvée en cet androit rend l'identification cerlaina [C. t. G., lll, 494S]. lit 
doÎTent avoir fait partie des archives locales de la corporation des pompea 
funàbres (les vExpoToivoi, en Egypte, ne sont pas, au sens sincl, de simples 
fossoyeurs, puisqu'ils s'occupaient de taules les opérations mal^rielEes de 
l'einbaumeaienl}. l^eux d'eutre «ux qui sont dat^a s'échelonnent de l'an 242 A 
l'an 307. Comme notre document duta ceriainemept d'une époque de pentéea- 
Uon, on peut songer soit à celle de Deciui>, loil à celle lie Valénen, aoil A cella 
deDiocléLien. Les considérations paléographiques font pencber la balance rerf 
celte deruiëre. 

Le tftxte vaut d'Entre tité tel que la donne M, Deisamuin : « Psenosiris 
presbjtre [î! y a en grec : « à Psenosiris presbylre », au dalir) à Apollon 
presbylre, son bien aim* frère dans le Seigneur [déjà en abréviatioii |i, salutl 
Avant tout je le salue beaucoup ainsi que loua les frères en Dieu qui sont 
auprès de toi. Je veux te Faire savoir, frère, que les Décrotaphes ont amené ici 



NOTICES A1BL10GRAPH10UG5 



435 



■ l'intérieur PolitikS, qui est envoyée dans l'oasis par le gouvememeDl. Je 
l'ai au&silAL conEiée à. ta garde des bons et ùdèkt parmi les nécrutapbes, 
jusqu'à ce que Tienne son Gis NiJua. El quand il aéra, venu avec Dieui il te 
reodra lëmoîgnag'e de ce qu'ils ont Taild^elie. Toi, d'autre part, rais-moi Bavoir 
ce que lu décideras là'bas, à moi qa'\ le faÎB volontiers. Je eoubaite que tu soif 
fort dans le Seigoejr Dieu ». Au verao on lit Tadresse : » A Apollon pre$bytre 
de \a part de Pseuoairi; pf«8bylre dans le Seigneur j>. 

Le commentaire que M. Deiesmaur} joint tiu Uxte est extréoiei&eat inUrea- 
Éa,Dt à iojv èg^ards. (!st-ce k dire qu'il ait résolu toutAs les difâcultes? Ud« 
correction très heureuse «t qui realilue à cette lettre son véritabU caractère, 
c'est d'&voir recoDQU quâ Politiké est un nom propre, le nom de la dama 
qui a élé reléguée dana l'oasis par l'aiitorité romaine d'Egypte. U y s dans le 
texte : ol vExpats^ai hi^-^lixit-aii iv&itt si; to ïaia rr|V ica%(iiXT|v rnv nti^ç^EtacLv ùi 
'OaiTtv fiT,h riii f|TE(tO'via:{. St TroVtiixn SBi un Dom commun, il s'agirait d^une 
femme publique. On ne comprend plus dèa lors pourquoi le presbytre Pseno- 
siris s'iotérËSse si fort à uûe proâtîtuée. Maie M. DeiaSOiaâa a montré que 
Poliliké figure Fréquemment comme nom propre daae les macriptiona. Des Ion 
toute la situation s'éclaire. PoUtikâ a été conduite par les sgeala jusqu'à 
roaaiB, probablemeQL jusqu'à Kyaie» ce qui permettrait de auppoaer qu'elle 
venait de Syëne. De Kysia ellLe a Tait route arec des nécrotaphea qui se ren- 
daieot â J'iuLérieur de l'uasis, jusqu'à ce qu'elle arrive auprès de PaeDOsirisi 
qui la confie à la garde de DBcrolapti.es chrétiens, en attendant rurivÊe d* 
NUus. 

Il est un point qui m'inspire des doutes. La lettre, sans doute» est envoyée 
par PsenoBiria à Apollo», comme l'indique l'adresse. Mais la BUBcriptioD porte : 
« i. PsenosiFLB, prêtre; à Apollon, prêtre «, il me semble que M. Deisam&Eia 
change bien (açilecnent ce daûi de Paenosiria en nominatif. 11 y roit une simple 
disLcactton (p. U). ëd rénlË, elle serait un peu lorlel Ne faudrait-ii pta sup- 
poser que la lettre «t^it adreaaée à PseDosina et à Apâllon, c'eat-ji-dife qu'elle 
avBjt elé remise par un chréLien à Pobtiké pour lui iervir de passeport, d'abord 
aupns de Psenostna, eosuile auprès d'Apollon. Le premier, après en avoir 
pris connaissance, la transmet au second. L'exode de Poliiikâ se serait alon 
opéré tu aeaa contraire de celui que suppose M. Deismaan et l'on s'expliquerait 
mieux que Nilus, en arrivant aupjès U'Apuliou, puisse lui donner dea rensei' 
gnementa sur le sort de sa mère bannie, puisqu'il l'aurait au préalable rejointe 
auprès de Pgsoosiris. 

U est inièresiiaiii de conalaler que la lettre est rédigée de telle ra4;oD que, 
tout en ne laisaaiiLauuuu duuie sur U quiiitie de chreiieune de Poliiikâ, elle ne 
renCeriae cependant pas un mot qui puisse être compromettant à une époque de 
persécution. 

La publication de M. Deissmann doit être lus par tous ceiu ijui s'occupent 
de l'ancienne histoire chrétienne. Je voudrais mdme profiter de cette occasion 
pour attirer l'altentioit de nos lecteurs Tranvais sur l'utilité qu'il y aurait pour 

28 



426 



SEVCE DE l'hTSTOIBB DKft BCUSIOM 



nous 4 ooaf occuper divants^e des travaux qui se puUienl eo Allem^ne et M 
Angleterre eur [ei l€xles que loi trouvailles de pjipyrus égyplîfDfi oai rirtàh 
eo ces derDiéreB&QDëes. On ytroure un grand nombre de détail» sur les rtdia 
de la chrétienté «nlique. 



LLcits Dueots. — Bayle etlatoléranco. —Paris, Chevaliep-M«reseq,l9(IC;] 

I voU în-8 de m et 151 p. 

M. Lucien Dubois, élève de la FACuICé de théofog-ie proleslaote de Parî» rt 
de l'École des Hautes Sliudes, detult; dans la csrfiêre avec cette Ibese, ^ui fii 
hodafrur A la fois â ta largeur d'esprit de son &ut«ur et an libéralisme de la Fa* 
cullâ qui l'ft accueillie, IvUe eit dédiée s M. Fr. Picavet, dîreclear adjoint 1 
l'Éfiole des Hautes lilud*S- On a Aé\k tAnt écrit sur Bayte qu'il est diffici>e do 
dire beaucoup de chosea □ourelles sur son compta. M. Dubois li'a pas la pr^' 
tention de révéler un Bayle iocoiinu. !l a larg-ement proliié des irataui dt 
Sayous, de Lenieot» de Vinet et de Sainte-BeuTft, des éludes At MM. Pilloo «1 
Faauet. Mais il en a [tro&té avec un esprit judicieus, un sens historique dair' 
voyant et av«c indépendance. e*eal-â-direea contriManteonstaoïiaentpar l'ètuda 
personnelle de aon Ruteur les ju^emeot^ de sas devanciers. 

Ce qui Lui tient à cœur p&ftieulièrem«nl, c'est de mettre en lumière eomoieiU 
Bayle Tut amené, par les cire on stances aussi bien que par les disposilîoos na- 
turelles de son espnt, à. devenir le vaillant défenseur de la tolérance en un siècle 
où rien n'était plus rare. A cet efTel il coneatre une cinquantaine de pêgtt à ta 
biographie de ce précurseur des encyclopédistes, L'bîsloire des dêmSièB 
Bayle et de Jurieu est à cet i^gard des plus ioslruclives. Dana une secondi 
partie It dégage lee principaux arguments de Bayle en faveur de la lolèfac 
d'abord dans les Pentéti diverses sur ta Cvmite, dans la Critique générale 
Khiii'nrf iiu Coivinisme, puis dans le rommtmfuirc phUatophinxu mr ct$ 
rolei de }.•€■ : Con(ritini-J« <i'««(rer et dans le Dictionnaire historique et crt- 
Itque. En lermiaaol l'auteur, après avoir montré coffifiient à l'ipoquê de Bayle 
il ne pouvait être question que de plaider la cause de la tolérance, réclame avec 
Rabaul Saint-Éiierme la substitution de la liberté de conscience & la «impie l 
lérance. Il y a 1& des pages géoéreuseâ qui ne sont certes pas Inutiles 
jourd'bui. 

h\. Dubois aurait pu pousser un peu plus loin la psychologie de son auteur. 
Bayle est avaat tout un critique. Eu s'attachant exclusivement au détenfietir 
la tolérance, U. Dubois laisse cbex son lecteur l'impression d'un tour systè: 
tique de !a pensée de Bnyle qui lui était, je crois, tout à Tait étranger. Bay 
TOit toujours le pour et le contre de chaque ebose, mais cela mâoie n'est 
chet lui un principe raisoDnë. C'est un besoin, l'exercice naturel de ses hcaJ 




SOTICSS BISLIOGRAPHIQCBS 



427 



CeU« dispOEÎlian naiurctlt,. joiale à une îannense lecture, a fail de lui l'un des 
rondatcursde lacKli<jue hialoriquç el fadTersaireinsUnctif deloatdogEnalÎBme. 



Mdsks Buttsawiukr. — Ontline of the Neo-Habraic Apocalyptic 
Literstora. — Ciacinn&Lit lOOl, ia-â*. i& p. 

CeUti esquisse: était primiliveoiËiil destinée à la Jewiah Fniychptitis. Lei 
remaniements id'oq fit subir â sou iirticte forcèrenl l'julaur a le r«lirrr el n, le 
pubJiersoas rorme de brdchufË séparée. 

M. fi. essaya de ira-iter ^ystémaUquenierLC ta lillèrature apocâlyplifiue neo- 
liébratque; il prend aoia de distinguer entre apocalypses cl des.cnplioQ8eâcba- 
tologiquee, manlranl que jusqu'à présenl une conrusioD regreLtable a prédominé 
dans [a conception qu'on se devait faire de celle brancho de la htlËrature apo- 
ulyptique; par une aaalyâe minulieuse, t'auLeur élablil une dlslinciioii aussi 
clairft qu'il lui est possible entre L'apocalypse juive et l'apocalypse chrétienne; 
de plus il idenline certains écnU juifs «i les range dé^QDLiiveaieni dans la cat«- 
^ne des apocalypses. 

Il Kinbie qu'un certain arbitraire règne dans l'opuscule de M, 0, «I l'on ne 

Efttsil pa.s nellement le plan qu'il adepte, ai toutefois il en adopte un. Apr^i les 

ouvrages fondamenLaux de Sctiiirer, Smend, Bousset, de Faye, sur la matière, 

il était ditBcilâ de dann^r de Tinédil, L'&uléur aurait dû se proposer de donuAr 

uns bibliographie dflaillée, sinon complète, loul en résuinaûl les tfa?aux de %t$ 

iJevftJicierB, Toutefois, teSIe qu'elle esl, cette brochure rendra service aux p«r- 

«opoes qui s'occupent de littérature apocalyptique et qui lui necordent l'impor' 

tance â laquelle elle a droit. 

F. Maglkii, 



P. E. LuctuB. — BouBpATte nad die proteatautitcben Kirohen Pf «nk- 
reioh'a. — Tubin^^en el Leipzig, Mohr, 1903,42 p. gr. in-8". Prix : I fr. 15 
{Sammiuug y^meinnûttlicher Vortroege au* dem e«fc«ï der ftedjfionaflff' 

Publication posthume du regretta professeur d'hiatoire ecclésiastique à la fa- 
culté de théolog-îe proteslante de Strasbourg', enlevé récemment dans toute la 
force de l'Age, cette confëreneede M. Lucius caiTilait de voir Je Jour. Klte ulTrait 
& un public acodéoDique le premier fruit de travaux assidus, continués peodaot 
de longes années, sur l'bisloire interne et extérieure des Ëglises proiestaotes 
de France, durant la Bévolution et le premier Empire, Il est douloureux de 
penser que malgré tant de matériaux accuoiulés par le labeur du modeste m- 
vanl alsaeiea. elle subsistera peut-5lre comms l'unique tèmoigonge de ses p*- 
UenCea recherches- Ce n'est qu'une esquisse s&na doute, muia une eM}UtS>e 



i38 



REVUS DK L HISTOIRE DES BSUGIOICS 



ciacte, impartîsli!, solidement établie lur des docUAtiits en partis u iéi Bt^ «^ 
caciiliis aux Archives du Direcloire de L'Églue d>e Ik Confessioa ^ hn gAfmtf, 
a. Strubour^. Elle noua monire combieD M. Laciua était qualifié pose Iriîler 
arec la eoînpétence et la pondémlion de jug'ement oéoessuns FUilaiK 4a 
□égocialions si longues el si délicates entre le gonvernemeal eonwlaire et Ici 
Eglises de la République. Od regrettera aeulemetil que les édîteon, — se aoft- 
rormant probablement aux us et coutumes établis pour U série entière des Vor- 
traege — aient écarté •< le ricbe appareil cntique * de l'auleur, dont ils parleal 
eux-mèmefl, et qui aarail été le très biea veaa, sidod pour le grand pub&c, du 
inoiaa poar les lecteurs professiottaels des sphères érudiies. 



Edoc-ti Bcguu. — Les Ma'Botaé. — Etude géo^rapbiqae et ethDOgraptiiqae 
du H&ul-Zambèxe. — Lausanne et Neuchltel. Id-16, 1^ pp. 

L'auteur vécut loo^mps, comme mL$sionDaire, sur le Haol-Zaffibèieet s'jo- 
téreata de pr^s à la rie des habitaoLs de la région, les Ba-rotse ; aussi ce p«Ut 
lifre rîent-il prendre ooe boane place a c6té des ouvrages de Livingstaoe, de 
Bertrand, de GiblwQB et de Coltlard sur ce groupe Bantou. L'auteur préfere la 
fonne tnaroisej comme emploj^ée par les Zambéxiens, à celle de barotse, adop- 
tée d'ordioaire. On trouvera des tabous pp. \Q-il et 124 ; lies Légendes pp. M, 
86-98: des survivances du matriarcbat pp. 100-102; une descriptioa du céré- 
monial deatinè i protéger la eaioteLé du roi et à se protéger contre ellct p. 103 
(o les souverains... sont en quelque sorte des dieux aux yeux de leurs sujets... 
eux, el tout ce qui leur lient de prés est socfé •] ; les règles de ia déaomicatiao 
de t'enrant, p. 110 ; Ces cérémonies de U DaiSiaacê «t de l'accoucbemêat, p. 111 ; 
il n'y a pas de circoncision, mais sealement [pour les jeunes Ëltes) des eérêmo- 
cies de puriâcation au moment de la puberté (pp. llâ-llS] ; pas de mariage, 
mais une sorte d'unioD libre (pp. ti4) ;. rites des fuaéniUes {p. 115.6J; le sui- 
cide est asses â-équenl (p. 117). Le chapitre VI de la deuxième partie traite des 
idées religieuses et des supersiitions. Le dieu suprême esl Niambê ; il réside 
dans le soleil i la luae e&t sa femme; île leur union sont nés le monde, les ani- 
maui et «d dernier beu l'homme; i cbaque nouvelle lune on célèbre uae fSte 
publique; il y a séparation des sexes lors des danses sacrées. Les divinité inlé- 
rieures *cnît les tiUinQ, imes divinisées de* anciens rois du pajs el résidant 
daasdee lOEttlMauX Migaêuaement entreleous par un prêtre spécial, le ngoraboti, 
qui a seul le droit d'entrer dans Teacloa sacré. On difrtiague eacore des puis* 
sauces mobiles contre lesquelles on se défend par des amulçCtes et des conjura- 
tions. l.es Ma-rotse distinguent soigneuseraeat le ngomboti, véritable prêtre, 
du tiiolaodi, devin, et du moloi, sorcier. Les devina se servent d'osselets (comme 
les Ba-Ronga]; les sorciers, très redoutés et bais, opèrent de unit ; ils oat le don 
de métamorphose; lis agissent non seulement sur les vivanls mais aussi sur lei 



NOTICES BIBLIOGRAPHIQUES 429 

morts «t ont i leur service une armée de maurûa esprits, les lotimba. Enfin on 
trouTflra pp. 14^144, dans le chapitre sur les Arts et Métiers et la Médecine, une 
deseriptioQ intéressante de la Natikouanda, la grande barque sacrée du roi, et 
de b sortie cérémonielle des canots au temps de l'inondation. Je pense que 
cette sèche énumération surBra pour montrer que l'auteur a su en peu de pages 
grouper beaucoup de renseignements utiles; ils sont en général exposés d'une 
manière suffisamment impersonnelle. 

A. TAn GuiNiP. 



CHRONIQUE 



FRANCE 



L*çoa d'ourartars de M. Maarictt Ternes. ~ M. Maurice Veroei.] 
dïrecleur d'*li!d*9 i TÉcyle des Hautes Éluiies, pour l'bisLoire des Religioai' 
d'IsraSi el des Sémites occidentaux, a fail cette année un cours libre suri 
l'Hiiloire cùmpârèe de» Religions et de U philosophie à l'Ëcole d'Anihropo*] 
togie. Il vienL de publier la leçon d'otivsrLure d&ns I& lirrâitson de iiLa,l d« b.j 
Revue de l'Ècoie d' AntUrupoiogie de Paris, baus le titre : L'Uistoâ'e det nUm} 
gions el Canthropotogie. La place que M. Mauricft Vernis occupe dftnB l'ordnj 
d'études qui nous intâressa, asKure à ohacune de ses professioDs de foî uiea- 
liSquQK UD légitime relenlisBement. Nous si^tialouB donc loul p&rtieulièremoitj 
cette leçon d'ouverlure û, dos lecleurt. d'iulant plus qu'elle doit èlre considériaj 
comtne le maniresle d'une Dourdie évolution dins U carrière sctealilique éni 
QOtre honorable confrère. 

Celte Tois il ne saunit aubsister aucun dcnule sur la valeur (]ii« M. Vernes ! 
ac'ordeaux phénomènes relig-ieux dont il iovite ses auditeurs i refaire l'Eiia- 
loîre avec Ici. La liberté religieuee — que par utie déttprminH.tio'n Irhs caracté- 
ristique il assimile à « la. liberté de s'ab&Cenir de tout acte relijï^ieuz » — et les 
progrès de l'idBtruction feront ressortir, d'&près lui, que le assertions de ton* \ 
les Cultes reposent sur une interprétation inexacte de faits IransForméa par la] 
crainte ou par le désir ; leur» jours sont comptés (p. l&i, concluaion de lale^n}.i 

Nous n'arons pas âdiscuter ici celte profesaion de M. Veroea. Uata il TalUip 
la li^naler, car il est clair que l'angle sous teque! on entrt^prend l'étuJe des ' 
faits de l'ordre rdif^ieux, délermÎDe pour une large part lia minière dont on les 
roil et les interprète. M. Vernes a trop longtemps jugé les pbénomènea reli- 
gieux au pointde vue de pliîlosopbîes religieuses diCTërenles de celle qu'il pro- 
clame aujourdi'liui, pour qu'il puisse conteiter aux autres le droit d'otre d'ac- 
cord avec !e proFeRseur de la veille plulAt qu'avec celui d'aujourd'hui et mécoo- 
nattre les changements qui se sont opéri;s. nous i'empire '^e ses transformations 
psychologiques, dans ses jui;emeûtB sur L'histoire religieuse. 

Apres aroir établi la légitimité de l'histoire comparée des religions dans une 
Ecole d'anthropologie, puisque c'est aujourd'hui un chapitre de l'histoire nata» 
relie du g'enre 'hunia.in, le prot'esssur «est! réclamé des babitudea de tr&va:l 
exact pratiquâmes dans la maison pour mettre en garde ses auditeurs contre les 
général! salions bÂtive? et les olassements prèmaluréB. Il faut condamoer l'idée 



CHHOÏdOtlE 



431 



1 



d'une évolulian Io7iqu« d« In rslii^on pirtant du UtichîsiDe (animisme ou nsLu- 
risme) pour s.'élevsr au pol^Lhéiame et ensuite au monothéisme^ A ses <reui, 
en effet, l'hislolra n'atlast.9 pas qus la roligiori boÎi susceptible d« progrâi» : 
Il entre la lypn (je religion dît aaicniste O'U féLicbiate ou ntturtste, le typa dit 
polythéiate Fit le type monolli^isle, nous ne giiâissoDs pas de difTérenne appré- 
ciable, pif conséquenl nous ne Murions slgnilar les marques d'une irunsfûr- 
tnatioa fronde (p. 147) », Le TéliAbiste ou le pol^lhÈisls eeL moDothëisle au 
moment où il adresse une fersenle prière à la « puissance » ou « i Ik vprlu 
suniitiire!I« " dont il réclame I Intervention. PX Tbislolre du catholicÏBrne ou dp 
ri^Umisme contemporain a, religions tno&othéi^les, offre de nombreux exemplics 
de polj béisme ou de réliobismâ. La TËlit^ion consiste parloul dans l'iiommagd 
rendu ftuï vertus sotnaturdies qui se sont Tailt reconnaître comme atlLttcljéeB ft 
tel objet ou à telle personne. C'est un poiijdêmanisme localisé (p. 149), 

M. Vernes critic^vie ensuite J^ ctassnmenL des religions proposé par M. Tie!?. 
la doctrine d'Auguftle Comie d'aprôs lequel chaque cooelruction Ihéolo^ique ou 
eeel^si astique est en reEalioa io^que a>'ec l'époque où elle triomphe, une 
Téritw temporaire. A ses yeux, il n'y a qu'une relif^ion. eelle du sunialtirel «t 
du mirncifl; elle esl Tra.ie ou r«u8§e. Il n'y a piâ de milieu (p. 156). Aussi le 
ebriatiantsme. après avoir bêni^Cd-^ du monopole en qualité de seule relîj;ion 
vraie, ne snurait-il aujourd'hui rerendi-iuer le droit commun à tîlre de philoso- 
phie reliçieus.e, spiritualisle et humanitaire (p, 158). Et plus loin (p, IflS) : 
K l'acte religieux proprr'menl dît ne diffère pas d'une façon appn'-ciaMe eheK le 
ehrottt'.n contemporain de ce qu'il était chei noire anc^itre de l'époque quater- 
naire Il (p. 163), 

Vraiment, il nous parait que M. Veroes priKède ici d'une façon par trop 
simpliste. Si c'est là ce qu'il faut entendre par 'l«s habitudes de travali exact 
de l'iLColit d'atithropologië, nous ne souhaitons ncillempnt Tes voir a'&cclimaler 
dans ÏHistoire des retigiiyns, Lor^^J^il s'agit de déterminer ^t d'appréciêf des 
phénomènes de l'ordre moral et spirituel, nous di-mandons un peu plus de 
psychologie et d'esprit philosophique. Qu'il y ail une unilë fondamentale dans 
L'activité religieuse do l'esprlL humuin. en sorte qu'entre l'ncte religieux du 
rCtlchiate et celui du chrétien le plusspiritualista il subaiele une parenté «Esen» 
Lielle. nous en sommes au^si persuadé que M. Vernes, de même qu'entre l'acte 
intelJecLuel du sauvage additionnant deux fruits et deux fruits pour obteuir 
quatre fruits et les raisonnements maltiématîques d'un Poincarâ ou d'un 
Picard il y a une parenté essentielle. Les fooclioas de l'esprit humaia sont lea 
m4m»8 en principe; elles différent par leur diÏTeloppement et par la quantité 
d'expérieaces acquises sur lesquellea elles travaillent. Hu! ce n'eït pB$ une 
raison pour mettre toutes \ùnn manifestations sommairement dans le ffl4me 
sac. 

Quand M. Vernes montre que l'échelle des religions établie par M, Ti«lt 
correspond plyifit & d«B degré» (Jiver* du déTeloppemenl religieux, cbex rhomm* 
inHifidasI ou dans les dlreriea communautés religieuses, qu'à une eticoessinn 



433 



hEVUI Dï tHlSTOiaS DK SKJGÎOSS 



cbrooolofriluB ^^ religions qui » superposent les nues aoz ttutrec, il a jêitù- 
tement raison. Aucun évolulionniale ne f^oniesLers. que tes Gamai iafériaoni 
de la religion aa mBiatienoent à calé ou au-deftsous des forme» EapAneans qn 
l'en sont dégagées. Mais quand il prétend nous faire accepter oomme osa 
leçoa de Tbisloire que louLes cet furmes sont eu réalité de loAme Taleor, il 
nécoEmatl l'eoBei^rieaieQt ie plu» cj&ir de celte mâme histoire, celui que liï- 
mêrae idisfl (p. 153), ««voir >■ que les reEigions dii-er^es doîveat ^Ire teonei 
pour être dsos uoe relation naturelle a^ec l'état général de la cifiliattii 
in mxura «. Autant dire alors que Is civilieatioa et lei mocura ce «aient] 
toutes les époqoea de rbistaÎK. 

U Dotia semble que les études d'histoire religieuse, biett loin d'automer 
exécutions sommaires de la religion sous hnfltieoca des conflits paasiï 
que itiscite constammeint la lutte entre les Tomies religieuses ir&ditioniieUei 
les progrès des coonaïssancea scieotiflques ou les ehangvmenls des eonditic 
éconcmiquef. nous montrent, au contraire, la fonction reLigieuse de la 
humaine «'adaptant chaque fois i la eiluation nouvelle créée par ces procréai 
ces besoins. Elles inQi^ent un démenti., & La fois à ceux qui croient tout 
parce que les croyances ouïes pratiques traditionnelles s'en Tonl et & ' 
qui B'imftgTDeot que c'en est fait de Is. religion, parce que ses mani Tests tio ni 
anlérieares ooi perdu leur pteWige. Il en est, sous ce rapport, dea refîgioiu 
comme des systèmes philosophiques ou des régimes économiques. Ils ebu- 
genl, mais l'humanité continue â faire de la philosophie et â nTre en soeiéit 
organiste. 



Tradaction flrançaJBe do demîsr livre de M. William Jubm. — 

Quelle ricbe variole i\iuï- la produL^lion scienlîtique contemporaïue sor le 
terrain des études religieuses ! Taudis que U. Uaurice Vemes pr^roit la l 
prochaine des religions et les réduit tO'ites à une eeuie el même sherratioa 
l'esphc hufaain, les Aoglaia el ]ts AmëricainB lii^nl par dizaines de œilliera 
dernivr Lirre de H. WUiiani James, le célèbre psychologue américain : 
varietia of retigiotis erpenenee. Ce lont les Gifford-Lectures de 1001-H 
M. W. Jsmes n'est pas théologien, ni historien de profession. Il est on d< 
psychologues les plus autori<és et tes plus libres de tout préjugé dsns 
monde contemporain. Ce n'est pas da?antage un mëlapliTBicieTi. U est 
empirique résolu, soucieux surtout de rechereher ce qui développe la vie da 
riodiridu et d^nt 1ï société. Il n'en *si que p1u$ iot^r<Ksant de voir ce qti 
pense un observateur d'esprit aussi lucide aur Is nature et Is râleur de l'eXf 
rîeace religiease. Le livre est éoîi surtout poof les Afl^-Saxooa, mais il a 
une portée genêralemeBl humain?. Efl France oà la ^rsrebologie d'^ pbéno* 
mAn&s religietu est «Mom daas l'uiftaee, il tvnit parùculienBoat atkLe qui 



GHROSrQOE 



133 



puisse être fitudié. Aussi eat-ce arec am ?ive Mtisfïclîon que nous sippféiiOTM 
qu'il va être traduit en français, p&r M. Frank Abauiil, professeur à« philoiQ- 
phiP au Lycée d'Alais. Le tradacteur nous annonce qu'il met la trAductioit 
française en souscription (comme il s'agit d'un ourraf^e de premier ordre, il pit 
éfidenl qu'aucun éditeur françala n'a voulu s'en ebarf;er). Nous enf^ageonB 
virement ceux de dos iecLeurg qui ne eonnaisB^nt pas l'ouvrage anglais, à 
aouïcrire à la LraducLion Trangaise. Pour les souscripteurs le prix sera de 
6 francs; en liibrame Touvrage coûtera 10 francs (t voL la-8* raisin, d'enriroa 
500 p.). On s'inscrit ep envoyant une carte poetale à M. Frank Abauiit, pro- 
fisteut au Lycée tfAtais {Gurçl). La Bouscription est ouverte jusqu'au !•• dé- 
cembre 1903. Lfl livre paraîtra h la fJQ de 1903 ou au début de 190i. 



Les foaillei de M. Oa^eti Aatinofi. — A la suite d'une nouvelle 
campaRne de foutlIeB eKèculées durant Thiver 1903-1903, M. Gayet vient d« 
rapporter de la nécropole ■égyptienne d'Aittinoë une irès importante série de 
documents : cadavres momiSés, vêlements, oti<jets ayant ïervi à des rite? funé- 
raires, masi^ues mortuaires, eto,, exposés en ce moment dans la grande roloodê 
d^entrée du Musit Guimet. Nous n'avons pas besoin d'insisl«r id una fois de 
plus sur le constant ÎPitérAl des résultats dos fouilles que M, Gayet dirige 
depuis plusieurs années selon un plan rigoureusement logique et avec un 
remarquable sens hlatorique. Sa m.oissO'n de celta année n'est en rien Inférieure 
icelEe des précédentes Fouilles. L'ensemble des objets eiposés dans les vitrines 
du Musée Guimet constitue une inappréciable documentation pour l'histoire de 
la civilisalioa et de l'art byzantins. Mais, comme les enn'èes prétiédentes, les 
dëcouvertea actueElea de M. Gayet apportent aussi une précieuse contribution i 
Tbittoire des reliçions de l'ancienne Egypte, du ayncrélistne de l'B^ypie gréco* 
romaiae, enSn du cbrialianisme égypto-byxantiii. Nous qou» bornerons à signa- 
ler, d'apt-èa la notice publiée par M. Gayet (Pârîs, Leroux, juia IWi) ceui des 
élêfflenlâ de celte riche eallefition qui présentent le plus d'mtér'^l pour nos éludes. 

Les fouilles pratiquées dans les sépultures des alentours dg la tombe de 
Thsïs d'Anlinoë furent parliculièremeot fructueuses : « Dix-hitit corps furent 
retrouvés dans C6tte couche inférieure du sol» sur laquelle d'autres sépultures 
s'étaient superposées; et, détail caractéristique, tous étueot des corps de 
femmes, bien que, nulle part, je n'aie, dit M. Gayel, jusqu'ici rencontré, dans 
le» nècropolee d'Anliiioë, de quartier qui fût spécialement affecté À celles-ci. 
Détail non moins intéressant à noter, toutes ces femmes étaient uniformément 
velues des marnes robes et des mêmes mantelets; toutes portaient, sous leurs 
linceuls, une pitlme de O'.SO â 0™,60, non tressée; et ces suaires, de grosse 
toile rousse, étaient, de même, uniformém'^nl fixés par des bandelettes erolsil- 
loDDéea, portant la même inscription CVH'VXI ANTINOE- Aux pieds, ctt 



434 



RETUG DE L HISTOIRE DES AELtGtOKS 



band^l^tten se trouraipnt a8fiirj'>lties par un eeenu^ rtont l'empreinte m'a senbU 
une eroix, » Auprès ^e ces cad/iTres ae trouvaient Hivers objets d'ue&^e pîeui t 
calice. chao«leL Ae oetites praines arec rose He Jéricho, etc. 

Mnia c'est au débouché He la vail'-e 'lu nord sur la plaine d'AnlinoS que les 
fouilli^g ont mia À jour une B^puHure d'une iroporlatice (exceptionnelle p4T IfS 
dociim«>nts précis fîu'ell'p nous foiipiiilsur fa macîe rfe la période égrpto-^reoqoe. 
C'est celle de la maiticienie Myrithis, « La tombe dft Myrithis, dit M, Gayel.i 
coiïsistail pn une Bs-j'e ich^mbrp. de 3 mètres de lonp, sur 2 mètres de large, 
La hiiuleur locale ^tB.it dilinile à oglimer, les vottles ayant disparu. Le corps, 
T6ta d't]n« rabA imine rû«é et d'tin mantAHu de laine pourpre, était couché eur 
un Ht dfl olnnti"! et recftnvprt Af frnilîftcp, Autfvur de la l?te, une sorte tf'aurèoJff 
de Dhres de palmier. Dins les plia du mantplet, je retrouTai un miroir d'ÎTOÎpe, 
à verre étAinë : fiu^^nes fla'Tons, na Tracm^nt de parchemin, et dans 1b mtSM 
de? rpiiillpB Hp p°rB-^a formant la cfuirhfl 'unèbre, un tambourin, une fifrure 
d'Isis Vénus analoune à celleB coRBliluflTit, l'an pass^, le collier de Leukylnê, 
une krane à sept becs, deux autres lamneB. montrant. l'une une image d'Eros 
en barqup, l'autre, c^lle d'un Eros accroupi anus un arbre (|u'oii nepr^ut iden- 
tifier; un vase de plomb et Fer iservanl aux «spsr?iona d'eau consacrée; une sta- 
tuette d'H«rmès, un« cAUpe de tterf et un« «orte de petit autel perc6 de àaq 
eodipte.; un nnneau dlvnire; un chien dft ti>rre cuil*; un fragment d'un second 
chi*n, des vaws Tort nombreinr, mais lûu9 hrisés. Enfin une petite bouteille 
d« verr$ e> un RaGon.,... QitRnlit' déplantes étaient Hépos^'As tanlsous le «arps 
de Myrithis qu'Autour de lui et sur lui. La principaV «sL le perses, do.n.t ies 
feuilles rorraaïfint une v^ritablft coueh» funlibre, et qui recouvraient le oadavre. 
A l'éporfii afilique. le pprg^^a était l'arbre Bscrè de l'Éçypte. l'arbre de vie par 
cxaftllTic". à rnmhr» duquel ne fPTioiivpliient les dieus, Isis et Hathor sont lu 
di<rinités qui, dissimulées snus ses rameiiux, donnent A l'âme lu TÎe de l'au- 
del4. en versant snr el|p la libation K^mp. A côl^ de ces feuillaçea, il f&nt citer 
d'abord les fibres de pfilraiT.conBtituantnne sorte d'auréole, qui entoure la tôle de 
la mnrte. Le pilmierômit le srmbole du rennupellemenlelcommc tel, consacré à 
ladpesfleTar, qui préaide aux rernmmernîeraflntai). Autour du corps se trouvaient 
de petite vases contenant d'autres plantes symboUnuee, licben. IbapsiEL, marjo- 
laine, lavande, romarin, olivier, des pë taies de rose et du bois, peut-4tre de 
laurier. 

Sur la peut*; d« la montagne, dans le déSIé du Nord:, M. Gayet a découtArt 
la aiipulture d'une patricienne, Sabine; autour du corps étaient rangés des 
objets d'un intérêt parUicùtier pour l'pludft du j^fiosticisme égyptien : «i une 
pierre gnûstiqite, iui&i^ d'Abraxas, le prÎTtcipe des 365 aïeux du syslèine de 
Basilide; le poisaoti d'iroirr, Bymbotisaol l'ieblhys; un lion dfl brome, emblème 
de la force, etc. •, 

D'autreâ objets, pro^'enant des nécropoles de la CDOutague et delà plaine 
anlinoïtes, sont de iirécleux documents pour l'bistoire du syacrêlisnie égypto- 
grec : notons une Qgure du dieu BèSi «n ènail bleu, upe figurine d'Jaîs Demi- 



cnnoinQUE 



435 






r, lensat un pain, icrre cuite. Un personnage nu dotnpl&nt un tmr&au, une 

'figure de Jupiter, un perfionn&çe nu traînant un char recouvert d'une litière, 

.ne 6gure de Jupiter Amen, une figure de Jupiter enranl à cheval, un taureau 

accroupi dans uoe barque, uoe t*le d'Home, elc. Lee éloffes ex|;>ôiées, qui nouB 

renseigne ntdç la Tïçon la plue coinpiète et la plus frappant* «uc l'étal de l'art 

induBtriel ^gypto-by^aatin, ont auhsî puur l'iciinograptiie rAli^^ieuse de cettu 

^fLOd«. une ■'éëLI« valeur do^umântaire. Le l'ostuoië marluaire de la patricienne 

Sabiae est â ce point d$ vue particulièrement remarquable. Le 'chAle de laine 

rou^e dont *8L enveloppé le tadavr* eal orné rie carrés ftt appliques d'angle, 

d'an médaillon centrât et dfi motifs brodés. >• Dans L'un des carrés on voit un 

potion tirant de l'arc, dans l'autre, un autre Apollon en face de l'Iais Vénut 

dans te perena. La lyre dj dieu est posée sur un autel. Dans les applique*, 

tout un monde de pplites ligures nues apparaît... Au centre, c'est encore Apol- 

Ion conduisant son nhar. » D'ailleurs la plupart de? roben et linceul» portent soit 

^■des Heures oiylhobg'iqueB, aoit des reprèsentaliona de saint Gear(,'eg à cheval 

^ri'U milieu de motifâ de earactâre décoratif. Oa le voit, eette fois encore, I'ht3' 

tolm des religions p«ul tirer un très sérieux prollt des b«lle3 découvertes du>'B 

Ih M. Gayet. 
••• 
M. l'abbé P. Haii a publii;, dans la livrais»» de janvier-fi^vrier 100.3 du Jtiur- 
tvtl AfÏQtique, le teite sj^riaque de V Histoire dt^ IHost:ore, patriarche d'Alexan- 
drie, ^rile par son disciple Théopiate, Diuscore, liérèsiarqiie monophyslte, 
succéda à aaint Cyrille en «44 comme pslriarche d'Alexandri», fut déposé au 
concile de ChatcéJoîne en i51 et mourut le A septembre 454. L'empereur Théo- 
dose ayant regu les rSelamatioas d'EutycbAs condamné par Piavieii, patriarche 
de Consl&ntitiap^e. chargea Dio3>::ore de réunir dir de ses sufTragantB et dix 
autrea évoques pieui et instruita pour réviser le procès d'Eutych*i. Dioseore 
reçut Eutychèa qui prononça lapraf^ssion de foi de Ni née pure et simpEe — puis 
il déposa André d^ Samosate, Théodaret Je Tyr, Fiavien lui-oitime et Ibas 
d'Ëiiease, loua deus aseua^a de nestorianiame. ËnHa il condamna « le tome de 
Léon » et alla jusqu'il excommunier la pape. Mais, au concile de Oialcédoine 
(S octobre 45tj Eusèbe de Doryléequi avait dflfi aecuaé Eutycliès au concilô de 
Constant! no pie, aeOt encore l'accusateur de Dioseore. Il semble que le patriar- 
che d'Ali!XAn<)rie se soit retiré ii ce moment du concilie; il n'assista ni à. la 
seconde flesaion (le 10 oclolirejnt à la troisièmi^, parce que,dit-î!, il était gardé, 
ou pirue qu'il était malais; il fut dépisë el et'ilô à GançreB, en Paphlagonie. 
Sa biographie par Théopiste, dit M. Nau dans la substantielle notice qu'il a 
placée en ISte de son édition du texte syriii^ue, « contient, »ous foriDe de pa- 
négyrique, la contrepartie de» récits bo^tiies ^ Dioscora qui, seuls jusqu'ici, 
ont été eonaervëa^t publés dans k monde |i;réco-laLn * . Mais ce n'est guère là 
ijunne « composition oratoir-.- dans laijuelle qm^lques faits BCrr^iJl de cadre â 
dt!> viaioiis, & des disifours.et à dea prodi^pes. Toutefois les faiM ont abanoo 



13G 



REVUE DK LHISTOIRE DES ItBLIGIOKS 



d'Aire historiques •; i partir de la f^onrckcalion do eoneil^i Thtoptstf prMftnd 
n'avoir plus quitlè DioBcore. — Ce teile <!omprfnd auseî un panfrpyrique ds 
Uuaire de Tkoou que M. Nau estime nvoir ëlè composé pour développer ub 
taite de rËcrilure cîlè par DJoacore à Pnphnutios, Eupérieur des moioes di 
Pac&me, dont le palnBrche d'Alexandrie reçut la visiLe dur&al son exil à Gao- 
gréa. 



li'HIfltoire dêi BeUgions jil'AcadéiiiiedealiiacriptioiiBet BeUai> 
Ii0ttt«a. — Sfance du 3 avril i903. — if. PhUippe BcrgfrconiiDUQique atieÎQS* 
criptioQ prorenanl dj tetUpU tfEihmoun à Sidon : «lift lui a été IransiniBe p4r 
M. Sfihrœder, consul général d'AlEemagne à Beyrouth. Cette toscription, p&r 
son contexte, diflSre sensiblement de celles pfécédemment relevées qui èlaieal 
LouteB semblables-, elle préBcnle uo intérêt de premier ordre : on y trouve en 
eOat te litre de Roi des Rois, titre qj'oa n'avait pas rencontra jusqu'ici daos 
l'épigrapbie sémitique. De pluB elle lournît le nom d'un nouveau prince de 
famille royale de Sidoo, Sydykjatoa et comble la lacune qui eiiatait eoLrelsn 
Bodaslorel el son ^and-pËre EBofamounazar. 

— Séance du B avril 1903.— M. Cfçrmiinï-Ganneuu écrit qu'il attache une im- 
portance toute particutiËre â l'appanlion dans i'iptcriptioo du temple d'Ee- 
cbmoun dont il a été que&lion & la séance précMente, du litre de Klelek Melt- 
kim a roi des rois <\ Selon lui, le titre ptolocolftirê ûdùn Meiakim h svigxteat 
des rois » ou « des royautés » était d'origine égypLieone: il n'a jamais dû être 
appliqué par les PhÉaicieDS au roi de Perse, et si jaruaiB on trouvait dans un 
texte pbêniden le titre protocolaire d'un roi de Perse, te litre serut meltk me- 
iakim, justeinent celui que porte la n&uvelle inscHplion. Ce tt'esl d'ailleurs pas 
à dire que le personnage jusqu'ici inconnu, Sidi Ryalon, qui semble porter Cft- 
titre, iioit un roî perse, et M. ClermoQt-OBnneaa se propose de revenir aar, 
cette question, 

M. Sahmon Reinach étudie le sculpteur Strongylion. AtliËniea (410 environ 
av. J.-CO> dont une Artémis courant, sculptée pour un temple de Mégare, a 61* 
imitée par Praxitële. Slronf^yliou était aussi l'uuieuir d'une statuette d'amaxona 
que l'oQ transportait dans les bagages de Néron. M, S. Reinacb pense qu'uat 
belle slatue d'Artémli courl-Tëtue, découverte vers iâBS dans rîl« de Lesbos et 
conservée au Musée de Constanlinople, dérive d'un original de Slron^yllon; 
«Ile ûDre, en «ITet, des atialogiea avec les motifa Tavoris de Praxitèle : msii file 
est d'un style plu» archaïque, qui atteste encore Hntluenc? de la grande école 
du v« siècle, en particulier de Polycl&le et de Phidîiia. MM. Perrot el Hauiey 
présentent quelques obeerratiOTia. 

jtf . Héron du Villefasse communique le texte d'un certain nombre de g^raffllei 
tracées but des poteries découverle#, i! y a plus de vingt-cinq ans, au sommet 
(tu Puy-de-D&ioe, sur l'emplacement du temple de Mercure. Ces inserip^ou 
coflliennent en aJ^rëg-è une formule voUve de quatre lettres, où. on peut relroo- 



i 



4 



CHRONIQUE 



137 



le oom gaulais do dieu adoré dan» ce temple, Vasso Katete, Ces poteries 
iscriles sont les débris d'e^-voto oIT*^rls par des geos de modeste condition, 
ir des paysaTi» qui, à IVpoque romaine, déaignaient encore le Dieu floua boq 
nom primiiifeL rul^aire, comme au temps 6e Tindépendance, M. Héron de ViU 
lefoese rapproche ces poleneâ d'urj grouped^iQBcripLtoas. njalbeuretuseDDecil per- 
dues, qui Tul trouve à Itt lin du xvii° siècle à l'emboucbure duBhio. M.V). Salo- 
mon Reinaob et d'Arbois de Jubaiav^Ule prëseatenl quelques observaLions. 
^C. B. d'après La Rmue Critique, 27 «prit 1903.] 

— Siancti du 17 avril. — M. Phitippe Berger donne lectured'une comoiUDicB,- 
tioD du D*" RouTÎec relative à rinscriplioa du tempie d'Eschmotm dont il a m 

r\é «ux dijui prMd«pieB séancve. Ce rapport est accompaga^ d'une pboto- 
ipbie qui cûaSfme l'exactitude de la lecLure due à M. le D' 5<cbr&edar, 
M, Hiron liê ViUé^ôssc signale ont mosaïque déco-ui'erte à Villej&ure (Vau- 
cluse). Le tableau central, eDvironn,é de acènea de chassë, olTre uaô représenta- 
tion fort rare, ceJle de La n/mpbe Callisto dnnL l'aventure a 6t6 racoatéA par 
Ovide dans ses Hélamarpho^ei . Le mosaïste a eboisi la dernière scène de es 
p«lil drame mythologique, Un vaee d'argent, trouvé près de Vaienco (Espagne) 
et conservé i la coUecLion Dutuit [Pe'àt Palais des Cbamps-Ëiyséesj reprâ* 
seate Ja scène du début. 

— Seancii du 24 avril. — M. Uiron de VUiefùsse communique à l'Académie 
une aquarelle représentaQl la prâlres&e cirlbagiDOLso découverte ea décembre 
dernier par le R. P. Delalire, 0«tt* staïue, couctiée sur ua couvercle de aareo- 
pbage, est r«liauesê« de peintures très vives et Irèe délicatement exëcutées. 
Iteitan, da.n9 Sa " Missioci de Pbénicie », avait dit, & propos des sarcDpbaKBs 
aatbropoiileâ de Païenne el de Soloate doQt les peintures oui disparu : h 11 
serait capital de trouver un sarcophage du genre de ceux dumt nous parlons 
avec loiitea bcs peintures i. Ce vœu e^t aujourd'hui rèabsè. 

— S<!anc« du i-^'tnai, — M, f>/(tli/)pt5iteri;<9r, empécbe d'asilster à la séance, 
ficrit qu'il « reçu du K. P, Delallre une coupe en plomi), couverte d'ornemeiila- 
tions. qui porte uuë inscription en pbÊoîcien et en grec. La partie pbôajcienne 
doit ss lire te EtiT/t •<■ aux Dieux • uu u au dieu ■. La parii« grecque est plus 
mutilée ; on y distingua pourtant leS' lettres çqaii ou fi^i*!, qui paraissent dési- 
gner soit celui qui a l'aiL l'oirraDd<?, soit le dieu auquel elle était faite . 

— Séance du 8 mai. •» M. Philippe Berger prAs»nte la pîiotograpbJe du 
dtique de pionb avec inscription bilingue dont il a annoncé k découverte A 
la séance prêceJeate, Ce disque e&t decurë depalmeltes Tort élégantes, L'iu- 
ftcnptiou est de tiiotine epon^ue, presque arcbaïqua ; elle paraît devoir se tire : 
•• Au dieu Pheami'js n. Le reste de ce petit texte est presque entièremeiit 
eflacë. M. Fb. Berger prtseDt*^ ensuiie une nouvelle epiLaphe de prêtresse 
trouTËe par la R, F. Lelalire. Hlle porte: « Tombeau d'Ummastorel, hlle 
d'Ëgmounamas, la prêtresse. ■ Elle a ëté trouvée en place, encastrée dans ta 
pierre [smiarit l'entrée du sépulcre. 

M. Babeion cummunique un graud méd&iUoa li'or de Coast&atia qui liit 



BBTUB DBL'aiSTOlKE DES 'RELIGIOKS 

partie ]des GoUaetioas^de M. Carlos de Beislegui. Ce médaillon, qui danne ï 
GoaaiAnlin 1« titre à'Invietus Canstantinus UaTimus Auguttus, et porlo au 

revers la légende : Pslix adventus Augustvmm noètrorum, a été frappé fa 
rommémoraLion de la célèbre entrevuo d« Cod&UqIih si de Licinius, ï Uilu, 
un fovner 313. Qn aait que c'est ànm celle conlércnce que fut proctamé 
!a première lois le pfîacipe dç la hb«rté du culte chréU^n. 

— Séance du 15 tiiai, — M- Babelon cocaoïunique, au Qom de M. Clerrnonl- 
Ganncau, une l'élire de M. Wcber, 'H&lèe d« Tripoli de Barbarie, 5 tù^ lE 
Elle contionl le dessÎD et les estampages d'une cftlociaetLâ en pierre caic 
IrouTâe à teptis 3!ai/na ; le fût eel surmonté d'un chapile&u scuipt^ daDII 
niâme bloc, âur Ja face anténeur« de l'abaqae est gravée ubc ligne de 
tëree romains : l'iiiscriplioa esl complétée pir deux autres lignes content 
dans un cartouche l'oriDaDl la parile iorérieure du ctmpUeau. M. Clermoi 
Gaoneau croit lire: {Mercurio) et JJinarvae Animôs {If summa fide. 

, — Séance du 22 mai, — M. l>. Serruys communique un fragment des 
du cùncÀle icunaciasie de 815. Ce texte imptirlaat, Jusqu'ici ignoré, a été 
trouvé pur M. Li. âerruys dans uo traité égalctoieril tnùdil qui est l'œuvre prîl 
cipale (tu patriarche Nicépbore, délrâué^ par ce oiâaie coocile. Ce Irailé 
lient unfi hisCgLre et uiiu rëtutalion de t'icouoclasûe byzasline^ 

— Séance du 24 mai. ^- M, Vh. Berger comomnique, de Impart de U. 
driiet, un peut momimeDl qu'il & ucbeté à Solda, Il ccusiftte en une pet 
plaque (!« bronîe sur laquelle te trouve l'iuscripiioa grecque : « Pe la syn 
Que d'Omiilwcartie i>.. C'est la première meutioa connue de celle synagpg 
de Juifs parlant grec ou die Syriens belléniséE, M. Perdriiel propose d'Idi 
liQer le bronze d'Ornilboconié (le bourg des oiseaux) avec Orailbopolia. vil 
siluâe enire T;ret Sidou el dont plusieurs lexlee httërairefr nous oQt fait 
naître l'existence dau» l'antiquilé, 

P. A. 

Nous apprenons avec une vive saU^ra-cliDii que l'Acadânie dei Sciences 
raies el politiques, dans ta séance du 13 juin, a décerne le pris Le Pivr 
Deumier (30.0W U.\ i M., l'aul Sabalier^ pour l'ensemble de ses travaux su 
saint Françcus d'Asaise et l'ordre des Franciscams. Ce prix est destiné à l'eu 
vragê le plus remarquable sur les mythologies, pbîlosopbieB et religions 
parées. 

La. Revue consacrera très procbaineroent un article à ^ensemble des 
nières publications de M, Ë&balW, 

BELGIQUE 



Dans le Must^ùa [vol. IV, n»» 1-2) M. P. Oltrùtnare publie on imfwrH 
article sur le rAle du Tajamâna dans 1^ sacrifia brahmanique, tl retèrs 



CHROttlOUE 439 

indicée qui ntleslent â ses ^eux l'impùrlanee du rAte qu'i L'origine le s&cnfiiint, 
le yaJïiQM3, jouait dd^ua \e BUtriûcs : d'ati jrd c'en le ctiei de faoïillo qui entre 
en communicaLion avec le dieu ; c'cist lui qui retire le fruiL des acl«8 nluola. 
Klj p4r lui, les merabres dti ha Tacidlv. Le rivle du bratiniaQie esl d'Abord lout 
Mc^ftsatre. Puis peu à peu les iMes sont reaveraes ; l'impurlsnce du brab^ 
tDaae gnadA, uiidie que celle du sacrîQaDl diminue par suite du développe* 
ment de riadiridualisme religieux et celui du SBce rdotaii^tne, L'ascélismo 
d'uae p&rt, le eacerdotalismï hrahmaaique de l'ouLre uni batlu en brAcbe la 
religioD Tamilisle. Le praire devient l'agent principal du fiacriflca ; r«iiciep pro- 
tagoniste,. !e YaJBmAaa n'est plus <;u'un personnage iusigoiflant. k A l'origine, 
dit M, 0. en concluant, la lamille prospérait pu- le sacniicei dûrenAVitnt, 
l'acte aacrà itiléressera surioul leprëlK qui est seul &. vivre de IVuLel. » 

Dana le m^md nucDéro, l'a Musfon oommence la publLcatioii d'études de 
M. Pi. Defaoor sur les VieiUes époques historiques lic ia Ckaidée, de t'Mlam »t 
de t^Aisyrie et de M. E. II. Park-ir sur le Èouddhume chinois. EqJ^d M. Wie- 
denann, sous Je tilre 0;^^^ t't'yilMnf, consacre ([uelques pages- aubE.t&Qli<elJeH 
I l'examea des divers témoigciag^es relaiirs k Ja croyance k la » jferoiinatioQ a 
d'ÛBiris après sa joort. 

P. A. 

ALLEMAGNE 

L'Aditeur Deicheri, à Leipsig, annonce la publicalion d'un texte à boa marché 
l>de l'Ëcclési astique hébreu ; Die Spr'tche Jisua', dfs S'ihnes SiracHi, der ^fln^t 
gefuDdc h^braische Tt^xt mil Anmerkungcn und Woerl«rbiich [1 vo\. la-tf; 
prix, i m. 50; cartonné, 1,85), par le profetseur Hermann I,, Strtick. Celle 
nouvelle sera très Tavorablement accueillie dani lej sëminaire» uoiversitaîres. 
Comme l'indique le titre, M. Str^K^k a joint à son édition un leiir^ue où i| men- 
tionne surtout les djS^-rances entre l'hébreu du Siraicide et c«bui i|« l'Ancien 
Testament «t les moU qui ne s&QL que rarement employés dan» la Bihte. 



ITALIE 



I L'éditeur Boc£&, à Turin, annonce la public&Lioa d'aa ouvrage de M. AleS' 
MnilTro Lfvi, Defitto r p&na. nel peTuiero dci Greâ. Sludi s» le conceiiom an- 
licbe e confronti con Je teorie odieme, avec une preTtce du pror»Hijf Bugio 
Brugi, d« rUniversiLë de Padoue (1 toI. in- 12 de 3 fr. 50). Dan» rintrodiicUon 
I routeur rapproche la situation primitire en Grtee dB oel9« que l'on peut roa- 
l'Mftre p&r rétud« dea peuples noO'-civiiiaéa. L« premier chapitre tract* de la 
Brimiaabtê d'&pfès les poèmes bonièriquea el les iragiquej. Le deuxième eil 
[emauré \ la aolioa de fatalil- cbez ka Grec» (Até, Hybrii, NemftaJa, In 
iBiriufMi l'eTtieuilé de'S pri«rea et des punQcalion»). Clani i« lrBiti«i&e «ta«- 



440 



BBVDE OS L'RIbTOiaB DES BELIGIOHS 



pitre Tauteur ëludie les bases sociales et Ëtbî^ues de la pënalilé chez les Grees' 
anltques. Le quatrième a pour abjeL 1& comparaisoD avec les théories mo- 
demei. 



PAT3 SCA-NDINâVES 



Ls tnaÏEOO Hbds A, Brnnecbe, île CbriBliania, a publié en 1902 les S&rtkt 
Hexeformularer fecUeilïis f<af A, Chf. BiOg en tnajeur* («ftiè datis les manus- 
crits apparLentLiit à Ja Socieie des Sciences de Dfontbeim. Les formules sont 
cla6Gé.eB ïous (iiUéreuteB rubriques : persoDues auTDaiurellee évoquées {Wodan, 
las NorofiG, Freia), loroies a'evocalioDs, mugie pmliqiie, meoecine popu' 
l&ire etc. Oa y peut eiudi^r la per^igliiitce de cerltuDes conce^tigu^ d^s mylho- 
Jogiçï scaiidjcjHVU el geroifiMqutJ (luus la iDrc>ellerie ou uiojen<Àge norrois, 

M. N. OOnk, dans son uuviA^je Orn huynuTi,k {(ju\jeuha.gMb, ûad, iï 
â« de lââ p.j s'écarte rcEuluOietii des opiiiiona cuaiuiuiiïiL>mit acceptées eu 
l'ongiite du «i crb[juaeulfl des cjeui » Ëcanaitiave, D uue apalyee luioulieuB 
des BaurcËE (tooaB, Uiollileuis ruuiiijijeB^ ljaujljoii)| ii Uiii la coiiciuskOD qi 
i'oa BB trouve doq ijub en (iie&eiice d'^utie cToyaiice uuiloiibe, clbib de plusieui 
groupes de croyiLjiceB iret aiUeieui«E, seluu qu« b'ufil pai le Itu, ita Uots ou le 
graud hiver que ooit s'accoiupiir la dvëiruciioa du vi«mx tijunde et la crëatioa 
àa DDureau. M. Obrik u.gutre eiiauiLe que ces eoace (alloua ensieot i pvu pr 
idontiqueB cbez les Celtes : d'où il coQCiui à u» euiirucit de l'un de» deux' 
peuples à l'auire — des beatidKiaveB aux Celtes, penbe-L-il — eûipiuut qu'il 
date du début de aoire érta. tju uciiiuie cvuiixen aeraii utiie & la djaLtusion] 
apprprgadie de ceU« iha&e uue émue cunipuiee ues diUeivuis uiyiliËs lei&tils 
la Uq dj Œûnde dan« tva religioue tle l'ijumaulie : Al. 0. iiuus pruOiet U aille i 
lui-méoLe celte ueuxièuiâ parue qui cumjjietera aiaf^iâiruietuent celte etudl 
déjà Bi appruruiidie. 

C'est uaiJa le mSaie esprit de critique n^oureuBS que M. F. Ksufmann 
traite du uiyllje ae BHldec [Baider, juyViu» und Haye nuch tAren ittehteriichen 
unii reiiniaseii Eleintnten uulenuclUf in-e" de HUA p. Slriiat>ourgf Truboer). 
La première: ptiriie oe sun ouvrage eBLcuiitiacrée a l'exitmeu des lotbrpreLaiioDaj 
juequ'jci prO}juaeea, luiei^JiBLiiLiuDit que bi. K. rejette Im-rdiuieuL; à leur plac 
M, K. met une byputuebe qui vsi d coup sûr «sia^fciu de d jcuaj«iiiii aLleiitvtuieot I 
aoaiyiieii, uiais qu uu ue buuriii auct^pici' suiis ulbiiuksiou : M, K. recui'UiuLl 
diLDe la uiviiuv bul>Jcr l'ei^Jieiik'iuu b^ujUulique d'un ucie muet : le e«citlicfll 
aux Oieuj d'uu elle çum^n ue loiis i«& pei:tit& de la uiLu nu ue la n&uou. C« 
acte niueJ, CuùiUiun, uuu ^eoleaitia a luus les peuplée ut: race gerw^iiiqiMjl 
maiti ptui-âtre ausiii a iuub lebjSijeus, tmiuii eiç trtiue^gse ilu moude des 
hommes dans le monde des dietjz : baider n'aurait eie que la victime expiatoire 
sacriUèe à Lolii par les bûtes du VaJbaL Notre collaborateur SA. L. Pineau ju^'e 



CHBONIQDli: 441 

en ces termes les coiicIdsîoqb de l'intéressant ouvrage de M. K. : « La dëmoDS- 
tratioD de M. K., conseiencieusement documentée, abonde en apergus ingé- 
nieux. Sa coDclusion esl-elle inattaquable? C'est autre chose; pour ma pairt, 
je n'y puis souscrire, ou, du moins, si je suis tout disposé à admettre que iM 
divers incidents qui marquent la mort de Balder aient pu être imaginés à 
rioaitation du sacriâce d'un roi chez les anciens Germains, je persiste à croire 
que Balder lui-même est, non pas un prince de ce monde, élevé au rang de 
diviDÎté, mus un dieu solaire, comme le fut, i. l'origine, Sigurd, à qui, du reste, 
il ressemble étrangement. Aussi bien la mort de l'un et de l'autre pourrùt 
avoir eu un motif identique. Loki, à qui Balder est sacrifié, me parussant tout 
i fait répondre aux puissances infernales des Nibelungen » (Rev. Critique, 
11 mai 1903). 

P. A. 



29 



TABLE DES MATIÈRES 

DU TOME QUARANTE-SEPTIÈME 



ARTICLES DE FOND 

PagM. 
Gobtet (TAlviella. De quelques problèmes relatifs aux mystères d'Eleu- 
sis 1, 141 

A. Guérinot. La docLriue des êtres vivants dans la religion Jaïna ... 34 

A. Nicolas. A propos de deux maauacritB u Babis » 59 

H. deCastries. Une apologie de l'Islam par un sultan du Maroc. . . . 174 

A. Van Gennep. Notes sur le Domovoï 206 

F. Pieavet. Piotin et les mystères d'Ëieusis î!81 

A. 0. Ivanooski. Sur une traduction chinoise du recueil bouddhique Ja- 

takamilâ 298 

Eug. de Paye. Introduction à l'histoire du gnostieisme ........ 336 

P. C. Sensé. Évangiles canoniques et apocryphes 372 



MÉLANGES ET DOCUMENTS 

A. Van Gennep. De l'emploi du mot « chamanisme » 51 

C. Piepenbring. Revue de Périodiques. Judaïsme bihlique 74 



REVUE DES LIVRES 

E. Crawley . The Myatic Rose (A. Van Gennep) 84 

J. Happel, Die religiâsen und phtlosophiscben Grundaoschauangen der 

inder {N. Sôderblom) 93 

R. Mariano. Cristo e Budda e tltri iddii delt'Oriente (ff. SSderbUm) . 98 
Q. Norrman. Jfimfôretse mellan Buddbismeo och Kristendomen (JY. Sô- 
derblom) ■ 98 

A. ItertAotet. Buddbismus und Cbristentum (ff. S/tder&ton) 98 

P. Bovet. Le dieu de Platon {Ck. Wemer) 101 

A. Bûchler. Das Synedrion in Jérusalem (Mayer Lambert) 106 



44fi ItKVCK DE L'UtSTOlBi: DES RELIGIONS 

K. Millier, Bekennlniasachrift^n der reformirleo KJrchen,p.2T7; Synt' 
bolik oder cbrisltiche Conf«B«ioKgkuTi(le, p. 277. 

JudaUme : Clercnont-GaaQeaiJ, Smbouebure du Jourdain, p. 138 
UloRilel, Le Dieu di^s Jui'a et le ciond« occident^, p. 129 ; Comm: 
nsults juives de la Tripolilttine, p. 129: Porte de Nioanor, p. 
Weadlioii el Cohn, CMCoPff s de Philon, p. 273 ; HofûwiLi, Philon ud. 
PLntOD, p. ZTi: Synagogue d'OrnUbocomê, p. 438; Strack, JAsus 
de Sîrach, p. 439. 

Aulrfs religions sémiliffues : Fouilles du P. Delaltreà Carthage^ p. 130, 
131, i;71, 437; Fouilles du P. Paul de Sainl-Aigcan, de Tyr. p. 269; 
Description du Umple d'EBlioioun à Sidon. p. &3â« 437. 

Reti^^ion <k l'Kgyple : Legrain el Naville, PylOne d'AnsénophiB 111 i 
Karnak, p. 125;Osyet, Sarcophages de Lombes pharaoniques^p. 126; 
Morel, Hiluel du culle journalier en Kgypte, p, 127 ; WôndUnd, Cir- 
concision chei lesË^ypliens, p. 278; Fouillée de M. Gayet àAniifloë, 
p. 133; Wiedemann, OstriB végélaiil, p. -Î39, 

heiii/ioH a&surQ-chaid^enne -. Scoau lii^Goudéa, p. t31 ; Rlnonapoli, Des- 
cente d'Istar aux Ënlers, p. 279: Deoioor, ChaldâSi Elam et Assyrre, 
p. V.ÎQ. 

Reiigion tk- ta Grèce el ite ftonu : Supplices de l'eurer hftilëoiqaej 
p. 131; StAlue de lïiaûê, p, 132; Mont Hermon et Bon dieu, p. 132; 
Omcle d'Alexandre d'Abonoleichos, p. 132; Fairbanks, Alhéna aï- 
lligfi.', p. 138; Fauillesà Tralles, p. 27U; Sépultures mitbmquea de 
Tripoli, p. 270-271 ; Objets découverts près de Bybloe, p. ZlO ; Deub- 
ner, D« inciibalione, p. 273 ; Fûuille» de. M. Gayel à Anlinoë, p. -43;^, 
Le sculpteur Slrongylion, p. 43(î ; Temple de Mercure sur le Puy-d 
Dùm»!, p. 436; MosaïijUe repfêae niant lo nymphe CailisLo, p. 437: 
Colonaelte découverte ù Leptis Magna, p. 438; Lôvi, Delitto ePi 
nel petiâiero d«i Greci, p. 439, 

Helitjions ctUii/ue, yermaniiiuc ei iicandinave : Schûnfeld, Der isUodiKln 
Bauernhof. p. 277 ; Obrik, Om Ragna.rok, p. 440 ; Kaufmann, BalderJ 
y. 440, 

Retigioru de l'Inde : Laval lèe-Pousahi cl Thomas, BouddbiEme d'apr 
les source* braJimaniques, p. 13»; le mot «t Nirrani «^ p. 271 ; Oïl 
mare, Yajam&aa dans le sacrifice brahmaDique, p. 438, 

Retifiions de i'Extréme-OrieJii : PiirUer, Bouddhisme chinois, p. 439. 

îion-civiiisès cl Fùlk-tore i Lang, Totem names «nd l»ehef«, p, i35 
BanSi NorKke Hezeformularar, p. 440. 

Priai académiques : PriïLetèvre-DBumier, p. 438, 



4 



Le Gérant : Ebivest Lhodx. 



AJiaiHB. — i>rMiaiui a, sïmom r c>*, 4, nin (UEi.'an. 



s U M U A I R K 



P. PiCAVirr. Plotln et les Mystères d'ÉleaBÎB . 

A. 0. [vu<ov&Ki. Sur onA traduction chinoiad durAOUeil.bouddtdquB* Jl 

k&mflla ». 
Euikttt &■ Vhtr, iQtrodactiOB & lliittoiro du gnostiaùuB aa II* et 

III*ll&ele (5* el dernier irticlej. 
SznSH. Êvan^UeB canoniqQeft et apocryphes (résumé d'après le manuscrit 

glaiB, [lar S. KKircACH), 

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I. Analyus et amples -renduâ. 

1* S- EiruEM, Die g^tllichen ZwilUngÊ bei den Griechen [Ch. Rchil). 

2» M. Besnieb. De r^^tone Paelignorum (A. MBRLin). 

3* M. BtsNiiB. L'ik Tiberine dans l'Antiquilê (A, M,). 

A* A. Tuousoif. Oflbis fN, S''i&sRiao>iK • 

5« 0- ScaoNiKQ. DôdBriger i nordiïkliedenlro(N. S.). 

6" M. Oo^QEL. La noLîon johaanigue de l'Esprit [J, RÊviLi,e), 

1' F. Maclsr. Histoire de saiol Aiozaîl (RoBENa Duval). 

8* Acla SancLorum Gurîae et Shamûnae (F. Macleb). 

9* A^ D. Kyheakos. GascbÊchte der OrïeutalÎBcben Evtrctiea (G. BonsT-MAUBr). 

10". H. IIahût. La. rL'li){ian dans la sociale aux États-Unis (Hod. Hxuas], 

II. Noticts bit>iU>graphiqvel. 

1* BiCH'FHOtBT, Di« OeSide der Selig(>n (fi. SâuERBLoti), — 2* Oldinbihq. La 
du Veda (J, HâvitLs). — 3» P. Fieoia. Der Meuschenisohn [J. H.), — 4" Ad. 
cOAY. Bit! apocrypher Bericht uËb«rdi« Taufe Jtia [S. ft,}, — 5^ 0. t. Qebiiji 
Acla Pauli el Tbeclae (J. R.). — 6° Ad. Dbesbuann^ Ein Origiaal-Dokutcent 
dct DioklelianischfrD ChnsteaTerfolgun.; (J. R.). — 7* L. Dubois, Bayle el la 
lÊraace (J. R.). — 8* M. BurrairwiasBR. The neo bebiaic apocalypiic Literalu 
(F. Maclrh). ^ 9" P. E, LuciL'a. Bonaparle und die proies lanlischeti Kircb«D Pri 
reicbB (Rod. Rmas). — 10* E. Bmtjiii. Lee Ma-Holsé (A. Vkf Qxnihp), 

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■gctc» Tcudaï cL Sfu^uu iltuuJJhHciie jniivitai^I, il'^pi*^» iie cotuiuitauïre de 
M. lIoniur-TiiKr, litjpi^rkiiF du tifiEiple de MiUui-U;i. Traduit du j^ponAis 
paj K. Kaw.mioi;i;iI. Iiitruitin^tluii et anuolaLlou, par L. ue .Mjlldcé. Ja-S, 
18 pEuDCbËM et riiiproihjir.LtfiD rsc-âiinilA du lexlfi IS fr. 

IX. — UA VIK f UTtIflt:, d npr^fl le [ii&zdéMm«, à la lumiërr îles cro;aac«a pft- 

rallèli't> (lauK le* nulrcA reliK'iu*- EtuJe «l'esvUalologie çomparie, pur 3x- 
niAS StKUihBtn!!. I11-8 , , , - 1 fr. 50 

X. — BtllJ.Y)li;i un l'IHKr, prii- L. i.» Millûité. Ih-8. {SûUs prrSit.] 

XI-XIl. ~ IIISTdlKE Ifl; IdXIUli'Mt.'^ME DANS L'INUE, par ïl. Kzv\. profeiseur 
A rilnivcriiEii <lr l.r^'ilc. irAiJiiil ilu iLierlaud&iii par M, (^Butu» \\va, sous- 
hIWifitlK rnirc n la Hibllolhi'fjiirr mtiouAle. î vol. iD-B iO fr. 

XIU. — LE 'l'IlEATHK AU JAfUN, bc» rapporl»aïijç les cuUe» lucaux, \>m A. BU- 
HAEiT. In-X, illudCi'é 7 tr. SO 

XIV. — LK HITUKUUll CULTK IIJ VIN JOURNALIER ES ÉfîYHTE, d'sprè» les Papy- 
rus (1« Eturicu Ri le» testes du temple deSëti |t'Â Ai>Tdiu,phr AtiiiacdreHOAH. 
lii-« V 15 fr. 



F3IBLI0TI1ÈQLIE DE VULGARISATION 

jtiKJK 1)8 vOi-DMis iN-t8 A y Fr. 50 
1. — LEt^ MdINKS Era'PTCENS, par E. AvAunEAu. Illustré. 
U. — fltËCIS D». L'hlST(<lHE Des KËLir^lOSâ. - Preuilûru partie : RdJglotu d« 

riuil», pM L. OB lUrLLartï. Lhttslrt^ do 21 plauclies, 
lU, — LHS HETEENS. — Hislolre d'uu EiupirM oublté, pur H. Si.ïcb. Trsduîl de 
riogliUï, B-viïc prèfaei; et uppendiee», par J, Mik«*i", de l'Iastilat. tlluslrt 
io i plaucbes lI de 1S 41698(00 dans le texte. 

LES SY.MUriLES,LESEMDLÉ.MEaETLES ACCESSOIHES 1>U CULTE CHEÏ 
LES ANNAMITES, par G. DuaoïiTiEii. lu-19, illuâtrêdc 3K desBlns Aciuacnîtea. 

- LES YË^IDIS. Lca aduraipura du dialile, pur J. Mehakt, de l'iDsLitut. Illustré. 

- LECU1,TE HESMOHTS djins TADmiuiet dans rEitrêma-OrieDt, poj- !c lieu- 
teuayt-iùJ.iaeli BinruiAis et Paulu^, Iu-I8 

- RESL'SIE UELUI&TOIRE DE L'EGYPTE, par E. AbSlikiau. ln-l«. 
. — Lg PUIS SEC. nEFLECRl. romau coréeu, traduit en Fr^açui par Mo»» 

TjTUNo-fjy. lu-18, 

IX.^LA .SAfiA DENIAL. traduite eu TraïKfaU pour I& première fgisp«r B. Darksti, 
di) riitiititiit, coMSic-ilItir à laCour d<» OueEation. 

X. — LhiSClSIb:» DANS L'INUb. Learaiti ut le syst^iiu', pnr Km. StUAirr, de l'Iss- 

litul. 

XI. — INTHODUCTION A LA PULLOËOPlïie VEDANÎA. Trois conMreoces Càite« & 

riu&LilHt Karal eu ujara ISi)i, jjilt P, Max Miliim, inecubre ds l'iiutltat. 
Traduit lie Jaugluia, avsc aiitnriâatioD de Isutuur, pïir M. Lion âuno. 

XII. — CliNHEKENCES AU MUSEE GUIMET, pv L, oi HiLioni, (tB»S-lB99). Pr*- 

face par lin. (ifutïî. 



IV.- 



Vll. 
VI 11