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LES
LITTÉRATURES POPULAIRES
TOME X
LES
LITTÉRATURES
POPULAIRES
DE
TOUTES LES NATIONS
TRAOmOKS, LÉGENDES
CONTES, CHANSONS, PROVERBES, DEVINETTES
SUPERSTITIONS
TOME X
PARIS
MAISONNEUVE ET C»*, ÉDITEURS
25, QUAI VOLTAIRE, 25
1882
Tous droits réservés
TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
DE LA HAUTE-BRETAGNE
TOME II
1
TRADITIONS ET SUPERSTITEONS
HAUTE-BRETAGNE
PAUL SÉBILLOT
PARIS
MAISONNnUVR ET C", EDITEURS
Jî, QUAI VOLTAIHK, 2?
1882
Toni diolR léMiYtt
m
DEUXIÈME PARTIE
2LES ANIMAUX, LES PLANTES ET LES MÉTÉORES
CHAPITRE I
LES MAMMIFÈRES DOMESTIQUES
S I. — GÉNÉRALITÉS
[LUSŒURS mammifères ont été domestiqués
dès les temps préhistoriques, ainsi que le
constatent de nombreuses découvertes, et
les plus anciens documents écrits que nous ayons
les représentent comme les compagnons de
l'homme. « Les animaux, ces machines dédai-
gnées par Descartes, défendues par La Fontaine,
élevées par la science moderne à la dignité de
personnes vivantes et intelligentes, ont joué un
rôle capital dans la destinée humaine. Le chien,
le bœuf, le cheval, le mouton, le porc, un grand
4 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
nombre de poissons et d'oiseaux, ont été les
compagnons, souvent les victimes et toujours les
instruments de notre grandeur. Notre langage est
plein de nuances empruntées à leurs formes, à
leurs aptitudes, à leurs services et à leurs mœurs...
Les animaux ne vivent pas seulement dans la
nature ; ils ont vécu et vivent encore dans l'hu-
manité en statues, en idées, en symboles. »
(A. Lefèvre, Religions et mytholcgiês comparées, p. 51 etsuiv.)
Les anciens poètes les font parler, verser des
larmes, et ce n'est pas seulement une fiction
poétique qu'ils expriment ainsi. De nos jours, si
l'on ne croit plus guère qu'ils puissent prendre la
parole, — sauf peut-être le chat, animal diabo-
lique, — dans nombre de contes on leur prête
un langage, et même en certains cas, ainsi qu'on
le verra ci-après, on interprète et Ton traduit
leurs cris.
Voici un petit conte où les animaux domes-
tiques dialoguent d'une façon assez plaisante.
Une bonne femme qui avait une vache, un
cochon, un poulain, un coq et une cane, alla à
des noces, où elle s'amusa tellement qu'elle y
resta trois" jours.
Comme personne ne soignait ses bêtes, dles
avaient faim, et la vache disait :
— Jeanne I Jeanne !
DE LA HAUTE'BRETAGNE
Le cochon :
— Hé bien ! hé bien !
Le poulain :
— La vois-tu veni', veni', veni' ?
Le coq :
— O s'en viendra tantôt.
Et la cane répétait :
— Quand ? quand ? quand ?
(Conté en 1878 par Co&stant Joulaud, de Gosné.)
Cf. dans Laisnel de la Salle, t. I, p. 222, la manière dont les
paysans berrichons traduisent le langage des bètes^ principale-
ment celui des oiseaux.
Dans les monographies qui suivent, j'ai donné
les noms patois des mammifères domestiques de
la Haute-Bretagne, les proverbes, les dictons et
les devinettes où ils figurent, les cris usités pour
les appeler ou pour les commander, les supersti-
tions et les croyances dont ils sont l'objet, etc. A
la suite, j'ai brièvement indiqué les contes, publiés
ou inédits, de ma collection où ils jouent un
rôle, et j'ai noté aussi celui qui leur est attribué
par les quelques contes gallots publiés avant mes
recueils par divers auteurs.
J'ai du reste suivi la même marche pour toutes
les monographies des animaux de la terre, de
l'air et de l'eau, qui composent la plus grande
partie de ce volume.
mîmm
4¥> cf^ C?i^Cfà'
s IL — MONOGRAPHIES
L*ANE (Eojras Asivus)
Noms patois (i)
ES paysans emploient presque toujours le
mot âne au féminin.
Voici d'autres noms patois : bardoQ/L.,
Plouvara), fém. ; hardoche (M., Plouvara), fém.;
hardiche (Tréveneuc); mais en réalité ce sont
plutôt des espèces de surnoms, et la plupart du
temps on y attache un sens moqueur.
Proverhes
— Cela li est défense (défendu) comme le Pater
es ânes.
Cf. Rolland, t. IV, p. 227 (Côte-d'Or).
— Bête comme un âne de trois écus (Dol).
(i) Abréviations : E. Ereé-prts-Lifi&é (Ille-et- Vilaine) ; M.
Mati^on; S.-C. Saint-Cast; D. Dinan ; P. Penguily ; S.-D.
Saint- Donan (Côtes-du-Kord); G. g. glossaire gallot inédit
dont j'ai eu communication anti^efois.
TRADITIONS ET SUPERSTITIONS ^
■ ■■ ■ ■ — — ■- ■■ 1 ■ ■ ■ ■ ■ ■■ — ■■ 1^ ™ I I f ■■
— Faire Tâne pour avoir du bran (M., E.)*
Cf. Rabelais, livre ix, et Rolland, t. IV, p. aay.
— Traître comme un âtie rouge. Cela se dit
•d'une personne méchante qui frappe ses sem-
blables et les animaux (S.-C.).
— Jaune comme du pissat (urine) d'âne (E.).
— Têtu comme un âne.
Cf. Rolland, t. IV, p. 214 (Creuse).
— Elle joXU comme un âne (P.). Cela se dit
•d'une personne qui n'est pas trop dégourdie.
-r- Brèr (crier) comme un âne (S.-D.).
— Saoul comme une bourrique (E.).
— Saoul comme la bourrique à Robespierre
<M.).
Cf. Rolland, t. IV, p. 242. Robespierre est sabstitaé au diable.
Superstition, — IJâne dans la Littérature orale
L'âne, de même que le bœuf, s'agenouille à
minuit sonnant la nuit de Noël (E.).
Le rôle que les contes gallots attribuent à
l'âne est assez important ; dans la Hotde du Grouin,
no X, 2« série, les fées empruntent un âne â leurs
voisins sans leur permission, et la fréquentation
des bonnes dames le rend sorcier. C'est sur un
ine que voyagent le bon Dieu et saint Pierre (cf.
Misère, n» Lii, 2© série). C'est l'âne de Jean le
8 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Dioty no XX, ire série, qui passe sur son dos le
bon Dieu et saint Jean. Le héros de V Oiseau hleuy
no XIV, ayant mangé du céleri, est transformé en
âne, comme le héros du conte de Lucien. Dans le
conte des Jaguens, i^e série, no xxxvni, les
Jaguens forment le projet d'aller porter un
poisson au roi; ils se rendent aux pêcheries, et
lèvent dans leurs filets quelque chose qui leur
semble un poisson gigantesque. Or, c'était un
âne crevé. Cette facétie avait été rapportée au
xvm» siècle par Chevignard de la Pallue, qui
l'attribuait aux gens de Beaune.
Cf. Rolland, t. IV, p. 248.
Dans le conte de la Fève, no xn, i'* série, le-
bonhomme qui est grimpé au ciel tout le long
de sa tige reçoit en présent un âne qui fait des:
écus. Cet âne figure aussi dans les autres versions^
de cette légende que j'ai recueillies (cf. Litt. orale y
p. 215).
Le conte de la CtirouUîe, 2^ série, no xLvm,,
met en scène un paysan qui fait couver une
citrouille, croyant que c'est un œuf d'âne. Dans
les similaires cités par Rolland, t. IV, p. 202-20^
(Loiret, Côte-d'Or, Lorraine, etc.), l'œuf couvé
est un œuf de jument, et non un œuf d'âne.
. Dans un conte inédit de ma collecjdon, il est
question d'un âne a â sept lieues le pas », gardé
DE LA HAUTE-BRETAGNE
par trots géants, et dont le héros doit s'emparer
avant de conquérir le merle blanc qui rajeunit.
La marraine de Petit-Jean (conte inédit de ma.
collection) vient chercher son fiHpul sur un âne*
Il lui désobéit en ramassant une couroime ; alors
elle l'abandonne, mais lui laisse l'âne. Grâce i
ses conseils, le jeune garçon vient â- bout de
toutes les difficultés.
Dans une autre version du précédent, aussi
intitulée Petit-Jeariy la Vierge, qui est sa marraine,
vient le chercher sur un âne et lui défend de
cueillir des fleurs; il désobéit. L'âne reste avec lui,,
et par son conseil, après avoir triomphé de-
plusieurs obstacles, il épouse la plus belle prin*
cesse du monde.
Un jour les Jaguens, habitants de Saint-
Jacut-de-la-Mer (Côtes-du-Nord), ont la guerre
avec un village voisin. Us hissent un canon sur
le dos d'un âne et y mettent le feu ; mais, après-
la détonation, l'âne se retourne du côté des
Jaguens, qui l'accusent d'être du parti de leurs-
ennemis et le jettent à la mer pour le punir.
Quelques chansons mettent aussi l'âne en.
scène» Dans ma Littérature orale de la Hautes
Bretagne, p. 272, j'ai publié LÂne changé, dont je
possède trois variantes inédites, et qui se retrouve
en beaucoup de pays (cf. pour les similaires Rol-
land, t. IV, p. 253, qui reproduit deux versions).
10 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
J'ai aussi une variante de UÂm retrouvé par mor^
ceaux, chanson recueillie aux environs de Bain
(Ille-et-Vilaine) par M. A. Orain, et publiée avec
la musique par Rolland, t. IV, p. 263.
Plusieurs pays de TlUe-et-Vilaine et des Côtes-
du-Nord ont des sobriquets où le nom de Tâne
entre en composition. On dit :
— Les ânes de la Malhoure (canton de Lam-
balle). Jadis, assure-t-on, ils mangèrent un âne,
et le nom leur en est resté.
— Les ânes de Pleudihen (près Dinan). On se
sert beaucoup d'ânes en ce pays.
— Les ânes de Saint-Suliac (Ille-et-Vilaine).
On dit aussi les ânes de Rigourdaine. Ces deux
sobriquets tirent leur origine d'une légende que
rapporte M^^ de Cemy, et que voici, un peu
abrégée.
« Saint Suliac avait établi un monastère autour
duquel il avait semé du blé et planté des vignes.
La Rance n'était alors qu'un faible ruisseau qu'on
traversait sur deux mâchoires d'ânes, et en face
de Garot se voyait la métairie de. Rigourden,
dont les ânes vinrent un jour brouter l'enclos des
moines. Ceux-ci s'en aperçurent et les chassèrent.
L'abbé alla reprocher au fermier sa négligence ;
mais celui-ci ne garda pas mieux ses bêtes, et un
matin l'abbé les trouva broutant sa vigne, et il
les frappa de sa crosse en les maudissant.
DE LA HAUTE-BRETAGNE II
« Le propriétaire alla à la recherche de ses ânes,
qu'il retrouva immobiles près de Tenclos des
moines, la tête retournée sur le dos. Il supplia
saint Suliac, qui les délivra de cette position
incommode ; mais les ânes en s'en allant firent
un tel bruit que le saint, pour ne plus en être
incommodé, élargit la Rance et lui donna la
largeur qu'elle a aujourd'hui.
« On voyait naguère dans les caves du pres-
b3^ère un tableau sculpté en relief, fort vieux
d'après la grossièreté du travail, et représentant
les ânes la tête retournée sur le dos. »
(M«« de Cerny, Saint-Suliacy p. 13.)
Cette légende est citée par Manet et par Habasque, t. III,
p. 323.
LE BÉLIER (Aries)
Noms patois
Le mâle s'appelle hourdÇP.yS.-D.) (cf. le gallois
howrd); hourdet (M,, S.-D.); éhourda (S.-D.);
houro (S.-D.); la femelle berbis (M., E.); mou-
tonne (E.) ; l'ensemble du troupeau les berhis, d'où
herbiouxy qui se rapporte aux brebis, qui aime les
brebis ; les agneaux, agni (S.-D.) ; agnaou (S.-D.) ;
igniau (E.); ignê^ égné^ fém. (M.); ègnite (S.-D.);
c^ite (Tréveneuc) ; aigneïU (M.). La brebis en
chaleur est dite en lui; on la conduit au hourd
12 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
qui la luette (P.). Les brebis qui mettent bas a/-
neîlent (M.); aindellent (P.). Les béliers qui cornent
doupent (M.); tossent (P.). Le rhume des brebis
se nomme ballo (Tréveneuc); goètron (S.-D.).
Les brebis n'ont point en général de noms
propres; cependant on les désigne d'après des
circonstances extérieures : celle qui a des cornes
se nomme Cornette ; celle qui a la tête de plu*
sieurs couleurs Moquarde (P.) ; la brebis qui n'a
qu'une oreille Sorine (P.).
Pour appeler les moutons, on leur crie ;
duiens I quiens I (P.)
Bara, bara, bara, bè (Tréveneuc).
Comme en breton.
Qjiéto, quéto, quéto, bée (P.).
Koto, Koto, Koto, bée (P.).
Pour les détourner :
Chom' la 1 chôme id (JS.-D.).
Taï-ci, taï-ci (P.).
Chaboul (S.-D.)
Cf. le breton chabouch.
Pour faire battre les béliers, les patous (bergers)
leur crient :
Tosse, tosse (P.).
Ou:
Doupe, doupe (M.).
DE LA HAUTE^BRBTAGKE I3
Pour que les brebis, que plusieurs bergers ra-
mènent ensemble, se séparent, ils crient le soir :
Trie, térias I
La plus belle de mon haras (P.).
Proverbes
Faut point appeler sa mère jambe de herJns
t(P.)« Il ne faut pas se moquer des siens, car
4;ela retombe sur vous.
— r se laisse tondre comme un mouton (E.).
— Têtu comme un houro (S.-D.).
- — Berbis qui cloche n'a pas de ntérienne (sieste,
repos) (P.).
— Manger sans boire, c'est faire un repas de
mouton. '
Dicton sâmUaire en Poitou (cf. Desaivre, Croy., p. aa).
Croyances et SuperstiUans
Les brebis sentent le loup de cent lieues loin
<p.).
Pour obtenir que les moutons jouissent d'une
lx>nne santé, on oSre de la laine à saint Jean
.<S.-C.).
Les moutons jouent, ainsi qu'on le verra dans
les dépositions ci-après, un rôle assez important
dans la supeistition, et les lutins empruntent
14 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
souvent leur apparence pour se moquer des gens
crédules et peureux.
Quelquefois, lorsque le pâtre croit avoir fait
rentrer tous ses moutons à Tétable et qu'il vient
de fermer la porte, il aperçoit dans le bas de
Taire un mouton à moitié couché, et qui semble
fatigué. Il va à lui, croyant qu'il fait partie de
son troupeau ; alors le mouton se met à fuir, et
le pâtre court après sans pouvoir l'atteindre.
De temps en temps, quand la bête a un peu
d'avance sur le pâtre qui la poursuit, elle s'assied
de nouveau, mais pour repartir dès qu'on
approche. Après avoir couru vainement, le mal-
heureux berger revient à la ferme fatigué et
chagrin, et s'il lui arrive de compter son trou-
peau, il s'aperçoit que pas une bête n'y manque.
C'est un lutin, c'est le mouton-errant qui
s'est amusé à le faire courir.
(Conté en 1863 par Emile Frostin, de Matignon.)
Le mouton^errant va se promener à l'époque
des pleines lunes, de onze heures du soir à quatre
heures du matin. Il affectionne les avenues et les
clairières. Si on s'approche de lui, il se précipite
sur l'imprudent et le frappe de ses cornes. Si on
ne lui dit rien, il reste tranquille. C'est une bête
tout à fait redoutée : jadis, à Saint-Brieuc-des-IfEs,
les habitants faisaient de grands détours pour ne
DE LA HAUTE-BRETAGNE I5
pas passer par les endroits où se tenait le mouton-
errant.
(Conté en 1880 par J. Legendre, de Saint-Brienc-det-Iffs.)
« Us (les lutins) s'ofïrent aux regards sous la
forme d'un mouton égaré qui suit les gens, et
semble implorer le retour au bercail. Malheur à
celui qui se laisse attendrir, le charge sur son
cheval ou le met sur ses épaules ! L'animal
devient si pesant que celui qui s*en est chargé est
forcé de le mettre à bas. Alors le lutin railleur se
transforme et parait en feu follet ; il manifeste sa
joie par de grands éclats de rire et s'enfuit vers
les eaux. »
(M»* de Cerny, p. $4 ei sqq.)
Un soir un homme qui s'en revenait de Mon-
contour vit un hourd qui semblait fatigué. U se
dit:
— C'est le hourd du Boumeuf ; vantie^ (peut-
être) qu'i' sont en peine de li.
Il le chargea sur ses épaules pour le rapporter
à la ferme ; mais plus il marchait, plus l'animal
devenait lourd, et il fut obligé de le laisser
tomber, bien heureux d'en être débarrassé.
(Communiqué par M. E. Hamonic, de Moncontour.)
Cf. Rolland, t. IV, p. 159.
Un nommé B... et son frère étaient partis tous
l6 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
deux un soir pour aller chercher une sage-femme.
Comme ils allaient franchir un échalier pour
prendre un sentier, ils virent un mouton qui se
tenait auprès; pensant que c'était un lutin
xiéguisé, ils fie voulurent pas essayer de passer
en employant la force. Ils prirent un autre sen-
tier; mais au premier échalier qu'ils rencontrè-
rent, le mouton se montra encore devant eux.
•Cette fois ils ne retournèrent point sur leurs pas,
vet le mouton ne leur fit aucun mal.
(Conté en 1878 par Ângèle Q.uérinan, d'Ândouillè.)
Il y a des pays où, dans la belle saison, les
^chevaux passent la nuit dehors, et, ' pour les
garder du loup et des voleurs, un garçoti couche
dans une sorte de loge construite exprès et d'où
il peut surveiller ses bêtes. A côté de lui est une
trompe faite de la corne d'une vache, et dans la-
quelle il souffle quand il a besoin de secours.
Un garçon de ferme, de la commune d'An-
douillé, qui couchait dans une de ces loges, se
sentait toutes les nuits foulé et pressé jusqu'à en
perdre la respiration ; mais il avait beau regarder
«t tâter avec la main, il ne voyait et ne sentait rien.
Cela dura quelques nuits, au bout desquelles il
déclara à son maître qu'il ne retournerait plus
garder les chevaux ; il lui raconta en même temps
ce qu'il éprouvait chaque nuit.
DE LA HAUTE-BRETAGNE IJ
Le fermier lui conseilla d'aller se confesser ; le
recteur donna au gardien une bouteille pleine
d'eau bénite, et lui dit d'en jeter des gouttes tout
autour de la cabane, ce qui fut accompli.
Le garçon ne ressentit plus d'oppression ; mais
il vit un mouton qui tournait tout autour de la
loge, en se tenant en dehors du cercle arrosé
d'eau bénite. C'était le lutin, qui ne pouvait
franchir cette limite, et qui devenait visible au
lieu d'être caché comme auparavant.
(Conté en 1878 par Angèle Q^érinan, d'Andoaillè.)
En Bjisse-Bretagne (cf. Le Men, p. 419), les latins prennent
Aussi la forme d'un bélier. J'ai traité, p. i$9 et suiv. du tome I,
4les transformations des lutins en bêtes.
Il était une fois un homme qui allait au bourg
de Corseul. Sur sa route il vit, pas bien loin de
lui, une bête qui ressemblait à un mouton, et ils
5e trouvaient tous deux sur le point de passer un
pont qui n'avait que la largeur d'une personne*
L'homme se dit :
— Je vais toujours passer le premier.
Il coupa une branche d'arbre, et justement le
mouton et lui se rencontrèrent sur le pont, et
comme aucun ne voulait céder à l'autre, l'homme
poussa le mouton, qui était Mourioche ; la bête.<
tomba à l'eau et se mit à rire.
— Ah 1 lui dit l'homme, tu t'es baigné le
derrière I
II 2
l8 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
— Oui, répondit le mouton, mais tu vas
baigner le tien aussi.
Ils firent route ensemble et arrivèrent au bord
d'une petite rivière. M'ourioche sauta par dessus^
et quand l'homme voulut passer, il le jeta dedans
et se sauva ensuite à toutes jambes.
(Conté en 1881 par Isidore Poulain, boulanger, âgé de vingt-
six ans.)
Cf. sur Monrioche le tome I, p. 162.
Aux Moulins - Neufs, le bonhomme Pierre
Lenoir ^Ua un jour pour chercher son cheval,
et il monta dessus, non sans remarquer qu'il
paraissait en bon état. Arrivé au ruisseau, il
passa par le milieu au lieu d'aller par le côté,
comme c'était son habitude, et il fit tomber le
bonhomme à l'eau. Alors celui-ci, se doutant de
quelque maléfice, retourna à la pâture et vit son
vrai cheval qui paissait tranquillement dans le
champ à côté, et il monta dessus après avoir fait
le signe de la croix entre ses oreilles.
Le lendemain, il chargea son fusil et mit dedans
une miette de pain bénit, et comme un mouton
paraissait le suivre, il l'ajusta ; dès que le mou-
ton eut été touché, il se mit à se plaindre comme
une personne, et le bonhomme Lenoir y pensa
de longues années après, en regrettant son coup
de fusil.
(Conté en 1879 par Françoise Damont, d'Ercé.)
L= J 1 — -. — — — »» J-
DE LA HAUTE-BRETAGNE I9
En Berry on se sert de balles qui ont été bénies (cf. Laisnel,
t. I, p. 187).
A Bréhand, il y avait un bonhomme surnommé
Vieux-Loup. Tous les soirs cinq moutons, les uns
blancs, les autres noirs, venaient chez lui à la
tombée de la nuit, et ils attendaient dans le foyer
le maître de la maison, qui souvent ne rentrait
que tard. Alors ils passaient avec lui dans une
pièce à côté. Les domestiques étaient habitués à
eux, et ils ne leur disaient rien.
Le bonhomme, qui était riche, passait pour ne
jamais coucher chez lui ; à l'église il tournait le
cul à l'autel (ceux qui tournent le cul à l'autel ou
aux processions ont commerce avec le diable).
Il ne voulut pas se confesser avant de mourir,
et ses moutons suivirent sa châsse jusqu'au cime-
tière; les porteurs assurèrent qu'il n'était point
dans sa châsse.
(Communiqué par M. £. Hamonic.)
Il est souvent question de moutons dans les
Contes populaires de h Haute-Bretagne^ soit comme
personnages importants, soit comme personnages
épisodîques. Voici le titre de ceux où ils figurent :
ire série, La Brélneitt hUnche, no LTin; 2« série.
Le Bélier courant et la Bergère aux champs^ no l
(id le mouton est une forme du diable); Le petit
Mouton Martinet y no xxix ; La Houle du Grouin^
20 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
no X (les fées les tondent) ; Lis Fées du GuildOf
U9 XL'y La Houle de Beauçais (moutons noirs des
fées), no XIV ; Le Mouton sorcier, dans Litt, orale ;
La Houle de la Corbière, p. 6.
Dans un conte inédit de ma collection, qui
appartient au groupe des houles, une fée donne
dçs fnoutons à conduire à un jeune pâtour afin
qu'il les mène paître, et elle lui fait présent d'une
baguette à Taide de laquelle il peut à volonté faire
dispardtre son troupeau.
Un conte non encore publié, recueilli vers
Mpncontour, fait de trois moutons les gardiens
de trois trésors composés d'or, d'argent et de
cuivre, et ils sont blancs, gris et noirs; l'un d'eux
adresse la parole à un tailleur qui a trouvé le
moyen de pénétrer dans la grotte.
LE BŒUF (Bos dombstzcus)
Noms patois. —- Langage qu'on adresse aux haufs
et aux vaches
Dans le patois gallot, on donne souvent le
nom de hœu\ soit au taureau, soit au bœuf
proprement dit, car on les distingue assez rare-
ment. Le taureau se nomme aussi tore (M., S.-D.);
torm (M.)> pl* toriaoux (M., S.-D.); taré banal
ou iorim bottier ; en ce dernier cas il est considéré
mmmss^;;^
'ii-'~=_ =>■ sx:-
DE LA HAUTE-BRETAGNE 21
comme étalon; îoueilîe (vers Gahard, Ule-et-
Vilaine; ce mot vieillit). Qjiand il est encore
jeune, il s'apelle torin (E.); iorilîon (S.-D.).
Voici quelques noms propres des bœufs : \
Si l'animal n'a qu'une couleur, il porte le nom
de sa robe, le Rouge, le Nèiry le Blanc, etc. (M.,
E., P.), Rougeaud, Noiraud (Loire-Inférieure, Sou-
vestre). S'il est de deux couleurs, on l'appelle
Gare, et c'est le nom de celle des deux couleurs
qui est dominante qui sert à continuer le nom :
un bœuf rouge et blanc, si le rouge domine, s'ap-
pelle Gdre rouge ; blanc et noir, si le noir domine,
Gdre noir (P.).
D'autres noms leur sont donnés à cause de
quelque circonstance particulière ou de leur con-
formation : Tête Manche, Grosse épaule. Cou nèir.
Cf. sur les noms des boeufs en Berry, Loisnel de la Salle, t. II,
p. 140, et sur les noms des bœufs en général, Rolknd, t.V, p. 24-29.
Vers Moncontour, surtout dans les communes
de Plessala et de Saint-Gouéno, où le bœuf est
employé aux travaux dts champs, le joug se
nomme le jeue ; la paire de courroie, les conraie ;
la croix en paille, une tocque (on n'y attache
aucune idée superstitieuse ; c'est simplement pour
que le joug fasse moins de mal). La cheville sert
au conducteur à tirer ou â pousser les bœufs du
côté qu'il veut les faire marcher. La hard en
22 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
chêne s'appelle engUe ou emhiée ; la chaîne (quand
on veut mettre deux couples de bœu£s), le cro.
Pour aller à droite, on dît : Guia^har,
Pour aller à gauche, on dit : Hardi hard 1
On chante des chansons aux bœufs pour les
encourager, mais je n'ai pu m'en procurer
aucune.
En voici une que Souvestre recueillit, dans la
Loire-Inférieure, d'un paysan qui la répétait dans
un mode plaintif et sur le ton élevé ordinaire aux.
chanteurs de la campagne :
« Hél
Mon rougeaud.
Mon noiraud,
Allons ferme à Vbousteau (le logis) ;
Vous aurez du renouveau (regain).
Ubon Dieu aim' les chrétiens I
L'blé a graine ben,
Mes mignons ! c'est vot'gain 1
Rjes gens auront du pain ;
^os femm's vont ben chanter,
£t les enÊints s'ront gais I
Hé!
Mon rougeaud.
Mon noiraud,
Allons ferme à Vbousteau ;
Vous aurez du r'nouvfau, »
{Les Jemiers paysans, p. 80.)
Cf. Laisnel de U SaUe, t. II, p. 140, Les chants des Brioleux
herricbanSf et Rolland, t. V. p. 30.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 2$
Quand les taureaux marent (frappent) la terre
avec leurs cornes, on leur crie :
Tore, bugne, bugne 1 (S.-D.)
par imitation du beuglement du taureau en
colère.
En parlant d'une vache aux enfants, on leur
dit que c'est une caunette (E.).
La vache stérile s'appelle taure (E.). On dit
aussi d'une vache qui est menée au tore et qui ne
retient pas qu'elle est enveruée (S.-D.).
La jeune génisse est un g'nisson (E.). Le pis de
la vache se nomme pé (M. , E.), les trayons des
iériants (M., S.-D.), des trèyans (Tréveneuc).
D'une vache en amour on dit qu'elle est en
hœu\ en chasse, en cour ou qu'elle est entorinée.
En ce cas on la mène au bœu', c'est-à-<Jire au
taureau, qui la chasse (P.).
La joubarbe donnée aux vaches les rend'amou-
reuses.
Cf. an chapitre des Plantes^ le mot Joubarbe.
Il y a des jours où l'on ne doit pas mener les
vaches au taureau, dans les Trécoles par exemple,
qui sont ou les trois premiers jours de mai, ou
les trois derniers, ou les trois du milieu du mois.
Le veau qui naîtrait de cet accouplement serait
tortu ou bossu (E.).
24 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Dans le Jura (cf. Laisnel de la Salle, t. I, p. 45), il y a les
jours de la vieille qui sont les trois derniers jours de mars et le^
trois derniers jours d'avril. Cf. aussi Rolland, t. V, p. 85-84.
Si, avant d'être menée au taureau, et le jour qui
suit la saillie, une vache pâturait dans un endroit
où a passé un hérisson, elle serait enhérissonnée et
vêlerait difficilement. C'est pour cela que ce jour
et le lendemain on évite de la mettre aux champs
(E.).
La vache pleine est dite embauinée (M.).
Quand les vaches sont prêtes à vêler, on dit
qu'elles sont ameillantes, parce qu'elles commencent
à donner du lait (M.).
Le veau que la vache a vêlé, respè de vous,
s'appelle : viau (E., M.) ; vachet (M.) ; vachot (E.) ;
kécho (S.-D.).
Quand il tette, on le nomme laitron (S.-D.) ;
sevron (S.-D.) quand on est en train de le sevrer
et qu'on l'a mis en keîîion (M.).
Les vaches qui composent un troupeau ont
chacune leur nom propre^; il est tiré de la couleur
de la bête ou de quelque circonstance particulière
à elle. Parfois aussi la vache porte un nom de
fantaisie, ou bien celui de son premier proprié-
taire ou du pays dont elle vient.
La vache noire se nomme la Naire (M.); la
Nêre (P.) ; la Breune (P.) ; la Taupin (P.) ; la Chd^
taigne (E.) ; la rouge, la Rouge (P.) ; la rouge et
DE LA HAUTE-BRETAGNE 2$
' blanche, la Gdre rouge (P.) ; la Piolée, tachée de
noir et de blanc ou de rouge; rouge avec des
petits points blancs, la VergéUe (P.) ; la Virée (E.);
la grise : la Gri5e\ celle qui a sur la tête du rouge
et du blanc, la Moquarde ; celle qui a du rouge en
petites taches sur le blanc, la Papillon ; la PietUe
(E., G.), qui est d*un blanc taché de noir ou de
rouge ; la Frinquetie, celle qui est fringante et frappe
du pied ; la NaguetUy qui a la corne rabattue ; la
Grand* Ventre, qui a le ventre gros; la Gran'-
Cornée, qui a de longues cornes (P.)- D'autres
s'appellent Rougette, Cornette, etc. ; Marie pisse
trois gouttes^ c'est le surnom donné à celles qui
ne donnent pas beaucoup de lait (H.).
Èchoupicher une vache, c'est la traire pour en
avoir jusqu'aux dernières gouttes de lait (S.-C).
Si on oublie de traire les vaches, leur pis se
gonfle; elles sont empissées (M.),
La vache qui est épessée, c'est-à-dire dont le
pis grossit, est sur le point d'émeiller, d'avob: du
lait en abondance (S.-D.).
duand les vaches sont difËdles à traire, on
tâche de les enj'nouilletter. On plie le genou de la
bête ; on place sous le jarret un bois long, et on
noue solidement avec une corde le genou
recourbé (S.-D.).
On appelle herhagne (Plouvara) la vache qui»
depuis un an, ne donne que peu ou point de lait ;
26 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
la vache anouilîère (M.); meulière (S.-D.) est
celle qui n'a pas de lait.
On leur attache aussi la corne au pied avec
une corde; cela s'appelle ensep'ler (S.-D.); ensépéter
<Çi)ç euhender (M.).
Les vaches qui passent facilement en dommage
^'appellent des passardes, ou des vaches larronmSy
ou coquines (P.).
Les vaches qui beuglent bugïent.
Qpand une vache est méchante, on se hâte de
Vembaogner (E.) en lui mettant sur les yeux un
morceau de bois ou d'étoffe qui l'empêche de
voir devant elle.
Les vaches qui ruminent sont à gouber (S.-D.);
€(^er (M.).
Si elles se battent, elles se hoinent (E.) ; quand
«lies cornent, elles houïlUnt (Tréveneuc) ou caU"
nent (E., M.).
La vache qui est écornée est dite écaunée (M.,
P.) ou cornette (Plouvara).
On dit qu'une vache a les pigeons quand elle a
à la hanche une grosse excroissance sous-cutanée
<S.-D.).
Une vache météorîsée est empansée, d'où em-
pansement y météorisation (M.).
Si elle a mangé trop de pommes, elle est em^
pommée ou empiUmée (£.).
On appelle hérisson une maladie des jambes
DE LA HAUTE -BRETAGNE Tf
•dont les vaches crèvent souvent; on assure que
c'est le hérisson qui la leur communique (P.).
Pour appeler les vaches, on dit :
Tieu I tieu I (S.-D.)
Qmeu I quieu I quieu 1 (Tréveneuc.)
Qjiéva 1 quéva 1 (M.)
Haïsse quio ! (P.)
Pour les détourner :
Alou ici I (S.-D.)
Pour les chasser :
Hait'si 1
Houache que I (P.)
Pour les faire boire :
Volé I volé I volé ! (S.-D.)
Vlau I v'iau I Vlau I (M., P.)
Voleu 1 voleu I voleu I (P.)
Jou la 1 jou la 1 joa la 1 (Tréveneuc.)
Hol I hol 1 hol 1 (Tréveneuc.)
On appelle les veaux en leur criant :
Kécho 1 kécho l (S.-D.)
Vachet I vachet ! (M.)
Vichi I vichi 1 (P.)
Pour faire moucher les vaches, on dit auK
taons :
Petit bourdon de saint Laurent,
Qji'a piqué mon petit viau blanc.
28 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Sous le pé, sous la quoue.
Pour le £fure moucher plus doux.
Ta kss, ta kss (E.).
On leur crie aussi pour les faire ouider, c'est-à-
dire moucher, mot employé à Plouvara :
Oui déda I oui déda I
(jtz, gzz, gz (S,-D.).
Cette dernière syllabe contrefait le bruit des
ailes du taon.
Ou:
Tan-gzz, tan-gzz, gzz 1 gzz 1 gzz 1 (Tréveneuc.)
Pour les empêcher de moucher, on leur crie :
Kio I kio I kio 1 (P.)
Le jour de Saint-Sylvestre, on dit aux pâtours
d'aller dans les étables couper une touffe de poils
entre les cornes des vaches, en leur assurant
qu'elles ne moucheront plus dans l'année. C'est
une attrape analogue à celle du poisson d'avril
(E., P.). A Penguily, c'est sous l'oreille gauche.
Proverhes et Dictons
Si bœuf savait,
Si sourd entendait.
Si taupe voyait,
Homme sur terre ne vivrait (E., M.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE l^r.
L'œil du bœuf, dit-on, lui fait voir les hommes
gros comme des momagnes (Morbihan).
Cf. SoQché (Poitou)» p. 2$, et MéJ., col. $$$ (environs de
Kantes).
Il vaut mieux entendre un bœuf parler
Cbi'une fille suhler (siffler) (P.).
— Fille qui subèle (siffle), vache qui heilU (beugle
comme un taureau), poule qui chante le coq,
sont trois bétes qui méritent la mort (Ille-et-
Vilaine).
Rolland, t. V, p. x6, dte un »inûlaire wallon.
n est malséant à une fille de siffler.
Donner un œuf
Pour avoir un bœuf (D.).
— Tore du bié nier, ou tore bousoux. Taureau
de blé noir ou taureau couvert de bouze, terme
injurieux (S.-D.).
Il est sorcier
Comme une vache qui bouse us genêt (E.).
Cf. Rolland, t. V, p. 8$.
— y voudras HCt dans Vven^e d^une vache diqu^à
(jusqu'à) Pâques (E.). — On emploie ce dicton
en hiver, quand le temps est rigoureux et qu'on,
voudrait bien être au chaud.
— Jeter le pot après les vaches (E.). Jeter le
manche après la cognée.
30 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
— Les vaches donnent le lait par la goule
(S.-C, P.).
— Le pé (pis) de la vache est tombé dans le
plaU (M.). Se dit quand on a fait une maladresse.
— Avec lui, il n*y a ni petite vache, ni petit
veau (E.). Il exagère.
— r n'faut pas boire le lait comme la vache le
donne (S.-C). Il faut économiser.
— Méchant comme une vache enragée (M.).
— Je ne m'y fie pas p'us qu'dans eune vache
icânée (écornée) (M.).
— Ce sont les viaux qui veulent mener les
vaches es champs (Gilorguen).
— Allongé comme un viaou (S.-D.),
— Braire comme un viau.
Similaire en Poitou (cf. Desaivre, Croy.f p. 23).
A TÂscension,
On laisse le veau, on prend le mouton*
D*après Habasqne, qui cite ce proverbe, t. II, p. 297, il ferait
allusion à la coutume des bouchers, qui ne débitent guère de
viande de mouton que lorsque l*hiver est passé.
— On li f rait croire que les nues sont de
peaux d'viaux (E.).
Devinettes
Quatre allants, quatre tirants.
Fouette au eu et broc devant.
— Une vache.
Cf. Mélus.^ col. a4$ ; Rolland, D. 43.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 3T
duatre qui démêlent le bouillon,
Qpatre qui portent le petit rainssion.
Et quatre qui regardent en haut.
— Une vache.
Qjaatre qui vont.
Quatre qui viennent,
Qjiatre qui battent la charrière.
— Une vache et son pis.
Cf. Rolland, D. 44.
Quatre petites bouteilles dans un pré,
r pleuvrait toute la journée
Elles ne seraient pas encore mouillées (D.).
— Le pis d'une vache.
Cf. Rolland, D. 45 , et le t. V de la Faune populaire^ p. 1 1 3 - x 14.
Q}ii est couché sur la paille et qui n'y touche pas? (P.)
— Un veau dans le ventre de sa mère.
Cf. Rolland, D. 46.
Superstitions et Croyances
Pour que les vaches aient leur veau en jour,
il faut que la dernière fois qu'on leur tire du lait
soit un dimanche.
A Saint-Cast, pour empêcher les vaches d'être
malades, et pour que leur veau arrive à bon
terme, on offre à saint Jean le beurre de la
première barattée; ailleurs, c'est à la Vierge que
l'ofirande est faite.
32 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Le lait de vache noire passe pour avoir la vertu
<i'éteindre les incendies (E., P.).
Croyance analogue dans les Vosges (cf. Mil., col. $02).
La main de la Vierge est marquée sur les côtes
d'une vache écorchée (E.). Cest le grand
pectoral, qui dessine la forme grossière d'une
main.
Un bâton de baratte "en ajonc empêche les sor-
ciers d'ensorceler la baratte.
En Poitou (cf. Desaivre, Cr<y.j p. 20) existe la croyance i
<et ensorcellement ; mais le remède n*est pas indiqué.
Si on croit que le lait des vaches a été soutiré,
on va trouver le devin, qui ordonne de faire
bouillir des épingles dans du lait de la bête ensor-
celée : les épingles piquent celui qui a ensorcelé,
<et il se hâte d'accourir pour enlever le sort (E.).
Qpand une vache ne donne plus de lait, et
<}u'on suppose qu'elle a été ensorcelée ou qu'un
mendiant lui a jeté un sort, il faut lui faire faire
le tour d'un champ à trois cornières (angles).
Sur les sorciers qui soutirent le lait, cf. le t. I. du présent
livre, p. 185 et 276, et Rolland, t. V, p. 94.
Parfois, si une vache ne donne plus de lait,
.c'est qu'elle a été mise à Tétable « dans une
maison bénite » (Plouêr).
Une croyance analogue existe en Franche-Comté (cf. Mil.,
<ol. J7I).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 3$
On accuse aussi les 'i/îins (reptiles) de tarir les
vaches en leur suçant le pis; le même préjugé
existe à l'égard des hérissons. (Voyez plus loin
ies mots : Hérisson, Serpent, Couleuvre^ etc.)
On met du sel sur les litières neuves, pour
chasser les v'iins (reptiles), qui ne peuvent souffrir
le sel (E.). A Penguilly, on met du seà ou haut-
houée (sureau) sur le sol et à tous les coins de
rétable, pour arriver au même résultat.
Autrefois il y avait des lutins qui prenaient la
forme de bœufs et faisaient l'ouvrage tout de
travers, pour jouer des tours aux bouviers.
C'est pour conjurer ces maléfices qu'on lie les
jougs en croix.
Un homme avait cinq bœufs dans une pâture.
Il alla pour les chercher ; mais il n'en trouva que
quatre. Le lutin avait caché le cinquième, qui
était un petit bœuf gare. Après l'avoir cherché
longtemps en vain, l'homme entendit dans un
champ voisin le lutin, qui riait de sa déconvenue.
(Conté en 1878 par Jean Bouchery, de Dourdain.)
La croyance que le latin peut prendre la forme d'un bœuf oa
d'un taureau existe aussi en Basse-Bretagne (cf. Le Men,
p. 419).
Un homme avait perdu sa génisse. Pensant
qu'elle s'était adirée, il se mit à sa recherche, et
il l'aperçut dans un chemin creux. 11 courut après
elle; mais le chemin s'emplit tout à coup de feu.
n 5
14 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
L'homme entendit un beuglement à faire trembkr^
et jamais depuis il ne revit sa vache (P.).
A la croix de Retiers, à Ercé, on voit passer
des vaches qui ont sur le dos un panne (sorte de
selle). Elles ne disent rien à personne; mais il ne
faudrait pas les déranger (E.).
Les loups-garous pouvaient aussi prendre la
forme de bœuf, ainsi qu'on le voit dans le conte
qui suit :
Il y avait une fois aux Baulets des gens qui
battaient de l'avoine; pendant que les autjres
étaient à diner, l'un des batteurs resta à garder
l'aire. Tout à coup survint un beau bœuf qui se
mit à comailler l'avoine et à la répandre par
monceaux dans l'aire. L'homme lui lança un
gavdot (fourche de fer) dans la tête et le lui en-
fonça si profondément que la fourche resta fichée
dans le front du bœuf, qui se sauva à toutes
jambes en beuglant.
Le lendemain, cet homme étant allé à la foire
à Plénée, entra dans une auberge et y vit son
gavelot à la porte. Il y avait dans le coin du
foyer un homme qui lui demanda s'il ne connais»
sait pas cet instrument.
— Non, répondit le batteur d'avoine.
— Si, dit l'autre, c'est le vôtre, et c'est vous
qui m'avez délivré en me le lançant à la tête*
Pour votre récompense, je vais vous mener à un
DE LA HAUTE-BRETAGNE 55
endroit que je sais, et où se trouve one barrique
d'argent.
Les deux hommes allèrent a» Ch^onge et
virent la barrique, qu*fls se mirent à monter en
haut; ils y étaient bientôt arrivés quand l'un
d'eux s'écria : « liens bon \ nous l'avons. »
Mais il ne fallait pas parler, et aussitôt la
barrique retomba dans le fond du trou. Le knde*
main, on la vit passer au bas des Couets.
(Conté en 1881 par J. M. Comanft, an Gcrany.)
Xe Chalonge, coflSue an-dessns de Bonlet, commune dn
Go«tay. Les Cooets sont dtat petite» mièies. Le taon où italt
cette bo^^ae, et qu'on montra encore, «st d'une as«es grande
profondeur.
Il était une fois un jeune homme qui demeurait
avec ses parents; comme ils étaient pauvres et
que l'ouvrage manquait dans le pays, il se mit à
voyager pour chercher à exercer son métier <fe
^eur de pierres. Il marcha longtemps, longt^nps,
sans trouver à s'employer.
Un jour qu'il passait près d*un bois, il lui
sembla entendre dès vadies beugler. S traversa
le bois pour voir ce que c'était et pour demander
à ceux qui, à ce qu'il pensait, gardaient le trou-
peau, S'il' n'y aurait pas de l'ouvrage pour lui
dans le pays. QjKmd U fut. sorti au bois, il vit
plus de quarante vaches qui s'attiraient de dessous
terre et s'envolaient aussitôt, car elles avaient
$6 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
des ailes k II s*approcha de Tendroit d'où il les
avait vues sortir ; il vit une carrière où des car-
réyeurs étaient à extraire des vaches. Ils lui crièrent
de venir leur aider, s*il connaissait quelque chose
au métier.
Il descendit dans la carrière; mais comme il
était plus fin que les autres, dès qu'il les avait
extraites, il leur coupait les ailes, de sorte qu'elles
ne pouvaient s'envoler. Il eut ainsi un nombreux
troupeau, et au bout de trois mois il alla les
vendre et en retira cent mille francs.
Le lendemain de ce marché, il descendit dans
la carrière, et quand il eut extrait une vache, au
lieu de lui couper les ailes, il monta sur son dos
et dit adieu à ses camarades.
La vache se mit à voler dans les airs; mais
comme elle ne se pressait pas de descendre à terrç,
il lui coupa les ailes. Il la conduisit dans son
pays, et le seigneur de son village, qui n'avait
jamais vu de vache ailée, la lui acheta cent mille
francs. Le carréyeur se mit alors à son aise et
resta à demeurer avec ses vieux parents.
(Conté en 1882 par Isidore Poulain, de Pladuno, boulangera
Saint-Cast.)
La nuit de Noël, les bœufs se metteht à genoux
quand minuit sonne ; mais il est dangereux d'aller
vérifier le fait à cette heure-là.
Un fermier, qui avait entendu dire que les
DE LA HAUTE-BRETAGNE 37
boeufs s*agenooillaîent, voulut entrer dans son
étable pour les voir. Il alluma une chandelle de
résine, qui fut éteinte par deux fois par un souffle
au moment où il entrait. Il la ralluma encore ;
mais au moment où il passait le seuil, il reçut
d'une main invisible un coup de poing sur la
tête, et il comprit que c'était un avertissement
pour ne pas aller plus loin.
Croyance analogue en Poitou (cf. Souche, Croy.^ p. x), en Nor-
mandie (cf. A. Bosquet, p. 221).
Jadis on ne donnait point à manger aux boeuâ
pendant la nuit de Noël, ni le lendemain jusqu'à
midi.
M. L. Desaivre, Essai de mythologie locale, p. 5 , rapporte presque
dans les mêmes termes les superstitions du Bas- Poitou sur la
nuit de Noël.
Pendant la nuit de Noël, un maître entendit
converser ses bœufs. L'un d'eux disait : « Qja'est-
ce que je ferons demain ? » Un autre répon-
dit : « Je porterons demain notre maître en terre,
car c'est demain qu'il doit trépasser. »
L'homme effrayé fut bien vite à confesse. Il
mourut le lendemain, et les boeufs l'accompagnè-
rent, selon leur prédiction, à sa dernière demeure.
(Communique par M. Bonne.)
Cf. dans Laisnel de la Salle, t. I, p. 16-17, un conte berri-
chon similaire. Cf. aussi Souche, Proverbes, etc., p. 8, un récit
poitevin analogue.
38 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Voici les titres des contes gallots oîi les bœu&,
Uureaux ou vaches jçmem un rôle :
Contes populaires^ v^ série : Le Taureau Heu,
no m; La HouU de Chêlin, n© xv ; — 2© série : JU
Houle Saint-Michel, n^ v; La Houle du ChâieUt^
Qp I (vacbes invisibles des fées); La Houle du
Grouin, n» x (vaches ensorcelées) ; Les Boeufs des
fiesy no xxxni (bœufis qui ne doivent travailler
que d'un soleil à l'autre et qui meurent si^ après
le crépuscule, on les fait tirer la charrue). — LUt,
oraUy La HouU delà Corbière et les notes, p. 12-13.
Pour récompenser du lait qui leur a été donné
gratuitement, les fées des houles (conte inédit)
accordent à toutes les vaches de fournir du lait
en abondance.
Le domestique loup-garou du conte du Loup-
garou, no xlvii, i« série, n'a pas attaqué le pre-
mier homme qui a passé, parce que sa mère, étant
enceinte de lui, avait mangé un cœur de veau ;
mais il lutte avec le troisième, parce que sa mère
avait mangé un cœur de bœuf.
D'après un récit de la série inédite des Margot,
les fées viennent la nuit manger la vache d'un
homme. Il leur en demande un morceau; au
matin, sa vache était intacte, sauf ce qu'il avait
lui-même mangé.
Cf. tome I*' du présent ouvrage» p. 156, un récit où les
lutins remplissent le rôle attribué ici aux fées.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 39
Une allégorie qui se retrouve dans plusieurs
contes populaires fait des vadies des emblèmes ;
j'ai en portefeuille un conte intitulé Li mariage
du soleil, où le héros voit des vaches grasses dans
des prés maigres, et des vaches maigres dans des
prés gras. U demande l'explication, et on lui
répond que les vaches grasses dans les prés
maigres sbnt les riches qui, après leur mort, ne
sont point heureux; les vaches maigres dans des
prés gras sont au contraire les pauvres qui, après
leiu: mort, sont allés en paradis. Cette allégorie a
été trouvée — avec une addition pour le purga-
toire — en Gascogne par M. J. F. Bladé.
LE CHAT (Felis catxjs)
Noms patois
Le mâle s'appelle marlou ou marcou (£., M.);
marcaou (cf. le breton mar-kas) ; mahud (S.-D.) ;
màloar (Tréveneuc).
On appelle mahon ou mahonnet les chats noirs
(S.-D.).
On donne aussi à tous les chats le nom de
pitaou (S.-D.) quand on ne sait pas leur nom
propre. La chatte qui met bas chatotme.
9
40 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Proverbes
— Jamais chat ganté n'a fait bonne prise (M.,
E.).
Cf. Rolland, t. IV, p. 102.
^ — yétiens comme les chats : je parliens toutes
les langues (S.-C). ^
— C'est de la bouillie pour les chats (E.)»
C'est du temps perdu. ^
— Comme les chats, il retombe sur ses pattes
(D.).
— Cela arrivera ; la quoue à not'chat est bien
venue (£.)•
Cf. Rolland, p. 96.
— Se mirer comme un chat dans une andouille
(E.).
— Vous n'arez point un bel homme ; vous
n'aimez point les chats (D.).
Cf. un dicton similaire dans Souche (Deux-Sèvres), Croy., p. 14.
— On ne donne pas au chat comme il miaule
(Calorguen).
— Il a l'air d'un petit chat écorché.
A vieux chat
Jeune souris (E.).
Cf. Rolland, p. 102.
— Il a les yeux comme un chsLtfourgoU (agacé^
en colère) (S.-D.).
Le jeu dé chien va devenir jeu de chat (Mon-
\ \
DE LA HAUTE-BRETAGNE 4I
contour), c'est-à-dire : au lieu de s'amuser sans
se faire mal, on va se griffer.
Cf. RolUnd, p. 99.
— Se débarbouiller par où les chats trottent
(E.).
— Donner à manger aux chats (Tréveneuc) :
avoir de la chance.
— n est parti avec les chats (Tréveneuc) : il
n'a dit ni bonjour ni bonsoir.
On donne le nom de chatfoinsé (E.) aux
boutons qui viennent sur la main, le bras, etc.,
et qui parfois pourrissent.
D'après Souche, Proverbes, p. 7, en Poitou, on appelle on
bobo d'enfant « un p'tit maou d'chat ».
On appelle les chats en criant :
Piss I piss I piss I (S.-D.)
Cf. le même mot en breton ; ou :
PitaoQ I
Ou:
Mignon I mignon I (E., P.)
Devinettes
Qpatre pattes snr quatre pattes,
Qpatre pattes attend quatre pattes.
Qpatre pattes ne vient point.
Quatre pattes s'en va et quatre pattes reste (E.).
— Un chat sur une chaise, qui guette une
42 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
sooris et qui quitte la chaise après Tavoir atocndiie
en vain.
Cf. Rolland, D. 40.
Qjii a sept pieds, qaatie oreilles et une quove? (£.)
— Un chat dans une marmite.
Cf. Rdland, D. 40, 42.
Superstitions et Croyances
Si on avait le courage 4e tuer un chat et de
manger sa cervelle toute chaude, on deviendrait
invisible (D.).
Ea Monnandie, i'après A. Boequet, p. 21 S, ce sont certains
«s de la tète qui rendent invisible ; en £urs-et>Loir (cf. RollaA4|
t. IV, p. 1 14), c'est Tos frontal d'an chat noir.
Enterrer un chat crevé au pied d'un pommier
qui souffre fait redevenir Tarbre florissant
(S.-D., E.).
Si on donne du pain bénit à un chat, il entre
en fureur et devient comme enragé (M.).
Jadis les chats avaient des cornes ; mais ils les
ont vendues pour acheter du poisson, qu'ils
aiment beaucoup (S.-D.). On dit aussi parfois
qu'ils les ont vendues pour boire.
Cf. Rolland, p. 106.
Si on voit quelqu'un embrasser un chat, on dit :
— Laisse-le, vtkdn sale; i' va t'donner des
DE LA HAUTE-BRETAGNE 4|
dettes» On croit en effet que les chats peuvent
communiquer des dettes ou d^utres (P.)*
Cf. Rolland, p. iio.
Les diats de mai sont mangés par le vieux
mâle (P., S.-C). On dit qu'ils ne valent rien.
Cf. dans VÈwngik des fuemuiUeSj, p. i^^ une supcntition
analogue.
Les chats d'/ouygr ne réussissent pas, c'est-à-dire
ne vivent pas (S.-D.).
On dit que pour qa*un chat soit bon à prendre
les souris, il faut qu'il soit voleur (S.-C).
CL Souche (Poitou), CrojaneeSf p. ix.
Si on coupe les moustaches d un chat, il ne
sent plus les souris (S.-D., E.).
Cf. Rolland, p. 107 (Loiret).
Un chat adulte retrouve son chemin si oa
l'emporte niême loin de la maison où il est né.
Superstition analogue dans les Voagas (Mil., col. 4$3), en
Poitou. Cf. Souche, Croy. (Poitou), p. 32.
On perd le chat ou on le noie en lui attachant
une pierre au cou ; il est rare qu'on le tue autre-
ment.
Le chat, qui mange toutes sortes de viandes et
de poissons a, dit-on, répugnance de l'ormée
(ormier), d'où le proverbe ; « Les ormées ne
passent point par le eu es chats » (S.-C).
44 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Quand on voit les chats passer leur patte par
dessus leur nez, c'est signe de pluie prochaine
(S.-C, S.-D.).
Cf. Rolland, p. m (Beance, Gâtinais).
Le chat se venge quand on lui fait du mal.
Une de ses vengeances favorites, c'est de
monter dans le grenier et de pisser sur la personne
à laquelle il en veut.
A Saint-Cast, un chat battu monta dans le
grenier pendant que celui qui l'avait frappé était
au lit, et il lui pissait sur la tête.
A Saint-Glen, un autre chat, pour se venger,
pissait sur les galettes que mangeait celui qui
l'avait battu.
On coupe le bout de la queue des chats en
certains pays, pour « tuer le ver » qui s'y trouve^
Ce ver n'est autre chose qu'un petit nerf.
. Le même usage existe pour les chiens.
Cf. Souchi Croy. (Poitou), p. 6 ; Rolland, p. 107.
Lu cbats sorciers
Si on ne coupait pas le bout de la queue des
chats, ils seraient sorciers ; c'est un serpent qu'ils
ont dans le bout de la queue (S.-C).
Mbne croyance, quant & la sorcellerie, en Normandie (cf. A.
Bosquet, p. 218), dans le Loiret (cf. Rolland, p. 107).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 45
. Le soir du mardi gras, les chats vont faire le
sabbat à tel ou tel endroit.
Cf. Souche, Croy.t p. 17.
On n'aime pas les chats noirs; on dit qu'ils
amènent le diable dans la maison (P.).
Sur les chats noirs et le diable, cf. Ch. Looandre, p. $2 et 89,
cf. aussi Dttcom, Nouvelles gasconnes y p. 39.
Ils se rassemblent ordinairement aux carrefours,
autour des croix et dans les champs à trois cor-
nières.
A la Croix-de-Retiers, on voit un champ à
trois cornières où les chats se réunissent pour
faire leur sabbat. On les voit attelés, c'est-à-dire
à la file les uns des autres (E.).
Les croix de Saint-Cast, surtout celles qui sont
en schiste et d'une forme particulière, passent
pour avoir été plantées par les sorciers ; elles sont
auprès de champs à trois ou cinq cornières, et les
sorciers se réunissent autour.
A la Croix-Bra, à la Croix-Renaud, les chats
se rallient, surtout en mars, quand ils sont en
amour ; jadis les sorciers y venaient (S.-C).
« Les chats courtauds sont des chats de taille
extraordinaire, qui tiennent conseil vers minuit sur
les échàliers de la Haute-Bretagne. Ils sont
méchants et n'aiment point à être dérangés.
Q^and un intrus trouble leur grave entretien, ils
4S TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Tentourent et lui font subir mille avanies.
Ensuite le président du conseil se munit d'une
longue aiguille et l'enfonce dans le cœur du
patient, qui devient hypocondriaque et dépérit
lentement. »
(Paul Féval, Les dernières fées, p. 178, note i.)
Les chats sorciers étaient rouges ; il y en avait
un à Hénon sur lequel on a maintes fois tiré
sans pouvoir l'atteindre ; tous les dimanches, à la
même heure, il cassait une ribotte (baratte) ou
quelque autre objet. Quand on voulait le tuer, il
allait se cacher dans un bassin et avait Tair de
narguer les gens.
On vient chercher les chats sorciers pour
démuîoiter les pourceaux ; on met le chat sous
l'animal, et on lui fait gratter le ventre du cochon
avec ses griffes.
(Communiqué par M. Bonne.)
Interprétation du sabbat des chats par une
femme de Loudéac : Marca...ou, a*. .ou, pourqua
qu'tu viens chez nou-ous? — Ciié qu'ça t'fout?
qu'e qu'ça t'fout ?.*. Et i* s'eut* sautent à. la cri-
gioasse.
(GBomoniquè par M, . £. £niault.)
Un pauvre homme qui s'en revenait de sa
journée passait un soir par le chemin des Noes,
non loin de la Cioix-^lu-Meurtel, lorsqu'il vit oa
DE LA HAUTE-BRETAGNE 47
petit chat qui paraissait égaré. H eut pitié du
pauvre abandonné, et ra3rant pris dans ses bias,
il l'emporta à sa maison.
Sa femme, qui était aussi bonne que lui, cafessa
k chat et lui donna à manger. Qpand le chat eut
mangé son content, il sauta sur les genoux du
bonhomme et lui donna de tels coups de griffe,
qu'il ne savait où se fourrer, puis il lui dit :
— Reporte-moi où tu m'as pris, ou je vais
t'étrangler; cela t'apprendra une autre fois à ne
pas t'occuper de ce qui ne te regarde pas, et à
sie riea dire à qui ne te dit rien.
Un autre homme qui s'en revenait de couper
des ajoncs passa auprès de la Ccoix-du^Meonel
et y vit une centaine de chats qui s'étaient réunis
pour danser. Comme ils ne paraissaient pas
contents d'avoir un étranger auprès d'eux, et
qu'ils le menaçaient déjà en lui montcarft leurs
griffes, il eut peur et lança au milieu des chats
sa faucille, qui en coupa un par le milieu et le
tua.
Aussitôt tous les chats disparurent en s'écriant :
— Renault est mort I Renault est mort I
L'homme^ de retour chez lui, raconta à sa
femme comment il avait rencontré les chats, et
comme, après qu'il en avait tué un, tous les autres
s'étaient écriés : « Renault est mort I »
48 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Son chat, qui était couché dans le foyer et
avait écouté avec attention, se leva tout à coup,
en s'écriant :
— Ah ! Renault est mort t
Et il disparut par la cheminée avec une rapidité
étonnante (i).
Quelques jours après, comme Thomme passait
par le même chemin, il vit encore les chats sorciers
qui dansaient. Il courut bien vite à la maison et
revint avec son fusil chargé pour les tuer. Mais
sur sa route, qui peu d'instants auparavant était
très-unie, il trouva tant d'échaliers dressés et
tant de fossés à sauter, qu'il était harassé de
fatigue quand il arriva à l'endroit où il avait
aperçu les chats. A sa grande surprise, il vit
qu'ils avaient tous disparu : à leur place était un
cercueil autour duquel se tenaient des prêtres avec
des cierges allumés.
(Conté en 1880 par Élie Mënard, de Plévenon.)
Un soir un homme de Plénée s'en revenait
avec son harnée (attelage) ; en passant près d'une
croix, il vit des chats sorciers qui dansaient
autour; ils s'enfuirent à son approche, excepté
un qui resta et grimpa sur le haut de la croix, qui
n'était pas très-élevée. L'homme lui frappa sur la
(i) A Saint-Cast, i^ai trouvé la même légende, au nom prés
dfx chat, qui s'appelle Robert.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 49
tête un coup de pied de fouet, et le chat tomba.
Les autres s'approchèrent de leur camarade et
s'écrièrent :
— Balthasar est mort I
Quand le fermier fut de retour chez lui, il
raconta à sa femme qu'en passant auprès d'une
croix, il avait vu danser des chats, qu'il en avait
tué un d'un coup de pied de fouet, et que les
autres avaient dit : « Balthasar est mort 1 »
Son chat, qui se chauffait dans le foyer entre
ses jambes, se retourna vers lui et dit :
<— Balthasar est mort 1 Balthasar est mort I
L'homme leva son sabot et écrasa la tête de
son chat en disant :
— Et vous aussi.
(Conté en 1880 par François Mallet, du Gonray.)
Cf. dans Pluquet, p. 14, une légende normande assez
semblable ; mais le rôle des chats est rempli par des loups.
Dans une légende rapportée par G. Sand, L^. rust,, p. i$5
«t soiv., un lapin atteint au cœur par une balle bénite s'écrie en
mourant : « 1a lune est morte I la lune est morte ! » (Cf. aussi
A. Bosquet, p. 138; Le Men, p. 240.)
Près d*une croix, à la Rochevin en Saint-Cast,
un garçon qui venait de voir les filles tomba au
milieu d'une danse de chats. Il était perdu sans
son propre chat, qui le reconnut et lui dit :
— Sauve- toi, mon maître !
Un fermier du Guildo venait de finir de battre,
II 4
50 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
et il ne lui restait plus de cidre pour donner à
ses hommes. Il prit un pot pour aller en chercher
à l'auberge; en passant à côté de la Croix-auXr
Mêles, il vit une danse de chats, et il fut entouré
par eux. Son chat le reconnut, et il lui dit :
— Nous allons à Bordeaux boire du vin ; quand
nous en aurons bu et que tu auras rempli ton
pot, ils diront : — Où allons-nous maintenant ?
Tu répondras : — D'où nous venons.
Le fermier se trouva transporté à Bordeaux, où
il goûta du vin et en remplit son pot. Les chats
demandèrent alors :
— Où allons-nous?
— D'où nous venons, répondit le fermier.
Il se trouva aussitôt auprès de la Croix-aux-Mêles
avec son pot rempli de vin. Il retourna à la ferme
et dit aux batteurs :
— Voilà du vin de Bordeaux.
Mais ils ne voulurent le croire qu'après en
avoir bu.
(Conté en 1880 par Jacquemine Nicolas, de Saint-Cast.)
Cf. dans la Littérature orale de la Haute- Bretagne , p. 188, une
légende analogue.
Fanchon Poilpré, qui s'en revenait un soîr seule
de sa journée, entendit une dévorerie de chats;
elle voulut les éviter et passa dans un champ, où
elle s'assit auprès d'un échalier. Ils passèrent tous
par là, et ils disaient :
DE LA HAUTE-BRETAGNE 51
— Bique, bouc, va s'assire (s'asseoir).
Et ils levaient la jambe et pissaient sur elle. Le
dernier de la bande avait sur le dos une grande
poêle de cuivre, et il clochait en marchant; elle
lui donna un coup de pied, et il jeta à terre la
poêle, qui était noire comme la cheminée.
(Conté en 1879 par Rose Renand, de Soint-Cast.)
Quelque temps avant la Révolution, il y eut sur
le Mené un combat de chats, et il en resta plus
de dix mille sur la place. Mon père, qui gardait
ses chevaux, les vit aller à la bataille ; trois chats
seulement survécurent. Il y avait un chariot au
milieu des chats. Parmi ceux qui revinrent, il y
en avait un qui parlait, et il racontait le combat.
(Conte en 1879 par Rose Renaud, de Saint-Cast.)
Ailleurs, on raconte aussi la bataille des chats.
Ils se battirent sur la lande de Meslin ; quelque
temps avant d'y aller, ils pleuraient. Il y avait au
milieu d'eux un chat noir bien plus fort que les
autres, et qui fut le seul à ne pas être blessé.
Tous ceux qui s'en revinrent étaient estropiés. Ils
prédisaient ainsi la Révolution.
(Conté en 1880 par François Mallet, du Gonray.)
U y avait une fois une bonne fenmie qui aimait
beaucoup son chat. Un jour il disparut; elle
se mit à sa recherche, et comme elle passait
auprès d'une croix de bois, elle le vit qui dansait
52 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
en rond autour de la croix, en compagnie de
beaucoup d'autres chats. Parmi eux il y en avait
qui étaient estropiés; d'autres étaient borgnes; la
plupart n'avaient plus que la peau et les os. La
bonne femme s'en alla sans rien dire, et les chats
ne lui firent aucun mal.
Un soir qu'elle prenait une vieiUe marmite
pour la mettre sur le feu, elle vit sortir de derrière
un chat qui ressemblait au sien, mais qui n'avait
plus que la peau et les os, et encore sa peau était
déchirée en maints endroits, car il revenait de la
guerre des chats. Elle le soigna de son mieux, et
le chat mangeait à table avec elle ; mais un jour
qu'elle avait de la compagnie, elle ne voulut pas
le laisser sur la table, suivant son habitude, et
pour se venger le chat étrangla la bonne femme
pendant la nuit.
(Conté en i88(ypar]tPi«Bathilde Delasalle, de Matignon, qui
tient ce rédt de sa gtand'mère.)
Une légende irlandaise rapportée par Gubematîs, t. II, p. 67,
parle d'une bataille de chats dans laquelle tous les combattants
périrent, en laissant seulement leurs queues sur le théâtre de la
lutte.
H y avait une fois un homme qui s'en revenait
de sa journée. Auprès d'une croix il vit un chat.
— Le joli petit chat ! dit-il. Je vais l'emporter
à la maison.
En rentrant, il dit à sa femme de lui donner des
DE LA HAUTE-BRETAGNE 53
peux (bouillie de blé noir); le chat en mangea,
puis il s'écria :
— Ah ! sont-ils bons !
— Tu parles, toi, dit l'homme ; sors d'ici I
— Rapporte-moi où tu m'as pris, répondit le
chat.
L'homme prit le chat et emmena avec lui sa
petite fille. Quand le chat eut été déposé auprès
de la croix, il dit à l'homme :
— Si tu n'avais pas ta petite fille, tu verrais
bien d'autres choses, et tu ne t'en irais pas comme
tu t'en vas.
Une bonne femme avait un chat. Qpand elle
était partie pour la messe, il prenait ses plus
beaux habits, se £ciisait de la soupe qu'il allait
manger sous la met (huch'^), puis se déshabillait.
La bonne femme sut le manège que £ûsait son
chat, et elle en parla au recteur, qui lui con-
seilla de faire mine de sortir pour la messe et
de revenir regarder par la fenêtre.
Elle fit ce que le recteur lui avait dit; elle vit
le chat s'habiller dans ses habits, et elle rentra en
disant :
— Ah ! c'est comme cela que vous £dtes 1
Et elle se mit à frapper le chat, qui était
empêtré dans ses cotillons. Il se sauva dans le
soiier (grenier), et il disait :
S4 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Pierre danse mieux que Jean,
Vère, vèrc, yan I ^
La nuit, quand elle fut couchée, il descendit et
l'étrangla.
(Conté en 1881 par J. M. G>mault, du Gonny.)
Une vieille dame avait un chat sorcier qui par-
lait. Un jour elle invita le r^teur àdîner et lui dit :
— Vous allez voir comtne mon chat parle et
comme il mange à table.
Mais dès que le matou vit le recteur, au lieu
de se mettre à table, il se réfugia dans la che-
minée ; le recteur lui dit :
— Par où veux-tu t*en aller ? Par feu ou par
vent?
— Par vent, répondit le chat sorcier ; je ferai
moins de dégât.
En s'en allant, il abattit pourtant un coin de
la maison.
(Conté en i88z par J.-M. Comaalt du Gouray.)
Ici le chat est une des fonnes du diable; cf. sur les nuisons
ainsi abattues le t. I, p. 179 et 193.
Les Chats dans les Contes populaires
ire série : Le Chat, n© lyu ; Les Chats sorciers,
no Li ; la Danse des chats, np lu (dans ces deux
contes, les chats sont des chats sorciers) ; — 2^ sé-
rie : Les Chats sorciers et les Bossus, no lx (les chats
DE LA HAUTE-BRETAGNE $$
<iansent en chantant les jours de la semaine) ; La
Houle du Grouitty no x (chats des fées : hommes
métamorphosés); Cmdrouse^ no xxxi (chat qui
•devient cheval) ; Lts trois petites Poules^ no lxii ;
V Enfant qui va chercher des remèdes ^ no xxxiv (ren-
contre d'un gros chat noir).
Dans La fille qui devient mire d'un chat^ conte
•que j'ai recueilli à Saint-dst, le chat parle ; il va
diercher du pain à sa mère, et il la venge de ceux
•qui l'avaient chassée de chez eux.
Dans un conte inédit dont j'ai trois variantes,
un garçon hérite d'un diat. Il va dans un pays où
les rats dévoraient tout, et avec son chat il fait
fortune. Dans la plus complète de mes versions,
le seigneur qui achète le chat ne paie le prix que
lorsque le garçon lui a amené une chatte.
Le grand géant Grand-Sourcil (Contes de Marins)
a à son service un gros chat noir qui aide au
capitaine, héros du conte, à se débarrasser du
géant et à conquérir sa bague magique.
LE CHEVAL (Eqjjvs cabauvs)
Noms patois
Le cheval, sans désignation de sexe ou d'âge
«st appelé cheva\ ch'va (M.) ; g*va (E.) ; bêtedech*va
(M.) ; bête chevaline^ ou simplement bête ; chevauy
$6 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
pluriel des chevàls (P.). L'étalon se nomme éfhn
(M., P.) ; — on conduit les éflons aux assemblées
pour les montrer; — lajument;'we«/(P;,S.-D.);
jeument (Saint-Brieuc) ; le poulain poulicho (S.-
D.); laitron (M.), quand il est encore sous la
mère.
On dit d'une jument en amour qu*elle est
« en saut ».
Faire saillir une jument, c'est la faire sauter.
Qjiiand une jument a mis bas, on dit qu'elle a
ponneU (M.).
Hennir se dit ouiner (M.); hérer (Tréveneuc).
Quand les chevaux hennissent avant de ruer,
on dit qu'ils oinsent (E.).
Quand ils ruent, ils « jettent le cul » ; s'ils se
cabrent, ils <c se matent ».
Le crottin se nomme couannée (M., S.-D.).
L'ensemble des chevaux est désigné sous le
nom de chevalerie (E.); avoir une belle chevalerie
est un honneur pour les gros fermiers, qui s'en
montrent très-glorieux. Quand un paysan dit
simplement « nos bêtes », c'est des chevaux qu'il
parle, et non d'une autre espèce d'animal.
Le cheval est un animal noble; quand on
parle de lui, on n'emploie point toujours : « en
vous respectant », ou : « respé de vous »,
comme on ne manque jamais de le faire s'il s'agit
des vaches, des cochons, etc.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 57
Noms des chevaux
Pêchard (M., E.), fleur de pêcher; Elm, gris de
£er ; Soupe de lait. Souris , gris foncé ; Biard, de deux
couleurs; Ftit-na (M.)» petit noir; Blond, rouge
jaune ; les juments ont des noms analogues.
D'autres portent le nom du pays où ils
viennent, de leur ancien propriétaire, etc. Parfois
ils reçoivent celui de personnages politiques ou
autres peu aimés de leurs maîtres. Il y a eu des
chevaux qui s'appelèrent PoîignaCy Badinguety etc»
Langage employé pour parler aux chevaux
Pour les faire avancer : Hei I (Tréveneuc) ; hue !
(partout).
A droite : Huho, hue ! (E.)
A gauche : Dia I (E.)
Doucement : Ta t tô I (S.-D.)
Pour qu'ils s'arrêtent : Ouôl chôme I (i) (Tré-
veneuc); houâhl (M., E.)
Pour faire reculer : Su ï (M., E.); rri'o (E.).
L'attelage et ses noms
Quand il y a quatre juments attelées à une
charrette, voici les noms qu'elles portent, en
(i) Cf. le breton chonif rester, demearef*
58 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
commençant par la Umonière : la jument d'prée,
la jument de faoute^ la jument de devant; on dit
aussi la fment (S.-D.).
L'ensemble des chevaux attelés à une charrette
s'appelle harnoisy bamas (M., E.); harnèe^ masc.
(P.).
Les traits sur lesquels tire la jument s'appellent
paronnes ; on donne encore ce nom à l'équipement
complet, moins le collier, de la jument qui est
dans les traits ; il se compose de la paronne
proprement dite, de la frutailky pièce de bois qui
est sur le collier et à laquelle sont attachés les
traits, et de la sourvente (sous-ventrière) ou sour-
venterière (S.-D.).
Les chevaux de labour, quand ils sont montés
par un cavalier, ne portent généralement pas de
selle, mais une sorte de bât qu'on appelle un
pané (M.).
Proverbes et Dictons
Bon Dieu d'en haut,
Prends ma femme ; laisse mes chevaux (E.).
Cf. des similaires messins, anglais et allemand, dans Rolland,
t. IV, p. 14$.
Un poulain,
Une charretée de fain (D.).
De tout poil bonne bète.
Le rouge est rmait'e (E.).
Cf. Rolland, p. 137.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 59
Le cheval dit à son maître :
En montant, ne me pousse pas ;
En descendant, retiens mon pas ;
En place droite ne m'épargne pas ;
A récarie, ne m'oublie pas (Ploubalay).
H y a deux bêtes à Paris qui parlent.
Le cheval dit :
Je me ferre, je me déferre ;
Je ne demande que la guerre.
Le bœuf :
Jt me lie, je me délie ;
Je ne demande que la vie (P.).
Devinettes
En vie du devant.
Mort du mitan.
Baptisé du dère (E.).
— Une charrue qui est traînée par des chevaux
et dont un homme tient la queue.
Cf. Mélus.j col. 2$i, D. 97; Sauvé, D. $1.
Un vivant entre deux morts (P.).
— Un cheval en limon.
Un peilîu (poilu) entre deux raides et un raide
entre deux peillus.
— Un cheval entre deux brancar4^ et une
charrue entre deux chevaux.
Cf. Rolland, D. )3.
60 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Les ebevaux malades
Voici quelques noms de maladies des chevaux»
ainsi que plusieurs remèdes employés par les
empiriques qui les soignent. S'ils ne sont pas
consignés ici en plus grand nombre, c'est que
cette médication est pour ainsi dire secrète, et
ceux qui la pratiquent ne la révèlent pas vo-
lontiers.
Le cheval poussif s'appelle cheval coH (S.-D.) ;
à Ercé, la pousse, maladie du cheval poussif,
s'appelle la poûe.
Pour guérir les chevaux malades, principale-
ment des coliques d'urine, il faut les mener se
promener dans trois communes différentes (E.).
Cf. SoQchè (Poitoa), Croy., p. ao.
On conduit les chevaux aux pardons. Voici
quelques détails sur la manière dont cela se
pratique.
« A la fontaine de Saint-Ëloi en Landébia, des
pèlerins viennent baigner leurs chevaux. »
(Ogie, noQvelle idition.)
Mais il y a nombre de fontaines où on les
conduit ; je trouve dans Ogée deux descriptions
de pardons de chevaux, l'une du siècle dernier,
l'autre contemporaine.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 6l
2> pardon de Saint-Éloi avant i*j8^
« A un quart de lieue de Plérin est une chapelle
dédiée à saint Ëloy, dont la fête se célèbre au
mois de juin. Les paysans des environs ont rendu
ce saint le patron des juments et des chevaux.
Tous les ans, au jour de la fête, les habitants des
paroisses de dix lieues à la ronde y viennent en
pèlerinage. Après leurs prières faites à la chapelle,
ils vont à la fontaine qui se voit auprès, y puisent
de l'eau avec une écuelle, et la jettent dans la
matrice et sur les oreilles de leur jument, et en
arrosent les testicules de leur cheval dans la
persuasion que cette eau a des vertus prolifiques.
Cette opinion est si gravée dans l'esprit de ces
bonnes gens, qu'il seroit impossible de l'en
déraciner. Ce n'est pas le seul abus de cette
assemblée : les hommes s'enivrent, et lorsqu'on
voit quelqu'un en cet état, tout le monde s'écrie :
« Il a la goutte. » Celui qui est à cheval, pour
montrer qu'on se trompe, se met à courir à toute
bride, et il n'est pas surprenant de voir suivre ôit%
accidents très-fâcheux de ces excès. Outre l'ivro-
gnerie, on pourroit mettre encore au rang des
abus le libertinage et le désordre qui se commet-
tent en cette assemblée. Il n'est pas rare de voir des
filles que la fontaine de saint Éloy rend aussi
fécondes dans l'année. C'est à ceux qui dispensent
62 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
la loi d'appliquer le remède ; c'est aux recteurs à
veiDer avec soin sur ces pieux pèlerins, ou plutôt
à recourir à Tautorité pour obtenir la suppression
de ces fêtes. Mais n'y aurait-il point d'indiscré-*
tion à exiger d'eux ce sacrifice? Avec cela, le
recteur met la poule au pot. »
Le pardon en i8$ù
« Le pardon de Saint-Éloi, qu'Ogée a, contre sa
coutume, assez durement traité, est loin d'être ce
qu'il était autrefois. Ce pardon, qui se tient tou-
jours le 24 juin de chaque année, n'a pas cessé
d'être fréquenté par un assez grand nombre
d'éleveurs; mais peu d'entre eux croient réelle-
ment à la vertu des eaux de la fontaine de saint
Éloy. Ils y voient pour la plupart, avec le bon
sens qui caractérise le paysan des Côtes-du-Nord,
un rendez-vous où chacun est fort aise de
montrer ses pouliches et de faire valoir leurs
qualités. Quand aux vicieuses coutumes dont
parle Ogée, elles ont disparu aujourd'hui, et le
clergé de la paroisse ne pousse â la création
d'aucune autre réunion de ce genre. »
(Marteville, sur Ogée, article PUrin.)
« Près de l'ancienne chapelle de Saint-Ëloi en
Plaine-Haute, sur la limite des deux langues, se
trouvent deux étangs où les cultivateurs font
i^mmmmmmmmm
DE LA HAUTE-BKETAGNE 6$
baigner leurs chevaux en les recommandant à
l'assistance du saint. Cette cérémonie, qui se
termine par des courses telles que plus d'un
cheval court risque de devenir poussif, est telle-
ment enracinée dans le pays, que le paysan qui
n'y aurait pas mené son cheval attribuerait à
cette négligence tous les malheurs qui arriveraient
à cet animal. »
(Ogée, nouvelle éd., art. Plaine-HauU.)
En pays bretonnant, on mène les chevaux à nombre de
pèlerinages; presque toutes les chapelles sous Tinvocation de
saint Éloi sont, à certaines époques de Tannée, entourées de che*
vaux que leurs maîtres y conduisent. Souvent il y a auprès un
étang dans lequel on les baigne. Parfois aussi on leur fait franchir
d'un bond le ruisseau qui avoisine la chapelle. « L'animal qui a
subi cette épreuve l'emporte en vigueur sur tous les autres. Une
partie de sa crinière est déposée sur l'autel, et le cavalier s'en va
couvert d'honneur. » (Guionvac'h, p. 59.)
RcJland, t. IV, p. 197, parle de pèlerinages nombreux en
Eure-et-Loir, Belgique, Bretagne, etc. D'après M. Desaivre,
Croyantes j p. 7, en Poitou on dit des messes pour le bétail. Dans
la Creuse (cf. L. Duval, Esquisses marchoises, p. 39), on £siit boire
les chevaux atteints de tranchées dans une çspèce d'auge porunt
des empreintes de polissage, où, d'après la tradition, saint Martin
fit boire son cheval.
En beaucoup de pays on mène les étalons aux
pardons, non pour les guérir, mais pour les
montrer.
« A l'assemblée de Cesson, qui a lieu chaque
année le lundi de Pâques, on promène de beaux
64 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
étalons dont la tête et la queue sont ornées de
fleurs et de rubans; mais cet usage n'est pas
restreint à la commune de Cesson : il a lieu dans
toutes les assemblées du même genre. »
(Habasqae, t. II, p. 311.)
Croyances et Superstitions
Les chevaux, de même que le bœuf et l'âne,
parlent la nuit de Noël.
D y avait une fois un homme qui ne voulait
pas croire aux contes de bonnes femmes. Il ouït
dire que les bêtes parlaient la nuit de Noël, et il
résolut d'éprouver par lui-même la vérité de ce
dicton. Il alla dans son écurie et entendit un de
ses chevaux qui disait à Tautre :
— Dépêche-toi de manger, camarade.
— Pourquoi ? répondit l'autre.
— ' C'est pour aller demain conduire ton bour-
geois au cimetière.
La prédiction se réalisa, car Thomme mourut
aussitôt, et il fut^ porté en terre par ses bêtes.
(C>iité en X 881 par J. M. Comault, du Gouray.)
Ordinairement, dans l.s similaires, c'est le bœuf qui parle de
la sorte (cf. la page 37 du présent volume.)
Si une jument en chaleur perd les poils de sa
queue, ils deviennent serpents au bout de quelque
temps, s'ils tombent dans une mare et que le
soleil les chauffe (environs de Saint-Brieuc).
(Communiqué par M. E. Eraault.)
mm
DE LA HAUTE-BRETAGNE 6$
Ci. nne saperstitioii atulogne dn Finistère (Rolknd» t. IV^
p. 19$). Elle existe aussi en Poitou (cf. Souche, ProverheSy p. 7)»
Elle avait déji été constatée en ce pays par Guerry an commen-
cement du siècle (cf. Soc. des anttq.f t. VIII, p. 4$7)<
Quand un cheval revient, il va plus vite qu'en
allant; on dit qu'il sent son écurie.
Le cheval a le gosier moins grand qu^une poule ;
il ne peut avaler un grain d'avoine sans le mâcher
Il vaut mieux trouver un fer de cheval qu'une
pièce de monnaie ; cela porte plus chance (P.).
Les lutins ei Us chtvaux
Souvent le lutin, pour jouer des tours aux
laboureurs et les mieux tromper, emprunte k
forme des chevaux et s'amuse à les cacher.
Un cultivateur avait laissé à pâturer, dans une
prairie, trois chevaux, l'un rouge et les deux
autres blancs.
Le lutin cacha le cheval rouge dans un buisson,
et, prenant sa forme, sa couleur et sa taille, 'û
vint paitre avec les deux autres.
Qjiand le laboureur vint le soir pour emmener
ses bêtes à l'écurie, il monta, comme d'habitude,
sur le cheval rouge, qui, arrivé à un ruisseau, fit
un écart et laissa choir son cavalier dans l'eau.
Le paysan se releva tout mouillé et remonta
sur le cheval, qui se laissa faire ; mais quand on
n 5
66 TRADITIONS KT SUPERSTITIONS
fut près de la ferme, il ne voulut pas s'arrêter, et
le malheureux fut pendant trois jours et trois
nuits promené sur le dos du cheval rouge, dont
il ne pouvait descendre.
A la fin le lutin se lassa et ramena chez lui le
fermier, qui se coucha ; car il était, comme bien
on pense, fatigué. Mais, pendant la nuit, le lutin
vint s'asseoir sur sa poitrine, et le laboureur se
ressentit longtemps de cette course et de la nuit
qui l'avait suivie.
(Conte en 1878 par Jean Bouchery, de Doordain.)
Cinq jeunes filles partirent un soir pour aller
chercher un des chevaux de la ferme qui était
dans la prairie. L'une d'elles monta sur le dos de
la bête, puis une seconde; alors le cheval
s'allongea, et il y eut place pour la troisième, et
les cinq filles finirent par s'asseoir sur son dos,
qui s'allongeait à mesure.
La monture des filles se mit en marche, et
quand elle fut arrivée au milieu du ruisseau, elle
disparut comme si elle s'était évanouie en fumée>
et laissa les filles tpmber dans l'eau. Le vrai
cheval était déjà rendu à la porte de son écurie
(E.).
« Si le voyageur monte sur sa croupe (du
cheval blanc), il ne tarde pas à s'en repentir, car
il va par les chemins, cherchant tous ceux qui
ma^mmmmmmmmmmmmmmmmmmm
DE LA HAUTE-BRETAGNE 67
marchent de nuit et les invitant à prendre place
près du premier voyageur. Trois, quatre, et par-
fois quinze personnes, se trouvent sur son dos, et
plus il est chargé, plus il va vite, et ils ont beau
crier. Q.uand il est lassé, il s^arrête court et jette
sa charge dans un ravin et disparaît en fumée.
Ce lutin porte en Ille-et- Vilaine le nom de
Gobino. »
(M"« de Cerny, p. $$ sqq.)
Souvestre, dans le Contg de Jean Bouge-Gorgi, Foyer hnkm^ 1. 1,
p. 11$, dte nn cheval dont le dos s'allongeait i mesuxe qu'on le
chargeait, si bien qu'il pouvait porter à lui seul autant de sacs
que tous les chevaux de la paroisse.
Jadis, à Plévenon, le petit cheval Pacoret se
plaisait à jouer des tours aux garçons qui allaient
voir les filles. U se couchait près d'un échalier et
se laissait monter d'abord par un, puis par deux
garçons. Son dos s'allongeait à mesure qu'il en
montait sur lui, et parfois il se chargeait de vingt
ou trente garçons. S'il passait auprès d'un
ruisseau, il les jetait dedans et se mettait à rire.
(Conti en 1880 par Élie Ménard, de Plévenon.)
Vers Ploërmel, le cheval qni s'allonge se nomme le Cftbino.
Le petit cheval Pacoret a poar similaire le cheval Bayaid (bai,
de couleur rousse) en Normandie (cf. A. Bosquet, p. 128-129) ;
en Poitou le cheval Malet (cf. aussi Georges Sand, Lig. nui., et
Monnier, 242 (Jura).
A Ercé, on voyait autrefois ener près du pont
68 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
de rislette un cheval blanc dont k vue était fort
redoutée.
Aux environs de Saint-BfieùCy un cheval blanc
se promenait aussi la nuit près d'une roche aux
fées. Pas un paysan de la commune et des
environs n'aurait osé, pour tous les tréscxs dii
département, aller à minuit dans cet endrok
hanté. M. le chanoine R. D. L., propriétaire
d'une ferme peu éloignée de la roche aux fées, y
conduisit une nuit ses fermiers. Ils ne virent rien,
mais ils eurent néanmoins très^peur.
(Commoniqaé par M*« P. Gnyot.)
Il y avait des chevaux blancs qui hantaient les
champs à trois cornières. Un homme de Hénon,
foi en voyait souvent un, et qui même avait été
enlevé par lui, alla consulter son recteur, qui \m
dit de prendre une pièce de rnoomaie marquée
d'une croix, de la mettre dans tui bois fourchu «t
de la présenter au dieval. Le soir venu, l'homme
akla dans le champ, et quand le cheval se présenta
à lui, il lui montra son morceau de bois avec la
pièce à la croix» Le cheval partit aussitôt en
veculant; mais à l'autre extrémité du champ un
autre homme lui montrait aussi une semblable
pièce d'argent. Le cheval blanc alla pendant toute
la nuit de l'un à l'autre ; au jour, il disparut, et
on ne le revit plus jamais.
(Communiqué [Mtr M. B. BtuBoaic.)
wmmmmmmmmmmmm
DE LA HAUTE-BRETAGNE 69
D'après le conte qui suit, le cherol jonerait le rôle d'un lutin
Appelé Mourioche (cf. 'vol. I, p. 162 et suit.).
Il y avait une fois à Corseul un couturier qui
s'en revenait de sa journée. Sur sa route il vit
une bête qui avait l'apparence d'un poulain, et
comme il était si lassé qu'il ne pouvait presque
plus marcher, il se dit : )
— Si je pouvais attraper ce poulain, je monte-
rais sur son dos, et je le ferais me porter.
Il courut après, et il finit par le rejoindre;
alors le poulain se coucha pour que le coutu-
rier pût plus facilement monter sur lui. Qiiand
il l'eut sur le dos, il se mit à galoper, et il
frottait son cavalier sur les ronces et les épines
du chemin. Le couturier était bien marri d'être
écorché ; il prit ses ciseaux et les fit résonner, zig
Eague, comme s'il voulait s'en servir, puis il dit
au poulain :
— Si tu fais le diot, et si tu ne me portes pas
tout droit à ma maison, je te couperai les oreilles.
Mais si tu fais le joli garçon, je te donnerai de
l'avoine quand nous serons rendus.
Le poulain, qui était Mourioche, eut peur, et
il porta le couturier tout droit chez lui. En
rentrant à la maison, l'homme lui dit :
— Reste là ; je t'ai promis de l'avoinç, et je vais
t'en chercher.
Il monta dans son grenier, et quand il re^rda
70 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
par la gerbière, il vit le poulain qui riait. U
descendit ; mais quand il ouvrit sa porte pour
donner Tavoine au poulain, celui-ci était plus
grand que la maison. Alors le couturier referma
sa porte et dit :
— Tu es trop grand ; tu n'auras pas d'avoine,
car si tu mangeais à proportion de ta taille, il
t'en faudrait trop.
(Conté en 1881 par Isidore Poulain.)
Le cheval ludné ne mange pas, parce qu'il a
été pansé par le lutin (D.).
Sur les chevaux lutines, voyez le chapitre des Lutins,
i^ partie de ce livre.
Le cheval dans les, contes
Le cheval joue un rôle dans plusieurs des
contes de la Haute-Bretagne; en voici l'indica-
tion :
ire série : La demoiselle en blanc , n^ xxxi ; D'un
vieux cheval et d'une vieille femme, n» xxxvi; Le
Chat, no Lvn (association avec le chat); —
2« série : Le Fersè, n» lv (lutin qui a la forme
d'un poulain) ; La Houle de SaitU-Briac, no xiv his
(poulains des fées); Litt. orale: Le Merle Sor^
p. 63.
Un des attributs du diable est d'avoir un pied
de cheval dans tous ses déguisements.
Cf. le chapitre du diable, t. I, p. 177-202.
m^m^^mmm^^
DE LA HAUTE-BRETAGNE Jl
Dans un conte inédit, un cheval bknc vient au
secours d'un jeune honune qui ne savait que
devenir, et il lui aide à surmonter des obstacles,
tels que d'aller chercher la belle aux cheveux
d'or, ses clés, son château. Grâce à lui, il y par-
vient, et le cheval blanc « eut de l'avoine jusqu'à
la fin de ses jours. ^>
Dans un conte inédit, le diable ordonne à son
domestique de frapper tous les jours sur une
jument; un jour elle parle au garçon, qui se
sauve sur son dos après une poursuite acharnée;
par son conseil il entre au service du roi, gagne
des batailles et finit par épouser la princesse.
Le héros de La Belle aux clés d'or (Contes de
Marins, no xv) doit bien nourrir un cheval gris
et frapper sans relâche une jument blanche;
celle-ci lui parle, et il fuit sur son dos, jusqu'à
la terre sainte, son patron qui était le diable. La
jument le fait s'engager au service du roi, qui lui
ordonne plusieurs choses qu'il accomplit à l'aide
de la jument. Après cela, il veut épouser la prin-
cesse aux clés d'or; mais la jument lui déclare
qu'auparavant il faut qu'il la tue et coupe son
<œur en deux morceaux. Q.uand il l'a fait, il voit
devant lui une belle dame qui le maudit et lui dit
qu'il aurait pu être heureux avec elle, mais
qu'il sera malheureux avec la princesse.
72 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Dans un conte de marins intitulé Jean le Tei-
gnons ou Jean Ujin^ n^ ix, le diable a un cheval qui
parcourt dix lieues à Theure et saute par dessus
les plus hautes murailles. Jean doit avoir soin de
deux^chevaux du diable et battre sa mule.
Pour l'étude du rôle du cheval au point de vue
m3rthologique, on pourra consulter Gubematis,
Mythologie xpol(^ique\ Max Jaehns, Ross und Reiter
in Leben und Sprache, Glauben und Geschichte des
Deutschen. Eîn kulfur-hislorische Monographie, Leip-
zig, 1872, dont Rolland analyse le premier vo-
lume, et la monographie du cheval dans le IV^ vo-
lume de la Faune populaire de la France.
LA CHÈVRE (Capka hucus)
Noms patois
Le mâle s'appelle bouc, parfois hou* ; la femelle
chieuve ou cheuve (M.); les petitSy hichets,biqmonSy
hiquetons (M., E.); hiquins (S.-D.); la chèvre qui
met bas, biquionne (P.) ; hiquetoune (E.).
Proverbes et Dictons
— C'est un bouc hanné (en culottes) (E.).
C'est un débauché.
— C'est comme les chèvres, qui ont la graisse
(ailleurs l'esprit) en dedans (S.-C.).
• DE ^A HAUTE-BRETAGNE 75
— C'est Une mauvaise chieuve (M.). C'est une
personne méchante.
— C'est la route aux chèvres (E.). C'est un
mauvais chemin.
Superstitions et Croyances
On prétend que les enfants qui ont été élevés
avec du lait de chèvre sont lestes et sautent
comme des chèvres (Montauban, D.).
En plusieurs pays de TlUe-et-Vilaine, on met
wi bouc dans les étables à vaches et dans les
écuries. On prétend qu'il les assainit en prenant
pour lui le mauvais air (environs de Rennes).
Le bouc et la chèvre enflent, parce qu'ils prennent
tout le venin des étables (E.). Pour les faire
désenfler, on leur donne du tabac.
Une superstition analogue existe en Franche-Comté (cf.
Mélusine, col. 371), en Poitou (Souche, Croy., p. 51).
Le diable prend assez souvent la forme d'un
bouc. Cette croyance est générale en France.
C'est la chèvre qui a appris aux tailleurs à
faire les ailiettes (aiguillettes). Un jour un tailleur
était bien embarrassé ; la chèvre lui cria : « De
biais ! de biais 1 » Et le tailleur suivit son conseil
(P.).
Qjiand on mène une chèvre au bouc, il faut
mettre à l'envers son bonnet ou son chapeau ; si
74 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
on a sur soi une peau de bique, il faut aussi la
mettre à l'envers ; sans cela, la chèvre ne conçoit
pas (E.).
Q^iand un galant a reçu son congé d'une jeune
fille, on dit qu'il a reçu sa chieuve.
Il la jette dans un champ, et elle reste là
jusqu'à ce qu'un autre aille la chercher.
On dit du bâton qui a servi à un porteur
de chausses naïres (c'est le nom donné aux entre-
metteurs de mariages) qu'il apporte la chieuve
<p.).
Voici, parmi les contes gallots, ceux où il est
<}uestion du bouc et de la chèvre : v^ série : Lt
Chaty no Lvn (il fait société avec la chèvre) ; —
2e série : Lu Boucs de Saint-Brieuc-des-IffSy no Lxn;
La Chèvre de TrigavoUy n© lxvi ; La Biquette et ses
petits, n© Lxvra; La Chèvre blanche, n© xm; Le
Pertus es Fêtes, n© ix; Le Pillotous, n© xxvni
(princesse métamorphosée en chèvre verte ; dans
un conte de marins (Contes de marins, n» iv), il
est aussi question d'une princesse emmorphosée
en chèvre, et que le matelot Tribord-Amures finit
par délivrer). — Litt, orale, La Chèvre, p. 242.
D'après un autre conte de marins inédit, le
héros, un soldat nommé Décampe, délivre une
princesse emmorphosée en chèvre verte.
Plusieurs chansons mettent en scène des
chèvres ; telles sont : La Bique à Jacques André,
DE LA HAUTE-BRETAGNE 75
dans UtUraiure oraUy p. 288, et La Chèvre de
Trémaudan, iînd.^ p. 293.
Dans un conte inédit, ' qui est une variante
•du Petit roi Jeannot, i>« série, n» i, c'est une
chèvre qui sauve, du puits où ses frères Pavaient
jeté, le jeune garçon qui a conquis Foiseau mer-
veilleux.
Dans Tun des contes facétieux où les Jaguens
sont mis en scène, ils prennent une chèvre pour
le diable.
LE CHIEN (Camis familuris)
Noms patois
A Saint-Donan on donne à tous les chiens
dont on ne sait pas le nom le nom amical de
chutaou»
Attainer ou attêner un chien, c'est l'agacer pour
le faire houamery c'est-à-dire aboyer (M., E.);
^^igner ou lui chercher grigne, c'est l'exciter
pour qu'il /égrignache (S.-D.).
Pour appeler les chiens, on leur crie :
duien I quien I (S.-D.)
Qjie 1 que 1 (P.)
Pour les chasser :
Kélkéal
La nuit, les gros chiens disent :
76 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
»
Ah 1 si je me leuve, kuve, leave,
J'vas mord'e dans tes hanses, hannes, hamm
{culottes) (E.).
Proverles et Dictons
— J'étîens comme les mauvais chiens; je
houamions (aboyions), et je VLavanciens point
(S,-C.).
— Un chien regarde bai un évêque et s'en
retourne cor o sa tête (Saint-Coulomb).
Cf. Rolland, t. IV, p. 63.
— r serft sa gamme; la mer monte (S.-C.)»
On croit que les chiens enragés viennent prendre
leur écume au bord de la mer. Le mot gamey
iynon3rme de rage, est usité en argot.
Cf. Halbert d'Angers, cité par Rolland, t. IV, p. 7$.
F nVaut pas les quatre fers d'un chien (M.).
Cf. Rolland, t. IV, p. 24.
J'aimeras mieux être chien
Et aboyer dès demain (M.).
Cela se dit pour exprimer la répugnance qu'on
éprouve à faire un ouvrage.
— On ne tue point son chien pour une
mauvaise année (E.).
Dicton similaire en Poitou (cf. Souche, Prov.f p. 6).
— Quat' pieds quat'e pouces, la taille d'un
chien (M.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 77
^ — Qjiand on compare quelqu'un à un chien,
on dit : sans comparaison, puisqu'il (un tel) a été
baptisé.
— Gras comme un petit chien qui tette (H.)*
— Garder un chien de sa chienne. Garder
rancune.
Cf. le prov. contraire breton, dans Rolland, t. IV, p. 35.
— Cela ne vaut pas une merde de chien.
Cf. Rolland, t. IV, p. 21.
— Cela n'est pas de la merde dé chien.
-~ Tremhler des fesses comme un chiea de
mercier (D.).
Cf. Rolland^ t. IV^ p. ],i.
— Nager comme un chien de plomb (M.).
a. Rolland, t. lY, p. 41, et Soucbë, Prov., p. 6.
— Il faut toujours trouver des chiens mocts
pour tuer le sien (P.).
— Ah l dame ! i:( étaint douane, et in'n'ont tous ^u
leur content, et cor un chien qui n'Va pas fini (P.).
Cela se dit ironiquement d'un repas chichement
servi.
Mieux vaut trouver un chien enragé
Qu'un lima dans Tmois d*janvier (P.).
On se sauverait d'un chien enragé, au lien
qu'en janvier la limace serait précoce,, et Le iroid
qui viendrait ensuite ferait périr les récoltes.
78 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
«
— Adîé:(i (sot) comme un chien en carHnme
(en carême) (S.-D.).
— Bas les pattes I les chiens donnent des puces
(D.). Cela se dit à quelqu'un qu'on trouve trop
familier.
Dicton similaire en Poiton (cf. Sonché, Prov.^ p. 6).
Superstitions et Croyances
Quand on voit dans les champs des broussées
d'herbe bien toufïiies et que le bétail ne veut pas
manger, on dit que les chiens ont pissé dessus
(P.).
Si les chiens aboient avec force, c'est signe de
mort pour quelqu'un de la maison (P.).
QjLiand on est mordu par un chien, il ne faut
pas le tuer, ou bien la morsure ne se guérit pas
CE.).
En Poitou (cf. Desaivre, Cray., p. ii) existe la superstition
inverse. Si le chien enrageait par la suite, l*honune mordu enra-
gerait aussi.
En certains pays, on coupe le bout de la queue
des chiens pour a tuer le ver » qui s'y trouve.
« Année de hannetons, année de chiens en>
rages », dit un proverbe des environs de Rennes.
C'est parce que les chiens mangent les hannetons
et qu'ils enragent.
Superstition analogue en Poitou (cf. Souche, Prov., p. $).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 79
On prétend que les chiens enragés ne s'arrêtent
point sur la commune d'Ercé ni sur celle de
Vendel. Cela tient à ce que les églises de ces deux
endroits sont sous l'invocation de saint Jean.
Par contre, tous les chiens enragés qui se
trouvent dans le pays viennent à la statue de
saint Hubert, qui est dans une des cours du fort
La Latte en Plévenon. C'est très-exact, m'afl&rmait
une femme du .pays; si on peut embrasser la
statue du saint, on est guéri de la rage.
Em Seine-et-Marne existait une croyance analogue (cf. Fourtier,
Dictons de Seine-et-Marne).
Les chiens surongUs n'enragent point. On
appelle ainsi ceux qui ont à la patte de devant
une sorte d'ongle recourbé (P.).
Cf. Rolland, t. IV, p. 75.
Ce n'est qu'au bout de treize lunes qu'un chien
mordu ou un homme est â l'abri de la rage (P.).
A Gaêl, on distribue des eaux qui sont, dit-on
dans le pays, un spécifique contre la rage
(Ogée).
Cf. dans Rolland la description du pèlerinage de Saint-Hubert
(Belgique), p. 77-80 (cf. aussi Galerie bretonne, t. II, p. 49). A
. une fontaine de saint Hubert, dans la Creuse (cf. L. Dnval,
Esquisses marchoisa, p. 92), on puise de Teau dont on arrose du
pain qu'on fait manger aux bestiaux pour les préserver de la rage.
Qjiand on aperçoit un chien suspect, on crie :
Au chienn' enraigé I
^ TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Voici une conjuration pour en préserver :
Noter dame et ses enfants.
Préservez-nous du loup et des serpents^
Et du chien q^ui court le vent (Moncontour).
Cf. dans Sauvé, Proverbes^ $ 904, une conjuration contre les
chiens enxagës.
Le chien dans les contes populaires
Il en est souvent parlé, bien que la plupart da
temps il ne joue pas le rôle principal.
U Chien capitainey no xxx, v^ série, est un
prince métamorphosé qui commande un navire
et qui, après une série d'épreuves, redevient
homme. Le début de ce conte présente des
ressemblances avec un roman de Jules Verne.
L'auteur, qui a fréquenté les marins, leur avait
peut-être entendu faire ce récit, qui est populaire
sur les côtes de la Manche.
Voici d'autres contes où figurent des chiens :
Lr roi dis poissons, no xvin (àts boyaux du roi des
poissons naissent trois chiens dont les deux
premiers sont, comme leur maître, métamorpho-
sés par une vieille qui déteste les chiens) ; Li MerU
et h Renardy no Lix(le merle appelle le chien de la
ferme pour l'aider à se venger du renard); —
2« série : Le Pertus es Fêtes, q9 ix (c'est un chien
qui vit avec les fées) ; La Fille aux bras coupéSy
09 XXXIX (un chien vient lui apporter à manger
DE LA HAUTE-BRETAGNE 8l
dans la forêt); Misère, no lu (il voyage en
compagnie de son petit chien Pauvreté) ; Venfant
qui entend le langage des bêtes, n*» xxv (les chiens,
mal nourris par leur maître, déclarent qu'ils ne
le défendront pas contre les voleurs).
Dans L'Oiseau de vérité, conte de marin inédit,
un chien vient donner à manger à une jeune fille
réfugiée dans un arbre. Un marin, dans un autre
conte, sur le point de faire un pacte avec le
diable, le grise, et sur le papier met « chien »
au lieu de « âme ». Le chien est donné à l'é-
poque fixée, mais il noie le démon.
LE MULET (Eqîjus Mulus)
Le Mulet dans la littérature orale
Il y a fort peu de ces animaux en Haute-Bre-
tagne, et ils sont, je crois, tous importés. On dit
en proverbe : « Têtu comme un mulet ».
Mais il est assez souvent parlé de mules dans
les contes ; dans l'un de ceux que j'ai en porte-
feuille, le héros, pour arriver à son but, doit sauter
à une certaine heure sur une mule blanche et ne
pas réveiller les géants qui gardent la fontaine où
se trouve l'eau qui rajeunit, et cette eau n'a
d'efficacité que si la mule chante.
Jean le Teignons (Contes des Marins, no ix) fuit
II 6
82 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
le château du diable sur une mule qui, comme la
jument des contes similaires, devait être maltraitée
par lui ; il échappe à toutes les poursuites, et sa
mule lui fait épouser une princesse.
LE PORC (SusscROPHÂ domesticus)
Noms patois
PoutTy pouêf (M., S.-D.); pouds (M.); pourcé
(S.-D., M., E,y, pourciau (M., E.), pluriel /««r-
ciaoux (M., S.-D.). Ces deux derniers mots s'ap-
pliquent en général aux moyens cochons et aux
petits.
On dit aussi un quiou quiou (M., Tréveneuc) :
c'est un terme enfantin. Le mâle se nomme
vérot (M., S.-D.); la femelle trée (M., E., S.-D.).
La truie en chaleur est en ru; on la mène
gibier (couvrir) au verrat (P.). Quand elle met
bas, elle pourcelle (P.).
On donne le nom de nourriture (M., E.) aux
cochons de six mois environ; quand le porc est
bien gros, on dit : Il est raisonnabley le v'ià bon à
tuer (D.).
Les appendices charnus qui sont placés à l'ex-
trémité dos mâchoires de certains cochons, vers la
naissance du cou, se nomment margeîies (S.-U);
le groin, guèrouin.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 83
Le cochon a plusieurs surnoms plaisants : not*
monsieu', noC ndb*e, not* syndic, nof rohan.
On le nomme aussi un Anglais.
A Dinan, Tendroit où se tient le marché aux
cochons s'appelle le parc aux Anglais.
Cf. des appellations analogues dans Laisnel de la Salle, t. Il,
p. né.
En Basse-Bretagne, le cochon est surnommé Jdab Rohan (fils
de Rohan).
Quand on engraisse le porc, on dit qu'on le
met en paisson ou en patsson (M., E.). Son
étable se nomme sou.
Pour appeler les cochons, on leur crie :
Qjié, que I (M.)
Qjiiou I quiou I (S.-D., M., Tréveneuc.)
Niquia I niquia I nîquia I (Tréveneuc.)
Pour les chasser :
Chiénal chiem 1 chiem I (comme en breton) (S.-D.).
Sou 1 Sou cil (S.-D., M.)
Pour empêcher les cochons de passer en dom-
mage, on leur met au cou une sorte de triangle
en bois, qu'on appelle bangeret (P.) ; barriaux (M.).
Le porc qui gratte la terre avec son grouin
revunge (M.); dérunge (P.).
Proverbes et Dictons
— Braire comme un cochon pris entre deux
portes.
84 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
— r chante, respé dVous, comme un pourcé
qu'a la quoue prise sous eune porte (E.), ou
comme un pourcé prin' enter deu' port' (S.-D.).
— Ça n'est pas la graisse de cochon qui l'era-
pose (empêche) de couri'.
T- Gros comme un pourcé de cinq sous (E.,
M.).
— S'acouter comme un pouer qui pisse (E.).
Cf. Noël du Fail, t. II, p. 46, éd. Assézat.
— Sale comme un pouer (M.).
— Sau (ivre) comme un pouer (M.).
— S'y prendre comme une trée à ramer des
fauves (M.).
— Tu t'y prends comme une trée à ramer
des pées (pois) (S.-D.).
Cf. Perron, p. 132 (Franche-Comté); BUdé, Prw., p. 100
(Agenais).
— Les cochons n'ont point d'amis (S.-C).
C'est la contre-partie du proverbe « amis comme
cochons. »
Qjaand on parle d'un cochon, on dit toujours ;
en vous respectant, respé de vous, ou respé de la
compagnie.
Croyances, Usages et Superstitions
Si une musaraigne passe sur le dos d'un
cochon, elle le fait crever (P.).
A Saint-Cast, on tue le cochon à la Cateline
DE LA HAUTE-BREÏAGNE 85
I > « I ■ III.
(25 novembre). On dit qu*à cette époque le lard
est meilleur.
La tuerie de cochon est une occasion de fêtes
et de politesses entre voisins.
n en est de même en Basse-Bretagne (cf. Galerie hret.^ t. II,
p. €9.)
Pour que le cochon profite, on offre un mor-
ceau de lard à divers saints. A Saint-Cast,
l'offrande se fait à saint Jean ; â Plurien, c'est à
saint Antoine.
Dans le charnier où est le lard, on met un
morceau de fer à cause de Forage.
Le cochon ne prend (de sel) que ce qu'il lui
en faut, le bœuf tant qu'on en veut lui donner
(M.). Cela se dit en parlant du lard qu'on sale.
Le lutin prend parfois la forme d'un cochon;
toutefois il figure assez rarement dans la suj»ers-
tition.
Une femme d'Ercé, un soir qu'il y avait eu foire
aux environs, vit sur la banquette un cochon qui
était couché et ne remuait pas. Elle se dit :
— Il est à un marchand de cochons qui vient
d'entrer à l'auberge ; il faut aller le prévenir.
Elle était avec une de ses amies. Après avoir
fait quelques pas, elle se retourna : le cochon
avait disparu. C'était le lutin.
(Conté en 18S0 par Françoise Dumont, d'Ercé.)
86 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Dans le récit qui suit, il est question d'un homme métamor-
phosé en cochon k cause de son impiété.
Il était une fois un homme qui voulait tuer
son cochon le lendemain. Dans la nuit, il alla
chercher le prêtre pour le confesser et lui apporter
le bon Dieu. Il frappa à la porte du presbytère, et
le prêtre se leva. L'homme lui dit qu'il avait à la
maison une personne sur le point de mourir, et
qui avait besoin de recevoir les derniers sacrements.
— Est-ce qu'elle est bien malade ? demanda le
prêtre.
— Oh ! oui, monsieur le recteur ; je pense
qu'elle ne passera pas la journée de demain.
Le recteur se décida à. suivre l'homme, qui
l'emmena chez lui et prit une lumière, puis sortit
de la maison. Ils marchèrent encore, et le prêtre de-
mandait toujours s'ils n'étaient pas bientôt arrivés.
Enfin ils s'arrêtèrent devant une petite hutte.
L'homme ouvrit la porte et dit au recteur :
— Nous y voici; entrez.
— Malheureux I s'écria le recteur.
Dès qu'il eut dit ces mots, l'homme fut changé
en cochon, et il était si semblable à l'autre qu'on
ne pouvait le reconnaître. Les deux cochons de-
vinrent si méchants que, huit jours après la
métamorphose, on fut obligé de les tuer tous les
deux et de les encaver.
(Conté en 1881 par J. M. Comanlt, du Gouray.)
DE LA HAUTE-UKETAGN
Voici les contes où le cochon joue un râle :
2= série ; La Houle Sainl-Michel, np v (les Kes
voient un coclion) ; La Houle du Lmg-Vd,
tt" xvm (tmie des fëes) ; La Cbomlte mouliiwin,
DP Lni (elle est traînée par des cochons); La
Houle de la Teignouse, n<> m (une fée métamor-
phose en cochon ua homme qui avait dédùgné
sa fiUeuIe).
Dans un coate inédit recueilli aux environs de
MoDContour, des fïes se plaisent i nourrir les
petits cochons d'un fermier.
Une fin de conte très-ft^uente est celle-ci,
qui décrit une grande ripaille:
Les petits cochons couraient par les rues, tout
rôtis, tout bouillis, la moutarde au derrière ou au
eu et la fourchette sur le dos, et qui voulait en
coupait u
CHAPITRE II
LES MAMMIFÈRES SAUVAGES
S I. — GÉNÉK ALITÉS
N retrouve en Haute-Bretagne la plupart
des mammifères sauvages qui vivent dans
la partie moyenne de la France, et dont
les uns habitent les champs, d'autres les forêts.
Celles-ci, bien qu'assez nombreuses, n'occupent
pas, comme celles de l'Est et du Centre, de vastes
étendues ; elles sont médiocrement peuplées, et
les animaux de grosse espèce qu'on y rencontre
le plus fréquemment sont le loup, le sanglier et
le chevreuil. J'ai fait une enquête assez longue,
principalement sur la lisière des forêts de Haute-
TRADITIONS ET SUPERSTITIONS 89
Sève et de Rennes (Ille-ei-Vilaîne), de Bosquen
(Côtes-du-Nord); j'ai interrogé moi-même nombre
de gens, bûcherons, charbonniers, cultivateurs,
et j'ai prié mes correspondants de me commu*
niquer ce qu'ils pourraient recueillir. Le nombre
des faits de superstition qui ont été ainsi cons-^
tatés est, en somme, assez peu considérable. Les
légendes aussi sont peu nombreuses, et cela
concorde tout à fait avec ce qui résulte de l'en-
semble des contes gallots ; les animaux qui sont
les compagnons de l'homme y interviennent
fréquemment, tandis que les mammifères sauvages
ne s'y montrent que rarement, et la plupart du
temps à titre de personnages épisodiques.
Les bêtes sauvages ne vivent pas avec l'homme
comme les animaux domestiques; les rencontres
sont fortuites, et, de part et d'autre, ne sont pas
toujours volontaires. Il est donc naturel que les
documents soient moins nombreux que pour les
bêtes qui sont les compagnes de l'homme, et
vivent parfois sous le même toit que lui*
Ceux qui s'étaient occupés avant moi des
fauves et des mammifères sauvages en général
avaient, eux aussi, trouvé un assez petit nombre
de faits. M. de Gubernatis leur consacre
174 pages, moins du quart de sa Mythologie
:(poîogiquey et M. Eugène. Rolland a pu consigner
en un mince volume le résultat de ses inves-
90 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
tigations personnelles et de celles qu'avant lui
avaient faites dans toute la France, et même
en dehors, les auteurs qui se sont occupés de
ce sujet, alors qu'il avait peine à faire tenir en
deux gros volumes les riches matériaux qu'il
trouvait sur les mammifères domestiques. Il n'est
pas surprenant que mon enquête, bornée à une
seule province, comprenne, elle aussi, un nombre
de pages assez restreint.
On trouvera ci -après la monographie de chacun
des animaux au sujet desquels j'ai pu me procurer
des renseignements.
Il est question de bêtes sauvages, sans désigna-
tion d'espèce, dans les contes suivants de ma
collection ; La Princesse Félicité, n» xxii, 2« série,
est gardée par des bêtes féroces qui ne s'endorment
que de midi à une heure ; U Enfant qui va cher-
cher des remèdes, n© xxxiv, est obligé, pour
parvenir au but de son voyage, de tuer à coups
de flèches une multitude de bêtes qui gardent un
château par lequel il faut qu'il passe.
Dans le grand Géant Grand-Sourcil, Contes de
Marins, no xxii, il s'agit d'aller dans un pays où
le roi des bêtes et s^s sujets dévorent les naviga-
teurs, à moins que ceux-ci n'apportent des vivres
en quantité suffisante pour contenter l'appétit des
bêtes.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 9I
Plusieurs contes, LEnfant qui entend le langage
des biles, 2* série, n» xxv, dont j'ai d'autres va-
riantes, mettent en scène des personnages qui com-
prennent le langage des animaux; dans un conte
encore inédit que j'ai recueilli àSaint-Cast, Petits-
Yeux-voit-clair entend aussi le langage de toutes
les bêtes, et ce don lui sert à éviter plusieurs em-
bûches.
Dans les récits gallots, il est parfois parlé d'ani-
maux fantastiques, tels que la Licorne (conte
inédit où le héros doit ramener Licorne prisonnier
(c'est un nom propre masculin) ; le Dragon,
moitié bête, moitié serpent : celui qui figure dans
Les quatre fils du meunier, i« série, n» viii,
retient prisonnière la fille du roi sur un rocher
au milieu de la mer.
Mais la bête à sept têtes est celle qui se repré-
sente le plus souvent (cf. i^e série, n© xi, Jean-
sans-Peur ; n» xvm. Le roi des poissons ; no xxv,
La Princesse Dangobert, etc.), et le héros doit
couper toutes ses têtes avant d'arriver au but de
son entreprise. Cette bête fantastique, que la
mythologie^ grecque faisait rencontrer à Hercule
dans les marais de Lerne, se retrouve dans
nombre de contes français ou étrangers.
§ IL — MONOGRAPHIES
LA BALEINE (Balena mysticetus, L.)
Superstition
[A baleine ne peut pas avaler de poisson
plus gros qu'un hareng; depuis qu'elle
a avalé Jonas, la gorge lui a apetissé
(S.-C).
LA BELETTE (Mustela vulgarzs, L.)
Noms patois
Belette (P.); hélette (M.); Uron (M.).
Proverbe
— Tête de belette, c'est-à-dire étourdi.
Superstitions
Les belettes portent bonheur dans les maisons.
TRADITIONS ET SUPERSTITIONS 93
Cette superstition, déjà constatée par Habasque, t. I, p. 304,
existe aussi en Poitou (cf. Souche, Croy., p. 3) ; l'antiquité la
connaissait aussi (cf. Plaute cité par Gubematis, t. II, p. 54).
En Basse-Bretagne, au contraire (cf. Galerie brelontu, t. II,
p. 156), le regard de la belette porte malheur.
I
Les belettes viennent super (avaler) les œufs
dans les poulaillers (E.).
LE BLAIREAU (Ursus bibles, L.)
Noms patois
Biéreau (P.)> tesson (Morbihan; G. g.).
l^overhes
— Crier comme un blaireau (M., E., P.).
— Dormir comme un blaireau (P.). — Le
blaireau passe pour dormir six mois de suite.
— r pue comme un tesson (Morbihan ; G. g.).
Cf. Rolland, t. I, p. 49. ,
Superstition
Si on prend la graisse d'un blaireau tué et
qu'on en frotte les souliers d'une jeune fille, tous
les chiens viennent lui pisser sur les pieds. C'est
de cela qu'on menace les jeunes filles en disant :
« Je ferais bien tous les chiens pisser sur toi »
(P.).
94 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LE CERF (Cervus blaphvs)
Lt Cerf dans la littérature orale
Je n'ai aucune superstition locale sur cet
animal, qui est rare en Bretagne ; mais dans un
de mes contes, Les sept garçons et leur sœur,
2« série, no xxvii, les sept frères sont changés en
cerfs, et leur métamorphose doit cesser quand
leur sœur pourra leur placer un mouchoir entre
les cornes.
LA CHAUVE-SOURIS (Vespbrtilio)
"^Noms patois
Souris-chaude ou souris-chauve (M.); souris-
chaoude (S.-D.).
Superstitions
Si une cliauve-souris s'accroche aux cheveux,
on ne peut Tôter, à moins de couper les cheveux
(E.).
Cette superstition existe en Alsace et à Lille (cf. Rolland, t. I,
P-7)-
On les cloue vivantes sur les portes, après les
avoir martyrisées.
On dit qu'elles perdent les murs; c'est pour
cela qu'on les tue (E.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 95
Les chauves-souris passent pour être aveugles
(P.).
Quand les chauves-souris volent le soir, c'est
signe de beau temps pour le lendemain (P.).
Jusqu'à ce qu'on ait vu le soir les souris-
chauves, le beau temps n'est pas revenu (S.-C).
Cf. Rolland, t. I, p. 4.
L'ÉCUREUIL (SciuRus vulgaris, L.)
Noms patois
Chat d'écureuil, chai écureu, écureUy chat ècurouSy
écurieu (M., E.); écurieux, chat d'équeuré (S. -D.yy
chaif-écuréy masc. (P.).
Proverbe
— Grimper comme un chat d'écureuil.
Superstition. — Conte.
D'après M^e de Cerny, le lutin prend parfois
la forme d'un écureuil. Je n'ai pas personnelle-
ment trouvé trace de cette superstition.
Dans La Princesse aux pêches, i^ série, no xiii,
le héros, au moyen d'une baguette, métamorphose
en chevaux rouges deux écureuils qu'il fait
descendre d'un arbre.
96 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LA FOUINE (MusTELA foinâ, L.)
«
Noms patois
Fouène (P.) \ de fouine viennent : fouiner^
fouinasser (finasser), fouinassiery qui agit de ruse.
Dicton
Vers le Mené, pays montagneux du centre de
la Bretagne, où les animaux ont des noms, la
fouine se nomme Jacques, ainsi que le constate ce
dicton, qui fait allusion à la malice de cet animal :
Glaume le Leu,
Pierre le Renard
Et Jacques la Fouèae
Sont treis bons gâs.
LE FURET (MusTELA furo, L.)
Superstition
Le furet suce le sang des lapins ; il dort ensuite
sept heures. Pour le faire s'éveiller, il faut mettre
à l'entrée du trou où il est endormi des feuilles
de parelle (M.).
LE HÉRISSON (Erinaceus europaus, L.)
Noms patois
Hurusson (S.-D.); borue de hérisson (E.}. Ce
DE LA HAUTE-BRETAGNE 97
•dernier nom lui vient de sa ressemblance avec la
bogue, enveloppe épineuse de la châtaigne.
Superstitions
On tue les hérissons, parce qu'on prétend qu'ils
vont téter les vaches (E:, P.). Cette croyance,
qui paraît être générale dans l'IUe-et- Vilaine,
avait été déjà constatée, a On accuse le hérisson
de détruire la santé des vaches, de les téter, de les
faire avorter, et après le part d'empêcher la déli-
vrance de sortir. Si on rencontre cet animal, on
le brûle à petit feu. »
(Bull, de la Soc. prot. des anim.f t. V, p. 524.)
On prétend que le hérisson va se rouler sur
les tas de pommes pour les emporter sur ses épis
et les manger ensuite (P.).
On dit aussi que si une vache, avant d'être
menée au taureau et le jour suivant, pâturait
dans un endroit où a passé un hérisson, elle
serait enhérissonnée et ne se dépêcherait point de
vêler. Aussi on évite de la mettre aux champs la
journée qu'on la mène au taureau et le lende-
main (£.).
Le hérisson donne aux vaches des hérissons^
maladie des jambes, dont elles crèvent (P.).
Le hérisson passe aussi pour venir manger les
canards (P.).
Il 7
98 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
L'HERMINE (Mvstbla erminsa, L.)
Noms patois
Laitiche (E.) ; héleUe (environs de Lamballe).
Superstitions
L'hermine passe pour s'introduire dans les
poulaillers et super les œufs. Elle est si hardie
que, pendant que la poule pond, elle se glisse
sous elle pour être prête à gober l'œuf (E.).
On dit qu'elle dort tout l'hiver (P.).
LE LAPIN (Lsras cunicvlus, L.)
Noms patois
Lapatn (P.). Son trou se nomme taine^ ténière
(M., P.); halot (Morbihan, G. g.).
Proverhes
— ^ Propre comme un petit lapin.
Cf. Rollaiid, 1. 1. p. 91.
— Beau comme un petit lapin.
Cf. Rolland, t. I, p. 90.
Les lapins dans les contes
Dans un conte de marins (I^ bateau qui va sur
terre et sur mer, n© vii), un jeune garçon a pour
tâche de garder trois cents lapins. Il essaie de le
faire à l'aide de l'homme qui, les jambes attachées»
DE LA HAUTE-BRETAGNE 99
attrapait les lièvres à la course ; mais il ne peut y
réussir. Alors une vieille fée à qui il avait donné
un morceau de pain lui présente un sifflet qui fait
les lapins se rassembler et marcher au pas comme
des soldats à l'exercice. Il eut encore d'autres
aventures avec ceux qui voulaient les lui acheter;
mais il en vint à bout et épousa la princesse.
Le lapin figure aussi, mais comme personnage
épisodique, dans L$ Taureau bleu, i^ série, no m
(lapin qui est envoyé pour faire la cuisine).
Dans un conte inédit de ma collection qui
appartient à la série des houles, quatorze frères
protégés àes fées, s'étant un jour amusés à se
changer en lapins, sont tués par des chasseurs.
LE LÉROT (Mtoxvs nitbuil, L.)
Noms patois
GU, On l'appelle aussi un sept-^ormant (prononcé
sédormant), parce qu'il passe pour dormir sept
heures de suite. On confond à la campagne les
différentes variétés du genre myoxus.
Proverbes .
— Dormir comme un glé (M.). Dormir conïme
un loir.
Cf. Rolland, 1. 1, p. 57.
— Gras comme un loir (E.).
100 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LE LIÈVRE (Lipus TiMiotJS, L.)
Noms patois
LieuvCy liève, femelle, îiévresse (E.); hd (S.-C,
M., E., S.-D.).
Proverbes
— En v'ia ua biau lieuve ! (M.) Cela se dit
ironiquement.
— Il n*y a point de vilain li^vrç ni de beau
loup (£.)•
Cf.^dans RoUand, p. 86, un proverbe Iprrftin nnilaire.
— Je suis comme le lièvre : je perds ma
mémoire en courant (S.-C).
Dicton analogue en Poitou (cf. Desaivre, Cn^.^ p. 22).
— Avoir une mémoire de lièvre.
Cf. Roflimd, p. 8;.
— Il en faut cinq jours (deux hectares et demi)
pour nourrir un lièvre. Cela se dît en parlant
d'un mauvais terrain.
— MaiifU (matinal) comme un lièvre (M.)-
— Il a attrapé un biau lieuve (S.-D.). Cela se
dit plaisamment de quelqu'un qui est tombé.
— Fin comme un lièvre (S.-C).
DE LA HAUTE-BRETAGNE lOI
Devinettes
Qpatre courettes.
Deux aiguilles,.
Bistourette au ras du eu (£.)•
— Un lièvre.
Deux petits aigus,
Et bistourette au ras du eu (P.).
— Un lièvre.
Superstitions et Croyances
Rencontrer un lièvre le matin ou le jour d'un
mariage porte malheur (E.).
Cette superstition est ancienne; cf. les textes cités par Rolland,
p. 87, et VÉvangiU des quenouilles, p. 33.
Porter sous l'aisselle gauche une patte de
lièvre ou de lapin est un préservatif contre le
mal de dents (M.).
En temps de neige, le lièvre ne voit pas devant
lui (P.).
Le lièvre passe â la campagne pour sorcier.
Un meunier de Hénon, qui était braconnier,
tira un jour sur un lièvre. Il le vit culbuter et
courut pour le ramasser ; mais le lièvre se releva.
Le meunier tira un second coup, puis un troisième,
et toujours le lièvre faisait le même manège.
— Qu'est-ce que cela veut donc dire ? s'écria
l'homme.
102 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
— Tu n'as qu'à d'couri, courte quette (courte-
jambe), répondit le lièvre; tu ne me tiens
point.
(Conunaiiiqaé par M. E. Homonic.)
Un soir, à la tombée de la nuit, un homme
vit un lièvre qui se traînait comme s'il avait été
pris au lacet. U courut à lui pour s'en emparer ;
maïs quand il approcha, le lièvre s'enfuit. Pour-
tant il s'arrêtait dé temps en temps, et l'homme
courait encore après. Quand le lièvre eut bien
lassé et bien essoufflé celui qui le poursuivait, il
disparut, et l'homme comprit alors qu'il avait eu
devant lui un lièvre-lutin.
(Conté en 1879 par Jean Bouchery, de Dourdain.)
Au Gouray, il y avait autrefois un lièvre qui
passait pour sorcier. On racontait des légendes à
son sujet, et on prétendait que les balles passaient
à travers son corps, et qu'arrivé à un certain
endroit il s'évanouissait.
Un chasseur, qui savait que ce lièvre, après
s'être laissé poursuivre par les chiens, dispa-
raissait à un endroit, — toujours le même, —
alla se cacher près de là, et il vit en effet le
lièvre prendre son élan et sauter dans le creux
d'un vieux chêne.
Un homme qui était à l'affût vit venir un
lièvre ; il tira dessus, et presque aussitôt après il
DE LA HAUTE-BRETAGNE IO3
sentit sur sa bouche comme une poupée de
£lâsse. Il mourut quelques jours après (E.)*
D'après Mme de Cemy (Saint-Suliacy p. 26), le
lièvre à Campion était une sorte de lièvre-lutin
sur lequel les chiens n'avaient point de pouvoir,
•qui se moquait des honmies et paraissait avoir le
don d'ubiquité. Il courut bien des histoires sur
son compte, entre autres celle de Campion.
« Campion était un jeune marin qui, voyant un
soir les Suliacais terrifiés, leur reprocha leur
couardise et promit de rapporter le lièvre mort
ou vif sous trois jours. Campion ne vit point le
lièvre et perdit son pari... Mais un soir qu'il
marchait en rêvant à sa bonne amie, il heurta
-quelque chose du pied et tomba sur le lièvre, qui
s'échappa et alla à dix pas se frotter les oreilles...
Campion poursuit le lièvre, qui se nargue de lui.
Arrivé près du bourg, il saisit une trique et
frappe le lièvre, qui tombe sur le flanc ; mais au
moment où Campion veut le ramasser, il grandit
et, arrachant la trique des mains de Campion, il le
fit s'enfuir sous une grêle de coups. Le pauvre
•Campion entra dans un veillois et tomba évanoui.
Il fut malade ; mais depuis ce temps-là le lièvre
ne reparut plus dans le pays. »
En Berry (cf. Làisnel de la Salle, t. I, p. i$;), le lièvre blanc
liante les carrefours ou se plaît & jouer des tours (cf. aussi ih.^
p. Z77, lièvre-lutin). En Franche-Comté, le lièvre errant d'Auge-
104 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
rans, sur les bords de la Loire, se plaît aussi à hlxt endiver
les chasseurs; on le retrouve aux environs de Valendennes (cf.
Monnier, p. 677).
Dans plusieurs contes gallots, le lièvre joue un
rôle: Le Merle d*or. Littérature orale, p. 58*^
l'c série, Le Géant aux sept femmeSy n© ix ; —
2e série, Le corps sans âme, n© xxvii.
Le domestique loup-garou du conte du Loup-
garou, 2e série, n» xlvii, ne lutte pas avec un
passant, parce que sa mère, étant enceinte de
lui, avait mangé un cœur de lièvre.
Dans La Bdle aux clés à* or (Contes des Marins^
no xm), un chasseur poursuit toute la journée
un lièvre qui s'arrête quand il s'arrête, se
remet en marche quand il marche, et qui, à la
nuit tombante, finit par disparaître dans une
caverne.
Le héros d'un conte inédit de ma collection est
forcé à garder un troupeau de lièvres qu'il doit
ramener le soir à la maison sansN qu'un seul se
soit égaré.
LE LION (Léo)
Les contes populaires en font le gardien des
trésors ou des princesses : c'est entre ses jambes
qu'est la Belle aux cheveux d'or (cf. Le petit roi
Jeannoty i« série, n© i) ; dans une autre variante
DE LA HAUTE-BRETAGNE 10^
îoédite, il s*endort à minuit sur le giron de
« mam'zelle aux cheveux d'or ».
Dans Jean le soldat (Contes des Marins , n» xxi)^
sa mère désirant le perdre, le prie d'aller lui cher-
cher du )ait de la lionne qui est dans la forêt»
Cf. aussi La princesse Dangoberty i^e série, no xxv,.
où les aventuriers qui veulent délivrer la princesse,,
enfermée dans un château suspendu entre le ciel
et la mer par quatre chaînes d'or, saoulent le lion
avec de l'eau- de-vie.
LE LOUP (Camis lupus, L.)
Noms patois
Leu (E., P.). On l'appelle aussi: vilaine hééte
deleit^,).
Surnoms du loup
Quette (potic) grise; G/a«i«« (Guillaume) (P.).
Proverbes
— Fait comme un loup de brousse (de buisson)
(M.), c'est-à-dire mal peigné et mal habillé.
— Cest un loup de brousse.
— Sauvaïge comme un loup de brousse.
— Connu comme le loup blanc.
Cf. Rolland, t. I, p. 114; Desaivre, Croyances, f, 31.
r
I06 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
— Quand on conte (parle) du loup, on en voit
la quoue (£.)•
Cf. dAns Rolland, p. ii8, plusieurs similaires; cf. aussi
Desaivre, p. 21 ; Souche, Prov., p. 3.
— Il n'y a point de vilain lièvre ni de beau
loup.
Cf. un proverbe messin identique, Rolland, p. zxi.
— Avoir une faim de loup ; manger comme un
loup.
Cf. Desaivre, Croy., p. 21.
— Le temps au loup (E., P.) : le brouillard.
Glaume le Lea,
Pierre le Renard
Et Jacques la Fouène
Sont trée (trois) bons gAs (P.).
C'est comme à Trigavou,
Où la chieuve print le loup.
Vojrez dans les Contes popuhiira de la Haute-Bretagne ^ %* série,
La Chèvre de Trigavou^ où l'origine de ce dicton est expliquée. Il
n'est pas d'ailleurs particulier À la Bretagne.
Cf. Rolland, t. I, p. 13$, une histoire picarde sur « Paplenz,
x>ù la Cabre a pris le leu. »
Superstitions et Croyances
L*haleine du loup enroue les personnes qui
•crient sur lui. Si ceux dont le loup emporte les
brebis crient sur lui, il se détourne, et son ha-
leine les fait enrouer.
DE LA HAUTE-BRETAGNE IO7
Quand on voit un loup dévorer les brebis, si
on met dans sa bouche une gousse de cheveux,
on n'enroue pas (P.).
Si le loup aperçoit quelqu'un le premier, celui
qu'il voit attrape un rhume. ou une extinction de
voix.
On dit à quelqu'un qui est enroué : — T'as
vpù rieù 1 — Nonna ; 'était lu qui m'a veû Tper-
mier. Arait mieux faillu que j'I'arée veù l'per-
mier (environs de Lamballe).
(Communiqué par M. E. Eraault.)
En Berry, si le loup voit la bergère avant d'en être vu, elle
«st enrouée ; si elle le voit la première, il perd tout pouvoir sur
le troupeau (cf. Laisnel de la Salle, t. II, p. 129, et aussi
V Évangile cUs quenouilles y p. 47).
Quand une personne est enrhumée à ne pou-
voir parler, on dit qu'elle a ouvert la bouche au
moment où passait un loup, et que le loup lui a
^ioafflé dedans (P.).
Cf. Rolland, 1. 1, p. 117-118.
Le loup sent la poudre, mais non les cartouches
<p.).
On pendait autrefois les loups tués à l'entrée
4es forêts; il y a quelques années, j'ai vu un loup
pendu sur la lisière de la forêt de la Hunaudaye.
A Plénée-Jugon, il y a un loup de Bosquen qui
fait sa tournée le dimanche des Rameaux en
suivant toujours la ligne droite.
\
I08 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
■ —IMII I !!■■■- I W ■ I M ■! Il I - ■ - » ■ ■ ■ ^ ■ ^
Le loup sent les brebis de cent lieues loin (P.)-
Les loups sont de plusieurs espèces. 11 y en a,
qui n*aiment que les brebis : on les appelle loups
herhioux ; d'autres s'attaquent aux chevaux : ce
sont les loups chevalins.
Il y a des mois de Tannée où le loup ne vit
que de vent, et alors il laisse les moutons tran^
■quilles ; d'autres où il vit de sarig ; il les saigne
sans les manger; enfin d'autres où il vit de viande,
et c'est alors qu'il dévore les moutons (P.).
Ils vivent trois mois de chaque manière : trois
sur la viande, trois sur le sang, trois sur l'herbe^'
et trois sur le vent (P.)-
En Berry (cf. Laisnel de la Salle, t. II, p. 129), le loup est
pendant neuf jours affamé, et pendant neuf jours il ne peut
desserrer les dents. En Poitou (cf. Souche, i*rw., p. 3), le'
loup n'a pas toujours la gueule ouverte ; dans ces moments, il
ne peut dévorer les moutons.
Il y a des conjurations contre les loups (E.)..
Voici la seule que j'aie pu me procurer:
Notër-Dame et ses enfants,
Préservez-nous des loups et du serpent.
Et du chien qui court le vent.
(Environs de Moncontour.)
Cf. dans Rolland, p. 124 et suivantes, des conjurations de
divers pays ; en Berry, Laisnel, t. I, p. 229.
Quand on aperçoit le loup, on crie :
Gare le loup I
et il s'en va (P.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE IO9
Ou:
Harzez Tleù (Tréveneuc).
Cf. le breton harx, ar hlei\ : sus au loup ! Cf. aussi pour les
cris': au loup I Rolland, t. I, p. 108.
On raconte nombre d'histoires sur -les loups.
Un jour que mon grand-père revenait de Saint-
Ajibin, où il s'était un petit encbaudeboiriy il se
^ucha dans une châtaigneraie et se mit à dormir.
Tin loup arriva et regarda si le bonhomme
^tait mort; celui-^ ne remua pas. Alors le
loup pissa sur lui et le cacha avec de la feuille
mort^, puis il partit et se mit à hurler. Le bon-
homme se leva et grimpa dans un chêne. Bien
lui en prit, car cinq ou six loups arrivèrent et se
mirent à chercher, et comme ils ne trouvaient
rien, iU battirent celui qui les avait fait venir à
p^ni^ de rien.
(Gottté en 1878 par Aimé Pieore, àe ÎJ&ré.)
Un joueur de violon qui traversait la lande de
Baugé tomba dans une cave qui avait été creusée
pour prendre les loups ; peu après, un loup y
tomba à son tour. Le musicien se mit alors à
jouer du violon, et il joua toute la nuit, car, dès
quH cessait, le loup s'élançait sur lui. duand vint
le matin, il ne restait plus qu'une corde à son
violon.
(Conté en 1879 par Françoise Dumont, d'Ercè.)
Cf. le Biniout Contes J^^ 2« série| ^« t?cvii.
IIO TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Mais les loups ont parfois un rôle qui touche
de près à la sorcellerie ; il y a des gens qui ont le
pouvoir de les faire servir à leurs desseins et de
leur commander ce qu'ils veulent. On les appelle
des meneurs de loups.
Un homme qui revenait de travailler en journée
s'égara dans la forêt ; comme il essayait de
retrouver son chemin, il aperçut un grand feu
près duquel était un bonhomme qui gardait les
loups.
— Que cherchez-vous ? lui demanda le meneur
de loups.
— J'ai perdu mon chemin, et j'ai grand froid.
— Asseyez- vous à vous chauffer sur l'un de
ces escabeaux. Il désignait par là un des loups.
Il s'assit en effet sur l'un d'eux, qui ne bougea
pas. Quand il voulut s'en aller, le gardeur de
loups lui demanda où il désirait se rendre.
— Chez moi, dit-il.
— Je vais te donner deux de mes loups pour
te guider ; mais tu leur fourniras un pain ou
quelques galettes de blé noir.
Le journalier eut si peur qu'il tomba mort à sa.
porte. Les loups y grattaient avec fureur, et la
bonne femme dut, pour les faire s'en aller, leur
donner du pain.
(Conté eu 1879 par Aimé Pierre, de LifTré.)
DE LA HAUTE-BRETAGKB III
Cf. aa sujet des meneurs de loups en HAute-Bretftgne le
conte du Meneur de leupsy a* série, n^ ii.
Une superstition analogue existe dans le Centre (cf. Rolland^
t. I, p. 159, et Martinet, p. 3).
Le loup joue assez fréquemment un rôle dans
les contes gallots; mais en général il n*est pas
des plus fins, et il est souvent dupé. (Cf. i^^ série,
Le Géant aux sept femmes, np ix; Le Loup et le
Reuardy no lvi ; — Littérature oraUy Le Rat et la
Rdiesse, p. 232; Les Loups, p. 237; La Chèvre^
p. 242.)
Dans un conte encore inédit que j'ai recueilli à
Saint-Cast, une fée métamorphose un petit gar-
çon en loup ; mais un jour il surprend celle qui
Tavatt emmorphosé et la force à lui rendre sa
première forme.
LA LOUTRE (Mustbla Lutsa, L.)
Koms patois
Loutre (jaSiSOjMn, M.» E.); chien $eau (P.);
huhr (P.).
LE MULOT (Mvs stlvaticus, L.)
Superstition, — Présage
Il y a une herbe qui chasse les mulots et qui
porte le nom de chasse-mulot. Elle a de grosses
graines et est puante (£.).
112 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Oiiand les nids de mulots fkits sur les sillons
•dans le gU (paille qui reste debout après que le blé
a été scié) sont très-élevés au-dessus du sol, cela
annonce de la pluie ; si au contraire ils sont au
ras du sol, c'est signe d*un temps sec (P.).
LE MARSOUIN (DuraiNus nocxtuk, L.)
Dicton. — QmU
Voilà encore les coquins de marsouins qui
arrivent ; il n'y a pas besoin de quêter du poisson
après eux (S.-C, Tréveneuc).
Dans un conte intitulé Le Marsouin^ 2« série,
09 XVI, un Êiitaud (fée mâle) qui a pris la forme
<le cet animal sauve des pécheurs en danger de
se noyer et les amène à terre, où il quitte sa
forme pour redevenir faitaud.
LA MUSARAIGNE (Soux akanbus, L.)
Noms patois
Mèserangne, miser ange (P.).
Superstition
Lorsque la musaraigne passe sur le dos d'un
•cochon, elle le fait crever. C'est pour en préserver
les bestiaux qu'on met du haut houèe (sureau)
dans les étables (P.)*
Cf. snr le rftle malfaisant de cet animal RoUâsd, 1. 1, p. 18-19.
DE LA I^AUTE-BRETAGNE II3
Si une musaraigne passe par un sentier où se
trouve un homme, elle crève aussitôt (P.).
L'OURS (Ursus arctos, L.)
Nom patois
Ourse. Ce mot est toujours féminin.
L'ours n'existe plus en Bretagne, probablement
depuis les temps préhistoriques.
JJOwrs dans les contes
Il figure dans plusieurs contes populaires : dans
Blanche neige (Contes des Marins ^ n» xiv), un ours,
qui est un jeune homme métamorphosé, vient se
chauffer au feu l'hiver.
La Peau d'ourse^ autre conte de marins inédit,
est un jeune prince qui, pour se déguiser, a revêtu
une peau d'ours.
Dans un conte inédit de ma collection, une
femme qui va chercher sa fouée au milieu des
bois, emportant avec elle ses enfuits, voit un
ours ; elle se sauve et laisse tomber l'un d'eux,
qui est élevé par l'ours, et devient fort et velu
comme une bête.
LE PUTOIS (MusTSLA pvtorh;», L.)
Noms patois
Chat-pitois, pitois.
II 8
114 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LE RAT (Mus rattus, L.)
Nom patois
Le féminin est parfois rdtesse (E.) ; le piège à
rats s'appelle ratouère ou couyé (E.).
Proverhes
— Puer comme un rat pourri-mort.
Cf. Rolland, t. I, p. 22.
Gros comme un rat,
Méchant comme un chat (D.).
— Pris comme un rat dans un couyé (E.).
Cf. dans Rolland, t. I, p. 61, un provetbe poitevin similaire.
Superstitions et Croyances
Il y avait jadis des gens qui menaient les rats
et les souris (E.).
Il y a du monde qui mènent les rats. Ils vont
à leur besogne et ne paraissent pas les mener;
mais où ils vont, les rats viennent.
Un homme des environs d'Ercé avait, dit-on,
^ ce pouvoir. Un soir qu'il passait, une femme lui
dit:
— N'est-ce pas, Hougrie, que vous ne menez
point les rats? Ce sont des mentiries, pas vrai?
Hougrie ne répondit pas ; mais les rats man-
geaient tout chez la bonne femme.
DE LA HAUTE-BRETAGNE II5
Un an après, Hougrie passa par là, emmena les
rats, et ils ne revinrent plus.
(Conté en 1880 par Françoise Dumont, d'Ercé.)
Dans la Manche, la même croyance existe (cf. Rolland» Marnm.
sauv.y p. 23 ; A. Bosquet, p. 283). Elle existait au moyen Age,
et au xYii" siècle Thiers la citait comme superstition courante.
Le rat figure comme personnage dans plusieurs
contes gallots (cf. Le Rat et la Râtesse^ dans Litt,
orale, p. 232, et la mort du Rat, n© lvi des Contes
populaires, i*"* série). Dans ces deux contes, le rat
étant mort, tous les objets de la maison, ainsi
que les animaux, se mettent à se réjouir.
D'après un conte inédit de ma collection, un
petit garçon ne doit pas grandir jusqu'à ce qu'il
ait fait sa marraine et son parrain se tenir le
ventre à brassées à force de rire. Cela arrive un
jour où, monté sur un rat, il veut le mener boire
à la rivière.
Dans un conte de marin que j'ai recueilli à
Saint-Cast, les rats et les souris, ayant ouï dire
qu'il n'y avait point de chat en Alger, s'y font
porter par un capitaine; mais comme ils ne
savaient pas le langage dts rats du pays, ceux-ci
les tuèrent jusqu'au dernier.
Dans Le château suspendu dans les airs, Contes
des Marins, n° xviii, le héros arrive au royaume
dos rats et des souris. C'est un rat qui, en fourrant
Il6 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
sa queue dans la bouche de celui qui avait dé-
robé la tabatière magique, permet au héros de la
reprendre.
Plusieurs contes gallots que j'ai en portefeuille
parlent de pays où les rats et les souris étaient
si nombreux, qu'on ne savait comment s'en dé-
barrasser; survient un garçon qui apporte un
chat et fait fortune en les détruisant. Cest, avec
des variantes assez importantes, le thème du cé-
lèbre conte de Grimm : Les trois héritiers chanceux.
LE RENARD (Cahis vulpbs, L.)
Noms patois
Rmd (S.-D.); go^pih petit renard (G. g.);
renarder (M.), agir avec ruse.
Proverbes
— Faire le renard (M., E.); faire l'école
buissonnière.
Cf. Rolland, t. I, p. 165 ; cf. aussi Souche, Proverbes^ p. 4.
— Dans sa piau mourra le renard, à mains
qu'i' ne set écorché tout en vie (M.).
Cf. dans Rolland, p. 168, plusieurs proverbes similaires.
-Glaume le Leu,
Pierre le Renard
Et Jacques la Fouène
Sont trée bons gâs (P.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE II7
Croyances et Contes
Quand on voit le renard rôder autour des
poulaillers, on lui crie :
Ta renard 1 ta renard I
Et il s'en va bien vite (P.).
Le renard jouait déjà un rôle dans les récits
gallots du xvi« siècle, ainsi que le constate un
passage de Noël du Fail.
« Et ainsi occupés à diverses besongnes, le bon-
homme Robin... commençoit le conte de la
cigogne, du temps que les bestes parloient ou
comme le renard desroboit le poisson [aux
poissonniers] ; comme il fit battre le loup aux
lavandières lorsqu'il Tapprenoit à pescher. »
(Propos rustiques et facétieux ^ p. 41.)
Le premier passage fait sans doute allusion à
un conte encore très-populaire en Haute-Bretagne :
le renard, voyant des charrettes chargées de
morues, court devant et fait le mort ; les chane-
tiers, pour avoir sa peau, le jettent sur les morues ;
alors le renard en fait tomber quelques-unes par
terre et saute dextrement de la charrette pour
aller les mai^er.
Je n*ai pas trouvé trace du deuxième conte
cité ; mais le renard joue souvent des tours à son
compère le loup. Cf. dans mes Contes populaires ^
irc série, le n® lvi, dont voici une variante :
Il8 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Il y avait une fois un renard et un loup qu
jouaient ensemble à se faire tourner. Le renard
tira sur la queue de son compère si fort qu'il la
lui écourta.
Le loup se mit en colère, et le renard lui dit :
— Je sais où il y a une forge où l'on remet les
queues. Viens avec moi.
Le maréchal fit chauffer un fer, et quand il fut
bien rouge, il le mit sous la queue du loup, qui
s'enfuit en hurlant.
Q.uelque temps après, le loup rencontra le
renard et lui dit :
— Tu m'as joué un mauvais tour ; aussi, si tu
ne me trouves pas à manger, ja te croquerai à
mon dîner.
— Je sais bien, répondit le renard, un endroit
où il y a des andouilles.
Qjiand ils se furent emparés d'une andouille,
le renard la portait par un bout, et le loup par
l'autre.
Tout d'un coup, le renard s'écria :
— Voici des chasseurs !
Et il tira violemment sur l'andouille que le
loup avait dans la gueule; il la lui enleva et
monta dans un arbre.
Il se mit à la manger, et le loup, qui était au
pied, ramassait les miettes et disait :
— Oh ! que ces miettes sont bonnes l
DE LA HAUTE-BRETAGNE Il6
— Les grosses sont encore meilleures, répon-
dait le renard du haut de son arbre.
Le loup se mit en colère, et il alla chercher ses
«compères pour se venger du renard. Ils accouru-
rent, et comme ils ne pouvaient grimper, il fut
convenu que Courtaud — c'était celui qui avait la
queue écourtée — se mettrait dessous, debout et
les pattes de devant appuyées sur le tronc, et
que les autres grimperaient sur ses épaules jus-
qu'à ce qu'ils fussent arrivés à l'endroit où se
tenait le renard.
Il n'en manquait plus qu'un pour l'atteindre,
quand le renard se mit à crier :
Maréchal d'ahaut.
Apporte vite un fer chaud
Pour le eu à Courtaud.
Le loup, qui croyait encore sentir le fer rouge
qui l'avait brûlé, eut une telle peur qu'il se laissa
tomber sur ses pattes et se sauva à toutes jambes.
Les loups tombèrent les uns sur les autres, et ils
attrapèrent le pauvre Courtaud, qui fut étranglé
par ses compères.
(Conté en 1880 par Jean Pion, de Gosné, ftgl de treize ans.)
Cf. parmi les contes français où le loup et le renard sont mis
«n scinj : Webster, Achèria^ Le Renard^ et Bladè, Lou lou peujat,
conte de l'Armagnac. Oi^ peut aussi consulter les curieux cha-
pitres de La Mythologie \oologique de M. de Gubernatis, t. Il,
consacrés au loup et au renard, et La Faune populaire de M. E.
Rolland, Les Mammifères sauvages^ où se trouve dans un conte
(lorrain ?) l'épisode final du conte gallot.
120 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Mais le renard est aussi dupé à son tour, et
assez fréquemment (cf. le Merle et le Renardy
ire série, no lix ; Le Colimaçon et le Renard, dans
Liit, orale y p. 237).
Le renard figure encore, mais à titre de
personnage épisodique, dans Moitié de coq, 2^ série,,
no un.
Le petit roi Jeannot, i«« série, n© i, met en
scène un renard secourable qui n'est autre que
rame d'un pauvre que le héros du conte a fait en-
terrer. Dans une variante inédite, le renard est, non
plus une âme, mais une fée. Un autre conte du
même type fait secourir le héros par un renard
auquel il a donné un morceau de pain.
Un de mes contes inédits, intitulé Le marquis
de CarabaSy diffère en plusieurs points importants
de celui de Perrault; le rôle ordinairement dévolu
au chat y est rempli par un renard.
LA^ SOURIS (Mus musculus, L.)
Expression patoise
m
Souricer veut dire tromper (M.), et aussi prendre
des souris (en parlant des chats) (M.).
Praverles
— Éveillé comme une souris, ou éveillé comoid
une pochée de souris (M.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 121
— Les souris mterront (entreront) dans la mef
(la huche). Cela se dit d'un ménage où Thomme
— couvercle de la met — est plus petit que la
femme (E.).
La souris dans les contes
Dans un conte inédit, une fée se transforme ea
souris grise pour se venger; elle touche â un
morceau de lard, et aussitôt il se forme autour
d'elle une tente qui est fermée à dé. La fille de
la maison l'ouvre par curiosité, et la souris grise
s'en échappe. Elle avait pouvoir sur la fille jus-
qu'à ce que celle-ci eût dix-huit ans accomplis»
Elle essaie de la faire pécher par curiosité ; mais
n'ayant pu y réussir, elle doit rester encore mille
ans en souris grise.
Plusieurs contes parlent du royaume des rats et
des souris (cf. la page 115 du -présent volume).
LA TAUPE (Talpa buxop^, L.)
Nom patois, — FormuJetU
Taâpe (P.).
Les taupes chantent, dit-on :
SiKe mmi en.
duatid les taupes font leur taupinière, on dit*
qu'elles houUnt,
\
122 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Dictons
— Il sera bientôt labouré par les taupes. Il
mourra bientôt, ou : Les taupes vont lui passer
■sur le dos.
Cf. dans Rolland, t. I, p. ii, des dictons analogues.
— Noir comme une taupe (S.-C).
Cf. Rolland, p. 1 1 (Saintonge et Suisse romande).
Si taupe voyait.
Si sourd entendait.
Homme sur terre ne resterait (M., E.).
Cf. Rolland, p. 13, et Mil., col. $$$ (Nantes).
Si taupe verrait,
Si sourd oyait,
N'y aurait pas d'homme sur terre (P.).
Croyances et Superstitions
Les taupes sont sorcières ; elles ne se laissent
pas prendre, et elles font endéronner (enrager) les
fermiers (Hénon). On dit à la campagne : « Ceux
•qui les attrapent les mènent bien. » Si un fermier
ne fait pas prendre les taupes de son champ
^juand le taupier est dans le champ voisin, son
<:hamp en est écrasé (£.).
Les branches de sureau chassent les taupes. Il
y avait jadis des gens qui menaient^ c'est-à-dire
amenaient les taupes dans les champs de ceux
auxquels ils en voulaient (E.).
WÊ
DE LA HAUTE-BRETAGNE I25
Le sang de taupe guérit les cors, les verrues et
les loupes, si Ton se frotte avec. J'ai connu des
personnes qui y croyaient fermement (E.).
Cf. sur les vertus curatives du sang de taupe. Souche, Croy.,
p. 26 ; Desaivre, Croy.f p. 8 (Poitou), et Rolland, p. 13.
Q.uand les taupes poussent en hiver, c'est signe
de dégel.
Pour avoir de la chance au jeu et gagner à tous
coups, il faut tuer une taupe en amour, lui ôter
tous ses os un à un, et les mettre dans un
ruisseau qui vient d'une fontaine ; l'un de ces os
remonte à la source, et c'est celui-là qui porte
chance (P.).
En Beny (cf. Laisnel de la Salle, t. I, p. 284), un os de taupe
placé sous Faisselle gauche préserve des maléfices.
^i^m^
CHAPITRE in
LÈS OISEAUX DOMESTIQ.UES
5 I. — GÉKÉRALITëS
l'inverse des mammifères, dont les plus
riches au point de vue légendaire sont
'ceux qui vivent avec Thomme, les oiseaux
domestiques m'ont fourni bien moins de faits que
les oiseaux sauvages. Il est juste d'ajouter qu'ils
sont en plus petit nombre, et le coq est le seul qui,
en raison du rôle qu'il joue dans la sorcellerie
rustique et dans les contes populaires, soit le
sujet d'une monographie un peu étendue. Il est
plus rarement parlé des autres.
Presque tous cependant servent à présager le
TRADITIONS ET SUPERSTITIONS 125
I _ 11.1 I ■ a I I I III ,
temps qu'il fera, et les paysans ont confiance en
•ces pronostics. Ce rôle de baromètre n'avait pas
échappa à Noël du Fail, judicieux observateur
^es coutumes de la campagne, et il le constatait
en ces termes :
« QjLiand les poules ne se retirent sous le cou-
vert pendant la pluye, d'assurance elle continuera.
Les oyes et canes se plongeant continuellement
<en l'eau sentent la pluye prochaine. »
. (NQël du FAa> 1. 14 p. 33.)
Ainsi qu'on le verra d-après, ces pronostics,
auxquels croyaient les Gallots du xvi« siècle, sont
-encore des articles de foi pour leurs descendants
lacdiels.
A Matignon, on désigne sous le nomé&voUirre
<vole à terre) l'ensemble des oiseaux de basse-
cour.
#^^^^$^;^^#
S n. — MONOGRAPHIES
LE CANARD (Anas domestica)
Noms patois
Aux environs de Dinan, les jeunes canards se
nomment cani, canoriy les jeunes canes canettes.
On donne aussi aux canards les noms de : gouri,
gourèy gourin (D.).
Pour désigner les canards en général, on dit :
« les canes ».
Pronostic
Qpand les canards se plongent à plusieurs
reprises dans l'eau, c'est signe de pluie (S.-C).
Langage dont on se sert pour leur parler
On dit aux canards pour les appeler :
Gouri, gouri, gouri (M., E., P.).
Ou:
Hattaï, mon gonrin,
Mon gouri, mon gouré ;
Hattaï, mon coco (Calorguen).
TRADITIONS ET SUPERSTITIONS 12J
Pour les faire se coucher :
Musse, musse, musse,
Musse, mes petites.
Musse (S.-C).
A ma connaissance, le canard ne joue dans le.<r
contes populaires gallots qu'un rôle épisodique ;.
dans plusieurs récits où la fille du diable, de l'ogre
ou du sorcier est poursuivie par son père parce
qu'elle se sauve avec un homme, elle se change
en cane et transforme l'homme en canard.
LE COQ. (Gallus domisticus)
Noms patois
Co\ pouliauy poulet, iplundpwiliaoux (E., M.);
piopio (P., M.).
En chantant, les poules cadaquent (M.) ; trocohni
(E.) ; quédaquent (Plouvara). Elles disent alors :
Cot I cot I cot 1 cotas 1 (M.)
Ou:
Quédac 1 quédac (Plouvara).
Quand elles viennent de pondre, elles s'écoqail-
lent (M.). Lorsque le coq fait : quet 1 quet ! pour
appeler la poule à pondre dans un nid qu'il vient
de faire, il se met à écoà^locher (S.-D.).
Le coq chauche les poules (M.).
L'œuf qu'on laisse pour que la poule retourne
;128 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
pondre se nomme Vénija (S.-D.), Vanijoir, le
nichet ; fixer la poule dans un nid en y laissant
un œuf se dit enijer (S.-D.).
Par suite de trop grands efforts pour pondre,
la poule perd parfois sa ponoère (S.-D.) ou ponasse
^E.); son boyau se retourne et devient pendant.
La pépie se nomme poupie (E.).
Pour empêcher les poules de gratter la terre,
<m les eng*llaounette en leur mettant aux pattes
des entraves faites avec des ronces. Ces entraves
:se nomment des g'IIaounés (S.-D.).
Les poules grabeîlent le fumier pour y trouver
leur vie (S.-D.),
Les poules ont des noms d'après leur aspect
extérieur : on appelle Petite clmpée celle qui a sur
la tête une huppe ; Petite nère, la noire ; Petite poule
hassettey celle qui est basse sur jambes; Poulette
jaune, la jaune ; la VergeUe, celle qui est chinée ;
la VérUy la Gâre^ la noire et blanche ; la Favoris^
celle qui a une sorte de barbe, etc.
Pour appeler les poules, on leur dit :
Petit 1 petit 1 petit I
Pour les chasser :
Cheù 1 cheù 1 (P.)
Chou 1 chou-d 1 (S.-D.)
D*oû échouter les poules, les chasser.
DE LA HAUTE-BRETAGNE I29
Pour les faire se coucher :
Joug, joug, joug,
Mes petites,
Joug, joug I (S.-C.)
Quate, quate, quate (P.).
On appelle nijous de poules ou anijotous de
poules les hommes qui s'occupent à des ouvrages
<de femme.
. Langage du coq et de la poule
Trois coqs sont chacun dans Taire de fermes
différentes :
Ah I que l'hiver est long I
s'écrie le coq d'une moyenne ferme.
Nous le passerons,
répond d'une grosse voix le coq d'un fermier cossu.
Ben en ahanant,
dit d'une voix grêle le coq d'un petit fermier (E.) .
Cf. Sauvé, Proverbes bretons, n* 264.
— Que Thiver est long,
— Qjii qui rpass'ront ?
— Ceux qui pourront (P.).
Dialogue entre deux coqs :
Que l*hiver est long I
— Tébahis pas.
J'ai du blé dans mon gâspas (débris de paille)
[(S.-C).
n 9
130 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
— J'embrasse quand je veux.
— Tu es bien heureux I (E.)
— I* y a des filles à marier sez nous ;
— r s'marieront tantôt (P.).
Cf. Laisnel de la Salle, t. I, p. 205.
On traduit le langage de la poule par :
Je ponds pour Piques.
En Bcrry, la tiaduction est la même, sauf que Jacques est
substitué & Pâques (Laisnel de la Salle, I, p. 222).
Proverbes et Dictons
— Au temps jadis où les poules pissaient par
la patte (E., M.).
— Au temps jadis où les poules pissaient dans
n'un bassin (E.).
Ces deux dictons, qui désignent une chose
invraisemblable, sont assez fréquemment employés
comme commencement d-^ contes.
— Les poules donnent les œufs par le bec
(Penguilly).
— Le labour d'une poule : un petit champ (E.).
— Emprunté comme une poule do iun (un
seul) poulet (M., E.).
— r fait d'z yeux comme une poule qui perce
un sas (E.).
— Tendre comme une poule de deux jours
(E.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE I31
— Le champ oit chanter le coq. Il est près de
la maison.
— Un bon coq vaut sept poules.
— Jamais bon coq ne fut gras.
— La poule n'ennoblit pas le coq (M.).
A la campagne, le coq est souvent employé
comme désignant le mâle qui féconde, d'où les
dictons suivants :
On dit à une femme qui n'a pas d'enfant :
Vot' co' ne vaut fen. — Vous n'ez point l'air
d'avaï un bon co*.
D'un homme qui a beaucoup d'enfants, on dit
au contraire : C'est un bon co' (E.).
— Il n'est ni de coq ni de pie (Calorguen). Il
n'a pas d'opinion, ou il ne veut pas la dire.
— Honteux comme une poule mouillée (E.).
Dicton similaire en Poitou (cf. Desaivre, Croy.^ p. 25).
Poule qui chante,
Fille qui subie (siffle)
Ht coq qui pond,
A la maison tout y fond (E.).
Pou!e qui chante.
Coq qui pond.
Amène le diable dans la maison (P.).
Fille siffler.
Poule chanter.
Et coq qui pond.
Trois diables dans la maison (P.).
132 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Devinettes
Je ne suis pas cavalier, et j*ai des éperons ; j'ai
une couronne, et je ne suis pas roi; je dédare la
guerre, et je signe la paix (S.-C). *
— Le coq.
Cf. Rolland, D. 51.
En m'en revenant du bourg d'Ercé,
J'ai trouvé un eu renversé
Qli'avait un peigne sur la tête.
Devinez quelle bête (E.).
— Un coq.
Q^i a plus de mille pièces sur le dos sans une
seule couture ?
— Une poule.
Qjai n'a ni chai' ni os.
Et qu'a une petite chemise blanche
Qfii n'a ni couture ni manche ?
' — Un œuf.
Cf. Rolland, D. 66 (Dordogne).
Une petite maison qui n'est ni liée ni che-
vronnée, et qu'est pleine diqu'au faîte.
— Un œuf.
Cf. Rolland, D. 64-6$ ; Cerquand, t. Il, p. 7$, E. 43 ; Sauvé,
D. 44 ; Bladé, D. 97, xao.
Q}ii est-ce qui entre blanc et qui sort jaune ?
— Un œuf.
Cf. Thuriaolt, p. 21s ; Rolland, D. 61.
DE LA HAUTE-BRETAGNE I33
Croyances, Superstitions et Présages
Jjss œufis pondus le vendredi saint doivent
Être mangés pour se dicarémer (S.-C.)*
Si les poules mangent de la graine de chanvre,
elles cessent de pondre et se mettent à cottver
(E.).
Si on jette les coques d'oeufs dans le feu, cela
empêche les poules de pondre (P.).
Grojrance analogue en Poitou (cf. Soucbè, Fnw., p. 14).
Il y a des moments de l'année où l'on ne met
pas les poules à couver. En mars par exemple,
on prétend que la coque des œu£s est trop dure
et que les œufs ne peuvent éclore.
Le nombre d'œufis qu'on met à couver ne doit
pas être pair.
Snpentition analogue en Poitou (cf. Souche, Croj.^ p. 6;
DesaiTre, p. lé).
Les poulets mis à couver le jour de la Saint-
Jean sont plus beaux que les autres, et ils profi-
tent mieux (E.).
Les coqs couvés par des pies chantent toutes
les heures (S.-C). Les poules couvées par les
pies ^ont méchantes (E.).
On met un morceau de fer sous les nids pour
empêcher les poulets d'être tués dans l'œuf par
le tonnerre (E.).
134 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Si les couvées ne réussissent pas, on dit que
c'est à cause des orages.
Cf. des superstitions analogues en Franche-Comté (Mél.f col.
371); en Poitou (Souche, p. 6).
Quand les poulets commencent à devenir
grands, la poule va caqueter avec le coq et
délaisse ses petits, auxquels elle répète :
Troquons, troquons.
Les poussins répètent :
Ça fait pitié 1 ça fait pitié ! (E.)
Si on donne du pain bénit à une poule, cela la
rend enragée (E., P.).
Si on donne du pain aux poules, on prétend
qu'elles sautent à la figure de celui qui le leur a
donné (P.).
Qjiand on voit la poule faire la poudrettây c'est-
à-dire se rouler dans la poussière, c'est signe de
pluie (S.-C). Si, au moment où commence la
pluie, les poules se hâtent de se ramasser, la
pluie sera de peu de durée (P.).
Pendant les avents, les coqs folîenty c'est-à-dire
qu'au lieu de chanter aux heures habituelles, ils
chantent à toute heure. Ce changement d'habi-
tudes est d'un mauvais augure, et on croit y voir
un présage de mort. Cette superstition existe
aussi dans le Morbihan gallot; voici, un peu
DE LA HAUTE-BRETAGNE I35
abrégée, la partie du conte intitulé Clémence de
Cancoêt où elle est rapportée.
Clémence était une jeune fille qui servait
<x)mme femme de chambre au château ; ordinai-
rement gaie, elle tomba en langueur et dépérit.
La cause de son mal était bien petite pourtant :
^lle avait entendu chanter le coq à minuit, ce
qui, dans sa croyance, était une signifiance de
mort, et elle n'avait osé confier cela à personne.
Une nuit que la cuisinière la veillait, le coq
chanta.
— Allons, dit la Fanchon, T/7a cor nof coq qui
Jolie; on voit ben qu'on est dans Vs avents... Heureu-
sement que ça va finir ; demain f tenons J' dernier
dimanche t et nof coq va s* régler.
— Cest'i sûr? demande Qémence.
— Sûr, répond la cuisinière.
Et à preuve elle lui raconte une histoire à la
fin de laquelle elle ajoute que, si pendant les
avents les coqs chantent à toute heure, c'est la
mort des maitres qu'ils annoncent, et non celle
des domestiques.
(Fouquet, Légendes du Morbiharty p. 138-146.)
En pays bretonnant, le chant du coq avant aiinait est 'd'un
sinistre augure ; il annonce la mort ou quelque calamité
(Galerie hreionnej t. I, p. i;9).
Quand les poules cJxintent le coq, c'est d'un
mauvais présage. La poule qui chante ainsi chante
136 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
sa mort ou celle de soa mattre; on doit la tuer ou
il arrive malheur (P., S.-C).
Q.uand une poule chante le co',
Il £siut la tuer aussitôt,
Ou elle crève comme un pot (S.-C.),
Superstition connue aussi en Normandie (cf. A. Bosquet,,
p. 219 ; Mèlusine, col. 47) ; en Poitou (cf. Desaivre, Lt Coq, U
PouU et l'Œuf ^ 1876); dans les Vosges (Mr/., col. 498); en
Franche- G>mté (Perron, p. 19) ; dans le Berry (Laisnel de la.
Salle, t. II, p. 238). Voyez aussi à ce sujet Roulin, Hist. na$.,,
?• 337 > Gubematis, Mythologie jpoiogique, t. II, p. 299.
« Cette superstition, dit-il, est très-répandue en Italie, ea
Allemagne et en Russie, et Ton croit généralement qu'il fiuit
tuer sur-le-champ la poule, si on ne veut pas mourir avant elle.
La même croyance existe en Perse. »
On prétend que certains œufs plus petits que
les autres sont pondus par les coqs ; si une poule
les couve, elle fait éclore des serpents (E., M.).
A Saint-Brieuc, on dit que ce sont des dragons»
Cette superstition est connue dans les Hautes-Pyrénées (cf.-
E. Cordier, p. 34); en Normandie, où cet œuf se nomme
eodrill* (ycjei de curieux détails dans A. Bosquet, p. 207); ta
Berry (cf. Laisnel de la Salle, t. I, p. 196-198).
Quand un coq pond un œuf, il faut que celui
qui voit Tœuf le premier crie : « Basélic ! basélic I »
Si c'est le coq qui voit l'œuf le premier, il sort
de l'œuf un haUlic ; c'est une sorte de bête qui
mange les gens auxquels le coq appartient (S.-C).
Si un f/lin (reptile) attrape un œuf de coq et
DE LA HAUTE-BRETAGNE 137
qu'il le couve, il en sort une bote qui a des yeux
tout autour du corps. Si elle voit un homme la
première, il meurt immédiatement ; si au contraire
un homme la voit, elle crève aussitôt.
Il y avait une fois une de ces bêtes qui était
dans le fond d^un puits, et toutes les personnes
qiii allaient y puiser de Teau mouraient sur-le-
champ. Un monsieur des environs, qui en enten-
dît parler, fit faire une glace qu*il plaça sur le
puits ; il regarda dedans et vit la bête, qui creva
aussitôt.
(Conté par J. M. G>nuialt, du Gonray.)
Quand on tremble les fièvres, il faut casser un
œuf par vm bout et le porter dans une fourmilière :
à mesure que les fourmis le mangent, la fièvre passe
(P.).
Le coq et la poule dans les [superstitions et dans les
contes
Certaines poules noires sont fées. Voici, à ce
sujet, une histoire que j'ai entendue en 1872.
Les enfimts d'un fermier qui venait de mourir
se partageaient à l'amiable sa succession. Pendant
qu'on faisait les lots, une poule noire rôdait
autour des héritiers et chantait d'une Éiçon assez:
distincte ces mots: « Qui qui m'prenra? qui quî
m'prenra ? » (qui est-ce qui me prendra ?).
138 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Un des enfants entendit le langage de la poule
•et comprit qu'elle était fée ; aussi s*enipressa-t-il
de la faire mettre dans son lot. Il la nourrit avec
soin et n'entreprend, 'dit-on, aucune affaire sans
la consulter (S.-C).
On dit aussi que les poules noires qui sont fées
ou sorcières pondent tous les matins un œuf et
une pièce de cent sous.
Les poules noires à crête rouge chient l'argent.
Si quelqu'un a perdu de l'argent, les poules
noires lèvent la tête en haut pendant la nuit ; le
diable vient leur fourrer cet argent dans le eu ;
les sorciers la rattrapent, et ils l'emmènent chez
«ux.
On dit en proverbe : « Tu es comme une poule
noire; tu chies l'argent », ou bien: « Il a une
poule naïre qui lichie l'argent », ou : « Il a la poule
noire ».
(Conté par Joseph Legendre, de Saint-Brieuc-des-I&, 1880.)
La croyance au pouvoir surnaturel des poules noires existe
«nssi dans les Hautes-Pyrénées (cf. Cordier, p. 69) ; en Basse-
Bretagne (cf. Souvestre> p. 187); en Berry (cf. Laisncl de la
■Salle, t. II, p. 240).
D'après Gïllin de Plancy, cité par Monnier, p. 672, le juif
Samuel Bernard, banquier de la cour, mort à qualre-vingt-diz
ans en 1739, avait, dit-on, une povile noire qu'il soignait
«xtrèmement. Il mourut peu de jours après sa poule, laissant
trente-trois millions.
Un homme qui passait dans un champ à trois
DE LA HAUTE-BRETAGNE I39
cornières, où il y avait deux échaliers à franchir,
vit une poule noire qui se montrait devant lui
chaque fois qu'il voulait passer un des échaliers.
Cela lui fit très-peur (S.-C).
Quand on lève la charpente d'une maison, on
tue un coq qu'on mange ; s'il n'y a pas de coq à
la maison, c'est une poule qu'on tue (E.).
A la NeuviUe-Chant-d'Oisel, oa sacrifiait jadis un coq pour
consacrer l'édifice (cf. Baudry, ap. Mèlusine, col. 12). Cette
coutume existe aussi dans l'Allier, (Mèl., col. 72).
Voici ceux de mes contes publiés où le coq et
la poule jouent un rôle : i^e série, Le Chat y
no LVii ; — 2e série, Moitié de Coq, n» lxi ; Les
trois petites Poules, no lxii.
Dans un conte inédit que j'ai recueilli à Saint-
Cast, un petit garçon ayant mangé une poule qui
appartenait aux fées de la Corbière, est changé en
coq pour sa punition.
Dans deux contes inédits, semblables quant au
dénoûment, mais qui diffèrent par les détails,
un garçon, qui n'a pour héritage qu'un coq, va
dans un pays où on allait chercher le jour dans
des charrettes ; il dit aux gens que sa bête a le
jour dans le gosier, et il la vend un bon prix.
I4d TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LE DINDON (Mblea<^is gallo rivo)
Nom patois. — Proverhe. — Conte
Co' d'Inde.
On dit : Orgueilleux comme un dindon. C'est
pour cela que lorsqu'on veut \t faire agacer, on^
lui crie :
Plus rouge que toi 1
Dans Césarine, up xxvii, i« série, lliéroïné
garde les oies et les dindons.
L'OIE (Amas amsbr dombstictjs)
Noms patois. «^ Langage
Un dit une houdSy au pluriel des houds âi
aspirant 1'^^ Ceux qui se piquent de bien pailâ'
disent une :(pie; on dit aussi dés cdsaques (M.)l
Le mâle se nomme jds ; les petits des ptrotofii; les
oies adultes des pirottes ou pirots (S.-C); de
piroton vient le verbe pirotonn&r (E.), tourner tout
autour.
Les oies couaquent quand elles crient (M.);
caqueni (S.-C.).
Poiir appeler les oies, on leur dit :
Piro, mes petites,
Piro, pîro, mes petites (S.-C).
1
DE LA HAUTE-BRETAGNE I4I
Les oies chantent :
GUaque, saque, saque,
La grand'mère à Jacques (S.-D.).
C'est pour cela qu'on les appelle parfois des
Proverhes
— Bête comme une oie.
■ Cf. Soaché, Prw.j p. 14.
— Les pirotons mèneront vantiez (peut-être)
les houâs ès-champs (M.). 'Sont les pirotons qui
veulent mener les houâs.
«
— Les oies de Bécherel et les piquots de
Dinan.
Je ne sais à quelle circonstance fait allusion ce
«licton.
— F touche les houâs : il va de travers ; il est
ivre (M.).
— Ce que les houâs n'witendent pas, les murs
le répètent (E.).
— Qjiand une personne allonge le cou et
qu'elle a la figure niaise, on dit qu'elle a « l'air
oie » (M.).
— Marcher comme un piroton (M.).
— r court comme un p'tit piroton (S.-D.).
142 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Tronostic. — Formulettes
Quand on voit les oies battre âits ailes et
caquer,-on dit : « J'arons du vent » (S.-C, P.).
Quand il neige, on dit :
V'ià la petite bonne femme qui plume ses houis.
Ou :
V'ià saint Nicolas
Q)ii plume ses houâs (M.).
Saint Thomas qui plume ses houâs,
Saint Christophe
Qjii les met à la broche,
Et saint Crépin
Qui les mange au matin (D.).
L'Oie dans les contes
Dans mes contes populaires, il est assez rare-
ment parlé des oies, qui n'y figurent que comme
personnages épisodiques; c'est ainsi que dans
Césarine, no xxvii, i^e série, les oies tournent
autour d'elle en chantant :
Casaque, saque, saque 1
La jolie petite paturette de houâs que j 'avons.
Les fées du GuiîdOy n© xi, 2^ série, ont des oies.
Dans un conte du type, très-fréquent, où il
s'agit de remonter sur terre sur le dos d'un oiseau,
l'oiseau est une grosse oie, qui est ici substituée
à l'aigle ou au corbeau.
DE LA HAUTE-BRETAGNE I45
LE PAON (Pavo)
Proverbes
— Fier comme un paon.
On dit d'une personne orgueilleuse : — C'est
un paon.
J*ai connu sur le littoral de la Manche bre-
tonne deux personnes, le mari et la femme, qui
étaient appelés, Tun le Paon et Tautre la Paonne
(panne), parce qu'ils avaient fait une rapide
fortune dont ils étaient quelque peu glorieux.
LE PIGEON (CotuMBA domestica)
Noms patois
Le pigeon domestique s'appelle />a/^//«' (E.) ou
pigeon de palette; la femelle pigeonne (Morbihan,
G. g.).
Pronostic. — Chant
Quand ils roucoulent beaucoup, c'est signe de
beau temps (E.).
Le pigeon a un chant peu varié ; il dit :
Coue I coue 1
Coue I coue 1
Fou I (P.)
144 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Lt pigeon dans les contes
Voici quelques contes où le pigeon joue un rôle :
ire série, no xiii, La Princ&sse aux pêches (pigeons
■employés comme courriers) ; n© lx, Les Souliers
rouges (la Vierge fait avec les os d'un petit garçon
un pigeon blanc) ; — 2* série, n© xxvi, Petite ha-
guette, grand pigeon auquel il faut toujours
donner à manger ; no xxxvm. Point du jour (pi-
geons reconnaissants).
CHAPITRE IV
LES OISEAUX SAUVAGES
S I. — GÉNÉRALITÉS
UAND les oiseaux — qu'on nomme en
patois oisé et oisiau (au singulier, on pro-
nonce comme s'il y avait un h aspiré),
ou un xpi^eaity un goê:^o^ au pluriel des hoistaoux^
ou des ga^iaux — font entendre leur cri, on dit
qu'ils cuitent (M.) ou cuîqiieni (S.-D.), et l'on
entend les mèros dire à leurs enfants : « Écoute
les oisiaux qui font cuit ! cuit I »
« Tout oiseau a son langage », disent les
paysans, et ils l'interprètent à leur manière... Ils
attribuent à chacun de ces chanteurs ailés des
phrases qu'ils récitent ou qu'ils modulent, en
II
10
146 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
imitant leur chant ; mais ils se contentent d'ap-
proximations. Presque toutes ces interprétations
sont en vers, faiblement rimes, souvent pauvres
d'idée; pourtant il en est qui, comme une des
formulettes de l'alouette, sont de véritables prières
et ne sont pas dépourvues d'une espèce de poésie
rustique. D'autres sont moqueuses ou font allusion
aux contes dont les oiseaux sont les héros.
Ainsi qu'on le verra ci-aprè^, ils jouent un
rôle important dans les légendes et aussi dans la
superstition, et l'on tire de leurs manières d'être
des pronostics et parfois de véritables augures.
Les oiseaux présagent le temps, et leur altitude
est observée par les gens de la campagne. Noël
du Fail l'avait déjà constaté en ces termes :
« Les oyseaux... vous monstrent d'aucuns
signes futurs, avec autres pronostiqz, que avez de
nature et par commune coustume aprins, comme
le héron, triste sur le bord de l'eau et ne se
mouvant, signifie l'hyver prochain ; l'arondelle
volant près de l'eau prédit la pluye, et volant en
l'air le beau temps. Le geay, se retirant plus tost
que accoustumé, sent l'hyver qui approche. Les
grues volans haut sentent le beau temps et
serain. Le pivert infailliblement chante devant la
pluye. La chouette chantant durant la pluye
signifie temps beau et clair. »
(Noël du F.iil, t. I, p. 31, éd. Assézat.)
DE LA HAUTE-BRETAGNE I47
Le jour de Saint-Joseph est celui où les oiseaux
des champs se marient (E.).
Dans les chansons populaires, les petits oiseaux
sont souvent cités; les contes les mettent fré-
quemment en scène. J*ai indiqué à la mono-
graphie de chacun les contes où ils figuraient
nommément ; en d'autres, ils sont désignés sous
le titre général de petits oiseaux ; le rôle qu'on
leur prête est presque toujours sympathique.
Dans Rodotnonty ire série, n© XLvm, ce sont eux
qui révèlent au mari de Mariton le nom que le
diable lui avait fait oublier ; dans Les petits souliers
rouges y Liit. orale, p. 224, ils crient à la petite fille :
Tu cuis ton petit frère.
Ce sont eux qui découvrent (Le Taureau bleu,
no m) la supercherie de la fille qui s'était coupé
les pieds pour entrer dans la petite pantoufle.
Dans un conte de marins inédit, tous les petits
oiseaux, en voyant Décampe arriver, se mettent
à crier : — Té 1 té I té ! te voilà, Décampe.
L'oiseau bleu qui figure dans le conte de ce
nom, i« série, n© xiii, se laisse mettre en cage,
et il porte écrit sur ses ailes en lettres d'or :
« Celui qui mangera ma tête sera roi ; celui qui
mangera mon cœur trouvera tous les matins de
l'or sous son oreiller. »
Une variante inédite de ma collection parle
148 TRADITION^ ET SUPERSTITIONS
d'un petit oiseau qui avait sur son aile : « Celui
qui mangera mon cœur aura tous les matins cecit
écus sous son oreiller. »
Dans Li château suspendu dans Us airs (Contes
des Marins, n» xvm), le marin, héros du conte, a
pour beau-frère le roi des oiseaux, qui lui indique
où est le château suspendu dans les airs, et k
fait transporter par un aigle vorace.
Dans un autre récit, le prince garde des oiseaux
qui ont sur la tête une épingle ; quand on la lear
ôte, elles deviennent de belles demoiselles.
Sur les tnuiitioiis relatives axa. oiseaux sauwges, cm peut con-
sulter GubernatÎB, Mythologie ^oologifue^ et Rolland, Les Oittâu»
sauvages.
s n.
MONOGRAPHIES
L'AIGLE (AaviLA, Bnason)
Nom paioif
OUR les paysans gallots, aigle est toujours
fémîxûn.
Croyances
On dit que le roi des oiseaux, c'est Taigle; pour-
tant, ainsi qu'on le verra plus loin à l'article
TrogJodyiCy cette royauté lui est contestée.
Quand un pâtour en aperçoit un, il se hâte de
s'enfuir avec son troupeau; mais l'aigle court
après lui, et en descendant il lui crie :
Sauve-toi ou ne te sauve pas,
Tu vas être bientôt en fricot
Sur une souche de bois (S.-C).
VmgU dans Us eontts
L'aigle âgure dans plusieurs de mes contes
gallots (cf., v^ série : Lt capUaim Pierre^ no v, où
150 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
une vieille aigle ramène le héros à la surface de
la terre).
Dans le conte inédit de Décampe^ c'est un vieil
aigle vorace qui transporte le héros par dessus les
mers jusqu'à la ville de la princesse des Mon-
tagnes-d*Or.
L*ALOUETTE (Alauda arvensis, L.)
Formulettes
Les formulettes de l'alouette sont assez nom-
breuses, et quelques-unes sont de véritables
prières; aussi on assure qu'elles prient le bon
Dieu le matin (£.).
Les pâtours disent aux alouettes :
Alouette, alouette.
Monte en haut.
Pour dire à Notre-Seigneur
D'nous accorder un peu de son Chaud,
Pour nos pauv' petits pâtourîaux,
Qjii n'ont ni robes ni mantiaux,
Ren qu'la quoue de lous p'tits agneaux,
Qfii n'est pas encore toute à eux,
Q}ii est à Robin Piedevache,
Qui nous m'nit, qui nous m'nace,
Qjii nous dit que la verge était su' le banc
Pour nous fouetter jusqu'au sang.
Et que la mailloche était dans la fenét'e
Pour nous cotir l'os de la tête.
DE LA HAUTE-BRETAGNE I5I
Je m'fourris dans un p'tit pertus ;
Je croyais que le bon Dieu y fût.
.Mais non, i' n'y avait que madame Sainte qui trope
Qpi m'a battu de coups de sa poche (cuiller).
Et qui me dit, si j'y retournas,
Cheveux j'y laisseras.
Et j'y retournis,
Cheveux j'y laissis (S.-C).
Cf. une fbnnalette du pays de la Hague dont le commence-
ment est analogue (M«7., col. S}8).
Alouette, alouette.
Monte en haut,
Pour attirer le temps chaud
Su' les p'tits pâtouriaux,
Q]ii n'ont ni cotte ni mantiaux (E.).
Alouette, monte en haut ;
Amène une brouée de ton chaud
Pour tes petits pâturiaux
Qpi n'ont ni robes ni manteaux,
-Qui n'ont que la queue de leurs agneaux,
Qjii n'est pas encore à elles,
Qjii e^t à la pie qui est sur le banc,
Qjii défouit jusqu'au sang,
A la corneille qui est sur Thussé (la porte)
Q]ii dit que c'est un bienfait (P.).
Ainène du chaud
Pour nos p'tits pâturiaux
Q}ii n'ont ni robe ni mantiaux,
Ren qu'la quoue des p'tits aigniaux
152 IRADllIONS ET SUPERSTITIONS
Qpi n'est pas encore à eux ;
Olle est aux filles du roi
KIb, kerll, kerli, kerli, ki.
(Emirons de Moncontonr.)
Les alouettes disent en volant en Tair :
Tu m'oublies,
Tu m'oublies.
Tu m'oublies 1
Quand elles sont bien haut, elles disent :
Ouvrez-moi la porte dujparadis»
Je ne pécherai plus {ter).
Qpand elles sont descendues :
Mille diables, que j'étais haô (haut) t (E.)
Si elles sont haut, elles crient :
\ Je n' jurerai p'us (ter).
Je jurerai cor (ter),
disent-elles quand elles sont descendues (E.).
En montant elles disent :
Mon petit soleil, aide-moi à monter.
Mais en descendant, elles répètent :
Couyon I couyon I (S.-C.)
Cf. Rolland, t. Il, p. 209, où plusieurs formnlettes relatives
à Palouette sont rapportées. Laisnel de la Salle, t. I, p. 234-
32$, dit qu'en Berry Talouette s'élève dans les airs et demande &
saint Pierre d'entrer dans le panulis :
Pierre, laisse-moi entrer;
DE LÀ HAUTE-BRETAGNE l^$
Jamais pka ne faiit'Kii,
Jamais plus ne faut'rai.
Mais il parait que l'entrée du paradis lui a été refusée, parce
que quand elle descend, elle chante de dépit :
J'faut'rai, j'faut'raî, j*faut'rai f
Cf. aussi dans Desaivre une formulette de l'alouette (Myib.
'^^'» P* 9) ; quelques pages de cet ouvrage sont consacrées à
l'alouette.
On assure encore qu'elles disent :
Dieu a bon soin des champs dans c*pays-ci ;
Chez nous la récolte est mangée par les souris (S.-C.)»
LA BÉCASSE (Scolopax rusticola, L.)
Noms patois
Bégasse (E., M., P.).
Les grosses bécasses, qui se trouvent en général
dans les. fossés remplis de feuilles, se nomment
feuiUardoires (M.).
Proverbe
— Année de bégasses, année de coucou3 (E.)»
LE BOUVREUIL (Loxu pterhi^aX
Nom paieit
Bouvreu (M., P., E.).
FormuletU
Cet oiseau picote les boutons des pommiers et
154 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
■ ■ I 11 I I ■ ■ ^. ■■■ ■ ■ ■ I II ■ ^^»^^»^— ^^M^^
les arrache; c'est pourquoi il dit aux personnes
qui sont à le regarder :
Trinque, trinque.
Je tire le cidre, moi I
Je tire le cidre, moi I (P.)
Nicolas Guillau,
Qji'a vendu sa femme pour un maquériau.
Et l'a à racheter pour un brin de porée,
Nicolas Guillau (S.-C).
LA CAILLE (CoTURNix comkukis, Bonnaterre)
Proverbe
— Chaud comnie une caille.
Cf. Rolland, t. Il, p. 336.
FormuletUs et Croyances
Les cailles disent :
Bout pour bout 1
La caille a appris aux maçons à mettre les
pierres en place. Un maçon était à faire un mur,
et il ne savait comment s'y prendre pour faire
tenir une pierre; une caille qui était derrière lui
cria :
Bout pour bout I
tx le* maçon sut comment faire tenir sa pierre (E.»
Plévenon).
DE LA HAUTE-BRETAGNE I$$
Elles disent encore :
Sème du blé na (noir),
Pour que je m'régale une fa (fois) (S.-C).
Chique taba' (tabac),
Chique taba' (S.-C).
Paye tes dettes.
Paye tes dettes (P.).
Identique en Beny (Laisnel de U Salle, t. I, p. 2x2).
En pays breton :
Pemp guennek 1
Dialogue entre deux cailles :
Paï (poil) d'carotte,
Paï de carotte.
L'autre répond :
Mais ouah 1
Mais ouah I
La première reprend :
Ah I garce 1
Autre :
Ah ! garce 1
N'y a pas d'taba*.
Ah I dame, sia (oui).
Ah I dame, sia.
L'autre répète toujours :
Mais ouah !
Mais ouah 1
156 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Ah I garce !
Ah 1 gfirce i
Ah I àtme, sia I
Ahl dzmç, sia I (P.)
Dicton et Croyances
Plus la caille carcaille,
Plus chère est la semaille (lUe-et- Vilaine),
Le grain (i) vaut dans Tannée autant de francs
le demeau que la caille répète son chant de fois.
Quand elle chante pendant les foins, c'est ce que
le foin vaudra (E.).
Plus il y a de cailles, moins le grain est cher (E.)-
La même croyance existe en Toscane (cf. Gubernatis, t. II,
«92); en Poitou (cf. Desaivre, M)ih. locale, p. 13); dans le
Maine, les Hautes-Alpes, etc. (cf. Rolland, t. II, p. 344) ; en
Berry (Laisnel de la Salle, 1. 1, 222).
On dit que la caille « bannit » le prix du blé ;
autant de fois elle répète son chant, autant de fois
le blé vaudra de pièces de cent sous. L*amîée où
le blé monta jusqu'à 45 fr., me disait une bonne
femme, la caille chantait neuf fois (S.-C).
LE CANARD SAUVAGE (Anes boschus, L.)
N(m pûim
Morette (S.-C).
(i) Gros grain : elles chantent davantage à ce moment que
quand il y a du bl£ noir.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 157
La Cane de Montfort
Le canard sauvage ne joue, à ma connaissance
du moins, aucun rôle dans les superstitions ; mais
il figure dans une des légendes les plus populaires
de la Haute-Bretagne, celle de la Cane de Mont-
Jort.
Montfort fut surnommé Montfort-la-Cane jus-
qu'en 1790. Officiellement, la ville s'appelle
Montfort-sur-Meu ; mais beaucoup de personnes
disent encore Montfort-la-Cane. Chateaubriand
donne une version du miracle de la cane, auquel
la ville doit, dit-on,^son nom : « Certain seigneur
avait renfermé une jeune fille d'une grande beauté
dans son château de Montfort. A travers une lu-
carne, elle apercevait l'église Saint-Nicolas; elle
pria le saint avec àos yeux pleins de larmes, et elle
fut miraculeusement transportée hors du château.
Mais elle tomba entre les mains des serviteurs du
félon, qui voulurent en user comme ils supposaient
qu'aurait fait leur maître. La pauvre fille éperdue,
regardant de tous côtés pour chercher du secours,
n'aperçut que des canes sauvages sur l'étang du
château.
« Renouvelant sa prière à saint Nicolas, elle le
supplia de permettre à ces animaux d'être témoins
de son innocence, afin que, si elle devait perdre
la vie sans pouvoir accomplir son vœu à Saint-
I$8 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
^^^^^^™^^ ' ■ I ■■ I M il ^»^^— ■■■■■Il I I ■ . I . . ■■■II. ^— ^^^^^ I l IBIMH
Nicolas, les oiseaux le remplissent eux-mêmes à
leur façon, en son nom et pour sa personne. Par
la permission divine, elle échappa des mains des
soldats sans aucune offense, mais elle mourut
dans Tannée. Or, voici qu'à la fête de la trans-
lation des reliques de saint Nicolas, le 9 de mai,
une cane sauvage, accompagnée de ses petits
canetons, vint à l'église de Saint-Nicolas. Elle y
entra et voltigea devant l'image du bienheureux,
pour l'applaudir par le battement de ses ailes,
après quoi elle retourna à l'étang, ayant laissé
un de ses petits en offrande. Quelque temps
après, le caneton s'en retourna sans qu'on s'en
aperçût.
« Pendant trois cents ans, et plus, la cane, tou-
jours la même cane, est revenue à jour fixe, avec
sa couvée, dans l'église du grand saint Nicolas de
Montfort, sans qu'on ait jamais pu savoir ce
qu'elle devenait le reste de l'année. »
^Mémoires d'Ouire-Tombe.")
Cf. aussi Oresve, Histoire de Montfort. Montfort, 1858.
Dans la jeunesse de Chateaubriand, on chantait
une chanson dont il cite quelques vers. Elle a
été recueillie par le docteur Roulin, et figure
. à la page 1 3 des Instructions relatives aux poésies
populaires de la France. Celle que j'ai recueillie est
très-différente de celle du docteur Roulin :
DE LA HAUTE-BRETAGNE I59
\
LA FILLE DU PAYS DU MAINE
Cest une fille du pais (pays) du Maine ;
Voilà les soldats qui remmènent.
Sa mère était à la coiffer ;
Elle ne fut pas plutôt coiffée
Que les soldats Font emmenée.
Le père s'en va les poursuivant.
— Soldats, rendez-moi va ma fiUe ;
Je vais vous compter cinq cents livres.
— Non, ta fille tu n'auras pas,
Les compterais-tu. mille fois ;
JTons promise à not' capitaine ;
Il faut donc qu'on la lui mène.
Quand Tcapitaine la vit venir,
De rire ne pouvait se tenir.
— Est-ce ici donc la jolie fille
Que mes soldats m'ont tant promise?
— Tenez, capitaine, la voilà ;
Faites-en ce qu'il vous plaira.
— Portez-va la dedans ma chambre ;
Ce soir nous parlerons ensemble.
A toute marche que la belle montait,
Son petit cœur il soupirait.
— Est-ce ici la maudite chambre
Où il faut que mon Dieu j'offense?
l60 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
— Ton Dieu tu n'offenseras pas ;
Not* capitaine est un brave homme ;
Il ne fait de peine à personne.
Quand elle fut seule dans ce lieu,
Elle se mit à prier Dieu,
A prier Dieu et Notre-Dame,
Ah ! que de fille elle devînt cane.
La belle elle a tant prié Dieu
Que sa prière a eu aveu :
S'est envolée par une grille
Dans un étang plein de lentilles.
Le capitaine dit aux soldats :
— Allons voir si elle est là-bas !
On lui tira cinq cents coups d'armes :
N'ont jamais pu tuer la cane.
Le capitaine dit dans le lieu :
— Si j'avais su ma mie si sage.
Je l'aurais prise en mariage.
(Chantée en 1880 au château de la Saudraîe par Joseph André,
de Trébiy.)
LE CANIARD (Stercorasjus, Brisson)
Nom patois
Canids (M).
DE LA HAUTE-BRETAGNE l6l
Proverbes
— Estoma' d'caniâs (M.).
^ Manger comme un caniâ (M.).
Le caniard est à juste titre renommé pour sa
voracité et la capacité de son estomac.
Croyance.
Le caniâ cousse (poursuit) les mauves pour
manger leur fiente (S.-C).
LE CHARDONNERET (Frihgilla cardueus)
Noms patois
Cherdonnette, clxirdonneîU (M.) ; cher donner et
^E.) ; chierdonnet (P.) ; echerdonneite (M.) ; chardon"
nadoré (Tréveneuc).
Formulette
Le chardonneret dit :
Mélie,
Qjiiou ! quiou 1 (S.-C).
Conte
Dans un conte populaire, 2* série, no xliv,
L'instruction et le Jugement, il est question d'une
fée qui a été changée en chardonneret.
II II
l62 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LE CHAT-HUANT (Stmx otus, L.)
Noms patois
m
Chouhan, chouan (M., £., S.-D.).
Proverbe
— r sont environ li comme la pie après le
chouhan. C'est peut-être à cause de son mauvais
cœur que Ton dit cela.
Cf. le Bpugê-Gorge.
Formulettes
Le chat-huant dit à la chouette :
Coucherai-je avec vous ?
Elle répond :
Je le souhaite, je le souhaite, je le souhaite (S.-C).
Cf. le Petit-Duc.
Veux-tu que j'irais coucher o ta ?
— Oui, oui, oui (P.)'
Parfois la chouette lui répond :
Mais ouah, mais ouah.
Après elle change ; elle dit :
Qji'éoui, qu'éoui.
Après cela, je ne sais s'il y va.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 163
Ou encore elle dit aux gens en hiver :
Coucherai-je o (avec) vous ? {bis)
Ah I haie, coucherai-je o vous, vous, vous? (P.)
Croyances et Présages
Les chouans sont des oiseaux de mauvais
augure ; leur cri répété annonce la mort.
Rqnsard constatait cette croyance : « Les chouans annonceurs
de mauvaises nouvelles ». Même superstition en Basse-Bretagne,
où le chat-huant est surnommé hucheur de nuit (cf. Dulaurens
de la Barre, Veillées de l'Armor.^ p. 20 et suiv.).
On les cloue à la porte des granges pour dé-
tourner les maléfices.
Cf. Rolland, t. II, p. 43.
Le chant du chat-huant annonce le froid. Il en
est de même de celui de la chouette (Plédran).
Chouan est synonyme de blanc ou légitimiste.
Dans riUe-et- Vilaine, pour désigner un légitimiste,
on dit parfois qu'il « a de la plume aux pattes ».
En 1877, je faisais partie d'un bureau électoral,
et un paysan, après avoir voté, me demanda s'il
y avait « beaucoup de plume dans l'urne »,
voulant par là désigner les bulletins du candidat
réactionnaire.
On appelle aussi chouan un homme sournois
(S.-D.).
164 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Facétie de marin. — Conte
Il y avait à la houle de Chêlin un chat-huant
qui criait : Houhou 1
Un capitaine qui passait auprès avec son navire
crut qu'on lui demandait où il allait.
— A Bréhat, répondit-il.
— Houhou I répéta le chat-huant.
— Chargé de triques et de fagots pour le gou-
vernement.
— Houhou I
— Abré au trou ? (Je ne sais ce que cette
ligne veut dire; mon narrateur ne le savait pas
davantage.)
(Conté par F. Marquer, de Saint-Cast.)
Dans L'enfant qui va chercher des remèdes, 2* sé-
rie, no XXXIV, Therbe qu'il s'agit de conquérir
est gardée par un chat-huant.
LE CHEVALIER CU-BLANC (Totahus ochrofus,
Temmlnck)
Nom patois. — Pronostic
Cu'bîanc (S.-C).
Q.uand les cu-blancs rasent la terre, c'est signe
de vent.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 165
LA CHOUETTE (Strix ulula, Leach)
Dicton. — Pronostics
— Malin comme une chouette.
Opand les chouettes chantent le soir, c'est
signe de beau temps (£.). Si la chouette chante,
c'est qu'elle Sifret es pieds (P.).
Superstitions
Quand les chouettes viennent sur les cheminées,
elles disent :
Coudre 1 coudre 1
indiquant que c'est pour coudre l'homme dans
son linceul. A chaque fois qu'il y a une personne
malade, elles vont sur la cheminée (S.-C).
*
Superstitions analogues en Normandie, dans le Limousin, etc.
(cf. Rolland, t. II, p. 47-48).
« Dans les campagnes aux environs de Cha-
teaubriand, on croit que les vieilles filles sont chan-
gées en chouettes après leur mort. Un soir, un
paysan qui s'en revenait d'une partie de grillons
(cretons) entend une chouette qui s'envole à tire-
d'ailes. — Je parie que c'est Tiennetle qui
perchait là, s'écrie-t-il. Je lui avais toujours dit :
« Tiennette, marie-toi ; marie-toi donc, ma Tien-
« nette. » Si elle m'avait cru pendant qu'elle
l66 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
vivait, elle ne serait pas toutes les nuits à cJjouetter
dans le brou des vieilles troènes. »
(Histoire et légendes de Chateaubriand, p. 37-38.) .
Dans les Vosges, on dit que les filles qui arrivent k trente ou
quarante ans sans être mariées vont crier la chouette (cf. Mél.f
col. 4J4).
CORBEAUX ET CORNEILLES (Corvus, L.)
Ncifns patois
Corbiaou (Tréveneuc) ; corhin (S.-C.)> ce mot
vieillit; cônilîe (M., E.); cornille (S.-D., P.).
On appelle morelle ou cornille morelle (P.) une
espèce de gros corbeau qui vit isolé et qui pour-
suit les corbeaux qui vont par bandes. Ceux-ci
n'osent pas l'attendre et s'enfuient (S.-D.).
• Proverbe
— N'y a point d'cônille qui ne trouve ses cô-
nillons biaux (M.).
Superstitions. — Langage
Si les corneilles parvolent (volent çà et là par
groupes), c'est qu'elles demandent de la pluie.
Cf. Rolland, t. II, p. iio (Franche-Comté, Gironde, etc.).
Q.uand un seul corbeau vient dans un champ
où se trouvent des corneilles, elles s'enfuient,
car elles ont peur de lui (Hénon, près Moncon-
tour).
DE LA HAUTE-BRETAGNE ï6j
Quand les corbeaux restent longtemps à chan-
ter dans un endroit, qu'ils picotent autour de la
maison, c'est signe que quelqu'un mourra dans
les environs (S.-C, E.). Ils crient :
Tagar 1 tagar I
On dit que les corneilles, quand elles sont dans
le voisinage d'un malade, disent :
J't'areu, j't*areu (je t'aurai).
J't'attends.
Couac ! bougre I bougre 1
Si quelqu'un est mort, elles disent :
Est-i ben gros ?
I n'a qu'la piau
Et les rouchiaux (E.)*
Là est gras ?
Les pies répondent :
N*y a que du sieu (suif).
Quand elles font entendre une sorte de grin-
cement, on dit « qu'elles scient des châsses »
(bières).
Quand elles sont à grabaler l'avoine, l'une dit :
Qjie c*est gras I que c'est gras I
— Pas là,
répond une autre.
— Mais sia I (oui)
disent les autres (P.)*
l68 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
On crie aux corneilles dans les champs :
Cônille pigaloue,
Le feu est sous ta quoue.
Vad (voici) Guimolet,
Do son pistolet.
Cônille pécaloue,
Fourre-li Pfeu sous la quoue.
Dans les environs de Brest, on dit aux corbeaux
pour les chasser ;
Corbeau, corbeau.
Le feu est dans ta maison.
Cf. dans Rolland, t. Il, p. 113-115, plusieurs formulettes qui
diffèrent de celles-ci.
A Landébia, canton de Plancoët, existe la
croyance que les corbeaux ne grattent jamais ni
ne mangent les blés de Landébia, tandis qu'ils ra-
vagent ceux des communes voisines. Cela tient,
disent les gens du pays, à ce que jamais les
veuves de Landébia ne se remarient. Et ils
content à ce sujet la légende d'une veuve à qui
il arriva malheur pour avoir voulu convoler â de
secondes noces.
Il y avait une fois un galant qui était trop
petit pour embrasser une fille. Une corneille qui
passait lui cria : « Camber-la ! » (courbe-la), ce
que fit le galant (P.).
Le corbeau dans les contes
Dans un conte inédit de ma collection, le roi
DE LA HAUTE-BRETAGNE 169
des corbeaux, pour récompenser le héros d'un
service rendu, lui donne une plume de son aile,
et il vient à son secours quand il en a besoin.
M™« de Cerny a recueilli à Saint-Suliac une
légende dans laquelle Satan, pour tourmenter les
habitants du village bâti dans la forêt de Scicey,
autour du tombeau de saint Colomban, leur
envoya des corbeaux. J'ai reproduit cette légende
en l'abrégeant, t. I, p. 363-36$ du présent ou-
vrage.
LE CORMORAN (Cauo corhoiumvs, Meyer)
Superstition
Le cormoran est un oiseau de mauvais présage ;
certains pêcheurs disent :
Qjiand on les voit sur les rochers,
La marée est manquée.
Plusieurs rochers sur les côtes de la Manche se
nomment la Cormorânière.
LE coucou (Cucutus camorus, L.)
Nom patois
Cocu (P.), rarement employé. Surnom : le pa-
rmi (S.-C).
lyO TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Proverbes et Dictons
— Maigue (maigre) comme un coucou.
Cf. Rolland, t. II, p. 88.
— C*est.un bric-à-brac à faire descendre les cou-
cous des chênes (M.). C'est une invention inutile.
On dit d'une personne qui a les yeux rouges et
malades, qu'elle a les yeux rouges comme un
coucou (S.-C).
Croyances, — Superstitions. — Formuîettes
La, gomme que distillent certains arbres se
se nomme merde de coucou (M.).
M&me nom en Poitou (cf. Desaivre, Croy., p. 27).
L'époque où arrive le coucou se nomme cahée
(pluie de peu de durée) du coucou (S.-D.).
On lui dit :
Coucou, coucou,
Ramène le temps doux.
(Recueilli en Bretagne par M. £. Rolland.)
Qiiand on l'entend, c'est signe qu'on est tiré
d'hiver (P.).
A l'arrivée du coucou, on dit : — Le coucou est
venu ; qu'est-ce qui' dit ? — Ah ! i' n'a ren appris
de nouviau (P.).
A l'époque des foins, on lui dit :
Méfie-toi de ma faux.
Coucou ;
Je te coupe le cou.
DE LA HAUTE-BRETAGNE I7I
Ou:
Va-t'en aller, coucou.
Ou gare ma faux; je te coupe le cou (S.-C).
Quand le coucou étend ses ailes, on lui crie :
José,
Mets tes voiles au se (sec).
Le ramier et le coucou parlent ensemble (E.)»
Le coucou dit :
Coucou, coucou,
Qjiat' coucou (P.).
Ou:
Cocu, cocu,
Quat' cocu (P.).
Coupe tout I coupe tout 1
Sac et tout (Le Gouray).
Qjiand le coucou est prêt à partir, on dit :
A la Saint- Jean,
Cocu, va-t'en.
Il répond :
Donnez-ma encore cin' jou's d'aller ;
A la Saint-Pierre je m'en irai (P.).
Si, la première fois qu'on entend le coucou
chanter, on est à jeun, on mourra de faim dans
Tannée (S.-C); quand on Tentend avant de
déjeûner, on ne mange pas de caillihotes (caille-
botes) de Tannée (P.). Si, la première fois qu'on
172 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
— ^^™ ■ - I ■ llll II -IM M ■ [■^■^^■^M^— I II M^»^^»^^^^ ■! ■ MMM
l'entend, on est à faire ses besoins, on aura
pendant toute Tannée un dérangement de corps
(S.-C).
Qpand on entend chanter le coucou pour la
première fois, on regarde combien on a d'argent
dans sa poche, car on dit qu'on aura toute
l'année autant d'argent qu'on en a sur soi ce jour-
là (M., E., etc.).
Si l'on n'a pas de monnaie dans sa poche, on
est gueux toute l'année (S.-C).
Croyance analogue dans les Vosges (cf. MéL^ col. 452), en
Poitou (cf. Desaivre, Myth. locale^ p. xi), et on peu partout (cf.
Rolland, t. II, p. 92).
Lorsque les pêcheurs partent le matin pour la
pêche et qu'ils entendent chanter le coucou avant
qu'ils n'aient déjeuné, ils disent :
Nous pouvons nous en aller,
Car nous somm* bien faînes (ensorcelés) ;
Nous avons ouï Tparent chanter,
Et nous n'avons pas déjeuné (S.-C).
La première fois que le coucou vint en
Bretagne, il fit son nid comme les autres oiseaux ;
puis, tout joyeux, il alla se promener dans une
prairie. Une charretée de foin lui passa sur le
corps et lui cassa les reins : c'est pour cela qu'il
a le derrière cassé et qu'il vole lourdement.
Depuis ce moment, il s'en va quand les foins sont
mûrs (M.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE I73
A Ercé, on dit en proverbe : « Les coucous
n'aiment point entendre battre les faux. »
Ou bien : « Le coucou n'est pas heureux ; n'on
va batt'e les faux ; ça leus agace les dents ; les
coucous vont s'en aller » (E.).
Quand le coucou entend les faux qu'on
aiguise, il s'en va, de peur d'être sané (châtré)
par les faucheurs (environs de Bécherel).
Le coucou a peur des faux, et il s'en va parce
que jadis il a été blessé d'un coup de faux (S.-C).
Cf. sur le départ du coucou une légende assez semblable à la
première dans la Myth. locaîe de L. Desaivre, p. 10.
Facétie
Deux marchands qui allaient à Rennes, enten-
dirent le coucou chanter :
— Le coucou chante pour ta, dit l'un à son
compagnon.
— Non fait, 'est pour ta, répondit l'autre.
— Si fait, 'est pour ta.
— Nonna, 'est pour ta.
Ils continuèrent à se disputer, et quand ils
furent arrivés à Rennes, ils allèrent chez un
avocat auquel ils demandèrent de les mettre
d'accord. Q.uand ils eurent expliqué leur af&ire,
l'avocat leur dit :
— Ce n'était point pour vous que le coucou
chantait ; c'était pour moi.
174 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
— Ah 1 nous en sommes bien aises. Combien
est-ce pour votre consultation ?
— C'est six francs, répondit l'avocat, pour qui
le coucou avait chanté (E.).
Dans plusieurs des facéties où les Jaguens sont
mis en scène, il est question du coucou.
L'ÉPERVIER (AcciPiTBR nisus, Pallas)
Noms patois
Éprévier, espervier, épurvier, épruvier (E.); es-
perveîier (Tréveneuc, cf. le breton sparfel); espri-
vier (P.) ; faux-mouchet (Trigavou).
Superstitions
De même que tous les oiseaux de proie, les
éperviers sentent la poudre (E.).
En Périgord et en Limousin (Rolland, t. II, p. ix6), en Poitou
(cf. Souche, Croy.y p. 30), c*est le corbeau.
Ils disent aux petits oiseaux :
Sauvez-vous, petits oiseaux,
Ou je vous mange tous en fricot.
Plus un épervier est haut dans les airs, mieux
il voit les petits oiseaux qui sont sur la terre
(S.-C). Il leur dit :
Sauvez-vous où vous voudrez;
Plus je serai haut, mieux je vous verrai (S.-C).
DE LA HAUTE-BRETAGNE I75
Les éperviers battent des ailes pour endormir
les oiseaux (P.).
L'ÉTOURNEAU (Sturmus vulgarxs, L.)
Noms patois
Ètoumiau (M., E.); étournieu (S.-D.).
Proverbe. — Pronostic
— C'est la grand* bande qui rend les étour-
niaux maigres.
Cf. Lespy> p- 108, Prov. 6.
Quand les étourneaux sont en bande, c'est
signe que l'hiver sera rude; on dit qu'ils se
réunissent pour ramasser ^es provisions (E.).
LA. FAUVETTE (Motacilla orphea)
Dans un de mes contes, Point du jour, 2^ série,
no xxxvm, le héros sauve les petits d'une fau-
vette qui, en récompense, lui donne une plume
de son aile, et vient à son secours quand il en a
besoin.
LE GEAI (Garrvlus olakdarius, Vieillot)
Noms patois
Jaye (M.); jai-ye (Tréveneuc); jo (Plouêr).
176 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Proverbes
— Ébouriffé comme un jaye en colère (M.).
Mo et to,
La téet' (tête) d'un jo (Plouër).
— Fait comme un geai marri.
— 11 a Tair d*un geai en colère.
— En voilà un beau jaye !
Cf. Rolland, t. II, p. 145 (pays messin).
Dans les mariages de mai,
La pie bat le geai (E.).
Croyances
Les geais qui font leurs nids dans les chênes
ne s'apprivoisent pas, parce qu'ils tombent du
md caduc (sorte d'épilepsie) (S.-C).
A Matignon, on dit la même chose des geais
du mois de mai : « qui cheyent du mal cadu* ».
Lattage des geais
(ipand on déniche leurs petits, les geais miau-
lent comme des chats (M., P.).
Au mois de mai, les geais disent :
On traine de la rame 1
Les autres qui sont par derrière :
Ahaïte I ahaite I (dépêche-toi).
DE LA HAUTE-BRETAGNE I77
D'autres en grinçant répètent :
Maracan 1 maracan I
Quand les geais se marient, ils disent :
I' n'pleurera pus demain.
Parce qu'il est cor ché (tombé) ent' nos mains (E.).
On dit encore qu'ils crient :
Ma' (mal) aux reins 1
Ma' aux reins 1
Ou
Ou
Jacques, Jacques (P.).
Appuie, Jacques, appuie, Jacques,
J'ai ma' aux reins.
L'autre répond :
Tu plains toujours.
Tu plains toujours.
Lorsque les geais vont demander une femelle
en mariage, ils se rassemblent au nombre de sept
à huit. La femelle passe devant tous les mâles et
se met à voler en criant :
Q.ui m'attrapera m'aura I
Aussitôt tous les geais prennent leur volée;
celui qui tient la tête dit :
De rang en rang.
Celui qui vient après :
Les plus délibérés vont devant.
n 12
178 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Celui qui vient le dernier de tous crie :
Vieille bougresse I (bis)
Le geai qui le précède dit :
Ce n'est pas de tant pis.
C'est celui qui attrape la femelle qui se marie
avec elle (S.-C).
Q^and les geais s'en vont par bandes, ils font
du bruit en se rassemblant ; puis ils se mettent
sur deux files, les jeunes en tête, les adultes au
milieu et les vieux à la queue.
Les jeunes disent :
Va qui peut I
Va qui peut 1
Les adultes :
Ran' à ran' I (rang à rang).
Ran* à ran* 1
Les vieux :
Pitié dia vieillesse I
Pitié d'ia vieillesse 1 (Hénon, près Moncontour.)
Le premier dit :
J'ai ma' aux reins 1
J'ai ma' aux reins 1
Le deuxième :
Tu plains toujours I
Tu plains toujours 1
DE LA HAUTE-BRETAGNB I79
Le premier reprend :
Pai bîau plaindre,
Ren ne me plaint (P.).
Qjiand les geais voient des demoiselles, ils
leur disent :
Garce, salope, ordouse,
Tacré couyon, couyon (P.).
Lorsque les geais sont à manger les pois, un
des leurs, perché sur un arbre, est en sentinelle,
et il dit aux autres :
Jacquot, écontez-les.
Us lui répondent, en les becquetant :
Ils repousseront (S.-C).
Selon les paysans, ces oiseaux, qui ont la
réputation d*être sorciers, imitent tous les cris des
animaux : ils aboient comme les chiens, bêlent
comme les moutons, miaulent conmie les
chats, etc. Ils savent aussi contrefaire les bruits
de divers métiers.
Par exemple, comme les tessiers (tisserands) :
Trie trac de oln.
Trie trac de olu,
Tire les vênes de mon eu.
Comme les scieurs de long :
Hire o zigne,
Hire zigne, etc.
î80 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Ils parlent comme les conducteurs de chevaux
et les toucheurs de bœufs quand ils commandent
pour faire la charrue recommencer un nouveau
sillon (P.).
Guia, gris,
Tire-là, debout à la latte,
Tire la barre 1
Gouch* i' I
Rue ha ha, gai, gai.
Sait gai, tire à té.
Déboute à té.
Hai' ho*, biar {bis),
Guîa gar (bis),
Déboutez la latte (bis).
Celui qui dans leur attelage tient la queue de la
charrue crie :
Sacré charretier de merde.
On dit alors qu'ils sont àguêrOter; c'est quand
ils volent çà et là dans les champs (P.).
Il y avait une fois une jument aveugle qui
pâturait dans les champs sur le bord d'un fossé
profond; un geai la vit et se mit à crier :
Sue, biard I sue 1
Sue, biard I sue I
La jument, croyant qu'on lui commandait de
reculer, s'en allait à reculons; elle finit par arriver
DE LA HAUTE-BRETAGNE l8l
au bord du fossé, où elle tomba et se tua. Quand
le geai la vit morte, il s'écria :
T'a la bonne heure.
(Conté en 1881 par Amateur Audet, de Saint-Glen.)
LE GOËLAND (Larus camus, L. ; Lauus marinus, L.)
FormuUtte
Goéland,
Va-t'en aux bruments (hannetons).
Si tu n'y vas pas,
Je te couperai ton sang (S.-C).
Au Croisic, d'après Cambry dté par Rolland,
t. II, p. 387, jadis les filles et les femmes récitaient
aux goélands la formulette suivante :
Goélands, goélands.
Ramenez-nous nos maris, nos amants.
LE GRÈBE (PoDicEPS cmstatus, Lathaœ)
On appelle les grèbes voleurs de coups de fusil
ou sacs à plomb (M.).
LE GRIMPEREAU (Cbrthia famiuaris, L.)
Noms patois. — Pronostic, — Langage
Grippe^chène^ mesûrous de feuves (E.) ; raclons
/
l82 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
â^feuves (M.) ; monte en bouée (S.-D.) ; rocenbois
(vers Bécherel).
Q.uand les grippe-chêne picotent et font du
bruit, c'est signe de pluie.
Ils disent :
Greu I greu 1 greu 1 (gros) (E,),
LA GRIVE (TuRDUS musicus, L.)
Noms patois, — Proverhes
Trd (cf. drasky bret. de Belle-Ue-en-Mer) ; trie
(Tréveneuc, P., E.).
— Malin comme une grive.
— Saoul comme une grive.
Cf. Rolland, t. U, p. 235 ; Desaivre, Croy., p. 26.
— Gras conmae une trée (P.).
Langage de la trâs ou grive
Ohuho 1 houpe aïe 1
Si la trée est perchée en haut d'un arbre, c'est
signe de beau temps ; si elle est au milieu, signe
de mauvais temps (P.).
La trée dit :
Coupe da bois,
Tu te rôtiras,
Gros comme ma cuisse,
Cuisse, cuisse (P.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE I85
Coupe du bois,
Tu t'rôtiras,
ChauiFe ton eu après cela.
Elle dît aussi :
Cu rôti, eu rôti,
Tu Trôtiras cor.
Tu verras pire, pire,
De pire en pire,
Pire, pire (P.).
L'HIRONDELLE (Hirundo, L.)
Nom patois
HérondelU (M.).
FormuJettes
Quand j'étais chez mon père,
Il me logeait dans sa guérite.
Guérite.
Et elle s'envole en répétant :
Guérite, guérite (P.).
EUedit:
Chez nous on n'se chauffe que de gros boi3.
Gros comme ma cuisse, cuisse, cuisse.
Elle écouabouit (écrase) les mouches, puis elle
appelle ses petits. On prétend qu'elle dit :
Je les écouabouis.
Je les tue, je les cuis.
Petits, petits (P.).
l84 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Croyances et Superstitions
L*hirondelle est la chance des maisons.
Cf. Souche (Poitou), Croy., p. 27 ; Laisnel de la Salle (Berry),
t. II, p. 263.
On emploie pour le mal d yeux la pierre
d'hirondelle : c'est une pierre que les hirondelles
vont chercher quand leurs petits ont mal aux
yeux. On défait leur nid pour la trouver.
Cf. sur les pierres d'hirondelle, Rolland, t. H, p. 317-318 j
A. Bosquet, p. 2x7.
Quand les hirondelles volent en rasant la terre,
c'est signe de pluie.
Cf. Souche (Poitou), Croy.f p. 4.
La fiente des hirondelles, si elle tombe sur les
yeux, fait perdre la vue.
Cette croyance existait un peu partout à la fin du XVI" siècle
(cf. Rolland, Mamm. sauvages ^ p- 7).
Les hirondelles arrivent toujours avant le
vendredi saint, pour assister à la passion.
Cf. dans Rolland t. II, p. 320^ une légende saintongeoise où
l'hirondelle passe pour avoir essayé d'arracher les épines sur la
tète de Jésus-Christ.
LA HUPPE (Upupa epops, L.)
Nom patois. — Dicton
Houpe (P.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 185
— C'est une huppe : c*est une personne mal-
propre (E.).
Huppe est synonyme de femme de mauvaise vie.
Superstition. — Langage. — Conte
La huppe trouve toujours moyen de déboucher
son trou (E.). En d'autres pays^ c'est le pivert
qui a ce privilège.
Elle répète :
Mon nid pute 1 (bis)
Mon nid pute, pute I (D.)
Cest sans doute à catise de son chant qu'en nombre de pays
on la nomme putput ou puputi (cf. Rolland, t. II, p. 99 et 103).
La huppe est la compagne du pivert. Le pi-
vert et la huppe avaient résolu de quitter leur
pays natal pour aller à l'étranger ; mais il leur
fallait traverser la mer. Quand ils furent rendus
à mi-chemin, le pivert, qui était lassé, s'endor-
mait, et la huppe, pour empêcher son compagnon
de tomber à l'eau, lui criait : « Houpe ! houpe ! »
Il se réveillait et prenait un peu de courage. A
force de le ranimer ainsi, la huppe lui fit faire la
traversée sans encombre. Le pivert, qui savait le
service que sa compagne lui avait rendu, voulut
lui montrer aussi sa reconnaissance, et il se mit à
percer dans les arbres des trous pour servir d'abri
au nid de la huppe. C'est depuis cette époque
seulement que les piverts creusent les arbres.
(Conté en 1881 par J. M. Comault, du Gouray.)
l86 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LA LINOTTE (Frikgilul camuabimà)
Noms patois. — Langage
Ldnot, masc. (M.) ; linro (Trigavou).
Autrefois on sonnait la messe avec de toutes
petites clochettes; la linotte veut ramener cette
mode qui a disparu, et elle dit :
Tein I tan I
Tein I tan I (P.)
LA LAVANDIÈRE (Motaolla, L.)
Formulette, -— Lattage
Lavandière, ma jolie lavandière,
Va me chercher un poisson dans la rivière ;
Quand tu arriveras,
Tu auras des pois ;
Si tu n'y vas pas,
Je t'assommerai avec un fusil de bois (S.-C).
EUedit:
Fourre ton nez dans mon drère.
Flau, flau 1 je m*fous de té, té.
Puis, en frétillant de la queue, elle répète :
Flau 1 flau 1 (P.)
LE LORIOT (Oriolus «auol*, L.)
Noms patois
Jjfrieux; cîoucburiou (£.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 187
Croyance. — Langage
Le loriot dît :
Tu déniges mon nid ;
Tu seras pendu.
U arrive presque toujours quelque chose à
ceux qui dénichent les Loriots (E.).
Mettez les viaux dehau (dehors).
Fermez la hachette.
Mettez les viaux dehau,
Je les garderai du loup.
Cf. une fbrmulette analogue en Berry (Laisnel, 1. 1, 223). Ea
ce pays, le loriot est appelé garde-veaux.
Le traquenard, sorte de loriot, chante :
Fils de garce ! (bis)
LE MARTINET (Ctpsblus avus, Illiger)
Nom patois. — Croyances
Oiseau Saint-Martin (E.).
. On laisse, pour qu'il puisse se reposer, le plus
beau brin de chanvre (E.) (cf. le mot Chanvre).
Si les martinets volent bas, c'est signe de pluie;
s'ils volent haut, signe de beau temps (E.).
LE MARTIN-PÊCHEUR (Alcedo HisM»à, L.)
Noms patois, — Croyance
Poissonnier (E.); coq saint Martin (G. g.)« Les
l88 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
martîns - pêcheurs sont aussi appelés mesurous
d^feuves,
La nuit, leur tête éclaire presque comme les
feux follets ou écîairous (E.). Ils jurent (E.).
LE MAUVIS (TuRDus iliacus, L.)
Noms patois. — Langage
Maovis (P.). Une petite espèce se nomme lus-
iugai (M.).
Les mauvis disent :
Où étais-tu, eu grillé î
Tu ne m*as pas appelé
Dans le coin de ton fouyer.
Qjieue bétel (E.)
Jambes rôties,
Cu kait (cuit) (E.).
CuitI cuit 1 fit I fit I
Fait mon nid avec des couanes (crottin).
Et des œufs
Tout bleus.
Tout pigassés (parsemés de taches), cinq ou six (P.).
On leur dit :
Mauvis,
Va-t'en chercher des chenilles.
Pour donner à tes petits ;
Si tu n*y vas pas,
Ils crèveront de faim et n'deviendront pas gras. (S.-C).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 189
LE MERLE (Turdus hbrula, L.)
Noms patois
Mêle (M., E., S.-D.) ; melle (P.). La femelle
se nomme nUUise ou merhche (E.).
Proverles
— Siffler comme un merle.
— Le vilain merle !
— Promettre un merle blanc.
Cf. Rolland, t. II, p. 249.
— Tout mêle qui chante avant de déjeuner.
Est plumé avant qui set (soit) net (nuit) (S.-C).
Pronostics. — Fortnuîettes
Q.uand les merles galopent le long des haies
«n criant, c'est signe de froid (E.). (iiand le
merle chante, c'est signe de pluie (S.-C).
Si on déniche son nid, il crie au dénicheur :
Couyon I couyon I
Au printemps, les merles disent :
11 y aura bien des maladies,
Colérique (ter).
Faudra p'tit bois su' dTonguent gris,
Pour les guéri',
*Uyest-i'bêtel(E.)
r fait beau temps
Pour le printemps,
^J*en suis sûr (P.).
190 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Le merle dît :
Dors-tu, Tantinc,
Le tonton
Turlute.
Cu rôti.
Tu n'en mangeras pas c*t'hiver-ci (E.).
Cu 'ôti {bis).
Tu 'ôtiras cor (P.)-
Au printemps, ils disent :
J'étas su* la haie d'mon courti'.
Tu n*m'as pas pris (E.).
J*ai perdu ma femme
Et cinq petits
Tout petits (P.).
Ceux qui sont montés sur la maison disent :
Il pleut, il vente, il grêle
Su* la maison aux mêles ;
La mêlesse est dedans
Et dit qu*i* fait biau temps.
Le mêle est dessus;
I* dit qu'i* pleut p*us.
J'ai tiré d'hiver
Ma femme et mes petits
En filant des étoupes, toupes, toupes, toupes (P.).
J'ai tiré cinq petits d'hiver
Et la mère aussi.
Tous en fils, fils, fils (P.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE I91
duand la merlesse n'agit pas au gré du merle,
il lui dit :
Godiche 1 bougresse I
Faut filer brin et têture,
Tout ça pour nos p'tits enÊints.
r y a mérite,
Brin têturé (his) (P.).
Quand il y a des fruits, le merle chante, et il
dit:
Ma petite fille aime bien tous les fruits.
Surtout les figue' et les badies (cerises) (S.-C).
Il est souvent parlé du merle dans les Contes po-
pulaires ; c*est lui qui, sous le nom de merle
blanc, du « zoizeau merle blanc », du merle
d'or (cf. Le petit roi Jeannot, !« série, no i; !,«
Merle d'or, dans Litt. orale, p. 56), est gardé par
des lions ou des géants, et dont le héros doit
s'emparer après avoir surmonté plusieurs obsta-
cles. J'ai nombre de variantes de ce thème.
Dans Le Merle et le Renard, i^e série, no lix,
le merle se venge du renard et joue un rôle fa-
cétieux.
LA MÉSANGE ÇPhkls, L.)
Noms patois
MésiUe (E.) ; médrange (M.) ; merdrange (G. g.) ;
chéri hibi (Ille-et-Vilaine). La mésange noire se
192 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
nomme brunette (M.) ; la mésange à longue queue
(parus caudatus, L.) ; queue de pèlette (poêlon).
FonnuUttes
En courant après les mouches, les mésanges
dialoguent ainsi :
— La tueras-tu ? (quater et très-vite)
— OUe est étêtée.
Dans Thiver, les mésanges, qui sont des
oiseaux très-rusés, vont auprès des ruches, et il y
en a une qui frappe à la porte avec son bec pour
tâcher d'attirer dehors une abeille. Près de là se
tient sur un arbre une autre mésange qui chante :
La tiens-tu ? la tiens-tu ?
L'autre répond :
Elle est étêtée.
Et ce dialogue se poursuit longtemps (E.).
Si la mésange voit pisser quelqu'un, elle lui
crie :
Cutte (cache) ta bibite (bis)
Ou je vas l'étêter (P.).
Elles disent aussi :
Virginie,
Toupie (E.).
Tirez vite I
Tirez vite !
DE LA HAUT£*BRETAGNE I95
Q^and elles aiguisent leur bec, elles disent :
Petit nu, petit nu.
Tétinus I tétinus I
Cf. Rolland, t. II, p. 30$.
LE MOINEAU (Pa,ssbr douesticus, Brisson)
Noms patois, — Proverbe
Pigri (M.) ; péche^ pilUri (environs de Rennes) ;
JUri, fiyeri (Tréveneuc).
— Pillard comme un moineau.
Langage du moineau
Mettez l'pain dans l'four.
Parce qu*i va ferdi', ferdi*, ferdi' (froidir) (E.).
Le bois est gros comme des colonnes dans ce pays-ci ;
Chez nous il n'est pas plus gros que le bout de mon bec
[(S.-C).
Ramassez votre blé.
Ou bien je vas le manger (S.-C).
LE MOUCHET (Accbntor moduiaius, Bechstein)
Noms patois. — Langage
Pèche de M (haie) ; à Nantes, paisse de haie et
moineau de haie,
Opaud la pêche de hâ vole haut, elle dit ;
Ouvrez-moi la porte du ciel ;
Je ne pécherai p*us.
II 13
194 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Quand elle est redescendue, elle dit:
Bougre, que j'étas haut I
Cf. YAUnuta.
LA MOUETTE (Larus risiiundus)
Nom patois
Maoufe (Tréveneuc); mauve, maôve (S.-C).
Croyances. — Formuîeties
Si on entend les mauves crier : « Caré, caré,
caré », on peut caretter les lignes, c'est-à-dire les
replier; on ne prend pas grand 'chose.
QjLiand une mauve a un brin de lançon, les
autres lui crient :
Goulue, goulue, goulue.
Qjiand on voit un équéré (hirondelle de mer),
on dit :
C'est un équéré,
Prends ta ligne et va au macré (maquereau) ;
'Est une mauve.
Serre ta fouée et te chauffe.
Qpand une mauve bat des ailes au-dessus
d'une maison, c'est signe de vent.
Lorsqu'elle vient sur la terre picoter les vers,
c*est signe de pluie ou de froid.
Quand une mauve voit un bateau, elle va
DE LA HAUTE-BRETAGNE I95
auprès; elle chante, et on assure qu'elle dit aux
matelots :
Je suis venue près de vous
Pour vous annoncer une nouvelle ;
Posez, virez, tournez vot* chique de bord :
Je vous donne deux minutes.
Et après les deux minutes, elle dit :
Carettez vos lignes, matelots.
Vous n*prenrez pas d'maquereaux (S.-C).
L'ORFRAIE (Strtx flâmmba, L.)
Noms patois. — Proverbe
Fer\d (M., E»); ferscUe,
— r s'ébrait (crie) comme eune ferzaie (P.).
Superstitions
L'orfraie ou fresaie est un oiseau de mauvais
augure. Si elle fait le chêne piqué au-dessus d'une
maison, c'est-à-dire si elle vole les pattes en l'air,
quelqu'un y mourra le jour ou le lendemain.
Superstition analogue en Poitou (cf. Souche, Croy., p. 9);
en Nonnandie, Franche-Comté, etc. (cf. Rolland, t. II, p. 47
et SUIT.).
Quand la fer:(d vole les pattes en l'air, c'est
signe de mort pour celui qui l'aperçoit (E.).
196 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LE PERROaUET (Pittacus)
Le perroquet est un oiseau exotique ; mais il
est de longue date connu en Haute-Bretagne, où
il a été apporté par les marins. Voici un petit
conte où il figure :
Il y avait une fois un perroquet qui, étant
ennuyé dans son pays, voulut voyager. 11 prit à
son service Jean le Merle, et tous les deux
entreprirent de faire un tour de France. Che-
min faisant, ils rencontrèrent un épervier.
L'oiseau de proie se précipita sur le perro-
quet comme pour le dévorer. Le perroquet se
défendit quelque temps; mais comme Tépervier
était plus fort que lui et lui avait déjà arraché
quelques plumes, le perroquet prit son vol et
arriva jusqu'à un bourg où il trouva la porte de
Téglise ouverte. Il y entra, et il alla se placer
derrière la tête de saint Pierre. Une bonne femme
qui venait faire ses prières était agenouillée aux
pieds de saint Pierre, lorsqu'elle entendit une
voix qui disait :
— Ah ! le fils de garce, qui me plumait pendant
qu'il me tenait 1
La bonne femme en fut saisie de frayeur ; elle
alla chez le recteur et lui dit :
— Comment I monsieur le recteur, saint Pierre
est damné : il jure.
DE LA HAUTE-BRETA'GNE 197
— Vous radotez, répondit le recteur ; allons
donc voir.
Tous les deux entrèrent à Téglise et entendirent
encore une voix qui criait :
— Garce I putain 1 couyon, couyon I
— En vérité ! dit le recteur. Restez là ; je vais
aller chercher de l'eau bénite.
Quand il fut arrivé auprès de saint Pierre, il se
mît à lui jeter de l'eau bénite avec son aspergesme ;
mais il le lançait tant avec force que le goupillon
se brisa, et le pied alla frapper dans la tête à saint
Pierre et la lui cassa. Le perroquet, qui était
derrière, dit encore :
— Cré fils d'ene garce y je mè se H* tiré d'une belle !
' Alors le recteur leva les yeux, et il vit le
perroquet qui s'enfuyait à tire d'aile en criant :
Couyon ! couyon I
(Conté en 1881 par J. M. Comanlt, du Gonray.)
LE PERROaUET DE MER (Alca arctici, L.)
Nom patois, -^ Croyance, — FormuUtte
Cordonnier y calculo, usité aussi dans le Finistère.
On lui dit :
Cordonnier,
Tu me fas (fais) chier.
On prétend que son bec est venimeux.
198 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LE PETIT-DUC (Stryx scops, L.)
Langage du petit-duc
Il dit à sa femelle :
Coucher do (avec) ta ?
La femelle répond :
Ah 1 que nenni (E.).
Cf. la Chouette et le Chat-Jjuant.
LE PÉTREL (Procelluiu. pbulgiga., L.)
Croyance
Le pétrel, qu'on appelle aussi Toiseau satanique
(cf. Oiseau du diable, Finistère), suit les navires
en mer. A bord des longs courriers, on prétend
que les pétrels sont les âmes des capitaines qui
ont été méchants envers leur équipage et qui,
pour leur punition, sont condamnés à errer.
D'autres disent que ce sont les âmes des matelots
morts en mer qui viennent implorer des prières.
D'après La Chasse illtutrèe^ citée par Rolland, selon la croyance
des marins, un pétrel est un matelot naufragé changé en oiseau,
et le meurtre d'un pétrel rend impopulaire k bord d'un navire.
LA PIE (PiCA. CA.UDATA, L.)
Noms patois
Agace, égace (M., E.) ; surnoms : margo (S.-D.) ;
karaga (Saint-Juvat). Les objets noirs et blancs
DE LA HAUTE-BRETAGNE I99
sont appelés pigassés (M., E.) ; on nomme le piège
à pie échtouère (E.).
Proverhes et Dictons
— Fripon comme une pie.
— Voleur comme une pie.
Les lavandières prétendent que les pies sont
friandes de savon, et que si, quand elles s'absen-
tent d'auprès de leur pierre, elles n'avaient soin
de le cacher, les pies viendraient, le leur voler
— Conter (parler) comme une pie borgne
(M.,E.).
Cf. Rolland, t. II, p. 135 ; Desaivre, Croy.f p. 24.
— En v'ia cor eun d'enterré ; les pies ne li ker-
v'ront pas l's zieux (ne lui crèveront pas les yeux)
(M.)- C'est une plaisanterie que l'on fait parfois
au retour d'un enterrement (M.).
— r sont environ li (autour de lui) comme la
pie après le chouan.
Devinettes
a) J'ai vu blanc, j'ai vu na (noir)
J'ai vu châ (tomber) dans mon geneta (genêts).
b) Qjii est tout gare, tout noir,
£t qui tombe dans mon blé noir ?
— Une pie.
300 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
c) Noir dans k hâ (haie)
Et blanc dans la râ (raie).
— Un merle et une pie.
Cf. Rolland, D. 71.
FormuUtte. — Croyances et Superstitions
La pie chante :
Petit couyon, petit couyon.
Cré petit couyon (P.).
Si les pies font leur nid dans le jardin d'une
ferme où il y a des filles à marier, il y en aura
une qui se mariera dans Tannée (S.-C).
Si on déniche les nids de pie, cela porte
malheur aux gens de la maison, ou les bestiaux
crèvent, parce que la pie maudit les dénicheurs.
Il en est de même si Ton tue le père ou la mère
avant que les petits soient grands (S.-C).
Si les pies font leurs nids à Textrémité la plus
élevée d'un arbre, c'est signe d'une année
mouillée ; si au contraire ils sont placés bas, cela
annonce de la sécheresse (P.).
« En Beny, quand l'année doit être orageuse, les pies
construisent le&rs nids dans les basses branches des arbres^
lorsque Tannée doit être calme, elles nichent, au contraire, tout
à fiit au sommet. » (Laisnel de la Salle, t. II, p. a82.)
Si on suspend dans un grenier une pie tuée
dans le décours d'août, on est préservé de la
vermine (P.).
\
DE LA HAUTE-BRETAGNE 201
On pend les pies dans les champs pour chasser
les corbeaux (E.).
Si en partant on voit une pie seule, c'est
mauvais présage : il faut rebrousser chemin.
Voir une pie qui s'envole à gauche quand on
va faire une visite, c'est signe qu'on sera mal reçu
(E.).
Si une pie passe à droite, c'est signe de male-
chance"; si elle passe à gauche, c'est signe de
chance (S.-C).
Croyance analogue en Vendée (Desaivre, Myth. Iccalt, p. 12).
Si une pie a la mine renfrognée, c'est signe
qu'on aura prochainement du chagrin; si elle a
l'air joyeux et qu'elle chante, c'est signe de
nouvelle agréable.
Si de bon matin on voit une pie, c'est signe
qu'on aura une lettre (S.-C).
En Basse-Bretagne (cf. Perrin, Galerù bretonne^ cité par Rolland,
p. 140), les pies sont des oiseaux de mauvais augure.
A Saint-Cast, quand les petits enfants vont à
l'école, ils tirent des augures de l'aspect des pies,
pour savoir s'ils arriveront à l'heure. S'ils voient
le blanc, ils se disent : « Nous serons à l'heure » ;.
s'ils voient lé noir, ils disent : « Nous serons en
retard ».
Une femme qui était jalouse de son mari
consultait les pies pour savoir s'il la trahissait ;
202 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
elle disait : « La pie m'a viré le noir ; il est cor
«(encore) à voir les filles » (S.-C).
Cf. sur la pie consultée : Mélusitif, col. 5 18.
Contes où figure la pie
Il y avait une fois un petit pinson qui était
perché sur une épine blanche, et qui s'exerçait à
chanter ses plus beaux airs pour fêter le prin-
temps. Il fut abordé par la pie, fière de son
plumage noir et blanc; elle s'avança en lui disant
d'an ton orgueilleux :
— Apprends-moi une chanson, petit pinson.
— Oh 1 madame la pie, vous jasille^ si bien
que vous n'avez pas besoin d'apprendre à chanter.
La pie mal reçue s'en alla, et sur sa route elle
tuait tous les petits oiseaux qu'elle rencontrait.
(Conté par François liarquer, de Saint-Cast, mousse, Agé de
treize ans.)
Sur la lande du Mené, il y a des sillons tracés
qui sont maintenant couverts de bruyères;
chaque année les gens des pays voisins vont les
tondre, pour les brûler pendant l'hiver. On dit
que c'est une duchesse de Rohan qui avait fait
défricher ces landes. Elle ne savait pas qu'on
devait mourir, et le défi-ichement était bien
avancé quand un jour elle vit sur la lande une
pie crevée.
DE LA HAUTE -BRETAGNE 203
•
— Qu'est-ce que cela ? demanda-t-elle.
— C'est une pie morte, répondit un des
ouvriers; tout ce qui a vie doit mourir.
— Puisqu'on meurt, dit la duchesse, je ne
ferai plus défiricher d'autres landes.
(Qjntéen 1881 par J. M. Comault, du Gonray.)
A la Poterie, près Lamballe, un dolmen à demi-
renversé se nomme le Coffre de Margot la fée.
La fée Margot portait sur sa tête la pierre et
tricotait en cheminant; elle rencontra une pie
morte et demanda à une bonne femme :
— Qu'est-ce que cette bête immobile ?
— C'est une pie morte.
— Les oiseaux meurent donc dans ce pays-ci?
Il y a-t-il d'autre chose à mourir ?
— Mais oui, tout meurt, et les gens aussi.
— Et moi qui portais cette pierre-là pour un
monument ; ce n'est pas la peine de le construire.
Et elle jeta là sa pierre.
(Conté par M. Méheust, maire de la Poterie.)
Cette légende de la pie morte se retrouve souvent en
Bretagne (cf. le 1. 1 du présent livre, p. 86).
Dans La Fille aux bras coupés, l'c série, n» xxv,
la pie joue un rôle secourable.
204 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LA PIE-GRIÈCHE (Lamius excubitor)
Nom patois, — Langage
Pie marâtre (P.). Ce nom lui vient de ce
qu'elle habite souvent près des marais.
Elle chante :
Pie huit I pie huit 1
Célestin 1 Célestin 1
LE PINSON (FUKGILLA. CŒLBBS, L.)
Noms patois
Pinso (Plaine-Haute) ; glaumi (M.) ; moustron
(Ploubalay) ; moistron (P.) ; cyprien (Le Gouray).
Proverhes
— Gai comme pinson.
Cf. Rolland, p. 178.
— Qianter comme un pinson.
Langage du pinson
Veux-tu m'enseigner le chemin
Pour aller à Saint-Citoyen,
Failli chien ? (S.-C.)
Veux-tu m'dire le ch'mio
"D'Châteaugiron, toi, citoyen ? (E.)
Cf. dans Rolland, t. II, p. 179, plusieurs interprétations du
chant du pinson.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 20$
Veux-tu m*prêter ta civière
Pour porter du fien (fumier) dans un jardin.
Toi, citoyen î (P.)
Ou
Cyprien, Cyprien? (P.)
LE PIVERT (Picus viridis, L.)
Noms patois
Pivé (S.-D., P.), TpLpiviaoux (P.).
On appelle le pivert rateîous d'/euves, parce qu'il
est très-friand de fèves (M.). Les vilbrequins
se nomment becs de pivert (E.).
Superstitions. — Pronostics
Les piverts chantent pour appeler la pluie ;
c'est à cause de cela qu'on les nomme les avocats
des meuniers (E.)- Ce nom leur est donné en Nor-
mandie, en Bourgogne, dans le Centre, etc.
Quand le pivert chante, c'est signe de pluie ; il
dit en chantant :
Pleut 1 pleut 1 (S.-C.)
Ou ;
Pic, picl
Cf. Desaivre, Myth. iocale, p. 8 (Poitou) ; Rolland (Eure-et-
Loir, Snd-Est) ; A. Bosquet (Normandie), p. 217 ; Laisnel
de la Salle, 1. 1, p. 224 (Berry).
Le pivert trouve toujours Jmoyen de déboucher
106 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
le trou qu'il a creusé dans les arbres (E.). Il va
aiguiser son bec sur des tiges d'anis, et il perce
ensuite mieux les arbres. On prétend que dès que
le pivert a donné un coup de bec dans un arbre^
il va de l'autre côté regarder s'il est percé (P.).
Cf. la Hupptf un conte où la huppe et le pivert font sodité.
LA POULE D'EAU (Fulica chloropus)
Noms patois
Poule d'iau (P,)-, poule d'ève (d'eau) (E.).
Devinette
Q.ui passe sous l'ève sans s'naye? (E.)
— Une poule d'eau.
LE RAMIER (Columba Pàtxnaxn, L.)
On dit au ramier :
Tu ne pousses p'ns,
Tonton I
Tonton.
Paies- tu un pot ? (E.)
LE ROSSIGNOL (Stlvia luscinu, Latham)
Noms patois
Roussignol (M., P.) ; rossignolet.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 207
Croyances et Superstitions
II ne dort que deux heures par nuit. Si on
mange le cœur d*un ^rossignol, on ne dort non
plus que deux heures par nuit. Mais c'est dan-
gereux, car si le vent vient à changer dans les
vingt-quatre heures, on s'expose à foUier, c'est-
à-dire à devenir fou (E.).
Si une personne mange son cœur, elle chante
aussi bien que lui (Saint-Brieuc-des-IfFs).
Pendant que sa femelle couve, le rossignol
chante pendant quarante jours. On dit qu'il ne
sait pas que sa femelle couve, et que quand les
petits sont édos il s'écrie :
Ah I que j'étais béte I
Cf. une croyance analogue dans Desaivre, Crœf.f p, 26.
Formulettes du rossignol
On dit au rossignol : ^
Rossignol, rossignol,
Va-t'en à Rome chercher du pétrole.
Pour mettre le feu
Dans la ville de Saint-Brieuc (S.-C).
Le rossignol dit :
Tire, tire, tire.
Tiens bon.
Cf. une interprèution du chant dans Desaivre, p. 26.
En m'en revenant de Broons,
J'ai trouvé une petite bonne femme
208 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Q.ui avait un nez si long, si long, si long,
Qji'il lui pendait sur son menton ;
J*ai pris mes ciseaux, et je le lui ai coupé,
Puis je Tai jeté,
Et il a passé un p'tit bonhomme par là
Qui l'a pris et qui Ta ramassé.
Et qui Ta fourré dans son pertus, tue, tue, tue, tue, tue
[(S..C,).
Le rossignol et son chien
Autrefois le rossignol avait un chien qu'il
aimait beaucoup. Un jour il l'attacha au pied
d'un sicot (chicot de bois) pour aller se promener.
Le chien, pendant son absence, arracha le sicot, et
le rossignol se mit à crier :
Kaie va I kaie va I
Fuit, fuît, sicot, sicot 1
D'autres racontent que le rossignol était
chasseur, et qu'il avait quatre chiens ; il les
attacha à un sicot, et pendant qu'il était à l'au-
berge, ils l'écourtèrent.
(Conté par J. M. Comiult, du Gouray).
Le rossignol est un des oiseaux que chantent le
plus volontiers les chansons populaires.
LE ROUGE-GORGE (Stlvu rubecuia, Latham)
Noms patois
Rutasse ou érutasse (S.-D., Tréveneuc) ; routasUy
DE LA HAUTE-BRETAGNE 209
fera. (P.); daudrette, fém. (M.); daudetU, fém.
(Jugon) ; houîou, fém. (vers Bécherel); hourîoUy
masc. (M.); gorge-rouge (M.).
Croyances, — Langage. — Légendes
Si les rouges-gorges chantent de bon matin dans
les arbres, c'est signe de beau temps, ef ils aver-
tissent l'homme du danger, s'il veut bien écouter
leurs chansons (E.).
Quand il couche dans son lit, avant de s'en-
dormir il dit :
Pisse pour aller te coucher.
Vite, vite.
Puis, si on l'a entendu, il dit :
duitte, quitte (P.).
Les gorge-rouge disent des préfaces en latin ;
ce sont eux qui ont été chercher le feu.
On dit qu'ils parlent latin. Ils disent :
Cusse, eusse, eusse, eusse :
Istine spiritum sanctum tuum,
Il y a dix bons dieux (S.-C).
[j On dit aussi qu'ils répètent :
Glorieux d' chouan 1
Glorieux d'chouan 1 ^
Q}iand le gorge -rouge alla chercher le feu, ses
plumes furent toutes brûlées ; alors les oiseaux en
eurent pitié, et ils résolurent de lui donner
II 14
210 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
chacun une plume pour le rhabiller. Seul le chat-
huant, oiseau orgueilleux et peu compatissant,
refusa. C'est pour cela que, lorsqu'il se montre
au jour, tous les petits oiseaux crient après lui^
et le rouge-gorge en particulier qui, par son cri,
lui reproche son orgueil (E.). Vers Bécherel, on
dit que le rouge-gorge alla chercher un tison dans
l'enfer.
Cf. dans Luzel, quatrième rapport, p. 203,^ une l^ende bre*
tonne analogue ; elle existe aussi en Normandie (cf. A. Bosquet,
p. 22o) ; mais le rôle du ronge-gorge est attribué au roitelet.
La boulou et la fauvette chantent pitié auprès
des corps morts, et l'on dit qu'elles se tiennent
auprès jusqu'à ce qu'ils aient été ensevelis (vers
Bécherel).
Cf. dans Rolland une légende irlandaise analogue, t. II, p. 264^
Le rouge-gorge est rarement déniché.
LA TOURTERELLE (Columba turtur, L.)
Noms patois
TeurU (M.) ; tourte (P.).
Croyances et Légendes
On dit qu'elle bâtit l'arche de Noé.
Rien qu'à regarder son nid, on la fait l'aban-^
donner.
DB LA HAUTE-BRETAGNE 211
Elle répète toujours la même chose :
Toure 1 toare I
Ou:
Troue, troue, ouel
La tourterelle revient en Bretagne au moment
de la récolte des foins, vers la Saint-Jean.
Au temps jadis, quand elle arriva, elle prit le
coucou à son service pour ramasser son foin. Au
moment de passer une barrière, le coucou resta
embourbé avec sa charretée. La tourterelle se mit
à crier sur lui en criant :
Troue I troue I oue I
Le coucou fit de si grands efforts qu'il faillit se
casser les ailes. C'est depuis ce temps que quand
il chante il a les ailes élargies, tandis que les
autres oiseaux les ont resserrées. Maintenant, dès
que le coucou entend la tourterelle, il s'enfuit tant
qu'il peut.
(Conté par J. M. Gimault, du Gouny).
LE TROGLODYTE (TaoctODriBS ivrcpjbus, Vieillot)
Noms patois
Berruchd (M.) ; berruchot (E.) ; berrichet (S.-C.) ;
héré (Ploubalay); birie, fém. (Tréveneuc, P.);
mussoi (£.), ainsi nommé parce qu'il cache soi-
gneusement son nid.
212 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
N.
Langage
Le berruchet chante en dansant sur les branches :
C*est-i* solide ici ?
Chez nous il n'est pas plus gros
Que ma cuisse, cuisse, cuisse (S.-C).
Il y a dans mon pays des fagots
Qjii sont gros
Comme ma cuisse, cuisse, cuisse (E.).
Cf. dans Desaivre, Croy., p. 17, un dialogue similaire entre
le roi^-breteau et le moineau.
Un gros fût de persoué (pressoir)
Gros comme ma kaisse fendue en trois.
Ça craquille (bis).
C'est-à-dire : cela va peut-être casser sous moi.
Sez mon père il fait biau;
Iz ont des fagots
Qjai sont gros comme ma kaisse
Fendue en quatre quartiers,
Kerli ki cui (P.).
Le bois n*est pas gros dans c'pays-ci ;
F n'est pas pus gros qu* ma petite cuisse.
Cuisse, cuisse,
Fendue en quat',
Qjiat*, quat*.
Qjiand j'étais chez mon père.
J'avais des morceaux d'iard
Qji'étaient gros comme ma cuisse,
Cuisse, cuisse, cuisse (P.).
■^^3B3in«MHHaa*9aaaBB«a^HiHi
DE LA HAUTE-BRETAGNE 213
Cest dans mon paie (pays)
dui' y a de biau bouée
Fendu en quat* quartiers
Et gros, gros comme des kesses (P.).
Le roitelet se met sur la grosse poutre d'un
pressoir et dit :
Ne te casse pas I
Me port*ra-tu ben ?
En Basse-Bretagne et dans le Forez, le roitelet fait un chant
analogne (Rolland, p. 395). Cette facétie dn roitelet a peot-ètr«
son origine dans nne redevance féodale où l'on apportait an
seigneur une bûche de Koël d^ns une charrette k laquelle était
attaché un roitelet lié avec un gros c&ble (cf. Desaivre, Myth.
loeaUf p. 6, et Rolland, p. 297 ; Laisnel de la Salle, t. Il,
P- 249).
Voici une autre explication qui m'a été fournie
par mon ami, M. Eugène Rolland, l'auteur de la
Faune populaire: « Tous les jours, m'écrit-il, je
vois le roitelet troglodjrte, posé sur un fagot ou
sur une branche, se hausser et se baisser alterna-
tivement sur SCS pattes, ayant l'air d'essayer si la
branche est assez solide pour le porter, lui tout
petit ! Le roitelet troglodyte seul a cette spécialité. »
Chez mon père i' y a des gloses (morceaux de bois)
Fendues en quat'e, quat'e, quatre (P.).
Dans mon pays.
Les vire de pressoué
Sont gros comme ma cuisse
Fendue en quat'e, quat'e, quat'e.
Fendue en quat*e (P.).
214 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Croyances et Légendes
On dît qu'il ne faut pas faire de mal aux
berruchets, parce que ce sont eux qui ont apporté
le feu sur la terre (S.-C). Le gorge-rouge alla
chercher le feu du ciel, et le berruchet Talluma
(E.).
La même croyance existe en Poîtoa (cf. Desaivre, Mytb., p. 6);
en Normandie (cf. Rolland, p. 295).
Dans les environs de Dol, on croit que le
dénicheur de berruchets reste estropié des doigts
qui ont perforé le nid et enlevé les œufs ou les
petits. J'étais dans mon enfance un intrépide
dénicheur ; mais cette croyance m'a toujours fait
respecter les nids des berruchets.
(G)minuniqaé par M. B. Robidou.)
A Saint-Donan, on prétend que si les enfants
touchent les petites hérées dans leur nid, ils attra-
pent le feu Saint-Laurent : ce sont des boutons
qui couvrent la figure, les jambes, etc. (P., S.-D).
Si on met la main dans la fiente de bérée, on
attrape des panaris (P.).
Les bérées mangent des araignées ; quand elles
fientent ensuite sur des bros d'épines, si on se
pique avec ces épines, on reste estropié (P.).
Quand le béré alla chercher le feu, il demanda
une plume de l'aile de chaque oiseau ; ils la lui
donnèrent tous, sauf le chat-huant qui dit : « Mes
pliimes sont trop belles pour £tre brûlées, » C'est
pour cela que les autres obeaus, et surtout la pie,
sont toujours après lui (P.).
Lorsque J&us-Christ était sur la terre, il
assembla tous les oiseaux et leur dit que celui
qui aurait volé le plus haut aurait été leur roi.
C'est l'aigle qui s'cleva â la plus grande hauteur.
Mais la petite bérée s'était mise sur sa tSte, et
quand l'aigle fut à bout d'haleine, elle s'éleva en
l'air bien plus haut que lui.
(Coati pir J. M. Conuuli. da Gouny.)
CHAPITRE V
LES REPTILES
S I. — GÉNÉRALITÉS
ES paysans gallots ont horreur et crainte
des reptiles de toute sorte, même de ceux
qui, comme Torvet et la couleuvre, sont
inofFensifs. Dès qu'ils les voient, ils les tuent. Il
n'y a guère que'.le lézard qui trouve grâce devant
eux. Ils les désignent sous le nom générique
de serpent, et plus généralement de i/lin ou
v'nin.
J'ai mis avec les reptiles tous les animaux à
sang froid. Cette propriété est bien connue des
paysans qui,î'pour exprimer que quelqu'un a très-
TRADITIONS ET SUPERSTITIONS llj
froid, disent en proverbe : « fret comme un
v'iin, » ou : « fret comme un p'tit v'iin. »
On dit d'un couteau qui a le tranchant bien
affilé : « F coupe comme un v*lin » (E.), ou :
« Mo coutiau coupe comme un v*lin » (S.-D.).
Croyances relatives aux reptiles en général
L*aspic a un A marqué sur la tête, la vipère a
un V, la couleuvre un C (P.).
On assure que les reptiles tettent les vaches ; si
on ne peut tuer le serpent qui les tette, elles
dépérissent.
Cf. Soachi, Croy., p. a8 ; Rolland, t. III, p. 29; Légier (So>
logne), p. 20$.
Les arbres meurent. quand ils ont été piqués
par un i/îin (JE.).
Le sureau chasse les serpents (E.).
Les œufs des coqs passent pour donner
naissance à des serpents quand ils éclosent sur
du fumier.
Cf. Rolland, t. II, p. 41-42.
A la mi-août, les couleuvres et les vipères
s'assemblent à de certains endroits, et Tune
d'elles apporte une petite pierre. Si on peut la
trouver, on est toujours chanceux (E.).
Une superstition analogue existe en Sologne; seulement
l'assemblée des serpents a lieu le 13 mai (cf. Légier, Mém. de
l'Acad. celtique^ t. II, p. 202).
2l8 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
A une certaine époque, ou quand ils ont fini
leur vie, tous les reptiles vont à Babylone; ils
montent dans la grande tour, qui est si haute, si
haute qu'elle n'en finit plus, et quand la cloche
sonne, ils retombent dans un trou.
On raconte que naguère — les anciens l'avaient
vu — il y avait un serpent ailé à sept tètes, qui
était gros comme le bras d'un homme. Ils le
virent s'envoler et lui tirèrent un coup de fusil
sans l'atteindre. Une autre fois, quelqu'un lui
coupa une tète ; mais elle repoussa aussitôt.
(Recueilli i Hinon, près Moncontour, par M. Bourie.)
Quand les serpents n'ont pas vu de monde
pendant sept ans, ils allongent comme des pieds
<de mare (houe) ; c'est à ce moment qu'ils vont à
la tour (P.).
Cf. une superstition de k Sologne analogue, Légier, p. 204,
et une superstition berrichonne. Laisnel de la Salie, qui la
rapporte, t. I, p. 222, £ait de curieux rapprochements.
Si trois personnes boivent ensemble dans une
fontaine ou dans un ruisseau, l'une boit le cra*
paud, l'autre la grenouille, et la troisième la
couleuvre (P.).
Qjiand un individu a été piqué, c'est-à-dire
mordu par un reptile, tous les ans, à pareille
époque, il se ressent de la morsure (E.).
Qpand on a une enflure produite par la
morsure d'un serpent, on prend une branche de
DE LA HAUTE-BRETAGNE 219
groseillier, et on frappe sur l'enflure avec les
piquets (E.).
Les enfants nés le 25 janvier, jour de la Con-
version de saint Paul, pansent du v*îin et peuvent
impunément manier tous les reptiles (E.).
La peau de serpent guérit les blessures. En 188 1,
à Dinan, des gens de la ville achetaient encore
des morceaux de peau de serpent au directeur
d'une ménagerie.
Cf. dans Rolland, p. 33, des croyances analogues.
Le v*Un (venin) et le hro (dard) des serpents
portent bonheur à tous ceux qui les ont sur eux ;
mais il faut qu'ils n'en sachent rien.
Un homme avait réussi à s'emparer du v'iin et
du bro d'une vipère, après l'avoir tuée. Le
dimanche suivant, il alla avec un de ses amis à
une assemblée, et pendant la route il lui glissa
adroitement dans la « pouchette » du gilet les
débris du reptile. Celui qui avait les dépouilles
de la vipère joua à toutes sortes de jeux, et tou-
jours il gagna.
Le conscrit qui, sans le savoir, a dans la pou-
chette de ses hannes (culottes) un bro et un v'iin
de reptile est assuré de tirer un bon numéro, si
le talisman se trouve dans la poche du même
côté que la main qui puisera dans l'urne.
(Recueilli aux environs de Moncontoar par M. Bourie.)
220 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Quand on parle de la grosseur d*un v'Un, il
faut bien se donner garde de montrer un de ses
membres comme terme de comparaison : le mem-
bre indiqué pourrait devenir semblable (comme
peau) à l'animal dont on parle (£.).
Une superstition analogue existe en Franche-Comté. On ne
doit pas montrer sur soi, ni surtout toucher pour le faire voir,
l'endroit d'un mal dont on parle, de peur de le voir paraître à
l'endroit même (Mél.f col. 348).
En Poitou, il ne faut pas dire que le serpent est gros comme
la jambe, le bras, parce que le serpent entendrait et viendrait se
mesurer au membre indiqué (Desaivre, Croy.y p. 29).
Qpand on a sur soi un reptile, on voit les
choses telles qu'elles sont.
Un homme faisait passer une brouette sur une
corde tendue, ce qui émerveillait tout le monde;
seule une bonne femme ne s'en étonnait pas et
voyait que la brouette passait sur un fût de
pressoir. Elle avait dans sa poche un crapaud
mort (E.).
Un jour il y avait nombreuse compagnie
autour d'une société de saltimbanques qui mon-
traient une charrette traînée par un coq.
Par là vint à passer une vieille qui portait un
faix de bois sur son dos; on voulut lui faire
admirer la merveille.
— Ma foi, dit-elle, ce n'est pas la peine de
m'arréter pour me faire regarder un coq qui traîne
une paille de blé noir.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 221
— Bonne femme, repartit un des saltim-
banques, faites bien attention en rentrant chez
vous à ce qui est dans votre paquet.
En le défaisant, elle y trouva une vipère.
(Conté en 1878 par Jean Bouchery, de Dourdain.)
Cf. dans Rolland, t. III, p. 12, une saperstition recueillie
ianx environs de Lon'ent, et p. 80, une historiette analogue du
pays de la Hague (Normandie).
Le dimanche des Rameaux, les trois coups
frappés à la porte avec le bâton de croix font
retomber dans les enfers Lucifer et toutes les
bêtes venimeuses (P.).
Voici une prière qui préserve du serpent ;
Noter Dame et ses enfants.
Protégez-nous des loups et du serpent.
Et du chien qui court le vent.
Dans les contes populaires gallots, les reptUes,
même étrangers ou fantastiques, figurent parfois.
La princesse Dangoberty i« série, n® xxv, a été
métamorphosée en scorpion ; dans le même conte
il est aussi parlé d*un serpent ailé. Dans Les
petites CaudéeSy 2© série, n© xxiii, un serpent vert
est un prince métamorphosé; il redevient
homme dks que la princesse Crépuscule a con-
senti à le prendre pour mari.
Dans un conte inédit intitulé Louis, roi de
France, le héros sauve la vie à un serpent qui
assemble toutes les couleuvres pour savoir quelle
222 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
récompense il donnera à son libérateur, et lui fait
présent d'un gilet magique au moyen duquel il
devient roi de France. Le héros est tué ; alors le
serpent le change en un beau cheval normand,
puis en poirier ; enfin il finit par le faire revenir à
la vie.
« Un moine de la suite de saint Samson, qui
venait visiter saint Suliac, fut surpris de la
pauvreté des mets des cénobites, et il trouva leur
pain si mauvais qu'il en cacha une partie dans sa
robe, pour ne pas le manger. Mais bientôt il fut
pris de convulsions : c'était un serpent qui lui
déchirait la poitrine. Saint Suliac l'exorcisa, lui
passa son étole au cou et le fit précipiter dans la
mer, où son trou, qui s'appelle trou de la Guivre,
se voit sous Garot. »
(M"> de Cerny, SaintSuliac, p. 16-17 (abrégé).
« La drague de Sérent, sur la limite du breton
et du français, mais dans la partie galaise du
Morbihan, était un serpent que les seigneurs de
Sérent tuèrent, et ils instituèrent une procession
commémorative, où tout le monde devait laisser
passage à la Drague. »
(Foaquet, Légendes du MorbihaHf p. 54 (trés-abrégé). Cette
procession rappelle celles de la Gargonille de Rouen, de la
Tansque de Tanucon, etc.
S IL — MONOGRAPHIES
LA COULEUVRE (Colvbbr matrix, L.)
Nom patois. — Proverbe
Cdeuve (M., E., S.-D.).
— Faignant (fainéant) comme une couleuvre
(S.-D.).
Créances et Superstitions
La couleuvre est amie de Tanguilie (£.).
Cest probablement un dicton qui fait allusion à une croyance
que je trouve précisée par Viaud-Grandmaison cité par Rolland,
p. 104 : « Q.uand l'été l'anguille s'envase par suite du desséche*
ment des canaux, le maraîcher croit qu'elle mène la vie des
' serpents et qu'elle s'accouple avec eux » (Loire-Inférienre).
Si une couleuvre reste sept ans sans voir
âme, c'est-à-dire sans voir un homme ou une
femme, elle devient serpent (S.-C).
Cette croyance, dont je ne connais pas de similaire en France»
eiiste en Sicile (cf. Cattelli, Creden^t ed usipopolari sicilimnif p. 9.
IVderme, 1878).
La couleuvre tette les vaches, et sa morsure
224 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
passe pour être aussi dangereuse que celle de la
vipère (P.).
Si un homme ou un animal boit dans une
fontaine où une couleuvre s'est désaltérée, il
devient malade ; pour le guérir, on lui fait avaler
du beurre fondu (P.).
Il y avait une fois un cheminiau (un ouvrier ter-
rassier) qui logeait chez une vieille bonne femme
qui passait pour être sorcière. Un jour il lui
apporta une couleuvre qu'il avait tuée. La vieille
la prit, la mit à cuire et l'arrangea propre à être
mangée. Le matin, quand la bonne femme se fut
absentée, il en mangea un petit bout. Il sortit ;
mais il fut bien surpris d'entendre le langage des oi-
seaux. Il s'en retourna dire cela à la bonne femme,
qui s'avisa qu'il avait mangé de sa couleuvre ; elle
lui souôia dans la bouche, et depuis ce moment
il n'entendit plus le langage des oiseaux. .
(Conté par J. M. Comault, du Gouray, 1881.)
Si on a sur soi un hro (langue) de couleuvre,
on est sûr d'avoir de la chance (S.-D.).
Il faut ramasser le piquet sans tuer la couleuvre,
l'envelopper dans un drap, le mettre dans sa
poche, et si on joue, on a de la chance (P.).
Pour confondre les charlatans, il faut prendre
le piquet d'une couleuvre, sans lui faire de mal,
et le mettre dans la poche d'un ami, sans qu'il
DE LA HAUTE-BRETAGNE 225
s'en aperçoive ; on le coud entre la doublure et
Tétoffe (P.).
La peau de couleuvre appliquée sur une bles-
sure amène une prompte guérison (E.).
La couleuvre dans Us contes
La Couleuvre, ire série, n^ xxiv, est une fée
•qui a pris cette forme.
Dans un conte inédit de ma collection,, une
<:ouleuvre vient à bord d'un navire ; elle donne
des conseils au capitaine, et un jour que le vais-
seau était attaqué par des sauvages, elle leur jette
5on venin, et ils en meurent tous. Un autre récit
inédit parle d'une fée métamorphosée en cou-
leuvre, qui est tuée par un bûcheron au moment
où elle allait piquer un homme qui dormait.
D'après un autre conte inédit que j'ai recueilli
aux environs de Moncontour, une Margot la Fée
a une fille qui, à un certain jour de l'année, est
condamnée à passer toute la journée sous la
forme d'une couleuvre. Sa mère va trouver un
paysan et lui dit de se placer i un endroit qu'elle
•désigne, et de tenir d'un soleil à l'autre la cou-
leuvre cachée sous son bassin ; il le fait, et au
5oir, à la place du reptile, il voit une belle prin-
cesse.
II 15
226 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LE CRAPAUD (Bufo, Laurenti)
Noms patois
Crapé, crapiau (M., E.); crapaô, pi. crapaouXy
crapaoû, crapiaoux (S.-D.); grape^ fém. (P.).
Labourer, c'est, en certains pays, soulever les
crapiaux. Dire de quelqu'un qu'il soulève les cra-
piaiiXy c'est dire qu'il est laboureur (S.-D.)-
Proverhes et Dictons
— r bouze des barbes comme un crapaud qui
va aux frases (fraises) (E.).
— Sauter comme un crapaud d'Uzé (M.).
— Les crapauds de Pless'la.
Ce sobriquet vient de ce que les gens de
Plessala s'appellent entre eux « crapaud », comme
d'autres diraient : « mon gars » ou « mon ami ».
— r n'est pas si mal à tuer qu'un crapaud :
cinq jours après qu'il a sa tête coupée, n'on li
voit les yeux comme à un luzard (M.).
Croyais et Superstitions
Les crapauds passent pour annoncer la pluie ; on
leur dit alors :
Saute, crapaud;
Nous aurons dTeau (M.).
Cf. Rolland, p. 49.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 227
Ils chantent :
Clouk I clouk I
pour l'annoncer (P.).
Ainsi que tous les animaux à sang froid, le
crapaud est un objet d'horreur et de crainte.
Vers Bécherel, on prétend qu'il est mortel pour
l'homme. A Plévenon, on raconte qu'une femme
ayant baratté du lait dans lequel se trouvait un
crapaud, tous ceux qui en mangèrent moururent.
De même que la couleuvre, il passe pour téter
les vaches (P.).
Aussi, quand un paysan en voit un, il se hâte
de le tuer. D'après le Bulletin de la Société protec-
trice des animauXy V, 258, cité par Rolland, « en
Ille-et- Vilaine, lorsqu'on rencontre un crapaud,
on l'exécute de la manière suivante : on le place
sur l'extrémité d'une planche, et le patient est
ainsi lancé à une grande hauteur. Comme il a la
vie très-dure, il n'est pas mort du premier coup ;
on recommence deux ou trois fois, puis ou le
perce d*un bois bien pointu, et, ainsi empalé, on
l'expose au soleil pour terminer sa malheureuse
existence. » Je me suis assuré que cette exécution
avait lieu fréquemment.
La même coutume cruelle existe dans le Finistère, le Centre^
la Loire, etc. (cf. Rolland, p. 50; Desaivre, Croy.^ p. 28).
Voici un jeu qui porte le nom du crapaud et
qui avait lieu naguère :
228 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Quand la tâche, siuxfilouds, était finie de bonne
heure, on demandait aux nouveaux venus :
— Sais-tu comment on mène le crapaud à son
pertus (trou) ?
— Non.
— Monte sur mon dos.
Quand le garçon était monté sur le dos de
celui qui devait lui enseigner le jeu, celui-ci se
mettait à quatre pattes et disait i l'autre de
tâcher d'allonger aussi ses mains et d'appuyer
sur la terre pour le soulager. Un troisième garçon
avait embrené un bâton et le passait entre les
jambes de celui qui faisait le crapaud. Le naïf
qui était sur son dos n'apercevait pas le bâton
embrené; il mettait la main dessus, et les
autres se moquaient de lui en se bouchant le
nez.
(Conté par J. Legendre, de Samt-Brieuc-des-IflFs.)
Si on coupe un crapaud avec une faucille, le
tranchant de l'instrument sera en meilleur étaî
pendant toute la moisson (E.).
Quand on voit un crapaud, il faut le tuer;
sinon, à quelque distance que soit enterrée la per-
sonne qui l'a vu, il va sur sa tombe jeter du venin
(P.).
Si on blesse un crapaud sans l'achever, oa dit :
— Vas bédé là (fait une sottise), mo vieux, forée
DE LA HAUTE-BRETAGNE 229
ééu Vkhuer bien, pasce qu'i* vienrc^ coucher o té d'ser
(S.-D.).
Ea B4<se<BrtttagM (cf, GakrU hnt.^ t, III, p. iji)» ci on
blesse «m ciapaud sani {'««bever, on 4 U fièvre, et l'on ne peut
s'en dèbsmsser que si on k tue.
Mais sa vengeance n*est pas toujours aussi
anodine ; aussi dit-on qu'il faut bien se garder de
ne pas le tuer tout à fait. La même croyance
existe dans la Loire-Inférieure (cf. ^fél., col. $55).
Le crapaud qui a été mart3rrisé se traîne jus-
qu'à la maison de celui qui Ta blessé, et il
Tétouffe dans son lit (P.).
Un homme avait coupé les deux cuisses d'un
crapaud. Trois ans après, comme il dormait sous
un chêne, le même crapaud vint lui monter sur
les jambes. Les compagnons du dormeur riaient
comme des fous; mais quand le crapaud fut
arrivé aux reins, il s'écria, et Thomme mourut
(S.-C).
Un faucheur avait par mégarde coupé avec sa
faux la patte de derrière d'un crapaud. Le lende-
main matin, il trouva auprès de sa maison le
crapaud, qui était venu de la prairie, assez éloignée,
pour se venger, mais n'avait pu entrer.
Un homme était couché dans une fonère^ pour
dormir. Ses camarades, qui étaient éveillés, vi-i>
rent un crapaud monter sur lui. Quand il fut
arrivé à l'endroit du cœur, il s'écria trois fois, se
230 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
dressa sur ses pattes de derrière, et Phomme ne
se réveilla plus : il était mort.
Cette histoire se trouve en d'autres pa3rs, et on la raconte
un peu différemment à Saint-Brieuc-des-I£Es. On dit que l'homme
avait fait exprès de couper la patte au crapaud en étaupinant sa
prairie, et qu'au moment de la faucherie le crapaud vint pour se
venger. Sur les vengeances du crapaud, cf. Gubematis, t. II,
p. 401.
Où il y a de gros potirons (champignons),
il y a de gros crapauds (E.).
Cependant on paraît lui accorder quelque uti-
lité : il passe pour prendre le mauvais air (S.-C.)»
ou ramasser le v'iin de la terre (P.).
Cf. A Luchet, Souvenirs de Jersey ^ p. i$o. On trouve la même
croyance dans le Loiret, le Poitou, etc. (cf. Rolland, p. $1, et
Souche, Croy.^ p. 28).
Dans un de mes contes intitulé ; Lr roi des
Crapauds, le crapaud, auquel la grenouille re-
proche sa laideur, lui répond :
— Si je suis laid, je ramasse le venin de la
terre, et je purifie l'eau qui te nourrit.
Si on applique un crapaud vivant sur un cancer,
il le suce, et l'homme qui Ta est guéri (E.).
Cf. une croyance analogue dans Rolland (Charente), p. 82.
Si l'on veut qu'une personne s'endorme, il
faut mettre un crapaud mort à sécher aux rayons
du soleil, prendre un de ses os, le moudre et en
introduire la poudre dans une tabatière; ceux qui
DE LA HAUTE-BRETAGNE 23I
■priseront resteront vingt-quatre heures sans se
réveiller (P.).
Jji crapaud dans les contes
Il est question de crapauds dans plusieurs de
mes contes : Ix Crapaud à bord (Contes des marinsy
no II) est une princesse métamorphosée en
•crapaud, et qui cesse de le devenir en passant la
patte dans un anneau magique. Le roi des Cra-
pauds et la reine des Grenouilles (2e série, n© xxx)
n'a rien de commun avec une légende recueillie
dans rille-et-Vilaine par M. Orain et reproduite
par Rolland, p. 56etsqq., sous le titre du Crapaud
qui se marie.
Voici deux autres contes où le crapaud a une
apiparence diabolique :
Le crapaud qui parle
Il y avait une fois deux garçons qui allaient
voir une fille ; un soir ils rencontrèrent sur leur
route un gros crapaud qui sautait à côté d'eux, et
qui ne se sauvait pas à leur approche. Us se
mirent à jurer; mais plus ils juraient, plus il
sautait.
— Où allez- vous, malheureux? leur dit le cra-
paud.
— Voir les filles.
— Vous allez voir une fille qui est damnée ;
232 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
die a eu trois enfants qu'elle a tués à leur nais-
sance.
Les garçons continuèrent leur route et allèrent,
chez la fille: mais ils entendirent sous terre un
bruit de tambours et de violons qui faisait
trembler la maison ; alors ils eurent peur et par-
tirent à s'en retourner. Ils trouvèrent encore le
crapaud qui leur dit :
— Eh bien I retournerez-vous encore chez cette
fille damnée?
H disparut, et le lendemain un des garçons alla
raconter au recteur ce qu'il avait vu ;
— Le crapaud, c'est le diable, répondit le
prêtre ; si vous retournez encore, il percera la.
terre et vous emportera (S.-C).
La fille maudite
Il était une fois une petite fille qui avait été
maudite par ses parents. Tous les jours, quand
elle allait aux champs, un gros crapaud s'attirait
de dessous terre et la suivait partout. Elle avait
beau lui jeter des pierres et tâcher de l'effrayer; il
ne se dérangeait point, et il la suivait aux champs
comme son ombre.
Elle alla à confesse et raconta au recteur que
tous les jours elle voyait un gros crapaud qu'elle
ne pouvait chasser.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 235
— N'avez-vous point été maudite? demanda
le prêtre.
— Si, monsieur le recteur.
— Eh bien! venez demain à dix heures au
presbytère.
Le lendemain, elle arriva à l'heure dite. Le
[»iètre prit son étole et un vase d'eau bénite, et
dit à la petite fille de sortir dans le jardin. Dès
qu'elle y fut, le gros crapaud se mit à la suivre
en sautillant ; mais le recteur passa son étole au
cou du crapaud et lui jeta de l'eau bénite. Le
crapaud disparut, et on ne le revit plus.
(Gjnté en 1880 par François Marquer, de Saint-Gist, monssey
flgë de quatorze ans.)
Dans nn autre conte identique k celui-ci comme trame et
comme dénoûment, le crapaud suit, non une petite fiUe qui a
été maudite par ses parents, mais une fille mère qui s*est
délMrrassée de ses neuf enjànts en les tuant.
Cf. dans Luzel, Ug. chrèi.y t. II, p. 179, une l^;ende où le
crapaud poiu'suit un fils ingrat.
Dans un conte inédit de ma collection, il est
parlé d'un château où tout le monde est malade,,
parce qu'il y a un crapaud sous im lit. Le héros
du conte, Petits-Yeux, tue un coq et répand son
sang auprès du lit, et le crapaud s'éloigne en
sautillant. J'ai pu constater l'horreur que k
présence d'un de ces animaux sous un lit inspirait
â des marins.
234 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LA GRENOUILLE (Rama, L.)
Noms patois
Guernoutîle (E., M); le têtard se nomme téeta;
batouè, à cause de sa forme, qui rappelle celle du
battoir (S.-D.); palette (Plaine-Haute, Saint-
Brieuc) ; petite loge (P.) ; chboché (D.) ; les œufs
de grenouille, couvin d* grenouille (S.-D.) ; couvan
(E.)-
Interprétations du langage des grenouilles
Un homme passait sur la chaussée d'un étang ;
il entendit les grenouilles l'appeler par son nom
et lui dire :
Malard,
D'où t'en viens-tu si tard ?
— D'où j'ai affaire, bougresse ! répondit-il.
Et les grenouilles de répéter très-vite :
Affaire, affaire, affaire, etc. (E.).
J'ai perdu mon rosaire :
Qjii qui l'a trouvé ?
— Ce n'est pas ma,
— Ni ma, ni ma, ni ma, etc. (Saint-Brieuc-des-Ifis).
Le roi est kué ; qui qui l'a kué (tué) ?
— Ce n'est pas ma.
— Ni ma, ni ma, ni ma (très-vite).
— 'Qjii qui f ra la cuisine ?
— O ne s'ra pas ma.
— Ni ma (plusieurs fois et très-vite).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 235
— Q.ui est-ce qui ira es noces ?
— Ce sera ma (plusieurs fois et très-vite).
— Qui lavera Tz écuelles ?
— Ce n'sera pas ma.
— Ni ma, etc. (ut supra).
— Qiii a cassé la baratte ?
— Ce n*est pas ma.
— Ni ma, ni ma, ni ma, etc. (très- vite).
(iuand elles sont toutes ensemble, il y en a
une qui demande :
Qui qu*a cassé la ribotte? (bis)
Elles répondent toutes ensemble :
Ni mé, ni mé (moi).
Les bourgeoises disent aux cuisinières :
Pèle les oeufe (bis),
Tu auras la coque et mé les moyeux.
Autre langage :
— Apperche-té, apperche-té ;
Monte sur mon dos.
— Tu m'écrases.
— Mais ouab 1 mais ouah !
Qjiand les grenouilles parlent ce dernier lan-
gage, on peut s'assurer qu'il fera beau temps
(P.).
236 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Croyances. — Superstitions. — Jeux
Q.uand on entend chanter les grenouilles, c'est
signe de beau temps (E.).
Cf. Souche, Croy., p. 4 (Poitou).
Si on entend au mois de mars les grenouilles
chanter le soir, c'est signe de beau temps ; si elles
chantent au midi, c'est signe de pluie (S.-C).
La grenouille dit au crapaud : « Il fera beau
temps demain. » Le crapaud répond : « Tempête
dans huit jours » (S.-C.)*
Habasque, t. II, p. 45, cite un texte d'où il
appert que dans les Côtes-du-Nord on faisait par-
fois battre l'eau pour faire taire les grenouilles.
Vers 1688, au jour de la Vigile de saint Jean-
Baptiste, les propriétaires de deux maisons étaient
obligés de battre l'eau d'un ruisseau près de la
résidence seigneuriale en disant ces paroles :
Renouesselles, taisez-vous (trois fois).
Monsieur dort ; laissez dormir monsieur.
Ils étaient tenus ensuite de se transporter au
manoir et d'y déclarer qu'ils avaient fait leur
devoir ; que les grenouilles ne disaient plus rien^ et
qu'elles ne faisaient plus de bruit.
Cette servitude s'appelait le dépry des grenouilles.
Cf. dans Rolland, p. 7a, un autre texte où il est question de
cette servitude fiodale.
A Ercé, il est de tradition que les anciens
DE LA HAUTE-BRETAGNE 23/
seignçurs du Bordage obligeaient les paysans à
happer Teau des fossés du château pour empêcher
les grenouilles de coasser.
Qpand il y a besoin d'eau, les grenouilles mon-
tent dans les chênes pour en demander, et elles
Client : Coax 1 coax 1 (P.)
Il y a en Haute-Bretagne un jeu qui se nomme
écaisser (déchirer) la grenouille. Il a été décrit
dans un conte de Paul Féval intitulé La Gre-
nouille (Contes bretons, p. 149, 155, i$8).
Si on peut se procurer une grenouille verte, il
iaut la mettre dans une pannette percée de petits
trous. Ensuite on met la pannette et la grenouille
4ans une fourmilière. Mais comme on ne doit pas
entendre la grenouille jeter un cri, on s'éloigne
de ce lieu le plus tôt possible. Elle est aussitôt
dévorée par les fourmis ; on prend tous ses os ; on
les met dans un ruisseau. Parmi eux, il y en a un
qui remonte le courant ; c'est celui-là qu'on doit
ramasser; on l'écrase et on le réduit en poudre
qu'on mêle dans du tabac à priser, et on en offre
A la jeune fille que l'on veut enchanter. Une fois
qu'elle a aspiré la prise, elle ne se connaît plus,
et elle suit celui qui l'a enchantée.
(Conté par J. M. Comault, du G^uray.)
La grenouille dans les contes
Plusieurs contes populaires mettent en scène
238 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
les grenouilles, entre autres : Le roi des Crapauds
et la reine des Grenouilles^ 2© série, n» xxx;
L'enfant qui entend le langage des bêtes, np xxv
(grenouille qui a avalé une hostie). Dans un
autre conte inédit, variante de celui-ci, une gre-
nouille a avalé Fhostie qu'une dame a vomie dans
un étang, et pour ravoir l'hostie on ouvre la
grenouille, qui était plus grosse que les autres.
LE LÉZARD (Lacerta agilis)
Noms patois. — Proverbes et Dictons
LouisardiE.) ; veurdet (Bécherel) ; /«^(ari (Saint-
Briac, D.) ; lée^a (S.-D.). Le lézard vert se
nomme vert-creux.
— Le luzard aime ben Ts hommes, mais i'
saute à la crasse- (visage) es femmes (Saint-Briac).
— Des yeux de luzard vif (D.).
Superstitions et Croyances. — Conte
Aux environs de Moncontour, le lézard vert
est redouté à l'égal de la vipère.
Une superstition analogue existe dans l'Yonne (cf. Rolland,
p. is).
Si le lézard pique les vaches au nez, elles
crèvent (E.).
Le lézard passe pour sucer le sein des femmes
et les faire ainji maigrir. Une bonne de ma belle-
DE LA HAUTE-BRETAGNE 239
mère, nommée Gabrielle Leray, de Gosné, ra-
contait qu'étant petite et gardant les vaches, elle
avait apprivoisé un lézard qui venait familièrement
sur elle et entrait sous son « mouchoir de cou ».
La petite maigrissait; on lui demanda si elle
n'avait rien d'extraordinaire, et elle raconta qu'elle
mettait souvent un lézard sur sa poitrine, mais
qu'il ne lui faisait rien. Les parents dirent que
sûrement le lézard suçait les seins à la petite fille ;
ils le tuèrent, et aussitôt elle engraissa.
Le lézard est l'ami de l'homme, mais non de
la femme. Un jour une jeune fille qui gardait ses
vaches vit un lézard vert à qui elle jeta des miettes
de pain ; le lendemain, elle en fit autant, et le
lézard était habitué à elle. Mais un jour qu'elle
n'avait pas de pain, il lui sauta à la figure, et il
allait la dévorer, quand des gens survinrent qui
chassèrent le lézard.
Une autre fois un homme dormait dans l'herbe,
et il y avait un aspi* mortel (vipère) qui s'appro-
chait pour le mordre. Un lézard, qui vit le danger,
se mit à courir sur l'homme et lui chatouilla les
oreilles, et le dormeur se réveilla à temps pour
n'être pas piqué.
(Conté en 1880 parj. Legendre, de Saint-Brîeuc-des-Iflfe.)
En beaucoup de pays de France, le lézard passe aussi pour
être l'ami de l'homme. La même croyance existe en diverses
contrées d'Europe, et même en dehors (cf. Rolland, Les reptiles.
240 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
t. III, p. II et 15; Gubernatis, Mythohjpe ^oologiqut, t. II»
p. 409; Souche (Poitou), Cray., p. 27).
Dans les contes populaires, le lézard se montre
reconnaissant quand Thomme lui a rendu service
(cf. Point du jour, 2e série, no xxxviii).
L'ORVET (Amgvis fiugilis, L.)
Noms patois
Anva, anvatUy anvat, anvé (M., E.); lanvert
(Saint-Brieuc).
Cf. le breton anv (serpent), et dans Rolland tout une série
4le mots patois où le radical anv entre eu composition.
Superstitions
A la campagne, on tue cet inofFensif petit rep-
tile, qui passe pour dangereux; on croit qu*il est
aveugle, d'où ce dicton :
Si an va vayait (voyait),
Si sourd entendait,
Homme su' terre ne vivrait.
Il se retrouve à peu près dans toute la France (cf. Rolland,
^. 20-21 ; Laisnel de la Salle, t. I, p. 24$, et t. Il, p. 199).
a Dans certains cantons, on ne croit pas que
l'orvet soit aveugle, 'puisqu'on assure que son
regard peut donner la mort. On dit aussi qu'il a
deux tètes, dont Tune veille tandis que l'autre
dort. »
(Journal d'Agriculture d'IlU-et-Filairu, cité par Rolland.)
DE LA HAUTE-BRETAGNE 241
LA SALAMANDRE (S^&manora maculosa, Laurenti)
Noms patois, — Proverbes
Sourd (E., M.); sourd-gare (Ille-et- Vilaine) ;
gendarme (S.-D.).
— Il est comme un sourd, i' ne démord pas
<M.).
— Jaune comme un sourd (S.-D.).
— r oit (entend) dur comme un sourd (M.).
Si anva vayait,
Si sourd entendait.
Homme sur terre ne vivrait.
Cf. des dictons analogues dans Rolland, p. 20 et 78.
Croyances et Superstitions
Les sourds et les taupes sont les deux plus
mauvaises bêtes de la terre (E.).
Cette croyance, qui se retrouve dans Pline (liv. xxix, ch. 23)»
existe aussi en Berry (cf. Laisnel de la SaUe, t. I, p. 199).
Le sourd passe pour s'introduire dans les écuries
pour pomper le lait des vaches (Calorguea).
Un homme dormait dans un champ pendant
Tété; ses compagnons aperçurent un sourd qui
tournait autour de lui plusieurs fois de suite.
— Regardons, dirent-ils, ce qu'il veut faire.
Et de peur qu'il ne fît du mal à leur camarade,
ils le couvrirent de leurs habits.
n 16
242 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Tout d'un coup, ils ne virent plus le sourd, et
quand ils voulurent réveiller l'homme, il était
mort. Ils allèrent chercher un médecin (?) qui
leur dit que, lorsque le sourd faisait le tour de
l'homme, c'était pour chercher l'endroit où
piquer le cœur.
(Conté en 1880 par Scolastique Durand, de Plévenon.)
Une superstition analogue existe en Normandie (cf. Rolland,
p. 80).
Si une femme qui a ses règles se couchait et
s'endormait au-dessus d'un endroit où une sourde-
chaude (femelle de sourd) est sous terre, elle serait
estropiée de quelque membre, si la sourde n'était
pas à plus de sept pieds sous la terre.
(Conté en 1880 par Joseph Legendre, de Saint-Brieuc-des-Iffs.)
Il est dangereux de se coucher sous des châtai-
gniers et surtout sous des noyers, car il y a des
sourds entre leurs racines.
Un homme qui s'était ainsi couché avait eu
mal au bras ; il alla trouver un reboutous, qui lui
dit que si le sourd avait été un pied plus près de
la terre qu'il n'était, son bras aurait été estropié.
Les sourds n'ont pas besoin de toucher pour
faire du mal (E.).
Une femme avait avalé un sourd ; elle enfla, et
le devin qu'elle consulta lui conseilla de placer
dans son soîier (grenier) un bassin plein de lait et
DE LA HAUTE-BRETAGNE 243
de se mettre au-dessous d'un trou pratiqué dans le
plancher. Dès que le sourd sentit le lait, il quitta
la femme et sauta dans le grenier (P.).
LA TORTUE (Testudo)
Nom patois. — Superstition. — Contes
Teurtue (S.-C).
Une charrette peut passer dessus n'importe
comment, sans Técraser (E.).
Dans un de mes contes populaires de la Haute-
Bretagne, La Bergère des champi, op ii, une prin-
cesse est métamorphosée en tortue; dans la
2e série, La vieille qui veut rajeunir y no XLi,'est
aussi changée en tortue pour avoir insulté les
fées.
LA VIPÈRE (Pblias bekvSj Merrem)
Noms patois. — Superstitions. — Contes
Viper ey masc. aspi^ mortel (E.); espi (P.).
Quand on a blessé une vipère et qu'elle n'est
pas tuée, il faut mettre du lait devant elle. Elle
siffle ; alors toutes les autres vipères accourent
pour boire le lait, et on les tue (E.).
Si on peut écraser la tête de la vipère qui a
i44 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
mordu et la mettre sur la morsure, on est bientôt
guéri (S.-C).
La même croyance existe en beaucoup de pays (cf. Rolland,
p. 29).
Un aspi' était sauté au sein d'une fille et la
tétait; elle ne savait comment lui faire lâcher
prise. On lui conseilla de monter à cheval sur une
jument; quand la jument pissa, l'aspic lâcha la
fille, croyant que c'était du lait, et elle en fiit
ainsi débarrassée (P.).
CHAPITRE VI
LES POISSONS
A. — LES POISSONS DE MER
SI. — GÉNÉRALITÉS
IN s'est jusqu'à présent peu occupé du rôle
que les poissons de mer jouent dans les
superstitions et dans les contes, des for-
mulettes qu'on leur adresse, des proverbes où ils
sont nommés, soit comme sujet principal, soit
comme point de comparaison. Dans la Mythologie
écologique de M. de Gubematis, on trouve pour-
tant quelques passages où ils figurent; mais,
outre que leur rôle est restreint, quelques-uns
seulement y sont indiqués, tels que le crabe.
246 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
l'oursin, etc. M. Eugène Rolland, dans le
tome III de sa Faune populaire de la France, a
relevé avec beaucoup de soin les noms patois des
différents poissons de mer, et il a fouillé avec
une grande conscience de nombreux livres pour y
trouver tous les dictons, les formulettes, les
superstitions, etc. , que les pêcheurs y attachent ;
mais comme l'exploration a été jusqu'à ce jour très-
peu tentée, dans son livre, excellent par ailleurs,
on voit beaucoup d'articles où figurent seuls les
noms des poissons.
Ils tiennent cependant leur place dans la litté-
rature orale : outre les contes dont ils sont, sinon
les héros, du moins des personnages épisodiques
importants (cf. Le roi des Poissons, !*■« série,
no XVIII ; Le Marsouin, 2e série, no xvi, etc.), des
fables où ils sont mis en scène (cf. le présent cha-
pitre, et dans les Contes des Marins la série inti-
tulée Fables et petites légendes), ils partagent avec
les autres classes d'êtres animés le privilège des
superstitions et des erreurs d'histoire naturelle : on
leur adresse des formulettes et des incantations.
Le chapitre qui suit, et dont les matériaux ont
été presque entièrement recueillis en 1880 et 188 1
dans la commune maritime de Saint-Cast (Côtes-
du-Nord), peut donner une idée de ce qu'on
pourrait trouver ailleurs en poursuivant l'enquête
plus à fond que je n'ai pu le faire.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 247
Voici, avant de passer à la monographie de
-chaque poisson, quelques généralités qui se
rapportent à l'espèce en général.
Quand on ne prend rien, on dit : « Il n'y a
pas ici plus de poisson que dans les landes du
Mené 1 » (Montagne des Côtes-du-Nord).
Lorsque la ligne touche le fond, les pêcheurs
disent : « Si on pouvait au moins ramener
l'Antéchrist ! »
Sur le banc de Terre-Neuve, on prétend qu'il
faut laisser de vieilles tripes de poisson dans les
bateaux, pour que la morue sente leur odeur
et soit plus disposée à approcher. C'est pour la
même raison que, sur le littoral de la Manche,
•on prétend qu'il ne faut pas tenir les bateaux trop
propres.
Les œufs de squale, qu'on nomme diables à
cause des cornes qui les terminent et de leur cou-
leur noire, passent pour être la gamme du diable,
c'est-à-dire l'écume de sa bouche en colère.
Quand le pêcheur met l'amorce à son haim
(hameçon), et qu'il jette la ligne à l'eau, le
poisson regarde la houette (l'appât) et lui dit :
Qui t'a mis ici, toi qui n'es pas d'ici ?
La bouette répond :
Celui qui m'a mis ici n'es pas loin d'ici ;
Si tu me mords, il te mangera.
248 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Les poissons dans Us contes
Dans Le château suspendu dans les airs (Contes des
Marins y n© xvm), le marin, quî possède une taba-
tière magique, a pour beau-frère le roi des poissons^
qui, en interrogeant ses sujets, lui fait connaître
où est le château suspendu dans les airs (c'est un
vieux marsouin qui le lui dit).
C'est le roi des poissons qui permet à ses
sujets de retrouver au fond de la mer les clés
que la Belle aux clés d*or y avait jetées (Contes des
Marins y n» xm). Dans Petit-Jean (Contes des Ma--
rins, no xni his), le roi des poissons, au moyen
d'un "marsouin, rapporte les clés d'or de la plus
belle princesse du monde.
Dans Les fées de la mer et les marins (Contes des
Marins y n© v), une fée de la mer fait présent à
des matelots d'un petit poisson doré qui leur
accordera tout ce qu'ils lui demanderont en
répétant une certaine formule.
^?S^55^?S^i^îS^55^îSg^:^
s IL — MONOGRAPHIES
L'ANATIFE (Aïiatifa uevis, L.)
Nom patois, — Croyance
Bemache (S.-C).
On croit encore que les anatifes sont des œufs
de Toiseau appelé bernache.
Cf. Rolland, t. III, p. 222.
L'ANÉMONE (Actinu, Brown)
Noms patois, — Dicton
On appelle les anémones patssards (poisseux),
culs de cheval^ culs de jument ou "bonnets hasques,
gamme de chien ; ces derniers sont, dit-on, Técume
des chiens enragés.
Qpand on mouille sur un fond où les petits
cailloux sont parsemés d* anémones, on dit :
Bonnet basque et eu de jument.
Nourriture du flétan.
Le flétan est une sorte de grosse limande
commune à Terre-Neuve et rare dans la Manche.
252 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
■_ _ _ - ■ - -, . ^^ ^
qui font chavirer les navires. On raconte la même
chose des tw/wari^ (pieuvres), et on dit qu'il y
en a qui pèsent plus de vingt barriques (S.-C).
LE CAPELAN (Gadus minutus, L.)
Nom patois, — Proverbe
Capian (Tréveneuc).
— Sec comme un capelan (M.).
LE CHIEN DE MER (Carcharias claucus, Cuvier; Galeus
CANis, Bonaparte ; Mustslus, Cuvier)
Noms patois
Chien toussé, chien hro (peau lisse), lice (à la
tête plus ronde), arcasson (noir aux ouïes), haû
(ces deux dernières espèces ont la peau presque
lisse), rousseïette (S.-C.) ; orhiche (Cancale).
On appelle les chiens de mer coquins, parce
qu'ils coupent les filets et les avançons.
La marachey qui est une sorte de haû plus
petit qu'un requin^ et qui a quatre rangées de
dents, a un poisson qui la conduit; sa femelle
s'appelle /»eaM bleue.
Proverbes. — Croyance, — Conte
— Roudche (rêche) comme une orbiche (Can-
cale).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 253
— Dur comme une piau d'rousselette (S.-C).
— Dur comme une piau dVoussette (Tréve-
neuc).
Les chiens font peur aux autres poissons ; quand
•on en voit, on dit : « V'ià les maudits chiens
<iui arrivent ; la marée est perdue : nous pouvons
nous en aller. »
Dans un conte de marins inédit on raconte
qu'un jour il y eut tant de chiens bros que les
bateaux échouèrent dessus.
LE CLOPORTE DE MER (Oniscus)
Nom patois, — Croyance
Trée (truie).
On appelle les trées rongeurs de navires ou
noyeurs de chrétiens, et les marins, surtout les
calfats, les maudissent.
LE CONGRE (Comger vulga&is, Cuvier)
Nom patois. — Proverbe. — Croyances
Congre est toujours féminin ; le petit congre se
nomme conguériau. A Tréveneuc, on appelle can-
guériau une espèce d'anguille ; elle n'est pas grosse
et ne vaut rien. Quand les pêcheurs en prennent
sur leurs lignes, ils les laissent sur le sable sans
les ramasser.
254 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
— Avoir des yeux de congre mort.
Le roi de la Basse (banc où Ton pêche), c'est
la congre : elle mange tous les autres poissons.
Le homard est Tami de la congre ; toutefois, la
congre le mange quand il est mou.
LA COQUILLE SAINT-JACQUES (Pectem maximus, L.)
Noms patois
Ricardeau (S.-C.) ; dahin (Saint- Jacut, Saint-
Brieuc); grenelle (Saint-Brieuc). On dit aussi des
cordilles de ricardeau (M.) ou des crodilles (S.-D.).
Formulette. — Conte
On dit au ricardeau :
Ricardeau,
Clisse donc que je te prenne 1
Ricardeau,
Clisse en haut.
Que je te trouve ;
Si tu n*y clisses pas,
Tu seras mangé adesa (ce soir).
Le ricardeau, qui souvent est caché sous
l'herbier de mer, décèle en effet sa présence par
l'eau qu'il jette en l'air en ouvrant ses valves.
Dans un conte de marins, n© uii, le courlleu
a)rant fourré son bec dans les valves d'un ricar-
deau, celui-ci, malgré les supplications deroiseau,
le tue.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 255
LE CRABE (Cancer, L.)
Noms patois
Grappe (fém.); les petits crabes se nomment
grapiîîons; l'étrille (PortunuSy Fabrîcius), grappe
pdue (crabe poilu) ; le dormeur (cancer paguruSy
L.), poincîos.
Proverbe. — Conte
— r va de travers comme une grappe.
Le grapillon dit un jour au brigot (vignot) :
— Brigot, toi qui n'as rien pour te retenir à
l'ancre, comment fais-tu à soutenir la tempête ?
— Ce que je fais ? Je ferme mon écdutille, et je
vais au gré des flots. Quand le beau temps
revient, je remonte, et je me promène sur le
sable. Et toi, comment fais-tu, grapillon ?
— Je jette tous mes grappins dehors, et je résiste
au mauvais temps.
— Ah I grapillon, ta maison n'est pas forte ;
tu n'as qu'une faible coquille, et on peut t'écraser
avec le doigt de pied.
— Toi, brigot, tu es comme le colimaçon: tu
portes ta maison sur ton dos, et tu ne peux aller
loin, et à moi tout pays m'est bon, car je vais
où je veux.
(Conté en 1880 par Etienne Piron, de Saint- Cast, pécheur ,
âgé de cinquante-buit ans.)
256 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LA CREVETTE (Ckangon vulgaris, Fabricius)
Noms patois. — Croyance
Chevrette, chieuvreite (M., S.-C).
On prétend que le bopyre parasite que Ton
trouve incrusté sur la tête de la chevrette contient
une petite plie ou limande, parfois une sole.
Ce préjugé existe ailleurs qu'en Bretagne (cf. Rolland, p. 105 ;
Desaivre, Croy., p. 29).
La crevette grise, qu'on appelle bouc, est peu
estimée sur la côte bretonne de la Manche.
LA DORADE (S«arus aurata, L.)
Croyance
La dorade change sept fois de couleur en
mourant (S.-C).
LE GRONDIN (Trigla gurnardus, L.)
Noms patois. — Formuîette. — Croyance
Grondin pu gourneau.
C^uand on prend un grondin, il grogne, et
l'on dit qu'il répète :
Ma femme est grosse I
Ma femme est grosse 1
DE LA HAUTE-BRETAGNE 2$/
Ou:
Fous-moi dehors.
Ma femme est grosse.
Celui qui mangerait la tête d*un grondin en
mourrait. Ceci est une plaisanterie : il n'y a pas
de chair sur la tête de ce poisson, qui est très-
cartilagineuse et très-dure.
LE HARENG (Clupea harbngus, L.)
Proverbe
— Sec comme un hareng,
LE HOMARD (Astacus mmukus, Fabricius)
Noms patois. — Croyance, — FormuletU
Homa ; la nasse se nomme cavette, casier,
A Tintérieur de la tête du homard se trouve
une sainte Vierge avec deux anges.
Homard t
Q.ui es plus fin que le renard.
Hâte- toi de venir dans nos casiers;
Tu seras un de nos lottiers (tu auras ton lot)»
L'HUÎTRE (OsTREA, L.)
Noms patois. — FormuUtte
Huife, hit'e, hître (S.-C).
n 17
258 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Quand on jette la drague pour les huîtres, on dît :
Va au bon Dieu ;
Prends garde de te perd'e.
Et reviens-t'en pleine.
Les Fées de Lâla, n» xiii, 2* série, vont manger les huîtres
dans les parcs.
On ne mange pas d'huîtres pendant les mois
qui n'ont pas d'r.
Les hanards (fausses huîtres) ont été maudits,
car ils détruisent les huîtres.
LE LANÇON (AïoiODTrBs tobiamus, Cnvier)
Fortnulettes. — Conte
On appelle îançonniers, fém. lançonnouèrCy les
pêcheurs de lançon (S.-C).
On dit au lançon :
Lançon, petit lançon tout rond^
Fais-moi prendre du poisson ;
Si tu ne veux pas me faire prendre du poisson.
Je te pilerai à grands coups de bâton.
Lançon,
Prends ton bond ;
Si tu ne prends pas ton bond,
Tu auras du bâton.
Quand on ne trouve pas de lançons, on dit :
Lançon, petit lançon.
Fais bondir le sable, que je te prenne ;
Ou déserte à Compiègne.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 259
Dans le Pêcheur de lançons (Contes des Marins,
no LVi), une fée fait présent à un pêcheur d'un
lançon merveilleux, grâce auquel il prenait tout
le poisson qu'il voulait, en lui adressant quelques
mots.
LE MANCHE DE COUTEAU (Soleh, L.)
Noms patois. — Formulettes
Manço, manceau, plur. manceaux (S.-C).
On l'emploie comme appât; le fil de fer
recourbé au bout avec lequel on le prend se
nomme mançôtoué. On les prend aussi en leur
présentant auprès de leur trou une pincée de sel
blanc.
On dit aux manceaux :
Manço, sers-nous à boitter (i),
Ou si tu n*y sers pas.
Tu seras haché
Comme chair à pâté (S.-C).
On donne le nom d^puron de mer à un manço
recourbé qui ne devient pas aussi gros que le
manço ordinaire; quand il fait du soleil, il s'attire
sur le sable, et on le prend avec la main.
(i) Faire de l'appât pour les poissons : on pile les manches de
couteau, et on les jette auprès des canots pour attirer le poisson.
260 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
On lui dit :
Puron, sors de ton trou,
Ou je te coupe le cou (S.-C).
LE MAQpEREÂU (Scomber scomber, L.)
Noms patois, — Formulettes
Macrèy maquMau,
En jetant les lignes dehors, on dit :
Les ch*loupes
Qjii sont dans la Guadeloupe ;
Les séchards
Qui sont dans TafFare (appât) ;
Les maquériaux
Qui sont dans Tiau :
Mords du plus petit au plus gros.
Q.uand les pêcheurs jettent leurs filets pour
pêcher le maquereau, ils disent :
Sainte Marie, mère des flots,
Faites la grâce que nous prenions quelques maquereaux.
Des petits et des gros (S.-C).
Quand il y a beaucoup de séchards (ripons), on
leur dit :
Séchard,
Pars de Taffare ;
Maquereau,
Reviens aussitôt,
Et ne t'en vas d'ici que tantôt.
On prétend que cela fait s'en aller les séchards.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 261
Dorade,
Prends ta rage.
Séchard,
Pars de TafFare.
Maquereau,
Viens sur Teau.
Maquereaux,
Prenez-vous sur le manceau.
Le maquereau dans Vîconographie et dans les contes
« A Saint-Briac, rornementation architerturale
de l'église révèle une origine populaire : des
maquereaux sont sculptés en sautoir dans les
bénitiers, sur la paroi intérieure des murailles et
sur les pignons des chapelles, qui portent la date
de 1688. La pêche de ce poisson étant alors très-
abondante, les lots fournis par chaque bateau fu-
rent employés pour la reconstruction de Téglise. »
(B. Robidou, Histoire et panorama d'un heaupays^^p. 234.)
Depuis, l'église a été rebâtie ; mais une partie de ces ornements
ont été détruits par le cleigé, qui ne comprenait plus cette tou-
chante symbolique d'autrefois.
Dans La Houle du VâU (Contes des Marins,
no xi), les fées donnent à un pêcheur le pouvoir de
pêcher des maquereaux autant qu'il voudra.
Un autre conte de marins, no lix, met en
scène le roi des maquereaux et le roi des brèmes,
qui, mécontents de leurs sujets, prennent la réso-
lution de les quitter.
262 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
I , j
LE MAQUEREAU BÂTARD (Caramx twlchtous, Cuvicr)
Noftis patois
Séchard ; même mot à Lorient (Rolland) ; ripon
(S.-C.) ; chinchar (vers la côte bretonne) .
Formulettes
Quand il est pris, il fait entendre une sorte de
plainte; on prétend qu'il dit :
Tu me fais mal.
Ou:
Je chante, (Us)
Je me plains.
On prétend qu'il dit aussi en se plaignant :
Je viens d'un beau pays,
Où sont des arbres remplis de fruits ;
Mets-moi dans Teau à y retourner ;
Je vais aller t'en chercher,
Et je t'en rapporterai (S.-C).
Place, place.
Ma fille est grosse d'un pape.
On lui dit :
Ripon,
Mors sur l'hameçon,
Ou tu auras du bâton.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 263
LA MÉDUSE (Mbdvsà)
Noms patois
Pèlerine (Saint-Brieuc) ; gluant d'eau (S.-C),
sougale. On prétend que la méduse est la crasse
de la mer (S.-C.) ; vers Tîle de Ré, on la nomme
gale de mer.
La méduse passe, comme la sèche, pour donner
mal au& yeux à ceux qui se les frottent après
l'avoir touchée (S.-C).
LA MORUE (MoRRHUA vulgaris, Cuvier)
Formulette. — Croyances» — Superstitions
Mords, morue, mords.
Cent ans après ma mort,
Je crierai cor :
Mords, morue, mords.
On récite cette formulette à tous les poissons,
sans changer le mot morue,
La morue a auprès des ouïes deux arêtes qui
ressemblent à des lames courbées ; on les appelle
05 de vérité, et les pêcheurs en tirent des présages ;
voici comment :
On jette en l'air l'os de vérité, sans le regarder ;
il ne faut pas qu'avant de tomber il touche la
264 IRADITIONS ET SUPERSTITIONS
moindre chose ; celui qui consulte Tos de vérité
prononce en même temps ces paroles :
« Si tu ne me dis pas si je prendrai (dix, vingt^
poissons, je vais te hacher avec mon couteau. »
Si Tos de vérité tombe les deux extrémités
recourbées vers la terre, c'est qu'il répond non ;
si au contraire elles sont en l'air et que le milieu
touche la terre, cela veut dire oui.
Quand l'os de vérité répond non, on le frappe
à coups de botte, puis on l'interroge de nouveau.
Il y a à Terre-Neuve des marins qui conservent
pendant plusieurs mois des os de vérité, et qui
les interrogent souvent.
On demande aussi aux os de vérité s'il fera
beau ; quand la réponse est défavorable, on ne se
tient pas pour battu, et on les rejette jusqu'à ce
qu'ils aient dit oui.
LA MOULE (Mttilus bdvlis, L.)
Noms patois. — Croyance
Mouque (S.-C.) ; corbin (S.-D.) ; béfiny moule
d'Erquy; mouîière, lieu où les moules sont abon-
dantes.
On prétend que la neige les engraisse et les
blanchit (S.-C).
mmmmmaÊmmmmmm
DE LA HAUTE-BRETAGNE 265
L'ORMIER ou OREILLE DE MER (Haliotis, L.)
Noms patois. — Dictons
Ormée, f. (S.-C); ourmier, m., ormaie^ f., or-
meau, m. (Tréveneuc) ; ottrmt&j, f. (Saint-Brieuc).
— Les armées ne passent point par le eu es
chats.
— Jamais ormée n'a passé par eu de chat
(S.-C).
L'OURSIN (EcHiNus, L.)
Noms patois, — Proverbes, — Fortnulette
Doucine (S.-C); œuf de mer, pluriel des œufs
de mer (Tréveneuc).
— Poilu comme un oursin.
— Avoir le poil debout comme un oursin.
Petit oursin, deviens gros ;
Tu serviras à m'faire un pot.
LE PAGEL (PA6EU.VS, Cnvier)
Noms patois. — Formuîettes
Pironneau, pironniau.
On dit au pironneau :
Pironneau,
Saute en haut,
Hors de Teau,
Qjie je te tue o mon fasi' chassepot !
266 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Il répond :
Je n'y sauterai pas,
Q}iesi tu veux me donner de ton appât (S.-C).
LA PATELLE (PiTELLà, L.)
Noms patois. — Proverbes. — Croyance
Béni, Vni^ hemi (S.-C); hemi, hemin (Tréve-
neuc) ; hernie (Saint-Brieuc) (cf. le breton hrinic).
— Se coller comme un Vni,
— G)llé comme un b*ni sur un caillou (en
parlant des jeunes gens et des jeunes filles).
On emploie les bemis bouillis pour les cochons
malades.
LA PLIE (Platbssa wlgaris, Cuvier)
FonnuletU
PUe, pUe I
Viens dans not' pêcherie ;
Nous t'éclairerons avec de la bougie (S.-C).
LE POISSON SAINT-PIERRE (Zbus pabbk, L.)
Nom patois. — Contes
Poule de mer (S.-C).
Qjiand le bon Dieu prit la poule de mer, il lui
DE LA HAUTE-BRETAGNE 267
marqua ses cinq doigts sur le dos, puis il la remit
i la mer en lui disant :
— Va, croîs et multiplie (S.-C).
Cf. deux légendes où le rôle du bon Dieu est rempli par saint
Pierre (Rolland, p. 161).
Un jour le bon Dieu, qui voulait manger du
poisson, s'embarqua dans un petit bateau pour
aller en pêcher, et il prit une poule de mer; mais
il ne voulut pas la manger, car il n'y en avait
pas beaucoup dans ce temps-là, et il la trouvait
trop belle. U la prit entre deux de ses doigts et
la remit à Teau en lui disant :
Fuis, Fannie,
Crois et multiplie.
Depuis ce temps, il y a toujours eu des poules
de mer, et elles portent toutes aux côtes la
marque des doigts du bon Dieu (S.-C.).
Cf. CoHtes da Marins, n« Lvii, La Poule de mer.
LE POULPE (OcTOPUs, Cuvier)
Noms patois, — Croyances
Minard (S.-C, Tréveneuc) ; terpted, plus usité
que minard (Tréveneuc).
Les minards sont une race maudite; on les
injurie en les appelant mangeurs de moules,
coquins ou enfants du diable. Parfois les pêcheurs
268 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
s'amusent à leur crever les yeux ou à leur passer
un bois dedans, puis ils les rejettent à la mer.
On disait à Saint-Cast, d'un pêcheur qui
prenait beaucoup de poisson, que sa chance tenait
à ce qu'il avait toujours un minora dans le fond
de son bateau.
Forntuîettes. — Conte
On maudit le minard, et on lui dit :
Maudit minard,
Tu viens toujours trop tard ;
Viens donc dans le mois de mar'.
On déserte dans Tdépartement dn Var ;
Et que Dieu ^se la grâce
De ne plus jamais te revoir (S.-C).
Maudit minard.
Tu arrives toujours trop tôt ou trop tard ;
Si tu n'arrives ou ne vas pas à mon gré»
Je te faudllonnerai.
C'est-à-dire je te frapperai à coups de faudllon.
On emploie le minard à faire de la hoitte (appât) ;
s'il n'y en a pas, on prend peu de chose ; s'il y
en a trop, ils détruisent le poisson ; alors les pé-
cheurs les maudissent.
Trop tôt, c'est quand en avril ils font peur aux
maquereaux ; trop tard, quand il n'y en a pas
pour boitter pour les congres.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 269
Le minard dit à la margate (sèche) :
— Comment fais-tu, toi, margate, qui as les
filets si petits, à te tenir bon pendant les tempêtes ?
— Je ramasse mes petits filets dans ma coque,
et je me laisse aller; et toi, minard, comment
fais-tu ?
— Je mets tous mes grappins dehors, et je tiens
bon.
— Ah 1 minard, tu es mou comme un gant ;
tu n*as de dur que le bec ; moi j'ai un os qui me
conserve (S.-C.)-
LA RAIE (RAjà, Cuvier)
Noms patois. — Croyances
R4y étique (raja, pastenaca, L.), ftd (grosse raie
qui a le nez plus pointu que la raie commune)
^S.-C.); rê (Tréveneuc).
Sur les bancs de Terre-Neuve, on maudit la
taie; on lui coupe le nez, et on la rejette à l'eau.
On dit que sa figure ressemble à celle du bon
Dieu. Dans la tête de la raie, comme dans celle du
homard, se trouve une sainte Vierge avec deux
anges.
On appelle esprit de raie deux petits os qui
sont dans sa tête; ils se trouvent aussi dans la
morue : c'est Vesprit de morue.
270 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LE ROUÉ (Ctclopterus lampus, L.)
Croyances. — Contes
Le roué a un poisson qui le conduit. Quand
on le voit battre de la queue sur Teau, c'est signe
de vent.
D'après un conte de marins, n» liv, le roué de
mer est un pêcheur emmorphosé par les fées aux-
quelles il avait désobéi.
Dans un autre conte de marins, np lviu, le
homard, pour se venger du roué de mer, saisit
avec sa pince le poisson qui lui sert de guide, et
le roué de mer, livré à lui-même, vient s'échouer
sur les cailloux.
LE ROUGET (Mullus barbatvs, L.)
Croyance
Le rouget, qu'on nomme aussi poisson royal,
est le roi des poissons; on dit que les autres lui
obéissent (S.-C).
LA SARDINE (Clupba sardima, L.)
Noms patois. — Proverbe
Sardrine(S.'C,, Tréveneuc), serdrine. La petite
espèce de sardine se nomme baguette (S.-C).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 27I
— Pressés comme des sardines (M., E., Tré-
veneuc).
LA SÈCHE (Sepia officinalis, L.)
Noms patois. — Proverhe. — Croyances
MargaU(S.-C.); morgate (D., Tréveneuc, Saint-
Suliac). Cf. le breton môrgaden.
— Sec comme une margate.
La margate a, dit-on, la figure d'une personne.
Si on se frotte les yeux après avoir touché une
méduse ou une margate, on peut devenir aveugle
(S.-C).
LA SOLE (SoLEA vuLGARis, Cuvier)
Formulette
Sole, sole,
Mors sur l'hameçon qui est attaché à nos cordes,
Ou nous te fions bouillir dans not' casserole (S.-C.).
LE TALITRE (Talitrus saltator, Mont.)
Noms patois. — Croyances
Puce de mer, pusseau.
On maudit les pusseaux, parce qu'ils viennent
sucer le poisson ; on les injurie en les appelant
« curés en retraite ».
272 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Quand on les voit sauter sur le sable, le di-
manche, on dit qu'il fera beau pendant huit jours.
LE TURBOT (Rhombus maximus, Cuvier)
Farmulette
Mors sur nos lignes, turbot ;
Tu ne s*ras pas un diot (sot),
Car il y a un bon morceau d'maquereau (S.-C).
LA VIEILLE (Labrus variegatus, L.)
Noms patois. — Croyance
Le mâle se nomme vraichot ou mouïard.
La vieille a le commandement sur tous les
poissons, petits ou gros, qui sont sur la basse.
LE VIGNOT (Turbo littorbus, L.)
Noms patois. — Formulette^
Brigoty hrigaud (S.-C.) ; farin, bergeau, fait
^réveneuc); hernigot, higuerneau (D.). Cf. le
breton higornen.
On dit au brigot :
Petit brigot.
Tu es bien petit ;
Mais que tu es beau
DE LA HAUTE-BRETAGNE IJ^
LA VIVE (TiucHiirus vipera, Cuvicr)
Noms patois. — Croyances. — Formulette
Guigri (S.-C); 5Wtt (Saint-Brieuc); à Tréve-
neuc, marte-piquant.
Le guigri a sur le dos une arête bleue qui se
redresse et pique. Le venin qu'elle contient est
assez subtil pour que la piqûre en soit très-
redoutée des pêcheurs de la Manche. Si on est
piqué par un guigri, il faut le tuer et baigner la
partie atteinte dans de la soupe grasse. On pisse
aussi dessus.
Les guigris sentent la tempête, et ils piquent
bien plus quand souffle nord-est que lorsque
régnent d'autres vents.
Si on est piqué par un guigri, on souffre d'une
marée à l'autre ; on peut rendre sa piqûre inof-
fensive en écrasant dessus le fiel du poisson ou
en se frottant avec ses tripes.
Toutefois, quand la piqûre a été profonde et
faite par un gros guigri, on prétend qu'on s'en
ressent pendant toute sa vie.
On maudit le guigri, et on lui dit, pour le
chasser :
Va-t'en, maudit guigri,
Et ne viens pas mordre sur nos lignes ;
Va-t'en ^ans les eaux ou dans les airs.
Il l8
B. — LES POISSONS D'EAU DOUCE
i'ai peu de détails sur les poissons d'eau
douce, bien que j'aie fait de mon mieux
pour m'en procurer. On trouvera ci-
après ma récolle.
Si on veut prendre beaucoup de poisson, il faut
étouffer des petits chats aussitôt qu'ils sont nés,
les renfermer dans un pot, puis les hacher avec
de la graisse, et se frotter ensuite avec quand on
va à la pêche. Le poisson accourt aussitôt (£.)>
L'ANGUILLE (Anguilla vtjlgaris)
Proveries et Dictons
— Les anguilles sont les mères des fontaines
(S.-C).
— Bougeant comme une anguille. II se faufile
comme une anguille.
Croyances
L'anguille est la cousine germaine de la cou-
TRADITIONS ET SUPERSTITIONS 275
leuvre; elle court après elle et fraie avec. Elle
passe pour être venimeuse (E.).
« duand Tété T anguille s'envase par suite du
dessèchement des canaux, le maraichin croit
qu'elle mène la vie des serpents, et qu'elle s'ac-
couple avec eux. »
(Loire-Inférienre, Viaud - Gmndmands, cité par Rolland,
p. 104.)
LE BROCHET (Esox ltcitts, L.)
Noms patois. — Croyance
On appelle « goule de brochet » les gens qui
ont la bouche en avant et très-fendue.
L'épinoche se nomme petit brochet (E.).
Le brochet est le compère de la carpe (S.-C).
LA CARPE (Ctpriktts ca&pio, L.)
Proverbes, — Croyances
— Faire des yeux de carpe frite.
— Bâiller ou dormir comme une carpe au
soleil.
Si la carpe frappait, étant dans l'eau, la main
de l'homme avec sa queue, elle pourrait le para-
lyser (E.).
Les carpes font mauvais ménage avec les
tanches, et on prétend qu'elles les mangent.
276 TRADITIONS ET SUP1
LE DARD (Liuciicui vulguis, Cnvier}
Criijatue
Le jour Saint-Pierre d'Antioche (23 février),
c'est la moulée du dard, qui monte au rebouis
de l'eau pour aller frayer (E.),
Nom palois, — Froatrhe
Sangswe. 'Même nom en beaucoup de dialectes.
— Se coller comme une sangsue.
CHAPITRE VII
LES INSECTES
S I. — - GÉNIÈRALITÉS
|E nombre des insectes que les paysans
connaissent n'est pas très-considérable :
en Haute-Bretagne, je ne crois pas qu'ils
puissent en désigner plus d'une quarantaine par
un mot patois. Pour eux les nombreuses variétés
des coléoptères à corsage foncé se réduisent à
trois. Les espèces de papillons sont confondues
sous le même nom; la plupart du temps, ils
n'indiquent même la couleur que des blancs ou
des jaunes. Ce sont d'ailleurs ceux qui jouent
dans la superstition populaire le rôle le plus
important, ainsi qu'on le verra à la monographie
du papillon.
s II. — MONOGRAPHIES
L'ABEILLE (Apu, L.)
Notns patois
[OUCHE à mié, mouche à miel (M., E.);
aveite, monche à miéy ruche (P.) ; monche,
monche de ruche (S.-D.). La ruche s'appelle
cavéy couette (M.); cachot (P.); son couronne-
ment, un caîibournet (P.) ; la nichée, une caveUe
(M.) ; Tessaim qui en sort, jet ou jiet (P.) ; jiet
cF manches, jiet d* ruches (S.-D.).
On donne le nom de pillardes aux abeilles
vagabondes (S.-D.). Quelquefois les mouches
sont saisies d'une sorte de panique : c'est Véverdin
(E.).
Devinette
Qui est fait comme un fou* (four)» qui n*est pts fou*.
Où il y a cent mille habitants
Qjii volent comme le vent? (E.)
— Une ruche d'abeilles.
Cf. Bladé, D. 80.
TRADITIONS ET SUPERSTITIONS 279
Croyances et Superstitions
Si les mouches essaiment beaucoup, c'est signe
^ue Tannée sera bonne ; si elles ne profitent pas,
c'est un présage de guerre ou de mauvaise année
<E.).
Si pn peut attraper le premier papillon blanc
qu'on voit, on trouve un essaim dans l'année
On met entre la pierre et la ruche un morceau
«de cierge bénit pour empêcher les abeilles de s'en
aller.
Cf. Rolland, t. III, p. 267 (Vosges).
Un morceau d'acier mis sous une ruche préserve
les abeilles du tonnerre (P.)»
Qpand les abeilles sont sur le point d'essaimer,
-elles se parlent ; si on va les écouter de près, on
■entend la mère qui dit :
KaBj kan« kan.
Ce bruit s'arrête un peu, puis il reprend (P.)«
Si les abeilles essament le jour Sainte- Anne
(26 juillet), il y a un cierge dans le milieu des
ruches ; c'est la ruche du roi. Si elles essaiment
un des jours consacrés â la Vierge, les railes
{rayons) sont en croix, et c'est la ruche de la
reine. Si on fait périr ces ruches, les autres
périssent aussi (E., P.). Si les abeilles essaimçiit
280 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
un jour de fête d'un grand saint, il y a un roi
dans la ruche (P.).
Cf. dans Rolland, p. 268, des croyances analogues.
Après la Saint-Laurent, les abeilles n'essaiment
plus (E.).
Pour rassembler les essaims, on frappe sur un
bassin, ou l'on heurte deux fers à cheval l'ua
contre l'autre, et on dit aux mouches en chan-
tonnant :
Alla (i), mère, alla, mère (ou mé).
Alla, alia, mère (P.).
Allie, allie^
Alliez-vous, mes petites, en ménaïge (E.).
En ménage, mes petites.
Montez, mes petites, en ménage.
En ménage, en ménage (E.).
Sia, sia, mes mouches^ sia;
Ne va pas par les montagnes.
Et viens t'enfermer dans les ruches (S.-C.)-
Ali meur I Ali meur 1 (Tréveneuc)
O la méère I ô la méère I (S.-D.')
Sur les formulettes de Tabeilie, cf. Rolland, t. III, p. 267 ;.
Desalvre, Essai de mythologie locale (Poitou et Vendée), p. 4.
En plusieurs pays, il y a un homme dont le
métier est de partager les essaims ou de les faire
(1) Allier ou alier est en ce pays un terme technique et veut
4ire rallier.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 281
rentrer; il n*a aucun vêtement pour le préserver
des piqûres. Il envoie ceux à qui sont les mouches
lui chercher différents objets, et c'est pendant
leur absence que l'opération a lieu (P.).
Certains hommes qu'on appelle des mieîîiers
savent arrêter les mouches à miel. C'est un don
qui se transmet de père en fils ; mais l'aîné de la
famille peut seul le posséder. Le mieillier dit une
oraison particulière, tient son chapeau derrière
son épaule gauche et a l'œil fixé sur le milieu de
l'essaim où se trouve la mère, qui ne tarde pas à
venir se poser sur sa main (E.).
Les sorciers, pour faire réformer les conscrits^
leur font piquer les testicules par des abeilles
(lUe-et-Vilaine).
Quand il meurt un proche parent, on met les
ruches en deuil. Si c'est le père, la mère x)u le
chef de la maison, le deuil est blanc ; on attache
à la ruche un morceau du drap qui a enseveli le
défunt, ou on coupe dans ses chemises propres un
petit guéniîîon qu'on met sur la ruche. Sans cela,
les abeilles s'en iraient ou périraient (E.).
Qiiand la mort a enlevé le chef de la maison,
presque toujours elles meurent dans l'année, ou
elles ne profitent plus (E.).
Si le maître des ruches est mort, les abeilles
portent le deuil six mois et ne chantent plus.
Qjiand le père de famille est défunt, on leur
282 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
porte un morceau d*ua chapeau de laine lui
ayant appartenu (P.).
A Saint-Cast, on leur met un drap noir.
En Basse-Bretagne (cf. Galerie hreUmne^ t. I, p. X73); en
Picardie (cf. Mél.f col. 73) ; dans TOrae (A., col. ^^ ; Aaièlie
Bosquet, p. 217); dans la FFsnche-Comtè (Ift,, col. 346,note]^;
^ns les Vosges (Ib.^ col., 4$i)i dans le Poitou et dans la
Vendée (cf. Sonché, Croy.y p. 18, et Desaivre, Mytbol, loeaUy
p. 4), on met aussi les ruches en deuil.
Si la personne la plus chanceuse de la maison
vient à mourir, elle emporte avec elle la chance
des ruches (P.).
Les mouches à miel vendues après le décès de
quelqu'un profitent rarement ; mais celles qui
ont été volées réussissent (E.).
Cf. Rolland, t. III, p. 268.
Vendre une ruche porte malheur à celles qu'on
ne vend pas.
L'ARAIGNÉE (Akam^, L.)
Noms patois, — Dicton
Irangne, irangnée, d'où irangnery araigner (E.,
S.-D.) ; les toiles se nomment teks d*irangnes (S.-
D.); Jî' d'irangne (E.); arantele (pays de Retz,
Xî. g).
Araignée du matin.
Chagrin;
DE LA HAUTE-BRETAGNE 285
'Araignée da midi,
Plaisi* ;
Araignée du soir,
Espoir (P., S.-C).
Se retrouve presque exactement dans les Vosges. Cf. Mil.,
col. 451, et Rolland, p. 241, pour les nombreux similaires.
Qpand il y a des toiles d'araignée dans une
maison, on dit qu'il y a des jeunes fiOUes à marier
{M.)y mais s'il y en a trop, on les appelle dç$
chasse-galants.
Croyances et Superstitions
Q}iand les araignées travaillent plus que de
coutume, c'est signe de pluie ; si elles essaient
de s'approcher de la fenêtre, c'est signe de beau
temps (E., P.).
Les araignées sont d'un mauvais augure.
Q}iand le temps change, elles disent : « Tac-
tac, » comme un balancier d'horloge (P.).
En filant leur toile, les araignées chantent une
chanson; en tuant les mouches qu'elles ont
prises, elles en disent une autre, mais je n'ai
pu m'en procurer le texte (E.).
Si certaines araignées de grosse espèce passent
sur la figure d'une personne, elles lui donnent
un cancer (P.).
Cétait une croyance du moyen Age (cf. Deschamps dté par
Rolland, p. 238).
284 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
On croit à la campagne que les panaris sont
produits par une araignée qui s'est introduite
dans le doigt (Calorguen).
LE BOURDON (Bombus)
Croyance
Le bourdon passe pour être le mâle de Ta-
beille (E.).
LE BOUZIER (Meloe)
Nom patois
Marguerite (M.); sangvinsang (S.-C); sergent
de merde (S.-D.); diable^ fouille-merde (P.).
Jeu et Formulettes
Les enfants crachent sur les bouziers et leur
disent ;
Marguerite, Marguerite,
Donne-moi du sang rouge.
Et je te donnerai du sang blanc (M.).
Sangvinsang,
Donne-moi de ton sang rouge ;
J'te donnerai du sang blanc (S.-C).
Sur la limite de l'Anjou et de la Bretagne,
on leur dit :
Morelle, morelle,
DE LA HAUTE-'BRETAGNE 285
Vends-moi de ton sang rouge ;
J'te donnerai du vin blanc.
Cf. dans Rolland, p. 54$, des fbrmulettes similaires.
LE CERF-VOLANT (Lucahus cbrvus)
Noms patois
Diable (P.); cer, fém. cer-résse (S.-D.); cerf
volante (P.).
Croyances. — FormuUtte
Qpand ks cerfs-volants volent le soir en bour-
donnant, c'est signe de changement de temps (E.).
On a de la chance si on porte dans sa pochette
une tUte de cer ; mais une tête de cer^ésse ne
ferait pas le môme effet (S.-D.).
Même sai>erstition dans le Loiret (cf. Rolland, p. 328) ; en
Berry (cf. Laisnel de la Salle, 1. 1, p. 284), un cerf-volant mis
au chapelet préserve des maléfices. • û
Cerf-volant,
Donne-moi de ton sang ;
J'te donnerai du bran.
Si tu ne veux pas,
Pte donnerai des coups de bois (S.-C).
LA CHENILLE
Noms patois, — Croyances
CharpelouseQA.f E.); cherpéhuse (P.); téte-naïre
(Hénon).
a86 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
On les tue, parce que leur rencontre est d'un
mauvais présage (E.). En beaucoup d'endroits on
ne croit pas que les chenilles soient les larves du
papillon.
LA COCCINELLE (Coccikella)
Noms patois
Bite à bon DieUf parvoUy pervole (E.).
Croyances. — Formulettes
Qjiand on tue une bête à bon Dieu, on perd
un de ses meilleurs chevaux (P.).
La coccinelle est la chance des champs ; plus
elle s'envole facilement, plus les enflants sont
sages (S.-C).
Parvole (his^ ;
Si tu m'aimes, que tu t'envoles (E.).
Petit ange du bon Dieu,
Envole-toi.
Si le bon Dieu ne veut pas de toi,
Tu viendras à moi (S.-C).
Bête à bon Dieu
Monte au ciel.
Et m'apporte du miel ;
Si tu vas en enfer,
Tu m'apporteras de la bière ;
^^^^mtmammmmmmmmi^mmt^ÊÊ^mmmm
DE LA HAUTE-BRETAGNB 2Sj
Si tu vas en purgatoire,
Tu m'apporteras des poires (S.»C.).
Cf. Souchèi Croyinus, p. i6.
Petit ange, vole, vole.
Si le bon Dieu m'aime, t'envoie ;
S'il ne m'aime pas.
Ne t'envoie pas (S.-C).
Cf. dans Rolland, p. 350 et suiv., les formulettes de la
coccinelle. Cf. aussi Desaivre, Form.^ p. 4, et sur la coccinelle
en général un article de M, Mannhardt, intitulé La CoecituUe
et Holda Freya, dans Mil., col. 441-446.
Les criocères (crioceris), qu'on appelle petits
violons y merciers (E.), sont souvent confondus avec
les bêtes à bon Dieu.
^ Si on tient longtemps un petit violon auprès
de ses oreilles, on ne devient jamais sourd, parce
que le petit violon prie le bon Dieu de conserver
Touïe à celui qui Ta écoulé (E.).
LE COUMAÇON (Hblix, L.)
Noms patois
Colimaçon^ lima à coque. On l'appelle aussi
mercier y parce qu'il porte sa maison sur son dos,
comme le mercier sa hotte. On ne distingue pas
toujours le lima du colimaçon.
Proverbes
— Aller comme un Uma.
Cf. Rolland, p. 212 (CAte-d*Or).
288 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
A Noël les limas,
 Pâques les grouas (E.)<
Cest-à-dire : s*il fait chaud à Noël, à Pâques il
y aura de la glace.
Il vaut mieux trouver un chien enragé
Qji'un lima en janvier (P.).
Devinettes
à) Qpi est-ce qui peut se promener sans
quitter sa maison ? (S.-C.)
h) Qui est-ce qui porte sa maison sur son
dos ?
— Le colimaçon.
Q,uel est celui qui ne va pas vite à la messe ? (£.)
— Le colimaçon; mais il est tout de même
rendu à la Saint-Jean avec les autres.
Superstitions, — Formvlettes
Quand on trouve un lima qui a Toeil tourné
du côté gauche, c'est signe que Tannée sera
bonne ; si au contraire il est tourné du côté droit,
c'est d'un mauvais présage (P.).
Calimaçon (^'0, montère tes cônes ;
Je te dirai où sont ton père et ta mère :
r sont dans le bois de Fosses (S.-C).
Calimaçon borgne,
Montère tes cornes (M.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 289
Calimaçon, montère tes caûnes, ou biea ton
père et ta mère vont v'ni' do un grand coutiau
<i*bois pour te couper le keu (cou) (Saint-Briac).
Lima, lima,
Montère tes cônes ;
Ton père et ta mère sont dans la terre jaune (D.).
Var. : Ton père et ta mère sont dans la Basse-Corne
(Moncontour).
Calimaçon, attire tes cônes,
Ou j'vas t*casser ta maison (Ploubalay).
Les enfants prétendent que le colimaçon a peur et qu'il
s'attire quand on lui répète ces formulettes. Cf. dans Rolland,
p. 196 et suiv., une nombreuse série de formulettes françaises
et étrangères dont quelques-unes sont très-voisines de celles
Avl paysgallot; cf. aussi Desaivre, Form.f p. ;.
Dans le conte Le Colimaçon et le Rtnard (Liit. orahf p. 237),
le colimaçon trouve moyen d'arriver avant le renard i un but
■déterminé. Cf. dans Rolland, p. 208, un conte similaire de la
Côte-d'Or, et les citations à la suite. M. Souche, Proverbes,
p. 19, l'a également recueilli en Poitou. Sur le colimaçon,
■ voyez aussi 2« série, a? xlix, le conte du Mercier.
LA DEMOISELLE (Libbllula)
Noms patois
Lavandière (S.-C.) ; monsieu, pi. monsieux (P.) ;
d'mouë:(elle (S.-D.); lavandière d'eau (E.); cheva'
d'cdleuve (S.-D. ; cf. le breton mardh aêr, dont
ce nom est la traduction) ; dame, gendarme (P.)*
La grosse espèce se nomme à Saint-Donaa
II 19
290 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
aiguille ou aiguille du diahle (cf. nado^ aêr, aiguille-
serpent, Bretagne).
Croyances et Superstitions
On appelle les demoiselles les agents du diable,
et Ton a peur d'être piqué par elles. Quand oa
les voit autour des doués, on dit ;
Prenez garde aux agents du diable 1
Pour les chasser, on leur crie :
Zi, zi^ zi I
Et elles s'en vont (S.-C).
Si on peut attraper une demoiselle, on se marie
dans l'année (E.).
Si les demoiselles volent en rasant l'eau, c'est
signe d'eau pour le lendemain; si elles volent
haut en courant après les mouches, le temps est
au beau.
LE DYTIQ.UE (Drriscus, L.)
Noms patois
Cheval d* anguille (M.) ; mère anguille, chevau du
diahle (S.-D.) ; poule d'éaiou (Tréveneuc).
L'ÉPHÉMÈRE (Ephemera, L.)
Noms patois. — Pronostic
Guthette, fém. (M.); guibet, masc. (E., P.); cf.
le breton gwiheden, hïbe, fém. (S.-D.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE iqi
Les guibets piquent les gens quand le temps
est à la pluie; s'il est à l'orage, ils piquent plus
dur; s'il est au sec, ils laissent le monde tranquille.
Lorsqu'ils sont en troupe, s'ils volent haut, le
temps est au sec; s'ils volent bas et près de
terre, il fera de l'eau (P.)-
Les hibes piquent de séer ; forons d'ia piée demain
(S.-D.).
LE FAUCHEUX (PHjaANGirai opilio)
Nom patois* — Superstitions
Faucheux (M., E., P.).
On leur coupe les pattes et on les met dans sa
main ; si, après avoir été détachées du tronc, elles
remuent, c'est signe qu'on aura de la chance (E.).
Cf. Rolland, p. 245 (Poitou) ; voir une superstition vosgienne
dans Mil.f coL 498.
Qiiand les faucheux montent sur l'épaule d'une
personne, c'est signe qu'elle mourra dans peu de
temps. On entend dire à quelqu'un qui a sur lui
un faucheux : « Veut-i' me mener dans le
cimetière? J'vas li casser une patte; i' périra
avant ma » (E.).
LA FOURMI (Foruicà)
Noms patois. — Proverbes
Fromty masc. (M., E., V,);frimtm (E., P.);
292 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
fourgnon, petit barse (Plouvara); la fourmilière
s'appelle /romt/t^r^ (M., E.); four minière (F. ^ Tré-
veneuc).
— r n*a pas la force d'un fromi (M.)*
Cf. dans Rolland, p. 278, un proverbe similaire.
— Qjiand on s'asseoit sur une fromiîièrc, on
ne sait pas quel est \q fromi qui vous pique (E.).
Croyances et Superstitions
Plus la fourmi s'enfonce dans la terre, plus
l'hiver sera rigoureux (E.).
Si les abeilles ne veulent point sortir d'un tronc
d'arbre, on met des fourmis dans le tronc, et elles
sortent (P.).
Pour faire les filles péter, on n'a qu'à prendre
du pain de fourmi (ce sont les œufs) et à en
mettre dans le manger ou dans la^ boisson de la
personne à qui on veut faire cette farce. Sitôt le
pain de fourmi avalé, la personne se met à péter
(P.).
Dans les contes, la fourmi joue en général un rôle secourable
(cf. Le géant aux sept femmes, 1 '« série, n* ix ; Venfcnt qui va
chercher des remèdes y 2« série, n* xxxiv).-
LE FRELON (Vespa crabo, L.)
Noms patois. — Superstitions
Fragon (M., E.) ; fringon (P.) ; fréegon (S.-D.,
mmmmmmmmmm^m^
DE LA HAUTE-BRETAGNE 293
P.) ; frungon, frâlon (P.) ; frûlon, frugon (S.-D.).
Le nid aux frelons s'appelle fragonnière (E.) ; fré-
gonnière (P.).
Quand le frelon mord, on dit qu'il emporte le
morceau (E.-D.). Les paysans disent « qu'i'
mord o la goule et i' pique o l'eu ».
Il ne faut que sept frelons pour tuer un cheval,
trois pour un homme. Les morsures du frelon
sont, dit-on, mortelles (P.).
LE GRILLON (Grillus)
Noms patois, — Dictons
GrésiJîon (M., E.); guer sillon (M., E., P.).
Il a le ventre rond
Comme un guersillon (P.).
Le grillon d'amour est dans le foyer (D.):
c'est une maison où il y a des amoureux.
On appelle guer:(illon djoumeèse l'enfant qui
aime trop le foyer (S.-D.).
Croyances et Superstitions
Quand on a un grésillon dans son foyer, il ne
faut pas le tuer, car c'est la chance de la maison
Cf. Rolland, p. 290 ; 2/é/., col. 457 (Vosges) ; A. Bosquet,
p. 219; L. Desaivre, Croy., p. 30; Monnier, p. 669.
294 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
On dit au grésillon :
Guersilloii;
Viens dans ma maison;
Chante ta petite chanson,
Et répands ta bénédiction (S.-C).
Si le chant du grésillon vient à cesser, c'est
un présage de mort ou de pertes (P.).
Cf. Rolland, p. a^.
Lorsqu'il meurt quelqu'un, le grillon, en signe
de deuil, reste six mois sans chanter (P.).
Si on met, sans les regarder, deux grésillons
sous un chapeau, ils se battent, et il ne reste plus
que les pattes (E.).
LA GUÊPE (Vbspa vulgaris, L.)
Noms patois. — Proverbe. — Croyance
Gueèpe ; son nid se nomme guépinière (P.).
— C'est une fine guêpe : une rusée.
La guêpe hait l'homme qui lui a fait la chasse ;
elle le reconnaît même au bout de plusieurs jours
(E.).
LE HANNETON (Mblolontha vulgaris)
Noms patois
Bruinent (M.) ; bruant (D.) ; hrundon (P.) ;
hrunda (S.-D.); vacloe de chêne (E.); poule de
DE LA HAUTE-BRETAGNE 295
Mne (Callac, Morbihan). Les hannetons blancs
se nomment des monniers (meuniers) (M., E.).
La larve du hanneton, locreux (E.) ; turc (M.).
Brunder (P.); hrumenier (M.), désigne le bruit
que les hannetons font avec leurs ailes.
Proverbe, — Pronostics, — Formuîettes
— Année de bruments, année de chiens
enragés (S.-C). On prétend que si les chiens
mangent des hannetons, ils enragent.
Si les hannetons mangent les feuilles des
chênes, il y a à craindre pour la récolte de
Tannée suivante, parce qu'il y aura beaucoup de
vers blancs (E.).
Qiiand la larve ne sort point de terre. Tannée
est mauvaise en sarrasin.
Avant de s'envoler, les hannetons comptent
leurs écus; ils en ont autant que de taches
blanches sur le ventre.
Cf. Rolland, p. 334.
On les attache eu à eu plusieurs avec des
moyettes (c'est un brin d'herbe pointu), pour les
faire brunder (E., S.-D.).
Cf. dans Rolland, p. 23 ; Souche, Prov.y des jeux similaires.
On leur chante, pour les faire envoler :
Brument, vole, vçle ;
Mon grand-père Nicole
T m'a dit qu'si tu n'allais pas à l'école,
296 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
r fallait couper ta tête
Avec ma grande serpette (S.-C).
Petit chandelier doré.
Petit paille en eu,
Du cocu, cocu, cocu (D.).
Sur les fonnniettes des hannetons, cf. Rolland, p> 33$ et suiv.;.
Desaivre, Form., p. 6.
LA MOUCHE (Musca)
N(»ns patois
Monche (P.); la mouche araignée se nomme
hngousse, îangoute (E.); langourde (y&tsBéchçrél)^
Dictons et Proverbes
— r bérouine (bruine) ; voilà les mouches qui:
pissent (E.).
— Les mouches pissent tout blanc (E.). 11
neige.
— Noir comme» une mouche dans un pot de
lait (E.).
Cf. Rolland, p. 307.
A la Saint-Simon,
Les mouches valent chapon (P.).
Cf. dans Rolland, p. 30$, un dicton similaire.
La procession de la Saint-Marc (2$ avril) a
pour but de faire crever les langousses d'eau.
Avant que cette procession eût été inventée»
«1
DE LA HAUTE-BRETAGNE 297
elles faisaient périr les chevaux et même les
hommes; elles étaient grosses comme des têtes
de cheval et pouvaient traîner des pierres. Depuis,
elles sont revenues à la grosseur qu'elles ont main-
tenant (environs de Bécherel).
Cf. sur le Pardon des mouches d Quimper, qui a lieu le même
jour, une note de Sauvé, ap. Rolland, p. 310.
LA MOUCHE D*EAU (Gtoihxjs, L.)
Noms patois. — Croyance
Couturier (E., S.-D.).
On prétend que ce sont les 'couturiers d'eau qui
ont appris à coudre aux tailleurs (E.). On appelle
aussi tailleurs les araignées d'eau.
Les g3n*ins se nomment aussi couturières (cf. le
bret. kemenerès).
LE PAPILLON
Nom patois
Papion (E.) (assez peu employé).
Pronostics, — Superstitions, — Formulettes
Quand les pâtours voient les papillons, ils leur
disent :
Papillon jaune.
Fais du feu et t'chauffe ;
298 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Papillon blanc,
Prends ta quenouille et va en champs.
Les papillons jaunes paraissent avant les blancs.
Cf. dans Rolland, p. 31;, un proverbe normand analogue.
Q.uand on les voit pour la première fois, on
leur chante :
Papillon rouge
Et papillon blanc,
Voleras-tu cor ? (bis)
Papillon rouge
Et papillon blanc,
Voleras-tu cor jusqu'à la Saint-Jean ?
Voleras-tu cor {bis).
Voleras-tu cor jusqu'à la Saint- Jean? (P.)
Si on peut attraper le premier papillon blanc
qu'on voit, on trouve un essaim dans Tannée
Superstition analogue dans les Vosges (cf. Mélusim, col. 478) ;
en Poitou (Desaivre, Croy., p. 50; Souche, Croy., p. 7).
Noël du Fail constatait au xvi* siècle le rôle chanceux du
papillon, t. I, p. 112 : « Qjai veult estre marié en l'an prenne
le premier papillon qu'il verra ».
Voir un papillon le soir, c'est signe que pro-
chainement on aura des nouvelles.
Q.uand on voit voltiger des papillons de nuit,
on les tue, parce qu'on prétend qu'ils sont veni-
meux (E.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 299
On dit aux papillons :
Papillons, papillons.
Allez à Bron (Broons)
Nous chercher du son ;
Quand vous serez arrivés chez nous.
On vous donnera des choux.
Si vous n'y allez pas,
On vous écrasera à grands coups de bois (S.-C).
La croyance que Tâme prend la forme de
papillon est encore assez répandue à la campagne.
Quand on voit le soir de petits papillons blancs
voler dans la maison, cela annonce la mort de
quelqu'un de ses habitants. Aussi quand il y en a
beaucoup dans une maison, les gens en sont tout
chagrins. Us pensent que ce sont des âmes de
revenants qui viennent chercher quelqu'un pour
l'emmener avec elles (P.).
En Poitoa, cf. Souche, p. 15, un papillon passe aussi pour
être l'âme d'un mort qui visite. Les Grecs appelaient le papillon
Wv^ TfeTOyJyhy *me volante. Cf. A. Pictet, Orig. indo-
européennes^ t. I, 661 : le papillon.
Le conte qui suit est relatif à cette croyance.
Le papillon et le pauvre
Il y avait une fois un pauvre qui désirait, à ce
qu'il disait, voir mourir quelqu'un, pour savoir
comment on mourait. Un jour il arriva à une
maison où un homme était sur le point de tré-
3CX) TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
passer. Il y entra, et il lui sembla qu'aussitôt
que l'homme eut rendu le dernier soupir, il sortit
de sa bouche un papillon tout gris qui se posa
sur la poitrine du défunt.
Le pauvre ne le perdit pas de vue. Qpand on
mit le mort dans le cercueil, le papillon se plaça
sur le bout, et quand on déposa le cercueil en
terre, il voltigea çà et là, puis il prit son vol. Le
pauvre le suivit jusqu'à une lande où il le vit
s'arrêter. Il dit au papillon :
— Pourquoi es-tu venu jusqu'ici sans t'arrêter?
— Ah I répondit le papillon, c'est que je n'ai
trouvé que cet endroit pour me reposer, car
depuis celui d'où je suis parti jusqu'ici, tout est
couvert d'âmes qui sont à faire pénitence.
— Et toi, petit papillon, dit le pauvre, en as-tu
encore pour longtemps ?
— Pour sept ans.
— N'y aurait -il pas moyen d'abréger ce
temps ?
— Non, à moins que pendant un an tu ne
veuilles jeûner au pain sec et à l'eau.
— Je veux bien, dit le pauvre.
— Eh bien 1 fais-le, et tu n'y perdras pas.
Le pauvre s'en retourna, et pendant un an
il jeûna au pain sec et à l'eau. L'année suivante,
il revint sur la lande et demanda au papillon s'il
était quitte.
mm
DE LA HAUTE-BRETAGNE 3OI
— Non, répondit le papillon, qui était presque
blanc, mais encore gris, il faut que tu jeûnes
encore une autre année pour que ma pénitence
5oit accomplie.
Le pauvre s*en retourna, et pendant un an il
jeûna au pain sec et à Teau. Uannée terminée, il
retourna sur la lande et vit le papillon qui, cette
fois, était blanc comme la neige.
Ce papillon blanc était Tâme du défunt que le
pauvre avait vu mourir, et qui avait été délivrée
grâce à lui ; mais de son côté il avait fait la péni-
tence du pauvre, et il lui dit avant de s'envoler :
— Je te remercie bien ; mais tu n'as pas perdu
ton temps, car tu as une place préparée à côté de
moi dans le ciel.
Huit jours après, le pauvre mourut, mais, ainsi
que le lui avait dit le papillon, il avait une place
dans le paradis à côté de lui.
(Conté en 188 z par Jeanne Hervé, du Gouray, ftgée de
soixante ans.)
Dans un autre conte qui est une variante de celui-ci, c'est un
jeune garçon et non un mendiant qui voit le papillon s'envoler;
il le suit et le voit s'asrèt^r à l'extrémité du champ d'ajoncs,
parce qu'il n'y. avait pas d'autre place ponr lui.
LE PERCE- OREILLE (Forficula auricolaris)
Noms patois, — Croyance, — Superstition
Cu' fourché (E.) ; cure-oreilles.
302 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Si les perce-oreille pénétraient dans roreille
d'une personne, ils la feraient mourir en mangeant
sa cervelle pour sortir par Tautre oreille.
Lorsqu'on trouve des perce-oreille dans un
appartement, on les tue (E.).
Cf. dans Souche, Prov.^ p. 23, une croyance poitevine ana-
logue ; dans l'historiette qu'il raconte, le perce-oreille ayant
mangé la cervelle d'une jeune fille était devenu énorme.
LE POU (Pediculus CBuvioais)
Noms patois
P(mé, pi. pouées, berdin, loulou (terme enfaptin.)
L'œuf de pou se nomme îende. Si on se trémousse
parce qu*on a des poux, on dit qu'on se heîute
(E.), qu'on se limorgne, ou qu'on les fait « chan-
ger de pâturage » (S.-D.).
Proverbes et Dictons
— Il est de la race des pouèes^ qui ne hervent
(crèvent) que quand on les tue (S.-C).
— Gratter un pou pour en avoir la peau (M.),
c'est-à-dire être extrêmement avare.
Cf. Rolland, p. 2(4, proverbe similaire.
— Faix d'pouées (S.-D.), terme injurieux.
Croyances et Superstitions
Quand on rêve dans les poux, c'est signe
d'argent (S.-C):
DE LA HAUTE-BRETAGNE $0^
On prétend à la campagne que les poux man-
gent le mauvais sang. J'ai connu des fermières
très-propres, qui peignaient régulièrement leurs
enfants, mais avaient soin de leur laisser deux
ou trois poux sur la tète (E.).
Cf. Rolland, p. 255, et Desaivre, Croy.^ etc., p. 11.
Qpand les petits enfants ne veulent pas * se
laisser peigner, les mères leur racontent Thistoire
d'enfants pouilleux que les poux ont traînés à la
rivière par les cheveux pour les noyer (M., P.).
Cf. dans Rolland, p. 2$$, deux dictons analogues (Lorient et
Côte-d'Or) ; cf. aussi Souche, Proverbes^ p. 20 (Poitou).
En Anjou, on croit qu'il y a des gens qui
peuvent donner des poux par ensorcellement,
sans qu'on puisse s'en débarrasser. Cette croyance
existait jadis en Haute-Bretagne.
Cf. Rolland, p. 256 (Champagne).
D y a nombre de plaisanteries sur les poux. A
Ercé, on appelle les résilles des cages à pouéeSy ce
qui fait un calembour, poils et poux se pronon-
çant presque de la même façon que poux.
Avions cor des poue^^. — Vère, je n'en ai pas tant
comme Van passé, mais V sont hen p'us biaux (M.).
Dans ma Littérature orale, p. 398, j*ai raconté
comment la ville de Collinée fut pavée avec des
poux ramassés dans une commune voisine.
304 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LA PUCE (POLBX I&RITÀNS, L.)
Proverbes et Dictons
— Il n*y passerait pas une puce à genoux (M.).
— Donner son cœur au bon Dieu et son eu es
puces (E.) (aller se coucher).
Cf. Rolland, p. 261.
— r n'vaut pas les quat'e fers d'une puce.
— Fort comme une puce.
Cf. Rolland, p. 2 $8.
— Garder une vannée de puces au soleil (M.) ;
faire un ouvrage difficile.
Cf. Rolland, p. 260 (pays basque, Corse).
Croyances, -^ Conte
Si on rêve de puces, c'est signe de dispute (S.-C).
C2^and elles piquent dur, cela annonce la
pluie.
Lorsqu'on est piqué par les puces, on les
maudit, et on dit :
Va-t'en à la bonne sœur qui t'a inventée 1
On raconte qu'une bonne sœur, qui n'avait
rien à faire, inventa les puces pour se distraire
<S.-C.).
Dans Le grand Coquelicu (Contes des Marins^
09 xv), il est parlé du grand roi des puces, qui
vire le soleil avec son chapeau.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 30S
LE SCARABÉE (C&rasus)
Nom patois, — Formulette
Cdlosse (S.-C).
On dit aux scarabées en les retournant avec un
brin de paille :
Câlosse,
Si tu colosses bien,
Tu auras du pain ;
Si tu câlosses mal.
Tu auras de la hallebarde.
LE STAPHYUNX (Staphyunus)
Noms patois. — Croyances. — Formulette
Pique de v'iin, fém. (S.-C.) ; tancheîaie (E.).
Qijand la tancheîaie se colère, sa queue devient
blanche ; la vache piquée par elle crève (E.),
En l'écrasant, on dit :
Pique de v'iin.
Tu cherches ton pain ;
Tu es infernale dans mon jardin.
Quand je te vois, tu me fais frémi' ;
Pique de v*lin, j*vas t'faire mouri* (S.-C).
Cf. dans RoUaad, p. 326, une légende irlandaise et les noms
où le staphylinx est qualifié d'animal diabolique.
n 20
306 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LA. TIQ.UE (IxoDBS ucmus, Latreille)
Noms patois. — Proverbes et Dictons
Berhion (S.-D.); tarague (M.) ; taraque (S.-D.) ;,
nauvette QA,); pass (S.-D.).
— Plan ou rond comme une tarague (M,,
S.-D.).
— Raide (saoule) comme une taraque (S.-D»),.
en parlant des vaches.
— £la (cela) est foutu comme eun pass au eu
d*un chien (S.-D.), c'est-à-dire mal fait.
La nouvette se nourrit sur la fougère ; on dit
d'un pays pauvre qu'on y fait des pâtés de nou-
vettes (D.).
LE VER DE TERRE (Lvmbricxts, L.)
Noms patois
Bu:^in (Tréveneuc) ; buyin (Plérin); dchée (E.).
Les marins appellent par plaisanterie les labou-
reurs des coupoux d'huT^ins (Tréveneuc). Cf. le
breton trodher hu:(uk,
VER LUISANT (Lamytris noctzluca)
Noms patois
Chandelle de nuit (E.) ; vie éclairaus (Saint-
Aubin) ; luré (P.).
UTE-BRETAG
Sufeniitions
Les vers luisants servent de chandelle, sans
botiger de place, à l'Ëckirous. C'est un prêtre qui
a perdu une hostie dans le ruisseau, d'où elle est
allée dans un étang. Qijand on voit un feu follet,
on dit ; VoUà encore le prêtre qui court après
Cf. It iicpilH iv laïUns, l. I, p. i(0 du priseot 1>TR.
On croit que ce sont les chenilles vertes et non
les lampyres qui éclairent la nuit (P.), '
Les lurés font peur aux peurous (peureux), ce
qui veut dire qu'ils ne sont pas bien redoutés (P .) .
w
CHAPITRE VIII
LES ARBRES
§ I. — GÉNÉRALITÉS
ANS la première partie de cet ouvrage, j'ai
déjà parlé du culte des arbres. Mais ils
figurent aussi dans la superstition, dans
les coutumes et dans les contes, ainsi qu'on le
verra aux monographies.
Voici quelques croyances relatives aux arbres en
général. Ils meurent quand ils ont été piqués par
un reptile. On peut aussi les faire périr en enter-
rant au pied un chat crevé, en versant du sang
menstruel de femme ou du lait baratté.
En patois gallot, le mot arbre, comme le latin
arbor dont il dérive, est la plupart du temps féminin.
s IL — MONOGRAPHIES
L'AJONC (Ulex, L.)
Nortts patois
Jan (M., S.-D., E.); piquets de jan (P.);
hêdin (Morbihan, G. g.); Jande > (lisière du pays
bretonnant). La pièce de terre semée d'ajoncs se
nomme jdnnaie (M.) ; jaônée (S.-D.) ; jeannette
(M.) ; jaônette (P.).
Superstition et Cri^ance. — Contes
. Si le manche du pilon de la baratte est d'ajonc,
4es sorciers ne peuvent ensorceler le beurre (E.).
Mieux fleurit l'ajonc, meilleur sera le blé noir
dans l'année (P.).
H est parlé d'ajonc dans deux de mes contes :
Ceiuiqui coupa la tête d*un jan, n© xlix, 2^ série,
et Le Pertus es Fêtes , no ix.
LE BOULEAU (Betuia, L.)
Noms patois. — Croyance
Boula (M.) ; botûé, bouliau, pi. houliaoux (£.).
310 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Q^and un enfant est faible, on met des feuilles
de bouleau à dessécher dans le four, puis on les
place dans son berceau (£.).
LA BRUYÈRE (Erica, L.)
Noms patois. — Pronostic
Bruère (M.); hérière (S.-D.) ; béruère (E.,
P.); hricane (E.).
Plus la hruyëre est rose, meilleure sera Tantiée
en blé noir (P.).
LE CERISIER (Cbkasvs, T»>
Noms patois
BadieTy hadiîier, hadolier (M., P.); hadusiery
hadisUr (Saint-Briac, P.) ; hadinier (Tréveneuc) ;
cerisier de gogue (E.). Le fruit de la cerise douce
se nomme badieQA.y Saint-Brieuc) ; hadue^ badtises
(Saint-Briac) ; badein (Tréveneuc). Cf. le breton
bàbueriy pi. bàbue.
Avec les cerises sauvages, on fait une sorte de
confiture d'un noir violet, d'un goût assez
agréable. Elle est connue sous le nom de badiolet
(D.) ou lohon.
Dictons
— Peser des badies ; s'endormir.
— C'est le panier aux cerises : les plus fins y
DE LA HAUTE-BRETAGNE 3IT
:Sont pris (£.). Ce proverbe est appliqué aux
gens qui essaient infructueusement de restreindre
leur famille.
LE CHÂTAIGinER (Ostaiiba, T.)
Noms patois. — Proverbes
Châtean-mer (M., E., P., Tréveneuc); chd-
Unier (Tréveneuc) ; le fruit, chdtangne (M.) ; chan-
tat^ne (S.-D.) ; Tenveloppe s'appelle h^ue (E.) ;
We(P).
— - Année de châtaignes, année de blé noir (E.).
— Il a les yeux gros comme des bogues de
diâtaignes (E.).
Croyance
Si on mange des châtaignes crues, on aura
des poux (£.).
Croyance analogue en Poitou cf. Souche, Cray., p. 30.
Qjiand i' pleut le jour Sainte-Ânne,
r n*vient point d'châtangnes (P.).
LE CHÊKE (QnB&cus, L.)
Noms patois, — Proverbes et Dictons
ChUne (P., M.); chéno, petit chêne (E.). Qn
nomme chênaie un lieu planté de chênes.
— Abattre un chêne pour faire yne cuiller
(£.). Être prodigue.
312 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Année de glands.
Année de pomm' en suivant (P.).
— Haut comme un chêne (E., P.).
On dit que le chêne est le roi des arbres, parce
qu'il vit le plus vieux, d*où ce dicton :
Cent ans à venir,
Cent ans sur pied.
Cent ans à s'en retourner (D.).
Médecine champêtre. — Croyances
On préserve les vaches de la cocotte en leur
mettant au cou des colliers de chêne (E.);
Q}iand on a mal au ventre, on rôtit des glands,,
et on les prend comme du café (S.-C).
Il y a un jeu qui s'appelle planter le chêne, faire
le chêne fourché, ou le chêne piqué. Il consiste à se
planter sur la tête et à s'y tenir le plus longtemps
possible, en ayant les jambes écartées de manière
à ce qu'elles forment un V.
LE COUDRIER (Cortlus, T.)
Noms patois. — Proverhes et Dictons
Keudôy fém. (P.); heudre, fém. ; queute, fém^
(S.-D.); la noisette se nomme petite néoué (M.);
no^ d*qmuU (S.-D.).
— Année de noisettes, année de bâtardiaux:
(bâtards) (E.).
Cf. Souche (Poitoa), Crcyances, p. 6.
MiPiM
DE LA HAUTE-BRETAGNE 313
Le jour Saint- Jean, la pluie
Rend la noisette pourrie (H.).
Croyances et Superstitions
Quand on brise avec le petit doigt de la main
gauche une baguette de coudrier, on se marie
dans Tannée.
La baguette de coudrier est très-bonne pour
conduire les vaches méchantes.
Q.uand les ruches ont été frottées avec de la
feuille de coudrier, les mouches y entrent plus
volontiers (E.).
Si on prend une baguette de coudrier en forme
de fourche^ et qu'on la tourne du côté où Ton a
sa bonne amie ou son bon ami, si on est aimé,
elle baisse d'elle-même vers la terre (E.).
Les sourcterSf ou gens qui ont le don de décou-
vrir les sources, vont dans les champs couper
une baguette de coudre, la placent sur le bout de
leur petit doigt et la balancent ; à l'endroit où
elle tombe, il y a une source (P.).
Pendant la nuit de Noël, dans chaque troussée
(buisson) de coudre il y a une branche qui se
transforme en rameau d'or ; mais pour la cueillir,
il faut pouvoir la couper avant que l'heure de
minuit ait achevé d'être sonnée. Si on ne réussis-
sait pas, on serait enlevé. Cette baguette égale,
dit-on, en pouvoir celles des plus grandes fées (P.).
314 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
L'ÉGLANTIER (Rosa cairma, L.)
Noms patois. — Jeux
Rose de chien (M., S.-D.); pisse de chien (S.-
D.); ergancié (P.).
La baie rouge de l'églantier s'appelle booif ou
hceuy à cause de sa couleur. Les graines qui sont
dedans sont» disent les enfants» des poux (S.-C.)-
Bs s'amusent à en tirer les graines, qui sont
armées de petites pointes, et à les introduire entre
la chair et la chemise, pour faire les personnes
se gratter (M.).
Ils s'amusent aussi à les mettre en ligne et à
se disputer à qui aura le plus de bœu£s (P.)-
L*ÉPINE (CnATiBOus, L.)
Croyances et Superstitions
L'épine blanche préserve de la foudre. C2jiand
il tonne, il faut se réfugier dessous (S.-C). Au
moment où il commence à tonner, on va cueillir
des branches qu'on porte dans la maison (P.).
Cf. nne croyance analogue dans Laisnel de la Salle, 1. 1, p. 60.
Qpand les vaches ont des pourritures aux pieds,
il faut les conduire avant le lever du soleil devant
une épine blanche (Plénée-Jugon).
Cf. le tome I*', p. 63 du présent livre.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 315
On mène aussi devant des épines blanches les
personnes atteintes de la fièvre ^.)-
Cf. Monnier, p. 389.
Vipine dans les contes
La méchante belle-mère d'Euphrosine (La fille
mix bras coupés ^ i« série, no xv) force sa belle-
fille à grimper dans une épine ; mais elle s'en-
fonce dans le genou une épine. Elle s'alite, et
l'épine croît et finit par traverser le toit de la
maison, où elle fleurit.
LE GENÊT (Gbnista, L).
Noms patois
L'enveloppe des graines de genêt s'appelle
gueussiaux de gènes (P.) ; un lieu planté de genêt,
gmetaie (M.) ; geneta (E.). La sève qui sort du
genêt se nomme copié de coucou (P.) ; crache de
coucou (S.-D., P.). On croit que c'est le coucou
qui crache et la fait venir (P.).
Proverhe. — Croyances et Superstitions
— r n'frappent point es contre-hus (portes
extérieures) de genêt (Ploubalay). Ce proverbe,
qui s'applique aux prêtres, veut dire qu'ils visitent
plus volontiers les riches que les pauvres.
Les sorciers ne peuvent ensorceler le beurre
quand le pied de la baratte est en genêt (E.).
3l6 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
La pellicule du genêt la plus rapprochée du
bois est bonne pour guérir les coupures (E.) ou
pour étancher le sang (P.).
Deux saints populaires en Haute-Bretagne ont
maudit le genêt : saint Melaine, parce qu'il avait
été fouetté avec par sa mère; saint Qiiay, après
avoir été battu avec des bâtons de genêt. Aussi
il n'en pousse plus ni à Brain, ni à Saint-Qjuay.
Cf. Guillotin de Corson, Redon^ p. 19-20; Jollivet, t. I,
p. 107.
LE GUI (ViscuK, T.)
Nom patois. — Superstitions et Coutumes
Guen (Saint- Aubin-du-Cormier).
Le gui qui croît sur les épines noires guérit
ceux qui tombent d'un mal (les épileptiques).
Le plus recherché est le gui de chêne. On dit
qu'il se vend au poids de l'or (S.-C). Il y en a
qui viennent de bien loin pour en chercher (P.).
Le gui mélangé à la nourriture àts chèvres et
des vaches leur fait donner du lait (E.).
Cf. Pline, dté par Gaidoz, p. 8.
Le gui d'épines blanches passe la fièvre (E.) ou
la colique (P.). On le fait bouillir.
En Haute-Bretagne, on met au-dessus de la
porte des auberges une branche de gui de pom-
mier ; il est d'usage en plusieurs pays de la renou-
DE LA HAUTE-BRETAGNE 317
vêler à chaque tonneau de cidre nouvellement
mis en perce. Si le cidre est nouveau, on met
une pomme au milieu du gui.
Le gui cueilli sur les épines passe le jaunisse* On
le met à sécher au-dessus de la crémaillère et, quand
il est complètement sec, la maladie est passée (£.).
Sur le gui, on peut consulter H. Gaidoz, U Religion gauloise
€t le gui de chêne. Paris, 1880.
LE HOUX (Ilbx, L.)
Noms patois. — Croyances
Heussd (S.-D.); haussa (M.); houssard (P.).
Le houx est consulté pour savoir si on se
mariera ou non. On dit en touchant chacun des
piquants : « Fille, femme, veuve, religieuse, » ou :
« fils, homme, veuf, religieux ». C*est le dernier
piquant qui donne la réponse (M.).
Les enfants de la campagne s^amusent à cueillir
des feuilles de houx ; ils disent que ce sont leurs
vaches. Autant de feuilles, autant de vaches ; ils
les attachent à la queue les unes des autres et les
traînent (P.).
LE LAURIER (Laurus, T.)
Nom patois, — Superstitions
On dit assez souvent rollier au lieu de laurier.
Si, après avoir récité un Pater et un Avey on
3l8 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
prend une feuille de laurier-palme, et qu'on la
itaette sous son oreiller, on voit la nuit celui ou
celle qu'on épousera; mais il ne faut parler à per-
sonne (E.).
Pour se guérir de la fièvre, il faut, le dimanche^
au moment où le prêtre se lève pour l'évangile,
faire une croix avec du laurier et la mettre sur la
poitrine de celui qui tremble 1^ fièvre (P.)*
Pour préserver les bestiaux des maladies, on
suspend à, la porte des étables une branche de
laurier béni (P.).
LE LIERRE (Hbdera, L.)
Noms patois. — - Proverbe, — Médecine populaire
LUri (P., E.); liri (P.); Uyère (P.); brou
(E.) ; lieras, accumulation de lierre (E.).
— Se coller comme un lierre.
Q.uand une personne veut faire sortir le mau-
vais sang, elle n'a qu'à prendre du lierre de
muraille et à le mettre sécher dans un four.
QjLiand il est bien sec, elle s'enveloppe dans un
drap parmi les feuilles séchées (P., E.).
LE NOYER (JvGLAMS, L.)
Noms patois
Nouyer (E., M., P.); certaines grosses noix se
nomment cadrolks (M.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 319
Superstitions et Croyances
La feuille de noyer chasse les puces (E.). Si on
en met dans son lit, les puces sont attirées par
l'odeur ; mais dés qu'elles les ont touchées, elles
meurent.
Croyance analogue en Poitou (cf. Souche, Croy., p. 27, et
Desaivre, Le Noyer et le Pommier, où Ton trouve de curieux dé-
tails sur ces deux arbres).
Sous les noyers il y a des sourds (E.).
Les cochons dont les étables sont trop proches
des noyers périssent ou ne profitent pas (P.).
Si les noyers ne rapportent pas, on les gaule
violemment quand ils sont en sève (E.).
Q}iand les vaches sont caquineSy c'est-à-dire ont
la courée (chorée) tachée, on les frotte avec des
feuilles de noyer, et leur caquinerie n'est plus
apparente (P.).
Dans Jean des Merveilles (Contes des Marins^
no xn), une fée qu'il a protégée lui donne une
coque de noix qui devient à volonté navire, coffre
rempli d'or, etc. Misère (Litt, orale, p. 177)
demande que son noyer soit à l'abri des pillards.
LE POMMIER (Malus, Lamarck)
Noms patois
Pounùer, ente (£.)• Les pommes qui tombent
les premières s'appellent chdtunes (M.).
mmmamm
320 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Proverbes
Si rsoula ra la veille de Noué,
Des pomm' à volonté.
Année de glands.
Année d'pomm* ensuivant.
A la Saint- Jean,
Qîii voit une pomme en voit cent (M.).
Si pendant la procession des Rameaux le vent
vient du bas, il n'y aura pas de pommes.
Si le vent est dans le haut
Le jou' des Ramiaux,
Faut rincer les tonniaux ;
S'il est soulair (sud),
Faut baïre à plein verre ;
Et s'il est dans l'bas.
Fout' les tonnes dans n'un tas (E.).
Superstitions
Pour savoir de quel côté on a sa bonne amie,
on met des pépins dans un chapeau ou dans sa
main, et on les secoue ; le côté pointu du pépin
indique où est la bonne amie ; on dit :
Pépin, pépin,
Tourne- toi, vire-toi.
Par où le pépin tournera
La bonne amie sera (S.-C).
On le serre aussi entre le3 doigts, et on dit :
Pépin ici, pépin-ilà.
1
I
DE LA HAUTE-BRETAGNE 32I
Où que l'petit pépin -là ira
Ta bonne amie y sera (P.).
Si on mange des pommes vertes, on attrape
•des poux (P.).
Vers la mi-septembre, on cueille dans les
champs une trouchée de cinq ou six pommes, et
on les suspend dans le cellier pour qu'elles
attirent à elles le venin. A mesure que les pommes
^e détachent de la branche, on les jette dans le
feu. Si quelqu'un en mangeait, il deviendrait
malade, car elles sont venimouses (Plénée-Jugon).
Ailleurs on ramasse une trochée de pommes. Si
-elles se tiennent ensemble et ne tombent qu'à
l'hiver, c'est signe qu'il n'y aura personne de
malade à la maison (P.).
Pour se guérir des verrues, on prend une
pomme aigre; on la coupe en deux, puis on se
frotte avec la main qui a des verrues. On jette les
morceaux dans le fumier, et, à mesure qu'ils
pourrissent, les verrues tombent (P.).
Cf. Souche, Prov., p. 48.
Le cidre fait dans le décours est le meilleur.
Il y a des pommes qui font pousser des cornes,
que d'autres détruisent (Les Cornes enchantées,
jre série, n® v). Dans Le mariage de Jean le Dioty
no XX, le roi remet à son petit-fils une pomme
avec laquelle il doit découvrir son père.
Plusieurs contes parlent de pommes difficiles à
II 21
322 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
cueillir; telle est la pomme qui chante, dans un
conte inédit intitulé UOiseau de vérité, Jean le
soldat (Contes des Marins^ n® xxi), doit aller cueillir
des pommes dans un verger gardé par des géants.
LA RONCE (RuBUs, L.)
Noms patois, — Dicton
Éronce (M., P.); les fruits se nomment mores
(M.) ; moules (P.)
Les moule' en au (août)
Valent des pruneaux ;
Les moule* en s'temb*e (septembre)
Valent des irangnes.
On n'en mange pas après août, car il y a des vers dedans.
Superstitions et Croyances
Si une ronce s'accroche à la robe d*une femme,
c'est qu'un veuf pense à elle (D.).
duand les premières moules ne valent rien, le
blé fait après ne vaut rien non plus; si les
deuxièmes sont bonnes, le blé fait la seconde
fois sera bon (P.).
Jadis les ronces tenaient auberge; mais elles
firent crédit à tant de monde qu'elles ne purent
payer leurs créanciers et furent obligées d'aller
chercher leur pain. C'est depuis ce temps que les
ronces accrochent les gens pour tâcher d'être
payées (P.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 323
LE ROSIER (RosA, L.)
Le rosier dans les contes
La Rose {Contes des MarinSy no ni) a dans une
boîte d'argent une rose qui fait ressusciter les
morts si on la leur passe sous le nez.
Dans Blanche-Neige {Contes des Marins y no xiv),
qui au début seulement ressemble au célèbre
conte de Grimm, chacune àts jeunes filles a
son rosier, et elles les transportent partout avec
elles, même à bord des navires.
LE SAULE (Salix, L.)
Noms patois — Superstition
Saudre, sa^id^e, fém., saute (V.); seude (S.-D.).
Les chatons se nomment chats (Plouvara).
Pour voir avec qui on se mariera, il faut
mettre sous son oreiller un morceau de la seconde
pelure du saule, la plus rapprochée du bois (E.).
<
LE SUREAU (Sambucus, T.)
Noms patois
Su (M.); seû (P.); haoâ bouée {S.-D,, P.).
Superstitions
Si on met des branches de sureau dans les
endroits où les taupes boutent, cela les chasse
(E., P.).
324 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Le sureau planté autour des maisons les préserve
des maléfices et écarte les serpents. Quand on fait
une litière neuve, on met sur le sol, en dessous de
la paille, des branches de sureau pour garantir le
bétail des maladies et des sorcelleries (P.)-
Si on frappait les bêtes avec des branches de
sureau, elles ne feraient jamais bien après, et si
l'on en frappait les cochons, ils crèveraient (P.)«
En frottant les verrues avec de la graine de
sureau, on les fait s'en aller (P.).
Cest avec la tige de sureau dont la moelle a
été préalablement enlevée que les enfants font
des jouets qu'ils appellent taponnouèrCy taconnoire.
Cet instrument, connu en beaucoup de pays, était
populaire du temps de Rabelais, qui l'appelle une
« sarbataine de seu ».
LE TREMBLE (Populus tremula, L.)
Nom patois. — Superstition
Treniblier (P.).
Si la feuille du tremble cessait de trembler, la
fin du monde viendrait.
Tant que le tremble tremblera,
Le monde existera (E.).
CHAPITRE IX
LES PLANTES
§ I. — GÉNÉRALITÉS
£ ne crois pas que les paysans gallots
connaissent par leur nom plus de trois
cents plantes. Je n'ai pu me procurer
que ceux de deux cents environ, dont une partie
seulement est l'objet de superstitions ou est em-
ployée pour la guérison des bêtes ou celle des
gens. C'est en eflfet leur côté le plus important ;
toutefois on tire des augures de plusieurs plantes,
et même parfois on croit qu'elles peuvent aider
ou gêner la sorcellerie.
Si une personne a été tuée et que son sang ait
'^■W^B^^^^yWffMBg—i— IWP
326 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
rougi la verdure, l'herbe ne repoussera plus à
l'endroit où il a coulé.
Cf. sur cette croyance le t. I^', p. 38^, du présent livre.
Les plantes marines ne sont, à ma connaissance
du moins, l'objet d'aucune superstition.
Dans un conte (2« série, n© xvi), l'homme de
mer est couvert de varechs verts et de libères
(fucus). Le pilote de mer (Contes des marins ^
no xix) est aussi couvert de varechs.
LES HERBES ItlAGiaUES
Marcher sur l'herbe d'oubli ou d'ohîi est une
locution fort employée à la campagne, pai connu
plusieurs personnes qui affirmaient qu'elles s'étaient
égarées pour avoir marché dessus. A Plévenon,
l'herbe d'oubli se trouvait sur la lande du cap
Fréhel. A Ercé, c'est dans l'épaisseur des forêts
qu'elle est cachée.
Cf. Revue germanique^ t. XV, 1861, p. 26, article de M. Ban-
dry. Sur cette croyance, qui est très-rèpandue en Basse-Bre-
tagne, cf. Le Men, p. 422 ; elle passe pour être la demeure
d'un esprit malfaisant. En Normandie (cf. A. Bosquet, p. 386 ;
Mélusiney col. 13, 46, 172); en Poitou (Souche, Pnw., p. 34);
en Franche-Comté (M«/., col. 349), elle est aussi connue.
D'autres font entendre le langage des bêtes.
Les deux chiens
Il y avait une fois deux métairies voisines qui
DE LA HAUTE-BRETAGNE 327
chacune étaient gardées par un chien ; Tun des
fermiers nourrissait bien le sien, au lieu que
l'autre lui donnait plus de coups de bâton que de
morceaux de pain.
Un jour un homme qui s'était arrêté dans un
champ avait pris une poignée d'herbes pour se
torcher le derrière, et au moment où il la tenait
<lans la main, il entendit les chiens qui se par-
laient :
— Ton maître, disait le chien qui était bien
nourri, va être volé cette nuit.
— Cela m'est bien égal, répondait celui qui ne
recevait que des coups de bâton ; je ne le défen-
drai pas : il ne m'a pas donné à souper.
L'homme à ce moment jeta sa poignée d'herbes
et, au lieu de comprendre ce que disaient les
chiens, il n'entendit plus que leurs aboiements.
Les voleurs survinrent dans la nuit, et comme le
chien n'avertissait pas ses maîtres, ils furent volés.
(Conté en x88o par François Jldarquer, dé Saint-Cast.)
J*ai recueilli aux environs de Moncontonr une légende assez
■semblable ; mais l'homme avait pris l'herbe d'oubli qui £ùt en-
tendre le langage des animaux, si on ne sait pas qu'on en a pris.
Il cessa de comprendre quand on lui eut dit qu'il avait touché
l'herbe d'oubli.
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§ n. — MONOGRAPHIES
L'AIL (Allium, L. )
Médecine populaire
iN met au cou des enfants un collier de
gousses d'ail pour les préserver des vers.
Si les vers « leur pissent au cœur »^
on leur fait manger de Tail (E.).
L'ANIS (PlHPIMELLA ANISUM, L.)
Croyances et Superstitions
L'anis fait péter ceux qui en mangent ou qui le
prennent infusé.
L'anis a la vertu de couper le fer. Le pivert, qui
a le bec si dur, va se frotter le picot sur cette
herbe, et après il traverse facilement le bois(P.)^
Cf. Laisnel de k Salle, t. I, p. 207.
L'AVOINE (AvEHA, L.)
Noms patois. — Proverbe
Avène, avoine, aveine. Lai folle avoine (avena
steriîis, L.) se nomme havron (M.).
A la Madeleine,
La faucille à Taveine.
TRADITIONS ET SUPERSTITIONS 329
SupersHtion
Un sorcier, pour faire du mal aux hommes,
avait demandé du lait de femme. On lui donna de
la bouillie d'avoine ; il jeta le sort sur les avoines,
et elles séchèrent sur pied cette année-là (E.).
Cf. t. I, p. 336, un conte où cette sorcellerie est attribuée aux
moines.
LE BLÉ (TRiTictm, L.) /
Noms patois
Eté (t.) ; lieu (Plouvara).
Superstitions
En regardant un grain de blé, on y voit la
figure de Jésus-Christ (E., D.).
Pour savoir le prix du blé, on consulte la caille
(voyez ce mot). On peut aussi le savoir le jour
du premier de Tan en mettant du grain à chauffer
sur la tournette qui sert à retourner les galettes.
Si le grain saute, c'est qu'il sera cher Tannée qui
vient (E.).
Pour avoir du blé, les vieux allaient -arroser
leurs champs avec des houteiîîées d'eau bénite.
Cela ne se fait plus (P.).
Avec les chaumes de blé vert ou d'avoine, les
enfants de la campagne font une sorte de petite
musique qu'ils appellent sonnette ou bouè:(e; ils
lui disent :
330 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Sonnette, sonnette.
Si tu dis.
Je te donnerai du pain et du kit.
Si tu ne dis pas.
Je te couperai
Avec un grand couteau d'acier (S.-C.).
Petite sonnette,
Si tu ne sonnes pas.
Je te couperai nette, nette,
Par la moitié (P.).
Sonne, ma petite sonnette ;
Sonne, tu auras du beurre et du lait ;
Si tu n'sonnes point, tu n* n'aras point (P.).
Cf. dans Desaivre, p. 3 et 4, Formul., deax formulettes que les
«nfants 'du Bas-Poitou récitent en frappant sur l'écorce de firène
pour faire des sifiËets.
2> lU dans les contes
Dans un conte intitulé Vadoyer, i" série,
no LXiv, un homme qui n'a qu'un grain de blé
en tire un singulier profit.
Dans un conte inédit de ma collection, les
fées, pour dédommager un fermier du tort que
leur troupeau lui a fait, font repousser le blé
mangé en trois jours, et « sur le haut des épis
viendront de nouvelles tiges qui porteront encore
des épis. »
Le blé joue aussi dans les usages de moisson un rôle dont je
parlerai longuement dans mon livre des Coutumes.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 33I
LE BLEUET (Cbntauxba ctamvs, L.)
Noms patois. — Médecine populaire
BUuvet (P.) ; hleu bleu (S.-C.) ; hluvet (Tré-
veneuc).
Si on fait boire à quelqu'un une infusion de
bleuet) on lui donne la colique (£.).
L'eau-de-vie où Ton a infusé du bleuet est
bonne pour les yeux (D.). Une infusion de bleuet,
de séneçon, de cresson,, de sauge, etc., renouvelle
le sang (P.).
LE CHAMPIGNON (Acuucus)
Noms patois, — Proverbe. — Superstitions
Potiron (M.) ; Jean-gorin (S.-D.).
— Jaune comme un potiron (S.-C).
On appelle les champignons des « ronds de
sorcières » (E.).
Sous les gros potirons se trouvent des cra-
pauds (E.).
LE CHANVRE (Cannabis, L.)
Noms patois
Chanv'ây fém. ; chambe, fém. (M., E.) ; fumelle
(P.) ; c'est le chanvre qui fleurit et graine avant
332 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
l'autre et qu'on arrache le premier. Le che-
nevis se nomme chanuédy fém. (Tréveneuc);
chanevé (G. g.) ; le lieu où l'on met le lin ou le
chanvre à rouir rototié (S.-D.); rouitouère (M.).
Superstitions
Le chanvre fait enrager les gens qui ont été
mordus par les chiens.
Quand les poules ont mangé de la graine de
chanvre, elles cessent de pondre et se mettent à
couver.
Il est d'usage de laisser le plus beau brin de
chanvre pour l'oiseau Saint-Martin; c'est le
martinet.
D'après Florent Ricbomme, cité par A. Bosquet, p. 219-220,
le premier qui cultiva du chanvre voyait les oiseaux le manger ;
il implora saint Martin, qui enferma pendant les offices tons les
oiseaux dans une grange, excepté le martinet, qui ne faisait
point de mal.
Il faut chanter en le cueillissant.
On les filandières s'endorment en le filant.
De même pour le lin; il y a des chansons
qu'on chante en faisant cette besogne (E., S.-C).
Si on mélange au cidre de la graine de chanvre,
celui qui en boit « dort comme une motte ».
Pour se faire passer le lait, les femmes boivent
de l'eau dans laquelle on a mis du chenevis à
infuser.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 333
LE CHARDON (C:ua>uus, Gaertner)
Noms patois. — Médecine populaire
Chardron (M.); cherdon, chierdon, chierdron (P.).
Les chardons bénis (ce sont ceiix qui ont la
feuille blanche et verte), piles et mis sur les bras
pendant neuf jours ou neuf nuits, coupent la fièvre
<E.).
LE CHOU (Brassica, L.)
Nom patois — Dicton et Croyances
Cheu (G. g.).
On dit d'un homme qui est séparé de biens ou
<iont la femme a la maîtrise sur la maison : « Il est
coiffé de la feuille de chou » (E.).
On prétend que les choux plantés après la
Saint-Jean n^pomment point (E.).
Qjiand une vache est passée en dommage, on
dit par plaisanterie à celui à qui elle appartient :
« Les choux vont manger ta vache » (P.).
LA CITROUILLE (Cucurbita, L.)
Croyances
Les citrouilles piquées, c'est-à-dire mises en
terre, le vei^redi saint deviennent grosses comme
des ragoles (chênes d'émonde) (E.). Il en est de
même du jour Saint-Georges (23 avril).
354 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
On porte des citrouilles à l'autel de la Vierge,
quand elles ont bien réussi (£.).
La soupe faite avec les citrouilles se nomme
soupe de jotte (£.).
Il est parlé de citrouilles dans deux de mes
contes, 2© série : La Citrouille^ n© XLVni, et
Cendrousey nP xxxi (citrouille devenant carrosse).
LE COQUELICOT (Papayer rbcas, L.)
Noms patois, — Superstition
Cocolicot (M.) ; feu sauvage (E.).
Si on s*amuse à trop prendre des coquelicots
dans sa main, on gagne le mal appelé feu sauvage.
LE CRESSON (Mastvrtium, De Guidolle)
Noms patois. — Croyance
Crasson (E.) ; berle (Morbihan, G. g.)»
Il y a des paysans qui croient que le cresson ne
vient que dans les ruisseaux où Ton a roui du
lin, et que c'est la graine de lin qui le produit.
LA CUSCUTE (CuscuTA, L.)
Noms patois, — Crcyance
Ff d'alouette (S.-D.) ; fi en. diable (E.) ; fil de la
Vierge, fi* de coucou, fi ^alouette (P.) ; teigw (E.).
On prétend que c'est le diable qui a filé la
cuscute pour perdre les trèfles (E.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 335
LA DIGITALE (Digitalis, T.)
Noms patois. — Proverhe. — Croyance
Gantelet (E.); cotiîhc (Bécherel); cotissoué, co-
tissiau (E.); nunu, nounou (P.)} ^^h floquet
(M.); berlu (S,'D,) (cf. le breton herhi)\ la fleur
seule, coquion (vers Loudéac).
— r chante comme un bourdon dan' un berlu
(S.-D.).
Les petits bergers s'amusent à faire cotir les
fleurs des digitales ou à les enfiler dans des
branches de fougère pour faire des croix (M.).
Si on met deux gouttes de digitale dans la
boisson de quelqu'un, on le fait mourir (E.).
L'EUPHORBE (Euphorbia, L.)
Nom patois. — Croyance
Flanga (E.).
Si on se frotte les yeux après^ avoir touché de
l'euphorbe, on perd la vue (S.-D.).
LA FÈVE (Faba, T.)
Noms patois. — Proverhe
Feuve (M., E., P.); la tige se nommQ fava.
— Il a mangé de la soupe de fèves : il voit
double (S.-C).
En Poitou (cf. Sonché, Proverbes^ p. 2$), on dit d'une femme
enceinte qu'elle a. mangé de la soupe aux fèves.
336 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
La fève, c'est le grain du diable (S.-C).
Dans les contes, il est; plusieurs fois question
de fèves qui grimpent jusqu'au ciel (cf. La Fève^
ire série, no xii, et Litt. orahy p. 213).
LA FOUGÈRE (Pteris aqjjilima, L.)
Noms patois — Croyances
Feugière (S.-D., M.); fougière (M.); feùgueère
^Tréveneuc) ; feugière (P.).
Si on étête avec les dents le premier brin de
fougère qu'on voit pousser, cela préserve des
fièvres (E.).
Si l'on veut découvrir les trésors cachés, il faut
la nuit de la Saint- Jean, vers minuit, ramasser de
la graine de fougère. Le dimanche des Rameaux
de l'année suivante, on répand cette graine dans
l'endroit où l'on suppose que des trésors sont
cachés (P.).
' LA FRAISE (Fragaria, L.)
Nom patois. — Médecine populaire
Frase (M., E.).
Si on se lave deux ou trois fois les mains avec
du jus de fraise, on n'a plus d'engelures (D.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 337
LA JARNOTTE ou TERRE NOIX (Bukium
BVLBOCASTANCM, L.)
Niyms patois. — Croyance
Jednnoite QA.); jernotte (S.-D.).
On dit aux petits enfants : « N'en mange pas
trop, ou tu auras des poux » (M.).
LA JOUBARBE (Sehpbrvivcm, U)
Nom patois. — Croyances
Joubarde (E.).
Trois ou neuf feuilles de joubarbe données aux
vaches à jeun, pendant trois matins de suite, les
rendent amoureuses (E.).
La joubarbe guérit les ampoules des pieds ; on la
pile avec de la graisse douce ; on l'applique sur le
mal, et on lui dit :
Joubarbe,
Guéris mes pieds du mal.
Je te donnerai de la salade ;
Si tu ne les guéris pas,
Je te hacherai avec mon couteau
En plus de mille petits morceaux (S.-C).
Un jeune homme qui mettrait de la joubarbe
dans sa poche, et la ferait sentir à une fille, la
forcerait à courir après lui (Saint-Aubin-du-
Cormier).
Jadis la joubarbe était employée comme Aphrodisiaque, ainsi
II 22
338 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
que le constate Thiers, Traité des iupersHtionSy ch. xv : « On ne
saurait exempter de péché... ceux qui mangent de la joubarbe ou
joubarde, afin de rompre le nouëment de l'aiguillette dont ils
sont affligez. »
LA JUSQ.UIAME NOIRE (Htosctaitos hicer, L.)
Noms patois. — Croyance
Herbe chevaline ou herhe es chevaux.
Pour faire les vaches se mettre en chasse, on
n'a qu'à leur donner à manger de l'herbe cheva-
line. Elle agit aussi sur les autres animaux (P.).
LE LIN (LiNUM, L.)
Dicton
Si la plée (pluie) n'tombe pas
Pendant les jours gras,
Point de lin c't'année tu n'auras (E.),
Croyances. — Conte
Si on pile le lin sur le seuil de la porte, le
cidre aigrit dans les celliers (S.-C).
On laisse parfois une poignée de lin dans un.
coin du champ, sans l'arracher : c'est pour la
chance (£.)•
Dans plusieurs contes des Jaguens, les Jaguens
se baignent dans du lin qu'ils prennent pour la
jner verte et bleue (cf. Litt. orale, p. 253).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 339
LA MARGUERITE (Bellis pbrbnnis, L.)
Nom patois. — Superstition
Pdque (L.).
On TefFeuille pour savoir son sort, et l'on dit :
Fille, femme, veuve, religieuse ;
Gars, homme, veuf, religieux.
Suivant les sexes, c'est la dernière feuille qui
donne la réponse (E.).
LA MERCURIALE (Mercurialis aknua, L.)
Noms patois. — Croyances
Raniberge (M., E.) ; îamberge (P.).
Si les pommes ont traîné sur la ramberge, le
cidre ne vaut rien ; il en est de même si les pom-
miers sont plantés dans un sol où il en vient
beaucoup (E.).
Quand les vaches mangent de la Iamberge,
cela les fait pisser du sang (P.).
LA MOUSSE (Till*a)
Nom patois. — Médecine populaire
Meûsse (P.).
Lorsqu'une personne s'est blessée, qu'elle a
fait une chute ou qu'elle est enflée, elle se guérit
en appliquant sur la partie malade un cataplasme
de mousse bouillie dans du lait (P.).
340 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LE NAVET (BKA.SSICA kavus, L.)
Noms patois. — Proverbe
NaviaUy pi. des naviaoux (M., E., P.).
— Pâle comme un navet.
Jardinage, — Conte
Le jour Saint-Barnabe (ii juin), on plante les
navets de quarante jours (E.). A la Sainte-Anue
(26 juillet), faut faire des naviaux; i* viennent
gros comme on les demande (E.).
Dans quelques contes gallots, il y est question
de quatre-vingt-dix-neuf auberges qui se trouvent
sur la route du paradis, et où Ton vend du poiré de
mviaux à quatre sous le pot. Il est aussi parlé de
cette plante dans le conte du Navet (jÂtt. orahy
P- 135).
L'ORTIE (Urtica, L.)
Noms patois. — Médecine populaire
Ourtie, ortrie (Tréveneuc).
Quand on a des rhumatismes, on se frotte
avec un paquet d'orties. De même pour empêcher
les enfants de pisser au lit.
Si on voit quelqu'un s'approcher des orties
en prenant de grandes précautions, on lui crie :
« Les orties ne piquent pas aujourd'hui ; elles
piqueront demain » (E.).
Si on a des ampoules au pied, on les frotte
avec des orties pour les faire passer (P.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 341
Le jus d*ortie mêlé au lait de vache présente du
mal de ventre (S.-C).
Pour calmer les maux de dents, on pile des
orties, puis on y mélange du gros sel, et l'on
applique ce cataplasme sur la dent malade (P.).
LA PARELLE (Rumbx crispus, L.)
Nom patois. — Médecine populaire
Vinette (oseille) de crapaou (Tréveneuc).
Si on a la gale, on pile de la parelle, du beurre
frais, du sel, et l'on se frotte bien avec ce mé-
lange. On guérit aussitôt; mais il paraît qu'il faut
dire aussi une prière de conjuration (Saint- Aubin).
LE PERSIL (Pbtrosblimuu sativum, Ho£f)
Superstitions
Le persil fait casser les verres.
Planter du persil porte malheur; il faut le
semer (P.).
Superstition analogue en Poitou (cf. Souche, Proverlts^ p. 25).
La graine de persil fait mourir les poux (P.).
LE PISSENLIT (Taiuxacum, Jossien, ou Taraxacum
OFFICINALE, Villars)
Nom patois. — Proverbe. — Superstitions
Pissmîet (M.).
342 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
— Jaune comme un pissenlit.
Qjiand le pissenlit est en graine, on en cueille
un brin, et on souffle dessus pour savoir si on est
aimé. Si toutes les graines s*envolent, c'est signe
qu'on est très-aimé; s'il en reste quelques-unes,
on l'est un peu moins; s'il en reste beaucoup,
l'affection est faible (M., E.).
On s'y prend de la même manière pour savoir
combien on aura d'années à vivre : autant de
graines qui restent sur le pied, autant on a
d'années à vivre (M.).
Pour savoir l'heure qu'il est, on souffle trois
fois sur la graine du pissenlit; le nombre de
graines qui restent donne la réponse ; s'il y en a
de cassées, ce sont des demi-heures ou des quarts-
d'heure (S.-C).
Q.uand on ne se rappelle plus si on a dit ses
prières le matin, on souffle sur la graine du
pissenlit. Si on les enlève toutes, c'est qu'on les
a dites (D.).
LE PLANTAIN (Plamtago lamceolata, L.)
Médecine populaire
Pour guérir les plaies, on emploie le plantaia
lancéolé, dit herbe aux cinq coutures.
Si pendant trois matins de suite, étant à jeun>
DE LA HAUTE-BRETAGNE 345
on pisse sur du plantain, on est guéri de la
fièvre (E.).
Q^and une personne a un dragon de sang sur
un œil, elle doit, pour se guérir, piler du plan-
tain mêlé à du gros sel, et s'en faire un cataplasme
pour Toeil malade (P.).
LE POIS (PiSSUM SàTIVUM, L.)
Nom patois. — Dicton
Pas (M.).
Le jour de Sainte-Cécile, si on plante des pas y
V vieiment comme des mâts (E.).
Médecine superstitieuse
Pour faire passer les verrues, on jette des pois
•dans une fontaine au soleil levant. Quand les
pois sont pourris, les verrues s'en vont (E.).
Ailleurs, on prend une poignée de pois; on en
frotte la verrue, puis, quand on ne voit personne,
on va les jeter dans un puits en fermant les
yeux (S.-C.)«
Cf. un remède analogue dans Laisnel de la Salle, 1. 1, p. lyj.
Cf. aussi Thiers, Supers., ch. xxx, p. 321.
LE SAIGNE-NEZ (Achillea ioxlbfouum, L.)
Jeu
Les enfants se grattent l'intérieur des narines
344 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
avec des feuilles de saigne-nez et produisent ainsi
une sorte de saignement. Parfois aussi ils se
frottent la langue avec le côté rugueux de la
plante pour la faire rougir et saigner (M., E.).
Ce jeu est connn en Poitou (cf. Souche, Proverbes^ p. 26), et
sAnt dôme «iUeun.
LE SARRASIN (Poltgomum fagoptkum, L.)
Noms patois, — Dictons et Proverbes
BU noir, blé na, bU né, bié na. Débris de blé
noir vanné, freù.
— Année de châtaignes, année de blé noir.
— N*y a pas de bonne fouée sans freù (Plou-
vara).
Le blé noir fait dans le cressent ne réussit
jamais.
Sème ton blé noir quand tu voudras,
En quat' nuis (mois) tu Vkeudras (cueilleras) (P.).
LE SERPENTAIRE (Polygokum bistouta, L.)
Noms patois, — Croyance
Pain de càleuve (M.) ; mangeaiîîe au serpent (P.)-
On croit que les couleuvres s'en nourrissent et
qu'on trouve toujours dessous un reptile.
Au pied du pain de couleuvre, il y a une espèce
de navet avec lequel on se frotte quand on est
atteint de la goutte ou de quelque autre affection
semblable (P.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 34$
SERPOLET CTmrmn sbrvtllum, L.)
Nom patois. — Croyanu
CherpouUt (P.).
Q^and une ménagère a du lait qui ne s*apprête
pas comme elle veut, elle prend du serpolet et
frotte la panne avec la feuille; aussitôt le lait
s'apprête (P.).
Le parfum du serpolet chasse les puces (D.).
LE TRÈFLE (Twfoliom, L.)
Superstition» — Croyances
Le trèfle à quatre feuilles fait gagner à tous
coups aux jeux de hasard ; mats il ne faut pas
savoir qu*on Ta sur soi.
Quand on en trouve, on se marie dans
Tannée (E.).
Cf. Guy<mva*chf p. 212.
Si on a sur soi un trèfle à quatre, cinq ou sept
feuilles, on est préservé des enchantements.
Cf. Laisnel de la Salle, t. I, p. 384.
Il ne faut pas semer la tremène (trifoUum
repens, L., trèfle rose) un jour de la semaine où
il y a un r, car elle ne viendrait pas (S.-C).
34^ TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LA VERVEINE (Vauiu, L.)
La verveioe sert â attraper le poisson (E.)-
Elle porte malheur (P.)-
VIOLETTE (Viou, T.)
Midtâiu populaire. — Conte
La feuille de violette guérit les blessures (E.).
Dans le Bœuf d'or, 2« série, n» XL, la jeune
fille que son père veut épouser lui demande une
robe en fleurs de violettes sans couture.
Les chansons parlent assez souvent de la
violette.
CHAPITRE. X
LES MÉTÉORES
L'ARC-EN -CIEL
Noms patois
Arcancii (M., E.); ergancié (P.); carcanciê (S.-
C); arcancidU^ fém. (Hénon).
Proverbes et Pronostics
S'il paraît plusieurs arcs-en-ciel au matin, la
pluie continuera; s'ils se montrent le soir, le
temps changera (E.)-
L'arc-en-ciel du soir
Met la pluie en retard (E.).
Arc-en-ciel du matin, ^
Pèlerin, file ton chemin.
348 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Arc-ea-ciel du sa (soir).
Pèlerin, défie-U.
L'arc-en-ciel du matin indique qu'il fera beatv
temps ; celui du soir, au contraire, présage du
mauvais temps et de la pluie (S.-C).
Uarc-en-ciel du matin
Met la paix en chemin.
Celui du sa (soir)
La met dans son bissa' (besace).
Le sien du midi
Fait combler la pluie (£.).
Le lendemain du jour où Ton voit un arc-en-
ciel, il y aura mauvais temps (P.).
Superstitions et Croyances
Quand on voit un arç-en-ciel, on le coupe;
mais il faut que celui qui le coupe ne Tait pas vu
ni qu'il ait été prévenu par un autre (S.-C, E.).
Voici comment on s'y prend :
On crache dans sa main ; on y met un petit brin
d'herbe parallèle aux doigts ; on frappe sur lui
de manière à ce que la main qui frappe forme une
croix avec l'herbe, et on dit :
Je te coupe en croix;
Tu n'reviendras pas.
A Saint-Cast, parfois on ne dit rien ; il faut
que le crachat le plus près des doigts saute de la
DE LA HAUTE-BRETAGNE 349
main. En lUe-et-Vilaine, on le coupe en frappant
trois fois dans sa main gauche avec le coupant
de la droite.
Oa conpe l'arc-en-dei par des procédés analogues en Poitou
■(cf. Souche, Croy.j p. 20), vers Saint-Brieuc, Sarzeau et Morlaix
(ci. Mil. y col 502).
Voici quelques formulettes que Ton récite pour
couper Tarc-en-ciel :
Carcancié, carcancié,
Si ta mets tes vaches dans mon blé,
J'te coupe par la moitié
Avec mon grand couteau d'acier (S.-C).
Arcanciel,
Ne mets pas tes bœufs dans ma luzerne ;
Je te donnerai du miel.
Si tu les y mets,
Tu auras des coups de fouet (S.-C).
Ergancié, ergancîé,
Si tu mets tes vaches dans mon blé,
J*té couperai par la moitié (P.).
Arc-en-ciel,
Ta vache a passé dans mes choux.
Si tu nVas pas la ramener.
Je vais t'couper tes petits cochons par la moitié (P.).
C'est quand il commence à se former qu'on
lui dit cela.
Sur les nuages assimilés aux vaches, cf. Gubematis, Myth.
Xool., t. I, p. 1), 17, 8ï.
350 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
- i - - -- -- -- — - — -- , ^
Arc -en-ciel.
Descends du ciel.
Les deux bouts dans une fontaine ;
Si tu n'y descends pas.
Je te couperai par la moitié
Avec mon grand sabre d'acier.
Et de vrai ça le coupe, si on ne Tapas vu (E.)»
On prend un petit grain de blé dans sa main>
et on dit :
Arcanciel, arcanciel,
Par la vertu de mon petit grain de blé.
Je veux qi;e tu sois coupé (S.-C).
On croit que c*est Tarc-en-ciel qui donne de
Teau. Si Tune de ses extrémités est dans la
direction d'un étang, et que l'autre y soit aussi,
c'est signe certain de grande pluie : l'arc-en-ciel
est allé boire. S'il ne prenait pas d'eau, les nues
brûleraient; s'il boit, c'est pour calmer sa soif
(Saint- Au bin-du-Cormier, E., etc.).
En Poitou (cf. Souche, Croy., p. 28), on croit que les nuages
vont puiser l'eau de la pluie dans la mer. D'après Tylor, Civili-
sation primitive ^ p. 336, chez les Karens de Birmanie et chez
les Zoulous, existe une croyance similaire. Les Latins disaient :
Bibit arcus.
LES AURORES BORÉALES
Les aurores boréales, qui sont assez rares en
Haute-Bretagne, passent pour annoncer une guerre
ou un changement de gouvernement (E.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE $$t
LE BROUILLARD
Noms patois
Hare (Plouvara, P.); brime, hrimasserie (M.)
quand il mouille un peu.
On donne au brouillard le nom de temps au
loup, parce qu'on prétend que c'est le moment
que le loup choisit pour ses promenades (E.).
LES COMÈTES
Pronostics
Elles pronostiquent une guerre ou un change-
ment de gouvernement. Si la queue de la comète
est tournée vers le couchant, le gouvernement
ne tardera pas à changer; si elle est virée vers le
levant, 11 durera encore longtemps (E.).
Vers Moncontour, elles annoncent une guerre
ou la fin du monde.
Mime croyance en Poitou (cf. Desaivre, Croy., p. 37).
LES ÉCUPSES
Nom patois. — Présages et Pronostics
Esclipe (Hénon, P.).
Si la lune passait sur le soleil, de manière à le
couvrir entièrement, elle se collerait dessus et Té-
teindrait ; jamais on ne reverrait sa lumière (E.).
En beaucoup de pays les éclipses annoncent des événements
iiinestes (cf. Mil.^ col. 4$6).
352 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
LES ÉTOILES
Noms patois
Ètdîe (E.); éUU (S.-D.); étatîe (M.).
Devinettes
a) Devine, devinaille,
J'ai perdu mes mailles ;
Je ne peux les retrouver
Qiie quand le soleil est couché.
h) Dans le chemin des quat' caillettes.
J'ai perdu mes maillettes :
J'y ai été le jour,
Je ne les ai pas trouvées ;
J'y ai été la nuit,
Et je les ai trouvées.
— Les étoiles.
Cf. Mél.j coL 259, D. 72 ; Rolknd,.D. ii;.
Gros comme une pomme qui n'est pas pomme
Qjie cent mille hommes ne mettraient pas dans une tonne.
— Une étoile.
■
Croyances et Superstitions
Une étoile filante indique la sortie du purga-
toire de Tâme d'un mort (M., E.).
Croyance analogue en Poitou (cf. Souche, Croy., p. 23); dans
les Vosges (cf. Mis/., col. 457).
Si on dit un Pater et un Ave quand passe ane
V
DE LA HAUTE-BRETAGNE 353
étoile filante, on sauve une âme du purgatoire
(S.-C). A Monconiour, il suffit de faire le signe
de la croix. Au Gouray, il faut avoir le temps de
nommer trois saints avant que Tétoile ait dis-
paru.
La vue d'une étoile filante annonce la mort de
-quelqu'un ; chaque homme a son étoile, qui a de
l'influence sur sa destinée (voir le conte intitulé :
La mauvaise étoile, no lxv, 2^ série) (P.). Tou-
tefois, cette croyance fataliste n'est pas absolu-
ment générale.
La même croyance existe dans les Vosges (cf. Mél., coL 4 $7)*
Quand les étoiles scintillent beaucoup, c'est
signe de vent, généralement de nord-est.
Si on voit la voie lactée, — appelée Chemin
de Saint- Jacques, — c'est un présage de beau temps.
On dit qu'au temps jadis, pour être pape, il
fallait voir une étoile en plein midi ; pour être
cardinal, une à onze heures du matin..
Actuellement, celui ou celle qui peut voir une
étoile entre neuf et dix heures du matin se marie
dans l'année (E.).
LE FEU FOLLET, LE FEU SAINT-ELME
Le feu follet — c'est le feu Saint-Elme — à
bord des navires est un signe de naufi^age.
Dans un conte de marins, Véquipage révolté^
II 23
3S4 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
no XLV, le capitaine et un de ses matelots, qui
ont été assassinés, poursuivent le navire sous la
forme de deux feux follets.
Sur le rôle des feux follets dans la superstition,
cf. le chapitre des Lutins^ et spécialement les pages
150 et suiv. du ler volume.
LA LUNE
Noms patois
Leune (S.-D., E., M.); elle est dite lune perdue
quand on ne la voit plus. Le croissant se n<Jmme
crissent^ le décours décoû.
Dictons et Pronostics
Jamais cerne (cercle) à la lune
N'abattit mât de hune ;
Mais quand il est au soula.
Il abat le mât et Téta (Plévenon).
Si le cerne est dans le crêssent,
C'est signe de beau temps ;
Si c'est dans rdécoû,
C'est d'ia plée sous tras joûs (S.-C),
On dit que la lune mange les nuages (S.-C).
Croyance analogue en Poitou (cf. Desaivre, Croy., p. i8).
Si la lune porte des cornes en égouttant, |c'est
signe de pluie prochaine (S.-C, M.).
Même croyance en Poitou (cf. Desaivre, p. 18).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 355
La lune a, disent les marins, une chaloupe ;
c'est une étoile qui en est plus ou moins éloignée.
Qiiand il doit faire mauvais temps, on ne voit
plus la chaloupe de la lune (S.-C).
La lune passe aussi pour manger les pierres.
Superstitions et Croyances
Les phases de la lune sont observées par les
paysans qui, en général, ensemencent ou fument
leur terre dans le décours. C'est aussi à cette
époque qu'on fait le meilleur cidre.
Cf. des superstitions similaires en Poitou (cf. Souche, Croy.,
p. 12 et 23) ; dans l'Orne (MéL, col. 9;) ; dans les Vosges
(i«rf., col. 458).
Si on coupe les ongles dans Tcrêssent,
Faut les couper souvent.
Coupez-les dans rdécoû,
Vous ne les couperez pas beaucoup (S.-C).
On coupe aussi les cheveux dans le créssent de
la lune.
Superstition analogue dans les Vosges (Mil., col. 453).
Le pain est meilleur dans l'crêssent de la lune.
Les verrues suivent les phases de la lune ; elles
grossissent avec elle et disparaissent en lune
perdue (E.).
Pour voir en songe la personne que l'on doit
épouser, il faut, le premier vendredi du créssent,
dire cinq Pater et cinq Ave dans le premier en-
356 IRADITIONS ET SUPERSTITIONS
droit venu, en regardant le crêssent, puis jeter
sans regarder dans la direction du crêssent ce
qu'on trouve sous sa main, en disant :
Petit crêssent.
Verbe blanc,
Fais-moi voir en mon dormant
Qjii j'aurai en mon vivant.
On se met ensuite au lit en y entrant du pied
gauche ; on se couche sur le côté gauche, et on
récite, jusqu'à ce qu'on s'endorme, des prières
pour les âmes du purgatoire (E.).
Cf. dans Mél., col. 220, nne formtilette assez semblable de
Saône-et-Loire.
On montre aux petits enfants, lors de la pleine
lune, l'homme qui porte sur ses épaules un fagot
d'épines. C'est en punition de vols commis qu'il
a été condamné à se promener ainsi jusqu'au
jour du jugement. D'après certains récits, il aurait
volé des faunilîes ou faguiîles (fagots de menu
bois), du beurre, etc.
Cf. L'homme dans la lune^ n» lxiv des ConUs des paysans el
des pêcheurs; cf. aussi Bladé, Sei:^e sup., L'homme dans la lune, et
les contes de Cerquand, Carnoy, portant le même titre.
LA NEIGE
Noms patois, — Devinettes
Nage{E.,F.);nige(M..).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 357
a) Qui est-ce qui couvère (couvre) ben la ville de Paris,
Et qui n*sarait couvri' le haut d'un puits? (Trélivan.)
Cf. Rolland, D. 12 ; Sauvé, D. 19.
h) Qui couvère Paris et Nante
Et qui n'peut pas couvri* Peau courante ? (E.)
— La neige.
Pronostics. — FormuUttes
Quand on a/r«/ (froid) au talon, c'est signe de
neige (E.).
S'il neige, on dit :
Voilà saint Nicolas
Qui plume ses houâs.
V^à la petite bonne femme
Q}ii plume ses houâs (M.).
Saint Thomas qui plume ses houâs,
Saint Christophe
Qui les met à la broche,
Et saint Crépin
Qui les mange au matin (D.).
A Saint-Cast, on dit que c'est le bon Dieu qui
plume SQS oies. Quand il tombe des marteaux
ou martiaux (gros grêlons), on dit que ce sont
leurs os que le bon Dieu jette.
Cf. le breton maniçlioUf qui a le même sens.
S'il neige beaucoup, on dit : « Ah l cela chet
ben ; il a d 's ouvriers à li aider » (P.).
358 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Les blancs vont gagner, i' couvèrent les arb'es.
C'est une plaisanterie que Ton fait quand la
neige tombe beaucoup (E.). On dit aussi : « Tous
les diables sont habillés en blanc » (E.).
Si la neige ne fond pas, on dit qu'elle attend
celle qui doit venir (E.).
L'ORAGE
Nom patois, — Dicton
Aurage, Le verbe ^aurager existe aussi (E.).
Qpand il tonne ent' la Cateline et Noué,
L'hivée e^t avorté (M.).
Devinette
Dans mon pré j'ai un puits, dans mon puits
j'ai un seau, et dans mon seau j'ai un coq ;
quand il chante, on l'entend par toute la France
(P.).
— C'est le tonnerre.
Croyances et Superstitions
On prétend qu'un orage d'été dure neuf jours.
Quand le temps est à l'orage, les éphémères
piquent plus dur (E.).
Le tounaire est très-redouté des paysans ; aussi
ont-ils pour s'en garantir nombre de préservatifs.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 359
les uns Orthodoxes, d'autres d'origine préhis-
torique.
. Quand il tonne, on allume dans la maison un
cierge bénit à la Chandeleur (M., D.).
Même contame en Franche-Comté (cf. Mil,, col. 346).
Le laurier ou le buis des /Rameaux préserve
aussi du tonnerre (E.).
Croyance analogne dans les Vosges (cf. Mil., col. 4$4).
Les tisons ramassés dans les feux allumés à la
Saint-Jean ou à la Saint-Pierre préservent aussi
de la foudre. Qjaand il tonne, on leur dit :
Tison de Saint-Jean et de Saint-Pierre,
Garde-nous du tonnerre.
Petit ti«)n,
Tu seras orné de pavillon (S.-C.).
On ramasse aussi un fragment de la bûche de
Noël, qui a la même vertu préservatrice que les
tisons de la Saint-Jean (P.).
On prend aussi à la main une chandelle bénite
qu'on allume en récitant la formulette de Sainte-
Barbe, etc., et l'on met une feuille de laurier
bénit sur le bénitier (Moncontour).
Il existé contre la foudre des conjurations assez
nombreuses :
Sainte Barbe, sainte Fleur,
La couronne de Notre-Seigneur,
Quand le tonnerre tombera,
Sainte Barbe nous gardera (S.«C.).
360 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Sainte Barbe,
Sainte Claire,
Préserve-moi du tonnerre (D.)«
Sainte Barbe, sainte Fleur,
La couronne de Notre-Seigneur,
Qjaand le tonnerre tombera,
Sainte Barbe me conduira
 la porte du paradis.
Pour avoir du pain bénit (Saint-Brieuc).
Ce dernier vers est ajouté par quelques per-
sonnes ; d'autres, après « quand le tonnerre tom-
bera », se contentent de dire : « Sainte Barbe
nous préservera ».
Cf. Mil.f col. 569.
Il y avait autrefois des gens qui mettaient dans
leurs poches des pierres de tonnerre quand le
temps était à Torage et qui récitaient, s'il tonnait^
une oraison en l'honneur de la pierre. £n voici
deux qu'on leur adresse encore maintenant :
Pierre, Pierre,
Garde-moi du tonnerre (S.-C).
Sainte Barbe, sainte Fleur
A la croix de mon Sauveur,
Partout où l'tonnerre ira
Sainte Barbe nous gardera :
Par la vertu de cette pierre,
Que je sois gardé du tonnerre (E.).
Cf. sur les pierres à tonnerre la p. 50 du t. I.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 361
Le tonnerre ne tombe jamais sur une maison
où se trouve une femme enceinte (M.).
La soie préserve aussi de la foudre. Quand un
paysan a une cravate de soie et qu'il tonne, les
autres lui disent : « Le tonnerre ne va pas te
frapper; tu as de la soie sur toi » (environs de
Bécherel).
Si on a sur son chapeau une branche de laurier
bénit, on peut se promener sous Torage en toute
sécurité (Hénon).
Le tonnerre ne tombe pas sur l'épine blanche,,
parce que c'est avec ses épines qu'a été faite la
couronne de Notre-Seigneur (P., E.) ; c'est à cette
circonstance que fait peut-être allusion l'oraison :
a Sainte-Fleur à la Croix, etc. »
Même croyance dans les Vosges (cf. Mil., col. 478).
Lorsqu'il se trouve près d'un village une épine
blanche placée à côté d'une croix, au commence-
ment de l'orage les gens vont chercher une
branche de l'épine qu'ils placent dans leur maison
pour empêcher le tonnerre de tomber dessus (P.).
LA PLUIE
Noms patois
Plée (M., E., P.); piée (P., S.-D.).
On appelle cahée (P.) une ondée violente;.
362 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
£uiîii (M.), brimasseriey une petite pluie; une
venée (yesse) de mère (P.), une pluie qui ne du-
rera pas.
Proverbes et Dictons
Qjiand i' plent et que nordée vente,
C'est un hasard si ça y étanche.
Pléc en février
Vaut du fumier.
Pluie du n^atin
N'empêche pas Tmoîne d'aller au grain (S.-C).
Qpand il fait de la pluie et du soleil en même
temps, on dit : « V'ià le diable qui bat sa femme »
{M., S.-D.). Quand il pleut fort, on dit : « La
pouche (le sac) est déliée ».
Aux articles ÉphémèreSy Grenouilles, Crapauds^
Chats, Canards, Hirondelles, Merles, Corneilles,
Araignées^ Piverts, Demoiselles, j*ai parlé des pro-
nostics de pluie.
Si on a ses poches, sa chemise ou. sa jupe à
Tenvers, il faut se hâter de les retourner ; sans
cela, il ne tarderait pas à pleuvoir (S.-C). Si le
tabac sort de la pipe allumée, si Thorloge sonne
d'un air enroué, la pluie est prochaine.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 365
LE SOLEIL
Noms patois
SauîaQA.); souU (P.); sourè (S.-iD.); s'essou-
reiîîery se chauffer au soleil (S.-D.).
Dicton et Pronostics
— Quand on parle du soleil, on en voit les
rayons.
Le soleil rouge signifie vent ; le soleil blanc, de
la neige ; s'il a des jambes, c'est signe d'eau.
On dit que le soleil a des jambes ou des tirants^
quand il y a en dessous des rayons qui semblent
toucher la terre.
LES VENTS
Noms patois
Nord, naure (S.-C.) ou mistrau\ Sud, su; Est,
eèste ; Ouest, houaste^ du houaste ; Nord-Est, nordée ;
Nord-Ouest, norouds ; Sud-Est, suée ou suète; Sud-
Ouest, surouds ; à Ercé, ce vent s'appelle vent de
galène.
Devinette
Qjii va de branche en branche
Et de Paris en France ? (E.)
— Le vent.
Cf. Bkdé, D. 38-41.
364 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Proverbes
— Surouâs est charretier pour tous marins
(S.-C).
Qjiand le vent saute du sud au nord,
Plie ta voile et dors ;
Mais quand il saute du nord au su',
Prends garde à lu (Plévenon).
Qjiand i* pleut et qu'nordée (nord-est) vente,
Cest un hasard si ça y étanche (S.-C, P.).
— Sec comme le vent de nordée (nord-est) (E.)-
Vent du nord perdu,
Cherche-le dans le su (S.-C).
— Le vent tourne le eu en galère ; i* fera vilain
demain (£.).
— Norouâs mange l'orage (S.-C).
— Quand le vent vente, il faut venter (ventiler)
(P.).
Croyances et Superstitions
On envoie les enfants chercher la corde à
tourner le vent (E., M.).
Le vent qui règne les douze premiers jours de
Tannée est celui qui régnera pendant chacun des
douze mois, janvier correspondant au le*", février
au 2, etc. Il en est de même pour le brouillard
(E.).
DE LA HAUTE-BRETAGNE 36$
En Normandie, ce sont les douze jours après Noël (cf. MU.,
■col. 14) ; mais dans la Suisse allemande (MH.^ col. 128), ce sont
les douze premiers jours de l'année.
A la Saint-Denis, là où le vent se couche le
soir, les trois quarts de Tannée il est (E.).
Le vent qui souffle le dimanche des Rameaux
pendant Tévangile est celui qui dominera le reste
de Tannée; aussi beaucoup de gens sortent à ce
moment pour voir de quel côté est tourné le coq
<iu clocher (S.-C, E.).
Ailleurs le vent tourne au moment où Ton
frappe les trois coups à la porte avec le bâton de
croix.
Quand on voit les oies battre des ailes et
câquer (S.-C), si les cu-blancs rasent la terre
(S.-C), quand les mouettes battent des ailes au-
dessus des maisons (S.-C), on peut être sûr qu'il
y aura du vent.
Les trombes de vent sont Tœuvre du diable, qui
les pousse avec ses cornes (P.).
Les grands vents sont un présage de malheur.
Dans mes contes de marins, il y a tout une
série de légendes où figurent les vents personnifiés.
Cest en général quelqu'un^ dont le vent a en-
levé la récolte ou les filets, qui va trouver
Tauteur du mal, et, en lui faisant peur, obtient
de lui des présents.
En 1880, les Terre-neuvats avaient vent debout
pour revenir; depuis longtemps ils étaient en mer,
et l'inquiétude était grande dans les ports de la
Manche. J'ai vu des hommes cracher du càté ofi
soufBidt le vent contraire, lui adresser les noms
les plus injurieux et lui montrer leurs couteaiut
en le menaçant de l'étriper. A l'exemple des
hommes, les petits enfants en faisaient autant.
ADDITIONS ET CORRECTIONS
P. 6. Au lieu de : bardo^ fém.; bardochCf fèm.; lire : bardo
lÊOisCf hardoche, bardùhe, fém.
P. 21. Au Ueu de : conraie, lire : conraies.
P. 26. Au lieu de : euhendery lire : enbeuder.
P. 29. Au lieu de : heilkf lire : heille.
P. 87. Kote, au lieu de : Nouvelles réalisieSy de M. Pouvillon,
lire : Césefte. — M. Rolland, dont la monographie du cochon a
paru pendant l'impression de ce livre, et que je n'ai pu utiliser
pour mon commentaire comme celle du hceuf, dont j'avais eu
les bonnes feuilles, dit aussi avoir entendu ce conte.
P. 99. Loir est aussi un des noms du lérot.
P. 148. Au lien de : elles deviennent, lire : ils deviennent.
P. 179, 1. 10. Au lieu de : écoute:^ lire : Âvurfeç.
P. 209, 1. 9. Lire : Quand l'homme est sur le point de se
coucher, le rouge-gorge lui dit...
P-^
TABLE DES MATIÈRES
DU DEUXIÈME VOLUME
DEUXIÈME PARTIE
LES ANIMAUX, LES PLANTES ET LES MÉTÉORES
'Chap. I. Les Mammifères domestiques 5
Chap. n. Les Mammifères sauvages • • 88
Chap. III. Les Oiseaux domestiques 124
Chap. IV. Les Oiseaux sauvages 145
■CuAP. V. Les Reptiles 216
Chap. VI. Les Poissons 24;
Chap. vil Les Insectes. ............. 277
■Chap. VIII. Les Arbres 308
Chap. IX. Les Plantes 32;
Chap. X. Les Météores 347
Additions et corrections 367
II ~ 24
PRINCIPAUX OUVRAGES CONSULTÉS
POUR LES RÉFÉRENCES
Adam (Lucien). Les patois lorrains. Maisonneuve, 1881,
in-8.
Amezeuil (Ch. d*). Légendes bretonnes, souvenirs du
Morbihan. Dentu, 1863, in-i8.
Babou (Hippolyte). Les pmens innocents. Charpentier,
1878, in-i8.
Barbet d'Aurevilly. L'Ensorcelée. Leraerre, 1879, petit
in-i2.
Baron Dutaya. Brocéliande, ses chevaliers et quelques
légendes. Rennes, 1859, petit in-8.
Bladé (J. F.). Contes populaires recueillis en Agenais.BsLcr,
1874, in-8.
— Sei^e superstitions populaires de la Gascogne. Agen, 188 1 .
(Tiré à 50 exemplaires.)
— Proverbes. Champion, 1880, in-8.
Bosquet (Amélie). La Normandie romanesque et merveil-
leuse. Techener, 1845, petit in-8.
Calmet (Dom). Dissertation sur les apparitions^ les rame-
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Cambry. Voyage dans le Finistère, éd. Fréminville. Brest,
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et croyances populaires. (Dans Romania, n** 30, p. 233-
263.)
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et superstitions populaires. Reinwald, 1878, in-8.
Cayla (J. M.). Le diable, sa graruUur et sa décadence,
Dentu, 1864, in-i8.
Cerny (Elvire de). Saint-Suliac et ses traditions. Dinan,
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Cerquand. Légendes et récits populaires du pays basque (en
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1880. — Formulettes, i88i. — Études de mythologie
locale, 1880. Cinq brochures in-8. Niort, Clouzot,
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Guyot-Jomard. Petite Géographie du Morbihan. Vannes,
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Habasque. Notions historiques sur les Côtes- du -Kord.
Saint-Brieuc, Guyon, 1833-1837, in-8.
JoujVET (B.).Les Câtes-du-Nord, histoire et géographie.
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LouANDRE (Ch.). La sorcellerie. Hachette, 1853, in-i8.
Luzel. Chants populaires de la Basse-Bretagne, t. I". Lo-
rient. Corfmat, 1868, in-8.
— Veillées bretonnes. Champion, 1879, in-ï8.
— Légendes chrétiennes de la Basse- Bretagne. Maison-
neuve, 1882, 3 vol. petit m-8 écu.
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Reinwald, 1865-188 1.
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Lyonnais, la Bresse et le Bugey. Lyon, G«org, 1874,
in.8.
MoRiN (A. S.). Le prêtre et le sorcier. Le Chevalier, 187a,
in-i8.
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2 vol. in-i6, 1874.
Ogée (J. B.). Dictionnaire géographique de la province de
Bretagne. Nouvelle édition. Rennes, MoUiex, 1843-
1853, 2 vol. grand în-8.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 375
Perron ÇD'). Proverbes de la Franche-Comté. Champion,
1876, in-8.
Réalité de la magie et des apparitions ou contre-poison du
Dictionnaire infernal. Brajeux, 1819^ in-8.
Restif de la Bretonne. Les contemporaines par grada-
tion, Lemerre, 1^75) in-i6.
RoBioou (6.). Histoire et panorama d'un beau pays.
Dinan, Bazouge, 1853, 2 vol. in-8.
Rolland (Eugène). Faune populaire de hi France (t. I*',
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Les mammifères domestiques). Maisdnneuve, 1878- 1882,
in-8.
— Devinettes. Franck, 1878, in-12.
Salmon. Répertoire archéologique de l'Yonne (Mém. de la
Société archéologique de l'Yonne).
Sand (Georges). Légendes rustiques. Michel Lévy, in-12.
Sarcaud. Contes et légendes du Bassigny-Cbampenois.]. B.
Dumoulin, 1881, in- 18.
Sébillot (Paul). Contes populaires de la Haute-Bretagne,
1" série. Charpentier, 1880, in-i8.
— Littérature orale de la Haute-Bretagne. Maisonneuve,
1881, petit in-8 écu.
— Contes des paysans et des pécheurs, 2* série des Contes
populaires de la Haute-Bretagne. Charpentier, 1881,
in-i8.
— Contes de Marins, 3* série des Contes populaires de la
Haute-Bretagne, Charpentier, 1882, in-i8.
Souche (J. B.). Croyances, présages et superstitions diverses,
1880. — Proverbes, traditions diverses et conjurations,
1882. 2 broch. in-8. Niort, Clouzot. (Extrait des
376 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
Bulletins de la Société de statistique, etc., des Deux-
Sèvres.)
SouvESTRE. Le foyer breton. M. Lévy, 2 vol. in-12.
— Les derniers Bretons. M. Lévy, 2 vol. in-12.
— Les derniers paysans. M. Lévy, in-12.
Theuvenot. Notes sur quelques monuments ênciens de la
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rendus de la Société française d'archéologie. Congrès du
Mans et de Laval, 1878.)
Thiers (J. B.). Traité des superstitions. Antoine Desso-
liers, 1679, in-12.
Webster (W.). Basque Legends. London, Griffith, 1877,
in-8.
TABLE ANALYTIdUE
DES MATIÈRES CONTENUES DANS LES DEUX
VOLUMES
Introduction.
PREMIÈRE PARTIE
L*HOMME, LES ESPRITS ET LES DÉMONS
Chapitre I. — Les monuments préhistoriques. 3-44
5 I. Noms que portent les mégalithes S
5 IL Les constructeurs des mégalithes. (Les fées. — Gar-
gantua. — Les saints. — Le diable.) 9
$ III. Légendes et croyances qui s'y rattachent. (Les
géants. — Les fées. — Les lutins. — Les re-
venants. — Personnages enterrés. — Pierres qui
grossissent. — Il est dangereux de leii détruire.
— La roche Saint-Guillaume. — Pierres qui vont
boire certains jours. — Le diable et les méga-
lithes. — Les trésors enfouis; quand et com-
ment ils se découvrent.) 26^
Chapitre II. — Le culte des pierres, des
arbres et des fontaines • . . 45-72
5 !• Culte des pierres. (11 est clandestin ; pierres sur les-
quelles on se laisse glisser pour se marier promp-
378 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
tement. — Saints, tombeaux auxquels on se frotte
ou sur lesquels on marche. — Les pierres à ton-
nerre préservent des maladies et de la foudre.). . 48
§ II. Culte des arbres. (Arbres vénérés; arbres dont
i'écorce guérit; Le chhte rosi (i). — Arbres de la
liberté. — Arbres qui, en raison de leur espèce,
ont des vertus curatives ou prophylactiques. • $8
§ III. Culte des fontaines. (Fontaines où on lave les en-
fants; qui guérissent de la fièvre, etc.; qui sont
consultées comme augures ; auxquelles on se rend
pour obtenir de la pluie. — La fontaine prés de
laquelle on élisait les chefs.) ^S
Chapitre III. — Les fées 73-125
Leurs noms, leur portrait, leur costume, leur race ; fées
exorcisées ; à quelle époque elles ont disparu ; La
bonne femnu qui a vu les fées ; quand elles reviendront. 73
§ I. Les demeures des fées (les tertres, les mégalithes,
lés gros blocs naturels, les eaux, les houles on
grottes de la mer). 86
5 II. Les travaux des fées (étang creusé, château et
chapelle qu'elles ont bâtis) 86
5 III. Les fées et les hommes. — A. Les fées des houles.
(Importance de ce groupe ; résumé des contes qui
s'y rattachent, montrant leur manière de vivre,
les services qu'elles rendaient aux hommes, et
comment elles punissaient ceux qui leur avaient
manqué; raison de la conservation de ces lé-
gendes. — Les fions qui vivaient avec elles. —
Les fions du pont is Hommes nies. — Les fées de
la mer et les sirènes.) 88
6. Les Margot la fée. (Elles habitaient des grottes
ou des mégalithes, venaient étaler leurs trésors,
•
(i) Les mots en italique désignent les cont9s et les eédts de
«quelque importance.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 37^
danser la nuit, etc. — La fie et Us deux filies. — <
Elles avaient besoin du secours des hommes; ce
qu'on leur offrait. -— La filleule des Margot. —
Elles étaient secourables et faisaient des présents ;
elles punissaient ceux qui étaient trop avides. —
Jean Sfnier et la fée. — L'homme qui Us vit vanner
de l'ar. — La Fée lavandière, de nuit. — La fée d
la maison. — Enlèvements d'enfants : L'enfant
changé. — Les Bœu& des Margot.) 10$
C. Autres fées terrestres. (Fées accouchées. — La
fée qui aide la fermière. — Les fées de Saint-Di-
dier étaient secourables, mais ensorcelaient parfois
les gens.) 120
Chapithb IV. — Les lutins laé-i^ô
Bien qu'ils n'aient pas entièrement disparu, on ne les
voit plus guère ; leurs noms ; où ils se montrent, — Les
lutins sont capricieux ; parfois ils rendent service à
certaines conditions : Le lutin dont il faut deviner U
nom. — Méfaits des lutins dans les maisons. — Les
fdlets et Us vieilles filles. — Le lutin qui se chauffe. —
Les follets qui enlèvent l'odorat. — LesfolUts et la vache.
— Le paquet de fil lutin. — Les lutins voleurs de pommes
de terre 116
5 L Les diflt^rentes espèces de lutins. Le lutin des écu-
ries ou Petit-Jean ; ses espiègleries ; il brouille les
crins des chevaux et foule les garçons 141
Le Faudoux se couche sur la poitrine des gens.
Moyens de le chasser. <— Comment une honne femme
s^en débarrassa. — Roulié et le Faudoux ^ etc. . . 144
Le Houpoux se plait à attirer les gens par son cri. 148
L*Êclaireur ou Éclairons ; c'est un prêtre qui a perdu
son hostie; plus généralement un lutin qui se
venge si <» ne lui parle pas poliment x$o
Nicole ou le lutin de k mer, ancieii garde>pftche
qui, après sa mort, se plaît à faire end&ver les pè-
380 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
chenrs; où et comment il apparut; quelques-uns
de ses tours» 15^
Lutins divers : le Ronjous, le Faux singe, le Veau
blanc, la Bète blanche, la Guenne 157
$ n. Les animaux lutins. (Ils peuvent, de même que ceux
du pays breton, prendre une multitude de formes ;
voir pour les détails les monographies des mam-
mifères (a* vol.); Mourioche, lutin-protée. Contes
où il figure : L'ivrogne et Mourioche. ~ Mourioche
blessé, — Mourioche et le tailleur. — Mourioche et
le fermier, etc. La Fausscrole, forme voisine de
Mourioche. — La marie et les paysans. — L'homme
de Calorguen et la bête blanche. — Malfaiteurs qui
exploitent la croyance aux lutins.) 159
$ III. Comment on se préserve du lutin (par l'eau bé-
nite; en lui donnant un ouvrage qu'il ne peut
accomplir avant le chaut du coq; en le brûlant;
en lui montrant la fourche à charrue, etc.). . . 174
Chapitre V. — Le diable 177-202
Ses noms et surnoms ; sa bonne foi; ses déguisements;
comment il s'en va ; contes cités . Il est dangereux de
l'invoquer. 177
§ I. Le diable parieur et lutteur; est trompé par saint
Michel; mais dupe Gargantua. — Le diable et le
charretier , i8x
5 IL Les pactes; comment ils se font; comment le
diable compte. — Le fermier qui promit impru-
demment. — , Le diable qui doit porter dans l'air f ou
transporter où l'on voudra. —- Le diable faucheur : les
pactes sont rompus qiund le démon ne peut rem-
plir une des conditions. — Le diable à la Garaye.
Le diable et les marins 184
$ III. Le diable et les danseurs. — Le diable et le rec-
teur. — Lg diable à l'auberge, etc. ; quand il est
exorcisé, il s'en va en vent ; ses ravages 192
DE LA HAUTE-BRETAGNE 381
§ IV. Les descentes aux enfers. Contes cités. — Le mari
qui alla voir sa femme en enfer. — La fiancée par-
jure. — Le reçu cherché en enfer. — Les chanteuses
enlevées. — Le mort emporté par le diable 197
•Chapitre VI. — Les apparitions nocturnes. 203-220
La crainte de la nuit; esprits qui s'y montrent ou qui
parlent. — Le paysan et le poteau télégraphique. . . , 203
§ I. Le char de la mort; par qui K est traîné; où il
va et comment il se présente; la Grand' Cher-
rée, la brouette de la mort 208
5 II. Les châsses et les cierges errants. Ce que .présa-
gent les châsses posées sur les échaliers. — La
lavandière et la châsse. — Les châsses et les garçons.
— Les cierges errants : Le cierge brisé 211
5 IIL Les hommes blancs et les dames blanches. — La
dame blanche de Moncontour 21$
§ IV. Les filandières de nuit. — Jeanne Malobe. — La
fille qui veille trop tard 217
§ V. Les chasses fantastiques : le chariot de David, la
chasse Saint-Hubert, la chasse Arthu' 219
Chapitre VII. — Les revenants 221-272
Où ils apparaissent : prés des anciens châteaux, sur les
champi de bataille, prés des croix. — L'homme qui est
brûlé par les morts. — La nuit de la Toussaint : Celui
qui frappa une châsse le jour des Morts 221
5 I. Pourquoi et comment se présentent les revenants. 228
A. Revenants qui viennent demander des messes '
ou l'accomplissement à leur place d'un vœu. {Le
voeu à Sainte-Anne. — La neuvaine promise. — La
messe demandée.') 230
B. Revenants qui viennent demander qu'on paie
une dette contractée par eux. (Le mort et la fille
de saint Sulpice. — Le revenant à la messe). ... 235
381 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
ludtiii 11 sipslnue. {Vu-fimi
DE LA HAUTE-BRETAGNE 3%.
hfouée dé vent. — Moyen de se préserver des sorts ;
d'en obtenir des avantages. — Les somnambules.) 274
5 n. Les loups-garoirs et tes hommes transformés en
bêtes. (Pourquoi et comment on devient loup'
garou; comment on cesse de Tètre. — L'homme
qui prend toutes sortes de formes. — Le Bouchier du
Ptd. — Les gens qui vomissent des pattes de chien.
— Le domestique loup-garou. — La truie noire. —
Le coureur de guêrou. — Les meneurs de loups. —
Les bouteilles qui transforment.) 2%^
§ IIL Les animaux sorciers 298-
5 IV. Les livres des sorciers. (Le livre de Salomon. —
Le Petit Albert. — La servante du recteur. — Le
diable et le Petit Albert (deux récits). 7 50a
Chapitre IX. — Dieu et la Vierge. . . 305-318
Rôle de Dieu et de Jésus-Christ dans les contes;
analyses du Mariage de Jean le Diot et de Saint
Pierre en voyage. Contes analysés. — Légende de
Rieux. — La Vierge a pris la place des fées; la
substitution est plus ou moins apparente. •— Contes
cités où sont montrés les degrés dans la manière
dont les conteurs substituent la Vierge aux fées :
Les deux frères, — Le pas de la Vierge. — La
Vierge et les lavandières de Josselin 30$
Chapitre X. — Les saints et les moines. 319-344
5 I. Les saints. (Il y a moins de saints populaires qu'en
Basse-Bretagne; pourtant il circule des légendes
à leur sujet. — Le fossé de saint Aaron ; la Légende
de saint Mauron (extrait). — Saint Roux. — Le
chemin de sainte Blanche, le chemin de saint
Jacques. — Statues qui reviennent d'elles-mêmes.
— Saint Michel et le diable. — Les vengeances des
saints. — Saints canonisés par le peuple : saint
Lénard, la sainte de Chasné, saint Carapibo, la
384 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
tombe k la fille, la tombe de rémigrë. — Divinité
païenne devenant un saint : Vénus et saint Vénier.
*- Les empreintes de saints -{ saint Cast, saint Mi-
chel, saint Cieux, etc.) f • • 319
5 IL Les moines. (Ils sont représentés comme débauchés
et impies. — Les moines de Bosquen. — Les moines
et la jeune fille. — Trésors des moines.) .... 337
Chapitre XI. — Les souvenirs historiques. 345-384
Leur petit nombre ; leur confusion 34;
§ I. Personnages populaires : Arthur, Gilles de Bre-
tagne, Duguesclin, la duchesse Anne ; anecdotes
relatives à cette princesse 347
5 IL Anciens châteaux, anciens seigneurs. — Les trésors
cachés; les souterrains énormes; revenants des
châteaux ; souvenirs de seigneurs cruels : Le sire
de l'Angevinais. — Le moine de Saint-Aubin. —
Légende de Gourmalon. — Les droits féodaux , . 351
5 IIL Villes englouties, cataclysmes, villes disparues. —
^engloutissement de la forêt de Scissey. — Le Juif-
Errant 361
5 IV. Guerres avec l'étranger. — Souvenirs confus; la
descente des Anglais en 1758. — La Vierge du
Temple. — Les Prussiens. — Les corsaires : chan-
son. — Les pontons ; les évasions. — Légende
napoléonienne 367
5 V. Guerres civiles. La Ligue. — Les Fondebonds; li-
gueurs et huguenots. — La chouannerie ; récit.
— Pétaud. — Montignè 381
Les chouans. Prêtres fusillés; l'herbe ne pousse plus
sur le lieu de l'exécution 381
*84-
DE LA HAUTE-BRETAGNE 385
DEUXIÈME PARTIE
LE» ANIMAUX, LES PLANTES ET LES MÉTÉORES
Chapitre I. — Les mammifères domestiques. 3-87
5 I. GéMÉRAUTÉS 3
5 II' Monographies. -^ L'âne. — Noms. Pixn'erbes. Su-
perstitions. — L'âne dans les contes 6
Le bélier. — Noms patois. Proverbes. Supersti-
tions. — Les moutons lutins. — Le mouton errant.
— Le mouton et l'eau bénite. — Mourioche-mouton.
— Vieux loup et ses moutons ix
Le bœuf. — Noms patois. Langage qu'on lui
adresse. Noms propres. Proverbes. Devinettes.
Superstitions et croj'ances. — Bœufs lutins. — La
carrière de vaches. —Les bœufs et la nuit de Noël.
— Le bœuf dans les contes , 20
Le chat. — Noms patois. Proverbes. Devinettes.
Superstitions. — Les chats sorciers : Renault est
mort. •— Baltbasar est mort ! — Le. vin de Bordeaux.
— La bataille des chats. — Contes de chats. , , 39
Le cheval. — Noms patois et noms propres. Langage.
L'attelage et ses noms. Proverbes. Devinettes.
— Les chevaux malades ; les chevaux aux pardons.
— Croyances. Le cheval et la nuit de Noël . . 5;
Le mulet dans la littérature orale 81
Le porc. — Noms patois. Proverbes. Croyances et
superstitions. — - Le cochon lutin. — V homme
changé en cochon • . . . • 82
Chapitre II. — Les mammifères sauvages. 88-125
§ I. GéMÉRAiiTÉs. — Les fauves dans les contes. « . 88
II 25
38^ TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
$ II. Monographies (i). — La baleine. — La belette.
— Le blaireau. •— Le cerf. — La chanve-sooris.
— L'écureuil. — La fouine. — Le furet. — Le
hérisson. — L'hermine. — Le lapin. — Le lérot.
— Le lièvre. Les lièvres sorciers. Le lièvre d
CampUm. — Le lion. — Le loup. Le joueur de
violon. Le meneur de loups. — La loutre. — ^Le
mulot. — Le marsouin. — La musaraigne. —
L'ours. — Le putois. — Le rat. — Le renard. Le re-
nard ei son compère le loup, — La souris. — La taupe. 92
Chapitre III. — Les oiseaux domestiques. 124-144
§ I. Généralités «... 124
§ II. Monographies. — Le- canard. — Le coq; son rôle
important dans la superstition. — Le dindon. —
L'oie. — Le paon. — Le pigeon 126
Chapitre IV. — Le^ oiseaux sauvages . 145-215
§ I. Généralités. — Les oiseaux dans les contes. . • 14^
5 IL Monographies. — L'aigle. — L'alouette. — La
bécasse. — Le bouvreuil. — La caille. — Le ca-
nard sauvage. La cane de Montfort, légende et
chanson. ^-- Le caniard. — Le chardonneret. — Le
chat-huant. — Le chevalier cn-blanc. — La
chouette. — Corbeaux et corneilles. — Le cormo-
ran. — Le coucou. Pourquoi il s'en va. facétie. —
L'épervier. — L'étoumeau. — La fauvette. — Le
geai. — Le goëland. — Le grèbe. — Le grimpe-
reau. — La grive. — La huppe. La huppe et le
pivert. — La lavandière. — La linotte. — Le mar-
tinet. — Lé martin-pêcheur. — Le mauvis. —
(i) Je donne systématiquement : i» le nom patois; 2° le lan-
gage dès bètes ou celui qu'on leur adresse; 30 les proverbes;
40 les devinettes; 50 les croyances et les superstitions; 6^ le
rôle dans lés contes. Sauf pour les monographies importantes,
je ne répéterai pas ces sommaires.
DE LA HAUTE-BRETAGNE 387
Le merle. — La mésange. — Le moineau. — Le
mouchet. — La mouette. — L'oifmie. -* Le
perroquet. Le pnroftut tt le curé. -^ Le perroquet
de mer. ~ Le petit-duc. — Le pètreL — La pie.
la pié et Ut dame. Ltt pie et la fié. — La pie-
grièche. — Le pinson. — Le pivert. — La poule
d'eau. — Le ramier. — Le rossignol. Le rtusignol
et ton cbieu. — Le rouge-goi^e. Le nugê^gorge et
le ehat-buant. — La tourterelle. La tourterelle et
Ueoueou, — Le troglodyte. Le troglodyU et U chat-
huant. Le troglodyU et l*aigle 149
Chapitre V. — Les reptilks 216-244
§ I. Générautés. — Crainte des reptiles. Croyances. —
Les reptiles à Babylone. — Les reptiles préservent
des charmes; leur rôle dans les contes 216
5 IL MoNOGRAPHiBS. — La couleuvre. Superstitions et
rôle dans les contes. — Le crapaud. Superstitions.
Jeu. Vengeances du crapaud. Le crapaud gui
parle. La fille maudite. — La grenouille : inter-
prétations de son langage. Superstitions. Jeu^t. —
Le lézard. Superstitions : rôle secourable. —
L'orvet. -» La salamandre. Superstitions. I^
salamandre et le dormeur. — La tortue. — La
vipère • . . 223
Chapitre VL — Les poissons 245-276
A. Les poissons de mer. — § I. Généralités. — Supers-
titions et contes 24;
^ II. Monographies. — L'anatife. — L'anémone. —
L'Ane de mer. — Le bar. — Le bemard-l'hermite.
— La bonite. — La brème. — Le calmar. -» Le
capelan. — Le chien de mer. — Le cloporte de
mer. •— Le congre. -^ La coquille Saint-Jacques.
— Le crabe. Le crabe et le brigot. -<- La crevette.
— La dorade. — Le grondin. — Le hareng. —
Le homard. — L'huître. — Le lançon. — Le
388 TRADITIONS ET SUPERSTITIONS
nunche de couteau. — Le maquereau. — Le
maquereau bâurd. — La méduse. — La morae.
L'esprit de morue. — La moule. — L'ormier. —
L'oursin. — Le pagel. — La patelle. — La plie.
— Le poisson Saint-Pierre. Le bon Dieu et le
poisson Saint-Pierre. — Le poulpe. Le poulpe d
la sidie. — La raie. — Le roué. — Le rouget. —
La sardine. — La sèche. — La sole. — Le talitre.
— Le turbot. — La vieille. — Le vignot. — La
vive 249
B. Les poissons d'eau douce. ' — L'anguille. — Le
brochet. — La carpe. — Le dard. ^ La sangsue. 274
Chapitre VIL — Les insectes 277-307
Ç I. GÉNÊRAXiTés. — Petit nombre de noms connus. . 277
^ IL MoKOGRAPuiEs. — L'abeille. Superstitions. Les
. ruches et les morts. — L'araignée. — Le
bourdon. — Le bouzier. — Le cerf -volant. —
La chenille. — La coccinelle. — Le colimaçon.
— La demoiselle. — Le dytique. — L'éphémère.
— Le faucheux.-— La fourmi. — Le frelon. —
Le grillon. -«- La guêpe. •— Le hanneton. — La
mouche. — La mouche d'eau. — Le papillon, ht
papillon et le pauvre. — Le perce-oreille. — Le
pou. — La puce. — Le scarabée. — Le staphylinx.
— La tique. — Le ver de terre. — Le ver luisant. 278
Chapitre VIIL — Les arbres 308-324
§ I. GÉN&JUUTis. — > Moyens de les faire périr. . . . 308
$ IL Monographies. — L'ajonc. — Le bouleau. — La
bruyère. — Le cerisier. — Le châtaignier. — Le
chêne. — Le coudrier. — L'églantier. — L'épine.
— Le genêt. — Le gui. — Le houx. — Le lau-
rier. — Le lierre. — Le noyer. — Le ponunier.»
La ronce. — Le rosier. — Le saule. — Le sureau.
— Le tremble 509
DE LA HAUTE-BRETAGKE 389
Chapitre IX. — Les plantes 325-346
5 I. Génékautés. — Les herbes magiques. — Les deux
chiens ^ • • 3^$
% IL MoMOGRAPHiBS. — L'aiL — L'anis. — L'avoine.
— Le blé. — Le bleuet. — Le champignon. —
Le chanvre. — Le chardon. — Le chou. — La
citrouille. — Le coquelicot. ~ Le cresson. — La
cuscute. — La digitale. — L*euphorbe. — La
fève. — La fougère. — La fraise. — La jamotte.
— La joubarbe. — La jusquiame noire. — Le lin.
— La marguerite. — La mercuriale. — La mousse.
— Le navet. — L'ortie. — La parelle. — Le
persil. — Le pissenlit. — Le plantain. — Le pois.
— Le saigne-nez. — Le sarrasin. — Le serpentaire.
— Le serpolet. — Le trèfle. — La verveine. —
La violette 328
Chapitre X. — Les météores 347-366
L*arc-en-ciel. Comment on le coupe. — Les aurores
boréales. — Le brouillard. — Les comètes. —
Les éclipses. — Les étoiles; les étoiles et les
Ames. •— Le feu follet. — La lune ; son influence.
— La neige. — L'orage : moyens de se pré-
server de la foudre. — La pluie. — Le soleil.
— Les vents 347
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gard, avec musique. 3 vol 22 fr. 50
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J. ViMSOM. Littérature orale du pays hasque. i vol.
Le Héxichbk. Littérature orale de la Normandie.
£. Rolland. Rimes et jeux de Venfanu.
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